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par la suite inspirera à Bartôk de nombreux chefs- lors, on voit bien ce qu'une description trop exclu-

d'æuvres (Quatrième et Cinquième quatuors, sivement tonale de cette partition a de réductrice.


Concertopour orchestre).On avouera ici notre scep- Ajoutons encore qu'à I'instar d'Erwartungou de Die
ticisme : outre la trop rapide identification de Ré glùckliche Hand que Schônberg compose exacte-
dièse à Mi bémol (ces tonalités ne sont pas inter- ment à la même période (entre 1908et 1913),Barbe-
changeables : elles n'ont ni les mêmes caractéris- Bleue esl durchhomponierf, et se développe sans
tiques, ni surtout le même pouvoir d'évocation), thèmes ni redites. ll est pourtan! une instalce, pré-
cette idée - certes séduisante sur le plan intellec- sente du début à la fin de l'æuvre, que Bartôk a
tuel - fait trop rapidernent I'impassesur la compo' choisi de thématiser: le sang.Pister ce seul élément
sante modale de toutes ces tonalités telles que de permanence, son rôle dramatur$que et le travail
Bartôk les emploie ici. Ainsi, si Do est majeur pour que sa représentation opère dans cette partition,
I'essentiel, Ré dièse fait surtout appel à la gamme est I'axe prioritaire du commentaire.
par tons, tandis que Mi bémol est bien majeur. Dès
. Judith, me suÎstu cncore ? . Monte Jaffe Prologue et introduction
@arbe-Bleue), Kathryn HarrÎes (Judith). Au xxesiècle, tout prologue qui choisit I'adresse
Production Stefanos Lazaridis' directÎon
directe aux spectateurs commence par parler la
muslcale Vachtang Matchaoiani, Scottish
même langue qu'eux. Sas entre le monde du specta-
Opera, Glasgow 1990. P.Deulin.Coll.OperaMagazine.
teur où I'on parle, et celui du spectacle où I'on
chante, ces entrées en matière sont toujours des
actes théâtraux d'une grande force. Comme celui
delaLulu de Berg le prologue concentre, sous une
forme certes énigmatique - et donc supposée allé-
chante -, I'essentiel du drame qui va suivre : il en
retient la dimension intemporelle (archaîsme de la
forme, qui est celle de la ballade populaire, symbo
lisme du fond), et la dimension universelle. Nous
sommestout à la fois invités à nous intéresserà une
Iable, et à plonger en nous-mêmes(* Où est la scène:
dehors ? dedans ? ,,). Origine et sens du ( conte D,le
calisationde Ia scène,sels de la destinéehumaine:
ici, nous voilà prévenus avec solennité, tout ne sera
qu'interrogation.
Le barde parlè encore qu'aux cordes graves, par
un bêau fondu sonore, un prélude s'ébranle. En
notes lentes et égales,il se glissesous ses dernières
paroles. Le climat harmonique ? Fa dièse - ni ma-
jeui. ni mineur mais pentatonique. ll n'est pas anG
din pour notre propos de remarquer qu'il s'agit là
d'un mode privé de demi-tons.La ligne mélodique?
Descendante : c'est celle de toutes ces ballades
dont I'origine se perd dans la nuit des temps.
Comme Erda redescendait au cæur de la terre une
fois sa prophétie délivrée, le barde est à son tour
happé par les ténèbres.Tout-à<oup, Barbe-Bleueet
Judith sont là. Qui le dit ? Les hautbois et les clari-
nettes, qui dessinent,comme au scalpel, la pre-
mière figure instrumentale de l'çeuvre.Ce n'est pas
un thème : c'est une crampe. Entendez comme
cette figure, répétéesix fois en douze mesures,met
en exergueson intervalle premier : un demi-ton (ou
une secondemineure).

lleno mosso ) " ft

7n@frarc.

Exemple I

Les vingt-quatre premières répliques constituent


I'introduction à I'n action , de Barbe-Bleae.Dans un
premier temps,Ia femtnese montre à la fois intirri-

104 BARTOK
REGôS PRoLÔGUSA PROLOGUEDU CONTEUR

Hajregôrejtem Jeveuxdire un conte


Hovâ,hovâ rejtsem Comrneon dit et raconte.
Hol volt, hol nem: kint-evagybent ? Il était une fois : dehors? dedans?
Régirege,haj mit jelent, Conteancien,ah, quelsensil a,
Urak,asszonysâgok ? Seigneurset fontes ilames?

im szôlalaz ének. Voici: le chants'élève,


Ti néztek.én nézlek. Vous regardez,je vous regarde.
Szemtnk pillâs fùggônyefent : Le rideaudenos cils se lève:
Hol a szinpad: kint-evagybent, Où est la scène: dehors? dedans?
Urak,asszonysâgok ? Seigneurset gentesdames.

Keservesés boldog Amèreset heureuses


Nevezetesdolgok, Histoirestres fameuses
Àz vilâgkint haddaltele, Dehors,le mondeest plein de guerres
Denemabbahalunkbele, Maisnotre mort ne viendrapasd'elles,
Urak,asszonysâgok. Seigneurset gentesdames.

Nézzûkegymâst,nézziih Nousnousregardons,regardons,
Regénketregéljùk. Notreconteracontons.
Ki tudhatiahonnanhozzuk? Qui sait d'où nousle tenons?
Hallgatjukés csodâlkozzuh .Emerveillés,nousl'écoutons,
Uralçasszonysâgok. Seigneurset gentesdames.

(A frtgôny szétudlik a hdta môgôtt.) (Le rtdeau se lèuederrière lui.)

Zeneszô|,a lângég, La musiquefuse,la flammedanse,


Kezdôdjôna jâték. Quele spectaclecommence.
Szemempilliâsfûggônyefent. Le rideaude mescils est levé.
Tapsoljatokmajd,ha lement, Applaudissezquandil serabaissé,
Urak,asszonysâgok. Seigneurset gentesdames.

Régivâr, régi mâr C'estun bienvieuxmanoir,


Az meseki rôlaiâr, C'estunebienvieillehistoire.
Tik is hallgassâtok. Oyez-lavousaussi.

(Hatalmas,herehgâtikuscsamoh.Balra meredeh (IJnegrande sallerondede stylegothique.A gauche,


lëpcsôæzet fel eg/ kis Dasaitdhoz.A léWs6tôljobb- un escalier raide mène à une petite porte en fer. A
ra hét nagt ajtô aan a falban ; négy még szem- droite de l'escalier, il y a septgrandesportes dans
ben, hettô mdr egészjobboldalt. Ktilônben sem le mur; quatreen facedu public, et deuxà l'emême
ablah, se dfsz. A csamok îires, sôtét, rideg szikla- droite.A part cela,il n'y a ni fenêtresni décors.La
barlanghozhasonlatos. Mihor a fùggônyszétudlih, salle est uide,sombre,inhospitalière,semblableà
teljes sôtêtséguan a szînpadon,melybena regos une couerne.Quandle rideause lèue,lo scèneest
eltiinih. plongéedansI'obscuritêoù le conteurdisparaît.
Hirtelenhinyilihfent o kis uasajtôés a uahîtdfehér Soudain,la petite porte en fer s'ouure et dans un
néEszôgbenmegjelenik a Kéhszahdlhiés Judit fe- rectanglede lumièreaueuglanteie découpentles
ketesziluettje.) silhouettesnoiresde Barbe-Bleue et de Judith.)
rÉxszrx.ÀI.Lû I BARBE-BLEUE
Ilegérkeztûnk.
- ime léssad: Noussommesarrivés.- Regarde:
Eza Kékszakâlltivâra. C'estle châteaude Barbe.Bleue.
NemtùndôkôI,mint atyâdé. Moinssplendidequechezton père,
Judit,jôssz€mégutânam? Judith,mesuis-tuencore?
JUDN 2 JUDNH
Megyek,megyekKékszakâllû. Jeviens,je viens,Barbe-Bleue.
(, ejôn néhdnylépcsôt.)
KÉKszAKAtff 3 BÀRBDBLEUE (ll descendquelquesmarches.)
Nemhalloda vészharangot ? N'ois-tupassonnerle tocsin?
Anyâdgyâszbaôltôzkôdôtt, Ta mèrea revêtule deuil,
Atyâdéleskardotszijiaz, Ton pèreceintsonépéetranchante,

BARTOK IO5
. - :.:,1:;1}t.l;t:.,.:.a61,1:*'1ïait*;ij::!, r3ffi|iiilt(:Llajjfi::i'àêt*s,*iifiè& 'r{q'

Testvérbâtyâdlovat nYergel. Ton grandfrère selleson cheval,


Judit,jôsszemégutânam? Judith,mesuis-tuencore?
4 JUDIT 4 JUDITH
Megyek, megyek Kékszakâllti. Jeviens,je viens,BarbeBleue.
Judit (Barbe-Bleueaniue en bss et se tourne uersJudith
@kepszanaUûtei,Ônegêszenés uisszafordul
felé, aki a tëpcsôhôzepén megdllt.Az ajtdn beesb qui s'estanêtéequ milieu de I'escalier'Le faisceau
fénykéuemeguilôgitiaa IéWs6tés henôjiik'alafudt.1 de lumièrequi entrepar la porte éclaire l'escalier
et lesdeux silhouettes.)
. ;.: :i+3|lf-ril!i:f."i iv

dée et soumise(angélismede la ponctuationde Bettelheim,llque chez PerraultBarbe-Bleueest


flûte et hautboisaccompagnant sespremièresré- moins une aflaire d'amour que de possession
pliques)i dansle second,elle osedavantage.Dèsla sexuelle.Qui dit possêssion, dit attirance: le:bref
premièrerépliquede I'opérase remarquela phrase fuffi est un momentde brusquerie- sinon de bruta-
musicalecaractéristiquede I'opéra entier, où le lité - anxieuse(souffletsdynamiquessur chaque
chanténe fait quesuiwe I'inflexionde la languepar- mesure) où passentquelquesfrissons (petites
de notes).CombienBarbe-Bleuedoit être attirant ! Et
. lée (note la plus hautepour commencer,ligne qui confère
'' chuie).Dansce contexte'la parfaiterégularitéryth- la u rumeurr attachéeau personnage,
miquedévolueà Barbe-Bleuesignalele calmeintê une forte dimensionfantasmatiqueà cette atti-
rieurde l'homme, rance,ne fait que renforcerce pouvoir de séduc-
tion. L'embrassemént des deux épouxse déroule
entièremententre Fadièseet Do. Do majeurserala
-Me-Bleu-e .
tonalité d'appui de la cinquièmeporte, qui mon-
*rt trerata personnalitéde I'hommeà son point d'épa-
i-rae l'És-szcl'a* à Kil'sra-tât'lfi nouigsement maximal.
ExemPIe2

tandisque la dimensionplus saccadéede cellede


Judithtrahit l'anxiétéde la nouvelleépouse.Qui a't'
elle épousé? Quesait-ellede lui ?

Junith

u Exemple 5
Acgy.h,rne-gYe]<, I(dk -sza ldl - lù'

ExemPIe 3 L'homme alors ordonne la lermeture de la porte


donnant sur le monde extérieur. Les ténèbres
I L'homme laisseà sa femme toute liberté de partir s'épaississent. Toutefois les sept porles intérieures
- et la répétition de ses questions (^ Judith' me suis- sont visibles. Le compositeur déroule sous les
fu ? ') prouve qu'il la sent encore hésitante. Judith' pieds de I'homme et de la femme face à face un oslt:
qui jusquelà n'avait chanté que de brèves réponses nafo tugubre aux cordes graves (mise en mouve-
à son époux, se lance. Elle chante alors à plusieurs ment du matériel pentatonique d'introduction)'
reprisei, en un Fa dièse modal,lole même motif, sur L'huis clos peut commencer' Pétrifiée- mais littéra-
une phrase cette fois moulée en ( v Drenversé : fût-il tement fascinée -, la femme commence son explora-
ici de très faible ambitus (une quinte), c'est le galbe tion. Sa ligne de chant est un murmure apeuré,réfu'
de la déclarationd'amour de I'opéra romantique' gié dans le grave sur son Ré dièse initial. Son chant
Elle semble vouloir s'en convaincre (répétition) : n'ose s'élever (de Fa dièse à La dièse), pour la pre-
.l
désormais,elle appartient à cette demeure. Mais mière fois, que lorsqu'elle fait une allusion mysté'
I quelle est donc cette demeure? rieuse à la r rumeur D: c'est alors une magnifique
I déploration vocale sur trois notes, souplement ani-
I
,l â tenPo J' sa mée par le changementcontinuel de mesure.

ilIl ?oco sostenu-to t'lo - - -


lil
il
B.laEr.taa ar a'la, e'apin, El'lr3y'tras*rtrs'u-rÉ'U'r, Ja-dith riùarcl. _-a1
il

H ExemPle 4
lr
l,l ,(i ed lât-hâ, jaj, :rens$l-na, Stt'tô#Lir el -}al-kulna.
Rassuré,I'homme attire alors à lui sa nouvelle
épouse.C'est le moment de rappeler' avec Bruno Exemple 6
1l
106 BARTOK
. Maintenan, que la porte se ferme. . Berthe Monmart (Judith), Xaaier Depraz (Barbe-Bleue).
Production Marcel Lamy et Felix Labisse, direction musicale George Sebastian,
Opéra-Comiq ue, Paris I 959, Lipnitzhi-Viollet.

,, . t i i' : - , . . : : 1 , : : : - r ; ; ; r - l _ l : ii:i1:;

xÉxszmlu-û BARBËBLEUE
Judit? Mennélvissza?
Megâllsz Tu t'arrêtes? Reculerais-tu
?
JtJWr(Mellre szoritott hézzel.) JUDITH(les mainssenéessursa poitine.)
Nem.A szoknyâmakadtcsakfel, Non.J'aifait un accrocà marobe,
Felakàdtszépselyemszoknyâm. A ma bellerobede soie.
xÉxsarÂu-û BARBLBLEI,N
Nyitvavanmégfentazajtô. En haut,la portebéeencore.
8 JUDN 8 JUDITH
Kékszakâlhi
! Barle-BleueI
(Lejônnéhdnylépcsôt.) (Elle descentiquelquesmarches.)
Elhagtamazapâm,anyâm, J'aiquittémonpèreet mamère,
Elhagtamszéptestvérbâtyâm, J'aiquittémonsi beaufrère,
(Kôzbenlejôn egészen.) (Entrelemps,elle aniue en bas.)
Elhagytama vôlegényem, Et j'ai quittémonfiancé
Hogvvâradbaeljôhessek. Pourte suivredanston château.
(A Kékszokôtlûhoz simul.) (Elle se blottit contreBarbe-Bleue.)
Kékszakâlhi! Hakiuznél, Barbe-Bleue !Si tu me chassais,
Kùszôbôdnél megâllanék, Jem'arrêteraissur ton seuil,
Kûszôbôdre lefekûdnék. Jemecoucherais sur ton seuil.
9 KEKSZÀKÀLLÛ (A Kékszakôllûmagdhozôleli.) 9 BARBE-BLEUE (la senant danssesÔrcs)
Mostcsukôdjon be azajtô. Maintenant, quela porteseferme.
(A hisuasajt1fent becsukôdik.A csamokuildgosabb (Lo petite porte en fer se ferme.La salle reste
marod,de csoképphogyo két alok es a hét nagy éclairéejuste assezpour qu'on uoie les deux sil-
feketeajtô ldthot6.) houetteset lesseptgrandesportesnoires.)
l0 JUDIT (A Kékszakôllûkezét fogua tapogot6dzuo l0 JUDITH (tenantla main de Barbe-Bleue et aDançant
eliSrejôn, a bal fal mellett.) à tôtonsle longdu mur de gauche)
Eza Kékszakâllft vâra! C'estdoncle châteaude Barbe-Bleue !
Nincsen ablak? Nincsen erkély? Ni fenêtre? Ni balcon?

BARTOK 107
I1 KÉKSZAKÀ.TÛ 1I BARBËBT.ETJE
Nincsen. Non,non.
12 JUDIT 12 JI.JDIT}I
Hiâbais sùt kint a nap? Envain fait-ilsoleil dehors?
13 KÉKSZAKÂUT 13 BÂRBÊBI-EUE
Hiâba. - Envain.
14 ruDIT 14 JTJDIT1I
Hidegmarad ? Sôtét marad? Toujourssi froid ? Toujourssi sombre?
15 XÉK5ZAKÂILI] 15 BÀRBEBTEUE
Hideg,sôtét. Si froid, si sombre.
16 Jf.JDnËrôôbrejôn.) 16 lllDlfll (s'auançant)
Ki ezt lâtnâ, jai, nemszôlna, Si on le voyait,on se tairait
Suttogôhir elhalkulna Et la rumeurse tarirait.
17 KÉKSZAKÂIuJ 17 BARBEBT^EUE
Hirt hallottâl? Quellerumeur?
18 JIJDIT l8 ruuTH
Milyen sôtét a te vârad ! Cequeton châteauest obscur !
( EI6bbre taryatôdzw. Megrezzen.) (s'auançantencore,elle tressaille)
I fæ'&$'â&:.i!

17 LoisqueBarbe-Bleue lui demandede préciserla A contre-temps, seuledansle registiesuraigu,cette


naturede * la rumeurr, Judithse tait. Ellerépondra gouttequi tombeà trois reprisesest,à ce point de
plus tard à cette question,beaucoupplus tard... la partition,associéepar tous les commentateurs
Soulignantle poidsdu silencedansce couple,une au sang.Momentsansdoutede rappelerI'extrême
clarinette@ientôtsuMe par cor anglaiset basson: attentionportéeà cet intervallepar tous les grands
une couleurde séductlonet de deuil inextriquable- compositeurs,autour de 1910,pardelà fes diver-
ment mêlés)la relaie.Tandisque la femmeprend gencesesthétiquês,et particulièrementpar ceuxde
physiquementcontact avec ( sa D nouvelle de- I'Ecolede Vienne.Commentne pas songerque,
meure,avecson humidité,seslarmesl2- autrement quelquesannéesplustard,Bergassociera'lui aussi
dit son humanité-, sur le fondorchestral(ostinato la secondemineureau sang, dans Wozzech? Le
de cordes graveset ligne rythpée de la clarinette) sang,alors,seraitceluide I'hommedont cettede-
se dessineunèfiguresobreet nett€: une seconde meureseraitla personnalité ? Quelleest doncdans
mineureaux hautboiset auxflûtes. ce casla fonctiondesépousesde ce Barbe-Bleue-
là ? Souflrirpar lui - ou le fairesouffrir?
22 Unesymphoniede bois se tissealors autourde
a ternpo l'époux,tandisque l'épouserévèleson projet - ô
combienféminin- qui se veut salvateur: arracher
I'homme aux ténèbresde son passé.Cette ma-
næuvremèneau premierclimaxorgastiquesur un
orchestredont la sonoritédilatéen'est pas sans
rappelercelui qui accompagnela Scloméde Ri-
chard Strauss.l3 L'orchestremartèIe,, la femmeor-
donne,I'hommeserecroqueville.
28 Ne pouvantse retenir davantage,danssa soif de
connaître,Judith se rue sur la premièreporte avant
mêmed'en avoir obtenula clef. Stupeur; point
d'orgue.Le nvent nocturner qui lui répondestune
indicationscéniqued'ordre purementsonoreque
Bartôk- se réservantpour le visuel- choisitde ne
pasmettreen musique.A présentque I'actionest
lancée,le temps de I'opéra est régi par le méca-
nismetriolairesuivant,aussiimmuabledansson
principeque varié danssa réalitésonore: tout
d'abord un moment relationnel fort avant I'ou-
verturede la porte,puis I'ouvertureproprement
Exemple 7 dite (paged'orchestre),enfinles conséquences de
l'effraction.

IO8 BARTOK
àrrqt i

Vizesa fal ! Kékszakâllti! Le mur esthumide!BarbeBleue!


Milyenviz hull a kezemre? Quelleeauruissellesur mesmains?
Sir avârad !Sir avârad ! Ton châteaupleure! Ton châteaupleure!
(Eltaharja a szemét.) (Elle se couure les.veux.)
19 Id$ZAKÂIIÛ 19 BARBFÆLEIJE
ljryq Judit,iobb volnamost Judith,tu seraismieux,n'est{e pas,
Vôlegényedkastélyâban: Dansle châteaude ton fiancé:
Fehérfalon lut a rôzsa, Un rosier grimpesur le mur blanc,
Cseréptetônt6ncol a nap. [c soleildansesur lestuiles.
20 JTIDIT 20 JUDN}I
Ne bânts.ne bânts Kékszakâllti! Pitié,pitié, BarbeBleue!
Nemkell r6zsa,nem kell napfény ! Quem'importentles roses,Ie lour !
Nemkell r6zsa,nem kell napfény ! Quem'importentlesroses,le jour !
Nemkell...nemkell... Quem'lmportent...Quem'importent...
Nemkell... Quem'importent...-
Milyen sôtét a te vârad ! Qu'il est sombre,ton château!
Milyen sôtét a te vârad ! Qu'il est sombre,ton château!
Milyensôtét... Qu'ilestsombre...
Szegény,szegényKékszak6llû! Pauvre,pauwe BarbeBleue !
(Zohogn leboruIa Kêkszahdllû el6tt és csôko$aa (ElIe s'effondreen sanglotantdetmnt Barbe-Bleue
hezét.) et lui baiseles mairs.)
21 KÉKSZAKÂUI] 2I BARBLBI,ET]E
Miért jôttél hozzâm,Judit ? Pourquoies-tuvenuechezmoi ?
22 NWr (Felugorua.) (se redresse)
22 JI.JDITH
Nedvesfalât felszâritom, J'assécherailes rnurshumides,
Aiakammalszâritomfel ! Demeslèvres,je les sécherai!
Hidegkôvét melegîtem, Je réchauf{erailes pierresfroides,
 testemmelrnelegitem. Demon corps,les réchauf{erai.
Ugyeszabad,ugyeszabad, Permetslemoi, permets-lemoi,
Kékszakâllti! BarbeBleue!
Nemleszsôtét a te viirad, Ton châteaune serapassombre,
Megnyitjuka falat ketten. Tousdeux,nousperceronsle mur
Széllejârjon, nap besûssôn Pourque pénètrentvent et soleil,
napbesûssôn, ventet soleil.
Tùndôkôljôna te vârad ! Queton châteaus'illumine!
æ KÉKSZAKÂIU]I 23 BARBËBLEI.JE
Nemtùndôkôlaz én vâram. Mon châteaun'est paslumineux.
24 nnfi (Jobbm befelémegt.) 24 InffH(ua à droite, uersIe milieu de Ia scène)
GyerevezessKékszakâllû, Allons,conduis-moi,BarbeBleue,
Mindenhovâvezessengem. Mène-moi,conduis-moipartout.
(Beljebb megy) (EIleauanceuersle milieu..)
Nagycsukottajt6katlâtok, Jevois de grandesportescloses,
Hét feketecsukottajt6t ! Septportesnoireset fermées!
(A Kéhszahdllûnémân,mozdulatlanulnéz utdna.) (Barbe-Bleueregardedanssa direction)silencieux,
immobile.)
Mért vannakaz ajtôk csukva? Pourquoicesportessontellescloses?
25 KÉKSZAKÂLLÛ 25 BÀRBEALEUE
' Pourquepersonnen'y regarde.
Hogyne lâssonbelesenki.
26 JUDIT 26 JUDITH
Nyisdki, nyisdki !Nekemnyisdki Ouvre,ouvre!Ouvreiesmoi,
Ivlindenajtô legyennyitva ! Quechaqueportesoit ouverte!
Szélbejârjon,napbesùssôn! Quepénètrentvent et soleil!
27 KÉKSZAKÂff 27 BARBE-BLEUE
râ, milyenhir iâr.
Emlékezz Penseà ce quedit la rumeur.
28 JUDIT 28 JUDITH
A te vâradderùljônfel, Queton châteaus'illumine,
A te vâradderùliônfel ! Queton châteaus'illumineI I

BARTOK IO9
. Ton château
pleure ! ,
Katherine
Ciesinshi (Judith),
H enkS mi t
@arbe-Bleue),
productîon de
Herbert Wernicke,
dîrection musicale
Hartmut Hiinchen,
Amsterdam 1991.
Jaap Pieper.

.i;*1€jli.!t{:11ixr1:.ri i:;rl'

Szegény, sôtét,hidegvârad! Malheureux château,tristeet froid I


Nyisdki !Nyisdki lNYisdki! Ouvre!Ouvre!Ouvre!
(Dôrombôlaz elsÔaitôn. (EIIetombourineà la premièreporte.
A dôrômbôlésremély,nehézsôhajtdsbugfel-Hosszti, A ce bruit, un profondsoupirs'élèue.C'estle uent
nyomottfolyosôkonsfr fel (gr az éiszakaiszé\.) noctumequigémitdansleslongscouloitsoppressants.)
JajI oh!
(Visszahdni I a Kékszahôlltihoz.) (reculantuersBarbe-Bleue)
Jai! Mi volt ez? Mi s6hajtott? Oh !Qu'était-ce qui a gémi?
? Qu'est-ce
Ki sôhajtott? Kékszakâllû ! Quia gémi? Barbe-Bleue !
A te vâradI A te vâradl C'estton château! C'estton château!
A te vârad! C'estton château!
29 KEKSZAKÂLLÛ 29 BARBE.BLEUE
lels z € i Astu peur?
(Csendesen
30 JUDIT sû'ua.) (pleuranttoutbas)
30 JUDITH
!
Oh,a vâradfelsÔhajtott a gémi!
Oh,toll château
I

I1 0 B A RT O K
- Pourquoi es-tu
oenue chez moi ? .
Samuel Ramey
@arbe-Bleue) et
Jessye Norman
(Judith).
Production
Giiran Jiintefelt,
dïrection
music<tle
James Leoine,
Metropolîtan
Opera, Neu York
1989. WùtnieKlotz.

Première porte plume de Bartôk : la préfigurationdu magnifique


nocturne central du Quatrième quatuor à cordes
28 Si l'on retient I'idée que cette demeure est allégo (1928) est saisissante.Et entendgns aussi son
r ie de la pe rso nn alité ,d e la v ie int ér ieur e,ou de brusque arrêt, sur la crampe initiale de l'æuvre
l'âme de son propriétaire, on peut suggérer que (ex. 1), au moment où Judith remarque la plainte .
I'hommechoisit de montrer de lui-mêmed'abord le Le poète dit la souffrance? Le musicien,par trois
pire. Torture, armes de guerre : blessures.nlo- fois, alors qu'aucuneporte n'a même été ouverte, et
giques ', et sang ( naturel n ? Oui : nrais surtout, qu'on rre < sait r rien encore dc Barbe-Bleue,dit le
c'est l'homme donnant[a souffrance,puis la mort. sang.
Par deux fois la femme reculera d'horreur ; par
deux fois le sang imposera son évidence.Arrêtons- Clarlnette(en I'a)
nous un instant avec Juclith devant la première
porte, au moment oir elle-mêmedemeurecoite. Le
gémissementqu'ellea entenduI'a clouéesur place.
Entendonsici la lignede clarinettequi accompagne
son émoi. C'est une mélopée récitative,une mélo-
die tarogalola- la prenrière à apparaître sous la ExentpleI

BARTOK lll
,il8éi r 9. :ir;:ta'?èr.d?Éi*: r. ,,. ..,;ç,i';,.;*.,-- . ; ';ii**!,1ù:Jçr;ta-;;,Sttr
3t
', 'r

3I KÉKSZAKÂIÛ 3I BARBSBI-TUE
Félsz? As-tupeur ?
32ruDn 32 JUDTru
Oh avâradfels6hajtott! Oh,ton châteaua gémi!
Gyerenyissuk,velemgyere. Ouvronsle,viensavecmoi.
Énakaromkinyitni,én ! C'estmoi qui veuxI'ouvrir,moi,
Szépen,halkanfogomnyitni, Doucement,tendrement,doucement!
Halkan,puhiân,halkan! BarbeBleue,donnemoi la clef,
Kékszakâllti,add a kulcsot, Donnemoila clel car je t'aime !
Àdd a kulcsot,mert szeretlek!
(A Kékszahdll,tit:dlldrs borul.) (Elle appuie sa tête surI'épaule de Barbe-Bleue.)
$ KÉI$ZAKÂIU 33 BARBEET.EI.JE
Âldott a te kezed,Judit. Queta mainsoit bénie,Judith.
(A hutcscsomômegcsôrreno sôtétben.) Qæsclek tintent dansl'obscurité.)
34 JIjDIT 34 JTJD{TH
Kôszônôm,kôszônôm! Merci,merci,merci !
(Visszamegraz elsô ajtôhoz.) (EIle retoume uercla premièreporte.)
En-akaromkinyitni,én. C'estmoi qui veux I'ouwir, moi.
(Mihora zdr æatton,felbûga mélyfôldalattis6haitds.) (Quand la clef tourne dans Ia seûure, Ie profond
soupirsouterrains'élèue.)
Hallod? Hallod? Entends-tu? Entends-tu?
(Az aIô feltôru\,uéruôrôsnégtszôgetnyituaa fa{ba, (La porte s'ouure,découpantdans le mur un rec-
mint egy seb. Az ait6 môgiil mélybôliôuô uéres tanglerougesang,commeune blessure.La lueur
izzds hosszrisugaratuet be a csarnokpadlôidra-) sanglonte.uenant desprofondeursprojetteun long
rayon surle plancher de la salle.)
Jaj! oh!
35 KÉKSZAKÂIÛ 35 BARBEAI.^EIjE
Mit lâtsz? Mit lâtsz? Quevois-tu? Quevois-tu?
**Fr$!*â'À.fs.4;*iùl&&i.ii:!1; -:s {i
a

Cette ouverture doit projeter, d'après le væu de


4? Quatuot à c'ordes, 5:I'1o.v'. (æ. Balâzs, une lumière rouge sang: Bartôk, figeant vie
zz æ rainaa:)
lons et clarinette sur un cri d'un demi-ton. fait crier
, le sang dans sa symphonie. Pousséepar son parte
naire, Judith nomme les objets qu'elle voit, accom-
pagnée par un orchestre saturé de trilles. Tout-à-
èoup, etle aperçoit réellement le sang : Bartôk
33 L'homme - cloué à son tour par l.'imparable résorbe tout I'accompagnement à I'exception ciu
n Donne-moi la clef parce que ie t'aime D - a, à trille de flûte (demiton), et de deux accords de se-
l'égard de sa partenaire,un geste d'une profonde conde mineure (par trompettes avec sourdine et
générosité. Faisant là don de lui-mêrne, il a la su- hautbois).Ainsi le sang agit à la fois de manière sta-
prême élégancede I'en remercier: cet octosyllabe tique - comme un signal (trompettes) - et dyna-
moulé en ( v Drenversé,sur une simple tenue des . mique - par le trille. Ne sommes-nouspas tentés de
cordes dans un orchestre raréfié et en paix (une relever, à ce point de notre commentaire,la double
touche d'Ut mineur), est sa première déclaration dimension de ce symbole - ambivalententre tous -,
d'amour. à la fois synonyme de vie et de mort, de mort don-
née et de mort vécue ?
Anùante J.84-72'
Eatbe'Bleue En haut:. Oh, ton château a gémi ! "
Katherine Ciesînshi(Judïth), Henh Smït @arbe-
Bleue). Productîon de Herbert Wernicke,
dt.aott a te ke - reô, Ju- d.it directïon musïcaleHcrtmut Hiinchen.
Opéra d'Amsterdam 1991.JaapPieper.
Exemple I
En bas : * Donneqnoi la clef car je t'aime ! "
Judith ouvre la première porte : moment saisis- GwynneHouell @arbe-Bleue),Sally Burgess
sant, où la parole est à I'orchestre seul. Un trémolo (Judith). Praduction de Daoïd Alden et Nigel
aigu des violons et des clarinettes,zébré par une fu- Lowery, direction musicale Mark EIder. English
sée de rylophone etfde piccolo, vrille I'atmosphère. National Opero, Londres 1991.M.LePoerTrenclt.

II2 tsARTO K
. Les murs du clrâteau
çont sanglants ! "
GutJtnne Housell
@arbe-Bleue), Sally
Burgess (Judith).
Production de Daaid
Alden et Nigel Lowery,
direction musîcale
Mark EIder, English
Natîonal Opera,
Londres 1991.
M. Le Poer Trench.

36 JUDIT(Mellreszoritofthézzel.) 36 JUDITH(les mains sen'éescontre Ia poitrine)


Lâncok,kések,szôgeskardk, Chaînes,poignards, pieux acérés,
. Palsincandescents...
lzz6nyârsak...
37 KEKSZAKALLÛ 37 BARBE-BLEUE
Judit.
Eza kinz6kamra, C'estla sallede torture, Judith.

38 JUDIT 38 JUDITH
a te kinzôkamrâd,
Szôrnyû Ta sallede torture est horrible,
! Szôrnyù,szôrnyuI
Kékszakâllir Barbe-Bleue. Horrible,horrible !

39 KÉKT7ÀKALLÛ 39 BARBE-BLEUE
Félszæ
? As-tu peur ?

114 BARTOI(
r
i 4?n
40 JUDff(Ôsszerezzen.) 40 JUDITH(E//e tressaille.)
A te vâradfalavéres! Lesmursdu châteausontsanglants!
A te vâradvérzikI Ton château,il saigne!
Véres...vérzik... Sanglant...ll saigne...
41 KÉKSZAKALLÛ 4I BARBE-BLEUE
Félsz-e? As-tupeur?
42 JlIDlf(tlisszafordul a Kékszakdlû felé.A piros fény 42 JUDITH (EIle se tourne oersBarbe-Bleue.La lueur
izzd kontûrt ad az alahjdnok. - Sdpadt,csendes rougedonneun contourardentà sa silhouette.-
ekzdntsdggal.) Puis,pô.\e,d'une uoix doucemaisferme))
Nem!Nemfélek.Nézd.derûlmâr. Non!Je n'aipaspeur.Vois,tout s'éclaire.
Ugyederùl ? Nézdezt a fényt. N'est<epas? Regardecettelumière.
(Ouatosana fénysdupartjdn uisszamegya Kék- (En marchantauecprudencesurIe rai de lumière,
szakdlhihoz.) elle retoume uercBorbe-Bleue.)
Lâtod? Szépfénypatak. Tu vois ? Un beautorrent de lumière.
(Letérdepelés a fénybetarja hét homoni tenyerét.) (Elle s'agenouilleet plongesesmcins réuniesen
forme de coupedans la clarté.)
€ KÉKSZAKAIII] 43 BARBE-BI..EI.JE
Pirospatak,vérespatak. Un torrent rouge,un torrent de sang.
44 nnn[F.eldll.) 44 IrJDllH(selèue)
Nézdcsak,nézdcsak! hogyderengmâr ! Regarde,regarde! La clarté point !
Nézdcsak,nézdcsak! Regarde, regarde!
Mindenajtôt ki kell nyitni ! Il faut ouvrir toutes les portes!
Szélbejârjon,napbesùssôn, Pourquepénètrentventet soleil,
Mindenajt6t ki kell nyitni ! Il fautouvrir touteslesportes!
!.

43 Que dit I'homme, relevant qu'effectivement < i/


saigne o,sinon que la femme par sa quête et par son
amour lui apporte en même temps espoir de vie, et
commencementde mort ? Toute tendue vers ce
qu'il lui reste à ouvrir, Judith se remet de son effroi.
Elle crâne même, tandis que I'orchestre accom-
pagne sa marche forcée en direction des autres
portes (rythme : croche pointée/double-croche).
Ce n'est que peu avant I'ouverture de la porte sui-
vante que le compositeuraccordeau couple un ins-
tant de tendresse.On entendra, dans ce fugitif re-
pos accordé aux deux êtres (au moment où
Barbe-Bleuetend la clef suivante), glisser un avant-
goût des q larmes o sur lësquellesouvrira I'avant-
dernière porte (arpège croisé de flûtes et clari-
nettes, cf. sixième porte). La dernière phrase de
Judith, miraculeux instant de douceur accordée,se
réinstalle dans un orchestre saturé de sang (trille à
la flûte, sur accords chromatiques au quatuor à
cordes).

. Non ! Je n'ai pas peur.


"
Fran z Crass @arbe-Bleue), Annamaria Bessel
(Judith). Productïon de Paul Hager, Teo Otto et
Eruin W. Zimmer, dîrection ntusïcale Bruno
Maderna, Opéra de C<tlogne 1964.
ArchiuesdLtthéûlre.

BARTOK Ii5
.t ,_ ,1 ,i 'd .

rÉrszaxÂnû 45 BARBDBLEUE
Nemtudod mi van môgôttûk. Tu ignoresce qu'il y a derrière.
46 JIJDIT 46 JUDITH
Add ide a tôbbi kulcsot! Donnemoilesautresclefs!
Add ide a tôbbi kulcsot! Donnemoilesautresclefs!
Mindenajtôt ki kell nyitni ! Il faut ouvrir toutesles portes!
Mindenajtdt ! Toutesles portes!
4? KÉKSZAKÂIÛ 4? BARBEAIflJE
Judit.Judit mért akarod? Judith,pourquoiveux-tule faire?
48 JUDIT 48 JTJD{T}I
Mert szeretlek! Parcequeje t'aime !
49 KÛ(SZÀKÂTIÛ 49 BARBEAL$.JE
Vâramsôtét tôve reszket. Lasombreassisedu châteautremble.
Nyithatsz,csukhatszmindenaitôt. Tu peuxouwii, fermertoute porte.
(Atnyûjtjq Juditnak a mdsodik hulcsot.Kezeih a (ll tend à Judith la secondeclef. Leurs msins se
llrc,rôs
fênykéuében tslâlhoznah.) rencontrentdans le rai de lumière rouge.)
Yigyâzz,vigyâzza vâramra, Prendsgarde,prendsgardeà mon château,
Yigyâzz,vigyâzzmirank,Judit ! Prendsgarde,prendsgardeà nous,Judith!
50 Jl.,Dn(A mdsodikajtûhoz meg.) 5n JUDIï (s'cpprochantde la secondeporte.)
Szépen,halkanfogomnyitni. J'ouvriraidoucement,tendrement,
Szépen,halkan. Doucement,tendrement.
(C:sanana zdr és feltdrul a mdsodik ajt6. Nyildsa (La clef tourne et le secondeporte s'ouure. Le
stdrgûsuôrôs,de szinténsôtêtés félelmes.,4 mdsodih cadre est d'un rouge cuiuré, mais également
sugdraz ekô mellé fehszik a padl6ra.) sombreet terrifiant. Le secondrayon se dessine
surle plancher à côtédu premier.)
sl $KszAKÂrul 5I BARBDBI..EUE
Mit lâtsz? Quevois-tu?

Deuxième porte ateraPo J.116

50 L'enchaînement est de même nature pour la


'
deuxième porte : réaction horrifiée de Judith, évi-
dence du sang, effusion de tendresse avant I'ouver-
ture suivante. En maître souverain de la forme libre Exemple I0
qu'il s'est donnée, Bart6k choisit de condenser.
Judith ouvre Ia porte : en un clair Ré dièse majeur, 65 Mais le plus beau moment succédant à cette se-
un instrument que des traditions séculairesont as- conde effraction est celui où I'homme, pour la pre-
socié à la guerre (la trompette) claironne la nature ' mière fois depuis le début de I'opéra, s'ouvre et
du territoire que Judith entrevoit. La luminosité s'épanche en une phrase lyrique parlando-rubato
rouge s'accroît - et se réchauffe. L'effroi de Judith qui sonne comme du bel canto. Solennellernentac-
est moindre, toutefois (déjà I'habitude ?), et elle a compagné par 'des accords réguliers de harpe
même un mot admiratif (o puissancen). Mais, tandis (comme il le sera dans I'action de la septième
que I'homm.e,comme précédemment, I'interroge porte), en Do dièse, il chante le plaisir que procure
sur sa peur, avant qu'elle ne lui réponde, on entend, la souffranceà soi-mêmeinfligée.Quellenoblesse
à trois reprises, désormais instantanément identi- et quelle grandeur alors dans la musique qui magni-
fiable, le sang (secondesmineures par cors et trom- fie cette déclaration masochiste.Là encore,seul un
pettes). Dans le moment de tendresse réparatrice esprit pervers remarquera le tournoiement du sang
qui suit, lumière et tonalité s'épanouissent.Par dans les cordes graves...S'étantde la sorte ressaisi,
trois fois, sûre de son bon droit, Judith réclame les I'homme fait volte-face et, changeant de stratégie
clefs suivantes. Seul alors un esprit obsédé remar- (sans qu'on sache pourquoi), offre les trois clefs
quera que I'ordre fatal (t conduis-moipartout,) est suivantes. Même, il pousse Judith qui, prise à
donné sur un intervalle rarissime dans les parties contre-pied, a un moment d'appréhension.Ce sera
de chant de cette partition, selon une ligne mélo- Ia seule manifestationde peur de cette dernière
dique parfaiternentatypique (saut initial fortement avant la septième porte. Mais sa peur aura alors
ascendant),sur une neuvième mineure. Autrement une tout autre envergure.
dit sur le sang.

Ii6 BARTOK
F_
' '.G : . ^.
'i +.1 - Yl .t

52 JUDIT 52 JUDITH
Szâzkegyetlenszôrnytifegyver, Centterriblesarmescruelles,
Sokrettentôhadiszerszâm. Desengns de guerreeffroyables.
$ KÉKSZAKÂLLÛ 53 BARBLBLEUE
Judit.
EzaTegyvereshâ2, C'estmonarsenal,Judith.
54 JTJDIT 54 JUDTI}I
Milyennagyonerdsvagyte, Quellepuissanceest la tienne,
Milyen nagykegyetlenvagy te ! Quellecruautéest la tienne!
55 KÉKsZAKÂILÛ 55 BÀRBSBTEUE
Félsz-e? Às-tu peur ?
56 .HJDIT 56 JIJD.ITII
Vér szârada fegyvereken Du sangsèchesur lesarmes,
Véresa sok hadiszerszâm! lcs enginssont couvertsde sang!
57 ffKSZqKÂUN 57 BARBEBTEUE
Fdsze ? As-tupeur ?
58 JUDfffVrssz felé.)
afordul a Kéhszaktdttû toumont uersBarbe-Bleue)
5SJI.JDIIH(se
Add ide a tôbbi kulcsot! Donnemoiles autresclefs!
59 ffi$zAKAlrtj 59 BARBEALIW
Judit"Judit ! Judith,Judith!
$ JUD{T (tasscn uisszajôna mdsodihfénysdupartjdn.) 60 JUDmH (reuenant lentement sur le secondrai de
lumière)
Itt a masikpatak, Voici le secondtorrent,
Szépfénypatak.Latod? Lâtod ? Un beautorrent de lumière.Vois-tu?
Add ide a tôbbi kulcsot! Donnçmoi les autresclefs!
fl KÉI$ZAKATÛ 6I BARBE.BTEIJE
mirânk,Judit !
Yigyâzz,vtgyâzz Prendsgarde,prendsgardeà nous,Judith ! :.
.,
62 JUDn 62 ruDITH
Add ide a tôbbi kulcsot! Donnemoiles autresclefs!
63ffKszÀKfuru 63 BARBDBLEUE
Nemtudod,mit reit azajtô. Tu ignoresce que cachela porte.
64 JUDIT 64 JUDTftI
IdeJôttem,mert szeretlek. Jesuisvenueparcequeje t'aime.
Itt vagyok,a tied vagyok. Et mevoilà,je suis à toi.
l'lost mâr v.ezessmindenhovâ, A présent,conduis-moipartout,
l'lost mâr nyisski mindenaitôt ! Et ouvremoi toutesles portes!
65 KÉKSZÀKÂITÛ 65 BARBEALEUE
Vâramsôtét tôve reszket, La sombreassisedu châteautremble,.
Brissziklâbôlgyônyôrborzong. Le plaisirfrémitdanslespierrestristes.
Judit,Judit! Htisésédes, Judith,Judith!Qu'il estfraiset doux,
Nyitottsebbôlvér ha ômlik. Le sangqui jaillit d'uneplaieouverte.
66 JUDIT 66 JUDITH
ldejôttem,mertszeretlek, Jesuisvenueparcequeje t'aime,
Nlostmârnyisski mindenajtôt ! Maintenant,ouvre toutesles portes!
6i KÉKSZÀKÂITÛ 67 BARBEALEUE
ê,doknekedhâromkulcsot. Jevaiste donnercestrois clefs.
Litni fogsz,de sohsekérdezz. Tu verras,maisjamaisde questions,
Akârmitlâtsz,sohsekérdezz! Quoiquetu voies,jamaisde questions.
68ruDn 68 JUDNH
Add idea hâromkulcsot! Alorsdonnemoicestroisclefs!
69 KÉKSZAKÂIÛ 69 BARBLBLEUE
(Atnyûjtjo ) (ll leslui tend.)
70 JUDIT(Tùrelmetlenûlelueszi és a harmadik ait6' 70 JUDtfH(flle lessaisitauecimpatienceet se hArcuers
hoz siet,de el\tte habozuamegdll.) ta troisièmeporte,maiss'arr.!* o",ro::,:u:::::.1
,,..,.,,,

B A R TOK II7
v
i;."1:r,,..:r:'l ",,:r:l f ,-.j .':..:- . ',.1i - .: .

iI KÉKSZAKÂIIÛ 7l BÀRBFÆTEIjE
Mértâlltâlmeg? Mért nemnyitod? Tu t'arrêtes? Tu ne I'ouvrespas ?
72 JUDN n JUD.ITFI
Kezema zârt nemtalâlja. Mamainne trouvepasla serrure.
N KÉKSZAKÂTTI] n BARBE-BLEUE
Judit,ne félj, most mâr mindegy. N'aiepaspeur,maintenanfc'est
égal.
7a IUDII(Judit megfordftja a kulcsot. Meleg, mély 74 JUDITH (flle tourne la clef. La porte s'ouure dans
érchanggal nyîlih az ajt6. A hiômlii aranyfénysdu un bruit métallique,graue et chaud. Le rai de lu-
a tôbbi mellê fekszik a padl6ra.) mière d.orêequi en jaillit se dessine sur le plan-
cher ù côtédesoutres.)
Oh,be sokkincs!Oh, be sokkincs! Oh,quelstrésors!Oh, quelstrésors !
(ktérdepel és udihdl benne, ékszerehet,horanôt, (Elle s'agenouille,fouille auec sesmainset pose
palôstot hirahuaa hùszôbre.) sur le seuil des bijoux, une cauranne, un msnteau
d'apparat.)
Aranypénzés drâgagyémânt, Piècesd'or et diamantsprécieux,

Troisième porte
Lestrois portessuivantesformentle groupecen-
tral de I'ensemble desseptportes.Sertidanssa sin-
gularité,on pourrait considérercelui-cicornmele
deuxièmeacte (en termesde dramaturgiegrecque:
les péripéties),les deux premièresportes consti-
tuant I'acteinitial (exposlTrbn),les deuxdernières
I'acteconclusil(catastrophe). Singularité: en compa-
raisondesdeuxpremiers,les uobjetstrque révèlent
ces trois ouverturessont r positifs r (on comprend
mieuxalors la volte-lacede Barbe-Bleue). Cepen-
dant,si pierresprécieuses, jardin de fleurset vastes folùttrn rt ôk-3æ-æ-ta!
espacessont synonymes d'unemodificationessen-
tielledansIa trajectoiredessymboles, celle<in'im-
posequ'unecertitude: le sangest toujourslà. Et
bien là. Cetteprésencen'est là que pour question-
ner à nouveau: qui verse donc ce sang? Notons
qu'unefois encorelesdeuxpremièresportesde ce
groupecentraldéploientle mêmeregistredrama- Exemple I1
tique : I'admirationde Ia fetnmeestcoupéenet par
la vue du sang.Le mouvementrepart parce que Quatrième porte
I'hommeordonnede poursuivreI'ouverture: c'est
unenouvelledonnedansI'opéra. Une même logique dramatique engendre, cette
74 Judith ouvre la troisièmeporte,et de clairs ar- fois, un développement musical nettement plus
pègesde I'accordparfaitde Rémaieurruissellentau étendu. Même I'auditeur le plus rétil devant les in-
célesta.La lumièreaugmente. Danscet écrin,le dia- terrogations symbolistes ne peut refuser d'être sen-
loguede la femme(admirative)et de I'homme(96 sible, à ce point de l'æuvre, à la disparition de I'as-
néreux)estamplifiépar uneébauchede gammepar pect o quincaillerie , des trois premières portes.
tons,par deuxviolonsen solo,que prolongeune Espaces cultivés, espaces naturels, vallée de
descentegraduelleet régulièrede tiercesmajeures larmes : où allons-nousmaintenant?
auxcors.Cesdeuxtraitsinstrumentaux aboutissent80 Cette quatrième porte est une charnière de
sur la tonique(Ré),renforçantainsile sentimentde l'æuvre. De chaleureuse. la lumière devient froide
paixque procurentles pagestonalesde cet opéra. (bleu-vert) - mais continue à gagner en intensité.
Mais,tout-à-coup, Judithse dresse,figéepar la vue ' Dans un grand silence, le glissandoinitial de harpe
du sang.Le flot, ininterrompuiusque-là, du célesta établit une tonalité toute nouvelle (Mi bémol ma-
s'arrêtenet et, sur I'accordparfaittenu par les ieur). Danscette tonalité - originelle s'il en est -, un
seulestrompettes,cors, clarinettes,hautboiset appel de cor monte de mystérieusesprofondeurs.rr
flûtes,acides,empilentsecondes mineuressur se- Une fois encore, seul un esprit retors, peut-être,re-
condesmineures. Pourla premièrefois,Barbe-Bleue lèvera la présence du fatidique intervalle de se-
- qui ne répondrien à sa partenaire- presseJudith conde nrineure,enfoui qu'il est dans la pâte sombre
d'ouvrirla portesuivante. des bois (entrée des clarinettesau chiffre 61 de la

I1 8 B A RT O I (
. JanisMartin (Judîth) et Ingoar WÏxell@atbe-Bleue).
^ Le isrdin secretdu chArcau.
pi"â"Lit'"'"-ài iiai" utcn"el Griiber, direction musicaleChristophaonDohnanyi,
Opéra de Frahcfort 1974. Mara Eggert'

:a:@Ëlgi,il*l:1T4$ffi 19!ê.ô;i!t:':i

BélagyônggYelfénYesékszer, Colliersde Perlesscintillantes,


Koronâkés dris Palâstok! Couronnes et richesmanteaux!

?5 KEKSZAKALLÛ 75 B,ARBËBLEUE
Eza vâramkincseshâza. C'estle trésorde monchâteau.

76 JUDIT 76 JUDNH
!
Mily gazdagvagYKékszakâllti Quetu esriche,BarbeBleue!
i7 KÉKSZAKÂLLÛ ?7 BARBE-BLEUE
Cetrésorestdésorrnais à toi,
Tiéd mostmâr mindeza kincs,
TiédaranY,gyôngyés gYémânt. Or, perles,diamants,tout està toi.

78 JUDIT(Judrfhiftelenfetdll.) 78 JUDITH(se relèuesoudain)


Vérfoltvanaz ékszereken ! Il y a du sangsur lesbijoux!
(A Kékszakdltûfelé fordul csoddlkoVua') çttte se towneuersBarbe'Bleue auecétonnement')
Legszebbik koronâdvéres! Ta plusbellecouronneesten sang!
(Jidit egre nyugtalanobbés ti)relmetlenebb') (Ju'dithestde plusen plusinquièteet impatiente')

i9 KEKSZAKALLÛ 79 BARBE-BLEUE
ajtôt.
Nyisdki a negYedik Ouvrela quatrièmePorte.
Legyennapfény,nyissad, nyissad..' Qu'entrele jour,ouvre,ouvreJa..'
(Hir:relen a negyedihajtô felé fordul és gy.or- 80 JUDITH (se dirige soudainuersla quotrièmeporte
80 JUDIT
hi et I'ouurerapidement. Desbranchesen fleurssur-
san kinyitio.Az aitô-bôluirdgosdgakcsapôdnak
négtszôg ny(lih.A beesô tii et
gissent un rectongle se découpedansle
bleu-uert
és a falaàn kékes-zôtd "mur.
Le nouueau rai de lumière se dessineà côté
fénysdua tôbbi melléfehszika padlôra')
desautressurIe Planclrcr.)
Oh!VirâgokI Ohllllatoskert! OhlDesfleurs!Un jardinParfumé !
reitve. Caché sous les durs rochers.
Keménysziklâkalatt
81 KEKSZAKALLÛ 81 BÀRBE.BLEUE
Eza vâramrejtettkert.ie. Leiardinsecretdu château.

BARTOl{ 119
$rû:6.ri;4ksP,-41: - ::,'.::: .: _1i

82 JUDIT 82 JUDNH
Oh ! Quede fleurs!
Embernyinagyliljomok, Deslys de la tailled'un homme,
Hts-fehérpatyolatrôzsâk, Desrosesblanchescommeneige,
Pirosszekftk szôrjâka fényt. Desoeilletsrougesversentla lumière.
Sosemlâttamilyen kertet. Jen'aijamaisvu de tel jardin.
83 KÉI$ZAKÂLLU 83 BARBËBT"EUE
Mindenvirâg nekedbôkol, Chaquefleur s'inclinedevanttoi.
Mindenvirâg nekedbôkol. Chaquefleurs'inclinedevanttoi,
Te fakasztod,te hervasztod, Tu les faiscroître,et puis faner,
Szebbentjra te sarjasztod. Et renaîtreencoreplus belles.
?A IIDrI (Hinelen lehajol. Ijedten.) M $JDffHGlle se penchesoudain,etrrayée.)
Fehérrôzsâdtôve véres, Du sangau pied desrosesblanches,
Vlrâgaidfôldje véres! La terre desfleursest en sang!
S5 KÉKszAKÂIIt] 85 BARBEBI."EUE.
Szemednyitja kelyheiket, Tesyeuxouwiront leurscorolles,
S nekedcsengetyûznekreggel. Ellestinteront pour toi le matin.

partition). Puis les flûtes prennentle relais : de


longuesrossignolades trillées- que n'eûtpasdésa-
vouéesun RichardStrauss16 - viennentdonnervie Satbe-31euc
à ce iardin que le compositeurtient tant à nous # :Xi
p",Iarào, tu @p.. llcla
faire voir... Magntfique,si I'on songeque Bartôk
n'avaltguèreécrit pour voix auparavant,est I'ai- f,dsè- e r: .éa ti.ro.rtrl-mau, ltast-* lri .rô
sanceaveclaquelleles deuxprotagonistesse fon-
dent dans cet ensemblesonore d'une ineffable
beauté.Le tempo change.Unesubtitedémultiplica-
tion rythmiquerend le dernier temps de chaque Exemple12
mesuresubitementplus nerveux.Ces* fleursr nées
de la souffranceinfligéeet subie,I'hommelestend g2 Le plus frappant est la distance qui sépare bruta-
.
à sa compagne(répliques84 et 85). Et, sertissant lément les deux êtres. Tout se passe comme si de
distinctementcet échange,le sang (trompettes se montrer sans tache
@o majeur) éloignait Barbe-
avecsourdineet flûtes) laisseentrevoir,pour la Bleue de Judith. Bartdk, là aussi, choisit le registre
premièrefois,unefataleissueà cette quêtede Ju- maximal, Une pauvre petite descente
de quatre
dith. Mais I'heuren'ést pas à la résolution; il notes où Judith atteint, elle - tout à I'inverse de son
convientd'esquiver,et I'on court, maintenant,à la partenaire-, la région la plus grave de sa tessiture,
portesuivante. { sans expressionaucune D,tombe, à blanc. L'indiË
férence de son expression dément formellement
Cinquième porte I'admirationqu'affichent les paroles.

89 La porte s'ouvre à toute volée, sur le premier for-


fr'ssr'ssrmode la partition. C'est une véritable explo-
sion ! Dans le fracas d'un violent fufti (comprenant
Ie plein-jeu de t'orgue), éclate, avec ta plus grande
pompe, la tonalité de Do majeur - midi de la révolu- Srdpés aayy a te or-szâ.god,.
tion tonale que propose cette æuvre (voir I'intro- Exemple 13
duction générale).Tant du point de vue tonal que
du point de vue de I'intensité de I'orchestre, de 93 lmperturbable,I'homme se maintient
dans ses
l'étenduedes registresvocaux soilicités, et de la lu- hauteurs.II énumère avec fierté ses biens. et fait
minosité demandéepar Balâzs,nous sommes iéi au une premièreallusion à un passédéjà considérable-
sommet : ce ( moi dilaté à I'extrême que I'homme ment vécu (de I'aube au soir). Il fait don de lui-
"
présente à sa partenaire est le climax de I'opéra. même, une fois encore, à sa partenaire. pour la
Pour la première fois, Barbe-Bleuen'attend pas la deuxièmefois, la réponse est sans appel : c'est I'in-
réactionde Judith pour se lancer dans une phrase différence.Mais la troisième fois, la femme relève
de quasi-ôel conlo. Nous sommes au plan de I'ex- - pour la premièrefois avec une lassitudedésabu-
ploit : c'est ici qu'il se maintient le plus longtemps sée - la présencedu sang.lci, Bartôk abandonne la
dans les régionshautesde sa tessiture. présenceeffectivede son demi-ton,pour n'en rete-

I2O BARTOK
" MainteÂanL Judîth., tout est à toi. - Krîstîne Ciesinski (Judith), Falh Struchmann @arbe-Bleue).
Production de Peter Konwîtschny et Helmut Brade, dîrection musicale Ingo Metzmacher,
Opëra de Bôle 1991.ClaudeGiger.

ffi JrJDfi(FeldVés o Kéhszshdllûfelé fordul.) 86 JUDITH(se lèue et se tourne uersBq.rbe-Bleue.)


Ki ôntôztekertedfôldiét ? Quia arroséton jardin?
8i KÉKSZAKÂITÛ 87 BARBE-BLEUE
Judit.szeress.
sohsekérdezz.- Judith,aims.moi,jamaisde questions. -
Nézdhogyderûlmâra vâram Voiscommemonchâteaus'illumine.
Nyisdki azôtôdikajtôt ! Va,ouvrela cinquièmeporte!
88 JUD|I("/udrthirtelen mozdulattal oz ôtôtiih ajtdhoz 88 JLJDITH (e//ese précipiteuersIa cinquièmeporte et
tut és felrdntja. Az ôtôdih ajtô feltdrul. I'ouurebrusquement. La cinquièmeportes'ouure.
Magaserkély lôtszihés messzitdulat,és ttindôklô On uoit un balconéleuéet un uastepaysage,et un
ôzônbenômlih be a fénv.Eluakuluaa szemeelé déluge de lumière aueuglantepénètre. Eblouie,
tartja a kezét.) elle se cachelesyeux auec lesmains.)
Ah ! Ah!
89 KÉKSZÀKAIÛ 89 BARBE-BLEUE
Lâsdezaz én birodalmam, Regarde,ceciest monempire,
Messzenézôszépkônyôklôm. Bellerêveuseau regardperdu.
Ugye,hogyszépnagy,nagyorszâg? C'estun beaugrandpays,n'est-cepas?
VJ llJDll.(Mereuen
néz ki, sz5rakozottan-) 90 JUDIH(regardeau loin fixement,distraitement.)
Szépésnagya te orszâgod. Oui,ton paysestbeauet grand.
9I KEKSZAKÂIÛ 91 BARBDBLEUE
Selyemrétek,
bârsonyerdôk, Prairiesde soie,forêtsde velours,
Hosszûezûstfolyôkfolynak, Lesflotsde longslleuvesd'argent,
Eskékhegyeknagyonmessze. Et au loin,desmontagnes bleues.
92 JUDN 92 JUDITH I

Szépésnagya te orszâgod. Oui,ton paysestgrandet beau. 1


I
$ KÉKSZAKAIÛ 93 BARBLBLEUE
MostmârJuditminda tied. Maintenant. Judith.tout està toi. 1
Itt lakika hajnal,alkony, C'estlà qu'habitentI'aube,le soir,
.,1
BA RTO K 121
l
: i.i . : ) . " , , . ': : . | ': . . ! ''l : . . : . . : i ': - 1 . '. . . - i '; ] ,.,.:];;};!:i i :;;..'- "'.:..;r "i * i !1 ];â d * ;;.:À,i .i â i l ]i ,i ;.]:.':]::,']:i '.;&i ? .!
-.. . , - i, "r ! ' , . ' i. ' . : - r , : l. j: . 1' ; : i; t r . , - i- i, . . ; . i . , : . ) :

Itt lakiknap,hold éscsillag, le soleil,la luneet lesétoiles,


S leszennekediâtszôtârsad. Quiseronttescompagnons de jeu.
94 JUDIT 94 JUDITH
Véresârnyatvet a felhô! !
L'ombredesnuagesest sanglante
Milyenfelhôkszâllnakottan? Quelsnuagespassentlà-bas?
95 KÉKSZAKAIIÛ 95 BARBBBLEIjE
Nézd,tùndôkôlazén vâram, Vois,monchâteauresplendit,
Âldott kezedezt mùvelte, C'estl'æuvrede ta mainbénie,
Âldott a te kezed,âldott. Béniesoit ta main,oh, bénie.
(Kitdrja a harjdt.) (ll écarte sesbras.)
Gyere,gyeretedd szivemre. Viens,viens,poselasur moncæur.
(Judit nem mozdul.)
96 JUDTT (ne bougepas)
96 JIJDITH
Dekét aitô csukvavan még. Maisil restedeuxportes closes.
97 KÉKSZAKÂITÛ 97 BARBEAI"EIJE
Legyencsukvaa két aitô Quecesdeuxportesrestentcloses.
Teljendallalaz én vâram Quemonchâteaus'emplisse de chant.
Gyere,gyere,csôkravârlak! Viensici, viens,embrassons-nous!
98 JUDN 98 JUDnÏl
Nyissadki méga kér ajtôt. Maisouvre encoreces deuxportes.
99 KÉKSZAKAITÛ 99 BARBLBLEUE
Judit,Judit,csôkravârlak. Judith,ie t'attendspour un baiser!
Gyere,vârlak.Juditvârlak! Viens,je t'attends.Judith,je t'attends!
l00ruDIT IOO
JUDITH
- Maisouvreencorece$deuxportes.
Nyissadki méga két ajtôt.
101KEI$ZAKÂLLÛ (A Kékszakdllûkarja lelankad.) 101BÀRBE-BLXUE(sesbrasretombent)
Azt akartad,felderùljôn; Tu asvoulude la lumière:
Nézd.tùndôkôlmâra vâram. Et vois,monchâteauresplendit.
Y&t*.ir) t:

J'offre ma aie, j'offre ma mort, Barbe-Bleue. - Kathryn Harties (Judith)'


-
Productïon de Stefanos LazarÎdÎs, dÏrection musicale Vachtang Matchauiani,
Scottrslr Opera, Glasgoro 1990' PeterDeulin. Coll. Opera Magazine.

t22 BARTOI(
"
1.1 . . ''. , . , ] ] i , '. . : '. ': l ] ; : '':..i :":]:i 1 :;].:;,;:j :]::::]:::.::3 ::\i :i .|.''":.- :

IO2JUDIT 102ruDnH
Nemakarom,hogyelôttem Jeneveuxpasquedevantmoi
Csukottajtbid legyenek! Tesportesderneurent
ferméesI
IO3K]ÉKSZAKAILÛ IO3BARBEALEI,IE
Vigyâzz,vigyâzza vâramra, Prendsgarde,prendsgardeà mon château,
Yigyâzznemleszfényesebbmâr ! Il ne resplendirapas plus fort !
IO4JUDN IO4JUDTTH
Életemet,halâlomat, J'offremavie, j'offre ma mort,
Kékszakâlhi, BarbeBleue.
105Kfi$zAr(ÂLtÛ IO5BARBËBIIIJT,
Judit,Juditl Judith,Judith!
106JI.JDN 106ruDnlI
N$ssadki méga két ajtôt, Ouvreencorecesdeuxportes,
Kékszakâllti,Kékszakâllû.! BarbeBleue,Barbe-Bleue
!
IO7KÉKSZAK{|IÛ IO7BARBFÆI..EUE
Mért akarod,mért akarod? Pourquoiveux-tu,pourquoiveux-tu?
Judit!Judit ! Judith!Judith!
l0BsJDn IO8JUDITH
i,fyissad,nyissad! Ouvreles,ouvreJes!
IO9KÉI$ZÂKÂUII IO9BARBE-BLEUE
Adok nekedmégegykulcsot. Jete donneencoreune clef.

(Judit némdn kôuetel$en nyûjtia érte a kezét. A (En silence;Judith tend auidenientIa main. Barbe-
Kéhszakdllû dtadja a kulcsot.Judit a hatodik ait6' Bleue lui donne la clef. Judith ua uersIa sixième
hoz megt. Mikor a kulcselsôt fordul, zohog6 mély porte.Au premiertour de Ia clef s'élèueun profond
s6hojtdsbûg fel. sanglot.
Judit meghdtnil.) Judithrecule.)
Judit,Judit ne nyissadki ! Judith,Judith,ne I'ouvrepas!

nir que I'idée (passagede majeur au mineur). A ensemblemarque la destruction de ce qui eût peut-
I'orée de la conclusion du drame, I'interrogation est être pu être un couple. Ce n'est pas une dispute,
à son apogée poui nous : ombres sanglantes des c'est un combat. L'orchestre en tuffi se lance dans
nuages, qui donc repréSentez-vous?.lci s'abolit une âpre ruée qui bute; mesure après mesure,
toute la consistance du réel. A la demande, trois contre un rugissement dominé par les cuivres,
fois réitérée, d'un baiser qu'hier encore elle olfrait triple forte: c'est I'effondrement de la résistance
volontiers, Judith ne répond plus que par son ob- masculine.lci, quelque chose de Ia sauvageriedu
sessionde < tout ) connaître.Plus la réalité s'effi- Mandain merueilleux(1919) est profilé.!?Sansplus
loche, plus on s'y accroche. La femme s'obstine aucune illusion, Barbe-Bleue tend à Judith la
donc. se confondant désormais avec son idée fixe ; sixième clef.
I'homme résiste,tout en se sachant condamné à cê
der. Le tempo s'accélère. L'atmosphère se charge Sixième porte
de chromatisme : la seconde mineure devient le -/'
moteur du développement.Le sang a désormaisen- La durée de I'acte conclusif de Barbe-Bleue
vahi la partition. (sixième et septième portes) en indique I'impor-
tance, car celui-ci,à lui seul, dure autant que les
deux premiersréunis.Cet acte n'est pas, non pluS,
de même nature : les deux premiers développaient
une foulée dramatique basée sur la répétition ; ce-
lui-ci avance, inexorable, vers son but. Des deux
longs développementsqui résultent de I'ouverture
de ces deux dernières portes naît la séparationdéfi-
Exemple 14 nitive. Vallée de larmes et figures du passé : nous
105 L'homme et la femme srinterpellentdans la plus entrons dans le domaine le plus secret de l'être hu-
extrêmetension,et le seul moment où ils chantent main,où tout n'est plus que douleur.

1 B A RT O I ( r2 3
'1 -
t- . j,
.lrÈ.,ri -,i{i!#lii:i-!i}Tiiai,tJ.l:

ll0 JUDT(Judit hirtelenmozdulattalaz ajtôhoz lép és 110JUDITH


. :.. t4*æsMg$**:lftrsr.!r*ts:*Isô*yj1t?{&1

(D'un mouuementbrusque,elle se dirige


ls?8:t_!j.1:i:jl

i
l l,
hinyitja.
Acsamohonminthodmy futnqkeresztûl:ualamiuel
sô\étebblesz.)
Csendesfehértavat lâtok,
uersIa porte et I'ouure.
Unesorte d'ombre sembletrauerserla scènequi
quelquepeu.)
s'obscurcit
Jevois un lac paisibleet blanc,

lli
Ii
Mozdulatlan

ttt rfiszaxÂuû
fehértavat.
Milyenviz ez Kékszakâlhi?
Unlacblancet immobile.
Quelleest cetteeau,Barbe-Bleue
lll BARBËBLEUE
?

tt KônnyelqJudit, kônnyek,kônnyek.
ll2 JUDIT
Deslarmes,Judith,deslarmes.
ll2 ruDITH(elle tressaille)

t;
I
Milyennéma,mozdulatlan. Quelleeaudormante,immobile. :
j
II3 KÉI(9ZAKAIII] IB BÀRBDBT"EI.JE
Kônnyek,Judit, kônnyek,kônnyek. Deslarmes,Judith,deslarmes.
ra [l$n Qæhajolés fîirkészuenézi o tauat.) I 14JUDifH(se baisseet scrutele tac.)
simafehér,tiszta fehér. Lisseet blanche,limpideet blanche.

112 Deuxmesuresde silences,un a54ag1o1 r (répon- et sa lignede chutelonguementréitérée,le thème


dant au soupirdevantla premièreporte) qu'accom- de huit mesuresqui enclôtces bhisersest une dé-
pagneun g/issandodes cordes gravessur une neu- ploration.Plusrien de la dimensionphysiquedu
vièmemineure(c'est-àdiresur le sang),et voici premier baiser n'y demeure.Un travail de deuil
devantnousla valléedes larmes.C'estsansdoute commence ici.
le plusbeaumomentde cettepartition.L'harmonie
(La mineur)éteint la lumière; la nuance(triple
piano), les silences,et la couleur instrumentale.
Quellemagnifiquefigureque cellede cesg/r'ssandi
arpégésde harpe,célesta,flûte et clarinette (réen-
tendusprès de trente fois avecle mêmesaisisse-
ment),auxquels,aprèstrois énoncés,répondpar
deuxfois le silence,puis la plaintedu sangauxbois !
Bart6kdonnevéritablementà uoir I'insondablepro-
fondeurde ceslarmes,à la fois retenues(pasde dê Exemple17
veloppementde cette figure) et poignantes,sitôt
expriméessitôt ravalées.Que pledre-t-onici : 126 Maisdéjà,lesbaisersn'avaientconstituéqu'unfal-
passé,présent,ou avenir? Sur qui pleure-t-on: sui lacieuxrepos.L'enquêtede Ia ferirmen'avait pas
autrui,sur soi-même? Et sl l'émotionnaissait,à ce cessé.Nousnoustrouvonsdevantla dernièreporte:
point de I'ouvrage,d'uneréellepossibilitéqueces la r réponsenne peutplustarder.A blanc,Jui.lithfor-
larrneslussentaussiles nôtres? Le dire vocal n'est mulesa dernièredemande. Aors, tandisqueJudith
plus que répétitiondes mêmesintervalleset des r lâcher ce qu'ellea sur le cæurdepuisbienavantle
mêmesnot€s(quartesdescendantes pour Judith, début de I'opéra,le plus formidablecresgendo de
tiercesdescendahtes pour Barbe-Bleue). Tout se toute la partition se.met en branle. Serpentant
fige: on ne sauraitrendreplus palpablela dimen- commedevantla porte précédente(ex. 15),il part
slon inexorablede la solitudeoù s'enfoncentdésor- pianissimo danslescordesgraveset, gagnantpro-

it
maiscesdeuxêtres. 'gressivement en hauteuret en intensité,gangrène
lbanqrrillo J'cr peuà peuI'orchestreentier.Danslesboiset dansles
Juà4tl:. cuivres,on entendle sang,sanscesserépétésousla
formerelevéepour la premièrefois au tout débutde

lt drea-des fr.le tc-nt 1â-eqfiGôr-ht.l$ f.-1æ t -azt


I'ouvrage(ex.7). Il s'estmaintenanttranslorméen
puissantsignald'alerte.L'orchestre s'enfle,se gorge

it
de secondesmineureset de lignéeschromatiquesal-
- -Baràe-Âleuc fanttoujourscrescendo. Samatièresemblecomme
vouloir entreren fusion.La diguerompt : le sang,
tentaculaire, emportetout sur sonpassage. C'estle

tl
l{ôayrryrv:L,Ju-att, lcôry-ayeJt, &ôny,4yù.
Exemples 15 et 16 momentpour nousde suggérerun rapprochement
avec une autre noyadedans un sangnon moins
Une dernière fois, I'homme demande un baiser. étrange: cellede Wozzeck. Au sommetd'unecourse
rl Judith ne le donne pas : elle se laisse faire. Lassi-
tude ou calcul ? Avec sa quarte descendânteinitiale
folle que Judith s'imagineencorepouvoirgagner,
ellerestepétrifiéesursanotela plushaute.

124 BARTO K I
. itr_t;. :: . .

I15KÉKSZAKAI"IÛ I15BARBE-BTTUE
Kônnyek,Judit, kônnyek,kônnyek. Deslarmes,Judith,deslarmes,deslarmes.
I 16JUDIT I16JUDITH
(Lassanmegfordulés némdn szembenéz (se retourne lentement et regarde Barbe-Bleue
a Kékszahdllûual.) dans lesyeux, sansdire un mot.)
ll7 KÉKSZAKÂLLÛ (Lassankitdrja karjdt.) ll7 BARBDBLEUE(qUû.? lentementsesbras.)
Gyere,Judit,gyereJudit, Vienslà,Judith,vienslà, Judith,
csôkravârlak. Jet'attendspour un baiser.
(Judit nem mozdul.) (Judith ne bronche pas.)
Gyerevârlak,Judit vârlak. Jet'attends,Judith,je t'attends.
(Judit nem mozdul.) Qudith ne bronche pas.)
Az utols6t nemnyitom ki. Jen'ouwirai pasla dernière,
Nemnyitom ki. NeI'ouvrirai pas.
IISJUDIT(Lehajton fejjel, lassona Kékszakdllûhoz llSJuDlTH(La tête baissëe,elle aa lentement uers
megt. Kérue, szinteszamonian hozzdsimul.) Borbe-Bleue.Elle se blottit contre lui d'une façon
suppliante, presguetriste.)
Kékszakâlhi...Szeress engem. BarbeBleue... Oh,aimemoi.
(A Këhszokdlhimagâhozôleli ; hosszrics6k- (Barbe-Bleuela serre confte lui ; longbaiser.
A Kéhszokdlltîuâlldn a feje.) Elle posesa tête surl'épaule de Barbe-Bleue.)
. Nagyonszeretsz,Kékszakâllti? M'aimes-tuwaiment.BarbeBleue?
II9 ffiI(SZAKÂUJ I19BARBFÆTXI.JE
Te vagy vâram fényessége, Tu es l'éclat de mon château,
Csôkolj,csôkolj,sohsekérdezz. Embrassemoi,jamaisde questions.
(Hosszancs6kolja.) (ll I'embrasse longuement)
rN ttJDtî(A Kéhszakdllûudllôn a feje.) 120JUD[1f(/a tête surl'épaule de Barbe-Bleue.)
MonddmegnekemKékzakâllir, Dis-moi,Barbe-Bleue, dis
Kit szerettélén elôttem? Qui tu as aiméavantmoi ?
l2I KÉKSZAKÂI.UJ I2I BARBEALEIJÊ
Te vagy vâram fényessége, 'Tu es l'éclat de mon château,
Csôkolj,csdkolj,sohsekérdezz. Embrassemoi,jamaisde questions.
IæJTJDIT I22ruDITH
Monddmegnekem,hogyszeretted? Dis-moicommenttu I'asaimée?
Szebbvolt mint én ? Mâsvolt mint én ? Etaitelle plus belle,autreque moi ?
MonddmegnekemKékszakâllû. Disle, dis-lemoi, BarbeBleue.
Iæ KÉKSZAKAIIÛ I23BARBBBT^EUE
Judit szeress,sohsekérdezz. jamaisde questions.
Judith,aime-moi,
I24JUDIT I24JUDITH
MonddmegnekemKékszakâllit. Dis-le,disle moi, BarbeBleue.
125KÉKSZAKÀIIÛ I25BARBËBLEUE
sohsekérdezz.
Juditszeress, Judith,aimemoi,jamaisde questions.
126JtjDIT(Kr'ôontakozikaz ôlelésbô\.) 126JUDIH(se libèrede sonétreinte)
Nyisdki a hetedikajtôt ! Ouvrela septièmeporte !
(A Kékszakdllûnem felel.) (Barbe-Bleuene répondpas.)
Tudom,tudom,Kékszakâllti, Jesais,je sais,BarbeBleue,
Mit rejt a hetedikajtô. Ceque cachela septièmeporte.
Vér szârada fegyvereken, Dusangsèchesur lesarmes,
Legszebbik koronâdvéres, Ta plusbellecouronneesten sang,
Virâgaidfôldjevéres, La terre de tes fleursest en sang,
Véresârnyatvet a felhô! L'ombredu nuageestsanglante !
Tudom,tudom,Kékszakâllti, Jesais,oui,je sais,BarbeBleue,
Fehérkônnytôkinekkônnye. D'oùviennentleslarmesdu lac.
Ott van mind a régi asszony Tesanciennes épousessontlà,
Legyilkolva,vérbefagyva. Assassinées, gisantdansleursang,
Jaj,igazhir, suttogôhir. Oh,la rumeur,la rumeurestvraie.
12?KÉKSZÀKÂIIÛ I27BÂRBEBLEUE
Judit! Judith!
.':.- ]';r :]:i .i 1i | i .... . . ] : -: ' . . , . j . : , . : J 1 ? j . | \ . : : ' . . . : | . : )
" :.r,:r,

B A RT O K 125
€*C*
I28JUDIT I28JUDITH
lgaz,igaz! EIleestvraie,vraie!
Mostén tudni akarommâr. A présent,il fautqueje sache,
Nyisdki a hetedikajtôt I Ouvreenfinla septièmeporte!
Iæ KÉKszAKÂIiÛ I29BARBE.BLEUE
Fogjad... Fogjad,..ltt a heredikkulcs. Tiens...Tiens...Voicila septième
(Judit mereuennézi, nem nyûl érte.) clef...
Nyisdki, Judit.Lâssadôker. Qudith lo regardefixement sansla prendre.)
Ouvre,Judith.RegardeJes.
Ott van mind a régi asszony. ll y a là mesanciennes épouses.
(Judit mëg eg ideig mozdulatlan.Azt(in lossan, (Judithresteimmobile un instant.puis,Ientement,
bizonytalan hézzel dtueszi a hulcsotés lasson, d'une main hésitante,elle prendla clef eit,lentenenr.
ingd lépéssel a hetedik ajtôhoz megy és kinyitjo. d'un pas mal ossuré,elle se dirige uersta septialratà
Mihor a hulcscsattan,halk sihajtdsiat tecsu-nôain porte et I'ouure.
QuandIa clef toume,la cinquièmeet
a hatodik és oz ôtôdih ajt6. J6uat sôtétebblesz. lo sixièmeportese refermentd.ansun gémissement
Csaka négt szemhôzti ajtûnyîlds uitdgftja szhes soitrd. Ls scène deuient beaucoup flus sombre.
sugaraiualo csamohot. Seu/sles roisde lumièrecoloréedes'quatreportes
situéesen facedu public écloirentencoreta iolle.
És ahhor.kinyiliho hetedikajt6 és hotdeziistfény Alors-s'ouurela septièmeporte, un long faisceau
u_et\dik be rajta, hosszrisugdrban, meguildgitua lumière sélênite en sort et éclaire tes iisasesàu
Judit arcdt és a Kéhszahdlltiét.) -
Judith et de Barbe-Bleue.)
Lâsda régi asszonyokat Voismesanciennes épouses,
Ilsd akiketén szerettem. Voiscellesquej'ai aimées.
') I , le 1 :l ,r r it .

'-vois yls-lnciennes épouses. . Franz Crass @arbe-Bteue), Proàucfion de paul Hager, Teootto et
Erutin w zimmer, direction musicale Bruno Maderna, opZra de
cologne IgM. Gerd preser.
'tF4tl94ê{q
;r'
lN luDtr(Megdiibbenuehdtrdl.) 13,0
JUDITH (recule,abasourdie)
Elnek,élnek,itten élnek! Ellesvivent,ellesviventici !
(A hetedik ajt6b6t elôjônnek a régi asszonyoh. (Les anciennesépousessortent par la septième
Hdrmon horondsan,hinccseI rahottan,gldridsan. parte.Toutesles troisportentcouronne,collier,au-
Sdpadt srccal, biiszhe jdrdssal jônnek egymôs réole.Le uisagepâle, ellesauoncentd'un pas fier,
môgôttés megâllnakszembena Kéhszakâllûual, l'une derrière l'autre, et s'arrêtent deuantBarbe-
ahi térdre eresz kedik.) Bleuequi tombeà genoux.)
(Rnart *atonnal, minthadtmadna.)
l3l KÉI$zAKÂltJl l3l BARBËÆtEUE(les brastendus,commeen rêue)
Szépek,szépek,szâzszorszépek. Ellessont belles.belles.merveilleuses.
Mindigvoltak,rnindigéltek. Ellesfurent toujours,vivent touiours.
Sokkincsemetôk gyujtôtték, Ellesont amassémestrésors.
Virâgaimôk ôntôzték, Ellesont arrosémesfleurs.
Birodalmamnôvesztették, Ellesont étendumonempire,
Ôvékminden,minden,minden. Tout leur appartient,tout, tout.
132ruDIT(A rêgi asszonyoh mellett dll negyedihneh, 132JuDnll(aôcttue, apeurée,se place en tant quegua-
megômyedue, félue.) trième à côtédes anciennesépouses)
Milyenszépelçmilyendûsak, Qu'ellessont belles,qu'ellessont riches.
En,jai, koldus,kopott vagyok Et moi, une mendianteen guenilles.
l$ fftszAt(Âulj (Fel6ll ;suttogô hangon.) 133BARBËBI^EUE (se lèue:dans un murmure)
Hainalbanaz elsôtleltem, J'ai trouvé la premièreà I'aurore,
Pirosszagosszéphajnalban. Uneauroreroseet parfumée.

129 L'hommetend alors sa dernièreclef. Pour une l3l . AvecI'apparitiôndestrois figurescommencela


fots, la femme ne la lui arrache pas. Tout est cérémoniedu souvenir.L'hommese penchesur ce
consomnié:nousquittonsle ternpsde I'actionpour . quefut savie.Aveccesépousesqu'il fait revivre,il
entrerdansceluidu rite. Longuement, sur unema- a vécu, senti, aimé et possédé.D'elles,il a tout
gnifiquedéplora.tionde tout I'orchestreen La bé- reçu; aujourd'huiil se rend à elles.Cequi hier fut,
mol mineur,I'homme et la femmese regardent. aujourd'huiest ;ce qui estaujourd'huitombemain-
Pour la premièreet la dernièrefois,Barbe-Bleue
an- tenani en ruines, Q.uasiment . muette, Judith
I nonceà Judithce qu'elleva voir quandelle auraou-
vert.
. J'ai trouoé la première à I'aurore ., Eoa Marton
(Judith), Gyôrg Melis (Ba rbe-Bleue). Production
Septième porte de Giorgîo Pressburger,direction musicale Zoltân
Pesho,Ia Scala de Milan 1978.Archiues duthéôte.
Puissammentrythmé par les clarinetteset les
bassons,I'orchestreentonneun hymnefunèbre.
Sousforme de trois figuresallégoriques,le passé
ressurgit,Le temps se suspend,la lumièrese fait
blafardeet froide.
130 Comprenant alors- puisquelesfemmesqu'elle
voit nvivent' - que I'hommelui a ouvertlesportes
de la mort,Judithfrissonne. Maisle sangest par-
tout : à tousles pupitres,commedanssa lignede
chant,désormaissimplesecondemineure.Juditha
virtuellement cesséd'exister.

Poco piùandante J.e+

Exemple18
-I-

rJùt,:1,..,:iri . .,:;i1!:;.
.{qt

Ôvémostmâr mindenhainal. Désormais, touteauroreestà elle,


Ôvépiros,hùs palâstja, Le fraismanteauroseestà elle,
Ovéezùstkoronâja, Lacouronned'argentestà elle,
Ovémostmâr mindenhainal. Désormais touteauroreestà elle.
I34JUDIT 134ruDITH
Jaj,szebbnâlam,drisabbniâlam. Las,plusbellequemoi,plusriche.
(Az els6.asszonylassanuisszamegt.) (La premièreêpouses'enretournelentement.)
I35KÉKSZAKÂI.ilJ I35BARBFÆI-XUE
Mâsodikatdélbenleltem, J'ai trouvé la secondeà midi.
Némaégôaranydélben. DansI'or brûlant et muetde midi.
Mindendél az ôvé most mâr. Désormais,tout midi est à elle,
Ôvénehéztùzpalâstja, Le lourd manteaude feuest à elle,
Ovéaranykoronâja, La couronned'or està elle.
Mindendél az ôvé most mâr. .
136ÀiDn I36JIjDITH
Jaj,szebbnâlam,drisabbnâlam. Las,plus belleque moi, plus riche.
(A nuâscdlih
asszonyaisszamegt.) (La secondeépouses'enretoume.)
B? KÉIGZAKÂI]' I37BARBEAL.EUE
Harmadikatesteleltem, J'aitrouvéla troisièmele soir.
Bekesbâgyadtbarnaeste. .Unsoir calme,bistre,alangui,
Ovérnostmâr mindeneste. Désormais, tout soir està elle,
Ôvébarnabripalâstja, Le tristemanteaubistreestà elle
Ovémostmâr mindeneste. Désormais tout soir està elle.
I38JI.JDN I38ruDITH
Jaj,szebbnâlam,drisabbnâlam. [as, plusbellequemoi,plusriche.
(A harmadik asszonyuisszamegt.) (l-a troisièmeépouses'en retoume.)
I39KÉKSZAKÂ!.LÛ(A Kékszahdllû megdll Judit elôtt. 139MRBEALELJE (s'anête deuontJudith. Ilsse regardent
Hossxtnszembenéznek A negtedikajtô becsuh6dik
) longuementdans lesyeux. La quatrièmepérte se
referme.)
Negyediketéjiel leltem, J'aitrouvéla quatrièmela nuit.
I4OJUDIT I4OJUDNH
Kékszakâlhi,
megâllj,megâllj! Halte-là,BarbeBleue,halte-là!
I4I KÉI$ZAKÂLLI] I4I BARBEALEUE
Csillagos,feketeéjjel. Une,nuitobscure,étoilée.
l12ruDn r42ruDnH
Hallgass,hallgass,itt vagyokmég! Tais-toi,tais-toi,je suiseircorlà !
{gsûFss:Êx,ff b,+e1i:rt:.W:Êtir:iflJ*;'f4?r

s'écroule. Cherchant au tréfonds de sa mémoire, 139 Le jour a passé,reste la nuit. Judith y sera reine.
I'homme entame sa cérémonie des adieux. Bartôk Elle a beau se démener, chercher de toutes ses
installe une musique originelle : de longues tenues forces u à ne pas entrer D,Ia ligne de ses trois der-
d'accords parfaits, joués pranlisrmo en trémolo. Le nières interventions dans I'opéra, avec ses innom-
matin (Si bémol majeur), le midi @o majeur), le soir brables secondes mineures. dit son destin. Son
(La mineur) : chaque heure aura amené ses ri- époux lui adresse alors le même salut qu'aux
chesseset ses jores,et s'est achevée.Chaque étape autres. Judith prend son rang,et les suit sans un
de ce bouleversant regard sur soi est souligné par mot. Alors, tel un fleuve débordant de son lit, I'or-
le passaged'un motif dont la richesse harmonique chestre développe son dernier tuffi, violent comme
et rythmique n'a d'égalesque la simplicité et la pro ' le spasmed'un organismeà I'agonie.Son thème ?
fonde beauté.Ainsi finit le jour ; ainsi s'achève la Le sang. Ce sang, qui va crescendo,accompagne le
vie. dernier regard de Judith et Barbe-Bleue.
149 Trois accords chromatiques à I'orgue restent
. seuls. Quel autre instrument, étranger dans I'or-
chestre symphonique,pouvait suggérerun passoge
de la nature de celui qui s'effectueici ? Avec le plus
grand naturel, le compositeur ramène, dans le
Exemple 19 tempo exact du début, la tonalité initiale de

128 BARTOK
plus
- A toi, mon
précieux trésor. .
Klara Tahâcs
(Judith),
Siegmund
Nimsgern
(Barbe-Bleue).
Production Gôtz
Friedrich,
direction musîcale
Jirî Kout, Opéra
de Wenne 1985.
A, Zeininger.

I43KÉKSZAKÂIJIJ I43BARBE-BLEUE
Fehérarcodsûtôtt fénnyel L'éclatde ton teint mebrûle,
Barnahajadfelhôthaitott, Tescheveuxbrunschassentlesnuages,
TiedleSzmâr mindenéjjel. Désormais, toutenuit seratienne.
(A harmadikajtdhoz meg/ és a horondt,paldstot, (ll pa uers Ia troisième porte et o.pportelq cou-
ékszert,amit Judito kiiszôbrerakott,elhozza.A 3. ronne,le manteau,Ie callier queJuditha déposés
ajtô becsukôdih. surle seuil.La troisièmeportese referme.
Judit udlldra teszi a paldstot.) Il met le manteausurles épaulesde Judith.)
Tiedcsillagospalâstja. Sonmanteauétoiléestà toil
I44JUDIT I44JUDN-H
Kékszakâllû
nemkell,nemkell ! Jen'enveuxpas,je n'enveuxpasI
(Judit fejére teszi a korondt.)
145KEKSZAKALLÛ 145BARBE-BLEUE(poseIa couronnesur Ia têtedeJudith 't
Tiedgyémântkoronâja. A toi,sacouronnede diamants,
146ruDIT 146JUDNH
Jaj,jaj Kékszakâllû
veddle. Ah, ah,Barbe-Bleue,
enlèvela.
147KEKszÀKÂiiÛ(Judit nyakdba akasztja az ékszert.) 147BARBE-BLEUE(suspendle coilierau cou de Judith.) .
Tieda legdrâgâbb kincsem. A toi, monplusprécieuxtrésor.
I48JUDIT 148JUDITH
Jaj,iaj,Kékszakâllû veddle ! Ah,ah,Barbe-Bleue, enlève-le.
I49KÉKSZAKÂIIÛ I49BARBE-BLEUE
Szépvagy,szépvagy,szâzszorszépvagy, Tu es belle,belle,merveilleuse,
Te voltâla legszebb asszony, Tu étaismaplusbelleépouse,
a legszebb asszony! Maplusbelleépouse!
(Hosszanszembenéznek. - Judit lassanmeggôr- (lls se regardentlonguement danslesyeux.- Judith
nyeda paldst stilya alott és gtémôntkoronôsfejét ploie lentemenlsousle poidsdu manteauet de Ia
lehorgasztua,az ezùstfénysdumenténbemegya couronnede diamants,elle suit le rai de lumière
tôbbiasszonyutdna hetedikajtôn.Az is becsukôdik.) orgentéet fronchit derrière les outresépousesIa
septièmeportequi se fermeà sontour.)
Ésmindigis éjjelleszmâr... Et désormais, ceseratoujoursla nuit...
éj j e l ...é j j el. . . L an u i t...l a nui t...

(Tetjessôtétség,
melybena KékszakdllLieltùnik.) (ObscuritétotaledonsloquelleBarbe-Bleue
disparaît.)

FIN

BA RTO K 129
* Et désormais, ce sera
taujours la nuit...
la nuit... la nuit...
-
Ingaar Wkell @arbe-Bleue)
et Janis Mar|in (Judith).
Production de Klaus Mîchael Griiber,
direction musicale Christoph oon Dohnanyi,
Opéra de Francfort 1974.
MaraEgert.

I'ceuvre : Fa dièse (pentatoniq.ue).Les ténèbres en-


vahissent à nouveau complètement la scène.Barbe-
Bleue aclrèuealors de perdre un sang qu'il n'a, en
fait" cesséde perdre depuis que Judith a commencé
son enquete.Moment de s'interrogersur l'identité
de Judith : la vie venue faire un dernier tour, la mort
veRuechercher son dt ? Les deux simultanément ?
Qui peut le dire ? Sur le motif premier de l'æuvre
(ex. l). Barbe-Bleueprononce ses dernières paroles.
Tout à coup, les clarinettes irerdent Ieur demi-ton
initial, et Ia crampe se fige, réduite à une chute d'un
intervallede tierce.Le sangne coule plus. Tout est
accompti. A son tour, Barbe-Bleueest entré dans le
ro!'aume des ténèbres. L'orchestre se tapit dans le
grave. II n'y a plus rien à voir. Le n rideau de nos
cils ' s'était-ilseulementlevé ?

Stéphane Goldet

Àbtes
l. Rap p e l o n s q u e c ' e s t s a n s d o u te d a n s le clo m a in e d u sais bien que c'est là une quête vaine. Et même s'il m'était
t héâ t r e q u e l a . m ê l é e s1 ' n r b o liste, ( Er n e st Re yn a u d ) donné de la trouver un iour, je suis sûr que je seraisbientôt
donn e l e n r e i l l e u rd ' e l l e m ê n r e . déçu." (-ettre du l0 septembre 1905,in Béla Bartôk's Letters.
2. Irlaeterlinck.. Le tragique quotidien ,, dàns le Trésordes London, Faber and Faber, l g7l , ci tée par Jean-Mi chel
hum b l e s( 1 8 9 6 ) .R a p p e lo n sle s m o ts d ' Àr ke l: < No u s n e Brèque.)
vovons janrais que I'envers des destinées , (Petléas,ll2). 5. Le premier mouvement est la reprise du premier mouve-
3. G ola u d : . l l e s t v r a i q u e ce ch â te a ue st tr è s vie u x e t tr è s nrent du concerto pour violon (non admis au catalogue),le
sonrbre...Il est très froid et très profond , (Pelléas,lll2). second est I'orchestration de la dernière Bagatelle pour
N'est{e pas la denreurernêmede Barbe.Bleue? piotto, op. 6 (Ma mie qui danse) qui date de la même
4. 'll est des nromentsoùrie prends conscienceque je suis to- époque.L'ensembleest de trrèvedurée et assezdisparate.
t alem e n ts e u l .E t i e p r é vo is,j' a i le p r e sse n tin r e nqt u e ce t 6 . Rappelonsque la modalité,qui a régnédans I'histoire de la
ét at c t es o l i t u d e n r o r a l ese r a m a d e stin é e .Je r e g a r d e a u - nrusi queocci dental esavantei usqu'à I'i nstaurati onde l a
tour de nroi à la recherche de la compagne icléale,ntais je tonalité (et clui s'est maintenueaprès dans de nombreuses

I3O BARTOI{

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