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MAYAN HAIM

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VAYICHLA’H edition
Samedi 01 Le combat de Jacob pour sa descendance
Elie LELLOUCHE
14 DÉCEMBRE 2019
Dina et ‘Hanouka
16 KISLEV 5780 02 Michaël SOSKIN

La provocation de Ya’acov
entrée chabbat : 16h35 03 Ephraïm REISBERG

sortie chabbat : 17h49 04 Jacob ou Israël


Yossi NATHAN

LE COMBAT DE JACOB POUR SA DESCENDANCE


Rav Elie LELLOUCHE

Le combat qui opposa, à  son retour en terre de Kéna’an, dans la conscience de celui-ci quant à sa foi en Hachem. C’est
Ya’acov à cet homme, dont nos Sages nous disent qu’il était le sens de l’affirmation de la Guémara (‘Houlin 91a) selon
l’ange tutélaire de ‘Éssav, ne peut s’expliquer en en limitant laquelle la poussière soulevée lors de ce long combat s’éleva
la portée au conflit qui déchira les deux frères ennemis, à jusqu’au Trône Céleste. L’ange tutélaire de ‘Éssav cherchait
la suite de la Béra’kha arrachée, auprès de leur père, par le à fissurer la confiance indéfectible, qu’avait tissée le troisième
plus jeune au détriment du plus âgé. Car, sans aucun doute, des patriarches avec le Créateur.
au-delà des intentions belliqueuses de son frère, Ya’acov
craignait, surtout, que ce dernier ne cherche à porter atteinte Mais parallèlement, cette lutte fratricide revêtait un autre
au projet divin qu’il avait décidé d’assumer. Et ceci, compte aspect beaucoup plus subtil. «L’entrelacement» dont parle
tenu du péril que cette atteinte engendrait quant à l’avenir Rachi traduit une tentative de séduction amorcée par le frère
du peuple d’Israël en gestation. de Ya’acov. Ne parvenant pas à fragiliser, par une opposition
frontale, la foi dont était pétri l’élu des Avot, l’ange tutélaire
En ce sens, l’attaque soudaine menée par  l’ange tutélaire de ‘Éssav tente un rapprochement avec son adversaire afin
de ‘Éssav contre le dernier des Avot, visait, d’abord, à de le séduire. Il s’agit, alors, d’amener Ya’acov à céder aux
fragiliser spirituellement celui-ci dans ses fondements les plus tentations qu’offrent le monde matériel en lui proposant d’en
essentiels. C’est cette tentative d’affaiblissement spirituel que partager les bienfaits apparents. C’est cette seconde stratégie
nous dépeint la Torah au chapitre 32 du livre de Béréchit: que redoute le père des tribus d’Israël lorsqu’il implore
«Alors que Ya’acov était resté seul (après avoir fait Hachem en lui demandant: Hatsiléni Na MiYad A’hi MiYad
traverser le fleuve Yabok à l’ensemble de sa famille), ‘Éssav; «Sauve-moi, je t’en prie, de la main de mon frère,
un homme s’attaqua à lui jusqu’au lever du jour. de la main de ‘Éssav» (Bérechit 32,12).
Constatant qu’il ne pouvait le vaincre, il (cet homme)
le toucha à la hanche. La hanche de Yaacov se luxa lors Ya’acov craint autant son frère, lorsqu’il adopte la posture de
de ce combat» (Béréchit 32,25-26). Le terme employé par ‘Éssav, cet ennemi viscéral, capable de violences et d’agressions
la Torah pour rendre compte de cette agression est le mot à même de faire douter de la réalité de la Providence divine,
Vayéavek. qu’il le craint lorsque celui-ci cherche, tel un frère aimant,
à lui faire partager ses réussites matérielles. Ferme dans ses
Commentant cette expression, Rachi nous en livre deux convictions et son engagement spirituel, Ya’acov ne cédera
sens. Citant le grammairien Ména’hem Ben Sarouk, le Sage pas. C’est alors que l’ange tutélaire de ‘Éssav va changer de
de Troyes relie, dans un premier temps, ce terme au mot stratégie.
Avak qui signifie poussière. En effet, poursuit le premier
de nos commentateurs, lors de ce combat sans merci, Prenant acte de la détermination de son adversaire, il va,
les deux adversaires soulevaient par l’ampleur de leurs alors, s’employer à briser le lien qui rattache Ya’acov à sa
mouvements une épaisse poussière. Cependant une seconde descendance. C’est ainsi qu’il faut comprendre la luxation
explication, qui voit dans l’expression Vayéavek un lien avec de la hanche de l’élu des Avot. La hanche symbolise la
le mot araméen Avik, qui signifie entrelacement, recueille descendance. En la déboîtant, le Sar de ‘Éssav veut prôner
les faveurs de Rachi. Car, précise le commentateur français, l’impossibilité, pour le peuple d’Israël, d’incarner dans toute
lors de cette lutte entre Yaacov et l’ange de ‘Éssav, les deux sa pureté le message que veut lui léguer son ancêtre. C’est
combattants «s’entrelaçaient», s’agrippaient l’un l’autre afin pourquoi, conclut la Torah, les Enfants d’Israël ne mangeront
de provoquer la chute du second. pas le nerf sciatique. Car c’est, au fond, cette capacité des
descendants de Ya’acov, à assumer, pleinement, l’héritage
Au travers ces deux explications, c’est tout le sens de la que constitue l’engagement spirituel de l’élu des Avot, que
stratégie de «déstabilisation spirituelle» projetée par ‘Éssav chercha, en fin de compte, à contester l’ennemi juré du projet
que Rachi sous-entend. La poussière soulevée lors de la d’Israël.
confrontation visait à obscurcir la clarté de l’engagement
spirituel de l’élu des Avot. En troublant le champ de vision
de Ya’acov, son adversaire cherchait à introduire le doute

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Association reconnue d’utilité générale habilitée à recevoir les DONS et les LEGS. Directeur : Rav Elie LELLOUCHE
DINA ET ‘HANOUKA
Michaël SOSKIN

« Lo chalavti velo chakateti velo na’hti, que « menou’ha », le repos au sens sa fille déshonorée est dû au fait
vayavo roguez », « Je n’ai pas trouvé la paix, d’être posé, installé, fixé. Lorsque qu’il a trop tardé (en s’installant à
ni la quiétude, ni le repos, et les ennuis sont la Torah (Devarim 12,9) dit « car Chekhem) pour accomplir le vœu
arrivés » vous n’êtes pas encore arrivé qu’il avait fait lors de sa fuite vingt
(Job 3,26). au repos –el hamenou’ha », ans plus tôt de construire un autel
nos Sages comprennent que la pour Hachem à l’endroit où Il lui
Le Midrach (Berechit Raba 84,2) « menou’ha » sera l’installation d’un était apparu en rêve. Si cette punition
trouve dans ce passouk une allusion temple fixe (à Shiloh) qui marque peut paraître disproportionnée,
aux épreuves qu’a rencontré Yaakov la prise de possession complète de il faut comprendre qu’Hachem
durant sa vie : « Je n’ai pas trouvé la paix la Terre d’Israël après sa conquête. a porté ce regard rigoureux sur
– à cause d’Essav, ni la quiétude –du fait Or l’exil infligé par les Grecs est le Ya’akov seulement pour lui donner
de Lavan, ni le repos –en raison de ce qui seul des quatre exils à avoir eu lieu l’opportunité de déployer les forces
est arrivé à Dina, et les ennuis sont venus sur la Terre d’Israël, privant ainsi les qui serviront à ses descendants pour
–c’est alors qu’il a été pris par les ennuis Judéens d’une « menou’ha », d’un état résister au péril Grec. Celui-ci s’est
liés à Yossef [qui sera jalousé et vendu de repos spirituel ultime et d’une précisément abattu sur les Judéens
par ses frères] ». Ailleurs pourtant, un emprise totale sur leur terre, d’où pour une raison qui ressemble au
autre Midrach (Chemot Raba 26,1) l’allusion que nos Sages y voient manquement qui fut reproché à
semble associer ce même passouk dans l’expression « lo nah’ti ». De Yaakov en son temps. Le Ba’h (sur le
aux différents exils que devra subir même, l’épisode de Dina est le seul Tour OH 670) explique en effet que
le peuple d’Israël : « Je n’ai pas trouvé qui se déroule entièrement en terre les juifs ont fait preuve de laisser-aller
la paix – à cause de la Babylone, ni la d’Israël (à Naplouse – Chekhem), dans la pratique du service divin au
quiétude –du fait de la Médie, ni le repos d’où la frustration qu’aurait pu Temple, ce qui leur a valu de le voir
–à cause des Grecs, et les ennuis sont venus formuler Yaakov de ne pas pouvoir souillé.
–lors de l’exil d’Edom (Rome). Comment atteindre la menou’ha alors qu’il est
concilier ces deux interprétations sur la terre qui lui est promise. Leur résolution.
apparemment bien distinctes d’un Le commandement de construire un
même verset ? Les faits. autel à Beit-El qui fait suite à l’incident
L’intention des Grecs était de Dina n’est pas sans rappeler les
Rav Guedalia Schorr livre une étude d’effacer toute spécificité juive. efforts que les Juifs entreprirent pour
brillante qui donne un aperçu de la Par l’hellénisation bien sûr, mais restaurer et inaugurer le temple après
profondeur et la cohérence du propos aussi par des décrets et sévices la dévastation laissée par les Grecs à
de nos maîtres dans le Midrach. Il très concrets. C’est ainsi qu’ils l’époque de ‘Hanouka. D’ailleurs
explique que les quatre épreuves de la interdirent aux Juifs de se circoncire. d’après certaines sources (Pirkei
vie de Ya’akov préfigurent les quatre Pour détruire la pureté du foyer juif, deRabi Eliezer) Ya’akov a posé à
exils que ses descendants –le peuple ils instaurèrent le droit de cuissage : Beit-El le rocher de la fondation
d’Israël, auront à subir. Plus encore, la fiancée juive était livrée de force (even hachetia) du futur Temple. Il
les forces qu’il a déployées lors de ces au gouverneur d’occupation local est encore plus remarquable de voir
épreuves serviront à ses descendants avant de pouvoir se marier. Ce qu’en vue de construire cet autel, la
pour survivre et résister aux quatre dernier décret est préfiguré par Tora précise que Ya’akov demande à
exils, selon le principe (détaillé dans l’épisode de Dina dont la pureté ses fils de se débarrasser de tout objet
le Midrach et rendu célèbre par le est souillée par Chekhem, fils de ayant pu servir à l’idolâtrie et de se
Ramban) que « Maassé avot siman ‘Hamor, prince de la province dans purifier. Le Ramban (sur Berechit
lebanim », ce que les patriarches ont laquelle Yaakov a établi domicile. La 35, 4) comprend que ces objets
fait retentit similairement sur leurs volonté de nier la spécificité juive par n’étaient pas en principe voués à
descendants. Concentrons-nous sur les habitants locaux s’exprime par l’anathème (sinon les enterrer aurait
la troisième épreuve, « velo na’hti » leur consentement à se circoncire, été insuffisant), mais que dans le
qui fait allusion à ce qui est arrivé à comme si la différence entre eux cadre de l’inauguration de cet autel
Dina. Rav Schorr explique que cet et les fils de Ya’akov tenait à un il fallait se montrer plus rigoureux et
épisode préfigure l’exil infligé par les morceau de chair. C’était ignorer que n’y mêler aucune forme d’impureté,
Grecs à (au moins) quatre niveaux : la circoncision sur quelqu’un qui n’a même lointaine. L’analogie s’impose
le contexte est similaire, les faits se pas reçu le commandement de Brit avec la fiole d’huile pure que les
ressemblent, leur cause ainsi que leur Mila est un simple acte chirurgical ‘Hasmonéens ont désespérément
résolution sont comparables. et un signe de façade alors que chez cherchée pour inaugurer le Temple
le Juif elle vient inscrire en lui une –bien qu’une telle impureté n’aurait
Le contexte. empreinte de sainteté. pas dû être totalement invalidante.
Si les mots qui décrivent le répit Comme si les évènements causés par
utilisés dans le Midrach (chalavti Leur cause. une certaine négligence ne pouvaient
/ chakateti / na’hti) sont quasi- Immédiatement après l’épisode de être réparés que par un surplus de
synonymes dans leur traduction Dina, D.ieu demande à Ya’akov zèle.
française, en hébreu chacun apporte de quitter Chekhem pour aller
un élément spécifique et décrit construire un autel à Beit-El Adaptation d’un extrait du Ohr Guedaliahu
avec justesse l’épisode auquel le (Berechit 35, 1). Rachi comprend de (Rav Guedalia Schorr)
Midrach les associe. Le troisième, cette juxtaposition que le malheur
« velo na’hti » est de la même racine qui est arrivé à Ya’akov de voir
LA PROVOCATION DE YA’ACOV
Ephraïm REISBERG

Nos Sages critiquent Ya’akov pour que seulement une partie de sa qui frayait avec les impies et les
avoir envoyé des messages aller descendance héritera de la mission bandits du monde, et qui demandait
au-devant de Essav. En effet, ils lui d’Avraham ? dans le même souffle “comment
appliquent le verset des Proverbes La Torah a pourtant averti ce effectuer les prélèvements sur la paille et le
(26, 17) “Saisir un chien par les oreilles, dernier: “Dans Its’hak, on sel” (Rachi sur Béréchit 25,27).
c’est le fait d’un passant qui s’engage qui appellera ta descendance” La démarche de Essav semblait si
s’emporte pour une querelle qui n’est pas (Béréchit 21, 12). Dans Its’hak sincèrement ressembler à celle de
la sienne.” et non tout Itshak, ce qui devait son grand-père, qu’il était évident
forcément exclure l’un de ses deux pour Its’hak d’attribuer la légitimité
Le Saint-Béni soit-Il lui dit: celui-là fils de la mission sacrée. à celui-ci.
[Essav] faisait son chemin tranquillement, Hachem ne laissa pas ce
et toi tu lui envoies des anges! (Béréchit Même s’il est établi que Its’hak était raisonnement se concrétiser.
Rabba 75, 2) trompé par Essav et estimait que ce Toutefois, si les bénédictions
dernier était un juste, ne voyait-il échurent bien à Ya’acov, et qu’elles
Des paroles de ce Midrach, il pas Ya’acov constamment “dans la lui furent même confirmées en toute
ressort que la conduite de Ya’acov Tente de la Torah”, s’abreuvant connaissance de cause par son père
laisse échapper une attitude nuit et jour des traditions ancestrales (Béréchit 27, 33), il s’avère que la
“provocatrice” vis-à vis de Essav, auprès des deux grands dépositaires démarche naturelle du dernier
qui ne se serait pas de lui-même de la génération, Chem et Ever, Patriarche le rendait “manquant”
repris à rallumer la haine qui l’avait chez qui il avait lui-même étudié par rapport à la nature de cette
habité presque 35 ans plus tôt. après le passage de la Akéda? fameuse bénédiction. Parviendrait-
La teneur de ce Midrach semble il à imiter son vertueux grand-père,
même apparaître en filigrane dans Comment penser que Ya’acov en gardant son intégrité au milieu
le Texte. J’ai habité avec Lavan: était ainsi si facilement exclu de la des impies et des bandits? Ya’acov
c’est à dire que même auprès de bénédiction paternelle, alors qu’il releva le défi... avec succès.
l’impie j’ai observé les 613 Mitsvot le savait sans faille dans le domaine
(Rachi) et n’espère donc pas trop spirituel, ce qui n’était, dès l’âge de Yaacov [re]vint entier à Chekhem
la réalisation de la promesse 15 ans et de manière notoire, plus le (Béréchit 33, 18). Parfait dans son
paternelle: Et ce sera [quand Israël cas de Essav? corps, dans son argent et dans son
s’affaiblira dans la pratique des attachement à la Torah (Rachi). Son
commandements] alors que ton cou La réponse proposée est la suivante. séjour à ‘Haran était la dernière
s’affranchira du joug de ton frère L’erreur dans le raisonnement condition à ce qu’il hérite de la
(Béréchit 27, 40). d’Its’hak était qu’il considérait mission ancestrale.
l’assiduité dans la Tente de la Torah
Ou bien encore, d’après l’auteur et l’implication dans l’étude des Dès lors, conclut le ‘Hatam Sofer,
du Sefer Haflaa, lorsque Ya’acov voies sacrées comme une clause lorsque Ya’acov revint et annonce à
ordonne aux anges de prévenir disqualifiante, pour l’héritage de la son frère qu’il a habité chez Lavan
Essav de son arrivée, il leur dit bénédiction d’Avraham. et qu’il y a [malgré tout] observé
“Ainsi vous parlerez a Essav”. toutes les Mitsvot, Essav comprend
Le mot Ko (“Ainsi”) est synonyme Selon cette approche, le fait que son frère vient de lui ravir la
de l’emploi de la langue sainte (Sota d’observer que Ya’acov “ne bougeait dernière preuve de légitimité qu’il
38a), comme pour signifier à son pas de la Tente”, était une preuve pouvait avancer.
frère que même sa régularité dans que jamais celui-ci ne serait
l’emploi de la langue maternelle n’a capable d’atteindre la force d’esprit Nous comprenons sous un autre
pas été altérée, bien qu’il ait eu à d’Avraham, qui réussit à établir un angle en quoi cette annonce, à
vivre dans une contrée éloignée de lien avec le Créateur non par l’étude priori sans aucun intérêt pour Essav,
la maison sainte de ses ancêtres, et des textes, mais par la défense d’une a pu éveiller sa colère et permettre
donc de leur langue. idéologie qui ne reposait justement dans le même temps le Midrach de
sur aucun texte. fustiger ce comportement quelque
Tous ces indices reflètent donc peu “provocateur”.
une certaine “erreur” de Ya’acov, C’est pour cela que, nonobstant le
comparable à celle “d’attraper le niveau spirituel de Ya’acov et le fait
chien par les oreilles”, et de réveiller qu’il restera toujours un serviteur
la haine sourde endormie dans le d’Hachem, paradoxalement il ne
cœur de son frère Essav. puisse appréhender pleinement la
démarche d’Avraham et d’être le
Le ‘Hatam Sofer propose une réceptacle de la bénédiction que D.
explication supplémentaire. lui avait adressée.
Nous devons avant tout nous
interroger sur le fait suivant: Qu’a En revanche, cette bénédiction était
donc vu Its’hak pour vouloir le plus à même de s’accomplir chez
bénir Essav? Ne savait-il donc pas Essav, “l’homme des champs”,
JACOB OU ISRAËL
Yossi NATHAN

« Jacob envoya des émissaires au pas à son fils d’écouter son point de vue, ces deux hommes, celui ci ne manque
devant de lui (des éclaireurs..) vers mais plutôt d’ « entendre ». Notion bien pas de nous surprendre. En effet, en
son frère Esau… » différente au demeurant, qui impose au se rendant compte de la difficulté à
Béréchit 32,4 sujet de se situer par rapport à lui même combattre Jacob et à la vue de l’aube
et non au regard de l’autre. Aussi, il ne qui pointait, l’inconnu tente de se
Le comportement de Jacob est pour nous semble plus que le désir de Rivka, dérober. Jacob réclame une bénédiction
le moins surprenant et dénote avec les pour lequel Jacob était le fils chéri, et pour réponse il obtient « ton nom
comportements audacieux auxquels soit à l’origine de cette angoisse qui ne sera plus Jacob mais Israël car tu
nous avait habitués les patriarches. A demeure chez notre patriarche mais t’es confronté avec Dieu et avec des
l’instar des revendications monothéistes celle ci semble provenir d’une raison hommes et tu as triomphé »(32,27).
d’Abraham en milieu idolâtre, ou de distincte. Tachons d’éclaircir cela. Etrange réponse que celle ci. Notre
l’abnégation au sacrifice de soi pour vainqueur demande alors au vaincu
Isaac, le comportement de Jacob En allant à la rencontre de Esau, Jacob son nom et se voit répondre « …que
semble interrompre cette dynamique. se voit dans l’obligation de traverser de t’importe mon nom et il le bénit. Et
nouveau le fleuve du Yaboq, lieu ou Jacob appela cet endroit Péniel, car
En effet, on voit Jacob envoyer des il s’isole, pour se voir confronter à un j’ai vu Dieu face et face et j’en suis
émissaires afin de déceler les intentions inconnu. Prélude de sa rencontre avec sorti indemne » (32-30).
de son frère. On pourrait se demander son aîné. Nos sages indiquent d’ailleurs
si cette attitude n’est pas celle d’une que cet inconnu n’est rien de moins Ce récit ne manque pas de nous
personne qui aurait quelque chose à que l’ange de Esaü. Cet isolement, qui interroger. Pourquoi l’inconnu ne s’est
se reprocher ? Le personnage ne nous l’oblige à se retrouver avec lui même, t’il pas présenté, et quelle étrange
semble pas avoir hérité de l’attitude peut finalement nous voir reconnaitre affaire que de voir notre patriarche
de confiance en Dieu de son ancêtre dans cet inconnu son double, l’ange livré bataille à un inconnu pour lui
Abraham. On retrouve un Jacob de Esaü son jumeau. On pourra demander seulement de se présenter au
effrayé par la rencontre avec son frère remarquer la proximité des termes terme de ce combat. Rachi indique que
aîné Esaü, et dont l’approche relève « Jacob » et « Yabok », qui donne à cet inconnu n’a pas de nom car le nom
bien plus de la réflexion d’un stratège penser à des anagrammes, la lettre d’un ange est fonction de la mission
que d’une banale retrouvailles avec « ayn » manquante, et qui pourrait qu’il entreprend. Aussi, on comprend
son jumeau. Il est vrai, certes, que les donnait lieu à une interprétation, celle plus aisément la réponse de cet inconnu.
termes de leur séparation ne s’est pas d’une référence à une condition, la Il indique à Jacob que sa mission à
révélé des plus simples. Jacob a privé nécessité de porter un regard détaché changer, ce n’est plus Jacob mais Israël,
du droit d’aînesse son frère Esaü, qui de soi. Bien plus encore, la traversée du celui dont le patrimoine s’inscrit dans la
s’était juré en retour de mettre un passage à guet du Jourdain qui dans le prolongation de ses pères, et pour lequel
terme au jour de son cadet. Cependant, texte biblique se dit « Over » et dont le la rencontre avec l’autre est une priorité.
cet acte qui peut sembler justifié de la radical forme également le terme Ivri Il obtiendra d’ailleurs une confirmation
part de Jacob, continue malgré tout a = hébreu raconte le dépassement de divine, après les péripéties de Dina et
ronger ce dernier. Comment se fait il soi pour aller à la rencontre de l’autre. Shé’hem, quelques versets plus tard lui
que cela tourmente notre ancêtre? C’est d’ailleurs là un bagage familiale indiquant que « ton nom ne sera plus
qu’il conserve. Jacob mais Israel » (35,10)
Il faut noter que c’est Rivka leur mère
qui est à l’origine de cette discorde, et Aussi, l’angoisse qui habitait Jacob, et C’est ce qui transforme Jacob, le rusé
qui demande à son fils d’« entendre que les mauvaises intentions de son du terme « ‘Akev », en Israël, père d’une
sa voix ». On remarquera d’ailleurs double Esaü nourrissaient, se retrouve grande nation imprégnée de morale.
le choix étrange de l’exil de notre dans l’obligation une fois le Yabok
patriarche, qui trouve refuge auprès de traversé, de porter un regard qui
Lavan l’idolâtre toujours sur les conseils dépasserait l’image premier de son frère
de sa mère. Aussi, il nous semble à ce Esau. Cela l’inscrit également dans la
stade que le comportement de Jacob est prolongation des recommandations
dicté par la volonté de sa mère. Pour de sa mère qui demande à ce qu’il
autant, cela ne correspondrait il pas à entende sa voix, en comprenant qu’il
la volonté divine que Jacob bénéficie y’ait quelque chose derrière sa parole.
du droit d’ainesse et des bénédictions C’est ainsi qu’en posant un regard
associées? Et est ce envisageable que différent sur son frère Esau, en lui
notre matriarche Rivka ait contrecarrer accordant plus de profondeur, il se voit
aux projets divins? la possibilité de se changer.

On remarquera que Rivka ne demande En nous intéressant à l’échange entre

Ce feuillet d’étude est dédié pour l’élévation de l’âme de Sarah Edith bat Mouna zal

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