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Harmonie
Harmoniques
En musique, l'harmonie est le fait que divers sons perçus ensemble concordent ou vont bien
ensemble : par exemple, lorsque la musique jouée par plusieurs instruments semble harmonieuse.
Dans la théorie de la musique occidentale, l'art de l'harmonie étudie la construction des accords,
les principes qui les gouvernent et leurs enchaînements. On parle alors de l'aspect « vertical »
(instruments simultanés) de la musique par opposition à la dimension « horizontale »
(mélodie)[1].
Dans son acception la plus courante, relative aux simultanéités dans la musique, l'harmonie a
suscité une abondante littérature, depuis Platon et Aristote, jusqu'à Hindemith ou Messiaen.
Cependant, même dans ce domaine précis, le terme peut revêtir différentes significations —
historiquement liées :
1 Histoire
2 Description
2.3 Renaissance
3 Harmonie tonale
6 Notes et références
7 Voir aussi
7.2 Bibliographie
Histoire
C'est Olympos, fils d'Héraclès et d'Euboée, qui passe pour l’inventeur de l’harmonie[2].
Description
Le mot provient du grec αρμόζω (armozo), qui veut dire joindre, faire coïncider, adapter,
emboiter. Dans son sens le plus large, le mot harmonie désigne traditionnellement une des quatre
composantes de la musique — les trois autres étant le rythme, la mélodie et le timbre.
L'harmonie relève de l'utilisation délibérée de fréquences simultanées, dans la perspective
d'apporter relief et profondeur au chant ou au jeu instrumental : elle représente donc l'aspect
vertical de la musique, tandis que la mélodie en représente l'aspect horizontal (relativement au
sens de lecture d'une partition : la lecture horizontale décrit la succession de notes qui composent
la mélodie, la lecture verticale décrit la ou les notes jouées simultanément).
L'harmonie dans son sens large inclut la polyphonie et s'oppose ainsi à la monodie médiévale, et,
plus généralement à tout type de musique traditionnelle jouée ou chantée à l'unisson.
Un instrument de musique est dit « harmonique » quand il est capable de jouer plusieurs sons
simultanés et de créer des accords : comme la plupart des instruments à clavier (piano, orgue,
clavecin, accordéon, harmonium, etc.). Les autres instruments sont le plus souvent mélodiques et
ne peuvent produire qu'un son à la fois e.g. certains instruments à corde peuvent produire deux
sons en même temps[3].
La notion d'harmonie est liée à une éducation de l'oreille, et soumise à une évolution historique :
ainsi les auditeurs du XXIe siècle auront du mal à entendre un accord de neuvième comme
dissonant, alors même que ce type d'accord était proscrit à l'ère baroque. Ce n'est d'ailleurs qu'au
cours du Moyen Âge que les intervalles de tierce — base de l'harmonie classique — ont été
considérés comme consonants. Auparavant, seuls l'unisson, l'octave, la quinte et la quarte
l'étaient.
Mais l'explication des origines de l'harmonie par l'acoustique et les harmoniques du son
fondamental a ses limites : ainsi, dans la théorie de Rameau, l'accord parfait mineur — do mi
bémol sol — est une sorte d'anomalie, puisque le mi bémol n'est pas un des harmoniques de do.
On peut remarquer cependant que ces trois notes ont beaucoup d'harmoniques communs : ainsi le
cinquième harmonique de mi bémol est le sol, qui est aussi un des harmoniques de do (et de sol,
bien sûr).
Antiquité grecque
Parmi les différentes civilisations antiques, la civilisation grecque mérite d'être traitée à part en
matière de musique, d'une part parce qu'un certain nombre de textes décrivant et commentant son
système et sa pratique, sont parvenus jusqu'à nous, d'autre part parce qu'elle a souvent servi de
point de départ aux théories savantes sur la musique médiévale. À ce titre, la musique de la
Grèce antique peut être considérée comme l'une des sources de la musique occidentale, mais
aussi de la musique classique arabe, même si les théoriciens médiévaux interprétaient ce qu'ils
savaient de la musique grecque.
La musique des Grecs anciens — telle qu'on la connaît à travers les textes philosophiques et les
traités d'harmonie, dont le premier est celui d'Aristoxène de Tarente, un élève d'Aristote qui se
démarque de la pensée de son maître — apparaît fortement imprégnée de concepts
philosophiques : théorisation de « l'éthique musicale » par Platon[4] puis Aristote qui
s'inspiraient de la pensée pythagoricienne, respect des rapports mathématiques qui « régissent
l'univers », la musique comme une « source de sagesse », etc.
Le système dit des « harmonies » n'était pas une théorisation des usages en matière de
simultanéités sonores, mais une description des échelles de base, fondées sur l'accord de la lyre
— c'est-à-dire, la « manière d'accorder » cet instrument — : aspects de l'octave, choix de la note
fondamentale, succession des intervalles conjoints, etc.
L'échelle mélodique en usage, l'accord pythagoricien, est produit par la « génération des
quintes » sur un monocorde. Pythagore ayant remarqué que la hauteur du son est inversement
proportionnelle à la longueur de la corde, avait défini les rapports harmoniques comme des
rapports de longueur — ou des rapports de fréquence. Par exemple, l'octave correspond au
rapport 2/1, la quinte au rapport 3/2, la quarte au rapport 4/3, et ainsi de suite. Ces trois
intervalles étaient par ailleurs considérés comme les principales consonances du système musical
— cette conception sera maintenue jusqu'à la fin du Moyen Âge.
Dans l'Antiquité, la musique était monodique et le son était donc un élément simple sans aucune
notion d'accord[5]. Ce qui n'empêchait pas de jouer des simultantéités sonores — au moins en ce
qui concerne certains instruments qui se prêtaient à ce type d'expérience : l'aulos (en duo avec un
chanteur), la lyre, la harpe, etc.
Moyen Âge
Ce n'est qu'au milieu du Moyen Âge que va se produire ce grand bouleversement qu'est la
naissance de la notation musicale. La tentative de fixer la musique sur le papier entraînera
l'invention du solfège — qui ne trouvera sa forme définitive qu'à la Renaissance — ainsi que le
développement du concept de partition, ceci, au détriment de la mémoire et de la transmission
orale.
Le système harmonique en usage dès l'époque carolingienne, est plus proprement appelé la
polyphonie : la musique médiévale superpose et articule plusieurs voix ou lignes mélodiques
sans considérer encore que cette superposition forme des accords ; le travail polyphonique y est
contrapuntique et jamais harmonique : il ne s'attache pas à la succession des accords. Les
premiers témoignages écrits des expérimentations en matière de simultanéités sonores nous
montrent que l'évolution de la notation musicale et les progrès en matière d'écriture
polyphonique sont intimement liés : ce sont, semble-t-il, les nécessités de la polyphonie qui ont
entraîné l'élaboration du solfège.
Le système musical médiéval est de nature modale, et l'échelle en usage est l'accord
pythagoricien, hérité de la Grèce antique.
Au cours du Moyen Âge, c'est surtout la quinte juste qui est considérée comme l'intervalle
consonant par excellence.
Le mouvement oblique — c'est le principe du bourdon des instruments populaires, tel que la
vielle à roue ou le biniou.
Le mouvement parallèle que l'on retrouve, tout d'abord, dans l'organum — succession de quintes
ou d'octaves harmoniques — mais également, un peu plus tard, dans le gymel — succession de
tierces ou de sixtes harmoniques.
Ces premiers essais d'écriture de mouvements obliques ou parallèles sont en fait assez modestes.
Ils s'apparentent somme toute, aux musiques traditionnelles de certaines parties du Globe, qui
pratiquent une polyphonie spontanée. Au fond, la musique savante de cette période se contente
d'utiliser l'écrit pour aller vers plus de cérébralité et se doter d'une théorisation : le musicien ne se
contente plus « d'agir », désormais, « il agit en connaissance de cause ».
L'harmonie des XVe et XVIe siècles — toujours appelée polyphonie — comporte les
caractéristiques suivantes.
La musique est essentiellement consonante : les accords utilisés sont des accords de trois notes
— la septième et la neuvième, en tant que notes dissonantes au sein d'un accord, ne seront
utilisées qu'au cours des époques ultérieures.
La basse devient progressivement indépendante : alors qu'au cours de la période précédente, elle
était une mélodie comme une autre, elle est désormais traitée comme une partie chargée d'une
fonction spécifique.
La sensible est employée de manière systématique : elle sera la marque de la musique tonale,
comme la sous-tonique était celle de la musique modale.
Les chromatismes — très fréquents dans le madrigal — les modulations, les marches d'harmonie,
les cadences, font leur apparition.
C'est à cette époque que la tierce est définitivement considérée comme un intervalle consonant,
et que l'on passe d'accord pythagoricien à la gamme zarlinienne.
L'accord au sens moderne du terme, n'est pas encore pleinement théorisé, et le système d'écriture
musicale demeure le contrepoint, qui connaît son apogée au cours de cette période.
Harmonie tonale
En musique classique, l'harmonie peut désigner la simple utilisation d'accords, on parle alors de
polyphonie (système musical en usage de la fin du Moyen Âge à la fin de la Renaissance). Dans
son sens le plus étroit, elle désigne la discipline étudiant la disposition et l'enchaînement des
accords. Elle est alors qualifiée de « tonale » puisqu'elle est indissociable du système tonal en
tant que système d'écriture musicale. L'harmonie classique ou tonale est le système musical qui
se substitue à la polyphonie à partir du XVIe siècle, et qui, durant plus de trois siècles, restera le
système de référence de l'écriture des simultanéités dans la musique occidentale savante.
L'harmonie n'est pas seulement une théorie statique visant à classifier les accords selon certaines
règles, que celles-ci soient naturelles — c'est-à-dire, fondées sur des harmoniques communs —
ou bien artificielles — c'est-à-dire, fondées sur l'éducation de l'oreille et le goût d'une époque.
L'harmonie, c'est aussi l'étude des enchaînements d'accords, qui, en utilisant notes de passage,
retards, dissonances passagères, permet de structurer une œuvre de musique tonale. Écrire
l'histoire de l'harmonie, de Monteverdi à Schönberg, c'est quasiment écrire « l'histoire de la
musique tonale ».
Le concept d'accord
La notion d'accord, en tant que simultanéité sonore synthétisée, succède à celle d'intervalle
harmonique en usage depuis le Moyen Âge. En harmonie tonale, un accord est une entité
particulière, définie comme une combinaison simultanée d'au moins trois notes, disposées au
départ sous la forme d'une superposition de tierces.
Le mot accord, en tant que concept renvoyant à un ensemble de sons simultanés, ne semble pas
antérieur au XVIe siècle.
La structure de l'accord correspond globalement aux harmoniques du son, mis en évidence par la
science acoustique au XVIIIe siècle, mais pressentis par les musiciens bien avant cette époque.
L'harmonie tonale connaîtra des accords de trois notes (ou accords de quinte), de quatre notes (ou
accords de septième) et de cinq notes (ou accords de neuvième). Les accords de plus de cinq
notes ne sont pas pris en considération par l'harmonie classique.
Le contrepoint est de plus en plus en retrait. Il subsistera toutefois en tant que discipline
enseignée dans les conservatoires et écoles de musique, afin de contribuer à la formation des
musiciens.
Dès le début du XVIIe siècle cependant, il est concurrencé par un autre procédé, appelé monodie
ou « mélodie accompagnée » : de même que le contrepoint est la technique d'écriture associée à
la polyphonie, la monodie est la technique d'écriture associée à l'harmonie tonale.
Le système tonal et harmonique a été théorisé par Jean-Philippe Rameau, fameux compositeur de
la période baroque. Dans son Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels celui-ci
remarque que la résonance d'un corps sonore s'accompagne de l'émission de sons dits
« harmoniques » — qui seront plus tard analysés par le physicien Helmholtz — et en déduit que
l'harmonie est consubstantielle à la musique elle-même (plus encore que la mélodie) puisqu'un
son fondamental porte en lui-même sa propre harmonie comme, écrit-il, « une sorte de chant
intérieur ».
La notion de tension a évolué au cours des siècles, puisque chaque génération d'auditeurs s'est en
quelque sorte accoutumée aux dissonances. C'est pourquoi il est important pour l'analyste
moderne de se remettre dans la peau des contemporains de l'œuvre qu'il étudie. Ainsi, les sonates
de Mozart ou Haydn, relativement simples sur le plan tonal, recèlent des petits trésors de
dissonances, que le romantisme a effacé par son effusion de tensions (cf Schumann ou Liszt).
Cette surenchère historique a amené les compositeurs du XXe siècle à essayer de nouvelles voies
atonales pour continuer à surprendre l'auditeur.
On notera l'importance accordée à la basse, comme symétrique de la mélodie dans le grave, et,
en conséquence, le rôle plus effacé des parties intermédiaires, ces dernières constituant souvent
un simple complément harmonique.
En harmonie tonale, une pièce musicale peut être notée sur seulement deux portées, la première
affectée à la mélodie, la deuxième, à la basse, avec, entre les deux, un certain nombre de chiffres
figurant les accords à réaliser sur un instrument harmonique — clavecin, luth, etc. Ce procédé,
très en vogue à la période baroque, est appelé « basse continue ».
Au début du XXe siècle, l'harmonie classique perd le monopole de l'écriture musicale savante.
Elle évolue alors dans plusieurs directions, souvent divergentes.
L'harmonie et les nouveaux systèmes musicaux
Les structures traditionnelles sont remises en question par bon nombre de compositeurs —
Debussy, Schönberg, etc. Le système tonal éclate, les anciennes échelles sont souvent
abandonnées, etc. Dans les nouveaux systèmes inventés de toutes pièces — musique sérielle,
musique aléatoire, musique concrète, etc. — l'harmonie classique ne trouve plus sa place. Celle-
ci en effet peut difficilement survivre en dehors de la tonalité et des échelles traditionnelles,
échelle diatonique et échelle chromatique.
Lorsque les compositeurs font le choix de travailler dans la musique tonale, ou modale, ou tout
au moins, dans des gammes reproductibles sur l'échelle chromatique habituelle, ils utilisent
parfois l'harmonie, mais ne manquent pas de faire évoluer celle-ci, au gré de leur inspiration ou
de leurs recherches : par exemple, en inventant de nouveaux accords, toujours plus chargés :
accords de six notes, accord de sept notes, ou encore, en trouvant des simultanéités inanalysables
selon les règles classiques — simplement appelées agrégats.
L'enseignement de l'harmonie
L'harmonie classique telle qu'elle s'est développée du XVIIe au XIXe siècle subsiste, cependant
elle n'a pas pris en compte les évolutions du XXe siècle : elle s'arrête généralement à l'étude des
accords de cinq notes. Celle-ci est désormais devenue une discipline enseignée dans les
conservatoires et les écoles de musique, au même titre que la composition ou le contrepoint. Ces
trois disciplines sont regroupées dans les conservatoires dans les classes dites "d'écriture".
Les ressources de l'harmonie classique sont également adoptées par le jazz, et les musiques
populaires plus ou moins apparentées à ce genre musical : blues, rock, variété, etc. Cette
utilisation est effectuée cependant au prix d'un certain nombre d'aménagements, notamment en
matière de notation des accords.
En poésie, on peut parler également de « l'harmonie » d'un vers, pour en désigner les effets
sonores — rimes, assonances, allitérations ou consonances, accents toniques, intonation
prosodique, etc.
Un type d'orchestre
Sens extra-musical
Le terme Harmonie peut cependant recevoir plusieurs autres significations, en relation ou non
avec la musique et les sons, c'est-à-dire qu'outre l'oreille, il s'adresse aux yeux et constitue une
appréciation de la valeur agréable dans la communication de caractère général. Communication
picturale, architecturale dans les arts, et relationnelle dans les sociétés. De manière très générale,
le mot harmonie signifie « bonnes relations », « concordance », « entente », entre des personnes
ou des personnes et des objets.
C'est ainsi, par exemple, qu'à propos d'un tableau, d'un vêtement, d'un décor, etc., on pourra
parler de « l'harmonie des couleurs ».
On pourra dire également, en parlant de personnes cette fois, que celles-ci s'entendent bien et
travaillent toujours en bonne « harmonie ».
En architecture et sculpture, dans le rapport homme et objet perçu, l'harmonie est l'ensemble
« Proportions agréables, beauté des lignes, des volumes, des formes. »[6].
↑ Bitsch 1957, p. 7
↑ Le violon tient ici une place à part, puisque normalement utilisé comme instrument mélodique,
il a été poussé par certains auteurs, comme J.S. Bach, aux confins de ses possibilités comme
instrument harmonique, voir : http://erato.uvt.nl/files/imglnks/usimg/2/2d/IMSLP29448-
PMLP04292-Acro4eT8Ab.pdf [archive]
↑ Chailley 1979, p. 26
Accord
Consonance
Contrepoint
(fr) Pierre Pellegrin (dir.) (trad. du grec ancien), Aristote : Œuvres complètes, Paris, Éditions
Flammarion, 2014, 2923 p. (ISBN 978-2-08-127316-0)
Adolphe Danhauser, Théorie de la musique : Édition revue et corrigée par Henri Rabaud, Paris,
Henry Lemoine, 1929, 128 p.
Marcel Bitsch, Précis d'harmonie tonale, Paris, Alphonse Leduc, 1957, 115 p. (ISMN 979-0-046-
21681-7)
Philippe Ganter, Les bases de l'harmonie, Paris, Dareios & ID Music, 2013, 320 p. (ISBN 978-2-
917280-09-6, présentation en ligne [archive])
Émile Durand, Traité complet d'harmonie théorique et pratique, Paris, Leduc, 1881 (notice BnF
no FRBNF42970475, lire en ligne [archive])
Jacques Chailley, La musique grecque antique, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Études
anciennes », 1979, 219 p. [détail des éditions] (ISBN 978-2-251-32512-5)