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Peut-on se fier au sentiment de liberté ?

Se demander s’il est possible de se fier au sentiment de la liberté, c’est s’interroger sur la
confiance que l’on peut lui accorder, c’est-à-dire se demander si le sentiment de liberté n’est
pas qu’une illusion. A priori, on aurait tendance à penser le sentiment de liberté, c'est avoir
l'impression que l'on est le seul régisseur de ses actes et pensées : lorsque je commets tel ou
tel acte. Peut-on se fier au sentiment de liberté ? N'est-ce pas plutôt rien de plus qu'un
sentiment, voire : une simple illusion ?
Nous tenterons, tout d’abord, d’évaluer la pertinence et les limites du sentiment spontané
de liberté, commun à tous les hommes. Puis nous tâcherons de montrer que la liberté n’est
pas seulement fondée sur le sentiment mais que c’est également un fait. Enfin, une nouvelle
tâche se dressera face à nous : la nécessité de

Tout d’abord, dans le langage courant, la liberté renvoie au pouvoir que possède tout
homme de n’obéir qu’à lui-même, qu’à sa propre volonté, et d’agir uniquement en fonction
de ses désirs, indépendamment de toute contrainte ou de toute pression extérieure.
Tout homme se sent donc spontanément libre, tout simplement parce qu’il se croit capable
de faire des choix de petite ou de grande importance, de prendre des décisions, de petite ou
de grande ampleur.
Autrement dit, tout homme, lorsqu’il porte un regard réflexif sur lui-même, se juge
spontanément libre, c’est-à-dire en mesure d’agir simplement en fonction de sa volonté.
Mais peut-on faire confiance au sentiment ? Peut-on fonder la liberté sur un tel sentiment ?
Comme le souligne Spinoza, la croyance en notre liberté n’est que l’ignorance dans laquelle
nous sommes des causes par lesquelles nous sommes déterminés. On ne peut en effet
jamais connaitre l’homme que comme déterminé. Comme tout phénomène, les choix et les
actes des hommes peuvent être insérés dans la chaîne de la causalité. Supposons un homme
qui a commis un crime. On trouvera toujours des raisons à ce crime : éducation, enfance
malheureuse, mauvaises fréquentations, etc. Partant de là, on dira que compte rendu de ces
circonstances empiriques, cet ne pouvait que commettre cet acte. Donc, on ne peut pas se
fier à un sentiment.

Enfin, la liberté est la faculté d'agir selon sa volonté suivant les moyens dont on dispose sans
être entravé par le pouvoir d'autrui. Elle est la capacité de se déterminer soi-même à des
choix contingents. Mais comment puis-je savoir que je suis libre ? Kant répond : « par la loi ».
Autrement dit, la liberté se fonde sur l’impératif catégorique : « je dois, donc je puis », c’est-
à-dire je suis libre. La raison ne peut me commander d’obéir à la loi morale que si j’ai la
possibilité d’y obéir. Sinon elle se contredirait. Il suffit donc d’invoquer l’accord de la raison
avec elle-même pour déduire la liberté du devoir. D’ailleurs, s’il est vrai que je peux désobéir
à la loi morale, je peux aussi éprouver en moi une possibilité d’agir moralement qui atteste
mon indépendance par rapport à tous les déterminismes naturels et sociaux qui m’affectent.
La liberté ne peut être digne de confiance mais elle est un fait donné en même temps que la
raison.
De plus, L’homme est « conditionné par sa classe «, « son salaire «, « la nature de son travail
«, conditionné jusqu'à ses sentiments et ses pensées. Mais si l'homme ne peut pas choisir sa
classe sociale, il peut se choisir lui-même dans sa « manière d'être «. Sartre lui-même
reconnaît en 1940 qu'il est « le produit monstrueux du capitalisme, du parlementarisme, de
la centralisation et du fonctionnalisme «, mais c'est à partir de cette situation familiale qui l'a
constitué qu'il entreprend de se « personnaliser «. D'où la formule : « L'important n'est pas
ce qu'on a fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous. «
Peut-on se fier au sentiment de liberté ?

La situation n'est pas quelque chose qui limite la liberté elle est ce à partir d'où commence la
liberté. C'est la raison pour laquelle Sartre a pu écrire en 1944 dans « Les Lettres française «
(fondé par Aragon et Paulhan) : « Jamais nous n'avons été plus libres que sous l'occupation
allemande. « Jamais nous n'avons été aussi libres que sous l'occupation allemande.
(Situations, III) Sartre ne prétend nullement que l'occupation allemande aurait été propice à
la liberté politique. C'est de la liberté au sens métaphysique du terme qu'il s'agit ici. Être
libre c'est être capable de dire non, de refuser une situation.

En conclusion, la liberté humaine est-elle donc possible ? Nous avons pu comprendre, tout
au long de notre travail, la difficulté qui existe à pouvoir saisir une véritable « expérience »
de la liberté et, par conséquent, la difficulté à en prouver véritablement l’existence. Peut-on
se fier au sentiment de liberté ? Notre travail a, en tout cas, cherché à démontrer que si la
croyance en un sentiment de liberté immédiate était illusoire, voire naïve. En effet, si
l’homme n’est pas libre, il lui est, en revanche, donné d’entrer dans un processus, dans une
conquête assimilable à une libération par l’usage de la raison et par son entrée dans la
morale et la vie sociale.

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