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RDCO2012-2-051

Revue des contrats, 01 avril 2012 n° 2, P. 681 - Tous droits réservés

Contrats

La nature de la sanction!: satisfaction du bénéficiaire par des dommages-


intérêts ou primauté de l'exécution forcée en nature!?

Denis Mazeaud – Avec mon ami Yves-Marie Laithier, nous avons choisi de présenter nos deux communications
sous la forme d'un duo, d'un dialogue, sous la forme d'une pièce en cinq actes, au cours desquels nous
interviendrons l'un et l'autre.

Évidemment, la forme que nous avons retenue n'est pas sans présenter quelques inconvénients. Elle nous a, par
exemple, obligé à adopter des postures qui, parfois, ne reflètent pas avec fidélité le fond de nos pensées
respectives 1 et, donc, à forcer quelque peu le trait...

I – Force obligatoire du contrat, primauté de l'exécution en


nature et exécution par équivalent
Il me revient donc de prêcher pour les vertus de l'exécution forcée en nature, pièce maîtresse du modèle contractuel
français, prolongement naturel du principe moral du respect de la parole donnée. Principe fondamental, principe
rayonnant, principe directeur de notre droit des contrats, principe dont les mérites sont si grands qu'une des toutes
meilleures spécialistes du droit français et comparé des contrats écrivait récemment, alors qu'elle évoquait la
question de l'harmonisation européenne du droit des contrats : « Si l'influence française a encore une chance de se
faire sentir, c'est bien à travers ces principes directeurs. (...) Cantonner l'Europe à un idéal de bon fonctionnement
de l'économie de marché ne peut que nourrir l'euroscepticisme (...). Il faut lui rendre un nouveau souffle. La France a
là une carte à jouer en Europe, pour faire entendre une autre voix et insuffler d'autres valeurs dans le monde
d'aujourd'hui. À cet égard, la déclaration des valeurs fondamentales que sont la liberté, la bonne foi et le respect de
la parole donnée, est un signe particulièrement fort ».

En défendant ce principe emblématique du modèle contractuel français, je me réjouis donc de mettre mes pieds
dans les traces de Muriel Fabre-Magnan... Je suis enchanté à l'idée de défendre le principe de l'exécution forcée en
nature, je dis bien le « principe »... Si j'insiste, c'est parce que j'ai lu dans le Recueil Dalloz en date du 10 novembre
2011 sous la plume d'un conseiller référendaire, qui expliquait la jurisprudence de la troisième chambre civile de la
Cour de cassation aux lecteurs qui ne l'ont toujours pas comprise, j'ai lu donc sous cette plume particulièrement
autorisée que, je cite : « De la nature de l'obligation de faire du vendeur se déduisent les effets de la rétractation : elle
ne peut être sanctionnée par l'exécution forcée » 2 .

Objection votre honneur ! Aujourd'hui, et depuis des lustres d'ailleurs, il est acquis que l'article 1142 du Code civil est
désactivé et que le principe de l'exécution forcée en nature s'applique à toutes les obligations contractuelles
inexécutées, qu'elles soient de donner, de faire ou de ne pas faire. J'ajoute accessoirement que l'article 1er de la loi
de 1991 qui a réformé les voies d'exécution affirme que chaque créancier a droit à l'exécution forcée en nature, et je
ne me souviens pas que cette loi distingue selon l'objet de l'obligation dont un créancier déplore l'inexécution.
J'ajoute, encore, que ce principe est régulièrement réaffirmé, et avec quelle force, par la Cour de cassation elle-
même. On peut donc soutenir qu'en droit positif, exception faite du contrat de promesse unilatérale de contrat qui
semble lui échapper, le principe est celui de l'exécution forcée en nature et pas celui de l'exécution forcée par
équivalent.

Faut-il s'en féliciter ? Tel est l'objet de notre débat.

Ma réponse est « oui ! », cent fois « oui ! ».

« Oui ! », parce que ce principe illustre à merveille l'idée que le droit est une science profondément humaine et que
notre droit des obligations repose sur des principes qui sont dépourvus parfois de rationalité, économique

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notamment ; il est fondé sur des principes qui sont dotés d'une charge symbolique, morale, spirituelle. Ainsi, il est
exact que, pas plus que le principe moral, sinon religieux, du respect de la parole donnée dont il constitue « la mise
en force » 3 , le principe de l'exécution forcée en nature n'est plus performant économiquement, ni plus pertinent, ni
plus efficient que l'exécution par équivalent. Mais il reflète parfaitement l'idée selon laquelle, dans le modèle
contractuel français, le contrat est autre chose qu'une valeur qui ne vaut qu'à travers l'intérêt qu'il représente pour le
marché. Dans notre tradition contractuelle, le contrat est autre chose qu'un instrument de création des richesses, qui
n'est protégé que dans la mesure de l'avantage économique qu'il confère au créancier. Le principe de l'exécution
forcée en nature est un signe de résistance du modèle contractuel au diktat de la loi du marché, parce qu'il véhicule
d'autres valeurs, morales, sociales, spirituelles, que celles que prône l'analyse économique du droit, laquelle inscrit
le contrat dans la seule sphère matérielle de l'avoir, alors que le modèle contractuel français l'inscrit dans la sphère
spirituelle de l'être.

Dans le modèle contractuel français, et c'est bien cela que traduit le principe de l'exécution forcée en nature, la
parole contractuellement donnée a une valeur qui n'a pas de prix, elle ne peut donc pas être « rachetée » moyennant
des dommages-intérêts. La parole contractuelle oblige celui qui l'a donnée à exécuter la prestation qu'il a librement
et lucidement promise, soit spontanément, soit « forcément » sous la contrainte. Aussi le contrat sera-t-il exécuté
exactement dans la perspective dans laquelle il avait été conclu et conçu par les contractants, lesquels en retireront
donc l'intérêt escompté. Finalement, le principe de l'exécution forcée en nature permet que soient scrupuleusement
respectés l'objet et la cause des engagements contractuels...

En somme, notre principe constitue la garantie que le contrat répondra aux attentes légitimes des contractants, à
savoir l'exécution de la prestation promise par leur cocontractant. Il permet tout simplement que le contrat produise
l'effet attendu, procure aux contractants l'utilité recherchée quand il a été conclu et comme il avait été conçu. Qui dit
mieux ! Mon ami Yves-Marie Laithier, peut-être...

Yves-Marie Laithier – Est-il vrai que le refus d'admettre l'exécution forcée en nature revient, au fond, à nier
l'obligation contractuelle et à bafouer la force obligatoire du contrat ? Rien n'est moins sûr. Pour le comprendre, il
faut brièvement revenir sur ces deux notions essentielles.

S'agissant, en premier lieu, de l'obligation contractuelle, il a longtemps été tenu comme une évidence que le droit à
l'exécution forcée était en quelque sorte « inclus » dans la créance : l'un était consubstantiel à l'autre. Que l'État prête
par principe son concours au créancier victime de l'inexécution paraissait tellement justifié qu'il n'y avait pas lieu de
s'y attarder. Certes, la distinction entre le debitum et l'obligatio n'a pas été perdue de vue, mais personne n'en a
jamais tiré la conséquence que ces deux éléments de l'obligation devaient être séparés, en dehors du cas spécial
des obligations naturelles 4 .

Cependant, la situation a considérablement évolué au cours du siècle dernier. Pour diverses raisons, d'ordre
économique ou social, les mesures de protection des débiteurs en difficulté ont été multipliées. Elles sont autant
d'entorses graves aux droits des créanciers 5 . Il en ressort, en bref, que le créancier d'une obligation contractuelle
ne peut plus toujours compter sur le juge pour obtenir, par la force, l'objet précis de ce qui lui avait été promis. Par-
delà le développement de ces diverses « procédures d'insolvabilité », cette évolution montre qu'en droit positif – et
non pas seulement d'un point de vue théorique – une dissociation très nette existe entre le droit de créance, d'un
côté, et le droit à son exécution forcée, de l'autre. Et l'on pourrait effectivement soutenir qu'en l'absence d'exécution
forcée, une obligation contractuelle est amputée de l'un de ses deux éléments et ajouter que cela est fort critiquable.

Mais en l'occurrence, pour en revenir à la jurisprudence relative aux promesses unilatérales de vente, il n'a jamais
été question de priver le créancier de son pouvoir de contrainte. L'hésitation concerne la nature de la sanction et non
son principe. Par conséquent, au regard des éléments notionnels qui viennent d'être rappelés, il est impossible de
dire que l'obligation du promettant (ou, si l'on préfère, la créance du bénéficiaire) est niée.

S'agissant, en second lieu, de la force obligatoire du contrat, il faut répéter que celle-ci signifie que les parties sont
liées par un accord sous la sanction du droit. En d'autres termes, le débiteur contractuel qui manque à ses
obligations s'expose à une sanction, à l'image, comme le dit l'article 1134, alinéa 1er, du Code civil, de celui qui
méconnaît la loi. La force obligatoire érige le contrat en une norme juridique. Mais elle ne dit rien du type de sanction
qui est applicable. Ce peut être l'exécution forcée en nature. L'article 1184, alinéa 2, du Code civil le prévoit. Et, à
bien des égards, c'est une excellente solution. Il ne faut pas oublier que l'obligation est un instrument technique qui
n'a pas d'autre fin que de procurer une satisfaction au créancier. Or quelle plus belle satisfaction que celle qui
consiste à fournir l'objet précis de ce qui avait été convenu ? Cela étant dit, d'autres sanctions sont accessibles, qui

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découlent pareillement, ni plus, ni moins, de la force obligatoire du contrat. Les dommages-intérêts en sont une
parmi d'autres. Ils sont donc, eux aussi, une conséquence du caractère obligatoire du contrat. Dès lors, tant que le
principe même d'une sanction du promettant défaillant n'est pas remis en cause, il est inexact d'affirmer que la force
obligatoire du contrat est méconnue. Elle ne le serait que si le promettant pouvait échapper à la promesse qu'il a
consentie en toute impunité. La conclusion est claire : l'appel quelque peu grandiloquent à la force obligatoire du
contrat ne permet pas de trancher le débat entre l'octroi de dommages-intérêts et le prononcé d'une exécution
forcée en nature. La solution dépend d'autres considérations, techniques et/ou politiques.

II – L'intérêt du contrat de promesse unilatérale


Denis Mazeaud – Plaider en faveur de l'exécution forcée en nature du contrat de promesse unilatérale, autrement
dit pour la formation forcée du contrat promis en cas de rétractation du promettant, s'impose au nom de l'intérêt de
ce contrat préparatoire, sauf à se résigner à ce que ce dernier soit un contrat imprévisible, c'est-à-dire, puisque
contracter c'est prévoir, un contrat privé... d'intérêt, dans la mesure où son efficacité dépendrait du bon vouloir du
promettant.

Précisément, quel est l'intérêt, pratique en particulier, d'un contrat de promesse unilatérale ?

Cet intérêt réside dans le fait que le bénéficiaire devient titulaire d'un droit potestatif d'option qui lui confère un
pouvoir exclusif sur la suite du processus contractuel et, par conséquent, sur le destin du contrat promis. Pour que
ce contrat soit formé, il suffit donc que le bénéficiaire exprime son consentement, lequel rencontrera alors le
consentement du promettant, définitivement et irrévocablement exprimé via la promesse. Aussi affirmer, comme le
fait la Cour de cassation depuis 1993, que la rétractation du promettant interdit la formation de la vente promise,
faute de rencontre des volontés, revient à nier purement et simplement l'intérêt de la promesse. La jurisprudence
actuelle prive donc de tout intérêt pratique le contrat de promesse unilatérale, puisqu'au lieu que la formation du
contrat promis dépende de la volonté unilatérale du bénéficiaire, elle dépend aussi désormais de la volonté du
promettant qui peut y faire échec en rétractant illicitement son consentement au contrat promis.

Répétons-le, lorsqu'un contrat de promesse unilatérale est conclu, non seulement tous les éléments nécessaires à
la formation du contrat promis sont, exception faite du consentement du bénéficiaire mais y compris celui du
promettant, d'ores et déjà réunis, raison pour laquelle d'ailleurs c'est à la date de la promesse de contrat, et non à
celle de la formation du contrat promis, que sont appréciées la capacité du promettant, de même que la liberté et la
lucidité de son consentement. Ajoutons que c'est aussi ce qui explique que, dès la conclusion du contrat
préparatoire, le promettant ne peut plus non seulement rétracter son engagement au contrat promis, en vertu de
l'article 1134, alinéa 2, du Code civil, mais encore en modifier la substance, conformément à l'alinéa 1er de ce même
texte.

En définitive, donc, exclure la formation forcée du contrat promis en cas de rétractation de son engagement par le
promettant revient à investir celui-ci du pouvoir de ne plus contracter en dépit de la promesse qu'il a librement et
irrévocablement conclue, ce qui prive celle-ci de tout intérêt pratique.

Yves-Marie Laithier – On ne saurait nier que le refus d'admettre l'exécution forcée en nature diminue l'intérêt de la
promesse unilatérale de vente : il suffit, pour s'en convaincre, de comparer la situation du bénéficiaire qui obtient des
dommages-intérêts à celle qui serait la sienne si la promesse avait été respectée. Mais, d'une part, la diminution de
l'intérêt n'est pas sa suppression et, d'autre part, la solution retenue n'est pas illogique. Expliquons brièvement ces
deux points.

D'abord, il ne faut pas apprécier l'intérêt d'un contrat sous le seul angle des sanctions auxquelles sa violation donne
lieu. C'est une vision réductrice des choses. Comparée à une simple offre, la promesse unilatérale de vente confère
aux parties des avantages indéniables que le rejet de l'exécution forcée en nature ne supprime pas. Toutes les
parties peuvent en tirer un intérêt puisque, comme chacun sait, ce n'est pas parce que la promesse est unilatérale
que le contrat qui en est le support possède nécessairement ce caractère 6 . Le contrat est bien sûr utile au
bénéficiaire, initial ou substitué, en ce qu'il permet, en cas d'exécution volontaire, la réalisation d'une vente. Il est
utile également au promettant qui peut stipuler en sa faveur diverses obligations, la plus répandue étant le paiement
d'une « indemnité d'immobilisation » en cas de renonciation à l'opération.

On ajoutera, ensuite, que la jurisprudence qui écarte le prononcé de l'exécution en nature est cohérente avec la
conception de la promesse unilatérale de vente adoptée par la Cour de cassation, conception certes critiquée par

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une majorité d'auteurs et de praticiens, mais qui n'est pas contraire à la loi dès lors que celle-ci n'en impose aucune
autre. Sans revenir en détail sur un débat qui a déjà eu lieu 7 , on peut dire que la solution que Denis Mazeaud
appelle de ses vœux n'est que le fruit d'une certaine conception de la promesse selon laquelle le promettant, en
donnant son consentement, a pris l'engagement irrévocable de vendre. Tous les éléments de la vente sont déjà
réunis grâce à la promesse ; il ne manque plus que la décision du bénéficiaire pour la former. Or, de toute évidence,
telle n'est pas la façon dont la Cour de cassation appréhende la situation. Selon elle, le promettant ne s'est pas
engagé à aliéner la propriété de son bien, mais a simplement consenti une option au bénéficiaire. Par suite, si le
promettant se rétracte avant la levée de l'option, il prive le bénéficiaire de son option. Et puisque ce faisant, le
promettant viole le contrat, il doit indemniser le bénéficiaire du préjudice qu'il lui cause. Mais, dans cette conception
qui sépare très nettement le contrat de promesse et le contrat de vente, il est impossible d'aller plus loin ; il est
impossible d'ordonner le transfert de la propriété puisque le promettant ne s'est pas engagé à vendre. L'exécution
forcée en nature reviendrait ici à octroyer au bénéficiaire un avantage que la promesse ne lui a pas conféré et que
seul un contrat de vente valablement formé pourrait lui donner. Il y a donc bien une impossibilité juridique d'ordonner
l'exécution forcée en nature, qui est inhérente à l'économie du contrat de promesse unilatérale de vente. Sans doute
l'intérêt pratique de la promesse s'en trouve-t-il réduit, mais, d'une part, cet intérêt n'est pas anéanti comme on l'a
indiqué précédemment, d'autre part, il y a une impossibilité juridique à le satisfaire plus avant, du moins dans la
conception que fait sienne la Cour de cassation.

III – La spécificité du contrat de promesse unilatérale par


rapport au processus de formation du contrat
Denis Mazeaud – Plaider en faveur de l'exécution forcée en nature du contrat de promesse unilatérale est d'autant
plus nécessaire qu'il en va aussi de la spécificité de ce contrat préparatoire.

Or, aujourd'hui, le contrat de promesse unilatérale est privé de toute spécificité parce que non seulement il n'a pas
plus de force qu'une simple offre de contracter, mais encore il est doté de moins d'énergie contractuelle que le pacte
de préférence. Ce constat est, sinon invraisemblable, du moins paradoxal, si on veut bien partir de l'idée simple
qu'un contrat, ce qu'est la promesse unilatérale, devrait avoir plus de force qu'un simple acte unilatéral, et si on veut
bien admettre que, dans la famille des avant-contrats, la promesse unilatérale, qui crée une exclusivité contractuelle
et un droit potestatif au profit du bénéficiaire, est dotée d'une force autrement plus importante que le pacte de
préférence qui ne lui confère qu'une priorité contractuelle.

Or, en droit positif, la révocation abusive d'une offre faite à personne déterminée et assortie d'un délai d'acceptation
n'emporte que la mise en jeu de la responsabilité civile de l'offrant qui doit payer des dommages-intérêts au
destinataire. Solution en tous points identiques à celle à laquelle donne lieu la rétractation fautive du promettant en
droit positif. Le contrat de promesse unilatérale est donc, sur ce point crucial, jurisprudentiellement assimilé à une
offre. Aussi, à quoi bon désormais conclure un tel contrat préparatoire si, en cas d'échec du processus de formation
du contrat promis imputable au promettant, la situation du bénéficiaire est exactement la même que celle du
destinataire d'une offre révoquée abusivement.

Par ailleurs, depuis 2006, on sait que le pacte de préférence est susceptible, en cas de violation par le promettant
de la priorité contractuelle accordée au bénéficiaire, d'exécution forcée en nature ; le bénéficiaire peut, en effet, être
substitué dans les droits du tiers acquéreur s'il démontre la mauvaise foi de ce dernier, mission délicate mais pas
impossible. Il est pour le moins curieux que ce qui est admis pour le pacte de préférence ne le soit pas pour la
promesse unilatérale, d'autant plus que, comme l'a justement relevé notre subtil rapporteur de synthèse, la
substitution du bénéficiaire d'un pacte de préférence ne s'imposait pas avec la force de l'évidence. En effet, quand il
conclut un tel avant-contrat, le promettant ne « souscrit que l'obligation négative de ne pas vendre ailleurs, mais non
l'engagement positif de vendre et il peut donc choisir de conserver le bien plutôt que de l'offrir au bénéficiaire » du
pacte.

En définitive, en droit positif, les cartes sont totalement brouillées et le contrat de promesse unilatérale,
jurisprudentiellement désactivé, est privé de toute spécificité par rapport aux autres instruments de la période
précontractuelle.

Yves-Marie Laithier – En complément de ce qui a été dit de l'utilité spécifique de la promesse unilatérale de vente,
on fera deux observations en réponse à l'affirmation selon laquelle en refusant le jeu de l'exécution forcée en nature,
la Cour de cassation ravalerait ce contrat à une offre.

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La première est qu'il n'y a pas lieu de déduire d'une identité de régime une identité de nature. Ce n'est pas parce
que deux situations entraînent l'application d'une même règle que les situations entrent dans la même catégorie
juridique. Ce n'est donc pas parce que la rétractation fautive du promettant et celle du pollicitant donnent lieu à des
dommages-intérêts que le contrat de promesse est disqualifié en offre. L'argument joue d'ailleurs dans l'autre sens :
si la révocation fautive de l'offre devait un jour être sanctionnée par la formation du contrat, comme cela a été parfois
suggéré en doctrine 8 , l'offre ne deviendrait pas un contrat.

La Cour de cassation n'a jamais nié la nature conventionnelle de la promesse unilatérale 9 . Elle n'a jamais non plus
aligné le régime de la promesse unilatérale de vente sur celui de l'offre. Ainsi, en l'absence de stipulation relative à
la durée, l'offre est automatiquement caduque à l'expiration d'un délai raisonnable 10 , alors que le promettant doit
résilier le contrat 11 . De même, la prétendue « rétractation » du promettant engage toujours sa responsabilité
puisqu'il viole le contrat, alors que, passé le délai prévu ou raisonnable, le pollicitant peut révoquer son offre sans
devoir verser de dommages-intérêts. Les régimes demeurent donc distincts.

Par ailleurs, seconde observation, il est possible, malgré l'identité de nature de la sanction, de préserver la
spécificité du contrat de promesse unilatérale par rapport à l'offre. Le moyen d'y parvenir est d'évaluer les
dommages-intérêts différemment. Dans un cas, les dommages-intérêts indemniseraient les dépenses engagées
uniquement sur la foi de l'offre rétractée de façon intempestive. Dans l'autre, les dommages-intérêts indemniseraient
le bénéficiaire à hauteur de l'avantage qu'il attendait de l'exécution volontaire. Il est vrai que le problème rebondit : le
bénéficiaire perd-il seulement une option ou perd-il l'avantage que la levée de l'option lui aurait permis d'acquérir ?
On retrouve, à nouveau, le débat relatif à l'objet de la promesse. Mais quelle que soit la réponse apportée, il n'en
demeure pas moins qu'une distinction pourrait être mise en œuvre entre, d'un côté, l'indemnisation du seul « intérêt
négatif » dans l'hypothèse de l'offre fautivement rétractée, et, de l'autre, l'indemnisation de l'« intérêt positif » dans
l'hypothèse de l'inexécution de la promesse unilatérale avant la levée de l'option. C'est une piste à explorer qui
permettrait de réaliser quelques progrès dans l'évaluation du préjudice comparables à ceux accomplis au cours de
la décennie écoulée en matière de rupture fautive des pourparlers, et qui permettrait surtout de « matérialiser » plus
encore la distinction entre l'offre et le contrat de promesse unilatérale en dépit du fait qu'ils ne donnent lieu qu'à une
indemnisation.

IV – Les remèdes contractuels


Denis Mazeaud – Dans son commentaire susvisé de l'arrêt du 29 mai 2010 publié au Recueil Dalloz (D. 2011, p. 
2684), le conseiller référendaire déjà cité nous indique doctement que : « Les praticiens pourront déroger
conventionnellement aux dispositions de l'article 1142 du Code civil dans les promesses unilatérales de vente où il
leur apparaîtra d'envisager une exécution en nature ». Passons sur le fait que l'article 1142, du moins si on s'en tient
à la lettre de l'arrêt précité, n'est plus dans le débat... et arrêtons-nous sur les remèdes contractuels à la
jurisprudence hostile à l'exécution forcée en nature des promesses unilatérales violées.

On peut, d'abord, songer à stipuler une clause de dédit aux termes de laquelle, si le promettant se rétracte, il devra
payer un dédit en contrepartie de l'exercice de ce pouvoir d'anéantissement unilatéral de la promesse. L'idée est
que, puisque la rétractation n'est sanctionnée que par des dommages-intérêts, il vaut mieux que le montant du dédit
soit conventionnellement fixé, plutôt que de laisser le soin au juge de procéder à l'évaluation de dommages-intérêts.

On peut aussi penser à stipuler une clause pénale pour renforcer la force obligatoire du contrat de promesse
unilatérale. Son caractère comminatoire devrait inciter le promettant à exécuter fidèlement son engagement,
d'autant plus que son caractère forfaitaire le contraindra, en cas de rétractation, à payer la peine contractuellement
fixée indépendamment du montant du préjudice réellement subi par le bénéficiaire. Reste simplement à éviter une
disproportion entre le montant de cette peine, destinée à garantir l'engagement du promettant et sanctionnant sa
rétractation illicite, et celui du préjudice réel, faute de quoi le juge pourra la réviser, sur le fondement de l'article 1152,
alinéa 2, du Code civil.

On relèvera que ces deux premiers remèdes présentent un vice identique qui réside dans leur caractère
indemnitaire. L'un comme l'autre ne permettant pas au bénéficiaire d'obtenir ce qu'il recherche, à savoir la formation
du contrat promis. D'où l'idée de stipuler une clause qui lui permette de parvenir à ce résultat. Dans cette
perspective, il conviendrait donc d'insérer, dans le contrat de promesse, une clause aux termes de laquelle
l'engagement souscrit par le promettant dans la promesse est irrévocable, et que la formation du contrat dépend
exclusivement du consentement du bénéficiaire, indépendamment de toute rétractation du promettant postérieure à

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la conclusion du contrat de promesse.

Yves-Marie Laithier – Pour qui défend l'opportunité d'une satisfaction du bénéficiaire prenant la forme de
dommages-intérêts, il n'y a pas lieu d'insister sur la clause de dédit puisque celle-ci autorise, par définition, le
promettant à se retirer unilatéralement du contrat contre le paiement d'une indemnité. Cette clause ne donne pas
accès à l'exécution forcée en nature. Simplement, si le montant du dédit est élevé (étant rappelé qu'il n'est pas
susceptible de révision judiciaire), la clause favorise l'exécution volontaire du contrat, ce dont chacun se félicitera.

La remarque vaut pour la clause pénale. S'il est exact qu'elle ne donne lieu qu'à une indemnisation en cas
d'inexécution, elle est conçue, selon les termes de l'article 1226 du Code civil, « pour assurer l'exécution » du
contrat. Une clause pénale élevée dissuadera le promettant de se rétracter puisque, par hypothèse, il y a plus de
chances qu'il ne retire aucun profit de son manquement. On objectera peut-être qu'une peine élevée risque d'être
révisée par le juge. C'est exact, mais c'est l'occasion de faire une suggestion à la Cour de cassation. Pour apprécier
le caractère manifestement excessif d'une clause pénale, il serait judicieux de ne pas seulement s'en tenir à la
valeur du préjudice subi, mais de prendre en compte la plus ou moins grande difficulté qu'a le créancier de se
procurer ailleurs l'avantage promis. L'idée serait la suivante : plus cet avantage est difficile à retrouver (par exemple
certains titres sociaux), moins le caractère manifestement excessif devrait être reconnu. De cette façon, la fonction
comminatoire de la clause pénale s'en trouverait accrue dans les situations où elle est la plus utile.

La clause d'exécution forcée en nature appelle des observations plus nuancées. Sans revenir sur ce qui a déjà été
évoqué lors des échanges relatifs à l'objet de la promesse unilatérale de vente 12 , et sans oublier que la stipulation
d'une exécution forcée ne supprime ni le risque de contentieux, ni la nécessité de protéger les droits acquis par les
tiers de bonne foi, il faut indiquer que, pour les partisans de la jurisprudence de la Cour de cassation, cette clause
est un argument à double tranchant. D'un côté, elle rend hommage à la solution par défaut, celle applicable en
l'absence de clause. En effet, s'il faut stipuler l'exécution forcée en nature en cas d'inexécution, c'est bien parce que
la règle est et demeure que l'inexécution de la promesse donne normalement lieu à des dommages-intérêts. Mais,
d'un autre côté, la clause fragilise la règle par défaut. En effet, pour que la clause d'exécution forcée en nature soit
efficace, donc pour qu'elle permette de déclarer la vente parfaite en dépit de la rétractation antérieure à la levée de
l'option, il faut logiquement admettre, soit que la promesse a fait naître une obligation de donner dont la clause
précise qu'elle sera nécessairement sanctionnée par une exécution forcée en nature, soit (pour ceux qui contestent
l'existence de l'obligation de donner) admettre que la promesse produit un effet translatif. C'est qu'une clause
d'exécution forcée en nature ne saurait avoir pour effet de procurer au créancier une satisfaction plus grande que
celle qu'il aurait retirée de l'exécution volontaire. Donc, si ce transfert a lieu en application de la clause, c'est
nécessairement parce que le contrat de promesse unilatérale de vente le permettait. C'est la raison pour laquelle les
partisans de la jurisprudence de la Cour de cassation doivent être prudents et ne pas voir dans cette clause
uniquement un compromis entre les différentes conceptions de la promesse unilatérale de vente.

V – Les considérations de politique juridique


Denis Mazaud – L'idée est ici d'essayer de comprendre les raisons qui ont conduit la Cour de cassation à évincer
l'exécution forcée en nature des contrats de promesse unilatérale en cas de rétractation de son engagement par le
promettant.

On passera très rapidement sur la « règle » énoncée par l'article 1142 du Code civil, sur laquelle se fondait la Cour
de cassation, puisque dans son arrêt du 29 mai 2010, la troisième chambre civile a ostensiblement supprimé toute
référence à ce texte obsolète dans son visa.

Deux explications d'ordre théorique ont été, entre autres, avancées.

En premier lieu, on peut expliquer la position de la troisième chambre civile par un attachement exacerbé au
principe de la liberté contractuelle. Au fond, de même qu'elle refuse de réparer, en cas de rupture déloyale d'une
négociation, la perte d'une chance de ne pas conclure le contrat, et d'admettre la formation forcée du contrat, en cas
de révocation d'une offre à personne déterminée assortie d'un délai précis d'acceptation, la Cour refuse de
sanctionner la rétractation du promettant par l'exécution forcée en nature de la promesse de contrat, parce que cela
emporterait une atteinte trop grave à la liberté contractuelle, entendue comme celle de ne pas contracter. En effet,
admettre l'exécution forcée en nature du contrat de promesse unilatérale reviendrait fatalement à permettre la
formation du contrat promis, en dépit de l'absence de volonté d'un des contractants, pire, contre la volonté de celui-
ci. Ainsi, une telle solution permettrait finalement la formation d'un contrat à la suite de la décision du juge, laquelle

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se substituerait alors à la volonté défaillante d'une des parties, ce qui est contraire à la tradition contractuelle
française.

Plutôt donc que d'admettre la formation judiciaire du contrat promis sous la contrainte, la Cour de cassation préfère
donc accorder au promettant la liberté de ne plus contracter, en dépit de l'engagement qu'il avait contractuellement
souscrit dans le contrat de promesse, lequel, pourtant, avait bel et bien pour objet son consentement au contrat
promis, tant et si bien, car c'est là la raison d'être de la promesse unilatérale, qu'il avait le devoir de dire « oui ! » au
contrat promis. Par la « grâce » de sa jurisprudence, la troisième chambre civile de la Cour de cassation lui accorde,
désactivant ainsi le contrat de promesse unilatérale, le pouvoir de dire « non ! » au contrat promis.

En second lieu, une autre explication de cette jurisprudence a été proposée par Rémy Libchaber 13 et repose sur
une mauvaise compréhension de ce contrat spécial que constitue la promesse unilatérale par la Cour de cassation.
Incompréhension qui a peut-être une origine terminologique, à savoir le label d'« avant-contrat » généralement utilisé
pour dénommer le contrat de promesse unilatérale. Or, les promesses unilatérales de contrat « ne sont pas
seulement des contrats en soi. Elles sont le contrat de vente lui-même, ou plutôt le germe de ce contrat, où tous les
développements possibles sont d'emblée contenus », en ce sens que « les promesses de vente ne doivent jamais
être suivies d'un contrat de vente » et que « dans le cas même où la vente en découle effectivement, elle ne suppose
pas de rencontre de volontés supplémentaire destinée à former un second contrat. C'est la promesse elle-même qui
débouche sur la vente par la continuation de ses effets, sans qu'aucun autre accord ne doive être enregistré ». La
jurisprudence de la Cour serait alors peut-être « fondée sur les conséquences tirées de la présence d'un avant-
contrat, c'est-à-dire d'un contrat préliminaire devant obligatoirement être suivi d'une vente ». En somme, « la Cour
estime que le seul contrat décisif ne peut être que le second : le contrat de vente, appelé par le terme d'“avant-
contrat”. Et si c'est la vente qui se révèle essentielle, c'est nécessairement que la promesse ne l'était pas. D'où sa
perte de légitimité, sa relégation au statut d'étape éventuellement précaire sur le chemin de la vente, préparant à un
contrat qu'elle n'impose pas. La Cour constate que l'avant-contrat n'est qu'un trompe-l'œil, qu'il ne saurait obliger car
le pouvoir obligatoire n'est que dans le second contrat – la vente ».

Pour conclure sur ce point, on ajoutera que l'explication suggérée ce matin par les magistrats de la Cour de
cassation, à savoir la protection de la propriété immobilière et plus précisément celle, traditionnelle en droit français,
du vendeur immobilier, nous convainc d'autant moins que la chambre commerciale a réitéré la solution de la
troisième chambre civile à propos d'une promesse unilatérale de cession d'actions...

Yves-Marie Laithier – En complément d'arguments techniques, les opposants à la jurisprudence de la Cour de


cassation n'ont pas manqué de souligner son inopportunité ; il y aurait une trop grande incertitude à conclure des
promesses unilatérales de vente ou à les céder. Mais si les promesses étaient privées d'intérêt pratique, comme on
le répète à l'envi, elles auraient vraisemblablement disparu de la pratique contractuelle. Or, à en croire le
témoignage de praticiens, notamment de notaires, ce fait n'est nullement établi, bien au contraire 14 . La portée
réelle de la critique reste donc à démontrer.

Peut-on, à l'opposé, prétendre que la jurisprudence de la Cour de cassation non seulement n'est pas néfaste mais
qu'elle est économiquement utile ? Cette opinion a pu être défendue, motif pris de ce que le bien irait ainsi entre les
mains de celui qui le valorise le plus. Mais c'est confondre un peu vite ce qui est lucratif et ce qui est efficace. Une
violation lucrative n'est économiquement efficace que si elle remplit un certain nombre de conditions. En particulier,
il ne faut pas que le créancier soit lésé par la manœuvre. Or il n'est pas certain – c'est le moins que l'on puisse dire
– que l'évaluation judiciaire des dommages-intérêts telle qu'elle est pratiquée permette toujours d'offrir au
bénéficiaire l'exact équivalent de ce qui lui avait été promis.

De cette dernière observation, on pourrait tirer la conclusion que les juges devraient renforcer la fonction d'incitation
au respect du contrat en augmentant le montant de l'indemnisation de manière à ce que le profit attendu de la
violation de la promesse soit effacé par le paiement ultérieur de dommages-intérêts. S'il n'y a plus de profit à
attendre de l'inexécution de la promesse, il y a des chances pour que la fréquence de ce comportement diminue, au
moins dans certaines hypothèses. C'est là une solution simple, qui ne suppose pas de réforme législative et qui
n'entraîne aucune altération de la notion de « promesse unilatérale de vente ». L'avantage en termes d'incitation se
répercute sur la fonction de compensation des dommages-intérêts : si l'indemnisation est plus élevée, le demandeur
pourra plus facilement trouver ailleurs le bien qu'il convoitait. Mais, à la réflexion, il n'est pas sûr que la Cour de
cassation entende alourdir la sanction infligée au promettant.

En effet, il n'est pas exclu que la Cour de cassation soit sensible à l'importance sociologique et financière de
l'immeuble dans le patrimoine des ménages. Peut-être ne veut-elle pas trahir la croyance populaire selon laquelle le

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l'immeuble dans le patrimoine des ménages. Peut-être ne veut-elle pas trahir la croyance populaire selon laquelle le
transfert de la propriété de l'immeuble n'a lieu qu'à partir du moment où les parties se retrouvent devant le notaire 15
. Peut-être considère-t-elle également que le contrat de promesse unilatérale de vente est incapable de faire
prendre conscience au promettant de la portée de l'engagement ferme et irrévocable qu'il a pris dès cet instant
d'abandonner son bien. À cet aspect sociologique des choses s'ajoute l'aspect financier. Concrètement, chacun
l'aura compris, la jurisprudence laisse au propriétaire le loisir de vendre son immeuble au meilleur prix, quitte à ce
qu'il revienne sur son engagement. Le promettant peut ainsi valoriser au maximum un bien dont chacun sait
l'importance qu'il occupe dans le patrimoine. Et s'il est vrai que le bénéficiaire subit un préjudice, lui au moins ne
risque pas de devoir abandonner la propriété d'un immeuble.

On ignore si ces considérations, qui ne sont pas juridiques et qui n'ont donc pas à figurer dans la motivation des
arrêts, jouent un rôle déterminant dans le maintien de la jurisprudence en dépit des critiques répétées dont elle est
l'objet. Mais ce n'est pas impossible. En voici deux indices. Tout d'abord, la Cour de cassation a admis l'exécution
forcée en nature d'une promesse de louer 16 . Autrement dit, elle a admis l'exécution forcée dans une hypothèse où
cette sanction n'emporte pas des conséquences patrimoniales aussi graves qu'en cas de promesse unilatérale de
vente. Ensuite, certains arrêts qui refusent d'ordonner le transfert de propriété révèlent que le contrat de promesse
unilatérale de vente était financièrement déséquilibré. En d'autres termes, tout se passe comme si la Cour de
cassation ne voulait pas que des contrats déséquilibrés soient exécutés de force en nature. Par exemple, dans
l'arrêt rendu le 11 mai 2011 17 , le promettant avait agi à titre subsidiaire en lésion. Sa demande avait certes été
rejetée parce que le franchissement du seuil des 7/12e n'était pas établi, mais ceci n'excluait pas l'existence d'un
déséquilibre. De même, dans l'arrêt rendu le 6 septembre 2011 18 , dans lequel certains commentateurs ont discerné
les prémices d'une évolution jurisprudentielle, la lésion est vraisemblable et la rescision du contrat a été sollicitée.
Ces éléments montrent que la propriété immobilière est prise très au sérieux par la Cour de cassation – quitte à
malmener la conception traditionnelle de la promesse unilatérale de vente. Sans doute ces observations ne
permettent-elles pas d'expliquer l'ensemble de la jurisprudence, en particulier celle de la chambre commerciale 19 ,
mais cela éclaire sous un autre jour les décisions, de loin les plus nombreuses, rendues en matière immobilière. On
pourrait alors envisager de réserver un sort différent aux promesses unilatérales de vente selon qu'elles portent sur
des biens immobiliers ou sur des biens mobiliers, mais aucun fondement légal ne justifie pareille distinction. L'adage
« Res mobilis res vilis » n'a pas de portée normative. Une autre solution, plus satisfaisante, serait de reconnaître par
principe au juge le pouvoir d'apprécier, au gré des circonstances, le caractère opportun de la sanction qu'on lui
demande d'ordonner et de l'inviter à prononcer l'exécution forcée en nature lorsque l'avantage promis dans le
contrat est matériellement ou « commercialement » unique, ce qui sera presque toujours le cas des titres sociaux
(une société n'en valant pas une autre) et parfois le cas des autres biens, mobiliers et immobiliers.

Yves-Marie LAITHIER et Denis MAZEAUD

1 1. À titre personnel, pour des raisons qui ont été développées dans les colonnes de cette revue (v. RDC 2011, p. 
1133), nous considérons que la Cour de cassation a juridiquement tort de décider que l'inexécution de la promesse
unilatérale de vente avant la levée de l'option par son bénéficiaire ne peut en aucun cas donner lieu à la réalisation
forcée de la vente, c'est-à-dire à une satisfaction en nature (Y.-M. Laithier).

2 2. D. 2011, spéc. p. 2685, obs. I. G.

3 3. N. Molfessis.

4 4. V. par ex., P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, Les obligations, Defrénois, 5e éd., 2011, no 1386.

5 5. V. soulignant cet effet, J. François, Les obligations. Régime général, Économica, 2e éd., 2011, no 262 in fine et

no 265 in fine.

6 6. V. par ex., A. Bénabent, Les contrats spéciaux civils et commerciaux, Montchrestien, 9e éd., 2011, no 134.

7 7. V. supra les rapports de G. Wicker et de M. Fabre-Magnan.

8 8. V. par ex., Avant-projet Catala, art. 1105-4.

9 9. Pour une illustration de la défense de la distinction entre promesse unilatérale de vente et offre, v. Cass. 3e civ.,

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9 9. Pour une illustration de la défense de la distinction entre promesse unilatérale de vente et offre, v. Cass. 3e civ.,
19 oct. 2011 : Contrats, conc,. consom. 2012, comm. 2, obs. L. Leveneur.

10 10. V. Cass. 3e civ., 20 mai 2009 : Bull. civ. 2009, III, no 118 ; RDC 2009, p. 1325 et les obs.

11 11. V. par ex., P. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, Les contrats spéciaux, op. cit., no 114.

12 12. V. supra les rapports de G. Wicker : RDC 2012, p. 649 et s., et de M. Fabre-Magnan : RDC 2012, p. 633 et s.

13 13. Defrénois, 2009.

14 14. V. par ex. en ce sens, P. Tarrade, « Retour d'expérience » : Defrénois 2011, p. 1026.

15 15. Sur le rôle du notaire dans l'« investiture sociale » de l'acheteur d'un bien immobilier, v. en particulier J. 
Carbonnier, Cours de sociologie juridique : prise de notes, 1959-1960 (ouvrage numérisé disponible sur le site de la
Bibliothèque Cujas), p. 641 et s.

16 16. V. Cass. 3e civ., 6 avr. 2004 : RDC 2004, p. 969, obs. F. Collart Dutilleul.

17 17. Cass. 3e civ., 11 mai 2011 : BJS 2011, p. 652, note D. Mazeaud, Contrats, conc. consom. 2011, comm. 186,
obs. L. Leveneur ; D. 2011, p. 1457, note D. Mazeaud, et p. 1460, note D. Mainguy ; Gaz. Pal. 4 août 2011, p. 15, obs.
D. Houtcieff : JCP G 2011, 1141, no 4, obs. G. Loiseau : JCP E 2011, 1670, note Y. Paclot ; RDC 2011, p. 1133, obs. Y.-
M. Laithier ; RTD civ. 2011, p. 532, obs. B. Fages. Adde L. Aynès, « Faut-il abandonner la promesse unilatérale de
vente ? » : Defrénois 2011, p. 1023.

18 18. Cass. 3e civ., 6 sept. 2011 : D. 2011, p. 2838, note C. Grimaldi ; Gaz. Pal. 2012, p. 17, obs. D. Houtcieff : JCP
2011, 1316, note L. Perdrix.

19 19. Cass. com., 13 sept. 2011 : BJS 2012, p. 10, note F. Danos ; Contrats, conc. consom. 2011, no 253, obs. L. 
Leveneur ; D. 2012, p. 130, note A. Gaudemet : JCP G 2011, 1353, note J. Heymann : JCP E 2011, 1826, no 3, obs. F. 
Deboissy et G. Wicker ; Rev. sociétés 2012, p. 22, note B. Fages ; RTD civ. 2011, p. 758, obs. B. Fages.

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