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Chapitre 4

Le trend de croissance au 20ème siècle

1-LE TREND SE POURSUIT PAR-DELÀ LES PHASES DE CRISES.

1-1 La périodisation.
Angus MADDISON, L’économie mondiale 1820-1992, OCDE, 1995

1-2 Les croissances nationales.


1-2-1 La convergence ?
1-2-2 L’exemple du Japon.

2-LA QUANTIFICATION DES FACTEURS DE LA CROISSANCE.


Jean-Jacques CARRE, Paul DUBOIS, Edmond MALINVAUD, La croissance française, essai d’analyse
économique causale de l’après-guerre, 1972.

2-1 La mesure par une fonction de production.

2-2 Le facteur capital.

2-3 Le facteur travail.


2-3-1 La quantité de travail dans l’économie.
2-3-2 Productivité et quantité de travail : les conséquences sur le chômage et le niveau de vie.
Chapitre 4
Le trend de croissance au 20ème siècle

1-Le trend se poursuit par-delà les phases de crises.


1­1 La périodisation.
Angus MADDISON, L’économie mondiale 1820-1992, OCDE, 1995
Trend à très long terme = 2 à 2,5% de croissance en moyenne pour les pays industrialisés.
•La croissance évaluée à travers les principaux indicateurs (productivité, PIB/hab notamment se
poursuit dans la période 1913­1950 avec des taux moyens comparables à ceux de la RI, malgré les
conflits et la Grande crise.
•La   période   1950­1973   fait   figure   d’exception   historique   au   regard   des   taux   de   croissance
exceptionnellement forts, de l'ordre de 5% en moyenne, appuyé sur des gains de productivité très
rapides qui ne touchent plus seulement les leading sectors comme pendant la RI : la croissance est
de plus en plus  intensive. C’est l’Age d’or  de Maddison ou les  Trente Glorieuses  de Fourastié
(1979).
­certains secteurs croissent particulièrement.
L’agriculture connaît sa troisième (?) révolution avec des gains de productivité très élevés, une
mécanisation poussée et des rendements du sol également accru surtout en Europe.
L’automobile est le produit par excellence de la croissance fordiste, et occupe un poids conséquent
dans l’emploi (1 sur 10 en France, des assurances aux pompistes), la fiscalité mais aussi la dépense
publique. D’une manière générale,  les secteurs  de la “deuxième“  révolution industrielle liés  au
pétrole (pétrochimie…) accèdent à la production de masse.
­les niveaux de vie croissent considérablement, bouleversant les habitudes de consommation, dont
la “norme“ s’élève considérablement, de l’électroménager aux services éducatifs.
•Retour à un trend “normal“ depuis 1973?
La   croissance   ralentit   fortement,   tout   comme   le   rythme   de   l’investissement   et   les   gains   de
productivité. Le rythme du rattrapage ralentit à l’approche de la frontière technologique, rendant
nécessaire un effort accru d’innovation.
Mais depuis les années 1990 aux Etats­Unis puis ensuite en Europe (notamment dans quelques pays
comme l’Irlande ou les Pays­Bas), la croissance est redevenue plus forte. C’est une inversion de la
tendance, avec une nouvelle accélération de la productivité aux EU (en gros 2,5% par an sur la
décennie 1995­2004 contre 1,5% dans l’UE).
•Quel est l’impact des NTIC ? Est­ce une troisième révolution industrielle, celle du 21ème siècle ?
­les   NTIC  sont   à   tous   les   niveaux :  les   fabricants,   les   utilisateurs   dans   leur   offre   et   dans   leur
système productif. Internet par exemple peut faire baisser certains coûts de transaction.
­mais la quantification est difficile. Les TIC contribueraient à 0,8 point de croissance aux EU et 0,4
en France sur la période 1995­2003, soit un quart de la croissance.
­ce serait en tous cas la fin du paradoxe de Solow (« you can see the computer age everywhere but
in   the   productivity   statistics »),   formulé   en   1987   alors   même   que   les   dépenses   de   R&D   ont
augmenté partout depuis les années 1970. Les NTIC auraient un impact désormais tangible sur la
productivité, après un temps de diffusion / formation / apprentissage.
1­2 Les croissances nationales.
 1­2­1 La convergence   ?
•Les écarts internationaux tendent à se creuser jusqu’en 1945.
Les Etats­Unis accentuent encore leur avance au cours des  roaring twenties  durant lesquelles se
développe la première consommation de masse. L’automobile notamment devient un phénomène
de civilisation (30M de véhicules en 1929 aux EU sur les 35M qui circulent dans le monde, soit
déjà une pour quatre habitants). Surtout, ils connaissent une croissance exceptionnelle durant la
Seconde guerre mondiale où leur PIB augmente de moitié soit environ 10% par an ! Ils sont plus
que jamais le pays meneur en 1945.
•Mais les écarts tendent à se réduire ensuite, avec un phénomène de  rattrapage  du pays meneur,
déjà analysé par Gerschenkron pour le 19ème  siècle. Les pays les plus en retard, notamment en
Europe   continentale,   croissent   le   plus   vite,   comme   l’Allemagne   mais   aussi   l’Italie   ou   même
l’Espagne. La GB se voit même dépassée et les EU ont la croissance la moins élevée.
En fait, le rythme du progrès technique ­ désormais institutionnalisé ce qui place la science au cœur
des  processus  productifs  ­ est indiqué  de  manière  fiable  par  les  gains  de  productivité  du pays
meneur qui est à la frontière technologique. Il fournit un gros effort de recherche et développement
pour la  repousser, notamment  dans  le complexe  militaro­industriel.  Les  Etats­Unis  ont ainsi la
maîtrise d’une information asymétrique.
•Les écarts se sont à nouveau accrus avec les Etats­Unis, offrant ainsi une nouvelle possibilité de
rattrapage, sans doute en partie à l’œuvre.
=> les écarts de croissance sont donc assez sensibles, même si la périodisation est commune.
1­2­2 L’exemple du Japon.
•Le Japon est un vaincu de 1945.
Le bilan de la guerre est lourd : 2,5 M de morts (4% de la pop), Tokyo est rasée pour la deuxième
fois après le séisme de 1923 et devient un bidonville, la production est à un niveau très inférieur à
l’avant­guerre, six millions de réfugiés regagnent l’archipel.
Le Japon est occupé par les Américains sous de Mac Arthur jusqu’en 1951. C’est une période
décisive avec un très gros effort législatif qui modèle en profondeur le cadre de la croissance.
­la  demokurashii  est   implantée   (liberté   inconnue   de   la   presse,   syndicats…)   avec   un   régime
complètement parlementaire où l’empereur conserve un rôle honorifique. Ce régime est presque
continûment dominé par le PLD.
­outre la démilitarisation, les EU tentent sans y parvenir de démanteler les  zaïbatsus  associés à
l’expansionnisme de l’entre­deux guerres avec de gros investissements dans les colonies.
­une immense réforme agraire permet une vaste redistribution : la moitié des terres changent de
propriétaires, mettant à un système inégalitaire (propriétaires héréditaires / métayers) défavorable à
la productivité.
•Les années 1953/5 marquent le retour aux niveaux d’avant­guerre et le début d’une croissance
exceptionnelle (mais déjà autrefois plus rapide que les autres).
­les investissements sont massifs, au profit de l’appareil productif (produits de base notamment) en
sacrifiant le logement. Ils croissent de 25% par an dans les années 1955­1960.
­la demande est très forte, par les investissements mais aussi par la consommation (100 M d’hab
dans les années 1960 : la taille de marché intérieur tire la croissance plus que les exportations).
­les   gains   de   productivité   sont   exceptionnels,   avec   peu   de   R&D   mais   un   large   accès   aux
technologies étrangères par les missions de productivité, par la recherche systématique de brevets,
de licences… cédées sans difficultés à un pays encore très “sous­développé“ dans les années 1950­
1960, mais avec une longue tradition industrielle. Mais les succès d’après­guerre sont également
endogènes,   avec   une   forte   capacité   d’innovation   :   Honda,   Ibuka   et   Morita   (Sony),   Kitamura
(Olympus).
=> de 1955 à 1973, PIB/hab multiplié par plus que 5 et devient équivalent à celui de la GB.
•Le rattrapage se poursuit ensuite et les années 1970­1980 apparaissent triomphante pour le Japon
dont la croissance reste nettement plus important qu’en Occident. Mais les années 1990­2000 sont
au contraire difficiles.

2-La quantification des facteurs de la croissance.


Jean-Jacques CARRE, Paul DUBOIS, Edmond MALINVAUD, La croissance française, essai d’analyse
économique causale de l’après-guerre, Seuil, 1972.

2­1 La mesure par une fonction de production.
Les systèmes de comptabilité nationale progressivement mis en place après 1945 permettent de
mesurer avec  beaucoup plus de précision la croissance et ses sources.
•On   peut   mesurer   par   une   fonction   Cobb­Douglas   Y   =   f(L,K)   =   L .K  avec  +    =   1   soit
rendements d'échelle constants et rendements factoriels décroissants.
Les termes  et  représentent la part relative du travail et du capital dans le revenu national (en
général, on compte 70% et 30% soit 0,7 et 0,3), et on pondère les croissances des heures travaillées
et du capital par ces valeurs.
Mais il apparaît que la croissance des quantités de L et K n’explique pas toute la croissance de Y :
le reste de l’explication est alors attribué à un résidu représentant le progrès technique. La fonction
peut se réécrire Y = F(L,K,r) et les théories de la croissance devront s’efforcer d’expliquer r.
•Les   travaux   de   Denison   (1967),   ou   de   Dubois­Carré­Malinvaud   aboutissent   à   un   constat
d'intensification de la croissance, même si les résultats sont très différents selon les méthodes de
calculs.
­avant   la   RI   la   croissance   est   faible   et   extensive,   par   accroissement   lent   et   proportionnel   des
facteurs de production.
­dans la seconde moitié du 20ème siècle, la croissance devient très intensive avec une forte hausse de
la productivité des facteurs (à tel point que l'accumulation des facteurs pendant la RI a été qualifiée
d'extensive par les économistes). Ce trait est particulièrement net dans les pays du rattrapage, tandis
que la croissance américaine (mais aussi japonaise) emploie plus de facteur travail malgré un effort
de progrès technique important.
2­2 Le facteur capital.
•Le capital physique est l’ensemble des biens permettant de produire d’autres biens. Le stock de
capital est progressivement accumulé par les générations d’investissements, c’est donc un agrégat
très hétérogène.
L’investissement permet à la fois l’augmentation de la production (dimension extensive, plus de
capacité) mais aussi l’augmentation de la productivité (dimension intensive) par une plus grande
intensité capitalistique par travailleur et par incorporation du progrès technique ainsi concrétisé.
ex : un L et un ordinateur, deux L et deux ordinateurs, un L et deux ordinateurs, deux L et deux
ordinateurs de générations différentes…
Mais une partie du stock de capital est déclassé chaque année (amortissement, obsolescence…).
•Sur un plan comptable,  la FBCF  est la somme  de I net + I de remplacement.  Mais les deux
incorporent du progrès technique car il n’y a pas de remplacement à l’identique, et le raisonnement
en brut est intéressant.
•Au cœur du capitalisme, on trouve donc cette formidable accumulation des moyens de production
depuis le 19ème  siècle. Le capital par tête a considérablement augmenté, permettant des gains de
productivité rapides.
Ex : parc de machines et équipements par salarié calculé par Maddison.
­Etats­Unis : X140 depuis 1820 (dont X25 de 1820 à 1913 puis X2,5 depuis 1950).
­Japon : X 12 depuis 1950 pour un niveau un peu supérieur aujourd’hui aux EU.
Ex : FBCF. Pendant les Trente Glorieuses, GB à 17% (beaucoup plus que les 7%à 12% de la RI),
Allemagne à 25% (comparable aux booms, mais ici sur longue période), Japon avec des pointes à
35%, mais  EU seulement  à 18% inférieurs  aux maxima de la Belle Epoque. Forte cadence  de
renouvellement des équipements.
=> corrélation parfaite avec les taux de croissance.
2­3 Le facteur travail.
2­3­1 La quantité de travail dans l’économie.
•La quantité de travail dans l’économie est liée à de nombreux paramètres : la durée du travail, le
rapport entre population en âge de travailler et population totale (ratio de dépendance  très lié au
vieillissement),   le   rapport   entre   population   travaillant   et   population   en   âge   de   travailler   (taux
d’emploi ou taux d’activité, également quantifiable par sexe).
•Pendant les Trente Glorieuses, ces paramètres ont des influences contradictoires :
­le taux d’activité des femmes augmente beaucoup, l’immigration est importante, la reprise de la
natalité finit par envoyer des générations nombreuses sur le marché du travail.
­mais le temps de travail annuel se réduit, l’entrée dans la vie active est plus tardive et la sortie plus
précoce.
Ex  :   la  population   française   passe   de  40  M   à  52  M   sur  la   période,   mais  la  population  active
augmente de 20,5 à 22 M seulement avec d'ailleurs une phase de diminution absolue. La population
active n’est nettement croissante qu’à partir des années 1960.
 2­3­2 Productivité et quantité de travail   : les conséquences sur le chômage et le niveau de vie.
•Pendant les Trente Glorieuses, le chômage disparaît alors que c'était le fléau des années 1930 : plus
de "pointes" aussi violente, et plus de chômage structurel. Il n’y a pas d'incompatibilité entre hausse
de la productivité et réduction du chômage (par exemple l’économie française absorbe les rapatriés
en 1962).
A   l’inverse,   le   chômage   structurel   est   réapparu   depuis   1974   et   la   croissance   est   inégalement
créatrice d’emploi : très intensive en Europe continentale (avec le choix d’une faible quantité de
travail très productif en contrepartie du chômage indemnisé?), plus extensive aux Etats­Unis, au
Japon où la croissance consomme une plus grande quantité de travail.
En fait :
­à long terme il n y’ a pas de lien négatif, la variation de la productivité se reporte intégralement sur
la croissance du PIB.
­mais à moyen terme, les gains de productivité peuvent avoir un effet négatif sur l’emploi, posant la
question d’une croissance plus riche en travail.
•La productivité du travail agit aussi sur les niveaux de vie, mais elle n’est pas la seule variable. Le
PIB/habitants, qui en est une bonne mesure, dépend aussi de la quantité de travail.
Ex : les différences de PIB/hab entre France et Etats­Unis ne s’expliquent pas tellement par la
productivité horaire (mesurée en PIB par heure travaillée, elle est en gros équivalente : où est la
frontière technologique ?) mais plutôt par les forts écarts en terme de durée du travail (1500 heures
contre 1800 environ par an) et de taux d’emploi (notamment les seniors).
Ex : par contre, entre la GB et les Etats­Unis, la différence proviendrait d’un écart de productivité
horaire plutôt que du taux d’emploi ou de la durée du travail (1700 heures environ).
Mais la relation est plus complexe car les relations entre les variables affectant le PIB/hab.
= un taux d’emploi plus faible correspond  à l’élimination des travailleurs  les moins productifs
(jeunes   non   formés   ou   seniors   les   moins   efficaces),   ce   qui   augmente   “mécaniquement“   la
productivité horaire moyenne.
= une durée du travail plus courte peut stimuler la productivité, tandis qu’à l’inverse existent des
rendements décroissants de la durée du travail avec des effets de fatigue.
Ainsi, la “productivité structurelle“ ie la productivité à taux d’emploi et durée du travail équivalents
serait plus forte aux Etats­Unis car les statistiques seraient biaisées par les effets indiqués ci­dessus.
Un accroissement de la durée du travail et du taux d’emploi en Europe abaisserait la productivité
horaire même si le PIB/hab serait augmenté.

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