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Exposé 

:Comment expliquer les différences dans le comportement électoral des hommes et des femmes depuis
1945 ?

Introduction :
Le droit de vote a été accordé aux femmes par l’Ordonnance du 21 avril 1944 de l’Assemblée consultative
provisoire d’Alger, sur proposition du délégué communiste Fernand Grenier. Selon l’Art.17 « les femmes sont
électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ».
Sous la Révolution Française, on a les premières apparitions du « féminisme » à travers les « manifestations »
de ménagères parisiennes. En 1830-1848, certaines femmes s’investissent dans des mouvements révolutionnaires
comme le saint-simonisme, le socialisme… mais les clubs de femmes sont fermés, discrédités. En 1848, le suffrage
universel est accordé aux hommes. Mais on peut parler plutôt d’un suffrage « semi-universel », les femmes en étant
exclues. Les républicains, autant que les conservateurs, ont refusé de leur octroyer ce droit. Au cours de la 3 ème
République, la Chambre des Députés et le Sénat se sont opposés sur cette question, le Sénat considérant que la
nature féminine était vouée à la sphère privée, au foyer familial. Le changement intervient donc en 1944, à la sortie
de la 2ème guerre mondiale, sans que le corps électoral masculin ni les parlementaires ne se soient prononcés. Mais
la France ne peut cacher son retard dans ce domaine. Le droit de vote a été accordé aux femmes en 1918 en
Autriche et en Allemagne, en 1928 en Angleterre et en 1931 en Espagne.
Un demi siècle s’est écoulé depuis cette décision historique. Durant cette période, le comportement
électoral des femmes, au départ distinct de celui des hommes, a évolué. Tout d’abord en s’alignant
progressivement sur celui des hommes, puis en acquérant des spécificités. Mais comment expliquer les différences
dans le comportement électoral des hommes et des femmes depuis 1945 ? 
Dans un premier temps, nous verrons que les vingt premières années le vote des femmes a été marqué par
une certaine influence cléricale se traduisant par un vote conservateur et par une forte abstention due à un manque
d’intérêt. Dans un deuxième temps, nous évoquerons le fait que, dans les années 70, la condition féminine a connu
de profondes mutations, ce qui a eu pour conséquence un alignement du vote féminin sur celui des hommes. Et
dans un troisième temps, nous verrons que des spécificités sont apparues à partir des années 80, le vote des
femmes étant marqué par une tendance socialiste et par une réticence à voter extrême droite.

Les titres des parties sont tirés des expression du chercheur au CEVIPOF Janine Mossuz-Lavau.

I) Années 1940-1960 :  « la phase d’apprentissage »

Durant les vingt premières années, on constate des distinctions entre le comportement électoral des femmes et
celui des hommes, la religion étant très présente dans le vote féminin.

A)Un vote marqué par l’abstention...

Au début, les femmes sont moins enclines à participer aux scrutins, le rituel du vote peinant à s’inscrire
dans les mœurs. L’idée que la sphère publique est réservée aux hommes est encore très présente.
Tableau 1 :
D’après le tableau 1, on peut voir que l’écart entre les taux d’abstention féminins et masculins varient entre 7 et 12
points au plan national (étude à l’aide de sondages) entre 1951 et 1962.
Quelques exemples :
Législatives de 1951 :17% des hommes se sont abstenus contre 24% des femmes, ce qui fait un écart de 7 points.
Législatives de 1962 :13% des hommes contre 25% des femmes = 12
Dans la majorité des cas, jusqu’en 1969, les femmes s’abstiennent donc plus que les hommes. On peut
mettre cette tendance féminine à l’abstention sur le compte d’un manque d’intérêt.
En effet, la majorité des femmes à cette époque voient encore la politique comme un domaine réservé aux
hommes, comme quelque chose à laquelle elles ont accès officiellement mais qui ne les concerne pas. Elles sont
encore fortement cantonnées à la sphère privée, au foyer familial. L’idée que l’homme est le porte-parole de la
famille lors des décisions politiques est encore très présente. C’est le début de leur égalité politique avec les
hommes, elles n’ont pas l’habitude du rituel du scrutin. D’où le terme de Janine Mossuz-Lavau pour décrire cette
période : « la phase d’apprentissage ».
De plus, à l'époque, les femmes avaient un bagage scolaire bien plus léger que les hommes et n'avaient
guère d'intérêt pour la chose publique. L’intérêt pour la politique croissant avec le niveau d’étude.
Ensuite, de part leur scolarisation faible, elles sont peu nombreuses à exercer une activité professionnelle
or dans le milieu du travail la politique est un thème important dans les discussions.

B)… et par un certain conservatisme.

Les femmes se distinguent encore plus à cette époque des hommes par leurs préférences politiques. Elles
sont plus réticentes à appuyer les candidats de gauche, conséquence d’un facteur moral, religieux, les poussant à
voter à droite.
Tableau 2 quelques exemples :
Législatives de 1946 : 53% des femmes ont voté à gauche contre 65% des hommes = 12
(MPR = 1er parti de l’Assemblée à la suite de cette élection)
Législatives de 1962 : 26% d’entre elles ont voté à gauche contre 39% des hommes = 13
Election présidentielle de 1965 au 2ème tour :39% des femmes ont voté pour Mitterrand contre 51% des hommes =
12
A cette époque, les femmes sont plus pieuses que les hommes.
1952 :52% d’entre elles contre 29% des hommes déclarent aller à l’église le dimanche = un écart de 23 points. Or
la religion a une influence sur le choix du vote, elle entraîne généralement un choix conservateur.
De plus, durant cette période, les femmes ont tendance à voter pour De Gaulle et son parti, le RPF
(Rassemblement du peuple français) créé en 1947, le considérant comme leur « bienfaiteur », étant celui qui leur a
accordé le droit de vote en ratifiant l’ordonnance.
Election présidentielle de 1965, 2 ème tour: 61% des femmes ont voté pour De Gaulle contre 49% des hommes =
12 points
La phase gaulliste de la vie politique française se termine donc sans que les comportements électoraux initiaux
des femmes aient changé. L’électorat français est marqué par de grandes disparités entre les femmes et les
hommes.

II) Années 1970 :  « la phase de décollage »

Durant cette période, on constate un alignement progressif du comportement électoral des femmes sur celui
des hommes, les différences s’estompent, celles-ci sortant peu à peu de la sphère privée.

A) Un rituel du vote intégré

Durant les années 70, les femmes s’accoutument peu à peu au rituel du vote grâce à l’augmentation de leur
intérêt pour la politique et à une volonté de sortir de la sphère privée.
Tableau 1 :
Le fait est sensible dès 1969, au 2nd tour des présidentielles, elles participent même plus que les hommes :34%
d’entre eux se sont abstenus contre 32% des femmes, ce qui donne un écart de 2 points. Les femmes étaient sans
doute moins gênées qu’il n’y est aucun candidat de gauche en lice, le 2nd tour opposant George Pompidou, de
l’Union des démocrates pour la République, face à Alain Poher, du Centre Démocrate.
Pour les élections municipales de 1977, au dépouillement des huit bureaux parisiens au premier comme au
second tour, sur 11000 inscrits, 30% des hommes et 31% des femmes n’ont pas voté selon les sondages.
En 1978, lors des élections législatives à Vienne, les hommes et les femmes ont voté dans des urnes
différentes= on a pu constater 16,7% d’abstention masculine et 18,9% d’abstention féminine au premier tour, 15,4%
et 16,8% au second tour. (Victoire du RPR Rassemblement pour la République)
La participation électorale des femmes est donc sensiblement la même que celle des hommes durant la « période
de décollage ».
L’une des causes de ce changement est l’ouverture du champs politique durant les années 70 à des
problèmes considérés jusqu’à là comme privés comme le sexe, l’environnement… La vie politique est devenue un
lieu de débat de ces questions « privées », aucun parti ne pouvant plus ignorer les demandes de la population.
Cela a entraîné une attraction au champ politique de groupes qui ne sentaient pas concernés par la politique et qui
se tenaient jusqu’à là plus au moins à l’écart, comme les femmes.
Une autre des causes est la scolarisation plus poussée des femmes. Pendant longtemps les femmes
étaient vouées à devenir de bonnes épouses et de bonnes mères, elles faisaient donc des études courtes et elles
étaient peu encouragées à aller à l’Université.
En 1900 :on recense 624 étudiantes pour 27 000 étudiants.
En 1950 : 44 000 étudiantes pour 81 000 étudiants.
En 20 ans on a une évolution rapide car en 1971 on compte 70 000 filles de plus que de garçons étudiant en
France. Or l’intérêt politique croît avec le niveau d’étude.
Les femmes contestent de plus en plus que la sphère publique soit monopolisée par les hommes. Ce refus
est parfois exprimé de façon spectaculaire par des minorités comme les féministes.

B) Un « gauchissement » du vote féminin

On constate durant cette période un rapprochement du choix du vote des femmes avec celui des hommes.
Celui-ci étant moins conservateur grâce à une baisse de la pratique religieuse et à une entrée de plus en plus
importante des femmes sur le marché du travail.
Tableau 2 :
Législatives de 1973 50% des hommes contre 41% des femmes ont voté pour un candidat de gauche = 9
Elections présidentielles de 1974 2nd tour VGE contre Mitterrand 53% des hommes contre 46% des femmes ont
accordé leurs suffrages au candidat de gauche = 7
Elections européennes 1979 50% des hommes contre 45% des femmes ont voté pour des listes de gauche = 5
Selon le chercheur Janine Mossuz-Lavau, ce phénomène de réduction de l’écart par un « gauchissement » du vote
des femmes dans les années 70 est le résultat des profondes mutations de la condition féminine en France à cette
époque.
Une des causes est le changement du comportement religieux des femmes. Comme nous l’avons dit
précédemment, les femmes étaient plus pieuses que les hommes mais il y a eu une évolution.
1952 :52% d’entre elles contre 29% des hommes déclarent aller à l’église le dimanche
donc écart de 23 points
1977 :écart n’est plus que 8 points
1991 :9% des hommes et 11% des femmes = écart de 2 pts
Une autre des causes est l’entrée massive des femmes sur le marché du travail.
En 1954 les femmes représentent 34.6% de la population active.
En 1982 : 41%
En général, le travail agit sur le comportement électoral, il entraîne un vote plus porté à gauche. Le foyer entretient
des comportements traditionalistes tandis que le travail ouvre à la modernité, il entraîne une intégration à la
collectivité.
sondage du BVA  en 1978 : 48% des femmes qui travaillent disent avoir voter à gauche durant les élections
législatives contre 32% de celles qui sont toujours restées femmes au foyer.
De plus, longtemps cantonnées à des strates basses de la hiérarchie socioprofessionnelle, elles entrent peu à peu,
dans des proportions non négligeables, dans les couches moyennes voir hautes, leur scolarisation plus poussée en
étant la principale cause. Or quand les conditions de travail se rapprochent, les choix électoraux s’homogénéisent.

III) A partir des années 1980 : « la phase d’autonomie »

Les années 80 sont un tournant, des spécificités électorales apparaissent, les femmes acquérant une certaine
autonomie politique.

A) Une participation électorale quasi identique

La participation électorale des hommes et des femmes est quasiment la même, mais on remarque que les
femmes s’abstiennent légèrement plus que les hommes.
Tableau 1 :
1er tour des législatives de 1981 15 % des hommes contre 20% des femmes se sont abstenus= écart de 5points
2ème tour 13% des hommes contre 15% des femmes = 2 points
Présidentielle 1er tour 1988 9% des hommes contre 9% des femmes = 0 pt= abstention identique
Européennes de 1989 l’écart est de 5 points mais dans ce cas là il y a eu une abstention massive 44% hommes et
49% femmes se sont abstenus.
Sources :INSEE, enquête sur la participation électorale 2004 :
Régionales 1er tour 62.9% des hommes contre 62.1% des femmes se sont abstenus
Européennes 44.5% des hommes 42.5% des femmes = écarts 2 points
Mais attention, les différences que l’on observe n’affectent pas l’ensemble de l’électorat, uniquement sa partie âgée.
Les femmes participent comme les hommes jusqu’à 65 ans, un peu moins ensuite. L’écart se creuse avec l’âge.
Chez les 70-74 ans, la proportion de participants systématiques est de 45% chez les femmes contre 52% chez les
hommes ( 7 points ). A 85-89 ans, l’écart dépasse 10 points.
La cause principale de la différence entre la participation des femmes jeunes et celle des femmes âgées est
la scolarisation. Ces dernières ayant sûrement eu une scolarité courte cela se traduit par un intérêt plus mince pour
la vie politique. Ces femmes ont pourtant toutes vécu une époque où le droit de vote ne leur était pas accordé.
Certaines doivent donc l’user avec la conscience qu’il a fallu se battre pour l’acquérir, mais elles ne sont pas assez
nombreuses pour compenser la tendance à l’abstention.

B) L’apparition de nettes de différences au niveau du choix du vote 

Il y a eu une « accélération » de l’évolution entamée dans les années 70.


Tableau 2 :
Elections législatives de 1986 représentent un tournant, il n’y a plus de différences entre les deux sexes pour le
total des votes à gauche, le score s’élève à 44% dans les deux électorats, selon l’institut BVA. Selon la SOFRES
les femmes ont même étaient légèrement plus nombreuses.
1er tour élection présidentielle 1988 51% femmes contre 47% hommes ont voté pour des candidats de gauche
selon la SOFRES
2nd tour les femmes l’emportent de 2 points
L’écart redevient négatif pour les législatives de 1988 (-2)
Aux législatives de 1993 l’écart disparaît de nouveau :32% des hommes et des femmes soutiennent les candidats
de gauche.
Les femmes en France ne sont donc pas plus conservatrices que les hommes, elles ont progressivement
abandonné les comportements électoraux qui les caractérisaient lorsqu’elles ont fait leur entrée dans le champ
électoral. Le vote féminin n’est plus réellement déterminant dans le clivage gauche/ droite.
Mais peut-on dire que les femmes votent désormais comme les hommes, que leur choix de vote relève uniquement
d’un simple mimétisme ?
Après un examen plus précis on ne peut répondre que par la négative. Une spécificité féminine est apparue.
1)Tout d’abord, une légère tendance socialiste
Législatives de 1986 29% des hommes contre 34 % des femmes ont voté pour des candidats socialistes (PS-
MRG)
Présidentielle 1988 1er tour 31% des hommes contre 37% des femmes ont voté pour Mitterrand
Régionales de 1992 les listes socialistes ont été soutenues par 20% femmes et 16% hommes
On peut donc conclure de ces observations que l’on a une tendance plus marquée chez les femmes à se prononcer
pour les socialistes.
Les femmes ne se considèrent plus seulement comme des mères ou des épouses, elles sont de plus en plus
attachées à leurs droits, à leurs acquis sociaux et n’entendent voir personnes les leur contester. Beaucoup d’entre
elles estiment qu’ils sont mieux protégés par la gauche que la droite. Il y a le souvenir que Mitterrand a été le 1 er
homme politique à demander durant sa campagne électorale présidentielle de 1965 la légalisation de la
contraception. Dès 1993 on a pourtant une baisse de cette tendance = sûrement conséquence d’un
mécontentement. On la retrouve tout de même en 2007.
Selon les données du Baromètre Politique Français de 2006-2007 produites par CEVIPOF pour l’élection
présidentielle: 36% des femmes contre 28% des hommes ont déclaré qu’ils voteraient pour la candidate Ségolène
Royal. Et 40% des femmes se sont déclarées proches de la gauche contre 35% des hommes.
Mais il est vrai que pour cette élection, les femmes, ainsi que les hommes, ont tendu à bipolariser leur choix entre la
gauche et la droite. Il y a eu un délaissement des extrêmes.

2) une réticence à voter FN


Election législative 1986 FN recueille 13% des suffrages masculins et 7% des suffrages féminins
Election présidentielle 1988 1er tour 17%hommes 10%femmes
Régionales 1992 15% et 13%
Elections législatives 1993 15% et 10%
Le FN est une affaire d’hommes. On a un fort décalage entre le vote féminin et masculin pour ce parti d’extrême
droite.
Cette réticence est particulièrement marquée aux deux bouts de l’échelle des âges :
- chez les jeunes femmes instruites, décalées par rapport au modèle traditionnel de la femme véhiculé par le
FN
par exemple :Le PEN étant pour la suppression de l’IVG légal
- chez les plus âgées, imprégnées des valeurs du catholicisme et plus proches de la droite modérée.
Les voix féminines ont fait penché la balance lors de l’élection présidentielle de 2002. Selon Janine Mossuz-
Lavau, un vote exclusivement masculin aurait placé le candidat du Front National en tête du premier tour. Au
second tour, 11% des électrices contre 26% des électeurs ont affirmé avoir voté pour le leader frontiste. D’où la
victoire écrasante et record de Jacques Chirac.
Selon le BPO de 2006-2007 : 7% des femmes interrogées ont annoncé leur intention de voter pour Jean-Marie LE
PEN à l’élection présidentielle contre 17% des hommes.

Conclusion :
L’analyse du vote féminin est intéressante, les femmes étant devenues un enjeu politique important en
représentant 52.5% de l’électorat français en 2007.
Le comportement électoral des femmes a longtemps été distinct de celui des hommes, mais il y eu un
alignement progressif de leurs profils électoraux grâce à des mutations progressives de la condition féminine. Puis
des spécificités sont apparues comme une réticence à voter FN et une tendance à voter socialiste. Les femmes ne
se contentent plus d’aligner leurs choix sur celui des hommes, elles présentent des traits politiques qui leur sont
propres. On peut donc considérer le bilan du droit de vote féminin comme positif. Il n’en va pas de même pour leur
droit d’éligibilité. L’idée que les deux sexes sont destinés à jouer un rôle politique, tous les deux, est encore
difficilement admise, malgré les rapprochements. L’accès des femmes aux responsabilités politiques n’est pas
encore unanimement accepté.

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