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Langages

Classes et relations
Holger Steen Sørensen

Résumé
1. II y a deux sortes de classes fondamentales : les classes coordonnées et les classes dérivées.
2. Il y a deux sortes de relations fondamentales : les relations unilatérales et les relations bilatérales.
3. La distinction entre les classes coordonnées et les classes dérivées répond à la distinction entre relations unilatérales et
relations bilatérales, en ce sens que seules des relations unilatérales peuvent être utilisées pour l'établissement de classes
coordonnées, tandis que des relations bilatérales (et en pratique, elles seules) peuvent être employées pour l'établissement de
classes dérivées.
4. A rencontre des relations unilatérales (relations des classes coordonnées), les relations bilatérales (relations des classes
dérivées) doivent nécessairement être particulières, puisque l'établissement des classes dérivées repose sur une opération
particulière. (Les relations unilatérales peuvent être aussi bien générales que particulières, puisque Ton peut aussi utiliser des
relations particulières pour l'établissement des classes coordonnées. Je renvoie à Word-Classes in Modem English, p. 65, s.) 5.
Les relations classiques — hypotaxe, parataxe et catataxe — ont toujours été employées bilatéralement. Elles ne peuvent en
conséquence être employées pour établir des classes coordonnées, à moins qu'elles ne soient rendues unilatérales. Elles
peuvent être employées à l'établissement de classes dérivées, mais seulement si elles sont rendues particulières.
6. Les notions d'amovibilité et de présupposition et leurs contraires ont toujours été implicitement présentes en linguistique, et
ont servi de fondement à l'emploi des relations classiques. Mais les deux notions ont été rarement distinguées clairement, et à
ma connaissance, l'on ne s'est pas aperçu que, bien qu'elles soient alliées, elles sont d'un caractère fondamentalement différent
: la notion d'amovibilité est une notion de relation particulière tandis que la notion de présupposition est une notion de relation
générale.

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Sørensen Holger Steen. Classes et relations. In: Langages, 2ᵉ année, n°6, 1967. La glossématique. L'héritage de Hjelmslev au
Danemark. pp. 26-35;

doi : 10.3406/lgge.1967.2528

http://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1967_num_2_6_2528

Document généré le 31/05/2016


HOLGER STEEN S0RENSEN

CLASSES ET RELATIONS1

§ 1. Classes dérivées et classes coordonnées.


Par une classe dérivée, on entend une classe des signes qui peuvent
découler de la division de textes d'un certain degré de dérivation sur la base d'une
relation donnée. Si les résultantes de la division du texte abc sur la base
de la relation R sont a, b et c, on dit que a, b et c découlent de la division
de abc sur la base de R. Si le point de départ de notre division de texte
est constitué par des phrases, on dit que les phrases sont des textes d'un
degré de dérivation zéro. Les résultantes de la première division — c'est-
à-dire les signes qui peuvent découler de la division de phrases — seront
alors des textes du degré de dérivation 1; les résultantes de la deuxième
division — c'est-à-dire les signes qui peuvent découler de la division de
textes de degré de dérivation 1 — seront des textes du degré de
dérivation 2; etc..
Supposons que dans notre procédure de division nous soyons arrivés
à ce que nous pouvons nommer (a) constructions sujet et (b) constructions
prédicat, ce qui veut dire au cas où l'on emploie des exemples en anglais,
des textes du type (a) « a red rose », « perfectly respectable barmaids »,
« far too brutally exploited nations », et (b) « slept well », « gave Paul an
orange », « have tipped the waiter two shillings ». Ces textes, que nous
pouvons appeler globalement des jonctions ( = constructions sujet et
constructions prédicat), sont donc des textes du même degré de dérivation.
Supposons en outre que les résultantes de la division de ces textes sur
la base de la relation R soient : « red » et « a rose »; « perfectly », «
respectable » et « barmaids »; « far », « too », « brutally », « exploited » et
« nations »; « slept » et « well »; « gave », « Paul » et « an orange »; « have
tipped », « the waiter », « two » et « shillings ». Nous appellerons ces
résultantes jonctionnales. Nous avons de ce fait établi une classe dérivée, à

1. Pour les discussions qui ont profité à cette étude, je remercie Johnny
Christen sen.
27

savoir la classe des jonctionnales, qui est formée de « red », « a rose »,


« perfectly », « respectable », « barmaids », « far », « too », « brutally »,
« exploited », <c nations », « slept », « well », « gave », « Paul », « an orange »,
« have tipped », « the waiter », « two », « shillings », et de n'importe quel
autre signe qui peut découler de la division d'une jonction, quelle qu'elle
soit, sur la base de la relation R. La définition d'« une jonctionnale » sera
alors : « une jonctionnale » = « un signe qui peut découler de la division
d'une jonction sur la base de la relation R ».
En général : soit la classe des x une classe dérivée arbitraire. La
définition de « un x » sera : « un x » = « un signe qui peut découler de la
division d'un texte du degré de dérivation N sur la base de la relation R ».
Par une classe coordonnée, on entend une sous-classe au sein d'une
classe dérivée. Si nous divisons la classe des jonctionnales en sous-classes,
en classes jonctionnales, chaque classe jonctionnale sera en conséquence
une classe coordonnée, étant donné que la classe des jonctionnales est
une classe dérivée. (De même, la classe des constructions sujet et la
classe des constructions prédicat seront des classes coordonnées au sein
de la classe dérivée constituée par les jonctions. Les jonctions peuvent
être prises comme des résultantes de la division de phrases.)
Étant donné que toutes les jonctionnales peuvent par définition
découler de la division d'un texte d'un degré de dérivation donné (d'une
jonction), les différentes classes jonctionnales ne pourront jamais être
établies par l'application du prédicat : « qui peut découler de la division
de... sur la base de telle ou telle relation ». Elles ne pourront être
établies — si elles doivent être établies relationnellement — que par
l'application du prédicat : « qui a telle ou telle relation à... ».
Supposons une classe jonctionnale formée de jonctionnales comme
« good », « respectable », « tenable ». Appelons ces signes adjectifs. Et
supposons que la relation R que les jonctionnales du type « extremely »,
« highly », « very » ont aux adjectifs puisse être utilisée d'une façon
adéquate pour établir une classe jonctionnale que nous pouvons appeler
adverbes. La définition d' « un adverbe » sera alors : « un adverbe » =
« une jonctionnale qui a la relation R à un adjectif ».
En général : soit la classe des y une classe coordonnée arbitraire
au sein d'une classe dérivée arbitraire D. La définition de « un y » sera :
« un y » = « un signe qui a la relation R à un z » où la classe des z est
aussi une classe coordonnée au sein de D.
Il sera apparu que la forme de la définition d'une classe dérivée est
différente de celle de la définition d'une classe coordonnée. Les
définitions ont la forme indiquée, avec des exceptions qui n'ont pas
d'importance de principe pour la différence entre les deux types de définitions.
Pour une linguistique systématique qui opère sur la base d'une
division de textes, c'est-à-dire sur la base d'une procédure qui dans son
principe équivaut à ce que depuis Bloomfield on a appelé la méthode des
constituants immédiats, la distinction entre classes dérivées et classes
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coordonnées est fondamentale, car la procédure de division de textes est


justement une procédure dont le seul but ne peut être que
l'établissement de classes dérivées, et les classes dérivées doivent nécessairement
être divisées en sous-classes, à savoir en classes coordonnées. On peut
faire la remarque suivante : dans la mesure où les mots sont obtenus
par une division de textes de même degré de dérivation, les classes de
mots traditionnelles seront des classes coordonnées : classes
coordonnées au sein de la classe dérivée constituée par les mots (pour autant
que les classes de mots traditionnelles soient constituées par des mots,
ce que pour une grande part elles ne sont pas). Si l'on ne peut obtenir
des mots de cette façon, la classe des mots ne pourra relever d'aucun
système, et les classes de mots seront en conséquence des classes plus ou
moins arbitraires, puisqu'il est difficilement concevable que l'on puisse
trouver une méthode de classification adéquate qui ne parte pas d'une
procédure de division de textes.
Nonobstant l'importance fondamentale de la distinction entre classes
dérivées et classes coordonnées, celle-ci n'a été que rarement formulée
d'une façon claire. Louis Hjelmslev fait exception à la règle. Je cite un
passage de Prolegomena to A Theory of Language (Indiana University
Publications in Anthropology and Linguistics, Memoir 7, Baltimore 1953),
p. 54 ss. : « The analysis must so proceed that the first appropriate basis
of analysis is chosen with reference to the empirical principle and the
principles derived therefrom. Let us imagine that selection is chosen as
the basis of analysis. Then in the first operation the given chain is
divided into first-degree selection-units; the category that is obtained from
all these units we call the functional category. By this, then, is
understood the category of the f unctives that are registered in a single analysis
with a given function taken as the basis of analysis. Within such a
functional category four kinds of f unctives may be imagined : (1) f unctives
that can appear only as selected; (2) f unctives that can appear only as
selecting; (3) functives that can appear both as selected and as
selecting; (4) functives that can appear neither as selected nor as selecting...
Each of these four categories we shall call a functival category; thus, by
functival categories we mean the categories that are registered by
articulation of a functional category according to functival possibilities. »
II est facile de voir que functional category et functival category
équivalent respectivement dans leur principe à classe dérivée et classe
coordonnée.
J'essaierai maintenant de montrer que la structure logique des
relations que l'on peut employer pour établir des classes dérivées, et qui
peuvent donc entrer dans la définition de ces dernières, est différente
de la structure logique des relations qui peuvent servir à l'établissement
de classes coordonnées. Autrement dit : Aux deux différents types de
classes répondent deux différents types de relations. Ce que j'essaie de
montrer est simple et a en fait un caractère de banalité, mais il s'agit
29

de banalités dont personne, à ma connaissance, ne s'est occupé


auparavant.

§ 2. Classes coordonnées et relations unilatérales.


Dans ce qui suit je m'en tiendrai pour la démonstration aux cadres
des relations classiques, c'est-à-dire hypotaxe et parataxe, auxquelles
s'ajoute ce que nous appellerons avec Hammerich catataxe. La relation
de nexus de Jespersen, relation entre le sujet et le prédicat, est un exemple
de relation catatactique, de même que la relation qui existe entre les
constituants de ce que les Américains appellent une construction exocen-
trique est de nature catatactique. Bien que la catataxe ne semble avoir
été employée sur une grande échelle que dans la linguistique récente, elle
fait partie des relations classiques de la science du langage, car elle est
utilisée déjà par Apollonios Dyskolos sous la dénomination 71:01 pocXa[z[3a-
vofxevov (« qui s'attire réciproquement »).
On ne peut dire que les trois relations classiques soient bien
définies. Il semble que Hjelmslev soit le premier qui en ait donné une
définition précise, de même qu'il est sans doute le premier qui les a
généralisées, étant donné que traditionnellement elles n'avaient été utilisées
que dans le cadre de ce que l'on a appelé la syntaxe.
Hjelmslev emploie les dénominations : détermination (hypotaxe),
constellation (parataxe) et interdépendance (catataxe). Étant donné que
« x présuppose y » signifie « x exige la présence de y » ou bien « la
présence de y est une condition nécessaire de la présence de x », les
définitions peuvent être formulées comme suit :
1. « re détermine y » = « x présuppose y, qui ne présuppose pas x ».
2. « x et y sont constellatifs » = « x ne présuppose pas y, et y ne
présuppose pas x ».
3. « x et y sont interdépendants » = « x présuppose y, et y
présuppose x ».
Voir : Prolegomena to A Theory of Language, p. 14 s. et p. 21.
On peut constater maintenant que ce qu'il y a de caractéristique
dans les relations détermination, constellation et interdépendance est
qu'elles sont définies bilatéralement ou réflexivement : quand nous disons
que x détermine y, nous disons quelle est la relation de x à y (nous
disons que x présuppose y), et en même temps, nous disons quelle est
la relation de y à x (nous disons que y ne présuppose pas x). Ceci n'est
pas particulier aux définitions de Hjelmslev, car les relations hypotaxe,
parataxe et catataxe ont toujours été employées bilatéralement : par
l'énoncé « il y a hypotaxe entre x et y », on a toujours entendu que x
et y ont réciproquement telle ou telle relation.
Certaines conséquences de cette bilatéralité n'ont pas été prises en
considération. Hjelmslev et, tout au moins en principe, toute la
linguistique structurale, utilise ses relations pour établir des classes : des classes
dérivées aussi bien que des classes coordonnées. Toutefois, une relation
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bilatérale, n'importe laquelle, ne peut servir à l'établissement de classes


coordonnées; car, prenons comme exemple le cas où l'on veut établir la
classe des adverbes sur la base d'une relation bilatérale que les
éléments que l'on désire appeler adverbes ont aux adjectifs, on est obligé
de dire,non seulement que les adverbes ont telle ou telle relation aux
adjectifs, mais encore que les adjectifs ont telle ou telle relation aux
adverbes. Autrement dit : la définition d' « un adverbe » devient
circulaire, et aucune classe n'est établie. Par l'application de la relation
détermine, la définition apparaîtra comme suit :
(1) « un adverbe » = « une jonctionnale qui détermine un adjectif ».
Si nous remplaçons « détermine » par sa définition, (1) devient :
(2) « un adverbe y> — « une jonctionnale qui présuppose un adjectif,
qui est une jonctionnale qui ne présuppose pas un adverbe ».
Il va de soi que cette équation définitionnelle est vide et le demeure
quel que soit le signe de relation que l'on substitue à « présuppose » et
quels que soient les signes (métasignes) que l'on substitue à « adverbe »,
« jonctionnale t> et « adjectif ».
Il s'ensuit que, pour établir des classes coordonnées, on ne peut se
servir que de relations unilatérales, en tant qu'une relation R est dite
unilatérale si, et seulement si, dans l'énoncé « a a la relation Rày » on
indique la relation d'à; à y sans en même temps indiquer la relation
d'y à x.
Ceci revient à dire que si l'on veut utiliser les définitions de Hjelms-
lev pour établir des classes coordonnées on doit supprimer leur dernière
moitié, à savoir « qui ne présuppose pas x » (dans « x présuppose y, qui
ne présuppose pas x »), « et y ne présuppose pas x » (dans « x ne
présuppose pas y, et y ne présuppose pas x ») et « et y présuppose x » (dans
« x présuppose y, et y présuppose x »).
Rendues ainsi unilatérales, nos trois relations classiques sont réduites
à deux, à savoir : (a) présupposition (« x présuppose y ») et (b) non-
présupposition (« x ne présuppose pas y »). Toutefois, (b) peut être divisé
en compatibilité (« x est compatible avec y ») et incompatibilité (« x est
incompatible avec y »). Après quoi les définitions sont les suivantes :
1. «x présuppose y dans un texte / de type T » = « pour pouvoir
se trouver dans un texte t de type T, x exige la présence de y
dans / ».
2. « x est compatible avec y dans un texte t de type T » = « pour
pouvoir se trouver dans un texte t de type T, x n'exige pas la
non-présence de y dans t ».
3. « x est incompatible avec y dans un texte t de type T » = « pour
pouvoir se trouver dans un texte t de type T, x exige la non-
présence de y dans t ».
On doit remarquer que lorsque l'on opère avec des relations, il
faut toujours indiquer le cadre de la relation, c'est-à-dire le type de texte
(type de construction) dans lequel la relation existe. De là la nécessité
31

de « pour pouvoir se trouver dans un texte t de type T » dans les


définitions ci-dessus. Le type de texte peut par exemple être des phrases
ou des constructions sujet.
Tandis que l'on ne peut se servir de relations bilatérales pour
établir des classes coordonnées, c'est-à-dire dans les définitions de classes
coordonnées, il n'y a naturellement pas d'obstacle à leur emploi dans
des énoncés concernant des classes coordonnées déjà établies.

§ 3. Classes dérivées et relations bilatérales.


Comme nous l'avons vu, on ne peut, pour établir des classes
coordonnées, se servir que de relations unilatérales. Par contre, on peut se
servir de relations bilatérales dans l'établissement de classes dérivées (et
si la description du langage doit être adéquate, seulement des relations
bilatérales). On pourra comprendre cet état de choses si l'on se remet en
mémoire la forme de la définition d'une classe dérivée : «uni» = «un
signe qui peut découler de la division d'un texte du degré de
dérivation N sur la base de la relation Ri». Considérons l'équation définition-
nelle suivante (où R représente une relation bilatérale) ;
(1) « une jonctionnale j) == « un signe qui peut découler de la
division d'une jonction sur la base de la relation R ».
Quelle que soit la relation bilatérale représentée par R il ne pourra
pas apparaître de circularité dans (1) issu de R, car les signes qui en
vertu de (1) sont des jonctionnales ne le sont pas en vertu d'une
relation bilatérale qu'ils ont aux jonctions, étant donné que le fait de
pouvoir découler de la division d'une jonction sur la base d'une relation
bilatérale n'est pas équivalent à avoir une relation bilatérale à une
jonction : « nice » peut découler de la division de « nice ladies » sur la
base de l'hypotaxe (cf. plus loin), mais il va de soi que « nice » n'a
pas la relation d'hypotaxe à « nice ladies ». On remarque que la
circularité dans les définitions de classes coordonnées apparaît par le fait
de l'emploi du prédicat « (un signe) qui a telle ou telle relation
(bilatérale) à ( un signe de telle ou telle nature) ».
Les trois relations classiques : hypotaxe, parataxe et catataxe sont,
comme on l'a vu, bilatérales. L'on pourrait croire par là qu'elles sont
utilisables pour l'établissement de classes dérivées. C'est exact, mais non
sans certaines précisions. En premier lieu il faut leur donner un contenu
précis. En second lieu ce contenu doit être d'une nature déterminée.
Comme nous l'avons vu précédemment, Hjelmslev a donné des
définitions précises : « hypotaxe » = « présupposition/non-présupposition »
(« x présuppose y, qui ne présuppose pas x »), « parataxe » = « non-
présupposition/non-présupposition » (« x ne présuppose pas y, et y ne
présuppose pas x ») et « catataxe » = « présupposition/présupposition »
(«rc présuppose y, et y présupposez»). Nous ne pourrons pourtant jamais
établir aucune classe dérivée si nous nous fondons sur la notion de pré-
supposition. Il est facile de se rendre compte qu'il en est ainsi :
32

Soit R dans (1) la relation d'hypotaxe


(présupposition/non-présupposition). (1) devient alors :
(2) « une jonctionnale » = « un signe qui peut découler de la
division d'une jonction sur la base de l'hypotaxe ».
Un signe comme « extremely » est donc une jonctionnale si, et
seulement si, il peut découler de la division d'une jonction (construction sujet
ou construction prédicat) sur la base de l'hypotaxe. Le signe « extremely
nice ladies » est une jonction (selon § 1). Il est évident que cette
jonction peut être divisée en « extremely », « nice » et « ladies » sur la
base de l'hypotaxe, car entre « extremely » et « nice » (ainsi qu'entre
« nice » et « ladies »), il y a hypotaxe dans un sens ou dans l'autre. Mais
il n'y a pas hypotaxe entre « extremely » et « nice » (ou bien entre « nice »
et « ladies ») dans ce sens que « extremely » présuppose « nice », tandis
que « nice » ne présuppose pas « extremely ». Car, que signifie l'énoncé
« « extremely » présuppose (= exige la présence de) « nice » »? On pourrait
lui faire signifier : Pour pouvoir se trouver dans la jonction « extremely
nice ladies » — donc dans une jonction se composant de « extremely »,
« nice » et « ladies » — « extremely » exige la présence de « nice ».
Ainsi compris il est exact que « extremely » présuppose « nice », mais c'est
là un truisme. Et ainsi compris, il n'y a pas hypotaxe entre « extremely »
et « nice », puisqu'il est également valable pour « nice » qu'il exige la
présence de « extremely » pour pouvoir se trouver dans une jonction où
« extremely » se trouve. L'énoncé « « extremely » présuppose « nice » » ne
peut donc raisonnablement signifier que : « extremely » exige la présence
de « nice » pour pouvoir se trouver dans une jonction (une construction
sujet ou une construction prédicat). Mais ainsi compris « extremely » ne
présuppose pas « nice », car « extremely » n'exige pas la présence de
« nice » (justement ce signe) pour pouvoir se trouver dans une jonction
(que ce soit une construction sujet ou une construction prédicat), puisque
par exemple « extremely pretty ladies » est une jonction où « nice » ne
se trouve pas. Par conséquent, selon cette interprétation il n'y a pas non
plus hypotaxe entre « extremely » et « nice ». Simplement dit :
Nous ne pourrons jamais diviser des textes, et en conséquence
jamais établir des classes dérivées, sur la base d'aucune relation dans la
définition de laquelle « présuppose » entre comme constituant, car toute
division de texte est une opération particulière : une division d'un texte
spécifique (le texte que l'on choisit de diviser) en signes spécifiques (en
les signes mêmes qui constituent le texte que l'on choisit de diviser), et
aucun signe ne présuppose, dans aucun sens raisonnable, un signe
spécifique (justement ce signe).
Cela signifie qu'hypotaxe et catataxe, définies comme ci-dessus, sont
des relations bilatérales inutilisables. De là découle que la parataxe est
aussi une relation inutilisable, car elle pourrait être utilisée dans tous les
cas : tout texte peut être divisé sur la base de la parataxe; autrement dit:
il y aura parataxe entre les constituants de n'importe quelle construction.
33

Je voudrais faire remarquer ce qui suit : Que nous puissions employer


la relation présuppose pour établir des classes coordonnées est dû au fait
que celles-ci ne sont pas établies sur la base d'une division de texte.
Employé en rapport avec des classes coordonnées, « présuppose » implique
que n'importe quel membre d'une classe donnée présuppose un membre
quelconque d'une autre classe. Ainsi l'équation défmitionnelle « « un
adverbe » = « une jonctionnale qui présuppose un adjectif pour pouvoir
se trouver dans un texte de type T » » implique que c'est par définition
une caractéristique de n'importe quel adverbe qu'il présuppose un
quelconque adjectif pour pouvoir se trouver dans un texte de type T. La
relation de présupposition est alors ce que nous pouvons appeler une
relation générale.
Comme il faut employer des relations bilatérales pour
l'établissement de classes dérivées et que ceci se base sur une division de texte, ce
qui veut dire sur une opération particulière, il s'ensuit que l'hypotaxe,
la parataxe et la catataxe doivent être définies comme des relations
particulières, ce qui veut dire des relations qui peuvent exister entre des
signes spécifiques, si elles doivent devenir des relations bilatérales
utilisables. Ceci veut dire que nous devons trouver un corrélatif particulier
à présupposition/non-présupposition, ce qui nous fournira en même temps
les corrélatifs particuliers à non-présupposition/non-présupposition et à
présupposition/présupposition.
Un tel corrélatif n'est pas difficile à trouver, car si par exemple il
vaut pour un adverbe que celui-ci présuppose un adjectif pour pouvoir
se trouver dans un texte de type T (par exemple une construction sujet),
il s'ensuit que l'adjectif qui se trouve dans un texte donné de type T
où se trouve un adverbe est inamovible (ou inéliminable) par rapport à
l'adverbe de ce texte, tandis que l'adverbe est amovible (ou éliminable)
par rapport à l'adjectif si, pour un adjectif, il est valable qu'il ne
présuppose pas un adverbe pour pouvoir se trouver dans un texte de type T.
Il est facile devoir que dans la jonction (construction sujet)
«extremely nice ladies (sleep well) » il y a amovibilité/inamovibilité entre «
extremely » et « nice », et que la même relation existe entre « nice » et « ladies » :
« extremely » est amovible par rapport à « nice », puisqu'il est possible
de dire « nice ladies (sleep well) »; par contre, « nice » est inamovible par
rapport à « extremely », puisqu'il n'est pas possible de dire « extremely
ladies (sleep well) »; et « nice » est amovible par rapport à « ladies »
(lorsqu'on enlève en même temps le signe, à savoir « extremely », par
rapport auquel « nice » est inamovible), puisque l'on peut dire « ladies
(sleep well) », alors que « ladies » est inamovible par rapport à « nice »,
puisque l'on ne peut pas dire « nice (sleep well) ».
Le corrélatif particulier à présupposition/non-présupposition est alors
amovibilité/inamovibilité, une notion qui a toujours été présente en
linguistique. De même, amovibilité [amovibilité est le corrélatif particulier de
non-présupposition/non-présupposition, comme inamovibilité j inamovibilité
34

est le corrélatif particulier de présupposition/présupposition.


Respectivement définies par les relations : amovibilité/inamovibilité,
amovibilité/amovibilité et inamovibilité/inamovibilité, l'hypotaxe, la parataxe et
la catataxe demeurent des relations bilatérales en même temps qu'elles
deviennent des relations particulières. Elles peuvent en conséquence être
utilisées pour établir des classes dérivées. Les définitions sont les
suivantes :
1. « II y a hypotaxe entre x et y dans un texte t de type T » = « si
x et y se trouvent dans un texte t de type T, t reste un texte L
(texte français, anglais, etc.) si l'on enlève x de t, mais t ne reste
pas un texte L si l'on enlève y de t ». (Ainsi : « extremely nice
ladies (sleep well) » reste un texte anglais si l'on enlève «
extremely », mais il ne reste pas un texte anglais si nous enlevons « nice »,
puisque « extremely ladies (sleep well) » n'est pas un texte anglais.)
2. « II y a parataxe entre x et y dans un texte t de type T » = « si
x et y se trouvent dans un texte / de type T, t reste un texte L
si l'on enlève x de t, et t reste un texte L si l'on enlève y de. t ».
3. « II y a catataxe entre x et y dans un texte t de type T » = « si
x et y se trouvent dans un texte t de type T, t ne reste pas un
texte L si l'on enlève x de /, et t ne reste pas un texte L si l'on
enlève y de t ».
Il reste à dire que les définitions sont incomplètes en ce sens que
je n'ai pas rendu compte de ce qu'il faut comprendre précisément par
« texte » dans la phrase « reste (ne reste pas) un texte L ». Je dois ici
renvoyer le lecteur à mon ouvrage Word-Classes in Modem English
(Copenhague 1958), § 38 (et § 37 et 39).

§ 4. Résumé.
1. II y a deux sortes de classes fondamentales : les classes
coordonnées et les classes dérivées.
2. Il y a deux sortes de relations fondamentales : les relations
unilatérales et les relations bilatérales.
3. La distinction entre les classes coordonnées et les classes
dérivées répond à la distinction entre relations unilatérales et relations
bilatérales, en ce sens que seules des relations unilatérales peuvent
être utilisées pour l'établissement de classes coordonnées, tandis que
des relations bilatérales (et en pratique, elles seules) peuvent être
employées pour l'établissement de classes dérivées.
4. A rencontre des relations unilatérales (relations des classes
coordonnées), les relations bilatérales (relations des classes dérivées)
doivent nécessairement être particulières, puisque l'établissement des
classes dérivées repose sur une opération particulière. (Les relations
unilatérales peuvent être aussi bien générales que particulières,
puisque Ton peut aussi utiliser des relations particulières pour
l'établissement des classes coordonnées. Je renvoie à Word-Classes in
Modem English, p. 65, s.)
35

5. Les relations classiques — hypotaxe, parataxe et catataxe —


ont toujours été employées bilatéralement. Elles ne peuvent en
conséquence être employées pour établir des classes coordonnées, à moins
qu'elles ne soient rendues unilatérales. Elles peuvent être employées
à l'établissement de classes dérivées, mais seulement si elles sont
rendues particulières.
6. Les notions d'amovibilité et de présupposition et leurs
contraires ont toujours été implicitement présentes en linguistique,
et ont servi de fondement à l'emploi des relations classiques. Mais
les deux notions ont été rarement distinguées clairement, et à ma
connaissance, l'on ne s'est pas aperçu que, bien qu'elles soient alliées,
elles sont d'un caractère fondamentalement différent : la notion
d'amovibilité est une notion de relation particulière tandis que la
notion de présupposition est une notion de relation générale.

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