Vous êtes sur la page 1sur 133

international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442864339:88874706:196.200.176.

177:1591
Les 1re
2019 1re édition Les
CARRés 2020
......... L’essentiel du Droit des contrats spéciaux (1re éd. 2019-2020) est une À jour des dernières évolutions législatives et jurisprudentielles CARRés
Droit
synthèse rigoureuse, pratique et à jour de l’ensemble des connaissances
que le lecteur doit avoir. 11 Chapitres. Tout y est  ! .........
Réviser et faire Diane Boustani

L’essentiel
un point actualisé

Sommaire

des contrats spéciaux


U n contrat translatif de la propriété
Auteur
du
d’une chose : la vente
- L es principaux caractères
Diane Boustani, est Maître de conférences à la - L a distinction entre la vente
faculté de droit de Nice, Université Côte d’Azur et

Droit
et les autres contrats spéciaux
membre du CERDP. - L a formation et les effets
de la vente
Les contrats conférant
la jouissance d’une chose

L’essentiel du Droit
- L e bail

des contrats
- Le prêt
Les contrats portant sur un service
Public - L e contrat d’entreprise
- L e mandat
-  Étudiants en Licence et Master Droit Les autres contrats spéciaux
- L e dépôt volontaire

spéciaux
-  Étudiants au CRFPA et candidats à l’ENM
-  Étudiants du 1er cycle universitaire - La transaction
(Droit, Science politique et AES) - La rente viagère
-  Praticiens des professions juridiques
et judiciaires

2019 2020

D. Boustani
Prix : 15,50 e
ISBN 978-2-297-07389-9
www.gualino.fr
du
Droit
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:1591
Diane Boustani

L’essentiel

spéciaux
2019 2020
1re édition
des contrats
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:1591
Cette collection de livres présente de manière synthétique,
Les rigoureuse et pratique l’ensemble des connaissances que
CARRés l’étudiant doit posséder sur le sujet traité. Elle couvre :
......... – le Droit et la Science Politique ;
– les Sciences économiques ;
– les Sciences de gestion ;
– les concours de la Fonction publique.

Diane Boustani, est Maître de conférences à la faculté de droit de Nice, Université Côte d’Azur et
membre du CERDP.

© 2019, Gualino, Lextenso


70, rue du Gouverneur Général Éboué Suivez-nous sur www.gualino.fr
92131 Issy-les-Moulineaux cedex
ISBN 978 - 2 - 297 - 07389 - 9
ISSN 1288-8206 Contactez-nous gualino@lextenso.fr
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
PRÉSENTATION

Le contrat est un instrument juridique que chaque individu utilise au quotidien pour vendre,
acheter, louer, prêter... il faut y ajouter tous les autres contrats issus des lois ou de la pratique
(les contrats de distribution, de production, de santé, de transport, de mandat, de construc-
tion, etc.).
Cet ouvrage présente les principaux régimes de contrats spéciaux de façon didactique : les
contrats opérant un transfert de propriété, les contrats portant sur l’utilisation de la chose, les
contrats portant sur des services, les contrats portant sur la distribution et ceux portant sur la
résolution des litiges.
Au final, une présentation concentrée et enrichie des principaux contrats spéciaux, à jour de
l’ordonnance du droit des obligations du 10 février 2016 ainsi que de la loi ÉLAN du
23 novembre 2018.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
SOMMAIRE

Présentation 3
Introduction – Notions générales 15

PARTIE 1
Un contrat translatif de la propriété d’une chose :
la vente

Chapitre 1 – Les principaux caractères de la vente 23


1 – Le caractère consensuel de la vente 23
2 – Le caractère synallagmatique de la vente 24
3 – Le caractère onéreux de la vente 25
4 – Le caractère commutatif de la vente 25
5 – Le caractère translatif de la vente 25
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
SOMMAIRE Chapitre 2 – La distinction entre la vente et les autres
contrats spéciaux 27
1 – Vente et contrats non translatifs de propriété 27
■ Vente et bail 27
a) La distinction entre la vente et le bail 27
b) L’atténuation de la distinction 28
■ Vente et prêt 29
a) Le critère de distinction : le transfert de propriété 29
b) L’autre critère de distinction : l’obligation de restitution 29
■ Vente et mandat 30
a) Des contrats distincts 30
b) Des contrats parfois liés 30
2 – Vente et contrats portant sur un service 31
■ Vente et contrat d’entreprise 31
a) Des objets différents 31
b) Des contrats imbriqués 31
■ Vente d’une chose à fabriquer et contrat d’entreprise avec fourniture
de matière 32
a) La difficile qualification du contrat 32
b) Les critères de qualification retenus 32
3 – Vente et contrats translatifs de propriété sans versement
d’un prix 34
■ Vente et donation 34
■ Vente et apport en nature en pleine propriété 35
■ Vente et dation en paiement 35
■ Vente et échange 36

Chapitre 3 – La formation de la vente 37


1 – Le consentement des parties 37
■ Les contrats préparatoires à la vente 38
a) Les promesses de vente ou d’achat 38
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15

SOMMAIRE
b) Les pactes de préférence 41
■ Les ventes subordonnées à l’agréage de l’acheteur 43
a) Vente à l’essai 43
b) Vente à la dégustation 44
■ Les ventes subordonnées à une acceptation réfléchie de la part
de l’acheteur 44
a) Les ventes assorties d’un délai de réflexion 45
b) Les ventes assorties d’une faculté de rétractation 45
2 – La capacité des parties 46
■ Les incapacités d’exercice 46
a) L’incapacité d’exercice des mineurs non émancipés 47
b) L’incapacité d’exercice des majeurs protégés 47
■ Les incapacités de jouissance 48
a) Les incapacités d’acheter 48
b) Les incapacités de vendre et d’acheter 49
3 – La chose 50
■ Une chose aliénable 50
a) Une chose dans le commerce 50
b) Une chose ne tombant pas sous le coup d’une interdiction ou
d’une restriction d’aliénation 51
■ Une chose déterminée ou déterminable 52
a) La détermination des corps certains 52
b) La détermination des choses de genre 52
■ Une chose existante ou future 53
a) La vente de la chose périe 53
b) La vente de la chose future 53
■ Une chose appartenant au vendeur 54
a) La nullité de la vente de la chose d’autrui 54
b) L’octroi de dommages-intérêts 55
4 – Le prix 55
■ Un prix déterminé ou déterminable 55
a) Un prix déterminé par les parties ou par un tiers 56
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
SOMMAIRE b) Un prix déterminé ou déterminable lors de la formation du
contrat 58
■ Un prix réel et sérieux 59
a) Un prix non fictif ou simulé 59
b) Un prix non dérisoire ou vil 59
■ La sanction d’un prix indéterminé, fictif ou dérisoire 60
■ Un prix juste 60
a) Les conditions d’application de l’article 1674 du Code civil 61
b) La sanction de la lésion 61

Chapitre 4 – Les effets de la vente 63


1 – Le transfert de la propriété et des risques 63
■ Le transfert de propriété 63
a) Le moment du transfert de propriété 63
b) L’opposabilité du transfert de propriété 65
■ Le transfert des risques 66
a) Le principe : la charge des risques pèse sur le propriétaire 66
b) L’exception : la charge des risques pèse sur le débiteur
de l’obligation de délivrance 67
2 – Les obligations du vendeur 68
■ L’obligation de délivrance 68
a) Le transfert de la possession de la chose à l’acheteur 69
b) Les modalités de la délivrance 70
c) La sanction de la délivrance 71
■ L’obligation de garantie 73
a) La garantie d’éviction 73
b) La garantie des vices cachés 75
■ Les autres obligations du vendeur 77
a) L’obligation d’information et de conseil 77
b) Une obligation de conservation de la chose 79
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
3 – Les obligations de l’acheteur

SOMMAIRE
80
■ L’obligation de payer 80
a) Le contenu de l’obligation de payer 80
b) Les sanctions du non-paiement 81
■ L’obligation de retirement 81
a) Le contenu de l’obligation de retirement 81
b) Les sanctions en cas d’inexécution de l’obligation de retirement 82

PARTIE 2
Les contrats conférant la jouissance d’une chose

Chapitre 5 – Le bail 85
1 – La formation du bail 85
■ Les conditions de forme 85
a) L’absence de formalisme ad validitatem 85
b) La preuve du contrat de bail 86
c) L’opposabilité du contrat de bail 87
■ Les conditions de fond 87
a) Les conditions relatives aux parties 87
b) Les conditions relatives au loyer 89
c) Les conditions relatives à la durée du contrat 90
2 – Les obligations respectives des parties 90
■ Les obligations du bailleur 90
a) L’obligation de délivrance de la chose louée 91
b) L’obligation de garantir la jouissance paisible de la chose louée 91
■ Les obligations du preneur 92
a) Les obligations énoncées à l’article 1728 du Code civil 92
b) L’obligation énoncée à l’article 1730 du Code civil : l’obligation
de restitution de la chose au terme du contrat 93
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
SOMMAIRE 3 – La circulation du bail 94
■ Changement de bailleur 94
a) Le décès du bailleur 94
b) La vente de la chose louée 95
■ Changement de locataire 95
a) Le décès du locataire 95
b) La cession du bail 95
c) La sous-location 96
4 – L’extinction du bail 97
■ La perte de la chose louée par cas fortuit 97
■ L’arrivée du terme dans le bail à durée déterminée 97
■ La résiliation unilatérale dans le bail à durée indéterminée 97
■ L’inexécution des obligations contractuelles 97

Chapitre 6 – Le prêt 99
1 – Le prêt à usage 99
■ Les éléments de qualification du prêt à usage 99
a) Un contrat portant sur une chose non consomptible 100
b) Un usage temporaire de la chose 100
c) Un usage gratuit de la chose 100
■ La formation du prêt à usage 100
a) La formation du contrat par la remise de la chose
à l’emprunteur 101
b) La preuve du prêt à usage 101
■ Les obligations des parties 101
a) Les obligations de l’emprunteur 101
b) Les obligations du prêteur 103
2 – Le prêt de consommation 103
■ Les éléments de qualification du prêt de consommation 104
a) Un prêt portant sur une chose consomptible et fongible 104
b) Un transfert de propriété de la chose au profit de l’emprunteur 104
c) Une restitution par équivalent 104
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15

SOMMAIRE
d) Un contrat à titre onéreux ou à titre gratuit 105
■ La formation du prêt de consommation 105
a) Les conditions de validité du prêt de consommation 105
b) La preuve du prêt de consommation 107
■ Les obligations des parties 107
a) Les obligations de l’emprunteur 107
b) Les obligations du prêteur 109

PARTIE 3
Les contrats portant sur un service

Chapitre 7 – Le contrat d’entreprise 113


1 – Les éléments de qualification du contrat d’entreprise 113
■ L’exécution d’une prestation 114
■ L’exécution d’une prestation indépendante 115
■ L’exécution d’une prestation sans représentation 116
2 – La formation du contrat d’entreprise 117
■ Un contrat consensuel 117
■ La conclusion du contrat sans exigence d’accord préalable sur
le prix 118
3 – Les obligations des parties 118
■ Les obligations de l’entrepreneur 118
a) L’obligation principale de l’entrepreneur : accomplir la prestation
conformément aux stipulations contractuelles 119
b) Les obligations accessoires de l’entrepreneur 120
■ Les obligations du maître de l’ouvrage 121
a) La livraison et la réception de la chose 121
b) L’obligation de payer le prix de la prestation 122
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
SOMMAIRE Chapitre 8 – Le mandat 123
1 – Les éléments de qualification du contrat de mandat 123
■ L’accomplissement d’actes juridiques 123
■ La représentation du mandant 124
2 – La formation du contrat de mandat 125
■ Les conditions de forme 125
a) Le principe : le caractère consensuel du contrat de mandat 125
b) L’exception : le caractère solennel du contrat de mandat 126
■ Les conditions de fond 126
a) La capacité des parties 127
b) L’objet du contrat 127
c) La question de la détermination du prix dans le mandat conclu
à titre onéreux 127
3 – Les effets du contrat de mandat 128
■ Les effets du mandat entre les parties 128
a) Les obligations du mandataire 128
b) Les obligations du mandant 130
■ Les effets du mandat à l’égard des tiers 132
a) Première hypothèse : le mandataire n’a pas outrepassé
ses pouvoirs 133
b) Deuxième hypothèse : le mandataire a agi sans pouvoir ou a
outrepassé ses pouvoirs 133
c) Troisième hypothèse : le détournement des pouvoirs au détriment du
mandant 134
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15

SOMMAIRE
PARTIE 4
Les autres contrats spéciaux

Chapitre 9 – Les contrats assurant la conservation


de la chose : le dépôt volontaire 139
1 – Les éléments de qualification du contrat de dépôt 139
■ La remise d’une chose mobilière au dépositaire 139
■ La garde de la chose par le dépositaire 140
■ La restitution de la chose en nature au déposant 140
2 – La formation du dépôt 141
■ Les conditions de forme 141
a) Le contrat de dépôt, un contrat réel ou un contrat consensuel ? 141
b) La preuve du dépôt 142
■ Les conditions de fond 142
a) Le consentement des parties 142
b) La capacité des parties 143
3 – Les obligations des parties 143
■ Les obligations du dépositaire 144
a) Les obligations de faire du dépositaire 144
b) Les obligations de ne pas faire du dépositaire 145
■ Les obligations du déposant 145

Chapitre 10 – Les contrats relatifs à un litige :


la transaction 147
1 – Les éléments constitutifs de la transaction 147
■ Une contestation née ou à naître 147
■ Des concessions réciproques 148
■ L’intention de mettre fin au litige 148
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
SOMMAIRE 2 – La formation de la transaction 149
■ L’exigence d’un écrit à titre de preuve 149
■ Les conditions de fond 149
3 – Les effets de la transaction 150
■ Les effets de la transaction entre les parties 150
■ L’effet relatif de la transaction à l’égard des tiers 151

Chapitre 11 – Les contrats aléatoires : la rente


viagère 153
1 – Les caractères du contrat de rente viagère 154
■ Le caractère aléatoire de la rente viagère 154
■ Le caractère successif de la rente viagère 154
■ Le caractère alimentaire de la rente viagère 155
2 – La détermination du montant de la rente viagère 155
Bibliographie 157
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
Notions générales Introduction

L’expression de « contrats spéciaux » peut, de prime abord, susciter une certaine confusion.
Spontanément, elle laisse penser qu’il existerait, à côté des contrats spéciaux, des contrats géné-
raux. Cette première impression disparaît aussitôt que l’on prête une attention particulière aux
termes de l’article 1105 du Code civil. Ce texte dispose que « les contrats, qu’ils aient ou non
une dénomination propre, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent sous-
titre. Les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à
chacun d’eux. Les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières ».
Il est possible de tirer plusieurs enseignements de cette disposition. Elle nous indique, dans un
premier temps, que chaque contrat est régi par deux corps de règles : les règles générales,
autrement dit le droit commun des contrats qui s’applique à tous les contrats peu important leur
qualification, et les règles spéciales qui sont propres à chaque contrat et qui constituent le droit
des contrats spéciaux. Droit commun des contrats et droit des contrats spéciaux ont donc voca-
tion, pour chaque contrat, à s’appliquer. En effet, les contrats spéciaux, malgré leurs spécificités
et leurs règles particulières, ne peuvent se dispenser des règles du droit commun. Dès lors, les
différents contrats spéciaux abordés dans cet ouvrage seront nécessairement étudiés à l’aune de
l’ordonnance du 10 janvier 2016 et de la loi de ratification du 20 avril 2018 qui ont apporté des
modifications substantielles au droit des contrats. Dans le même temps, les règles spéciales,
propres à chaque contrat, viennent compléter et enrichir les règles du droit commun. C’est la
raison pour laquelle le droit des contrats spéciaux est analysé comme le prolongement
naturel de la théorie générale des obligations.
Les relations étroites qu’entretiennent le droit commun et le droit des contrats spéciaux posent
nécessairement la question de leur articulation, notamment lorsque la règle spéciale contredit
une règle de droit commun. L’article 1105 du Code civil nous éclaire sur ce point en y apportant
une réponse dénuée d’ambiguïté. Le texte précise dans son dernier alinéa que « les règles géné-
rales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières », autrement dit la règle spéciale sort
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
16 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

victorieuse si elle déroge à une règle de droit commun. Il ne s’agit là que d’une application du
célèbre adage speciala generalibus derogant.
En outre, pour de nombreux contrats, les règles spéciales contenues dans le Code civil sont géné-
rales par rapport à d’autres règles encore plus spéciales situées dans des textes spécifiques et qui
ont vocation à régir certains types de contrats en particulier. Par exemple, les dispositions du Code
civil relatives au bail sont générales par rapport aux différents régimes spéciaux qui existent en
matière de baux (par exemple, les baux d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 ou encore le
bail rural régi par les articles L. 411-1 à L. 411-78 du Code rural et de la pêche maritime). Aussi
des règles spéciales en matière de vente immobilière sont-elles prévues dans le Code de l’habita-
tion et de l’urbanisme. Cette prolifération de contrats très spéciaux est nécessairement de nature à
rendre les relations entre droit commun et droit spécial encore plus complexes. Dans son exposé
des motifs, l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux élaboré par l’Association
Henri Capitant et remis à la Chancellerie le 26 juin 2017 met en lumière cette problématique en
indiquant à juste titre que « le droit des contrats spéciaux constitue aujourd’hui un corps de
règles intermédiaires entre les règles communes à tous les contrats et les règles propres aux
contrats les plus spéciaux ».
Par ailleurs, cet avant-projet de réforme a mis en exergue une autre difficulté tenant à l’existence
de règles communes à plusieurs contrats spéciaux. En effet, de nombreux contrats spéciaux, bien
que différents, sont unis par des caractéristiques similaires. Par exemple, le vendeur, comme le
bailleur, doivent délivrer le bien vendu ou loué ; l’emprunteur et le dépositaire doivent tous les
deux restituer le bien qui leur a été prêté ou confié. Dans un souci de simplification, il est
proposé de doter le Code civil d’un corps de règles susceptibles de s’appliquer à une pluralité de
contrats spéciaux.
En revanche, aucune proposition relative à la classification des contrats spéciaux n’a été émise,
alors que celle-ci aurait pu se révéler pertinente. En effet, le travail de classification des contrats
spéciaux est loin d’être chose aisée. De nombreux auteurs retiennent une approche fondée sur
l’objet du contrat, distinguant les contrats portant sur les choses et les contrats portant sur les
services. Cette distinction n’est pas toujours adéquate, puisque les contrats d’entreprise qui impli-
quent l’exécution d’une prestation de service peuvent parfois porter sur une chose. Malgré quel-
ques réserves que nous évoquerons, cette classification guidera la présentation des différents
contrats spéciaux dans cet ouvrage. Pour les contrats portant sur les choses, il s’agira de distin-
guer, d’un côté, le contrat de vente qui transfère la propriété d’une chose et, de l’autre, les
contrats qui ne confèrent que la jouissance d’un bien. Suivra l’analyse des contrats portant sur un
service pour finir sur l’étude d’autres contrats spéciaux plus particuliers, tels que le dépôt, la tran-
saction ou la rente viagère.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
INTRODUCTION – Notions générales 17

Tableau récapitulatif des principaux contrats spéciaux

Définition/Éléments de Formation du contrat Effets du contrat et obligations


qualification des parties
La vente
Définition : Contrat par lequel une Contrat consensuel : le seul Effets du contrat :
partie (le vendeur) transfère à une échange des consentements – Transfert de propriété
autre (l’acheteur) la propriété d’une suffit à former le contrat. – Transfert des risques
chose contre le paiement d’un prix. Conditions de fond Obligations du vendeur :
Éléments de qualification : spécifiques à la vente : – obligation de délivrance
– Le transfert de propriété d’une – La vente doit porter sur une – obligation de garantie (garantie
chose au profit de l’acheteur chose aliénable, déterminée d’éviction et garantie des vices
– L’existence d’une contrepartie ou déterminable, existante cachés)
financière au profit du vendeur ou future. La chose doit aussi – obligation d’information et de
appartenir au vendeur conseil
– Le prix doit être déterminé – obligation de conservation jusqu’à
ou déterminable au jour de la la délivrance de la chose
formation du contrat, être Obligations de l’acheteur :
réel, sérieux et juste – obligation de payer le prix de la
vente
– obligation de retirement
Le bail
Définition : Contrat par lequel l’une Contrat consensuel, absence Obligations du bailleur :
des parties (le bailleur) s’engage à de formalisme ad validitatem. – obligation de délivrance de la
faire jouir l’autre (le preneur) d’une Bail verbal autorisé (difficulté chose louée
chose pendant un certain temps et en matière de preuve). – obligation de garantir la jouissance
moyennant un certain prix que celle- La détermination du loyer est paisible du preneur (obligation
ci s’oblige à payer. une condition de validité du d’entretien et de garantie)
Éléments de qualification : contrat Obligations du preneur :
– Jouissance temporaire d’une chose Le loyer doit être existant, – obligation de faire usage
au profit du preneur réel et sérieux raisonnable de la chose conforme à
– L’existence d’une contrepartie Le bail de la chose d’autrui la destination prévue dans le bail
financière au profit du bailleur n’est pas nul – obligation de paiement du loyer
aux termes convenus
– obligation de restitution de la
chose louée au terme du contrat
------------------------------------------------------------------------------------------
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
18 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

------------------------------------------------------------------------------------------
Le prêt à usage
Définition : Contrat réel : formation par la Obligations de l’emprunteur :
Contrat par lequel l’une des parties remise de la chose prêtée à – obligation de faire un usage de la
livre une chose à l’autre pour s’en l’emprunteur chose prêtée conformément au
servir, à la charge par le preneur de contrat ou à la nature des choses
la rendre après s’en être servi. – obligation de garder et de
Éléments de qualification : conserver la chose prêtée pendant
– un contrat portant sur une chose toute la durée du contrat
non consomptible – obligation de restitution de la
– un usage temporaire de la chose chose au prêteur
prêtée Obligations du prêteur :
– un contrat conclu à titre gratuit – obligation de laisser la chose à la
disposition de l’emprunteur pendant
toute la durée du prêt
– obligation de rembourser les
dépenses engagées pour la
conservation de la chose
– obligation de garantir les vices
cachés de la chose qui sont connus
et non révélés
Le prêt de consommation
Définition : Contrat par lequel l’une – Contrat consensuel si le Obligations de l’emprunteur :
des parties livre à l’autre une certaine prêt a été consenti par un – obligation de restitution par
quantité de choses qui se professionnel du crédit équivalent
consomment par l’usage, à la charge – Contrat réel si le prêt a été – obligation de paiement des intérêts
par cette dernière de lui rendre consenti par un particulier si le contrat a été conclu à titre
autant de même espèce et qualité. – Dans le prêt d’argent : onéreux
Éléments de qualification : Indication par écrit du taux Obligations du prêteur :
– un contrat portant sur une chose de l’intérêt conventionnel et – obligation de garantir les vices
consomptible et fongible du TEG, à peine de nullité de cachés connus et non révélés
– transfert de propriété de la chose la stipulation d’intérêt – obligation de conseil,
prêtée à l’emprunteur d’information et de mise en garde
– une restitution par équivalent de la des risques encourus (prêteur
chose prêtée professionnel)
– un contrat à titre gratuit ou à titre
onéreux
------------------------------------------------------------------------------------------
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
INTRODUCTION – Notions générales 19

------------------------------------------------------------------------------------------
Le contrat d’entreprise
Définition : convention par laquelle Contrat consensuel : Obligations de l’entrepreneur :
une personne (l’entrepreneur) formation par le seul Obligation principale :
s’oblige, contre rémunération, à échange des consentements – accomplir la prestation
exécuter un travail de façon Règle spécifique au contrat conformément aux stipulations
indépendante et sans représentation de prestation de service : la contractuelles
au profit d’une autre personne détermination du prix n’est Obligations accessoires :
appelée le maître de l’ouvrage. pas une condition de validité – obligation d’information et de conseil
Éléments de qualification : du contrat. Le prix peut être – obligation de conservation
– Exécution d’une prestation fixé après sa conclusion Obligations du maître de l’ouvrage :
– Une prestation indépendante – Livrer et réceptionner la chose
– Absence de représentation – Payer le prix de la prestation
Le mandat
Définition : Le mandat est le contrat Principe : caractère Obligations du mandataire :
par lequel une personne, le consensuel du contrat – exécuter la mission qui lui a été
mandant, donne pouvoir à une autre Exception : caractère solennel confiée par le mandant avec fidélité,
personne, le mandataire, de conclure du contrat pour certains diligence, persévérance et loyauté
en son nom et pour son compte un mandats spécifiques – obligation de reddition des comptes
ou plusieurs actes juridiques avec des (exemple : mandat d’agent Obligations du mandant :
tiers. Le contrat de mandat est immobilier, contrat de – payer la rémunération du mandataire
souvent appelé « procuration ». promotion immobilière...). – rembourser les frais et avances
Éléments de qualification : Le mandat est parfois soumis – indemniser les pertes occasionnées
Accomplissement d’actes juridiques au même formalisme que Effets du mandat à l’égard des tiers :
– Représentation du mandant l’acte juridique projeté – Si le mandataire a agi dans les
(parallélisme des formes ex. : limites de son pouvoir : seul le
mandat par acte authentique mandant est engagé à l’égard. Le
pour conclure une donation). mandataire reste engagé si le tiers ne
Mandat exprès requis pour savait pas que celui-ci agissait au nom
accomplir un acte de et pour le compte d’un mandant.
disposition. – Si le mandataire a agi sans pouvoir
ou en dépassant ses pouvoirs : le
mandataire est engagé si le tiers
connaissait l’étendue de ses pouvoirs
(sauf ratification de l’acte par le
mandant).
Si le tiers ne connaissait pas l’étendue
des pouvoirs du mandataire :
possibilité pour le tiers d’invoquer la
nullité de l’acte.
------------------------------------------------------------------------------------------
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
20 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

------------------------------------------------------------------------------------------
Possibilité d’opposer l’acte au mandant
en cas de mandat apparent.
En cas de détournement de pouvoirs :
le mandant n’est pas engagé à l’égard
du tiers. Possibilité pour le mandant de
demander la nullité de l’acte si le tiers a
été de mauvaise foi.
Le dépôt volontaire
Définition : Acte par lequel on reçoit Contrat réel : la remise de la Obligations du dépositaire :
la chose d’autrui, à charge de la chose, condition de – Obligations de faire : conserver la
garde et de la restituer en nature. formation du contrat chose déposée et la restituer au
Éléments de qualification : déposant
– Remise d’une chose mobilière au – Obligations de ne pas faire : ne pas
dépositaire utiliser la chose déposée et ne pas
– Garde de la chose par le chercher à savoir quelle est la chose
dépositaire (obligation de qui lui a été remise
conservation) Obligations du déposant :
– Restitution en nature au déposant – Rembourser les dépenses faites
pour la conservation de la chose
– Indemniser les pertes que le dépôt
a occasionnées
– Verser une rémunération si le
dépôt a été conclu à titre onéreux
La transaction
Définition : Contrat par lequel les Contrat consensuel : le seul Effets entre les parties :
parties, par des concessions échange des consentements – un effet extinctif
réciproques, terminent une suffit à former le contrat – un effet obligatoire
contestation née ou préviennent une Condition de fond spécifique – un effet déclaratif
contestation à naître. à la transaction : les droits À l’égard des tiers : effet relatif de la
Éléments de qualification : auxquels les parties transaction. Toutefois, la situation
– Contestation née ou à naître renoncent doivent être juridique née de la transaction est
– Concessions réciproques disponibles. Ne peuvent faire opposable aux tiers et invocable par
– Intention de mettre fin au litige l’objet d’une transaction : les tiers.
– les droits extrapatrimoniaux
– les droits patrimoniaux
d’ordre public
– les contrats entachés d’une
nullité d’ordre public
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
Un contrat translatif
PARTIE
de la propriété 1
d’une chose : la vente

Chapitre 1 - Les principaux caractères de la vente 23


Chapitre 2 - La distinction entre la vente et les autres contrats spéciaux 27
Chapitre 3 - La formation de la vente 37
Chapitre 4 - Les effets de la vente 63
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
Les principaux caractères Chapitre
1
de la vente

Consensuelle et synallagmatique, dans la mesure où les parties sont tenues à des obligations réciproques dès
l’échange des consentements, la vente est en outre commutative. La chose vendue est en effet équivalente
au prix de vente. Il en résulte que le contrat est nécessairement conclu à titre onéreux, chaque partie retirant
un avantage en contrepartie de l’exécution de son obligation. La vente présente enfin un caractère translatif
de propriété. Le droit de propriété du vendeur est effet transmis à l’acheteur une fois que ce dernier s’est
acquitté du prix.

La vente revêt donc cinq caractères : consensuel, synallagmatique, onéreux, commutatif et


translatif.

1 Le caractère consensuel de la vente


Un contrat consensuel se forme par le seul échange des consentements. Aucune forme solennelle
n’est requise pour la validité du contrat.
Tel est le cas de la vente qui n’est en principe soumise à aucun formalisme. L’article 1583 du Code
civil dispose en ce sens que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de
droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la
chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ». Dès que les parties ont exprimé leur accord sur
la chose et sur le prix, le contrat est valablement formé, même si celles-ci n’ont pas encore exécuté
leurs prestations.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
24 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

Beaucoup de ventes de la vie courante se concluent ainsi, sans qu’une forme particulière ne soit
exigée.
Toutefois, ce principe connaît en pratique plusieurs tempéraments qui témoignent d’un certain
recul du consensualisme.
Certaines ventes particulières sont par exception des contrats solennels dont la validité est subor-
donnée à la rédaction d’un écrit. Il en va ainsi de la vente d’immeuble à construire du secteur
protégé (immeubles à usage d’habitation ou mixte). L’article L. 261-11 du Code de la construction
et de l’habitation impose en effet, à peine de nullité du contrat, que la vente soit conclue par
écrit, plus précisément par acte authentique.
En outre, le législateur impose parfois le respect de certaines formalités dont la mise en œuvre
nécessite la rédaction d’un document écrit. Ce formalisme est souvent destiné à protéger l’acquéreur
et l’informer le mieux possible des conditions de la vente. Ainsi, aux termes de l’article L. 141-1 du
Code de commerce qui régit la cession de fonds de commerce, le cédant doit fournir à l’acquéreur
certains renseignements, lesquels doivent être obligatoirement mentionnés dans l’acte de vente
(l’origine de propriété du fonds, l’état des nantissements et privilèges grevant le fonds, le chiffre
d’affaires des trois dernières années...). Le non-respect de ces mentions obligatoires peut entraîner
à la demande de l’acquéreur formée dans l’année la nullité de l’acte.
D’autres formalités sont enfin imposées aux fins d’opposabilité aux tiers. C’est le cas de la vente
immobilière qui doit être conclue par acte authentique pour être publiée aux registres de la publi-
cité foncière et être ainsi opposable aux tiers. Même si la vente immobilière reste un contrat
consensuel, puisque cette exigence n’est pas exigée à peine de nullité de l’acte, elle prendra
nécessairement la forme d’un acte authentique pour assurer l’opposabilité du contrat aux tiers.

2 Le caractère synallagmatique de la vente


Un contrat est synallagmatique lorsque les cocontractants s’obligent réciproquement l’un envers
l’autre. C’est le cas de la vente qui crée des obligations réciproques et interdépendantes à la
charge des deux parties. En effet, le vendeur est tenu au respect d’une obligation de délivrance
et de garantie tandis que l’acheteur s’engage à payer le prix convenu.
Plusieurs conséquences découlent du caractère synallagmatique de la vente, notamment en cas
d’inexécution du contrat par l’une des parties. Les règles gouvernant les contrats synallagmatiques
qui ont vocation à s’appliquer ici peuvent venir au secours du cocontractant qui subit le manque-
ment contractuel. Ainsi, la partie victime peut mettre en œuvre l’exception d’inexécution ou
encore obtenir la résolution de son contrat.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
CHAPITRE 1 – Les principaux caractères de la vente 25

3 Le caractère onéreux de la vente


La vente n’est pas conclue à titre gratuit. Le vendeur obtient en contrepartie de la délivrance du
bien le paiement du prix de vente de la part de l’acheteur. Chacune des parties reçoit ainsi une
contrepartie de l’avantage qu’elle procure à l’autre.
Dépourvue d’intention libérale, la vente se distingue, pour cette raison, de la donation. En effet, la
donation se caractérise par l’absence de contrepartie monétaire. Le transfert de propriété au profit
du donataire se fait sans contrepartie envers le donateur.

4 Le caractère commutatif de la vente


Le contrat commutatif est défini à l’article 1108 alinéa 1er du Code civil comme le contrat par
lequel « chacune des parties s’engage à procurer à l’autre un avantage qui est regardé comme
l’équivalent de celui qu’elle reçoit ». C’est le cas de la vente qui est commutative en ce que la
chose vendue est considérée comme étant équivalente au prix de vente.
Les parties s’accordent en effet sur la détermination de la chose et du prix au moment de la
conclusion du contrat, ces éléments n’ayant pas vocation à évoluer par la suite.
La vente peut présenter dans certains cas exceptionnels un caractère aléatoire. Conformément à la
définition du contrat aléatoire énoncée à l’article 1108, alinéa 2 du Code civil, un événement
incertain peut faire évoluer les effets du contrat de vente. Le gain et la perte réalisés par les
parties dépendront en effet de la réalisation de cet événement. C’est le cas par exemple de la
vente moyennant rente viagère qui est une forme de pari que fait le débirentier sur la vie du
crédirentier.

5 Le caractère translatif de la vente


La vente est par essence un contrat translatif de propriété. Le vendeur transfère à l’acheteur la
propriété de la chose contre le paiement d’un prix. L’acheteur devient automatiquement proprié-
taire de la chose vendue et bénéficie ainsi de tous les attributs du droit de propriété (usus, fructus,
abusus).
Cette caractéristique essentielle du contrat de vente permet de le distinguer des autres contrats
onéreux qui portent également sur une chose tels que le contrat de bail ou le contrat de prêt.
Ces contrats sont des contrats non translatifs de propriété.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
26 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

En principe, le transfert de propriété s’opère dès l’échange des consentements (C. civ., art. 1583).
Toutefois, il est toujours possible pour les parties de retarder conventionnellement le transfert de
propriété à un autre moment. Ainsi une clause de réserve de propriété peut-elle être stipulée
dans l’acte de vente, différant le transfert de propriété au jour où l’acheteur aura payé intégrale-
ment le prix de vente.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
La distinction entre
Chapitre
la vente et les autres 2
contrats spéciaux

Le contrat de vente est un contrat à part entière. Il se distingue d’autres contrats spéciaux qui n’empruntent
pas les mêmes caractéristiques. Certains d’entre eux n’opèrent pas un transfert de propriété, d’autres ne
portent pas sur une chose, d’autres encore sont translatifs de propriété sans versement d’un prix.

1 Vente et contrats non translatifs de propriété


La vente est un contrat translatif de propriété. Cette spécificité permet de distinguer la vente du
contrat de bail, du contrat de prêt et du contrat de mandat.

■ Vente et bail
a) La distinction entre la vente et le bail
Le contrat de bail est un contrat de louage par lequel le bailleur s’engage à donner la jouissance
d’un bien meuble ou immeuble à un preneur (le locataire) moyennant un prix (le loyer) et pour
une durée donnée.
Si l’on confronte la définition de la vente et du bail, la distinction entre ces contrats semble
évidente.
Contrairement à la vente, le contrat de bail n’emporte qu’un transfert temporaire de l’usage de la
chose au preneur, et non un transfert définitif de propriété. L’acheteur et le preneur ne sont pas
titulaires d’un droit identique. Dans la vente, l’acheteur se voit conférer un droit réel sur la chose
vendue tandis que, dans le bail, le preneur bénéficie d’un droit de créance contre le bailleur, le
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
28 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

droit d’exiger que ce dernier lui assure la paisible jouissance de la chose pendant la durée du
contrat.
En outre, le contrat de bail est un contrat à exécution successive. L’accomplissement des presta-
tions s’échelonne dans le temps à la différence de la vente qui crée des obligations dont l’exécu-
tion s’effectue en principe de façon instantanée, en un trait de temps.

b) L’atténuation de la distinction
La différence entre la vente et le bail n’est pas toujours aisée à établir.
Dans certains cas, un contrat peut être qualifié tantôt de contrat de vente tantôt de contrat de
bail. Le contrat de vente d’herbe en est une parfaite illustration. Ce contrat particulier est conclu
dans deux cas : soit lorsque le propriétaire d’une parcelle cède la récolte à un exploitant agricole
qui réalise la fenaison et s’acquitte du prix convenu, soit lorsque le propriétaire d’une parcelle
enherbée la cède à un exploitant afin de lui permettre de faire paître ses animaux sur ladite
parcelle.
La nature de ce contrat a suscité certaines interrogations. S’agit-il d’une vente ou d’un bail ? La
qualification exacte du contrat est déterminante. S’il s’agit d’une vente, le contrat échappe aux
règles strictes du statut du fermage. Depuis une loi du 4 juillet 1980, l’article L. 411-1, alinéa 2 du
Code rural qualifie de bail rural « toute cession exclusive des fruits de l’exploitation lorsqu’il appar-
tient à l’acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir ». Ce texte pose une présomption légale
qui peut être renversée par le propriétaire s’il démontre que le contrat n’a pas été conclu pour une
utilisation continue ou répétée de son fonds et que le but recherché n’a pas été de faire obstacle
au statut du fermage.
En d’autres termes, la vente d’herbe est réputée être un bail rural. En revanche, si le propriétaire
apporte la preuve que la vente d’herbe n’était pas une opération continue et répétée dans l’inten-
tion de se soustraire au statut du fermage, la qualification de vente sera retenue.
Certains contrats ont la particularité d’emprunter à la fois les caractéristiques de la vente et du
bail. Le contrat de fortage est particulièrement révélateur du brouillage des frontières qui existe
entre ces contrats. Le contrat de fortage porte sur une activité d’exploitation de carrière pour
laquelle un propriétaire foncier concède à un exploitant la superficie d’un terrain en vue d’extraire
les matériaux contenus en tréfonds. Au premier abord, cette opération s’apparente à un contrat
de bail puisqu’elle confère à l’exploitant un droit d’extraction qui s’exerce successivement moyen-
nant le versement d’une redevance périodique. La jurisprudence a pourtant rejeté cette analyse. Il
s’agit entre les parties d’une vente de meubles par anticipation portant sur les matériaux extraits
et d’une vente immobilière à l’égard des tiers. La jurisprudence justifie sa solution en considérant
que l’exécution du contrat conduit pour l’exploitant à consommer la substance de la chose et
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
CHAPITRE 2 – La distinction entre la vente et les autres contrats spéciaux 29

donc à compromettre la restitution de celle-ci au propriétaire. Cette opération ne confère donc


pas seulement un droit de jouissance mais organise un véritable transfert de propriété.
Enfin, dans certains contrats, la vente et le bail sont deux opérations combinées. Le contrat de
crédit-bail en est un exemple. Ce contrat consiste pour le crédit-bailleur à donner un bien en loca-
tion à un crédit-preneur, pendant une période déterminée, en contrepartie du paiement d’une
redevance périodique. À l’issue du contrat, le crédit-preneur a la possibilité de lever l’option
d’achat afin de devenir propriétaire du bien loué. Le contrat de crédit-bail peut engendrer deux
opérations, le bail dans un premier temps, la vente dans un second temps. Dans ce contrat, le
transfert de propriété est donc toujours précédé d’une période de jouissance du bien.

■ Vente et prêt
Deux critères sont traditionnellement mis en exergue pour distinguer la vente et le prêt : le trans-
fert de propriété de la chose et l’obligation de restitution à la charge de l’emprunteur.

a) Le critère de distinction : le transfert de propriété


Le prêt est un contrat par lequel une personne, le prêteur, remet à une autre personne, l’emprun-
teur, une chose à titre précaire à charge pour ce dernier de la restituer au terme qu’elles
conviennent.
À première vue, le transfert de propriété constitue un critère déterminant. Contrairement à la
vente, le contrat de prêt ne semble produire aucun effet translatif. L’emprunteur n’est qu’un
détenteur de la chose prêtée, celle-ci devant être restituée au terme prévu.
Ce critère permet ainsi de faire la distinction entre la vente et le prêt à usage autrefois dénommé
commodat par lequel l’emprunteur s’oblige à restituer la chose en nature après s’en être servi.
Cette restitution en nature témoigne de l’absence de droit de propriété de l’emprunteur sur la
chose.

b) L’autre critère de distinction : l’obligation de restitution


À y regarder de plus près, le transfert de propriété n’est pas toujours un critère de distinction
approprié. C’est notamment le cas en présence d’un prêt de somme d’argent par lequel l’emprun-
teur s’engage à restituer, non la chose prêtée, mais une chose équivalente.
Contrat de prêt et transfert de propriété ne sont donc pas toujours antinomiques. L’emprunteur
devient le propriétaire de la chose, il a le droit d’en disposer librement à charge pour lui d’en
assurer la restitution par équivalent. Il s’agit d’une obligation à laquelle il ne peut se soustraire.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
30 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

Cette obligation de restitution qui s’impose nécessairement dans le cadre du prêt et dont l’ache-
teur n’est en principe pas tenu constitue ainsi un critère de distinction plus pertinent.

■ Vente et mandat
La vente et le mandat sont deux contrats qui semblent radicalement différents. Pourtant, il existe
des cas dans lesquels ceux-ci entretiennent des liens étroits.

a) Des contrats distincts


Là aussi, la distinction apparaît évidente. Le mandat ou procuration est un acte par lequel une
personne, le mandant, donne à une autre, le mandataire, le pouvoir de faire des actes juridiques
en son nom et pour son compte.
Le transfert de propriété, propre au contrat de vente, semble faire défaut dans le contrat de
mandat qui s’appuie sur un mécanisme de représentation.

b) Des contrats parfois liés


Bien que différents, la vente et le mandat peuvent parfois être imbriqués. On le voit notamment
dans le mandat de vendre. Le propriétaire d’un bien va donner mandat à une personne de
vendre ce bien à un tiers. Le mandataire ne va pas agir pour son propre compte mais pour celui
du propriétaire, le vendeur-mandant.
Les différences entre le mandat et la vente s’atténuent également dans l’opération de dépôt-vente
que l’on retrouve en matière commerciale. Un commerçant et son fournisseur conviennent que le
premier vendra ce qu’il pourra et restituera au second les marchandises non vendues après un
certain délai. Dans ce cas de figure, la détermination de la nature du contrat semble délicate.
Quelle est la qualification qu’il convient de retenir ? Le dépôt-mandat ou la vente ? La réponse à
cette question sera fonction de la commune intention des parties que les juges devront déceler.
Au regard de la jurisprudence en la matière, deux cas de figure doivent être distingués :
– le premier cas de figure vise l’hypothèse dans laquelle le commerçant vend les marchandises
pour son propre compte, et non en tant que mandataire du fournisseur. Cette opération
consiste alors en une vente sous condition résolutoire de la non-revente des biens fournis. La
qualification de vente emporte certaines conséquences non négligeables pour le commerçant,
notamment celle de faire peser sur lui la charge des risques liés à la perte fortuite des marchan-
dises invendues ;
– le second cas de figure est différent. Il vise l’hypothèse dans laquelle le commerçant vend les
marchandises en qualité de représentant du fournisseur. Ici, la jurisprudence considère qu’il
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
CHAPITRE 2 – La distinction entre la vente et les autres contrats spéciaux 31

s’agit d’un dépôt assorti d’un mandat de vendre. Le fournisseur déposant reste propriétaire des
marchandises confiées au commerçant et supporte donc seul les risques de perte des invendus.

2 Vente et contrats portant sur un service


Le contrat de vente et le contrat d’entreprise sont deux contrats voisins qui peuvent parfois être
difficiles à distinguer. La distinction se révèle encore plus délicate lorsque le contrat suppose la
fabrication d’une chose dont la propriété va ensuite être transférée au client.

■ Vente et contrat d’entreprise


Malgré leurs objets différents, la vente et le contrat d’entreprise doivent parfois cohabiter dans
certaines opérations spécifiques.
a) Des objets différents
Le contrat d’entreprise est une variété de louage d’ouvrage. Il s’agit de la convention par laquelle
une personne s’oblige contre rémunération à exécuter un travail de façon indépendante et sans
représenter son cocontractant. Celui qui commande le travail est le client ou le maître de l’ouvrage
tandis que celui qui effectue le travail est un prestataire aussi dénommé entrepreneur.
Au regard de cette définition, tout semble opposer le contrat de vente et le contrat d’entreprise.
La vente a pour objet de transférer la propriété d’une chose à autrui tandis que le contrat d’entre-
prise vise à accomplir un travail pour autrui. Le contrat d’entreprise a pour objet la prestation d’un
service, indépendamment de tout transfert de propriété. Ainsi, même si la prestation consiste à
effectuer un travail d’entretien ou de réparation sur une chose existante appartenant au maître
de l’ouvrage, il s’agira toujours d’un contrat d’entreprise. L’entrepreneur n’apporte que son
travail, il ne peut donc y avoir vente.
b) Des contrats imbriqués
Le contrat de vente et le contrat d’entreprise ne sont pas toujours étrangers l’un à l’autre. Il existe
des situations dans lesquelles il y a à la fois la vente d’une chose et la fourniture d’un service.
En matière commerciale, les contrats de prestations de services peuvent parfois être associés à une
vente. C’est le cas par exemple lors de la vente de choses complexes, comme la vente d’un maté-
riel informatique qui suppose avant la conclusion du contrat que le vendeur conseille le client sur
les caractéristiques du produit et après la conclusion qu’un service de maintenance soit prévu en
cas de produit défectueux. Dans ce cas, les deux régimes coexistent, celui de la vente et celui
régissant le contrat d’entreprise.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:1442897966:88874706:196.200.176.177:15
32 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

Par ailleurs, les contrats dits « clés en main » mêlent également les deux contrats. Dans cette hypo-
thèse, et contrairement à la précédente, il semble difficile ici de distinguer clairement ce qui a trait
à la vente et ce qui a trait aux prestations de services accomplies. Car, dans ce type de contrat, un
entrepreneur unique assume la responsabilité globale d’un projet, de la conception à la mise en
route et à la livraison au maître de l’ouvrage, en passant par l’exécution et la formation du
personnel. C’est la raison pour laquelle certains éminents auteurs évoquent l’existence d’un
contrat sui generis qui échappe à la distinction entre la vente et le contrat d’entreprise.

■ Vente d’une chose à fabriquer et contrat d’entreprise avec


fourniture de matière
Le contrat consistant pour l’entrepreneur à fabriquer une chose dont la propriété sera ensuite
transférée au maître de l’ouvrage suscite un certain doute quant à sa qualification : est-ce une
vente de chose future ou un contrat d’entreprise ? La question ne se pose qu’au cas où le fabri-
cant apporte la matière, car la propriété de celle-ci est alors transférée au client. Face à la difficulté
de répondre à cette interrogation, plusieurs critères de qualification ont été avancés.

a) La difficile qualification du contrat


La qualification du contrat est très difficile à déterminer lorsque l’entrepreneur fabrique une chose
avec ses propres matériaux à la demande du maître d’ouvrage. L’opération se réalise en trois
temps : d’abord, la conclusion du contrat par lequel l’entrepreneur s’engage à fabriquer la chose
commandée par le maître de l’ouvrage, ensuite la fabrication de la chose et enfin le paiement du
prix.
Par exemple, la vente de prêt-à-porter ne soulève aucune difficulté, il s’agit bien d’une vente. La
confection d’un costume sur mesure est en revanche plus difficile à qualifier. Le tailleur va
exécuter un travail qui conduira, une fois que l’œuvre sera terminée, à un véritable transfert de
propriété au profit du maître de l’ouvrage. Ce contrat mêle les caractéristiques de la vente et du
contrat d’entreprise et engendre donc nécessairement un problème de qualification de l’acte.
L’enjeu de la qualification est pourtant important. Les règles diffèrent en effet selon la nature du
contrat (détermination du prix dans la vente, application des règles de sous-traitance au contrat
d’entreprise, transfert de propriété ne se produisant pas au même moment, garantie différente
selon le contrat...).

b) Les critères de qualification retenus


Les critères ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agit d’une chose mobilière ou immobilière.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 2 – La distinction entre la vente et les autres contrats spéciaux 33

1) En matière mobilière
Deux critères ont été mis en lumière pour déterminer la nature du contrat par lequel un entrepre-
neur fabrique une chose au bénéfice d’un maître d’ouvrage :
– le critère retenu par la convention de Vienne relative à la vente internationale de marchan-
dises : le critère du plus grand poids économique. Plus précisément, la nature du contrat est
déterminée en effectuant une comparaison entre la valeur des matériaux utilisés et le travail
fourni par l’entrepreneur. Ainsi le contrat est-il qualifié de vente à chaque fois que la valeur de
la matière fournie par le fabricant est supérieure à celle du travail. En revanche, le contrat est un
contrat d’entreprise dès lors que le poids de la main-d’œuvre est prédominant.
Par exemple, le contrat visant à livrer une automobile et à poser un autoradio sera considéré
comme un contrat de vente dans la mesure où la valeur du bien vendu est supérieure à celle
du travail à effectuer.
Même s’il est parfois pertinent, ce critère trouve nécessairement sa limite lorsque travail et
matière sont d’égale importance ;
– le critère retenu en droit interne français : le critère de la standardisation ou de la personna-
lisation du produit ou du service. Ainsi, lorsque le contrat porte sur une chose dont les caracté-
ristiques sont déterminées à l’avance par le fabricant et qui est destinée à être produite en série
(produit dit « standard »), il s’agit d’un contrat de vente. Si, en revanche, il s’agit d’un travail
spécifique pour les besoins particuliers exprimés par le maître de l’ouvrage, le contrat est
d’entreprise. Ce critère permet ainsi de qualifier de contrat d’entreprise le contrat qui consiste
pour l’entrepreneur à effectuer un travail à la demande du maître de l’ouvrage même si le
contrat entraîne par la suite un transfert de propriété.
La Cour de cassation a encore très récemment fait application de ce critère dans une affaire
concernant la fabrication et la fourniture d’un rotor qui s’est révélé, une fois transmis au maître
de l’ouvrage, défectueux à l’utilisation. La question qui se posait était de savoir si le fabricant
était ou non tenu à la garantie des vices cachés qui pèse sur le vendeur. La Haute juridiction a
répondu positivement à cette question en considérant qu’il s’agissait en l’espèce d’un contrat de
vente dans la mesure où le contrat portait sur des choses déterminées à l’avance et non sur un
travail spécifique destiné à répondre aux besoins particuliers du maître de l’ouvrage (Cass. com.,
5 déc. 2018, nº 17-24293).
2) En matière immobilière
Les contrats de construction immobilière posent également des difficultés de qualification. Comme
en matière mobilière, la nature du contrat est difficile à déterminer, notamment lorsqu’un entre-
preneur construit avec ses matériaux un immeuble sur le terrain dont le maître d’ouvrage est
propriétaire. S’agit-il d’une vente ou d’un contrat d’entreprise ?
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
34 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

La réponse à cette question a été donnée en faisant application de l’une des règles de l’accession
immobilière par incorporation qui s’exprime par l’adage romain superficies solo dit (ce qui est au-
dessus du sol le cède au sol) signifiant que la propriété du sol emporte la propriété du dessus.
Ainsi, en vertu de cette règle, le maître de l’ouvrage qui est propriétaire du terrain devient par
accession propriétaire des constructions réalisées par l’entrepreneur avec ses matériaux. Cette
règle doit être combinée avec la règle de l’accessoire, laquelle en matière immobilière fait de l’édi-
fice l’accessoire du sol sur lequel il est bâti. L’application de ces règles conduit ainsi à l’éviction du
propriétaire de la chose accessoire (l’entrepreneur) au profit du propriétaire de la chose principale
(le maître de l’ouvrage).
Ce faisant, pour déterminer la nature du contrat, une distinction s’impose selon la personne qui a
la propriété du sol au moment de la conclusion du contrat.
Si l’immeuble est construit par l’entrepreneur sur le terrain du maître de l’ouvrage, le contrat est
qualifié d’entreprise. En revanche, si la construction est réalisée sur le terrain de l’entrepreneur
qui transmettra au maître de l’ouvrage le sol et l’édifice une fois l’œuvre achevée, il s’agira d’un
contrat de vente. En ce sens, l’article 1601-1 du Code civil définit la vente d’immeubles à cons-
truire comme « celle par laquelle le vendeur s’oblige à édifier un immeuble dans un délai déter-
miné par le contrat ». Toutefois, au titre des dommages non apparents lors de la réception des
travaux, le vendeur d’immeuble à construire n’est pas tenu de la garantie des vices cachés du
droit commun de la vente mais de celle qui pèse sur les entrepreneurs (C. civ., art. 1646-1). Il en
résulte que la vente d’immeubles à construire a la particularité d’être soumise à la fois aux
régimes de la vente et du contrat d’entreprise.

3 Vente et contrats translatifs de propriété sans versement


d’un prix
Certains contrats sont, comme la vente, translatifs de propriété. La différence tient toutefois au
fait que ces contrats ne supposent pas le versement d’un prix. Tel est le cas de la donation, de
l’apport en société et de la dation en paiement.

■ Vente et donation
La vente se caractérise par l’existence d’un prix et ne peut donc comporter aucune intention libé-
rale. Cet élément le distingue de la donation qui est un contrat solennel par lequel une personne,
le donateur, se dépouille irrévocablement, sans contrepartie et dans une intention libérale, d’un
bien en faveur d’une autre personne, le donataire.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 2 – La distinction entre la vente et les autres contrats spéciaux 35

La vente et la donation sont donc deux contrats translatifs de propriété qui s’opposent en ce que
le premier est conclu à titre onéreux, le second à titre gratuit.

■ Vente et apport en nature en pleine propriété


Lors de la création d’une société, les différents associés doivent réaliser des apports qui consistent
à mettre à la disposition de la société soit une somme d’argent (apport en numéraire), soit un bien
autre que de l’argent (apport en nature) soit un savoir-faire particulier (apport en industrie) en vue
d’une exploitation commune. L’apport en société est donc un élément indispensable du contrat de
société.
L’apport en nature peut prendre différentes formes. Il peut être effectué en propriété, en jouis-
sance ou en usufruit. L’apport en pleine propriété est celui se rapproche incontestablement de la
vente. Lorsqu’il réalise cet apport, l’associé se dessaisit de ses droits sur la chose apportée au profit
de la société qui en devient propriétaire. Un véritable transfert de propriété est donc organisé au
profit de la société.
Toutefois, l’apport en propriété et la vente ne peuvent être totalement assimilés. L’associé ne
reçoit pas le paiement d’un prix en contrepartie de son apport mais se voit attribuer des droits
sociaux, parts sociales ou actions.

■ Vente et dation en paiement


La dation en paiement consiste pour le débiteur à remettre au créancier une chose différente de
celle initialement prévue dans le contrat en vue de se libérer de son obligation.
Le terme « dation » vient du latin datio qui dérive lui-même de dare, soit du verbe « donner ».
Ainsi, la dation en paiement consiste en l’aliénation d’un bien du débiteur, laquelle emporte trans-
fert de propriété au profit du créancier. C’est en cela que la dation en paiement ressemble à une
vente.
Toutefois, certains éléments permettent de les distinguer. D’abord, si la dation d’une chose
constitue l’exemple type de la dation en paiement, il peut aussi s’agir de l’exécution d’une presta-
tion de service. Par exemple, le client d’un restaurant qui ne serait pas en mesure de payer l’addi-
tion et qui se proposerait de faire la plonge. Ensuite, l’absence d’un prix au profit du créancier
écarte nécessairement la qualification de vente. Enfin et surtout, la dation en paiement permet
d’éteindre l’obligation du débiteur par l’exécution d’une prestation différente de celle qui était
initialement prévue. La dation en paiement est, contrairement à la vente, un acte extinctif de
l’obligation du débiteur. Elle implique donc la préexistence d’un rapport juridique antérieur
qu’elle a pour objet d’éteindre.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
36 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

■ Vente et échange
L’échange se définit comme un contrat par lequel les parties se transfèrent réciproquement un
bien autre qu’une somme d’argent. L’échange opère donc un double transfert de propriété entre
les parties.
L’échange et la vente sont deux contrats qui présentent plusieurs similitudes. Toutefois, une diffé-
rence fondamentale les oppose : l’échange ne stipule aucun prix, il se caractérise par l’absence de
contrepartie pécuniaire.
La distinction avec la vente est plus ténue lorsqu’à titre accessoire, les parties conviennent d’une
soulte pour compenser la différence de valeur qui existe entre les choses échangées. Dans ce cas,
il y a bien le versement d’un prix au profit de l’une des parties, ce qui atténue nécessairement la
différence entre ces contrats.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
Chapitre
La formation de la vente 3

Comme tout contrat, la vente est soumise aux conditions de formation communes à tous les contrats qui sont
énumérées par l’article 1128 du Code civil. Ainsi, pour que la vente soit valablement formée, trois conditions
sont exigées : le consentement des parties, leur capacité de contracter et un contenu licite et certain. La
vente est aussi un contrat particulier dont la formation est régie par l’article 1583 du Code civil aux termes
duquel « la vente est parfaite entre les parties [...] dès qu’on est convenu de la chose et du prix ». Il est
possible de rapprocher les deux dispositions en considérant que le prix et la chose qui sont mentionnés à
l’article 1583 du Code civil correspondent à l’objet et à la cause des obligations respectives des parties,
notions regroupées depuis la réforme du droit des contrats du 10 février 2016 dans celle de contenu du
contrat.

Seront donc analysés successivement au titre des conditions de formation de la vente : le consen-
tement, la capacité, la chose et le prix.

1 Le consentement des parties


Le consentement est l’accord des volontés du vendeur et de l’acheteur sur le contenu du contrat.
Plus précisément, aux termes de l’article 1113 du Code civil, « le contrat est formé par la rencontre
d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager ».
Comme les autres contrats, la vente résulte donc de la réunion de deux manifestations unilatérales
de volonté : l’offre d’abord, l’acceptation ensuite. Toutes les ventes sont formées ainsi.
Toutefois, la rencontre des volontés ne se produit pas toujours de la même façon. Les modalités
de la rencontre peuvent varier d’un contrat à l’autre. La rencontre des volontés peut se produire
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
38 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

en un instant, de façon immédiate, par une sorte de « coup de foudre contractuel » pour
reprendre l’expression du Professeur Mousseron. Cette modalité se retrouve notamment lorsque
la vente porte sur des biens de la vie courante. Il arrive a contrario que la vente se forme de
manière successive. Dans de nombreux contrats en effet, la rencontre des volontés se réalise par
étapes. Le processus de formation est ainsi plus long lorsque des contrats préparatoires à la vente
sont conclus. Certaines ventes ont en outre la particularité de prendre plus de temps à se former,
telles les ventes à l’agréage ou celles qui nécessitent une acceptation plus murie, plus réfléchie de
la part de l’une des parties au contrat.

■ Les contrats préparatoires à la vente


Les contrats préparatoires, parfois appelés avant-contrats, permettent de préparer la conclusion du
contrat définitif en faisant naître des obligations à la charge d’une ou plusieurs parties. Ils naissent
de la rencontre des volontés et se distinguent dès lors de l’offre de contracter. S’il existe une infi-
nité d’avant-contrats, seules les promesses de vente ou d’achat et les pactes de préférence seront
étudiés ici. Issus tous les deux de la pratique, ces deux avant-contrats sont les plus usuels.

a) Les promesses de vente ou d’achat


Les promesses peuvent porter sur n’importe quel type de contrat et ne sont donc pas spécifiques à
la vente. L’examen des différentes promesses de contrat révèle l’existence d’une distinction fonda-
mentale entre, d’une part, la promesse unilatérale et, d’autre part, la promesse synallagmatique.
On retrouve cette distinction en matière de vente.
1) La promesse unilatérale
Avant la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, le Code civil ne comportait aucune
disposition relative aux contrats préparatoires. En raison du développement important des
promesses, celles de vente en particulier, le législateur a décidé d’encadrer les accords de la
période préparatoire au contrat définitif.
Ainsi, une définition de la promesse unilatérale a été introduite à l’article 1124 du Code civil. Cet
article dispose que « la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant,
accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments
essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du
bénéficiaire ».
La promesse unilatérale est donc un contrat par lequel le promettant consent un droit d’option au
profit du bénéficiaire qui dispose d’un certain temps pour exprimer son consentement. La
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 3 – La formation de la vente 39

perfection du contrat définitif est donc subordonnée à l’exercice de l’option par le bénéficiaire qui
va manifester sa volonté de conclure le contrat.
La promesse unilatérale de vente est la plus pratiquée, même si la promesse d’achat se rencontre
parfois.

• LA PROMESSE UNILATÉRALE DE VENTE


Elle est le produit d’un accord de volontés : d’un côté, le promettant qui prend l’engagement irré-
vocable de vendre et, de l’autre, le bénéficiaire qui accepte l’engagement pris envers lui et qui se
voit octroyer un droit d’option pour la conclusion du contrat.
Avant l’exercice de l’option, pendant toute la durée de la promesse de vente, le promettant et le
bénéficiaire sont placés dans une situation d’attente quant à la conclusion définitive du contrat. En
effet, tant que le bénéficiaire n’a pas levé l’option, la vente n’est pas conclue. À défaut de trans-
fert de propriété, le promettant reste propriétaire du bien.
Pendant cette période, le promettant a l’obligation de maintenir sa promesse. Il a exprimé son
consentement définitif de contracter et ne peut donc ni négocier les éléments essentiels de la
vente ni se rétracter. L’article 1124, alinéa 2 du Code civil, introduit par la réforme du droit des
contrats, dispose en ce sens que : « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au béné-
ficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ». Cette disposition rompt avec
le célèbre arrêt Cruz en date du 15 décembre 1993 dans lequel la Cour de cassation avait jugé
que la levée d’option, postérieure à la rétractation du promettant, excluait toute rencontre des
volontés réciproques de vendre et d’acquérir.
S’agissant du bénéficiaire, celui-ci est titulaire d’un droit d’option que l’on peut qualifier de potes-
tatif. La conclusion du contrat définitif ne dépend en effet que de sa seule volonté.
La promesse peut toutefois mettre à sa charge une obligation de verser au promettant une indem-
nité d’immobilisation en contrepartie de l’immobilisation du bien par le promettant pendant la
durée de la promesse.
Le bénéficiaire peut décider de ne pas lever l’option soit en renonçant expressément à la promesse
soit en gardant le silence pendant le délai d’option.
Il peut décider, au contraire, de lever l’option. Dans ce cas, on distingue deux situations :
– si l’option est levée dans le délai convenu : la vente est définitivement formée. Le transfert
de propriété peut être immédiat ou retardé à un moment précis, par exemple au jour de la réité-
ration de la vente en sa forme authentique. Si le promettant refuse d’exécuter le contrat, le
bénéficiaire peut le contraindre à l’exécution forcée ou préférer des dommages-intérêts en
réparation du préjudice qui en résulte ;
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
40 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

– si l’option est levée postérieurement au délai convenu : le bénéficiaire ne peut exiger la


réalisation de la vente. La promesse est devenue caduque, sauf renonciation au délai d’option
par le promettant.

• LA PROMESSE UNILATÉRALE D ’ ACHAT

Elle se rencontre beaucoup plus rarement que la promesse unilatérale de vente. Elle se définit
comme le contrat par lequel le promettant s’engage à acheter un bien appartenant au bénéficiaire
si ce dernier consent à lui vendre.
Son régime est identique à celui de la promesse unilatérale de vente à deux réserves près :
– lorsque la promesse unilatérale d’achat est constatée par un acte sous seing privé et porte sur
un immeuble, sur un fonds de commerce ou sur l’un des autres biens visés par l’article 1589-2
du Code civil, elle n’est pas soumise à l’obligation d’enregistrement imposée par ce texte ;
– lorsque la promesse unilatérale d’achat porte sur un immeuble, elle ne doit donner lieu à aucun
versement de la part du promettant. En effet, l’article 1589-2 du Code civil frappe de nullité
« tout engagement unilatéral souscrit en vue de l’acquisition d’un bien ou d’un droit immobilier
pour lequel il est exigé ou reçu de celui qui s’engage un versement, quelle qu’en soit la cause et
la forme ». Cette interdiction a été posée dans le but de mettre fin à la pratique antérieure dite
de la « réservation » qui consistait à mettre en concurrence différents candidats à l’acquisition.
2) La promesse synallagmatique de vente
Couramment qualifiée de compromis de vente, la promesse synallagmatique de vente se définit
comme le contrat par lequel les deux parties donnent leur consentement définitif à la conclusion
du contrat. L’une des parties s’engage à vendre, l’autre à acheter un bien pour un prix déterminé.
La promesse synallagmatique de vente comporte donc l’engagement réciproque des parties à la
conclusion du contrat. Elle se distingue sur ce point de la promesse unilatérale dans laquelle seul
le promettant s’engage de façon irrévocable au contrat définitif.
La promesse synallagmatique de vente pose une question importante : est-elle un contrat auto-
nome de la vente elle-même ? L’article 1589, alinéa 1 du Code civil laisse suggérer une réponse
négative. Cette disposition énonce que « la promesse de vente vaut vente lorsqu’il y consentement
réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ». Il en résulte que la promesse de vente est
une vente dès lors que les parties sont d’accord sur la chose et sur le prix et qu’elles n’ont pas fait
d’un autre élément secondaire un élément constitutif de leur consentement. Dans cette hypo-
thèse, la promesse de vente est une fausse promesse. Il ne s’agit pas d’un véritable avant-contrat,
c’est-à-dire un contrat distinct et préalable à la vente définitive.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 3 – La formation de la vente 41

C’est le cas lorsque les parties ont décidé que la vente serait affectée de modalités d’exécution,
telles que la condition ou le terme. En effet, les parties peuvent convenir que l’exécution de la
vente sera repoussée à la réalisation d’une condition, par exemple l’obtention d’une autorisation
administrative ou d’un prêt, ou à la survenance d’un terme, comme la signature de l’acte authen-
tique en matière immobilière. Dans ces hypothèses, la condition ou le terme ne sont pas érigés par
les parties en des éléments nécessaires à la formation de la vente, il s’agit de simples modalités
d’exécution qui n’ont aucune incidence sur leur consentement. Conformément à ce que prévoit
l’article 1589 du Code civil, la promesse de vente n’est pas ici un contrat autonome au contrat de
vente.
Il en va autrement lorsque les parties ont fait de la condition ou du terme un élément constitutif
de la vente. En effet, les parties sont libres de déterminer si la condition ou le terme dont est
assortie la promesse synallagmatique constitue une simple modalité d’exécution du contrat ou
une condition de formation du contrat. La Cour de cassation a ainsi jugé en ce sens que les
parties contractent une véritable promesse autonome lorsqu’elles stipulent que le contrat de
vente ne prendra naissance qu’à la signature de l’acte authentique (Cass. 3e civ., 14 janv. 1987,
nº 85-16306).
La qualification de la promesse est importante pour déterminer la sanction applicable en cas de
violation de celle-ci. La question s’est posée précisément lorsque le vendeur refuse de procéder à
la signature de l’acte authentique. Dans cette hypothèse, la détermination de la sanction sera
fonction de la manière dont les parties ont rédigé la clause ayant pour objet la réitération de la
vente en sa forme authentique.
Si la promesse synallagmatique vaut vente, autrement dit si les parties ont stipulé que la signature
de l’acte authentique n’était qu’une modalité d’exécution de la vente, l’acheteur peut demander
l’exécution en nature de la promesse en application de l’article 1221 du Code civil. Deux voies
sont possibles : l’astreinte et le jugement valant vente tenant lieu d’acte authentique.
Si au contraire, la promesse synallagmatique ne vaut pas vente, autrement dit si les parties ont
stipulé que la réitération de la vente en sa forme authentique était un élément de la formation
de la vente, son inexécution sera sanctionnée par l’octroi de dommages-intérêts au profit de
l’acheteur.

b) Les pactes de préférence


Le nouvel article 1123, alinéa 1 du Code civil, issu de la réforme du droit des contrats, définit le
pacte de préférence comme le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement
à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. Lorsqu’il est
relatif à une vente, le pacte de préférence engage donc le propriétaire d’un bien à donner la
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
42 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

préférence au bénéficiaire du pacte au cas où il déciderait de vendre la chose. Au regard de cette


définition, la nature et le régime du pacte de préférence appellent plusieurs développements.
1) La nature du pacte de préférence
Le pacte de préférence s’apparente à plusieurs égards de la promesse unilatérale de vente et du
droit de préemption. Des différences existent toutefois entre ces mécanismes.
Le pacte de préférence n’est d’abord pas une promesse unilatérale de vente. Dans le pacte de préfé-
rence, le promettant ne prend pas l’engagement de vendre mais seulement de donner sa préférence
au bénéficiaire au cas où il vendrait. Le promettant reste donc totalement libre de vendre ou de ne
pas vendre. En outre, si la vente venait à être conclue, un nouvel accord de volontés serait requis de
la part du promettant et du bénéficiaire devenus respectivement vendeur et acheteur du bien. Dans
la promesse unilatérale de vente en revanche, le seul fait que le bénéficiaire lève l’option suffit à
former le contrat, puisque le bénéficiaire a déjà donné son consentement définitif à la vente.
Le pacte de préférence se distingue ensuite du droit de préemption qui est le droit accordé à
certaines personnes déterminées d’acheter un bien en priorité lorsque le vendeur décide de
vendre ce bien. Par exemple, le locataire d’un bail d’habitation bénéficie d’un droit de préemption
sur le bien qu’il loue lorsque le bailleur lui délivre un congé pour vendre. La proximité entre le
pacte de préférence et le droit de préemption est grande. La différence entre ces mécanismes
tient à ce que le premier est d’origine conventionnelle, le second d’origine légale.
2) Le régime du pacte de préférence
Deux hypothèses sont à envisager :
– l’exécution du pacte de préférence : comme n’importe quel autre contrat, le pacte de préfé-
rence a un effet obligatoire. Le promettant devra proposer par priorité la chose au bénéficiaire.
Si le bénéficiaire se déclare intéressé, le promettant sera tenu de lui faire une offre. En cas
d’acceptation par le bénéficiaire, le contrat de vente projeté devient définitif. Dans le cas
contraire, le promettant redevient libre de formuler une offre à un tiers. En effet, dans cette
hypothèse, la rencontre de l’offre et de l’acceptation ne s’est pas réalisée, de sorte que le
contrat de vente n’a pu valablement se former ;
– l’inexécution du pacte de préférence : celle-ci se produit lorsque le promettant a conclu le
contrat de vente avec un tiers sans respecter le droit de priorité du bénéficiaire du pacte. Dans
un arrêt en date du 6 décembre 2018, la Cour de cassation a pris le soin de préciser qu’il peut y
avoir violation du pacte de préférence même si le contrat définitif entre le promettant et le tiers
n’a pas encore été conclu. En effet, la seule promesse unilatérale au profit d’un autre que le
bénéficiaire du pacte suffit à constituer une violation du pacte de préférence (Cass. 3e civ.,
6 déc. 2018, nº 17-23321).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 3 – La formation de la vente 43

Les sanctions de la violation du pacte par le promettant sont régies par l’article 1123, alinéa 2 du
Code civil. Ce texte dispose que : « lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un
pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers
connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut
également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu ».
Deux sortes de sanctions sont envisagées par ce texte :
– la responsabilité contractuelle du promettant qui sera tenu à l’octroi de dommages-intérêts au
profit du bénéficiaire du pacte ;
– la nullité de la vente conclue entre le promettant et le tiers. Cette sanction suppose que deux
conditions cumulatives soient remplies : le tiers doit avoir eu connaissance d’une part, de l’exis-
tence du pacte de préférence et d’autre part, de l’intention du bénéficiaire d’exercer son droit
de priorité. Ainsi, dès lors que la mauvaise foi du tiers est établie, le bénéficiaire du pacte peut
solliciter la nullité du contrat conclu en violation de son droit de priorité. Il pourra en outre
demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.
Pour pallier tout risque de voir son contrat de vente annulé, le tiers qui soupçonne l’existence d’un
pacte de préférence a la possibilité de mettre en œuvre une action interrogatoire qui consiste, aux
termes de l’article 1123, alinéa 3 du Code civil, à « demander par écrit au bénéficiaire de confirmer
dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il
entend s’en prévaloir ». Cette action interrogatoire introduite par la réforme du droit des contrats
du 10 février 2016 assure la sécurité contractuelle du tiers, puisque, comme l’alinéa 4 du texte le
prévoit, à défaut de réponse dans le délai, « le bénéficiaire ne pourra plus solliciter sa substitution
au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat ».

■ Les ventes subordonnées à l’agréage de l’acheteur


Les ventes à l’agréage ont pour point commun de subordonner la formation définitive de la vente
à l’agrément de l’acheteur sur la chose. Sont notamment concernées la vente à l’essai et la vente
à la dégustation.

a) Vente à l’essai
Selon la définition proposée par le Professeur Cornu, la vente à l’essai est « une vente dont la
conclusion définitive est subordonnée à la condition qu’après usage par l’acquéreur éventuel, la
chose vendue sera reconnue apte au service auquel elle est destinée ». Prévue à l’article 1588 du
Code civil, la vente à l’essai offre à l’acquéreur la possibilité d’utiliser le bien qu’il envisage
d’acheter afin de vérifier sa conformité.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
44 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

La vente à l’essai devient définitive s’il s’avère, au terme d’une évaluation objective de la chose par
l’acheteur, que celle-ci réunit les qualités requises. Dès lors que l’essai est satisfaisant, la vente est
conclue, sans que l’acheteur ne puisse s’y opposer. L’essai s’apparente ainsi à un contrôle de
conformité de la chose vendue.
Cette modalité doit avoir été expressément stipulée dans le contrat, à moins qu’elle ne résulte des
usages. On la retrouve dans les ventes de vêtements, d’animaux, de machines ou de véhicules.

b) Vente à la dégustation
La vente à la dégustation concerne les marchandises qu’il est d’usage de goûter avant de les
acheter. Elle est prévue à l’article 1587 du Code civil qui dispose : « à l’égard du vin, de l’huile, et
des autres choses que l’on est dans l’usage de goûter avant d’en faire l’achat, il n’y a point de
vente tant que l’acheteur ne les a pas goûtées et agréées ».
La vente à la dégustation s’analyse, jusqu’à l’agréage, en une promesse unilatérale de vente
consentie par le vendeur. La vente n’est formée qu’une fois que le produit a été agréé par
l’acheteur.
L’acheteur doit être mis en état d’apprécier les qualités de la chose avant de confirmer sa volonté
d’acquérir. Contrairement à la vente à l’essai qui suppose une appréciation objective, dans la
vente à la dégustation, l’acheteur porte une appréciation subjective de la chose. Son agrément
est totalement discrétionnaire, il ne sera fonction que de son goût personnel.
La lecture du texte laisse penser que la vente à la dégustation ne peut porter que sur les éléments
énoncés, à savoir le vin, l’huile et les autres choses que l’on est dans l’usage de goûter avant d’en
faire l’achat. Cette première impression ne reflète pas la réalité. D’abord, toutes les ventes qui ont
pour objet du vin, de l’huile ou une autre chose susceptible d’être goûtée ne sont pas nécessaire-
ment des ventes à la dégustation. Pour que la vente soit qualifiée comme telle, encore faut-il que
les parties en aient convenu ainsi. Ensuite, la vente à la dégustation n’est pas limitée aux biens
alimentaires. Elle peut porter sur d’autres choses, comme un livre, un vêtement sur-mesure ou
encore un disque.

■ Les ventes subordonnées à une acceptation réfléchie de la part


de l’acheteur
En vertu de l’article 1118 du Code civil, « l’acceptation est la manifestation de volonté de son
auteur d’être lié dans les termes de l’offre ». Dit autrement, l’acceptation est l’acte unilatéral par
lequel l’acceptant signifie au pollicitant qu’il entend consentir au contrat. Lorsqu’elle est exprimée,
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 3 – La formation de la vente 45

l’acceptation qui rencontre l’offre a pour effet de former le contrat. Le pollicitant et l’acceptant
deviennent immédiatement liés contractuellement.
Dans certaines ventes cependant, le législateur a manifesté sa volonté de protéger avec plus de
force le consentement de l’acquéreur. L’objectif est de s’assurer que son acceptation a été
donnée de façon réfléchie, en toute connaissance de cause. Pour ce faire, certaines ventes ne
seront définitivement conclues qu’à l’issue d’un certain délai prévu par la loi. Il en va ainsi des
ventes assorties d’un délai de réflexion et de celles qui prévoient une faculté de rétractation.
a) Les ventes assorties d’un délai de réflexion
Dans certaines situations, le consentement de l’acheteur peut être donné hâtivement ou impru-
demment. Afin de le protéger, le législateur lui impose un délai de réflexion au cours duquel
l’acheteur n’est pas autorisé à accepter l’offre du pollicitant.
Ce délai de réflexion est prévu pour les opérations importantes qui nécessitent pour l’acheteur de
prendre la mesure de l’engagement qu’il souscrit.
Ainsi, un délai de réflexion est posé en faveur de l’acquéreur non professionnel d’un immeuble à
usage d’habitation dont la vente est constatée par un acte authentique lorsque celui-ci n’est pas
précédé d’un contrat préliminaire ou d’une promesse synallagmatique ou unilatérale. Dans cette
hypothèse, l’article L. 271-1, alinéa 5 du Code de la construction et de l’habitation impose au
profit de l’acquéreur un délai de réflexion de dix jours avant la signature de l’acte authentique.
Au cours de ce délai, l’acte authentique ne pourra pas être signé entre les parties.
De la même façon, un délai de réflexion est posé en faveur de l’acquéreur consommateur dans le
cadre d’un crédit immobilier. L’article L. 312-10, alinéa 2 du Code de la consommation ne rend
définitif le contrat de prêt que trente jours après la réception de l’offre par l’emprunteur, celui-ci
n’étant autorisé à accepter l’offre qu’à l’expiration d’un délai de dix jours après l’avoir reçue. L’ins-
tauration de ces délais a pour effet, non seulement de retarder la formation du contrat de prêt,
mais aussi, par ricochet, celle de la vente qui est nécessairement subordonnée à l’obtention effec-
tive du prêt.
b) Les ventes assorties d’une faculté de rétractation
Certaines ventes accordent à l’acheteur, une fois le contrat formé, un droit de rétractation appelé
aussi droit de repentir. Ce dernier lui permet de revenir sur sa décision pendant un délai qui varie
en fonction de la nature du contrat. L’acheteur est autorisé à exercer son droit de manière tout à
fait discrétionnaire.
L’exercice ou non du droit de rétractation détermine le sort du contrat. Si l’acheteur n’exerce pas
son droit de rétractation, la vente est définitivement conclue. En revanche, l’exercice du droit de
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
46 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

rétractation emporte l’anéantissement du contrat. Dans ce cas, il y a lieu de restituer à l’acheteur


toutes les sommes qu’il pourrait avoir versées. Et, le vendeur ne peut revendiquer le bénéfice de la
clause pénale qui aurait été stipulée.
Ainsi, l’article L. 221-18 du Code de la consommation apporte une protection particulière au
consommateur en lui accordant un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation
d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement. Il
s’agit ici de protéger l’acheteur contre les techniques agressives de vente employées par certains
vendeurs professionnels et contre les achats d’impulsion. La protection s’applique aux personnes
physiques en tant que consommateurs et s’étend aux professionnels employant cinq salariés
maximum si l’objet du contrat n’entre pas dans le champ de leur activité principale.
Une faculté de rétractation est également posée pour tout acte ayant pour objet l’acquisition ou la
construction d’un immeuble d’habitation ou la souscription de parts donnant vocation à l’attribu-
tion en jouissance ou en propriété d’immeubles d’habitation. Ainsi, l’acquéreur non professionnel
bénéficie, aux termes de l’article L. 271-1, alinéa 1 du Code de la construction et de l’habitation,
d’un délai de rétractation de dix jours.
Une autre faculté de rétractation est prévue en faveur des consommateurs de crédit mobilier qui
dispose d’un délai de rétractation de quatorze jours après l’acceptation de l’offre de crédit
(C. consom., art. L. 312-19). L’exercice de cette faculté ne sera pas sans effet sur la vente. En
effet, l’article L. 312-52 du Code de la consommation dispose que la vente subordonnée à
l’octroi d’un crédit est résolue de plein droit en cas de rétractation par l’emprunteur.

2 La capacité des parties


L’article 1145 du Code civil énonce que : « toute personne physique peut contracter sauf en cas
d’incapacité prévue par la loi ». Cet article pose en principe la capacité de toute personne à
contracter. Le principe est réaffirmé, dans le cadre particulier de la vente par l’article 1594 du Code
civil aux termes duquel : « tous ceux auxquels la loi ne l’interdit pas peuvent acheter ou vendre ».
Il en résulte que toute personne peut en principe vendre ou acheter, du moment que celle-ci
dispose de la capacité juridique. Il existe deux sortes d’incapacité : les incapacités d’exercice et les
incapacités de jouissance.

■ Les incapacités d’exercice


Une personne frappée d’une incapacité d’exercice est une personne à laquelle la loi reconnaît le
droit de vendre ou d’acheter seulement si elle assistée ou représentée par une autre personne.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 3 – La formation de la vente 47

Cette personne est donc considérée comme étant inapte à mettre en œuvre seule son droit de
vendre ou d’acheter.
L’incapacité d’exercice peut être générale lorsqu’elle concerne tous les droits d’une personne
physique ou spéciale lorsqu’elle ne concerne que certains de ses droits.
L’article 1146 du Code civil distingue l’incapacité d’exercice des mineurs non émancipés et l’inca-
pacité d’exercice des majeurs.

a) L’incapacité d’exercice des mineurs non émancipés


Le mineur non émancipé est frappé, jusqu’à l’âge de 18 ans, d’une incapacité générale d’exercice
pour tous les actes de la vie civile autres que ceux de la vie courante. Cette tolérance pour les
actes courants qui seraient accomplis par le mineur résulte de l’article 1148 du Code civil.
Il faut donc comprendre de ce texte que le mineur non émancipé ne peut vendre ou acheter seul
un bien de valeur, comme un immeuble. C’est son représentant légal (tuteur ou administrateur
légal) qui est habilité par la loi pour accomplir de tels actes pour son compte et en son nom.
La vente conclue par le mineur seul est frappée d’une nullité relative édictée dans le seul intérêt
du mineur.

b) L’incapacité d’exercice des majeurs protégés


Il existe trois types de majeurs protégés :
– le majeur placé sous sauvegarde de justice : conformément à ce qui est prévu à l’article 491-2,
alinéa 1er, celui-ci conserve l’exercice de ses droits. Il peut donc en principe vendre ou acquérir
un bien en toute liberté. Une restriction est toutefois posée à l’alinéa suivant, lequel prévoit
que « les actes qu’il a passés et les engagements qu’il a contractés pourront être rescindés
pour simple lésion ou réduits en cas d’excès ». Pour prendre une telle décision, le juge prendra
en considération « la fortune de la personne protégée, la bonne ou mauvaise foi de ceux qui
auront traité avec elle, l’utilité ou l’inutilité de l’opération » (al. 3) ;
– le majeur en tutelle : il est frappé, comme le mineur non émancipé, d’une incapacité générale
d’exercice. Il doit être représenté par un tuteur dans tous les actes de la vie civile, autres que
ceux de la vie courante. Ainsi, l’achat ou la vente d’un bien de valeur est frappé d’une nullité
relative si elle est conclue par le majeur seul. Il est à noter toutefois que le tuteur doit avoir été
autorisé par le conseil de famille ou, à défaut le juge, pour faire des actes de disposition au nom
de la personne protégée (C. civ., art. 505, al. 1) ;
– le majeur en curatelle : il ne peut, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas
de tutelle, requiert l’autorisation du juge ou du conseil de famille (C. civ., art. 467, al. 1). Le
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
48 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

curateur assiste donc nécessairement le majeur incapable pour accomplir les actes de disposition
que le tuteur ne peut exercer seul dans le cadre de la tutelle. En revanche, le majeur en curatelle
peut faire seul tous les actes que le tuteur est habilité à faire seul sous le régime de la tutelle.
Il existe une règle commune aux trois mesures de protection qui porte sur la vente du logement
du majeur incapable. Que le majeur soit sous sauvegarde de justice, sous tutelle ou sur curatelle,
l’aliénation de son logement ne sera possible qu’en cas de nécessité ou si elle est commandée par
son intérêt. Elle sera autorisée par le juge des tutelles, après avis du médecin traitant (C. civ.,
art. 490-2). La vente conclue sans autorisation de justice est frappée d’une nullité relative.

■ Les incapacités de jouissance


La personne frappée d’une incapacité de jouissance n’est pas autorisée à accomplir un ou
plusieurs actes déterminés par la loi, même en étant assistée ou représentée.
Certaines incapacités spéciales de jouissance ont spécialement trait au contrat de vente. Il existe
ainsi les incapacités d’acheter et les incapacités de vendre et d’acheter.

a) Les incapacités d’acheter


Plusieurs dispositions du Code civil prévoient des incapacités d’acheter à l’encontre de certaines
personnes déterminées.
D’abord, l’article 1596 du Code civil prévoit que : « ne peuvent se rendre adjudicataires, sous
peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées :
Les tuteurs, des biens de ceux dont ils ont la tutelle ;
Les mandataires, des biens qu’ils sont chargés de vendre ;
Les administrateurs, de ceux des communes ou des établissements publics confiés à leurs soins ;
Les officiers publics, des biens nationaux dont les ventes se font par leur ministère ;
Les fiduciaires, des biens ou droits composant le patrimoine fiduciaire ».
Avec cette interdiction d’acheter, le législateur a souhaité éviter que les personnes énumérées ci-
dessus n’abusent de leurs fonctions pour acquérir, à un prix très bas, un bien qu’ils sont chargés
de vendre. Cette incapacité de jouissance élude ainsi le risque d’un éventuel conflit d’intérêts.
Ensuite, l’article 1597 du Code civil dispose que : « les juges, leurs suppléants, les magistrats
remplissant le ministère public, les greffiers, huissiers, avocats, défenseurs officieux et notaires, ne
peuvent devenir cessionnaires des procès, droits et actions litigieux qui sont de la compétence du
tribunal dans le ressort duquel ils exercent leurs fonctions, à peine de nullité, et des dépens,
dommages et intérêts ». Cette disposition interdit ainsi aux personnes investies de fonctions
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 3 – La formation de la vente 49

judiciaires d’acquérir des droits ou actions susceptibles d’être contestés devant la juridiction dans
le ressort de laquelle elles exercent leurs fonctions.
Par exemple, a été déclarée nulle sur le fondement de l’article 1597 du Code civil la vente d’un
immeuble conclue entre une société civile immobilière et l’avocat qui la représentait dans l’ins-
tance opposant ladite société au bénéficiaire d’une promesse de vente portant sur un apparte-
ment compris dans l’immeuble (Cass. 3e civ., 15 mai 1991).
Que l’on se situe dans le champ d’application de l’article 1596 ou dans celui de l’article 1597 du
Code civil, la sanction de la méconnaissance de ces dispositions est la même : la nullité relative
du contrat de vente conclu en violation de ces textes. La nullité du contrat prévue par
l’article 1596 ne pourra être invoquée que par les personnes dans l’intérêt desquelles l’interdiction
d’acquérir a été posée, à savoir le mineur, le majeur en tutelle, le mandant, l’établissement public,
etc. Concernant la nullité prévue à l’article 1597, la Cour de cassation a précisé qu’elle peut être
invoquée tant « par le cédant des droits litigieux que par la personne qui a émis dans le litige
une prétention sur tout ou partie de ces droits ».
On peut enfin mentionner l’article 1125-1 du Code civil qui interdit aux professionnels travaillant
dans un établissement recueillant des personnes âgées ou effectuant des soins psychiatriques
d’acquérir un bien appartenant à une personne admise dans leur établissement. Le contrat
conclu au mépris de cette disposition est également frappé de nullité.
Des incapacités de jouissance sont parfois posées ailleurs que dans le Code civil. L’article L. 642-3,
alinéa 1 du Code de commerce pose ainsi l’interdiction de la reprise d’une entreprise en difficulté
par le dirigeant et ses proches, le but de cette disposition étant d’empêcher le débiteur de se
libérer de son passif en rachetant ou en faisant racheter ses actifs par des proches à vil prix.
b) Les incapacités de vendre et d’acheter
Il existe des hypothèses dans lesquelles une personne est frappée d’une double incapacité de
vendre et d’acheter.
C’est le cas notamment du débiteur dont l’immeuble est saisi. Les règles de la saisie immobilière
prévoient ainsi qu’à compter de la signification du commandement de payer valant saisie,
l’immeuble ne peut être aliéné à l’amiable par le débiteur sans autorisation judiciaire, à peine de
nullité relative de la vente qui peut être demandée par le créancier saisissant (CPC exéc., art.
L. 321-2, al. 2). En outre, en cas de vente forcée, le débiteur saisi ne peut se porter enchérisseur
ni par lui-même ni par personne interposée (CPC exéc., art. R. 322-39, 1º).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
50 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

3 La chose
Conformément aux dispositions de l’article 1583 du Code civil, le consentement des parties doit
nécessairement porter sur une chose. Il s’agit, à côté du prix, d’un élément essentiel du contrat
de vente.
Le principe de la libre circulation des biens laisse suggérer que toute chose est susceptible d’être
vendue. Ce principe, s’il n’est pas inexact, fait toutefois l’objet d’un certain nombre de
tempéraments.
En effet, la chose doit présenter quelques caractéristiques : elle doit être aliénable, déterminée ou
déterminable et existante même si la vente peut parfois porter sur une chose future. La chose doit
en outre appartenir au vendeur.

■ Une chose aliénable


L’article 1598 du Code civil dispose que : « tout ce qui est dans le commerce peut être vendu
lorsque des lois particulières n’en ont pas prohibé l’aliénation ».
Au regard de ce texte, deux conditions sont exigées pour que la chose soit aliénable : il faut, d’une
part, qu’elle soit dans le commerce et, d’autre part, qu’elle ne tombe pas sous le coup d’une inter-
diction ou d’une restriction d’aliénation.
a) Une chose dans le commerce
Une chose dans le commerce est une chose susceptible de faire l’objet d’un contrat.
Les choses communes comme l’air ou l’eau ne sont pas appropriables. Ces choses qui n’appartien-
nent à personne sont par nature hors du commerce juridique.
Certaines choses présentent un caractère illicite et sont donc exclues du commerce juridique : les
stupéfiants, les armes dangereuses sauf autorisation, les substances vénéneuses, les animaux
atteints de maladies contagieuses, des produits périmés, les marchandises contrefaites...
Les fonctions publiques, les attributs de la souveraineté nationale, tel que le droit de vote, sont
également hors du commerce juridique.
Certaines choses sont intimement attachées à la personne et ne peuvent être vendues : le corps
humain et ses éléments, les droits de la personnalité comme le nom de famille sauf lorsqu’il est
utilisé à des fins commerciales, le droit moral de l’auteur sur son œuvre... Pendant longtemps,
ont été prohibées sur ce fondement les cessions des clientèles civiles des professions libérales. En
effet, il était considéré que ces clientèles étaient liées à la personne du professionnel libéral, à
l’instar des autres attributs de la personnalité. Par un arrêt en date du 7 novembre 2000, la
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 3 – La formation de la vente 51

première chambre civile de la Cour de cassation a rompu avec cette analyse à propos de la clien-
tèle médicale. Elle a ainsi jugé que la cession de cette clientèle, à l’occasion de la constitution ou
de la cession d’un fonds libéral d’exercice de la profession, n’est pas illicite à la condition que soit
sauvegardée la liberté de choix du client.
b) Une chose ne tombant pas sous le coup d’une interdiction ou d’une restriction
d’aliénation
Les choses qui sont dans le commerce juridique peuvent dans certains cas faire l’objet d’une inter-
diction ou d’une restriction d’aliénation qui peut être soit légale soit conventionnelle.
Le législateur prévoit ainsi expressément des limites à l’aliénabilité des biens d’un débiteur insol-
vable ou, du moins, en situation financière difficile. En ce sens, l’article L. 321-2 du Code des
procédures civiles d’exécution dispose que « l’acte de saisie rend l’immeuble indisponible et
restreint les droits de jouissance et d’administration du saisi ». En ce sens aussi, le législateur a
prévu plusieurs cas d’interdiction ou de restriction d’aliénation lorsque le débiteur est placé en
procédure collective. Par exemple, l’article L. 622-7, II du Code de commerce interdit au débiteur
pendant la période d’observation, sauf à obtenir une autorisation du juge-commissaire, de faire
un acte étranger à la gestion courante de l’entreprise. Cette disposition vise notamment les
ventes qui sont en général de nature à réduire la consistance patrimoniale du débiteur. En cas de
plan de cession, l’article L. 642-9 du Code de commerce prévoit une inaliénabilité légale des biens
que le repreneur a acquis tant que le prix de cession n’a pas été intégralement payé. Et l’article
L. 642-10 permet de proroger au-delà du paiement intégral du prix la durée d’inaliénabilité des
actifs cédés. En vertu de ce texte, le tribunal a la possibilité de prévoir, dans le jugement arrêtant
le plan de cession, que « tout ou partie des biens cédés ne pourront être aliénés, pour une durée
qu’il fixe, sans son autorisation ».
La restriction ou l’interdiction d’aliéner peut aussi avoir été prévue par les parties. Certains actes à
titre onéreux, comme le prêt, ou à titre gratuit, comme les libéralités, peuvent contenir une clause
d’inaliénabilité qui interdit à l’une des parties de disposer d’un ou plusieurs biens qui lui appartien-
nent. Soit la clause prive totalement la partie du droit d’aliéner soit elle lui interdit d’aliéner sans
l’accord de l’autre partie. L’article 900-1 du Code civil encadre toutefois l’usage de cette clause
en posant comme conditions que cette dernière doit nécessairement être temporaire et justifiée
par un intérêt sérieux et légitime. Le texte prévoit aussi une levée de cette inaliénabilité qui sera
décidée par le juge « si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt
plus important l’exige ».
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
52 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

■ Une chose déterminée ou déterminable


L’accord des parties sur la chose suppose que celle-ci soit déterminée ou déterminable au moment
de la vente. La condition relative à la détermination de la chose était gouvernée, avant la réforme
du droit des contrats, par l’ancien article 1129 du Code civil qui imposait cette condition pour tous
les contrats : « Il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son
espèce. La quotité de la chose peut être incertaine pourvu qu’elle soit déterminable ».
Depuis la réforme, l’article 1163, alinéa 2 du Code civil prévoit que l’obligation « doit être possible
et déterminée ou déterminable », l’alinéa 3 précisant que « la prestation est déterminable lors-
qu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des
parties, sans qu’un nouvel accord soit nécessaire ».
En réalité, la question de la détermination de la chose se pose différemment selon qu’il s’agit de
corps certains ou de choses de genre.

a) La détermination des corps certains


Les corps certains désignent des choses individualisées qui ne sont donc pas interchangeables (une
maison, un tableau, un bijou de famille...). La détermination des corps certains ne pose aucune
difficulté particulière, puisque ces derniers possèdent une individualité propre. Le contrat de vente
doit simplement contenir des indications permettant de décrire la chose. Par exemple, dans la
vente immobilière, les règles de la publicité foncière obligent le rédacteur de l’acte à indiquer la
nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale de l’immeuble vendu. Ces préci-
sions contribuent à faciliter la détermination de l’immeuble.

b) La détermination des choses de genre


La détermination des choses de genre est plus problématique en raison de leur caractère fongible.
La vente d’une chose de genre concerne presque toujours des biens de nature mobilière (blé, vin,
tables produites en série...). Plus rarement, elle concerne les immeubles, par exemple la vente de la
superficie d’un terrain contenue dans un domaine appartenant au vendeur.
La chose de genre est une chose qui n’est déterminée que par son espèce, laquelle est nécessaire-
ment déterminée au jour de la formation de la vente. En effet, les parties savent sur quelle chose
en particulier va porter le contrat au moment où elles le concluent : vin, blé, marchandises...
En ce qui concerne la quantité de la chose, celle-ci n’est pas déterminée au jour de la formation
du contrat. Elle doit cependant être déterminable, conformément à ce que prévoit l’alinéa 2 de
l’article 1163 du Code civil. La détermination de la quantité se déroulera après la formation du
contrat par une opération de pesage, mesurage ou comptage afin d’individualiser la chose
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 3 – La formation de la vente 53

vendue. Cette individualisation, permettant de transformer une chose de genre en un corps


certain, est nécessaire pour que se réalisent les effets de la vente, à savoir le transfert de propriété
et le transfert des risques. En effet, aux termes de l’article 1585 du Code civil, « lorsque des
marchandises ne sont pas vendues en bloc, mais au poids, au compte ou à la mesure, la vente
n’est point parfaite, en ce sens que les choses vendues sont aux risques du vendeur jusqu’à ce
qu’elles soient pesées, comptées ou mesurées ». Par exemple, lorsqu’un acheteur et un vendeur
se mettent d’accord sur la vente de 1 000 bœufs appartenant au troupeau du vendeur qui
compte 10 000 bœufs, la vente sera conclue au moment de l’échange des consentements mais
ne sera effective qu’à partir de l’opération de comptage, donc lorsque les 1 000 bœufs auront
été individualisés dans le troupeau du vendeur.

■ Une chose existante ou future


Pour que la vente soit valable, la chose doit exister. La vente peut également avoir pour objet une
chose future. La règle est posée à l’article 1163 du Code civil : « l’obligation a pour objet une pres-
tation présente ou future ». Deux hypothèses méritent une attention particulière : la vente de la
chose qui périt au moment de la conclusion du contrat et la vente de la chose future.

a) La vente de la chose périe


La perte de la chose peut se produire à différents moments :
– après la conclusion du contrat de vente. Il peut arriver en effet que la chose périsse entre le
jour où la vente est formée et celui où le vendeur doit livrer la chose à l’acheteur. La validité du
contrat n’est pas affectée par cet événement car la chose existait bien lors de sa conclusion. La
question de la charge des risques se pose alors. Cette problématique relève des effets du
contrat et sera traitée dans le cadre des développements consacrés à la théorie des risques ;
– au moment de la formation de la vente : cette hypothèse est expressément visée à
l’article 1601 du Code civil qui distingue deux cas de figure, selon que la perte de la chose est
totale ou partielle :
• en cas de perte totale de la chose, la vente est nulle,
• en cas de perte partielle de la chose, l’acheteur a une option : soit la nullité du contrat soit la
réduction du prix.

b) La vente de la chose future


La vente peut porter sur une chose qui n’existe pas au moment de la formation du contrat mais
qui existera dans le futur.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
54 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

La règle trouve une application particulière dans le cadre de la vente d’immeuble à construire
réglementée par les articles 1601-1 et suivants du Code civil. Cette vente se définit, aux termes
de l’article 1601-1, comme celle « par laquelle le vendeur s’oblige à édifier un immeuble dans un
délai déterminé par le contrat ».
Ce contrat est susceptible de deux modalités :
– la vente à terme qui est régie par l’article 1601-2 du Code civil. Dans ce contrat, le vendeur
s’engage à livrer l’immeuble à son achèvement, tandis que l’acheteur s’engage à en prendre
livraison et à en payer le prix à la date de la livraison. Le transfert de propriété qui a lieu au
moment de la constatation par acte authentique de l’achèvement de l’immeuble produit ses
effets rétroactivement au jour de la vente ;
– la vente en l’état futur d’achèvement qui est la plus fréquente en pratique. Dans ce
contrat, le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol et la propriété
des constructions existantes. Les constructions à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au
fur et à mesure de leur exécution, celui-ci étant tenu d’en payer le prix au fur et à mesure de
l’avancement des travaux.

■ Une chose appartenant au vendeur


La vente doit porter sur une chose dont le vendeur est propriétaire. La vente de la chose d’autrui
est envisagée à l’article 1599 du Code civil qui prévoit deux sortes de sanctions : la nullité du
contrat et l’octroi de dommages-intérêts.

a) La nullité de la vente de la chose d’autrui


La vente de la chose d’autrui est sanctionnée par la nullité du contrat. Il s’agit d’une nullité relative
que seul l’acquéreur peut invoquer, soit par voie d’action en demandant la nullité du contrat et la
restitution du prix, soit par voie d’exception lorsqu’il est le défendeur à une action en paiement du
prix de vente exercée par le vendeur.
Mais l’acheteur peut préférer conserver la chose et ne pas demander la nullité du contrat, notam-
ment lorsqu’il sait qu’il est à l’abri d’une action en revendication exercée par le vendeur à son
encontre. C’est le cas lorsque l’acheteur est protégé par les mécanismes de la possession (C. civ.,
art. 2276 en matière mobilière). C’est le cas aussi lorsque le vendeur est le propriétaire apparent
de la chose vendue, la vente ayant été jugée valable dès lors que l’acheteur est de bonne foi et
que l’erreur aurait pu être commise par toute autre personne normalement diligente.
En revanche, le vendeur ne peut invoquer la nullité du contrat. L’obligation de la garantie d’évic-
tion à laquelle il est tenu lui interdit de contester la vente auprès de l’acheteur.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 3 – La formation de la vente 55

Le véritable propriétaire de la chose vendue n’est pas non plus recevable à demander la nullité du
contrat qui a été conclu au mépris de ses droits. Il peut seulement exercer une action en revendi-
cation si les conditions sont réunies.
Parfois, la demande en nullité de la vente émanant de l’acquéreur ne pourra pas aboutir. C’est le
cas lorsque l’action en nullité, qui est enfermée dans un délai de cinq ans, est prescrite. C’est le
cas aussi lorsque le vendeur a acquis la propriété de la chose après la vente, avant la demande
en nullité. Il a été jugé en effet que la nullité est couverte lorsque, avant toute action en nullité,
l’acquisition par le vendeur de la propriété de la chose vendue a fait disparaître le risque d’éviction
de l’acquéreur. La consolidation de la vente, avant la demande en nullité, fait ainsi échec à cette
action.

b) L’octroi de dommages-intérêts
À côté de la nullité, une autre sanction est envisagée à l’article 1599 du Code civil. Le texte ajoute
que la vente de la chose d’autrui « peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l’acheteur a
ignoré que la chose fût à autrui ». Une distinction s’impose donc selon que l’acheteur a été, au
moment de la vente, de bonne ou de mauvaise foi.
Si l’acheteur a été de mauvaise foi, c’est-à-dire s’il savait que le vendeur n’était pas le propriétaire
de la chose vendue, il ne pourra prétendre à l’octroi de dommages-intérêts. Si au contraire l’ache-
teur avait connaissance de l’absence de droit de propriété du vendeur sur la chose, il pourra
obtenir des dommages-intérêts en raison du préjudice subi.

4 Le prix
Le prix est la somme d’argent que l’acheteur s’engage à payer au vendeur en contrepartie de la
chose qu’il reçoit. Il s’agit, comme la chose, d’un élément essentiel du contrat de vente sans
lequel celui-ci ne peut se former.
Le prix est un outil de qualification des contrats, permettant ainsi de distinguer la vente d’autres
contrats voisins, tels que l’échange ou l’apport en société.
Plusieurs conditions sont requises : le prix doit être déterminé ou du moins déterminable, réel et
sérieux tout en étant juste.

■ Un prix déterminé ou déterminable


L’article 1591 du Code civil dispose que : « Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par
les parties ». Si l’on s’en tient aux termes de cette disposition, deux conditions semblent s’imposer.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
56 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

Tout d’abord, la détermination du prix doit résulter d’un accord de volontés des parties.
L’article 1592 du Code civil reconnaît toutefois la validité de la vente dont le prix est fixé par un
tiers. Il apparaît donc, à la lecture combinée de ces textes, que le prix doit être déterminé par les
parties ou exceptionnellement par un tiers.
D’autre part, le prix de vente doit être déterminé lors de la formation du contrat, même si cette
condition doit nécessairement être assouplie lorsque la fixation du prix, au moment de l’échange
des consentements, est impossible. Dans ce cas, le prix doit au moins être déterminable lors de la
conclusion du contrat.

a) Un prix déterminé par les parties ou par un tiers


Si la fixation du prix est en principe décidée par les parties, celles-ci peuvent toutefois désigner un
tiers qui se chargera de le déterminer à leur place. Cette détermination du prix par un tiers est
toutefois encadrée et soumise à certaines conditions.
Du rapprochement des articles 1591 et 1592 du Code civil, il en ressort que le prix ne peut être
fixé ni par le juge, ni par l’une des parties au contrat, sauf rares exceptions.
1) Les conditions de la détermination du prix par un tiers
L’article 1592 du Code civil dispose que : « [le prix] peut cependant être laissé à l’estimation d’un
tiers ».
Ce tiers n’est ni un arbitre, dans la mesure où il n’intervient pas pour trancher un litige, ni un
expert dont l’office est simplement de donner des avis consultatifs au juge. Le tiers est en réalité
un mandataire commun du vendeur et de l’acheteur chargé d’une mission : fixer définitivement
le prix de la chose après son évaluation.
Ce sont les parties qui, dans le contrat, conviennent ensemble des modalités de désignation du
tiers. Soit elles décident de le désigner elles-mêmes soit elles choisissent une autre modalité,
comme le recours à un juge qui sera chargé de procéder à sa désignation.
Le tiers doit accomplir sa mission en toute indépendance et impartialité. Il ne saurait donc être uni
aux parties ou à l’une d’entre elles par un quelconque lien de dépendance.
Le tiers doit se conformer aux stipulations contractuelles lorsque celles-ci prévoient les méthodes
d’évaluation de la chose, par exemple la prise en compte du chiffre d’affaires sur les trois derniers
exercices.
Le prix que le tiers a fixé à l’issue des opérations d’expertise s’impose aux parties qui ne peuvent le
contester, sauf erreur grossière de sa part (Cass. com., 4 févr. 2004, nº 01-13516).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 3 – La formation de la vente 57

2) La non-immixtion du juge dans la détermination du prix


Le contrat est l’affaire des parties qui conviennent librement de leurs obligations respectives. Le
juge ne peut s’immiscer dans les termes du contrat, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer le
prix. Ainsi, il ne peut s’arroger le pouvoir de fixer le prix, de le majorer ou de le diminuer. Il ne
peut également se substituer aux parties pour fixer les modalités de détermination du prix.
3) La détermination exceptionnelle du prix par l’une des parties au contrat
L’article 1591 du Code civil semble exclure toute possibilité de détermination unilatérale du prix,
celui-ci ne devant résulter que de la rencontre des volontés de l’acheteur et du vendeur. La déter-
mination du prix n’est donc pas laissée à la discrétion d’une seule partie au contrat.
Toutefois, une exception est prévue à l’article 1164 du Code civil du Code civil, lequel dispose, à
l’alinéa premier, que : « dans les contrats-cadres, il peut être convenu que le prix sera fixé unilaté-
ralement par l’une des parties, à charge pour elle d’en motiver le montant en cas de contesta-
tion ». L’alinéa 2 poursuit, en énonçant que : « en cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut
être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages-intérêts et le cas échéant la résolution
du contrat ». Au regard du texte, la détermination unilatérale du prix semble se limiter aux ventes
conclues en application d’un contrat-cadre.
Cette disposition, introduite par la réforme du droit des contrats, est venue consacrer les arrêts de
l’assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 1er décembre 1995 qui ont mis fin au long
feuilleton judiciaire portant sur la question de la détermination du prix dans les contrats-cadres de
distribution.
Les contrats-cadres sont des accords par lesquels les parties conviennent des caractéristiques géné-
rales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats d’application sont conclus a posteriori.
Or, très souvent, les contrats-cadres de distribution contiennent une « clause de prix catalogue »
ou « clause tarif fournisseur » qui prévoit que les prix des contrats d’application seront déterminés
en fonction des tarifs pratiqués au jour de la livraison. Dès lors, les juges ont dû résoudre les diffi-
cultés relatives à l’indétermination du prix au moment de la conclusion du contrat-cadre et au
pouvoir qui est laissé au fournisseur de fixer unilatéralement le prix au moment de la conclusion
du contrat d’application.
La Cour de cassation, depuis les arrêts de l’assemblée plénière de 1995, admet la validité des
contrats-cadres dans lesquels figure une telle clause. Elle a ainsi jugé dans ces arrêts que « lors-
qu’une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l’indétermination du prix de ces
contrats dans la convention initiale n’affecte pas, sauf dispositions légales particulières, la validité
de celle-ci, l’abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu’à résiliation ou indemnisation ». Il
résulte donc de cette jurisprudence que la détermination unilatérale du prix par le fournisseur ne
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
58 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

s’analyse plus en une fixation arbitraire du prix, ce que traduit désormais l’article 1164 du Code
civil qui soustrait la vente conclue en application d’un contrat-cadre aux exigences de
l’article 1591.
Le législateur a posé la même règle à l’article 1165 du Code civil pour les contrats de prestations
de services. Il s’agit, là aussi, d’une consécration de la jurisprudence selon laquelle, dans les
contrats d’entreprise, la détermination du prix n’est pas une condition de validité de l’acte
(Cass. 1re civ., 15 juin 1973). L’article 1165 autorise ainsi la fixation unilatérale du prix par le
créancier dans l’hypothèse où les parties ne se seraient pas entendues avant l’exécution de la
prestation.

b) Un prix déterminé ou déterminable lors de la formation du contrat


Une lecture littérale de l’article 1591 du Code civil semble imposer que le montant du prix soit
déterminé par les parties dès la conclusion du contrat et indiqué dans l’acte. Cette solution est
fréquente et sa mise en œuvre ne suscite guère de difficultés.
Toutefois, pour certains contrats, le prix ne peut être déterminé au jour de la vente. Les raisons
sont nombreuses : difficultés pour déterminer la quantité exacte qui sera vendue, contrat de
vente à exécution successive dont les modalités d’exécution sont dépendantes des fluctuations
économiques, difficultés pour le vendeur de déterminer le coût exact de la fabrication de la
marchandise...
Saisie très tôt de cette problématique, la jurisprudence a affirmé que, contrairement à ce que
laisse penser la lettre du texte, l’article 1591 du Code civil n’impose pas que l’acte de vente porte
en lui-même indication du prix, mais seulement que ce prix soit déterminable. La jurisprudence a
ainsi tenu compte du fait que, dans certains contrats, le prix est difficilement chiffrable au
moment de la conclusion du contrat et qu’il ne pourra l’être qu’au cours de son exécution.
Toutefois, la jurisprudence a pris le soin de préciser que le prix est déterminable lorsqu’il pourra
être ultérieurement fixé à partir d’éléments posés par les parties dans le contrat de vente. En
d’autres termes, la détermination du prix, dont les modalités doivent avoir été contractuellement
prévues dans le contrat, ne doit pas nécessiter d’accords ultérieurs des parties. La détermination
du prix ne doit donc se faire que par référence aux seules clauses du contrat (Cass. req.,
7 janv. 1925). Par exemple, les parties peuvent stipuler que le prix sera fixé par un tiers chargé
d’évaluer la chose et de déterminer son prix. Elles peuvent aussi insérer une clause d’indexation
qui permet la variation automatique du prix en fonction d’un indice de référence choisi et d’une
périodicité convenue ou encore une clause d’earn-out qui permet notamment au vendeur d’un
fonds de commerce ou de parts sociales de demander un complément de prix déterminé en
fonction des performances futures de la société.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 3 – La formation de la vente 59

■ Un prix réel et sérieux


Le prix convenu entre les parties doit être réel. Le prix ne peut donc être fictif ou simulé.
Le prix doit aussi être sérieux, ce qui exclut en principe le prix qui serait dérisoire ou vil.

a) Un prix non fictif ou simulé


La vente est gouvernée par le principe de la libre détermination du prix. Les parties sont libres de
fixer le montant du prix qui résulte de la rencontre de leurs volontés.
Toutefois, le prix doit être réel, donc non fictif. Un prix fictif (parfois dénommé prix simulé ou
apparent) est celui dont les parties conviennent, dès la formation du contrat, qu’il ne sera jamais
payé au vendeur en contrepartie du transfert de propriété.
Il arrive souvent que les parties concluent parallèlement deux actes : un acte auquel elles donnent
l’apparence d’une vente, appelé l’acte apparent ou l’acte ostensible, et un acte secret, appelé une
contre-lettre, qui contient les véritables intentions des parties.
Dans la contre-lettre, les parties peuvent stipuler que le prix ne sera jamais versé. Dans ce cas,
derrière la vente se cache en réalité une donation déguisée. Dès lors qu’elle satisfait à ses condi-
tions de fond, notamment celle consistant à démontrer l’intention libérale, la donation déguisée
est valable et peut produire ses effets.
L’acte ostensible peut également stipuler un prix inférieur à celui mentionné dans la contre-lettre
qui sera le prix réellement payé par l’acheteur. Il s’agit alors d’une situation de prix dissimulé orga-
nisée généralement pour éluder une fiscalité peu avantageuse. L’opération est toutefois stricte-
ment sanctionnée par l’article 1840 du Code général des impôts qui annule toute contre-lettre
visant à dissimuler une partie du prix de ventes d’immeubles, de fonds de commerce, d’offices
ministériels, de clientèle ou de droit au bail. La règle est également prévue à l’article 1202 du
Code civil.

b) Un prix non dérisoire ou vil


L’obligation du vendeur est dépourvue de contrepartie réelle si le prix est dérisoire ou vil. L’exi-
gence d’un prix sérieux repose donc sur la notion de cause objective. L’engagement du vendeur
est en effet dénué de cause si le prix est inexistant ou dérisoire.
La réforme du droit des contrats, même si elle a supprimé la notion de cause, consacre la solution
à l’article 1169 du Code civil qui prévoit que : « un contrat à titre onéreux est nul, lorsqu’au
moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou
dérisoire ».
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
60 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

Toutefois, le prix peut être symbolique sans qu’il soit pour autant analysé en un prix dérisoire. Une
vente à un euro est parfois valable lorsque la chose vendue est sans valeur ou lorsque pèsent sur
l’acheteur d’autres contreparties, comme la reprise des dettes du vendeur, ce qui est souvent le
cas dans le cadre des cessions de droits sociaux, l’acheteur prenant à sa charge une partie du
passif de la société.

■ La sanction d’un prix indéterminé, fictif ou dérisoire


La vente est frappée de nullité lorsque le prix est indéterminé, fictif ou dérisoire.
La question qui s’est longtemps posée était de savoir si la nullité était relative ou absolue. La
réponse à cette question présentait plusieurs intérêts, notamment de déterminer les personnes
qui pouvaient agir aux fins d’annulation du contrat et le délai de prescription applicable (la ques-
tion du délai de prescription ne se pose toutefois plus depuis la loi nº 2008-561 du 17 juin 2008
portant réforme de la prescription en matière civile). Les chambres civiles et la chambre commer-
ciale de la Cour de cassation étaient divisées sur la question : les premières penchaient en faveur
de la nullité relative, parce qu’un intérêt privé, celui du vendeur, était exclusivement en cause,
tandis que la seconde considérait que la nullité était absolue en raison du défaut d’un élément
essentiel du contrat.
Le débat entre les chambres est désormais clos, depuis un arrêt du 22 mars 2016 dans lequel la
chambre commerciale s’est finalement alignée sur la position des chambres civiles. Elle a ainsi
jugé que l’action en nullité d’une vente consentie à vil prix relève du régime de la nullité relative,
en ce qu’elle a pour but de protéger l’intérêt privé des vendeurs (Cass. com., 22 mars 2016, nº 14-
14218).
En revanche, comme indiqué précédemment, la jurisprudence considère que lorsque le prix est
fictif ou dérisoire, l’acte n’est pas nul dès lors qu’est démontrée l’intention libérale du vendeur. Il
s’agit dans ce cas d’une donation déguisée ou indirecte qui produira ses effets.

■ Un prix juste
La question de la justice du prix se pose en cas de lésion.
La lésion se définit comme le déséquilibre entre les prestations réciproques des parties au moment
de la conclusion du contrat. Par exemple, il existe un déséquilibre lorsque le vendeur vend à
l’acheteur un bien d’une valeur de 10 000 euros pour un prix de 2 000 euros, donc pour un prix
nettement inférieur à la valeur du bien.
En principe, la lésion n’est pas sanctionnée en droit français. Le principe de la liberté contractuelle
autorise les parties à convenir du prix, même si ce dernier ne s’avère pas en adéquation avec la
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 3 – La formation de la vente 61

valeur réelle de la chose. C’est ce qu’il faut comprendre de l’article 1168 du Code civil qui dispose
que « dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une
cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement ».
Toutefois, une dérogation est expressément prévue en matière de vente immobilière. Celle-ci est
prévue à l’article 1674 du Code civil aux termes duquel « si le vendeur a été lésé de plus de sept
douzièmes dans le prix d’un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente, quand
même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision et
qu’il aurait déclaré donner la plus-value ».
Seront étudiées successivement les conditions d’application de l’article 1674 et la sanction de la
lésion.

a) Les conditions d’application de l’article 1674 du Code civil


L’action du vendeur exercée en application de l’article 1674 du Code civil est admise si les trois
conditions suivantes sont réunies :
– il doit s’agir d’une vente d’immeuble. Toutefois, la rescision pour lésion ne concerne pas toutes
les ventes immobilières. Les ventes aléatoires, comme la vente en viager, et les ventes judiciaires,
comme la vente aux enchères, sont exclues du champ d’application de l’article 1674 du Code
civil ;
– il doit s’agir d’une lésion de plus des 7/12e de la valeur de l’immeuble estimée au moment de la
formation de la vente ;
– l’action du vendeur est enfermée dans un délai légal assez bref afin d’assurer la sécurité juri-
dique de la vente. L’article 1676, alinéa 1 du Code civil prévoit en ce sens que « la demande
n’est plus recevable après l’expiration de deux années, à compter du jour de la vente ». Il s’agit
d’un délai préfix qui n’est pas susceptible d’interruption ou de suspension. En cas de promesse
unilatérale de vente, le délai court à compter de la levée d’option. En cas de promesse synallag-
matique, le délai court au jour où la promesse vaut vente.

b) La sanction de la lésion
Dans le cas où l’action du vendeur est admise, l’article 1681 du Code civil prévoit deux sanctions
alternatives :
– la rescision du contrat qui est une forme de nullité. Les parties seront replacées en l’état anté-
rieur, ce qui signifie que l’acheteur devra restituer l’immeuble au vendeur, lequel devra restituer
le prix à l’acheteur ;
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
62 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

– l’acheteur peut éviter l’annulation du contrat en choisissant de payer le supplément du prix,


sous déduction de 1/10e de la valeur du bien.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
Chapitre
Les effets de la vente 4

L’effet principal du contrat de vente est le transfert de la propriété et des risques.


Le contrat de vente produit d’autres effets qui découlent de son caractère synallagmatique : il impose des
obligations tant au vendeur qu’à l’acheteur.

1 Le transfert de la propriété et des risques


Le contrat de vente produit deux effets translatifs : le transfert de propriété et le transfert des
risques, le second étant la conséquence normale du premier.

■ Le transfert de propriété
Le transfert de propriété développe des effets tant entre les parties qu’à l’égard des tiers.
Entre les parties, se pose la question du moment du transfert de propriété. À l’égard des tiers, se
pose la question de l’opposabilité du transfert de propriété.
a) Le moment du transfert de propriété
Par principe, le transfert de propriété a lieu au jour de la formation de la vente, au moment où
s’échangent les consentements.
Par exception, le transfert de propriété se produit de manière différée, après l’échange des
consentements.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88874706:196.200.176.177:159
64 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

1) Le transfert de propriété au jour de l’échange des consentements


Le transfert de propriété se produit dès lors que les volontés de l’acheteur et du vendeur se sont
rencontrées sur les éléments essentiels de la vente, à savoir le prix et la chose.
Cet effet translatif s’opère donc immédiatement, avant même que les parties n’exécutent leurs
obligations réciproques.
Le Code civil consacre ce transfert automatique de la propriété. D’abord, à l’article 1196, alinéa 1
qui dispose que « dans les contrats ayant pour objet l’aliénation de la propriété ou la cession d’un
autre droit, le transfert s’opère lors de la conclusion du contrat ». Puis, à l’article 1583 qui prévoit
la même règle spécifiquement pour la vente : « [...] la propriété est acquise de droit à l’acheteur à
l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix ».
2) Le transfert de propriété après l’échange des consentements
Le transfert de propriété peut avoir lieu postérieurement à l’échange des consentements. Il est
donc retardé par rapport à la date de conclusion du contrat.
L’article 1196, alinéa 2 prévoit à cet égard que « ce transfert peut être différé par la volonté des
parties, la nature des choses ou par l’effet de la loi ».

• LE TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ DIFFÉRÉ PAR LA VOLONTÉ DES PARTIES


Les parties peuvent décider conventionnellement de retarder le transfert de propriété. Trois méca-
nismes leur permettent de moduler à leur guise ce transfert :
– la condition suspensive qui suspend l’exécution du contrat à la survenance d’un événement
futur et incertain (C. civ., art. 1304, al. 2). Le contrat ne prendra effet que lorsque l’événement
se réalisera. Par exemple, dans la vente, la condition suspensive peut être l’obtention d’un prêt
ou l’obtention d’un certificat d’urbanisme. La vente est formée par la rencontre des volontés
mais le transfert de propriété est suspendu dans l’attente de la réalisation de la condition. Mais
dès lors que celle-ci se réalise, le transfert de propriété s’opère de façon rétroactive si les parties
l’ont décidé ainsi ; dans ce cas, il est réputé avoir eu lieu dès la conclusion du contrat (C. civ.,
art. 1304-6, al. 2) ;
– le terme suspensif qui est une modalité liée à un événement futur et incertain qui, jusqu’à sa
réalisation, suspend l’exigibilité de l’obligation (C. civ., art. 1305). Ainsi les ventes immobilières
sont généralement assorties d’une clause qui retarde le transfert de propriété au jour de la réité-
ration de la promesse par acte authentique. Donc, même si la promesse vaut vente, le transfert
de propriété s’opère de manière différée au jour où l’acte authentique est signé ;
– la clause de réserve de propriété qui subordonne le transfert de propriété au paiement inté-
gral du prix de vente par l’acheteur. Tant que le prix n’est pas payé dans sa totalité, le vendeur
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 6 – Le transfert de la chose 63

Le sort de la vente est alors étroitement dépendant de la cause de la disparition de la chose :


– lorsque celle-ci se produit « sans la faute du débiteur » et en raison d’un « cas fortuit » que le
vendeur doit établir, l’obligation de délivrance est alors éteinte et l’acquéreur a droit à la restitu-
tion du prix (art. 1302, C. civ.). Tel est le cas lorsque le bien a déjà été livré à l’acquéreur, qui en
assurait donc la garde – sans préjudice d’un recours du vendeur contre ce dernier ;
– lorsque la disparition de la chose est causée par la faute du vendeur, il convient alors d’apprécier
les conséquences au regard de l’inexécution de l’obligation de délivrance (v. infra).
b) L’obligation du détenteur
Celui qui détient la chose sans en être propriétaire est tenu d’une obligation de conservation.
Celle-ci est expressément prévue pour le vendeur : « l’obligation de donner emporte celle de livrer
la chose et de la conserver jusqu’à la livraison, à peine de dommages et intérêts envers le créan-
cier » (art. 1136, C. civ. ; projet d’art. 1198, C. civ.). Elle est également prévue pour le transporteur
en fonction du contrat passé avec l’une ou l’autre des parties ; l’article L. 132-7 du Code de
commerce envisage ainsi le recours éventuel du propriétaire, vendeur ou acquéreur, « contre le
commissionnaire et le voiturier chargé du transport ». L’obligation de conservation de la chose
pèse également sur l’acquéreur non propriétaire (Com., 19 oct. 1982, nº 81-10.220, Bull. civ. IV,
321).
À l’instar de l’obligation principale du dépositaire, l’obligation de conservation est une obligation
de moyen renforcée à la charge du débiteur, quelle que soit sa qualité. Le détenteur n’est pas
responsable de plein droit de la disparition de la chose, mais si cette disparition est avérée, c’est
à lui qu’il incombe de démontrer qu’il n’a commis aucune faute et qu’il « a apporté à la conserva-
tion de la chose tous les soins d’un bon père de famille » (Com., 26 mai 2010, nº 09-66.344,
Bull. civ. IV, 101). La solution est posée à l’article 1302 du Code civil pour le vendeur ; elle fut
étendue, sur le fondement de l’article 1137 du Code civil, à l’acquéreur qui s’exonère de toute
responsabilité en démontrant que le dommage n’est pas imputable à sa faute (Civ. 1re, 22 janv.
1991, nº 89-11.357, Bull. civ. I, 28).

■ Les exceptions au principe


Le principe connaît des exceptions légales (a) et conventionnelles (b).

a) Les exceptions légales


Une première exception est prévue au second alinéa de l’article 1138 du Code civil qui affecte,
dans les conditions posées à l’article 1139, le vendeur mis en demeure par l’acquéreur déjà
propriétaire. Le vendeur est tenu, y compris des conséquences d’un cas fortuit, sauf à lui de
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
64 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

démontrer, en présence d’un tel cas, que « la chose fût également périe chez le créancier si elle lui
eût été livrée » (art. 1302, al. 2, C. civ.).
Une seconde exception a trait aux ventes affectées d’une condition suspensive. Dérogeant à la
rétroactivité attachée à la réalisation de la condition et s’appliquant au transfert de propriété
(art. 1179, C. civ.), l’article 1182 prévoit, pendente conditionne, que « la chose demeure aux
risques du débiteur ». Cet article aménage les conséquences de la disparition ou de la détériora-
tion de la chose :
– en cas de disparition de la chose hors la faute du vendeur, l’obligation de délivrance est éteinte
et l’acquéreur peut prétendre au remboursement des sommes payées ;
– en cas de détérioration hors la faute du vendeur, l’acquéreur dispose d’une option :
• soit décider de la résolution et obtenir le remboursement des sommes payées,
• soit « exiger la chose dans l’état dans lequel elle se trouve sans diminution du prix » ;
– en cas de détérioration du fait du vendeur, l’acquéreur « a le droit ou de résoudre l’obligation,
ou d’exiger la chose dans l’état dans lequel elle se trouve, avec des dommages et intérêts ».
La vente en l’état futur d’achèvement (art. 1601-3, C. civ.) est le siège d’une troisième excep-
tion : les risques de non-achèvement de l’immeuble pèsent sur le vendeur (Civ. 3e, 11 oct. 2000,
nº 98-21.826, Bull. civ. III, 163) alors même que, par la vente, l’acquéreur est devenu propriétaire
du sol et des constructions existantes.
b) Les exceptions conventionnelles
Les dispositions de l’article 1138 du Code civil ne sont d’ordre public ni en ce qui concerne le
transfert de propriété ni en ce qui concerne le transfert des risques. Les articles L. 132-7 du Code
de commerce et 1302 du Code civil le laissent incidemment entendre. En présence d’une clause
de réserve de propriété, les parties peuvent stipuler que l’acquéreur sera tenu des risques dès son
entrée en jouissance de la chose (CA Toulouse, 28 nov. 2001, nº 2000/03535).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
Les obligations Chapitre
7
de l’acheteur

L’acheteur est tenu de payer le prix de la chose et de prendre possession de celle-ci.

1 L’obligation de payer le prix


« La principale obligation de l’acheteur est de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente »
(art. 1650, C. civ.). L’obligation de payer le prix ne soulève d’autres difficultés que celles touchant à
sa portée, ses modalités, sa preuve et sa sanction.

■ La portée de l’obligation
L’acheteur est tenu du prix ; il est tenu aussi, sauf stipulation contraire, du paiement « des frais et
autres accessoires à la vente » (art. 1593, C. civ.). L’expression désigne, outre les prélèvements
obligatoires (TVA notamment), les rémunérations dues à certains intermédiaires ou à ceux qui
auraient contribué à la formation de l’acte (agent immobilier, notaire...). Dans ce prolongement,
mais sur un autre fondement – l’obligation de retirement (v. infra) –, l’acheteur est en principe
tenu du coût du transport de la chose.
Il ne faut pas exclure non plus que l’acheteur soit tenu à quelques intérêts assis sur le prix de la
chose soit parce que les parties en ont convenu ainsi ; soit parce que la chose vendue puis livrée
produit des fruits ou d’autres revenus ; soit parce que l’acheteur a été sommé de payer
(art. 1652, C. civ.).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
66 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

■ Les modalités du paiement


Si le paiement a lieu en principe en même temps que la délivrance de la chose, les parties sont
libres de décider qu’il sera anticipé ou retardé. Ainsi, et à moins que les parties en conviennent
différemment :
– le paiement est réalisé au lieu de la délivrance en cas de paiement anticipé (art. 1651, C. civ.) ;
– dans les autres cas, il est réalisé au domicile de l’acheteur (art. 1247, C. civ.).

a) Le paiement à l’époque de la délivrance


L’article 1651 du Code civil pose une règle subsidiaire : « s’il n’a rien été réglé à cet égard lors de
la vente, l’acheteur doit payer au lieu et dans le temps où doit se faire la délivrance ». Il faut en
déduire tout d’abord que, sauf stipulation contraire, l’acheteur peut refuser de payer aussi long-
temps que le bien n’a pas été délivré, et ensuite que le paiement peut être suspendu si un
trouble de droit (soit une action hypothécaire, soit une action en revendication) menace l’ache-
teur, à moins que le vendeur fasse cesser le trouble ou fournisse une caution à l’acheteur
(art. 1653, C. civ.).

b) Le paiement anticipé
Il n’est pas rare que les parties s’écartent de la simultanéité de la délivrance et du paiement. La
pratique est licite, y compris en droit de la consommation, quoique celui-ci s’attache à préciser la
nature juridique des sommes payées avant la délivrance.
« Sauf stipulation contraire, pour tout contrat de vente ou de prestation de services conclu entre
un professionnel et un consommateur, les sommes versées d’avance sont des arrhes » (art.
L. 131-1, C. consom.). Les arrhes sont définies à l’article 1590 du Code civil ; ils révèlent la volonté
des parties de se ménager réciproquement une faculté de dédit. En cela, ils se distinguent des
acomptes, qui constituent un paiement partiel et anticipé du prix. Lorsque des arrhes ont été
convenues « chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en
perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double » (art. L. 131-1, C. consom.).
En matière de consommation toujours, la loi sanctionne le « crédit » artificiel que s’octroierait le
professionnel qui, après avoir reçu de son client une somme, tarderait à délivrer la chose :
« Lorsque le contrat de vente porte sur un bien mobilier, toute somme versée d’avance sur le
prix, quels que soient la nature de ce versement et le nom qui est donné dans l’acte, est produc-
tive, au taux légal en matière civile, d’intérêts qui commencent à courir à l’expiration d’un délai de
trois mois à compter du versement jusqu’à la réalisation de la vente, sans préjudice de l’obligation
de livrer, qui reste entière » (art. L. 131-1, C. consom.).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 7 – Les obligations de l’acheteur 67

c) Le paiement retardé
Il n’est pas rare, dans les relations commerciales, que l’acheteur exige de son fournisseur qu’il lui
consente quelques délais de paiement. Le déséquilibre économique entre les parties contraint
fréquemment le fournisseur à céder à de telles exigences.
L’État s’est saisi de la difficulté soulevée par le crédit-fournisseur et a fixé un délai maximal de
paiement dans les relations commerciales : « Le délai convenu entre les parties pour régler les
sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la
date d’émission de la facture » (art. L. 441-6, C. com.).

d) La preuve du paiement
Le paiement est un fait juridique qui se prouve par tout moyen. Les juges ont tendance à déduire
de la délivrance une présomption de paiement, quoique la preuve contraire puisse être apportée.
Les parties se ménageront utilement un écrit.

e) La sanction
Une option est ouverte au vendeur ; il peut soit obtenir l’exécution forcée de la vente, soit, au
contraire, obtenir l’annulation de la vente – même si cette solution lui est a priori moins favo-
rable (art. 1654, C. civ. ; en matière d’immeuble : art. 1655 et s., C. civ.).
Afin d’« encourager » l’exécution de l’obligation ou de préserver les intérêts du vendeur, plusieurs
institutions coexistent.
En premier lieu, à moins qu’un délai de paiement ait été convenu, l’article 1612 du Code civil
reconnaît au vendeur un droit de rétention de la chose vendue : « le vendeur n’est pas tenu de
délivrer la chose, si l’acheteur n’en paye pas le prix ».
En second lieu, par la clause de réserve de propriété (v. supra), le vendeur conserve la propriété
de la chose jusqu’au complet paiement du prix, alors même que la chose aurait déjà été délivrée.
Enfin, l’article 2332 du Code civil reconnaît au vendeur un privilège spécial mobilier et un privi-
lège spécial immobilier.

2 L’obligation de retirer la chose


Si le vendeur est tenu de délivrer la chose, l’acheteur est tenu d’en prendre possession à l’occasion
de cette délivrance. Il en résulte ainsi que l’obligation de retirement s’exécute au lieu et au temps
de la délivrance et que le transport de la chose, du lieu où se tient la délivrance au lieu où l’ache-
teur souhaite la voir, est à la charge de l’acheteur.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
68 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

Quant à la sanction de l’obligation de retirement, elle peut prendre la forme soit d’une exécution
forcée, soit d’une résolution de la vente ; ainsi, en matière mobilière, « la résolution de la vente
aura lieu de plein droit et sans sommation, au profit du vendeur, après l’expiration du terme
convenu pour le retirement » (art. 1657, C. civ.).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
Chapitre
L’obligation de délivrance 8

La première obligation du vendeur (art. 1603, C. civ.) est la délivrance de la chose, entendue comme « le
transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur » (art. 1604, C. civ.). De cette obliga-
tion, il faut successivement préciser l’objet, l’exécution et la sanction.

1 L’objet de l’obligation
L’obligation de délivrer la chose implique l’obligation d’en délivrer les accessoires (art. 1615,
C. civ.).

■ La délivrance de la chose
Aux termes de l’article 1604 du Code civil, c’est bien « la » chose vendue qui doit être délivrée à
l’acheteur. Elle doit être conforme aux stipulations contractuelles. La question s’est en outre
posée, par le passé, de savoir si ce bien devait également être conforme à l’usage auquel l’ache-
teur le destinait. Il est aujourd’hui admis que la délivrance implique la conformité matérielle du
bien (a), et non sa conformité fonctionnelle (b).
Le droit de consommation comprend des dispositions spéciales relatives à la garantie de confor-
mité qui seront abordées plus loin (v. infra).
a) La conformité matérielle
La chose délivrée doit correspondre, en qualité (1) et en quantité (2), aux stipulations des parties.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
70 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

1) La qualité
Lorsque la vente a pour objet un corps certain, seul le transport de celui-ci libère le vendeur de
son obligation de délivrance. Ainsi, lorsque l’exemplaire numéroté « 1 » d’une édition d’un livre a
été commandé, le vendeur ne saurait s’exécuter en délivrant l’exemplaire numéroté « 28 »
(Civ. 1re, 26 nov. 1980, nº 79-14.547, Bull. civ. I, 310).
Lorsque la vente a pour objet une chose de genre, celle-ci doit posséder les qualités prévues au
contrat, à défaut de quoi l’obligation n’est pas exécutée – qu’il s’agisse d’une vache vendue
« pleine » sans être délivrée ainsi (Civ. 1re, 21 févr. 1979, Bull. civ. I, 73) ou d’une voiture dont la
couleur ne serait pas celle prévue (Civ. 1re, 1er déc. 1987, nº 85-12.565, Bull. civ. I, 325).
Dans le silence des parties, la loi prévoit dans ce cas que la qualité doit être moyenne (art. 1246,
C. civ.), c’est-à-dire « loyale et marchande », ce qui s’entend d’une qualité « conforme aux attentes
légitimes des parties en considération de [la nature de la prestation], des usages et du montant de
la contrepartie » (projet d’art. 1166, C. civ.). La qualité s’apprécie au jour de la vente (art. 1614,
C. civ.), ce qui ne dispense pas le vendeur qui ne procéderait pas immédiatement à la délivrance
de s’assurer de la conservation de la chose (art. 1136, C. civ. ; v. supra).
2) La quantité
Le vendeur est tenu de délivrer la quantité stipulée (art. 1616, C. civ.).
Le Code civil ne décline pas cette exigence aux biens meubles : le cas échéant, il convient donc
de se reporter au Code de la consommation qui, notamment, réprime la tromperie sur la
marchandise en cas de violation des dispositions réglementaires afférentes aux poids et mesures
des biens vendus (art. L. 213-1, C. consom.).
Plus fines sont les dispositions du Code civil en matière d’immeubles, invitant à distinguer selon
l’expression donnée à la vente :
– lorsque la vente désigne seulement le bien (tel immeuble) et le prix (tant d’euros), le défaut de
contenance ne donne lieu ni à diminution du prix, si le métrage est inférieur à celui prévu dans
l’acte, ni à augmentation du prix dans le cas inverse (art. 1619, C. civ.). Il en va différemment à
l’occasion de la vente d’un lot de copropriété (art. 1er, L. nº 96-1107, 18 déc. 1996, dite « loi
Carrez ») : lorsque la superficie réelle est inférieure de plus d’un vingtième à celle visée dans
l’acte de vente, le prix de vente est réduit à due proportion ; dans le cas contraire, aucune majo-
ration du prix ne peut intervenir ;
– lorsque la vente « a été faite avec indication de la contenance, à raison de tant la mesure » (par
ex. : vente d’un immeuble de 100 m2, à raison de 3 000/m2), le vendeur est tenu de délivrer la
contenance stipulée, à moins que la chose soit impossible ou que l’acheteur ne l’exige pas,
auquel cas le vendeur « doit souffrir une diminution proportionnelle du prix » (art. 1617,
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 8 – L’obligation de délivrance 71

C. civ.). S’il s’avère que la contenance réelle est plus grande que la contenance stipulée, l’ache-
teur « a le choix de fournir le supplément du prix, ou de se désister du contrat » (art. 1619,
C. civ.).

b) La conformité fonctionnelle
La question de savoir si la chose devait être conforme non seulement aux stipulations du contrat,
mais encore à la destination à laquelle l’acheteur la destine s’est posée un temps. L’enjeu n’était
pas tant le sort de la vente elle-même que l’unification – ou non – des obligations pesant sur le
vendeur. Étendre la portée de l’obligation de délivrance restreignait, à l’égard de l’acheteur, les
effets du « bref délai » dans lequel celui-ci devait agir au titre de la garantie des vices cachés
(anc. art. 1648, C. civ. ; v. infra), la prescription de l’action engagée à raison de l’inexécution de
l’obligation de délivrance étant soumise au délai de droit commun (art. 2224, C. civ.).
En 1991, la Première chambre civile de la Cour de cassation jugea que « l’obligation de délivrance
ne consiste pas seulement à livrer ce qui a été convenu, mais à mettre à la disposition de l’acqué-
reur une chose qui corresponde en tous points au but recherché » (Civ. 1re, 20 mars 1989,
Bull. civ. I, 140). Les autres chambres de la Cour de cassation suivirent (Ass. plén., 7 avr. 1986,
nº 84-15.189 ; Com., 22 mai 1991, nº 89-15.406, Bull. civ. IV, 176), à l’exception de la Troisième
chambre civile qui résista (Civ. 3e, 27 mars 1991, nº 88-11.140, Bull. civ. III, 107). In fine, la
Première chambre civile se ravisa : « le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination
normale constitue le vice prévu par les articles 1641 », et non un manquement à l’obligation de
délivrance (Civ. 1re, 8 déc. 1993, nº 91-19.627, Bull. civ. I, 362).
Toutes les difficultés ne sont pas levées pour autant :
– d’une part, la non-conformité matérielle n’exclut pas le vice caché affectant la chose ; à l’ache-
teur de choisir alors le fondement de son action, et de s’y tenir ;
– d’autre part, ces deux actions doivent encore être articulées avec les dispositions du Code de la
consommation et celles régissant la responsabilité du fait des produits défectueux (v. infra).

■ La délivrance des accessoires


« L’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son
usage perpétuel » (art. 1615, C. civ.).
Le terme « accessoire » s’entend de manière large. Il s’agit d’abord des biens corporels attachés à
la chose et utiles à l’usage de celle-ci, soit matériellement (par ex. la roue de secours d’une
voiture), soit juridiquement : « les documents administratifs indispensables à une utilisation
normale du véhicule en constituent l’accessoire » (Civ. 1re, 5 oct. 1994, nº 92-13.319).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
72 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

Il s’agit ensuite des droits et actions attachés à la chose, au premier rang desquels figurent les
droits réels attachés à celle-ci (servitude, hypothèque). En présence de chaînes de contrats, le
« sous-acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose [...], il dispose donc à cet
effet contre le fabricant d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la
chose livrée » (Ass. plén., 7 févr. 1986, nº 83-14.631, Bull. civ., Ass. plén., 2). Le sous-acquéreur,
outre l’action dont il dispose contre l’acquéreur intermédiaire, peut donc exercer contre le
premier vendeur (ou le fabricant) les actions dont disposait l’acquéreur intermédiaire. Celui-ci, en
retour, oppose valablement au sous-acquéreur les exceptions qu’il pouvait invoquer à l’encontre
de l’acquéreur intermédiaire : la clause limitative de responsabilité prévue par le premier vendeur
est opposable au sous-acquéreur (Civ. 1re, 7 juin 1995, nº 93-13.898, Bull. civ. I, 249).
Enfin, il ne faut pas exclure que les contrats ayant pour objet la chose vendue soient égale-
ment cédés – « transférés » – à l’occasion de la vente. L’effet relatif des conventions s’oppose à
ce que le cessionnaire soit tenu des obligations contractuelles souscrites par le cédant. Néanmoins,
la loi décide ponctuellement que la cession d’une chose emporte la cession du contrat portant sur
cette chose. L’article L. 121-10 du Code des assurances offre une illustration en matière d’assu-
rance de dommage : « en cas [...] d’aliénation de la chose assurée, l’assurance continue de plein
droit au profit de [...] l’acquéreur, à charge pour celui-ci d’exécuter toutes les obligations dont
l’assuré était tenu vis-à-vis de l’assureur en vertu du contrat » (v. également art. L. 1224-1,
C. trav.).

2 L’exécution de l’obligation
L’obligation de délivrance doit être exécutée d’une certaine manière, en un certain lieu et un
certain temps.

■ La forme de la délivrance
Le Code civil précise la forme que revêt la délivrance selon la nature de la chose :
– celle d’un bien immobilier s’accomplit par la remise des clés ou des titres de propriété (art. 1605,
C. civ.) ;
– celle d’un bien mobilier, par la remise de la chose, des clés du bâtiment qui la contient
(art. 1606, al. 1 et 2, C. civ.) ou, s’il s’agit d’un droit incorporel, « par l’usage que l’acquéreur en
fait du consentement du vendeur » (art. 1607, C. civ.).
Lorsque le bien vendu était déjà en la puissance de l’acheteur, la délivrance s’opère du seul
consentement des parties, c’est-à-dire à seule raison de la formation du contrat de vente
(art. 1606, al. 3, C. civ.).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 8 – L’obligation de délivrance 73

Pour ces raisons, les frais de la délivrance elle-même sont mis à la charge du vendeur, mais les frais
du transport de la chose vers le lieu souhaité par l’acheteur sont à la charge de ce dernier
(art. 1608, C. civ.).
Ces dispositions sont supplétives de volonté.

■ Le lieu de la délivrance
Déclinant l’article 1247 du Code civil aux termes duquel les créances sont quérables,
l’article 1609 du Code civil prévoit que « la délivrance doit se faire au lieu où était, au temps de
la vente, la chose qui en fait l’objet ».
Cette règle est supplétive de volonté, les parties pouvant convenir différemment.

■ L’époque de la délivrance
L’article 1610 du Code civil renvoie aux parties le soin de fixer l’époque de la délivrance ; à défaut
de stipulation, la Cour de cassation évoque un « délai raisonnable » (Civ. 3e, 10 avr. 1973,
nº 72-11.436, Bull. civ. III, 274).
Aux fins de protection du consommateur, les stipulations afférentes aux délais de livraison sont
encadrées dans les contrats de consommation (art. L. 111-1, 3º, C. consom.).
À rebours de cela, le Code civil prévoit deux mesures de protection du vendeur, consistant en
un droit de rétention : en cas de vente au comptant, le vendeur n’est pas tenu de délivrer la
chose tant que le prix n’a pas été payé (art. 1612, C. civ.) ; de plus, même au cas où le vendeur a
accordé des délais à l’acquéreur, il n’est pas tenu de la délivrance si « depuis la vente, l’acheteur
est tombé en faillite ou en état de déconfiture, en sorte que le vendeur se trouve en danger immi-
nent de perdre le prix, à moins que l’acheteur ne lui donne caution de payer au terme »
(art. 1613, C. civ.). Le droit de rétention est un droit réel. Il s’exerce sur la chose ou ses accessoires
(documents administratifs notamment) et est opposable à tous, y compris aux tiers sous-acqué-
reurs non tenus de la dette (Civ. 1re, 24 sept. 2009, Bull. civ. I, 178).

3 La sanction de la délivrance
Pourvu qu’elle soit prouvée, l’inexécution de l’obligation de délivrance emporte des conséquences
sur la vente et permet à l’acquéreur d’obtenir des dommages-intérêts à raison du préjudice subi.

■ La preuve de l’inexécution de la délivrance


Les principes fixés à l’article 1315 du Code civil jouent quant à la charge de la preuve.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
74 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

Il incombe ainsi à l’acquéreur de prouver l’existence du contrat et les spécificités de la chose qui
ont été convenues (Civ. 1re, 27 mars 1990, nº 87-20.084). En retour, le vendeur est tenu de
démontrer la délivrance de la chose : « l’obligation de délivrance est une obligation de résultat
dont le vendeur ne peut s’exonérer qu’en rapportant la preuve que son inexécution provient
d’une cause étrangère qui ne lui est pas imputable » (Civ. 1re, 12 juin 1990, nº 88-19.318) ; cette
exigence s’étend au délai dans lequel la délivrance est intervenue (Civ. 1re, 19 mars 1996,
nº 94-14.155, Bull. civ. I, 147).
Il revient enfin à l’acheteur de prouver l’éventuel défaut de conformité, c’est-à-dire que la chose
délivrée ne répond pas aux caractéristiques fixées dans le contrat de vente (Civ. 1re, 27 mars
1990, préc.).
L’exécution de l’obligation de délivrance est un paiement ; à ce titre, elle constitue un fait juridique
qui peut être prouvé par tout moyen (Civ. 1re, 16 sept. 2010, nº 09-13.947, Bull. civ. I, 173 ;
projet d’art. 1320-8, C. civ.).
Ces règles s’appliquent à la délivrance du principal et à celle des accessoires (Com., 11 déc. 2001,
nº 99-10.595).

■ Les conséquences de l’inexécution de la délivrance


La loi prévoit que l’inexécution de la délivrance influe sur le contrat de vente (a), sans préjudice de
l’éventuelle responsabilité du vendeur (b). Elle n’interdit pas aux parties d’aménager les consé-
quences légales (c).

a) Le sort du contrat de vente


L’acheteur dispose d’une option : « Si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps
convenu entre les parties, l’acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou
sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur » (art. 1610, C. civ.).
La résolution de la vente est prononcée dans les conditions de l’article 1184 du Code ; elle
suppose donc l’intervention du juge et le constat par celui-ci d’une inexécution suffisamment
grave pour justifier l’anéantissement du contrat. À défaut, le juge ne prononce que l’octroi de
dommages-intérêts.
La lourdeur que suppose l’obtention d’une décision judiciaire conduit, selon le droit commun, à
admettre la résolution unilatérale en cas d’inexécution d’une « gravité suffisante », aux
risques et périls de l’acheteur insatisfait (Civ. 1re, 28 oct. 2003, nº 01-03-662, Bull. civ. I, 2011 ;
projet d’art. 1226, C. civ.). Dans les échanges internationaux, les parties se seront plus sûrement
référées aux textes internationaux (art. 49, Conv. Vienne, 11 avr. 1980 ; art. 7.3.2, Principes
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 8 – L’obligation de délivrance 75

Unidroit, 2010) qui prévoient expressément la résolution unilatérale ; en droit interne, elles auront
expressément stipulé une clause résolutoire. La résolution n’ouvre pas au vendeur le droit à
l’indemnisation de l’usage éventuel de la chose par l’acheteur (Civ. 1re, 11 mars 2003,
nº 01-01.673, Bull. civ. I, 74), mais il est désintéressé de la dépréciation du bien à raison de cet
usage (Civ. 1re, 21 mars 2006, nº 02-19.236, Bull. civ. I, 165).
Outre la résolution, l’acheteur peut obtenir l’exécution forcée de la vente, quoique l’obligation
de délivrer soit une obligation de faire. L’exécution forcée peut revêtir la solennité attachée à
l’obtention d’un jugement obligeant, avec ou sans astreinte, le vendeur à la délivrance. Elle peut
aussi, hors de l’intervention du juge, découler :
– du refus du paiement du prix ou du solde de celui-ci par l’acheteur, qui n’est rien d’autre
qu’une exception d’inexécution et qui suppose, à ce titre, que l’inexécution du vendeur ait
atteint une certaine gravité ;
– en matière commerciale :
• de la pratique dite du laissé pour compte, par laquelle l’acheteur refuse la livraison en la
déclarant non conforme (au risque d’une action engagée par le vendeur),
• de la pratique de la faculté de remplacement (comp. art. 1144, C. civ.), qui autorise l’ache-
teur, après mise en demeure, à conclure un contrat de vente similaire avec un tiers, à charge
pour le vendeur de supporter les coûts supplémentaires en résultant pour l’acheteur.
La réfaction judiciaire du contrat est en revanche exclue en dehors des cas prévus par la loi à
propos des immeubles (v. supra) et en dehors des ventes commerciales (Com., 15 déc. 1992,
nº 90-19.006, Bull. civ. IV, 421) ou internationales (art. 50, Conv. Vienne, 11 avr. 1980) en cas
d’inexécution partielle par le vendeur de son obligation de délivrance. Conventionnellement, rien
n’interdit en revanche aux parties de modifier le contrat pour tenir compte d’une inexécution
partielle (comp. projet d’art. 1223, C. civ.).

b) L’indemnisation de l’acheteur
Peu importe le sort réservé à la vente, « dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux
dommages et intérêts, s’il résulte un préjudice pour l’acquéreur, du défaut de délivrance au
terme convenu » (art. 1610, C. civ.). Le montant des dommages-intérêts auxquels peut prétendre
l’acheteur varie selon la gravité et les conséquences de l’inexécution.

c) L’aménagement contractuel des conséquences de l’inexécution


Les parties sont libres d’aménager le sort de la vente, comme celui de l’indemnisation éventuelle-
ment due par le vendeur. Rien ne s’oppose donc à ce que soit stipulée une clause pénale au profit
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
76 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

de l’acheteur ; quant à la clause limitative de responsabilité, elle est certainement licite (Civ. 1re,
20 déc. 1988, nº 87-16.369, Bull. civ. I, 373) pourvu :
– qu’elle ne constitue pas une clause abusive au regard du droit de la consommation
(art. R. 132-1, C. consom.) ;
– qu’en matière commerciale, elle ne crée pas un « déséquilibre significatif » en faveur de celui au
profit duquel elle est stipulée (art. L. 442-6, 2º, C. com.) ;
– qu’elle ne contredise pas une obligation essentielle du contrat (Com., 22 oct. 1996,
nº 93-18.632, Bull. civ. IV, 261 ; Com., 29 juin 2010, nº 09-11.841, Bull. civ. IV, 115).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
Chapitre
La garantie d’éviction 9

Le vendeur doit à l’acheteur « la possession paisible de la chose vendue » (art. 1625, C. civ.). Le vendeur
garantit son fait personnel comme le fait des tiers.

1 La garantie du fait personnel


Il faut évoquer l’objet et la portée de la garantie du fait personnel due par le vendeur.

■ L’objet de la garantie
Le vendeur garantit l’acheteur des troubles de jouissance résultant de son fait ou de ses droits
(adage « qui doit garantie ne peut évincer »).
Le vendeur s’interdit d’abord tout comportement affectant la jouissance du bien par l’ache-
teur. De fait, sont principalement visés les actes de concurrence accomplis par le cédant d’un
fonds de commerce qui, après la vente, se réinstalle à proximité ou démarche la clientèle qu’il a
cédée avec le fonds (Com., 14 avr. 1992, nº 89-21.182, Bull. civ. IV, 160). Mais le vendeur d’une
parcelle de terrain dont il a conservé la possession ne saurait non plus se prévaloir de la prescrip-
tion acquisitive contre l’acquéreur (Civ. 3e, 20 oct. 1981, Bull. civ. III, 168).
Le vendeur s’interdit ensuite de faire valoir les droits dont il serait titulaire qui affecteraient
l’usage ou la disposition de la chose (Com., 31 janv. 2006, nº 05-10.116, Bull. civ. IV, 27, aff. Inès
de la Fressange).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
78 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

■ La portée de la garantie
La garantie d’éviction du fait personnel est d’ordre public : « toute convention contraire est
nulle » (art. 1628, C. civ.). Les parties peuvent accroître la protection de l’acheteur (art. 1627,
C. civ.) en stipulant, notamment à l’occasion des ventes de fonds de commerce ou libéraux, des
clauses de non-concurrence ou de non-rétablissement – lesquelles sont elles-mêmes soumises à
certaines conditions à raison de l’atteinte qu’elles produisent aux droits et libertés du vendeur.
La garantie d’éviction est imprescriptible. En matière de vente de fonds de commerce par
exemple, elle continue notamment de jouer à l’expiration d’une garantie conventionnelle de non-
concurrence ou de non-rétablissement : « dans le cas où les parties ont stipulé que le vendeur ne
pourrait se rétablir dans une activité déterminée pendant un certain délai, l’expiration de ce délai
n’a pas pour effet de le libérer de l’obligation légale de garantie de son fait personnel, qui est
d’ordre public » (Com., 14 avr. 1992, préc.).
La protection du vendeur est transmissible : les héritiers du vendeur y sont tenus dans les mêmes
termes, et les ayants cause (héritiers mais également sous-acquéreurs) de l’acheteur peuvent s’en
prévaloir contre le vendeur (Civ. 3e, 28 mars 1990, nº 88-14.953, Bull. civ. III, 93).

■ La sanction de la garantie
En cas de trouble de droit, la sanction est l’irrecevabilité de la demande formée à l’encontre de
l’acheteur (Com., 31 janv. 2006, préc.).
En cas de trouble de fait, l’acheteur peut exiger du vendeur ou de ses héritiers la cessation immé-
diate du trouble, le cas échéant sous astreinte, ainsi que l’indemnisation du préjudice subi.

2 La garantie du fait des tiers


La garantie d’éviction contre le fait des tiers n’a pas pour fonction de faire peser sur le vendeur les
conséquences des comportements de personnes parfaitement étrangères à la vente.
Elle frappe le vendeur qui, à l’occasion de la vente, fait preuve de légèreté – si ce n’est de
mauvaise foi – en omettant d’informer l’acheteur des droits certains ou éventuels des tiers sur le
bien. C’est le comportement du vendeur antérieurement à la vente (origine du droit du tiers)
et simultanément à celle-ci (défaut d’information) qui est en réalité sanctionné.

■ Les conditions de la garantie d’éviction


Le vendeur est seulement tenu de garantir l’acheteur des troubles de droit, à l’exclusion des
troubles de fait, émanant d’un tiers.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 9 – La garantie d’éviction 79

Le droit dont se prévaut le tiers doit être antérieur à la vente, à moins peut-être qu’existe un
décalage entre la date de la vente et l’opposabilité de celle-ci aux tiers.
Le droit dont se prévaut le tiers doit trouver sa source dans le comportement du vendeur ; à
charge pour l’acheteur, par exemple, de faire cesser la possession par un tiers du bien cédé de
façon à interrompre la prescription acquisitive au profit de ce dernier.
L’acheteur doit être de bonne foi. Il ne doit pas avoir connu le droit du tiers au jour de la vente
(Civ. 1re, 10 mai 1995, nº 93-14.767, Bull. civ. I, 203) ni même, connaissant l’éventualité du droit
d’un tiers, avoir consenti à la vente en prenant le risque que ce droit soit définitivement établi
(art. 1629, C. civ. ; Civ. 1re, 17 juill. 1962, Bull. civ. I, 382). Il en va de même en cas de vente à
forfait (art. 1629, C. civ.).

■ Les effets de la garantie d’éviction


La garantie d’éviction est mise en œuvre de manière incidente ou principale :
– de manière incidente, elle conduit l’acheteur à appeler le vendeur en garantie dans l’action
qu’intente le tiers. Si les droits du tiers sur la chose sont reconnus, les juges statuent en même
temps sur la garantie d’éviction ;
– à titre principal, l’action est engagée contre le vendeur après que l’acheteur, qui a assumé seul
la défense de son droit contre le tiers, a perdu. L’acheteur aura préalablement veillé à la qualité
de sa défense contre les prétentions du tiers : « la garantie [du vendeur] cesse [...] si le [celui-ci]
prouve qu’il existait des moyens suffisants pour faire rejeter la demande » (art. 1640, C. civ.).
Le Code civil distingue selon que l’éviction est totale (art. 1630 et s., C. civ.) (a) ou partielle
(art. 1636, C. civ.) (b). Dans une certaine mesure, les parties sont libres d’aménager ces consé-
quences légales (c).

a) L’éviction totale
En cas d’éviction totale, l’acheteur a droit à la restitution du prix et à l’indemnisation du préju-
dice subi du fait de l’éviction, y compris les frais résultant de la mise en jeu de la garantie et les
coûts afférents à la vente (art. 1630, C. civ.). L’acheteur peut aussi prétendre au remboursement
des frais de conservation et d’amélioration du bien qu’il aurait engagés (art. 1634, C. civ.), voire,
si le vendeur était de mauvaise foi, au remboursement « de toutes les dépenses, même volup-
tuaires ou d’agrément » (art. 1635, C. civ.).
Le sort des fruits et des accroissements ou diminutions de valeur du bien est enfin réglé :
– d’une part, l’acheteur peut demander au vendeur la restitution des fruits s’ils sont revenus au
tiers (art. 1630, C. civ.) ;
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
80 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

– d’autre part, le prix restitué ne saurait être diminué du fait de la perte de valeur du bien ou de
sa détérioration, même du fait de l’acheteur, dès lors que celui-ci n’a pas tiré profit de ces
dernières (art. 1631 et s., C. civ.).
En revanche, à titre de sanction du vendeur, celui-ci est tenu de désintéresser l’acheteur de
l’accroissement de valeur du bien entre le jour de la vente et celui de l’éviction (art. 1633, C. civ.).
b) L’éviction partielle
L’éviction partielle ouvre à l’acheteur la faculté de résilier la vente s’il s’avère que « l’acquéreur
n’eût point acheté sans la partie dont il a été évincé » (art. 1636, C. civ.).
À défaut d’une éviction suffisante – ou à défaut de volonté de l’acheteur en ce sens –, la vente est
maintenue et le vendeur est tenu de rembourser l’acheteur d’une fraction du prix. Cette fraction
est assise sur la valeur de la partie du bien dont l’acheteur a été évincé – elle n’est pas fixée au
prorata du prix total de la vente –, cette valeur étant appréciée au jour de l’éviction (art. 1637,
C. civ.). L’acquéreur peut souffrir de ce calcul dès lors que la partie du bien dont il a été évincé
présentait une utilité (et donc une valeur) pour le bien dont il demeure propriétaire (Civ. 3e, 21 mars
2001, nº 99-16.706, Bull. civ. III, 37). Or, rien ne s’oppose à ce que la réparation des autres préjudices
dont aurait souffert l’acheteur à raison de l’éviction partielle soit décidée (art. 1639, C. civ.).
c) L’aménagement conventionnel
« Les parties peuvent, par des conventions particulières, ajouter à cette obligation de droit ou en
diminuer l’effet ; elles peuvent même convenir que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie »
(art. 1627, C. civ.).
La liberté n’est pas totale pour autant :
– d’une part, l’aménagement conventionnel, s’il réduit la garantie due au vendeur, n’affecte que
les conséquences de l’éviction du fait d’un tiers, et non du fait personnel ;
– d’autre part, la clause peut limiter les dommages-intérêts dus par le vendeur, mais ne saurait
écarter la restitution du prix, à moins que l’acquéreur n’ait consciemment pris le risque de l’évic-
tion (art. 1629, C. civ.). En outre, le jeu de la clause, même licite, semble devoir être écarté si la
mauvaise foi du vendeur – qui connaissait le risque d’éviction et n’en a pas informé l’acheteur –
est établie.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
La garantie Chapitre
10
des vices cachés

Annoncée à l’article 1625 du Code civil, la garantie des vices cachés est définie à l’article 1641 du Code civil :
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre
à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise,
ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

Cette garantie, à laquelle le vendeur est légalement tenu (1), peut être modulée contractuellement
(2). Elle est en outre complétée par différents dispositifs légaux (sur ce point, v. infra).

1 La garantie légale des vices cachés


Il faut envisager successivement les conditions et les effets de la garantie légale des vices cachés.

■ Les conditions de la garantie légale


Le jeu de la garantie légale des vices cachés exige que soient précisées les ventes à l’occasion
desquelles cette garantie est due (a), que soient identifiés les acteurs de cette garantie (b), que
soit décrit le fait contre lequel elle prémunit l’acheteur (c) et, enfin, que soient posées les condi-
tions dans lesquelles ce dernier peut agir (d).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
82 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

a) Les ventes donnant lieu à la garantie légale


Si la garantie légale est due par principe, deux exceptions sont cependant réservées :
– d’abord, la garantie « n’a pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice » (art. 1649,
C. civ.) ;
– ensuite, elle est exclue lorsque l’acheteur, prenant le bien en l’état, assume le risque d’existence
d’un défaut caché ; pourvu, dans ce cas, que le vendeur ait effectivement ignoré ce dernier
(art. 1643, C. civ. a contrario).

b) Les acteurs de la garantie légale


Le débiteur (1) et le créancier (2) de la garantie légale doivent être évoqués.
1) Le débiteur
Le débiteur de la garantie légale est le vendeur. Si l’affirmation peut paraître évidente, elle ne
l’est pas tant que cela :
– tout d’abord, dans la mesure où la loi vise le vendeur, il faut exclure a priori une garantie due
par le producteur du bien. Une telle solution paraissait peu équitable ; elle a été amendée de
différentes manières (v. infra) ;
– ensuite sont concernés tous les vendeurs, qu’ils soient professionnels ou non-professionnels, de
bonne ou de mauvaise foi – ce dernier élément jouant sur la quotité de la garantie, et non sur
son principe.
2) Le créancier
La garantie des vices cachés est instituée au profit de l’acquéreur. Elle profite également aux
sous-acquéreurs du bien (Civ., 25 janv. 1820, S. 1820, 1, 213). Ceux-ci disposent donc :
– d’une première action contre leur vendeur ;
– d’une seconde action contre l’auteur de leur vendeur ;
– le cas échéant, d’une nième action contre l’auteur de l’auteur, etc., jusqu’à l’action contre le
fabricant du bien.
L’action du sous-acquéreur revêt plusieurs particularités. Son domaine, d’abord, embrasse non
seulement les chaînes homogènes de contrats de vente (une vente suivie d’une vente) mais aussi
les chaînes hétérogènes (par ex. une vente, puis un contrat d’entreprise), pourvu que les contrats
successifs soient tous translatifs de propriété (Ass. plén., 7 avr. 1986, nº 83-14.631, Bull. civ.,
Ass. plén., 2).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 10 – La garantie des vices cachés 83

Sa nature, ensuite : « l’action directe dont dispose le sous-acquéreur contre le fabricant ou un


vendeur intermédiaire, pour la garantie du vice caché affectant la chose vendue dès sa fabrication,
est nécessairement de nature contractuelle » (Civ. 1re, 9 oct. 1979, nº 78-12.502, Bull. civ. I, 241 ;
comp., en présence d’une chaîne de contrats non translatifs de propriété, Ass. plén., 12 juill.
1991, nº 90-13.602, Bull. civ., Ass. plén., 6). Il faut en tirer les conséquences.
D’une part, le vendeur contre lequel est dirigée l’action n’est tenu qu’à hauteur du prix qu’il a
perçu (nonobstant l’indemnisation éventuelle), et non à hauteur du prix qu’a reçu le vendeur inter-
médiaire des mains du sous-acquéreur exerçant l’action rédhibitoire (Civ. 1re, 4 mars 1997,
nº 94-22.026). Il n’en va pas différemment lorsque le premier vendeur est attrait en garantie par
le revendeur à raison de l’action engagée par le sous-acquéreur : le premier vendeur ne garantit
le revendeur qu’à hauteur du prix qu’il avait reçu de celui-ci (Civ. 1re, 17 mars 2011, nº 09-15.724).
D’autre part, celui contre lequel est dirigée l’action peut opposer au sous-acquéreur les exceptions
qu’il aurait opposées à son propre acquéreur, telle qu’une clause limitative de responsabilité
(Civ. 1re, 7 juin 1995, nº 93-13.898, Bull. civ. I, 175). En revanche, « une clause de non-garantie
opposable par un vendeur intermédiaire à son propre acquéreur ne peut faire obstacle à l’action
directe de l’acquéreur final contre le vendeur originaire, dès lors qu’aucune clause de non-garantie
n’a été stipulée lors de la première vente » (Civ. 3e, 16 nov. 2005, nº 04-10.824, Bull. civ. III, 222).

c) Le fait garanti par la loi


L’article 1641 du Code civil vise les « défauts cachés ».
1) Le vice
Le vice, selon l’article 1641 du Code civil, s’entend d’un « défaut » de la chose. Le vice est donc
« nécessairement inhérent à la chose elle-même » et ne saurait découler de facteurs extrinsè-
ques – ainsi, un médicament n’est pas affecté d’un risque à raison de son incompatibilité avec un
autre (Civ. 1re, 8 avr. 1986, nº 84-11.443, Bull. civ. I, 82) –, quoique la jurisprudence admette que
des éléments liés à la chose contiennent le vice de celle-ci – ainsi, la fragilité du sol sur lequel est
bâti un immeuble peut constituer le vice (Civ. 3e, 24 janv. 2012, nº 11-10.420).
L’existence du vice n’est pas une condition suffisante au jeu de la garantie des vices cachés. Il faut
encore que le vice rende « impropre la chose à l’usage auquel elle est destinée », ou « en
diminue [...] cet usage » (art. 1641, C. civ.). Le terme d’« usage » appelle quelques précisions.
Il s’agit d’abord d’un usage normal. Par exemple, ne constitue pas un usage normal, pour un
véhicule de collection, l’utilisation quotidienne qu’en fait l’acquéreur qui ne peut, dès lors, se
prévaloir à l’encontre du vendeur d’un vice caché au titre des désordres causés par cette utilisation
(Civ. 1re, 24 nov. 1993, nº 92-11.085, Bull. civ. I, 347). Si le vendeur a eu connaissance de l’usage
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
84 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

particulier auquel l’acquéreur destinait la chose, l’adéquation de celle-ci à sa future destination


relèvera plus sûrement de l’obligation de délivrance conforme, voire du devoir de conseil, que de
la garantie des vices cachés.
Il s’agit ensuite de l’utilité première de la chose et des conditions dans lesquelles cette utilité est
rendue. Quoique la finalité d’une friteuse, qui est de produire des frites, soit bien remplie, ce
matériel est affecté d’un vice caché dès lors que « les odeurs engendrées par le fonctionnement
de l’appareil sont insupportables aux voisins dans un tissu urbain dense », (Com., 1er déc. 1992,
nº 91-10.275, Bull. civ. IV, 389).
Toutefois, un défaut léger n’affectant que l’agrément qui peut être tiré de la chose ne constitue
pas un vice (Civ. 3e, 4 juill. 2001, nº 99-19.586).
Quelle que soit sa nature, le défaut garanti est le défaut antérieur à la vente (Civ. 1re, 20 mai
2010, nº 08-21.576) ou, plus précisément, au transfert des risques. L’antériorité, qu’il appartient
à l’acheteur de prouver (Com., 8 juill. 1981, nº 79-13.110, Bull. civ. IV, 316), est avérée s’il est
établi que le vice n’existait qu’en germe avant la vente, peu importe que ses conséquences se
soient pleinement déployées après celle-ci.
2) Le vice caché
Si le vendeur est tenu des « défauts cachés » de la chose (art. 1641, C. civ.), il ne l’est pas « des
vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même » (art. 1642, C. civ.).
Au regard du vendeur, le terme « caché » ne signifie pas « dissimulé ». Quoique, par opportunité
(v. infra), le vendeur professionnel est souvent présumé connaître tous les défauts de la chose, le
texte ne fait pas de la dissimulation ou de la mauvaise foi une condition de son application. Le
vendeur « est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus » (art. 1643, C. civ.)
et même s’il croyait qu’ils étaient apparents pour l’acquéreur.
Au regard de l’acquéreur, l’apparence ou la non-apparence du vice est plus délicate à cerner.
L’acquéreur a pu prendre lui-même connaissance du défaut ou a pu en être informé.

• LE DÉFAUT APPARENT ET DÉFAUT NON APPARENT


Lorsque l’acheteur est un profane, il n’est tenu, en prenant possession de la chose, qu’à un
examen sommaire. Il ne saurait donc lui être fait grief de s’être cantonné à un examen externe,
ni de ne s’être pas fait assister d’un expert : l’acquéreur profane d’un immeuble qui ne s’est pas
glissé dans les combles, dont l’accès « peut-être difficile, n’était pas impossible », pour monter sur
la toiture afin de vérifier le bon état de la charpente et des tuiles, ni ne s’est fait accompagner
d’un homme de l’art lors de la délivrance peut ainsi invoquer la garantie des vices cachés
(Ass. plén., 27 oct. 2006, nº 05-18.977, Bull. civ., Ass. plén., 13). En revanche, la présence d’un tel
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 10 – La garantie des vices cachés 85

spécialiste aux côtés de l’acquéreur profane est de nature à rendre le vice apparent (Civ. 3e,
16 sept. 2014, nº 13-19.911), et donc à exclure la garantie.
Lorsque l’acheteur est un professionnel de la même spécialité que le vendeur, il est présumé être
compétent et connaître les défauts affectant la chose (Civ. 1re, 18 déc. 1962, Bull. civ. I, 554). La
garantie est alors exclue. La présomption n’est qu’une présomption simple « de connaissance des
vices décelables selon une diligence raisonnable » (Civ. 3e, 28 févr. 2012, nº 11-10.705). L’acheteur
la renverse en démontrant que le défaut ne pouvait être révélé qu’à la suite d’examens appro-
fondis, voire destructifs ; il recouvre alors le bénéfice de la garantie des vices cachés.

• L’ INFORMATION SUR LE DÉFAUT


La garantie des vices cachés ne saurait jouer, quelles que soient les qualités des parties, dès lors
que l’acheteur a été informé du vice ou de son éventualité. Ne sauraient se prévaloir de cette
garantie les acquéreurs d’un immeuble infesté de termites dès lors que l’agent immobilier « leur
avait signalé l’existence d’une infestation de capricornes dans la charpente et leur avait conseillé
de prendre l’avis d’un spécialiste » (Civ. 3e, 26 févr. 2003, nº 01-12.750, Bull. civ. III, 53 ; comp.
Civ. 3e, 17 déc. 2008, nº 07-20.450).
Si la preuve de l’information incombe a priori au vendeur, la jurisprudence atténue cependant
cette rigueur, en admettant que l’information soit donnée implicitement ou qu’elle résulte des
circonstances entourant la vente. Le très faible prix payé pour une voiture révèle ainsi la connais-
sance qu’avait l’acheteur du vice qui l’affectait (Civ. 1re, 13 mai 1981, nº 80-10.876, Bull. civ. I,
165).

d) La mise en œuvre de la garantie légale


L’action en garantie des vices cachés doit être engagée « dans un délai de deux ans à compter de
la découverte du vice » (art. 1648, al. 1er, C. civ.). En fonction du point de départ – la découverte
du vice –, le délai dans lequel doit être introduite l’action est donc plus long que le délai imposé
à l’acquéreur consommateur au titre de la garantie de conformité (v. infra).
Jusqu’à l’ordonnance nº 2005-136 du 17 février 2005, l’article 1648 du Code civil prévoyait que
l’action devait être engagée non « dans un délai de deux ans », mais dans un « bref délai »
suivant la découverte du vice. Il incombait au juge du fond, usant de son pouvoir souverain,
d’apprécier au cas par cas si le bref délai était respecté.

■ Les effets de la garantie légale


La garantie légale des vices cachés se traduit par deux actions, différentes au regard de leur objet :
l’action rédhibitoire (a) et l’action estimatoire (b). « L’acheteur a le choix de rendre la chose et de
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
86 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix » (art. 1644,
C. civ.). La jurisprudence majoritaire s’accorde pour considérer que « le choix entre l’action estima-
toire et l’action rédhibitoire prévu à l’article 1644 du Code civil appartient à l’acheteur et non au
juge qui n’a pas à motiver sa décision sur ce point » (Civ. 3e, 20 oct. 2010, nº 09-16.788,
Bull. civ. III, 191 ; contra, en présence d’une demande principale et d’une demande subsidiaire :
Civ. 3e, 25 juin 2014, nº 13-17.254). Très ponctuellement, la loi impose l’action rédhibitoire (art.
L. 223-7, C. rur.).
À l’une ou l’autre de ces actions s’ajoute, le cas échéant, le droit de l’acquéreur de prétendre à
des dommages-intérêts (c).

a) L’action rédhibitoire
L’action rédhibitoire a pour objet l’anéantissement de la vente. Elle affecte la situation de l’ache-
teur (1) et celle du vendeur (2).
1) La situation de l’acheteur
L’acheteur est tenu de rendre la chose. Encore faut-il qu’il soit en mesure de le faire : à défaut, et
à moins que la disparition résulte de la « mauvaise qualité » de la chose, l’acheteur ne peut
qu’emprunter la voie de l’action estimatoire (art. 1647, C. civ. ; Civ. 3e, 3 déc. 1996, nº 94-19.176,
Bull. civ. III, 441). En l’absence de disparition totale de la chose, la condition de restitution n’est pas
trop lourde pour l’acheteur : la chose doit être restituée dans l’état où elle est au jour de la résolu-
tion du contrat, non dans l’état dans lequel elle se trouvait au jour de la vente (Civ. 1re, 8 déc.
2009, nº 08-21.138).
L’acheteur restituant la chose n’est pas tenu d’indemniser le vendeur à raison de l’usage fait de
celle-ci avant que se révèle le vice ou de la dépréciation de la chose résultant de cet usage
(Civ. 1re, 19 févr. 2014, nº 12-15.520, Bull. civ. I, 26 ; comp., à propos de l’obligation de délivrance
conforme, v. supra).
2) La situation du vendeur
Le vendeur est tenu à la restitution du prix ainsi qu’au remboursement des frais occasionnés par la
vente (art. 1646, C. civ.), mais ne paraît pas tenu des intérêts. Lorsque l’action est exercée par le
sous-acquéreur, le vendeur n’est tenu qu’à hauteur du prix reçu du vendeur intermédiaire.
Il peut néanmoins proposer à l’acheteur, et non lui imposer (Civ. 1re, 11 juin 1980, nº 79-10.581,
Bull. civ. I, 185 ; comp., à propos de la garantie de légale de conformité en matière de consomma-
tion, v. infra), de réparer le bien, voire de lui en substituer un autre ; l’acquéreur qui accepte
renonce alors à la garantie légale des vices cachés (Com., 1er févr. 2011, nº 10-11.269).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 10 – La garantie des vices cachés 87

b) L’action estimatoire
L’action estimatoire est ouverte à l’acheteur qui entend conserver la chose en dépit du vice qui
l’affecte. Elle a pour objet « de replacer l’acheteur dans la situation où il se serait trouvé si la
chose vendue n’avait pas été atteinte de vices cachés » (Civ. 3e, 1er févr. 2006, nº 05-10.845,
Bull. civ. III, 22).
L’acheteur peut prétendre au remboursement d’une partie d’un prix (art. 1644, C. civ.), et non à
l’intégralité de celui-ci, même s’il s’avère que les coûts de remise en l’état de la chose sont supé-
rieurs au prix de vente (Civ., 1re, 19 avr. 2000, nº 98-12.326, Bull. civ. I, 87).
Cette fraction du prix reste à fixer. La valeur est « arbitrée par des experts » (art. 1644, C. civ.), à
charge pour le juge de retenir soit les coûts de remise en état de la chose (Civ. 3e, 1er févr. 2006,
préc.), soit la différence entre le prix et la valeur vénale de la chose atteinte d’un vice.
c) Les dommages-intérêts
La bonne ou la mauvaise foi du vendeur est indifférente au jeu de la garantie légale des vices
cachés. Cela n’exclut pas que le vendeur de mauvaise foi (1) soit plus rigoureusement obligé que
le vendeur de bonne foi : alors que le second ne doit que la restitution du prix et le rembourse-
ment des frais occasionnés par la vente (art. 1646, C. civ.), le premier est tenu « outre la restitution
du prix [...] de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur » (art. 1645, C. civ.) (2).
L’action en réparation est autonome : elle n’est pas soumise au délai de 2 ans (Civ. 3e, 25 juin
2014, nº 13-17.254) et peut être engagée seule, sans que l’acheteur intente l’action rédhibitoire
ou estimatoire (Civ. 1re, 26 sept. 2012, nº 11-22.399, Bull. civ. I, 192).
1) La mauvaise foi du vendeur
La bonne foi se présume. Il incombe en principe à l’acheteur de démontrer que le vendeur avait
connaissance du vice affectant la chose (art. 2274, C. civ.). La jurisprudence a cependant renversé
ce principe à l’encontre des vendeurs professionnels, sur qui pèse une présomption irréfragable
de connaissance des vices affectant la chose vendue.
Sont visés non seulement les professionnels qui ont pour activité principale la vente de la chose
concernée, mais encore ceux qui n’assurent cette vente qu’à titre accessoire, quoique récurrent
(Civ. 1re, 30 sept. 2008, nº 07-16.876). De plus, il est parfaitement indifférent que l’acheteur soit
ou non un professionnel ; toutefois, l’appréciation de l’apparence du vice est réalisée plus rigou-
reusement à propos de l’acheteur professionnel (v. supra).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
88 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

2) L’indemnisation
Le vendeur de mauvaise foi est tenu de réparer l’intégralité des désordres affectant la chose ainsi
que ceux qui, émanant du vice de celle-ci, ont été causés à d’autres biens ou à des personnes, peu
importe que ces personnes soient tiers au contrat de vente.
Sous la seule réserve de l’existence d’un lien de causalité entre le vice et le dommage (Com.,
15 mars 1976, nº 74-13.587, Bull. civ. IV, 99), le montant de la réparation ne connaît pas de
limite a priori (Civ. 3e, 8 oct. 1997, nº 95-19.808, Bull. civ. III, 193).

2 La garantie conventionnelle des vices cachés


Les parties sont libres d’améliorer la garantie légale ; de manière plus restrictive, il leur est parfois
autorisé de la réduire.

■ L’amélioration de la garantie légale


Cette garantie est, en droit, toujours valable : le vendeur peut donc l’étendre, quelle que soit la
forme de cette extension (renonciation au délai de deux ans, obligation de proposer un remplace-
ment, engagement d’indemniser peu important sa bonne foi...).
La pratique, en revanche, est parfois discutable : sous couvert d’accroître la garantie légale des
vices cachés, certains professionnels tendent ainsi à la réduire, si ce n’est en droit, du moins dans
l’esprit des consommateurs. Tel est le cas lorsqu’ils proposent, en cas de défaut de la chose
vendue, la substitution d’un autre produit ou le remboursement sous forme d’à-valoir. Le Code la
consommation prévoit expressément une obligation d’information de l’acheteur sur les droits que
celui-ci tire de la loi (art. L. 211-15, C. consom., v. supra).

■ La limitation de la garantie légale


Le principe et la limite de l’aménagement conventionnel de la garantie des vices cachés sont
prévus à l’article 1643 du Code civil. Pourvu qu’une telle stipulation ait été insérée, la limitation
de garantie est possible à l’endroit du vendeur ignorant le vice de la chose.

a) La limitation de la garantie légale au profit du vendeur non professionnel


La limitation de garantie, partielle ou totale, est permise et produit ses effets, à moins que l’ache-
teur démontre que le vendeur avait connaissance des défauts cachés affectant la chose (Civ. 3e,
6 oct. 2010, nº 09-70.266).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 10 – La garantie des vices cachés 89

Le vendeur non professionnel de bonne foi bénéficiant d’une clause exclusive de responsabilité
échappe donc à l’indemnisation des désordres causés par le vice affectant la chose (parce qu’il
est de bonne foi), et aux actions rédhibitoire ou estimatoire (par le jeu de la clause).
b) La limitation de la garantie légale au profit du vendeur professionnel
Le vendeur professionnel étant irréfragablement présumé connaître les vices affectant la chose
qu’il cède, il ne devrait pas pouvoir limiter la garantie légale. Tel est effectivement le cas, en appli-
cation tant de la législation (art. R. 132-1 et L. 211-15, C. consom.) que de la jurisprudence, lorsque
l’acheteur est un non-professionnel, voire, en application de la jurisprudence seulement, lorsque
l’acheteur est un professionnel (Civ. 1re, 20 déc. 1983, nº 82-15.191, Bull. civ. I, 308).
Toutefois, l’efficacité des clauses limitatives de responsabilité est admise lorsque celles-ci sont
stipulées entre professionnels de même spécialité (Civ. 1re, 8 oct. 1973, nº 71-14.322,
Bull. civ. I, 308).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
Les systèmes spéciaux Chapitre
11
de garanties

En raison notamment de l’activité de l’Union européenne, les dispositions « classiques » du Code civil proté-
geant l’acheteur (obligation de délivrance et garantie des vices cachés) ont été complétées par deux dispositifs
principaux ayant pour objet d’assurer, au sein du marché unique, une protection minimale des personnes en
même temps qu’une uniformisation du droit applicable aux opérateurs.

1 La responsabilité du fait des produits défectueux


La responsabilité du fait des produits défectueux est née de la directive 85/374 du 25 juillet 1985,
laquelle n’a été transposée en droit français – aux articles 1386-1 et suivants du Code civil
(L. nº 98-389, 19 mai 1998) – qu’après que la France a été condamnée par la Cour de justice des
communautés européennes du fait de sa non-transposition (CJCE, 13 févr. 1993, aff. C-293/91).

■ Le domaine
La responsabilité du fait des produits défectueux s’applique à tous les biens mis en circulation ou
importés à compter du 21 mai 1998. Pour les biens mis en circulation avant cette date, la Cour de
cassation, interprétant le droit interne en vigueur à l’époque à la lumière de la directive, retient la
responsabilité du fabricant sur le fondement d’une obligation de sécurité.
L’application de la responsabilité du fait des produits défectueux est exclusive d’autres régimes de
responsabilité. Pour obtenir la réparation des préjudices couverts par la responsabilité du fait des
produits défectueux, la victime ne saurait emprunter une autre voie, telle la garantie des vices
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
92 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

cachés (CJCE, 25 avr. 2002, aff. C-52/00, C-154/00 et C-183/00), à moins que le dommage trouve
sa source ailleurs que dans la défectuosité du produit.

■ Les conditions
Le jeu de la responsabilité du fait des produits défectueux est suspendu à la réalisation de condi-
tions tenant aux qualités du bien (a), à la nature du dommage (b), au lien de causalité entre la
défectuosité du bien et le dommage, et à la personne de la victime (c). À cette dernière d’établir
que ces différentes conditions sont réunies (d).
La faute du responsable n’est donc pas une condition de la responsabilité : « le producteur peut
être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles
de l’art ou de normes existantes ou qu’il a fait l’objet d’une autorisation administrative »
(art. 1386-10, C. civ.).
a) Les qualités du bien
Le bien en cause – le produit – doit, d’abord, être un bien meuble, même incorporé dans un
immeuble, « y compris les produits du sol, de l’élevage, de la chasse et de la pêche » (art. 1386-
3, C. civ.).
Il doit ensuite avoir été destiné à la vente ou à toute forme de distribution (art. 1386-11, C. civ.), et
avoir fait l’objet d’une mise en circulation (art. 1386-5, C. civ.).
Le produit doit enfin être défectueux. La défectuosité est établie dès lors que le produit « n’offre
pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » (art. 1386-4, C. civ.). Il s’agit ici :
– soit d’un vice affectant le produit susceptible de causer un dommage aux personnes ;
– soit du défaut d’information ou d’une mauvaise présentation du produit à l’égard de l’utilisateur
du bien (art. 1386-5, C. civ. ; Civ. 1re, 4 févr. 2015, nº 12-19.781).
b) La nature du dommage
Les biens ayant causé un « dommage qui résulte d’une atteinte à la personne [...] ou d’une
atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même » tombent dans le champ de la
responsabilité du fait des produits défectueux pourvu, dans ce dernier cas, que le dommage soit
supérieur à 500 euros (art. 1386-2, C. civ.). Sont donc exclus du champ de la réparation les
dommages causés à la chose elle-même (Civ. 1re, 9 juill. 2003, nº 00-21.163, Bull. civ. I, 173), ainsi
que les dommages économiques ou moraux procédant de l’impossibilité d’user de la chose.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 11 – Les systèmes spéciaux de garanties 93

c) La personne de la victime
Toute personne qui en est la victime peut se prévaloir de la responsabilité du fait des produits
défectueux, peu importe qu’elle soit liée ou non par un contrat au responsable (art. 1386-1,
C. civ.). Si la responsabilité des produits défectueux s’applique à l’occasion de la vente, celle-ci
n’est pas son seul domaine d’application.
d) La preuve
« Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le
dommage ». Cette règle connaît cependant certains tempéraments lorsque le lien de causalité
– et donc le défaut – ne peut, en l’état des connaissances scientifiques actuelles, être établi avec
certitude. Les nombreuses affaires auxquelles a donné naissance la vaccination contre l’hépatite B
illustrent cette difficulté, qui relève du droit de la responsabilité.

■ Les effets
Il convient d’identifier le responsable (a), de mesurer la portée de l’obligation de réparation qui lui
incombe (b) et de définir les conditions d’exercice de l’action (c).
a) Le responsable
L’article 1386-1 du Code civil désigne comme premier responsable le « producteur », entendu
comme celui qui, agissant à titre professionnel, est « le fabricant d’un produit fini, le producteur
d’une matière première [ou] le fabriquant d’une partie composante » (art. 1386-6, C. civ.). Est
notamment assimilé au producteur, l’importateur d’un produit en vue de sa distribution
(art. 1386-6, C. civ.). Il faut comprendre de ces dispositions que, sauf tempérament, le distributeur
(par ex. le vendeur) n’est pas tenu au titre de la responsabilité des produits défectueux.
En revanche, « si le producteur ne peut pas être identifié, le vendeur, le loueur, à l’exception du
crédit-bailleur ou loueur assimilable au crédit-bailleur, est responsable du défaut de sécurité du
produit, dans les mêmes conditions que le producteur à moins qu’il ne désigne son propre fournis-
seur ou le producteur » (art. 1386-7, C. civ.).
Enfin, « en cas de dommage causé par le défaut d’un produit incorporé dans un autre, le produc-
teur de la partie composante et celui qui a réalisé l’incorporation sont solidairement responsables »
(art. 1386-8, C. civ.).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
94 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

b) La portée de la responsabilité
Le responsable est tenu des dommages causés aux personnes et, sous réserve du seuil de
500 euros, des dommages causés aux autres choses (art. 1386-2, préc., C. civ.).
Il ne peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il n’a pas commis de faute (art. 1386-
10, C. civ.).
Cependant, il peut valablement invoquer :
– soit le fait que les conditions de la responsabilité ne sont pas remplies (absence de mise en
circulation, absence de défaut au moment de la mise en circulation, absence de défaut lorsque
le défaut allégué est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législatif
ou réglementaire) ;
– soit le fait que le dommage est le fruit d’un risque de développement, c’est-à-dire que « l’état
des connaissances scientifiques et techniques, au moment où [le produit] a été mis en circula-
tion, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut » (art. 1386-11, C. civ.). Cette cause d’exo-
nération est cependant exclue lorsque la chose qui a causé le dommage est un élément ou un
produit du corps humain (art. 1386-12, C. civ.).
Quant au montant de la réparation, il varie selon les circonstances :
– d’abord, si le dommage est survenu à raison simultanément du défaut affectant la chose et de
la faute de la victime, la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée (art. 1386-
13, C. civ.). Il n’en va pas de même si c’est le fait d’un tiers qui a concouru à la réalisation du
dommage (art. 1386-14, C. civ.) ;
– ensuite, les clauses limitatives de responsabilité sont en principe réputées non écrites (art. 1386-
15, C. civ.), bien qu’elles soient tolérées, entre professionnels uniquement, lorsqu’elles ne visent
que les « dommages causés aux biens qui ne sont pas utilisés par la victime principalement pour
son usage ou sa consommation privée » (art. 1386-14, C. civ.).

c) Les conditions d’exercice de l’action


L’exercice de l’action est encadré par deux délais distincts :
– d’abord, l’action est soumise à un délai de prescription de 3 années courant à compter du jour
où la victime a eu connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, du dommage, du défaut et de
l’identité du producteur (art. 1386-17, C. civ.) ;
– ensuite, et en tout état de cause, « sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci [...] est
éteinte dix ans après la mise en circulation du produit » (art. 1386-16, C. civ.).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 11 – Les systèmes spéciaux de garanties 95

2 La garantie de conformité
La garantie de conformité trouve également son origine dans le droit de l’Union européenne. Elle
est en effet le fruit de la directive 1999/44/CE du 25 mai 1999, transposée en droit interne par
l’ordonnance nº 2005-136 du 17 février 2005, désormais codifiée aux articles L. 221-1 et suivants
du Code de la consommation.
De cette garantie, il convient de voir successivement les conditions et les effets.

■ Les conditions
Les conditions de la garantie de conformité tiennent tant au contrat passé entre les parties qu’à la
nature de ces dernières.
a) La condition objective
La garantie de conformité est due à propos « des contrats de vente de biens meubles corporels »,
auxquels sont assimilés « les contrats de fourniture de biens meubles à fabriquer ou à produire »
(art. L. 211-1, C. consom.). En application de l’article L. 213-1 du Code rural et de la pêche mari-
time, la garantie est également due pour les ventes d’animaux domestiques (Civ. 1re, 10 juill.
2014, nº 13-15.690).
En revanche, sont expressément exclues les ventes par autorité de justice ou aux enchères publi-
ques, ainsi que celles qui ont pour objet la fourniture d’électricité (art. L. 211-2, C. consom.).
b) La condition subjective
La garantie est réservée aux contrats passés entre un vendeur « agissant dans le cadre de son acti-
vité professionnelle ou commerciale » et un « acheteur agissant en qualité de consommateur »
(art. L. 211-3, C. consom.). Par consommateur, il faut entendre la « personne physique qui agit à
des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libé-
rale » (art. préliminaire, C. consom.).

■ Les effets
La garantie de conformité que doit le vendeur à l’acheteur est fixée par la loi (a), quoique celle-ci
ménage quelques espaces à la liberté contractuelle (b).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
96 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

a) La garantie légale
L’objet de la garantie légale est large. Il rassemble plusieurs notions apparaissant distinctement
dans le Code civil, à tel point que l’expression « conception moniste » est utilisée à son propos.
« Le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité
existant lors de la délivrance » (art. L. 211-4, C. consom.). La conformité s’entend :
– soit de la conformité à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable ;
– soit, lorsque les parties ont négocié les qualités du bien, de la conformité aux « caractéristiques
définies d’un commun accord » ou à « tout usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la
connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté » (art. L. 211-5, C. consom.).
Réciproquement, « l’acheteur est en droit d’exiger la conformité du bien au contrat », étant
entendu qu’il « ne peut cependant contester la conformité en invoquant un défaut qu’il connais-
sait ou ne pouvait ignorer lorsqu’il a contracté » (art. L. 211-8, C. consom.). Dès lors, seuls sont
couverts par la garantie les défauts existants au jour du contrat.
C’est à l’acheteur qu’il incombe de démontrer ce défaut de conformité. L’article L. 211-7 du Code
de la consommation prévoit cependant que « les défauts de conformité qui apparaissent dans un
délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la déli-
vrance, sauf preuve contraire ».
Si le défaut de conformité est avéré, la loi organise un système principal et un système subsidiaire
de désintéressement de l’acheteur : « L’acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du
bien » (art. L. 211-9, al. 1er, C. consom.). La liberté de l’acheteur est limitée par le droit national :
« le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l’acheteur si ce choix entraîne un coût mani-
festement disproportionné au regard de l’autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de
l’importance du défaut » (art. L. 211-9, al. 2, C. consom.), quoique tel ne semble pas être l’avis de
la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 16 juin 2011, aff. C-65/09).
Ce n’est que « si la réparation ou le remplacement du bien sont impossibles [que] l’acheteur peut
rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix »
(art. L. 211-10, C. consom.).
L’acheteur peut en outre prétendre à des dommages-intérêts en application du droit commun de
la vente.
Quelle que soit la voie suivie, elle ne doit donner lieu à aucuns frais à la charge de l’acheteur (art.
L. 211-11, C. consom.).
« L’action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du
bien » (art. L. 211-12, C. consom.).
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
CHAPITRE 11 – Les systèmes spéciaux de garanties 97

b) La garantie conventionnelle
L’article L. 211-15 du Code de la consommation encadre les pratiques dites de « garanties
commerciales » qui, moyennant ou non une contrepartie à la charge de l’acheteur, améliorent
(ou feignent d’améliorer) la protection dont celui-ci bénéficie en cas de non-conformité du bien.
La garantie commerciale est ainsi définie comme « tout engagement contractuel d’un profes-
sionnel à l’égard du consommateur en vue du remboursement du prix d’achat, du remplacement
ou de la réparation du bien, en sus de ses obligations légales visant à garantir la conformité du
bien ».
La garantie doit faire l’objet d’un écrit présentant ses caractéristiques essentielles (objet de la
garantie, durée, prix...) et mentionnant expressément que, nonobstant la garantie commerciale,
le vendeur est pleinement tenu au titre de la garantie légale de conformité ainsi que de la garantie
des vices cachés.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889280361:88831201:196.200.176.17
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 8 – Le mandat 129

vendre un bien aux enchères ne peut pas s’en rendre adjudicataire (C. civ., art. 1596, al. 3). Par
ailleurs, une obligation de loyauté est expressément prévue à l’article L. 134-4 du Code de
commerce qui régit les rapports entre les agents commerciaux et leur mandant. Par exemple,
manque à son devoir de loyauté l’agent commercial qui vend des produits concurrents à ceux
du mandant.
La responsabilité du mandataire qui n’a pas respecté son obligation est réglementée aux arti-
cles 1991 et 1992 du Code civil.
Elle est appréciée différemment selon les circonstances. Tout d’abord, elle est appréciée différem-
ment selon que le mandat a été conclu à titre gratuit ou à titre onéreux. En effet, l’article 1992,
alinéa 2 dispose que « la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à
celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire ». Ainsi la faute commise par le
mandataire est-elle appréciée avec plus de rigueur lorsque le mandat a été conclu à titre onéreux.
Ensuite, la responsabilité du mandataire est appréciée différemment selon l’intensité de l’inexécu-
tion. La jurisprudence a distingué deux hypothèses :
– si la mission n’a pas été exécutée : la responsabilité du mandataire est engagée, sauf cas fortuit ;
– si la mission n’a pas été correctement exécutée : la responsabilité du mandataire ne sera
engagée que si ce dernier a commis une faute. La présomption de faute qui existe dans la
première hypothèse n’est donc pas étendue à l’hypothèse de mauvaise exécution du mandat
(Cass. 1re civ., 18 janv. 1989, nº 87-16530).
Le mandataire doit en principe effectuer personnellement la mission qui lui a été confiée. Toute-
fois, la jurisprudence a déjà autorisé le mandataire à se substituer un tiers dans l’exécution du
mandat, sauf disposition légale ou clause contraire.
Le législateur l’a admis aussi en réglementant les rapports entre le mandant, le mandataire initial
et le mandataire substitué à l’article 1994 du Code civil.
L’alinéa 1 de ce texte prévoit que le mandataire initial répond de celui qui s’est substitué dans
deux hypothèses précises :
– quand il n’a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu’un, autrement dit lorsque le mandant
n’a pas autorisé la substitution ;
– quand ce pouvoir lui a été conféré sans désignation d’une personne et celle dont il a fait le
choix était notoirement incapable ou insolvable. Cette hypothèse vise le cas où le mandataire
initial, bien qu’il ait reçu le pouvoir de se substituer quelqu’un, a choisi une personne qui
n’était pas en mesure d’accomplir la mission confiée par le mandant.
En dehors de ces hypothèses, le mandataire initial sera déchargé de ses obligations à l’égard du
mandant, seul le mandataire substitué étant engagé à l’égard de celui-ci.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
130 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

L’alinéa 2 de l’article 1994 prévoit une action directe en responsabilité que pourra exercer le
mandant à l’encontre du mandataire substitué, et ce même si la substitution n’a pas été autorisée.
En effet, le texte prévoit que « dans tous les cas, le mandant peut agir directement contre la
personne que le mandataire s’est substituée ».
La Cour de cassation a complété cette disposition en permettant réciproquement au mandataire
substitué de disposer d’une action contre le mandant pour obtenir sa rémunération, même si la
substitution n’a pas été autorisée. Par un arrêt ultérieur, la haute juridiction a toutefois tempéré
sa jurisprudence en permettant au mandant d’opposer au mandataire substitué le paiement déjà
effectué au profit du mandataire initial avant l’exercice de l’action. L’action directe n’est ainsi plus
recevable si le mandant s’est acquitté de sa dette en payant le mandataire initial (Cass. com.,
3 déc. 2002, nº 00-18988).
2) L’obligation de reddition des comptes
Selon l’article 1993 du Code civil, « tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et
de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce
qu’il aurait reçu n’eût point été dû au mandant ».
Au regard de ce texte, l’obligation de reddition des comptes ne se limite pas à une information sur
le déroulement de la mission, mais oblige également le mandataire à rendre des comptes détaillés
de la gestion de sa mission d’un point de vue comptable, c’est-à-dire en fournissant un compte de
gestion faisant apparaître toutes les sommes que le mandataire a perçues, y compris celles qui ne
sont pas véritablement dues au mandant, mais aussi tous les fonds prélevés et utilisés par le
mandataire pour mener à bien la mission qui lui a été confiée.
Cette obligation de reddition des comptes emporte ensuite l’obligation de restituer ce que le
mandataire a pu recevoir du mandant pour l’exécution de sa mission (documents administratifs
par exemple) et ce qu’il a pu recevoir du tiers contractant (par exemple, en cas de vente d’un
bien du mandant, le prix de vente versé par le tiers acquéreur).

b) Les obligations du mandant


Les articles 1999 et 2000 du Code civil font ressortir trois obligations à la charge du mandant :
payer la rémunération du mandataire, assurer le remboursement des frais et avances que celui-ci
a faits pour l’exécution du mandat et enfin l’indemniser des pertes résultant de la gestion de sa
mission.
1) L’obligation de payer la rémunération du mandataire
Lorsque le mandat a été conclu à titre onéreux, le mandant est tenu de rémunérer le mandataire
qui a exécuté la mission qui lui a été confiée.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 8 – Le mandat 131

Rappelons que la détermination du prix n’est pas une condition de formation du contrat de
mandat. Le prix de la prestation peut, en effet, être fixé dans la convention ou être fixé ultérieure-
ment, une fois que la mission a été exécutée. En effet, il arrive que la prestation du mandataire
soit difficile à déterminer avec précision au jour de la conclusion du contrat.
Si le montant de la rémunération est fixé après l’exécution de la mission, il appartient alors au
mandant qui estimerait que la fixation du prix est abusive de saisir le juge d’une demande de
dommages-intérêts. En outre, depuis la loi du 20 avril 2018 portant ratification de l’ordonnance
du 10 février 2016, le juge peut, en cas d’abus dans la fixation du prix, être saisi d’une demande
tendant à obtenir la résolution du contrat (C. civ., art. 1165, al. 2).
Si le montant de la rémunération a été fixé au jour de la conclusion du contrat, donc avant l’exé-
cution de la mission, une révision judiciaire du prix est possible, selon une jurisprudence constante,
lorsque la rémunération paraît excessive et disproportionnée par rapport au travail accompli.
Par ailleurs, il convient de préciser que la rémunération est due au mandataire même si la mission
qui lui a été confiée a échoué. La règle résulte de l’article 1999, alinéa 2 du Code civil qui n’auto-
rise le mandant à ne pas verser de rémunération au mandataire que dans le cas où ce dernier a
commis une faute. La rémunération du mandataire n’est donc pas subordonnée à la réussite de
l’opération projetée.
2) L’obligation de rembourser les frais et avances
L’article 1999 du Code civil dispose que « le mandant doit rembourser au mandataire les avances
et frais que celui-ci a faits pour l’exécution du mandat ». Ce remboursement doit avoir lieu même
si le mandataire a échoué dans sa mission, sauf si ce dernier a commis une faute dans l’exécution
du contrat.
Cette obligation suppose que le mandataire justifie des frais et avances déboursés. Cela renvoie à
l’obligation de reddition des comptes à laquelle le mandataire est tenu.
Toutefois, la règle posée à l’article 1999 du Code civil n’est pas d’ordre public. Le mandataire peut
dispenser le mandant du remboursement ou accepter d’imputer les avances et frais sur sa
rémunération.
En outre, aux avances et frais, il convient d’ajouter les intérêts qui sont également dus par le
mandant. Aux termes de l’article 2001 du Code civil, les avances faites par le mandataire portent
intérêt du jour qu’elles sont constatées.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
132 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

3) L’obligation d’indemniser les pertes


L’article 2000 du Code civil dispose que « le mandant doit aussi indemniser le mandataire des
pertes que celui-ci a essuyées à l’occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable ».
Le mandant doit donc répondre des pertes nées à l’occasion de la gestion du mandat.
À titre d’illustration, la jurisprudence a appliqué cette disposition dans le cadre des contrats de
gérance-mandat conclus entre le propriétaire d’un fonds de commerce et un gérant-mandataire
chargé d’exploiter le fonds au nom et pour le compte de celui-ci. Dès lors que le mandataire n’a
commis aucune faute dans la gestion du fonds de commerce, le mandant, propriétaire du fonds,
doit prendre en charge les pertes d’exploitation, sans pouvoir limiter l’indemnisation aux pertes
occasionnelles (par exemple : Cass. com., 28 janv. 1992, nº 89-21512).
En revanche, lorsque la perte résulte d’une faute du mandataire, que cette faute soit intention-
nelle ou d’imprudence, aucune indemnisation ne lui est due.
Là aussi, la règle prévue à l’article 2000 du Code civil n’est pas d’ordre public. Les parties peuvent
convenir d’écarter toute indemnisation des pertes engendrées à l’occasion du mandat.
Des difficultés ont surgi à propos des clauses de forfait contenues dans les contrats conclus entre
les compagnies pétrolières et les locataires-gérants exploitants de stations-services. La clause de
forfait prévoit une somme forfaitaire couvrant les avances, frais et rémunérations qui sont dus au
mandataire. Cette clause a-t-elle vocation à couvrir également les pertes d’exploitation ? Saisie de
cette problématique, la Cour de cassation a décidé, après avoir admis le contraire, que les clauses
de forfait ne couvraient pas les pertes d’exploitation. En d’autres termes, les locataires-gérants
exploitants des stations-service doivent bénéficier d’une indemnisation au titre des pertes d’exploi-
tation, sauf clause prévoyant expressément une exclusion de ce remboursement (Cass. com.,
28 janv. 1992, nº 89-21356).

■ Les effets du mandat à l’égard des tiers


Les effets du mandat à l’égard des tiers varient selon les situations. Trois hypothèses seront
envisagées.
La première hypothèse sera celle du mandataire qui a agi dans les strictes limites de son pouvoir.
La deuxième hypothèse sera celle du mandataire qui a dépassé ses pouvoirs ou qui a conclu un
acte sans pouvoir.
Une troisième hypothèse sera envisagée, celle du mandataire qui a commis un détournement de
pouvoirs.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 8 – Le mandat 133

a) Première hypothèse : le mandataire n’a pas outrepassé ses pouvoirs


Une distinction s’impose selon que le tiers contractant avait ou non connaissance de l’étendue des
pouvoirs du mandataire.
1) Si le tiers connaissait l’étendue des pouvoirs du mandataire
Le mandataire qui conclut l’acte juridique en toute transparence, c’est-à-dire en faisant connaître
le nom du mandant et sa qualité de mandataire, n’est pas engagé à l’égard du tiers contractant.
Il n’existe donc aucun rapport juridique entre le tiers contractant et le mandataire, lequel n’a agi
qu’au nom et pour le compte du mandant. Une fois l’acte juridique conclu, le mandataire
s’efface pour laisser place à la relation entre le mandant et le tiers contractant. Seul le mandant
est donc juridiquement engagé.
Toutefois, le mandataire reste tenu à l’égard des tiers des conséquences dommageables des fautes
qu’il a commises dans l’exécution du mandat. En effet, le célèbre arrêt de l’assemblée plénière de
la Cour de cassation en date du 6 octobre 2006 a affirmé le principe de la relativité de la faute
contractuelle qui peut permettre aux tiers de demander réparation sur le fondement de la respon-
sabilité délictuelle (Cass. ass. plén., 6 oct. 2006, nº 05-13255). Il en résulte que si le mandataire a
commis une faute dans l’exécution du mandat, par exemple le manquement à son obligation de
diligence, les tiers ayant subi un préjudice du fait de cette faute contractuelle sont autorisés à
engager la responsabilité délictuelle du mandataire. La Cour de cassation a plus récemment
précisé que la seule faute contractuelle suffit à engager la responsabilité délictuelle du
mandataire à l’égard des tiers, sans qu’il soit nécessaire de qualifier le dol (Cass. 1re civ.,
19 sept. 2018, nº 16-20164).
2) Si le tiers n’avait pas connaissance de l’étendue des pouvoirs du mandataire
Le mandataire doit être particulièrement vigilant et indiquer aux tiers qu’il agit au nom et pour le
compte d’un mandant qu’il représente. Car, à défaut, le mandataire est tenu personnellement à
l’égard des tiers contractants, même s’il dispose toujours de la faculté de se retourner contre le
mandant.
b) Deuxième hypothèse : le mandataire a agi sans pouvoir ou a outrepassé
ses pouvoirs
Là aussi, une distinction s’impose selon les connaissances du tiers quant à l’étendue des pouvoirs
du mandataire.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
134 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

1) Si le tiers avait connaissance de l’étendue des pouvoirs du mandataire


L’article 1997 du Code civil dispose que « le mandataire qui a donné à la partie avec laquelle il
contracte en cette qualité une suffisante connaissance de ses pouvoirs n’est tenu d’aucune
garantie pour ce qui a été fait au-delà, s’il ne s’y est personnellement soumis ».
Il ressort de ce texte que le mandataire n’est pas engagé à l’égard du tiers si ce dernier connaissait
les limites de son pouvoir.
Le texte réserve toutefois le cas où le mandataire s’est personnellement engagé envers le tiers.
Cela vise notamment l’hypothèse où le mandataire se porte-fort de la ratification de l’engagement
par le mandant. Si la ratification n’a pas lieu, seul le mandataire est engagé. L’acte accompli par le
mandataire sans pouvoir ou en dépassement de ses pouvoirs est alors inopposable au mandant
(C. civ., art. 1156, al. 1). Si, au contraire, la ratification a lieu, seul le mandant est engagé à
l’égard du tiers (C. civ., art. 1998, al. 2), et ce de façon rétroactive. Le mandant ne pourra donc
plus invoquer l’inopposabilité de l’acte accompli par le mandataire (C. civ., art. 1156, al. 3).
2) Si le tiers n’avait pas connaissance de l’étendue des pouvoirs du mandataire
L’article 1156, alinéa 2 du Code civil permet au tiers contractant d’invoquer la nullité de l’acte
accompli par le mandataire qui a agi sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs. Le texte dispose,
en effet, que « lorsqu’il ignorait que l’acte était accompli par le représentant sans pouvoir ou au-
delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité ».
Dans les rapports entre le mandant et le tiers, l’article 1156, alinéa 1 du Code civil dispose que
l’acte accompli par le mandataire sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au
mandant, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant,
notamment en raison du comportement ou des déclarations du mandant. Le texte vise clairement
l’hypothèse d’un mandat apparent qui va développer ses effets comme s’il s’agissait d’un mandat
classique. En effet, le mandant, qui a fait naître dans l’esprit du tiers la croyance légitime que le
mandataire disposait des pouvoirs nécessaires pour conclure l’acte, sera tenu de l’exécuter.
Il est à noter que la réforme du droit des contrats a créé une action interrogatoire permettant au
tiers, qui a un doute sur l’étendue des pouvoirs confiés au mandataire, d’interroger le mandant
afin que ce dernier lui confirme que le mandataire est habilité à conclure l’acte en question
(C. civ., art. 1158).

c) Troisième hypothèse : le détournement des pouvoirs au détriment du mandant


Ici la situation est différente : le mandataire a agi dans les limites de ses pouvoirs mais a utilisé ses
pouvoirs au détriment du mandant.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 8 – Le mandat 135

En effet, le mandataire commet un détournement de pouvoirs lorsqu’il détourne le mandat de sa


finalité. Le mandat doit en principe être tourné vers la satisfaction des intérêts exclusifs du
mandant. Il y a dès lors détournement de pouvoirs lorsque le mandataire cherche à satisfaire ses
propres intérêts ou à avantager les intérêts d’un tiers au détriment du mandant.
Le mandant n’est pas engagé vis-à-vis du tiers si l’acte a été conclu par un détournement de
pouvoirs. Le mandataire est évidemment responsable car il a agi au mépris de son devoir de
loyauté vis-à-vis du mandant.
En outre, en vertu de l’article 1157 du Code civil, le mandant peut invoquer la nullité de l’acte
accompli si le tiers avait connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer. La nullité de
l’acte conclu par le mandataire qui a détourné ses pouvoirs pourra donc être invoquée par le
mandant en cas de mauvaise foi du tiers.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
Les autres contrats PARTIE
spéciaux 4

Chapitre 9 - Les contrats assurant la conservation de la chose :


le dépôt volontaire 139
Chapitre 10 - Les contrats relatifs à un litige : la transaction 147
Chapitre 11 - Les contrats aléatoires : la rente viagère 153
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
Les contrats assurant la
Chapitre
conservation de la chose : 9
le dépôt volontaire

L’analyse de ce contrat suppose, comme pour les autres contrats, d’étudier les éléments caractérisant le
dépôt, les règles régissant sa formation ainsi que les obligations qui pèsent sur chacune des parties.

1 Les éléments de qualification du contrat de dépôt


Le dépôt est défini à l’article 1915 du Code civil comme « l’acte par lequel on reçoit la chose
d’autrui, à charge de la garde et de la restituer en nature » :
– celui qui reçoit la chose d’autrui s’appelle le dépositaire ;
– celui qui remet la chose au dépositaire est le déposant.
Trois éléments permettent de qualifier le dépôt : la remise d’une chose mobilière au dépositaire ; la
garde de la chose par le dépositaire ; la restitution de la chose en nature au déposant.

■ La remise d’une chose mobilière au dépositaire


Le contrat de dépôt suppose la remise d’une chose au dépositaire. En effet, ce dernier ne peut pas
accomplir son obligation de conservation s’il n’a pas, au préalable, pris possession de la chose,
objet du contrat.
La remise de la chose forme le contrat de dépôt qui prend alors la qualification de contrat réel.
Conformément aux dispositions de l’article 1918 du Code civil, le contrat de dépôt ne peut porter
que sur des choses mobilières.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
140 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

■ La garde de la chose par le dépositaire


La chose est remise au dépositaire dans un but précis : assurer la conservation de la chose.
Cette obligation de conservation, qui pèse sur le dépositaire, est un critère de qualification déter-
minant en ce qu’il permet de distinguer le dépôt des autres contrats voisins.
Le dépôt se distingue, tout d’abord, du bail et du prêt à usage. Ces contrats emportent certes la
remise d’une chose qui devra ensuite être restituée. Mais le bail et le prêt à usage ont la particula-
rité, à la différence du dépôt, de conférer un droit de jouissance de la chose remise. Dans le
dépôt, le dépositaire ne bénéficie pas d’un tel droit, il ne peut pas faire usage de la chose. Il ne
peut que conserver la chose dans l’intérêt du déposant.
Le dépôt se distingue ensuite du mandat, même si ce dernier peut conduire identiquement à la
remise d’une chose au mandataire pour le compte du mandant. Dès lors que la remise de la
chose se réalise dans le but de conserver celle-ci et de la restituer en nature, et non dans un
autre but, seule la qualification de dépôt doit être retenue.
Le dépôt se distingue enfin du contrat d’entreprise. Ce dernier impose à titre principal la réalisa-
tion d’une prestation de service et non la conservation d’une chose. Toutefois, le dépôt et le
contrat d’entreprise peuvent être combinés, le dépôt étant parfois conclu à titre accessoire d’un
contrat d’entreprise qui implique l’exécution d’une prestation de service sur la chose. À titre
d’illustration, le garagiste qui effectue des réparations est tenu d’une obligation de conservation
et de restitution du véhicule à son client.

■ La restitution de la chose en nature au déposant


Aux termes de l’article 1932, alinéa 1 du Code civil, « le dépositaire doit rendre identiquement la
chose même qu’il a reçue ». La restitution doit donc s’opérer en nature.
Toutefois, la restitution en nature est écartée dans trois cas :
– lorsque la chose a été détruite par force majeure. Le dépositaire remettra alors au déposant
l’indemnité d’assurance qu’il a reçue, en application de l’article 1934. La restitution se réalise
donc ici par équivalent ;
– lorsque le dépôt est irrégulier. Le dépôt irrégulier est celui qui, portant sur une chose fongible,
oblige le dépositaire à restituer, non pas la chose elle-même, mais une chose semblable, de
même espèce et de même qualité, que celle qui lui a été remise. Il s’agit, là aussi, d’une restitu-
tion par équivalent ;
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 9 – Les contrats assurant la conservation de la chose : le dépôt volontaire 141

– lorsque les héritiers du dépositaire ont vendu la chose de bonne foi, en pensant que ce dernier
en était le véritable propriétaire. Les héritiers restitueront alors la chose par équivalent en remet-
tant le prix de vente au déposant (C. civ., art. 1935).

2 La formation du dépôt
Comme les autres contrats, le dépôt est soumis à des conditions de forme et de fond.

■ Les conditions de forme


Les conditions de forme posent plusieurs questions, notamment celles relatives à la nature et à la
preuve du contrat de dépôt.
a) Le contrat de dépôt, un contrat réel ou un contrat consensuel ?
Le contrat de dépôt exige la remise volontaire d’une chose, ce qui conduit à classer ce contrat
dans la catégorie des contrats réels. L’article 1919, alinéa 1 du Code civil dispose en ce sens que
le contrat de dépôt « n’est parfait que par la remise réelle ou fictive de la chose déposée »,
l’alinéa 2 précisant que la remise est fictive lorsque le dépositaire est déjà en possession de la
chose que l’on consent à lui donner à titre de dépôt.
En l’absence de remise de la chose, si les parties ont manifesté leur accord en vue d’assurer la
garde d’une chose et sa restitution, cette convention doit être qualifiée de promesse de dépôt.
Toutefois, la nature réelle du contrat de dépôt n’emporte pas l’adhésion de tous. Certains auteurs
considèrent que le dépôt volontaire n’est pas un contrat réel mais plutôt un contrat consensuel.
L’article 1921 du Code civil suggérerait une telle analyse. Ce texte prévoit que « le dépôt volon-
taire se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le
reçoit ». Le dépôt volontaire serait donc, en application de ce texte et selon l’avis de ces auteurs,
un contrat consensuel se formant par le seul échange des consentements, et non par la remise de
la chose au dépositaire.
En revanche, la nature réelle du dépôt dit « nécessaire » ne serait pas remise en cause. Prévu à
l’article 1949 du Code civil, le dépôt nécessaire est celui qui a été forcé par quelque accident, tel
qu’un incendie, une ruine, un pillage ou un autre événement imprévu. C’est donc par contrainte
que le déposant a remis la chose au dépositaire, par crainte d’un péril imminent. Le consentement
des parties est donc regardé avec moins d’attention que dans le dépôt volontaire.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
142 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

b) La preuve du dépôt
La preuve du dépôt pèsera le plus souvent sur le déposant. En effet, si ce dernier exerce une
action en justice contre le dépositaire car celui-ci a mal exécuté son obligation de conservation ou
ne lui a pas restitué la chose, ce sera à lui d’apporter la preuve de l’existence et de l’objet du
dépôt.
Il faut faire une distinction selon qu’il s’agit d’un dépôt volontaire ou d’un dépôt nécessaire afin
de déterminer les moyens de preuve recevables :
– le dépôt volontaire obéit aux règles de preuve de droit commun : le dépôt volontaire doit être
prouvé par écrit lorsque la valeur de l’objet déposé excède 1 500 euros. Toutefois, la preuve est
libre en cas d’impossibilité de prouver par écrit, s’il s’agit de prouver contre un commerçant ou
en présence d’un commencement de preuve par écrit. Faute de dépôt établi par écrit, l’aveu du
dépositaire joue un rôle important en la matière. En application de l’article 1924 du Code civil, il
doit être cru sur la seule déclaration soit pour l’existence ou l’absence de la remise de la chose,
soit pour la chose qui en fait l’objet soit sur le fait de sa restitution. La règle de l’article 1924 du
Code civil se fonde sur le principe d’indivisibilité de l’aveu. Si le déposant prouve le dépôt par
l’aveu du dépositaire, ce dernier doit également être cru s’il prétend avoir restitué la chose.
Pour illustration, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel qui « en avait exactement
déduit que les attestations produites par la déposante selon lesquelles le dépositaire aurait
conservé certains meubles ne pouvaient faire échec aux déclarations de ce dernier, qui soutenait
avoir restitué l’intégralité des meubles dont il avait été dépositaire » (Cass. 1re civ., 14 nov. 2012,
nº 11-24320) ;
– le dépôt nécessaire obéit à un régime particulier, dans la mesure où il est la conséquence d’un
événement imprévu qui a contraint le déposant à remettre une chose au dépositaire. Dans ces
circonstances, les parties ont très rarement préconstitué un écrit. Il est donc prévu que la
preuve du dépôt nécessaire est libre (C. civ., art. 1950).

■ Les conditions de fond


Les conditions de fond sont celles tirées du droit commun des contrats. Celles ayant trait au
consentement et à la capacité des parties méritent une attention particulière.

a) Le consentement des parties


L’article 1921 du Code civil exige, pour le dépôt volontaire, le consentement réciproque du dépo-
sant et du dépositaire.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 9 – Les contrats assurant la conservation de la chose : le dépôt volontaire 143

Du côté du déposant, l’existence de son consentement ne posera guère de difficultés, il se déduira


très souvent de la remise matérielle de la chose au dépositaire.
Du côté du dépositaire, l’existence de son consentement sera regardée, en revanche, avec plus
d’attention. Il faudra s’assurer qu’il a accepté la remise de la chose d’autrui à titre de dépôt, autre-
ment dit qu’il a accepté de se comporter en un véritable dépositaire. Par exemple, les salles de
sport qui mettent des vestiaires à la disposition de leurs clients ou de leurs employés n’entendent
pas toujours conclure un contrat de dépôt. Lorsque l’entreprise précise clairement qu’elle ne sera
pas responsable en cas de vol, la jurisprudence considère que cette clause exclut la qualification de
dépôt (par exemple : Cass. 1re civ., 19 mai 1992, nº 90-19995).
Le consentement des parties doit, non seulement exister, mais également être libre et éclairé, les
vices du consentement pouvant alors servir de fondement à une demande en nullité du contrat
de dépôt.

b) La capacité des parties


Conformément aux dispositions de l’article 1925, alinéa 1 du Code civil, « le dépôt volontaire ne
peut avoir lieu qu’entre personnes capables de contracter ».
Le dépôt fait par un incapable encourt la nullité relative. Toutefois, le dépositaire qui a accepté le
dépôt d’un incapable en connaissance de cause est tenu de toutes les obligations d’un véritable
dépositaire. Il peut être poursuivi par le tuteur ou l’administrateur du déposant (C. civ., art. 1925,
al. 2).
Si au contraire l’incapacité touche le dépositaire, le déposant ne dispose alors que d’une action en
restitution à concurrence du profit subsistant entre les mains du dépositaire (C. civ., art. 1926).
Le déposant doit-il nécessairement être le propriétaire de la chose remise au dépositaire ? La
réponse semble explicitement donnée à l’article 1922 du Code civil qui dispose que « le dépôt
volontaire ne peut régulièrement être fait que par le propriétaire de la chose déposée, ou de son
consentement exprès ou tacite ». À rebours de la lettre du texte, la jurisprudence a admis que
toute personne détenant une chose est libre de contracter un dépôt. Toutefois, étant un tiers au
contrat de dépôt, le véritable propriétaire de la chose déposée ne sera jamais tenu des obligations
à la charge du déposant, par application de l’effet relatif des conventions.

3 Les obligations des parties


Les obligations du dépositaire sont évidemment plus rigoureuses que celles qui sont mises à la
charge du déposant.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
144 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

■ Les obligations du dépositaire


Plusieurs obligations pèsent sur le dépositaire. Certaines sont des obligations de faire, d’autres de
ne pas faire.

a) Les obligations de faire du dépositaire


Elles sont au nombre de deux : conserver la chose déposée et la restituer au déposant.
1) Conserver la chose
L’obligation de conservation caractérise le contrat de dépôt. Le dépositaire doit s’assurer que la
chose déposée ne subisse aucune dégradation ou perte. Plus précisément, comme l’indique
l’article 1927 du Code civil, « le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les
mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent ».
L’obligation de conservation est une obligation de moyens renforcée : la faute du dépositaire est
présumée. En cas de perte ou de détérioration de la chose remise, c’est au dépositaire de
prouver qu’il n’a commis aucune faute (c’est le cas, par exemple, s’il démontre que la détériora-
tion existait avant la remise de la chose ou que celle-ci n’existait pas au jour de sa restitution).
Évidemment, la force majeure exonère aussi le dépositaire de sa responsabilité (C. civ., art. 1929).
L’obligation du dépositaire est appréciée plus rigoureusement lorsque le dépôt a été conclu à titre
onéreux, donc lorsque le dépositaire est un dépositaire intéressé (C. civ., art. 1928, 2º). Dans ce
cas, la responsabilité du dépositaire est appréciée de manière abstraite, eu égard aux soins qu’au-
rait apportés une personne normalement diligente (ancien standard du bon père de famille). Dans
le dépôt conclu à titre gratuit, l’appréciation se fait in concreto, eu égard aux soins que le déposi-
taire aurait apportés à sa propre chose, comme l’énonce l’article 1927 du Code civil. Le comporte-
ment du dépositaire désintéressé est donc apprécié avec plus d’indulgence car, même s’il commet
une faute lourde dans l’exécution de son obligation, il ne sera pas responsable dès lors que la
même faute aurait pu être commise dans la gestion de ses propres affaires.
2) Restituer la chose
Le dépôt est révocable ad nutum, c’est-à-dire à tout moment, à première demande, et ce que le
contrat soit à durée déterminée ou indéterminée. La règle résulte de l’article 1944 du Code civil
qui dispose que « le dépôt doit être remis au déposant aussitôt qu’il le réclame, lors même que
le contrat aurait fixé un délai déterminé pour la restitution ». En d’autres termes, le déposant
dispose d’une faculté de résiliation unilatérale, sans préavis, même si le contrat de dépôt a été
conclu à durée déterminée.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 9 – Les contrats assurant la conservation de la chose : le dépôt volontaire 145

Le dépositaire doit rendre « identiquement la chose même qu’il a reçue » (C. civ., art. 1932, al. 1)
et « dans l’état où elle se trouve au moment de la restitution » (C. civ., art. 1993). Le dépositaire,
tenu d’une obligation de conservation, devra prouver que les dégradations de la chose ne lui sont
pas imputables. Si cette preuve est rapportée, les dégradations seront assumées par le déposant
(C. civ. art. 1933).
Le dépositaire doit également restituer les fruits de la chose, si celle-ci est frugifère (C. civ.,
art. 1936).
L’exécution de l’obligation de restitution emporte en principe extinction du contrat de dépôt.
Celui-ci peut toutefois prendre fin sans restitution lorsque le dépositaire découvre qu’il est le
propriétaire de la chose déposée (C. civ., art. 1946) ou lorsque la chose est enlevée au dépositaire
par une force majeure sans que celui-ci ne perçoive d’indemnité (C. civ., art. 1934).

b) Les obligations de ne pas faire du dépositaire


Le dépositaire ne doit ni utiliser la chose remise ni chercher à en connaître le secret lorsqu’elle lui a
été confiée dans un coffre fermé ou dans une enveloppe cachetée.
1) Ne pas utiliser la chose remise
L’obligation de conservation de la chose n’implique pas le pouvoir d’en faire usage, sauf autorisa-
tion expresse ou présumée du déposant (C. civ., art. 1930).
Toutefois, s’il est autorisé, l’usage de la chose ne doit pas être le but de la remise car, si tel est le
cas, le contrat de dépôt doit être requalifié en prêt à usage.
2) Ne pas chercher à connaître la chose qui lui a été remise
Cette obligation de ne pas faire résulte de l’article 1931 du Code civil qui dispose que le déposi-
taire « ne doit point chercher à connaître quelles sont les choses qui lui ont été déposées si elles
lui ont été confiées dans un coffre fermé ou sous une enveloppe cachetée ».
Plus largement, le dépositaire est tenu d’une obligation de discrétion : il ne doit ni chercher à
savoir quelle est la chose qui lui a été remise ni à en dévoiler le secret aux tiers.

■ Les obligations du déposant


L’article 1947 du Code civil met deux obligations à la charge du déposant : l’obligation de
rembourser au dépositaire les dépenses qu’il a faites pour la conservation de la chose déposée et
l’obligation de l’indemniser de toutes les pertes que le dépôt peut lui avoir occasionnées.
En outre, le déposant doit verser une rémunération au dépositaire, lorsque le dépôt a été conclu à
titre onéreux.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
146 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

Le dépositaire bénéficie de garanties spécifiques si le déposant n’exécute pas ses obligations. En


effet, il dispose d’un droit de rétention qu’il peut mettre en œuvre jusqu’à l’entier paiement de
ce qui lui est dû à raison du dépôt (C. civ., art. 1948) et se prévaloir du privilège mobilier du
conservateur énoncé à l’article 2102, 3º du Code civil.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
Les contrats relatifs Chapitre
10
à un litige : la transaction

Un litige n’est pas toujours confié à un juge étatique. Il existe des modes alternatifs de règlement des litiges
qui permettent aux parties de résoudre à l’amiable leurs différends. Dans cette perspective, elles peuvent
ainsi avoir recours à la transaction, laquelle est parfois précédée d’une médiation ou d’une conciliation.

Définie à l’article 2044 du Code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des
concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à
naître. Grâce à la transaction, les parties mettent fin au procès qui a été engagé ou évitent de
porter la contestation devant un juge en réglant amiablement leur litige.
Les éléments constitutifs, la formation et les effets de la transaction seront analysés
successivement.

1 Les éléments constitutifs de la transaction


À travers la définition légale de la transaction, on peut déceler trois éléments constitutifs : une
contestation née ou à naître, des concessions réciproques et une intention de mettre fin au litige.

■ Une contestation née ou à naître


La transaction a un but précis : terminer une contestation née ou prévenir une contestation à
naître.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
148 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

Il existe deux sortes de transaction :


– la transaction extrajudiciaire prévient un litige à naître, c’est-à-dire que le différend existant
entre les parties n’a pas encore donné lieu à un procès, aucune action en justice n’a été
exercée ;
– la transaction judiciaire met fin à un litige déjà né, c’est-à-dire qu’elle intervient alors qu’une
action en justice a déjà été mise en œuvre par l’une des parties.

■ Des concessions réciproques


Cette condition a été dégagée par la jurisprudence avant d’être consacrée dans le Code civil par la
loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Depuis cette réforme, cette
condition fait partie intégrante de la définition de la transaction que l’on retrouve à l’article 2044
du Code civil.
L’existence de concessions réciproques au profit de chacune des parties est une condition de vali-
dité de la transaction, les juges n’hésitant pas à annuler les transactions pour absence de conces-
sions réciproques (par exemple : Cass. 1re civ., 17 oct. 2012, nº 11-24721).
L’existence de ces concessions réciproques doit s’apprécier au moment où la transaction est
conclue.
Si la Cour de cassation n’exige pas une parfaite proportionnalité des concessions, il faut néan-
moins que celles-ci ne soient pas dérisoires. Par exemple, sont qualifiées de concessions récipro-
ques le fait pour un employeur de renoncer à invoquer une faute grave en contrepartie pour le
salarié de renoncer à des dommages-intérêts pour rupture abusive.
La Cour de cassation admet également les concessions dites indirectes, c’est-à-dire les transactions
dans lesquelles le bénéficiaire direct de la concession n’est pas l’auteur de la concession réci-
proque (par exemple, il y a concession indirecte lorsque l’acquéreur de la totalité des parts d’une
EURL renonce à l’application de la garantie de passif consentie par le vendeur alors que ce dernier
abandonne son compte-courant au profit de la société ; Cass. com., 25 oct. 2011, nº 10-23538).

■ L’intention de mettre fin au litige


Les parties doivent avoir l’intention de mettre fin au litige. Il s’agit là aussi d’un élément nécessaire
à la qualification du contrat de transaction. Sans cette intention, il n’y a pas de transaction.
Cet élément permet de distinguer la transaction et l’arrangement amiable. Par exemple, lorsque le
vendeur et l’acheteur s’accordent sur le remplacement de machines à laver défectueuses, il n’y a
pas de transaction. Partant, l’acheteur peut exercer une action en résolution si le nouveau matériel
livré ne lui a pas donné satisfaction. Car, en acceptant le remplacement de machines, l’acheteur
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 10 – Les contrats relatifs à un litige : la transaction 149

n’a pas eu l’intention de renoncer à l’action en résolution et donc de mettre fin au litige
(Cass. com., 16 juin 1964).

2 La formation de la transaction
Aucune condition de forme n’est imposée ad validitatem. En revanche, la transaction est soumise
à plusieurs conditions de fond.

■ L’exigence d’un écrit à titre de preuve


La transaction est un contrat consensuel qui n’exige aucune forme particulière pour sa validité. Ce
contrat se forme donc par l’échange des consentements des parties qui expriment leur volonté
d’éteindre un litige.
L’article 2044, alinéa 2 du Code civil impose, néanmoins, la rédaction d’un écrit. Mais la jurispru-
dence a considéré que cet écrit n’est pas requis à titre de validité mais à titre de preuve seulement.

■ Les conditions de fond


Les conditions de fond sont celles du droit commun des contrats.
Toutefois, en raison de ses particularités, le contrat de transaction obéit à certaines conditions de
fond qui lui sont spécifiques, notamment celles relatives à l’objet de la transaction.
En effet, les droits auxquels renoncent les parties à la transaction doivent être disponibles, ce qui
exclut plusieurs cas de renonciations :
– la renonciation aux droits extrapatrimoniaux. Ceux-ci relèvent de l’état des personnes et ne
peuvent faire l’objet d’une transaction (filiation, mariage, nationalité, divorce...) ;
– la renonciation anticipée à un droit patrimonial d’ordre public (bail d’habitation, contrat
de travail, droit à réparation d’un dommage corporel...). Par exemple, un salarié ne peut pas
transiger sur les conséquences d’un licenciement qui n’a pas encore été prononcé. La transac-
tion ne peut valablement être conclue qu’une fois que le licenciement est intervenu ;
– la renonciation anticipée à demander la nullité d’un contrat pour atteinte à l’ordre
public. Les parties ne peuvent donc pas transiger sur la validité d’un acte qui est entaché
d’une nullité d’ordre public. Par exemple, une transaction ne peut pas venir valider une vente
d’organes ou un acte sous seing privé alors que la loi exige qu’il soit conclu devant notaire, à
peine de nullité absolue.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
150 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

En outre, la transaction étant un acte de disposition, les parties contractantes doivent avoir la
capacité de disposer de leurs droits. Ne peuvent donc transiger les personnes frappées d’une inca-
pacité d’exercice, à savoir les mineurs et les majeurs incapables.
Enfin, le consentement des parties doit, non seulement exister, mais également être libre et
éclairé. Les vices du consentement peuvent être invoqués par l’une des parties au soutien d’une
demande en nullité du contrat.
À cet égard, la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a mis fin au
régime spécial des causes de nullité de la transaction. L’article 2052, alinéa 2 du Code civil, tel qu’il
est rédigé depuis la réforme, n’exclut plus l’erreur de droit comme cause de nullité. Par ailleurs,
ont été abrogés les articles 2053 et suivants, qui prévoyaient la nullité de la transaction pour des
causes spécifiques (erreur sur la personne ou sur l’objet, dol, violence exécution d’un titre nul,
fausseté des pièces...). La transaction, comme tout autre contrat, est aujourd’hui soumis aux vices
et causes de nullité de droit commun qui ont fait l’objet de profondes modifications avec l’ordon-
nance du 10 février 2016. Les transactions conclues après l’entrée en vigueur de la réforme du
droit des contrats peuvent ainsi être annulées pour cause d’erreur de droit, celle-ci ayant été
consacrée à l’article 1132 du Code civil. De la même manière, les transactions sont susceptibles
d’être remises en cause en application de l’article 1143 du Code civil qui sanctionne l’abus de
l’état de dépendance.

3 Les effets de la transaction


La transaction développe plusieurs effets entre les parties. En revanche, elle a un effet relatif dans
les rapports avec les tiers.

■ Les effets de la transaction entre les parties


La transaction produit classiquement trois effets :
– un effet extinctif en ce qu’elle met fin à la contestation née ou au risque de contestation à
naître. Cet effet extinctif interdit aux parties de former de nouvelles réclamations ou de remettre
en cause des éléments entrant dans l’objet de la transaction. En ce sens, l’article 1952 du Code
civil dispose que « la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties
d’une action en justice ayant le même objet ». Avant la loi du 18 novembre 2016, l’article 2052
prévoyait que la transaction avait l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Même si cet
article a été supprimé par la réforme, la transaction emporte toujours extinction du droit d’agir
en justice ;
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 10 – Les contrats relatifs à un litige : la transaction 151

– un effet obligatoire en ce qu’elle met à la charge des parties des obligations réciproques. La
transaction est donc un contrat synallagmatique dont l’inexécution par l’une des parties peut
donner lieu aux sanctions classiques du droit des contrats : exception d’inexécution, exécution
en nature, résolution judiciaire ou unilatérale du contrat, responsabilité contractuelle de la
partie fautive... ;
– un effet déclaratif : la transaction se borne à constater une situation existante et par consé-
quent ne crée pas de droits nouveaux. Mais la transaction n’est pas un acte recognitif : ni l’un
ni l’autre des contractants ne reconnaît le bien-fondé de la prétention de l’autre à laquelle il a
été renoncé.

■ L’effet relatif de la transaction à l’égard des tiers


Dans les rapports avec les tiers, la transaction est gouvernée par le principe de l’effet relatif des
contrats. Autrement dit, la transaction ne produit d’effet qu’entre les parties contractantes.
Il en résulte que la transaction ne met pas d’obligations à la charge des tiers et ne fait naître
aucun droit à leur profit.
Si la transaction ne lie que les parties contractantes, la situation juridique engendrée par la tran-
saction s’imposera toutefois aux tiers. Réciproquement, les tiers pourront s’en prévaloir et
l’opposer à l’une des parties au contrat. Le fait juridique créé par la transaction est donc à la fois
opposable aux tiers et invocable par les tiers.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
Les contrats aléatoires : Chapitre
11
la rente viagère

La catégorie des contrats à titre onéreux oppose deux variétés de contrats : les contrats commutatifs et les
contrats aléatoires.

Dans le cadre d’un contrat commutatif, les parties contractantes peuvent apprécier immédiate-
ment, dès la conclusion du contrat, l’étendue, l’importance et le montant des prestations récipro-
ques. C’est le cas de la vente par exemple.
En revanche, dans le cadre d’un contrat aléatoire, l’étendue, l’importance et le montant des pres-
tations réciproques ne sont ni déterminés, ni déterminables lors de la formation du contrat. Les
parties acceptent de faire dépendre les effets de leur contrat, quant aux avantages et aux pertes
qui en résulteront, d’un événement futur incertain. Le contrat de rente viagère en est un parfait
exemple.
Le contrat de rente viagère est une convention par laquelle le débirentier s’engage à verser pério-
diquement à une autre personne, le crédirentier, une somme déterminée appelée arrérage
pendant la durée de la vie de ce dernier ou d’un tiers. En effet, la rente viagère peut être consti-
tuée soit sur la tête du crédirentier soit sur la tête d’un tiers (C. civ., art. 1971) et elle s’éteindra à
leur mort. L’espérance de vie du crédirentier ou du tiers détermine donc la durée de la rente.
Si la rente a pour contrepartie un bien, ce qui est généralement le cas, le contrat est qualifié de
vente moyennant rente viagère. Le prix de vente est composé d’une partie que l’on appelle « le
bouquet » que le vendeur perçoit dès la signature, et d’une autre partie que l’on appelle la rente
ou les arrérages qu’il percevra jusqu’à son décès.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
154 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

Après l’étude des caractères du contrat de rente viagère, il convient d’en analyser le régime qui
présente certaines particularités au sujet de la détermination du montant de la rente.

1 Les caractères du contrat de rente viagère


Le contrat de rente revêt trois caractères principalement. Il est aléatoire, successif et alimentaire.

■ Le caractère aléatoire de la rente viagère


L’aléa sur lequel porte le contrat de rente viagère tient à l’espérance de vie du crédirentier ou du
tiers sur la tête duquel la rente a été constituée. De cet aléa, il peut en résulter un important profit
pour le débirentier dès lors que le crédirentier ou le tiers vient à décéder peu de temps après la
constitution de la rente. Inversement, il peut en résulter un surcoût substantiel par rapport à la
valeur vénale du bien dès lors que le crédirentier ou le tiers décède très longtemps après la conclu-
sion du contrat.
L’aléa est une condition de validité du contrat de rente viagère. S’il n’y a pas d’aléa, le contrat
peut être annulé.
Il n’y a pas d’aléa si le crédirentier ou le tiers sur la tête duquel la rente a été constituée est déjà
mort au jour du contrat (C. civ., art. 1974).
Il n’y a pas non plus d’aléa si le crédirentier ou le tiers meurt dans les vingt jours de l’acte d’une
maladie qui était déjà connue au jour du contrat (C. civ., art. 1975). Même si la personne décède
plus de vingt jours après la conclusion du contrat, la Cour de cassation a considéré qu’une action
en nullité de la vente pour défaut de prix réel et sérieux est toujours possible si l’acquéreur avait
connaissance de la maladie affectant le vendeur et qu’il savait donc, lors de la vente, que le crédi-
rentier ou le tiers allait mourir prochainement (Cass. 1re civ., 2 mars 1977).

■ Le caractère successif de la rente viagère


Le contrat de rente viagère est un contrat à exécution successive. Cela signifie que l’une au moins
des parties est tenue d’une ou plusieurs obligations dont l’exécution s’étale dans le temps. C’est le
cas du débirentier dont l’obligation principale est le paiement d’arrérages pendant une période
plus ou moins longue. Ceux-ci sont dus jusqu’au décès du crédirentier ou du tiers dont la surve-
nance ne peut être connue à l’avance. En effet, au jour de la conclusion du contrat, les parties
ignorent quel sera le nombre de versements périodiques qui devront être effectués, puisque ce
nombre dépendra de la durée de vie du crédirentier ou du tiers.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
CHAPITRE 11 – Les contrats aléatoires : la rente viagère 155

■ Le caractère alimentaire de la rente viagère


La rente viagère permet au crédirentier d’obtenir une somme d’argent périodique. Elle présente
donc l’avantage de lui conférer un complément de revenus substantiels jusqu’à la fin de sa vie ou
de celle du tiers sur la tête duquel la rente a été constituée. À ce titre, les arrérages présentent un
caractère alimentaire pour le crédirentier.
L’engagement du débirentier est définitif. À la différence de la rente perpétuelle, la rente viagère
ne peut être rachetée (C. civ., art. 1979).
En cas de défaut de paiement de la rente, le débirentier s’expose à des mesures d’exécution
forcée. En revanche, la résolution du contrat de rente viagère est en principe exclue (C. civ.,
art. 1978). En pratique, le contrat comporte presque toujours une clause résolutoire permettant
de contourner cette interdiction qui n’est pas d’ordre public. Cette clause est souvent complétée
par une clause pénale permettant au crédirentier, en cas de résolution de la vente, de conserver
les arrérages déjà perçus à titre de dommages-intérêts.

2 La détermination du montant de la rente viagère


Aux termes de l’article 1976 du Code civil, « la rente viagère peut être constituée au taux qu’il
plaît aux parties contractantes ». On applique en la matière le principe de la liberté contractuelle.
Il existe toutefois un tempérament à cette règle : la rente ne doit pas être dérisoire par rapport à la
valeur réelle du bien. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle jugé que la sous-évaluation de la valeur
vénale du bien peut justifier l’annulation du contrat si la rente stipulée paraît dérisoire eu égard à
la valeur réelle du bien. En effet, lorsque le montant de la rente est dérisoire, cela conduit à priver
la vente de son caractère aléatoire, le débirentier étant certain d’obtenir un profit de l’opération
(Cass. 3e civ., 12 juin 1996, nº 94-16899).
Toutefois, cette règle qui impose une adéquation entre la valeur du bien et le montant de la rente
peut poser certaines difficultés en cas de dépréciation monétaire. En effet, si le bien immobilier
prend de la valeur, la rente verra la sienne diminuer, ce qui peut conduire à déséquilibrer le
contrat.
Il existe plusieurs mécanismes permettant de pallier cette situation qui peut se révéler très désa-
vantageuse pour le crédirentier :
– les parties peuvent insérer une clause d’indexation. En vertu de l’article L. 112-2 du Code moné-
taire et financier, les parties sont libres de choisir les indices d’indexation applicables ;
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
156 L’ESSENTIEL DU DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX

– à défaut de clause d’indexation ou si celle-ci ne permet pas d’assurer une corrélation entre la
valeur du bien et le montant de la rente, une majoration légale des arrérages des rentes
viagères, telle qu’elle résulte de la loi du 25 mars 1949, est possible ;
– enfin, la révision judiciaire du montant de la rente est également possible pour corriger les majo-
rations légales ou celles résultant d’une clause d’indexation.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
BIBLIOGRAPHIE

– BÉNABENT (A.), Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, 12e éd., 2017, LGDJ-
Lextenso, Coll. Précis Domat.
– COLLART DUTILLEUL (F.) et DELEBECQUE (Ph.), Contrats civils et commerciaux, 11e éd., 2019, Dalloz,
Coll. Précis.
– FARHI (S.), Droit des contrats spéciaux, 1re éd., 2019, Gualino-Lextenso, coll. Mémentos.
– HUET (J.), DECOCQ (G.), GRIMALDI (C.) et LÉCUYER (H.), Traité de droit civil. Les principaux contrats
spéciaux, 3e éd., 2012, LGDJ-Lextenso.
– MAINGUY (D.), Contrats spéciaux, 11e éd., 2018, Dalloz.
– MALAURIE (Ph.), AYNÈS (L.) et GAUTIER (P.-Y.), Les contrats spéciaux, 10e éd., 2018, LGDJ-
Lextenso.
– PUIG (P.), Contrats spéciaux, 7e éd., 2017, Dalloz, Coll. Hypercours.
– RAYNARD (J.) et SEUBE (J.-B.), Droit des contrats spéciaux, 9e éd., 2017, LexisNexis.
– ZENATI-CASTAING (F.) et REVET (T.), Cours de droit civil. Contrats, 2016, PUF.
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159
international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:159

sur les presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery – 58500 Clamecy


Achevé d’imprimer en septembre 2019

Dépôt légal : septembre 2019 – N° d’impression : 908359


Imprimé en France

La Nouvelle Imprimerie Laballery est titulaire de la marque Imprim’Vert®


international.scholarvox.com:ENCG Marrakech:889335387:88874706:196.200.176.177:1591
Les 1re
2019 1re édition Les
CARRés 2020
......... L’essentiel du Droit des contrats spéciaux (1re éd. 2019-2020) est une À jour des dernières évolutions législatives et jurisprudentielles CARRés
Droit
synthèse rigoureuse, pratique et à jour de l’ensemble des connaissances
que le lecteur doit avoir. 11 Chapitres. Tout y est  ! .........
Réviser et faire Diane Boustani

L’essentiel
un point actualisé

Sommaire

des contrats spéciaux


U n contrat translatif de la propriété
Auteur
du
d’une chose : la vente
- L es principaux caractères
Diane Boustani, est Maître de conférences à la - L a distinction entre la vente
faculté de droit de Nice, Université Côte d’Azur et

Droit
et les autres contrats spéciaux
membre du CERDP. - L a formation et les effets
de la vente
Les contrats conférant
la jouissance d’une chose

L’essentiel du Droit
- L e bail

des contrats
- Le prêt
Les contrats portant sur un service
Public - L e contrat d’entreprise
- L e mandat
-  Étudiants en Licence et Master Droit Les autres contrats spéciaux
- L e dépôt volontaire

spéciaux
-  Étudiants au CRFPA et candidats à l’ENM
-  Étudiants du 1er cycle universitaire - La transaction
(Droit, Science politique et AES) - La rente viagère
-  Praticiens des professions juridiques
et judiciaires

2019 2020

D. Boustani
Prix : 15,50 e
ISBN 978-2-297-07389-9
www.gualino.fr

Vous aimerez peut-être aussi