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Biographie :

Robert Ezra Park naît le 14 février 1864 en Pennsylvanie, il meurt le 7 février 1944 dans le Tennessee.
C’est un sociologue américain, à l'origine de la première École de Chicago, il commence sa vie
professionnelle en tant que journaliste aux États-Unis.

A 35 ans (en1898), Park s’en va étudier la philosophie et la psychologie à l’université d’Harvard. Après
avoir obtenu son diplôme, il part étudier en Europe durant quatre années. A Berlin, Il s'inscrit en
sociologie où il retrouve Georg Simmel comme professeur. Il rejoint ensuite l'université de Strasbourg
où il étudie pendant 1 semestre avant de présenter un doctorat en psychologie et en philosophie à
l'université de Heidelberg en 1903 (sous la direction de Wilhelm Windelband). Une fois son doctorat
obtenu, Park retourne aux Etats-Unis pour débuter sa carrière de sociologue.

Robert Park n'entre à l'université de Chicago qu'à l'âge de quarante-neuf ans à la demande de William
Isaac Thomas. Il s’interrogera principalement sur le problème des minorités ethniques et sur les
mutations sociales qu’a entraînées le développement du monde urbain. Sa méthode de travail, qui
s’inspire de la théorie de Simmel, consiste en l'observation du monde extérieur, puis en l'analyse de
ce dernier. Il s'agit pour ces chercheurs en devenir de s'éloigner du milieu d'origine où ils ont vécu
jusque-là, souvent exclusivement familial, et à prendre conscience de la diversité, parfois de
l’étrangeté, des modes de vie et des comportements sociaux étudiés (ce qui le positionne dans une
démarche quasiment ethnographique). Sa vision du monde urbain porte ainsi, la marque des
multiples expériences qu'il a accumulées lors de ses enquêtes-reportages.

Il deviendra la figure la plus marquante de l’école de Chicago durant les années 1920. On peut citer
son œuvre majeure qui regroupe la synthèse de ses recherches menées avec Ernest Burgess : « The
City » qui fut publiée en 1925.

Présentation de l’œuvre :

C’est en 1915, soit 2 ans après son intégration à l’Université de Chicago, que Robert Ezra Park publie
son premier article « La Ville. Propositions de recherche sur le comportement humain en milieu
urbain ». C’est cet article que nous avons analysé. Pour le rédiger, Park s’appuie sur les observations
qu’il a pu mener dans le Chicago des années 20, ville qui a connu une urbanisation excessivement
rapide (entre 1850 et 1920, la population a été multipliée par 90 pour passer de 30 000 habitants à
2.7 millions). Ce boum démographique fut principalement lié à une arrivée massive des
communautés européennes venues d'Irlande, d'Allemagne, de Pologne, d'Italie, du Royaume-Uni, de
Suède et de Russie et à la communauté afro-américaine qui préférait fuir la ségrégation raciale du
Sud du pays. Ce Chicago des années 1920 présente donc une extrême hétérogénéité sociale et
culturelle, les activités y sont en instabilité permanente tout comme les statuts sociaux et les
mentalités. Park définit cette ville comme un véritable « laboratoire social ». Il va, en parallèle de son
analyse, fournir un vaste arsenal de questions pouvant servir à d’autres sociologues pour tout un
ensemble de sujet se rapportant à la ville.

Intéressons-nous maintenant à l’article de Park : Propositions de recherches sur le comportement


humain en milieu urbain. Nous allons tenter de vous éclairer en décryptant et en approfondissant
chaque thème qui caractérise selon lui, le milieu naturel de l’homme civilisé : c’est-à-dire la ville.

I) PLAN DE LA VILLE ET ORGANISATION LOCALE

La ville peut s'analyser en deux temps : il y a l'organisation par sa structure matérielle, et celle par
l'ordre moral/social. Elle est organisée de façon hiérarchique ; ceux qui ont le pouvoir dominent la
ville et ses alentours. Elle est façonnée par les désirs et les besoins des individus appartenant à l'élite.
Néanmoins, dans les villes d'Amérique du Nord (USA) la population fortunée ne réside pas forcément
au centre de la ville, elle va s'éloigner de ce centre où s'y trouvent les quartiers (souvent délabrés)
peuplés par des communautés d’immigrés. Au contraire, en France, le centre de la ville est l'espace
où résident les plus riches car c'est leur siège de domination et de l’exercice du pouvoir. Ce
phénomène montre que les modalités de ségrégation urbaine peuvent différer selon le pays, mais pas
les inégalités.

Park explique que « les avantages et inconvénients naturels, y compris les moyens de transports,
déterminent par avance les grandes lignes du plan urbain ». En effet, l'organisation du territoire se
base avant tout sur le potentiel de l'espace à y construire un lieu urbain. Mais cela relève du plan
physique de la ville et des influences de départ. Au fil du temps, les enjeux économiques tendent à
contrôler la répartition urbaine, et c'est à ce moment-là que les inégalités de l’espace urbain
apparaissent.

Des « quartiers résidentiels élégants » voient le jour et augmentent, par conséquent, la valeur
foncière, excluant les classes pauvres. Ces derniers n'ont guère le choix d'adapter à un autre secteur
qui leur sera plus abordable.
Cependant, malgré cette organisation hétérogène, la ville conserve un aspect plus humain dans sa
composition. Park nous explique que « La ville est quelque chose de plus qu’une agglomération
d’individus et d’équipements collectifs […]. La ville est plutôt un état d’esprit, un ensemble de
coutumes et de traditions, d’attitudes et de sentiments organisés, inhérents à ces coutumes et
transmis avec ces traditions. […]Elle n’est pas simplement un mécanisme matériel et une construction
artificielle. Elle est impliquée dans les processus vitaux des gens qui la composent : c’est un produit
de la nature et, particulièrement, de la nature humaine. »

Effectivement, chaque quartier s'enrichi différemment. Nous pouvons comparer un quartier à un


individu. Je m'explique ; un quartier se forge un caractère au fil du temps, il se crée une sensibilité et
une histoire par le biais de ses habitants. C'est ainsi que se forme le voisinage.

Le voisinage n'est pas une réelle expression géographique mais une expression sociale et culturelle.
Ce terme regroupe pourtant un groupe d'individus partageant les mêmes intérêts économiques et
sociaux. Cette solidarité est fondée sur leur passé commun et leur localité, qui peuvent avoir un
impact au sein de la politique sociale. Park prend l'exemple avec la 135e rue dans le Bronx à New York
qui est sans doute devenue la plus grande concentration de population noire du Monde, qui devient,
grâce à leurs mêmes intérêts locaux, une communauté étroite et hautement organisée.

II) L’organisation industrielle et l’ordre moral

Park débute ce chapitre en donnant une définition de la ville moderne. Pour lui, celle-ci doit
sa naissance et son développement à l’émergence du capitalisme industriel et à ses modes de
fonctionnement que sont la division du travail et la concurrence industrielle. Plus précisément, c’est
l’ouverture du marché et « l’application monétaire aux relations d’homme à homme » qui a permis à
l’homme de s’émanciper de sa condition de serfs pour devenir plus tard « ouvrier ».

CATEGORIES PROFESSIONNELLES ET TYPES PROFESSIONNELS

L’auteur poursuit en reprenant « un vieux proverbe qui fait de la ville le milieu naturel de
l’homme libre ». Selon lui, cette affirmation est vrai « dans la mesure où l’individu trouve dans le
hasard, la diversité des intérêts et des métiers et dans l’immense coopération inconsciente […]
l’occasion de choisir sa propre profession et de développer ses talents particuliers »... En d’autres
termes que dans des conditions où le niveau et la nature de l’offre d’emploi correspondent
exactement au niveau et à la nature de la demande d’emploi sur le marché du travail... En d’autres
termes encore : C’EST IMPOSSIBLE !
Il nous parle ensuite de la concurrence capitalistique entre les travailleurs. Il développe l’idée
que la différence de talents entre les individus n’est pas d’ordre naturel mais d’ordre du vécu ou
autrement dit : du culturel. « La différence entre les hommes adonnés aux professions les plus
opposés […] semble provenir beaucoup moins de la nature que de l’habitude et de l’éducation ».
Ainsi, c’est la manière dont les individus occupent et emploient leurs temps qui va déterminer leurs
futurs talents et par extension, leurs futures professions.

Afin d’être le plus compétitif possible, l’individu devrait se spécialiser, selon Park, sur une tâche
unique car cela l’amènerait à développer des techniques et des compétences exceptionnelles pour la
réalisation de cette tâche. C’est cette recherche d’acquisition de compétences qui a entrainé la
création d’écoles et de services d’orientations professionnelles. Or, pour l’auteur, c’est la différence du
niveau de formation entre les individus qui est la cause directe ou indirecte de l’accentuation de leur
différence.

Cette industrialisation de la société va bouleverser la vieille organisation sociale et économique


fondée sur « les liens familiaux, les associations locales, la culture, les castes et le statut pour lui
substituer une organisation fondée sur le métier et les intérêts professionnels. ». En ville, toute
aspiration semble devoir affecter le caractère professionnel des individus qui doivent s’imposer
rigueur et disciplines pour prétendre à assouvir leurs désirs professionnels. Certains individus vont
suivre ce chemin et parvenir à leurs fins, d’autres vont devoir se rabattre vers un second choix car ils
ne se seront pas donner les moyens d’y arriver. Les conséquences de la division du travail et des
différentes vocations qu’elle propose (ou impose) sont dans un premier temps la constitution de
types professionnels ; Park cite l’acteur, le bucheron et le plombier. Ces différences vont déboucher
sur la création de syndicats défendant les intérêts communs de travailleurs issus de la même branche
(union ouvrière). Le fait que ces nouvelles organisations servent uniquement à défendre des intérêts
professionnels communs, les distinguent des différentes formes associatives telles que le voisinage
du fait que ces dernières soient davantage fondées sur la proximité affective et des relations
personnelles. Dans un deuxième temps, les travailleurs issus de la même branche professionnelle
tendent à se regrouper en classe : artisans, hommes d’affaires et professions libérales même si
l’auteur précise que « les classes n’ont pas réussi à s’organiser dans l’Etat démocratique moderne ».
car elles n’ont pas réussi à développer une « conscience de classe » chère à Marx.

Park donne alors des pistes que ses successeurs pourront s’attacher à étudier. Il lui semble intéressant
de comprendre ce que les effets de la division du travail ont produits sur les caractères propre à
chaque types professionnels (la vendeuse, le policier, le colporteur, le chauffeur de taxi, le veilleur de
nuit, la voyante, l’acteur de music-hall etc…). Il lui semble que « tous ces personnages sont des
produits caractéristiques de la vie urbaine ; chacun avec son expérience et son intuition propre, son
point de vue particulier, détermine la spécificité d’un groupe professionnel et de la ville dans son
ensemble »

LES NOUVELLES ET LA MOBILITE DU GROUPE SOCIAL

La spécialisation liée à la division du travail a renforcé l’interdépendance entre les différents


métiers. L’individu est ainsi devenu de plus en plus dépendant de la communauté dont il fait partie
(les paysans vivaient uniquement avec ce qu’ils produisaient.. aujourd’hui nous vivons en travaillant
pour obtenir un salaire qui nous permet d’acheter des biens ou des services que d’autres travailleurs
ont produits pour nous). La solidarité sociale est désormais fondée sur une communauté d’intérêts et
non plus sur le sentiment et l’habitude. Park précise qu’il entend par sentiment quelque chose de
concret : cette forme de sentiment est un rapport que nous éprouvons par rapport à ce qui nous
entoure (une personne, un lieu, un objet…) Nous avons une approche profonde et passionnelle vis-à-
vis de notre environnement matériel et sociale et cela nous empêche de les considérer de manière
rationnelle.

En revanche, la notion d’intérêt implique l’existence de moyens pour parvenir à une fin. On va alors
considérer notre entourage de manière rationnelle et on va mettre cette entourage en œuvre pour
parvenir à une fin (Etre dans des conditions optimales de travail pour gagner plus d’argent) On a ainsi
un rapport rationnel à notre environnement.

Pour en revenir aux sentiments, Park nous dit qu’ils sont liés à notre vécu et donc à nos préjugés qui
peuvent porter sur des personnes, des « races » ou encore des objets. Les préjugés sont aussi
façonnés par le contrôle social et donc par les interdits moraux (la drogue c’est mal) ce qui aboutit à
une situation de stagnation sociale ou au conservatisme. Les intérêts quant à eux sont changeants et
ils aboutissent à des évolutions sociales (progrès technique).

L’instrument de la rationalisation est l’argent, on n’éprouve aucun sentiment par rapport à l’objet en
lui-même et c’est pour cela qu’il est un moyen d’échange par excellence (on a pas de mal à se séparer
de l’objet « argent »).La seule chose qui est rationnel avec l’argent, c’est notre volonté d’en posséder
plus pour l’utiliser à des fins précises… C’est donc bien un simple moyen.

L’argent est au cœur de l’organisation sociale industrielle car il définit à lui seul le principe de relation
impersonnelle (une relation désintéressé sentimentalement mais pas rationnellement.. exemple d’un
ouvrier qui côtoie par pur intérêt professionnel un de ses supérieurs). Cette organisation industrielle
est en perpétuel état de déséquilibre du fait de la concurrence entre les différents groupes de
travailleurs mais aussi de la concurrence entre les travailleurs d’un même groupe. Dans un contexte
d’extension industriel, les travailleurs qui sont formés pour un métier bien spécifique sont obligés de
se déplacer de région en région afin de trouver un emploi qui correspond à leur formation.

Toujours pour illustrer ce grand déséquilibre organisationnel, on peut citer les individus exerçants des
professions commerçantes, les industriels, les professions libérales… ces derniers sont également
contraints de se déplacer en fonction de l’endroit où le marché de client est le plus intéressant. Or
dans un contexte d’hyper développement des moyens de transports et de communication, le
territoire où des clients sont potentiellement présents s’élargit sans cesse. Ces phénomènes de
développement de la concurrence, des moyens de transports et de communications, de l’éducation
mais aussi l’extension de l’économie à des activités toujours plus diverses et variées sont tous des
indicateurs d’une mobilité croissante de la population.

Park fait le parallèle entre la mobilité et l’isolement :

L’isolement d’un individu ou d’un groupe a pour conséquence un déficit d’intelligence, de culture,
d’ouverture de ce(s) dernier(s), tandis que la mobilité est un facteur primordial du développement
intellectuel et culturel.

Ainsi, on peut faire un lien intéressant : prenons un paysan très attaché à sa terre et qui ne la quitte
jamais ou presque… Ce dernier a un rapport très concret aux choses puisqu’il n’a appris à faire qu’une
seule et même activité : son métier d’agriculteur et ce sur son terrain. Il est donc ultra efficace dans
son domaine car il a des connaissances techniques, des connaissances de son terrain et des habitudes
qu’il a prises que personne ne peut égaler. Seulement, dès qu’il quitte son terrain, ce dernier va se
sentir perdu et il va considérer même « la vallée voisine ou la bande de terre à l’autre bout du village
comme un territoire étranger » selon Park. Tout le savoir-faire qu’il a acquis avec sa formation ultra-
concrète lui a apporter un savoir-faire dans un domaine très très précis en revanche, n’ayant pas du
tout ou presque, de notions de l’abstrait, il ne va pas être capable de généraliser son savoir et
d’appliquer ses méthodes à d’autres domaines pourtant proche du sien. Voilà ce que peut provoquer
l’isolement chez un individu.

Tous les changements liés à l’urbanisation et à l’émergence du capitalisme industriel perturbent sans
cesse les conditions matérielles d’existences des populations. Il est alors indispensable d’avoir des
outils de réajustement tel que le marché, la bourse ou encore la chambre du commerce « où les prix
fluctuent constamment en fonction des rumeurs de changements de la situation économique
mondiale ». (On peut donner un exemple de fluctuation: pendant la saison des récoltes du blé, le
prix va baisser car il y en aura plus de disponible sur le marché (offre supérieure à la
demande=hausse des prix). Ces rumeurs qui sont capable de provoquer des réajustements de valeurs
sont nommées des nouvelles par le sociologue qui préfère ce terme à celui d’information. En effet,
une nouvelle induit une redistribution des cartes, un changement contrairement au terme neutre
qu’est «l’information ».

LA BOURSE ET LA COHUE

Les réajustements qui s’opèrent à la bourse sont de natures économiques mais il existe des
réajustements similaires quoique moins perfectionnés dans le monde sociale. Nous reviendrons plus
tard sur ces réajustements sociaux mais parlons pour le moment des formes d’organisation sociale
très mobiles telle que la foule ou la cohue. Paradoxalement, ces formes d’organisation peuvent être
dans une situation de stabilité. Lorsque ce n’est pas le cas et que l’organisation sociale est instable on
parle de crise. L’auteur explique « les tensions sont telles que la moindre cause peut produire un effet
énorme. » Ces moments de tensions sont également nommés « moments psychologiques ». Plus les
sociétés sont mobiles et plus ces moments psychologiques deviennent courants car ces derniers sont
facilités par un haut développement des moyens de communication, des transports et de l’éducation.
En effet, les rassemblements ne peuvent s’effectuer que lorsque les individus ont la possibilité de se
rendre à un évènement et qu’ils ont pris connaissance de l’organisation de cet évènement (via la
publicité, le téléphone…). Pour Park, le caractère fascinant des foules tient en le fait qu’elles soient la
conséquence de la mobilité des communautés et qu’elles soient ainsi contrôlables. En effet, « les
organisations ouvrières ont appris à mettre en œuvre une technique assez précise d’incitation et de
contrôle des mouvements de grèves ». Seulement, il n’y a aucune méthode logique relative au
contrôle des foules puisque ce contrôle relève de la psychologie collective et non pas d’une logique
sociale implacable. La seule manière d’établir une méthode est donc de se baser sur celles qu’y ont
déjà été expérimentées par « le responsable politique ou l’agitateur ouvrier » par exemple.

Les grandes villes sont les espaces les plus appropriés pour pouvoir observer ses comportements
collectifs (on entend par comportement collectif le contraire de comportement de groupes
structurés) car elles sont les lieux qui présentent la plus grande mobilité, l’instabilité y est
permanente et les mouvements contestataires tels que les grèves y sont omniprésents à l’époque de
Park. La population urbaine est donc dans un état de crise constant et la moindre contestation
émanant d’un individu quelconque peut déclencher un raz de marée humain de revendications. Park
va proposer un ensemble de questions qui permettront d’après lui de réaliser une étude détaillée et
approfondie des comportements collectifs. Il invite les « spécialistes de la vie urbaine à se pencher
sur ces questions.

II) Relations Secondaires et contrôle social

Le développement des moyens de communications et des transports modernes ont entrainés


une réorganisation sociale et industrielle dans l’espace urbain ce qui a suscité une transformation des
habitudes, des sentiments et du caractère de la population concernée. On passe de relations de face
à face « primaires » à des relations indirectes « secondaires ». Dans les petites communautés, on
retrouve uniquement des relations primaires, les interactions sont instinctives et reposent sur les
sentiments (pas rationnelles). Le contrôle social est alors spontané et il n’est pas institutionnalisé (il
repose sur les influences personnelles, les mœurs et les ragots)

L’EGLISE, L’ECOLE ET LA FAMILLE

En ville, les relations primaires s’effritent du fait de la différence et de la multiplicité des


« mondes vécus » par les habitants d’une même grande ville. « Il est caractéristique de la vie urbaine
que toutes sortes de gens se rencontrent et se mêlent sans jamais se comprendre vraiment les uns
les autres […] Il devient alors possible de vivre à l’intérieur de la ville dans un isolement presque aussi
total que celui d’une communauté rurale retirée ». L’organisation du monde urbain ou, comme le
dirait Park, « l’environnement du monde urbain » va alors entrainer le déclin de l’importance des
Institutions traditionnelles dans la vie des individus, provoquant au final, un affaiblissement général
de l’ordre moral. En effet, dans les relations qui se produisent dans les grandes villes, les inhibitions et
les contraintes, liées à la proximité entre les individus d’une communauté restreinte, s’affaiblissent.
On va alors constater une progression « du vice et de la criminalité dans les grandes villes » due à la
dégradation du contrôle sociale « spontané » entre des individus proche spatialement mais éloigné
sentimentalement. « Les conditions que la vie urbaine impose à des individus et à des groupes
d’individus ayant perdu toute sympathie et toute compréhension mutuelles […] font que la nature du
contrôle social se modifie et que les difficultés se multiplient ».

LA CRISE ET LES TRIBUNAUX

Park va ensuite parler des colonies d’immigrants implantées dans les grandes villes
américaines. Pour lui, chacune de ces entités a une organisation sociale et politique qui lui est propre.
Il l’illustre cette idée avec l’exemple des journaux édités dans les langues des communautés présentes
sur le sol américain. « Il y avait à New-York […] 270 publications, la plupart soutenues par la
population locale et imprimées en 23 langues. ». La forte présence de ce type de publications signifie,
selon lui, que les communautés de migrants ont réussies à maintenir le rituel social et l’ordre moral
qu’ils avaient importés de leurs pays respectifs en évoluant pourtant dans un environnement social et
culturel américain. Le sociologue poursuit son article en reprenant la notion de crise « En règle
générale, l’environnement urbain accentue tous les effets de crise. » Il entend par crise, tout
bouleversement des habitudes que ce soit pour un individu, pour un groupe, ou pour une société
toute entière. Selon sa définition, un adolescent qui quitte le foyer familial vit une situation de crise. Il
décrit alors 2 issues possibles à cette situation : soit cela entraine une stimulation des mentalités et
une intelligence accrue, soit cela se traduit par la dépression.

Alors que la société américaine croit savoir que la progression de la criminalité est la
conséquence d’une mauvaise assimilation de la culture américaine par les étrangers, Robert Ezra Park
prend la direction opposée dans son analyse. (EX DES RELEVES DE CRIMINALITE). Il s’appuie sur des
statistiques pour montrer que le type de criminalité des immigrés de la seconde génération se
rapproche du type de criminalité des américains d’origine tout en s’éloignant de la criminalité des
immigrés de la 1ere génération. Ainsi, on observe bien une sorte d’adaptation à la culture américaine
par le type de crimes commis par les immigrés de la seconde génération.

Reprenons par une citation : « La crise a eu pour effet de remplacer un contrôlé


précédemment fondé sur les mœurs par un contrôle fondé sur la loi positive ». Park décrit les
nombreuses réformes qui s’opèrent dans son pays comme un « sport de salon ». Traduisons par la,
une activité vaine, artificielle. Ainsi, ces réformes entrainent quasi-systématiquement une nouvelle
réglementation ou un contrôle gouvernemental sur ce qui était auparavant contrôlé par les mœurs et
par l’opinion publique. Pour reprendre plus simplement cette idée, on fait des lois pour contrôler des
agissements qui étaient hier régulé par le regard de la société. Park appelle ce phénomène : «
l’extension du pouvoir policier ». Il pense que ce phénomène a eu des conséquences sur le rôle des
tribunaux qui doivent désormais remplir une fonction jusque-là assurée par l’administration. Ils se
doivent de donner des conseils aux délinquants qu’ils jugent pour que ces derniers puissent se
réinsérer socialement (rôle prescriptif qu’on retrouve dans les tribunaux pour enfants et de moeurs).

Afin de comprendre ce qu’est le contrôle sociale, l’auteur croît bon de définir ce qu’est une action
organisée. Selon lui, il y a action organisé dès lors qu’un groupe communique. Cette communication
va se présenter sous la forme de suggestions et de réaction à une idée, un sentiment, qu’éprouve un
individu au sein d’un groupe. Or, les suggestions et réactions peuvent être très subtiles et ne résultent
pas forcément d’un échange oral. C’est pour cette raison qu’il est parfois très difficile de cerner les
suggestions et réactions qu’exercent un individu ou un groupe sur un autre individu. Dans le but de
démontrer cette affirmation, le sociologue donne l’exemple des suggestions qu’exercent les fourmis
entre elles. S’il a conscience qu’ « on ne trouve probablement rien qui corresponde à ce que nous
appellerions communication » chez les fourmis, il utilise cette exemple pour exposer la subtilité qui
entoure le développement d’une action organisée. « Le fait important, c’est que par ce moyen
relativement simple, l’action organisée est rendue possible »

Revenons-en maintenant aux formes de communications plus humaines. Chaque individu


transmet ses sentiments, ses attitudes et ses sensations organiques à son environnement social.
Chaque espace où se retrouvent plusieurs individus va alors être le théâtre d’interactions au niveau
suggestifs et réactifs, car chaque individu va communiquer ses pensées, ses valeurs, ses jugements et
les transmets de manière inconsciente (ou non) aux autres individus qui l’entourent. La transmission
de ces éléments va alors avoir une incidence directe sur la constitution des pensées de chacun. Citons
Park pour mieux cerner cette idée : « Il arrive très fréquemment qu’on révèle ses sentiments et ses
attitudes devant quelqu’un auquel on ne prête guère attention. C’est pourquoi un individu A […] peut
intervenir sur les motivations et les tensions de B [...] Mieux, A pourra intervenir sur les suggestions
qui émanent de B sans que celui-ci soit lui-même conscient de l’origine de ses motivations, tant
peuvent être subtiles et profondes, les réactions qui contrôlent des individus inscrits dans un même
processus psycho-sociologique ». Ainsi, Park vient de définir ce qu’était un contrôle social de type
« instinctif et spontané ». Selon lui, un contrôle plus formel doit s’appuyer sur ce premier pour être
efficace.

LA POLITIQUE DES PARTIS ET LA PUBLICITE

Au début du 19eme siècle, la forme de gouvernement des municipalités a subi d’importants


changements dus à l’émergence des grandes villes. Effectivement, la forme de gouvernement qui
était adaptée aux villes de petites tailles, celle de l’assemblée, semble ne pas être en mesure de
fonctionner à une échelle bien plus importante où les populations sont particulièrement mobiles et
hétérogènes. Concrètement, ces changements ont pu être observés avec la croissance du nombre de
referendums et l’apparition des commissions (Une commission est le fait de déléguer un mandat, une
charge, une mission à quelqu'un (cf. définition de la toupie)). Pour Park, cette évolution est logique
car « la foule est trop importante et hétérogène pour qu’une discussion s’instaure ». En outre, le vote
populaire est également rendu impossible par le manque d’information des électeurs concernant les
candidats et les fonctions des postes que ces derniers convoitent. Enfin, le citoyen lambda n’a pas
connaissances des différents besoins de la ville où il réside. Pour pallier à ces différents manques, de
nouvelles entités politiques ont vus le jour : des sortes de conseillers qui vont faire le relais entre les
citoyens et le monde la politique. « Les conditions de la vie urbaine ont fait naître deux types
d’organisations visant à contrôler ces crises artificielles qu’on appelle des élections : l’une est
représentée par le responsable politique et sa machine politique ; l’autre par les associations
d’électeurs indépendants, les associations de contribuables et les organisations comme les bureaux
de recherches municipaux ».

Avant de poursuivre, il semble important de définir ce qu’est une machine politique.


Machine politique : « Les machines politiques sont un phénomène lié à l’immigration irlandaise aux
États-Unis entre les années 1870 et 1950. Ce sont des organisations conçues pour gagner les élections
via le clientélisme. La fidélisation de ces clientèles repose sur la distribution d’incitations matérielles,
notamment des emplois publics, et non par un programme défendant l’intérêt, les valeurs ou
l’idéologie d’un électorat. » (Dossier Ancrages politiques Coordonné par Jean-Louis Briquet et Élise
Massicard).Quant au chef politique, c’est un « expert qui conduit la machine et qui est aussi
nécessaire qu’un entraineur professionnel peut l’être pour la victoire d’une équipe de football ».

Ce qui est intéressant dans ces entités, selon le sociologue, c’est que les machines politiques
fondent leur action organisée sur les intérêts locaux, personnels et immédiats des différents
quartiers. Il faut bien entendre ici que la machine politique agit au niveau d’un quartier ou d’une
petite localité et non de la ville dans sa globalité. La machine politique entretient donc des relations
de types « primaires » avec ses « clients ». Par exemple, le Tamany hall, que cite brièvement l’auteur
dans son article, est « une organisation associée au parti démocrate qui aidait les immigrants
nouvellement arrivés à New York, à s'installer, à se nourrir, à se vêtir si nécessaire, à trouver un
emploi, à se familiariser aux démarches administratives et aux mœurs américaines, tout en leur
permettant de créer les premières relations sociales. » (sources wikipédia). Ainsi, l’objectif plus
précis des machines politiques était de contrôler un groupe primaire en leur apportant confort
matériel et social. Park écrit qu’en procédant ainsi, ces organisations s’appuient sur des valeurs
féodales que sont la loyauté, la fidélité et la dévotion aux intérêts du chef et du clan, afin de
rassembler des individus ayant des mêmes caractéristiques sociales et ethniques en un seul et même
groupe. Ce groupe va alors développer ses propres opinions et ses propres intérêts. Cette citation
peut venir appuyer notre explication « Les gens appartenant à l’organisation, leurs amis et leurs
supporters forment un « nous » alors que le reste de la ville, le monde extérieur, n’est ni aussi vivant,
ni aussi humain que les gens qui vivent à l’intérieure du « nous ».

On peut alors se représenter la réalité socio-politique de la ville comme un ensemble de


petits groupes constitués autour de valeurs féodales et d’intérêts politiques. A partir de cette image,
on peut mieux cerner les enjeux qui règnent autour de ces groupes. En effet, selon un schéma assez
marxiste, les différentes organisations vont développer une sorte de conscience de groupe et
d’intérêt de groupe pour finalement s’affronter dans une lutte pour le pouvoir. Ainsi, Park décrit
« Entre ceux qui appartiennent au « nous » règnent la paix, l’ordre, la loi […] alors que leur rapport
aux étrangers est un rapport de pillage et de guerre, sauf si des accords interviennent ». Ce qui
permet la solidarité et la paix entre les membres d’un groupe, c’est la présence d’un ennemi commun
car cela impose une forme d’unité pour ne pas s’affaiblir face aux étrangers. Le schéma d’analyse de
Park semble très imprégné de la vision de Marx sur ce sujet.Pour conclure ce passage sur la machine
politique, on peut affirmer que ce sont « les exigences d’unité du groupe qui sont à l’origine du
gouvernement et de la loi puisqu’ils visent à prévenir les conflits et à renforcer la discipline à
l’intérieur du nous ».

PUBLICITE ET CONTROLE SOCIAL

Revenons maintenant sur le cas des organisations de bons choix et les bureaux de recherche
qui, eux, sont fondées sur une relation secondaire puisqu’ils visent à défendre les intérêts de la ville
dans son ensemble. Pour y parvenir, ces organismes tentent d’éduquer les électeurs en les initiant à
la politique sociale par le biais de la publicité. Pour Park, la publicité est un outil de contrôle social
indispensable à chaque société fondée sur les relations secondaires et, donc, pour toutes les grandes
villes. Des organismes et des Institutions vont ainsi se professionnaliser dans ce domaine : le
sociologue cite la Fondation Russell Sage et la commission d’éducation générale en exemple. Ces
professionnels de la pub ont l’ambition d’alerter et d’infléchir l’opinion publique sur les questions
sociales. Ainsi, le Rapport Carnegie est un article qui traite de l’éducation médicale et l’Enquête de
Pittsburg, le Rapport de la Fondation Russell Sage traite des coûts comparés de l’éducation
secondaire dans différents états. Si leurs noms semblent avoir une portée scientifique destinée à une
élite cultivée, Park souligne que « ce sont des formes supérieures de journalisme, traitant de manière
critique les conditions existantes et cherchant […] à provoquer des réformes radicales. ». D’autres
thèmes sont évoqués comme « la protection de l’enfance » et la « santé publique ». Il semble que les
publicités évoquées par l’auteur ne soient, ici, pas de la même nature que celle que nous connaissons
(affiches, photos, caricature..) mais d’un autre type plus proche du rapport ou du manifeste. Il
n’empêche que la publicité est un moyen indispensable à tout organisme pour pouvoir influencer
l’opinion publique.

Revenons sur le rôle du journal qui, à l’époque de Park, est le plus grand et le plus efficace des
moyens de communication, il sert d’ailleurs « de base à l’opinion publique ». Il semblerait que le
journal soit l’équivalant urbain du ragot dans le monde rural à la différence près que le journal ne
peut être aussi intrusif dans la vie privée des gens que ne le sont les ragots. Cela peut sans doute
s’expliquer par la difficulté technique et par le désintérêt qu’éprouveraient les lecteurs à lire des
anecdotes sur la vie de personnes qu’ils ne connaissent pas (quoi qu’au vu des magazines people
d’aujourd’hui on peut en douter !!). Le fait de ne pas pouvoir relater des anecdotes aussi indiscrètes
concernant la vie privée des individus va affaiblir l’intensité du contrôle social en zone urbaine : En
effet, les gens seront plus soucieux des ragots que des journaux puisqu’ils auront moins peur que leur
vie privée soit révélée dans les journaux que par la bouche de leurs voisins de village.

LE COMMERCE DU VICE ET LE TRAFIC D'ALCOOL

Park explique que les vices et l'alcool sont un moyen d'exploiter les pulsions profondes de la
nature humaine, avec évidemment plus de facilité de diffusion dans les milieux denses comme la ville
car les tentations seront plus nombreuses et les trafics plus accessibles. Le terme de « vice » est
culturellement associé à l'immoralité, voire à la perversité (prostitution par ex). Cette notion de vice
varie peu d'une culture et d'une époque à l'autre, mais il change selon les individus et leur morale :
telle personne sentira telle pratique comme un vice, qui passera, aux yeux d'une autre, pour une
pratique acceptable voire positive. Ainsi, par exemple, l'action de fumer. Ce contrôle du vice est plus
difficile, particulièrement à notre époque où les conventions physiques ou sexuelles sont plus
tolérantes. Il y a moins de tabous et plus de prévention concernant les sujets sexuels, par conséquent,
plus de liberté et donc plus d'abus dans le sens où les individus vont plus oser et voir ces pratiques
comme normalement très ancrées dans la société.

Cette vision des choses n'est autre que le résultat d'un contrôle social. Park aborde le sujet du
mouvement antialcoolique qui avait pour but, à ses débuts, de sensibiliser les gens sur tout ce qui est
relié à l'abus d'alcool. Seulement, ce mouvement n’a eu un succès qu'en milieu rural car le contrôle
social a davantage d'impact au sein des petites communautés. Pourquoi ? Car les mœurs y restent
fortement présentes, ce qui provoque plus facilement des regards honteux envers telle ou telle
personne que tout le monde connaît plus ou moins. En ville, l'organisation urbaine s'efforce de
réguler ces trafics en renforçant le contrôle social par la mise en place d’une multitude de lois. Il faut
une stratégie plus stricte pour que le contrôle fonctionne puisque les individus se connaissent moins,
de ce fait ils vont moins se juger (ou moins rapidement). Park déclare dans son texte : «la ville donne
à voir le bien et le mal dans la nature humaine, mais de manière excessive ». Nous venons de voir que
le vice et le trafic d'alcool en sont de très bons exemples.

IV) Le tempérament et le milieu urbain

LA MOBILISATION DE L'INDIVIDU

Les processus de ségrégation instaurent des distances morales qui font de la ville une
mosaïque de petits mondes qui se touchent sans s’interpénétrer. » Il n’empêche que la diversité qui
caractérise le milieu urbain, explique l’attraction que la ville peut exercer malgré ses inconvénients.
En ce sens elle peut aussi être un facteur d’épanouissement de l’individu. Dans cette dernière partie
du texte, Robert Ezra Park s'intéresse au tempérament de l'humain en milieu urbain. Quels sont les
motifs qui l’attirent vers la ville ? La mobilisation de l'individu en ville est due particulièrement aux
nouveaux moyens de transport et à une communication qui ne cesse de se développer. Ces deux
critères ont permis de faciliter et de simplifier les contacts entre les différents espaces (ruraux et
urbains), les distances horaires s’amenuisent. Seulement, ces évolutions se sont avérées
spectaculaires pour les espaces ruraux qui ont pu se sociabiliser avec les milieux urbains, mais moins
en ce qui concerne les populations urbaines. Park déclare : « Les processus de ségrégation instaurent
des distances morales qui font de la ville une mosaïque de petits mondes qui se touchent sans
s’interpénétrer. » En ville, nous nous sentons proche de tout le monde, nous recherchons donc pas
plus de proximité avec nos voisins puisque nous le sommes déjà au quotidien.

Cela amène à penser qu'en ville, l'individu devient moins accessible qu'un individu habitant à
la campagne. Ce phénomène est paradoxal du fait des possibilités de mobilité existantes en ville. Tout
est à portée de main, ce qui diminue inconsciemment notre curiosité et notre rapport à l'autre, et qui
crée une forme d'individualisation. La ville rend les relations humaines complexes proposant une
aventure ascensionnelle qui attirent notre désir de vouloir toujours plus. Nous sommes curieux de
découvrir de nouvelles choses mais nous voulons découvrir ce qui est loin.

La ségrégation entraine la mobilité des individus car même si la ville est organisée de façon
hétérogène et hiérarchisée, les classes les plus riches sont visibles des classes les plus pauvres ; ces
derniers ont la possibilité d'avoir un aperçu d'un autre milieu moral que le leur, provoquant ainsi
l'espoir d'une mixité sociale urbaine plus importante.

De plus, tout individu, qu'il soit de n'importe quelles classes sociales, sera tôt ou tard attiré par la
diversité des activités qu'offre la ville. Park explique que c'est « quelque chose de plus primitif qui
attire la plupart des jeunes hommes et jeunes femmes et les pousse à quitter la sécurité de leur foyer
à la campagne ». Ce « primitif » fait écho aux qualités innées de l'individu qui lui procurera sans doute
une récompense en ville lorsqu'il pourra les mettre en œuvre. Ce n'est pas forcément un aspect
positif de la ville : « Ni le criminel, ni l'anormal, ni le génie n'auront dans une petite ville, les chances
de développer leurs dispositions innées qu'ils trouvent toujours dans une grande ville ». L'excentricité
est très présente en ville, elle est même souvent reconnue puisque c'est un moyen de se différencier
de tous les autres individus : c'est un concept de « diversité dans la proximité ».

LA REGION MORALE

Les individus des classes pauvres peuvent se mélanger aux activités des classes élites. Par
exemple ; un ouvrier peut mettre de côté son identité socio-professionnelle en allant à l'Opéra, il va
casser les codes en intégrant spontanément un espace réservé à la plupart des personnes
appartenant à l'élite. Autrement dit, catégoriser la ville en différentes classes bien délimitées ne
seraient pas forcément utile puisque chaque quartier reflète une partie de la population en fonction
des activités qu'il propose (ex : une bibliothèque n'aura pas le même succès qu'un terrain de foot
dans un autre quartier). Une région morale est le lieu où l'on souhaite aller suivant nos loisirs et notre
soif de culture. Il n'est pas un lieu chronique, mais un intérêt spontané.

Au sein de la ville, nous sommes contraints de maitriser nos « appétits incontrôlés » comme
le nomme Park, qui sont à l'origine de notre instinct sauvage et naturel, car cela causerai trop de
conflits sociaux. Cependant, il est nécessaire d'exprimer de diverses manières ses pulsions innées ;
Aristote appelait cela la catharsis, c'est le fait de mettre en œuvre ces pulsions jusqu'ici refoulées au
service du bien-être social, sous forme de sport, d'art ou de jeu. De nos jours, ces trois catégories
prennent une place importante au sein de l'organisation urbaine, pouvant ainsi permettre aux
citadins de se purifier parallèlement aux contraintes imposées par cette vie urbaine. Park dit que « les
phénomènes sociaux, comme les grèves, les guerres, les élections populaires, les réveils religieux,
remplissent une fonction semblable en atténuant les tensions subconscientes ».

TEMPERAMENT ET CONTAGION SOCIALE

La particularité de la ségrégation urbaine, c'est le fait qu’à l’intérieur de chaque groupe social, les
individus présentent de nombreux traits communs (physique, idéologique, moraux) et qu’ils peuvent
ainsi se reconnaître à travers les autres individus qui composent leur groupe. Les relations qu'ils
entretiennent leur procurent un soutien moral qu'ils auraient plus de mal à retrouver dans une
communauté plus hétérogène. Un groupe homogène facilite le fait de se mettre à la place de l’autre
car les personnes ont des conditions d’existence très proches.

Conclusion

Robert Ezra Park a donc dressé un portrait très singulier de la ville dans son texte. Il a
contribué à développer la vision de l’Ecole de Chicago qui, si elle est critiquable n’en demeure pas
moins originale et enrichissante pour la sociologie urbaine en général. Ainsi, son analyse porte sur
une conception de la ville semblable à un organisme vivant où les individus agissent de manière
rationnelle. C’est en ce sens que le monde urbain s’organise de manière fonctionnaliste en consacrant
un espace dédié pour chaque type d’activité particulier. La manière d’analyser de Park s’assimile à
celle d’un « Méga journaliste » qui tente de décrypter le fonctionnement de la ville à travers un
reportage sur la société urbaine dans son intégralité. Par ailleurs, on peut lui reprocher le fait qu’il
reprenne souvent la notion de « naturelle » et « d’innée » pour expliquer les motivations et les
comportements des individus. Ces termes sont peu adaptés à une analyse de type sociologique selon
l’Ecole classique, car celle-ci tente de démontrer que tout est dicté par le social et que la place de la
nature est nulle ou quasiment nulle dans les faits sociaux. Citons Durkheim « Le tout est supérieur à
la somme des parties ». En outre, on peut pointer une petite contradiction dans le texte, en effet,
dans la partie « catégories professionnelles et types professionnels », Park développe l’idée que la
différence de talents entre les individus n’est pas d’ordre naturel mais d’ordre du vécu tandis que plus
tard dans le texte, il souligne que « la ville donne à voir le bien et le mal dans la nature humaine, mais
de manière excessive ». Contradiction donc, dans la manière de voir l’origine des motivations des
Hommes.

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