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MERCREDI 29 AVRIL 2020

76E ANNÉE– NO 23422


2,80 € – FRANCE MÉTROPOLITAINE
WWW.LEMONDE.FR –
FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY
DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO

SCIENCE & MÉDECINE  SPÉCIAL 4 PAGES           ESPOIRS DANS LA LUTTE CONTRE « LES TEMPÊTES IMMUNITAIRES » ; LE COVID­19, MALADIE MULTICIBLE

EMPLOI : BRUTAL COUP D’ARRÊT EN FRANCE
▶ L’interruption de l’acti­ ▶ Selon le ministère du ▶ La fin des missions d’in­ ▶ Le gouvernement veut ▶ La construction, le
vité économique provo­ travail, le nombre de de­ térim et le non­renouvel­ lancer une réflexion avec tourisme, le spectacle sont
quée par l’épidémie mandeurs d’emploi sans lement de contrats courts les partenaires sociaux particulièrement touchés.
de Covid­19 n’a pas tardé activité a bondi, en mars, ont nourri les entrées à pour adapter les règles Les intermittents réclament
à se traduire dans les de 7,1 % sur l’ensemble du Pôle emploi. Les sorties d’indemnisation dans une « année blanche »
statistiques du chômage territoire (hors Mayotte) par embauche se raréfient cette situation de crise PAGE S 10 E T 30

Enquête ÉCOLES
En Europe, les écoles rou­
L’OMS et la Chine,  vrent en ordre dispersé.

AVEC LES
La reprise par étapes se
les liaisons  heurte à des réticences.
dangereuses En France, les directeurs
d’école sont perplexes
PAG ES 6-7 ET 14
L’Organisation mondiale

INVISIBLES  DE LA 
de la santé sort très
affaiblie de la crise STOPCOVID
sanitaire, en raison En deux mois, l’idée d’une
de sa forte proximité application de traçage a
avec le régime chinois. progressé de manière ful­

PITIÉ­SALPÊTRIÈRE
Premier volet de nos en­ gurante. Sur fond de con­
quêtes : « Covid­19, la dé­ troverse, la France étudie
flagration géopolitique » désormais son déploie­
HORIZONS — PAGES 24-2 5 ment contre la pandémie
PAG ES 12- 13

Economie
Les banques 
PAR SYLVAIN TESSON SOIGNANTS
A l’hôpital Beaujon
de Clichy, les équipes
accusent le coup après
centrales en  ▶ L’écrivain a aus­ ▶ Qui applaudit­on ? ▶ A la Pitié, chacun
un mois « dans le dur »

ultime rempart culté « les petites Le réanimateur, qui confirme que l’ingé­


PAG ES 2-3

mains » de l’hôpital ramène à la vie, ou niosité des person­ TERRITOIRES


La Banque du Japon, parisien, ces 10 000 ces rouages modes­ nels a vite permis de
la Banque centrale euro­ Peu peuplés, isolés,
employés de l’AP­HP, tes qui soutiennent remédier à l’impré­ le Cantal et la Lozère ont
péenne comme la Fed
américaine multiplient aux métiers parfois la lourde machine paration politique su anticiper l’épidémie
les programmes insoupçonnés hospitalière ? PAGE S 22- 23 de Covid­19. Et rêvent
de soutien dans des de règles de sortie
proportions gigantesques de crise « sur mesure »
PAGES 16-17 PAG E 4

Chine Disparitions Social Hôpitaux


Le très redouté Robert Herbin, HLM et bailleurs
journal du le flamboyant privés face
« Nous, les 
confinement entraîneur de aux loyers urgentistes, ne 
de Mme Fang Fang
PAGE 8
l’AS Saint­Etienne
PAG E 2 1
impayés
PAGE 15
subirons plus »
Philippe Juvin, chef des
urgences de l’hôpital
LE REGARD DE PLANTU Georges­Pompidou à Pa­
ris, et Mathias Wargon,
chef de celles du centre
hospitalier de Saint­
Denis, jugent que la crise
« doit servir de socle pour
refonder les hôpitaux ».
Nous devons « inscrire
dans la loi les moyens
accordés aux urgences »
IDÉES — PAGE 32

1
ÉDITORIA L
GARE À
UNE RELANCE 
ÉCONOMIQUE GRISE En vente chez votre marchand de journaux
P AG E 35

Algérie 220 DA, Allemagne 3,70 €, Andorre 3,50 €, Autriche 3,80 €, Belgique 3,10 €, Cameroun 2 400 F CFA, Canada 5,70 $ Can, Chypre 3,20 €, Côte d'Ivoire 2 400 F CFA, Danemark 36 KRD, Espagne 3,50 €, Gabon 2 400 F CFA, Grande-Bretagne 3,10 £, Grèce 3,50 €, Guadeloupe-Martinique 3,20 €, Guyane 3,50 €,
Hongrie 1 330 HUF, Irlande 3,50 €, Italie 3,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 3,20 €, Malte 3,20 €, Maroc 22 DH, Pays-Bas 3,80 €, Portugal cont. 3,50 €, La Réunion 3,20 €, Sénégal 2 400 F CFA, Suisse 4,40 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 4,10 DT, Afrique CFA autres 2 400 F CFA
CORONAVIRUS
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2| MERCREDI 29 AVRIL 2020

A l’hôpital 
Beaujon, « on est 
dans un cessez­
le­feu provisoire »
Au sein de l’établissement de Clichy,
dans les Hauts­de­Seine, les soignants
accusent le coup après un mois « dans
le dur ». Malgré la fatigue, ils se préparent
à rester mobilisés sur la durée

REPORTAGE onze étages du bâtiment. Résultat : les


capacités de réanimation ont doublé,

D
ans le couloir du service de passant de 30 à 62 lits au plus fort de la
réanimation de l’hôpital crise, et permettant d’accueillir, depuis
Beaujon, à Clichy (Hauts­de­ la mise en branle du dispositif, 110 pa­
Seine), la bâche de plastique tients atteints du Covid en « réa ». Près
qui marquait l’entrée provisoire d’une de 400 l’ont été hors « réa ».
des quatre unités pour patients Covid a Après un mois « dans le dur », les équi­
été déposée au sol. Dans les chambres, pes commencent à accuser le coup. « Les
des techniciennes effectuent des prélè­ semaines sont lourdes, les collègues sont
vements pour s’assurer que l’air n’est fatiguées et inquiètes », témoigne Céline
pas contaminé. D’ici quelques heures, Bois, 44 ans, infirmière aux explorations
cinq lits seront de nouveau disponibles cardiaques, venue en renfort dès le début
pour des patients non atteints du Covid. de la crise. Plusieurs infirmières font état
« On a fait tomber les bâches, mais ce n’est d’une fatigue physique liée notamment
pas exclu qu’on soit amenés à les remettre au fait que la majorité de patients placés
en place, prévient Catherine Paugam, la sous respirateur sont obèses. Avant que
chef du service anesthésie­réanimation. des « brigades de retournement » ne
On n’a pas prévu de se reprendre une soient créées, elles racontent avoir par­
énorme vague d’ici le 20 mai, mais au­ fois dû se mettre à cinq ou six pour pou­
delà, qui sait ? Si le scénario n’est pas le voir mettre ces patients sur le ventre. à poser des cathéters… Personne n’était nimation étaient toujours occupés, soit
bon, on repartira », lance­t­elle. dans sa zone de confort. » « LES ÉQUIPES  vingt de plus que la capacité normale
En ce mercredi 22 avril, les admissions UNE « RÉVOLUTION INTERNE » Pour répondre à la crise, l’hôpital a mul­ SONT SOULAGÉES  – un chiffre descendu à 46 lits au 27 avril.
en réanimation sont en diminution ré­ Dans le bureau des cadres de santé, des tiplié les dispositifs innovants. Des « ges­ « Le reflux est temporaire, on est dans un
gulière depuis une dizaine de jours dans cartons de masques sont empilés sur les tionnaires de lits » ont été mis en place QUE ÇA SOIT PASSÉ.  cessez­le­feu provisoire, on va fonction­
toute l’Ile­de­France. A Beaujon, établis­ chaises. « Cela fait trente­cinq ans que je pour assurer le flux des malades. Des so­ ner en mode dégradé pendant plu­
sement de l’Assistance publique­Hôpi­ suis à l’hôpital, j’ai vécu le VIH, le H1N1, le lutions de téléconsultation ou de visites ELLES ONT TORT » sieurs semaines ou plusieurs mois », sou­
taux de Paris (AP­HP), la pression re­ SRAS, je n’ai jamais vécu ça. J’espère qu’on virtuelles à domicile ont été dévelop­ OLIVIER CORCO ligne Olivier Corcos.
tombe un peu. L’heure est à la « décovidi­ ne le revivra pas, parce que c’était difficile, pées. Dès le début de la crise, « les barriè­ directeur médical de crise Au troisième étage, les 56 lits du service
sation » d’une partie des lits, quitte à faire raconte une cadre du service. Il y a eu une res financières ont sauté. On nous a dit : d’orthopédie s’apprêtent eux aussi à être
machine arrière si nécessaire. Il s’agit de journée avec sept entrants et sept sor­ “Ce sera oui à tout” », reconnaît le direc­ en partie « décovidisés » pour permettre
mettre à profit l’accalmie pour renouer tants. Ça n’arrive jamais. Lors des trans­ teur médical de crise. teints du Covid des autres. Sur une porte, un redémarrage progressif de l’activité.
avec les patients non atteints du Covid ferts vers la province, on avait à peine le Pour Sonja Curac, la chef du service des un panneau précise : « déchoc propre », « On a une fenêtre d’accalmie devant nous,
qui ont déserté l’hôpital soit en raison temps de nettoyer la chambre que le urgences, c’est une « révolution interne » c’est­à­dire ne présentant pas de risque qui nous permet de réamorcer les circuits en
des déprogrammations décidées un SAMU arrivait avec un nouveau patient. » qui a eu lieu, tant des synergies et des dé­ de contamination au coronavirus. Entre sommeil et de rassembler les équipes. On a
mois plus tôt, soit par crainte d’être con­ « A aucun moment on ne s’est retrouvé cloisonnements auparavant inimagina­ vingt et trente personnes viennent se annulé 243 malades, si on peut en passer
taminés en se déplaçant. Le hall d’entrée avec rien entre le précipice et nous, on a bles ont été possibles. « On n’a pratique­ faire tester chaque jour dans le centre de quelques­uns, ce sera déjà ça », estime
de l’hôpital est désert. Sur les portes, des toujours eu en tête le coup d’après », as­ ment pas senti les journées avec beaucoup dépistage attenant. Marc­Antoine Rousseau, le chef du service.
affichettes rappellent que les visites sont sure un responsable de la cellule de crise. de passages, parce que tout l’hôpital rou­ Les pathologies rencontrées habituelle­ Le chirurgien reconnaît toutefois que les
suspendues jusqu’à nouvel ordre. En se retirant, la vague laisse derrière lait pour nous, c’est ça qui nous a sauvés », ment aux urgences ont en partie disparu, premiers patients recontactés ne se bous­
L’établissement sort métamorphosé elle des soignants fatigués mais fiers dit­elle. Au fronton de son service, une les patients craignant de se rendre à l’hô­ culent pas pour revenir se faire opérer.
de la crise. « Ces dernières semaines, on a d’avoir tenu le choc. « On a improvisé une banderole « Urgences en grève, urgences pital. « On ne sait pas où sont passés les Par mesure de précaution, dans tous les
fait du Tetris non stop », explique Olivier refonte complète de nos organisations, on saturées. Patients et soignants en dan­ malades. Ça fait quatre semaines qu’on ne établissements de l’AP­HP, de nouvelles
Corcos, le directeur médical de crise. Sur a fait tomber toutes les barrières de disci­ ger », rappelle dans quel contexte cette voit plus ceux suivis pour des pathologies règles vont être mises en place : le port du
l’écran de son ordinateur, il montre pline, d’âge, de statut, raconte Olivier Cor­ crise sanitaire est survenue. chroniques », s’inquiète Sonja Curac. masque va devenir obligatoire, la cham­
comment des services entiers se sont cos. On a formé des non­réanimateurs à En première ligne depuis un mois, les La vague se retire lentement, mais bre simple va devenir la règle, et tous les
« contractés » et déplacés pour permet­ faire de la réa, des internes ont pris des pla­ urgences ont été réorganisées de ma­ aucun retour à la normale n’est pour patients devant subir une intervention
tre une réaffectation d’une partie des ces de seniors, les radiologues se sont mis nière à séparer les flux de patients at­ l’instant prévu. Le 22 avril, 51 lits de réa­ de chirurgie lourde se feront tester.

Epidémie de Covid-19 : situation au 27 avril, 14 heures


DÉCÈS EN FRANCE HOSPITALISATION HOSPITALISATIONS PAR DÉPARTEMENT COMPARATIF EUROPÉEN 26 977 morts
en Italie
ET RÉANIMATION pour 100 000 habitants Italie 23 521 morts

23 293
Guadeloupe en Espagne
de 100 à 177 France 23 293 morts
Personnes 25 000

hospitalisées Allemagne en France


27 954 de 50 à 100
Espagne
21 157 morts
depuis le 1er mars au Royaume-Uni
de 25 à 50 (jour 44) 20 000
dont 14 497 à l’hôpital Martinique Royaume-Uni
et 8 796 en Ehpad Moins de 25

Les données 15 000


RETOUR À DOMICILE Mayotte commencent
au 10e décès.
45 506
En réanimation 10 000
et en soins intensifs La Réunion 6 126
2 972 en Allemagne
Petite couronne
5 000
Guyane
4 526
816 771 0

18 mars 27 avril 18 mars 27 avril Jour 0 Jour 20 Jour 43 Jour 51 Jour 62

Infographie Le Monde Sources : Santé publique France, Johns Hopkins University


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MERCREDI 29 AVRIL 2020 coronavirus | 3

Confusion autour de la prime


annoncée pour les soignants
Les syndicats contestent une « usine à gaz » et réclament une augmentation des salaires

U ne prime exceptionnelle
sera versée aux personnels
hospitaliers dès le mois de
mai, a promis le gouvernement. En
« LES PERSONNELS
NE CRACHERONT PAS SUR
cluse, s’interroge. « Je ne sais pas si je
la toucherai. Mais l’important, c’est
la revalorisation salariale, la recon­
naissance des compétences à tous les
une communication interne, que la
prime de 1 500 euros serait versée
« sans aucune restriction de grade ou
de métier, à l’ensemble des agents,
reconnaissance de « l’incroyable dé­ 500 OU 1 500 EUROS, niveaux. Rappelons que la France se qu’ils soient contractuels, stagiaires
vouement de tout le personnel soi­ classe au 27e rang sur 28, des pays de ou titulaires (…) internes ou person­
gnant », selon les mots du premier MAIS NOUS NE SOMMES PAS  l’OCDE, s’agissant des salaires des nels hospitalo­universitaires ».
ministre, Edouard Philippe, le personnels infirmiers. Les personnels
15 avril. Le président de la Républi­
FAVORABLES AUX PRIMES  ne cracheront pas sur 500 ou Secteurs médico-social et libéral
que, Emmanuel Macron, s’y était VERSÉES UNE FOIS » 1 500 euros, mais nous ne sommes Pour les personnels travaillant dans
engagé le 25 mars, depuis l’hôpital pas, à la CGT, favorables aux primes les Ehpad et au service des person­
militaire de campagne installé à PATRICK BOURDILLON versées une fois. Et l’ensemble des nes âgées, la question dépend de
Mulhouse, en annonçant une secrétaire général de CGT-Santé personnels hospitaliers, qu’ils soient discussions entre le ministère et les
« prime exceptionnelle pour pouvoir dans un service Covid ou non, ont dû collectivités locales. « Il n’est pas ab­
accompagner financièrement cette se réorganiser, travailler sous pres­ surde de verser une prime plus im­
reconnaissance ». partements les plus touchés par l’épi­ sion », avance le dirigeant syndical. portante pour les départements les
Mais, au­delà de l’intention, la démie recevront une prime de Yves Morice, lui non plus, ne sait plus touchés, mais il faut faire la
mise en œuvre se révèle complexe, 1 500 euros, versée quel que soit le s’il touchera la prime. Agent du bu­ même chose dans le secteur médico­
puisque cette prime variera de 500 statut ou le métier considéré, inter­ reau des entrées au CHU de Rennes, social, les services à domicile et tous
à 1 500 euros, selon le département nes, agents de service, infirmiers, mé­ il a aussi accueilli des patients at­ les établissements pour personnes
et l’établissement ou le statut des decins (…) ». Interrogé lundi 27 avril, teints du Covid. « Sera­t­on exclu de âgées, ceux qui ne gagnent pas tou­
personnels. De quoi susciter la con­ le service de communication du mi­ cette prime ? C’est un effet d’annonce jours le smic et qui sont allés au front,
testation de certaines organisa­ nistère a précisé qu’il s’agirait de qui va diviser les personnels, qui se parfois sans masque », déclare
tions professionnelles, qui voient 33 départements, essentiellement regarderont en chien de faïence. Il Pascal Champvert, le président de
dans l’annonce de cette prime et de dans les régions les plus touchées, faut une augmentation de 300 euros l’Association des directeurs au ser­
la majoration des heures supplé­ l’Ile­de­France, le Grand­Est et les pour tous », affirme­t­il. vice des personnes âgées. L’avenir
mentaires, une « aumône », comme Hauts­de­France. Les personnels Le chef de l’Etat avait aussi évoqué de la discussion entre l’Etat et les dé­
le Collectif Inter Urgences. « Nous ne administratifs des hôpitaux bénéfi­ cette question salariale, le 13 avril, en partements l’inquiète. « Nous en
demandons pas des primes pour cieront aussi de cette prime défisca­ parlant « des femmes et des hommes avons marre que l’Etat s’abrite der­
nous récompenser ou pour apaiser lisée dans ces départements. que nos économies reconnaissent et rière cette négociation. Qu’il donne
la colère accumulée dans le milieu rémunèrent si mal ». Deux jours plus la prime au travers de l’Assurance­
hospitalier, mais une revalorisation Question salariale tard, le ministre de la santé souli­ maladie et qu’il fasse payer ensuite
salariale », avance Yves Morice, de la Dans les autres départements, « les gnait « la réflexion indispensable et les départements », poursuit­il.
fédération SUD­Santé sociaux. personnels ayant travaillé dans les concertée sur la revalorisation des Reste encore à démêler ce à quoi
D’autres ne sont pas aussi criti­ services Covid + des 108 hôpitaux de métiers et des rémunérations ». auront droit les libéraux. Selon le
ques, et attendent des précisions référence percevront également la Cette réflexion sur le système de ministère, demande a été faite à l’As­
avec la publication du décret, en­ prime de 1 500 euros ». Les agents soins est souhaitée par tous, à l’ins­ surance­maladie « de travailler à un
core en discussion. « C’est une des autres services toucheront une tar de Patrick Chamboredon, prési­ dispositif de compensation finan­
grosse usine à gaz, nous ne savons prime de 500 euros. Précision du dent de l’ordre des infirmiers, « au­ cière pour les pertes de revenus » liés à
pas qui est éligible, comment ils vont ministère, lundi 27 avril, « 94 éta­ delà de la question des primes et de la la crise due au Covid­19. « Pour les li­
A l’hôpital Beau­ l’être, où et quand », affirme Patrick blissements » seraient ajoutés « en revalorisation financière, qui ne re­ béraux qui ont été aussi en première
jon, le 22 avril. En Bourdillon, de la direction fédérale dehors des zones géographiques lève pas de notre champ de compé­ ligne, ce n’est pour l’instant pas prévu.
En attendant sa « décovidisation » pro­ haut, à gauche : de la CGT­Santé action sociale. très touchées [les 33 départements] tences ». Ce sera le chantier de Mais c’est indispensable pour assurer
grammée, le couloir du service de chirur­ une entrée provi­ Dans un communiqué du 15 avril, pour prendre en compte l’impact du l’« après ». Sans attendre la publica­ une reprise d’activité sécurisée dans
gie orthopédique est méconnaissable. soire dressée le ministre de la santé, Olivier Covid sur ces établissements ». tion d’un décret, Martin Hirsch, di­ nos cabinets », prévient Jean­Paul
Des distributeurs de solution hydroal­ pour isoler les Véran, a apporté quelques éléments En attente de clarification, Patrick recteur général de l’Assistance publi­ Ortiz, président de la Confédération
coolique, des portants avec des équipe­ patients en réani­ de réponse. Les agents hospitaliers Bourdillon, qui travaille à la régula­ que­Hôpitaux de Paris, a annoncé des syndicats médicaux français. 
ments de protection à usage unique et mation atteints travaillant « dans la trentaine de dé­ tion médicale du SAMU du Vau­ aux quelque 100 000 agents, dans rémi barroux
des poubelles jaunes pour s’en débarras­ du Covid­19 ; en
ser ont été installés devant toutes les bas, à gauche : la
chambres de patients, atteints du Covid. laverie créée
Les infirmiers et les aides­soignants se
sont retrouvés à dispenser des soins
– parfois palliatifs – auxquels ils
dans les anciens
locaux d’un labo­
ratoire de l’hôpi­
La climatisation aide­t­elle le virus à se diffuser ?
n’étaient pas habitués. « On a eu peur au tal ; en haut, à
départ, peur de ce qu’on allait voir, peur droite : un techni­ Des chercheurs recommandent, par précaution, d’éviter les ventilations les plus asséchantes
de la mort, peur d’attraper cette maladie. cien vérifie la re­
Ça a été très dur les quinze premiers jours, mise en pression
il y a eu une période avec beaucoup de dé­
cès… », confie Patricia Dumarais, 51 ans,
infirmière en orthopédie depuis dix
ans. « Au début, on avait des difficultés à
dormir la nuit, à redescendre le niveau
positive des
chambres en vue
de la réouverture
de l’unité de réa­
nimation pour
A vec les beaux jours et la
sortie progressive du con­
finement, une nouvelle
question risque de se poser : la
climatisation favorisera­t­elle
tieux des concentrations mesu­
rées, elles recommandent donc
une meilleure aération des lieux.
Mais la revue Emerging infectious
diseases a rapporté des cas de suspi­
gouttelettes. Celles­ci tombent et la
distance de sécurité d’au moins un
mètre correspond à la distance par­
courue avant de toucher le sol.
Même si plusieurs travaux ont
deux secondes, contre 50 millise­
condes pour une dix fois plus
petite à 50 % d’humidité.

Le rôle de l’humidité
d’adrénaline, il y avait une sorte de psy­ patients non con­ la transmission du Covid­19 ? Plu­ cion de transmission du Covid­19 montré des « sauts » sur de plus Son confrère Lydéric Bocquet, du
chose », ajoute Alizée Rayée, étudiante taminés par le sieurs éléments rendent perti­ en Chine par le système d’aération longues distances. Laboratoire de physique de l’Ecole
infirmière venue en renfort dans le ser­ Covid­19 ; en bas, nente l’interrogation sans que d’un restaurant. Ce serait la seule Mais en fait ces gouttelettes peu­ normale supérieure à Paris, dans un
vice comme aide­soignante. à droite : prélève­ des réponses définitives puissent explication au fait que des person­ vent rétrécir. Dans un article mis article en préparation, a, avec ses
ments d’air pour être apportées. nes, pourtant éloignées d’un ma­ en ligne le 28 avril sur ArXiv.org, le calculs, estimé la fraction de virus
« L’ÉQUILIBRE EST TRÈS PRÉCAIRE » préparer cette D’abord, si la question se pose, lade, ont été contaminées lors d’un physicien Roland Netz, de l’univer­ dans l’air. Celle­ci est plus grande
Les premières semaines de crise, les réouverture. c’est que le virus est dans l’air, au déjeuner. Un autre article mention­ sité libre de Berlin, explique que pour les petites gouttes que pour les
aides­soignants ont dû désinfecter eux­ BRUNO FERT sens propre. Une équipe chinoise nant le même genre d’effet, mais l’eau s’évapore par divers mécanis­ grandes et elle diminue lorsque le
mêmes les chambres des patients Covid, POUR « LE MONDE » vient, dans l’édition du 27 avril de dans un bus, a lui disparu de la re­ mes complexes, ce qui réduit la taux d’humidité augmente. « Par
les personnels de ménage (des prestatai­ Nature, d’exposer ses résultats de vue Practical Preventive Medicine taille de la particule et donc ralen­ précaution, il vaudrait donc mieux
res extérieurs à l’hôpital) refusant de le mesures de concentration du virus qui l’avait publié en mars, comme tit sa chute, voire peut la faire pas­ éviter les climatisations les plus assé­
faire par crainte d’être contaminés. Après dans l’air de deux hôpitaux de l’a rapporté le site spécialisé dans ser dans le domaine des « aéro­ chantes et humidifier l’air, estime
avoir été équipés et formés, « ils ont finale­ Wuhan, premier foyer de l’épidé­ les publications scientifiques Re­ sols » fait de petites gouttes. Le Lydéric Bocquet. On comprend aussi
ment accepté, mais ça n’a pas été simple, mie. Si l’air d’un grand nombre de traction Watch le 22 avril. phénomène dépend du taux d’hu­ pourquoi porter un masque même
ils avaient très peur », raconte Simone pièces est exempt de virus, quelques midité. Plus il est faible, plus l’éva­ artisanal est utile car il limite la dif­
Nerome, la médecin hygiéniste de l’hôpi­ lieux se sont démarqués par une Nuages d’aérosols poration est rapide et donc plus il y fusion des grosses gouttes les plus
tal Beaujon. De façon générale, reconnaît­ concentration non nulle, comme La climatisation pourrait aussi a de chance que la charge virale de susceptibles de s’évaporer et de res­
elle, « il y a eu beaucoup d’inquiétudes de des toilettes provisoires, des vestiai­ jouer un rôle complexe à cause de la grosse goutte reste en suspen­ ter dans l’air. » Mais plus de dépôt de
la part des équipes », même si « ça va un res ainsi que l’entrée d’un magasin. son effet sur les gouttelettes conte­ sion longtemps et soit donc poten­ gouttes obligera à nettoyer sans
peu mieux depuis deux semaines, depuis Auparavant, dans une étude non nant le virus et expulsées lors d’une tiellement plus dangereuse. Le doute davantage les surfaces…
qu’on n’ouvre plus de nouvelles unités ». publiée mais mise en ligne le toux, d’un éternuement ou même physicien estime qu’une goutte de Ce rôle de l’humidité dans la diffu­
A Beaujon, entre les 28 infirmiers et 26 mars, sur le site spécialisé par la respiration. Celles­ci sont de 100 micromètres s’évapore en sion du virus avait déjà été pointé
45 médecins venus en renfort – qui medRxiv.org, des chercheurs amé­ différentes tailles et le nuage ainsi par l’équipe de Marc Lipsitch à Har­
pourraient bientôt repartir – et les con­ ricains avaient eux aussi trouvé des formé est appelé aérosol. Pour ne vard, en 2010 dans Plos Biology. La
gés d’été qui arrivent, les semaines qui traces virales dans des échantillons rien arranger au débat, les spécialis­ corrélation entre la baisse de l’épi­
suivront le déconfinement sont vues d’air et sur des surfaces, dont des tes préfèrent appeler aérosol seule­ « PORTER UN MASQUE,  démie de grippe A et l’augmenta­
avec inquiétude. « L’équilibre est très pré­ pales de ventilateur, du centre mé­ ment un nuage fait de petites gout­ MÊME ARTISANAL, EST  tion de l’hygrométrie en été expli­
caire, on navigue à vue », assure Sonja dical de l’université du Nebraska. tes, inférieures à 5 micromètres de que la saisonnalité de cette maladie.
Curac, aux urgences. « Les équipes sont Les deux équipes ont des conclu­ diamètre selon l’OMS par exemple, UTILE, CAR IL LIMITE Le dilemme est donc posé. Clima­
soulagées que ça soit passé. Elles ont sions semblables appelant à des et parler de gouttelettes tout court tiser et ventiler est efficace pour as­
tort », juge Olivier Corcos, préoccupé par précautions sur des risques jus­ dans les cas supérieurs à ce seuil. LA DIFFUSION DES  sainir l’air mais en fonction des
un nouvel afflux de patients atteints du que­là peu cités, les contamina­ Jusqu’à présent, la transmission du conditions hygrométriques, ces
Covid reçus « avec des capacités de mobi­ tions sans contact ou à grande dis­ Covid­19 est avérée dans des cas de
GROSSES GOUTTES » systèmes pourraient contribuer à
lisation diminuées ».  tance. Même si elles reconnaissent contact entre les personnes et de LYDÉRIC BOCQUET augmenter la diffusion du virus. 
françois béguin ne pas connaître le potentiel infec­ transmission de ces « grosses » physicien david larousserie
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4 | coronavirus MERCREDI 29 AVRIL 2020

Le Massif central espère des règles « sur mesure »


Le Cantal et la Lozère, peu touchés par le Covid­19, souhaitent un déconfinement adapté à leur territoire

REPORTAGE « Sur les hauts


saint­flour (cantal),
mende (lozère) ­ envoyés spéciaux plateaux
du Cézallier, on

C
érémonie en l’honneur
des déportés, ce diman­ peut marcher des
che 26 avril. M. le maire
est venu rendre hom­
kilomètres avant
mage à son prédécesseur Henri de croiser un voisin.
Bourrillon, destitué par Vichy,
chef de la résistance lozérienne,
Il faut savoir
mort en 1945. Etrange scène où, raison garder »
sur une placette de la vieille ville
PHILIPPE DEIBER
de Mende, Laurent Suau dépose,
éleveur de vaches salers
seul, la couronne de fleurs de la
mairie devant la statue du résis­
tant et prononce à voix basse un
petit discours que personne n’est l’hôpital de Mende, appelle lui­
venu écouter. On n’est jamais as­ même le maire de la ville, qui pré­
sez prudent avec le Covid. side le conseil de surveillance de
A la même heure, celle de la l’hôpital. A l’heure où Jérôme Salo­
messe, Mgr Benoît Bertrand est mon apparaît sur les télés, il lui dé­
resté confiné dans son évêché. « Je livre les résultats des tests PCR pra­
ne suis sorti que cinq fois en six se­ tiqués chez des patients présen­
maines : deux pour mes courses à tant des symptômes grippaux.
l’Hyper U, trois fois pour les offices Tous négatifs, depuis le 9 avril.
de la semaine sainte, raconte l’évê­ « ARS, mairie, préfecture, on se
que de Mende. Je souhaite vivre ce connaît tous, relève Laurent Suau.
confinement comme tout le monde Ça aide. » Un commerce, un mar­
et je dois donner l’exemple, même si ché, on évalue, on interdit, on cor­
les Lozériens sont naturellement rige. Ici, pas de méandres bureau­
respectueux de l’état de droit. » En cratiques : une discussion a suffi
ville, les boulangères portent des au maire de Mende pour convain­
visières en plastique, les menui­ cre la préfète de rouvrir les 250 par­
siers rabotent leurs planches avec celles de jardins ouvriers de la
des masques à amiante homolo­ ville. Et quand la librairie Chaptal,
gués, la gendarmerie trouve peu à face à la mairie, a voulu lever son
verbaliser. Le magasin de pêche rideau, le 20 mars, la préfecture n’a
est ouvert, comme le réparateur pas dit non : le commerce vend
de téléphones, quel problème aussi des cahiers et des crayons.
puisqu’il n’y a jamais deux person­ Idem pour les marchés en plein
nes dans la boutique ? air. Dans le Cantal, la préfète Isa­
« Nous avons réussi notre confi­ belle Sima a longtemps rechigné à
nement », se réjouit le maire de les ouvrir, car « la population du
Mende. Le 27 avril, la Lozère ne département compte une part im­
comptait aucun décès, et deux portante de personnes âgées et à
hospitalisations seulement. Et risque ». En Lozère, sa collègue Va­
aucun des deux malades n’était en lérie Hatsch en a autorisé environ
réanimation. Le Cantal, départe­ un sur deux.
ment limitrophe, n’enregistre lui
que quatre décès – dont celui de Une marge d’autonomie
Jean Philippon, 84 ans, maire du A chacun ses particularismes : ce
petit village de Molompize – et qui a valu pour un confinement
21 hospitalisations. Deux excep­ réussi doit aussi s’imposer pour le
tions sanitaires. Dans l’hebdoma­ déconfinement. Cantaliens et
daire Lozère nouvelle, véritable ins­ Lozériens souhaitent que, le
titution du département, une pas­ 11 mai, on leur laisse une marge
sionnée d’histoire locale se moque d’autonomie. « J’aimerais amener
gentiment de ces citadins partis M. Macron pour lui montrer qu’il
traquer le « mystère » auvergnat et n’y a pas que Paris qui compte,
font de Saint­Flour ou de Marve­ sourit Philippe Deiber, éleveur de
jols « the place to be, tel Ibiza pour vaches salers à la retraite et orga­
les fêtards, Cannes pour les starlet­ nisateur de la Fête de l’estive, à Al­
tes ou Marciac pour les jazzeux ». lanche, qui réunit des dizaines de
milliers de personnes, fin mai. Sur
Plus faciles à « tracer » les hauts plateaux du Cézallier, on
« A la base, on vit déjà confinés », peut marcher des kilomètres avant
plaisante Nadine Jeangeorges, de croiser son premier voisin. Il
responsable de l’ordre des infir­ A Mende (Lozère), le 25 avril : des producteurs de fromages d’Ardèche sur le marché (en haut) ; dans un quartier résidentiel faut prendre en compte les diffé­
miers pour le Cantal. L’un et (en bas). SANDRA MEHL POUR « LE MONDE » rences et savoir raison garder. »
l’autre cinquante fois plus vastes « Les maires doivent prendre une
que Paris, le Cantal et la Lozère place essentielle dans la gestion du
sont respectivement 15 et 30 fois Maritime, charrie une immense premier tour de l’élection munici­ réutilisables, avant de se mettre déconfinement », avance Ghys­
moins peuplés. Pas de TGV à fatigue. Alors que l’Assemblée na­ pale a lieu deux jours plus tard
« A la base, on vit aux masques. « Initialement, nous laine Pradel, maire de Neussar­
Aurillac ni à Mende, et, en Lozère, tionale était devenue un foyer épi­ dans son village d’Ispagnac, 900 déjà confinés », dit avions huit lits de réanimation, ex­ gues­en­Pinatelle. « Pour nous, le
pas même un aéroport. L’enclave­ démique, il s’était réfugié dans sa habitants. Cas rare, c’est la sous­ plique de son côté Pascal Tarris­ sujet majeur, c’est celui des écoles,
ment et l’habitat dispersé préser­ résidence secondaire du Cantal. préfète de l’arrondissement de
une habitante. Ici, son, le directeur général du centre explique aussi Christian Montin,
vent naturellement des conta­ Mais trop tard. Le 11 mars, il est le Florac, au cœur des Cévennes, qui l’enclavement et hospitalier d’Aurillac. Nous en maire de Marcolès et président de
gions. « Nous sommes toujours les premier patient du département est venue tenir le bureau de vote et avons mis en œuvre 34, avec possi­ l’Association des maires du Cantal.
derniers à être touchés par la en réanimation au centre hospita­ surveiller le dépouillement. Pana­
l’habitat dispersé bilité de monter jusqu’à 45. » Les Chez moi, il y a quatre classes pour
grippe, explique ainsi Mme Jean­ lier d’Aurillac, puis à la clinique pri­ chage oblige, dans les petites com­ préservent des traditionnelles rivalités avec le 60 élèves au total. On pourrait les
georges. Chez nous, les épidémies vée de Tronquières. « Il y avait peu munes, celui­ci peut durer des centre médico­chirurgical privé accueillir tous, et pas seulement les
arrivent toujours avec retard. » de cas. J’ai bénéficié d’une attention heures. Le cluster a pu être évité.
contaminations de Tronquières ont été mises en­ CP et les CM2. » Il va aussi falloir ré­
Elles sont aussi beaucoup plus fa­ de tous les instants, note le député. tre parenthèses, et « nous nous gler la question du transport sco­
ciles à « tracer ». Dans le Cantal Je fais partie des miraculés du Co­ Impalpable sur place sommes réparti les rôles », expli­ laire, car dans ces zones rurales, les
comme en Lozère, les premiers cas vid. » En Lozère, c’est la toute nou­ N’empêche : vu du Cantal et du dé­ François Hollande à l’Elysée, « le re­ que Romain Auriac, dont la clini­ élèves viennent de loin.
sont venu des élus, ces commis velle sénatrice (PS) Guylène Pantel, partement voisin de la Lozère, le tard dans l’arrivée de l’épidémie que a accueilli les « réas non Co­ « J’espère qu’on pourra faire du
voyageurs des zones reculées. 56 ans, qui a eu le triste privilège de Covid­19 est certes mortel aux JT nous a permis d’apprendre et de vid » du centre hospitalier. « Nous sur­mesure. Il serait judicieux de
« J’arrive enfin à marcher jusqu’au jouer les « patients zéro » avant de 20 heures, mais impalpable sur nous enrichir de l’expérience des avons configuré nos établisse­ nous laisser adapter les règles gé­
bout de mon pré et à reprendre deux caristes de Marvejols. « Le place. « On a tout préparé comme si autres régions ». ments pour faire face à une cette nérales à la réalité de notre terri­
mon souffle » : au téléphone, la lundi 9 mars, je n’étais pas bien. Le on allait recevoir la vague, et la va­ Face à la menace sanitaire, ces vague… qui n’est pas venue. » toire », ajoute M. Montin. Pour­
voix assourdie de Raphaël Gérard, vendredi, j’ai été testée à l’hôpital de gue n’est pas arrivée », résume la deux départements du Massif « Au­delà des soignants, c’est quoi pas ouvrir certains restau­
51 ans, député (LRM) de Charente­ Mende : positive », raconte­t­elle. Le préfète de Lozère, Valérie Hatsch, central se sont mis très tôt en or­ toute la communauté hospitalière rants dès le 11 mai, par exemple ? Il
48 ans. Lorsque Cantal et Lozère se dre de bataille. « On a bénéficié de qui s’est mobilisée », note le doc­ faut aussi réfléchir à l’été : tous les
sont confinés, le 17 mars, le virus l’expérience de nos confrères du teur Mathieu Kuentz, le président Cévenols n’attendent pas les va­
PUY-DE-DÔME ne s’était pas encore propagé et n’a Grand­Est, note le directeur de de la commission médicale de canciers avec le sourire. « Nous
pu déferler. « C’est grâce à ce déca­ l’hôpital Lozère, à Mende, mais l’hôpital d’Aurillac. Trois jardiniers avons mis à profit cette période
CORRÈZE Molompize
Allanche lage qu’il y a eu très peu de cas dans pas seulement. Les masques, nous se sont ainsi portés volontaires étrange pour nous préparer à une
le Cantal », se félicite Ghyslaine avions du stock, et dès le début pour porter au CHU de Clermont­ deuxième vague – si elle arrive,
CANTAL HAUTE-LOIRE Pradel, maire de Neussargues­en­ mars nous en avons acheté Ferrand les prélèvements à tester. confie la préfète de Lozère. Nous
Aurillac Saint-Flour Pinatelle, près de Saint­Flour. Ges­ 250 000, chirurgicaux et FFP2, dis­ « Il fallait partir la nuit vers 3 h 30 sommes fin prêts pour repartir le
tes barrières, respect des distances tribués à tous les établissements pour être à Clermont avant 6 heu­ 11 mai, même si l’avenir fait un peu
LOT ARDÈCHE
Marcolès LOZÈRE dans les files d’attente, sorties li­ médicaux, personnes âgées, handi­ res, explique l’un d’eux, Olivier peur. » Ce qu’elle redoute ? « Quel­
Marvejols
mitées : sur la Planèze ou le Cézal­ capées, etc. Pour les blouses, qui Sels. Il n’y avait pas d’autre solu­ qu’un qui décède en Lozère juste
Mende lier cantaliens, dans les gorges du manquaient, nous avons privilégié tion. » Résultat, une journée de ga­ après le 11 mai, et qu’on dise, même
AVEYRON Florac Tarn ou les Causses, l’épidémie de le local. » A Florac, l’Atelier Tuffery, gnée dans l’obtention des résul­ si ça n’a rien à voir : “Ça, c’est la
Covid­19 n’a pas prospéré. Mieux : entreprise familiale centenaire tats. Autre exemple d’efficacité : faute du déconfinement…” » 
GARD 25 km pour la préfète du Cantal, Isabelle qui fabrique des jeans, en a pro­ chaque soir, entre 19 et 20 heures, manuel armand
Sima, 49 ans, ex­chef de cabinet de duit illico 17 000, lavables et donc Jean­Claude Luceno, le patron de et ariane chemin
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6 | coronavirus MERCREDI 29 AVRIL 2020

En Europe, les
écoles rouvrent
en rangs dispersés
De Copenhague à Berlin, la reprise par étapes des
cours, délicate à mettre en œuvre, se heurte parfois
aux réticences des parents et des enseignants

P
as tous, et pas en même temps. défavorisés, à forte population immigrée,
Après plusieurs semaines de seul un enfant sur trois ou quatre est venu.
confinement en Europe, des Par « petits groupes », depuis lundi, la Ré­
élèves vont retrouver le chemin publique tchèque a autorisé les universités
de l’école dans plusieurs pays, à reprendre les cours. Les autres niveaux de­
dont la France. Par petits grou­ vraient suivre courant mai, à raison de
pes, selon un calendrier différencié, avec port quinze élèves par classe maximum. Ici aussi,
du masque, sans cantine pour la plupart, et selon les sondages, les Tchèques sont pro­
selon des règles de distanciation délicates à fondément divisés sur la nécessité de rou­
mettre en œuvre, les jeunes Européens s’ap­ vrir les établissements scolaires.
prêtent à faire une rentrée pas comme les
autres. Confrontés à l’angoisse des parents, POUVOIR REVENIR EN ARRIÈRE
et aux critiques des syndicats d’enseignants, Pour beaucoup de pays européens, le calen­
les gouvernements se disent prompts à drier s’est plutôt concentré sur le mois de
refermer les établissements scolaires au cas mai, dernière étape possible avant les vacan­
où la contagion du Covid­19 connaîtrait un ces d’été. Ainsi, l’Autriche, qui a été parmi les EN ESPAGNE, LES 
nouveau rebond. Tous promettent l’organi­ premiers à rouvrir des commerces, a fait ENFANTS ONT ÉTÉ 
sation de règles de sécurité qui, en réalité, preuve de plus de prudence sur ce sujet. Le
tournent vite au casse­tête. La réouverture ministre de l’éducation a annoncé que la re­ AUTORISÉS À SORTIR 
des écoles n’en constitue pas moins le pre­ prise s’étalera, sur la base du volontariat, du
mier test réel de déconfinement. 4 mai pour les bacheliers, au 18 mai pour les LE 26 AVRIL, POUR 
Les petits Danois ont joué le rôle de précur­ écoliers et les collégiens, et jusqu’au 3 juin
seurs. Dans le royaume scandinave, où l’en­ pour le reste des élèves. Une décision criti­
LA PREMIÈRE FOIS 
semble des établissements scolaires ont quée. « Pour moi, les groupes sont trop grands EN QUARANTE­DEUX 
fermé le 13 mars, la phase 1 du déconfinement et le rythme trop rapide », a estimé Paul Kim­ rouvrir leurs établissements scolaires à partir lisé par le site 24 heures.ch, 58 % des sondés
a commencé avec la réouverture des crèches berger, président du principal syndicat d’en­ JOURS, UNE HEURE  du 4 mai, même si certains d’entre eux, n’approuvent pas la date du 11 mai jugée pré­
et des écoles primaires le 15 avril. Mais faute seignants, qui met en doute la disponibilité à comme Berlin, ont pris les devants dès cette maturée. Parmi les réticences exprimées, fi­
de place dans les salles de classe, pour dédou­ ces dates des équipements de sécurité pro­ AVEC UN PARENT  semaine. Les premiers à rentrer sont les élè­ gurent en premier lieu la difficulté à respec­
bler les groupes et assurer une distance régle­ mis. Dans tous les cas, le gouvernement autri­ ET À MOINS  ves des grandes classes, à l’école ou au lycée. ter les règles d’hygiène (52 %) et les déplace­
mentaire de deux mètres entre les bureaux, chien a prévu de pouvoir revenir en arrière. Mais beaucoup de questions demeurent – sur ments du domicile à l’école (23,7 %).
l’opération n’a pas été un plein succès. A En Belgique, la première ministre, Sophie D’UN KILOMÈTRE  les règles d’hygiène, notamment – et plu­ Repoussée déjà à deux reprises, du fait des
Copenhague, seulement la moitié des élèves Wilmès, a annoncé une première étape de dé­ sieurs syndicats d’enseignants et associations débats que le projet a suscité, la réouverture
ont pu reprendre les cours mi­avril. Et la si­ confinement scolaire à partir du 4 mai pour DE CHEZ EUX de parents d’élèves ont critiqué une réouver­ des écoles en Pologne est prévue pour le
tuation risque de se compliquer encore avec une partie du primaire. Les écoliers et les ly­ ture qu’ils jugent précipitée. Cette fronde a été 25 mai, mais nul ne sait encore si ce délai sera
la rentrée des collégiens et lycéens prévue le céens en dernière année rentreront le 18 mai, relayée par Rezo, le youtubeur le plus célèbre tenu. Les épreuves du brevet ont cependant
10 mai. Il faut aussi compter avec les réticen­ à raison de deux jours par semaine, et dans la d’Allemagne, dont une vidéo de vingt minu­ été confirmées du 16 au 18 juin, celles du bac
ces de parents inquiets qui préfèrent ne pas limite de dix par classe au maximum. Les rè­ tes intitulée « Comment les politiciens chient entre le 8 et le 29 juin, et les examens de
remettre leurs enfants à l’école avant la ren­ gles sont strictes : 4 m² par élève, 8 m² pour les actuellement sur les élèves », postée le formation professionnelle en juillet et en
trée de septembre. Sur Facebook, le groupe professeurs. Tous devront porter un masque. 22 avril, a été vue près de 2 millions de fois. août. Le tout sans oraux.
« Mon enfant ne sera pas un rat de laboratoire Une deuxième étape est prévue pour le Qu’ils le veuillent ou non, les jeunes Plus tardivement, le gouvernement libéral
pour le Covid­19 » compte 40 000 membres. 25 mai si, du moins, la pandémie régresse. Suisses – du primaire au secondaire – re­ roumain a proposé la date du 1er juin. L’oppo­
Chez le voisin norvégien, le déconfinement Les Pays­Bas, revenus à une approche pru­ prendront de leur côté le chemin de l’école le sition sociale­démocrate a cependant émis
a également débuté tôt avec la réouverture dente de la gestion de la pandémie, ont, eux, 11 mai. Les écoles professionnelles et supé­ des doutes. « La réouverture des écoles est très
des crèches, le 20 avril, une semaine avant les décidé que les élèves de primaire rentreront rieures ne rouvriront que le 8 juin, selon un risquée, estime la maire de Bucarest, Gabriela
écoliers. Mais, ici aussi, les difficultés sont ap­ le 11 mai, ceux des collèges et lycées le 2 juin. calendrier qui reste à confirmer. Firea. Il est presque impossible d’être certain
parues. A Oslo, 62 % des enfants étaient au Tous, à temps partiel, en nombre limité. Cette réouverture des classes, déjà précé­ que tous les enfants porteront un masque. Ils
rendez­vous la première semaine, avec de En Allemagne, où l’éducation relève des dée par celle des crèches, suscite toutefois bougent tout le temps… » Lundi, le président
grosses disparités. Dans les quartiers les plus Länder, la plupart ont prévu, eux aussi, de une forte opposition. Selon un sondage réa­ Klaus Iohannis s’est montré très réservé. « Il

En Suède, les cours continuent presque comme d’habitude


Le royaume a gardé ouverts les jardins d’enfants, les écoles et les collèges, estimant que les plus jeunes n’étaient pas vecteurs de contamination

malmö (suède) ­ présenté, malgré 2 274 morts et En classe, rien n’a changé. Dans Dès le départ, les autorités sani­ trand, présidente du syndicat des leur est rappelé que l’école est
correspondante régionale près de 19 000 contaminations. celle de Leïa, ils sont 27 élèves. taires suédoises ont soutenu que enseignants. Selon elle, d’ailleurs, obligatoire et qu’ils s’exposent à
Dans la cour, Leïa, 7 ans, mon­ Les chaises sont collées les unes les enfants ne semblaient pas « la très grande majorité des ensei­ des sanctions si leurs enfants n’y

I l est 8 heures, un jour de


semaine, fin avril, à Malmö,
dans le sud de la Suède. Les
élèves convergent vers l’école
primaire Mellanhedsskolan, où
tre les gros points rouges, peints
à un mètre de distance sur le sol,
devant la cantine : « C’est pour ne
pas qu’on se contamine quand on
fait la queue », explique la fillette.
aux autres. « Peut­être que ce se­
rait mieux qu’elles soient espa­
cées, mais on n’a pas de place
pour faire autrement », observe
Christophe Viala. Les parents
être des vecteurs de contamina­
tion. « Aucune étude scientifique
particulière n’avait alors été réali­
sée, mais nous nous appuyons sur
les observations faites en Chine,
gnants soutient la décision de gar­
der les écoles ouvertes ».

Rassurer les parents


A Mellanhedsskolan, il a fallu
vont plus », précise la directrice,
Slavica Drazic.
A la moindre toux ou poussée
de fièvre, les élèves sont renvoyés
chez eux et n’ont le droit de reve­
550 enfants de 6 à 11 ans sont A l’intérieur, deux des six chaises sont priés de rester dehors. Les qui ont d’ailleurs depuis été rassurer les parents. Lorsque le nir qu’après deux jours sans
scolarisés. Les plus grands s’en­ ont été enlevées devant chaque élèves, eux, se lavent plus sou­ confirmées en Islande, où des éco­ virus a commencé à se propager symptôme. Même chose pour les
gouffrent dans les bâtiments de table. Un nouvel emploi du vent les mains. Ils récitent une les sont restées partiellement dans le pays, la troisième se­ enseignants, dont certains, ap­
briques rouges, tandis que les temps a été établi : les deux servi­ comptine, pour être sûrs de ne ouvertes, et en Suède », affirme maine de mars, 200 des 550 élè­ partenant à un groupe à risque,
élèves de classe préparatoire ces ont été remplacés par un rou­ pas aller trop vite. Anders Tegnell, l’épidémiolo­ ves sont restés chez eux. En face ou vivant avec une personne vul­
jouent dehors en attendant le lement, afin que les élèves ne Dans la salle des profs, une di­ giste en chef de l’Agence de la de Malmö, à Copenhague, les nérable, ne sont pas revenus à
début des cours. A l’entrée, des bouchonnent pas à l’entrée. zaine d’enseignants boivent le santé publique suédoise. écoles avaient fermé quelques l’école depuis la mi­mars.
parents restent discuter. café, sur des canapés. Ils se ser­ Si quelques écoles – dont celle jours plus tôt. « Quand ma Pour le moment, parmi les élè­
D’une remarquable banalité il y Aucun cas grave rapporté vent tous dans la même Ther­ de la princesse Estelle, fille de la femme et moi avons réalisé que ce ves ou les enseignants de Mellan­
a encore deux mois, la scène L’idée vient du directeur admi­ mos. Les tasses sales s’empilent princesse héritière Victoria – ont ne serait pas le cas en Suède, nous hedsskolan, pas de cas de conta­
semble aujourd’hui presque nistratif de l’école, Christophe dans l’évier. Quand on pointe du fermé quelques jours, après des avons hésité, avoue Pelle Törn­ mination avéré ; il y a bien eu une
d’un autre temps. Mais en Suède, Viala : « Je ne pense pas que cela doigt les risques de contamina­ tests positifs au retour des vacan­ blom, le père de la petite Leïa. fausse alerte, début mars : de re­
jardins d’enfants, écoles et collè­ fasse une grosse différence, mais, tion, Henrik Kronholm, le pro­ ces de ski en Italie ou en Autriche Mais aucun de nous ne peut tra­ tour d’Italie, un élève avait des
ges – contrairement aux lycées et s’il y a un risque de contamina­ fesseur de sport, soupire, rési­ début mars, la plupart des établis­ vailler de la maison, alors on a symptômes. « La commune a mis
universités – sont toujours restés tion, c’est sans doute ici qu’il est le gné : « Je me lave les mains, j’es­ sements scolaires sont restés continué d’emmener notre fille. » en place un groupe de crise qui est
ouverts. Dirigé par le social­dé­ plus grand. Alors autant faire ce saie de garder mes distances. » ouverts. Aucun cas grave d’élèves La mairie de Malmö s’est rendu prêt à réagir si besoin, mais cela
mocrate Stefan Löfven, le gou­ qu’on peut, même si statistique­ Depuis la mi­mars, il ne fait plus contaminés, ou même d’ensei­ compte que l’absentéisme était n’a pas été nécessaire », explique
vernement a fait adopter une loi ment, on ne saura jamais quel cours que dehors. « Mais c’est gnants, n’a été rapporté. « Rien plus élevé dans les quartiers dé­ Slavica Drazic, qui n’a eu connais­
qui lui permet d’imposer leur effet cela aura eu », constate ce impossible d’exiger que les élèves n’indique non plus que les écoles favorisés. Après les vacances de sance que de deux cas dans des
fermeture d’un jour à l’autre. Le Niçois, installé depuis vingt­sept ne s’approchent pas les uns des aient fonctionné comme des clus­ Pâques, une lettre a donc été écoles de la commune. 
moment ne s’est pas encore ans en Suède. autres », reconnaît­il. ters », assure Johanna Jaara As­ envoyée à tous les parents. « Il anne­françoise hivert
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MERCREDI 29 AVRIL 2020 coronavirus | 7

Des scientifiques remettent


en cause l’« exception indienne »
Des chercheurs contredisent les estimations optimistes du gouvernement

bombay ­ correspondance compte des chiffres réels de la du fait que seuls 4,7 % des tests
contamination, au fur et à me­
Les autorités réalisés en Inde soient positifs

A
lors que se profile, à sure des remontées du terrain. soustraient les (contre près de 20 % en France).
compter du 4 mai, la D’après eux, le nombre de pa­ « Quand il y a trop d’opacité et
sortie partielle du con­ tients atteints par le coronavirus
malades guéris qu’une mauvaise mesure devient
finement imposé au et nécessitant une prise en charge du nombre total la norme, cela conduit à une situa­
géant d’Asie du Sud il y a un mois, en réanimation pourrait être mul­ tion pernicieuse où le gouverne­
un groupe de scientifiques a pu­ tiplié par six d’ici la fin du mois de
de personnes ment pense qu’il est le seul à con­
blié, lundi 27 avril, des pronostics mai, pour dépasser le seuil des testées positives naître la situation, laissant peu de
inédits sur l’évolution de la pan­ 6 000 malades, tandis que le nom­ place à des discussions ouvertes,
démie due au nouveau coronavi­ bre de décès dus au Covid­19, ac­
au SARS-CoV-2 fondées sur des données crédibles
rus. Leurs chiffres corroborent ce tuellement d’une soixantaine par du domaine public », déplore
que la plupart des experts suppu­ jour, serait sept fois plus impor­ Chandanathil Pappachan Geevan.
tent depuis la détection des pre­ tant à ce même horizon de temps, tests sont parfois contradictoires
mières contaminations dans le pour s’établir à 460 par jour. ou défectueux, ce qui relativise la « Redondance probable »
sous­continent, à savoir que Il ne fait aucun doute, selon eux, proportion officielle, déjà faible, Ce chercheur affilié au Centre
l’Inde ne constitue aucunement que la progression de l’épidémie de 300 personnes dépistées par d’études socio­économiques et
une exception dans le monde, en est « exponentielle » en Inde million d’habitants. environnementales de Cochin
dépit de ce que s’échine à faire comme ailleurs, contrairement à A Hyderabad, un directeur (Kerala) dénonce « la redondance
croire le gouvernement Modi. ce qu’affirme régulièrement le d’école raconte au Monde que l’un probable » des tests pratiqués et la
Professeurs à Bangalore (Karna­ ministère de la santé indien, le­ de ses voisins sexagénaires, peur de la population à se signaler
taka), dans le sud du pays, Santosh quel, relayé sans relâche par les hospitalisé pour des douleurs aux autorités, « les conditions de
Ansumali, du Centre Jawaharlal médias locaux, assure que l’évolu­ dans la poitrine et testé positif vie dans les centres de quaran­
Nehru de recherche scientifique tion est « linéaire », alors même trois jours après, a vu cinq mem­ taine étant proches de celles de la
avancée, et Aloke Kumar, de l’Ins­ que chaque jour qui passe, ou bres de son entourage « testés et prison et les conditions sanitaires
titut indien des sciences, esti­ presque, voit le nombre de nou­ retestés sans relâche » au cours de l’hôpital public étant déplora­
ment que la contagion, qui a tou­ velles contaminations battre le des trois semaines qui ont suivi. bles ». Il ajoute qu’au Gujarat, par
ché jusqu’à présent environ record de la veille. A Bombay, une Anglaise dépis­ exemple, la presse rapporte les ta­
30 000 personnes, va s’envoler au Pour minimiser, le Conseil tée à sa demande par un labora­ rifs rédhibitoires pratiqués par les
cours des trois prochaines semai­ indien de la recherche médicale toire privé s’était placée d’elle­ cliniques privées qui exigent le
nes, pour toucher 244 400 indivi­ (ICMR), seul organisme habilité même en quarantaine dans son versement d’une caution de plus
dus autour du 24 mai. par le gouvernement Modi à appartement de Pali Hill. Le jour de 150 000 roupies (1 833 euros)
publier les statistiques de la pan­ où un jeune garçon manifestant avant toute admission.
Progression « exponentielle » démie, soustrait du nombre total des symptômes grippaux à l’étage Une chose est sûre, le premier
Joints par Le Monde, les deux ex­ de personnes testées positives au du dessous a été pris en charge par ministre, Narendra Modi, trouve
perts se prétendent « loin de la Covid­19 le nombre de malades l’hôpital public, des soignants ont dans l’épidémie l’occasion rêvée
politique » et affirment n’effec­ ayant guéri. C’est ainsi que mardi investi l’immeuble pour tester de se refaire une santé politique.
tuer qu’un travail « purement matin, il faisait état de 21 632 cas tous les habitants, bien que l’en­ Avant que le virus ne débarque en
scientifique », en collaboration « actifs » en Inde, alors que fant ait été rapidement reconnu Inde, le dirigeant nationaliste
avec l’une des écoles d’ingénieurs l’OMS recensait 27 892 cas et négatif. L’« étrangère », comme était confronté à une dégradation
Devant l’école les plus réputées du pays, l’Insti­ l’université Johns Hopkins l’appellent ses voisins, a finale­ historique de la situation écono­
Stengaard, tut indien de technologie de 29 451 cas, 36 % de plus. ment été déclarée négative elle mique et à des manifestations
au nord de Bombay, et avec le soutien logisti­ A ce stade, MM. Ansumali et aussi. Les autorités ont décrété monstres contre sa politique dis­
n’est pas question que nous relâchions les me­ Copenhague que des services médicaux de l’ar­ Kumar s’avouent incapables de que les tests publics étaient plus criminatoire à l’égard des musul­
sures de sécurité, a­t­il déclaré. Ce n’est pas la (Danemark), mée. MM. Ansumali et Kumar se prédire quand le pic de la pandé­ fiables que les tests privés. Lundi mans. Son ministre de l’intérieur,
peine d’envoyer les enfants à l’école pour qu’ils le 15 avril. projettent dans le futur proche, mie sera atteint dans le sous­con­ 27 avril, l’ICMR a annoncé que les le très autoritaire Amit Shah, était
rapportent la maladie à la maison. » ÓLAFUR STEINAR quatre semaines, ce qui n’est pas tinent. Il faut dire que les dépista­ kits de dépistage rapide fournis à l’avant­poste pour faire taire la
Un troisième groupe de pays, enfin, se des­ GESTSSON/AFP le cas du modèle épidémiologi­ ges restent extrêmement modes­ par deux fabricants chinois contestation. Ce dernier a disparu
sine : ceux où la reprise des cours n’est pas que mathématique employé par tes, 30 000 par jour en moyenne n’étaient pas fiables et allaient des écrans radar, mais, pendant
d’actualité avant septembre. En Espagne, le l’université américaine Johns (contre 100 000 à 150 000 en être renvoyés aux fournisseurs. que la population focalise son at­
calendrier de déconfinement n’a pas encore Hopkins, référence mondiale de­ France, où la population est vingt Dans ce contexte, Amitabh Kant, tention sur les chiffres du corona­
été esquissé. Le seul relâchement opéré de­ puis le début de la pandémie. fois inférieure). En outre, ce score président de NITI Aayog, l’agence virus, les intimidations et les ar­
puis la proclamation de l’état d’alerte le Ils utilisent une méthode statis­ ne tient pas compte du fait qui conseille le gouvernement sur restations arbitraires se poursui­
14 mars a consisté à autoriser les enfants, tique « évolutive » qui refait sans qu’une même personne subit sa politique économique, s’est vent, en toute discrétion. 
pour la première fois, dimanche 26 avril, à cesse ses calculs pour tenir souvent plusieurs tests, ni que les sans doute félicité un peu trop vite guillaume delacroix
sortir une heure, avec un parent et à moins
d’un kilomètre de chez eux, après quarante­
deux jours restés enfermés.

« PAS LA PEINE DE PRENDRE DES RISQUES »


Une équipe de scientifiques et de profession­
nels a bien été chargée de définir les condi­
Au Liban, des deuils sans réconfort
tions de cette reprise, cependant, selon l’un
de ses membres, l’épidémiologiste Quique
La pandémie bouleverse l’organisation des condoléances, une pratique sociale importante
Bassat, cité par le quotidien El Pais, il existe un dans ce pays multiconfessionnel, comme dans le reste du Proche­Orient
consensus sur le fait qu’il « ne vaut pas la
peine de prendre de risque » avant septembre.
En Andalousie, le président régional a ex­ beyrouth ­ correspondance Au Liban, où le statut personnel C’est aussi l’avis du père Rony Un passage rapide, au lieu de res­
primé son souhait de rouvrir en mai. est régi par les communautés, les Maatouk, qui officie à l’église Mar ter plusieurs heures. C’est triste : les
Le débat a, lui, à peine commencé au Royau­
me­Uni. Boris Johnson, tout juste revenu de
convalescence lundi, a rappelé qu’il n’était pas
encore temps de penser au déconfinement.
Le 25 avril, Priti Patel, la ministre de l’intérieur,
P artagées par l’intermé­
diaire de WhatsApp ou pa­
raissant dans le journal,
les annonces de deuil au Liban
contiennent des formules inédi­
enterrements relèvent de la
sphère religieuse. Musulmanes
ou chrétiennes, les autorités
confessionnelles ont suspendu,
respectivement, la grande prière
Takla, de rite chrétien maronite, à
Hazmieh, en banlieue de Bey­
routh. « Même pour un prêtre, cette
situation est difficile : il ne peut pas
rester avec les proches du défunt
gens sont esseulés. »
Le gouvernement a prolongé la
« mobilisation générale » jus­
qu’au 10 mai, tout en entamant,
lundi 27 avril, un plan d’assouplis­
a jugé « irresponsable » d’annoncer une date tes depuis l’éruption du Covid­19 : du vendredi et les messes ordi­ pour les consoler. » La porte de la sement progressif du confine­
de réouverture des écoles, tandis que son col­ « condoléances uniquement par naires, pour cause d’épidémie, et salle des condoléances de l’église ment. Il doit se prononcer dans
lègue, Gavin Williamson, secrétaire d’Etat à téléphone », « l’inhumation aura appelé à ne plus assister aux reste fermée. Les deux messes les prochains jours sur la tenue de
l’éducation, a souligné qu’il n’y avait « pas de lieu dans la plus stricte intimité ». cérémonies de deuil. d’obsèques qu’il a célébrées de­ rassemblements comme les
plan ». Et le syndicat des chefs d’établisse­ Bien que momentanée, cette rup­ Mais le gouvernement aussi a puis mars ne comptaient à chaque condoléances, d’ordinaire étalées
ment, l’Association of School & College Lea­ ture avec les habitudes est consi­ réagi sur les rituels liés aux funé­ fois qu’une dizaine de personnes. sur trois jours ou plus. Les offices
ders, a fait savoir que les écoles ne pourraient dérable dans ce petit pays multi­ railles : ainsi, en mars, le ministre Cet isolement « complique la capa­ religieux ordinaires ne repren­
pas rouvrir avant « au plus tôt le 1er juin ». confessionnel. Symbole de soli­ de l’intérieur, Mohamed Fehmi, cité à surmonter la douleur et l’an­ dront pas avant le 8 juin, date de la
Tous les élèves recevront leur diplôme sur darité, la participation aux avait exhorté les Libanais à inter­ goisse. Les relations sociales sont dernière phase de ce plan, dont
la base du contrôle continu. Le Parti tra­ condoléances est une pratique rompre ces traditions, par me­ très importantes au Liban. » l’application débute sur fond
vailliste insiste toutefois sur l’importance de importante chez les musulmans sure de protection, quelques d’ébullition sociale et politique.
limiter le décrochage scolaire des plus vulné­ et les chrétiens, par affection, res­ jours après l’entrée en vigueur de « Les gens sont esseulés » L’expansion du Covid­19 a été
rables. Une étude a révélé que deux tiers des pect ou devoir. Depuis mars, par la « mobilisation générale » – les Dans les villes, ces consignes sont pour l’instant contenue : le bilan
élèves n’ont participé à aucun cours à dis­ mesure sanitaire, les enterre­ mesures de confinement. globalement suivies. Avec des officiel, depuis le diagnostic de la
tance depuis le début du confinement, ments doivent se faire en petit co­ M. Nokkari a pris l’habitude adaptations. M. Nokkari cite première contamination en fé­
souvent par manque de matériel. mité, et sans cortège mortuaire. d’appeler les proches en deuil l’exemple d’un enterrement à Tri­ vrier, est de 710 cas enregistrés et
Quant à l’Italie, où les écoles ont fermé « C’est difficile pour les familles qu’il connaît. « La solidarité conti­ poli (nord du Liban), « retardé en de 24 morts. Depuis plusieurs
leurs portes dès le 5 mars, voire le 24 février qui perdent un proche de faire leur nue de se manifester, par les ap­ soirée [les inhumations ont lieu jours, moins de dix nouvelles in­
pour la Lombardie et la Vénétie, l’année deuil dans ces circonstances, re­ pels téléphoniques ou les messa­ avant le coucher du soleil chez les fections quotidiennes ont été re­
scolaire est bel et bien déjà terminée. Le connaît Mohamed Nokkari, juge ges sur les réseaux sociaux. Mais musulmans] pour empêcher qu’il levées. Selon M. Nokkari, cette si­
président du conseil, Giuseppe Conte, l’a au tribunal religieux musulman cela ne remplace pas le contact. » y ait de l’affluence ». Pour sa part, tuation a permis d’éviter, jus­
redit le 26 avril, en s’appuyant sur « toutes les sunnite de Beyrouth et membre Moustapha, habitant de Bey­ qu’ici, « la peur face aux personnes
études scientifiques » annonçant un impor­ du comité consultatif national routh et retraité, ne s’est pas rési­ décédées. En ce qui concerne les
tant risque de redémarrage de l’épidémie libanais d’éthique. D’ordinaire, la « C’est difficile gné à renoncer à son « devoir », morts musulmans du Covid­19, ils
« en une ou deux semaines » en cas de réou­ présence des parents, amis et voi­ lors de décès récents de parents ont le droit à une toilette mor­
verture des écoles. Seul l’examen de la sins lors des condoléances vient
de faire son deuil éloignés, parce qu’il se souvient tuaire, pratiquée avec des mesures
maturita (équivalent italien du baccalauréat) donner de l’espoir. D’un point de dans ces encore « de ceux qui l’ont entouré de précaution étendues. Et il n’y a
sera maintenu, mi­juin, sous la forme d’un vue religieux, on considère aussi lors de la mort de [son] père », il y a pas de paranoïa sur les enterre­
oral à valeur symbolique.  [en islam] que l’affluence aux
circonstances » une dizaine d’années. Il a pris tou­ ments en général, comme on a pu
isabelle mandraud avec funérailles est bénéfique pour le MOHAMED NOKKARI tefois ses précautions : « Pas d’em­ le voir dans d’autres pays. » 
nos correspondants européens repos du mort. » juge libanais brassade, pas de poignée de main. laure stephan
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8 | coronavirus MERCREDI 29 AVRIL 2020

Au Japon, un confinement volontaire, à petits pas


Les Tokyoïtes restent désormais chez eux après une période d’insouciance et de signaux politiques contradictoires

tokyo ­ correspondance
Le conflit entre

L
es appels des autorités les exigences
ont finalement porté : de­
puis samedi 25 avril, To­
économiques
kyo et les grandes villes et sanitaires s’est
se sont refermées sur elles­mê­
mes. En début de soirée, samedi,
traduit par une
la capitale était quasi déserte réactivité tardive
comme elle l’est à l’ordinaire vers
2 ou 3 heures du matin lorsque les
fêtards ont pris les derniers mé­ nement, qui pèserait sur l’écono­
tros et qu’elle devient le royaume mie et se traduirait par davantage
des vrais noctambules. d’indemnisations.
La ville scintillait toujours de Le conflit entre les exigences
ses lumières mais la circulation économiques et sanitaires s’est
était sporadique, les métros et les traduit par une réactivité tardive
trains roulaient à vide. Même les et une communication dé­
Shinkansen (trains à grande vi­ faillante du gouvernement. Son
tesse) qui sillonnent l’Archipel du message brouillé, qui a semé la
nord au sud circulaient pratique­ confusion dans les esprits, a été
ment sans passagers. Dimanche, aggravé par des initiatives mala­
en dépit du beau temps, les pro­ droites : la vidéo diffusée sur le
meneurs dans les parcs, envahis site du premier ministre pour in­
le week­end précédent, étaient citer ses concitoyens à rester à la
moins nombreux. Quant aux maison le montrant chez lui
surfeurs, ils avaient déserté les jouant avec son chien a suscité un
plages des environs de la capitale, tollé sur les réseaux sociaux, car
bondées une semaine plus tôt. M. Abe y est jugé trop débonnaire
En dépit des appels à rester par ces temps de crise.
chez soi sauf en cas de nécessité La gouverneure de Tokyo a été
absolue, répercutés deux fois par plus persuasive dans ses appels au
jour par les haut­parleurs des civisme. Et elle fut entendue. Les
quartiers, les Tokyoïtes sem­ Tokyoïtes restent davantage chez
blaient renâcler à suivre les di­ eux et des entraides locales se dé­
rectives gouvernementales. Puis, veloppent à l’initiative des associa­
soudain, au cours du week­end, tions de quartiers (chonaikai) qui
le trafic piétonnier à Tokyo a di­ gèrent la vie quotidienne du voisi­
minué de 80 %. nage : des petits commerces orga­
A Tokyo, le 27 avril. ISSEI KATO/REUTERS nisent par exemple des services de
« Vacances à la maison » livraison opérés par des bénévo­
En ce début de semaine, les foules les. Les chonaikai ont joué un rôle
des quartiers animés de la capi­ d’étendre la contamination à comprenne les enjeux : lors d’une sutoshi Nishimura, ministre de la essentiel au lendemain du tsu­
tale s’étaient volatilisées : aux
Le gouvernement d’autres régions. Ses homologues catastrophe naturelle, ceux­ci revitalisation économique et en nami du 11 mars 2011, palliant les
grands carrefours, quelques pié­ a perdu une des départements limitrophes ont sont évidents, et l’entraide et la même temps chargé de la coordi­ défaillances des autorités.
tons traversaient des avenues demandé à leurs administrés de solidarité jouent alors rapide­ nation de la lutte contre la propa­ Plusieurs gouverneurs se dé­
quasi désertes, comme un diman­
partie de sa ne pas se rendre à Tokyo. ment, palliant les déficiences des gation du virus, est révélatrice de marquent de la politique confuse
che matin. Magasins fermés et crédibilité : plus L’« indiscipline » au cours des institutions. Dans le cas du coro­ cette interférence entre intérêts du gouvernement central et pren­
quelques rares restaurants dernières semaines des Japonais, navirus, cette mobilisation s’est économiques et santé publique. nent des mesures plus strictes,
ouverts donnaient à la capitale
de 70 % des qui passent à l’étranger pour être fait attendre. Depuis le 7 avril, le Japon est cer­ menaçant par exemple de dénon­
une atmosphère morne que seu­ Japonais sont « disciplinés », peut surprendre. Le tes sous état d’urgence, entendu cer publiquement les établisse­
les égayaient les azalées en pleine qualificatif « disciplinés », qui évo­ Abe jugé trop débonnaire généralement comme une situa­ ments qui ne respectent pas les
floraison qui parsèment Tokyo. La
mécontents que l’école ou l’armée, est en fait Tout d’abord, le gouvernement a tion d’exception destinée à réta­ directives de distanciation,
vie s’est brutalement ralentie de la gestion inapproprié… Les Japonais sont perdu une partie de sa crédibilité : blir l’ordre lors d’une crise, avec comme certaines des 10 000 sal­
– bien que beaucoup d’employés moins « disciplinés » qu’enclins au plus de 70 % des Japonais sont au besoin des mesures coerciti­ les de pachinko (billard électri­
n’aient pas d’autre choix que de se
de la pandémie civisme. Il leur a été inculqué de­ mécontents de la gestion de la ves. Mais, dans l’Archipel, fait va­ que) que compte l’Archipel. Le
rendre sur leur lieu de travail, au puis le plus jeune âge qu’il ne faut pandémie. Le conflit d’intérêts, de loir le gouvernement, la législa­ flipper nippon est une passion
risque, sinon, de voir leur salaire les. Cette grande semaine de congé pas gêner autrui et que le respect plus en plus apparent, entre les tion ne permet pas de sanction­ nationale. Et des queues se for­
réduit ou de perdre leur emploi. du printemps implique des auto­ des règles facilite la vie en commu­ partisans du maintien de l’acti­ ner le non­respect des appels à ré­ ment devant ceux qui sont en­
Le changement de comporte­ routes embouteillées et des trains nauté. C’est à cette responsabilité vité économique (milieux d’affai­ duire les contacts sociaux qui core ouverts.
ment des Tokyoïtes est d’autant bondés. La gouverneure de Tokyo, civique que les autorités font appel res et ministère de l’économie, du porteraient atteinte aux libertés La pandémie de Covid­19 a fait, à
plus significatif qu’à partir du Yuriko Koike, entend que cette depuis la proclamation de l’état commerce et de l’industrie) et les civiles. Une interprétation de la la date du 27 avril, un total de
29 avril commence la golden week, « semaine d’or » soit « une semaine d’urgence à Tokyo, le 7 avril, exigences sanitaires, a entamé la loi contestée par des constitu­ 385 morts pour 13 614 cas confir­
une période qui dure jusqu’au de vacances à la maison » et elle a étendu ensuite à tout le pays. confiance dans la capacité du tionnalistes, qui estiment que més, selon l’université améri­
5 mai, au cours de la laquelle se appelé les Tokyoïtes à ne pas quit­ Pour mobiliser ce civisme, en­ gouvernement à endiguer l’épi­ l’argument masque la volonté du caine Johns­Hopkins. 
succèdent plusieurs fêtes nationa­ ter la capitale pour ne pas risquer core faut­il que la population démie. La double casquette de Ya­ gouvernement d’éviter le confi­ philippe pons

L’écrivaine chinoise Fang Fang, Antigone de Wuhan


Installée dans la capitale de la province du Hubei, elle est attaquée de toutes parts pour avoir écrit son journal du confinement

PROFIL d’être sévèrement critiqué par les


néomaoïstes, qui n’ont pas sup­
dans la section des blogs du ma­
gazine en ligne Caixin. De son
grâce aux témoignages qu’elle re­
cueille et, enfin, elle parle d’elle, de
les critiques soient encore plus
virulentes.
moi. Car, finalement, qu’est­ce que
les internautes ont pu découvrir de
pékin ­ correspondant
porté cette dénonciation à la fois côté, une Chinoise qui vit sa vie confinée. » Jugeant ce livre « biaisé et qui ne la part de ces attaquants ? Leur lo­

T elle l’héroïne grecque An­


tigone, qui ne voulait pas
sacrifier sa famille à la rai­
son d’Etat, une écrivaine chi­
noise, Fang Fang, est aujourd’hui
subtile et sévère de la réforme
agraire entreprise par Mao dans
les années 1950.
Cette fois, les critiques n’ont
même pas attendu la sortie du li­
à l’étranger, Er Xiang, les relaie
également sur le réseau WeChat.
Fang Fang mettra fin à ce journal
le 24 mars, date à laquelle les auto­
rités annoncent la réouverture de
Car, entre­temps, les éditeurs,
chinois comme étrangers, se
sont évidemment intéressés à
ces écrits. Si les négociations
avec les premiers ont progressé
présenterait que le côté sombre de
Wuhan », Hu Xijin, rédacteur en
chef du Global Times, et figure de
proue des nationalistes, estime
qu’« à la fin, ce sont les Chinois, y
gique confuse, leur pensée défor­
mée, leur mauvaise qualité litté­
raire et leur côté méprisable. »
A l’heure où la Chine se vante
d’avoir, grâce à « la supériorité de
vouée aux gémonies pour offrir à vre pour passer à l’attaque. La la ville le 8 avril. Dans ses soixante assez vite en février, Fang Fang compris ceux qui la soutenaient son modèle », vaincu l’épidémie et
ses frères de Wuhan, morts du Co­ simple annonce, par Fang Fang, le posts, elle dénonce le manque de a fait monter les enchères, expli­ au début, qui vont payer le prix de entend donner des leçons au reste
vid­19, la seule épitaphe digne 25 janvier, qu’elle allait publier sur masques, les hôpitaux débordés, quant que tout l’argent irait aux sa renommée à l’Ouest ». Selon le du monde, Fang Fang dérange.
d’eux : la vérité. les réseaux sociaux un journal de l’incurie des dirigeants… familles des victimes. Surtout, Global Times, un écrivain aurait D’ailleurs, les autorités ont trouvé
Agée de 64 ans, Fang Fang n’a Wuhan, ville en quarantaine, a Le 10 mars, jour de la visite du les attaques dont elle fait l’objet même proposé d’ériger une sta­ un moyen, non de la faire taire,
pourtant rien d’une dissidente. mis les autorités en alerte. président chinois Xi Jinping à Wu­ ont incité les Chinois à attendre tue de Fang Fang, à genoux, à côté mais de la marginaliser : publier
Jusqu’à sa retraite, elle était han, elle note : « Ne me parlez pas des jours meilleurs. En revanche, de celle de Qin Hui, un responsa­ d’autres journaux de Wuhan. Le
même la présidente de l’Associa­ « Ne me parlez pas de victoire » de victoire. Seulement de fin. » le livre va être publié aux Etats­ ble politique du XIIe siècle qui 13 avril, Weibo, ce même site qui la
tion des écrivains de la province Il est vrai que, dès le 26 janvier, « Il y a quatre parties dans son Unis, en Allemagne et en France. symbolise la traîtrise en Chine. censure, a lancé avec CCTV, la télé­
du Hubei, dont Wuhan est la capi­ plus de 20 millions d’internautes journal, note Geneviève Imbot­ Il n’en fallait pas plus pour que vision chinoise, un grand con­
tale. La plupart de ses livres ra­ avaient lu son premier blog, Bichet, qui, avec Frédéric Dalléas, « Heureuse » d’être attaquée cours. Selon eux, 1 008 employés
content avec humour et ten­ 30 millions le jour suivant. Alors traduit ce texte qui sera publié Mais Fang Fang ne se laisse pas soignants, 279 volontaires les
dresse la vie des « petites gens » que la terre entière découvre, hal­ chez Stock à la rentrée, sous le ti­ faire. Sa réponse à Hu Xijin a été aidant, 233 patients et 15 volontai­
de cette ville où elle réside depuis lucinée, ce confinement inédit tre Wuhan, ville close. Elle décrit Les autorités ont vue plusieurs centaines de mil­ res pour essayer des vaccins ont
une quarantaine d’années et dont d’une ville de 11 millions d’habi­ d’abord le temps qu’il fait ainsi lions de fois. Pour elle, ce qui se eux aussi écrit leurs journaux. Po­
elle est devenue l’une des person­ tants, que nul ne croit les médias que ses humeurs, d’une façon très
trouvé un moyen passe actuellement ressemble sitifs, cela va sans dire. Ceux qui
nalités marquantes. officiels et que les médecins ont classique. Puis elle dénonce les at­ de marginaliser aux violences de la Révolution plaisent le plus aux internautes
Des journalistes en vue et des ordre de se taire, ce journal appa­ taques dont elle fait l’objet de la culturelle, à ceci près que les atta­ seront publiés et intégreront les
policiers figurent au nombre de raît comme la meilleure source part des ultranationalistes qui, se­
Fang Fang : ques se sont déplacées sur les ré­ archives numériques publiques.
ses amis. Son dernier roman, Fu­ d’information « de l’intérieur ». lon elle, ne peuvent être que proté­ publier d’autres seaux sociaux. Dans son dernier A Wuhan, après celle contre le vi­
nérailles molles (L’Asiatèque, Comme le réseau social Weibo gés par des personnes haut pla­ post du 24 mars, elle écrit : « Ce qui rus, c’est la bataille des récits qui
2017), a reçu une distinction pres­ ferme de temps à autre son cées. Elle parle beaucoup de la
journaux me rend vraiment heureuse, ce bat aujourd’hui son plein. 
tigieuse, le prix Lu Yao, avant compte, Fang Fang trouve refuge maladie, de ce qu’elle en sait, de Wuhan sont les attaques portées contre frédéric lemaître
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MERCREDI 29 AVRIL 2020 coronavirus | 9

Dubaï n’attend pas le reflux pour déconfiner


L’émirat a rouvert ses gigantesques malls, bien que la contamination par le coronavirus continue à s’étendre

beyrouth ­ correspondant vid­19, le pouvoir s’est félicité que Mais pour les observateurs Dépourvu de pétrole, le matelas obligatoire ; enfin, les personnes
« les mesures strictes prises au étrangers, les calculs économi­ amortisseur de ses voisins du
Dépourvu de circulant sans masque s’exposent

L
es autorités de Dubaï cours des trois dernières semaines ques ont autant sinon plus joué Golfe, Dubaï est la micro­monar­ pétrole, matelas à une amende très dissuasive de
sont pressées de tourner [aient] considérablement contri­ dans la décision d’alléger le cou­ chie qui a le plus à perdre dans la 1 000 dirhams (250 euros).
la page du Covid­19. bué à atténuer la crise ». vre­feu que les considérations sa­ crise sanitaire actuelle. Une étude
amortisseur Dans les autres monarchies du
Alors même que le nom­ Pourtant, l’épidémie ne montre nitaires. « C’est la logique mer­ de Capital Economics, un cabinet de ses voisins, Golfe, la prudence reste de mise.
bre de décès et de contaminés re­ aucun signe de reflux aux Emirats cantile qui prime, Dubaï est aux d’analyse britannique, publiée à En Arabie saoudite, le couvre­feu a
censés chaque jour dans les Emi­ arabes unis. Le nombre de cas dé­ abois », lâche un banquier occi­ la mi­mars, agitait le spectre
Dubaï est la certes été levé en journée, à l’ex­
rats arabes unis (EAU) ne faiblit couverts chaque jour a dépassé la dental installé sur place. La mé­ d’une nouvelle débâcle financière micro-monarchie ception de La Mecque, lieu de
pas, la cité­Etat, qui est l’un des barre des 500 et continue de pro­ tropole hypermoderne, hérissée en cas de confinement prolongé. haute contamination, mais l’ac­
deux piliers de cette fédération gresser, et le nombre de décès de tours vertigineuses, qui se D’où l’empressement des respon­
qui a le plus cès aux galeries marchandes est li­
avec Abou Dhabi, a débuté la quotidiens fluctue entre 3 et 8 de­ présente comme l’eldorado du sables locaux à atténuer les res­ à perdre mité à deux semaines, du 29 avril
phase de déconfinement. puis une semaine. En tout, à la business, est à la peine depuis le trictions sur les déplacements. au 13 mai, pour les dépenses liées
Les 3,5 millions d’habitants de date du 26 avril, le SARS­Cov­2 milieu des années 2010. sures destinées à encadrer au au ramadan. Au Koweït, l’interdic­
la principauté, plaque tournante avait contaminé au moins La déprime des cours du pé­ « Une affaire de vie ou de mort » maximum le début du déconfi­ tion de sortir en ville a été étendue
du commerce et du tourisme au 10 300 personnes et causé trole, les secousses géopolitiques « C’est une affaire de vie ou de nement. Les malls restent inter­ à seize heures par jour ; à Bahreïn,
Proche­Orient, ont récupéré en 76 morts aux Emirats arabes unis. régionales et le ralentissement mort, une prise de risque obligée », dits aux enfants et aux personnes les restrictions en vigueur ont été
fin de semaine dernière le droit Ces chiffres en font le deuxième de la croissance chinoise ont for­ souligne un consultant, familier âgées de plus de 60 ans ; le paie­ renouvelées jusqu’au 7 mai ; à
de circuler en ville pendant la pays le plus touché de la rive arabe tement nui à l’immobilier et au de l’émirat. « Il y avait trop de li­ ment en espèces y est décon­ Oman, le confinement de Mas­
journée. Ils étaient jusque­là sou­ du golfe Persique après l’Arabie tourisme, les deux principales cenciements, ils ne pouvaient pas seillé ; les lieux de divertisse­ cate a été prolongé jusqu’au
mis à un couvre­feu intégral, saoudite, où l’on déplorait ce sources de revenus de l’émirat tenir plus longtemps, opine un ment, où l’affluence est impor­ 8 mai ; et au Qatar, en plein pic de
auquel ils ne pouvaient déroger jour­là 17 500 cas et 139 décès. avec le commerce portuaire. professeur d’économie, basé à tante, comme les cinémas, doi­ l’épidémie, les autorités exhor­
que pour se ravitailler en nourri­ Pourquoi, dans ces conditions, En 2019, le produit intérieur brut Abou Dhabi, la capitale des EAU. vent rester fermés ; seulement tent toujours les habitants à rester
ture, tous les trois jours, et sur commencer à déconfiner Dubaï, n’a progressé que de 1,94 %, le La réconciliation avec les milieux 25 % des places de parking seront cloîtrés à leur domicile. Dimanche
permission expresse de la police, la ville la plus peuplée de la fédé­ plus faible taux de croissance de­ d’affaires était indispensable. » ouvertes pour limiter la fréquen­ 26 avril, le nombre total de morts
délivrée par Internet. ration et qui, à ce titre, compte puis les jours sombres de 2009, Conscientes de s’exposer à un tation ; dans les restaurants, les dus au Covid­19 sur la rive arabe
probablement le plus grand nom­ où Dubaï, étranglé par les dettes, rebond de l’épidémie, les autori­ buffets sont interdits et l’utilisa­ du Golfe s’élevait à 263. 
« Logique mercantile » bre de malades du Covid­19 ? Les a frôlé la faillite. tés ont édicté un catalogue de me­ tion de couverts à usage unique benjamin barthe
Les gigantesques malls, qui font autorités mettent en avant leur
la fierté de l’émirat et attirent des vaste capacité de test – autour de
millions de visiteurs chaque an­ 30 000 par jour. Ce dépistage à
née, ont été autorisés à rouvrir grande échelle leur aurait permis
leurs portes jusqu’à 22 heures, d’identifier et d’isoler les princi­
dans une limite de 30 % de leur paux foyers d’infection, concen­
capacité, de même que les restau­ trés surtout dans les zones d’habi­
rants, une autre des attractions tation des travailleurs asiatiques,
locales. Vantant « le succès » de qui forment l’essentiel de la
Dubaï dans la lutte contre le Co­ main­d’œuvre dubaïote.

Pour nous unir,


L’offensive de charme de
Donald Trump au Groenland rien ne vaut du fil
et des aiguilles.
P andémie ou pas, le président américain n’est pas du
genre à renoncer facilement à ses lubies, surtout lors­
qu’elles se présentent sous la forme d’une épreuve de
force avec Pékin. En août 2019, Donald Trump avait proposé
très sérieusement de racheter le Groenland au Danemark, qui
avait poliment décliné, jugeant le projet « absurde ». Qu’à cela
ne tienne : les Etats­Unis ont décidé de verser une généreuse
aide financière à la province autonome de 56 000 habitants.
Les Danois ont découvert le pot aux roses, dans une longue
tribune publiée le 20 avril, sur le site d’information politique
Altinget, par la très controversée ambassadrice américaine à
Copenhague, Carla Sands. Cette proche de Donald Trump évo­
que l’importance de voir l’Arctique et le Groenland se dévelop­
per, mais à condition que « ce ne soit pas aux dépens de la sécu­
rité et du développement durable ».
Outre la remilitarisation à marche forcée effectuée par Mos­
cou dans la région, l’ambassadrice mentionne les appétits de la
Chine, impliquée dans plusieurs gros projets miniers au
Groenland. Autant de menaces aux yeux des Etats­Unis, qui
considèrent la province comme « un
allié fidèle », et y ont d’ailleurs an­ Nous ne sommes pas tous égaux face au virus. Pour les plus fragiles et les
WASHINGTON DIT  noncé, en 2019, l’ouverture d’un con­ plus démunis d’entre nous, il peut être plus difficile d’avoir accès aux masques.
sulat américain. Avec son soutien, Ensemble, mobilisons-nous pour que toutes et tous, petits et grands, dans toutes
VOULOIR « AIDER LE  Washington veut « aider le Groen­ les villes et villages de France, puissent porter un masque, en plus d’appliquer
GROENLAND À FIXER  land à atteindre son plein potentiel,
ouvrir de nouveaux marchés, accroî­
les gestes barrières indispensables. Nous pouvons tous aider : les particuliers
et les entreprises qui ont en leur possession du tissu pour confectionner des
DE NOUVEAUX  tre le tourisme durable et fixer de
nouveaux standards de développe­ masques selon les recommandations de l’Afnor* sont appelés à en faire don ;
STANDARDS DE  ment dans la région ». celles et ceux qui savent coudre sont appelés à donner de leur temps ;
Le 23 avril, le gouvernement local a les magasins Carrefour, Intermarché et Monoprix se sont déjà engagés à
DÉVELOPPEMENT  confirmé que les Etats­Unis lui servir de points relais pour les redistribuer gratuitement partout en France.
DANS LA RÉGION » avaient proposé la coquette somme
Et nous pouvons tous en parler autour de nous. Plus que jamais, ne rompons pas
de 83 millions de couronnes danoises
(environ 11 millions d’euros), ce que la la chaîne de la solidarité.
province s’est fait « une joie » d’accepter. Le 22 avril, Nuuk avait
Pour participer, rendez-vous sur masquesolidaire.fr
pris soin de rappeler que la collaboration avec Washington avait
lieu « dans le cadre légal et contractuel applicable », sachant que la
diplomatie et la défense sont du ressort exclusif de Copenhague.
L’aide devrait être mise en place « principalement sous la forme
de conseil et d’assistance fournis par des experts américains, ainsi
que par le biais de programmes existants, dépendant du départe­
ment d’Etat américain », selon le gouvernement groenlandais.
A Copenhague, les avis sont partagés. Prenant garde de ne
pas enflammer les sentiments indépendantistes de la pro­
vince, le ministre danois des affaires étrangères, le social­
démocrate Jeppe Kofod, fait bonne figure : « Notre prio­
rité est que l’intérêt américain croissant bénéficie à la popula­
tion groenlandaise. »
D’autres ne cachent pas leur irritation, comme le député
conservateur Rasmus Jarlov, qui accuse l’ambassadrice de vou­ *Normes Afnor disponibles sur le site.
loir « ébranler » le royaume danois, tandis que Soren Espersen,
porte­parole du Parti populaire danois (droite populiste) sur les
questions de politique étrangère, craint que « les Etats­Unis ava­
lent le Groenland en une bouchée ». Dans le journal Politiken,
Aaja Chemnitz Larsen, une des deux députés groenlandais au
Parlement danois, encourage Copenhague à passer à la vitesse
supérieure, afin que son influence « ne commence pas à pâlir
face à l’offensive de charme américaine ». 
anne­françoise hivert
(malmö, suède, correspondante régionale)
0123
10 | coronavirus MERCREDI 29 AVRIL 2020

Hausse historique du chômage en mars


Avec l’épidémie et le confinement, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A a augmenté de 7,1 %

L
es superlatifs manquent
pour qualifier le désastre Le nombre de chômeurs s’envole en mars 2020 La brutale
qui n’en est qu’à son com­ Evolution mensuelle du nombre de demandeurs d’emploi en catégories A et A, B, C dégradation
mencement. En mars, le
nombre de demandeurs d’emploi 5 858 100 qui s’est produite
sans aucune activité (catégorie A 6 000 000 le mois dernier
de Pôle emploi) a enregistré une
poussée vertigineuse de 246 100,
concerne
Catégories A, B et C
soit + 7,1 %, sur l’ensemble du terri­
France (hors Mayotte) + 177 500 en mars
toutes les
toire (excepté Mayotte), d’après les
données publiées, lundi 27 avril,
5 000 000 (soit + 3,1 % des effectifs tranches d’âge
depuis le mois précédent).
par la Direction de l’animation de
C’est la plus forte hausse
la recherche, des études et des sta­ naires sociaux « pour adapter
depuis avril 2009.
tistiques du ministère du travail rapidement nos règles d’assuran­
(Dares). Il s’agit d’une augmenta­ 4 000 000 ce­chômage ». Cette annonce a été
3 732 500
tion historique, qui n’a pas d’équi­ faite alors même que l’exécutif a
valent depuis la création, en 1996, déjà décidé, récemment, de sus­
de ces séries statistiques. Elle pro­ pendre ou de différer l’applica­
vient du coup d’arrêt que l’épidé­ tion de plusieurs mesures
3 000 000 + 246 100 en mars
mie de Covid­19 a infligé à notre prévues par sa réforme du sys­
(soit + 7,1 % des effectifs
économie, avec la mise en place du tème d’indemnisation des de­
Catégorie A, depuis le mois précédent).
confinement à partir du 17 mars. mandeurs d’emploi. Parmi les
France (hors C’est la plus forte hausse
Depuis deux ans, ces indica­ depuis le début
dispositions mises sous cloche, il
Mayotte)
teurs sont présentés sur une base 2 000 000 de la période. y a notamment la dégressivité
trimestrielle et non plus men­ des allocations et les nouvelles
suelle, les évolutions au mois le modalités de calcul de la presta­
mois étant jugées trop volatiles. tion, susceptibles de pénaliser les
Mais cette fois­ci, en plus des individus qui alternent petits
résultats calculés pour les trois 1 000 000 boulots précaires et périodes
premiers mois de l’année, la Da­ d’inactivité. Le fait de reporter
res a décidé de communiquer une l’entrée en vigueur de ces méca­
note à propos des changements nismes, très critiqués par les syn­
intervenus uniquement en mars. dicats, vise à ne pas aggraver les
0
Et les enseignements qui en res­ difficultés des plus vulnérables.
sortent sont éloquents. La brutale Janvier Janvier Janvier Janvier Janvier Mars Aujourd’hui, Mme Pénicaud en­
dégradation qui s’est produite le 1996 2000 2005 2010 2015 2020 tend donc discuter de la prise en
mois dernier concerne toutes les charge des individus privés d’em­
Catégorie A : demandeurs d’emploi tenus de rechercher un emploi, sans emploi
tranches d’âge, en particulier les ploi. « Nous aimerions avant tout
Catégorie B : demandeurs d’emploi tenus de rechercher un emploi, ayant exercé une activité réduite courte (de 78 heures ou moins sur un mois)
moins de 25 ans (+ 7,9 %), suivis de que le gouvernement mette au re­
près par les 25­49 ans (+ 7,8 %). Les Catégorie C : demandeurs d’emploi tenus de rechercher un emploi, ayant exercé une activité réduite longue (de plus de 78 heures sur un mois) but sa réforme et rétablisse la
publics les plus touchés sont ceux convention conclue en 2017 par les
Infographie : Le Monde Sources : Pôle emploi - Dares, STMT
qui recherchent un métier dans la partenaires sociaux, qui était
construction, les services à la beaucoup plus favorable aux chô­
personne, l’hôtellerie, le tou­ meurs », indique Michel Beaugas
risme, le monde du spectacle, etc. en mars (soit + 3,1 %), ce qui cons­ notamment parce que les possi­ mais près de onze millions de nonce très sombre. « La probabi­ (Force ouvrière). La CFDT défend
titue également un record. « Ces bilités d’être embauché par une travailleurs (soit plus de la moitié lité est grande que les tendances re­ une position similaire, mais
Expiration de contrats courts tendances sont inédites, mais il entreprise se sont raréfiées. des salariés du privé), permet aux levées dans la deuxième quinzaine aimerait aussi aller plus loin :
Autre phénomène impression­ faut bien se souvenir qu’elles sur­ C’est d’ailleurs ce que montrent entreprises de conserver leur de mars préfigurent ce qui va se « Nous ne pouvons pas nous limi­
nant par son ampleur : le repli viennent dans un contexte de les données dévoilées, le 22 avril, main­d’œuvre, la rémunération passer en avril et en mai, pronosti­ ter à une modification des règles
marqué (− 3,1 %) du nombre des perte d’activité causé par le confi­ par l’Agence centrale des organis­ des personnels étant prise en que Yannick L’Horty, professeur de l’assurance­chômage, affirme
demandeurs d’emploi en activité nement, qui est sans précédent de­ mes de sécurité sociale, qui coiffe charge par l’Etat et par l’Unédic d’économie à l’université de Pa­ Marylise Léon, la numéro deux de
réduite (catégories B et C). Cette puis la seconde guerre mondiale », le réseau des Urssaf. Ainsi, les (l’association paritaire qui gère le ris­Est­Marne­la­Vallée. Toute la la centrale cédétiste. Le débat doit
variation, qui pourrait sembler décrypte Bruno Ducoudré, de déclarations d’embauche de plus régime d’assurance­chômage). question, maintenant, est de sa­ être élargi aux politiques de l’em­
positive de prime abord est, en l’Observatoire français des d’un mois ont dégringolé dans Faut­il en conclure que ce filet de voir si le choc est durable : plus il le ploi qu’il convient de mener, pour
réalité, liée au fait que beaucoup conjonctures économiques. des proportions inégalées : – protection n’a pas produit les ef­ sera, plus il portera atteinte au ca­ prévenir le risque d’un creusement
de personnes ont cessé de Deux mouvements ont joué. 22,6 % en mars. Le recul se révèle fets escomptés ? « Il a contribué à pital humain et à l’outil de produc­ des inégalités induit par la crise
travailler ou ont occupé un poste D’abord, souligne la note de la tellement violent qu’il efface les limiter les destructions d’emplois, tion des entreprises, repoussant que nous traversons. »
moins longtemps que prévu. Une Dares, les entrées à Pôle emploi progressions constatées durant la répond Bruno Ducoudré. Sans lui, ainsi à plus tard le moment où no­ En attendant d’y voir plus clair
partie d’entre elles, se retrouvant « sont en nette hausse » pour mars période antérieure : sur un an, les beaucoup de sociétés auraient pro­ tre économie rebondira. » sur les intentions du pouvoir en
sans aucune activité, sont, du (+ 5,5 %), du fait, « principale­ recrutements de plus d’un mois cédé à des licenciements économi­ place, un constat s’impose : il fau­
même coup, venues grossir les ment » des fins de mission d’inté­ ont baissé de 5,8 %. ques et le chômage se serait accru Ne pas aggraver les difficultés drait un miracle pour que se con­
rangs de la catégorie A. rim et de l’expiration de contrats La situation s’est donc très rapi­ encore plus fortement. Nous ne « Je suis inquiète pour l’emploi », crétise la promesse d’Emmanuel
Au total, les inscrits à Pôle courts qui n’ont pas été renouve­ dement détériorée, malgré le sommes pas dans la même situa­ confie la ministre du travail, Mu­ Macron de parvenir à un taux de
emploi émargeant dans les caté­ lés. En parallèle, le flux de person­ recours massif à « l’activité par­ tion que les Etats­Unis où, en l’es­ riel Pénicaud, dans un entretien chômage de 7 % en 2022, alors que
gories A, B et C – donc avec un nes quittant les fichiers de Pôle tielle » – le terme officiel pour pace d’un mois, un peu plus de au Parisien, mardi. La veille, elle ce ratio se situait encore à 8,1 % au
contrat de travail ou sans – voient emploi a énormément ralenti en désigner le chômage partiel. Ce 20 millions de salariés ont été con­ avait exprimé la volonté d’enga­ dernier trimestre 2019. 
leurs effectifs s’étoffer de 177 500 mars (– 29 % comparé à février), dispositif, qui concerne désor­ gédiés. » Pour autant, l’avenir s’an­ ger une réflexion avec les parte­ bertrand bissuel

«Je ne peux qu’attendre qu’on veuille bien me prolonger mes droits»


La crise sanitaire et économique complique la vie des chômeurs, même si Pôle emploi s’efforce de maintenir ses services

TÉMOIGNAGES Monaco et dont le dernier contrat


a pris fin en décembre 2019. De­
sur mon dossier, relate­t­il. J’ai
trouvé ça plus qu’honnête, au vu
vre l’aventure plus longtemps,
mais il y avait des chantiers qui
bond professionnel s’envoler avec
la crise sanitaire. Alors que ses
jeune femme, tout cela est « anxio­
gène ». « Ici, le taux de chômage est

A 32 ans, Camille pensait


enfin entrevoir le bout
du tunnel. Au chômage
depuis huit mois, la jeune femme,
qui a souhaité garder l’anonymat,
puis, elle recherche un poste, en
s’appuyant surtout sur l’Associa­
tion pour l’emploi des cadres
(APEC), le « contact » étant quasi
inexistant, selon elle, avec son con­
des circonstances actuelles. »
Tout en fermant ses agences au
public durant la deuxième quin­
zaine de mars, Pôle emploi s’est ef­
forcé de maintenir son offre de ser­
tombaient à l’eau », narre­t­il. Son
contrat n’est pas renouvelé. « Je
n’ai aucun moyen de me retourner
et je n’ai plus aucun revenu »,
s’alarme ce père de famille. Pour la
droits à l’indemnisation chômage
devaient cesser en avril, cette an­
cienne guide de voyage de 34 ans,
installée dans la Drôme, avait
trouvé un emploi de réception­
assez élevé, on vit surtout du tou­
risme et la saison risque d’être en­
core plus courte, souligne­t­elle.
Alors, forcément, on se dit que ça va
être pire que d’habitude. »
avait enfin décroché des entre­ seiller référent de Pôle emploi. vices. « Vingt­cinq mille à trente première fois de sa carrière, il a dû niste dans un camping de la ré­ Quelques­uns ont tout de même
tiens d’embauche – le processus mille de nos agents, sur un effectif s’inscrire à Pôle emploi fin mars. gion, qui devait commencer dé­ reçu de bonnes nouvelles. Simon,
s’étant même poursuivi durant le « Conseiller ultradispo » légèrement supérieur à cinquante « Tout se passe par mail, personne but avril. Sa promesse d’embau­ un Parisien de 32 ans dont le pré­
confinement. « Mais depuis deux Camille, elle, n’a rien à redire sur mille, ont basculé en télétravail, ne m’a appelé, pas même pour me che, faite oralement, est tombée à nom a été modifié à sa demande,
semaines, je n’ai plus aucun retour, l’opérateur public. « Tout se fait afin de traiter les e­mails et les ap­ dire que je n’avais le droit à rien car l’eau, l’établissement n’ayant pas est architecte. Au chômage depuis
malgré mes relances », se désole par téléphone et mon conseiller est pels téléphoniques, explique Misoo je n’ai pas suffisamment travaillé, pu démarrer sa saison comme septembre, il a passé, grâce à son
cette ex­responsable de produc­ ultradispo », affirme­t­elle. La der­ Yoon, directrice générale adjointe. j’ai juste reçu une lettre imperson­ prévu. « Je ne sais pas quand ils réseau, un premier entretien dé­
tion dans le secteur de la mode. nière fois qu’elle lui a passé un En moyenne, un courriel reçoit une nelle, indique­t­il. Je compte sur­ vont pouvoir rouvrir mais leur chif­ but mars pour un poste de chef de
Un silence qui ne fait qu’amplifier coup de fil, la trentenaire n’a pas réponse en quatre heures. » « Avec tout sur les boîtes d’intérim mais fre d’affaires sera forcément moins projet dans une agence de l’Etat :
son inquiétude. Jour après jour, osé lui poser la question qui la ta­ des conseillers en télétravail, j’avais j’ai peur que les entreprises qui re­ important, anticipe­t­elle. Ils vou­ « Quand le confinement est arrivé,
elle voit le nombre des offres raude : « Est­ce que les deux mois peur que mon dossier soit sus­ couraient à des intérimaires fas­ laient recruter deux réceptionnis­ je me suis dit qu’il fallait que je
d’emploi fondre comme neige au de confinement seront comptabili­ pendu ou retardé, raconte Emma, sent bosser d’abord leurs salariés. » tes mais qui me dit que ce sera m’accroche à ce boulot parce que le
soleil sur le site spécialisé qu’elle sés pour le calcul de mes droits ? Je 28 ans, abonnée aux missions Lucie, elle, a vu ses espoirs de re­ alors encore le cas ? » marché de l’emploi va devenir très
consulte quotidiennement : « Ça sais que l’Etat a déjà beaucoup d’intérim dans l’industrie, du côté complexe par la suite. » Il s’atten­
commence à m’angoisser. » donné mais cela me paraîtrait as­ de Limoges. Au final, j’ai trouvé que « Anxiogène » dait à ce que le processus de recru­
Une appréhension générale­ sez juste, le pays s’est arrêté et cette mes interlocuteurs étaient plus pré­ Très inquiète à l’idée de se retrou­ tement s’interrompe le temps du
ment partagée par toutes les per­ crise me fait perdre deux mois de sents que d’ordinaire. » « En moyenne, ver sans ressources, elle a été ras­ confinement, mais tel ne fut pas
sonnes que Le Monde a interro­ recherche d’emploi. » Antoine, 51 ans, émet un avis surée par Pôle emploi qui lui a ex­ le cas. Trois autres rendez­vous en
gées, à la suite d’un appel à témoi­ Animateur périscolaire en Ven­ beaucoup plus acerbe. En janvier,
un courriel reçoit pliqué que son indemnisation se­ visioconférence ont suivi et il
gnage lancé sur notre site Internet. dée, Johan, 22 ans, s’est inscrit à après quinze ans à son compte une réponse en rait maintenue le temps du confi­ vient d’apprendre qu’il a le poste.
« Le nombre de chômeurs va aug­ Pôle emploi après avoir vu son comme électricien et un peu d’in­ nement. « Je me sens un peu Le jeune homme est conscient de
menter, ça va accroître la concur­ contrat s’interrompre au début térim, ce père de famille biterrois
quatre heures » coincée, dit­elle. Je ne peux pas sa bonne fortune : « J’ai eu un gros
rence sur le marché du travail », re­ des vacances de Pâques. « Une con­ a signé un CDD de trois mois dans MISOO YOON chercher un boulot, je ne peux coup de chance. » 
doute Audrey, 38 ans, qui a travaillé seillère m’a appelé au bout d’une une petite boîte dont il connais­ directrice générale adjointe qu’attendre qu’on veuille bien me raphaëlle besse desmoulières
pour un gestionnaire de fortune à petite semaine pour faire le point sait le patron. « On devait poursui­ de Pôle emploi prolonger mes droits… » Pour la et b. bi.
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-198%
Et après ?
-198%, c’est la sous performance de l’action
Lagardère depuis 2003, par rapport à l’indice
SBF 120.
Il faut inverser cette tendance et doter le
Groupe Lagardère d’une gouvernance
professionnelle et exigeante afin qu’il donne le
meilleur de lui-même. C’est le sens des prises
de position des agences en conseil de vote
indépendantes, ISS, Glass Lewis, et Proxinvest,
qui ont soutenu nos recommandations pour
une transformation en profondeur du conseil
de surveillance du Groupe Lagardère et de sa
structure.
Si nous voulons un avenir pour le Groupe
Lagardère, c’est maintenant ou jamais et c’est
ensemble.
Le 5 Mai, nous pouvons changer les choses.

strongerlagardere.com

a stronger
lagardère
Amber Capital
0123
12 | coronavirus MERCREDI 29 AVRIL 2020

MARIO WAGNER

Sur les traces de l’application StopCovid


Le futur outil de traçage numérique est un élément du plan de déconfinement présenté à l’Assemblée

L
e 11 février, après avoir ravagé la ner les environs avec le Bluetooth. Une intui­ scientifiques partent quasiment de zéro. En­ protection des données personnelles. Elles
ville chinoise de Wuhan, le nou­ tion technique qui laisse entrevoir une éven­ suite, il faut faire en quelques semaines ce prévoient de limiter le rôle d’un serveur
veau coronavirus Sars­CoV­2 est tuelle compatibilité avec les valeurs et le qui aurait, en temps normal, pris des années. central devant les recueillir et privilégier un
aux portes de la ville de Hang­ droit des pays européens. Enfin, il s’agit d’un projet très risqué en ma­ stockage « décentralisé » de données person­
zhou, 500 kilomètres plus à l’est. Au moment où les scientifiques d’Oxford tière de libertés publiques. nelles sur chacun des smartphones des utili­
Ses habitants découvrent alors rendent publics leurs travaux, Singapour est L’Inria fait travailler son équipe de cher­ sateurs. Or plusieurs pays européens, dont la
une nouvelle application pour leur télé­ déjà bien avancé. Si le gouvernement an­ cheurs spécialisés sur les questions de pro­ France et l’Allemagne, ont fait un choix
phone. Conçue par le gouvernement et le nonce le 20 mars le lancement de TraceTo­ tection des données. Répartis entre Lyon et inverse : privilégier un système reposant sur
géant de l’e­commerce Alibaba, elle affiche gether, son application de traçage par le Grenoble et viscéralement attachés au res­ un serveur central contrôlé par les autorités
un code­barres vert. Si l’algorithme estime Bluetooth, les données d’enregistrement du pect de la vie privée, voilà qu’on leur de­ sanitaires et hébergeant les données les plus
que la personne s’est déplacée dans une zone site Web officiel de l’application et de celui mande de construire une application pour sensibles.
à risque ou a fréquenté de trop près un por­ de son protocole montrent que les autorités suivre des millions de Français. Dans le cadre
teur du nouveau coronavirus, le code vire au planchent sur le sujet dès février. Aux côtés d’un consortium européen et en collabora­ « SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE »
jaune, voire au rouge. Et son utilisateur doit de Taïwan ou de la Corée, qui dopent eux tion avec leurs homologues allemands de La position d’Apple et de Google embarrasse
se confiner. Cette application est adoptée par aussi leurs procédés de suivi de contact aux l’institut Fraunhofer, ils commencent la Paris et Berlin. Le système qu’ils ont imaginé
une centaine de villes chinoises. Vu du données numériques, la cité­Etat servira construction du protocole, l’épine dorsale de ne pourrait fonctionner avec l’architecture
monde occidental, où le virus n’a pas encore souvent d’exemple, positif comme négatif. l’application qui détermine quelles données proposée par les deux géants du numérique.
tué, l’idée d’une application de pistage de la vont être stockées, où, et comment le sys­ Problème : seule cette dernière permet d’uti­
population a des airs de dystopie. IDÉE TABOUE tème va identifier et notifier les contacts à liser pleinement la technologie Bluetooth
Deux mois ont passé : mardi 28 avril, Dans une France tout juste confinée, l’idée risques. C’est là que se joue l’essentiel des sur les iPhone et d’autres smartphones équi­
l’Assemblée nationale devait voter sur le plan d’une application de traçage est taboue. Le enjeux en matière de libertés publiques. De­ pés d’Android. Ces deux entreprises font, de
de déconfinement. Un projet qui compren­ 20 mars, le secrétariat d’Etat au numérique puis, plusieurs entreprises dont Capgemini, la sorte, irruption dans les politiques sanitai­
dra, notamment, le principe de StopCovid, assure qu’aucun projet de ce type n’est en Orange et Dassault Systèmes collaborent res de plusieurs pays européens. L’Allemagne
une application pour identifier les « cas con­ cours. Cinq jours plus tard, le gouvernement avec l’Inria pour développer l’application. finit, le 26 avril, par opter pour un modèle dit
tacts » des malades du Covid­19. L’applica­ tente de « vérifier l’intérêt sanitaire » de cette Le 8 avril, les ministres de la santé et du nu­ « décentralisé » se rapprochant par là du duo­
tion française n’a pas grand­chose à voir avec idée. « Ce n’est pas dans la culture française », BEAUCOUP DE PAYS  mérique révèlent dans Le Monde leur plan pole de la Silicon Valley. La France, elle, aime­
son homologue chinoise en termes de fonc­ balaie même, le lendemain, le ministre de EUROPÉENS SUIVENT  pour StopCovid et la tâche confiée à l’Inria. rait se passer de l’infrastructure de Google et
tionnement et de garde­fous. Mais elle con­ l’intérieur, Christophe Castaner. Mais les Ils affirment que l’application sera fondée d’Apple, mais doit pour cela faire lever certai­
siste tout de même à fixer dans la mémoire propositions et les idées affluent au cabinet LE MÊME SCHÉMA :  sur le volontariat, qu’elle reposera sur le nes restrictions sur le Bluetooth. Des discus­
du téléphone l’intégralité des interactions de de Cédric O, le secrétaire d’Etat chargé du Bluetooth et que le code sera ouvert. La déci­ sions sont encore en cours sur le sujet. « La
son porteur afin de l’avertir s’il a côtoyé un numérique. Ce dernier demande à Aymeril DES APPLICATIONS   sion de déployer l’application n’est pas prise, France se prend la question de la souveraineté
malade du Covid­19 et d’enrayer les chaînes Hoang, consultant et bon connaisseur du affirment les ministres, et dépendra de la numérique en pleine face », constate, dépité,
épidémiques d’un virus qui se transmet numérique, d’examiner, bénévolement,
UTILISANT LE  fiabilité technique, incertaine à ce stade car un très bon connaisseur du dossier.
avant les premiers symptômes. comment les nouvelles technologies sont BLUETOOTH SANS  le Bluetooth n’est pas conçu pour mesurer La question de l’architecture de l’applica­
Avec d’autres, Christophe Fraser a placé ces mises à profit contre le Covid­19 dans le les distances. Lundi 13 avril, lors de son tion déchire aussi le milieu de la sécurité in­
applications de traçage dans le débat public monde. Les deux hommes se connaissent GÉOLOCALISATION.  allocution, Emmanuel Macron fait, pour la formatique. Trois camps se dessinent : ceux
occidental. Ce chercheur à l’université d’Ox­ bien : ils ont été conseillers ministériels à première fois, référence au projet. qui défendent le modèle dit « centralisé »,
ford s’est intéressé à l’évaluation mathémati­ Bercy lors du quinquennat de François C’EST DANS LES  La France n’est pas la seule. Le Royaume­ poussé par l’Inria via son protocole, appelé
que de l’efficacité du « suivi de contact » lors Hollande, avant un crochet par le privé et un DÉTAILS TECHNIQUES  Uni annonce travailler à une application de Robert. Ceux qui prônent un modèle « décen­
de sa « première grande épidémie » − celle du retour aux questions numériques sous Em­ traçage dès le 18 mars. En avril, l’Autriche, tralisé », proche d’Apple et Google, qu’ils esti­
SRAS, en 2004. Quand arrivent les premières manuel Macron, Cédric O comme conseiller QUE CETTE UNITÉ  l’Islande et la Norvège sont les premiers pays ment mieux armé contre la surveillance de
données sur ce nouveau coronavirus, il com­ numérique à l’Elysée, Aymeril Hoang en tant à mettre entre les mains de leurs citoyens masse. Et enfin ceux qui renvoient ces deux
prend qu’il peut se jouer du suivi de contact que chef de cabinet de Mounir Mahjoubi, VACILLE une telle application. Espagne, Italie, Pays­ modèles dos à dos, estimant trop importants
traditionnel : lorsqu’on se sait malade, on a alors secrétaire d’Etat au numérique. Bas… beaucoup se penchent sur la question. les dangers d’une application de traçage.
déjà infecté deux voire trois de ses proches. Sa mission fait la part belle au contact tra­ Tous ou presque suivent le même schéma : Ces importantes réserves trouvent un écho
Plusieurs de ses collaborateurs lui parlent cing. Les initiatives singapouriennes et co­ des applications, temporaires et d’utilisation dans le monde politique français, au­delà de
alors de cette étrange application chinoise réennes sont examinées et des contacts sont volontaire, utilisant le Bluetooth sans géolo­ l’opposition. Dans les jours suivant l’an­
qui semble être, en partie du moins, utilisée établis avec l’Institut national de recherche calisation. C’est dans les détails techniques nonce de StopCovid, des députés macronis­
pour du contact tracing. « On a tout de suite en informatique et en automatique (Inria), que cette unité vacille. D’autant plus que tes se disent opposés à l’idée. Certains le sont
“fait les maths” et vu que c’était prometteur », qui se penche lui aussi sur le sujet. Dès le surgissent deux nouveaux acteurs. toujours. Pour tenter d’apaiser les tensions, le
se souvient le scientifique. Il avertit le gou­ 24 mars, l’Elysée présente un nouveau con­ A la surprise générale, le 10 avril, Apple et gouvernement consent à exposer ses plans,
vernement britannique et plusieurs collè­ seil scientifique dont l’une des missions sera Google annoncent un partenariat sans pré­ les 28 et 29 avril, devant le Parlement. Des
gues à travers l’Europe. D’autres chercheurs, de réfléchir à « l’opportunité de la mise en cédent pour ces deux rivaux sur le marché députés de tout bord réclament alors que ce
notamment en Allemagne, ont eu la même place d’une stratégie numérique d’identifica­ du téléphone mobile. Les deux firmes tra­ débat soit suivi d’un vote. Après y avoir été
idée, mais ce sont les travaux de Christophe tion des personnes ayant été au contact de vaillent ensemble à une évolution de leurs opposé, arguant que le projet ne serait pas
Fraser et de son équipe, publiés sur leur site personnes infectées ». Le 1er avril, le premier systèmes d’exploitation afin d’insérer le finalisé, le gouvernement accepte l’idée…
mi­mars puis dans la revue Science, qui vont ministre, Edouard Philippe, ouvre encore un suivi de contact numérisé dans tous leurs Avant que, samedi 25 avril, l’exécutif annonce
donner aux applications de traçage une peu plus la porte au traçage devant l’Assem­ téléphones et permettre, par la suite, à diver­ finalement que le plan de déconfinement
caution épidémiologique décisive. Les cher­ blée nationale. Début avril, l’Inria s’organise ses applications de « tracing » de fonction­ sera voté dans sa globalité, empêchant un
cheurs avancent même l’idée selon laquelle face à ce sujet triplement inédit. D’abord, ner. Bien conscientes d’être sur le terrain vote à part sur le principe du traçage numéri­
ce type d’application n’aurait pas besoin de jamais une telle application n’a été conçue, miné de la vie privée, les deux firmes font que, sujet éminemment sensible. 
géolocalisation, mais simplement de scan­ les défis techniques sont multiples et les des choix forts qu’elles estiment garantir la martin untersinger
0123
MERCREDI 29 AVRIL 2020 coronavirus | 13

Union des oppositions


pour critiquer
Les opposants dénoncent une technologie la méthode de l’exécutif
La décision de faire voter rapidement
qui sacrifie « inutilement » les libertés le plan de déconfinement crée des tensions
Dans un avis, la CNIL a donné raison à l’exécutif tout en listant ses recommandations
A u début de la crise due au
coronavirus, l’exécutif rê­
vait d’unité nationale.
« On fait comme
si l’opposition

L e projet d’application pour


smartphones StopCovid
du gouvernement français,
censée détecter et enregistrer les
tion pouvant faire fonctionner
entre elles les applications de
divers pays européens.
L’ASSOCIATION
LA QUADRATURE 
Les défenseurs des libertés nu­
mériques L’association française
de défense des libertés numéri­
ques La Quadrature du Net a
Pour les oppositions, l’heure est
effectivement à l’union, mais sur­
tout pour critiquer le gouverne­
ment. Avec sa décision de présen­
était associée,
mais l’exécutif
travaille seul »
contacts rapprochés de ses utili­ Les soutiens Dans une tribune DU NET A APPELÉ appelé à plusieurs reprises le gou­ ter son plan de déconfinement
sateurs afin de casser la chaîne de parue dans Le Monde le 25 avril, vernement à renoncer à son projet, puis de le faire voter en bloc le soir PIERRE DHARRÉVILLE
contamination du Covid­19, a plus d’une soixantaine de scienti­ À PLUSIEURS REPRISES avec pour arguments une utilisa­ même à l’Assemblée nationale, le député (PCF)
suscité ces dernières semaines de fiques, majoritairement spécialis­ tion trop faible, des résultats trop premier ministre, Edouard Phi­ des Bouches-du-Rhône
nombreux débats et oppositions, tes en épidémiologie, ont défendu
LE GOUVERNEMENT À  vagues et des « l ibertés inutilement lippe, a réussi à coaliser la gauche
à la fois dans les sphères politi­ le recours à ces technologies, RENONCER À SON PROJET sacrifiées ». « L’attention du public, et la droite. Et les critiques mon­
que, scientifique et médicale. comme l’a fait le conseil scientifi­ du Parlement et de la recherche tent de toute part sur des sujets en quarantaine politique ». Caro­
Mardi 28 et mercredi 29 avril, le que du gouvernement dans son doit se rediriger vers les nombreu­ aussi divers que la gestion des line Fiat, députée de Meurthe­et­
Parlement doit débattre du plan avis du 20 avril. Selon ces experts, ses autres solutions proposées pro­ masques, des tests ou à propos Moselle et aide­soignante, parle
global de déconfinement pré­ ce « moyen parmi d’autres » pose pose cependant les conditions duction de masques, de tests, tra­ des annonces sur l’école. même de « mépris » : « Pour eux [le
senté par le gouvernement, dont des questions mais qui « ne pour une conformité de l’outil au çage de contacts réalisé par des hu­ Jusqu’ici les reproches s’étaient gouvernement], l’unité nationale,
ce projet d’application fait partie. doivent pas conduire à renoncer à droit des données personnel­ mains, sans avoir à réinventer la exprimés ponctuellement et de c’est bâillonner l’opposition. Alors
un outil qui, adopté sur la base du les sécurité des données stockées, roue », écrit encore l’association. façon éparpillée. Le vote sur le que l’on doit tous travailler ensem­
Les pilotes Le gouvernement a volontariat, pourrait être décisif ». caractère réellement volontaire Dans une lettre ouverte, la Ligue plan de déconfinement du 11 mai ble. Dans une période comme
détaillé, dimanche, le détail du Le Conseil national de l’ordre de l’utilisation de l’application, des droits de l’homme a appelé les qui devait intervenir après sa pré­ celle­ci, les étiquettes ne comp­
consortium qui développe l’ap­ des médecins a affiché, lui, un efficacité sanitaire avérée et régu­ députés à rejeter StopCovid, qui sentation par Edouard Philippe, tent plus. »
plication de « suivi de contact ». Il soutien prudent. A condition de lièrement vérifiée du dispositif… présente, selon elle, des problè­ mardi 28 avril à 15 heures, a Les communistes ne sont pas en
est composé d’industriels (Capge­ ne pas géolocaliser l’individu, de Il s’agit, selon la CNIL, d’un projet mes « d’ordre technologiques, mé­ changé la donne. Samedi soir, reste. « Ça ne peut pas se passer
mini, Dassault Systèmes, Luna­ ne pas permettre de croisement tout sauf « anodin » et appelle le dicaux, scientifiques ou éthiques ». l’exécutif a en effet accéléré le comme cela. On fait comme si l’op­
bee Studio, Orange et Withings) et avec d’autres données de santé et gouvernement à la vigilance. tempo en annonçant que le dis­ position était associée mais l’exé­
d’organismes publics (Agence d’offrir un « anonymat garanti », A condition que l’application La fracture dans la fracture Pour cours du chef du gouvernement cutif travaille seul, tonne Pierre
nationale de sécurité des systè­ alors « un tel traçage peut présen­ soit un « é lément d’une stratégie ou contre, les spécialistes se dé­ serait suivi d’un seul vote sur tout Dharréville, député des Bouches­
mes d’information, Inserm et ter un intérêt intégré à l’ensemble plus globale », que le dispositif soit chirent aussi sur le type de solu­ le plan. Une façon d’éviter une du­Rhône. Ce déséquilibre institu­
Santé publique France). Début du processus de déconfinement », transparent et inclusif, le Conseil tion technique à adopter, entre discussion approfondie sur tionnel est insupportable. »
avril, l’Institut national de recher­ à condition qu’il n’en soit pas national du numérique, organe les partisans de solutions « cen­ certains sujets, notamment le Tous les groupes avaient con­
che en informatique et en auto­ « l’élément central ». consultatif placé sous l’autorité tralisées, opposés à des technolo­ traçage numérique, dénoncent sulté, travaillé des solutions pour
matique (Inria) a été chargé de L’Académie de médecine a, elle du premier ministre, a rendu, ven­ gies « d écentralisées ». Ces deux en chœur les oppositions. nourrir le débat. Ils ne compren­
piloter cette structure. aussi, émis « un avis favorable », dredi, un avis favorable au projet. approches s’opposent en termes Olivier Faure, député de Seine­ nent pas la précipitation sou­
Son président, Bruno Sportisse, préconisant « une évaluation de stockage des données person­ et­Marne, est monté dès diman­ daine. Tout comme ils estiment
publiait, le 18 avril, un long mes­ après un et deux mois ». Les experts en informatique nelles sur le téléphone lui­même che soir au créneau. « Alors qu’on que les réponses floues des minis­
sage soutenant le projet StopCo­ Lundi, plus d’une centaine de spé­ (option « décentralisée ») ou sur le s’apprête à déconfiner le pays, on tres aux questions posées lors des
vid, et en particulier la solution is­ Le « gendarme » de la vie privée cialistes de sécurité informatique serveur d’une autorité de con­ confine la démocratie. Comment visioconférences ne suffisent
sue d’une de ses équipes de re­ L’avis de la Commission natio­ ont signé une « mise en garde » à fiance (option « centralisée »). Le voulez­vous que, sur un sujet aussi plus. « Les députés sont aussi la
cherche, Privatics. Il plaidait pour nale de l’informatique et des li­ propos de la future application choix d’une option ou de l’autre lourd, nous soyons condamnés à chambre d’écho des problèmes qui
un projet « au croisement de la bertés (CNIL), très attendu et qu’ils jugent « porteuse de risques n’aurait pas les mêmes consé­ voter un chèque en blanc ? Ça n’est remontent du terrain, des incom­
nécessaire efficacité des politiques rendu public le 26 avril, a donné très importants quant au respect quences en matière de sécurité, pas sérieux, ni démocratique. On préhensions, de la réalité concrète
de santé, du respect des libertés raison au gouvernement dans les de la vie privée et des libertés indivi­ comme l’a rappelé une lettre ne construit pas ainsi une unité d’un pays. Tout ça est balayé, ce
individuelles et du maintien, voire grandes lignes, notamment sur le duelles ». Le texte fait référence à ouverte, prodécentralisation, si­ nationale », a reproché le premier n’est pas sérieux », s’agace Boris
du renforcement de notre souve­ protocole retenu pour StopCovid, une autre initiative sortie une se­ gnée par plusieurs spécialistes in­ secrétaire du Parti socialiste sur Vallaud, député PS des Landes. Et
raineté technologique et numéri­ tout en listant une série de maine plutôt, risques­tracage.fr, ternationaux, le 20 avril. La CNews. Trop d’atermoiements et de souligner que les représen­
que ». L’Inria est aussi membre recommandations strictes. signée par seize chercheurs et qui France, avec le projet StopCovid, de contradictions dans les ac­ tants des régions, des départe­
d’une plate­forme européenne Le « gendarme de la protection détaille quinze scénarios de déra­ avance, de son côté, grâce à un tions annoncées, critiquent les ments, les syndicats ou les pa­
(Pan­European Privacy­Preser­ des données, qui précise qu’il de­ page possible des technologies de protocole « centralisé ».  socialistes. « Dans une situation rents d’élèves se plaignent de ne
ving Proximity Tracing, PEPP­PT) vra être consulté de nouveau une suivis de contact fausse alerte, david larousserie aussi tendue, il faut être carré tant pas avoir été consultés sur les me­
qui cherche à élaborer une solu­ fois que le projet sera plus précis, identification de malade, fichage… et martin untersinger sur les solutions proposées que sur sures du déconfinement. « C’est
les principes. C’est l’inverse qui se du grand foutage de gueule »,
produit », assure Valérie Rabault, peste Régis Juanico, député de la
la présidente du groupe PS de Loire (Génération.s).

Un développement encore à finaliser l’Assemblée.


Le ton est tout aussi sévère chez
Les Républicains (LR) où on souli­
« Déconfiner la démocratie »
Marine Le Pen a, elle aussi, atta­
gne pourtant avoir « toujours été qué sévèrement le gouverne­
Définir un « contact » à risques, bien intégrer StopCovid à l’infrastructure sanitaire… De une opposition constructive, vo­ ment. Depuis le début de la crise
nombreux obstacles technologiques et médicaux doivent encore être franchis avant le 11 mai tant les textes quand ils étaient jus­ sanitaire, la présidente du Ras­
tes ». Pour Eric Woerth, député de semblement national (RN) ne
l’Oise et président de la commis­ manquait pas une occasion
sion des finances, le scrutin de d’éreinter l’exécutif. « Mensonge

S ans doute les députés


auraient­ils aimé avoir
StopCovid entre les mains
dès maintenant. Mardi 28 avril, ce
projet d’application mobile
duire par une infection n’est pas
établie. Des travaux sont en cours
entre l’organisme de sécurité sa­
nitaire Santé publique France
(SPF), l’Institut national de la
impliquées à présenter une appli­
cation fonctionnelle, avec toutes
ses composantes, pour le 11 mai.
« Nous travaillons jour et nuit,
week­end compris, pour aller le
connectés, Withings, contribue
aussi. Les responsables du projet
étudient la possibilité de conce­
voir un objet connecté destiné aux
personnes dépourvues de smart­
mardi doit se tenir « dans des con­
ditions acceptables » : « Il faudrait
nous laisser le temps d’étudier le
texte qu’on va nous présenter, d’en
discuter au sein du groupe. Sinon
permanent » sur les masques,
confinement pas assez « offen­
sif », réouverture des écoles « im­
prudente »… Pour elle, pas ques­
tion d’unité nationale. Chaque
censée « casser » les chaînes de santé et de la recherche médicale plus vite possible », assure Olivier phones. Withings intervient dans cela ressemble à une déclaration nouveau jour de confinement est
transmission du Covid­19 sera (Inserm) et l’Institut national de Berni, cofondateur de Lunabee le cadre d’une « réflexion explora­ de politique générale », regrette une occasion de cibler très ouver­
évoqué à l’Assemblée nationale, recherche en informatique et en Studio, l’une des entreprises qui a toire concernant la problématique l’élu. « On ne peut pas s’habituer à tement Emmanuel Macron.
qui doit se prononcer sur le plan automatique (Inria), qui pilote le rejoint le projet StopCovid. de l’accessibilité de l’application », un fonctionnement dégradé des « Les conditions du vote de
de déconfinement du gouverne­ projet. Leurs experts doivent con­ Ce dernier, que le gouverne­ fait savoir un porte­parole de l’en­ assemblées, à une sorte d’asphyxie mardi, à la suite immédiate d’un
ment. Comme annoncé, cette cevoir l’algorithme qui détermi­ ment présentait initialement treprise. « Un objet connecté sim­ parlementaire. Il est nécessaire discours dont on ne sait rien, sans
application de « suivi de contact » nera à partir de quand l’utilisa­ comme aux mains des cher­ ple à utiliser pourrait dans une que les oppositions donnent de la une loi nous permettant d’amen­
n’est pas encore prête. teur de l’application en bonne cheurs, a définitivement basculé certaine mesure constituer une so­ voix car l’affaire est grave », avertit der, sont un artifice du gouverne­
Des avancées ont cependant été santé risque d’être infecté par un dans une autre dimension, plus lution alternative » à l’application Aurélien Pradié, élu du Lot. ment pour tenter de nous faire
réalisées. Selon nos informations, utilisateur malade. Un travail industrielle. Après avoir long­ sur téléphone mobile, explique­ Même sentiment du côté de partager sa responsabilité dans le
le gouvernement estime qu’une rendu difficile par les connaissan­ temps rechigné, le gouverne­ t­on de même source. Jean­Luc Mélenchon. C’est « une fiasco de la gestion de cette crise
des incertitudes centrales, celle ces encore incomplètes sur la ma­ ment a finalement dévoilé, La greffe d’entreprises à ce projet brutalité de plus », a résumé sur sanitaire », a­t­elle estimé dès di­
de la capacité du Bluetooth à nière dont le virus se propage. dimanche 26 avril, l’identité des n’a pas été de tout repos. Certaines Twitter le président du groupe La manche sur Twitter. Les six dépu­
évaluer finement les distances et entreprises impliquées. Aux d’entre elles sont arrivées avec, France insoumise de l’Assemblée tés RN s’abstiendront ou voteront
donc les situations où l’on risque Dimension industrielle côtés de l’Inria, de l’Inserm et de dans leurs bagages, leur propre nationale, estimant que, « pour contre le texte, selon le député du
une infection au Covid­19, a été Par ailleurs, l’équipe de StopCovid SPF, huit d’entre elles travaillent projet d’application. Orange, faire taire les députés LRM fron­ Nord et porte­parole du RN Sébas­
levée. Il s’agissait d’un des princi­ devra faire le lien entre l’applica­ directement à cette application. Capgemini et Dassault Systèmes, deurs, toute l’Assemblée est mise tien Chenu.
paux obstacles auxquels faisait tion et l’infrastructure sanitaire Le groupe de services informati­ avec Accenture, Sopra Steria et Sia Le groupe LR devrait en majorité
face StopCovid : adapter une tech­ de réponse à la pandémie, et en ques Capgemini est chargé de Partners – qui contribuent eux s’abstenir, comme l’a annoncé Da­
nologie surtout utilisée pour premier lieu son composant prin­ l’« architecture et du développe­ aussi mais de manière moins di­ mien Abad, son président dans un
transférer des données à la cipal : les tests. Or, le système ment » du système informatique recte à StopCovid –, avaient plan­ « Pour le entretien au Figaro mardi 28 avril.
mesure des distances. informatique de traitement de sous­jacent de l’application. La fi­ ché avant l’annonce du gouverne­ Celui du PS n’a pas encore arrêté sa
Il reste encore du pain sur la leurs résultats n’est pas encore liale « cloud » de Dassault Systè­ ment sur leur propre solution. Il a
gouvernement, position, attendant probablement
planche et aucun prototype fonctionnel. Impossible donc d’y mes, certifiée comme apportant fallu convaincre les uns et les l’unité nationale, le discours du premier ministre et
n’existe à ce jour. Plusieurs points « brancher » l’application. Plus lar­ un bon niveau de sécurité par autres de suivre la méthode impo­ le contenu de son plan avant de se
critiques sont déjà identifiés. Il gement, les efforts humains en l’Agence nationale de sécurité des sée par le gouvernement et l’Inria.
c’est bâillonner déterminer. Mais entre absten­
faudra d’abord trouver une solu­ matière de suivi de contact – le systèmes d’information, qui Et de remiser certaines de leurs l’opposition. Alors tion et vote contre, il n’y aura pas
tion au fait qu’Apple – et Google conseil scientifique recommande contribue aussi à StopCovid, stoc­ initiatives au placard : selon un de soutien. Le groupe commu­
dans une moindre mesure – ne un « service professionnalisé de kera les données. La petite entre­ document que Le Monde a pu
que l’on doit niste, lui, a envoyé une lettre à Ri­
permet pas à l’application Stop­ santé publique de détection, de prise chambérienne Lunabee Stu­ consulter, l’application imaginée tous travailler chard Ferrand résumant son mé­
Covid de fonctionner sur ses télé­ suivi, d’isolement des cas et de leurs dio, elle, concevra l’application en par les six entreprises comportait contentement en lui demandant
phones. Ensuite, la définition pré­ contacts » – qui sont censés épau­ elle­même, tandis qu’Orange sera – avant d’être abandonnée – des
ensemble » de « déconfiner la démocratie ». 
cise – en termes de distance, de ler l’application sont encore flous. chargé de sa diffusion une fois fonctionnalités de géolocalisation CAROLINE FIAT sarah belouezzane,
temps… – de ce qui constitue un La troisième inconnue qu’elle aura été développée. Enfin, que ne prévoit pas StopCovid.  députée LFI abel mestre, lucie soullier
« contact » susceptible de se tra­ concerne la capacité des équipes le pionnier français des objets m. u. de Meurthe-et-Moselle et sylvia zappi
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14 | coronavirus MERCREDI 29 AVRIL 2020

Déconfinement: les directeurs d’école sous tension


Les établissements attendent un « protocole sanitaire » clair pour la réouverture des classes, le 11 mai

A
nabel Roy a fait le cal­
cul : après les annon­
Les enseignants
ces du premier minis­ craignent
tre, Edouard Philippe,
concernant les grands axes du
de consacrer
plan de déconfinement, le 28 avril de précieuses
devant les députés, il reste très
exactement six « jours ouvrés »
heures au respect
pour préciser le sort des écoles, des règles
avant la « prérentrée » du 11 mai.
Pour cette directrice d’une école
rurale de trois classes en Haute­ rents ne souhaitent pas renvoyer
Vienne (et secrétaire départe­ leurs enfants en classe. Un chiffre
mentale du SE­UNSA), le moins corroboré par le sondage Odoxa­
que l’on puisse dire est que « le Dentsu Consulting pour Fran­
temps presse ». Combien d’en­ ceinfo et Le Figaro du 23 avril,
fants devront être accueillis la selon lequel 64 % des personnes
semaine du 11 mai ? Comment interrogées envisageaient de ne
assurer le respect des gestes bar­ pas renvoyer au moins un de
rières, la distanciation sociale, le leurs enfants à l’école.
nettoyage régulier des locaux ? Pour les autres, les enfants « en
« Six jours ouvrés, et on ne sait tou­ difficulté », et ceux dont les
jours rien », conclut l’enseignante. parents n’ont pas le choix, les di­
Le 21 avril, le ministre de l’éduca­ recteurs se disent « prêts » à re­
tion nationale, Jean­Michel Blan­ prendre la classe, partageant la
quer, avait indiqué qu’il souhai­ priorité ministérielle de « rattra­
tait échelonner le retour en classe per » les élèves les plus à risque.
sur trois semaines, en commen­
çant par les niveaux grande « Sortir du flou »
section, CP et CM2. Selon ce Mais ils réclament une clarifica­
scénario, les écoles primaires se­ tion urgente du « protocole sani­
raient donc les premières à rou­ taire » à suivre. Ces règles « claires,
vrir leurs portes. Mais pour les di­ écrites, et nationales », selon le
recteurs, la tension est montée mot de Francette Popineau, cose­
d’un cran, samedi 25 avril, lorsque crétaire générale du SNUipp,
le comité scientifique Covid­19 a permettront­elles de mieux « se
mis en ligne une série de recom­ projeter » ? De « sortir du flou », au
mandations – dont le ministre a Dans une classe d’école primaire, à Nice, le 22 avril. ERIC GAILLARD/REUTERS moins, et d’organiser la reprise en
immédiatement affirmé qu’elles constituant des groupes et des
serviraient de « base » au proto­ plannings. Même s’il y a fort à
cole de « déconfinement scolaire ». enseignants, se console François, trice d’école du 20e arrondisse­ de cinq classes, de la petite sec­ parier qu’un protocole – sus­
Or, sur le terrain, l’application de
« Avec un mètre sur le fait que « faire porter un ment de la capitale, qui s’inquiète tion au CM2, en Seine­Maritime. pendu pour l’instant aux annon­
ces mesures semble « très compli­ de part et d’autre masque est impossible avec aussi du passage obligatoire par la En outre, le quotidien pourrait ces du premier ministre – ne
quée », voire « impossible ». certains enfants, quel que soit leur case toilettes. « Dans mon école, il ne pas être très amusant, en parti­ lèvera pas toutes les inquiétudes.
de chaque âge, jusqu’au CM2 ». Le port du y a deux lavabos d’un mètre de culier pour les maternelles : « Le Les directeurs s’interrogent en
« Classes exiguës » bureau, on ne masque est demandé pour les long chacun, un pour les filles et un coin voitures, le coin poupées, le effet sur les appels à la « souplesse
Le conseil scientifique demande enseignants, et à partir de la pour les garçons, explique­t­elle. coin dînette, tout cela va être locale » défendue par Jean­Michel
ainsi le respect d’une « distance
peut prendre 6e pour les élèves. Reste à « voir la On devra passer aux toilettes, rangé : il faudrait tout désinfecter à Blanquer. « On va nous demander
minimale » d’au moins un mètre qu’un petit tiers couleur » des masques de protec­ plusieurs fois par jour, avec cha­ chaque fois qu’un enfant y touche, de prendre des décisions seuls, en
de chaque côté des tables, pour tion à destination des person­ que groupe d’enfant, en les met­ ce qui est impossible », poursuit nous disant de faire au mieux sur
« éviter les contacts directs » entre
des élèves, nels – que l’éducation nationale tant en file indienne pour vérifier cette directrice. Les principaux le respect des consignes », s’in­
les élèves. Une préconisation qui au maximum » s’engage à fournir, assure­t­on qu’ils se lavent tous les mains. » jeux de récréation sont également quiète Karim Bacha, directeur
vire au casse­tête dans de nom­ Rue de Grenelle. Le jeu en vaut­il la chandelle ? Là proscrits, car ils invitent les en­ d’école à L’Ile­Saint­Denis (Seine­
FRANÇOIS
breuses écoles : « Avec un mètre de Réguler les flux d’élèves, éviter encore, les ponts du printemps fants à se toucher. Quant à la can­ Saint­Denis).
directeur d’école à Marseille
part et d’autre de chaque bureau, les regroupements devant l’école s’invitent dans les calculs : en tine, le conseil scientifique sug­ Le ministère de l’éducation
on ne peut prendre qu’un petit tiers et en récréation, s’assurer que les comptant l’Ascension et la Pente­ gère de la remplacer par un déjeu­ nationale assure qu’aucune déci­
des élèves, au maximum », calcule enfants se lavent régulièrement côte, si les enfants viennent « un ner dans la salle de classe, chacun sion d’ordre sanitaire ne pèsera
François, un directeur d’une école ment, où, faute de place, « ces les mains… les enseignants crai­ jour sur deux » pour permettre la à sa table. « Cela veut dire que les sur les directeurs, et que les réou­
REP + de quinze classes, dans le niveaux sont en fait des classes de gnent de consacrer de précieuses distanciation sociale – comme le petits vont venir avec leurs gamel­ vertures d’écoles resteront condi­
centre­ville de Marseille. vingt­six élèves avec deux heures au respect des règles, au propose à titre d’exemple le les ?, s’interroge­t­elle. Certains en­ tionnées au « respect du proto­
L’idée, un temps avancée par M. maîtres ». Même constat à Paris, détriment des apprentissages conseil scientifique –, il restera fants seront mieux chez eux. » cole ». Ce dernier est « en cours
Blanquer, qu’il serait plus facile « où les classes et les cours de ré­ scolaires. une quinzaine de journées Les familles seraient d’ailleurs d’écriture », assure l’entourage de
d’accueillir des « petits groupes » création sont exiguës », rappelle « Eviter que les élèves se croisent, d’école avant les grandes vacan­ plutôt d’accord avec cette idée. Jean­Michel Blanquer, et devrait
dans l’éducation prioritaire – où une directrice d’école dans le cela implique d’organiser l’accueil ces. « On essaie de décourager les D’après plusieurs directeurs – qui être diffusé « le plus rapidement
les classes de CP et certaines gran­ 20e arrondissement. sur une heure trente chaque parents de remettre les enfants à commencent à évaluer leurs possible » après l’annonce du plan
des sections sont déjà dédoublées En revanche, le conseil scienti­ matin, et d’avoir des récréations l’école », indique une autre direc­ effectifs pour préparer la « ren­ de déconfinement. 
– ne tient pas dans son établisse­ fique tombe d’accord avec les toute la journée », détaille la direc­ trice, qui dirige une école rurale trée » –, une grosse moitié des pa­ violaine morin

Niches fiscales, dette… la Cour des comptes critique le budget 2019


Les effectifs de l’Etat ont diminué pour la première fois depuis 2015, soulignent les magistrats financiers dans un rapport

L’ exercice annuel pourrait


sembler anachronique au
vu du bouleversement
des finances publiques en raison
de l’épidémie de Covid­19. Dans
ration de la gestion », avec une
« budgétisation initiale réaliste »,
ils soulignent toutefois que « le
rythme de progression des dépen­
ses s’est accru ». Et ce, en raison
prunts – est allé croissant depuis
vingt ans, passant d’un peu plus
de 100 milliards d’euros par an en
moyenne entre 2001 et 2007 à
188 milliards entre 2010 et 2018,
contrôler leur efficience sont dé­
faillants », estime la Cour. Elle re­
commande « une obligation décla­
rative pour chaque dépense fiscale
nouvelle concernant l’impôt sur le
d’Etat afin de récolter et d’utiliser
les intérêts, attendus autour de
250 millions d’euros par an. Mais,
outre qu’il s’agit là encore d’un
fonds qui échappe au budget de
prévus dans la loi de finances ini­
tiale, fin 2018.
La situation demeure contras­
tée, avec des hausses pour le mi­
nistère de l’intérieur, la justice ou
son rapport sur le budget de l’Etat des mesures d’urgence prises à la et 220,5 milliards en 2019. revenu et l’impôt sur les sociétés ». l’Etat, il s’est avéré peu efficace. les armées mais une baisse mar­
en 2019, la Cour des comptes suite de la crise des « gilets jau­ Comme en 2019, les magistrats En l’absence de la privatisation quée au sein du ministère de
prend soin de préciser que ses tra­ nes » fin 2018, en particulier la « Effets concrets méconnus » financiers critiquent le Fonds d’ADP – d’abord ajournée et dé­ l’éducation nationale, pour la pre­
vaux portent sur « une période revalorisation de la prime d’acti­ Au­delà du budget de l’Etat, la pour l’innovation et l’industrie. sormais reportée « sine die », note mière fois depuis 2012
antérieure au déclenchement de la vité pour 4 milliards d’euros. Mais Cour formule dans son rapport Créé en janvier 2018, et censé fi­ le rapport –, des actions et des di­ (− 3 816 postes contre − 1 800 pré­
crise sanitaire ». « Les conséquen­ aussi parce que l’Etat n’a pas réa­ une autre critique récurrente : la nancer la recherche sur des inno­ videndes EDF ont été utilisés, mo­ vus). Une situation que la Cour
ces de celle­ci sur les finances pu­ lisé autant d’économies que multiplication des niches fiscales, vations qui ne sont pas immédia­ difiant profondément le disposi­ n’a pas su expliquer totalement
bliques feront l’objet d’une pre­ prévu pour financer ces disposi­ taxes affectées et autres fonds tement rentables pour les entre­ tif. De plus, le fonds « n’a financé dans les délais qui lui étaient im­
mière analyse fin juin 2020 dans le tifs (un milliard d’euros au lieu de spéciaux. Autant de moyens que prises, ce fonds devait accueillir des entreprises qu’à hauteur de partis. « Il a pu y avoir des difficul­
rapport sur la situation et les pers­ 1,5 milliard annoncé). l’Etat consacre aux politiques pu­ les quelque 10 milliards d’euros 20 % de ses objectifs en 2018­2019 » tés de recrutement classiques pour
pectives des finances publiques », En conséquence, pointe le rap­ bliques mais qui échappent sou­ issus notamment de la privatisa­ (un peu plus de 100 millions certains concours », avance une
annonce l’institution, alors que port, « la dette [de l’Etat ] a connu vent au contrôle des parlementai­ tion du Groupe ADP. Objectif : in­ d’euros) et il s’agit souvent de pro­ source proche du dossier.
les plans de soutien à l’économie une augmentation sensible », en res. Ainsi, le coût des niches fisca­ vestir ces sommes en obligations jets qui étaient déjà financés par En revanche, la masse salariale
ont déjà contraint le Parlement à « quasi­doublement (…) depuis la les a encore augmenté de 420 mil­ d’autres crédits, déplore la Cour. de la fonction publique d’Etat
voter deux budgets rectificatifs crise de 2008 » pour atteindre lions d’euros en 2019, pour Enfin, les magistrats financiers (hors pensions) a progressé de
d’urgence en un mois. Le déficit 1 822,8 milliards d’euros en 2019. s’établir à 99,4 milliards d’euros. font le point sur l’évolution des 1,6 %, « nettement supérieure à la
public prévu par le gouverne­ Une hausse ininterrompue qui Hors crédit d’impôt pour la com­ Le coût des effectifs de l’Etat. Alors qu’en 2018 moyenne des sept derniers exerci­
ment pour 2020 a ainsi explosé, résonne d’autant plus à l’heure pétitivité et l’emploi, la hausse at­ ils étaient quasiment stables, en ces (+ 0,9 %), bien qu’elle ralentisse
passant de 2,2 % du PIB initiale­ où la dette publique est désor­ teint 11,2 % depuis 2013. « Les règles
niches fiscales a contradiction avec les objectifs de depuis 2017 », indique le rapport.
ment à au moins 9,1 % désormais. mais attendue à au moins 115 % et les effets concrets des dispositifs encore augmenté baisse du nombre de 50 000 fonc­ Une hausse qu’il devrait être déli­
Les analyses de la Cour pour du PIB fin 2020. La Cour souligne sont souvent méconnus, voire en tionnaires d’Etat sur le quinquen­ cat de remettre en cause après la
2019 éclairent toutefois la situa­ d’ailleurs que le besoin de finan­ contradiction avec les objectifs des
de 420 millions nat (abandonné depuis), ils ont crise actuelle, qui voit les fonc­
tion budgétaire dont partait le cement de l’Etat – c’est­à­dire les politiques publiques auxquels ils d’euros en 2019, diminué en 2019. Une première tionnaires (soignants, ensei­
gouvernement avant cette crise. sommes qu’il doit aller chercher sont rattachés, peu de dépenses fis­ depuis 2015. En net, il y a eu 3 601 gnants, policiers…) souvent enga­
Si les magistrats financiers sa­ sur les marchés pour combler son cales sont évaluées et les outils de
pour s’établir équivalents temps plein suppri­ gés en première ligne. 
luent, comme en 2018, « l’amélio­ déficit et renouveler ses em­ mesure et de suivi déployés pour à 99,4 milliards més, soit davantage que les 2 029 audrey tonnelier
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MERCREDI 29 AVRIL 2020 coronavirus | 15

Confinement :
la médiation
familiale
se réinvente
A Lyon, les professionnels
mènent des entretiens
via Internet. Un format inédit
lyon ­ correspondant expressions via la vidéo. « J’essaye
de me concentrer sur les voix, leur

C
omment assurer la mé­ musicalité, le changement de ton,
diation familiale en si­ d’intonation, on redécouvre l’im­
tuation de confinement portance du silence dans la con­
généralisé ? Depuis le versation », dit Catherine Guinle.
17 mars, la question pousse les
professionnels de la région lyon­ Problème de la confidentialité
naise à réinventer leur pratique, « Les gens se déplacent beaucoup
afin d’aider couples et familles à plus, ils sont plus libres de leurs
retrouver la fluidité des relations mouvements », note une profes­
humaines. « Nous avons appelé sionnelle, qui rapporte cette anec­
toutes les familles pour leur signa­ dote : en plein entretien par
ler que nous étions toujours là, Skype, un père stressé est allé
qu’elles pouvaient compter sur fumer une cigarette à la fenêtre,
nous », explique Véronique en portant son ordinateur. Après
Jacquemain. La directrice du l’échange et une nuit de réflexion, de ne pas enregistrer ! Le risque tion de la région lyonnaise. La mé­ difficile pour les familles, mais
Centre de la famille et de la média­ il a envoyé un mail à l’aube, pour serait de voir utiliser l’entretien diation en période de confine­
Tenus à distance, nous ne sommes pas des coachs,
tion (CFM) constate : « Après un proposer un accord inespéré, contre l’ex­conjoint dans le cadre ment révèle crûment les inégalités les médiateurs nous devons maintenir l’équité »,
temps de sidération, nous avons dans un conflit très épineux. « J’ai d’une procédure. Tout le contraire sociales. Basée à Villeurbanne, l’as­ résume Claude Ben Amouzic.
ressenti le besoin de reprendre le eu l’impression que l’entretien à de la médiation, qui consiste à sociation Colin­Maillard a préféré
ont la crainte Outre les bouleversements mé­
travail dans cette période si parti­ distance avait pu le rendre plus apaiser et renouer le dialogue, arrêter ses entretiens à cause du de perdre thodologiques, les médiateurs,
culière d’isolement. » libre de dépasser ses émotions et dans la confiance et l’équilibre. manque d’équipement des fa­ eux aussi confinés, se retrouvent
Les huit médiatrices de l’asso­ de trouver ses ressources », analyse Florence Gautheron va jusqu’à milles ou des logements trop exi­
le contrôle à gérer les conflits depuis leur
ciation ont poursuivi les trois la médiatrice. Une de ses collè­ demander un engagement écrit gus dans les quartiers défavorisés. de certaines domicile. Avec l’impression que
quarts de leur activité, dans des gues a eu la surprise de voir un et signé : « La médiation à distance « Quand la situation sociale et éco­ les couples et leurs problèmes en­
formes complètement inédites. couple continuer à échanger sans c’est mieux que rien, nous devons nomique des personnes nous met
situations vahissent leur sphère privée.
En menant des entretiens par In­ elle, après une coupure de réseau. adapter le cadre dans cette période dans une position intenable, nous « Jusqu’alors, j’avais un temps de
ternet, principalement par Skype. Comme si ce nouveau mode de bousculée », justifie la responsa­ devons arrêter, nos conditions éthi­ leur nécessaire impartialité : la réflexion dans le trajet pour me
Un défi pour une méthode aux communication générait des ble de la médiation au sein de ques ne sont pas réunies », estime « navette ». Auparavant, les entre­ rendre au travail, je déposais les
processus rigoureux, essentielle­ moments propices aux relations l’union départementale des asso­ Morgane Chaudières, directrice de tiens communs permettaient à tensions au bureau avant le re­
ment fondée sur des rencontres qu’on croyait rompues. ciations familiales (UDAF). l’association. chacun de s’exprimer en direct, tour. Je n’ai plus la même distance,
physiques en lieu neutre. « Les Les entretiens étant majoritai­ « Nous devons être souples et sans intermédiaire. je ne serai pas la même profession­
dialogues par écrans interposés rement individuels, Internet pose pragmatiques, le confinement peut Innovations Pour compenser le manque de nelle après tout ça », témoigne la
sont déstabilisants. Nous avons surtout le problème de la confi­ être un catalyseur d’opportunités ; Tenus à distance, les médiateurs rencontres, les médiatrices du médiatrice du CFM Alexandra
l’habitude d’être avec les person­ dentialité. Qui est autour de dans ce climat d’insécurité collec­ ont la crainte de perdre le CFM s’autorisent à porter la pa­ Beaupin. « Cette période de crise
nes. Pour nous, le langage non l’écran ? Qui est dans la pièce lors­ tive, nous dépassons les logiques in­ contrôle de certaines situations. role et les propositions d’un favorise la créativité, nous pen­
verbal est très important. Un qu’une mère, ou un père, livre ses dividualistes, ce qui favorise des so­ Du coup, ils innovent. En période conjoint vers l’autre parent. Ce sons différemment, c’est une
sourire, un recul, une main sur émotions intimes, évoque ses lutions que nous pensions impossi­ de confinement, beaucoup de qui exige une neutralité totale, es­ épreuve de vérité, de solidarité,
l’épaule : les gestes nous rensei­ angoisses ou ses récriminations, bles, mais il faut veiller à la validité professionnels passent systéma­ sence de la médiation. « Nous de­ nous parvenons à trouver des res­
gnent, l’ordinateur coupe cette face à un médiateur lointain ? Les des entretiens », estime Michaël tiquement un coup de fil après vons introduire l’absent dans sources insoupçonnées, il faudra
richesse corporelle », explique la médiatrices demandent à leur Haenel, directeur de l’Association l’entretien par Skype, pour s’assu­ l’échange, nous activons la pré­ le garder en mémoire », espère
médiatrice Françoise Duchâteau. interlocuteur de se poster seul française des centres de consulta­ rer qu’aucun malentendu ne s’est sence de l’autre », résume Fran­ Liliana Perrone, pionnière de la
Les médiatrices du CFM appren­ dans une pièce, d’éloigner les en­ tions conjugales, un de quatre immiscé dans l’espace virtuel. çoise Duchâteau. « On nous de­ médiation familiale. 
nent à décoder de nouvelles fants, de couper le téléphone… et principaux organismes de média­ Autre trouvaille, pour préserver mande du soutien en cette période richard schittly

Des locataires en difficulté pour payer leur loyer ATTAQU E


Deux policiers percutés
volontairement
par un automobiliste
Les organismes HLM font face à une hausse des impayés. Les associations craignent une contagion aux bailleurs privés Deux policiers de la direction
de l’ordre public et de la cir­
culation de la Préfecture

A près la crise sanitaire liée


au Covid­19, la crise
sociale menace. Sur les
quelque 30 millions d’actifs que
compte la France, 10,8 millions
taires à payer leur quittance », in­
siste Stéphane Peu. En tant qu’ad­
ministrateur de l’office HLM
Plaine Commune Habitat, l’élu a
constaté que, sur la quittance du
charge, à parts égales, par la mu­
nicipalité et par l’office. Cette dé­
cision de l’édile et de son adjoint
chargé du logement, candidat
aux élections municipales et en
rience ni la marge de manœuvre
nécessaires. »
Aurélien Taché, député (LRM)
du Val­d’Oise, a réussi à entraîner
60 parlementaires et tout le Con­
sur les mesures d’économies pri­
ses par le gouvernement depuis
2017, baisse puis gel des alloca­
tions­logement et sous­indexa­
tion de leur révision annuelle.
de police de Paris ont été
volontairement percutés
par un individu au volant
d’une voiture, lundi 27 avril,
à Colombes (Hauts­de­Seine).
de salariés sont au chômage par­ mois de mars, payable début avril, ballottage défavorable à l’issue du seil national de l’habitat, instance Le ministre chargé du loge­ L’un des deux fonctionnaires
tiel. Pour eux, cela signifie une 20 % des loyers de ses 18 000 loge­ premier tour, apparaît comme regroupant les acteurs du loge­ ment, Julien Denormandie, n’a, a été grièvement blessé à la
perte d’au moins 15 % de leurs re­ ments n’étaient pas encore ren­ très électoraliste et crispe un peu ment, pour proposer au gouver­ pour l’instant, pas répondu au tête. Le second s’en tire avec
venus. « En fait, beaucoup plus, se­ trés à fin avril, soit une perte de les bailleurs sociaux, qui n’en nement quelques mesures fortes. plan de M. Taché. Il préfère utili­ des blessures aux jambes et
lon Stéphane Peu, député (PCF) 1,5 million d’euros. A l’office dé­ veulent pas. Il suggère, par exemple, de repor­ ser les dispositifs existants, au bassin. Selon les premiers
de Seine­Saint­Denis. Pour une partemental Seine­Saint­Denis « Je suis curieux de savoir si une ter la fin de la trêve hivernale, déjà comme le FSL, et met notam­ éléments de l’enquête menée
coiffeuse, mère de deux enfants, Habitat, qui compte 32 000 loge­ telle mesure est envisageable et décalée du 30 mars au 30 mai, au ment en avant le versement sous l’autorité du parquet de
qui perçoit habituellement un ments, 700 locataires en diffi­ même légale, car il s’agit d’orga­ 31 octobre, soit faire la soudure d’une prime exceptionnelle pour Nanterre, le conducteur, âgé
salaire de 1 500 euros, la perte culté ont demandé un délai ou nismes soumis aux règles de la avec la suivante, qui débutera le 4 millions de foyers modestes : de 29 ans, aurait agi délibéré­
devrait être contenue à 225 euros, une aide financière pour honorer comptabilité publique », rappelle 1er novembre, et donc de ne pas 150 euros pour les allocataires du ment. Il n’était pas dans les
mais elle dépasse 600 à 700 euros leur loyer de mars. Stéphane Peu. « Il ne faut pas lais­ procéder à la moindre expulsion RSA et de l’allocation spécifi­ radars de la direction géné­
par mois si l’on retranche aussi la ser cette charge aux seuls locatai­ avant le 1er avril 2021… Mais cela que de solidarité (ex­minimum rale de la sécurité intérieure.
prime de panier [indemnité re­ Manque à gagner res HLM et plutôt faire jouer la suppose que l’Etat indemnise les vieillesse) et 100 euros par enfant Les faits se sont déroulés vers
pas], les pourboires, les heures Marcel Rogemont, président de solidarité nationale », plaide bailleurs ayant obtenu un juge­ pour les bénéficiaires de l’aide 17 h 30, alors que les agents
supplémentaires… » Néotoa, organisme HLM breton Stéphane Troussel, président du ment d’expulsion qui ne peut être personnalisée au logement. procédaient à des contrôles
Pierre Concialdi, économiste à implanté à Rennes, à la tête de conseil départemental de Seine­ appliqué, et triple les crédits du « C’est bien pour boucher les routiers pour vérifier les
l’Institut de recherches économi­ 22 000 logements, atteste aussi Saint­Denis et de l’office Seine­ ministère de l’intérieur à cet effet trous, mais ce n’est pas l’aide à attestations de sortie, dans
ques et sociales, un think tank que, « pour l’instant, nous enre­ Saint­Denis Habitat. et qui sont notoirement insuffi­ long terme, au moins six mois, le cadre de la crise sanitaire.
proche des syndicats, évalue, lui, à gistrons des impayés de la part de « Notre association de locataires sants puisque passés de 78 mil­ dont beaucoup auront besoin, es­ Ce sont deux agents de ce
3,9 millions de ménages la popu­ 10 % de nos locataires, mais ils n’appelle pas à une exonération lions d’euros, en 2005, à 33 mil­ time Benoît Filippi, du Réseau service, dont l’un a été légère­
lation « à risque », c’est­à­dire qui peuvent aussi être dus à des re­ généralisée des loyers HLM, expli­ lions d’euros en 2018. stop aux expulsions logement ment blessé, qui ont procédé
perd, en moyenne, 29 % de ses res­ tards techniques, les banques et que Jean­Yves Mano, président de (Resel). Quant au FSL, il faut en à l’interpellation de l’indi­
sources. Or, ces Français doivent les bureaux de poste fonction­ Consommation logement cadre Utiliser les dispositifs existants simplifier l’accès, en harmoniser vidu, connu des services de
face à des dépenses contraintes nant au ralenti. » de vie. Nous demandons des rè­ M. Taché souhaite aussi la créa­ les règles et le renflouer. » « Le gou­ police pour des faits de droit
incompressibles, notamment de Le maire sortant (UDI) de Bobi­ gles transparentes, harmonisées tion d’un fonds d’aide à la quit­ vernement ne veut apparemment commun anciens, remontant
logement pour les 2,6 millions de gny, Stéphane de Paoli, a an­ entre tous les bailleurs sociaux de tance d’au moins 200 millions pas envoyer le message de ne pas à plus d’une dizaine d’an­
ces ménages qui sont locataires. noncé, le 23 avril, une mesure France et qui tiennent compte des d’euros venant abonder les fonds payer son loyer ni ouvrir les van­ nées. Des perquisitions ont
Le gouvernement a volé au se­ spectaculaire : « annuler l’ensem­ pertes réelles de revenus. Je suis, en de solidarité­logement (FSL) gérés nes de l’argent public, ce qu’il sera eu lieu à son domicile. Mardi
cours des entreprises et allégé ble des loyers du mois d’avril » des réalité, plus inquiet pour le secteur par les départements. Enfin, il cependant peut­être contraint de matin, le Parquet national
leurs charges mais, jusqu’à pré­ 4 000 locataires de l’office public privé, où locataire et propriétaire suggère d’indexer les aides au faire d’ici à la fin mai », analyse antiterroriste évaluait la si­
sent, pas celles des ménages. « Il de sa ville. Le manque à gagner se­ sont seuls, face à face, et où le logement au­delà du taux de l’in­ Jean­Yves Mano.  tuation pour savoir s’il devait
va falloir agir pour aider les loca­ rait de 1,6 million d’euros, pris en bailleur n’a pas toujours l’expé­ flation, ce qui suppose de revenir isabelle rey­lefebvre se saisir de l’affaire.
0123
16 | coronavirus MERCREDI 29 AVRIL 2020

Une récession mondiale sans précédent Des déficits historiques


Croissance annuelle du PIB, en % Déficit ou excédent budgétaire, en % du PIB

2019 2020* 2019 2020*


6
5,4

Les banques
Etats-Unis – 2,8 Japon
5 – 5,8
– 7,1

4 – 15,4

2,9

centrales, 3 3 2019 2020* 2019 2020*


– 0,7 Zone euro France
–3
2
– 7,5
– 9,2
1

ultime rempart 0

–1
2008
– 0,1
2010 2012 2014 2016 2018 2020*
1,4

– 5,5
Allemagne
2019

– 1,6
2020*

– 8,3
Italie

de l’économie –2

–3
–3
2019

– 2,1
2020*

– 8,3
Royaume-Uni
2019

– 2,6
2020*
Espagne

mondiale
– 9,5
* Prévision * Prévisions

Depuis une décennie, les banques centrales Dans la zone euro, la BCE a été très active
achètent de la dette et leur bilan explose

20 %
Bilan des principales banques centrales,
La Banque du Japon, la BCE et la Fed, qui tiennent en milliers de milliards de dollars courants
C’est la part des dettes
publiques de la zone euro
leurs réunions avant le 1er mai, se lancent Banque nationale suisse
détenue par la BCE

dans des programmes de soutien à l’économie, 20


Banque d’Angleterre
Réserve fédérale américaine
prenant des décisions naguère impensables Banque centrale européenne (BCE)
Part des dettes publiques détenue par la BCE
pour l'ensemble de la zone euro, en % du PIB
Banque du Japon
détenu par la BCE et l’Eurosystème
15
londres ­ correspondance gralité de ce qu’elle a fait depuis la grande ré­ détenu par des investisseurs privés
cession de 2008 », résume Jean Boivin, direc­
teur du BlackRock Investment Institute. 90

A
u début des années 2000, les En moins de deux mois, la Réserve fédérale
10
banquiers centraux étaient a acheté pour plus de 2 000 milliards de dol­ 80
des messieurs en cravate lars de titres financiers sur les marchés, prin­
très sérieux qui devisaient cipalement de la dette américaine pour fi­
en jargonnant sur une nancer le coûteux plan de soutien à l’écono­ 5 70
hausse ou une baisse d’un mie. En comparaison, la BCE, qui a pourtant
quart de point de leurs taux d’intérêt direc­ annoncé elle­même une intervention histo­ 60
teurs. Vingt ans plus tard, ils restent très lar­ rique, n’a prévu d’injecter « que » 1 000 mil­
gement masculins – exception faite de Chris­ liards d’euros sur l’ensemble de l’année. 0 50
tine Lagarde, la présidente de la Banque cen­ D’où viennent ces sommes gigantesques,
trale européenne (BCE) – et jargonnent tou­ alors que l’heure était à l’austérité il y a en­ 2008 2012 2016 2020 2008 2012 2016 2019
jours autant, mais leur rôle n’a plus rien à core quelques mois ? Les banques centrales
voir. Après deux crises économiques majeu­ ont la capacité de créer de l’argent, d’une sim­
res, celle de 2008 et celle liée à la pandémie ple ligne de code dans leur système informa­
de Covid­19, ils sont devenus la clé de voûte tique. Ce tour de passe­passe, cette magie de
de l’économie mondiale. la création monétaire, est la définition de la
Une statistique résume leur intervention­ fameuse expression « faire tourner la plan­ réinvestit immédiatement la somme en en Pour éviter le problème, la BCE ainsi que
nisme, qui a brisé tous les tabous économi­ che à billets ». « Lors d’une crise, les banques EN MOINS DE DEUX  achetant une autre. les autres banques centrales achètent les
ques. En 2007, le bilan des trois principales centrales peuvent toujours imprimer plus MOIS, LA RÉSERVE  Avec cette politique, les banques centrales obligations, non pas directement auprès des
banques centrales au monde – la Réserve fé­ d’argent, rappelle Mervyn King, ancien gou­ sont devenues des actrices majeures des gouvernements, mais sur les marchés fi­
dérale américaine (Fed), la BCE et la Banque verneur de la Banque d’Angleterre. D’ailleurs, FÉDÉRALE  marchés obligataires. A tel point que la BCE nanciers. Le résultat est pratiquement le
du Japon – était de 3 400 milliards de dollars c’est ce qu’elles font depuis un bon moment. » détient aujourd’hui 20 % des dettes publi­ même. Souvent, la BCE rachète les titres seu­
(3 138 milliards d’euros, au cours actuel). En AMÉRICAINE  ques de la zone euro. Selon Frederik Ducro­ lement quelques semaines, voire quelques
février 2020, avant la pandémie, il atteignait REMBOURSEMENTS REPOUSSÉS zet, de la banque privée Pictet, sa part mon­ jours, après leur émission. « C’est du finance­
14 600 milliards de dollars. Et ce n’est qu’un Les puristes soulignent que ces sommes ne
A ACHETÉ POUR PLUS  tera même à 25 % d’ici la fin de l’année (31 % ment monétaire par la bande », reconnaît
début. D’après le BlackRock Investment Ins­ sont pas à proprement parler de la création DE 2 000 MILLIARDS  pour l’Allemagne). Sans vraiment le dire, les Eric Dor, professeur d’économie à l’Iéseg,
titute, leur bilan devrait encore augmenter monétaire, dans la mesure où les banques banques centrales ont ainsi mis en place une une école de commerce.
de deux tiers rien que cette année. Lors des centrales achètent des obligations, ces titres DE DOLLARS  pratique de « monétisation » de l’économie, Cette stratégie des banques centrales sem­
réunions cette semaine de leurs instances de dettes émis par un Etat ou une entre­ en finançant directement les gouverne­ ble cependant de moins en moins efficace.
décisionnelles respectives – la Banque du Ja­ prise. Quand elles arriveront à échéance, el­ DE TITRES  ments. Une telle solution est contraire à l’or­ Quand elles achètent des obligations, leur
pon, la Fed mercredi et la BCE jeudi –, ces ins­ les seront remboursées et le bilan s’en ré­ FINANCIERS  thodoxie moderne, qui veut que les banques objectif est d’abaisser les taux d’intérêt prati­
titutions devraient à nouveau prouver leur duira d’autant. Pourtant, la vérité est que ces centrales et les gouvernements soient sépa­ qués par les marchés. Ensuite, l’espoir est que
détermination à soutenir l’économie. remboursements sont sans cesse repous­ SUR LES MARCHÉS rés. Elle est même officiellement interdite les banques répercuteront ces taux bas en
La plus active de toutes, et de loin, est la sés. Le bilan de la Banque du Japon, qui s’est par les traités européens, l’Allemagne, trau­ prêtant aux entreprises et aux particuliers.
Fed, dont le bilan va tripler en 2020. « Sa ré­ lancée dans l’achat de titres il y a vingt ans, matisée par l’hyperinflation des années Ce mécanisme fonctionne en partie, comme
ponse au Covid 19, décidée en seulement quel­ n’en finit pas de grossir. Quand une obliga­ 1920, ayant insisté pour l’écrire noir sur le prouvent par exemple les taux hypothé­
ques semaines, va largement dépasser l’inté­ tion qu’elle possède arrive à son terme, elle blanc lors de la création de l’euro. caires, qui tournent aujourd’hui autour de

Rome cherche à mobiliser l’épargne des Italiens


Depuis 2008, les gouvernements multiplient les initiatives pour que la dette de l’Etat soit moins détenue par des créanciers étrangers

rome ­ correspondant vid­19. Or, le banquier n’a pas plus de 155 %. Avec la reprise mé­ est que cette dette gigantesque pon, qui, malgré un endettement mum garanti (0,65 % pour l’émis­
manqué de rappeler dans ce long canique attendue pour 2021, ce soit, le plus possible, entre des beaucoup plus élevé que l’Italie sion de l’automne 2019), ce qui en

L e recours à la dette publique


pour répondre à l’urgence
sanitaire et garantir le fi­
nancement de l’économie réelle
est un choix obligé, mais cela ne
entretien qu’« une dette doit tou­
jours être honorée ».
La veille, le gouvernement ita­
lien avait adopté sans coup férir la
nouvelle version de son docu­
ratio devrait sensiblement bais­
ser, mais il restera sans doute au­
dessus de 150 %, à un niveau qui
aurait été jugé insoutenable par
Bruxelles et les agences de nota­
mains italiennes. Aussi serait­il
judicieux de mobiliser l’épargne
privée nationale, à travers l’émis­
sion de nouveaux bons du Trésor
suffisamment attractifs, « afin de
(près de 240 % du PIB) se trouve à
l’abri des turbulences des mar­
chés, moins de 10 % de la dette
étant entre des mains étrangè­
res, les gouvernements succes­
fait un produit à la fois sûr et rela­
tivement attractif. D’ailleurs, les
Italiens détiennent directement
pour un peu plus de 100 milliards
d’euros de dette publique.
peut pas être la réponse unique et ment de programmation budgé­ tion quelques mois plus tôt. créer les conditions pour que les sifs ont multiplié les mesures en Jeudi 23 avril, le gouvernement
définitive. » Les propos tenus sa­ taire (DEF) pour les prochains Italiens soient convaincus de les ce sens. Au temps de la crise fi­ italien a annoncé une prochaine
medi 25 avril par le très influent mois. Tablant sur une violente ré­ De nouveaux bons du Trésor acheter, en y affectant une partie nancière de 2008, la dette ita­ émission exceptionnelle de ces
Carlo Messina, administrateur cession (– 8 %), il s’attend pour la Loin de contester cette orienta­ de leur richesse ». L’objectif devra lienne était détenue majoritaire­ bons, à partir du lundi 18 mai et
délégué de la première banque fin de l’année 2020 à un déficit tion, dont il convient qu’elle est la même être, toujours selon le ment par les créanciers étran­ pour trois jours, misant sur un
d’Italie, Intesa Sanpaolo, dans les budgétaire colossal, dépassant seule possible alors que la vio­ banquier, d’essayer de rapatrier gers. Ils en possèdent moins de sursaut patriotique qui provo­
colonnes du quotidien économi­ sans doute les 10 % du produit in­ lence de l’épidémie de Covid­19 a une partie des centaines de mil­ 30 % actuellement. querait, en ce temps de crise, une
que Il Sole 24/Ore ont été abon­ térieur brut (PIB). mis à l’arrêt le nord du pays, Carlo liards d’euros investis par les Ita­ L’instrument le plus symboli­ grande mobilisation de la ri­
damment commentés. Ces deux chiffres, mécanique­ Messina préfère insister sur les liens à l’étranger. que de ce virage stratégique est le chesse privée (estimée à
Ils interviennent à l’heure où le ment, entraîneront une explo­ moyens d’éviter que la catastro­ En fixant cet objectif, M. Mes­ BTP Italia, institué par le gouver­ 10 000 milliards d’euros). Après
pays le plus lourdement endetté sion de la dette souveraine, qui phe n’entraîne inéluctablement sina se place dans la lignée des nement Monti en mars 2012 et tout, selon les chiffres du minis­
d’Europe après la Grèce se pré­ devrait gonfler en un an de près une crise de confiance, et donc initiatives entreprises par les destiné aux particuliers – on peut tère des finances, les Italiens dis­
pare à une dégradation sans pré­ de 200 milliards d’euros, pour des turbulences dévastatrices sur gouvernements successifs de­ investir à partir de 1 000 euros. posent de 1 500 milliards d’euros
cédent de ses comptes publics, s’établir autour de 2 600 mil­ les marchés. puis la crise de 2008 afin de ren­ Emises plusieurs fois par an, ces en dépôt sur de simples comptes
causée par la crise sanitaire pro­ liards d’euros et passer de 135 % Selon lui, la meilleure solution dre plus « italienne » la dette de obligations d’une durée de plu­ courants non rémunérés. 
voquée par l’épidémie de Co­ du produit intérieur brut (PIB) à pour éviter ce genre de situation l’Etat. Partant de l’exemple du Ja­ sieurs années ont un taux mini­ jérôme gautheret
0123
MERCREDI 29 AVRIL 2020 coronavirus | 17

Les dettes publiques vont bondir


Dette, en % du PIB

Etats-Unis Japon

2019
2020*
109
131,1
2019
2020*
237,4
251,9 Dettes publiques :
Zone euro

2019
2020*
84,1
97,4
France

2019
2020*
98,5
115,4
la lourde facture de la crise
Face au choc de la pandémie de Covid­19, les Etats dépensent
Allemagne Italie sans compter. Cet endettement va peser longtemps sur leurs politiques
2019 59,8 2019 134,8
2020* 68,7 2020* 155,5

Royaume-Uni

2019 85,4
Espagne

2019 95,5
C’ est aujourd’hui la dou­
ble urgence : soutenir
ménages et entreprises
face à l’arrêt partiel de l’activité,
ces obligations sont achetées sur
les marchés financiers par les in­
vestisseurs privés. Il peut s’agir,
par exemple, de l’argent des assu­
POUR FINANCER 
CES PLANS, LES ÉTATS 
Comment alléger ce fardeau
sans l’effacer ? « Une dette n’est
pas faite pour être remboursée,
mais pour être gérée », avance
2020* 95,7 2020* 113,4
puis relancer l’économie lorsque rances­vie des Français, de fonds VONT DEVOIR D’AUTANT  Frederik Ducrozet, de la banque
la pandémie du Covid­19 re­ de pension américains ou de privée Pictet. Lorsque l’activité
* Prévisions fluera. Seulement voilà : lorsque fonds souverains du Moyen­ PLUS S’ENDETTER  repart, l’Etat engrange de nouvel­
la crise sera derrière nous, les Orient. Pour eux, il s’agit d’un pla­ les recettes fiscales et le PIB re­
Etats se retrouveront alourdis cement très sûr, au rendement
QUE LES RECETTES  gonfle, ce qui contribue à réduire
Début 2020, l'Allemagne est la première bénéficiaire d’une dette publique colossale. fixe et garanti. A ces acheteurs se FISCALES VONT CHUTER  mécaniquement le poids de la
de cette intervention de la BCE Avant 2008, celle des pays déve­ sont ajoutées, ces dernières an­ dette – surtout si la croissance
Part de la dette détenue par la BCE dans les pays de la zone euro, loppés tournait autour de 75 % du nées, les banques centrales. Pour EN RAISON  s’accompagne d’une inflation
en % produit intérieur brut (PIB). Avec soutenir l’économie au lende­ modérée. Augmenter la fiscalité
la grande crise financière, elle a main de la crise de 2008, beau­ DE LA RÉCESSION ou couper dans les dépenses peut
2019 Prévisions 2020 grimpé à un peu plus de 100 %, se coup se sont mises à racheter en également y contribuer… Mais si
stabilisant à ce niveau pendant masse les obligations émises par élevés en échange des prêts, au elles sont mal calibrées ou acti­
une décennie. L’impact des me­ leur propre gouvernement. Pour risque d’alourdir encore le poids vées trop tôt, de telles mesures
26
Allemagne sures de confinement et les plans cela, elles créent de l’argent ex ni­ des remboursements… C’est l’ef­ peuvent briser la reprise et dé­
31 de relance vont la faire bondir à hilo, ajoutant une ligne de crédit fet boule de neige, susceptible de clencher une autre récession :
120 % du PIB d’ici à la fin de l’an­ dans leur système informatique. conduire le pays au défaut de c’est ce qui s’est passé dans la
20 née, selon le Fonds monétaire in­ C’est ce qu’on appelle le « quanti­ paiement. Pour éviter que l’Espa­ zone euro en 2012.
Ensemble des pays ternational (FMI). tative easing » (QE), pratiqué par gne, l’Italie et la Grèce sombrent Autre option : la BCE. « Tant
de la zone euro 25 Certes, des gouvernements ont la Banque centrale européenne dans un tel scénario lors de la qu’elle conserve les obligations
connu des situations bien plus (BCE) depuis 2015. crise des dettes de 2010, la BCE a souveraines qu’elle détient et les ra­
18 complexes par le passé − au len­ En mars, cette dernière a an­ baissé son taux directeur au chète lorsqu’elles arrivent à
Espagne demain de la Seconde guerre noncé un « plan pandémie » de maximum – il est aujourd’hui à échéance, l’effet est très proche
23 mondiale, l’endettement public 750 milliards d’euros supplé­ 0 % – pour faciliter leurs em­ d’une annulation », résume Pa­
dépassait les 200 % de PIB en Eu­ mentaires d’achat de titres. De prunts. En 2012, elle a éteint la trick Artus, chez Natixis. Pour en­
19 rope. Reste que, quelle que soit la quoi absorber l’ensemble des spéculation en se disant prête à foncer le clou, d’autres suggèrent
France façon dont les Etats s’attaqueront nouvelles dettes émises dans la racheter massivement des obliga­ que les Etats émettent des dettes
22 à cette montagne de 66 000 mil­ zone euro, souligne Vincent tions en cas de besoin, ce qui a ras­ sur 20 ou 30 ans pour faire face à la
liards de dollars de dette − efface­ Chaigneau, directeur de la re­ suré les investisseurs. crise du Covid­19, voire des bonds
15 ment partiel, intervention des cherche chez Generali : « Les ra­ Avec une dette qui devrait bon­ « perpétuels », jamais rembour­
Italie
20 banques centrales, cocktail de chats de la BCE vont dépasser les dir de 135 % à 150 % du PIB cette sés, que la BCE conserverait dans
croissance et d’inflation −, cel­ émissions nettes d’obligations année, la Péninsule est de nou­ ses coffres. En zone euro, l’émis­
le­ci risque de peser longtemps (émissions brutes moins rem­ veau au centre des inquiétudes. sion d’obligations communes –
Infographie : Le Monde Sources : FMI, Thomson Reuters, Pictet, Ieseg
sur les politiques publiques et le boursement). » Pour le moment, les taux bas et coronabonds ou eurobonds – per­
paysage politique. les rachats de la BCE assurent sa mettrait également de soulager
Les banques centrales peuvent­ soutenabilité. Mais l’équation un peu les Etats du Sud, aux finan­
Quels Etats s’endettent le plus ? elles racheter des obligations reste délicate : dans les années à ces publiques plus fragiles.
1 % en France. Cependant, les liquidités injec­ Dans cette crise, le pays qui dé­ sans limite ? Avant même la pan­ venir, le poids des rembourse­ Que faire lorsqu’un Etat est in­
tées sont surtout allées sur les marchés fi­ pense le plus pour maintenir son démie, la BCE possédait 20 % des ments limitera la capacité de capable d’honorer une échéance ?
nanciers, soutenant les Bourses, et n’ont pas économie à flot face à la pandé­ dettes publiques de la zone euro Rome à investir dans les projets Dans ce cas, la restructuration,
suffisamment aidé les économies réelles. mie est les Etats­Unis : le plan de (18 % pour la France). D’ici à la fin susceptibles de gonfler sa crois­ comme celle mise en œuvre pour
Conscientes du problème, les banques cen­ soutien américain frôle de l’année, cette part va s’envoler. sance future – et donc, de l’aider à la Grèce en 2012, est difficilement
trales tentent de nouvelles recettes. En plus 2 000 milliards de dollars, soit Mais jusqu’où ? Y a­t­il une li­ se financer. évitable : allongement de la durée
des achats de dettes publiques, elles multi­ presque 10 % du PIB. « Sans précé­ mite ? A l’extrême, une banque des prêts, réductions des mon­
plient désormais les acquisitions d’obliga­ dent », estime le FMI. En compa­ centrale finit par provoquer de Peut­on annuler de la dette pu­ tants dus aux investisseurs pri­
tions d’entreprise. La Fed acquiert aussi des raison, la zone euro est plus par­ l’hyperinflation si elle émet trop blique ? Depuis le début de la pan­ vés, aides d’urgence des autres
titres de créances immobilières et se prépare cimonieuse : ses plans de soutien d’argent pour financer la dette démie, les tabous économiques, Etats… Des mesures exigeant de
à aller plus loin, en achetant les dettes des dépassent à peine les 3 % du PIB publique. Mais ce scénario à la tels que la règle européenne limi­ longues et douloureuses négo­
municipalités, et même en prêtant directe­ en moyenne. L’Allemagne a mis Zimbabwe paraît aujourd’hui très tant le déficit public à 3 % du PIB, ciations avec les créanciers, par­
ment aux entreprises. Ce programme, dit de les plus gros moyens, à 4,4 %. Le lointain et peu probable. Quand sautent les uns après les autres. fois assorties de conditions dra­
« Main Street » (par opposition à « Wall plan français atteint 4,1 % du PIB. la Réserve fédérale (Fed), la ban­ Pourquoi ne pas faire preuve du coniennes.
Street »), est mené en coordination avec le En Italie ou en Espagne, dont les que d’Angleterre et la BCE se sont même pragmatisme avec la
gouvernement américain, brouillant la fron­ marges de manœuvre budgétai­ lancées dans les achats d’obliga­ dette ? Plus facile à dire qu’à Comment soulager les pays
tière entre politique monétaire et budgé­ res sont plus limitées, ils sont de tions, il y a une décennie, beau­ faire… Prenons l’exemple de la pauvres surendettés ? La com­
taire. Une mesure très proche de la « mon­ 1,4 % du PIB seulement. coup craignaient un retour de France, dont les obligations sont position de la dette des pays pau­
naie hélicoptère », cette idée qui consiste à Pour financer ces plans, les Etats l’inflation, mais celui­ci ne s’est détenues à hauteur de 54 % par vres diffère de celle des pays in­
demander à la banque centrale de donner de vont devoir d’autant plus s’endet­ pas matérialisé. En Europe, c’est des investisseurs non résidents, dustrialisés : elle est en effet déte­
l’argent directement aux ménages. ter que les recettes fiscales vont même la déflation qui menace. comme des fonds de pension. Ef­ nue en bonne partie par des
chuter en raison de la récession. facer les titres qu’ils détiennent créanciers publics, à savoir
« CONTRAINTES POLITIQUES » Les déficits publics vont s’envoler, Est­ce un problème d’afficher serait courir le risque qu’ils refu­ d’autres Etats qui leur ont ac­
Le 6 avril, la Banque d’Angleterre a elle aussi à 15 % du PIB pour les Etats­Unis, un endettement public trop sent, à l’avenir, de prêter de nou­ cordé des prêts, ou bien des insti­
franchi le Rubicon de la monétisation. Offi­ 9 % pour la France et 7,5 % pour la élevé ? La réponse est délicate, et veau à notre Etat − ou alors, à des tutions internationales telles que
ciellement de manière « temporaire », et zone euro. Selon Generali, rien pour cause : « Il n’existe aucun taux prohibitifs. le Fonds monétaire international
afin « d’adoucir le cash­flow du gouverne­ que dans l’union monétaire, les seuil absolu à partir duquel une Que dire des 25 % de dettes déte­ (FMI) ou la Banque mondiale.
ment », l’institution achète directement des gouvernements vont émettre dette devient soudainement pro­ nues par les banques et assureurs Face à l’ampleur de la crise, les
obligations du Trésor britannique. En re­ pour 1 120 milliards d’euros d’obli­ blématique ou insoutenable », ré­ tricolores ? Les annuler pourrait ministres des finances du G20
gard, l’action de la BCE peut sembler limitée. gations cette année, soit un tiers sume François Ecalle, ancien con­ déstabiliser ces établissements, ont accordé, le 15 avril, une sus­
« Elle ne fait pas preuve d’assez d’activisme », de plus que la moyenne des an­ seiller maître de la Cour des au risque qu’ils réduisent leurs pension temporaire des rem­
juge Nicola Mai, de Pimco, une société fi­ nées précédentes. Si ce montant comptes. Ainsi le Japon n’a aucun prêts aux entreprises et aux mé­ boursements de 77 Etats à bas re­
nancière américaine. est encore très incertain, il repré­ mal à se financer en dépit d’un nages, qui détiennent d’ailleurs, venus, à hauteur de 14 milliards
De nombreuses voix s’élèvent pour qu’elle sentera quoi qu’il en soit un ni­ endettement frôlant les 250 % du eux aussi, une partie de ces dettes de dollars. « On peut imaginer
se lance dans la « monnaie hélicoptère ». veau historique. PIB. Mais l’Espagne, elle, fut atta­ dans leurs assurances­vie. qu’ils parviendront à s’entendre
« C’est difficile à mettre en place en Europe, quée par les spéculateurs en 2010 Reste les 20 % environ du far­ pour effacer une partie de ces det­
étant donné les contraintes politiques et les Qui achète ces obligations sou­ alors que le sien était de 67 % du deau français détenus par la BCE, tes, mais il n’est pas sûr que cela
difficultés de coordination », rétorque M. Mai. veraines ? Traditionnellement, PIB seulement. par l’intermédiaire de la Banque suffise », ajoute Olivier Blanchard,
« La BCE a été construite sur le modèle de la En fait, tout dépend de la capa­ de France. En théorie, les effacer ancien chef économiste du Fonds
Bundesbank, suivant une orthodoxie moné­ cité de l’Etat à rembourser. « Et serait indolore, soulignent nom­ monétaire international.
taire très stricte, rappelle M. Ducrozet. De­ « IL N’EXISTE AUCUN SEUIL  celle­ci dépend d’une grande va­ bre d’économistes tels que Lau­ Car près de la moitié des obliga­
puis la crise financière de 2008, elle a certes riété de critères, tels que son ni­ rence Scialom, professeure à tions de ces pays est détenue par
été transformée de l’intérieur, devenant beau­ ABSOLU À PARTIR DUQUEL  veau de croissance, sa capacité à l’université Paris­Nanterre. Mais des créanciers privés, comme des
coup plus active, mais il reste de nombreuses UNE DETTE DEVIENT  lever l’impôt, la stabilité de son les obstacles politiques ne man­ fonds d’investissement, bien plus
règles. » L’interdiction du financement mo­ système politique ou encore son quent pas : « Cela reste interdit par difficiles à convaincre. Après le
nétaire direct est sans doute la plus difficile à SOUDAINEMENT  degré de dépendance aux finance­ les traités européens et surtout, les défaut de l’Argentine en 2001, le
contourner. Malgré ses limites, « la BCE sera ments extérieurs », détaille Ma­ pays du Nord ne l’accepteraient fonds vautour Elliott a ainsi har­
là pour intervenir » en cas de crise, estime PROBLÉMATIQUE  thieu Plane, économiste à l’Obser­ jamais, souffle un fin connais­ celé Buenos Aires pendant plus
néanmoins M. Mai. En Europe, comme vatoire français des conjonctures seur des arcanes européennes. de quinze ans pour obtenir le
ailleurs dans le monde, les banques centra­
OU INSOUTENABLE » économiques (OFCE). Lorsque, en Une telle mesure pourrait con­ remboursement de son dû… 
les demeurent l’indispensable soutien de FRANÇOIS ECALLE fonction de ces éléments, les duire à la rupture de la zone euro, e. a. (londres,
l’économie en dernier recours.  ancien conseiller maître créanciers commencent à douter, alors qu’il existe d’autres façons, correspondance)
éric albert de la Cour des comptes ils exigent des taux d’intérêt plus plus subtiles, d’alléger les dettes. » et marie charrel
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18 | coronavirus MERCREDI 29 AVRIL 2020

Grande distribution : une prime Masques, marquage au sol…


qui a du plomb dans l’aile
le shopping post­confinement
F ace aux risques pris en venant travailler pendant le confi­
nement de la population, les salariés de la grande distri­
bution alimentaire avaient espéré être récompensés
pour leurs bons et loyaux services. Les enseignes avaient pro­
Les mesures de distanciation sociale qui s’imposeront en magasin
mis, à grand renfort de communication, une prime exception­
nelle de pouvoir d’achat. Mais, dans les faits, chez certains,
risquent de compliquer la relance du marché français de l’habillement
l’élan de générosité sera réduit à la portion congrue. « Où sont
passés les 1 000 euros pour tous ? », s’indigne le syndicat UNSA

L
groupe Casino dans un communiqué le 23 avril. a virée shopping n’aura auront été essayées, précise une de « relancer la machine », de « re­
« Le groupe Auchan avait annoncé triomphalement qu’il verse­ rien de celle d’antan, au porte­parole. Les caissiers seront
Une cabine trouver la vraie vie » et de « sortir
rait une prime de 1 000 euros à ses héroïques salarié­es », qui jour de la levée des mesu­ protégés de plaques de Plexiglas. d’essayage du chômage partiel ».
« ont découvert stupéfaits que cette prime sera au prorata de leur res de confinement, La plupart des magasins, dont les Il y a même urgence. Depuis la
temps de travail, ainsi une caissière à dix heures hebdomadaire lundi 11 mai, en France. Zara im­ soixante du groupe Galeries La­
sur deux sera fermeture des magasins, le
touchera… 50 euros », a indiqué le syndicat SUD Commerces et posera à ses clients de porter un fayette, auront recours à cet équi­ ouverte dans 16 mars, les enseignes sont con­
services, le 23 avril. « La prime a été négociée avec les représen­ masque. Les vendeurs en seront pement mis en place dans les hy­ frontées à une absence de recet­
tants » syndicaux, rappelle­t­on chez Auchan. aussi équipés, tout comme chez permarchés. A l’entrée, le filtrage
les enseignes tes. Or, les charges continuent de
Idem chez Casino (enseignes Franprix, Monoprix, Casino…), Pimkie et Jules. sera aussi de rigueur. André ac­ de magasins courir, déplorent les dirigeants,
où la prime sera fonction de la présence effective : 1 000 euros L’heure ne sera pas au papillon­ cueillera « cinq clients maximum qui évoquent leur contentieux
pour un temps plein, 500 euros pour un mi­temps… Et elle nage de portant en portant : le sol dans un magasin de 100 m² ».
Jules et Pimkie, avec les bailleurs de centres com­
« sera également impactée si les salariés ont été en congés sur des magasins sera en effet balisé Les gestionnaires de centres aucune chez Zara merciaux pour obtenir l’annula­
cette période ! », indique l’UNSA. pour canaliser la clientèle dans un commerciaux incitent, eux, à un tion des loyers à valoir depuis.
Chez Leclerc, ce sera même selon le « flux entrant et un flux sortant », comptage pour que, en fonction
CHEZ LECLERC, bon vouloir des directeurs de maga­ explique Jean­Christophe Gar­ de la surface du point de vente, le les tenues de plein été qui sont Reconstituer la trésorerie
sin, qui sont tous des chefs d’entre­ bino. Car, précise encore le PDG nombre de clients ne dépasse pas susceptibles de plaire à la mi­mai. La facture est lourde. Faute de flux
CE SERA MÊME SELON prise indépendants adhérant au ré­ de Jules, « il faut éviter que les « une personne pour 10 m² ». Les A en croire les directions des en­ touristiques, notamment, le
LE BON VOULOIR seau de l’enseigne. « Les centres Le­ clients se croisent ». Galeries Lafayette auront égale­ seignes, les équipes sont prêtes à groupe Galeries Lafayette estime
clerc sont indépendants socialement, L’essayage d’un vêtement sera ment recours à ce ratio. Dès lors, reprendre le travail. « Nos collabo­ que la crise économique induite
DES DIRECTEURS chacun gère sa politique sociale avec aussi encadré. Une cabine sur le célèbre magasin du boulevard rateurs ont envie de faire leur job, par l’épidémie due au coronavi­
les organes représentant le personnel. deux sera ouverte dans les maga­ Haussmann à Paris qui exploite de retrouver leurs collègues », as­ rus lui coûtera 1 milliard d’euros
DE MAGASIN La recommandation à tous les maga­ sins Jules et Pimkie. Celles qui 70 000 m² ne pourra accueillir sure M. Garbino, qui assure ne pas en 2020, soit la moitié de ses ven­
sins est de distribuer la prime à leurs sont utilisées seront désinfectées. que 7 000 clients en même temps. craindre l’absentéisme. tes annuelles. « Pour l’ensemble
salariés », fait savoir la direction du distributeur. Aucune ne sera accessible au sein Qu’en sera­t­il des clients ? Sur­ des circuits de distribution, les chif­
Chez Casino, la différence de traitement entre salariés du des enseignes du groupe Inditex. Un « loisir » à redécouvrir monteront­ils leur appréhension fres d’affaires – ventes en ligne
siège et ceux des magasins et entrepôts passe mal. « Le person­ Le distributeur, qui détient no­ Sans attendre les annonces du pour s’adonner au plaisir du comprises – ont chuté de près de
nel en télétravail est exclu de cette prime ! Une honte pour tous tamment Zara, incitera ses clients premier ministre, Edouard Phi­ shopping ? « La reprise sera lente 60 % » en mars, rappelle l’Institut
ceux qui participent aux bénéfices de l’entreprise en cette période à enfiler ses modèles chez eux et à lippe, devant l’Assemblée natio­ et progressive », indique la direc­ français de la mode, en chiffrant
de crise ! », affirme l’UNSA. Lors de la présentation des résultats rapporter ceux qui ne leur con­ nale, lors de la présentation de tion des Galeries Lafayette. le repli à « 17,9 % au premier tri­
annuels, le 26 mars, Jean­Charles Naouri, le PDG du groupe, viennent pas, contre rembourse­ son « plan de déconfinement », « Faire les magasins sera un loi­ mestre 2020 ».
avait pourtant été clair en précisant que la situation « n’est pas ment. Les pièces ainsi retournées mardi 28 avril, les directions des sir » que les Français, privés de Dès lors, il faut reconstituer la
la même pour une hôtesse de caisse et quelqu’un au siège », et seront remisées dans un sas de chaînes d’habillement ont éla­ promenades, de cinéma ou bien trésorerie. Quitte à « casser les prix
que distribuer de manière « uniforme serait injuste ». décontamination soumis à une boré leur feuille de route, en colla­ encore de parcs d’activités, redé­ pour écouler les invendus », dé­
Carrefour a aussi choisi de privilégier les salariés sur le terrain. haute température, avant d’être boration avec les représentants couvriront, espère, quant à lui, plore un dirigeant. Les Galeries
85 000 employés des magasins, drives et entrepôts toucheront remises en rayon vingt­quatre du personnel. Marcel Nakam, gérant de l’ensei­ Lafayette tablent sur les 3J, opéra­
une prime de 1 000 euros sur leur salaire de mai. L’entreprise a heures plus tard. Les premières heures qui sui­ gne Jonak. tion commerciale habituelle à
laissé entendre à ses syndicats, avec lesquels elle négocie actuel­ Le chausseur André s’engage vront la réouverture des maga­ Ses prévisions ne sont toutefois cette période de l’année, pour re­
lement, que la prime ne dépendra pas du temps de travail.  quant à lui à « désinfecter toutes sins seront laborieuses. Les en­ guère encourageantes. Le chaus­ lancer l’activité dans la semaine
cécile prudhomme les paires de chaussures » qui seignes doivent tout d’abord « re­ seur estime que son chiffre d’af­ du 18 mai. Cela sera­t­il suffisant ?
formater » leurs points de vente faires sera de 70 % inférieur aux Selon un sondage d’Opinion Way,
pour y installer le matériel mais standards habituels en mai et de 42 % des personnes interrogées
aussi les balises nécessaires au 50 % en deçà de ceux de juin. A tel comptent réduire leurs dépenses
respect des règles de distancia­ point que l’enseigne aux au lendemain des levées de mesu­
tion sociale. 80 points de vente ne rouvrira res de confinement « parce qu’ils
Le personnel devra, ensuite, re­ que les plus rentables. ont pris conscience que certains
tirer les modèles de vêtements ju­ Les commerçants de mode di­ achats n’étaient pas utiles ». 
gés trop hivernaux et raccrocher sent toutefois être « impatients » juliette garnier

« Si les touristes ne reviennent


pas, on ne tiendra pas six mois »
A Berlin, les magasins, qui ont rouvert depuis le 22 avril, s’inquiètent

REPORTAGE joue sur la corde affective pour at­


tirer les consommateurs berli­
qu’on vend avec beaucoup de con­
seils personnalisés. Respecter tou­
berlin ­ correspondance
nois. Sur la vitrine, un petit texte jours la distanciation de deux mè­

S ur Rosenthaler Platz, à Ber­


lin, le trafic automobile est
un peu plus intense. Les piz­
zerias et les restaurants de bols de
quinoa aux légumes végans font
incite à soutenir le commerce lo­
cal en achetant des chèques ca­
deaux. Sabine, la chef du maga­
sin, les bras couverts de tatoua­
ges, veut rester confiante. « Le pre­
tres avec le client, c’est évidem­
ment compliqué », souligne­t­il. Il
a bien ouvert sa boutique en li­
gne, mais ce n’est pas la même
chose. « C’est rarement avanta­
de la vente à emporter. Les habi­ mier week­end, les gens sont geux pour nous. Les pièces revien­
tants du quartier viennent les revenus nombreux, on avait du nent tachées, inutilisables. Et la
manger sous la pluie rose des pé­ mal à faire respecter les distances concurrence livre sans frais de
tales de cerisiers du parc à côté, où de sécurité. Je crois qu’ils étaient port. On ne peut pas s’aligner. »
les poubelles débordent. Les qua­ contents de revoir du monde après Dans toutes les boutiques, les di­
tre hôtels de la place, eux, restent ces semaines de vide. » recteurs font le même constat.
inanimés. La Rosenthaler Platz, « Pour l’instant, l’ambiance n’est
un des hauts lieux de la vie touris­ « C’est moins sympathique » pas tellement aux achats de pro­
tique de la capitale, n’est plus un A l’entrée, elle a installé un distri­ duits de mode, mais cela va reve­
désert, mais elle a des allures pro­ buteur de désinfectant. Sur le sol, nir », espère M. Acebey. Il redoute
vinciales qu’on ne lui avait pas des bandes adhésives indiquent surtout les effets à long terme de
vues depuis une décennie. les distances de sécurité. Comme la crise due au coronavirus sur la
Depuis le 22 avril, les commerces dans les supermarchés et les vie berlinoise. « Les clubs, les res­
ont pu rouvrir, sous strictes condi­ pharmacies, un panneau de plexi­ taurants, les galeries, la vie noc­
tions d’hygiène et de distances de glas transparent a été accroché turne… tout cela repose sur une
sécurité. Autour de la place, beau­ au­dessus de la caisse pour sépa­ proximité assez étroite entre les
Pas d’épreuves cette année ? coup de boutiques ont repris leur
activité. La plupart vendent la
rer les clients des vendeurs, qui
portent malgré tout un masque
gens. C’est ça qui fait l’attrait de
Berlin. Si on le perd, est­ce que les
Faites quand même vos preuves ! même chose : des vêtements, des
accessoires de mode et de décora­
en permanence. « On ne peut pas
dire que ce soit agréable. C’est très
touristes vont revenir ? Quand
est­ce qu’on aura de nouveau en­
tion. Mais les jeunes touristes fatigant de respirer là­dessous, on core envie d’investir dans une te­
adeptes de produits de lifestyle qui fait souvent des pauses », dit Sa­ nue spéciale ? », s’interroge­t­il. En
les fréquentent d’habitude ne sont bine. « Et évidemment, c’est moins attendant, il espère que les pro­
En vente chez votre marchand de journaux ou sur lemonde.fr/boutique plus là. « C’est vide ! C’est vide ! Com­ sympathique dans les contacts priétaires immobiliers accepte­
bien de temps on va tenir comme avec les clients. » ront de négocier le loyer. Il s’in­
ça ? », se lamente Sarah, une ven­ Samuel Acebey, lui, ne porte pas quiète aussi pour l’écosystème
deuse, qui fume une cigarette au de masque, pour les mêmes rai­ fragile avec lequel il travaille. « Il
soleil. « Ici, les loyers sont très éle­ sons. A Berlin, il n’y a encore va falloir inventer des façons de
En coédition avec vés. Si les touristes ne reviennent aucune obligation de le faire dans soutenir les créateurs d’ici. Peut­
En partenariat avec pas, on ne tiendra pas six mois. Les les commerces. Avec son compa­ être en faisant des dons par les ré­
aides qu’on a reçues ne suffisent gnon, Thomas, il gère la boutique seaux sociaux ? Cela reste à inven­
pas du tout à couvrir tous les frais. Il Ge03, au numéro 6 de la Rosen­ ter pour que la vie culturelle ne s’ef­
y aura des faillites, c’est sûr. » thaler Straße. « Ici, nous propo­ fondre pas au profit des géants du
En regard des conséquences liées à la crise sanitaire, la MAIF, Le Monde et Rue des Ecoles offrent à toutes
les lycéennes et tous les lycéens le téléchargement de ces hors-série : revisersonbac.com Chez Schee, une grande bouti­ sons des vêtements de designers Web et des produits ultra­standar­
que qui vend essentiellement des berlinois. Ce sont des pièces spé­ disés fabriqués en Asie. » 
accessoires de décoration, on ciales, évidemment plus chères, cécile boutelet
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PERTES & PROFITS | CARBURANTS
Comment Amazon livre malgré par j ean­m ic hel bezat

la fermeture de ses entrepôts Le coup de pompe


des automobilistes
Le géant de l’e­commerce a fait appel à ses entrepôts en Europe, ainsi
qu’à ses agences de livraison dépendant d’une de ses filiales françaises Quel dommage ! A ce prix­là, on
referait volontiers un petit tour
flottante » est un lointain souve­
nir – et représente les quatrièmes
de « manège », bien calé au vo­ recettes budgétaires de l’Etat
lant de sa voiture. Le propos n’est français. Impossible de la réduire

I
l est rare qu’une enseigne que, d’Allemagne ou du Royaume­ des colis venus de l’étranger de­ pas très « écolo », mais c’est ce quand les recettes fiscales fon­
ferme tous ses entrepôts Uni, raconte Annie Palcy, repré­
Cette réaction puis le 14 avril. que pensent bon nombre d’auto­ dent sous l’effet de la récession.
français. C’est pourtant ce sentante syndicale CGT, em­ montre l’agilité Cette activité serait aujourd’hui mobilistes incapables de profiter Si l’essence ne valait plus rien à la
qu’Amazon a fait, après avoir ployée sur le site du Blanc­Mesnil. très réduite, note Amazon, mais de la forte baisse des prix des sortie des raffineries, il faudrait
été sommée, le 14 avril, par le tri­ Les autres agences de livraison si­
de la firme, elle a suscité le courroux des syn­ carburants en raison du confine­ encore payer entre 59 et 68 cen­
bunal de Nanterre (Hauts­de­ tuées plus au sud en France reçoi­ apôtre dicats de La Poste. « La capacité re­ ment instauré depuis la mi­mars. times par litre.
Seine), de réduire son activité à vent, elles, davantage de camions marquable d’Amazon à contour­ Elle s’est amplifiée la semaine
des produits essentiels, tant d’Espagne et d’Italie. »
de l’« obsession ner une décision judiciaire est, si­ dernière, selon le relevé hebdo­ Des prix bas qui vont durer
qu’elle n’aurait pas réévalué les ris­ En effet, Amazon a pu, grâce à client » non illégale, du moins scanda­ madaire publié, lundi 27 avril, Avant la pandémie due au coro­
ques liés au Covid­19. Il est plus in­ une particularité juridique, s’ap­ leuse », a dénoncé le 23 avril, par par le ministère de la transition navirus, le marché était déjà ex­
habituel encore qu’un distribu­ puyer sur un autre maillon de sa communiqué, SUD­Solidaires, écologique et solidaire. Carbu­ cédentaire en raison de la pro­
teur continue, malgré cela, de pro­ chaîne logistique française : ses direction. « Les employés de également auteur de la plainte rant encore préféré des Français, duction débridée des Etats­Unis,
poser tous types d’articles. Or, le quatre centres de tri (30 000 mè­ l’agence n’ont pas compris la déci­ qui a fait condamner l’entreprise. le gazole valait 1,194 euro le litre et soumis à de fortes tensions
géant du e­commerce y parvient : tres carrés chacun) et ses onze sion du tribunal. Ils se demandent La multinationale fait du « chan­ (– 1,91 centime par rapport à la politiques dans le golfe Arabo­
« Nos clients peuvent toujours agences de livraison (10 000 à pourquoi on devrait moins tra­ tage » à l’emploi en France, dé­ semaine du 13 avril), l’essence su­ Persique, ce qui expliquait ses
commander plusieurs millions de 13 000 mètres carrés), dont celle vailler », assure Mme Palcy. Pour nonce l’association écologiste Les per sans plomb 95 (SP95) mouvements de yo­yo entre 50
produits auprès des entreprises in­ du Blanc­Mesnil. En effet, ces sites elle, les mesures de sécurité (dis­ Amis de la Terre. « La fermeture des 1,245 euro (– 1,70 centime) et le et 70 dollars. Aujourd’hui, cuves
dépendantes qui vendent sur Ama­ ne dépendent pas, comme les tanciation sociale, gants, prise de sites français, c’est un coup politi­ sans­plomb 98 (SP98) 1,316 euro et tankers transformés en sites
zon et au travers de notre réseau lo­ grands entrepôts de stockage, température…) sont « satisfaisan­ que, dans le cadre d’un rapport de (– 1,97 centime). de stockage débordent d’or noir
gistique mondial », souligne son d’Amazon Logistique, mais tes ». A en croire la direction, tous force avec les syndicats et les politi­ Avec un baril de brent tombé à sans acheteurs.
communiqué du lundi 27 avril, an­ d’Amazon Transport, une autre fi­ les sites d’Amazon Transport ont ques », corrobore M. Foti. Amazon 19,70 dollars (18,22 euros) et un Ces prix bas du brut, et donc
nonçant la prolongation de la fer­ liale d’Amazon France. reçu des visites de l’inspection du le nie : « Nous ne faisons qu’appli­ WTI américain sous les 13 dollars, des carburants, vont sans doute
meture de ses sites jusqu’au 5 mai. travail et un seul a fait l’objet quer la décision du tribunal. » Selon les prix à la pompe restent très durer en 2020 et peut­être 2021.
Cette réaction montre l’agilité « Rapport de force » d’une mise en demeure, de­ le groupe, le montant de l’astreinte élevés en France (et en Europe) La consommation ne reprendra
de la multinationale de Jeff Bezos, Celle­ci n’est pas concernée par la puis levée. fixée par la justice en cas de livrai­ en raison de prélèvements fis­ que lentement. Les transhuman­
apôtre de « l’obsession client ». décision de justice obtenue par Quel volume d’activité Amazon son de produits n’appartenant pas caux qui représentent 60 % de ces estivales seront limitées, le
Mais aussi une forme de défiance, les représentants syndicaux de la arrive­t­il à maintenir ? D’après aux catégories essentielles listées ces prix. « Le poids des taxes fret routier redémarrera progres­
au dire de ses détracteurs. « Les première entité. Ce réseau permet Mme Palcy, l’agence du Blanc­Mes­ (hygiène, maison…) l’obligeait à amortit les variations, à la hausse sivement et les compagnies aé­
gens d’Amazon sont très imagina­ d’ordinaire à Amazon de gérer lui­ nil a d’abord tourné à 50 %, puis à fermer. Toutefois, la décision judi­ ou à la baisse », répète l’Union riennes ne retrouveront pas
tifs et pragmatiques. Ils savent même 20 % à 30 % des volumes is­ 30 %. Chez Amazon, on ne donne ciaire est « limitée à un pays, une ré­ française des industries pétroliè­ avant 2022 – au mieux – leur acti­
s’adapter de façon très réactive, ad­ sus de ses entrepôts, sans passer pas de chiffre global précis. Mais glementation », note­t­on. res, qui reporte sur un Etat glou­ vité d’avant­crise.
met Antoine Foti, secrétaire géné­ par des prestataires comme La on suggère qu’Amazon Transport Pour la suite, la direction insiste ton une bonne partie de la res­ En temps normal, une baisse
ral de l’union locale CGT du Blanc­ Poste. Les agences de livraison assure environ la moitié de son sur le fait que les mesures sanitai­ ponsabilité du coût des carbu­ de 10 dollars du brent gonfle la
Mesnil (Seine­Saint­Denis). C’est servent à « dispatcher » les colis volume habituel, avec toutefois res sont suffisantes sur ses sites rants. Le ministre de l’économie, croissance de 0,2 point à
un jeu du chat et de la souris. » vers les prestataires de transport, des délais de livraison « rallon­ français et que le tribunal a sur­ Bruno Le Maire, réclame une 0,4 point, selon l’Insee. Mais
Comment livrer avec des entre­ qui, eux, assurent le « dernier kilo­ gés ». Il y a en outre d’autres ca­ tout demandé que les syndicats baisse « symétrique » du brut et nous ne sommes pas « en temps
pôts fermés ? Chez Amazon, on mètre » jusqu’au client. Et pour­ naux dont on ne connaît pas l’ac­ soient davantage consultés sur de l’essence. normal ». Qui sait d’ailleurs si
dit sobrement s’être appuyé sur suivent aujourd’hui leur activité tivité : les vendeurs indépendants l’évaluation des risques. Dans ce Le ministre la sait pourtant il­ cette crise, qui a démontré la fra­
« la taille et la flexibilité » du ré­ grâce à Amazon, note l’entreprise. capables d’assurer leur logistique contexte, la discussion devrait re­ lusoire. Les recettes de la TVA à gilité du monde, ne modifiera
seau de l’entreprise, présente par­ Chez Amazon Transport, la pré­ sans passer par Amazon. Ceux­ci prendre mercredi, lors d’un co­ 20 % reculent avec la baisse des pas l’usage effréné des énergies
tout en Europe. Très vite après la sence syndicale est moins forte. sont certes minoritaires, mais l’e­ mité social et économique central. prix, mais pas la taxe intérieure fossiles, comme l’espèrent les
décision judiciaire du 14 avril, Au Blanc­Mesnil, M. Foti de­ commerce bénéficie du confine­ Mais dans la partie de poker en sur la consommation de pro­ partis et les associations écolo­
confirmée en appel le 24 avril, le mande la réduction de l’activité ment. Par ailleurs, La Poste, qui as­ cours, la poursuite partielle de l’ac­ duits énergétiques (TICPE), fixée gistes ? Et si un nombre croissant
vendeur en ligne a sollicité ses en­ aux produits essentiels, mais la sure généralement 20 % à 30 % tivité qu’Amazon a réussi à organi­ à 0,682 euro par litre de SP95 et d’automobilistes ne laisseront
trepôts étrangers. « Depuis, nous représentante du site a des posi­ des livraisons provenant des en­ ser lui donne une carte de plus.  0,594 euro pour le gazole. Elle est pas plus souvent leur voiture
recevons ici du volume de Belgi­ tions plus proches de celles de la trepôts d’Amazon, a aussi traité alexandre piquard désespérément fixe – la « TIPP au garage ? 

En Allemagne, une fraude massive La grande famille


aux « allocations coronavirus » de l’assurance se déchire
Face au Covid­19, mutuelles, assureurs et
Alors que des centaines de milliers d’autoentrepreneurs ont obtenu des aides publiques « bancassureurs » se rendent coup pour coup
depuis le début du confinement, de nombreux escrocs ont abusé de la générosité de l’Etat

berlin ­ correspondance Pour secourir au plus vite les


travailleurs indépendants privés
dûment versées à une « instagra­
meuse » de 22 ans.
douteux (sur plus
400 000 demandes) ont été blo­
de
D epuis le début de la crise
sanitaire, rien ne va plus
au sein de la Fédération
professionnels et PME couverts
contre les pertes d’exploitation,
marché sur lequel ils sont peu

L’ escroc n’avait pas fait les


choses à moitié. Après
que les autorités du Land
de Berlin eurent mis en place, le
27 mars, un programme d’aides
de revenu du fait de la pandémie,
le Land de Berlin avait, en effet,
allégé au maximum la procé­
dure : en quelques clics, le formu­
laire de demande d’allocation
Le problème est toutefois loin de
se limiter à la capitale allemande.
En Rhénanie­du­Nord­Westpha­
lie, l’étendue de la fraude était
telle que les autorités régionales
qués. La raison de cette vulnéra­
bilité était, là encore, la simplicité
de la procédure. Le gouverne­
ment régional s’en était
d’ailleurs vanté. « En Rhénanie­
française de l’assurance (FFA), le
lobby des assureurs. Sous le feu
des critiques, accusées de ne par­
ticiper suffisamment à l’effort de
solidarité nationale, les trois
présents. Une prime (de 1 500 à
20 000 euros) pour compenser
une partie des pertes de revenus
liées au Covid­19, alors que les épi­
démies sont exclues du champ
d’urgence pour les petites entre­ était envoyé. Mais cette simpli­ ont dû suspendre le versement du­Nord­Westphalie, il était possi­ grandes familles réunies au sein des garanties de la plupart des
prises et les travailleurs indépen­ cité présentait un inconvénient des aides d’urgence pendant une ble d’effectuer toute la démarche de la maison commune, à sa­ contrats d’assurance. Le Crédit
dants mis en difficulté par le Co­ majeur. « Il n’y a pas de contrôle semaine, du 9 au 16 avril. Dans le sur un formulaire en ligne, souli­ voir les mutualistes (Matmut, mutuel a ainsi mis en porte­à­
vid­19, ce Berlinois de 31 ans et pour vérifier l’identité du requé­ Land le plus peuplé d’Allemagne, gne Isabel Skierka, experte en cy­ MMA…), les sociétés anonymes faux le reste des acteurs, lesquels
son épouse avaient demandé en rant ou l’existence réelle de sa so­ des aigrefins avaient créé plus de bersécurité à l’institut ESMT de (AXA, Generali) et les banques dé­ affirment qu’ils ne peuvent pas
tout 80 000 euros de subventions ciété », a déploré Jochen Sind­ 100 fausses pages Internet imi­ Berlin. Dans d’autres Länder, les veloppées dans ce métier (les prendre en charge ces pertes. Le
pour sept sociétés de net­ berg, inspecteur en chef au LKA tant le site officiel de demande de demandeurs devaient d’abord té­ « bancassureurs ») se livrent une Crédit agricole, la Société géné­
toyage. Le couple avait obtenu de Berlin. subvention. Grâce à ces formulai­ lécharger le formulaire, puis l’en­ concurrence effrénée. rale, BPCE et MMA ont depuis fait
35 000 euros de l’IBB, la banque res frauduleux, les criminels ha­ voyer au ministère par courrier La rivalité a commencé lorsque le même geste.
publique d’investissement berli­ Un salafiste et une influenceuse meçonnaient les données confi­ électronique ou postal, souvent la mutuelle MAIF, après avoir
noise. Jeudi 23 avril, la justice a Grâce à la réactivité des banques, dentielles des requérants, puis les avec une preuve d’identité. » constaté une baisse de la sinistra­ Saisine du gendarme de la finance
placé le fraudeur en détention obligées par la loi de signaler tout utilisaient sur la page officielle A Hambourg, comme en région lité automobile d’environ 75 %, a Samedi, à la faveur d’un rebon­
provisoire. « Plusieurs de ces socié­ retrait d’espèces suspect, la police pour obtenir les aides publiques à rhénane, les autorités ont donc remboursé une partie des cotisa­ dissement inattendu, deux des
tés étaient fictives », a déclaré Nina berlinoise a pu rapidement iden­ leur place. renforcé les contrôles. Ainsi, l’IFB, tions à ses sociétaires, soit une vice­présidents de la fédération,
Thom, procureure générale du tifier quelques indélicats. Ainsi, le « J’en appelle aux citoyens : de la banque publique d’investisse­ trentaine d’euros. Certains assu­ Jean­Laurent Granier, patron de
Land de Berlin, à la radio publique LKA a d’ores et déjà saisi les grâce, évitez ces faux sites Web et ment du Land de Hambourg, a in­ reurs ont dénoncé un manque de Generali France, et Thierry Mar­
Deutschlandfunk. 18 000 euros de subvention per­ n’y saisissez pas vos données », troduit une procédure d’identifi­ « fair­play ». tel, à la tête du mutualiste Grou­
C’était la première arrestation çus par un prédicateur salafiste fi­ avait alors imploré Herbert Reul cation par vidéo pour les deman­ « La MAIF assure majoritaire­ pama, ont riposté, en demandant
pour fraude aux aides publiques ché par les services de renseigne­ (CDU), le ministre de l’intérieur deurs de l’« allocation corona ». ment des fonctionnaires, en auto la convocation en urgence de la
liées au coronavirus en Allema­ ment, ainsi que les allocations in­ du Land. Des sites d’hameçon­ Ceux­ci doivent désormais join­ et en habitation, les deux lignes de commission de déontologie de la
gne. Et il y en aura d’autres. nage, ou phishing, ont également dre des documents officiels à leur métier qui profitent de la crise. Ce FFA. Selon eux, la prime « pour­
Dans la capitale, la justice a fleuri en Saxe, ainsi qu’à Ham­ dossier. Pour les spécialistes, ces qui lui permet de rendre de l’argent rait potentiellement être considé­
d’ores et déjà lancé 46 procédures, bourg. Dans cette ville­Etat, les déboires sont révélateurs de fai­ à des clients qui n’ont pas de pro­ rée comme une campagne de
auxquelles s’ajoutent une cen­
En Rhénanie-du- autorités ont dû interrompre blesses bien allemandes. « Au ni­ blème de baisse de revenu », indi­ communication trompeuse et
taine d’enquêtes de la police cri­ Nord-Westphalie, toute demande de subvention les veau régional et fédéral, l’adminis­ que un assureur non mutualiste mensongère ».
minelle (LKA), pour un préjudice 15 et 16 avril. tration a pris des années de retard qui se trouve pénalisé par une Cela s’est doublé de la saisine de
estimé à 700 000 euros. C’est cer­
les autorités Cependant, la Rhénanie­du­ dans la transition numérique, juge sursinistralité sur son activité l’Autorité de contrôle prudentiel
tes une goutte d’eau par rapport régionales ont Nord­Westphalie est de loin la ré­ Mme Skierka. Or, le succès de cette santé et prévoyance. et de résolution (ACPR), le gen­
au 1,7 milliard d’euros d’« alloca­ gion la plus visée par ces sites transformation n’est pas qu’une Un nouvel épisode éruptif a se­ darme de la finance, par la fédéra­
tion corona » que l’IBB a versé à
dû suspendre d’hameçonnage. Selon les auto­ question de technologie, mais sur­ coué la FFA lorsque, mercredi tion des agents généraux d’assu­
200 000 autoentrepreneurs ber­ le versement rités régionales, entre 3 500 et tout de processus, de bonne ges­ 22 avril, le bancassureur Crédit rance. Le Crédit mutuel dénonce
linois en un temps record, mais le 4 000 utilisateurs ont été pris au tion et de coopération entre les dif­ mutuel et sa filiale CIC ont an­ une campagne injuste. La grande
nombre d’enquêtes s’accroît dé­
des aides durant piège de ces sites hébergés à férents acteurs. »  noncé le versement d’une prime famille se déchire. 
sormais tous les jours. une semaine l’étranger, et 20 000 dossiers jean­michel hauteville exceptionnelle à leurs assurés véronique chocron
20 | campus 0123
MERCREDI 29 AVRIL 2020

Le coronavirus bouleverse l’accès aux Sciences Po


La suppression du concours d’entrée dans les instituts d’études politiques a pris de court les étudiants

manière très sévère, alors je


trouve ça injuste », estime la jeune
femme, qui préparait cette année
le concours en solitaire, depuis sa
chambre du Crous, en parallèle
ENQUÊTE d’une licence de langues étrangè­
res appliquées. Boursière à un

P
our Solène, étudiante ni­ échelon élevé depuis le collège,
çoise de 19 ans, le monde Manon peut néanmoins voir une
s’est écroulé le 24 mars, lueur d’espoir. Le concours com­
une semaine après le dé­ mun appliquera, pour la première
but du confinement. Elle révisait fois et dans le cadre de son entrée
dans sa chambre la biographie sur Parcoursup, un quota de bour­
d’Edward Snowden, « un bon truc siers de l’enseignement scolaire.
à exploiter pour le thème du se­ Les IEP s’engagent à en comptabi­
cret », au programme du concours liser au moins 10 % parmi les ad­
des instituts d’études politiques mis (ils représentent 8 % des
(IEP), quand sa mère est entrée. candidats). « Les élèves boursiers
« Elle avait une tête d’enterre­ avec de très bonnes notes seront
ment. “Solène, je crois que ton les gagnants de ce système »,
concours est annulé.” Le choc. J’ai conclut Vincent Tiberj.
éclaté en sanglots. Ça faisait
deux ans que je m’y préparais. Un autre type de sélection
Depuis, je passe par des périodes Reste une question : et si, finale­
de colère, de tristesse. » ment, c’était l’occasion d’expéri­
En cette fin avril, le concours des menter un autre type de sélec­
sept « Sciences Po » de région tion, différente de celle opérée
aurait dû rassembler près de par les « concours à la française »,
10 000 candidats dans des salles alors que l’on voit les distorsions
d’examens à Lyon, Rennes, Lille et les souffrances que le sys­
ou Toulouse. Le coronavirus a tème peut créer ? S’il défend le
tout bousculé. Cette année, l’ad­ principe des concours, Pierre Ma­
mission ne se jouera pas sur la thiot le reconnaît : « On est curieux
qualité de copies anonymes trai­ de voir à quoi va ressembler cette
tant de la « notion de mé­ promo. » Il affirme néanmoins
moire nationale » ou de la « puis­ que le réseau des IEP pourrait être
sance diplomatique chinoise », ANNA WANDA GOGUSEY amené à prendre davantage en
produites un même samedi compte, à partir de 2022, les notes
de printemps sur des tables espa­ des lycéens. Il espère aussi que
cées d’un mètre. rées reflètent une vraie peur du dé­ tée du jeu. « Au lycée, j’ai fait S confinement, aurait trop favorisé les admis de cette année, faute
Les instituts ont décidé de sélec­ classement social dans certaines
Beaucoup alors que ce ne sont pas les ceux qui peuvent se faire aider par de pouvoir revendiquer leur
tionner en fonction de notes familles », observe Pierre Mathiot. de candidats matières que je préférais. On va leur famille, argue­t­il. réussite à un concours, vont
des bulletins de 1re et terminale, Responsable de la prépa aux IEP me juger sur mes notes en physi­ Mais le sujet de crispation moins « se reposer sur leurs lau­
moulinées par un algorithme de l’université de Rouen, Marion
racontent qu’ils que, alors que je veux faire Scien­ majeur renvoie à la notation, qui riers » une fois entrés…
créé « en urgence ». Des résultats Charpenel reconnaît qu’elle a dû ont « sacrifié » ces Po… Cette année, j’ai de très varie d’un établissement, voire Sélectionner sur dossier plutôt
qui jusqu’ici n’étaient pas pris en faire « beaucoup d’accompagne­ bons résultats, et statistiquement, d’une classe, à l’autre. « Dans cer­ que sur des épreuves écrites,
compte : le concours mettait les ment psychologique, pour aider
leurs résultats au vu des taux de réussite de ma tains lycées, à 15­16, vous êtes excel­ valoriser les parcours individuels
compteurs à zéro. Si une poignée les étudiants à gérer l’immense de terminale prépa, je devais entrer. » lent. Dans d’autres, les excellents plutôt que la capacité à réussir un
d’excellents élèves s’en réjouis­ déception, les angoisses », dans les Beaucoup de ceux que nous ont 19 de moyenne », observe exercice. « Finalement, le coro­
sent, pour la majorité la pilule a jours qui ont suivi l’annonce.
pour préparer avons interrogés racontent qu’ils Vincent Tiberj, de Sciences Po navirus ne fait qu’accentuer un
du mal à passer. « Ce sont de bons étudiants qui ce concours ont « sacrifié » leurs résultats de Bordeaux, institut qui n’appar­ processus engagé depuis une di­
Pour comprendre l’enjeu, il faut pendant un ou deux ans se sont terminale pour préparer ce tient pas au concours commun et zaine d’années dans l’enseigne­
mesurer l’intense compétition donnés à fond. Ça a été clairement concours. Solène, qui avait « entre qui pratique pour la première fois ment supérieur, où l’on valorise
qui se joue à l’entrée de ces écoles un gros coup dur », témoigne 12 et 14 » de moyenne dans son une sélection sur dossier. « Ces plus le potentiel et moins le mérite
universitaires, devenus hyper­ l’enseignante­chercheuse. exigeante terminale « section différences de notation ont un im­ ou un stock de connaissances »,
attractives et sélectives depuis le européenne », n’a carrément pact majeur sur les processus de observe Annabelle Allouch, ensei­
début des années 2000. En 2019, Pétitions, déceptions « pas passé [ses] partiels » de sélection », observe­t­il. gnante­chercheuse en sociologie
seulement 14 % des postulants Le principe même d’une sélec­ licence de droit au premier se­ à l’université de Picardie, auteure
avaient décroché une place à ce tion en fonction de notes du lycée mestre pour se préparer. Idem Des coefficients « maison » de La Société du concours (Seuil,
concours, ouvert aux bacheliers est au cœur des critiques des pour Canelle, qui bûche le Conscients de ce secret de Polichi­ 2017). Une tendance globale, alors
de l’année et à ceux de l’année candidats, qui s’expriment sur concours à Rennes depuis un an : nelle, certains établissements ou que la sélection se joue de plus en
précédente (ces derniers repré­ des forums, des réseaux sociaux, « Ce qui est injuste, c’est que cer­ prépas attribuent des coefficients plus sur l’expression orale, la
sentent deux tiers des admis). des pétitions en ligne (l’une a at­ taines personnes se sont inscrites « maison » aux dossiers des can­ capacité à se projeter, à s’adapter
Beaucoup commencent à s’y pré­ teint 3 000 signatures). Certains au concours sans l’avoir préparé, didats selon le niveau estimé de et à se distinguer, à être complé­
parer dès la 1re, et après le bac y auraient préféré sortir du et que si elles ont des meilleu­ leur lycée d’origine. L’université mentaire plutôt qu’identique à
consacrent une année supplé­ calendrier Parcoursup et décaler res notes que nous au lycée, elles Paris­Dauphine, par exemple, ceux de sa promotion. « Ce que
mentaire dans une prépa, en pa­ les épreuves à fin juin, comme seront admises. » Pour tenter classe les lycées de France en sept cherchent les établissements, ce
rallèle d’une licence, ou en l’ont fait les grandes écoles post­ d’apaiser les frustrations, le con­ groupes, en fonction… des résul­ sont des jeunes qui savent s’ins­
candidat libre, avec parfois l’appui prépa ou les écoles normales cours commun a annoncé le tats obtenus par les élèves issus de crire dans un projet, dans un
de cours en ligne, examens supérieures. 15 avril la possibilité de proposer, ces lycées et entrés à Dauphine au parcours, car c’est ce qui est de­
blancs, stages pendant les vacan­ De fait, avec un tel taux de sélec­ en 2021, environ 70 places aux cours des années passées. mandé aux cadres dans le monde
ces, coachs… Tous les moyens tion, il y a fort à parier que les bacheliers 2019 qui ne seraient Le réseau IEP n’a pas souhaité du travail – des travailleurs adap­
sont bons pour se démarquer lauréats seront tout simplement pas reçus cette année. s’engager dans cette cuisine et as­ tables », observe Annabel Allouch.
dans cette compétition. ceux qui affichent depuis la classe Au­delà des controverses liées sume son parti pris, qui pourrait Sciences Po Paris incarne ce
« Quand vous vous préparez de de 1re des moyennes de 16 /20 ou aux coefficients appliqués et aux apporter plus de diversité géogra­ mouvement : l’établissement a
manière intense à des Jeux olympi­ 17/20 (et qui sont nombreux matières prises en compte dans phique et sociale chez les admis. annoncé la suppression du
ques et qu’on vous annonce au parmi les candidats) au détriment l’algorithme créé en urgence par Ainsi, un 16 à Louis­le­Grand sera concours à partir de 2021, au pro­
dernier moment que ceux­ci sont de bons élèves qui tournaient les IEP, beaucoup s’offusquent équivalent à un 16 dans un lycée fit d’une sélection sur oral et dos­
annulés, et que ce sont les épreuves autour de 13/20 ou 14/20 et qui aussi de la décision de ne pas rural du centre de la France. Ces sier. L’édition des épreuves écrites
d’entraînement qui vont compter, avaient tout misé sur le concours, demander de CV ou de lettre de notes seront toutefois « redres­ a eu lieu fin février. Même déci­
forcément c’est douloureux », aidés ou pas. motivation aux candidats – une sées » en fonction de la place de sion pour l’IEP de Bordeaux, qui a
admet Pierre Mathiot, le directeur « On est sélectionnés sur des possibilité pourtant offerte dans l’élève dans la classe. Avec une franchi le cap, tout en intégrant
de l’IEP de Lille, et porte­parole du résultats qui ne nous représentent la procédure Parcoursup. « Si cer­ faille : Parcoursup ne renseigne Parcoursup. L’effet sur son attrac­
concours commun. La déception plus aujourd’hui », se désole tains ont fait des lettres de motiva­ pas systématiquement le nombre tivité a été immédiat : son nom­
est à la hauteur des attentes et des Chloé, en prépa Sciences Po à tion, nous ne les regarderons pas », de personnes classées. bre de candidats a doublé. Quant
sacrifices consentis. « Il existe une Notre­Dame des Minimes, à Lyon. assume Pierre Mathiot. Trop Pas de quoi rassurer Manon, qui aux oraux, ils ont été supprimés
forte croyance dans les titres of­ Ses parents, qui vivent à Annecy, compliquées à évaluer, selon lui. malgré sa mention très bien au en raison de la pandémie. De quoi
ferts par les concours, comme s’ils lui ont payé cette formation, De plus, en si peu de temps, bac en 2019, n’avait « que » 13 de renforcer, plus que jamais, le
étaient des garanties de réussite un logement. Elle avait 13/20 de demander aux jeunes de faire moyenne pendant l’année. « J’ai poids des bulletins du lycée. 
absolues… Ces attentes démesu­ moyenne au lycée et se sent écar­ une telle lettre, dans le cadre du été dans un lycée privé qui note de jessica gourdon

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MERCREDI 29 AVRIL 2020 disparitions | 21

Robert
L’homme réfute la construction
d’un personnage. Dans son auto­
En 1979. biographie, il assure avoir décou­
ALAIN DE MARTIGNAC/ICON SPORT vert la signification de son sur­
VIA GETTY IMAGES nom « en planchant sur des mots

Herbin
croisés » en 1983. Il tique sur le
sens figuré du sphinx donné
par son dictionnaire : « Person­
nage énigmatique figé dans une
attitude mystérieuse. » Selon lui,

Entraîneur c’est mal le connaître : « Je pense


que l’on a souvent confondu
mon souci de protéger mes

de football joueurs avec un certain attrait


pour le mystère. »
En 1979, Rocher rêve toujours
de soulever la « Coupe aux gran­
des oreilles » (la Coupe d’Europe
des clubs champions) et sort son
chéquier pour recruter Michel

C
e 13 mai 1976, la France Herbin est pourtant né, le Platini et le Néerlandais Johnny
célèbre ses glorieux per­ 30 mars 1939, loin du Forez et de Rep. Un recrutement ronflant, ef­
dants. A l’initiative du ses mines. Sa famille vit au fectué dans le dos de Robert Her­
journaliste de France In­ 99, quai de la Loire, dans le bin, peu à son aise avec les stars.
ter Jacques Vendroux, un cortège 19e arrondissement, à Paris. Il y Le début de la fin. Malgré d’autres
de R5 vertes (décapotables) des­ verra un signe plus tard. « Pou­ soirées européennes mémora­
cend les Champs­Elysées. Avec vais­je imaginer que ce quai me bles (comme ce 5­0 contre Ham­
son casque de cheveux roux, Ro­ conduirait dix­huit ans plus tard bourg en 1980) et un titre de
bert Herbin est impossible à rater, dans le département de la Loire champion en 1981, le charme est
même au milieu d’une foule de pour y accomplir l’essentiel de rompu. En mars 1982, le scandale
100 000 personnes. ma carrière ? », écrit­il dans son de la « caisse noire » emporte
L’entraîneur de l’AS Saint­ autobiographie, On m’appelle le tout sur son passage.
Etienne signe bien quelques Sphinx, publiée en 1983 chez
autographes, mais le cœur n’y est Robert Laffont. Autorité morale
pas. « J’avais l’impression d’être Jeune milieu de terrain doté Rocher joue d’abord les offus­
ailleurs. A l’Elysée, je ne me sou­ d’une détente fantastique et qués. « L’AS Saint­Etienne a été ma
viens même plus de ce que nous d’une frappe puissante, le Pari­ maîtresse pendant vingt et un ans,
a dit le président. C’était qui, sien s’engage avec l’AS Saint­ est­ce qu’un homme vole dans le
d’ailleurs, à l’époque ? Giscard ? », Etienne en 1957 et participe aux sac de sa maîtresse ? » En réalité, il
racontera­t­il bien des années premiers succès du club, avec les a soustrait des services des im­
plus tard. Jamais il n’a revu ce quatre titres de champion, entre pôts certaines recettes (billette­
match de la veille, cette finale de 1967 et 1970. rie, buvette) pour assurer le train
Coupe d’Europe des clubs cham­ de vie du club et gonfler certains
pions perdue contre le Bayern 23 sélections avec les Bleus salaires. A commencer par celui
Munich (0­1) à Glasgow. A quoi C’est l’époque des Keita, Bereta, de son entraîneur. Le 1er juin 1990,
bon ? Les poteaux de l’Hampden Bosquier, Carnus, Mekloufi, et Herbin est condamné à six mois
Park seront toujours carrés et le Robert Herbin, en bon capitaine, de prison avec sursis.
réalisme toujours allemand. pense qu’on n’a jamais vu mieux Sept ans plus tôt, il était débar­
Agé de 81 ans, Robert Herbin est à Geoffroy­Guichard. Reposi­ qué par une nouvelle direction
mort lundi 27 avril à Saint­ tionné en défense, il a gagné en derrière laquelle planait encore
Etienne. Il souffrait de problèmes autorité ce qu’il a perdu en quali­ l’ombre de Rocher et de son éter­
cardiaques et pulmonaires et vi­ tés physiques depuis le tacle vi­ nelle pipe. Robert Herbin a
vait seul dans sa maison de L’Etrat cieux de Nobby Stiles, cet Anglais 43 ans, mais ses plus belles an­
(Loire), où cet amateur de Wagner édenté, lors de la Coupe du nées d’entraîneur lui tournent
écoutait de la musique classique monde en 1966. Avec les Bleus, déjà le dos. Son retour sur le banc
avec la seule compagnie de son Herbin (23 sélections) est mal des Verts, entre 1987 et 1990, ne
chien. Sans nouvelles de lui, sa tombé. L’équipe de France n’est permet pas raviver la flamme
sœur avait alerté la gendarmerie, jamais qu’au milieu du désert de d’un club désormais prisonnier
qui avait découvert, le 21 avril, ce­ résultats qu’elle traverse. Il y a de sa nostalgie.
lui qu’on surnommait « le une place à prendre dans les Depuis, Robert Herbin planait
Sphinx » déshydraté et dans l’in­ cœurs, et Saint­Etienne va la sai­ comme une autorité morale, par­
capacité de se déplacer. sir au milieu des années 1970. fois vacharde, sur la vie des Verts,
Sous ses ordres, les Verts ont Président ambitieux, Roger Ro­ qu’il chroniquait dans Le Progrès.
bien été « les plus forts » dans les cher propose à Herbin de rempla­ Buenos Aires, et le gardien, Ivan Guichard, tout devient possible ; 30 MARS 1939 Naissance Son avis était autant attendu par
années 1970. Au romantisme de la cer son mentor, Albert Batteux, Curkovic, en Yougoslavie. Bien­ même rattraper et effacer deux à Paris les supporteurs que redouté par
défaite, Herbin préférerait qu’on comme entraîneur en 1972. A tôt, ses Verts s’invitent dans les buts de retard face au Dynamo 1967-1970 Champion de les dirigeants, qui menaçaient par­
retienne les victoires, ses quatre 33 ans, le jeune technicien ne jure salons et sur les télés couleur des Kiev d’Oleg Blokhine, même voir France avec Saint-Etienne fois de lui fermer l’accès au centre
championnats gagnés et ses trois que par les produits locaux. Avec foyers français. Split, Chorzow, un Rocheteau (blessé à une 1972-1983 Entraîne d’entraînement de L’Etrat, tout
Coupes de France en onze ans les Janvion, Lopez, Bathenay, Kiev ou Eindhoven, les noms cuisse et incapable de courir) ins­ l’AS Saint-Etienne proche de chez lui. Fatigué par ses
passés sur le banc stéphanois, en­ Santini, Rocheteau et les frères des adversaires battus sonnent crire le but de la qualification. 1976 Défaite en finale problèmes de santé ces dernières
tre 1972 et 1983. S’il a entraîné par Revelli déjà présents, il a plutôt encore comme des batailles na­ Mais ce 17 mars 1976, Herbin of­ de la Coupe d’Europe années, cet éternel fumeur de ci­
la suite le Red Star et Strasbourg, la main heureuse. Pour le reste, poléoniennes. fre encore ce visage impassible. 27 AVRIL 2020 Mort gares ne venait plus promener son
ou encore en Arabie saoudite et il fait confiance au réseau de La France aime cette équipe, Comme si la ferveur glissait sur à Saint-Etienne chien aux abords des terrains. « Le
même l’ennemi lyonnais, entre Pierre Garonnaire (qui invente parfois laborieuse, mais capable lui. Secret, il compte ses mots Sphinx » s’en était retourné pour
1983 et 1985, il reste l’homme d’un le métier de recruteur) pour dé­ des retournements les plus fous. avec ses joueurs et encore plus de bon à ses énigmes. 
club, d’une ville : Saint­Etienne. nicher un Oswaldo Piazza, à Dans le Chaudron de Geoffroy­ devant les journalistes. alexandre pedro

Emmanuelle Boussard­Verrechia
Avocate

E
lle avait choisi son camp : alors qu’elle poursuit sa forma­ 6 JUIN 1965 Naissance était complémentaires, chacun fi­ prend part à un long feuilleton, 2017, dans un litige impliquant le
la défense des salariés vic­ tion, à la fin des années 1980. L’ex­ à Angers nissait les phrases de l’autre, té­ tout droit surgi de la IVe Républi­ motoriste Safran Aircraft Engines.
times d’atteintes à leurs militant révolutionnaire, devenu 1989 Entre au cabinet moigne François Clerc. Ma charge que : la défense des mineurs – ou « Elle était d’une honnêteté intel­
droits. Pendant près de avocat spécialisé en droit du tra­ Tiennot Grumbach, était d’établir des éléments de fait de leurs ayants droit – licenciés lectuelle et morale exceptionnelle,
trente ans, elle a guerroyé dans les vail, est un mentor pour elle : « Il spécialisé dans le droit qu’elle traduisait en droit. On s’est en 1948 pour faits de grève. Un confie Antoine Lyon­Caen, profes­
tribunaux contre des centaines m’a éduquée professionnelle­ du travail construit ensemble. » dossier hors du commun, gagné seur émérite à l’université Paris­
d’employeurs, faisant mordre la ment », avait­elle coutume de 1994 Ouvre son cabinet en appel, perdu en cassation, Nanterre. Elle a compris avec beau­
poussière à des entreprises de très dire. C’est ainsi qu’elle rejoint les à Versailles Victoire politique mais qui se solde finalement par coup de perspicacité les mouve­
grande envergure : Renault, Bouy­ « avocamarades », néologisme 14 AVRIL 2020 Mort Le tandem obtient gain de cause à une victoire politique, grâce à un ments qui animent le monde du
gues Telecom, Airbus… Son nom forgé par Grumbach pour dési­ à Paris maintes reprises, avec quelques amendement au budget 2015, travail. » « Emmanuelle Boussard­
restera associé à la lutte contre les gner une confrérie qui a choisi de décisions marquantes. Ainsi, en porté par Christiane Taubira, Verrecchia était une pionnière de la
discriminations dans le monde du se mettre au service des tra­ mai 2010, la cour d’appel de Paris alors garde des sceaux, prévoyant lutte contre les discriminations, à
travail. L’avocate Emmanuelle vailleuses et des travailleurs. condamne BNP Paribas à verser l’indemnisation des « gueules laquelle elle a apporté une inesti­
Boussard­Verrecchia est morte, le Peu après s’être installée, fin 351 000 euros à une ancienne sa­ noires » ou de leurs descendants. mable contribution, renchérit Pas­
14 avril, à Paris, à l’âge de 54 ans, 1994, à Versailles, elle prête très lariée du « pôle banque d’investis­ Régulièrement invitée à des col­ cal Lokiec, professeur à la Sor­
des suites d’un cancer. La dispari­ vite assistance à des délégués syn­ sement et de financement », dont loques, « l’avocamarade » joue un bonne et président de l’Associa­
tion de cette juriste engagée et at­ dicaux et à des élus du personnel la carrière avait stagné après son rôle important dans l’émergence tion française de droit du travail.
tachante a suscité une très grande ostracisés par leur hiérarchie. Elle retour de congé maternité. Un ar­ de l’action de groupe contre les Elle a fait preuve d’un courage hors
tristesse dans les rangs du Syndi­ rencontre François Clerc, un pilier rêt salué, à l’époque, par la discriminations au travail : mise pair dans les combats juridiques
cat des avocats de France (SAF) de la fédération CGT de la métal­ Haute Autorité de lutte contre les en place par une loi de 2016, cette qu’elle a menés tout au long de
– dont elle était membre – et chez lurgie, qui a élaboré une méthode discriminations et pour l’égalité procédure permet aux syndicats sa carrière. » Son cabinet, qu’elle
de nombreux syndicalistes, qu’elle pour objectiver les discrimina­ (Halde). « Elle s’est battue comme de saisir la justice, pour le compte avait transmis peu avant de mou­
a accompagnés dans leurs luttes. tions. C’est le début d’une compli­ une lionne dans cette affaire », rap­ de personnes s’estimant injuste­ rir à Me Clara Gandin et à Me Xa­
Née à Angers le 6 juin 1965, elle cité très forte, qui va les conduire, porte Me Rachel Saada, une figure ment traitées par une entreprise. vier Sauvignet, continuera de por­
entre, sur la suggestion de son durant plus de vingt ans, à « bû­ du SAF, qui était une de ses amies. Conseillée – entre autres – par Em­ ter son nom. 
père, magistrat, dans le cabinet de cher » ensemble sur des injusti­ Avec trois autres confrères, Em­ manuelle Boussard­Verrecchia, la francine aizicovici
Tiennot Grumbach, à Versailles, ces. « On s’est rendu compte qu’on manuelle Boussard­Verrecchia CGT­métallurgie y a recours en et bertrand bissuel
HORIZONS
0123
22 | MERCREDI 29 AVRIL 2020

Avec les invisibles


de la Pitié-Salpêtrière
Dans ce texte écrit pour « Le Monde », l’écrivain
RÉCIT Sylvain Tesson plonge dans les coulisses de cet hôpital Les piles montent au plafond. Quinze maga­
siniers zigzaguent entre les amoncellements
parisien où s’active, en soutien des soignants, de blouses chirurgicales confectionnées

V
ous n’êtes pas un rouage es­ artisanalement et les bacs jaunes destinés à
sentiel. » Le premier jour du toute une « armée des ombres », composée d’employés recevoir les déchets infectieux. Le flux ne ta­
confinement, Bertrand Pi­ rit pas. « Nous sommes devenus une logisti­
vert, jardinier en chef de la et de bénévoles, auxquels il rend hommage que de distribution, explique Jocelyne Jouch­
Pitié­Salpêtrière, s’est en­ ter, coordinatrice logistique de l’hôpital, de­
tendu signifier qu’il pouvait puis trente­sept ans à l’AP­HP. Le système ne
remiser ses râteaux dans la serre, au nord du nous permet pas d’entretenir du stock : ce n’est
terrain de l’hôpital, le long de la voie de che­ pas rentable ! » Patrick Tilleul, chef de service
min de fer de la gare d’Austerlitz. C’est la mi­ Les applaudissements du soir sont la nou­ de la pharmacie, formule la conversion pro­
mars, la peste gagne, le monde entier se re­ velle liturgie laïque de la France. L’air claque, est fait pour faire. Si tu n’es fait pour rien, gressive du service public à la doctrine libé­
plie, la France n’a pas besoin de pivoines. on dirait que des colombes s’envolent. Hors tu n’as pas de devoir. » rale de la circulation permanente avec un
Tout juste quelques­uns des dix jardiniers de la Coupe du monde de football, les Français Depuis un mois et demi, les Français en­ bonheur de philosophe chinois : « Parfois,
l’équipe sont­ils requis pour participer à ne sont pas habitués à saluer une cause com­ tendent à nouveau tonner le mot « hé­ nous n’avons pas plus de 48 heures de stock
l’immense chambardement de la Pitié. Les mune. Le personnel hospitalier s’avoue sen­ roïsme » dans les commentaires politiques. de certains médicaments. Nous marchons
malades affluent, les premiers morts tom­ sible à l’ovation. C’est la première fois qu’on Jusqu’alors, il était l’apanage de l’armée. sur des nénuphars ! »
bent. Le Covid fait sa moisson. En quelques lui décoche autre chose que des récrimina­ Mais les militaires ont dû accepter qu’une Dans le hall d’entrée de la plate­forme, les
heures, des unités médicales destinées à tions. Car parmi les souffrances des forces guerre déclarée se déroulât sans eux. Or, magasiniers disposent des produits de pre­
d’autres soins sont transformées en « zones vives de l’hôpital, il y a le sentiment de la dans les unités et les services de la Pitié, tech­ mière nécessité, que les aides­soignants
Covid ». Il faut des bras pour réaménager les dégradation des rapports humains élémen­ niciens, cadres, logisticiens, hygiénistes, lin­ viennent percevoir d’eux­mêmes sans s’en­
lieux car le directeur général de la santé, taires. Il est devenu commun de se parler gères s’accordent à la définition de Lucile. Ils combrer des démarches administratives.
Jérôme Salomon, a fixé la stratégie d’« ouver­ comme des chiens depuis que l’on vit tempèrent la référence à l’héroïsme public Grégory respire : « Un mois plus tard, nous
ture de lits partout où on le pourra ». comme des fous. « Aujourd’hui, beaucoup de par le rappel de leur devoir privé. Ainsi, Véro­ maîtrisons la demande, mais, pendant les
Un mois plus tard, la vague retombe et les patients prennent le soin pour un dû. On nique, secrétaire hospitalière en pneumolo­ premiers jours, on a frôlé le crash ; et si la lo­
jardiniers, en équipes réduites, commencent entend davantage les exigences que les remer­ gie, constate : « La boule au ventre disparaît gistique tombait, cela aurait été l’apocalypse !
de nouveau à fleurir les 8 hectares de jardins ciements ! », dit Aurélie, secrétaire du service lorsqu’on se sent utile. » Ana, jeune prépara­ Je restais le soir pour garder les masques dans
de la Pitié. « J’injecte de la couleur dans le plan du professeur Combes. trice pharmaceutique, déduit : « Si nous nous une salle scellée. A la fin, j’avais l’impression
blanc », dit Pivert, qui aime les fleurs orange. Après la scène du balcon, quand les applau­ désistons, comment l’hôpital tiendrait­il ? » de protéger de l’or. » Un manutentionnaire
Une radiologue s’est mise à disposition dissements se taisent (à l’heure où commen­ Lucienne, agent des services de restauration, traverse la réserve en poussant un diable
pour assurer une garde d’infirmière­réani­ cent les discours présidentiels, c’est­à­dire à prend sa pause au soleil sur un banc d’un chargé d’une cargaison de filtres. « Lui, c’est
matrice. Lorsqu’elle sort épuisée de sa plon­ 20 h 02), une question reste en suspens. Qui jardin et parle comme une prophétesse des Martin, un polytechnicien en troisième année,
gée en plein « Covidland », elle regarde les tu­ applaudit­on ? Et que recouvre ce vocable de Caraïbes : « La peur détruit, l’amour l’emporte. il s’est porté volontaire pour nous rejoindre. Il
lipes se balancer dans l’aube, plantées le long synthèse nouvellement apparu : le « soi­ Il faut se dévouer : un jour ce sera notre tour ! » devait faire son stage à l’ambassade des Etats­
des allées du parc de la Hauteur. Pivert gnant » ? Désigne­t­on par là l’ouvrier du ser­ Et cet électricien du service technique – bleu Unis, aujourd’hui, il empile des caisses venues
s’étonne : « A la Pitié, étrangement, personne vice technique qui bâtit en une nuit des éta­ de travail, langue d’Audiard et souhait d’ano­ de Chine. » Agent de la circulation globale :
ne se doute qu’il y a des jardiniers. » gères dans la chambre mortuaire pour rece­ nymat – lance : « Rien de changé pour moi, destin d’un X au XXIe siècle.
Les fleurs boivent le soleil. Les jardiniers voir les cercueils ? Le directeur technique qui quand on choisit l’hosto, on va chercher le
restent dans l’ombre. La Pitié­Salpêtrière, accepte de brûler les protocoles administra­ “crobe”. » Les vrais serviteurs de l’héroïsme L’IMPÉRITIE DES POUVOIRS PUBLICS
ville à l’intérieur de la capitale, avec ses rues, tifs pour accélérer les décisions ? La blanchis­ ne prononcent pas le mot. Le bavardage s’ar­ Par­dessus les frondaisons de marronniers
ses souterrains et ses secrets gardés par une seuse de la Pitié qui brasse chaque jour, dans rête aux murs de l’hôpital. du parc de la Hauteur, flotte la belle coupole
enceinte, est comme tous les organismes : les ateliers semi­automatisés, 25 tonnes de Les pathologies pulmonaires ne sont pas XVIIe de la chapelle Saint­Louis de la Salpê­
elle est constituée de pièces invisibles. C’est draps infectés de tous les bacilles de l’Ile­de­ inédites à la Pitié. Pas plus que la violence trière. L’aumônerie est fermée. Dieu aurait­il
le drame des roues dentées de la montre. El­ France ? Le préparateur pharmaceutique LUCIENNE, AGENTE  des crises. Dans l’histoire contemporaine, la abandonné les hommes ? A la Révolution,
les tournent par milliers. Seules les aiguilles sommé de pourvoir en urgence les placards DES SERVICES  succession des catastrophes pourrait servir on convertissait les églises en dépôt de
montrent l’heure. Qui connaît les organes de des « unités Covid » ? Le kiné qui rééduque de définition à la notion de progrès. « J’étais munitions. Au temps de la peste de 2020,
son propre corps ? les fonctions respiratoires des survivants ? DE RESTAURATION,  là pendant la canicule de 2003, j’étais de garde la transformation de la chapelle aura été
L’hygiéniste qui s’échine à habituer les trou­ encore le soir du Bataclan », se souvient plus conforme à la vertu chrétienne. L’édi­
LA VALSE BLANCHE DES HIÉRARCHIES pes aux « gestes barrières » ? A qui s’adresse PARLE COMME  Nathalie Nion, cadre administratif d’Eole. fice abrite un stock logistique. Le matériel of­
A la Pitié (1 500 lits en temps normal), les l’offrande abstraite de l’ovation, plus volatile Mais la particularité inédite du Covid est la fert à l’AP­HP y est cantonné. Les caisses de
10 000 employés de l’AP­HP exercent des que l’encens, semée dans l’air du soir, sans
UNE PROPHÉTESSE  magnitude de sa propagation. Ce virus a tout dons sont acheminées par le portail central.
métiers insoupçonnés. Tous ont été requis objet désigné ni récipiendaire identifié ? DES CARAÏBES :  d’un phénomène moderne : massif, rapide, Sous la lumière des transepts, un commer­
pour « armer des lits Covid ». Tous ne sont Dans l’unité Eole de médecine intensive et global, incontrôlable. « La difficulté a davan­ cial d’entreprise, Thomas, coordonne les
pas capables d’intuber un mourant. Mais de réanimation (32 lits « armés Covid » sur « LA PEUR DÉTRUIT,  tage tenu dans le degré de la crise que dans équipes de bénévoles qui charrient les palet­
tous se considèrent comme un « maillon de les 123 de la Pitié), où furent accueillis les pre­ sa nature, confirme le professeur Demoule. tes. Deux étudiantes poussent un diable en­
la chaîne du soin ». L’électricien, la lingère, miers patients de l’infection à la fin du mois L’AMOUR L’EMPORTE.  Nous luttons contre le débordement. » tre les bénitiers. « Ici, on stocke les mas­
le cadre administratif, la standardiste, le de février, le chef de service, Alexandre IL FAUT SE DÉVOUER :  L’afflux de patients a commencé à la mi­ ques FFP2 ; ici, les gels offerts par L’Oréal ; ici,
technicien d’équipement biomédical, Demoule, patine dans les couloirs, avec ses mars et culminé au début d’avril : la « pre­ des visières fabriquées sur une impri­
l’agent de sécurité, la manipulatrice radiolo­ surchaussures de protection, à l’heure de la UN JOUR CE SERA  mière vague », en Covid­novlangue. La viro­ mante 3D ; ici, des masques fournis par
gique… forment une troupe dont les élé­ visite. Les patients luttent contre l’asphyxie, logie n’étant pas l’océanographie, personne l’Eglise de Chine. On surveille les accès car
ments disparates et cloisonnés se cô­ le corps hérissé de tubes. Un système d’oxy­ NOTRE TOUR ! » ne sait s’il y en aura une deuxième. L’arrivée tout ce matériel, c’est l’arme du moment. »
toyaient sans se connaître. Le virus a eu le génation compose un poumon artificiel qui subite et massive de patients en détresse res­ Et dans le silence des pierres blondes trô­
mérite de faire sauter les cloisons. Dans la maintient en vie le corps inconscient. Au piratoire a ébranlé tous les services et mis nent les cartons plastifiés, nouveaux taber­
fièvre des premières heures, on se découvre, chevet de ces pieuvres de chair et de canules sous tension les plates­formes logistiques nacles de la crise universelle.
on collabore. Un chirurgien­dentiste joue s’affairent des infirmières masquées. de l’hôpital. Sous le général de Gaulle, l’in­ En biologie darwinienne, la réponse d’un
les brancardiers. Un chef de service déplace tendance était faite pour suivre. Au XXIe siè­ organisme au danger s’appelle l’adaptation.
les meubles. Une secrétaire médicale se HÉROÏSME PUBLIC ET DEVOIR PRIVÉ cle, si elle ne suit pas, le combat s’arrête. « L’adaptation fut notre doctrine », dit Jo­
porte volontaire au standard général. C’est Demoule n’attribue pas les vivats publics à Dans un système mondial hypertrophié, le celyne Jouchter, en émergeant de la plate­
la valse blanche des hiérarchies. Hors les ses seuls confrères. « La réa est la discipline matériel est une valeur suprême et son forme logistique. La France, en ce printemps
murs, personne ne se doute de l’existence qui symbolise le travail d’équipe. Tout repose acheminement, l’enjeu principal. « Nous naissant, n’avait d’autre choix que d’adopter
d’un pareil équipage. sur la trilogie médecin­infirmière­aide­soi­ avions certes l’habitude de travailler sans pour devise d’Etat un dicton paysan : néces­
Depuis le début de l’infection planétaire, gnante. Tous partagent la charge de respon­ stocks – puisque c’est la nouvelle doctrine capi­ sité fait loi. On trouva des solutions avant
on appelle « armée des ombres » les petites sabilité. L’hôpital français n’a laissé aucun taliste à laquelle nous sommes soumis – mais que les problèmes ne se posent, définition
mains de l’hôpital. La métaphore est facile et malade à la porte. Tous ceux qui risquent leur ce que nous avons vécu au début de la crise dé­ de l’urgence. « A la blanchisserie, explique le
la France a le goût des expressions de Tarta­ vie dans nos murs y ont contribué. » Cinq in­ passe le flux tendu, c’était la folie », témoigne directeur, Jean­Charles Grupeli, on a dû faire
rin. On se souvient du sacrifice des sapeurs firmières et aides­soignantes (sur le front du Grégory Koszul, cadre logistique de la Pitié. Le laver les blouses médicales à usage unique !
anonymes qui sauvèrent Napoléon en bâtis­ Covid, comme au temps des moissons de jeune homme règne sur une plate­forme de Elles arrivaient des réanimations Covid, les
sant un pont dans les eaux de la Bérézina. 1914, les femmes sont à l’œuvre) retournent deux étages où transitent chaque jour des lingères ont accepté de les traiter. »
Les derniers mots de l’Empereur, à un patient intubé. Le malheureux (42 ans, tonnes de matériel médical non stérile. « A la A la Pitié, chacun confirme que l’inventi­
Sainte­Hélène, résument cette dialectique de 120 kg) se trouve en réanimation depuis mi­mars, les services frappaient à notre porte, vité des personnels hospitaliers a permis
l’homme de l’ombre et du premier de cor­ trois semaines. Ses poumons s’engorgent, il j’étais obligé de distribuer les masques au d’absoudre l’impréparation des personnels
dée : « Tête… armée… » Les rouages modestes faut le basculer sur le ventre. Lucile, réani­ compte­gouttes, avec l’impression de faire de politiques. « Ce n’est pas du bricolage, c’est de
sont des métiers prétendument ordinaires matrice, mène l’opération à la tête du lit, la rétention, alors que je ménageais mon faible l’ingéniosité », précise Paula, technicienne
et fort peu télégéniques. Ils soutiennent une derrière une visière en plexiglas de soudeur stock. Ici, à la Pitié, on consommait en une biomédicale, qui vient à l’instant de parasi­
machinerie dont l’objectif final consiste à soviétique. Après seize heures de garde, elle journée le volume quotidien de toute l’AP­HP ! » ter les pièces d’un moniteur pour relancer
soigner l’homme. Au sommet, brillant et donne sa propre définition de l’héroïsme : La versatilité des doctrines gouvernemen­ une machine de réanimation cardiaque dé­
médiatique, sveltement sanglé et harnaché « Nous avons su réagir. Au fond, nous faisons tales sur l’inutilité, puis sur la nécessité, du fectueuse. « Les Français sont ainsi faits, ré­
d’un masque à visière intégral, le réanima­ ce que nous savons faire. » La phrase sonne masque a ajouté la fébrilité à la surchauffe. sume Pascal, infirmier­réanimateur. Ils at­
teur ramène à la vie. Est­ce lui seulement que comme le Paul Valéry de Mélange : « Le Dans les sous­sols, les couloirs habituel­ tendent l’ennemi avec fierté, affirmant que
l’on applaudit sur les balcons ? devoir consiste à faire de son mieux ce que l’on lement vides sont encombrés de caisses. pas un bouton de guêtre ne manque. Très
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MERCREDI 29 AVRIL 2020 horizons | 23

Dans le service de réanimation de l’hôpital de la Pitié­Salpêtrière, à Paris, le 23 avril . ÉRIC DESSONS/SIPA

vite, ils sont balayés. C’est alors qu’ils rivali­ Ensuite, les corps sont glissés dans des dou­ logés dans les murs du Grand Siècle. Michel, Dans une crise, compter d’abord sur ses
sent de génie dans la débrouille ! » Maryse, bles housses et couchés dans des caissons ré­ ancien égoutier, fêtera ses trente ans de propres forces.
aide­soignante de l’unité de chirurgie frigérés. » Au deuil s’ajoute l’impossibilité de maison : « Je fais partie des “logés”. » Ainsi la Se morfondre si on les a dispersées.
ambulatoire enveloppée dans un « poncho rendre les dévotions au corps. Marylène ne Pitié a­t­elle pu compter sur son propre gé­ Veiller à protéger ses forces autonomes.
AP­HP » prédécoupé dans un sac­poubelle, parle jamais de cadavres : « Au téléphone, j’es­ nie pour encaisser le choc de la mi­mars. En face de la chapelle, Eric a installé son
ne le contredirait pas : « C’est efficace mais saie de maintenir le lien avec les familles. J’ap­ Patrice Etournaud, cadre technique, raconte : camion et offre chaque jour, grâce à un appel
on est au sauna ! » partiens à la chaîne du soin, même si j’en re­ « Avec les 125 techniciens, on a dû tout inven­ aux dons, 120 pizzas aux employés de l’hôpi­
Dans l’urgence de la réponse à l’urgence, le présente l’ultime étape. » Ses yeux fatigués ter. Il fallait reconfigurer les salles, convertir tal. Des secrétaires médicales et des infirmiè­
personnel de la direction numérique de la des larmes des autres ont vu les techniciens des véhicules ordinaires en ambulances de res attendent la commande pour distribuer
Pitié­Salpêtrière s’illustre. Les pouvoirs pu­ travailler à créer 33 « places mortuaires fortune. Pour une fois, on n’était pas astreints ensuite les pizzas dans leur service. Toute
blics, comme pour excuser leur impéritie, Covid ». « Les corps restent dans les caissons aux normes ! On nous demandait de préparer conversation de troquet remue des ques­
annoncèrent à la mi­mars la mise en place frigorifiques. Ensuite, les pompes funèbres des sas d’entrée aux urgences en une nuit. » tions profondes, même devant un four à
généralisée de la téléconsultation médicale. arrivent mais, là, l’hôpital s’efface, c’est un Son collègue Cruchon confirme la vertu de pizza. Qu’adviendra­t­il quand le virus sera
Rien n’avait été prévu. Après tout, les techni­ autre règne : le business. » l’action directe : « On a eu l’impression de vaincu ? Y aura­t­il cet « après­Covid » que les
ciens sont là pour donner corps aux pro­ faire quelque chose de grand, les chauffa­ optimistes, encouragés par la formule prési­
messes des politiques. Jour et nuit, les ingé­ FORCE INTÉRIEURE gistes aidaient à l’électricité, les électriciens dentielle, appellent de leurs vœux ? Jocelyne
nieurs spécialisés de l’hôpital ont œuvré La crise du Covid a révélé ce qui pourrait défi­ transportaient des planches, personne ne Jouchter a déjà apporté un bémol à ses espé­
pour que les médecins assurent leur télé­ nir la force de l’hôpital français : le maintien mouftait, c’était le branle­bas. » rances : « Je suis une idéaliste sceptique.
consultation sans que lâche le haut débit ! des corps de métier au sein d’une institution Particularité de la Pitié et souvenir d’un Après le Bataclan, on a pensé que tout chan­
« Le service a tout donné. C’était l’urgence ab­ garantit sa solidité. C’est la définition de la temps où l’hôpital recelait en sa propre gerait, rien ne s’est passé ! » Les uns imagi­
solue, puisque les contacts physiques étaient souveraineté. Elle s’applique aux Etats enceinte toutes les articulations de son nent un réveil utopique, ils croient à la
proscrits. Vous verrez qu’après la crise du comme aux organismes. L’intégration des autonomie : la blanchisserie. Mitoyen des perfectibilité de l’homme. D’autres ne sont
Covid on sera habitué à la consultation vir­ compétences est une spécificité malmenée services techniques, l’atelier n’a jamais dupes de rien. Aurélie, secrétaire hospita­
tuelle, dit la directrice du service numérique, de la Pitié. « On a beaucoup externalisé les rompu son activité malgré le personnel lière : « On retournera aux oubliettes. » Mais
Nathalie Picquet. Tout le matériel était en prestations et nous nous adressons à de multi­ fauché par le virus. Les draps sortis de l’esso­ Gwladys, secrétaire médicale, corrige : « Les
rupture. Le monde entier vidait les stocks de ples entreprises, mais nous avons quand reuse défilent à la chaîne, suspendus à une Français ont vu qu’on existait. »
composants informatiques chinois, nous même gardé des intervenants dans les murs ! », rampe automatisée. Et dans la proces­ La crise entraînera­t­elle les pouvoirs pu­
manquions de tout. » Grandeur taoïste de détaille Jocelyne Jouchter. Protégé par son sion des silhouettes fantomatiques, le direc­ blics à reconsidérer les salaires ? Le profes­
l’Empire céleste, qui fournit à la fois l’en­ enceinte, l’hôpital du Roi­Soleil n’aura pas to­ teur, Jean­Charles Grupeli, inspecte les ma­ seur Combes milite déjà pour que ses infir­
nemi et les armes pour lutter. talement été livré à la loi cybermercantile chines. Près de 200 employés, venus pour mières­réanimatrices jouissent d’un statut
Puis les programmateurs se sont attaqués consistant à faire du service public une place PATRICE ÉTOURNAUD,  beaucoup des banlieues nord de la capitale, spécifique. Seule certitude : l’hôpital fran­
au drame moral qui se profilait. La conta­ ouverte, à la merci du plus offrant. CADRE TECHNIQUE,  lavent ici une grande partie du linge des çais a tenu. S’il a tenu, c’est grâce à une
giosité empêchait les visites aux malades. Sur le site de compactage et de tri des re­ 39 hôpitaux de l’AP­HP. troupe de soutiers inconnus. Soudain la « so­
L’homme, soudain, se préparait à souffrir, buts sanitaires, Agnès Pradel, « référente dé­ RACONTE : « AVEC LES  Ils sont exposés à la fibre de linge en sus­ ciété du spectacle » s’est aperçue qu’il exis­
sans le secours des proches, dans ses draps chets », rend visite à ses équipes et circule pension dans l’air et manipulent des tonnes tait une force échappant au spectaculaire.
devenus des linceuls de solitude. Les ser­ entre les compacteurs et les bennes dégor­ 125 TECHNICIENS, ON  de textiles souillés, dans des atmosphères de C’était l’habitude du docteur Louis­Ferdi­
vices numériques dotèrent les patients de geant des pansements du jour. « On a doublé forge. « L’infection a d’abord frappé l’étage nand Céline de mentionner dans ses entre­
tablettes offertes par le mécénat d’entrepri­ en un mois le volume des déchets infec­
A DÛ TOUT INVENTER.  des cadres, se souvient Grupeli. Quand les tiens le labeur des hommes suant dans le
ses privées. Elles permettent de lire la presse tieux ! » Elle sait ce qu’il en coûte d’externali­ POUR UNE FOIS,  chefs sont malades, le moral des troupes ventre des paquebots pour que les croisiéris­
et de recevoir la visite virtuelle des familles. ser les fonctions vitales de l’hôpital. « J’ai tombe. Et quand les sources d’approvisionne­ tes jouissent du bon air sur les ponts. L’anti­
Soudain, le temps devient moins long. Dans déjà dû négocier des grèves auprès de mon ON N’ÉTAIT  ment des blouses se sont effondrées en que image du machiniste dans la coulisse
un proche avenir, le système permettra aux prestataire il y a quelques années. Si nous 48 heures et que la Chine a fait monter les prix, participant à la gloire de la diva sur le devant
médecins de livrer aux familles des comptes avions eu une difficulté pour évacuer les dé­ PAS ASTREINTS  c’est devenu psychédélique. Heureusement, de la scène a pris corps à l’hôpital pendant
rendus thérapeutiques à distance. chets infectieux au début de la crise Covid, AUX NORMES ! » nous avions des masques FFP2 en réserve et ces mois d’infection nationale.
A la chambre mortuaire, l’informatique n’a cela aurait été vraiment dangereux. J’ai dû des bénévoles sont venus prêter main­forte. A tous les étages de la Pitié, on s’extasie de­
pas d’utilité. L’intelligence artificielle ne con­ user de psychologie avec les prestataires pour On n’a jamais rompu la chaîne, nos ouvriers vant un phénomène nouveau : entre collè­
sole pas un cœur en peine. Le bâtiment flan­ qu’ils ne se retirent pas. » Un camion effectue ont tenu les postes ! » gues, on recommence à se parler, à se félici­
que l’enceinte sud­est de la Pitié. Les murs sa manœuvre pour emporter un charge­ ter, à s’encourager. On affiche sur des petits
sont sombres, l’entrée discrète : on laisse ici ment Dasri (déchets d’activités de soins à ET APRÈS ? papiers les remerciements que l’on reçoit. Si­
toute espérance et toute certitude. Un pan­ risques infectieux) à l’incinérateur de Cré­ Nicolas Sèvegrand, « ingénieur des travaux », gne des temps : on était allés jusqu’à perdre
neau annonce euphémiquement un règle­ teil. Agnès Pradel n’a pas été infectée par le confirme la nécessité de maintenir un corps l’habitude d’un climat humain, simple, tem­
ment pour les « livraisons ». Renforcés par Covid. « Le virus ne veut pas de moi. Pourtant, technique attaché à l’hôpital : « Certains pres­ péré, dans l’ordre de la charité. Au moins,
quatre volontaires – réservistes de l’armée et c’est un poste fort exposé. Parfois, je voudrais tataires extérieurs se confinaient ; il a fallu dans l’anonymat du labyrinthe de ces bâti­
enseignants en droit –, les agents accueillent dire à mes employés qu’ils tripotent toute réunir nos troupes, regrouper ceux qui ments, des gens ordinaires, fidèles au poste
un afflux sans précédent de cercueils. l’année des déchets bien plus dangereux ! » n’étaient pas malades et agir vite, par nous­ et cachant l’inquiétude sous le seul masque
« Les familles sont autorisées à rendre vi­ Les services techniques de la Pitié em­ mêmes, en imaginant tous les stratagèmes dont ils disposaient – le courage – ont­ils
site pendant deux heures au défunt dans ploient 150 ouvriers. Cette troupe octroie pour pallier les manques. » Leçon de la Pitié prouvé que la valeur n’attend pas la puis­
son lit de réanimation, explique Marylène son autonomie de fonctionnement et à destination des nations : le circuit interne sance des projecteurs. 
Choureau, agente de la chambre mortuaire. d’entretien à l’hôpital. Certains ouvriers sont possède sa vertu. sylvain tesson
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24 | horizons MERCREDI 29 AVRIL 2020

genève ­ correspondance,
pékin ­ correspondant

E
n ce 31 décembre 2019, le bureau
de l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) à Pékin, situé dans le
quartier diplomatique, tourne
au ralenti, comme les autres or­
ganisations internationales. Le
directeur général du bureau, Gauden Galea,
un médecin maltais spécialiste des maladies
non transmissibles, est rentré en Europe. La
veille au soir, pourtant, le docteur Gao Fu, di­
recteur du centre chinois de contrôle et de
prévention des maladies, a découvert, en sur­
fant sur Internet, qu’à Wuhan quelques méde­
cins hospitaliers s’inquiètent de l’apparition
d’un virus ressemblant diablement au SARS,
celui qui, en 2003, avait traumatisé l’Asie.
Le docteur Gao Fu est également tombé sur
une note de la commission de la santé de
cette ville de la province du Hubei confir­
mant le phénomène. Dès le 31 au matin, il a
envoyé sur place une équipe d’experts. Dans
la journée, la Chine informera l’OMS de l’ap­
parition à Wuhan d’un « cluster » – un groupe
de cas – de pneumonie atypique. L’OMS ne le
sait pas encore, mais elle s’apprête à affronter
la plus grave crise depuis sa fondation,
en 1948. Une crise à la fois sanitaire, écono­
mique et géopolitique, dont les enjeux dé­
passent le cadre de cette institution de l’ONU,
qui fédère 194 Etats membres.
Pour autant, est­ce vraiment la Chine qui, la
première, a alerté l’OMS ? En réalité, rien n’est
moins sûr. Car, le 30 décembre, dans la soirée,
un autre médecin s’est alarmé de la situation
à Wuhan : le docteur Luo Yijun, vice­directeur
du centre de contrôle des maladies de
Taïwan. Le 31, ce lève­tôt prévient ses services
à 5 heures du matin. Dès la mi­journée,
Taïwan demande des explications à la Chine
et informe l’OMS.
L’organisation internationale aurait­elle
été avertie de la crise par Taïwan ? Son refus
obstiné d’indiquer les heures auxquelles les
deux mails – le chinois, le taïwanais – ont été

OMS-Chine : les
reçus le laisse supposer. C’est que la question
est sensible du point de vue politique. Sous la
pression de la Chine, qui considère Taïwan
comme une de ses provinces et non comme
un Etat, cette île de 23 millions d’habitants
n’est plus autorisée, depuis 2016, à assister
aux assemblées générales de l’OMS, même

liaisons dangereuses
en tant qu’observateur. Les autorités locales
ne cessent de dénoncer cet ostracisme. Selon
elles, les Taïwanais sont ainsi privés d’infor­
mations sanitaires importantes. Mais, ce
31 décembre, ce sont eux qui se sont tournés
vers l’OMS dans un mail formulé en termes
clairs : « Des informations indiquent qu’au
moins sept cas de pneumonie atypique ont été
signalés à Wuhan, Chine. Les autorités de la
santé ont répondu aux médias que ces cas COVID­19, LA DÉFLAGRATION GÉOPOLITIQUE 1|3 Dans une série d’enquêtes, « Le Monde »
n’étaient pas supposés relever du SRAS. Toute­
fois, les échantillons sont encore en cours expose les failles provoquées au sein des structures multilatérales
d’examen et les cas ont été isolés pour traite­
ment. J’apprécierais beaucoup si vous aviez par la crise sanitaire. Aujourd’hui, l’Organisation mondiale de la santé,
des informations pertinentes à nous commu­
niquer. Je vous remercie par avance de l’atten­ accusée d’avoir joué le jeu de Pékin
tion que vous porterez à ce sujet. »

BEAUCOUP DE TEMPS PERDU


D’après l’OMS, critiquée pour sa proximité dès le 1er janvier, un des lanceurs d’alerte, Ai Dans la salle, l’ambiance est bon enfant. exercé une pression sur le groupe, affirmant
excessive avec Pékin, ce mail ne prouve rien. Fen, la directrice du département des urgen­ Personne n’a idée du drame qui se joue en qu’« il était hors de question de déclarer une
Pour le ministre de la santé et du bien­être de ces de l’hôpital central de Wuhan, a imposé à coulisses. La Chine ne compte encore que urgence de santé publique de portée mon­
Taïwan, Chen Shih­chung, le passage sur ses équipes – contre l’avis de sa hiérarchie – 17 morts et 509 cas recensés. La menace sem­ diale ». Rien d’étonnant, dans ces conditions,
l’isolement des malades est au contraire ex­ de porter des masques et des gants. ble circonscrite. Des pizzas sont livrées aux que les débats suivants aient été houleux…
plicite : il montre bien que, dès le 31 décem­ Du reste, il faut attendre le 20 janvier pour journalistes. Tout à coup, alors que le comité
bre, Taïwan suggère que le virus se transmet que des experts de l’OMS effectuent « une d’urgence, fort de quinze membres et de six LE TEMPO EST DONNÉ PAR PÉKIN
entre humains. « N’importe quel expert en brève visite » sur place, selon les termes de l’or­ conseillers, est enfermé dans la « situation Quelques jours plus tard, le « docteur
santé publique ou médecin professionnel sau­ ganisation. Nous sommes alors quarante­huit room » de l’OMS, les portables des correspon­ Tedros » s’envole pour Pékin. Cet homme de
rait quelles circonstances peuvent conduire à heures après un gigantesque banquet (40 000 dants abonnés à l’application du New York 55 ans, qui fut ministre de la santé de l’Ethio­
isoler des patients pour traitement », expli­ convives !) organisé dans cette ville de 11 mil­ « LA VITESSE DE LA  Times vibrent : la Chine vient d’annoncer, en pie (2005­2012) puis ministre des affaires
quera par la suite Chen Shih­chung. De fait, ce lions d’habitants à la gloire du Parti commu­ CHINE, L’ÉCHELLE  pleine nuit, le confinement de Wuhan. Il est étrangères (2012­2016), s’est déjà rendu à
même 31 décembre, les autorités taïwanaises niste et vingt­quatre heures après la visite ef­ près de 21 heures lorsque le comité sort de plusieurs reprises dans la capitale chinoise.
décident de prendre la température des pas­ fectuée par Zhong Nanshan, un expert chi­ DE LA CHINE,  réunion. Pris de court par cette annonce, il se C’est à ce pays – qui a soutenu activement sa
sagers en provenance de Wuhan. Grâce à ce nois de réputation planétaire. C’est lui qui, ce donne vingt­quatre heures pour décider. Las, candidature à la tête de l’OMS – qu’il avait ré­
système très précoce de repérage des mala­ même 20 janvier, informe la Chine et le reste L’EFFICACITÉ DE LA  le lendemain, l’OMS retarde de nouveau sa servé l’un de ses premiers déplacements à
des et à leur strict isolement, Taïwan, malgré du monde que le virus se transmet bien entre décision. Croit­elle que l’épidémie pourra en­ l’étranger, juste après sa prise de fonctions,
sa proximité géographique avec la Chine, humains. Depuis le 31 décembre, au moins
CHINE… CE SONT  core être contenue ? Il est « trop tôt » pour dé­ le 1er juillet 2017. Dès la mi­août 2017, il est le
connaîtra un nombre de décès remarquable­ trois semaines décisives ont été perdues. LES AVANTAGES DU  clarer une urgence sanitaire de portée inter­ principal orateur d’une réunion de haut ni­
ment faible : six. Un succès que l’OMS occul­ Deux jours plus tard, l’OMS organise enfin nationale, note le « docteur Tedros », lequel veau consacrée à la coopération sanitaire
tera durant toute la crise. une conférence de presse consacrée à l’épidé­ SYSTÈME CHINOIS » ajoute toutefois : « Ne vous y trompez pas, « Une ceinture, une route : vers une route de
En cette veille de Jour de l’an, on n’en est pas mie. Une cinquantaine de journalistes patien­ TEDROS ADHANOM c’est une urgence en Chine. Mais ce n’est pas la soie sanitaire ». Un projet du président Xi
encore là. Les autorités chinoises se veulent tent dans la salle de presse située au septième GHEBREYESUS encore une urgence sanitaire mondiale. Jinping que le « docteur Tedros » approuve et
rassurantes. Tout est sous contrôle. Se fiant à étage du siège genevois de l’organisation, directeur général de Cela pourrait le devenir. » qualifie d’« indubitablement visionnaire ».
leurs déclarations, l’OMS semble, elle aussi, sans compter ceux présents en ligne. Mais le l’OMS, le 28 janvier Des sources diplomatiques ont confirmé L’année suivante, toujours à Pékin, il quali­
sereine. Le 14 janvier, elle approuve les con­ temps passe et nul ne se présente devant eux. au Monde que le « docteur Tedros » avait fie de « modèle » le système de santé chinois.
clusions de l’enquête préliminaire des Chi­ Le comité d’urgence chargé de conseiller le di­ invité, comme il en a le droit, les ambassa­ Le 28 janvier, alors que l’épidémie touche
nois, selon laquelle il n’y a pas de preuves évi­ recteur général de l’OMS, le docteur Tedros deurs des quatre pays les plus concernés par Wuhan, le voici au Palais du peuple, reçu par
dentes de transmissions interhumaines. Adhanom Ghebreyesus, un microbiologiste l’épidémie à ce moment­là – Chine, Xi Jinping avec les honneurs dus à un chef
D’après cette enquête, il peut certes y en éthiopien plus communément appelé « doc­ Thaïlande, Corée du Sud, Japon – à se joindre d’Etat. Une photo – ravageuse pour lui – le
avoir, mais elles sont « limitées » et « principa­ teur Tedros », peine à se mettre d’accord sur comme observateurs au comité d’urgence, montre faisant une légère génuflexion
lement entre les membres d’une même fa­ l’opportunité de déclarer une urgence sani­ les 22 et 23 janvier. D’après les mêmes sour­ avant d’échanger une franche poignée de
mille ». Personne n’est troublé par le fait que, taire de portée internationale. ces, le représentant chinois avait d’emblée main avec le maître des lieux. Le « docteur
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MERCREDI 29 AVRIL 2020 horizons | 25

Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom


Ghebreyesus (à gauche), et le président chinois,
Xi Jinping, à Pékin, le 28 janvier. NAOHIKO HATTA - POOL/GETTY IMAGES

Comme l’écrit François Godement, spécia­ Jinping s’est rendu, triomphant, à Wuhan, vait prononcer le docteur Lee Jong­Wook »,
liste de l’Asie dans son blog de l’Institut signifier que son pays avait remporté la directeur général de l’OMS de 2003 à 2006.
Montaigne : « Ceci amène une question : lors­ « guerre du peuple » contre le coronavirus, un « Si l’on peut critiquer la politique suivie par le
que des épidémies majeures, comme c’est le succès dû, d’après la propagande, à son « sys­ « docteur Tedros », il faut sauver le soldat OMS,
cas pour le SRAS, la grippe aviaire et le coro­ tème politique ». Désormais, la Chine est plaide un diplomate. Elle a produit des dizai­
navirus, ont la Chine pour berceau, quelle est prête à sauver le monde. Autant sa gestion de nes de recommandations pour lutter contre le
la fiabilité réelle de l’OMS ? Dans le cas pré­ la crise du SRAS en 2003 et le coupable si­ Covid­19 et a adopté une communication dy­
sent, l’OMS se comporte en organisation in­ lence dont elle avait fait preuve durant trois namique. Surtout, c’est le seul cadre multilaté­
tergouvernementale stricto sensu, ne ques­ mois l’avaient décrédibilisée, autant le ral légitime pour coordonner une politique de
tionne pas les sources officielles sur lesquel­ « L’OMS NE  Covid­19 la place au centre du jeu diplomati­ santé mondiale. Encore faut­il lui donner des
les elle s’appuie. Elle échoue alors dans sa que. « Après la crise du SRAS, la sévérité des dé­ moyens juridiques pour ce faire. Les Etats
mission d’information. Pire, un certain
QUESTIONNE PAS  nonciations de l’OMS avait fortement inquiété membres y sont­ils prêts ? » La récente décision
nombre de gouvernements et d’organisa­ LES SOURCES  le régime chinois, qui a depuis tenté, comme à de Donald Trump de suspendre les contribu­
tions soit croient à ces affirmations et à la Commission des droits de l’homme, de limi­ tions américaines à l’OMS a soulevé de nom­
leur bien­fondé, soit choisissent de s’appuyer OFFICIELLES SUR  ter la portée des critiques en renforçant sa ca­ breuses réactions internationales. Associa­
sur cette réticence pour repousser l’adoption pacité d’influence », note la chercheuse fran­ tions médicales américaines, éditoriaux dans
de mesures difficiles. » LESQUELLES ELLE  çaise Valérie Niquet, dans une récente note les revues scientifiques, Tweet de Bill et
Au siège de cette organisation habituée aux S’APPUIE. ELLE  de la Fondation pour la recherche stratégique Melinda Gates, ont convergé en faveur de l’or­
critiques sur sa gestion des épidémies – jugée pour expliquer l’importance que revêt l’OMS ganisation. Le 20 avril, une résolution du G20
selon les cas soit trop laxiste soit trop alar­ ÉCHOUE ALORS  aux yeux de Pékin. virtuel des ministres de la santé s’engageant à
miste –, on jure au contraire que la réponse a renforcer le mandat de l’OMS pour coordon­
été très rapide. Pourtant, la vitesse à laquelle DANS SA MISSION  AU CŒUR DES JEUX D’INFLUENCE ner la réponse à la pandémie de Covid­19 a été
se propage l’épidémie durant les premiers D’INFORMATION » Les jeux d’influence politique au sein de torpillée par les Etats­Unis.
jours de février place l’OMS sur la sellette. l’organisation n’ont pas débuté avec l’épidé­ Si la crise du coronavirus est un révélateur
Soucieuse de redorer son image mise à mal, FRANÇOIS GODEMENT mie actuelle. « La Chine a retardé la déclara­ des dysfonctionnements de cette structure
en particulier, lors de l’épidémie d’Ebola spécialiste de l’Asie tion d’une urgence de santé publique de por­ et de l’influence chinoise en son sein, il ne
en 2014­2015, celle­ci propose des conféren­ tée internationale en février, mais ce n’est faudrait pas qu’elle en devienne un accéléra­
ces de presse quotidiennes. Les louanges re­ pas pire que ce qui se passe depuis teur. « Le retrait américain est une erreur qui
nouvelées du partenaire chinois provoquent quinze ans à l’OMS, estime ainsi German Ve­ va affaiblir l’ensemble du système », prévient
à chaque fois la stupéfaction des journalistes. lasquez, ancien cadre de l’institution, Suerie Moon, codirectrice du Centre de
« Nous avons le sentiment profond que les aujourd’hui conseiller spécial sur la politi­ santé globale à l’Institut de hautes études in­
Chinois font du bon travail », assure un com­ que de santé au South Centre, une organisa­ ternationales et du développement. L’As­
municant, la main sur le cœur. tion intergouvernementale des pays en dé­ semblée mondiale de la santé, qui déter­
Il est vrai qu’en matière de « com », les veloppement. Je me souviens de l’interven­ mine les orientations que le directeur géné­
Chinois sont de vrais pros. Ainsi, le 11 février, tionnisme des Etats­Unis, qui ont toujours eu ral doit suivre, prévue – par visioconférence
l’OMS baptise officiellement la maladie de une forte influence à l’OMS. Ils n’avaient pas – du 17 au 21 mai, et où chaque Etat membre
« Covid­19 », un terme « qui ne fait référence hésité à faire pilonner des brochures sur l’ac­ dispose du même poids, permettra de pren­
ni à un lieu géographique, ni à un animal, ni à cès aux médicaments juste avant leur diffu­ dre le pouls de cette organisation décriée
un groupe particulier de population », selon sion, à empêcher toute prise de position de par tous mais jugée irremplaçable. 
le « docteur Tedros ». Celui­ci agit­il par con­ l’OMS sur la gestion de l’ouragan Katrina et à paul benkimoun,
viction ? Par stratégie ? Nul ne le sait. En tout obtenir l’annulation in extremis d’un dis­ marie bourreau
cas, l’OMS rechigne à utiliser le nom « SARS­ cours, dont le texte leur déplaisait, que de­ et frédéric lemaître
CoV­2 » donné au nouveau coronavirus par
le Comité international de taxinomie des vi­
rus, l’organisme international chargé de
leur appellation. Cette dénomination dé­
plaît à la Chine car elle rappelle trop le sou­
venir du SRAS (« SARS » en anglais). « Si l’or­
L’organisation mondiale, un acteur
ganisation s’était aliéné la Chine dès les pre­

Tedros » félicite la Chine d’avoir mis en place


un « nouveau standard dans le contrôle de
mières semaines de la crise, que ne lui
aurait­on alors reproché ? », s’interroge un
diplomate en poste à Genève.
contraint de la diplomatie sanitaire
l’épidémie ». « La vitesse de la Chine, l’échelle
de la Chine, l’efficacité de la Chine… Ce sont les UNE MISSION FANTOCHE
Prérogatives, financement, fonctionnement… L’OMS n’est pas indépendante
avantages du système chinois », déclare­t­il, Mi­février, l’OMS parvient enfin à remplir un de ses Etats membres. La Chine y a placé des relais à des postes essentiels
poussant l’obséquiosité jusqu’à louer Pékin de ses objectifs : l’envoi en Chine d’une mis­
pour « sa transparence » dans le partage sion internationale d’experts spécialistes des
d’informations. Pourtant, au moment maladies infectieuses. Une opération pour le
même où il se trouve dans la capitale, les moins limitée : il n’est évidemment pas ques­ genève ­ correspondance membres. « Elle n’est que ce qu’ils veu­ Parti communiste en Ethiopie, pays
autorités chinoises reconnaissent que, dé­ tion d’aller inspecter un puissant membre lent bien en faire », insiste­t­il. qui a fait le choix, dès les années 1970,
but janvier, elles avaient, à tort, dénoncé et
interpellé des médecins lanceurs d’alerte
qui avaient mis en garde contre la propaga­
tion du virus entre humains.
A son retour à Genève, le « docteur Tedros »
permanent du Conseil de sécurité de l’ONU…
C’est donc une mission conjointe (treize ex­
perts occidentaux, douze experts chinois)
qui se rend sur place du 17 au 24 février.
Comme il ne saurait être question de fil­
L’ OMS traverse une mauvaise
passe. A 72 ans, l’institution en
charge de coordonner et diri­
ger la santé mondiale au sein du sys­
tème onusien a connu d’autres
D’ailleurs, soucieux de garder la
mainmise sur l’OMS, ces derniers ont
choisi au cours de la dernière décen­
nie de privilégier des contributions
volontaires (près de 80 % du budget),
d’un développement inspiré par la
Chine. Sa proximité idéologique avec
Pékin en fait­elle pour autant une ma­
rionnette ? D’après ses soutiens, l’ac­
cusation est d’autant plus injuste qu’il
convoque le comité d’urgence. Le 30 janvier, mer leur arrivée en Chine, celle­ci ne sera an­ convulsions lors de précédentes fléchées sur des programmes dési­ a été élu à l’issue du scrutin le plus dé­
sur avis de celui­ci, il déclare l’urgence sani­ noncée qu’a posteriori. Au passage, l’OMS épidémies. Mais celle­ci, la pire de son gnés, contrairement à leurs contribu­ mocratique depuis la création de
taire de portée internationale, mais en préci­ doit avaler une autre couleuvre : il n’est pas histoire, trahit la politisation de sa tions obligatoires indexées sur leur l’OMS en 1948. Pour la première fois,
sant qu’il ne s’agit en aucun cas d’un « acte prévu que la mission se rende dans le Hubei ! gouvernance, sa complaisance pour le produit intérieur brut. Sous le man­ les 194 Etats membres ont pu choisir
de défiance vis­à­vis de la Chine ». « Au con­ « La province est à un stade crucial du combat partenaire chinois et la nécessité dat de la Chinoise Margaret Chan entre trois candidats lors d’un vote à
traire, indique­t­il, l’OMS continue d’avoir contre l’épidémie et ne peut pas consacrer du d’une réforme. A tel point que les gran­ (2006­2017), ils ont refusé d’augmen­ huis clos et à bulletin secret. Tournant
confiance dans les capacités de la Chine à temps et [mobiliser] des hommes pour rece­ des puissances, heurtées par la com­ ter la part de leurs contributions obli­ la page de dix ans de Margaret Chan,
contrôler l’épidémie. » A l’évidence, l’OMS voir des experts », explique la presse chi­ munication de Pékin sur sa « diploma­ gatoires, au risque de conduire à des le Dr Tedros avait promis de « servir les
s’aligne sur le tempo donné par Pékin. Ainsi, noise. Ce n’est qu’à la dernière minute que la tie sanitaire », se sont réveillées : la coupes drastiques dans les program­ Etats ». « Le pluriel était en trop », iro­
fin janvier, quand les compagnies aériennes Chine accepte que trois experts occidentaux France, le Royaume­Uni et les Etats­ mes, notamment celui des urgences nise un expert.
occidentales annulent les unes après les passent finalement quelques heures à Wu­ Unis ont dénoncé des « manque­ sanitaires. Le secteur privé et les fon­ Depuis son intronisation, l’offen­
autres leurs liaisons avec la Chine et que di­ han, du moins en périphérie de la ville et ments » de l’OMS dans sa gestion de dations philanthropiques, comme sive de Pékin s’est accentuée à travers
vers pays, notamment l’Italie, les Etats­Unis sans pouvoir faire la moindre enquête. Cela l’épidémie, en partie aussi pour mas­ celle de Bill et Melinda Gates, le projet des « routes de la soie », ins­
et la Russie, ferment leurs frontières terres­ n’empêche pas le chef de la mission, le mé­ quer leurs propres carences. deuxième donateur de l’OMS après trument du soft power chinois qui
tres ou aériennes avec elle, l’OMS critique ces decin canadien Bruce Aylward, de juger à L’organisation est­elle pour autant les Etats­Unis, ont comblé le vide, pri­ concerne aussi la santé. Certes, la
décisions. L’organisation approuve sans ré­ son retour à Genève que « le monde [avait] asphyxiée ? Sa « famille », constituée vant là encore celle­ci d’une autono­ Chine n’est que le huitième donateur
serve le confinement du Hubei par Pékin, besoin des leçons de la Chine ». Il confie de 194 Etats membres, est si dysfonc­ mie opérationnelle. de l’OMS, à hauteur de 187 millions de
qui a, selon elle, « fait gagner du temps au même – sans ciller – que, s’il devait tomber tionnelle qu’elle ne se presse pas à dollars, et ne disposerait que d’une
monde », mais juge inutile de limiter les malade, il aimerait se faire « soigner là­bas ». son chevet. La preuve : alors que l’ins­ Un homme d’influence trentaine de fonctionnaires interna­
échanges d’hommes et de biens avec ce pays. L’épidémiologiste fait de nouveau sensa­ titution fonctionne avec un budget En 2006, à la suite de l’épidémie de tionaux sur près de 7 000 employés.
Exactement ce que veulent entendre les diri­ tion, fin mars, lorsque, interrogé par une très contraint de 4,8 milliards de dol­ SRAS, les Etats avaient accepté Mais Pékin est parvenu à placer un
geants chinois, qui n’y voient aucune contra­ chaîne de télévision de Hongkong sur la ré­ lars (4,4 milliards d’euros, l’équiva­ d’abandonner un peu de leur souve­ homme d’influence dans l’entourage
diction. Grâce à leur efficacité, la situation ponse de Taïwan au Covid­19, il fait mine de lent de celui des hôpitaux universi­ raineté avec la révision du Règlement du Dr Tedros : Ren Minghui, sous­di­
n’est­elle pas « sous contrôle » ? ne pas entendre la question avant de refuser taires genevois), il a fallu plus d’un sanitaire international, qui établit recteur général chargé du groupe
Pourtant, les nouvelles en provenance de d’y répondre et de couper la communica­ mois pour réunir les 675 millions de une liste de maladies à déclaration Maladies transmissibles.
Pékin et de Wuhan ne sont guère rassuran­ tion. Quelques jours plus tard, le « docteur dollars pour le fonds d’urgence dans obligatoire à laquelle aucun pays ne Nadège Rolland, chercheuse sur les
tes. Certes, des hôpitaux sont construits en Tedros » en personne accusera Taïwan de se la lutte contre le coronavirus. peut se soustraire. En cas d’épidémie, questions de politiques et de sécurité
un temps record et plus de 40 000 soignants livrer à des attaques racistes contre lui. L’an­ Sans oublier le choc du 14 avril, jour l’OMS devrait être le chef d’orchestre en Asie­Pacifique au National Bureau
viennent en renfort à Wuhan, mais, depuis le cien ministre éthiopien n’apportera pas la où les Etats­Unis ont annoncé la sus­ de la riposte mondiale. Mais c’est of Asian Research (NBR), estime qu’en
début, la propagande laisse peu de place à la moindre preuve à ses allégations. Après en­ pension de leurs versements de compter sans sa structure fédérale, quelques années ce pays a réussi à
transparence. La vive émotion provoquée quête des autorités taïwanaises, il appa­ 553 millions de dollars, en attendant qui s’appuie sur six bureaux régio­ phagocyter de nombreux échelons
dans le pays par le décès – officiellement le raît que ces attaques émanent en fait de une enquête sur ses modes de gou­ naux aux budgets autonomes. Leurs de la santé, en se servant de l’organi­
7 février – d’un des lanceurs d’alerte, le doc­ trolls chinois qui se sont fait passer pour des vernance. A l’opposé, la Chine a pro­ directeurs sont nommés par les Etats sation comme d’une plate­forme
teur Li Wenliang, montre que la population citoyens taïwanais. Autant d’éléments qui mis 50 millions de dollars pour la de la région sur lesquels le siège cen­ pour signer ensuite des accords bila­
n’est pas dupe. Mais l’OMS ne s’y attarde ne font qu’alimenter la théorie d’une OMS lutte contre le Covid­19. tral, à Genève, a peu d’influence. téraux avec de multiples entités : la­
guère, pas plus qu’elle ne se préoccupe de la sous l’influence de Pékin. Le vice­premier « Hypocrisie ! » dénonce le profes­ Les critiques actuelles visent sur­ boratoires, hôpitaux, centres de re­
« disparition » de deux « citoyens­journalis­ ministre japonais Taro Aso, dépité par le re­ seur de santé publique et médecin tout le directeur général de l’institu­ cherches, programmes et fonds in­
tes » connus pour avoir révélé l’état réel des port des Jeux olympiques d’été, n’a­t­il Antoine Flahault, de l’Institut de tion depuis le 1er juillet 2017, le Dr Te­ ternationaux… La Chine n’entend
hôpitaux de Wuhan, ou qu’elle ne s’inquiète pas suggéré de la rebaptiser « Organisation santé globale, qui rappelle que l’OMS dros Adhanom Ghebreyesus, premier plus seulement être un acteur de la
du silence imposé par la Chine aux pays sou­ chinoise de la santé » ? n’est qu’une organisation intergou­ Africain et non­médecin – il est biolo­ diplomatie sanitaire. Elle veut en tou­
cieux de rapatrier leurs ressortissants. L’OMS Il faut attendre le 11 mars pour que l’OMS vernementale sans pouvoir de sanc­ giste – élu à cette fonction. Ses détrac­ cher les dividendes. 
n’enquête pas, elle relaie, c’est tout. décrète enfin l’état de pandémie. La veille, Xi tion ou de coercition sur ses Etats teurs soulignent son appartenance au m. bo.
SCIENCE & MÉDECINE
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26 | MERCREDI 29 AVRIL 2020

DOSSIER

Coronavirus Contrer la « tempête immunitaire »
Des essais cliniques sont en cours pour freiner la surproduction toxique de cytokines – une réaction inflammatoire
anormale de l’immunité chez des patients gravement atteints. Parmi les pistes, le tocilizumab améliorerait le pronostic
de certains d’entre eux, selon des résultats préliminaires annoncés lundi 27 avril

H
ospitalisé, cet homme touché
par le Covid­19 venait d’envoyer
un SMS à ses proches pour dire
qu’il se sentait mieux quand,
d’un coup, il n’est plus parvenu à respirer. Un
exemple parmi d’autres de ces tableaux cli­
niques qui ont d’emblée intrigué les méde­
cins dans cette pandémie. De tels cas ont été
décrits chez les premiers patients chinois à
Wuhan, épicentre de l’épidémie due au nou­
veau coronavirus, ou italiens, en Lombardie.
Si la grande majorité des personnes infectées
par le SARS­CoV­2 présentent peu ou pas de
symptômes, 5 à 15 % des patients hospitalisés Une équipe
développent une forme grave avec un syn­ se prépare
drome de détresse respiratoire aiguë. Cette à réaliser un
situation où les poumons ne fournissent scanner sur un
plus assez d’oxygène aux organes vitaux patient souffrant
nécessite une ventilation artificielle. du Covid­19,
Parmi ces patients sévèrement atteints, à l’hôpital
« environ 80 % ont des facteurs de risques de la Citadelle, à
comme l’âge (plus de 70 ans), ou des patholo­ Liège (Belgique),
gies associées (surpoids ou obésité, maladies le 22 avril.
cardiovasculaires…), précise Anne Goffard, YVES HERMAN/REUTERS
professeure de virologie à la faculté de phar­
macie de Lille et virologue au CHU de Lille.
Cela veut dire qu’environ 20 % et de tous
âges, sans facteur de risque, évoluent vers des
formes graves, sans raison apparente ».
Chez la majorité de ces malades touchés par
une forme grave de la maladie, il y a « une
phase initiale rassurante et une aggravation
secondaire environ dix jours après le début de
la maladie, malgré une diminution de la char­
ge virale », ont décrit les équipes de Bichat
(Paris) et du CHU de Bordeaux, qui ont ac­
cueilli les premiers patients français (The
Lancet Infectious Diseases, 27 mars). « C’est la
surprise de cette infection, constate Anne
Goffard. Il se produit chez certains une respiratoire aigu sévère, en 2003) et le MERS chez les malades présentant une forme grave amélioration significative du pronostic (taux
deuxième phase de réaction excessive et anor­ (le syndrome respiratoire du Moyen­Orient, de Covid­19 qu’en cas d’infection bénigne. En de recours à un support ventilatoire et décès
male du système immunitaire et inflamma­ en 2012). Il peut aussi survenir au cours mars, lors d’une étude sur une vingtaine de à 14 jours) chez les 65 patients traités par
toire probablement mal contrôlée. » C’est ce d’autres infections virales (comme la grippe) patients sévèrement atteints, une équipe chi­ tocilizumab, comparativement au groupe
qu’on appelle une « tempête de cytokines », ou bactériennes. Il existe également des noise a montré qu’un traitement par tocili­ témoin. Aucune donnée chiffrée n’a été
c’est­à­dire une libération massive de molécu­ causes non infectieuses, notamment après zumab (RoActemra, du laboratoire Roche), un communiquée, dans l’attente d’une publica­
les impliquées dans le contrôle de l’immunité. une transplantation. L’orage cytokinique est « DANS anticorps monoclonal inhibant les récep­ tion scientifique. D’autres immunomodula­
aussi l’un des effets indésirables les plus CETTE SITUATION teurs de l’IL­6, réduisait les besoins en oxy­ teurs sont évalués, comme l’anakinra (Kine­
Effet indésirable spectaculaire spectaculaires des traitements par cellules gène. Depuis, d’autres essais ont débuté avec ret), un antagoniste d’une autre cytokine,
L’appareil respiratoire n’est pas le seul tou­ CAR­T, une approche qui consiste à injecter D’URGENCE, ce produit ou un autre anti­IL6, le sarilumab l’lL­1, habituellement prescrit dans la poly­
ché ; les systèmes neurologique, rénal, des lymphocytes T génétiquement modifiés L’ENJEU EST DE (Kevzara). Ces molécules, commercialisées arthrite rhumatoïde et d’autres maladies
cardiovasculaire peuvent également être at­ pour combattre des tumeurs, leucémies et comme traitement de la polyarthrite rhuma­ auto­inflammatoires.
teints. La défaillance d’organes vitaux peut lymphomes notamment. REPOSITIONNER toïde, sont les deux premières évaluées par La plate­forme teste aussi l’éculizumab (So­
conduire au décès. « Au moment de l’aggra­ Outre les symptômes cliniques, les méde­ DES Corimuno­19, une plate­forme française d’es­ liris), un anticorps monoclonal indiqué dans
vation, la charge virale est souvent indétecta­ cins s’appuient, pour évaluer le statut in­ sais cliniques multiples randomisés. Le recru­ des maladies rares, et qui agit en bloquant la
ble, c’est­à­dire qu’il n’y a presque plus de vi­ flammatoire des patients, sur des marqueurs MÉDICAMENTS tement se fait au sein d’une cohorte de pa­ fraction C5 du complément : le système dit
rus dans l’organisme », ajoute Anne Goffard. plasmatiques comme la C­Réactive protéine DÉJÀ tients avec une forme sévère, soit hospitalisés « du complément » est une organisation
Son équipe, comme d’autres, essaie d’identi­ (CRP), la procalcitonine ou encore la ferri­ en réanimation, soit nécessitant de l’oxygène complexe d’une trentaine de protéines qui
fier les interactions entre les protéines vira­ tine. A cela s’ajoutent des marqueurs immu­ EXISTANTS » sans recours à une assistance ventilatoire. participent à l’immunité, principalement
les et le système immunitaire qui déclen­ nologiques, dont les dosages de cytokine et PHILIPPE RAVAUD « Dans cette situation d’urgence, l’enjeu est anti­infectieuse. « Certaines protéines du nou­
chent une telle cascade cytokinique. Dans le la détection du génome viral. ÉPIDÉMIOLOGISTE de repositionner des médicaments déjà exis­ veau coronavirus activent la voie du complé­
cas des personnes avec obésité, c’est l’état in­ De nombreuses pistes thérapeutiques sont tants et disponibles en quantité suffisante ment, dont la protéine C5, qui se clive alors en
flammatoire « à bas bruit » qui pourrait faire explorées avec des molécules qui régulent les pour être testés puis administrés à plus large deux parties : C5a et C5b. Or, C5a a des effets
le lit de cet emballement. réponses immunitaires (immunomodula­ échelle s’ils se révèlent efficaces », indique pro­inflammatoires puissants, ce qui peut en­
Ce phénomène de « tempête immunitaire » teurs) en agissant à différents niveaux. Parmi l’épidémiologiste Philippe Ravaud, à l’origine traîner des lésions tissulaires », explique l’im­
n’est pas complètement nouveau. Il a déjà les premières cibles repérées : l’interleukine 6 du design de cette recherche originale pro­ munologiste Eric Vivier (Marseille). Après
été observé dans les précédentes épidémies (IL­6), une cytokine dont la concentration mue par l’AP­HP. Pour aller vite sans sacrifier avoir observé une activation du système du
liées à des coronavirus, le SRAS (le syndrome sanguine est significativement plus élevée en qualité méthodologique, la stratégie de complément chez des malades du Covid­19,
Corimuno­19 est de tester une batterie de mo­ des chercheurs chinois ont traité avec succès
lécules dans des groupes de patients, en les deux cas graves, en utilisant un anticorps
comparant à un même groupe témoin, traité monoclonal anti­C5a. Des résultats qui ont
par des soins courants (norme de soins). incité d’autres équipes à viser cette cible.
UNE MÉCANIQUE DE DÉFENSE INCONTRÔLABLE Amélioration significative
Une firme allemande, InflaRx, a ainsi lancé
un essai randomisé fin mars avec un autre
Point original, cette norme peut évoluer de anticorps monoclonal anti­C5a qui devrait

L es défenses de l’organisme
contre les bactéries et les virus
(dont le SARS­CoV­2) reposent
normalement sur l’activation de
deux systèmes : l’immunité cellu­
Habituellement, ces petites protéi­
nes sont produites en réponse à une
agression, notamment par des
agents infectieux, mais aussi dans
d’autres circonstances, dans les can­
le suivent : chez certains malades, le
capitaine sera l’IL­6, pour d’autres
l’IL­1 ou du TNF, ou parfois une combi­
naison de molécules. C’est très varia­
ble d’un individu à un autre. »
façon très souple en fonction des résultats.
« Si le comité indépendant qui surveille les es­
sais observe des effets suffisamment probants
d’un médicament testé, celui­ci devient le trai­
tement standard, ce qui permet à beaucoup
inclure 130 patients. Le groupe d’Eric Vivier
travaille sur une stratégie très proche. Dans
un premier temps, l’équipe marseillaise a
montré que, chez des patients atteints du
Covid­19, le taux sanguin de C5a est propor­
laire, qui fait appel à plusieurs types cers par exemple. Il en existe diffé­ Et cet orage de cytokines pourrait d’autres malades d’en bénéficier, c’est une ap­ tionnel à la sévérité de l’infection et à l’in­
de cellules plus ou moins spéciali­ rents types : interférons, interleu­ n’être que le sommet de l’iceberg. proche extrêmement pragmatique », souligne flammation au niveau des poumons. Un es­
sées, et l’immunité humorale. Cette kines (IL), facteurs de croissance, « Nos recherches montrent que, paral­ l’hématologue et chercheur Olivier Hermine, sai clinique randomisé a démarré lundi
dernière, qui intervient plus tardi­ facteurs de nécrose tumorale (TNF)… lèlement, des cellules de défense im­ du comité de coordination de la plate­forme. 27 avril dans des hôpitaux de Marseille pour
vement, consiste en la production munitaire, dont les globules blancs, se Les participants sont suivis au total trois évaluer contre placebo l’advoralimab, un an­
d’anticorps spécifiques contre l’agent Inflammation excessive retrouvent tétanisées, cette immuno­ mois, mais l’efficacité de chaque produit peut ticorps monoclonal bloquant le récepteur de
infectieux par les lymphocytes B – un Les cytokines permettent aux cellu­ suppression pourrait faciliter des être jugée dès les deux premières semaines, C5a, chez une centaine de malades avec une
type de globules blancs. les de communiquer entre elles, et infections bactériennes », poursuit selon des critères cliniques intermédiaires : forme sévère de la maladie. Cette biothérapie
Aggravation brutale des symptô­ stimulent les réponses immunitaires Aymeric Silvin. extubation, sortie de réanimation… « Parallè­ de la société Innate Pharma était jusqu’ici en
mes cliniques, notamment respiratoi­ et inflammatoires, nécessaires pour Pour contrer ou prévenir cette for­ lement, des prélèvements biologiques nous cours d’essais cliniques en cancérologie.
res, survenant chez certains malades combattre l’agression. Mais une sé­ me grave de Covid­19, des chercheurs permettent d’identifier les profils de patients La piste des immunomodulateurs soulève
du Covid­19 à partir du huitième jour, crétion massive entraîne une inflam­ misent sur divers traitements im­ qui répondent le mieux, et d’affiner pour les es­ beaucoup d’espoirs, mais peu de résultats
l’orage cytokinique est un emballe­ mation excessive, qui peut détruire munomodulateurs. Des molécules sais suivants », ajoute le docteur Pierre­Louis sont disponibles. En outre, ces médicaments
ment du système immunitaire cellu­ les poumons, voire d’autres organes mimant l’effet des cytokines ou, au Tharaux, également dans ce comité. sont souvent difficiles à manier, et certains
laire. « De nombreuses cellules sangui­ vitaux : reins, foie, cœur… contraire, bloquant leur action, qui Depuis le 21 mars, l’étude Corimuno­19, à ont des effets à long terme. Le traitement des
nes et tissulaires – dont les lympho­ « C’est en réalité un ensemble de cy­ sont déjà largement utilisées en thé­ laquelle participent une trentaine de cen­ orages cytokiniques et leur prévention pour­
cytes, monocytes, macrophages… – se tokines qui vont être sécrétées, expli­ rapeutique pour traiter certaines in­ tres français, a déjà recruté près de 700 pa­ raient bien passer par des stratégies person­
mettent à sécréter en quantité astrono­ que Aymeric Silvin, chercheur à l’Ins­ fections, des cancers, mais aussi des tients, et six médicaments sont en cours nalisées, selon le profil des patients. 
mique des cytokines », décrit l’immu­ titut Gustave­Roussy. Comme dans maladies auto­immunes.  d’évaluation. Lundi 27 avril, de premiers ré­ pascale santi
nologiste Eric Vivier (Marseille). le sport, il y a un capitaine et les autres p. sa. et s. ca. sultats positifs ont été annoncés, avec une et sandrine cabut
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MERCREDI 29 AVRIL 2020 science & médecine | 27

Une maladie virale  COVID-19, UN TABLEAU CLINIQUE COMPLEXE

multicible 1 Cerveau
(système nerveux central)
Troubles de la conscience
1
7 Yeux
Conjonctivite (inflammation
de la conjonctive qui tapisse
(perte de connaissance, coma) l'intérieur des paupières)
Les troubles engendrés par le SARS-CoV-2 n’en finissent Troubles de la vigilance 7
(somnolence, apathie) 8
plus de surprendre par la diversité des symptômes, Epilepsie
8 Nez
parfois atypiques. Outre les poumons, de nombreux Atteinte des filets nerveux
Accident vasculaire cérébral olfactifs situés à l’arrière
autres organes peuvent être touchés des fosses nasales
2 Poumons Anosmie (perte de l’odorat)
Gêne respiratoire associée ou non à une agueusie
Syndrome de détresse (perte du goût)
Ecoulement nasal

C’ est peu dire que la maladie accidents thrombo­emboliques, en par­ respiratoire aiguë
Covid­19 est une pathologie qui ticulier l’obstruction de veines profon­ Embolie pulmonaire 2
se distingue de ce que l’on ob­ des (phlébite), voire la survenue d’une
serve dans d’autres infections virales res­ embolie pulmonaire. 9 9 Cœur et vaisseaux
piratoires. « Cette infection peut entraîner L’atteinte de la paroi des petits vais­ 3 Foie sanguins
des symptômes extra­respiratoires, cer­ seaux, artérioles et capillaires, se traduit Altération de la fonction Atteinte des cellules
tains atypiques, comme des troubles neu­ chez certains patients par une atteinte ré­ hépatique avec élévation 3 endothéliales tapissant
rologiques isolés tels qu’une perte de l’odo­ nale, et ce d’autant que le récepteur ACE2 des enzymes hépatiques l’intérieur des vaisseaux
rat – anosmie – et une perte du goût est également présent au niveau des tu­ dans le sang
4 Myocardite (inflammation
– agueusie –, ou encore des atteintes vascu­ bules proximaux qui collectent l’urine du muscle cardiaque)
laires des extrémités se manifestant sur le nouvellement formée. Une atteinte ré­ 4 Reins 6
Troubles graves du rythme
plan dermatologique par de pseudo­enge­ nale est observée dans environ 5 % dans Insuffisance rénale aiguë ventriculaire
lures des doigts et des orteils », note Xavier les formes non sévères de Covid­19, un
Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat pourcentage qui atteint 30 % chez les Péricardite (inflammation
(Assistance publique­Hôpitaux de Paris). patients en réanimation. 5 Système digestif 5 de la fine membrane
« Ces manifestations isolées ont été ini­ Cette microvasculopathie affecte aussi Diarrhée entourant le cœur)
tialement des pièges cliniques pour l’iden­ l’appareil digestif et le système vascu­ Nausées Diminution de la contractilité
tification des malades », souligne ce spé­ laire cérébral. Cette atteinte diffuse des du muscle cardiaque
Vomissements
cialiste. Au caractère atypique de la symp­ petits vaisseaux participerait au très Formation de caillots dans
tomatologie s’ajoute une chronologie large spectre clinique observé dans la Douleurs abdominales des veines et des artères
également particulière. « Le début de la maladie, explique Xavier Lescure. Selon
maladie est souvent assez peu sympto­ lui, une microvasculopathie cérébrale
matique. Cela ressemble à une grippe lors­ diffuse pourrait peut­être expliquer 6 Nerfs
qu’il y a des signes généraux. Il s’ensuit par­ « certaines présentations neurologiques Atteinte du système 6 10
fois une tempête inflammatoire. Cet orage très bizarres », notamment des troubles nerveux périphérique
(syndrome de Guillain-Barré)
10 Peau
cytokinique survient bien après le début des fonctions exécutives. « Certains pa­
des symptômes. Alors que l’on parlait, il n’y tients sont apathiques. Ils ont soif mais ne Lésions de type engelures
a pas si longtemps, d’une aggravation à J7 vont pas chercher à boire, par exemple. » des doigts et/ou orteils
Sources : Le Monde, Science (acrocyanose)
de l’évolution, on se rend compte aujour­ Outre l’anosmie et l’agueusie, d’autres Infographie : Marc Gozlan, Audrey Lagadec
d’hui que ce rebond peut durer toute la atteintes du système nerveux périphé­
deuxième semaine, ce qui représente une rique ont été décrites mercredi 1er avril
difficulté dans la surveillance des patients, par une équipe chinoise et vendredi
même pour ceux dont l’état clinique initial 17 avril par des médecins italiens. Il s’agit
était rassurant ou ceux qui ne présentent de cas de syndrome de Guillain­Barré ou nécessité d’une assistance ventilatoire un patient, hospitalisé dans le service de muscles assurant certains mouvements
pas de pathologies associées », détaille d’un syndrome apparenté (polyradi­ du fait de l’atteinte des muscles respira­ maladies infectieuses, qui est tombé dans du globe oculaire), la mobilité de la lan­
Xavier Lescure. culonévrite aiguë). Deux syndromes de toires). « Ces atteintes du système nerveux le coma alors qu’il n’avait pas développé gue ou encore la sensibilité de la face
Guillain­Barré ont récemment été ob­ périphérique ne sont pas vraiment sur­ d’atteinte respiratoire importante, seu­ (douleurs violentes). Une jeune femme a
Atteinte vasculaire servés par l’équipe de Djillali Annane, prenantes dans la mesure où elles sont at­ lement une pneumonie classique. Chez ainsi développé une atteinte isolée du
Ces diverses manifestations cliniques chef du service de réanimation à l’hô­ tendues dans un contexte postinfectieux. cet homme, qui n’était donc pas en dé­ bulbe rachidien, située à la jonction en­
montrent que la pathologie infectieuse pital Raymond­Poincaré de Garches A mon avis, on va en observer de plus en tresse respiratoire aiguë, plusieurs pertes tre la moelle épinière et le cerveau. Ce
Covid­19 est aussi une maladie systé­ (Hauts­de­Seine). plus dans les semaines et mois à venir. Ces de conscience avec état confusionnel, n’est qu’ensuite qu’elle a présenté des
mique, c’est­à­dire caractérisée par une Ces atteintes des nerfs périphériques se cas ont en effet tendance à apparaître après chaque épisode, ont entraîné sa symptômes respiratoires. « Son scanner
atteinte diffuse touchant de nombreux sont manifestées par des tétraplégies trois semaines à un mois après l’infection. prise en charge en réanimation », pour­ thoracique montre maintenant des ima­
tissus et organes. Ainsi, la présence de (paralysie des quatre membres avec Cela concerne des patients en réanima­ suit Djillali Annane. ges typiques de Covid­19 qu’elle n’avait
multiples petits caillots sanguins, micro­ tion, ceux également non passés en réa, pas à son admission », précise Djillali
thrombi dans le jargon médical, parti­ mais aussi des personnes restées à do­ Atteinte du cœur Annane. Enfin, certains patients présen­
cipe grandement à la diversité des signes micile car peu symptomatiques », note Son équipe a également observé un trou­ tent une atteinte, au niveau du bulbe ra­
cliniques. En effet, l’inflammation géné­ CERTAINS PATIENTS Djillali Annane. ble de conscience prolongé chez un pa­ chidien, des voies de la motricité entraî­
ralisée favorise chez les patients la forma­ Ce spécialiste se déclare surpris par les tient. Celui­ci avait été placé sous assis­ nant une rigidité généralisée (syndrome
tion de thromboses se manifestant par
PRÉSENTENT atteintes du système nerveux central tance respiratoire et endormi du fait tétrapyramidal).
des occlusions veineuses et artérielles. UNE ATTEINTE, chez les patients Covid­19. « Franche­ d’une atteinte respiratoire très sévère à A tout cela s’ajoutent parfois des si­
A cela s’ajoute probablement une at­ ment, on ne s’y attendait pas », confie­ son admission à l’hôpital. L’atteinte neu­ gnes témoignant d’une atteinte du
teinte vasculaire directe par le virus dans
AU NIVEAU t­il. « Sur les 85 patients que l’on a traités rologique cérébrale a été découverte au cœur : myocardite (inflammation du
la mesure où les cellules endothéliales qui DU BULBE RACHIDIEN, depuis le 10 mars dans notre service de moment où la sédation a été levée. De muscle cardiaque), troubles du rythme,
tapissent l’intérieur des vaisseaux san­ réanimation, 10 ont présenté des mani­ fait, au réveil de ce patient, l’IRM a montré infarctus du myocarde malgré la pré­
guins portent à leur surface le récepteur
DES VOIES festations neurologiques que l’on n’a pas des lésions cérébrales. sence d’artères coronaires non obs­
ACE2, qui sert de porte d’entrée au corona­ DE LA MOTRICITÉ l’habitude d’observer dans un syndrome Un même patient peut présenter plu­ truées. La maladie Covid­19 est déci­
virus. C’est donc à la fois la paroi vascu­ de détresse respiratoire aiguë, les attein­ sieurs types d’atteintes neurologiques, dément associée à une multitude de
laire et le sang qui semblent être touchés.
ENTRAÎNANT UNE tes centrales étant les plus intrigantes », telles qu’une atteinte des nerfs crâniens symptômes possibles. 
Ceci expliquerait la fréquence élevée des RIGIDITÉ GÉNÉRALISÉE confie le réanimateur. « Nous avons eu assurant l’oculomotricité (paralysie des marc gozlan

L’illusoire éradication de la peste endémique
Par ALICE LEBRETON la reprise de flambées épidémiques par des insectes vecteurs, les pu­ d’insectes plus résistants. En paral­ au Kazakhstan entre 1974 et 2003.
meurtrières, comme ce fut le cas ces, qui parasitent les rongeurs lèle, gerbilles et gerboises furent Ce contrôle implique une excel­

CARTE Q uelle pandémie ne laisse


pas une empreinte à long
terme ? Une empreinte en
premier lieu historique : il
en 2017 pour la peste à Madagascar.
Selon l’Organisation mondiale de
la santé (OMS), la peste sévit encore
dans plusieurs régions d’Afrique,
sauvages, en particulier les espè­
ces sociales. Leur rencontre avec
les animaux domestiques ou
l’homme conduit à des infections
décimées, ce qui mit en évidence
quelques effets contre­intuitifs de
l’opération ; par exemple, si l’on
réduit drastiquement la popula­
lente connaissance écologique,
géographique et sociale du terrain :
la surveillance précise et la modéli­
sation des populations de vecteurs
BLANCHE n’est guère besoin de fouiller long­
temps dans les archives, la littéra­
d’Amérique et d’Asie, trace durable
de la dernière pandémie de peste,
accidentelles mais potentielle­
ment fatales. La contagion directe
tion de rongeurs, les puces survi­
vantes tendent à rechercher de
et d’hôtes sauvages afin de détecter
les flambées au plus tôt, leur con­
ture ou l’art pictural pour y trouver qui prit sa source dans la province entre humains est, comparative­ nouveaux hôtes à infester, et l’on trôle ciblé en préservant l’équilibre
trace de la grippe espagnole, de la chinoise du Yunnan vers le milieu ment, peu fréquente. constate ainsi transitoirement des écosystèmes, l’investissement
peste noire, ou de celle de Justinien. du XIXe siècle, avant d’essaimer par une recrudescence des contami­ dans un réseau d’assainissement et
Mais ces fléaux de grande am­ voie portuaire dans le monde en­ Effets contre-intuitifs nations d’animaux domestiques de santé réactif et correctement
pleur ne continuent pas unique­ tier. Un article de synthèse paru Partant de ce constat, l’URSS entre­ ou d’humains. équipé, ainsi que la prévention, par
ment de vivre dans nos mythes, dans la revue PNAS en mai 2019 prit de « liquider » à la source aussi Bien qu’un responsable soviéti­ l’information, l’éducation de la po­
sous nos plumes ou nos pinceaux. dressait le bilan de l’expérience ap­ bien les populations de rongeurs que ait assuré en 1959 l’OMS que pulation et la formation du person­
En particulier pour les maladies portée par un siècle de lutte contre sauvages que celles de puces. A l’URSS n’avait pas connu de cas hu­ nel soignant. Un changement d’ap­
infectieuses d’origine animale (les la peste dans l’ancienne Union so­ partir des années 1920, les grandes mains de peste depuis 1928, pour le proche qui aide aujourd’hui à vivre
zoonoses), l’existence de réservoirs viétique. A partir des années 1920, campagnes d’intensification agri­ seul Kazakhstan les registres attes­ avec la peste… malgré la peste. 
animaux entraîne, une fois la crise différentes mesures furent mises cole dans les steppes d’Asie cen­ taient de 400 cas sur la période.
passée, leur persistance à l’état en­ en œuvre en vue d’éradiquer la ma­ trale s’accompagnèrent de l’em­ Dans les années 1970, l’abandon de ¶
démique. Les foyers locaux d’infec­ ladie du territoire, avec des résul­ ploi massif d’insecticides organo­ ces efforts illusoires d’éradication Alice Lebreton est chargée
tion sont à l’origine de cas sporadi­ tats mitigés malgré des moyens chlorés, comme le DDT, toxiques à complète en faveur d’une stratégie de recherche à l’Institut national
ques et, lorsque les conditions éco­ hors du commun. long terme pour la population et la de contrôle permit de réallouer les de la recherche agronomique (Inrae),
logiques, sanitaires et climatiques La bactérie responsable de la faune, et dont l’efficacité déclinait moyens à des objectifs plus aborda­ Institut de biologie de l’Ecole normale
propices sont réunies, on constate peste, Yersinia pestis, est transmise au fur et à mesure de la sélection bles et efficaces – seulement 33 cas supérieure (Ibens).
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28 | science & médecine MERCREDI 29 AVRIL 2020

LE LIVRE

Voyage au centre 
du Soleil
L’astrophysicien Roland
Lehoucq raconte comment,
à travers l’histoire, les
savants ont tenté de lever le
mystère de la lumière solaire

A la fin des années 1950, reprenant la


célèbre mélodie sifflée du Pont de la
rivière Kwaï, Annie Cordy chantait
« Hello, le soleil brille, brille, brille ! » Oui, mais
pourquoi brille­t­il ? Par quel mécanisme
notre étoile produit­elle, avec pareille régula­
rité, cette prodigieuse quantité d’énergie
sans laquelle la vie n’existerait pas ? Dans son
dernier ouvrage, Roland Lehoucq, astrophy­
sicien au Commissariat à l’énergie atomique
et aux énergies alternatives et auteur de plu­ UNE NOUVELLE CARTE GÉOLOGIQUE DE LA LUNE
sieurs livres de vulgarisation scientifique,
aborde cette vertigineuse question par la face L’Institut d’études géologiques des Etats-Unis (USGS) a publié, Lunar Reconnaissance Orbiter (NASA) et Selene (JAXA, l’agence
lundi 20 avril, en collaboration avec la NASA et le Lunar Planetary spatiale japonaise). « C’est l’aboutissement d’un projet de plusieurs
historique, en racontant comment les philo­
Institute, une nouvelle carte géologique de la Lune, à l’échelle décennies, a déclaré Corey Fortezzo, géologue de l’USGS et auteur
sophes d’abord, les chercheurs ensuite, ont principal de ce travail. Il fournit des informations vitales pour de nou-
1:5 000 000. Pour créer cette carte numérique, l’USGS a remis à jour
tenté de résoudre le mystère de la lumière les six cartes régionales datant des missions Apollo et les a complé- velles études scientifiques en connectant l’exploration de sites spécifi-
solaire. Une histoire que l’auteur présente tées avec les informations recueillies par deux sondes orbitales, ques au reste de la surface lunaire. » (PHOTO : NASA/GSFC/USGS)
comme une « épopée de la connaissance ».
Celle­ci commence dès l’Antiquité grecque,
où les pythagoriciens imaginent le Soleil
comme un corps se contentant de refléter la
lumière d’un feu central invisible depuis
notre planète car masqué en permanence
par une anti­Terre – sans expliquer pour
ZOOLOGIE national de la recherche agronomique
(Dijon), auteur d’un rapport sur le sujet
modèles. Selon elle, le nombre de per­
sonnes touchées par les allergies pour­
autant ce qui alimente ledit feu. Puis vient publié par l’Anses en juin 2019. rait passer de 13,5 millions à 11,2 mil­
Aristote avec son modèle de cosmos où les Ophraella communa, plus précisé­ lions, et le coût pour la société de 7,4 à
astres tournent autour de la Terre, attachés à
des sphères. Le philosophe invoque des cau­
Un coléoptère contre nos allergies ? ment. Ce petit coléoptère sans charme
est lui aussi une espèce envahissante,
6,4 milliards d’euros par an.
C’est beaucoup et c’est peu. « Seules
ses mécaniques pour expliquer la lumino­ débarquée en Europe en provenance 20 % des zones infestées par l’ambroisie
sité et la chaleur du Soleil, en les attribuant,
écrit Roland Lehoucq, « aux frottements en­
gendrés par le mouvement de la sphère à la­
quelle il est fixé ». Il faut attendre les pen­
seurs arabes du Moyen Age pour qu’appa­
L es amis de mes amis sont mes
amis, c’est entendu. Mais qu’en
est­il des ennemis de mes enne­
mis ? La règle mathématique qui veut
que pour la multiplication, « moins par
points d’eau et des rivières. Elle dérange
les écosystèmes, mais surtout, elle em­
poisonne les riverains. Car cette cou­
sine du tournesol possède un pouvoir
allergisant considérable.
d’Amérique du Nord. « Il est arrivé à
Milan en 2013, sans doute depuis la
Chine, qui elle­même l’avait reçue des
Etats­unis », poursuit l’agronome. Et là,
miracle : dans la plaine du Pô, la bestiole
sont favorables à l’installation de la
chrysomèle. De plus, la température
détermine le nombre de générations de
coléoptères chaque année, et donc la
densité d’insectes », explique Heinz
raisse l’idée selon laquelle l’astre du jour moins, ça fait plus » peut­elle être trans­ Dans les vallées du Rhône, de la Loire s’attaque directement à l’ambroisie. Müller­Schärer. Pas question de les
produit son énergie en interne. posée en biologie, et plus particulière­ ou de l’Allier, dans quelques zones du voir monter trop au Nord ou gravir les
ment dans le domaine des espèces en­ Sud­Ouest, des milliers de personnes se Lâchers de masse ? montagnes.
Enigme têtue vahissantes ? Un article publié mardi voient lourdement handicapées entre Dans l’article de Nature Communica­ Pour l’heure, Ophraella communa n’a
Mais quelle en est la source ? Pendant très 21 avril dans Nature Communications août et octobre, lorsque s’envolent les tions, les biologistes Urs Schaffner, même pas franchi la frontière fran­
longtemps, la science moderne va buter pourrait nous aider à répondre à cette pollens d’ambroisie. « Une éradication Heinz Müller­Schärer et leurs collègues çaise. « On pensait la voir vite dans le
contre cette énigme têtue. On écarte rapi­ question un rien sibylline. par les moyens classiques est impossible européens racontent que, dans la ré­ Midi, elle n’est toujours pas là », raconte
dement l’hypothèse d’une combustion En 1863, une mauvaise herbe améri­ car, pour des raisons environnementa­ gion de Milan, près de 100 % des plants Bruno Chauvin. Faudrait­il l’intro­
analogue à celle du charbon, incapable de caine débarquait en France dans une les, on ne peut ni faucher ni utiliser de ont été touchés, réduisant la quantité duire, réaliser des lâchers de masse,
produire une si faramineuse quantité cargaison de trèfles mauves. Jusque­là, pesticides en bord de rivières. Alors forcé­ de pollen dans l’air de 82 %. Et faute de comme l’ont fait les Chinois ? Les pro­
d’énergie. L’idée que le Soleil soit alimenté quelques spécimens d’Ambrosia arte­ ment, on pense à l’Ophraella », explique pollen, point d’allergie. ducteurs de tournesol français y sont
par la chute d’une abondante quantité de misiifolia figuraient dans de très rares Bruno Chauvin, chercheur à l’Institut Un envahisseur pour lutter contre hostiles, redoutant des dégâts colla­
météorites à sa surface est, elle aussi, re­ collections de jardins botaniques. Mais l’envahisseur ? Les chercheurs euro­ téraux. « Nos travaux ont montré que
poussée. A la fin du XIXe siècle existe une à partir de cette funeste année, c’est péens en sont convaincus. Ils ont re­ les risques étaient très limités, mais je
sorte de consensus autour du scénario selon cachée dans des graines de trèfle, de censé toutes les régions touchées, ne dirais pas qu’ils sont nuls », admet
lequel la contraction lente de notre étoile se­ luzerne ou même d’aliments pour France, Italie et bassin du moyen Da­ l’agronome.
rait le fournisseur de son énergie, mais il oiseaux venus d’outre­Atlantique, que nube en tête. Ils ont relevé les prescrip­ Alors que faire ? Sa voix semble trahir
comporte un hic de taille : avec lui, le Soleil l’ambroisie à feuilles d’armoise s’ins­ tions médicales d’antiallergiques entre un sourire : « Pour le moment, on attend.
ne pourrait vivre que quelques dizaines de talle en Europe. août et octobre – quand peu d’autres Ça arrange tout le monde. Enfin pres­
millions d’années, durée incompatible avec Dans les champs, elle subit les assauts pollens circulent – et étudié les condi­ que. » Dans la seule région Rhône­Alpes,
les temps géologiques relevés sur Terre. des agriculteurs. Alors elle fait son nid tions météorologiques pour voir si près de 200 000 personnes souffri­
En 1919, le Français Jean Perrin a l’intuition dans tous les lieux perturbés par la main elles seraient propices à une installa­ raient d’allergie à l’ambroisie à feuilles
de la solution, de ce que l’on appellera plus de l’homme, bords de routes, talus, dé­ tion des coléoptères. Enfin, l’équipe d’armoise. 
tard la fusion nucléaire. Il faudra cependant charges ou encore aux alentours des « Ophraella communa ». PICASA pluridisciplinaire a fait tourner les nathaniel herzberg
attendre la fin des années 1930 pour que
cette nouvelle physique soit assez mûre
pour écrire la chaîne de réactions où des
noyaux atomiques légers fusionnent en élé­
ments plus lourds, transformant au passage
une infime partie de la matière en énergie.
AFFAIRE DE LOGIQUE – N° 1143
Au terme de son récit, Roland Lehoucq Le cercle du mathématicien disparu N° 1143
Solution du problème 1142
montre que l’on s’est beaucoup trompé en F
essayant de trouver ce qui fait briller le Soleil, G
Alice trace un triangle ABC et prolonge ses côtés, comme sur le dessin. Les segments 1. Bob sera sûr de reconstituer l’ordre de 6 œuvres en
mais aussi que la compréhension des étoi­ de même couleur ont la même longueur. Elle affirme alors que sur cette figure, posant au plus 5 questions.
les, alors même qu’il est impossible d’aller imaginée par John Conway, les points D, E, F, G, H et I sont sur un même cercle. A Notation : en vert, les cartes soumises ; en rouge la réponse
les étudier sur place, est un modèle de la 1. A-t-elle raison ? Si oui, quel est le centre de ce cercle ? dans l’ordre ; entre parenthèses, le décompte des questions.
puissance que peut déployer la science.  B C Bob commence par trois cartes (1), qu’Alice classe [1,2,3].
Bob refait une figure similaire où le triangle ABC est rectangle (ses côtés mesurent H E
pierre barthélémy 3, 4 et 5 cm) et annonce qu’il sait calculer le rayon du cercle de Conway associé. Si A, B et C sont les trois autres cartes, Bob pose : 2,A,B (2).
D – Si [2,A,B], alors A,B,3 (3). Bob en déduit la position de cinq
2. Quel est ce rayon ? I
« Pourquoi le Soleil brille », de Roland des cartes : 1,2,3,4,5. Il reste C. Bob pose 2,C,4 (4), [C,2,4] se
Lehoucq (HumenSciences, 240 p., 16 €). résout avec 1,2,C (5), [2,C,4] avec 2,3,C (5), [2,4,C] avec 4,5,C (5).
Voici, pendant cette période de confinement, après la présentation de livres des dernières semaines, une liste d’actions « virtuelles » autour – Si [A,B, 2], le résultat est le même par symétrie.
des mathématiques que vous pouvez suivre, voire réaliser, depuis votre ordinateur. – Si [A,2,B], alors A,C,1 (3) et B,C,3 (4) permettent de
connaître l’ordre complet, sauf si Alice a répondu [A,1,C] et
SUR INTERNET LES DOCUMENTAIRES DE L’IHP
EN LIBRE ACCÈS JUSQU’AU 17 MAI
L’Institut Henri Poincaré, dans le cadre de sa
ANIMATH : CONFÉRENCES EN LIGNE
ET ÉNIGMES QUOTIDIENNES
Les maths s’invitent chez vous tous les jours
ARTICLES ET VIDÉOS AUTOUR DE
MATHÉMATIQUES ET ÉPIDÉMIE
Face à l’épidémie, la science est aux avant-
[C,3,B], auquel cas Bob a besoin de 1,2,C (5). Maximum : 5.
2. Il faudra au plus 9 questions pour 9 œuvres.
politique de diffusion des connaissances en direct du lundi au vendredi de 16 h à 18 h postes. Ainsi, le Palais de la Découverte a Après les réponses [A,B,C], [D,E,F] et [G,H,I], puis [B,E,H] à
scientifiques, donne libre accès à ses produc- avec « Parlons maths », les conférences en lancé le programme « La science est là », une sa question 4, Bob pose C,E,G (5). Six cas sont à envisager :
A R C H É O LO G I E tions documentaires. Citons en particulier le ligne de l’association Animath. Cette chaîne ressource numérique qui vient renforcer
Le passé à votre portée – [C,E,G]. On connaît, à ce stade, l’ordre ABCEGHI. Il faut
dernier film, réalisé en 2019 par Quentin Laz- Twitch diffuse en direct, en interaction avec l’offre en ligne du Palais. Le site « Florilège de
L’Institut national de recherches archéo­ zarotto, Man Ray et les équations shakespea- les internautes, des contenus mathéma- popularisation des mathématiques » réfé-
au plus deux questions pour placer D et deux pour F.
riennes, qui parle de la rencontre, dans les tiques à destination d’un large public, dès le rencie quotidiennement articles et vidéos – [C,G,E]. On connaît, à ce stade, l’ordre ABCGEHI. Il faut
logiques préventives met en ligne toutes
années 1930, de l’artiste surréaliste et du niveau collège. Au programme, des confé- qui décrivent le rôle possible des mathéma- au plus deux questions pour placer D et une pour F.
ses ressources destinées au public sous monde mystérieux des modèles mathéma- rences aux thèmes variés : « Mathématiques tiques dans l’observation de la pandémie et – [E,C,G]. On connaît, l’ordre ABECGHI. Il faut au plus une
une rubrique #culturecheznous. Au menu : tiques de l’IHP qui l’ont inspiré. Le film, entre et cinéma », « Histoire de l’informatique », la recherche de molécules qui pourraient la question pour placer D et deux pour F.
plus de 200 reportages vidéo consacrés des images magnifiques, interroge, durant « Une méthode de tri magique », « Com- stopper. De nombreux sites universitaires
une heure trente, scientifiques, artistes, ment prévoir l’imprévisible », « Introduction publient des articles sur des modèles mathé-
– [E,G,C]. On connaît l’ordre ABEGHI. Il faut au plus une
à des fouilles, des dossiers sur la pratique question pour placer D, une pour C, puis deux pour F.
comédiens, historiens, dont les regards dif- à la cryptographie », « De beaux entrelacs »… matiques utilisables. Quelques liens :
de la discipline et les différents métiers férents amènent le spectateur à explorer la Enfin, une énigme quotidienne à résoudre Palais-decouverte.fr, www.florilege-maths.fr, – [G,C,E]. On connaît l’ordre ABCEHI. Il faut au plus une
auxquels elle fait appel, une frise interactive rencontre entre science, art et théâtre. vous intéressera certainement. Imag.umontpellier.fr, Modcov19.math.cnrs.fr question pour placer G, une pour F et deux pour D .
couvrant 800 000 ans et une immense Lien : www.ihp.fr/fr/production-films Lien : Parlons-maths.fr Imose.fr/covid-19, Covid-ete.ouvaton.org – [G,E,C]. On connaît l’ordre ABEHI. C,F,H (6) et C,F,I (7) per-
galerie de vestiges ainsi que des jeux. E. BUSSER, G. COHEN ET J.L. LEGRAND © POLE 2020 affairedelogique@poleditions.com mettent d’ajouter C et F. A,D,G (8) et B,D,G (9) concluent.
> Inrap.fr
0123
MERCREDI 29 AVRIL 2020 science & médecine | 29

PORTRAIT TÉLESCOPE
b

Yazdan Yazdanpanah, épidémiologiste  ASTRONOMIE
Un groupe d’astéroïdes
est d’origine interstellaire

« génétiquement positif » Alors que certains corps interstellaires,


comme l’astéroïde Oumuamua, ne font que
passer dans le Système solaire, d’autres
s’y installent durablement. Selon les calculs
de deux chercheurs, c’est le cas de dix­neuf
astéroïdes de la famille des Centaures,
Spécialiste de santé publique, cet infectiologue est l’un des acteurs-clés dans la gestion de la crise qui gravitent entre Jupiter et Neptune : leurs
du Covid-19. Une maladie qu’il connaît de l’intérieur, pour l’avoir lui-même contractée orbites actuelles et les caractéristiques de
celles­ci ne s’expliquent que si ces objets ne
se trouvaient pas dans notre Système solaire

P endant plusieurs semai­


nes, il est passé de l’autre
côté du miroir, atteint par
la maladie sur laquelle il tra­
vaillait jour et nuit depuis jan­
à sa naissance, il y a 4,5 milliards d’années.
Les simulations numériques montrent que,
à l’époque, ces corps évoluaient à la fois loin
de la zone où sont apparus les autres astéroï­
des mais aussi dans un plan perpendiculaire
vier, et hospitalisé dans son pro­ à celui des planètes. Reste désormais à com­
pre service. Depuis quelques prendre comment tous ces objets nés autour
jours, Yazdan Yazpandanah re­ d’autres étoiles ont pu ensuite être capturés.
prend le collier, progressive­ > Namouni et al., « Monthly Notices
ment. « Ce n’est peut­être pas plus of the Royal Astronomical Society », 23 avril
mal d’avoir pris un peu de recul.
Etre le nez dans le guidon n’est pas Premier témoignage crédible sur un
toujours bon », dit simplement le décès dû à la chute d’une météorite
médecin­chercheur, d’une voix La chute d’une pluie de météorites,
posée avec une pointe d’accent. le 22 août 1888, vers 8 h 30, sur le village de
En pleine pandémie, venant Souleimaniyé, en Irak, aurait tué un homme
d’un homme au cœur du disposi­ et paralysé un autre habitant. C’est ce qui
tif de lutte contre le nouveau coro­ ressort d’une plongée dans les archives gou­
navirus, la réflexion pourrait sem­ vernementales turques – l’Irak faisait alors
bler osée. Le chef du service des partie de l’Empire ottoman. L’événement est
maladies infectieuses et tropica­ corroboré par un rapport au sultan Abdul
les de l’hôpital Bichat (AP­HP), Hamid II. Il s’agirait du premier témoignage
54 ans, est membre des deux ins­ crédible concernant un décès lié à la chute
tances nommées par le gouverne­ d’une météorite. En 1677, en Italie, un moine
ment pour éclairer ses décisions milanais aurait été tué après avoir été
sur le Covid­19 : le conseil scienti­ percuté à la cuisse par une météorite, mais
fique et le Comité analyse recher­ l’authenticité du récit semble moins solide.
che et expertise (CARE). Ce spécia­ Plus récemment, Ann Elizabeth Fowler
liste du VIH et des maladies émer­ Hodges avait été blessée par un fragment de
gentes est par ailleurs, depuis météorite qui avait rebondi sur un poste de
2014, le coordinateur d’un consor­ radio, alors qu’elle dormait sur son sofa dans
tium de l’Inserm, REACTing, qui a sa ferme de l’Alabama, en novembre 1954.
pour mission de préparer et coor­ > Unsalan et al., « Meteoritics & Planetary
donner la recherche française Science », 22 avril
pendant les épidémies. Yazdan Yazdanpanah, à sa sortie d’une réunion du conseil scientifique, à Paris, le 5 mars. LUDOVIC MARIN/AFP
A écouter ses proches, on se dit Le télescope spatial Hubble
que le trait d’humour sur la prise fête ses 30 ans
de recul témoigne du regard dé­ prendre du recul lui donnent une H1N1, chikungunya, Zika, Ebola… Face aux critiques, il reste
calé que cet Iranien d’origine longueur d’avance pour analyser « C’est lors de la pandémie H1N1 calme : « Ça ne me dérange pas
porte sur le monde, de son opti­ les situations et gérer les crises. » Et [2009­2011], qu’on s’est rendu vraiment ; d’une part, parce que
misme chevillé au corps, aussi. le professeur Poissy de souligner : compte de la nécessité de coor­ j’ai arrêté les liens avec les labora­
« Yazdan a une confiance totale en « Le contrôle de l’épidémie de Covid donner la recherche », raconte toires ; d’autre part, parce que
l’avenir, il est génétiquement posi­ à Lille, c’est en partie à lui qu’on le Yazdan Yazdanpanah. Une prise cette crise nous donne de la visibi­
tif, assure son adjoint, le profes­ doit, ses informations nous ont de conscience qui aboutira quel­ lité. Il est donc normal que les
seur Xavier Lescure, qui le connaît permis d’anticiper. » ques années plus tard à la créa­ gens se demandent d’où on parle.
depuis vingt ans et l’a rejoint à « Mon métier de base, c’est clini­ tion du consortium REACTing, Le plus important est de savoir
Bichat en 2013. Dans l’équipe, on cien, assure de son côté l’infectio­ avec Jean­François Delfraissy, qui soi­même où l’on en est, et je me
l’a beaucoup charrié à ce propos, logue. C’est la clinique qui donne en préside le conseil scientifique. sens tranquille. »
mais il a fini par nous convertir. » des idées pour la recherche. Avec le Quant aux médicaments éva­
Quand il a su qu’il était infecté VIH, nous avons aussi compris l’im­ Bloqué par ses liens d’intérêt lués dans le cadre de l’essai Disco­
par le SARS­CoV­2, fin mars, portance de la multidisciplinarité, En septembre 2011, le professeur very, le choix s’est fait au niveau
Yazdan Yazdanpanah a continué les associations m’ont beaucoup Yazdanpanah quitte les Hauts­de­ de l’Organisation mondiale de la
à travailler d’arrache­pied de chez appris. » Il en est convaincu, c’est France pour Paris, et prend rapi­ santé (OMS) par un collectif d’ex­ Fruit d’une coopération entre la NASA
lui, participant aux deux heures en mêlant les compétences de ter­ dement la chefferie du service de perts, précise Yazdan Yazdanpa­ et l’Agence spatiale européenne (ESA), le té­
quotidiennes de réunion du rain et d’autres disciplines qu’on maladies infectieuses de Bichat. nah. Il le reconnaît, le SARS­CoV­2 lescope spatial Hubble fête ses 30 ans. Parti
conseil scientifique, dormant est le plus performant. Progressivement, ce clinicien et l’a surpris par sa transmissibilité dans l’espace le 24 avril 1990, cet instru­
trois à quatre heures par nuit, Cette passion conjuguée pour chercheur brillant – qui a aujour­ élevée, surtout par les sujets ment a réalisé 1,4 million d’observations
comme depuis le début de l’épidé­ les maladies infectieuses, la san­ d’hui quelque 500 publications à asymptomatiques, ce qui n’était qui ont donné lieu à quelque 17 000 articles
mie. Au bout d’une semaine, com­ té publique et la recherche n’a son actif – endosse des responsa­ pas le cas avec le SARS­CoV et le dans des revues scientifiques. Pour fêter
plètement K.­O., il a dû se résoudre pas été immédiate. Arrivé en bilités nationales et internatio­ MERS­CoV, les coronavirus émer­ cet anniversaire, la NASA et l’ESA ont publié
à être hospitalisé, et a alors choisi France à l’adolescence, au mo­ nales auprès d’organismes de re­ gents précédents. Lui qui a « gran­ une photo spectaculaire prise par Hubble,
de rester dans son service. ment de la révolution islamique, cherche. En 2017, il accède ainsi à di » avec ces deux menaces épidé­ où figure la nébuleuse NGC 2014. Située
il commence ses études de méde­ la direction de l’Institut thémati­ miques avoue avoir, au départ, dans le Grand Nuage de Magellan, une
Bâtisseur de projets cine à Montpellier, puis fait son que multi­organisme Immuno­ un peu péché par analogie. galaxie naine proche de la Voie lactée, NGC
Confrontée au chaos, privée de internat à Lille… en gastro­enté­ logie, Inflammation, Infectiolo­ « C’est en voyant ce qui se passait 2014 est une région où des étoiles massives
l’expertise de son chef qu’il fallait rologie. Une mission au Sénégal gie, Microbiologie (ITMO I3M) de en Italie, à Mulhouse et dans l’Oise jeunes illuminent en rouge le cocon de gaz
laisser se reposer, l’équipe a as­ en 1993 dans le cadre de son ser­ l’Inserm­Aviesan, où il succède qu’on a basculé et compris qu’on ne et de poussières où elles sont nées. Présenté
suré, évitant les clashs malgré vice national, où il enquête sur au professeur Jean­François Del­ pouvait plus remonter la chaîne de comme le successeur d’Hubble – même
l’épuisement, le stress… « S’effacer fraissy, nommé à la présidence transmission », raconte­t­il. Pour s’il n’observera pas le ciel dans les mêmes
devant la cause commune, on y a du Comité national consultatif autant, les mesures prises autour longueurs d’onde –, le télescope spatial
tous contribué, mais le caractère « LA FORCE d’éthique. des premiers cas ont été utiles, James Webb a subi de nombreux retards
de Yazdan y a été pour beaucoup, Egalement pressenti pour rem­ selon lui : « Cette attitude nous a et devrait décoller en 2021.
estime Xavier Lescure. Au quoti­ DE YAZDAN, placer ce dernier à la tête de permis de retarder l’épidémie en (PHOTO : SPACE TELESCOPE SCIENCE INSTITUT/NASA, ESA)
dien, il est très à l’écoute, cherche C’EST DE CONJUGUER l’Agence nationale de recherche France, pour se préparer à la vague
toujours à mettre chacun là où il sur le sida et les hépatites virales et aplanir la courbe. » BIOTECHN OLOGIE
sera le plus efficace et le mieux DEUX VISIONS DU (ANRS), il est en revanche bloqué Quel regard porte­t­il sur les dé­ Des plants de tabac bioluminescents
pour lui­même. Ainsi préparés, on MALADE, INDIVIDUELLE par ses liens d’intérêt, alors nom­ bats autour du manque de mas­ Les feuilles de tabac sont évidemment
a pu déplacer des montagnes, et en breux, avec l’industrie pharma­ ques et de tests, des manquements vertes, mais celles qui poussent à l’Institut
ressortir encore plus soudés. » ET COLLECTIVE » ceutique. « Depuis 2012, les labo­ de l’OMS ? « Face à une telle situa­ de biochimie organique de Moscou sont
En arrêt de travail forcé, Yazdan JULIEN POISSY ratoires ont dépensé pour lui tion, avec autant d’inconnues, on vert fluo. Comme des lucioles, les feuilles,
Yazdanpanah, a, lui, guéri du RÉANIMATEUR 134 773 euros. Et jusque 2017, il a fait des erreurs. Il faudra faire des les tiges, les racines et les fleurs émettent
Covid­19, et peut­être aussi d’une directement perçu 38 342 euros », retours d’expérience, mais pas pen­ de la lumière verte, à la suite d’une
autre maladie : son addiction au pointe une enquête de Mediapart dant l’épidémie », tranche le pro­ modification génétique qui a introduit
travail. Il s’est oxygéné, au propre une épidémie de bilharziose publiée le 8 avril. « Depuis 2017, j’ai fesseur. Avant de concéder qu’« on un mécanisme de production de photons
comme au figuré. De quoi sans (maladie d’origine parasitaire) tout arrêté. Mes frais de congrès aurait pu être plus transparents découvert chez un champignon en 2018.
doute retrouver ses qualités de dans la vallée du fleuve Sénégal, sont payés par l’Inserm ou par sur les masques ». Selon les chercheurs, également issus
visionnaire et de bâtisseur de pro­ va faire tilt, et modifier sa trajec­ l’hôpital ; et les déjeuners, j’évite », Selon Xavier Lescure, « Yazdan d’instituts autrichiens et anglais, la lumière
jets que mettent en avant ceux toire. De retour à Lille, il poursuit précise l’infectiologue. n’entre pas frontalement dans des serait dix fois plus intense que celle
qui le côtoient professionnelle­ un cursus en maladies infectieu­ Sur les réseaux sociaux, il se fait polémiques qu’il estime stériles, obtenue par des travaux antérieurs. Deux
ment. « La force de Yazdan, c’est de ses. Parallèlement, il se forme en toujours étriller pour sa proxi­ voire contre­productives. D’une start­up russes, Planta et Lightbio, ont été
conjuguer deux visions du malade, santé publique et en épidémio­ mité avec les fabricants de médi­ exigence extrême, il est capable créées pour développer des applications
individuelle et collective, résume logie à l’université de Bordeaux caments, et leur supposée in­ de piquer quelqu’un pour le faire en recherche fondamentale : des marqueurs
le réanimateur Julien Poissy (CHU et à l’école de santé publique fluence sur les choix des molécu­ avancer, mais, en temps de crise, fluorescents, éventuellement de couleurs
de Lille), qui le considère comme d’Harvard, à Boston. les testées dans le Covid­19. Il se sa règle, c’est “on fait avec ce différentes, aideraient à mieux voir des
l’un de ses mentors. Couplées à Au fil du temps et des épidé­ voit aussi reprocher d’avoir dé­ qu’on a” ». Positiver toujours, sa mécanismes biochimiques.
son humanisme, sa vision de la mies, il s’investit dans des mala­ claré, en janvier, qu’il n’y aurait marque de fabrique.  > Mitiouchkina et al., « Nature Biotechnology »,
santé publique et sa capacité à dies émergentes : SRAS, grippe pas d’épidémie en France. sandrine cabut 27 avril
30 | culture 0123
MERCREDI 29 AVRIL 2020

Les intermittents veulent une « année blanche »
Artistes et techniciens du spectacle demandent des mesures afin de ne pas être radiés de Pôle emploi

ENQUÊTE

U
ne « année blanche »
pour surmonter l’« an­
née noire » : depuis
quelques jours, la mo­
bilisation des intermittents du
spectacle monte en puissance
pour réclamer une solution radi­
cale face à la situation catastro­
phique dans laquelle la crise liée
au coronavirus a plongé durable­
ment le secteur culturel.
Afin d’éviter qu’une partie im­
portante des intermittents du
spectacle, du cinéma et de
l’audiovisuel se retrouvent à
court terme sans ressource et ra­
diés de Pôle emploi, deux péti­
tions qui se sont rejointes (collec­
tifs « Année noire » et « Culture en
danger »), réunissant près de
200 000 signatures à la date du
lundi 27 avril, ainsi que plusieurs
syndicats, réclament l’instaura­
tion d’une « année blanche » pour
tous. Cela consisterait à prolon­
ger de douze mois (à compter de
la date de réouverture des lieux
de spectacle) les droits à l’assu­
rance­chômage afin de laisser le
temps à tous les projets remis en
cause de pouvoir redémarrer.
« C’est la seule solution pour éviter
l’hécatombe sociale et culturelle,
pour éviter de mourir », insiste le
comédien Samuel Churin, mem­
bre de la Coordination des inter­
mittents et précaires.
Noire, l’année 2020 l’est et le
sera au moins jusqu’à l’automne :
la mise à l’arrêt, depuis dimanche
15 mars, des salles de spectacles,
de cinéma, des théâtres, des répé­
titions, des tournages et l’annula­
tion en série des festivals et évé­ De nombreux festivals d’été ont été annulés (ici, le Théâtre de la mer, en juillet 2018, dans le cadre de Jazz à Sète). GUILLAUME BONNEFONT/IP3
nements du printemps­été ont
stoppé net toute possibilité
pour les artistes et techniciens entre le 1er mars et le 31 mai « Nos métiers ont des fonction­ être suffisants pour décrire la si­ base des indemnités versées
de travailler et d’acquérir les verront leurs indemnités prolon­ nements particuliers faits de ca­ tuation dans laquelle nous som­ l’année précédente. » Au sein de La
« Le plus dur
507 heures annuelles nécessaires gées de trois mois. Et la période ractère saisonnier (les festivals de mes, étant donné la paralysie du République en marche (LRM), va être de
à l’ouverture ou au renouvelle­ de confinement sera « neutrali­ printemps et d’été) et de calen­ secteur. C’est terrible en termes on reconnaît que le calcul des
ment de leurs droits au régime sée » pour le calcul des 507 heu­ driers contraints (la plupart des économiques, sociaux, sociétaux, 507 heures est « un sujet ». « On ne
convaincre Bercy
spécifique de l’assurance chô­ res. « Les premières mesures ne salles de spectacle ont leur pro­ car la culture est essentielle ». Lors sait pas quand et comment le sec­ et la ministre
mage (annexes VIII et X). A cela règlent le problème que pour grammation engagée pour la sai­ de son audition, le ministre de la teur culturel pourra reprendre. Il
s’ajoute l’absence de visibilité sur quelques semaines », souligne son 2020­2021 depuis le mois de fé­ culture a promis de « faire évoluer y a un besoin de clarification sur
du travail,
la date à laquelle les lieux pour­ Denis Gravouil, secrétaire général vrier). Ainsi, la plupart des specta­ les dispositifs d’urgence, y compris l’effet de la neutralisation de la Muriel Pénicaud »
ront de nouveau accueillir des de la Fédération nationale CGT cles ou des projets reportés ne après le 31 mai, pour maintenir période de confinement. L’idée
DENIS GRAVOUIL
spectateurs. Dans son dernier des syndicats du spectacle. « Que pourront se réaliser au mieux l’accompagnement et n’oublier est quand même de protéger les
Fédération nationale CGT
avis relatif à la sortie progressive fait­on après le 31 mai ? » qu’un an à un an et demi après la personne ». Interrogé par plu­ intermittents », reconnaît la dépu­
des syndicats du spectacle
du confinement, rendu public sa­ réouverture des salles de specta­ sieurs députées sur l’idée d’une tée LRM de la Seine­Saint­Denis,
medi 25 avril, le conseil scientifi­ cle », explique la lettre ouverte en­ « année blanche », il a esquivé la Sylvie Charrière.
que Covid­19, chargé de con­ voyée au président de la Républi­ question et n’a pas pris position. Pour les pétitionnaires, le méca­
seiller le chef de l’Etat, indique :
« Les spectacles que, à l’initiative du metteur en nisme d’« année blanche » « est en drame vécu », tout en reconnais­
« Il est nécessaire de maintenir fer­ reportés vont scène Jean­Claude Fall. Venue « Remise des compteurs à zéro » quelque sorte une remise des sant qu’en attente de la doctrine
més ou interdits tous les lieux et compléter les pétitions, cette let­ « Cette “année blanche” paraît né­ compteurs à zéro ». Cela revient à nationale en matière de règles sa­
événements qui ont pour objet ou
boucher l’entrée tre est signée par une flopée d’ar­ cessaire et légitime, considère faire comme si l’année 2020 nitaires, il n’avait pas « les répon­
conséquence de rassembler du pu­ aux nouvelles tistes, d’administrateurs de festi­ Michèle Victory, députée socia­ n’avait pas existé. L’Unedic serait ses à toutes les questions ».
blic en nombre important, qu’il vals et de compagnies. liste de l’Ardèche, sinon on se di­ alors appelée à prendre comme « Le plus dur va être de convain­
s’agisse de salles fermées ou de
créations Jeudi 23 avril, devant la commis­ rige vers une grande exclusion et référence l’exercice 2019 pour cre Bercy et la ministre du travail,
lieux en plein air. » pendant près sion des affaires culturelles de beaucoup de personnes au RSA permettre à chacun de reprendre Muriel Pénicaud », redoute Denis
Pour l’heure, deux mesures l’Assemblée nationale, Franck dans moins d’un an ». Pour elle, son souffle. « Cette solution a le Gravouil. « Sur ce coup­là, Franck
d’urgence ont été prises : les inter­
d’une saison » Riester a reconnu que « la culture cette proposition d’« année blan­ mérite d’être simple, claire et relati­ Riester a une carte politique à
mittents dont la date anniver­ SAMUEL CHURIN traverse une crise sans précédent. che » est « simple » : « On repart, vement peu onéreuse, la plupart jouer. Il sera celui qui sauve le
saire (ouvrant les droits) tombe comédien Je ne sais pas si les mots peuvent pour douze mois, sur la même des intermittents auraient en effet, système… ou qui l’enterre », ré­
dans des circonstances normales, sume Samuel Churin. Le comé­
reconstitué leurs droits comme ils dien rappelle qu’en 2004, Re­
« J’aurai perdu environ deux cents heures d’ici à fin juillet » le font habituellement », indique
la lettre ouverte. Si rien n’est fait,
naud Donnedieu de Vabres, l’un
de ses prédécesseurs Rue de Va­
« cela reviendrait à ce que l’assu­ lois, avait sauvé le système de
l’acrobate et expert en mât chinois le 11 juillet et je n’ai pour le moment que trois contrat en contrat entre différents opéras rance­chômage fasse des écono­ l’intermittence sans attendre
Nicolas Fraiseau, 24 ans, devait être cents heures sur les cinq cent sept qu’il me en province, dont celui de Lyon, des com­ mies sur le dos des intermittents », l’arbitrage de Bercy. « Il devrait
programmé pour six représentations au faut pour renouveler mon statut, explique­ pagnies de rue comme Remue Ménage, ba­ affirme Denis Gravouil. l’appeler », sourit­il.
festival Paris l’Eté avec le spectacle Instable, t­il. Impossible d’ici là de faire les deux sée à Paris, et de danse contemporaine A Franck Riester, qui ne cesse de Dans un courrier adressé
un solo mis en scène avec Christophe cents heures manquantes. Même en rallon­ comme Anothaï et Azoth Dance Theatre. répéter qu’« il n’y aura pas de mercredi 22 avril à Franck Ries­
Huysman de la compagnie Les Hommes geant de trois mois, comme il en est ques­ Avec seulement cent soixante­dix heures trous dans la raquette », les péti­ ter, les députés socialistes et ap­
penchés. Un temps fort parisien, tremplin tion actuellement, la période jusqu’au 11 no­ à son actif pour le moment, elle se de­ tionnaires font valoir que la re­ parentés de la commission des
parfait pour propulser une création déjà vembre, je doute d’y arriver. » S’il compte mande comment elle atteindra les cinq commandation d’une « année affaires culturelles demandent
très demandée. Lundi 20 avril, la manifes­ un peu sur le chômage partiel pour les da­ cent sept heures requises à sa date anniver­ blanche » lui permettrait « de un fonds exceptionnel de solida­
tation parisienne a été annulée. tes annulées en France, il ne pourra pas saire du 12 novembre. « Je devais travailler réduire les coûts financiers en ges­ rité de 300 millions d’euros pour
Depuis, Nicolas Fraiseau, confiné avec un compenser les heures manquantes : un ca­ pendant un mois, entre le 15 juin et le tion humaine et financière, de ne les artistes et techniciens. « En
groupe de treize amis circassiens aux chet en chômage partiel compte pour 15 juillet, dans un festival de danse à Blois qui pas empiler les calculs compli­ 2004, dans une période déjà ex­
Ulmes (Maine­et­Loire), où ils ont repris sept heures de travail et non douze comme est tombé à l’eau », raconte­t­elle. « J’aurai qués et de ne pas multiplier les so­ plosive pour les intermittents du
depuis 2016 un lieu de résidence avec deux dans le régime intermittent. perdu au total, entre les différentes troupes, lutions imprécises ». spectacle, un fonds similaire avait
maisons adjacentes au studio de répéti­ « C’est une “année blanche” qu’il nous fau­ environ deux cents heures d’ici à fin juillet. Je Se souvenant avoir « vendu été mis en place pour douze mois
tion, additionne les annulations : plus de drait, poursuit­il. Je suis au début de mon suis un peu pessimiste, mais je ne pense pas 78 dates de représentations » lors et avait ainsi permis de sauver de
50 dates depuis le début du confinement, parcours et j’entre tout juste dans la vie ac­ pouvoir les récupérer d’ici à novembre. Il n’y de son dernier Festival d’Avignon, la déroute la majorité des artis­
jusqu’au 30 juillet. Parallèlement à Insta­ tive. Je sais que je m’adapterai à ce qui se pro­ a pas d’auditions pour le moment, alors que Samuel Churin redoute une « dé­ tes », soulignent­ils.
ble, avec lequel il devait tourner aux Etats­ file. Mais pour certains autres, en particulier c’est la grosse période jusqu’à fin mai, et je flagration » dans le domaine du Pour l’heure, le fonds d’urgence
Unis – un an de mise en place des dates les plus âgés, qui ont construit leur vie sur n’ai donc aucun projet pour septembre. Lors­ spectacle vivant. « Tous les specta­ est de 22 millions d’euros. « On est
pour l’administratrice de la troupe –, il joue l’intermittence, ça risque d’être vraiment dif­ que ça va repartir, je crains qu’on soit très cles reportés du fait du confine­ loin du compte et je ne suis pas très
aussi dans la pièce de Gaëtan Levêque, La ficile de pouvoir continuer à exercer leur mé­ nombreux sur les rangs. Je parie plus sur de ment vont boucher l’entrée aux optimiste, glisse Michèle Victory.
Main de la mer, et la troupe Métis’Gwa, et tier. Nous devons défendre ce système, qui petits projets personnels, mais je crois que je nouvelles créations pendant près Pourtant, on ne peut pas à la fois
devait partir en Colombie. donne une certaine sécurité aux artistes. » vais surtout penser à me reconvertir. Je me d’une saison », prévient­il. Devant dire que la culture est essentielle et
Intermittent depuis quatre ans, il craint Même constat chez la danseuse contem­ renseigne actuellement sur une formation la commission des affaires cultu­ ne pas mettre les moyens pour la
le pire pour son statut. « Ma date anniver­ poraine Estelle Maire, 26 ans. Intermittente en yoga à démarrer en septembre. »  relles de l’Assemblée nationale, le sauvegarder. » 
saire [pour la validation des droits] tombe depuis deux ans et demi, elle navigue de rosita boisseau ministre s’est dit « conscient du sandrine blanchard
0123
MERCREDI 29 AVRIL 2020 télévision | 31
L’art et les tyrannies de la vertu VOTRE
SOIRÉE
TÉLÉ
Un documentaire passe en revue les diverses polémiques ayant, ces dernières années, marqué la création artistique

ARTE avait rétorqué, dans Le Monde du


MERCREDI 29 - 22 H 50 8 avril 2019 : « Quelle que soit leur MERCREDI  29 AVRIL
DOCUMENTAIRE couleur, leur sexe ou leurs caracté­
ristiques physiques, mes personna­ TF1

L’
art n’a jamais été libre », ges ont de grosses lèvres rouges. » 21.05 The Resident
rappelle Hans­Peter Cette problématique, à laquelle Série. Avec Matt Czuchry
Wipplinger, le directeur on peut rattacher celle de l’appro­ (EU, 2018).
du Musée Leopold de priation culturelle, également au 23.20 Night Shift
Vienne et l’un des intervenants in­ menu, pourrait seule suffire à un Série. Avec Eoin Macken, Jill Flint,
terrogés par Katrin Sandmann au débat que ne sauraient d’ailleurs Brendan Fehr
cours de son documentaire Polé­ clore les cinquante­deux minutes (EU, 2016).
miques et scandales, et l’art dans que dure le film. Mais elle est
tout ça ? Libre, il ne l’était certaine­ bientôt abandonnée au profit France 2
ment pas à l’époque où les com­ d’autres. Sont ainsi passées en re­ 21.00 Réunions
manditaires, souvent religieux, vue, et au pas de charge, les accu­ Série. Avec Laetitia Milot,
étaient à la fois les payeurs et les sations de blasphème, de détour­ Loup-Denis Elion, Sara Martins
censeurs ; il ne l’est pas forcément nement, de « black face », ainsi (Fr., 2020).
toujours aujourd’hui, où censure que les protestations de certaines 22.45 Dans les yeux d’Olivier
et polémiques naissent et réson­ ligues morales. Et même, sans Magazine présenté par Olivier
nent sur les réseaux sociaux. être vraiment traité – et en mêlant Delacroix.
Certains acteurs et promoteurs d’ailleurs deux situations très dif­
du champ artistique pointés du férentes –, le cas des cinéastes Ro­ France 3
doigt plient l’échine ou reculent, man Polanski et Woody Allen. 21.05 La Carte aux trésors
tandis que d’autres luttent de ma­ Certes, on est dans le domaine Jeu présenté par Cyril Féraud.
nière habile et parfois surpre­ Une affiche de l’exposition Egon Schiele dans le métro londonien, novembre 2017. CHRISTIAN LENDL / AFP annoncé par le titre du documen­ 23.25 La Face cachée
nante. Ainsi, rappelle le docu­ taire ; mais, en élargissant son de l’art américain
mentaire, le Musée Leopold, ac­ champ d’exploration (jusqu’à un Documentaire de François
cusé de pornographie, a­t­il re­ quant ainsi le détail incriminé, le Pour sa part, Bonaventure Soh bon, les grands faits de l’Assem­ clip de Beyoncé et de Jay­Z), Katrin Lévy-Kuentz (Fr., 2020, 55 min).
tourné à son profit la censure musée mouchait les offusqués… Bejeng Ndikung, curateur d’expo­ blée nationale, dont l’abolition de Sandmann délaie trop le propos.
des affiches de son exposition sur Dans son traitement du sujet, sitions d’art contemporain ins­ l’esclavage en 1794. Mame­Fatou Ce qui fait regretter que ce sujet, Canal+
Egon Schiele, en 2018. Celles­ci particulièrement épineux, l’au­ tallé en Allemagne, affirme que Niang, universitaire et réalisa­ aussi complexe que passionnant, 21.05 Le Coup du siècle
montraient un autoportrait de teure a veillé à équilibrer posi­ « la liberté de l’art n’est pas plus trice interrogée par Katrin Sand­ n’ait pu donner lieu à un format Film de Chris Addison. Avec Anne
l’artiste (qui avait fait de la prison tions pro et anti. On entendra absolue que les autres ». mann, réitère les accusations de double, voire à une série docu­ Hathaway, Rebel Wilson,
en 1912 pour outrage à la morale ainsi la professeure de philoso­ racisme qu’elle avait formulées mentaire plus fouillée.  Tim Blake Wilson
publique) sur lequel était appo­ phie Carole Talon­Hugon déplorer Clichés de représentation dans une pétition de 2019. Elle ac­ renaud machart (EU, 2019).
sée une bande au niveau des par­ « la tyrannie des susceptibilités » et Le premier cas abordé est celui cusait Di Rosa d’emprunter des 22.35 Premières vacances
ties génitales où l’on lisait : « Dé­ d’autres railler le « terrorisme de la des fresques commandées à clichés de représentation « à la Polémiques et scandales, et l’art Film de Patrick Cassir. Avec Camille
solé ! Vieux d’un siècle mais encore vertu » ou le « développement Hervé Di Rosa en 1991, qui illus­ fois aux publicités Banania et à dans tout ça ? de Katrin Sandmann Chamoux, Jonathan Cohen,
trop osé aujourd’hui ! » En offus­ d’une crispation généralisée ». trent, sur les murs du Palais­Bour­ Tintin au Congo ». A quoi l’artiste (All., 2020, 52 min). Camille Cottin
(Fr., 2018).

France 5
20.55 La Grande Librairie

TF1 mise sur Conrad Hawkins pour succéder au docteur Mamour Magazine présenté par François
Busnel.
22.40 C dans l’air
Série hospitalière classique mais distrayante, « The Resident » repose sur l’atout charme de l’acteur Matt Czuchry Magazine présenté par Caroline
Roux.

Arte
TF1 qui se respecte, l’homme est jeune, un tant soit peu les personnages, de la réalité. Ainsi, le coût exorbi­ door », l’apprenti a suffisamment 20.55 L’Appât
MERCREDI 29 - 21 H 05 doué, doté d’un physique avenant, qui restent au stade du stéréotype. tant du système de santé améri­ d’aplomb pour discuter les déci­ Film de Bertrand Tavernier.
SÉRIE un peu insolent, mais il ne trans­ Il n’est pas non plus question de cain, fruit de politiques publiques sions de son mentor, et la chirur­ Avec Marie Gillain, Olivier Sitruk,
gresse les règles que pour mieux dramatiser à outrance les destins absurdes et du poids démesuré gienne prodige d’origine nigériane Richard Berry

P as sûr que la crise sanitaire


liée au Covid­19 ait effarou­
ché les fans de séries hospi­
talières, si l’on en croit l’excellent
démarrage de The Resident, nou­
sauver ses patients. Il exerce à l’hô­
pital Chastain Park aux côtés de
son ex­future­actuelle petite amie,
Nic (Emily VanCamp), de son ap­
prenti, Devon, (Manish Dayal) et
de tout ce petit monde, comme
dans Grey’s Anatomy, où les per­
sonnages tels Derek Shepherd,
surnommé Dr Mamour, semblent
posséder plus de vies qu’un chat.
des assurances privées, est au
cœur de la série, et ce, dès les pre­
miers épisodes. Il teinte la plupart
des décisions prises par les méde­
cins et pèse sur les manageurs et
doit à la fois gérer ses problèmes de
papiers et la peur qu’elle inspire
aux hommes. Les dialogues, sans
être d’une grande finesse, sont
meilleurs que dans beaucoup de
(Fr., 1995, 115 min).
22.50 Polémiques et scandales,
et l’art dans tout ça ?
Documentaire de Katrin Sandmann
(All., 2020, 52 min).
velle production diffusée sur TF1 du chef de service de chirurgie financiers qui veillent à la santé fictions françaises On aurait donc
(4,7 millions de téléspectateurs le (Bruce Greenwood), un vieux bris­ Personnages sympathiques économique de Chastain Park. tort de bouder son plaisir.  M6
22 avril). Le résident en question card cynique affecté d’un tremble­ Mais le plaisir procuré par The Caricaturaux, les personnages audrey fournier 21.05 Top Chef
s’appelle Conrad Hawkins (joué ment qui l’empêche d’opérer. Resident réside justement dans n’en sont pas moins sympathi­ Téléréalité présentée par Stéphane
par Matt Czuchry, l’excellent On l’aura vite compris, il n’est ses ambitions modestes et son ques : le docteur joli cœur se The Resident, créé par Amy Rotenberg.
Cary Agos de The Good Wife). pas ici question de s’inscrire dans souci, malgré tout, de ne pas pa­ trompe parfois, sa dulcinée a le Holden Jones. Avec Matt Czuchry, 23.15 Cauchemar en cuisine
Comme tout bon héros de soap le réalisme d’Urgences ni d’investir raître complètement déconnecté visage avenant de la « girl next Emily VanCamp (EU, 2018). Téléréalité.

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IDÉES
0123
32 | MERCREDI 29 AVRIL 2020

Philippe Juvin
et Mathias Wargon
Nous urgentistes,
ne subirons plus
Que ce soit sur le filtrage des entrées aux urgences, temps. Par ailleurs, on sait que 40 % des
transferts des maisons de retraite vers
la disponibilité des lits, le renforcement du personnel… les urgences sont médicalement inuti­
les, coûteux (plus de 3 milliards de dol­
des solutions ont émergé pour surmonter la crise. lars [environ 2,8 milliards d’euros] en dé­
penses inutiles par an aux Etats­Unis),
Avant que les dysfonctionnements ne reviennent, inconfortables et dangereux. Il faudra
cette expérience doit « servir de socle pour refonder réduire ces admissions inutiles aux ur­
gences. Le renforcement des personnels IL FAUT APPRENDRE
les hôpitaux », estiment deux chefs des urgences dans les Ehpad ainsi que le développe­
ment d’outils de télémédecine et de mo­
DE NOTRE EXPÉRIENCE
délisation devront y aider. ET FIXER À CHAQUE

A
La situation est plus dramatique encore
pour les patients en fin de vie qui vien­ HÔPITAL L’OBJECTIF
vec d’autres, les services rée dans nos services d’urgence. Pendant nent à l’hôpital pour mourir. Certains
d’urgence ont été à l’avant­ celle­ci, des renforts ont permis de tenir. passent leurs derniers instants sur des DE ZÉRO NUIT PASSÉE
garde de la lutte contre le coro­ On doit désormais inscrire dans le mar­ brancards dans des conditions anony­ DANS UN COULOIR
navirus. L’épidémie nous a bre de la loi les moyens qu’un hôpital doit mes et contraires à l’éthique. Les hôpi­
conduits à revoir, dans l’ur­ consacrer à ses urgences. taux devront se doter d’un plan qui per­ DES URGENCES
gence, nos organisations et Il y a vingt­cinq ans, pour lutter contre mettra à ces malades d’être admis en
celles de nos hôpitaux. Nous avons la multiplication des accidents péri­opé­ priorité dans les services qui les suivent.
beaucoup appris et beaucoup donné. ratoires, un décret avait imposé aux hôpi­
Nombre d’entre nous, brancardiers, taux des normes humaines et matérielles La vertu des circuits courts être pérennisés. Les chefs de service
aides­soignants, infirmières, médecins pour réaliser l’anesthésie. Après avoir Les services d’urgence, comme toutes les doivent pouvoir être responsables et
sont tombés malades. Tous ont repris tenté de prétendre que de telles obliga­ structures de santé, souffrent encore des investis d’une vraie mission de gestion,
leur poste dès qu’ils l’ont pu. Dans les tions étaient hors de leur portée, les éta­ incroyables insuffisances en matériels et en arbitrant et exécutant leurs budgets
difficultés, nous avons vu émerger des blissements de santé s’étaient évidem­ médicaments que cette crise a révélées. en fonctionnement comme en investis­
individus et des méthodes qui ont per­ ment adaptés. Ils ne voulaient pas cesser La résolution de ces pénuries (masques, sement et en devenant ordonnateurs de
mis au système de tenir. Tout cela ne leur activité chirurgicale. tenues, lunettes, combinaisons, médica­ la dépense publique. Cette crise nous a
doit pas être balayé par un retour aux Il faut faire pareil aux urgences. Des ra­ ments) et la constitution rapide de stocks rappelé la vertu des circuits courts de
conditions antérieures. Cette expérience tios minimaux de personnel, de mètres stratégiques sont indispensables. La pro­ décision.
doit servir de socle pour refonder nos carrés, mais aussi de lits disponibles dans tection du personnel et la sécurité des On entend partout que des leçons
hôpitaux et nos services d’urgence. l’établissement, de matériels médicaux, patients ne devraient plus être des varia­ seront tirées de cette épidémie. Notre
La crise a eu pour première consé­ biologiques, radiologiques, informati­ bles d’ajustement. La crise a également expérience montre que la bonne volonté
quence d’imposer un filtre à l’entrée des ques ou de communication doivent être montré que le temps médical était pré­ se dilue souvent dans des groupes de tra­
urgences. Au plus fort de la vague, seuls, imposés par décret pour permettre aux cieux et devait être tout entier tourné vail interminables, qui n’accouchent que
ou presque, les patients atteints du Co­ hôpitaux d’exercer la médecine d’ur­ vers le soin. Il faut libérer les médecins d’incantations là où des mesures vigou­
vid­19 s’y présentaient. Nous étions libé­ gence. Comme les hôpitaux ont tous be­ des tâches administratives ou de celles reuses sont nécessaires. C’est pourquoi
rés des cas de médecine de ville et des soin des urgences pour recruter leurs pa­ qui consistent à rechercher pendant des nous insistons pour que la loi ou la sanc­
malades déjà connus des services hospi­ tients, les nouvelles normes seront évi­ heures des lits pour leurs patients. Des tion de la non­certification garantissent
taliers, que ceux­ci prenaient directe­ demment rapidement appliquées. services de soutien à l’hospitalisation ces engagements. La plupart de ces sujets
ment en charge. Ainsi avons­nous pu doivent remplir cette tâche, 24 heures sur sont sur la table depuis des années.
nous consacrer aux patients qui en Des conditions contraires à l’éthique 24 et tous les jours. Durant la crise, certains ont été miracu­
avaient le plus besoin. Le chantier de la réhumanisation des ur­ Les services d’urgence étaient déjà des leusement résolus sous la pression de la
A l’avenir, et sauf urgence vitale, per­ gences est immense. Avant la crise, de lieux d’innovation, pour les patients et nécessité. D’autres non. Mais déjà, les
sonne ne devrait pouvoir se présenter nombreux malades dormaient la nuit sur les équipes soignantes. Dans la crise, dysfonctionnements reviennent.
dans un service d’urgence sans l’accord un brancard faute d’avoir trouvé un lit de nous avons aussi tenu grâce au « sys­ Le président de la République a
préalable d’une plate­forme téléphoni­ libre dans l’hôpital. A l’hiver 2018, cela a tème D » rendu possible par la liberté qui annoncé un grand plan pour les hôpi­
que ou numérique. Un professionnel de concerné plus de 100 000 d’entre eux. Ce nous a été donnée. Il faut persister dans taux. Voilà ce que nous pensons devoir
santé jugera au téléphone de la gravité n’est pas qu’une question de moyens. cette voie avec un investissement massif être fait. Dans tous les cas, nous, urgentis­
du cas. Il autorisera le patient à aller aux Aussi incroyable que cela puisse paraître, dans l’ergonomie, l’architecture, le nu­ tes, ne reviendrons pas à la situation an­
urgences ou lui proposera une autre so­ beaucoup d’hôpitaux ne connaissent mérique ou les ressources humaines. Il térieure, qui consistait à écoper ce que
lution (plate­forme de consultation sans jamais exactement le nombre de leurs faudra faire du bien­être au travail la personne ne pouvait ou ne voulait plus
rendez­vous, rendez­vous avec un pro­ lits réellement disponibles. contrepartie d’un travail difficile. On or­ faire. Nous ne subirons plus les dysfonc­
fessionnel, libéral ou non, conseil…). Un Durant la crise, tous ces problèmes se ganisera et reconnaîtra des nouveaux tionnements d’un système désorganisé
tel système fonctionne avec succès sont envolés. Les urgences trouvaient parcours et compétences profession­ et paupérisé. Nous croyons aux promes­
ailleurs en Europe. partout des lits pour les patients qu’il fal­ nels, ou on valorisera les années passées ses et attendons des actes. 
Avant la crise, la sécurité des patients lait hospitaliser. Mais, depuis quelques dans un service d’urgence au titre de
n’était pas toujours suffisamment assu­ jours, alors que la situation semble un l’avancement ou de la retraite.
peu s’éclaircir, les mauvaises habitudes Comment par ailleurs accepter que les
réapparaissent. De nouveau, des patients rémunérations des personnels ne soient
sont abandonnés sur un brancard. Il faut pas alignées sur celles des principaux
apprendre de notre expérience et fixer à pays de l’Union européenne ? Le nombre Philippe Juvin est professeur
ON DOIT DÉSORMAIS chaque hôpital l’objectif de zéro nuit de médecins devra être également de médecine, chef du service des
passée dans un couloir des urgences. adapté au temps de travail légal et per­ urgences de l’Hôpital européen Geor-
INSCRIRE DANS La question des personnes âgées a été mettre d’organiser un service renforcé ges-Pompidou de Paris. Il est égale-
LE MARBRE DE une faillite dans cette crise du coronavi­ dans les périodes de forte tension. Il fau­ ment maire (Les Républicains) de La
rus. Leur prise en charge a malheureuse­ dra faire confiance aux médecins dans la Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) ;
LA LOI LES MOYENS ment été une variable d’ajustement face gestion de l’hôpital. Mathias Wargon est docteur,
à la pénurie. Un tel scandale ne doit plus Cette crise a vu émerger des « direc­ directeur de l’Observatoire des soins
QU’UN HÔPITAL se reproduire. Chaque service d’urgence teurs médicaux », qui ont su amener les non programmés d’Ile-de-France
DOIT CONSACRER devra se doter d’une unité spécifique de structures à s’adapter à une situation et chef de service des urgences
prise en charge des personnes âgées, car mouvante, là où l’organisation habi­ du centre hospitalier de Saint-Denis
À SES URGENCES celles­ci exigent plus d’attention et de tuelle était paralysante. Ceux­ci doivent (Seine-Saint-Denis).
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MERCREDI 29 AVRIL 2020 idées | 33

Marc Fontecave Il n’y aura pas


de transition énergétique et écologique
sur un champ de ruines
Accuser l’homme d’une pandémie qui montre drame sanitaire quand, au contraire, nous En fait, ces fausses affirmations ne ser­ nouvelables, la mobilité électrique et
avons là une nouvelle illustration de la vent qu’à une chose : préparer le combat les économies d’énergie dans l’habitat.
la violence de la nature est un « effarant violence de la nature vis­à­vis de l’homme, suivant, post­Covid­19, et exiger du gou­ Aujourd’hui, ces filières sont lourdement
retournement idéologique », explique le chimiste est proprement effarant. Malheureu­ vernement que la transformation éner­ impactées par la chute générale de l’écono­
sement, dans notre vénération absolue de gétique et écologique soit la priorité des mie : arrêt des chantiers de centrales solai­
et professeur au Collège de France la nature, nous l’avions oublié. En effet, politiques publiques malgré les drames res, fermeture d’éoliennes, ralentissement
l’humanité, au cours de son histoire, a été économiques et sociaux, sans précédent, du marché des véhicules électriques.

A
dévastée par des épidémies effroyables, qui s’annoncent. La cause en est en grande partie notre
lors que la crise sanitaire n’est tou­ bien avant que les concentrations atmos­ Certains vont encore plus loin en voyant dépendance vis­à­vis des deux leaders
jours pas résolue, avec ses consé­ phériques de CO2 dépassent les niveaux dans ce monde autoritairement clos, sans mondiaux des énergies renouvelables, la
quences dramatiques sur le plan conduisant au réchauffement que nous voitures, sans avions et sans consomma­ Chine et les Etats­Unis, au départ de la
économique et social, il n’a pas observons aujourd’hui. tion de carburants fossiles, la préfigura­ plupart des chaînes d’approvisionnement
fallu attendre longtemps pour entendre La peste noire a décimé plus de la moitié tion d’un monde idéal, pas trop chaud, qui (panneaux solaires, batteries, etc.). Cette
toute une série d’affirmations absurdes de la population européenne de 1347 à assurera la survie de l’humanité, pauvre et dépendance constitue l’un des drames de
et sans aucun fondement scientifique sur 1351 ; de 1918 à 1919, la grippe espagnole, la enfermée, certes, mais vivante. notre économie nationale. Elle nous est
le lien entre réchauffement climatique et pandémie la plus mortelle de l’histoire, a apparue violemment évidente avec notre
épidémie virale. Le CO2, non content de fait plus de victimes que les deux guerres Le drame : notre dépendance incapacité à produire masques, appareils
chauffer la planète et de détruire la biodi­ mondiales réunies ; plus récemment, de D’ailleurs, pour maintenir certains sec­ de réanimation et médicaments pour ré­
versité, serait également responsable du 1956 à 1958, la grippe asiatique a causé plu­ teurs industriels dans l’état catastrophi­ pondre à la crise sanitaire. C’est aussi l’un
nouveau coronavirus. sieurs millions de morts. De sorte que la que où les a mis l’épidémie virale, comme des chantiers pour demain : relocaliser no­
Le pire, c’est que cela vient, par exemple, première leçon que nous devons en tirer l’automobile et l’aviation, le Haut Conseil tre industrie dans les secteurs­clés de la
de Corinne Le Quéré, éminente scien­ c’est que, malgré le contrôle croissant que pour le climat ose scandaleusement re­ santé et de l’énergie, par exemple, et re­
tifique et présidente du Haut Conseil nous exerçons sur cette face noire de la commander de ne pas les aider, ou bien trouver de la souveraineté.
pour le climat, parlant « des causes du nature, grâce notamment aux progrès à des conditions intenables. Il y a enfin la Il ne fait pas de doute que, malheureuse­
Covid­19, comme la déforestation ou les fantastiques de la médecine, il faut nous composante antinucléaire habituelle qui ment, la température va continuer à
énergies fossiles ». préparer à la crise sanitaire suivante. Car il s’ajoute à cet ensemble de préconisations. augmenter, touchant les plus fragiles,
y en aura une autre, dans cinq, dix ou cin­ Elisabeth Borne, ministre de la transition au sein des pays industrialisés, et enfon­
La préfiguration d’un monde idéal ? quante ans, et il faut nous y préparer à écologique et solidaire, continue, sans çant les pays les plus pauvres davan­
On sait malheureusement trop peu de toutes les échelles, nationale, européenne jamais être démentie, à défendre que la tage dans la misère. De sorte que, à côté
choses sur ce virus, et encore moins com­ et mondiale. Bien mieux que par le passé. baisse de la part de l’énergie nucléaire de la sortie de la crise économique et du
ment il serait causé par les énergies fossi­ dans le mix électrique contribue à la redémarrage nécessaire de la transition
les. C’est peut­être le cas, mais aucune politique bas carbone de la program­ énergétique, il faut mettre rapidement en
étude scientifique sérieuse n’a pour le mo­ mation pluriannuelle de l’énergie (PPE). place des politiques originales d’adapta­
ment abordé cette question, et il n’est Non, madame la ministre, c’est le tion à ce changement climatique iné­
pas acceptable de faire croire que ce lien contraire, et vous le savez bien : l’énergie luctable, en particulier dans un esprit de
est établi. D’ailleurs, le climatologue nucléaire est l’énergie la moins émettrice solidarité nationale et internationale.
Edouard Bard, dans Le Monde du 25 avril, LA PRIORITÉ EST de gaz à effet de serre. Prévention et adaptation, demain peut­
nous le dit : « La pandémie de Covid­19 n’est La vérité, c’est qu’il n’y aura pas de transi­ être une nouvelle orientation générale
sans doute pas d’origine climatique. » Nico­
DE RETROUVER tion énergétique et écologique sur un de l’action politique. 
las Hulot ne manque pas cette occasion, RAPIDEMENT, champ de ruines. La priorité est de retrou­
interrogé sur BFM­TV, pour affirmer, sans ver rapidement, au prix, hélas, de dépen­
la moindre retenue, que « tout ça est un AU PRIX DE DÉPENSES ses considérables, plusieurs centaines de
mal nécessaire », vous ne rêvez pas, la na­ milliards d’euros, et d’un endettement
ture nous exprimant avec ce virus, salu­ CONSIDÉRABLES, sans précédent, la croissance et l’emploi.
taire donc, « une sorte d’ultimatum ». LA CROISSANCE C’est à ce prix que l’Etat et les entrepri­ Marc Fontecave est professeur
Le retournement, purement idéologique, ses récupéreront les moyens d’action né­ au Collège de France, membre
qui consiste à accuser l’homme de ce ET L’EMPLOI cessaires pour développer les énergies re­ de l’Académie des sciences

A l’hôpital, le jour les services de réanimation pédiatrique


des hôpitaux de l’Ile­de­France durent
transférer des dizaines de nourrissons
La crise due au Covid­19 ne leur aura
donc rien appris. Pas un mot dans cette
tribune sur la mobilisation et le courage

d’après doit-il ressembler


atteints de bronchiolite à plus de 200 km des soignants malgré le manque de
de Paris, faute de lits et de personnel ? moyens, rien sur leur formidable créati­
Au lieu d’analyser l’échec de cette politi­
LA PROPOSITION DE vité, dès lors que les équipes soignantes
que néolibérale, fidèles à leur dogme TRANSFORMER LES ont pris le pouvoir tombé des mains des

au jour d’avant ?
idéologique, ils proposent la privatisation « manageurs » désemparés. Cette situa­
statutaire des hôpitaux publics. Ils préco­ HÔPITAUX PUBLICS tion a montré l’efficacité d’une gouver­
nisent leur transformation en un établis­ nance pilotée par les soignants, plaçant
sement de santé privé d’intérêt collectif EN ESPIC N’EST les gestionnaires au service des patients
(Espic), « hôpitaux privés à but non lucra­ BIEN SOUVENT et des professionnels.
tif », dont le modèle, selon eux, « répond le Pas un mot pour saluer les personnels,
Il faut tirer pleinement les leçons de la crise due au Covid­19 mieux aux exigences d’efficience et de qua­ QU’UNE ÉTAPE VERS mais des qualificatifs désobligeants
lité de vie au travail », et l’inclusion dans pour toutes celles et tous ceux, méde­
et mettre fin à une politique néolibérale détruisant l’hôpital « le service public de santé de tous les pro­ LA PRIVATISATION cins et non médecins, qui se sont mobi­
public, préviennent cinq professeurs de médecine fessionnels sur un territoire, qu’ils tra­
vaillent en institution ou à titre libéral ».
À BUT LUCRATIF lisés à l’appel des collectifs interurgen­
ces et interhôpitaux, traités d’« irres­
Cela veut dire, si les mots ont un sens, y ponsables », de « naïfs », voire de

A
compris les cliniques privées commercia­ « médiocres protégés par le statut de la
l’hôpital, le jour d’après doit­il cation à l’activité (T2A) et naïf de croire les versant des dividendes à leurs action­ valeur et en maximisant le codage, c’est­ fonction publique ».
ressembler au jour d’avant ? Pour que le système de santé échappera à une naires et les médecins pratiquant des dé­ à­dire la facture adressée à la Sécurité so­ En voilà deux qui, à 20 heures, n’ap­
avoir répondu publiquement oui régulation financière décidée par Bercy. passements d’honoraires. ciale ? « Je suis là pour défendre mon éta­ plaudissent pas aux fenêtres. 
à cette question, le directeur de Faut­il rappeler que, contrairement à un blissement, pas pour défendre la Sécurité
l’agence régionale de santé du Grand­Est, Déconstruction établissement privé à but lucratif ou non sociale », nous confiait le directeur d’un
Christophe Lannelongue, a été démis de Ayant participé à la mise en place du lucratif, qui sélectionne les activités ju­ Espic parisien, ajoutant : « On me donne
ses fonctions. Il avait annoncé la reprise, couple mortifère – gestion commerciale gées rentables (la chirurgie ambulatoire, un outil, la T2A, je le fais marcher. »
au lendemain de la crise du Covid­19, du et rigueur budgétaire – obligeant l’hôpi­ la dialyse rénale…), l’hôpital public soigne
plan de suppression massive de person­ tal à en faire toujours plus avec tou­ toutes les personnes, quelles que soient « Manageurs » désemparés Anne Gervais, médecin hépatologue
nel du CHU de Nancy pour retrouver jours moins, on comprend que les deux leurs pathologies ? Faut­il rappeler qu’un La vieille proposition de transformer les à l’hôpital Bichat, à Paris ; André
l’équilibre financier de l’hôpital endetté. auteurs de la tribune estiment que service public cherche à répondre à des hôpitaux publics en Espic était inscrite Grimaldi, professeur émérite de dia-
Deux anciens directeurs des hôpitaux, l’heure n’est « pas à rechercher les causes besoins et non à gagner des parts de mar­ dans le programme présidentiel de Fran­ bétologie à la Pitié-Salpêtrière, à Paris ;
anciens hauts responsables de la Fédéra­ ni les responsabilités » de la déconstruc­ ché en développant un business plan ? çois Fillon. En vérité, elle n’est bien sou­ Philippe Grimbert, professeur
tion hospitalière de France, MM. Guy tion de l’hôpital public par cette politi­ Faut­il rappeler que l’hôpital public doit vent qu’une étape vers la privatisation à de néphrologie à l’hôpital Henri-Mon-
Collet et Gérard Vincent, viennent à leur que poursuivie pendant plus de dix ans. appliquer la règle éthique du juste soin but lucratif, car, à la différence d’un hôpi­ dor, à Créteil (Val-de-Marne) ; Olivier
tour, dans une tribune publiée le 23 avril Faut­il rappeler que, avant la crise épi­ pour le patient au moindre coût pour la tal public, un Espic peut faire faillite ou Milleron, médecin cardiologue à
dans Le Monde, de répondre par l’affir­ démique, 400 postes d’infirmières collectivité, et non la règle commerciale être vendu à des chaînes privées interna­ l’hôpital Bichat ; Jean-Paul Vernant,
mative à la question. Ils estiment qu’il se­ n’étaient pas pourvus à l’Assistance pu­ de la recherche de rentabilité pour l’éta­ tionales comme Ramsay Générale de professeur émérite d’hématologie
rait irresponsable de mettre fin à la tarifi­ blique­Hôpitaux de Paris (AP­HP) et que blissement en optimisant ses chaînes de santé, Capio ou Elsan… à la Pitié-Salpêtrière
34 | carnet 0123
MERCREDI 29 AVRIL 2020

Michèle Babinet, Jacqueline Hansen-Løve, Geneviève Jestaz,

Per Olov Enquist Le Carnet


née Conversin,
sa femme,
Rémi et Laure Babinet,
Colombe Babinet,
Marielle Babinet et Thierry Pillon,
sa mère,
Sven et Mia,
ses enfants,
Viki,
sa femme,
Jean-Paul Monbeig,
son frère,
Catherine Goguel,

Ecrivain suédois Merci de nous adresser


vos demandes par mail
Olivier Babinet et Maja Neskovic,
ses enfants,
Pablo, Lucas et Vega,
Sarah, Adrien et Rachel,
sa petite-fille,
Ingrid,
sa compagne,
Laurence,
sa sœur,
Pierre-Dominique Monbeig,
son neveu,
Perceval, Stanislas et Eléna, Anne, Florence, Eléonore Goguel,
en précisant impérativement son ex-épouse, Sylvie et Agnès Hano,
Aliocha, Zacharie et Alma, Kirsten et Aase,
votre numéro ses petits-enfants,
ses sœurs,
ses nièces,
de téléphone personnel, Philippe, Bertrand et François Jestaz,
Marie-Anne Batlle, Frédéric Jung, Niels et Natacha,
Mireille et Elizabeth Jestaz,
votre nom et prénom, Thierry Villeneuve Lars et Anne-Charlotte,
ses beaux-frères et belles-sœurs
adresse postale et votre ses frères et leurs épouses,
Ainsi que ses frères et sœurs Et ses amis de l’école La Source
Ses neveux et nièces
éventuelle référence Et toute sa famille, Et toute sa famille, et du 87, boulevard Saint-Michel,
d’abonnement.
ont la douleur d’annoncer le décès ont la profonde tristesse de faire part
de ont la tristesse de faire part du décès
L’équipe du Carnet de de la mort de
reviendra vers vous François BABINET,
dans les meilleurs délais. ancien directeur Ole HANSEN-LØVE, Laurent MONBEIG,
de l’Institut du Travail agrégé de philosophie et traducteur,
de Strasbourg, ancien professeur survenue le 23 avril 2020,
ancien doyen dans sa soixante-dix-septième année.
carnet@mpublicite.fr de la faculté de droit de Strasbourg, de Première supérieure
ancien professeur au lycée de Sèvres,
d’histoire du droit L’inhumation aura lieu le 5 mai,
AU CARNET DU «MONDE» à l’université d’Orléans survenu à l’âge de soixante-douze ans. au cimetière de Fontainebleau
et infatigable lecteur du Monde, (Seine-et-Marne).
Ses obsèques auront lieu dans
Décès survenu le 21 avril 2020, l’intimité le mardi 5 mai 2020, au
à l’âge de quatre-vingt-six ans. 16, rue des Orteaux,
cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. 75020 Paris,
Paris.
Une cérémonie a eu lieu dans gen.jestaz@libertysurf.fr
l’intimité le mardi 28 avril, à 10 h 30, Monique,
Jeannette Giard, en l’église Saint-Jean-des-Deux- son épouse,
née Tommy-Martin, Moulins, Paris 14e. Bernard et Sophie,
Remerciements
sa mère, Nadine et Manu,
Alain Albizzati, Des retrouvailles à sa mémoire La famille de
seront organisées dès que les Emmanuel et Valérie
son époux, circonstances le permettront. ses enfants et leurs conjoints,
Colin Albizzati et Fabiela Bigossi, Sacha, Charlotte, Eytan, Raphaël
Christiane CARRIOT,
Alice Albizzati et Benoît Malapert, 70, rue du Javelot, et Frédéric,
Bruno Albizzati, 75013 Paris. ses petits-enfants, décédée le 8 avril 2020,
ses enfants et leurs conjoints, Lise et Bernard Bloc,
sa sœur et son beau-frère, exprime ses plus vifs remerciements
Sacha, Lou et Constance, Le président
A Stockholm, en 2011. de l’université Savoie-Mont-Blanc, au service de réanimation 1, et aux
ses petits-enfants,
Le directeur ont la tristesse de faire part du décès responsables du funérarium de
SOREN ANDERSSON/AFP Pascal et Bernadette Giard,
de l’UFR sciences et montagne, de l’hôpital cardiologique de Bron, pour
Nicolas Giard et Marie-Catherine Le directeur leur soins et leur accueil chaleureux,
Grisvard, du laboratoire de mathématiques, Claude JOB, ainsi qu’à Béatrice, Caroline et
Philippe Giard et Manuela Vles-
ont la tristesse de faire part du décès Clémentine.
Giard (†), survenu le 14 avril 2020,
de

I
l se voyait comme « un 23 SEPTEMBRE 1934 Nais- François-Xavier et Yaël Giard, dans sa quatre-vingt-huitième année.
homme élégant, très grand, sance à Hjoggböle (Suède) Christophe Giard et Marie-Christiane Anniversaire de décès
Arnaud, M. Pierre BARAS, emmanuel_job@hotmail.com
toujours gentil et pas très 1969 Grand Prix de Enghien-les-Bains, ce 28 avril 2020.
Martin Giard et Marie Alot, professeur des Universités
occupé puisqu’il passait son littérature du Conseil ses frères et leurs conjointes en mathématiques, Meudon. Limoges. Sceaux.
temps à écrire des livres » (La Mon­ nordique Ainsi que toute sa famille ancien président Christian,
de l’université de Savoie Antony. Berlin. Paris.
tagne aux trois grottes, La Joie 2004 « Blanche et Marie » Et ses nombreux amis, son époux inconsolable,
(1994-1999),
de lire, 2011). Le Suédois Per (publié en France chez Daniel Kuri, Marie-Louise, Emmanuel, Nicolas,
Olov Enquist, l’une des figures Acte Sud en 2006 ) ont la profonde douleur de faire part Anne-Christine et Gilles Pécout, Elisabeth,
marquantes des lettres scandi­ 25 AVRIL 2020 Mort du décès de Profondément attaché au service Stéphane et Agnès Kuri, ses enfants,
public et convaincu de sa mission ses enfants et leurs conjoints, Ses treize petits-enfants,
naves, est mort samedi 25 avril. à Vaxholm (Suède) d’universitaire, il s’est investi
Il avait 85 ans. Marie-Odile ALBIZZATI, au fil des réformes dans le
née GIARD, Angèle Kuri, Adrien Pécout, Marie
Un jour glacial de l’hiver 2011, Le fonctionnement de l’institution. gardent dans leur cœur la présence
Kuri, Virgile Kuri, Emmanuel Kuri,
X 77, Dévoué pour les étudiants, attentif à vivante de
Monde avait rendez­vous avec lui l’accompagnement des enseignants- ses petits-enfants,
agrégée de Mathématiques,
à Stockholm. Sous les fenêtres de folie du roi Christian VII de Dane­ docteure en Gestion, chercheurs, soucieux des personnels,
son éditeur, la prestigieuse mai­ mark, qui lui vaut le prix du sa connaissance scientifique ont la grande douleur de faire part Chantal MÉGRELIS,
maîtresse de conférence s’accompagnait de qualités humaines du rappel à Dieu de leur mère,
son Norstedts, le fleuve était gelé, meilleur livre étranger (2001). à l’université Paris-Panthéon-Assas, appréciées de tous. belle-mère et grand-mère, qui les a quittés voici deux ans.
mais, sur le visage de l’écrivain, la Suit Blanche et Marie (Actes Sud,
chaleur rayonnait. « J’ai 76 ans. Ce 2006), où il imagine la rencontre survenu le mardi 21 avril 2020, à l’âge Un hommage lui sera rendu par Janine KURI,
la communauté académique quand Ils invitent toutes celles et tous
qui veut dire que, maintenant, je de deux femmes, Marie Curie et de soixante et un ans, à son domicile née ROBERT,
les circonstances le permettront. ceux qui ont connu son inépuisable
suis d’accord pour mourir », nous Blanche Wittman, la célèbre pa­ et entourée de ses proches.
le 24 avril 2020, dévouement et sa fidèle amitié à lui
confiait­il avec un franc sourire. tiente du docteur Charcot à la Sal­ Paris. à l’âge de quatre-vingt-onze ans. réserver une pensée fraternelle.
Cette paix était pour lui une pêtrière. Ces deux romans sont Nous rappelons le souvenir de son
père adoré, Micheline,
conquête, comme il l’expliquait représentatifs de la « méthode Ses obsèques auront lieu le samedi
son épouse, 2 mai, à 10 heures, en l’église Notre-
Souvenir
dans Une autre vie, publié chez Ac­ POE », consistant à tricoter en­ Pascal GIARD Anne et Adeline,
tes Sud en 2010, cette poignante semble les faits vrais et la fiction Dame-de-l’Assomption de Meudon. Il y a un an, le lundi 29 avril 2019,
(1919-2008). ses filles,
Martin, Antoine, Margot et Jules, Nous vous invitons à vous unir à elle
autobiographie qui relatait com­ pour qu’ils s’éclairent dans un jeu par la pensée ou par la prière.
ment il avait jadis sombré dans d’ombres et de lumière subtile­ ses petits-enfants Georges BOURDALLÉ
Les obsèques auront lieu le samedi Et toute sa famille,
l’alcool, de façon « lucide », « avec ment dosé. Un jeu où le vrai ne va 2 mai, à Saint-Restitut, en Drôme Elle sera inhumée à Avignon,
une perspicacité fracassante ». jamais sans le faux – enfant déjà, provençale, dans l’intimité familiale ont la tristesse de faire part du décès, auprès de son époux, nous a quittés.
Il évoquait aussi son retour à POE dessinait des cartes, mais en en raison de la crise sanitaire. survenu à Paris, le samedi 18 avril
2020, de Waldemar KURI. A ta mémoire plus que vive,
la vie, sa « résurrection ». « C’est y ajoutant des sentiers et des colli­ Georges.
étrange, je m’étais juré que je n’écri­ nes de son imagination. Un hommage lui sera rendu Jean-Paul CARON,
ultérieurement. « Nous ne sommes pas séparés [...]
rais jamais sur ce sujet. Puis, j’ai Un petit livre occupait pour lui lecteur fidèle
et attentif du Monde. et nos larmes ne le savent pas encore. » Famille, amis, collègues, sommes
commencé, un peu par accident. Et une place particulière, L’Ange dé­ « Wir sind nicht geschieden […] und die réunis en ta pensée.
Sa famille tient à remercier les
j’ai continué en me disant qu’il fal­ chu (Actes Sud, 1986), un texte Il avait quatre-vingt-dix ans. Tränen um dich verstehen es nicht. »
nombreux soutiens et marques Hyperion, Friedrich Hölderlin.
lait aller jusqu’au bout. Sans ca­ bouleversant sur les incongruités d’affection reçus tout au long de sa famille.bourdallegeorges@gmail.
Les obsèques ont eu lieu le lundi com
cher quoi que ce soit. Ça a jailli de l’amour. « Entre 1978 et 1990, il maladie. 27 avril, au cimetière du
comme ça. Sans honte ni peur. Je y a eu un trou noir dans ma vie », Montparnasse, Paris 14e. Castanet-Tolosan.
Paris.
me disais : “Il faut raconter cette expliquait­il. « I was a man trying « Quelle chance de t’avoir connue, Hommage
putain d’histoire.” Parfois, l’écri­ to drink himself to death » (« j’étais avec ton sourire rayonnant et ton Philippe Crouzet et Sylvie Hubac, M. André Martinez et Mme Odile
regard bienveillant ! Ton amour, ta Bernard Crouzet et Emilie Cléach, La Fondation de France
ture est comme une grossesse. un homme qui essayait de boire Martinez de La Grange,
générosité, ton énergie et ta simplicité Nicolas, Juliette, Valentine, Louis Mme Simonne et M. Jean (†) Berger,
Quelque chose s’accumule en vous, jusqu’à en mourir »). L’Ange déchu Et toute la famille, exprime toute sa reconnaissance à
continueront de nous accompagner. » ses enfants et leurs conjoints,
jusqu’au moment où il devient iné­ est le seul et mince roman de ces
ont la tristesse de faire part du décès Thomas, Clara, Olivia et son
vitable de l’expulser. » années­là. « Je l’écrivais pendant familledemarieo@gmail.com époux, Sanche de Laage et Victor,
de
les quelques heures où je n’étais ses petits-enfants, M. André LOMBARD,
Mélange de faits et de fiction pas ivre. Les heures sobres et gla­
La Londe-les-Maures. Villeneuve- Eliane CROUZET, Les familles Martinez, Thibaut,
Né le 23 septembre 1934 à Hjogg­ cées où mon cerveau fonctionnait. Bentolila, alliés et amis,
les-Corbières. Paris. survenu le 22 avril 2020,
böle, dans le nord de la Suède, Per Je l’ai composé comme un orato­ décédé le 23 mars 2019, en Seine-
à Neuilly-sur-Seine. En union avec son mari, le
Olov Enquist (POE pour les Sué­ rio. J’en étais si heureux… » Saint-Denis, pour son legs généreux
Olivier et Florence,
Un hommage lui sera rendu qui, selon son souhait, soutiendra
dois) étudie l’histoire à l’université Dès lors, il réussit à « nouer les ses enfants, lieutenant-colonel
ultérieurement. les actions prioritaires de notre
d’Uppsala, avant de rejoindre la derniers pans de son ancienne vie Ulysse, Natacha, Gregor et Alex, Rufin MARTINEZ (†), fondation.
presse écrite et la télévision. Ses avec ceux de la nouvelle ». Il tord le ses petits-enfants, officier de la Légion d’honneur
Aubane et Victor, Noëlle Denieul - van der Hasselt,
premiers romans, Kristallögat cou à la culpabilité, se sent libéré. son épouse,
(« l’œil de cristal », 1961, non tra­ Enquist le reconnaissait : il y a chez ses arrière-petits-enfants, et son fils, le
Alice et Béatrice,
duit), Le Cinquième Hiver du ma­ lui quelque chose de métaphysi­ Ses neveux et nièces, ses filles Société éditrice du « Monde » SA
ainsi que leurs conjoints, docteur Président du directoire, directeur de la publication
gnétiseur ou L’Extradition des Bal­ que, dans ses peurs, ses failles, tou­ Louis Dreyfus
ont la tristesse de faire part du décès Jean et Lucie, Michel MARTINEZ (†), Directeur du « Monde », directeur délégué de la
tes – tous deux réédités dans la col­ tes ces fragilités humaines qu’il de ses petits-enfants, publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio
lection « Babel » –, paraissent dès scrute si intelligemment dans ses Odile Denieul, ont la douleur de faire part du décès, Directeur de la rédaction Luc Bronner
sa sœur, survenu à son domicile, le 21 avril 2020. Directrice déléguée à l’organisation des rédactions
les années 1960. Mais ce n’est qu’à livres. « Je suis né dans une famille Georges-Jean ARNAUD, Anne Denieul,
Françoise Tovo
dans sa quatre-vingt-quinzième année, Direction adjointe de la rédaction
partir de 1977 qu’Enquist se consa­ où la Bible était très présente. Où sa belle-sœur, de Grégoire Allix, Philippe Broussard, Emmanuelle
cre entièrement à l’écriture. Une l’on pense que si Dieu vous a donné survenu à La Londe-les-Maures, Et tous ses neveux et nièces, Chevallereau, Alexis Delcambre, Benoît Hopquin,
Marie-Pierre Lannelongue, Caroline Monnot,
trentaine d’ouvrages au total qui, un talent, vous en êtes responsable. le 26 avril 2020, Mme Yvonne MARTINEZ, Cécile Prieur, Emmanuel Davidenkoff (Evénements)
ont la profonde tristesse de vous Directrice éditoriale Sylvie Kauffmann
témoins de son talent polymor­ Or, j’ai beau être humble, je suis à l’âge de quatre-vingt-onze ans. faire part du décès de née THIBAUT, Rédaction en chef numérique
phe, couvrent tous les genres : conscient que ce que je sais faire, professeur à la retraite, Hélène Bekmezian
Rédaction en chef quotidien
théâtre, nouvelles, scénario (sur c’est écrire. Il m’arrive même de me Les obsèques auront lieu le 2 mai, François DENIEUL, Michel Guerrin, Christian Massol, Camille Seeuws,
à 10 heures, au crématorium de professeur émérite de et tiennent à remercier du fond Franck Nouchi (Débats et Idées)
l’écrivain norvégien et Prix Nobel dire que je suis plutôt un bon écri­ l’École nationale supérieure du cœur Sandrine, Sheherazade, Directeur délégué aux relations avec les lecteurs
Cuers et se tiendront dans la stricte
1920 Knut Hamsun), essais sur le vain. Pour un médiocre plumitif, d’architecture Halima et Sirine qui l’ont Gilles van Kote
intimité familiale. Paris - Val-de-Seine, Directeur du numérique Julien Laroche-Joubert
sport (il fut athlète de haut niveau), il n’y aurait guère d’enjeu. Mais accompagnée jusqu’à la fin. Chef d’édition Sabine Ledoux
biographie (de l’écrivain Johan quand on pense qu’on a du talent et Directrice du design Mélina Zerbib
Il rejoindra, son épouse, survenu à Paris, le 25 avril 2020, Les obsèques seront célébrées Direction artistique du quotidien Sylvain Peirani
August Strindberg, son modèle), li­ qu’on ne l’utilise pas, alors c’est là dans sa soixante-dix-huitième année. Photographie Nicolas Jimenez
dans l’intimité familiale le jeudi Infographie Delphine Papin
vres de jeunesse… qu’on tombe dans l’alcool. C’est Madeleine 30 avril, au funérarium de
Famille Denieul, Directrice des ressources humaines du groupe
En France, il se fait remarquer comme si la voiture et le moteur 401, rue de Vaugirard, Cornebarrieu (Haute-Garonne). Emilie Conte
Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget
avec Le Médecin personnel du roi n’étaient pas connectés… »  et son fils, 75015 Paris. Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président,
(Actes Sud, 2000), un roman sur la florence noiville Frédéric. Noelle.denieul@yahoo.fr Cet avis tient lieu de faire-part. Sébastien Carganico, vice-président
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MERCREDI 29 AVRIL 2020 0123 | 35

FRANCE | CHRONIQUE GARE À UNE 


par fr ançoi se f re ssoz
RELANCE 
nomique qui vient promet d’être l’une des ques, pour qui l’environnement est l’une
ÉCONOMIQUE 
L’union réduite « GRISE »
plus violentes depuis la seconde guerre
mondiale. Les Etats s’apprêtent à y répon­
dre en mobilisant des ressources mas­
des principales préoccupations. Les tech­
nologies d’efficacité énergétique, les
moyens déployés pour une mobilité dura­
aux acquêts sives, avec des plans de relance colos­
saux. Si répondre à l’urgence économique
et sociale est vital, cette relance ne peut se
ble et la production d’énergies renouvela­
bles ont fait des progrès spectaculaires. Il
s’agit de solutions matures, de plus en plus
faire sans boussole. compétitives.
Tenter de remettre l’économie sur pied Cette année, la France et l’Union euro­

Q
ui aurait pu affirmer, UNE COLLABORATION  sans tenir compte de la trajectoire climati­ péenne se sont engagées à un objectif de
il y a six mois, que le que serait faire preuve d’une myopie dan­ « neutralité carbone » en 2050, sans dé­
contrôle continu EST EN TRAIN  gereuse. La baisse spectaculaire des prix du tailler à ce stade de manière convaincante
s’imposerait comme pétrole, qui se sont effondrés en même le chemin à suivre. La France doit se servir
mode de validation DE S’ÉTABLIR  temps que l’activité mondiale, pourrait ren­ de cette crise pour renforcer ses ambitions
du baccalauréat ? Que les entre­ dre tentante l’idée d’une relance « grise », climatiques, tout en créant des emplois et
ENTRE LE POUVOIR 
prises adopteraient avec autant
de facilité le télétravail ? La crise
due au Covid­19, par sa violence
et le nombre de vies qu’elle impli­
que, a fait sauter de multiples ver­
CENTRAL ET 
LES ÉLUS LOCAUX
L a pandémie due au Covid­19 n’a pas
stoppé le changement climatique,
mais elle a fait chuter de manière
spectaculaire les émissions de CO2. La
baisse pourrait ainsi atteindre 5,5 % au ni­
qui s’appuierait fortement sur des énergies
fossiles temporairement bon marché.
Ce scénario a déjà eu lieu : après la crise fi­
nancière de 2008, la mobilisation des Etats
a permis de relancer tant bien que mal la
en relançant l’activité économique.
Pour faire face à ce défi immense, elle doit
se doter d’outils de planification économi­
que et écologique qui lui font cruellement
défaut. Elle peut aussi construire un front
rous dans le public comme dans veau mondial en 2020. S’il n’est pas ques­ machine économique, mais elle a aussi fait commun au sein de l’Union pour faire de
le privé. C’est pourquoi il ne faut renchérit dans le Journal du di­ tion de provoquer un arrêt brutal de l’acti­ monter en flèche les émissions de CO2. La cette relance verte un outil qui renforce le
pas balayer d’un revers de la main manche du 26 avril le président vité identique à celui que nous vivons pour priorité consistait à retrouver coûte que projet européen.
l’autre changement qui, cette fois, du Sénat, Gérard Larcher, non atteindre la trajectoire de l’accord de Paris coûte le rythme de croissance d’avant la Pour l’heure, la prise de conscience des
touche la vie politique : une colla­ sans avoir, au préalable, fustigé sur le climat, cette crise donne la mesure crise, sans trop se préoccuper des enjeux enjeux climatiques est plus que timide
boration est en train de s’établir une gestion de crise « par l’ap­ des efforts qui restent à accomplir. Les re­ environnementaux. dans les plans d’urgence engagés par le
entre le pouvoir central et les élus proximation ». Les différends ne jets carbonés devront baisser plus encore Il n’est plus possible de reproduire la gouvernement. La prochaine séquence,
locaux, qui plus est sur le mode sont pas abandonnés, mais ils se afin d’atteindre les objectifs prévus. même erreur. En dix ans, le paysage politi­ celle de la relance, doit impérativement
de l’innovation, à travers le con­ régleront plus tard. Comme l’a souligné le Haut Conseil pour le que et économique a changé. Les dirigeants mettre l’environnement au cœur des pré­
cept de « différenciation » qui met La collaboration qui s’amorce climat, la crise sanitaire est riche d’ensei­ savent qu’ils ne peuvent plus faire l’im­ occupations. Si nous ne le faisons pas dans
pourtant à mal l’unité du pays. est d’autant moins contestée gnements pour faire face à ce défi. passe sur la lutte contre le réchauffement ces circonstances, il y a peu de chances d’y
Non qu’une affinité se soit brus­ qu’elle ne gomme en rien le com­ Dès lors, la France ne doit pas se conten­ climatique, alors qu’ils se trouvent de plus arriver une fois que les vieux réflexes
quement créée entre Macron le bat politique. Suspendue au len­ ter d’un pilotage à courte vue. La crise éco­ en plus sous la pression des opinions publi­ auront repris le dessus. 
jacobin et les élus locaux, mais demain du 15 mars, la campagne
parce que la gravité du moment municipale est désormais phago­
impose à tous de réussir. cytée par la crise sanitaire. Sans
C’est ainsi qu’une union que attendre le 11 mai, Anne Hidalgo,
personne n’irait jusqu’à baptiser la maire de Paris, a présenté un
de « sacrée » se dessine. Fugace, plan de déconfinement pour la
sans doute, et cependant mémo­ ville, compatible avec celui du
rable, car, depuis le début du gouvernement. A l’approche des
quinquennat, les relations sont élections régionales prévues
exécrables entre le pouvoir cen­ en 2021, les présidents de région
tral et les associations d’élus où ont eu à cœur de fournir, plus vite
domine une droite persuadée de que l’Etat, les masques qui, au dé­
s’être fait voler la victoire de 2017. but, ont tant manqué. Leur zèle à
Les maladresses du président de protéger leurs concitoyens et à
la République, qui veut bien soutenir les acteurs locaux leur MESSAGE POUR LES ABONNÉS LIVRÉS PAR LA POSTE – COVID-19
« concerter » mais à condition de permet soit de se réhabiliter (cas
décider seul, n’ont fait qu’accroî­ de Laurent Wauquiez à la tête de
tre le contentieux. Pourtant, le la région Auvergne­Rhône­Alpes), MESURES EXCEPTIONNELLES DE DISTRIBUTION
ton s’apaise à quelques jours de soit de conforter leur ambition
l’acmé de la crise, le déconfine­ présidentielle (cas de Xavier Ber­
ment qui va démarrer le 11 mai, et trand ou de Valérie Pécresse en
qui est unanimement reconnu Ile­de­France).
comme l’un des moments les
plus compliqués qu’aura à affron­ Un jeu subtil
En raison de la situation sanitaire, nous vous informons
ter la République. A la tête de l’Association des mai­ que La Poste modifie l’organisation de ses tournées
L’enjeu est d’assurer le retour res de France, François Baroin n’a
progressif à la vie normale sans renoncé à rien pour 2022, mais il a de distribution de courrier. Tous vos journaux continuent
exposer le pays à une reprise de
l’épidémie. Une gageure, car, à ce
trop l’expérience des crises inter­
nationales pour savoir qu’enga­
d’être livrés, mais les jours de livraison sont adaptés.
jour, il n’existe pas de vaccin pour ger le fer avant l’heure serait con­
stopper le virus et la quantité d’ar­
mes disponibles pour limiter sa
tre­productif. A aucun moment, il
n’a freiné l’intention d’Emma­
L’ensemble de vos journaux sont livrés 4 jours par semaine,
propagation – masques et tests – nuel Macron de faire des maires les mardis, mercredis, jeudis et vendredis. À partir du
n’est toujours pas optimale. Cela les artisans du déconfinement,
ressemble à une marche à l’aveu­ aux côtés des préfets. Dans cette lundi 27 avril, compte tenu des jours fériés du 1er mai
gle, qui peut tout aussi bien être
brève que durer des mois, et qui
période où tout ce qui apparaît
comme trop politicien est lourde­
et du 8 mai, vous les recevrez exceptionnellement le lundi,
pousse peu ou prou le gouverne­ ment sanctionné, le jeu des élus le mardi, le mercredi et le jeudi. Pour les abonnés livrés
ment, les maires, les présidents de de l’opposition est devenu beau­
département et les patrons de ré­ coup plus subtil. Il consiste à dire par portage, la distribution reste assurée quotidiennement
gion à agir de concert pour éviter
que la crise, gravissime, ne se
« oui à l’unité », mais aussi « oui à
la liberté de parole et de proposi­
pour le moment.
transforme en catastrophe. tions », comme le résume le dé­
Si, en privé, nombre d’élus acca­
blent le gouvernement de criti­
puté LR Eric Woerth. La guerre des
masques, qui, début avril, a me­
Nous vous rappelons que, en tant qu’abonnés, vous pouvez
ques en lui reprochant notam­ nacé de tout embraser, a été vite consulter le journal papier en version numérique tous
ment d’avoir trop longtemps éteinte. Chacun jure à présent
« menti » sur la pénurie de mas­ qu’il tire dans le même sens. les jours, avant 13 heures, sur le site journal.lemonde.fr
ques, beaucoup disent aussi que
ce n’est pas le moment d’en rajou­
Une autre raison de bon sens
pousse à la coopération. Autant le
ou l’application Journal Le Monde sur mobile et tablette.
ter : quand un pays a peur, la re­ confinement se devait d’être uni­
cherche du bouc émissaire de­ forme et rapide, autant le déconfi­
vient un réflexe quasi pavlovien. nement, pour réussir, doit faire
Dans le climat de défiance qui af­ dans la dentelle : entre les villes et Pour y accéder, vous avez deux possibilités :
fecte tous les échelons politiques, les campagnes, les zones massive­
personne n’est à l’abri, le local pas
plus que le national. Mieux vaut
ment touchées par l’épidémie et
d’autres quasiment épargnées, les K JE CRÉE MON COMPTE au moyen de mon numéro
donc se retrousser les manches problématiques ne sont pas les de client + mon code postal + mon adresse e-mail sur
pour sortir au plus vite de l’or­ mêmes. Un moment, les plus gi­
nière et surtout rassurer. rondins, comme le centriste lemonde.fr/sfuser/account
« Notre obligation, aujourd’hui, Hervé Morin, ont tenté de revendi­
est de nous serrer les coudes », af­ quer, à la faveur de la crise, davan­
firmait, dès mars, Xavier Ber­
trand, le président de la région
tage de régionalisation, mais, de­
vant l’ampleur du risque, cette vel­
K JE POSSÈDE DÉJÀ UN COMPTE sur le site du Monde
Hauts­de­France. « Je suis pour léité a été rapidement stoppée. rattaché à mon adresse e-mail : je n’ai pas besoin de
l’unité nationale dans cette pé­ Le déconfinement reste à ce
riode de crise sanitaire aiguë », jour tellement aléatoire que créer un nouveau compte, je m’identifie directement sur
nombre d’élus locaux préfèrent
laisser au pouvoir central la res­
secure.lemonde.fr/sfuser/connexion
ponsabilité des principes géné­
LA GUERRE  raux, à charge d’en assumer une
DES MASQUES,  déclinaison différenciée sur le Nous vous remercions pour votre compréhension et vous
QUI, DÉBUT AVRIL, 
terrain, en tenant compte au plus
près des attentes locales. Si la tiendrons informés de l’évolution de la situation.
A MENACÉ  manœuvre échoue, le responsa­
ble sera tout trouvé. Si elle réus­
Plus que jamais, votre soutien nous est indispensable pour
DE TOUT EMBRASER,  sit, chacun pourra en tirer parti. continuer à défendre un journalisme rigoureux et indépendant.
C’est le principe de l’union ré­
A ÉTÉ VITE ÉTEINTE duite aux acquêts. 

Tirage du Monde daté mardi 28 avril : 135 916 exemplaires


IL Y A LES GESTES ET LES GESTES
BARRIÈRES CONTRE BARRIÈRES CONTRE
LA CRISE SANITAIRE LA CRISE ÉCONOMIQUE

Il faut se laver régulièrement les mains Il ne faut pas se laver les mains
des difficultés que vous rencontrez
À La Banque Postale, nous avons mis
en place la suppression des franchises
d’Assurance Auto et Habitation*
pour 1 million de clients, et des reports
des remboursements de crédits**
immobiliers et à la consommation
pour tous ceux qui en ont besoin.

Il faut maintenir une distance sociale


de 1 m au minimum Il faut rester au plus près des petites
entreprises et des professionnels
pour les aider à repartir, avec déjà
1m
plus de 400 millions d’euros accordés
de Prêt Garanti par l’État, et des reports
automatiques des remboursements
de crédits.

Il ne faut ni poignée de main Il faut prendre à bras-le-corps


ni embrassade les difficultés des hôpitaux
et des collectivités locales
À La Banque Postale,
nous avons mis à leur disposition
une enveloppe de 300 millions
d’euros à 0 %.

C’EST ÇA ÊTRE BANQUE ET CITOYENNE

UN CRÉDIT VOUS ENGAGE ET DOIT ÊTRE REMBOURSÉ, VÉRIFIEZ


VOS CAPACITÉS DE REMBOURSEMENT AVANT DE VOUS ENGAGER.
* La suppression des franchises s’applique uniquement aux sinistres Auto et MRH survenus entre le 16 mars et le 16 juin 2020.
** Sous réserve d’acceptation de votre dossier par La Banque Postale.
Dispositifs en vigueur jusqu’au 16 juin 2020.
La Banque Postale Assurances IARD – S.A. au capital social de 161 142 000 € – 30 boulevard Gallieni 92130
Issy-Les-Moulineaux. RCS Nanterre n° 493 253 652. Entreprise régie par le Code des assurances.
Prêteur : La Banque Postale Financement – S.A. à Directoire et Conseil de Surveillance. Capital social 2 200 000 €.
1 avenue François Mitterrand 93212 La Plaine Saint-Denis CEDEX. RCS Bobigny n°487 779 035. Distributeur/
Intermédiaire de crédit : La Banque Postale – S.A. à Directoire et Conseil de Surveillance – Capital social 6 585 350 218 €
– 115 rue de Sèvres 75275 Paris CEDEX 06 – RCS Paris n° 421 100 645 – Intermédiaire d’assurance ORIAS n° 07 023 424.

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