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208:15913
Les 8e
2019 8e édition Les
CARRés 2019
......... L’essentiel du Droit des entreprises en difficulté (8e éd. 2019-2020) est une Intègre les dispositions de la loi PACTE du 22 mai 2019 CARRés
Droit
synthèse rigoureuse, pratique et à jour de l’ensemble des connaissances
que le lecteur doit avoir sur cette matière. 13 Chapitres. Tout y est  ! .........
Réviser et faire Laetitia Antonini-Cochin

L’essentiel
un point actualisé

des entreprises en difficulté


Laurence Caroline Henry

Auteurs Sommaire
Laetitia Antonini-Cochin est Maître de conférences
HDR à l’Université Côte D’Azur, Directrice adjointe du
T raitement non judiciaire
des entreprises en difficulté
du
Droit
CERDP, Directrice du Master 2 Droit des responsabi- - Information économique
lités et co-Directrice de l’IEJ de Nice. - Techniques d’alerte interne
Laurence Caroline Henry est Avocat général en et externe à l’entreprise
service extraordinaire à la Cour de cassation et - Mandat ad hoc

L’essentiel du Droit
Professeur agrégé. - Procédure de conciliation

des entreprises
Traitement judiciaire
des entreprises en difficulté

Public
- Ouverture et déroulement
de la procédure de sauvegarde
-  Étudiants en Licence et Master Droit - Sauvegarde accélérée et SFA

en difficulté
- Redressement judiciaire
-  Étudiants au CRFPA et candidats à l’ENM
- Liquidation judiciaire
-  Étudiants et praticiens de l’expertise
- Rétablissement professionnel
comptable
- Sanctions civiles
-  Praticiens des professions juridiques - Sanctions pénales

L. Antonini-Cochin
et judiciaires

2019 2020

L. C. Henry
Prix : 15,50 e
ISBN 978-2-297-07454-4
www.gualino.fr
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Cette collection de livres présente de manière synthétique,
Les rigoureuse et pratique l’ensemble des connaissances que
CARRés l’étudiant doit posséder sur le sujet traité. Elle couvre :
......... – le Droit et la Science Politique ;
– les Sciences économiques ;
– les Sciences de gestion ;
– les concours de la Fonction publique.

Laetitia Antonini-Cochin est Maître de conférences HDR à l’Université Côte d’Azur, Direc-
trice adjointe du CERDP, Directrice du Master 2 Droit des responsabilités et co-Directrice
de l’IEJ de Nice.
Laurence Caroline Henry est Avocat général en service extraordinaire à la Cour de cassation
et Professeur agrégé.

Des mêmes auteurs, chez le même éditeur


Collection « Mémentos »
– Droit des entreprises en difficulté, 2e éd. 2019.

© 2019, Gualino, Lextenso


70, rue du Gouverneur Général Éboué Suivez-nous sur www.gualino.fr
92131 Issy-les-Moulineaux cedex
ISBN 978 - 2 - 297 - 07454 - 4
ISSN 1288-8206 Contactez-nous gualino@lextenso.fr
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PRÉSENTATION
Ce livre présente en 13 chapitres les orientations du droit des entreprises en difficulté telles
qu’elles résultent de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, de sa réforme opérée par
l’ordonnance du 18 décembre 2008 et des derniers textes de 2014 (Ord. nº 2014-326,
12 mars 2014, D. 2014-736, 30 juin 2014, Ord. nº 2014-1088, modif. Ord. 12 mars 2014). Il
permet une bonne compréhension des différentes techniques judiciaires ou non du
traitement des difficultés des entreprises. La législation se veut novatrice ; elle suppose
un changement de culture pour les acteurs de procédures collectives.
Cet ouvrage est conçu comme une grille de lecture du dispositif légal et de ses opportu-
nités. Il est à jour de la loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’éga-
lité des chances économiques, dites « loi Macron », de la loi nº 2016-1547 du 18 novembre
2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, de la loi nº 2016-1691 du 9 décembre
2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie
économique, dite loi « Sapin II » et de la loi nº 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la crois-
sance et à transformation des entreprises, loi PACTE.
Au total, il offre au lecteur une présentation pédagogique et synthétique d’une matière
aux enjeux pratiques importants.
Il s’adresse principalement aux étudiants des Facultés de droit, aux étudiants au CRFPA et aux
acteurs économiques concernés par la loi.

Avertissement
Sauf précision contraire, les articles cités sont ceux du Code de commerce.
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SOMMAIRE

Présentation 3
Introduction – Structures des procédures collectives 13

PARTIE 1
Traitement non judiciaire des entreprises en difficulté

Chapitre 1 – Information économique 21


1 – Information des dirigeants 21
2 – Information des tiers 22

Chapitre 2 – Techniques d’alerte


interne à l’entreprise 23
1 – Alerte du commissaire aux comptes 23
■ Déclenchement de la procédure d’alerte 23
a) Critères légaux de déclenchement 23
b) Pouvoir d’appréciation du commissaire aux comptes 25
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SOMMAIRE ■ Déroulement de la procédure d’alerte 25
a) Alerte dans les sociétés anonymes 26
b) Alerte dans les autres personnes morales 27
2 – Alerte du comité social et économique 28
■ Conditions de déclenchement de l’alerte 28
a) Initiative de l’alerte 28
b) Critère de l’alerte 28
■ Déroulement de l’alerte 29
3 – Alerte des associés 30
■ Conditions d’exercice de l’alerte 30
a) Initiative de l’alerte 30
b) Critère de déclenchement de l’alerte 30
■ Mécanisme de l’alerte 31
a) Questions des associés 31
b) Réponse des dirigeants 31

Chapitre 3 – Techniques d’alerte externe


à l’entreprise 33
1 – Alerte par le président du tribunal 33
■ Conditions de l’intervention du président du tribunal 33
a) Personnes concernées 33
b) Critère d’alerte 34
■ Portée de l’intervention du président du tribunal 34
a) Convocation du président du tribunal 34
b) Entretien 35
2 – Alerte des groupements de prévention agréés 35
■ Critère de l’alerte 36
■ Mise en œuvre de l’alerte 36
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Chapitre 4 – Mandat ad hoc

SOMMAIRE
37
1 – Désignation du mandataire ad hoc 37
■ Demande de désignation 37
■ Décision du président du tribunal 38
2 – Rôle du mandataire 39
■ Objet de la mission du mandataire 39
■ Portée de la mission du mandataire 40

Chapitre 5 – Procédure de conciliation 41


1 – Ouverture de la procédure de conciliation 41
■ Conditions d’ouverture de la procédure de conciliation 41
a) Conditions de fond 42
b) Conditions de forme 43
■ Décision d’ouverture de la procédure de conciliation 43
a) Décision du président du tribunal 44
b) Pouvoirs du président 45
2 – Déroulement de la procédure de conciliation 46
■ Rôle du conciliateur 46
a) Statut du conciliateur 46
b) Mission du conciliateur 47
■ Incitation à la négociation 48
a) Remises de dettes des créanciers publics 49
b) Délais de paiement 49
3 – Issues de la procédure de conciliation 50
■ Effets de l’accord de conciliation 51
a) En cas de constatation de l’accord 51
b) En cas d’homologation de l’accord de conciliation 52
■ Inexécution de l’accord de conciliation 56
a) Résolution de l’accord 57
b) Ouverture d’une procédure collective 58
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SOMMAIRE
PARTIE 2
Traitement judiciaire des entreprises en difficulté

Chapitre 6 – Ouverture de la procédure


de sauvegarde 63
1 – Procédure réservée au « débiteur in bonis » 63
■ Procédure à la discrétion du débiteur 63
a) La qualité de débiteur 64
b) Pouvoir discrétionnaire du débiteur 65
■ Procédure réservée aux entreprises viables 67
2 – Modalités procédurales de l’ouverture de la sauvegarde 68
■ Tribunal compétent 68
a) Compétence matérielle 68
b) Compétence territoriale 68
■ Jugement d’ouverture 69
a) Préalable au jugement d’ouverture : l’information du tribunal 69
b) Contenu du jugement d’ouverture 71

Chapitre 7 – Déroulement de la procédure


de sauvegarde 75
1 – Effets du jugement d’ouverture 75
■ Période d’observation 75
a) Sort de l’entreprise 76
b) Sort des partenaires de l’entreprise 80
c) Sort du débiteur 83
■ Élaboration du plan de sauvegarde 85
a) Évaluation des potentialités du débiteur 86
b) Implication des créanciers 88
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2 – Plan de sauvegarde

SOMMAIRE
91
■ Adoption du plan de sauvegarde 91
a) Réorganisation de l’entreprise 92
b) Apurement du passif 94
■ Exécution du plan de sauvegarde 94
a) Effets du jugement arrêtant le plan 95
b) Devenir du plan 95

Chapitre 8 – La sauvegarde accélérée et la SFA 99


1 – L’ouverture de la sauvegarde accélérée et de la SFA 99
■ Conditions de fond 100
a) Le débiteur demandeur 100
b) Le débiteur en conciliation 100
c) La constitution des comités de créanciers 101
■ Conditions de forme 101
2 – Le déroulement de la SFA 101
■ Les créanciers de la sauvegarde accélérée et de la SFA 102
■ L’adoption du plan 102

Chapitre 9 – Redressement judiciaire 103


1 – Ouverture du redressement judiciaire 103
■ Conditions de fond 103
a) Qualité du débiteur 103
b) Exigence de la cessation des paiements 105
■ Conditions de forme 106
a) Saisine du tribunal 107
b) Prononcé du jugement d’ouverture 108
2 – Période d’observation 109
■ Contraintes inhérentes à la procédure 110
a) Sort du débiteur 110
b) Sort des garants 112
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SOMMAIRE ■ Moyens spécifiques de préservation de l’entreprise 112
a) Nullités de la période suspecte 112
b) Sort particulier des salariés 116
3 – Plan de redressement 118
■ Élaboration et adoption du plan 118
a) Sévérité à l’égard des garants du débiteur 119
b) Simplification des licenciements 120
c) Cession d’activité 120
■ Inexécution du plan 121

Chapitre 10 – Liquidation judiciaire 123


1 – Ouverture de la procédure de liquidation judiciaire 124
■ Conditions et jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire 124
a) Conditions d’ouverture de la liquidation judiciaire 124
b) Jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire 125
■ Effets du jugement d’ouverture 126
a) Sort du débiteur 126
b) Sort de l’entreprise 127
2 – Issues de la procédure de liquidation judiciaire 128
■ Réalisation de l’actif 128
a) Dispositions applicables à toutes les cessions 128
b) Cessions d’actifs isolés 129
■ Cession d’entreprise 131
a) Préparation et décision de la cession 131
b) Devenir de la cession 135
■ Achèvement de la procédure 138
a) Préalable : l’apurement du passif 138
b) Clôture de la procédure 139
3 – Liquidation judiciaire simplifiée 141
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Chapitre 11 – Le rétablissement professionnel

SOMMAIRE
143
1 – Les conditions du rétablissement professionnel 143
■ Des débiteurs strictement sélectionnés 143
■ Une ouverture sous conditions suspensives 144
2 – Les effets du rétablissement professionnel 145
■ Une procédure originale 145
■ Un effacement des dettes sans liquidation 145

Chapitre 12 – Sanctions civiles 147


1 – Sanction patrimoniale 147
■ Conditions de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif 148
a) Conditions de fond 148
b) Modalités procédurales 149
■ Effets de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif 150
2 – Sanctions personnelles 151
■ Dualité des sanctions 151
a) Faillite personnelle 151
b) Interdiction de gérer 153
■ Unicité de régime 154
a) Prononcé des sanctions personnelles 155
b) Durée des sanctions 155

Chapitre 13 – Sanctions pénales 157


1 – Banqueroute 157
■ Éléments constitutifs 157
■ Peines encourues 158
2 – Autres infractions 159
■ Infractions commises par le débiteur ou les dirigeants 159
■ Infractions commises par les tiers 160
a) Infractions commises par les mandataires de justice 160
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SOMMAIRE b) Infractions commises par les créanciers ou cocontractants
du débiteur 161
c) Infractions commises par les proches du débiteur 161
Bibliographie 163
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Structures des Introduction
procédures collectives

La loi du 26 juillet 2005 n’y change rien : la question essentielle en matière de droit des entreprises
en difficulté reste inspirée du théâtre de Shakespeare : « être ou ne pas être » en cessation des
paiements. La notion n’a pas changé depuis qu’elle a été définie par la jurisprudence ;
l’article L. 631-1, premier alinéa, rappelle que le débiteur est « dans l’impossibilité de faire face au
passif exigible avec son actif disponible ». Que se cache-t-il derrière ces mots ? Le passif exigible
vise les dettes échues, certaines et liquides. L’actif disponible correspond aux liquidités du débi-
teur, les valeurs réalisables à très court terme, les ouvertures de crédit. Concrètement, le débiteur
en cessation des paiements est dans l’incapacité de payer ses dettes.
Sans changer la définition de la notion, la loi conserve la cessation des paiements comme critère de
répartition des différentes procédures applicables aux entreprises en difficulté. Cependant, si le
curseur reste inchangé, il est déplacé sur l’échelle des difficultés des entreprises. Il ne distingue plus
les procédures judiciaires des autres. Désormais, avec une souplesse accrue, la cessation des paie-
ments est le critère de répartition entre les procédures préventives et les procédures curatives des
difficultés de l’entreprise. Le législateur, en 2005, favorise l’anticipation préférant prévenir que
guérir. Il tire les leçons du passé : intervenir trop tard conduit de nombreux débiteurs à la liquidation
sans passer par la case sauvegarde et/ou redressement. Le même souci de réalisme explique le carac-
tère « tampon » de la nouvelle procédure de conciliation (qui ne s’applique pas au secteur agricole).
Dans le même souci, le législateur supprime le contrôle du critère de la cessation des paiements pour
basculer de sauvegarde en redressement judiciaire lorsque l’échec de la procédure judiciaire préven-
tive est constaté. L’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel peut intervenir conco-
mitamment à l’ouverture de la liquidation judiciaire au profit d’un débiteur dont le passif déclaré est
minime, la cessation des paiements n’est donc plus le critère exclusif d’ouverture des procédures.
Ainsi, certaines « procédures » s’inscrivent dans une logique d’anticipation de la cessation des
paiements. Il s’agit alors de prévenir : le débiteur est in bonis, mais il rencontre des difficultés. En
ce qui concerne le traitement non judiciaire, on trouve le mandat ad hoc, cependant, la grande
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14 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

innovation de la loi du 26 juillet 2005 est la prise en charge, par un traitement judiciaire, des diffi-
cultés de l’entreprise alors qu’elle n’est pas en cessation des paiements grâce à l’introduction de la
procédure de sauvegarde, de sauvegarde accélérée et de sauvegarde financière accélérée. Cette
dernière est un traitement judiciaire préventif. Ces dispositions interviennent toutes en amont de
la cessation des paiements, elles sont utilement préparées par la prévention-détection des diffi-
cultés des entreprises grâce à la collecte d’un certain nombre d’informations. Une fois la cessation
des paiements intervenue, la loi propose un autre arsenal, classique celui-là, judiciaire, mais tardif.
Dans l’esprit de la loi, le redressement judiciaire ne devrait être qu’une procédure subsidiaire pour
être vidée de sa substance par la procédure de sauvegarde. La différence entre les deux procé-
dures est toujours plus marquée de réformes en réformes et les avantages de la sauvegarde sont
régulièrement renforcés pour rendre cette dernière plus attractive. La liquidation judiciaire est une
procédure autonome permettant, éventuellement, le redressement de l’entreprise entre les mains
d’un repreneur par une cession d’entreprise et devant désintéresser au mieux les créanciers du
débiteur. Toutefois, la cession peut désormais (Ord. 12 mars 2014) être assurée, préparée dès la
conciliation. Il en résulte une nouvelle répartition des procédures autour de la cessation des paie-
ments. D’une part, des dispositions applicables au débiteur avant que n’intervienne la cessation
des paiements : le mandat ad hoc et la procédure de sauvegarde, d’autre part, des dispositions
applicables après la constatation de la cessation des paiements : le redressement judiciaire et la
liquidation judiciaire. La conciliation et dans son prolongement la sauvegarde accélérée – intro-
duite par l’ordonnance du 12 mars 2014 – peuvent être ouvertes dès lors que le débiteur n’est
pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.
Le réalisme du législateur lui a fait prendre en considération le fait que l’état de cessation des
paiements n’intervient pas brusquement, il est le résultat d’une lente évolution de la situation du
débiteur sur le chemin de l’aggravation de ses difficultés. La procédure de conciliation est la procé-
dure charnière ; à ce titre, elle pourrait être la procédure pivot de la réforme de 2005. Elle réalise
l’interface entre l’avant et l’après cessation des paiements. Il n’est pas étonnant que la pratique la
révèle comme une procédure clef du nouveau dispositif légal. Elle peut être ouverte avant la surve-
nance de la cessation des paiements, mais également dans les 45 jours de la cessation des paie-
ments. Cette procédure non judiciaire reposant sur un potentiel accord entre les créanciers et
leur débiteur est donc le maillon articulant la prévention et le traitement des difficultés du débi-
teur. L’importance de la conciliation se confirme au fil des réformes. Elle permet de préparer les
cessions de l’entreprise avant l’ouverture d’une procédure collective, elle est le passage obligé de
la sauvegarde accélérée et de la sauvegarde financière accélérée (SFA).
Quelques schémas permettent de visualiser la place de chacune des solutions proposées aux diffi-
cultés rencontrées par l’entreprise. Elles ont été améliorées par l’ordonnance du 18 décembre
2008 (Ord. nº 2008-1345) ratifiée par la loi nº 2009-526 du 12 mai 2009 et le décret nº 2009-
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INTRODUCTION – Structures des procédures collectives 15

160 du 12 février 2009. Elles sont renouvelées et de nouvelles procédures sont introduites par
l’ordonnance du 12 mars 2014 (Ord. nº 2014-326), le décret du 30 juin 2014 (D. nº 2014-736) et
l’ordonnance du 26 septembre 2014 (Ord. nº 2014-1088 du 26 sept. 2014, JO 27 sept.). Sans
modifier l’architecture des procédures, la loi PACTE (nº 2019-486, 22 mai 2019) modifie de
nombreux articles du livre VI notamment dans le souci de favoriser le rebond du débiteur et
améliorer la rédaction des textes.

Traitement non judiciaire des difficultés de l’entreprise

Procédure de conciliation
Mandat ad hoc
Débiteur in bonis
Ou
Cessation des paiements
Débiteur in bonis de moins de 45 jours

Procédure conventionnelle -
accord

Procédure
conventionnelle
Accord constaté par le Accord homologué par
Mission définie par le président du tribunal : le tribunal :
président du tribunal - force exécutoire - publicité
- confidentialité - créanciers signataires,
- pas de voies de recours interdiction des
Pendant la durée de poursuites individuelles
l’exécution, l’accord constaté : - débiteur, suspension
- interrompt et interdit toute des poursuites
action en justice individuelles
- arrête ou interdit toute - privilèges de
poursuite individuelle conciliation pour les
- interrompt les délais impartis créanciers - privilège de
aux créanciers parties à new money
l’accord
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16 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Traitement judiciaire des difficultés de l’entreprise

Avant survenance Après survenance


de la cessation des paiements de la cessation des paiements

Traitement judiciaire préventif Traitement judiciaire curatif

Procédures de sauvegarde
(sauvegarde - sauvegarde accélérée -
SFA)

Survenance
Initiative exclusive du débuteur de la cessation
in bonis des paiements -
conversion
de la sauvegarde
en redressement
judiciaire
ou liquidation
judiciaire Liquidation
judiciaire
Redressement (alternative
judiciaire rétablissement
professionnel
effacement de dettes
sans liquidation)

Adoption plan Adoption plan Adoption Cession


de sauvegarde de redressement plan des actifs
de cession du débiteur
partiel ou total
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INTRODUCTION – Structures des procédures collectives 17

Nouvelles techniques et nouvelles procédures


Ordonnance 12 mars 2014

Pre-pack Sauvegarde accélérée : Rétablissement


cession en conciliation Articulation professionnel
Conciliation - Sauvegarde sans liquidation
Cession Articulation
de l’entreprise A la demande du débiteur avec la liquidation judiciaire
en conciliation Conditions :
- ne pas être en cessation des paiements Conditions :
Mission depuis plus de 45 jours
du conciliateur : - débiteurs personnes
+
organiser la cession physiques
- être engagé dans une procédure de
de l'entreprise +
conciliation
+ - ne pas avoir employé des
- avoir élaboré un plan assurant la salariés pendant les 6 mois
Conditions : précédant le rétablissement
pérennité de l’entreprise
Celles + professionnel
de la conciliation - prévisibilité d’adoption du plan par les +
+ créanciers concernés par la procédure - l’actif déclaré a une valeur
Initiative minime
du débiteur Débiteurs concernés :
- ceux dont les comptes sont certifiés +
+ pas de liquidation judiciaire
Avis par un commissaire aux comptes ou
dont les comptes sont établis par un depuis au moins 5 ans
des créanciers +
participants expert-comptable
+ pas de liquidation judiciaire
- ceux qui emploient plus de 20 salariés clôturée pour insuffisance
Préparation +
- ceux dont le chiffre d’affaires est Caractéristiques :
en conciliation - rétablissement professionnel
et supérieur à 3 000 000 € HT
ou proposé par le tribunal
Réalisation en dont le total de bilan est supérieur et accepté par le débiteur
sauvegarde, à 1 500 000 € lors de l'ouverture
redressement d'une liquidation judiciaire
judiciaire Variante : - procédure à tout moment
ou liquidation Sauvegarde financière accélérée (SFA) réversible avec un retour
judiciaire Condition supplémentaire : les seuls à la liquidation judiciaire
(avec un aménagement créanciers concernés par la procédure - effacement des dettes
possible des fomalités sont ceux du comité des établissements du débiteur
concernant les offres) de crédit - clôture sans liquidation
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Traitement non
judiciaire PARTIE
des entreprises 1
en difficulté

Chapitre 1 - Information économique 21


Chapitre 2 - Techniques d’alerte interne à l’entreprise 23
Chapitre 3 - Techniques d’alerte externe à l’entreprise 33
Chapitre 4 - Mandat ad hoc 37
Chapitre 5 - Procédure de conciliation 41
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Chapitre
Information économique 1

La prévention repose fondamentalement sur la détection précoce des difficultés de l’entreprise qui impose
une information économique.
En effet, une meilleure information est, tout d’abord, donnée aux dirigeants et aux tiers sur la situation
économique de l’entreprise. Ce « droit économique de l’information » ne relève pas directement du droit des
entreprises en difficulté mais davantage du droit des sociétés et du droit comptable. Aussi seules les princi-
pales mesures méritent d’être citées ici.

1 Information des dirigeants


Outre l’obligation traditionnelle de tenir une comptabilité et de produire des comptes annuels, une
information prévisionnelle est tout d’abord instituée depuis la loi du 1er mars 1984. Désormais, les
entreprises employant au moins 300 salariés ou réalisant un chiffre d’affaires hors taxes au moins
égal à 18 millions d’euros ont l’obligation d’établir des documents prévisionnels.
Plus précisément, deux documents à caractère plutôt rétrospectif sont exigés permettant alors
de donner une situation précise de l’entreprise à savoir :
– un document relatif à la situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible, établi
chaque semestre dans les quatre mois qui suivent la clôture de l’exercice ;
– et un tableau de financement établi dans les quatre mois de la clôture de l’exercice.
Et enfin, deux autres documents, véritablement prévisionnels cette fois, sont destinés à anti-
ciper sur la situation comptable future de l’entreprise, c’est-à-dire le compte de résultat prévi-
sionnel et le plan de financement prévisionnel.
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22 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Ces différents documents sont analysés dans des rapports écrits établis deux fois par an par les
dirigeants de la personne morale. Ils sont ensuite communiqués au conseil de surveillance éven-
tuellement (si SA à directoire), au comité social et économique (CSE) et enfin au commissaire aux
comptes ; ces deux derniers pouvant éventuellement déclencher une procédure d’alerte. Cette
comptabilité prévisionnelle obligatoire permet aux dirigeants d’anticiper sur les difficultés économi-
ques et d’adopter toutes les mesures adéquates.

2 Information des tiers


Les tiers bénéficient de certains renseignements sur la situation comptable et financière de leurs
partenaires économiques.
D’abord, toute société est tenue de déposer ses comptes sociaux annuels au greffe du
tribunal ; à défaut, une sanction pécuniaire est encourue (1 500 €) et tout intéressé peut
demander en référé au Président du tribunal d’adjoindre sous astreinte les dirigeants sociaux de
procéder au dépôt des comptes. L’article L. 611-2 du Code de commerce précise que le président
du tribunal (de commerce ou de grande instance) peut d’office adresser au dirigeant une injonc-
tion de déposer les comptes à bref délai sous astreinte. L’ordonnance du président fixe le taux de
l’astreinte et n’est pas susceptible de recours. Si l’injonction n’est pas respectée, le greffier cons-
tate le non-dépôt des comptes par procès-verbal et le Président du tribunal statue sur la liquida-
tion de l’astreinte versée au Trésor public. Toutes ces règles sont applicables à l’EIRL (art. L. 526-
14). Elle est également astreinte au dépôt de ses comptes annuels au Registre du dépôt de la
déclaration d’affectation dans les six mois de la clôture de l’exercice. À défaut, le président du
tribunal, statuant en référé, peut à la demande de tout intéressé ou du Ministère public, enjoindre
sous astreinte l’entrepreneur de procéder au dépôt de ses comptes annuels. Sont également
tenues à publicité de leurs comptes annuels, sur le site internet de la Direction des Journaux offi-
ciels, les associations ayant reçu annuellement des autorités administratives, ou des établissements
publics à caractère industriel et commercial une ou plusieurs subventions dont le montant global
dépasse 153 000 € (art. L. 621-4). À la demande de tout intéressé, le président du tribunal,
statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte aux dirigeants de l’association d’assurer la publi-
cité des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes. Il peut d’ailleurs désigner un
mandataire chargé d’effectuer ces formalités.
Ensuite, et enfin, outre les renseignements détenus par le RCS (statuts des sociétés, rapport
des commissaires aux comptes...), certaines informations importantes résultent des divers registres
tenus par les greffes comme notamment le registre de publication des sûretés spéciales ou
des privilèges généraux du Trésor et de la Sécurité sociale ; la publicité de ces privilèges
étant obligatoire aux fins d’opposabilité à la procédure collective.
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Techniques d’alerte Chapitre
2
interne à l’entreprise

Les procédures d’alerte interne ont vocation à provoquer une réaction voire un dialogue avec la direction au
sein de l’entreprise avant que les difficultés rencontrées deviennent insurmontables. L’initiative appartient au
commissaire aux comptes, au comité d’entreprise ou encore aux associés.

1 Alerte du commissaire aux comptes


En reconnaissant aux commissaires aux comptes le droit de déclencher une procédure d’alerte
dans les sociétés ou les groupements où ils exercent leur activité, le législateur a renforcé considé-
rablement leur mission. Leur intervention relève plus de la prévention que de la répression.

■ Déclenchement de la procédure d’alerte


Le déclenchement de l’alerte est encadré par les textes, ce qui n’exclut pas pour autant un certain
pouvoir d’appréciation du commissaire aux comptes.
a) Critères légaux de déclenchement
Le commissaire aux comptes déclenche le processus d’alerte lorsqu’il constate dans une entreprise
où il exerce son activité « tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».
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24 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

1) Entreprises visées
Plusieurs types d’entreprises sont en fait concernés par cette procédure d’alerte interne. Outre les
sociétés commerciales, le Code de commerce oblige en effet deux autres catégories de personnes
morales de droit privé à désigner un commissaire aux comptes susceptible de lancer une alerte.
Il s’agit, d’une part, des personnes morales non commerçantes ayant une activité écono-
mique (art. L. 612-1), à savoir les sociétés civiles, les sociétés coopératives et les GIE non commer-
çants lorsque celles-ci atteignent deux des trois seuils suivants : 50 salariés, chiffres d’affaires hors
taxes supérieur ou égal à 8 000 000 € et un bilan égal ou supérieur à 4 000 000 € (D. nº 2019-515,
24 mai 2019, art. 1 : JO 26 mai).
L’EIRL, quant à elle, n’est pas tenue d’avoir un commissaire aux comptes.
D’autre part, sont concernées également les associations ayant reçu annuellement de l’État ou de
ses établissements publics ou des collectivités locales une subvention ou plusieurs subventions
dont le montant global excède 150 000 € (art. L. 612-4).
Enfin, relèvent également de ce type d’alerte les entreprises publiques qui ont désigné un commis-
saire aux comptes spontanément ou en vertu d’une obligation légale (L., 1er mars 1984, art. 30).
2) Continuité de l’exploitation compromise
Selon la formule légale, le commissaire aux comptes déclenche l’alerte pour attirer l’attention des
dirigeants sur « tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation qu’il a relevé à
l’occasion de l’exercice de sa mission » (art. L. 234-1 pour les sociétés commerciales et art. L. 612-3
pour les autres personnes morales de droit privé). Les termes utilisés sont suffisamment larges
pour laisser place à l’interprétation. Il pourra s’agir indifféremment de :
– faits fondés sur la situation financière de l’entreprise (ex. : situation nette négative, rupture de
crédit, trésorerie négative, dépendance excessive à l’égard de la société-mère ou encore décision
de la société-mère de supprimer son soutien à sa filiale contrôlée par le commissaire aux
comptes...) ;
– faits fondés sur la situation patrimoniale de l’entreprise (ex. : constitution de sûretés réelles sur
tous les actifs de l’entreprise) ;
– faits relatifs à l’exploitation elle-même (ex. : frais financiers importants, départ de cadres sans
remplacement, pénurie de matières premières indispensables) ;
– faits résultant de l’environnement économique de l’entreprise (ex. : conflit social, diminution du
carnet de commandes, perte de licences ou brevets ou relations difficiles avec les fournisseurs) ;
– enfin, d’indices plus juridiques tels que par exemple les non-paiements des dettes fiscales ou des
cotisations sociales ou le report renouvelé d’échéances.
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CHAPITRE 2 – Techniques d’alerte interne à l’entreprise 25

Mais, quels qu’ils soient, les faits relevés par le commissaire aux comptes doivent être suffisam-
ment graves pour menacer la poursuite de l’activité de l’entreprise dans un avenir prévisible. De
simples faits trop lointains ne sauraient être retenus comme, par exemple, une insuffisance
d’investissement en matière de recherche.
b) Pouvoir d’appréciation du commissaire aux comptes
L’opportunité de déclencher le processus d’alerte dépend de la seule initiative et appréciation du
commissaire aux comptes. C’est à lui que revient la tâche délicate de relever les faits de nature à
compromettre la continuité de l’exploitation. Il est tenu de procéder à une sorte de diagnostic
prospectif de l’entreprise, et ce dans le cadre normal de son activité. En d’autres termes, afin de
détecter d’éventuelles difficultés, il doit scrupuleusement examiner tous les documents qui lui
sont communiqués et apprécier tous les faits dont il a eu connaissance sans jamais s’immiscer
dans la gestion de l’entreprise.
En élargissant ainsi la mission du commissaire aux comptes, le législateur a donc redéfini sa
responsabilité. Sa responsabilité professionnelle pourrait en effet être engagée s’il n’a pas
déclenché l’alerte après avoir constaté des faits significatifs. En revanche, il ne pourrait pas lui
être reproché de ne pas avoir déclenché la procédure d’alerte si les faits affectant la continuité de
l’entreprise ne pouvaient être détectés lors de l’exercice normal de sa mission. Enfin, et en tout
état de cause, la responsabilité du commissaire aux comptes ne saurait être engagée pour les
informations ou divulgations de faits auxquelles il procède en exécution de sa mission d’alerte.
Le déclenchement de l’alerte repose donc sur la seule appréciation du commissaire sous réserve
toutefois d’une limite légale. En effet, une telle procédure préventive ne saurait être utilisée lors-
qu’une procédure de conciliation ou de sauvegarde a été engagée par les dirigeants (art. L. 234-4)
ou par le débiteur concerné (art. L. 612-3). Une telle interdiction légale se comprend aisément
puisque l’alerte perd ici toute utilité.

■ Déroulement de la procédure d’alerte


Destinée à provoquer une discussion et une réaction des dirigeants de l’entreprise concernée ou
du débiteur, le processus d’alerte se déroule nécessairement en plusieurs phases. Mais une distinc-
tion procédurale est faite entre les sociétés anonymes d’une part et les autres personnes morales
d’autre part.
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26 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

a) Alerte dans les sociétés anonymes


Dans les sociétés anonymes, la procédure d’alerte s’articule autour de trois phases :
– phase 1 : le commissaire aux comptes, après avoir relevé des faits de nature à compromettre
la continuité de l’entreprise, demande (par lettre recommandée avec demande d’avis de récep-
tion de préférence) des explications au président du conseil d’administration ou du directoire.
Les dirigeants ont alors un délai de 15 jours pour répondre à cette information dans les mêmes
formes ; ils doivent fournir au commissaire aux comptes une analyse de la situation de l’entre-
prise et indiquer les mesures envisagées pour remédier aux difficultés détectées. Cette première
étape de la procédure est confidentielle : le dialogue se limite ici entre les dirigeants et le
commissaire aux comptes mais pas pour longtemps le cas échéant ;
– phase 2 : si les dirigeants ne fournissent pas de réponse satisfaisante ou s’ils ne répondent pas
dans le délai imparti, la deuxième phase de la procédure d’alerte est déclenchée. Le commis-
saire aux comptes invite les dirigeants par écrit (LRAR) à faire délibérer le conseil d’admi-
nistration ou de surveillance sur les faits qu’il a constatés. Il dispose pour ce faire d’un délai
de 8 jours à compter de la réponse des dirigeants ou de l’absence de réponse dans le délai légal.
Depuis la loi du 26 juillet 2005, une copie de cette lettre est transmise au président du tribunal
de commerce. Les dirigeants de la société ont alors 8 jours à compter de la réception de la lettre
pour convoquer le conseil concerné.
Le commissaire aux comptes est obligatoirement convoqué à cette séance qui ne doit pas se
tenir plus de 15 jours après la réception de la lettre. La procédure perd ainsi son caractère
secret. Pour preuve, le procès-verbal de la délibération du conseil d’administration ou de surveil-
lance est communiqué par LRAR non seulement au commissaire aux comptes mais également
au comité d’entreprise ou aux délégués du personnel et au président du tribunal de commerce.
Le commissaire aux comptes peut demander à être entendu par le président du tribunal. L’infor-
mation peut même être étendue si la troisième étape de la procédure est engagée ;
– phase 3 : cette ultime phase du processus d’alerte peut en fait être déclenchée par le commis-
saire aux comptes dans trois hypothèses : soit à défaut de convocation du conseil concerné par
les dirigeants, soit en cas de délibération faite en son absence, soit enfin, si, malgré la délibéra-
tion, la continuation de l’entreprise reste compromise. Il demande par écrit aux dirigeants la
convocation de l’assemblée générale dans un délai de 8 jours et leur fait parvenir un rapport
spécial aux fins de discussion. Ce rapport est en outre communiqué au comité d’entreprise ou à
défaut aux délégués du personnel.
À défaut de convocation de l’assemblée générale par les dirigeants, le commissaire aux comptes a
la faculté de convoquer lui-même l’assemblée et de fixer l’ordre du jour. La tenue de l’assemblée
générale doit avoir lieu dans le mois qui suit la notification du commissaire aux comptes. Par cette
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CHAPITRE 2 – Techniques d’alerte interne à l’entreprise 27

dernière étape, les difficultés de l’entreprise sont donc portées à la connaissance non seulement
des salariés mais aussi et surtout des actionnaires. Ces derniers peuvent alors proposer des solu-
tions aux dirigeants ou prendre toutes les mesures mises à leur disposition par le droit des
sociétés : modification des organes de gestion ou mise en jeu de la responsabilité des dirigeants...
Quant à lui, le commissaire aux comptes a l’obligation, s’il constate qu’à l’issue de la réunion de
l’assemblée générale, les décisions prises ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploita-
tion, d’informer le président du tribunal de commerce de ses démarches et de lui communiquer
les résultats. Il peut demander à être entendu par le président du tribunal (art. L. 234-1). Toute
menace d’une procédure collective n’est donc pas écartée... Cette procédure en trois temps
s’applique également pour les entreprises publiques.

b) Alerte dans les autres personnes morales


Dans les sociétés commerciales autres que les sociétés anonymes et les groupements d’intérêt
économique, le processus d’alerte est simplifié. Il se déroule en deux étapes :
– en premier lieu, une demande d’explication est formulée par le commissaire aux comptes au
dirigeant de la personne morale qui dispose d’un délai de 15 jours pour répondre. Sa réponse
doit être transmise au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et au
conseil de surveillance de la société ou du groupement s’il en existe un. Par ailleurs, le commis-
saire aux comptes informe le président du tribunal de commerce et il peut demander à être
entendu par le président du tribunal ;
– en second lieu, faute de réponse du dirigeant ou si, en dépit de celle-ci, le commissaire aux
comptes constate que la continuité de l’exploitation demeure compromise, il y a directement
rédaction du rapport spécial dont une copie est transmise au président du tribunal. Le commis-
saire aux comptes invite alors par écrit le dirigeant à convoquer une assemblée générale dans les
15 jours (suivant la date d’expiration du délai légal pour la réponse ou réception de celle-ci). Ce
dernier est tenu de communiquer l’invitation et le rapport du commissaire aux comptes au
comité d’entreprise ou aux délégués du personnel. Si, après la tenue de l’assemblée générale,
le commissaire aux comptes estime que les décisions prises sont insuffisantes, il informe le prési-
dent du tribunal. Il peut alors demander à être entendu par le président du tribunal.
Pour les personnes morales de droit privé non commerçantes (associations, sociétés civiles), la
procédure d’alerte applicable est calquée, soit sur celle des sociétés anonymes lorsque la personne
morale a un organe collégial chargé de l’administration distinct de l’organe de direction, soit sur
celle des autres personnes morales dans les autres cas, sous réserve de la compétence du prési-
dent du tribunal de grande instance.
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28 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Dans toutes les hypothèses, la loi du 17 mai 2011 de simplification du droit permet désormais au
commissaire aux comptes, qui avait déclenché une procédure d’alerte puis estimé pouvoir y mettre
un terme, de la reprendre dans un délai de six mois à compter du déclenchement de la procédure
lorsque, d’une part la continuité de l’exploitation reste compromise et d’autre part, lorsque
l’urgence nécessite des mesures immédiates.

2 Alerte du comité social et économique


Les difficultés rencontrées par une entreprise n’étant pas sans conséquence pour ses salariés, un
droit d’alerte est reconnu depuis 1984 au comité d’entreprise. Celui-ci a été remplacé en 2018
par le comité social et économique (CSE) qui fusionne les instances représentatives du personnel.
Par cette procédure, les salariés ont ainsi un rôle non négligeable à jouer en matière de
prévention.

■ Conditions de déclenchement de l’alerte


Deux précisions sont nécessaires : qui a vraiment l’initiative de l’alerte et selon quel critère ?
a) Initiative de l’alerte
Le Code du travail attribue expressément le droit d’alerte au comité social et économique (C. trav.,
art. L. 2323-50 à L. 2323-54 et L. 2323-14). En d’autres termes, la mise en œuvre de cette tech-
nique de prévention-détection est subordonnée à l’existence d’un tel comité dans l’entreprise.
Cette exigence limite donc le domaine de l’alerte aux entreprises quelle que soit leur nature de
plus de 50 salariés ou à celles qui ont institué un comité par voie d’accord collectif.
b) Critère de l’alerte
Selon les termes de l’article L. 2323-50 du Code du travail, l’alerte peut être déclenchée par le
comité économique et social « lorsqu’il a connaissance de faits de nature à affecter de manière
préoccupante la situation économique de l’entreprise ».
Le critère légal retenu apparaît plus large que celui imposé aux commissaires aux comptes. Il n’est
pas basé sur l’analyse purement comptable de l’entreprise. Les sources d’information à la disposi-
tion du comité d’entreprise sont plus variées, documents comptables transmis par le commissaire
aux comptes certes mais aussi renseignements des salariés eux-mêmes.
Tous les indices qui peuvent faire craindre une défaillance de l’entreprise et donc compromettre la
situation des salariés peuvent être retenus par le comité social et économique, qui n’a d’ailleurs ici
aucune obligation de déclenchement.
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CHAPITRE 2 – Techniques d’alerte interne à l’entreprise 29

En tout état de cause, ils doivent être suffisamment significatifs (perte des marchés, endettement
excessif...), faute de quoi l’exercice de l’alerte serait considéré comme abusif.

■ Déroulement de l’alerte
Fondamentalement, la procédure d’alerte du comité social et économique ne se distingue pas
beaucoup de celle du commissaire aux comptes. L’objectif est identique : faire réagir les dirigeants
et engager avec eux une discussion sur les difficultés de l’entreprise. Pour cela, trois étapes sont
prévues :
– dans une première étape, le comité social et économique peut demander des explications à
l’employeur. Cette demande est de plein droit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance
du comité d’entreprise. Lors de celle-ci, le chef d’entreprise peut donner des explications suffi-
santes et la procédure se termine ainsi. Mais, il se peut aussi, soit qu’il refuse de répondre aux
questions qui lui sont posées, commettant ainsi un délit d’entrave au fonctionnement du comité
d’entreprise, soit qu’il donne des réponses insuffisantes ; dans ces hypothèses, la deuxième
phase de l’alerte est enclenchée ;
– dans une deuxième étape, le comité social et économique rédige un rapport qui a pour but
d’analyser la situation économique de l’entreprise. Pour s’aider, il peut entendre le commissaire
aux comptes, solliciter l’assistance de l’expert-comptable ou celle de certains salariés. Ce rapport
est ensuite transmis au chef d’entreprise mais également au commissaire aux comptes. Il doit
conclure sur l’opportunité de saisir de ses conclusions, soit l’organe chargé de l’administration
de la société, soit celui chargé de la surveillance ou simplement d’informer de la teneur du
rapport les associés ou les membres du groupement ;
– dans une troisième étape, il faut distinguer entre deux hypothèses :
• en cas de saisine, la question devra être inscrite à l’ordre du jour du prochain conseil d’admi-
nistration ou de surveillance. L’organe ainsi sollicité devra délibérer sur le rapport du comité
d’entreprise et apporter une réponse motivée aux questions posées,
• en cas de simple information, l’efficacité de l’alerte est moindre puisque dans ce cas ce sont
les dirigeants qui transmettent le rapport aux associés individuellement ; il n’y a aucune obli-
gation de réunir une assemblée générale à fin de délibérer. Une telle éventualité relève de la
seule volonté des associés.
En tout état de cause, la procédure d’alerte est placée à tous les stades sous le signe de la confi-
dentialité (C. trav., art. L. 2323-54).
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30 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

3 Alerte des associés


Les associés sont directement concernés par les difficultés ou dysfonctionnements affectant leur
société. Ainsi, outre la faculté de demander la désignation d’un administrateur provisoire ou d’un
expert de gestion, la loi leur reconnaît également le droit de déclencher l’alerte. Ce processus
d’alerte, qualifié par certains auteurs « de petite alerte » a toutefois une efficacité limitée par
rapport aux autres alertes internes au regard de ses conditions d’exercice et de son mécanisme
procédural.

■ Conditions d’exercice de l’alerte


En réalité, le droit d’alerte des associés a un domaine restreint. Certes, le critère de déclenchement
est le même que pour les commissaires aux comptes mais l’initiative n’appartient en fait qu’à
certains associés.
a) Initiative de l’alerte
La loi attribue le droit d’alerte aux associés non-gérants des sociétés à responsabilité limitée, aux
actionnaires des sociétés anonymes et aux actionnaires des sociétés en commandite par action
détenant au moins 5 % du capital social (art. L. 225-232).
En outre, ce droit ne peut être exercé que deux fois par exercice. Le législateur a voulu éviter
qu’un exercice trop fréquent ne vienne en définitive perturber l’action des dirigeants.
b) Critère de déclenchement de l’alerte
Les associés ont ainsi la possibilité de poser des questions écrites aux dirigeants lorsqu’ils consta-
tent « des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».
Le critère légal de déclenchement de l’alerte est donc le même que pour les commissaires aux
comptes et appelle donc les mêmes remarques.
Néanmoins, l’identité n’est pas totale car les associés disposeront dans les faits d’une plus grande
liberté d’action. Non seulement ils ne sont pas tenus par une obligation de confidentialité mais
aussi et surtout ils pourront porter un véritable jugement sur la gestion de l’entreprise. Enfin,
leurs sources d’information ne se limitent pas à la seule information comptable. Pour autant,
cette faculté d’alerte reste limitée.
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CHAPITRE 2 – Techniques d’alerte interne à l’entreprise 31

■ Mécanisme de l’alerte
Le déroulement de « cette alerte » est articulé autour de deux étapes : tout d’abord, les questions
des associés et ensuite, la réponse des dirigeants.
a) Questions des associés
La procédure est initiée par une question écrite (LRAR) posée par un associé aux dirigeants. Dans
cette question doit figurer la qualité d’associé et le nombre d’actions ou de parts qu’il détient. En
outre, il doit également être mentionné les faits paraissant compromettre la continuité de
l’exploitation.
La question est ainsi adressée directement au président du conseil d’administration ou au direc-
toire dans les sociétés anonymes et au gérant dans les SARL afin d’engager un dialogue avec la
direction et de lever les craintes des associés.
b) Réponse des dirigeants
Après réception de la question, les dirigeants ont l’obligation de répondre, et ce par écrit dans le
délai d’un mois. À défaut, leur responsabilité civile pourrait être engagée.
Le double de la réponse est ensuite communiqué au commissaire aux comptes sous peine de
commettre le délit d’entrave.
La procédure d’alerte des associés est donc simple, rapide et confidentielle. Certes, sa portée est
restreinte puisqu’elle ne débouche pas sur une délibération de l’assemblée générale. Mais elle a
le mérite de faire réagir le cas échéant les dirigeants et le commissaire aux comptes, tenu
informé, peut toujours déclencher une « véritable alerte ».
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Techniques d’alerte Chapitre
3
externe à l’entreprise

Deux alertes peuvent être déclenchées de l’extérieur : il s’agit, d’une part, de l’intervention « spontanée » du
président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance et, d’autre part, de celle des groupe-
ments de prévention agréés.

1 Alerte par le président du tribunal


Aux termes de l’article L. 611-2 du Code de commerce, le président du tribunal de commerce peut
convoquer les dirigeants des entreprises « lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure
qu’[elles] connaissent des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».
L’objectif de cette disposition est une fois encore de susciter une prise de conscience et une réaction
des dirigeants face aux difficultés de leur entreprise afin d’éviter la mise en œuvre d’une procédure
judiciaire plus contraignante. Prévue uniquement devant le tribunal de commerce, cette technique
de prévention-détection a été étendue par l’ordonnance du 12 mars 2014 au tribunal de grande
instance. Le pouvoir d’intervention ainsi reconnu au président du tribunal est légalement encadré.

■ Conditions de l’intervention du président du tribunal


La loi permet au président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance de convo-
quer les dirigeants des entreprises ou les personnes qui connaissent des difficultés compromettant
la continuité de l’exploitation.

a) Personnes concernées
Initialement, la procédure était réservée aux sociétés commerciales et aux GIE. Depuis, le législa-
teur n’a eu de cesse d’élargir le domaine d’application de l’alerte. Sont désormais concernées :
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34 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

toute personne morale de droit privé, les entreprises individuelles, l’EIRL et depuis l’ordonnance de
2014 les professionnels indépendants non commerçants et non artisans (professions libérales ou
officiers ministériels).

b) Critère d’alerte
Le président de la juridiction commerciale ou civile peut exercer son droit de convocation des
personnes concernées « lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure que l’entreprise
connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ». C’est la même
formule que celle utilisée pour l’alerte des commissaires aux comptes. Il s’agit toutefois ici d’une
simple faculté.
En pratique, le magistrat aura directement connaissance de la situation préoccupante de l’entre-
prise par le biais des différents registres d’inscription du greffe de sa juridiction (inscriptions des
privilèges du Trésor ou de l’URSSAF, injonction de payer ou encore non-dépôt des comptes
annuels...). Toute autre source d’information n’est évidemment pas exclue, comme notamment
l’information par le commissaire aux comptes ayant déclenché une alerte.

■ Portée de l’intervention du président du tribunal


Le mécanisme de cette alerte externe est très simple : le président du tribunal convoque les diri-
geants de l’entreprise en difficulté pour un entretien afin de discuter sur les mesures qui s’imposent.
Le résultat et l’efficacité de cette intervention en dépendront. Les règles sont identiques lorsque la
procédure d’alerte est mise en œuvre devant la juridiction civile. Il convient toutefois de préciser
que pour préserver le principe d’indépendance qui gouverne certaines professions (avocats, adminis-
trateurs judiciaires, mandataires judiciaires, officiers publics ou ministériels), le pouvoir reconnu
désormais au président du tribunal de grande instance reste limité. Le magistrat ne peut procéder
qu’à l’information de l’ordre professionnel ou de l’autorité compétente, à charge pour eux de
procéder, le cas échéant, à une convocation de la personne concernée à un entretien. En tout état
de cause, le représentant de l’ordre ou de l’autorité compétente est invité à faire connaître au prési-
dent du tribunal les suites données à cette information (art. R. 611-10-1).

a) Convocation du président du tribunal


Le président du tribunal fait convoquer par écrit, par l’entremise du greffe, le représentant légal de
la personne morale concernée ou le débiteur personne physique. À cette convocation est jointe
une note dans laquelle le président expose les faits ayant justifié son intervention. Les intéressés
disposent alors d’un délai d’un mois pour déférer à la convocation et s’y préparer.
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CHAPITRE 3 – Techniques d’alerte externe à l’entreprise 35

Toutefois, ils ne sont pas obligés de s’y rendre. Aucune sanction n’est encourue en cas d’absence.
Un procès-verbal de carence est seulement dressé par le greffier et notifié à la personne défail-
lante. Ce processus d’alerte n’est donc efficace que si les dirigeants font preuve de bonne volonté.

b) Entretien
Lorsque l’entrevue a lieu, un dialogue va s’instaurer entre le président du tribunal et les personnes
convoquées ; de son succès dépendra l’efficacité de l’alerte.
Ces dernières, éventuellement accompagnées de leurs conseils, vont donc indiquer selon la
formule légale « les mesures propres à redresser la situation ». Il s’agit le plus souvent de véritables
plans de redressement supposant notamment une augmentation de capital ou l’intervention de
nouveaux partenaires économiques. Le président pourra alors donner son avis sur les solutions
envisagées voire attirer l’attention des dirigeants sur l’éventualité d’une procédure de conciliation
ou de sauvegarde. L’entretien est confidentiel et se déroule hors de la présence du greffier
(art. R. 611-11). Le magistrat consulaire a un rôle qui relève plus de la magistrature morale.
À l’issue de cet entretien, un procès-verbal est établi et signé par les parties et le président du
tribunal. Déposé au greffe, il se contente de mentionner la date et le lieu de l’entretien ainsi que
l’identité des personnes présentes afin d’assurer la confidentialité de l’entrevue.
En tout état de cause, que l’entrevue ait eu lieu ou non, conformément à l’article L. 611-2 du
Code de commerce, le président du tribunal peut toujours obtenir communication, par les
commissaires aux comptes, les membres et les représentants du personnel, les administrations
publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que des services de centrali-
sations des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature à lui
donner une information exacte sur la situation économique de l’entreprise. Aucune obligation
légale ou contractuelle de confidentialité ou de secret professionnel ne saurait lui être opposée.
En définitive, l’efficacité de cette technique d’alerte externe dépend de la personnalité du magis-
trat et de la bonne volonté des débiteurs ; deux éléments particulièrement aléatoires.

2 Alerte des groupements de prévention agréés


Les groupements de prévention agréés sont des personnes morales de droit privé qui sont inves-
ties de missions très variées. Essentiellement, ils doivent fournir à leurs adhérents (toute personne
immatriculée au RCS ou au répertoire des métiers, tout entrepreneur individuel à responsabilité
limitée ou toute personne morale de droit privé) de façon confidentielle, une analyse comptable
et financière de leur situation. Ils sont aussi habilités à conclure, au profit de leurs adhérents, des
conventions avec les organismes de crédits ou les compagnies d’assurances. En outre, ils peuvent
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36 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

assister les chefs d’entreprise lorsque ceux-ci sont convoqués par le président du tribunal. Enfin, ils
disposent d’un droit d’alerte.

■ Critère de l’alerte
Aux termes de l’article L. 611-1 du Code de commerce, « Lorsque le groupement relève des indices
de difficultés, il en informe le chef d’entreprise et peut lui proposer l’intervention d’un expert. »
Le critère d’alerte est donc entendu très largement ; aucune précision légale n’étant donnée sur la
notion même d’indice de difficulté.
En pratique, le groupement pourra tenir compte de différents éléments comme les documents
comptables et financiers communiqués par les dirigeants ainsi que les informations portées à sa
connaissance (pertes de marchés ou conflits entre associés).
Il pourra également bénéficier du concours de certaines administrations comme la Banque
de France qui sera appelée à lui donner son avis sur la situation de ses adhérents. Grâce à un
critère pour le moins vague, la mise en œuvre de l’alerte est donc facilitée.

■ Mise en œuvre de l’alerte


La mission du groupement est double. Il doit informer le chef d’entreprise des difficultés qu’il a
relevées et peut aussi lui proposer l’intervention d’un expert. Rien n’est toutefois précisé dans les
textes sur le mode de désignation et le rôle de l’expert. Le chef d’entreprise adhérent n’est pas
tenu par cette proposition et par les informations données par le groupement. Le droit d’alerte
des groupements agrées de prévention se révèle donc très limité, faute de tout pouvoir de coerci-
tion sur les dirigeants ; tout au plus faut-il admettre que les informations obtenues sur la situation
de l’entreprise pourraient être transmises aux organes détenteurs d’un droit alerte « interne ».
Détecter ainsi les difficultés des entreprises, que ce soit par l’information ou l’alerte, est une tech-
nique de prévention qui en pratique reste limitée si elle est utilisée isolément. En effet, une fois les
difficultés isolées, encore faut-il y remédier rapidement pour échapper à une procédure judiciaire.
C’est alors tout l’objectif de la prévention-traitement. Ce traitement peut être purement adminis-
tratif. Il peut également être purement privé et conventionnel.
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Chapitre
Mandat ad hoc 4

D’origine purement prétorienne, le mandat ad hoc a en réalité été consacré par la loi du 26 juillet 2005
comme une véritable technique autonome de prévention. L’article L. 611-3 du Code de commerce dispose
ainsi que « Le président du tribunal peut, à la demande du débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il
détermine la mission. » La mise en œuvre de ce procédé purement volontariste reste néanmoins commandée
par une grande souplesse comme en attestent la désignation et le rôle du mandataire auxquels les ordon-
nances du 18 décembre 2008 et du 12 mars 2014 ont apporté quelques précisions.

1 Désignation du mandataire ad hoc


La procédure de désignation du mandataire ad hoc est relativement simple. Il est désigné par le
président du tribunal à la demande du chef d’entreprise.

■ Demande de désignation
Aux termes de la loi, seul le débiteur est habilité à demander la désignation d’un mandataire
ad hoc.
Sont donc visées derrière ce terme générique toutes les personnes éligibles aux procédures collec-
tives : à savoir les personnes physiques exerçant une activité indépendante (commerçants, artisans,
agriculteurs, professions libérales), l’EIRL et les personnes morales de droit privé quelle que soit
leur forme sociale (sociétés commerciales, sociétés civiles, GIE...).
En revanche, il est acquis que la demande ne pourra jamais être formulée par les créanciers, les
salariés ou encore par le président du tribunal lui-même. En tout état de cause, la demande doit
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38 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

être présentée par écrit et adressée ou remise au président du tribunal concerné : à savoir le
tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale et le TGI dans
tous les autres cas. La requête doit en outre être motivée.
Dès réception de celle-ci, le magistrat va convoquer le chef d’entreprise afin de recueillir ses
observations.

■ Décision du président du tribunal


À l’issue de l’entretien avec le demandeur, le président du tribunal rend sa décision qui est notifiée
au débiteur.
En cas de refus de désignation du mandataire ad hoc, celui-ci peut alors interjeter appel de la
décision (art. R. 611-20 et R. 611-26).
À l’inverse, en cas de désignation du mandataire, une ordonnance est alors rendue qui fixe à la
fois sa rémunération (après accord du débiteur mais également sur avis du Ministère public, à qui
l’ordonnance sera ensuite communiquée), l’étendue de sa mission et la durée de celle-ci. Toute
prorogation est d’ailleurs possible en fonction de la situation. La décision est notifiée au deman-
deur par le greffier, voire s’il s’agit d’une profession libérale soumise à un statut législatif ou régle-
mentaire, ou dont le titre est protégé, à l’instance ordinale. Aucune communication n’est faite au
Ministère public, la procédure a été voulue comme confidentielle.
Le choix du mandataire n’est désormais plus à la discrétion du président du tribunal. Depuis
l’ordonnance de 2008, le débiteur peut en effet proposer le nom d’un mandataire dans sa
requête (art. L. 611-3, al. 1), Une telle possibilité renforce ainsi le caractère volontariste de la
démarche.
En tout état de cause, afin de garantir l’indépendance du professionnel, certaines incompatibilités
ont été instituées par le législateur en 2005 (incompatibilités applicables également au conciliateur
en cas de procédure de conciliation).
Ainsi, ne pourra être désigné comme mandataire :
– le juge consulaire en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis moins de cinq ans ;
– ou encore la personne ayant, au cours des vingt-quatre mois précédant, perçu, à quelque titre
que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou un paiement du débiteur inté-
ressé de tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est
contrôlée par lui au sens de l’article L. 233-16, sauf s’il s’agit d’une rémunération perçue au
titre d’un mandat ad hoc ou d’un mandat de justice confié dans le cadre d’une procédure de
règlement amiable ou d’une procédure de conciliation à l’égard du même débiteur ou du
même créancier ou de la rémunération perçue au titre d’un mandat de justice, autre que celui
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CHAPITRE 4 – Mandat ad hoc 39

de commissaire à l’exécution du plan, confié dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou


de redressement judiciaires.
L’existence d’une rémunération ou d’un paiement perçu de la part d’un débiteur EIRL doit être
appréciée en considération de tous les patrimoines dont ce dernier est titulaire.
Une fois désigné, le mandataire fait savoir sans délai au président s’il accepte ou refuse sa mission
(art. R. 611-20). En cas d’acceptation, la décision de désignation du mandataire est communiquée,
pour information, au commissaire aux comptes du débiteur (art. L. 611-3). Cette information
voulue par l’ordonnance de 2014 peut cependant apparaître comme une menace pour la confi-
dentialité attachée à cette procédure préventive. En revanche, le débiteur n’est pas tenu
d’informer le comité social et économique ou, à défaut, les délégués du personnel de la désigna-
tion d’un mandataire ad hoc.

2 Rôle du mandataire
L’objet de la mission du mandataire est déterminé par le président du tribunal ; sa portée pratique
reste toutefois à préciser.

■ Objet de la mission du mandataire


Le principe en la matière est simple : le mandataire n’a aucun pouvoir d’administration. Le
dirigeant reste à la tête de son entreprise et conserve tous ses pouvoirs de gestion. L’absence de
tout dessaisissement du « débiteur » est sans aucun doute un élément destiné à renforcer l’attrac-
tivité de ce procédé préventif. Le mandataire ad hoc a en fait pour mission de rechercher, de
proposer des solutions aux difficultés et de discuter avec les créanciers le cas échéant. Pour cela,
il est soumis à une obligation de confidentialité.
Il rend compte régulièrement au président du tribunal de sa mission par un rapport. Ainsi, il devra
par exemple informer le magistrat de toute fraude commise par l’entreprise ou l’un des parte-
naires ou de difficultés éventuellement rencontrées. De la même manière, il doit faire connaître
au chef d’entreprise ses conclusions sur la situation. Ce dernier peut d’ailleurs toujours demander
au président de mettre fin à la mission du mandataire en cas de tensions. Un climat de confiance
réciproque doit en effet nécessairement s’installer entre les différents interlocuteurs ; de là dépend
le succès du mandat ad hoc.
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40 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

■ Portée de la mission du mandataire


L’intervention du mandataire peut très bien se terminer par la conclusion d’un protocole d’accord
entre les parties qui vient régler les difficultés de l’entreprise. Signé en présence du mandataire ad
hoc, cet accord n’est pas susceptible d’homologation du tribunal ou du président. Il relève du droit
commun des contrats.
Mais le mandat ad hoc peut au contraire se conclure par un échec car le débiteur se révèle être en
état de cessation des paiements. Dans ce cas, la prévention ayant échoué, l’ouverture d’une
procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est inévitable.
Enfin, très souvent, une troisième possibilité peut se présenter en pratique. Le mandat ad hoc peut
parfaitement servir de préalable, de préparation à une procédure de conciliation, le mandataire
pouvant alors être désigné comme le conciliateur, ou à une procédure de sauvegarde.
Le mandat ad hoc constitue bien une technique de prévention des difficultés des entreprises à part
entière dont le particularisme juridique ne fait aucun doute. Fondé sur une démarche volontariste
du chef d’entreprise, il présente à la fois un aspect judiciaire, en raison de la présence du président
du tribunal, et une souplesse de mise en œuvre certaine. Très attractif, il peut donc se révéler très
efficace, quitte à devenir souvent l’antichambre de la procédure de conciliation. Son efficacité a
d’ailleurs été renforcée par l’ordonnance de 2014 puisque désormais le Code de commerce
dispose que « est réputée non écrite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un
contrat en cours en diminuant les droits du débiteur ou en aggravant ses charges du seul fait de
la désignation d’un mandataire ad hoc » (art. L. 611-16).
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Chapitre
Procédure de conciliation 5

Substituée à l’ancien règlement amiable institué en 1984, la procédure de conciliation vise à l’obtention d’un
accord entre le débiteur et tout ou partie de ses créanciers afin de permettre un sauvetage rapide de l’entre-
prise en difficulté.
À la différence du mandat ad hoc, et comme le laisse supposer son intitulé, l’intervention judiciaire est ici plus
significative tout en restant mesurée. Il s’agit en réalité d’une véritable procédure de traitement conventionnel
des défaillances des entreprises scrupuleusement réglementée par le Code de commerce (art. L. 611-4 à
L. 611-12) et assortie d’effets plus ou moins énergiques en fonction de l’issue de la négociation. Privilégiée
par le législateur, cette procédure présente donc certains particularismes tant en ce qui concerne son ouver-
ture, son déroulement ou encore ses issues.

1 Ouverture de la procédure de conciliation


Fondée sur une démarche volontariste du débiteur, l’ouverture de la procédure de conciliation est
néanmoins subordonnée au respect de certaines exigences légales et au prononcé d’une décision
judiciaire. À compter du 20 novembre 2016, pour favoriser l’ouverture de cette procédure, le
nouvel article L. 621-1, al. 3 du Code de commerce (L. nº 2016-1547, 18 nov. 2016) précise que
lorsque le débiteur demande l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, le tribunal l’invite à
demander l’ouverture d’une procédure de conciliation au président du tribunal.

■ Conditions d’ouverture de la procédure de conciliation


Le bénéfice de la procédure de conciliation suppose en fait la réunion de deux types de condi-
tions : d’une part, des conditions de fond et, d’autre part, des conditions de forme.
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42 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

a) Conditions de fond
Deux exigences sont ici posées par les textes : l’une est relative à la qualité du demandeur, il doit
s’agir du seul chef d’entreprise, et l’autre à sa situation ou plus exactement aux difficultés
rencontrées.
1) Qualité du demandeur
Conçue comme un processus volontaire, la conciliation ne peut être demandée que par le débi-
teur. Plus précisément, la loi distingue deux catégories d’entreprises admises au bénéfice de
cette procédure :
– tout d’abord, les personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale (art. L. 611-4)
relevant de la compétence du président du tribunal de commerce ; peu importe ici la forme de
l’entreprise concernée : personnes morales (sociétés commerciales, groupements d’intérêts
économiques), EIRL ou personnes physiques ;
– enfin, les personnes morales de droit privé et les personnes physiques exerçant une acti-
vité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut
législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (art. L. 611-5) relevant de la compétence
du président du tribunal de grande instance. Sont ainsi visées les sociétés civiles, les associations
ou les entreprises individuelles civiles.
En revanche, sont expressément exclues de la conciliation les personnes exerçant une activité agri-
cole soumise au règlement amiable agricole (C. rur., art. L. 351-1) dont les similitudes avec la
procédure de conciliation ont été renforcées par l’ordonnance de 2014 (application du privilège
de conciliation notamment).
2) Situation du demandeur
Pour solliciter l’ouverture d’une conciliation, le demandeur doit, selon les termes légaux, éprouver
« une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible », mais ne doit pas se
trouver « en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours ».
Deux conditions cumulatives sont donc posées, conférant ainsi à cette procédure un large
champ d’application :
– la première, positive, à savoir, l’existence de « difficulté juridique, économique ou finan-
cière, avérée ou prévisible » traduit parfaitement la logique de prévention. Elle est entendue
très souplement. Non seulement le type de difficultés rencontrées est indifférent, mais égale-
ment il importe peu qu’elles soient avérées ou simplement prévisibles ;
– la seconde condition est en revanche négative. La procédure est en effet accessible au deman-
deur qui n’est pas en état de cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.
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CHAPITRE 5 – Procédure de conciliation 43

Cette exigence démontre le particularisme de ce processus préventif puisqu’il est envisageable


en cas de cessation des paiements, du moins si elle est récente ; celle-ci se caractérisant toujours
par un actif disponible insuffisant pour faire face au passif exigible. Le délai de 45 jours est
déterminant puisqu’au-delà, seule l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquida-
tion judiciaire est permise, fermant alors la porte à la conciliation.
La cessation des paiements n’est donc plus comme auparavant le critère de distinction entre les
procédures amiables et les procédures judiciaires de traitement des difficultés des entreprises. La
procédure de conciliation en est la preuve, à l’instar de la procédure de sauvegarde, procédure
collective ouverte sans cessation des paiements.

b) Conditions de forme
La demande d’ouverture doit être formée par requête adressée au président du tribunal compé-
tent, tribunal de commerce ou tribunal de grande instance. Celle-ci doit exposer la « situation
économique, financière, sociale et patrimoniale » du demandeur, « ses besoins de financement
ainsi que, le cas échéant, les moyens d’y faire face » (art. L. 611-6, al. 1). En d’autres termes, elle
doit contenir non seulement une analyse des difficultés mais aussi les remèdes ou mesures
envisagés.
Elle doit être accompagnée d’un certain nombre de documents : extrait d’immatriculation aux
registres et répertoires, état des créances et des dettes assorti d’un échéancier, la liste des princi-
paux créanciers, l’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan, et
aussi les comptes annuels, tableau de financement ainsi que la situation de l’actif réalisable et
disponible, valeurs d’exploitations exclues, et du passif des trois derniers exercices, si ces docu-
ments ont été établis. En outre, une attestation sur l’honneur certifiant l’absence de procédure
de conciliation dans les trois mois précédant la date de la demande doit être produite et une
déclaration indiquant, le cas échéant, la prise en charge par un tiers des frais de la procédure
demandée (art. R. 611-22, mod. D. du 30 juin 2014). Enfin, le cas échéant, la requête doit préciser
la date de la cessation des paiements.
Toutes ces exigences formelles ne semblent pas posées à peine d’irrecevabilité selon la doctrine. Le
libéralisme de la procédure laisse à penser qu’en pratique, en cas de non-respect du formalisme, le
président du tribunal saisi peut, soit rejeter la requête, soit demander à son initiateur de la
rectifier.

■ Décision d’ouverture de la procédure de conciliation


Dès réception de la requête, le président du tribunal saisi fait convoquer par le greffier le représen-
tant légal de la personne morale débitrice ou le débiteur, personne physique, pour recueillir ses
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44 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

explications. En outre, il informe le Ministère public. En revanche, aucune information des repré-
sentants du personnel n’est prévue par le Code de commerce ; ce qui ne saurait l’exclure pour
autant, pour la doctrine, le comité d’entreprise étant intéressé par la marche de l’entreprise.
Sous l’empire de la loi de sauvegarde, le magistrat disposait alors à ce stade de la procédure pour
instruire la demande du débiteur de certains pouvoirs d’investigations (nomination d’un expert,
communication de pièces...). L’ordonnance de 2008 a modifié fort heureusement cette chrono-
logie pour favoriser l’anticipation du débiteur. Désormais, ce n’est qu’une fois sa décision rendue
que le magistrat pourra le cas échéant exercer de tels pouvoirs.
a) Décision du président du tribunal
Le président du tribunal va donc choisir librement la solution la plus opportune pour l’entreprise,
soit accepter d’ouvrir une procédure de conciliation, soit au contraire refuser.
1) Refus d’ouvrir une conciliation
Le magistrat va refuser d’ouvrir une telle procédure dans deux hypothèses principales :
– si l’entreprise se trouve en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours ;
dans ce cas, la demande est irrecevable. Une saisine d’office du tribunal afin d’ouvrir une procé-
dure de redressement ou de liquidation judiciaire est exclue ; l’ordonnance de 2014 ayant
supprimé tous les cas d’ouverture sur saisine d’office. Désormais, lorsque le président du tribunal
estime que le débiteur est en cessation des paiements, il informe le Ministère public par une
note exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal, afin que ce dernier puisse
demander le cas échéant l’ouverture d’une procédure en marge de toute intervention du prési-
dent du tribunal ;
– même en l’absence de cessation des paiements si la solution lui paraît inopportune.
Selon la doctrine, il pourrait ainsi théoriquement proposer l’ouverture d’une procédure de sauve-
garde ou au contraire, tout simplement, estimer que la recherche d’accord amiable est
préférable.
L’ordonnance de refus est susceptible d’appel du débiteur dans un délai de 10 jours à compter de
sa notification. Le président du tribunal a alors la faculté de rétracter ou de modifier sa décision
dans les cinq jours. À défaut, le dossier est transmis à la cour d’appel. Les règles sont identiques
en cas de décision refusant la prorogation de la mission du conciliateur.
2) Décision d’ouvrir la conciliation
Le président peut parfaitement décider d’ouvrir une procédure de conciliation. Dans ce cas, il
désigne un conciliateur de son choix ou sur proposition du débiteur, pour une période n’excédant
pas quatre mois, mais qu’il peut, par une décision motivée, proroger à la demande de ce dernier
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CHAPITRE 5 – Procédure de conciliation 45

sans que la durée totale de la procédure de conciliation ne puisse excéder cinq mois. Toutefois, si
une demande de constatation ou d’homologation a été formée avant l’expiration du délai, la
mission du conciliateur et la procédure sont prolongées jusqu’à la décision du tribunal. À défaut,
elles prennent fin de plein droit. En tout état de cause, une nouvelle conciliation ne peut être
ouverte dans les trois mois qui suivent (art. L. 611-6, al. 2). « Conciliation sur conciliation ne vaut ».
La décision ouvrant ainsi la procédure de conciliation est notifiée par le greffier au débiteur et au
conciliateur. Elle est, en outre, communiquée au Ministère public, aux commissaires aux comptes
et, le cas échéant, à l’ordre professionnel ou à l’autorité compétente dont relève le débiteur. Le
débiteur n’est pas tenu d’informer le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel
de l’ouverture de la procédure pour les procédures ouvertes après le 20 novembre 2016. Enfin,
une telle ordonnance peut désormais faire l’objet d’un appel du Ministère public (art. L. 611-6,
al. 3).

b) Pouvoirs du président
Conformément à l’article L. 611-6 du Code de commerce : « Après ouverture de la procédure de
conciliation, le président du tribunal dispose » de différentes prérogatives.
Il est, en premier lieu, autorisé à demander des renseignements supplémentaires sur l’entreprise.
L’ordonnance de 2014 a d’ailleurs élargi la liste des professionnels pouvant être sollicités. Il est
désormais prévu que le magistrat peut « obtenir communication de tout renseignement lui
permettant d’apprécier la situation économique, financière, sociale et patrimoniale du débiteur
et ses perspectives de règlement, notamment par les commissaires aux comptes, les experts-
comptables, les notaires, les membres et représentant du personnel, les administrations et les
organismes publics, les organismes de sécurité sociale et de prévoyance sociales, les établisse-
ments de crédit, les sociétés de financement, les établissements de monnaie électronique, les
établissements de paiement ainsi que les services chargés de centraliser les risques bancaires et
les incidents de paiements » (art. L. 611-6). Aussi efficace soit-il, ce pouvoir de communication ou
d’investigation connaît toutefois une limite. Le magistrat ne disposant d’aucun moyen coercitif
(astreinte...), les personnes interrogées ne sont pas tenues de lui répondre. En cas de refus, elles
encourent seulement le risque d’engager leur responsabilité si elles ont causé un préjudice à
l’entreprise en compromettant le déroulement de la conciliation. Le président ne pourrait d’ailleurs
exiger une communication forcée en application de l’article 10 du Code de procédure civile ou
encore, à défaut de litige, ordonner une mesure d’instruction in futurum.
En second lieu, le magistrat peut également charger un expert de son choix d’établir un rapport
sur la situation économique, financière, sociale et patrimoniale du débiteur. Il s’agira en général
d’un expert en diagnostic d’entreprise qui effectuera ainsi un audit financier dont la rémunération
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46 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

est fixée par le président avec l’accord du débiteur (qui en supporte la charge). La nature juridique
de cette expertise est toutefois incertaine. Faute de litige, elle n’est pas judiciaire et ne relève pas
du Code de procédure civile. Mais pour autant elle n’est pas simplement amiable puisqu’elle est
ordonnée par une décision de justice.

2 Déroulement de la procédure de conciliation


Confidentielle par nature, la procédure de conciliation doit en principe permettre d’obtenir la
conclusion d’un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers. Menée par le conciliateur, la
phase de négociation est donc essentielle et justifie le cas échéant certains efforts de la part des
créanciers.

■ Rôle du conciliateur
La mission et le statut du conciliateur sont très encadrés par la loi.

a) Statut du conciliateur
Nommé par le président du tribunal, le cas échéant sur proposition du débiteur, le conciliateur est
considéré comme un auxiliaire de justice à titre occasionnel (puisqu’il est investi de sa mission par
une décision de justice). La liberté de choix du conciliateur n’est toutefois pas totale. En effet, à
l’instar du mandataire ad hoc, la loi a posé deux types d’incompatibilités afin d’assurer l’indépen-
dance des intervenants et la moralisation de la procédure. Sous cette réserve, il pourra donc
nommer un administrateur judiciaire ou un expert en diagnostic d’entreprise, mais pas nécessaire-
ment. Un expert-comptable ou un avocat-conseil pourrait parfaitement être désigné.
En tout état de cause, le débiteur bénéficie d’une faculté de proposition et de récusation si la
personne choisie ne lui convient pas. Cette dernière prérogative peut ainsi être exercée dans cinq
cas :
– lorsque le conciliateur a, directement ou indirectement, un intérêt personnel (né et actuel) à la
procédure. Tel est le cas par exemple s’il s’agit d’un créancier du débiteur ;
– lorsqu’un lien direct ou indirect existe entre le conciliateur et l’un des créanciers ou l’un des diri-
geants ou préposés de l’entreprise ;
– lorsqu’« il existe une cause de défiance entre le conciliateur et le débiteur » ;
– en cas d’incompatibilités légales (art. L. 611-13) ;
– enfin, lorsque le conciliateur a été définitivement radié ou destitué d’une profession
réglementée.
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CHAPITRE 5 – Procédure de conciliation 47

La procédure de récusation est d’ailleurs rigoureusement réglementée. Sans rentrer dans le détail,
la demande doit être formée dans les 15 jours de la notification de la décision de désignation et
doit être motivée (art. R. 611-28 et R. 611-34). Notification est faite au conciliateur par le greffe.
Cette demande a alors pour effet de suspendre la procédure jusqu’à une décision définitive
statuant sur la récusation. Le conciliateur informe par écrit le président du tribunal, soit de son
acquiescement à la récusation, et dans ce cas, il est aussitôt remplacé, soit de son opposition.
Dans cette dernière hypothèse, l’affaire est examinée par le magistrat en présence des parties.
Si ce dernier refuse la récusation, le débiteur peut toujours, dans un délai de 10 jours à compter
de la notification de l’ordonnance, exercer un recours devant le premier président de la cour
d’appel. Un pourvoi en cassation est envisageable le cas échéant.
Quoi qu’il en soit, une fois nommé, le conciliateur est tenu à une obligation de confidentialité
comme toute personne intervenant à la procédure dont la violation sera sanctionnée par la mise
en œuvre de sa responsabilité civile le cas échéant. Cette obligation de confidentialité est scrupu-
leusement garantie par la jurisprudence de la Cour de cassation y compris à l’égard de la presse
dans la mesure du respect de la liberté de la presse (Cass. com., 22 sept. 2015, nº 14-17377 ;
15 déc. 2015, nº 14-11500, FS+P+B+I ; Cass. com., 13 févr. 2019, nº 17-19049, FS-P+B+I et quant
au fond, Cass. com., 13 juin 2019, nº 10-10088, FS-P+B).
Sa rémunération est enfin encadrée. À l’instar du mandataire ad hoc, la rémunération du concilia-
teur est, depuis 2014, fixée non seulement au vu de l’accord du débiteur mais également sur avis
du Ministère public. L’avis de celui-ci n’est évidemment pas impératif pour le juge, qui peut statuer
contre son opinion. Cette rémunération est fixée en deux temps : tout d’abord lors de la désigna-
tion du conciliateur, en fonction des diligences nécessaires à l’accomplissement de sa mission,
ensuite à l’issue de la procédure par voie d’ordonnance qui est communiquée au Ministère
public. La décision est susceptible d’un recours devant le premier président de la cour d’appel
(art. L. 611-13). Enfin, l’ordonnance a ajouté une condition importante, pour pallier des pratiques
professionnelles contestables : la rémunération ne pourra « être liée au montant des abandons de
créances obtenus ni faire l’objet d’un forfait pour l’ouverture du dossier ».

b) Mission du conciliateur
Le conciliateur a pour mission naturelle de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses princi-
paux créanciers, ainsi que, le cas échéant ses cocontractants habituels, d’un accord amiable
destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise. Son rôle est strictement défini : il doit aider à la
négociation d’un accord amiable auquel il n’est pas partie. Il n’est pas chargé d’administrer
l’entreprise en difficulté. La procédure de conciliation n’emporte en effet aucun dessaisissement
du débiteur.
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48 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Il peut également présenter « toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l’entreprise, à la


poursuite de l’activité économique et au maintien de l’emploi ». Les objectifs visés ici sont d’ail-
leurs identiques à ceux de la sauvegarde.
Mais outre ces attributions traditionnelles, le conciliateur a désormais une nouvelle mission qui lui
a été dévolue par l’ordonnance de 2014. Il peut être chargé, à la demande du débiteur et après
avis des créanciers participants, d’une mission ayant pour objet l’organisation d’une cession
partielle ou totale de l’entreprise qui pourrait être mise en œuvre, le cas échéant, dans le cadre
d’une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire
(art. L. 611-7). Par cette disposition, l’ordonnance innove en ouvrant une nouvelle issue à la conci-
liation : celle de la cession d’entreprise. Elle reconnaît ainsi la pratique du prepack cession.
Dans tous les cas, pour remplir au mieux sa mission, le conciliateur dispose de deux prérogatives
particulières. Il peut ainsi obtenir du débiteur tout renseignement utile ; ce dernier a tout intérêt à
se montrer coopératif. En outre, il peut demander au président du tribunal communication des
renseignements dont il dispose et, le cas échéant, les résultats de l’expertise. La réussite de sa
mission dépend certes de ses compétences mais aussi et surtout de sa personnalité et de sa force
de persuasion tant à l’égard du débiteur que de ses créanciers.
À l’instar du mandataire ad hoc, il rend compte au président du tribunal de l’avancement de sa
mission et formule toutes observations utiles sur la diligence du débiteur.
Ainsi, s’il est dans l’impossibilité de parvenir à un accord, il présente sans délai au président du
tribunal un rapport. Celui-ci met fin à sa mission et à la procédure de conciliation. La décision est
alors notifiée au débiteur et communiquée au Ministère public. De la même façon, il peut
demander au président du tribunal de mettre fin à sa mission lorsque le débiteur a rejeté ses
propositions jugées indispensables à la réussite de la négociation. Inversement, et enfin, l’arrêt de
la négociation peut être le fait du débiteur lui-même puisqu’en effet, « lorsqu’il en fait la
demande, le président du tribunal met fin immédiatement à la procédure de conciliation ». Dans
tous les cas, la décision mettant fin à la conciliation n’est pas susceptible de recours.

■ Incitation à la négociation
La procédure de conciliation a un caractère conventionnel incontestable. Aussi, la liberté de négo-
ciation est-elle ici bien réelle entre le débiteur et ses créanciers. Néanmoins, pour favoriser au
mieux la conclusion d’un accord, certains efforts particuliers peuvent être demandés aux créanciers
tels que des remises de dettes ou des délais de paiements.
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CHAPITRE 5 – Procédure de conciliation 49

a) Remises de dettes des créanciers publics


La loi de 2005 a voulu associer autant que possible les créanciers institutionnels au processus de
négociation. L’article L. 611-7 du Code de commerce dispose ainsi que « Les administrations finan-
cières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime de l’assurance chômage
prévu par les articles L. 5422-1et suivants du Code de travail et les institutions régies par le livre IX
du Code de la sécurité sociale peuvent consentir des remises de dettes dans les conditions fixées à
l’article L. 626-6 du présent code. » Des cessions de rang de privilège ou d’hypothèque ou
l’abandon de ces sûretés peuvent également être consenties dans les mêmes conditions. En
d’autres termes, à l’instar des créanciers privés, les créanciers publics pourront donc consentir des
remises de dettes, souvent décisives, au débiteur pour la réussite de la conciliation. Il faut toutefois
préciser que l’administration fiscale est autorisée à consentir des remises sur le nominal des
créances que pour les impôts directs et sur les seules majorations et intérêts de retard pour les
impôts indirects (D. nº 2007-153, 5 févr. 2007).

b) Délais de paiement
Avant la loi du 26 juillet 2005, le président du tribunal avait la possibilité de prononcer une
suspension provisoire des poursuites en cas de règlement amiable. Cette mesure présentait certes
quelques avantages. Elle soulageait le débiteur et favorisait la conclusion de l’accord. Néanmoins,
ces inconvénients, comme la perte du caractère confidentiel de la négociation, ne faisaient aucun
doute et expliquaient son peu d’utilisation. La loi de sauvegarde des entreprises a supprimé cette
disposition. Le juge ne peut plus prononcer une mesure générale de suspension des poursuites. Il
peut seulement accorder des délais de grâce au débiteur poursuivi. L’objectif est simplement ici
d’éviter qu’un créancier, par son action, fasse obstacle à la conclusion de l’accord de conciliation.
L’article L. 611-7, alinéa 5 dispose qu’« Au cours de la procédure, le débiteur mis en demeure ou
poursuivi par un créancier peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de
l’article 1343-5 du Code civil. » Ainsi, grâce à cette nouvelle formulation, le juge peut accorder
des délais au débiteur en cas de mise en demeure ou de poursuite de ce dernier, sans qu’il soit
nécessaire que celle-ci soit concomitante à la procédure de conciliation.
Pour bénéficier de cette opportunité légale, le débiteur doit assigner le créancier poursuivant ou
l’ayant mis en cause devant le magistrat qui a ouvert la conciliation. La demande est portée à la
connaissance de la juridiction saisie de la poursuite le cas échéant qui doit surseoir à statuer
jusqu’à la décision portant sur les délais. Statuant en référé, le président du tribunal statue après
avoir recueilli les observations du conciliateur. Il peut alors, soit refuser d’accorder des délais de
paiement, soit à l’inverse octroyer de tels délais, sa décision s’imposant au juge de la poursuite.
Dans ce cas, il pourra subordonner la durée des mesures à la conclusion de l’accord avec tout ou
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50 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

partie des créanciers, que cet accord soit ou non soumis à l’homologation du tribunal ou au
constat du président. La décision rendue est notifiée au débiteur et au créancier et communiquée
à la juridiction saisie de la poursuite et au conciliateur. Les poursuites engagées par le créancier
sont donc suspendues et les majorations ou les pénalités de retard cessent d’être dues pendant
le délai fixé par le juge.

3 Issues de la procédure de conciliation


La procédure de conciliation peut avoir en réalité deux issues :
– la négociation a échoué ; les parties n’étant pas parvenues à trouver un accord pour des raisons
diverses. Dans ce cas, la loi prévoit que le conciliateur doit présenter sans délai un rapport au
président du tribunal. Celui-ci met fin à sa mission et à la procédure de conciliation. La décision
est notifiée au débiteur et communiquée au Ministère public. Elle n’est pas susceptible de
recours. Les suites à donner à cet échec de la conciliation seront en pratique très variables. Ainsi,
si le débiteur n’est pas en situation de cessation des paiements, il sera recevable à demander le
bénéfice :
• soit d’une nouvelle conciliation, à condition d’attendre l’expiration d’un délai de trois mois à
compter de la fin de la précédente procédure,
• soit d’une procédure de sauvegarde de droit commun,
• soit d’une procédure de sauvegarde financière accélérée (art. L. 628-9) si son endettement est
essentiellement financier,
• soit enfin, une procédure de sauvegarde accélérée. Une telle procédure permet ainsi à un
débiteur répondant aux conditions de l’article L. 628-1 et engagé dans une procédure de
conciliation, qui n’a pas réussi à recueillir l’unanimité requise pour l’accord de conciliation,
d’imposer par la loi de la majorité une solution de sauvetage. Il est d’ailleurs précisé que « La
circonstance que le débiteur soit en cessation des paiements ne fait pas obstacle à l’ouverture
de la procédure de sauvegarde accélérée si cette situation ne précède pas depuis plus de
quarante-cinq jours la date de la demande d’ouverture de la procédure de conciliation. »
Exception faite de cette nouvelle possibilité, en cas de cessation des paiements, une procédure
de redressement ou de liquidation judiciaires est parfaitement envisageable. Elle peut certes
être ouverte à la demande du débiteur avec le risque certain pour ce dernier de se voir repro-
cher d’avoir trop attendu pour déclarer la cessation des paiements ou à la demande d’un
créancier voire du Ministère public. Une saisine d’office du Tribunal est désormais exclue par
l’ordonnance de 2014 qui a tiré les enseignements de la censure du Conseil constitutionnel.
En tout état de cause, la cession partielle ou totale de l’entreprise, préparée le cas échéant par
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CHAPITRE 5 – Procédure de conciliation 51

le conciliateur, pourra alors être mise en œuvre dans le cadre de la procédure de sauvegarde,
de redressement ou de liquidation judiciaires ouverte ;
– mais la conciliation peut très bien se conclure par un accord entre le débiteur et ses princi-
paux créanciers. L’objectif de cette procédure préventive semble donc atteint. En effet, cet
accord, constaté en principe par écrit, aura vocation à produire ses effets, sauf en cas
d’inexécution.

■ Effets de l’accord de conciliation


En cas de réussite de la négociation, la loi de sauvegarde a donné au débiteur le choix entre deux
possibilités pour formaliser l’accord conclu : soit sa simple constatation par le président du tribunal,
soit son homologation par le tribunal lui-même. De ce choix dépendent directement certains effets
de l’accord, même si l’ordonnance de 2008 a modifié quelque peu les perspectives en choisissant
d’aligner sur de nombreux points le régime de l’accord constaté sur celui de l’accord homologué.

a) En cas de constatation de l’accord


Conformément à l’article L. 611-8 du Code de commerce, l’accord de conciliation peut être cons-
taté par le président du tribunal à la demande des parties, c’est-à-dire le débiteur d’une part, et
les créanciers parties à l’accord, d’autre part. Saisi par requête conjointe, le magistrat va donc
statuer au vu d’une déclaration certifiée par le débiteur attestant qu’il ne se trouvait pas en cessa-
tion des paiements lors de la conclusion de l’accord, ou que ce dernier y met fin. L’ordonnance,
constatant ainsi l’accord, lui donne force exécutoire et met fin à la procédure de conciliation.
Cette décision n’est pas soumise à publicité et n’est pas susceptible de recours. Une telle constata-
tion présente ainsi l’avantage de conserver la confidentialité qui a été pratiquée durant toute la
procédure de conciliation. Le crédit du débiteur ne sera pas compromis et les efforts consentis
par les créanciers, particulièrement les banques, resteront protégés par le sceau du secret.
Limités initialement dans la loi de sauvegarde, les effets de l’accord constaté ont depuis été
étendus par les ordonnances de 2008 et 2014.
Sous l’empire de la loi de 2005, il était admis, en application de la force obligatoire des contrats,
que les créanciers ayant accordé des délais dans l’accord ne pouvaient, ni agir en paiement, ni
exercer des poursuites pour obtenir le recouvrement de ces créances au mépris des délais
consentis. Les textes de 2008 et de 2014 ont consacré ce principe. L’article L. 611-10-1 du Code
de commerce dispose ainsi que « Pendant la durée de son exécution, l’accord constaté ou homo-
logué interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit toute poursuite indivi-
duelle tant sur les meubles que les immeubles du débiteur dans le but d’obtenir le paiement des
créances qui en font l’objet [...], les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire intérêts. Il
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52 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

interrompt, pour la même durée, les délais impartis aux créanciers parties à l’accord ». Par cette
disposition générale, l’interdiction des poursuites prévue initialement pour le seul accord homo-
logué est étendue expressément à l’accord constaté.
De la même façon, la situation des cautions et des garants a également été alignée. Ambigu en
2005, le sort des garants dans l’accord constaté est désormais régi par une disposition commune.
L’article L. 611-10-2 dispose en effet que « Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté
personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions de
l’accord constaté ou homologué ».
Légitimées par une volonté de rendre la conciliation plus attractive, ces nouvelles dispositions ont
certes amélioré les effets de l’accord constaté. Pour autant, l’assimilation avec l’accord homologué
ne saurait être totale.
En effet, si après la conciliation, une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire vient à
être ouverte, le tribunal pourra parfaitement faire remonter la date de cessation des paiements
antérieurement à l’accord constaté. Par conséquent, les sûretés conventionnelles prises par les
créanciers pourront tomber, le cas échéant, sous le coup des nullités de droit de la période
suspecte, en tant que sûretés prises en garanties de créances antérieures. En l’absence de sécurité
juridique, les créanciers du débiteur risqueront toujours de faire pression sur ce dernier pour qu’il
sollicite l’homologation de l’accord, génératrice d’effets plus avantageux.

b) En cas d’homologation de l’accord de conciliation


Prévue pour le règlement amiable en 1994, l’homologation était alors exigée lorsque l’accord était
signé par tous les créanciers. Aujourd’hui, laissée à l’initiative du débiteur, elle est subordonnée à
certaines conditions et engendre des effets légaux beaucoup plus énergiques.
1) Conditions de l’homologation
La loi offre désormais au débiteur la possibilité de demander l’homologation de l’accord. Dans ce
cas, l’ordonnance de 2014 a prévu que le comité social et économique ou, à défaut les délégués
du personnel sont alors informés du contenu de l’accord soumis à homologation. Celle-ci est
soumise à trois exigences de fond appréciées par le tribunal :
– le débiteur ne doit pas être en état de cessation des paiements ou l’accord conclu doit y mettre
fin ;
– les termes de l’accord doivent être de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise ;
– enfin, l’accord ne doit pas porter atteinte aux intérêts des créanciers non-signataires.
Saisi à la demande du seul débiteur, le tribunal va donc statuer après avoir entendu ou dûment
appelé en chambre du conseil les parties à l’accord, les représentants du comité social et
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CHAPITRE 5 – Procédure de conciliation 53

économique, le conciliateur et le Ministère public. L’ordre ou l’autorité dont relève le débiteur qui
exerce une profession libérale, est entendu ou appelé. Le tribunal peut également entendre toute
autre personne dont l’audition lui paraît utile.
Ainsi, si l’homologation vient à être rejetée, la décision est susceptible d’un appel de la part des
parties dans un délai de 10 jours selon les règles de la procédure gracieuse. Aucun recours n’est
ouvert aux tiers, faute de publicité de la décision de rejet. Dans ce cas, le sort du débiteur est
variable. Si ce dernier est en cessation des paiements, une procédure de redressement judiciaire
ou de liquidation judiciaire est envisageable mais le tribunal ne pourrait se saisir d’office. À
l’inverse, en l’absence de cessation des paiements, rien ne semble priver le débiteur du droit de
demander la constatation de l’accord le cas échéant.
En revanche, si l’homologation est prononcée, le jugement met fin à la procédure de conciliation.
Il est alors déposé au greffe et fait l’objet d’une publicité par un avis d’insertion au BODACC et
dans un journal d’annonces légales. Il est notifié au débiteur et aux créanciers signataires de
l’accord. Il est communiqué au conciliateur et au Ministère public. L’accord homologué est
transmis au commissaire aux comptes du débiteur lorsque celui-ci est soumis au contrôle légal de
ses comptes.
La décision d’homologation peut faire l’objet d’un appel du Ministère public et d’une tierce oppo-
sition de la part des tiers dans un délai de 10 jours à compter de la publicité du jugement
d’homologation.
Par son homologation judiciaire, l’accord perd donc non seulement sa nature exclusivement
contractuelle mais aussi et surtout son caractère confidentiel. En effet, il est prévu que le juge-
ment, sans pour autant reprendre la teneur de l’accord, « mentionne les garanties et privilèges
constitués pour en assurer l’exécution ». Il précise ainsi les montants garantis par le privilège de
conciliation. De cette façon, les tiers n’auront pas de difficultés à apprécier l’aide qui a été
consentie au débiteur. En outre, et enfin, toutes les personnes appelées à l’instance pourront
prendre connaissance de l’accord homologué au greffe du tribunal. Cette publicité de l’accord,
certes préjudiciable, apparaît en fait comme la contrepartie nécessaire des effets de l’homologa-
tion judiciaire.
2) Effets de l’homologation
Par l’homologation du tribunal, l’accord de conciliation va en fait produire des effets légaux spéci-
fiques tant à l’égard du débiteur, que des créanciers signataires et enfin des garants.
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54 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

• À L ’ ÉGARD DU DÉBITEUR
L’accord homologué emporte principalement deux effets particulièrement avantageux pour le
débiteur :
– en premier lieu, il bénéficie de l’interdiction des actions en justice et des poursuites indivi-
duelles pour les créances visées par l’accord. Cette protection du débiteur appelle toutefois
certaines précisions. Ainsi, elle est d’une part limitée aux seules créances visées dans l’accord
homologué. Dès lors, elle ne vaut pas pour les créanciers non-signataires. Un créancier partie à
l’accord pourrait parfaitement conserver son droit de poursuite individuelle pour les créances qui
en sont exclues (sous réserve des délais de grâce). D’autre part, la suspension est cantonnée aux
seules actions tendant au paiement d’une somme d’argent, peu importe qu’elle porte sur les
meubles ou les immeubles du débiteur. Aussi toute autre action, comme une action en nullité,
en résolution ou encore en résolution d’un contrat, est admise. De la même manière, rien ne
s’oppose à ce qu’un créancier signataire agisse en justice pour faire reconnaître le principe de
sa créance. En outre, l’ordonnance de 2014 est venue préciser que les intérêts échus des
créances visées ne peuvent produire intérêts (art. L. 611-10-1).
Enfin, la suspension des poursuites vaut pendant « la durée de l’exécution de l’accord ». La
généralité de la formule est toutefois contestée par la doctrine qui propose de considérer que
les poursuites individuelles sont arrêtées pendant la durée de l’exécution de l’engagement pris
par chaque créancier ; avantageuse pour le débiteur, cette règle vaut désormais également en
cas d’accord simplement constaté ;
– en second lieu, une autre faveur importante est accordée au débiteur. L’accord homologué
« entraîne la levée de plein droit de toute interdiction d’émettre des chèques » qui a pu
être prise à son encontre par un établissement de crédit avant l’ouverture de la procédure de
conciliation. Il appartient toutefois au débiteur de communiquer à la banque une copie du juge-
ment d’homologation et un relevé des incidents de paiements. L’organisme bancaire informe
alors la Banque de France pour qu’il soit procédé à la levée de l’interdiction.
• À L ’ ÉGARD DES CRÉANCIERS SIGNATAIRES
Tout d’abord, en contrepartie de l’interdiction des poursuites, la loi suspend, pour la même durée,
les délais qui leur sont impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux
créances visées par l’accord.
En outre, afin d’assurer la sécurisation de l’accord, il est impossible, sauf fraude, de faire remonter
la date de cessation des paiements à une date antérieure à la décision définitive d’homologation.
En d’autres termes, en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure de redressement judiciaire,
l’accord ainsi que tous les actes qui y sont inclus ne sauraient être anéantis par le jeu des nullités
de la période suspecte.
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CHAPITRE 5 – Procédure de conciliation 55

Enfin et surtout, un dernier effet attaché à l’homologation est particulièrement attractif pour les
créanciers parties à l’accord. Il s’agit du privilège de la conciliation ou encore appelé privilège de
new money prévu par l’article L. 611-11 du Code de commerce dont la mise en œuvre est stricte-
ment réglementée. Deux catégories de créanciers peuvent en effet bénéficier de ce privilège :
– les créanciers qui ont fait un nouvel apport en trésorerie. La notion d’apport en trésorerie
ou de new money devant être entendue largement comme toute mise à disposition d’argent
frais (ouverture de crédit ou avance). En revanche, le législateur a pris de soin de préciser que
ce privilège ne vaut pas pour les apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur
dans le cadre d’une augmentation de capital, à la différence, selon une interprétation a
contrario, de simples apports en compte-courant ;
– les créanciers qui fournissent un nouveau bien ou un service. L’apport de bien n’appelle
pas de remarques particulières, la nature du bien important peu. En outre, pourra être consi-
dérée comme une fourniture de service toute prestation de service utile à l’entreprise (études
de marché, gardiennage ou encore, par exemple, un contrat de cautionnement donné par un
établissement de crédit ou encore un crédit-bail).
En tout état de cause, quel qu’il soit, l’apport effectué devra répondre à deux exigences. D’une
part, il doit avoir été fourni, soit dans le cadre de l’accord homologué, soit – et c’est une
nouveauté de l’ordonnance de 2014 – dans le cadre de la procédure de conciliation ayant donné
lieu à un accord homologué (art. L. 611-11, al. 1er). Grâce à cette précision, seront ainsi concernés
par exemple tous les apports en trésorerie accordés au débiteur pendant la procédure et avant la
conclusion de l’accord homologué. D’autre part et enfin, l’apport doit permettre d’assurer « la
poursuite de l’activité de l’entreprise et sa pérennité ».
Les créanciers qui jouent le jeu de la conciliation sont ainsi gratifiés d’un privilège qui pourra être
exercé en cas de survenance d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation
judiciaires. En d’autres termes, en cas d’ouverture d’une procédure collective ultérieure, ces créan-
ciers, sous réserve d’avoir déclaré leurs créances, seront réglés après le super-privilège des salariés
et des frais de justice. Ils primeront donc tous les créanciers titulaires de sûretés spéciales anté-
rieures ou postérieures à la conciliation et tous les créanciers postérieurs éligibles au traitement
préférentiel. Pour compléter le dispositif, l’ordonnance de 2014 a d’ailleurs précisé que les créanciers
bénéficiant du privilège de conciliation ne seront plus soumis aux délais du plan (art. L. 626-20). La
mesure est donc particulièrement attractive et efficace pour les créanciers car elle leur confère un
rang très favorable et leur assure un paiement au moment de l’adoption du plan de sauvegarde
ou de redressement. Par suite, elle devrait, en pratique, inciter les créanciers à subordonner leur
participation à l’accord, par le biais d’une condition suspensive, à son homologation par le
tribunal.
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56 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

• À L ’ ÉGARD DES GARANTS


Pour renforcer l’attractivité de la procédure de conciliation, la loi de 2005 avait réservé un sort très
favorable aux garants du débiteur seulement en cas d’accord homologué. L’article L. 611-10 du
Code de commerce disposait ainsi que « les coobligés et les personnes, ayant consenti un caution-
nement ou une garantie autonome peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord homologué ».
Plus simplement, les garants du débiteur, cautions, coobligées, garants autonomes, personnes
physiques ou personnes morales, pouvaient bénéficier des délais et remises consentis au débiteur.
Cette solution était certes justifiée pour les cautions et coobligés en raison de leur caractère acces-
soire. Elle apparaissait toutefois plus discutable, au nom de la rigueur juridique, pour les garanties
autonomes, mais pouvait s’expliquer de façon pragmatique. Il fallait éviter que les banques
contournent la loi en exigeant alors systématiquement une garantie autonome.
En définitive, la volonté légale était manifestement de protéger les dirigeants-cautions et de favo-
riser ainsi une démarche préventive de leur part face aux difficultés de l’entreprise. Le simple
constat de l’accord de conciliation était alors sur ce point beaucoup moins attractif.
L’ordonnance de 2008 a en définitive opéré une double modification de cette disposition. Tout
d’abord, elle a précisé la nature des garants visés. Désormais, l’article L. 611-10-2 dispose en effet
que « Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé
un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord. » Par cette formulation, le
Code de commerce prend acte des évolutions jurisprudentielles sur les sûretés réelles. Enfin,
et surtout, la disposition légale s’applique à tous les accords qu’ils soient homologués ou simple-
ment constatés. En 2014 le texte a été précisé disposant alors que les garants peuvent également
se prévaloir des délais de grâce accordés au débiteur en application de l’alinéa 5 de l’article L. 611-7.

■ Inexécution de l’accord de conciliation


Qu’il soit simplement constaté ou homologué, l’accord passé doit en principe être exécuté, quitte
à subir quelques modifications le cas échéant. L’ordonnance de 2014 a d’ailleurs prévu deux
mesures visant à faciliter l’exécution de l’accord :
– tout d’abord, le président du tribunal, qui a constaté ou homologué l’accord, peut, à la
demande du débiteur, désigner le conciliateur en tant que mandataire à l’exécution de l’accord
pour la durée de son exécution (art. L. 611-8-III, et L. 611-14, sur la rémunération du manda-
taire). Un tel suivi devrait ainsi encourager les parties à l’accord à en assurer la bonne exécution ;
– enfin, si au cours de l’exécution de l’accord, le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par
l’un des créanciers appelés à la conciliation dans le but d’obtenir le paiement d’une créance
qui n’a pas fait l’objet de l’accord (en pratique une nouvelle créance), le juge qui a ouvert la
procédure de conciliation peut, à la demande du débiteur, octroyer des délais de grâce en
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CHAPITRE 5 – Procédure de conciliation 57

application de l’article 1343-5 du Code civil (art. L. 611-10-1, al. 2). La compétence du magistrat
est donc prorogée après la fin de la procédure de conciliation. Cette règle ne s’applique toute-
fois pas aux créanciers sociaux et fiscaux.
Toutefois, toute inexécution n’est pas exclue. La loi a en effet prévu deux hypothèses différentes :
– la résolution de l’accord pour inexécution des engagements pris dans l’accord homologué ou
constaté ;
– la cessation de l’accord en cas d’ouverture d’une procédure collective.

a) Résolution de l’accord
L’article L. 611-10-3 du Code de commerce issu de l’ordonnance de 2008 dispose que « Saisi par
l’une des parties à l’accord constaté, le président du tribunal, s’il constate l’inexécution des enga-
gements résultant de cet accord, prononce la résolution de celui-ci. Dans les mêmes conditions, le
tribunal prononce la résolution de l’accord homologué. »
Les conditions de la résolution de l’accord sont donc clairement énoncées :
– elle peut être demandée, par assignation, par toute partie à l’accord amiable : débiteur,
créanciers ou contractants. Les créanciers auxquels des délais de paiement ont été imposés
doivent être mis en cause par le demandeur. Le tribunal n’a pas le pouvoir de se saisir d’office ;
– elle suppose l’inexécution des engagements conventionnels. Aucune distinction n’est faite
selon la nature de l’obligation inexécutée (financière, sociale ou juridique). L’ampleur de l’inexé-
cution sera d’ailleurs soumise à l’appréciation du tribunal ;
– la résolution ne concerne plus seulement l’accord homologué. Elle vaut également pour
l’accord simplement constaté dont l’inexécution relevait à l’origine du droit commun des
contrats. Une différence est toutefois à noter : le tribunal est compétent en cas d’homologation
alors que seul le président l’est dans l’autre cas.
À supposer ces exigences légales remplies, le tribunal ou son président prononce alors la
résolution.
Son jugement est alors communiqué au Ministère public. Il est également notifié aux créanciers
parties à l’accord, soumis aux mêmes exigences de publicité que le jugement d’homologations et
enfin porté à la connaissance des créanciers auxquels des délais de paiement ont été imposés. La
décision prononçant la résolution de l’accord homologué est soumise aux mêmes exigences de
publicité que le jugement d’homologation. Une fois prononcée, cette résolution judiciaire empor-
tera alors l’anéantissement de l’accord de conciliation (délais et remises). En outre, il a été précisé
par l’ordonnance que le président du tribunal, pendant la procédure de conciliation ou pendant la
durée de l’exécution de l’accord, peut aussi prononcer la déchéance de tout délai de paiement
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58 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

accordé sur le fondement de l’article 1343-5 du Code civil. Dans ce cas, les créanciers auxquels ces
délais ont été imposés devront être attraits à l’instance en résolution (art. R. 611-46).
En définitive, la résolution pour inexécution de l’accord de conciliation ne saurait avoir pour consé-
quence l’ouverture de plein droit d’une procédure collective. Pour autant, une telle possibilité n’est
pas à exclure si les critères d’ouverture se révèlent remplis.
b) Ouverture d’une procédure collective
L’ouverture d’une procédure collective n’est pas antinomique avec l’exécution d’un accord de
conciliation. L’hypothèse est d’ailleurs expressément prévue par le législateur. Aux termes de
l’article L. 611-12, « L’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de
liquidation judiciaire met fin de plein droit à l’accord constaté ou homologué ».
Dans ce cas, les créanciers signataires recouvrent l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduc-
tion faite des sommes perçues sans préjudice de l’application du privilège de conciliation si
l’accord est homologué. Ils seront soumis à la discipline collective et particulièrement à l’obligation
de déclaration des créances et du privilège qui le cas échéant les assortit. En outre, le tribunal qui
fixe la date de cessation des paiements ne pourra pas, sauf fraude, la reporter à une date anté-
rieure au jugement ayant homologué l’accord.
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CHAPITRE 5 – Procédure de conciliation 59

Traitement préventif des difficultés

Alerte
Interne Externe
• Commissaire aux comptes (art. L. 234-1 et • Président du tribunal de commerce ou tribunal
L. 612-3) de grande instance (art. L. 611-2)
Critère de déclenchement : « tout fait de nature à Critère de déclenchement : « lorsqu’il résulte de tout
compromettre la continuité de l’exploitation qu’il a acte, document ou procédure que l’entreprise
relevée à l’occasion de l’exercice de sa mission » connaît des difficultés de nature à compromettre la
• Comité social et économique (C. trav., art. continuité de l’exploitation »
L. 2323-50 à L. 2323-54) • Groupement de prévention agréé (art. L. 611-1,
Critère de déclenchement : « lorsqu’il a connaissance al. 3)
de faits de nature à affecter de manière Critère de déclenchement : « lorsque le groupement
préoccupante la situation économique de relève des indices de difficultés, il en informe le chef
l’entreprise » d’entreprise et peut lui proposer l’intervention d’un
• Associés (art. L. 225-232 – SARL, SA et sociétés en expert »
commandite par action)
Critère de déclenchement : « lorsqu’ils constatent
des faits de nature à compromettre la continuité de
l’exploitation »
Procédures amiables
Mandat ad hoc (art. L. 611-3) Conciliation (art. L. 611-4 à L. 611-12)
Quand ? Avant la cessation des paiements Quand ? Avant ou moins de 45 jours après la
Qui ? Procédure confidentielle à l’initiative du cessation de paiements
débiteur Qui ? Procédure à l’initiative du débiteur
Critère d’ouverture : « Difficulté juridique,
économique ou financière, avérée ou prévisible »
Durée fixée par le Président du Tribunal Durée : 5 mois maximum
Issues : Issues :
- Protocole d’accord - Accord constaté par le président du tribunal ou
- Préalable à une conciliation homologué par le tribunal
- Ouverture d’une procédure de Rj ou Lj si cessation - Échec de la négociation (ouverture d’une procédure
des paiements de sauvegarde, de Rj ou Lj selon la situation du
débiteur
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Traitement judiciaire
PARTIE
des entreprises 2
en difficulté

Chapitre 6 - Ouverture de la procédure de sauvegarde 63


Chapitre 7 - Déroulement de la procédure de sauvegarde 75
Chapitre 8 - La sauvegarde accélérée et la SFA 99
Chapitre 9 - Redressement judiciaire 103
Chapitre 10 - Liquidation judiciaire 123
Chapitre 11 - Le rétablissement professionnel 143
Chapitre 12 - Sanctions civiles 147
Chapitre 13 - Sanctions pénales 157
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Ouverture de la procédure Chapitre
6
de sauvegarde

L’ouverture de la sauvegarde est laissée à la discrétion du débiteur, il est le seul à pouvoir la solliciter à condi-
tion de ne pas être en cessation des paiements. La procédure étant judiciaire, il doit respecter les modalités
procédurales de l’ouverture.

1 Procédure réservée au « débiteur in bonis »


Les conditions d’ouverture de la procédure correspondent au caractère préventif de la sauvegarde.
La première condition, subjective, vise la personne du débiteur, elle est commune à toutes les
procédures à l’exception de l’ouverture sanction subsistant seulement pour la liquidation judiciaire.
La seconde condition est objective et concerne la situation économique de l’entreprise qui ne doit
pas être en cessation des paiements. Cette procédure est réservée aux entreprises considérées
comme viables afin qu’elles surmontent leurs difficultés. La loi de modernisation de la justice du
e
XXI siècle (L. nº 2016-1547, 18 nov.) ajoute que, pour les demandes d’ouverture postérieures au
20 novembre 2016, le tribunal invite le débiteur à demander l’ouverture d’une procédure de
conciliation au président du tribunal (art. L. 621-1, al. 3 nouv.), ensuite seulement le tribunal
statue sur la seule de demande de sauvegarde.

■ Procédure à la discrétion du débiteur


Le débiteur n’est pas en cessation des paiements et reste, en principe, maître du jeu. Il décide de
l’ouverture d’une procédure de sauvegarde bien que ce pouvoir discrétionnaire soit atténué par
l’invitation faite par le tribunal à demander une conciliation (art. L. 621-1, al. 3 nouv.).
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64 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

a) La qualité de débiteur
La finalité de la procédure de sauvegarde et ses caractéristiques ont une influence sur la personne
du débiteur. Outre les conditions formulées par la loi et le décret, il y a des exigences qui sont
sous-entendues par la logique du texte. La sauvegarde ne concerne que les entreprises qui, par
définition, sont encore en activité et doivent dépasser des difficultés passagères pour éviter la
cessation des paiements. Par conséquent, les personnes physiques doivent être en activité et les
personnes morales ne doivent pas avoir été dissoutes, ce qui met fin à leur activité même si leur
personnalité morale est maintenue pour les besoins de la liquidation.
1) Personnes physiques en activité
L’article L. 620-2 du Code de commerce consacre l’élargissement du champ d’application de loi
qui s’applique désormais à toutes personnes physiques exerçant une activité économique indépen-
dante (indépendamment de leur inscription au RCS ou au répertoire des métiers). Elle est appli-
cable à l’entrepreneur individuel à responsabilité (EIRL) (Ord. 9 déc. 2010, ratifiée par la L. du
22 mars 2012, art. 3). Plus précisément, l’article L. 620-2 vise toute personne exerçant une activité
commerciale, artisanale, agricole ou une activité professionnelle indépendante, les auto-entrepre-
neurs, les professions libérales. Les professions libérales soumises à un statut législatif ou régle-
mentaire sont donc assujetties à la loi de sauvegarde des entreprises. Sont concernés : les
avocats, les médecins, les architectes, les officiers ministériels (huissiers, notaires...), etc. La loi
prend en considération les particularismes de ces professions, c’est-à-dire les exigences du secret
professionnel, le fort intuitu personae de leurs relations avec leurs clients, en associant le représen-
tant de l’ordre ou de la profession à la procédure (art. L. 621-1, al. 2 et R. 662-11). Il faut ajouter
les associés en nom bien qu’ils n’aient pas nécessairement une activité commerciale, mais la
deuxième chambre de la Cour de cassation a posé une présomption irréfragable de leur qualité
de commerçants (Cass. 2e civ., 5 déc. 2013, nº 12-20098, F-P+B).
Les exclus de la sauvegarde sont donc les salariés et les fonctionnaires.
2) Personnes morales de droit privé
L’article L. 620-1 vise toutes les personnes morales de droit privé, la même règle se retrouve
pour le redressement et pour la liquidation judiciaires. Le champ d’application est donc large. En
outre, toutes les formes de sociétés commerciales (sociétés anonymes, sociétés à responsabilité
limitée, société unipersonnelle à responsabilité limitée, sociétés en nom collectif, sociétés en
commandite, sociétés par actions simplifiées), les sociétés civiles et coopératives sont assujetties à la
loi de sauvegarde des entreprises. Il en va de même pour les groupements d’intérêt économique, les
associations déclarées reconnues ou non d’utilité publique, les syndicats professionnels (Cass. com.,
16 mars 2010, nº 09-12539) ou d’initiative ou de copropriétaires, les comités d’entreprise,
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CHAPITRE 6 – Ouverture de la procédure de sauvegarde 65

coopérative, etc. Cette liste n’est pas exhaustive car sont également concernées les caisses primaires
d’assurance-maladie, les mutuelles, les organismes de prévoyance, les sociétés d’exercice libéral, etc.
Pour pouvoir demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, le groupement doit posséder
la personnalité morale, ce qui exclut les groupements qui en sont dépourvus ou ceux qui l’ont
perdue. La logique voudrait qu’une société dissoute, mais non encore liquidée, ne puisse pas
bénéficier d’une procédure de sauvegarde car elle doit disparaître à court terme alors que la
sauvegarde vise à maintenir l’activité de l’entreprise.
L’article L. 620-2 consacre l’adage jurisprudentiel « faillite sur faillite ne vaut ». Ainsi, une procé-
dure de sauvegarde ne peut pas être ouverte à l’encontre d’un débiteur déjà soumis à une procé-
dure collective non close.
b) Pouvoir discrétionnaire du débiteur
Le débiteur est le seul à pouvoir demander l’ouverture de la procédure bien qu’il soit invité par le
tribunal à demander l’ouverture d’une conciliation. L’ordonnance de 2008 ancre davantage
encore la sauvegarde dans la logique préventive car le débiteur peut proposer le nom d’un admi-
nistrateur judiciaire au tribunal (art. L. 621-4). Le Ministère public peut également proposer le nom
d’un administrateur. Ce pouvoir discrétionnaire de demande d’ouverture de la sauvegarde exprime
la volonté de responsabiliser le débiteur et de l’encourager dans une démarche d’anticipation des
difficultés de l’entreprise. Les objectifs qu’il poursuit ne doivent pas être pris en considération,
seules les conditions légales doivent être vérifiées, peu importe l’instrumentalisation des textes
(Cass. com., 8 mars 2011, nº 10-13988, aff. Cœur Défense). Demander l’ouverture de
sauvegarde peut être vu comme un acte de gestion responsable en présence de difficultés
graves et insurmontables mettant l’entreprise en danger. Au demeurant, il est même suggéré
que ne pas demander l’ouverture de la sauvegarde à temps pourrait être considéré comme une
faute de gestion dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation
judiciaire ouverte ultérieurement. D’autres auteurs estiment qu’une telle solution serait illusoire :
les dirigeants, pour se couvrir, demanderaient une ouverture de sauvegarde de pure forme ; il
serait regrettable qu’ils perdent la liberté de choisir ou pas de demander une sauvegarde. Ce
pouvoir discrétionnaire est protégé par la suppression des cas d’ouverture sanction, le débiteur ne
peut pas être soumis à une procédure de sauvegarde à son corps défendant. Le nouvel
article L. 651-2 du Code de commerce, précisant que le dirigeant d’une société ne peut pas être
poursuivi en responsabilité d’insuffisance d’actif pour une simple négligence, pourrait limiter les
risques d’être poursuivi en cas d’abstention de demande d’ouverture d’une procédure de
sauvegarde (L. nº 2016-1691, 9 déc. 2016, « Sapin II », art. 146). Cette disposition est
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66 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

d’application immédiate d’après la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. com., 5 sept. 2018,
nº 17-15031, publié ; 5 déc. 2018, nº 17-22011).
1) Domaine d’application de la sauvegarde
L’exclusivité offerte par la loi au débiteur suppose une réflexion renouvelée sur la capacité du débi-
teur et sur la situation des commerçants ou artisans de fait. Ces derniers devraient avoir la possibi-
lité de demander l’ouverture d’une sauvegarde. L’article L. 620-2 du Code de commerce vise les
personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante. Le commerçant comme
l’artisan de fait peuvent se prévaloir de cette qualité. En outre, la version modifiée de
l’article 620-2 du Code de commerce rend indifférente l’inscription au registre du commerce. Il en
résulte que les auto-entrepreneurs bénéficient de la sauvegarde. En revanche, la question s’est
posée pour les associés en nom jusqu’à ce qu’ils soient présumés commerçants par la jurispru-
dence. Il subsiste la difficulté de la compétence du tribunal. Si la logique suggère la compétence
du tribunal de grande instance (art. L. 621-2), une bonne administration de la justice impose la
compétence du tribunal de commerce.
Les groupes de sociétés étant dépourvus de toute personnalité juridique, ils ne peuvent demander
l’ouverture d’une sauvegarde. Chaque filiale, dotée de la personnalité juridique, est indépendante.
Sa situation, dans le cadre d’une procédure de sauvegarde doit être prise en considération sans
tenir compte de son appartenance au groupe, sauf accord prévoyant le soutien financier de la
société-mère à l’égard de sa filiale.
L’extension est envisagée dans le cadre de la sauvegarde : l’article L. 621-2 du Code de commerce
affirme que la procédure peut être étendue à d’autres personnes en cas de confusion de leur
patrimoine avec celui du débiteur ou en cas de fictivité de la personne morale. Le même article
précise que l’administrateur, le mandataire judiciaire, le Ministère public, le débiteur peuvent
demander l’extension. Il énonce que le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent.
En outre, si le débiteur de la procédure initiale ou le débiteur visé par l’extension exerce une
profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementé ou dont le titre est protégé,
l’ordre professionnel ou l’autorité compétente est entendu par le tribunal qui statue en chambre
du conseil. Une telle disposition est surprenante car elle fait perdre au débiteur son droit exclusif
à demander l’ouverture de la procédure. Cette possibilité présente, cependant, de nombreux
avantages. Tout en respectant la lettre de la loi (art. L. 621-2, al. 2), et si l’on s’en tient à la
volonté de favoriser l’application de la sauvegarde, elle est le moyen d’étendre la procédure au
groupe sans attendre la cessation des paiements et l’intervention des créanciers. L’extension
change alors de nature, on ne peut plus la voir seulement comme une correction du périmètre
du patrimoine du débiteur soumis à la procédure, mais comme un avantage offert au groupe
pour se restructurer avant la survenance de la cessation des paiements. La réforme de 2014,
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CHAPITRE 6 – Ouverture de la procédure de sauvegarde 67

conformément à la loi d’habilitation, et la loi du 6 août 2015 introduisent, pour la sauvegarde,


comme pour les autres procédures, des dispositions propres aux groupes de sociétés. Depuis le
1er mars 2016, l’article L. 662-8 et les articles R. 662-18 à R. 662-21 du Code de commerce permet-
tent de désigner un administrateur, un mandataire commun à toutes les procédures du groupe et
de donner compétence au même tribunal spécialisé pour connaître les procédures du groupe.
2) Suppression des ouvertures sanctions
Cette suppression garantit au débiteur de ne pas se voir imposer l’ouverture d’une procédure de
sauvegarde. Elle vaut pour le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire. De même, il faut
noter la suppression de l’ouverture d’une procédure à l’égard des associés solidairement et indéfi-
niment tenus au passif. Enfin, l’ouverture-sanction à l’égard des dirigeants est également
supprimée, cette sanction n’existe plus que dans le cas de la liquidation judiciaire.

■ Procédure réservée aux entreprises viables


La sauvegarde est un redressement judiciaire anticipé. Partant de la constatation que si l’entreprise est
en cessation des paiements, il est déjà trop tard pour tenter de la réorganiser en vue de son sauve-
tage. Le législateur a forgé un critère spécifique concernant l’ouverture de la sauvegarde. Ce critère,
énoncé à l’article L. 620-1 du Code de commerce, est double. Il comporte une condition néga-
tive, ne pas être en cessation des paiements, et une condition positive, le débiteur doit
rencontrer des difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. L’appréciation des critères
d’ouverture se fait au cas pas cas. Une lecture attentive de l’article laisse apparaître deux éléments
dans les critères d’ouverture de la procédure de sauvegarde. Le premier élément est le critère subjectif
tenant à la personnalité du débiteur. L’appréciation de l’impossible dépassement des difficultés doit se
faire de manière subjective en tenant compte des capacités du débiteur demandeur. Le second
élément est le critère économique qui doit s’apprécier in concreto. La Cour de cassation dans l’affaire
« Cœur Défense » a saisi l’opportunité de préciser les conditions d’ouverture de la sauvegarde. Elle
permet une réorganisation de l’entreprise afin d’assurer la continuation de son activité, il n’est pas
nécessaire que les difficultés insurmontables rencontrées soient liées à l’activité de l’entreprise
(Cass. com., 8 mars 2011, nº 10-13988).
La preuve négative de l’absence de cessation des paiements devait être rapportée. L’ordonnance
de 2008 a supprimé toute référence à la cessation des paiements dans le cadre de l’ouverture de
la procédure de sauvegarde favorisant encore l’anticipation des difficultés de l’entreprise.
La date d’appréciation des difficultés rencontrées par l’entreprise participe du succès de la procé-
dure de sauvegarde. La Cour de cassation est intervenue sur cette question favorisant l’application
de la procédure de sauvegarde en précisant que les difficultés doivent être appréciées à la date du
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68 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

jugement d’ouverture de la sauvegarde et non pas à la date à laquelle le tribunal statue. Le carac-
tère évolutif de la situation du débiteur impose de prévoir les hypothèses de survenance de la
cessation des paiements qui conduisent à la conversion de la procédure de sauvegarde en redres-
sement judiciaire, voire en liquidation judiciaire.

2 Modalités procédurales de l’ouverture de la sauvegarde


Ces modalités permettent de comprendre l’importance considérable du jugement d’ouverture.

■ Tribunal compétent
a) Compétence matérielle
Le tribunal de commerce est compétent lorsque le débiteur est commerçant (personnes physiques
ou sociétés commerciales par la forme), artisan ou auto-entrepreneur exerçant une activité
commerciale. Le tribunal de grande instance a une compétence subsidiaire puisqu’il est compétent
dans toutes les autres hypothèses (personnes physiques exerçant une activité agricole ou profes-
sionnelle indépendante, membres des professions libérales, personnes morales de droit privé, etc.).
Le principe de l’unicité de la procédure garantit un bloc de compétence en matière de procédures
collectives. Il impose de maintenir la compétence du tribunal ayant ouvert la procédure initiale en
cas d’extension de la procédure de sauvegarde (sauf en cas d’insolvabilité européenne, CJUE,
15 déc. 2011, nº C-191/10, Rastelli ; Cass. com., 10 mai 2012, nº 09-12642). Il impose également
que le tribunal compétent le reste pour toutes les suites éventuelles de l’ouverture de la procédure
sous réserve des compétences exclusives d’autres juridictions. En cas de contestation sur la compé-
tence du tribunal, il est prévu que si le tribunal se déclare compétent, il doit statuer sur le fond
dans la même décision.
Les tribunaux de commerce spécialisés sont compétents pour les plus grandes entreprises, pour les
groupes de sociétés et pour les procédures d’insolvabilité européennes et internationales. Ces
dernières procédures font l’objet d’un nouveau Titre IX du Livre IV du Code de commerce introduit
par l’ordonnance du 2 novembre 2017 (Ord. nº 2017-1519 : JORF nov. 2017, nº 0257).

b) Compétence territoriale
Si le débiteur, personne morale, a le siège de son entreprise en France, ou si le débiteur, personne
physique, a l’adresse de son activité en France, le tribunal territorialement compétent est celui
dans le ressort duquel est situé le siège ou l’adresse déclarée de l’entreprise ou de l’activité.
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CHAPITRE 6 – Ouverture de la procédure de sauvegarde 69

En présence d’une entreprise dont le siège n’est pas situé en France, le même article précise que le
tribunal compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur a le centre principal de ses intérêts
en France. Le choix récent de la Cour de cassation en faveur du principe d’universalité de la faillite
permet au tribunal compétent, conformément au principe de l’unité du patrimoine, d’appréhender
tous les actifs du débiteur, même s’ils se trouvent à l’étranger. Ce pouvoir n’est effectif que sous
réserve de l’obtention de l’exequatur de la décision française à l’étranger. Réciproquement, le
tribunal français ne peut pas ouvrir une procédure si le débiteur est déjà soumis à une procédure
ouverte à l’étranger et reconnue en France. Tant que l’exequatur n’est pas obtenu, la procédure
ouverte à l’étranger laisse le débiteur in bonis en France (Cass. 1re civ., 28 mars 2012, nº 11-
10369).
Au sein de l’Union européenne (en dehors du Danemark et bientôt du Royaume-Uni après le
Brexit), le règlement nº 2015/848 abrogeant et remplaçant le règlement nº 1346/2000 du 29 mai
2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, applicable depuis le 26 juin 2017 précise que la procé-
dure d’insolvabilité principale, qui est par définition universelle, est ouverte par le tribunal du lieu
du centre des intérêts principaux du débiteur. Le principe en droit européen est celui de la recon-
naissance de principe des décisions d’ouverture par les juridictions compétentes au sens du règle-
ment. Les dispositions relatives à la compétence du tribunal d’ouverture et à la lutte contre le
forum shopping sont reprises et enrichies dans le nouveau règlement insolvabilité nº 2015/848.

■ Jugement d’ouverture
Le jugement d’ouverture emporte des conséquences graves pour le débiteur et pour les tiers. Son
contenu implique comme préalable l’information du tribunal afin qu’il statue en connaissance de
cause. En outre, à compter des demandes d’ouverture déposées le 20 novembre 2016, le tribunal
doit inviter le débiteur à demander l’ouverture d’une conciliation au président, ce n’est qu’ensuite
qu’il peut statuer sur la demande d’ouverture de la sauvegarde (art. L. 621-1, al. 3 nouv.).

a) Préalable au jugement d’ouverture : l’information du tribunal


Une période d’environ deux mois s’écoule entre la saisine du tribunal et le jugement d’ouverture.
Cette période est mise à profit pour assurer l’information du tribunal. En effet, ce dernier doit être
pleinement informé pour décider d’accepter d’ouvrir une procédure de sauvegarde plutôt qu’un
redressement judiciaire ou liquidation judiciaire. Si les conditions de fond de la sauvegarde sont
bien remplies, la procédure doit être ouverte. En revanche, si les conditions légales et réglemen-
taires ne sont pas vérifiées, le juge doit rejeter la demande du débiteur.
Les informations nécessaires pour que le tribunal statue en connaissance de cause sont d’abord
données par le débiteur lui-même. L’article R. 621-1 du Code de commerce exige que le débiteur
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70 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

« expose la nature des difficultés qu’il rencontre et les raisons pour lesquelles il n’est pas en
mesure de les surmonter ». Ce même article énumère les documents, comptables, économiques,
sociaux et juridiques, qui doivent être joints à la demande. Les éléments sont les mêmes qu’en
redressement judiciaire, sauf que, en sauvegarde, la situation de trésorerie doit dater de moins de
huit jours et un compte de résultat prévisionnel doit être fourni.
Toujours pour son information, le tribunal procède à des auditions. Certaines auditions sont obli-
gatoires. L’article L. 621-1 du Code de commerce précise que le débiteur, les représentants du
personnel et le représentant de l’ordre ou de l’autorité compétente si le débiteur exerce une
profession libérale doivent être entendus ou dûment appelés en chambre du conseil. Cette audi-
tion doit assurer la prise en compte des exigences déontologiques et disciplinaires de la profession.
Le droit d’expression des salariés est préservé car il faut que les représentants du personnel aient
été appelés pour que la procédure soit valable. Le texte laisse la possibilité au tribunal de procéder
à des auditions facultatives. Les personnes concernées sont susceptibles d’avoir une bonne
connaissance de l’entreprise : l’expert-comptable, le commissaire aux comptes, les banquiers, les
principaux créanciers. Cependant, selon certains auteurs, ils peuvent opposer au tribunal le secret
professionnel. Si le tribunal estime ne pas être suffisamment informé, il peut commettre un juge
enquêteur afin de « recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique
et sociale de l’entreprise » (art. L. 621-1, al. 4). Ce juge peut obtenir, en application de
l’article L. 623-2, toutes les informations utiles des commissaires aux comptes, des experts-compta-
bles, des notaires, des représentants du personnel, des administrations et des organismes publics,
de prévoyance et de sécurité sociale, des établissements de crédit sans que ces derniers puissent
lui opposer le secret professionnel. Le juge enquêteur peut se faire assister d’un expert de son
choix. Le juge fait un rapport auquel est annexé le rapport de l’expert, le rapport est déposé au
greffe du tribunal. Pour déjouer les fraudes, il est précisé qu’en cas de mandat ad hoc ou de
procédure de conciliation, l’ouverture de la procédure doit être examinée en présence du Minis-
tère public ; les pièces et les actes relatifs au mandat et à la procédure pourront être communi-
qués. L’article R. 621-1 du Code de commerce exige une attestation sur l’honneur certifiant
l’absence de mandat ad hoc ou de procédure de conciliation dans les dix-huit mois précédant la
date de la demande d’ouverture. Si tel n’est pas le cas, il faut mentionner le nom du mandataire
ou de l’autorité ayant procédé à la procédure de conciliation.
Pour les procédures en cours au 13 mars 2012, le président du tribunal peut désormais ordonner
toute mesure provisoire, utile à l’égard des biens du défendeur, à l’action en extension pour
confusion du patrimoine ou en réunion de l’actif pour un EIRL (art. L. 621-2, mod. L. du 12 mars
2012). La loi PACTE du 22 mai 2019 modifie l’article L. 526-8 du Code de commerce pour préciser
qu’en l’absence de bien, droit, obligation ou sûreté affectés au patrimoine dédié à l’activité
professionnelle (art. L. 526-6, al. 2) aucun état descriptif n’est remis. Par ricochet, le défaut d’état
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CHAPITRE 6 – Ouverture de la procédure de sauvegarde 71

descriptif des éléments affectés à l’EIRL ne peut plus constituer un manquement grave justifiant la
réunion des patrimoines. L’article L. 621-2, al. 3, applicable en sauvegarde, redressement et liqui-
dation judiciaire, est modifié en ce sens et la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point
est remise en cause (Cass. com., 7 févr. 2018, nº 16-24481).

b) Contenu du jugement d’ouverture


Le jugement d’ouverture constate que les conditions de la sauvegarde sont remplies et ouvre la procé-
dure. Le jugement d’ouverture est qualifié de déclaratif ; en réalité, il s’agit d’un jugement constitutif
donnant naissance à une situation juridique nouvelle opposable à tous. Il est rendu en audience
publique et a l’autorité absolue. Cette autorité s’efface devant le réalisme économique dans l’hypo-
thèse d’une conversion de la sauvegarde en redressement judiciaire si, ultérieurement, il est constaté
que le débiteur était déjà en cessation des paiements au jour de l’ouverture de la sauvegarde.
Le jugement d’ouverture prend effet à compter de sa date, non au moment de son prononcé
mais, avec une rétroactivité de quelques heures, à 0 heure du jour où il est rendu. L’information
des tiers est assurée par la publicité du jugement d’ouverture avec l’indication des pouvoirs
conférés à l’administrateur, c’est-à-dire simple surveillance ou assistance du débiteur. Le jugement
d’ouverture est mentionné au registre du commerce et des sociétés pour les commerçants et pour
les personnes morales immatriculées. Il est signalé au répertoire des métiers pour les artisans et sur
un registre spécial ouvert au tribunal de grande instance pour les autres cas. Un avis du jugement
d’ouverture est inséré au BODACC et à un journal d’annonces légales du lieu du siège du débi-
teur. Enfin, le greffier notifie au débiteur le jugement d’ouverture dans les huit jours qui suivent
sa date tandis qu’il en adresse copie, sans délai, aux mandataires de justice désignés, au procureur
de la République et au trésorier-payeur général du département.
Le jugement d’ouverture nomme les organes de la procédure :
– en premier lieu, le tribunal désigne le juge-commissaire (plusieurs si nécessaire), qui est choisi
parmi les juges qui composent le tribunal (à l’exception du président du tribunal si ce dernier a
connu la situation du débiteur en prévention – art. L. 621-4, mod. L. nº 2016-1547, 18 nov.
2016) et qui est responsable du bon déroulement de la procédure et de la protection des inté-
rêts en présence. Il est l’homme-orchestre de la procédure. Il exerce une « magistrature écono-
mique » et, pour remplir efficacement cette fonction, il a communication de toutes les informa-
tions importantes (rapports établis et rendus pendant la période d’observation). Il contrôle les
organes de la procédure, peut décider de nommer des comités de créanciers alors que les
seuils légaux ne sont pas atteints, il désigne les contrôleurs parmi les créanciers. Outre les déci-
sions qu’il prend pendant la période d’observation, il donne l’autorisation au débiteur ou à
l’administrateur de passer certains actes graves. Il dispose de larges pouvoirs d’investigation, il
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72 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

peut autoriser les licenciements pour motif économique, il vérifie les créances, etc.
L’article L. 621-5 du Code de commerce assure l’indépendance de la fonction en édictant des
incompatibilités liées aux liens de parenté entre le juge-commissaire et le débiteur. Il statue par
ordonnances. Ces dernières sont susceptibles de recours (opposition, appel et pourvoi en cassa-
tion sur le jugement statuant sur ce recours en application du droit commun) ;
– en second lieu, le tribunal, dans le même jugement, désigne un ou plusieurs administrateurs
(cette nomination n’est pas obligatoire si l’entreprise débitrice a un chiffre d’affaires hors taxes
de moins de trois millions d’euros et emploie moins de vingt salariés). La réforme de 2014
implique davantage le débiteur à ce stade de l’ouverture de la procédure. Ce dernier peut
proposer le nom d’un ou plusieurs administrateurs. Le Ministère public peut également
soumettre des noms au tribunal qui sollicite les observations du débiteur sur ces propositions.
L’administrateur est chargé, par décision de justice, d’administrer les biens d’autrui et d’exercer
des missions de surveillance ou d’assistance dans la gestion de ces biens. Il accompagne le débi-
teur en sauvegarde puisque ce dernier, par principe (art. L. 622-1, I) continue à assurer l’adminis-
tration de l’entreprise. L’administrateur a une mission restreinte car le débiteur (art. L. 622-3,
al. 1) continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d’administration ainsi
que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l’administrateur. En principe,
il est investi d’une mission de surveillance des opérations de gestion, il opère un contrôle a
posteriori des opérations effectuées par le débiteur. L’administrateur dispose de prérogatives,
de pouvoirs propres, il évince alors le débiteur, par exemple, en ce qui concerne la décision de
continuer ou non les contrats en cours. Il informe le juge-commissaire et le Ministère public du
déroulement de la procédure. Il prépare avec le débiteur le plan de sauvegarde en élaborant un
bilan économique, social et environnemental de l’entreprise. En présence d’un administrateur, le
débiteur n’est plus seul, il perd son indépendance en proportion de la mission de surveillance ou
d’assistance confiée à l’administrateur. En l’absence d’administrateur, les pouvoirs du débiteur
sont encadrés par l’intervention du mandataire judiciaire et du juge-commissaire ;
– toujours dans le jugement d’ouverture, le tribunal désigne le mandataire judiciaire chargé de
représenter l’intérêt collectif des créanciers. L’implication du débiteur dans la désignation du
ou des mandataires est la même que pour les administrateurs. Pour préserver son indépendance
et son intégrité, outre les interdictions de l’article L. 621-5 précitées, il est précisé que, si la
sauvegarde est ouverte moins de dix-huit mois après l’échec d’un mandat ad hoc ou d’une
conciliation, le Ministère public peut s’opposer à la nomination comme mandataire judiciaire,
représentant des créanciers, du mandataire ad hoc ou du conciliateur ;
– enfin, il est prévu la désignation d’un représentant des salariés parmi les salariés de l’entre-
prise, si une telle désignation échoue, le débiteur établit un procès-verbal de carence. Ce dernier
participe à la vérification des créances salariales et il remplace le comité d’entreprise ou les
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CHAPITRE 6 – Ouverture de la procédure de sauvegarde 73

délégués de personnel en leur absence. Ce dernier n’est pas considéré comme une institution
représentative du personnel (IRP) dans le cadre du licenciement économique (Cass. com., 23 sept.
2008, nº 06-45528 et 06-45529). L’implication des institutions représentatives des salariés est
expressément prévue car le tribunal doit solliciter leurs observations lorsque le débiteur emploie
au moins 50 salariés (art. L. 621-4, al. 5, mod. L. nº 2016-1546, 18 nov. 2016 et art. R. 621-2-1).
Une fois les informations collectées et les acteurs de la procédure désignés par le tribunal, le juge-
ment d’ouverture met en place la procédure. Le principe est celui de son exécution à titre provi-
soire de plein droit. L’arrêt de l’exécution provisoire reste possible, mais elle est difficile : le
premier président de la cour d’appel doit être saisi en référé au cours d’une procédure d’appel
interjetée contre le jugement d’ouverture. Le jugement d’ouverture, bien qu’exécutoire, peut faire
l’objet de voies de recours de droit commun. Celles-ci sont aménagées pour rendre plus strictes
leurs conditions d’ouverture.

Acteurs de la procédure

Acteur Juge-commissaire Administrateur judiciaire Mandataire judiciaire Représentants du


(un des juges du Mandataire de justice Mandataire de justice personnel
tribunal à (diplômé, inscrit sur la liste (diplômé, inscrit sur la Comité social et
l’exclusion du tenue par la commission liste tenue par la économique ou
président) nationale d’inscription et commission nationale délégués du
de discipline des d’inscription et de personnel
administrateurs et discipline des
mandataires judiciaires) administrateurs et
désigné, sur proposition du mandataires judiciaires)
débiteur, par le tribunal désigné par le tribunal
Mission Homme orchestre En principe, mission de Représentation des Expriment des
de la procédure. surveillance (par exception intérêts des créanciers observations
Il est responsable : d’administration) lorsque le débiteur
- du bon Titulaires de prérogatives emploie plus de 50
déroulement de la exclusives (ex. : poursuite salariés.
procédure ; des contrats en cours)
de la protection
des intérêts en
présence
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Déroulement
Chapitre
de la procédure 7
de sauvegarde

Le déroulement de la procédure de sauvegarde se décompose en deux temps. Le premier est celui de la


réflexion pendant la période d’observation, il permet la préparation de la sauvegarde de l’entreprise. Le
second est celui de l’action à travers l’exécution du plan arrêté par le tribunal, exécution qui doit conduire au
retour de l’entreprise à une situation saine.

1 Effets du jugement d’ouverture


Le premier est l’ouverture de la période d’observation qui altère la situation des acteurs concernés
par la procédure de sauvegarde. La période d’observation est un havre de paix offert par la loi au
débiteur. Le but est de lui permettre de refaire ses forces et de préparer sa réorganisation par
l’adoption d’un plan de sauvegarde.

■ Période d’observation
Le jugement ouvre la période d’observation. Sa durée est limitée. Elle est de 6 mois renouvelable
une fois. Elle peut être prorogée exceptionnellement à la demande du Ministère public pour
6 mois. Au maximum, elle ne peut excéder 18 mois.
Elle remplit une double fonction :
– d’abord, elle place le débiteur dans une bulle protectrice. Plusieurs mesures dérogatoires du
droit commun lui offrent un répit et expliquent que, par nature, la période d’observation ne
peut être que provisoire. L’article L. 621-3 du Code de commerce la limite à six mois maximum
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76 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

pouvant être renouvelés une fois par le tribunal par une décision motivée à la demande de
l’administrateur, du débiteur ou du Ministère public ;
– ensuite, elle doit permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise dans les meilleures
conditions. Elle affecte profondément le sort de l’entreprise, du débiteur et de ses partenaires.

a) Sort de l’entreprise
L’objectif de la sauvegarde, comme du redressement judiciaire, est de poursuivre l’activité de
l’entreprise, de maintenir l’emploi et d’apurer le passif. Pour réaliser cet objectif à l’égard de
l’entreprise, il faut, pour être en mesure d’élaborer un plan de sauvegarde, évaluer les capacités
de l’entreprise, tout en la protégeant pour assurer le maintien de son activité. Par conséquent, il
faut, pendant la période d’observation, travailler sur deux fronts : le premier consiste dans la
protection de l’entreprise et le second réside dans la promotion de l’activité de l’entreprise.
1) Protection de l’entreprise
La protection de l’entreprise suppose de la mettre à l’abri des poursuites de ses créanciers en les
soumettant à la discipline collective. À ce titre, la loi instaure une sorte de bouclier protecteur
bloquant les actions de certains créanciers. Classiquement, les mesures restrictives des droits des
créanciers concernent ceux dont la créance est née avant le jugement d’ouverture. La loi nouvelle
innove en étendant leur domaine d’application aux créances nées après le jugement d’ouverture,
mais « inutiles » à la procédure. L’article L. 622-7 fait une référence expresse et justifiée à
l’article L. 622-17 du Code de commerce. Ce dernier article ajoute un critère qualitatif à l’élection
des créances nées après le jugement d’ouverture au statut de créances privilégiées. Pour être élues
les créances doivent être nées régulièrement après le jugement d’ouverture, pour les besoins du
déroulement de la procédure ou de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation
fournie au débiteur. Les créances élues sont payées à l’échéance ou, à défaut, bénéficient du privi-
lège de procédure.
Les créances non élues supportent les règles de la discipline collective.

• I NTERDICTION DES PAIEMENTS


La première règle est celle de l’interdiction des paiements. Elle est classique pour toutes les
créances antérieures (créances d’origine contractuelle, délictuelle, fiscale, légale), elle est nouvelle
pour les créances postérieures non privilégiées. La difficulté est de fixer la date de naissance de
ces créances : c’est la date de l’exécution progressive des obligations dues qui est retenue. En
matière de créance de responsabilité délictuelle, on retient la date du fait dommageable.
L’article L. 622-7 du Code de commerce réitère la règle de l’« interdiction de payer toute créance
née antérieurement au jugement d’ouverture ». Les paiements visés sont ceux, sous toutes leurs
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CHAPITRE 7 – Déroulement de la procédure de sauvegarde 77

formes (y compris le pacte commissoire), réalisés par le débiteur. La sanction est la nullité absolue.
La demande doit être introduite par tout intéressé dans les trois ans de l’acte ou du paiement.
Certaines exceptions – d’interprétation stricte, mais importantes – sont prévues. La plus générale
vise le paiement par compensation des créances connexes. Cette dernière condition est stricte-
ment contrôlée. Les créances sont connexes lorsqu’elles sont la conséquence de l’exécution d’un
même contrat ou ensemble contractuel ou de la même opération économique. Les créances
doivent être de même nature, ce qui exclut toute compensation entre des créances contractuelles
et délictuelles. La refonte de la compensation par l’ordonnance du 10 février 2016 réformant le
droit des contrats ne devrait modifier sa mise en œuvre dans le cadre de la sauvegarde.
D’autres exceptions sont spéciales. Le paiement est possible pour retirer une chose d’un gage ou
une chose légitimement retenue (droit de rétention) si ce retrait est nécessaire à la continuation de
l’activité de l’entreprise. L’ordonnance de 2008 règle le sort du droit de rétention fictif (C. civ.,
art. 2286), pour le rendre inopposable pendant la période d’observation et pendant l’exécution
du plan de sauvegarde.
Les créances salariales super-privilégiées échappent également à l’interdiction de paiement, tout
comme le paiement provisionnel du titulaire d’un nantissement ou d’une hypothèque en cas de
vente avec l’autorisation du juge-commissaire d’un bien grevé d’un privilège spécial. Les créances
alimentaires bénéficient aussi d’une exception permettant leur paiement en marge de la procédure
(art. L. 622-7, al. 1).
Plus strictement encadrée encore, une autre exception concerne les actes de dispositions étrangers
à la gestion courante : l’octroi d’une hypothèque ou un nantissement ou l’acceptation d’un
compromis ou d’une transaction, doivent être autorisés par le juge-commissaire. L’ordonnance du
12 mars 2014 modifie l’article L. 622-7 pour préciser que si l’acte en question est déterminant
pour l’issue de la procédure, le juge-commissaire ne peut statuer qu’après avoir recueilli l’avis du
Ministère public. Le principe posé par l’article L. 622-30 est celui de l’interdiction de l’inscription
des hypothèques, nantissement et privilèges sous réserve de l’exception qui profite au Trésor
public et au vendeur du fonds de commerce après le jugement d’ouverture. Il y a deux exceptions
importantes : d’abord, le débiteur ou l’administrateur peut solliciter l’autorisation du juge-commis-
saire d’effectuer un paiement afin d’obtenir le retour dans le patrimoine du débiteur de biens, de
droits remis en gage ou transférés au titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire. Ensuite, le
débiteur ou l’administrateur peut solliciter l’autorisation de paiement pour lever l’option d’achat
d’un contrat de crédit-bail afin de conserver le bien à la fin du contrat. La levée d’option doit
être justifiée par la poursuite de l’activité et le montant à verser doit être inférieur à la valeur
vénale du bien (art. L. 622-7). Cette dernière condition est supprimée par l’ordonnance du
12 mars 2014 ce qui facilite la levée d’option pour la poursuite de l’activité.
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78 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

• A RRÊT DE POURSUITES INDIVIDUELLES CONTRE LE DÉBITEUR .


La deuxième règle de la discipline collective est l’arrêt des poursuites individuelles contre
le débiteur. Comme pour l’interdiction de payer, cette interdiction concerne les créances nées
avant le jugement d’ouverture et les créances nées postérieurement à l’ouverture de la procédure
mais non privilégiées.
• A RRÊT ET INTERDICTION DES VOIES D ’ EXÉCUTION
La troisième règle de la discipline collective est l’arrêt et l’interdiction des voies d’exécu-
tion. Les exceptions sont les mêmes que celles énoncées dans l’interdiction de payer.
L’article L. 622-28, al. 2 du Code de commerce précise que, du jugement d’ouverture au jugement
arrêtant le plan de sauvegarde, toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant
consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie est suspendue.
Cette mesure est une incitation en faveur du chef d’entreprise qui est le garant personnel de
l’entreprise rencontrant des difficultés susceptibles de la conduire à la cessation des paiements.
En demandant l’ouverture de la procédure, il ne prend pas le risque d’être poursuivi à titre de
garant personnel. Certaines mesures supplémentaires viennent compléter ce bouclier législatif
protecteur du débiteur : l’arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous
les intérêts de retard et de majoration, les créances non échues ne deviennent pas exigibles du
fait de l’ouverture de la procédure et les clauses prévoyant la déchéance du terme en cas d’ouver-
ture de la procédure sont réputées non-écrites.
Permettre l’adoption d’un plan de sauvegarde suppose en amont le maintien et la poursuite de
l’activité du débiteur pendant la période d’observation.
2) Maintien de l’activité de l’entreprise
« L’activité de l’entreprise est poursuivie pendant la période d’observation » (art. L. 622-9). Pour
réaliser cet objectif, une condition préalable s’impose : la poursuite des contrats en cours, dont le
principe est posé par l’article L. 622-13 du Code de commerce. Hormis le contrat de travail, aucun
contrat n’est exclu de l’application de cette disposition dès lors qu’il est en cours d’exécution ou
d’existence.
En présence d’un administrateur, ce dernier détient une compétence exclusive pour exercer
l’option offerte par la loi. En son absence, l’option est exercée par le débiteur après avis conforme
du mandataire judiciaire, le juge-commissaire tranche un éventuel différent entre eux.
Tant que la procédure, dont l’initiative est laissée au cocontractant, sans interdire à l’administra-
teur d’agir, n’est pas engagée, le contrat est automatiquement continué. Par conséquent, le
cocontractant doit continuer à exécuter le contrat sans aucun aménagement. En contrepartie, il a
droit au paiement de ses prestations en bénéficiant du privilège offert aux créances nées
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CHAPITRE 7 – Déroulement de la procédure de sauvegarde 79

postérieurement au jugement d’ouverture. Cette situation temporaire peut paraître précaire. Pour
en sortir, le cocontractant dispose de la faculté d’adresser une mise en demeure (en pratique
LRAR) à l’administrateur. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois pour prendre position. Le
silence de l’administrateur entraîne la résiliation de plein droit du contrat. L’administrateur lui-
même peut exercer l’option sans attendre d’être mis en demeure. Il lui est possible de poursuivre
le contrat en prenant position expressément ou tacitement en continuant à exécuter le contrat de
manière non équivoque. L’ordonnance de 2008 (art. L. 622-13-IV) offre à l’administrateur la possi-
bilité de prendre l’initiative de demander la résiliation d’un contrat en cours. Le juge-commissaire
prononce la résiliation du contrat si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et si elle ne
porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
La continuation du contrat suppose que ce dernier est nécessaire à la sauvegarde de l’entreprise et
que le débiteur dispose des moyens suffisants pour assumer le paiement des prestations fournies ;
mieux si la prestation porte sur une somme d’argent, le paiement doit être fait au comptant (le
cocontractant peut accepter des délais de paiement) pour les procédures ouvertes avant le
1er juillet 2014. Après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014, le nouvel
article L. 622-7-II supprime la condition du paiement au comptant. Il énonce désormais que l’admi-
nistrateur s’assure, au vu des documents prévisionnels, qu’au moment où il demande l’exécution
du contrat, il disposera des fonds nécessaires au paiement. Cette dernière disposition n’est pas
applicable en cas de redressement judiciaire. En cas de continuation du contrat, l’article L. 622-13
précise que, pour l’avenir, l’exécution du contrat se poursuit normalement. Le cocontractant est
éligible à l’article L. 622-17 : il est payé à l’échéance et, à défaut, bénéficie du privilège de procé-
dure. Cependant, l’article L. 622-13-I, al. 2 prévoit une sorte de « purge des inexécutions anté-
rieures », ces dernières ne peuvent plus affecter l’exécution du contrat continué (le cocontractant
doit remplir ses obligations en dépit de l’inexécution par le débiteur de ses engagements anté-
rieurs, Cass. com., 28 juin 2011, nº 10-19463). En outre, pour ne pas aggraver le passif de la
procédure, le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit qu’à des créances subissant
le régime des créances antérieures à l’ouverture de la procédure.
La renonciation au contrat peut prendre trois formes. Si elle résulte de la mise en demeure de
l’administrateur par le cocontractant, la résiliation est de plein droit. Si l’administrateur renonce
au contrat (ce dernier ne lui semble pas nécessaire à la procédure ou il ne dispose pas des fonds
nécessaires à son exécution) alors que le cocontractant est resté inactif, la résiliation dépend du
droit commun issu de l’ordonnance du 10 février 2016. Si la résiliation est prononcée par le juge-
commissaire à la demande de l’administrateur, c’est une résiliation judiciaire. La renonciation n’est
autre qu’une inexécution du contrat qui ouvre droit à des dommages et intérêts qui constituent
une créance antérieure au jugement d’ouverture et en supporte le régime.
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80 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

b) Sort des partenaires de l’entreprise


Les principaux partenaires de l’entreprise sont ses contractants, c’est-à-dire ses créanciers et ses
salariés.
1) Sort des créanciers
Ces derniers se répartissent en deux catégories, celles des élus et celles des déchus.
• L ES CRÉANCIERS DÉCHUS
Ce sont les créanciers dont la créance est née avant l’intervention du jugement d’ouverture et les
créanciers dont la créance est née après l’intervention du jugement d’ouverture, mais ne vérifie
pas les conditions d’élection au rang de créance privilégiée. Les créanciers postérieurs déchus et
les créanciers antérieurs supportent la discipline collective. La période d’observation opère une
sorte de saisie universelle du patrimoine du débiteur. Cette saisie collective explique les interdic-
tions qui frappent les créanciers déchus : interdiction de payer, arrêt des poursuites individuelles,
interdiction d’inscription ou de renouvellement des sûretés, arrêt du cours des intérêts. En outre,
ces créanciers déchus se trouvent dans l’obligation de déclarer leurs créances à la procédure.
Cette déclaration de créance permet de connaître le passif du débiteur. Par elle, les créanciers
« déchus » entrent dans la procédure. Les modalités de la déclaration sont strictement encadrées.
L’article L. 622-24 précise que la déclaration est faite par le créancier ou par tout préposé, bénéfi-
ciant d’une délégation de pouvoir, ou mandataire de son choix, muni d’un pouvoir spécial, donné
par écrit. La jurisprudence a tendance à assouplir ces conditions. En présence d’un pool bancaire,
le mandataire peut justifier de son pouvoir de déclarer jusqu’au jour où le juge statue c’est-à-dire
après l’expiration du délai de déclaration de la créance. Pour les créances fiscales, l’agent
comptable public administratif tient de cette seule qualité son pouvoir de déclarer les créances et
il est seul habilité à le faire (Cass. com., 31 janv. 2017, nº 15-15983). La déclaration est adressée
au mandataire judiciaire. Elle doit être écrite (LRAR), mentionner le montant de la créance, les
modalités de calcul d’éventuels intérêts si la créance échappe à l’interdiction de l’arrêt du cours
des intérêts. En présence de sûretés, ces dernières doivent également être déclarées sinon la
créance est considérée comme chirographaire. Elle doit être accompagnée de toutes les pièces
justificatives et si le montant n’est pas encore fixé, il doit être évalué.
L’ordonnance du 12 mars 2014 a modifié le régime de la déclaration des créances transformant sa
nature juridique. Selon certains auteurs, les nouvelles dispositions sont incompatibles avec la quali-
fication de demande en justice. Le nouvel article L. 622-24 introduit un alinéa 3 qui prévoit que
lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, si le créancier
n’a pas déclaré sa créance, le débiteur est réputé avoir agi pour le compte de son créancier. En
outre, il est désormais prévu par l’alinéa 2 de l’article L. 622-24 du Code de commerce que le
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CHAPITRE 7 – Déroulement de la procédure de sauvegarde 81

créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom par une personne qui n’en avait pas le
pouvoir jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance. La jurisprudence de la Cour
de cassation est ainsi entérinée.
Les délais impartis à la déclaration des créances tiennent compte de la situation de chaque caté-
gorie de créanciers.
En ce qui concerne ceux dont la créance est née avant l’intervention du jugement d’ouverture, un
délai préfix (pas de suspension, ni d’interruption du délai) de deux mois est imposé à compter de
la publication de ce jugement au BODACC.
En ce qui concerne les créanciers titulaires d’un contrat publié ou d’une sûreté publiée au jour du
jugement d’ouverture, ils reçoivent un avertissement personnel du mandataire judiciaire et le délai
de deux mois ne court qu’à partir de la notification personnelle de l’avertissement relatif à la
déclaration.
Un délai est spécialement aménagé pour les créances sociales et fiscales, mais elles doivent être
établies par un titre exécutoire dans la limite de l’article L. 622-24 du Code de commerce
(Cass. com., 25 oct. 2017, nº 16-18938 ; nº 16-15784, publié).
En ce qui concerne les créanciers dont le contrat est résilié en cours de procédure au lieu d’être
continué, ils disposent d’un délai d’un mois à compter de la résiliation du contrat pour déclarer
leur créance (art. R. 622-21).
En ce qui concerne les créances déchues postérieures au jugement d’ouverture, c’est-à-dire celles
qui ne remplissent pas les conditions de l’article L. 622-17 du Code de commerce, elles doivent, en
principe, être déclarées dans les deux mois de l’exigibilité de la créance.
Si le créancier ne déclare pas sa créance dans le délai de deux mois imparti par la loi, il est forclos
et sa créance est inopposable à la procédure de sauvegarde. La créance non déclarée n’est pas
éteinte. L’ordonnance de 2008 (art. L. 622-26) clarifie le sort des créanciers dont la créance est
non déclarée et non relevée de forclusion. Elle est inopposable au débiteur pendant la période
d’observation, mais si ce dernier respecte les engagements du plan, leur créance reste inopposable
après l’exécution du plan. Le créancier forclos ne retrouve pas son droit de poursuite sans
qu’aucun délai ne soit précisé. Cette prime à la réussite du plan de sauvegarde n’est pas offerte
aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté
ou cédé un bien en garantie. Une fois le plan exécuté, elles peuvent être poursuivies par le créan-
cier forclos. Elles ne peuvent pas être poursuivies pendant l’exécution du plan de sauvegarde. Pour
échapper à la sanction de l’inopposabilité, le créancier peut agir en relevé de forclusion dans un
délai préfix de six mois à compter de la publication du jugement d’ouverture. Ce délai est porté à
un an pour les créanciers qui sont dans l’impossibilité de connaître l’existence de leurs créances,
par exemple en cas d’annulation ultérieure d’un contrat. Pour profiter de cet ultime délai, le
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82 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

créancier doit prouver soit que sa défaillance n’est pas de sa faute, soit qu’il a été volontairement
omis de la liste des créanciers du débiteur lors de son établissement. L’ordonnance du 12 mars
2014 supprime la référence au caractère volontaire de l’omission par le débiteur. Pour les procé-
dures ouvertes à compter du 1er juillet 2014, il suffit d’établir que la créance ne figure pas sur la
liste (art. L. 622-26). S’il est relevé de forclusion le créancier peut déclarer tardivement sa créance
et donc, si sa créance est admise, de participer aux distributions postérieures.
Le but de cette procédure est d’établir la consistance du passif du débiteur. Par conséquent, la loi
prévoit une procédure d’admission des créances afin de vérifier leur existence. La procédure
d’admission des créances se déroule en deux temps :
– d’abord, le mandataire judiciaire dresse la liste des créances déclarées et des propositions
d’admission ou de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente dans le délai fixé par le
tribunal. Il sollicite les observations du débiteur. Ainsi, la vérification des créances est réalisée par
le mandataire judiciaire, le débiteur et éventuellement les contrôleurs désignés. L’article L. 622-
27 du Code de commerce précise qu’en cas de discussion sur tout ou partie d’une créance, le
mandataire doit avertir le créancier (LRAR). Ce dernier dispose de trente jours à partir de la
réception de la lettre recommandée pour répondre, sauf si la discussion porte seulement sur la
régularité de la déclaration de créances (art. L. 622-27). Ce délai écoulé, toute contestation ulté-
rieure n’est plus recevable et la liste dressée par le mandataire s’impose ;
– ensuite, une fois réalisée cette vérification par le mandataire, la liste des créances ainsi établie
est transmise au juge-commissaire. Ce dernier, statuant sur chaque créance, décide de rejeter
ou d’admettre les créances et fixe la liste définitive des créances admissibles. Les créances
admises sont portées sur l’état des créances. La décision du juge-commissaire d’admission ou
de rejet peut faire l’objet d’un appel par le mandataire, par le débiteur ou par le créancier dans
un délai de dix jours à compter de la notification de la décision.

• L ES CRÉANCIERS ÉLUS
Ce sont ceux visés par l’article L. 622-17 du Code de commerce. La loi du 26 juillet 2005 innove en
posant deux critères pour l’élection des créances au rang de créances privilégiées :
– le premier est classique, il s’agit du critère chronologique : sont admis dans le club fermé des
créanciers de la procédure ceux dont la créance est née régulièrement (dans le respect des
pouvoirs octroyés au débiteur et aux organes de la procédure) après le jugement d’ouverture
de la procédure ;
– le second est novateur, il s’agit du critère téléologique : sont élus créanciers ceux dont la
créance répond aux besoins du déroulement de la procédure, de la période d’observation ou
en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle. Le passif
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CHAPITRE 7 – Déroulement de la procédure de sauvegarde 83

de la procédure est ainsi strictement limité, ce qui devrait favoriser le redressement de


l’entreprise.
En premier lieu, les créanciers élus sont payés à l’échéance alors que les créanciers déchus ne sont
payés, si possible, qu’à la fin de la procédure. En second lieu, s’ils ne sont pas payés à l’échéance,
ils bénéficient du privilège de procédure, c’est-à-dire d’un rang favorable dans les répartitions
réalisées par les organes de la procédure à condition que leur créance soit déclarée au mandataire
judiciaire et à l’administrateur dans un délai d’un an à compter de la fin de la période d’observa-
tion. Le classement établi par l’article L. 622-17 tient compte de la priorité des créances salariales,
des frais de justice, mais aussi du privilège de conciliation en cas de conciliation homologuée par
le tribunal.
2) Sort des salariés
Il est particulier en raison de l’absence de cessation des paiements du débiteur, les licenciements
éventuellement envisagés restent soumis aux dispositions du droit commun.
La déclaration et la vérification des créances salariales dépendent de dispositions spécifiques. Ce
ne sont pas les salariés qui doivent déclarer leurs créances. L’association pour la gestion du
régime d’assurance des créances salariales (AGS) avance en garantie les créances salariales résul-
tant des ruptures de contrats de travail intervenues pendant la période d’observation et dans le
mois suivant le jugement d’ouverture qui arrête le plan de sauvegarde, elle doit être remboursée
en rang privilégié. La vérification des créances salariales doit être faite par le mandataire judiciaire
avec la collaboration du débiteur. Les créances établies sont soumises, au fur et à mesure, au
représentant des salariés. En cas de difficultés, ce dernier peut s’adresser à l’administrateur ou au
juge-commissaire (art. L. 625-2). Les relevés de créances ainsi vérifiés sont soumis au visa du juge-
commissaire.

c) Sort du débiteur
Le sort du débiteur est particulièrement important pour deux raisons. La première est liée aux
conditions d’ouverture de la procédure : c’est lui qui détient l’initiative de l’ouverture de la
sauvegarde, par conséquent, il ne faut pas le dissuader de jouer le jeu de la prévention. La
seconde est que le débiteur étant par définition in bonis, il reste le principal acteur, avec les
partenaires de l’entreprise, du redressement de l’entreprise. Pourtant, et c’est là un paradoxe de
la loi de sauvegarde, une fois la procédure ouverte, son caractère judiciaire, la nomination des
organes de la procédure et les pouvoirs qui leur sont reconnus risquent de déposséder le débiteur
de l’entreprise qu’il entend sauver. Le principe de la poursuite de l’activité de l’entreprise pendant
la période d’observation suppose l’organisation de la gestion de cette dernière. Or, si la gestion de
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84 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

l’entreprise est toujours sous son contrôle, le débiteur est plus ou moins entravé dans l’exercice de
ses pouvoirs.
En toute logique, en présence d’un débiteur in bonis, l’article L. 622-1 pose le principe de son
maintien comme gestionnaire. Cependant, la nomination d’un administrateur est prévue par la
loi. Pour préserver l’autonomie du débiteur, le principe est celui d’une mission de surveillance de
l’administrateur. Toutefois, une mission d’assistance est toujours possible et elle entraîne une
large implication de l’administrateur dans la gestion de l’entreprise au détriment du débiteur. La
présence d’un administrateur ne s’impose que pour les entreprises de grande taille. Par consé-
quent, le plus souvent la nomination d’un administrateur ne sera pas obligatoire. Or la situation
du débiteur est différente en présence d’un administrateur ou non.
1) En l’absence de l’administrateur
Le débiteur reste maître de son affaire. Cependant, placé sous protection de la justice, il est tout
de même soumis au contrôle des organes de la procédure. Ce contrôle est prégnant en ce qui
concerne la continuation des contrats en cours. Le débiteur exerce alors la faculté réservée à
l’administrateur de décider de continuer ou non les contrats en cours, mais après avis conforme
du mandataire judiciaire. En cas de désaccord entre le débiteur et le mandataire judiciaire, c’est-
à-dire en cas de difficulté, le pouvoir revient clairement au juge-commissaire. En l’absence d’admi-
nistrateur, le débiteur est alors seul chargé de l’élaboration du plan. Cependant, il est éventuelle-
ment assisté d’un expert, ce qui peut être un avantage non négligeable. Les organes de la procé-
dure dans le cadre du contrôle du débiteur ont donc de larges pouvoirs.
2) En présence de l’administrateur
Le débiteur en présence d’un administrateur doit alors partager ses pouvoirs avec ce dernier.
L’affirmation peut surprendre car l’article L. 622-1 pose le principe du maintien du débiteur dans
ses fonctions afin de ne pas l’effrayer et le convaincre que, s’il sollicite l’ouverture d’une sauve-
garde, il ne risque pas d’être dépossédé de son affaire. L’article L. 622-3, al. 1 précise à ce sujet
que « Le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de dispositions et d’administra-
tion, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l’administrateur. »
En application de cet article, les actes de gestion courante effectués par le débiteur seul sont
réputés valables à l’égard des tiers (Cass. com., 13 déc. 2017, nº 16-18244). Pourtant, la réalité
est plus complexe. Le principe reste celui de l’absence de dessaisissement du débiteur. Toutefois,
ce principe laisse la place à deux missions confiées à l’administrateur sur décision du tribunal :
surveillance ou assistance du débiteur. Or, si la surveillance du débiteur par l’administrateur
s’inscrit sans réserve dans la logique de la sauvegarde, il n’en va pas de même pour l’assistance.
La mission de surveillance implique un contrôle a posteriori de la gestion du débiteur. Ce dernier
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CHAPITRE 7 – Déroulement de la procédure de sauvegarde 85

doit rendre compte de sa gestion et informer l’administrateur des opérations qu’il réalise.
L’assistance est une mission plus perturbatrice des pouvoirs du débiteur. Dans ce cas, une partie
non négligeable des actes de gestion n’est valable que si ces actes sont signés par
l’administrateur et par le débiteur. Les actes conservatoires restent valables s’ils sont engagés par
le seul débiteur. Si un acte qui aurait dû être contresigné par l’administrateur est passé par le
seul débiteur, il est réputé inopposable à la procédure. Quoi qu’il en soit, la prudence conduit les
tiers à exiger presque systématiquement la signature de l’administrateur. En pratique, la mission
d’assistance confiée à l’administrateur confisque une partie des pouvoirs du débiteur.
Outre la mission de l’administrateur qui dessine en creux les pouvoirs restant au débiteur, certains
actes sont confiés à l’administrateur quelle que soit l’étendue de sa mission. Les pouvoirs propres
de l’administrateur sont expressément prévus par la loi. L’article L. 622-4 du Code de commerce
précise que l’administrateur requiert le chef d’entreprise ou accomplit lui-même les actes conserva-
toires des droits de l’entreprise contre les débiteurs de cette dernière et l’inscription des sûretés
négligées par le débiteur. La loi lui confie à titre exclusif la responsabilité de la poursuite ou non
des contrats en cours. Il a en outre la responsabilité de résilier le bail de l’immeuble affecté à l’acti-
vité de l’entreprise. Enfin, si le débiteur est interdit bancaire, l’administrateur peut faire fonctionner
ses comptes bancaires et postaux sous sa signature. Le non-respect des pouvoirs propres confiés à
l’administrateur entraîne la nullité des actes. L’autonomie du débiteur est favorisée en lui resti-
tuant des compétences hors de tout concours avec l’administrateur (proposition de substitution
des garanties aux créanciers, saisine du tribunal en vue d’une cessation partielle d’activité).
Une fois la procédure de sauvegarde engagée, le traitement judiciaire des difficultés entraîne
nécessairement une relative dépossession du débiteur qui doit composer avec les organes de la
procédure. Cette concession est la contrepartie de l’étendue de la protection offerte au débiteur
confronté à des difficultés et qui bénéficie de dispositions autrefois réservées au débiteur en cessa-
tion des paiements.
L’ouverture de la période d’observation offre un havre de paix au débiteur. Cette période limitée
dans le temps doit lui permettre d’élaborer en toute quiétude un plan de sauvegarde.
L’article L. 626-2 du Code de commerce précise que le débiteur, avec le concours de l’administra-
teur, propose un plan.

■ Élaboration du plan de sauvegarde


L’élaboration d’un plan de sauvegarde crédible impose, d’une part, l’évaluation des potentialités
de l’entreprise et, d’autre part, l’accord des créanciers.
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86 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

a) Évaluation des potentialités du débiteur


Cette évaluation est nécessaire pour jauger les facultés de « survie d’une unité économique
porteuse d’emploi ». Apprécier les potentialités du débiteur implique, en premier lieu, d’évaluer le
patrimoine du débiteur et en second lieu, de dresser un bilan économique, social et
environnemental.
1) Évaluation du patrimoine du débiteur
Une telle évaluation implique une double démarche :
– d’abord, élaborer un plan de sauvegarde implique une bonne connaissance de l’état du
patrimoine du débiteur. Il faut donc dresser un inventaire dès l’ouverture de la procédure. Il
vise tout le patrimoine du débiteur, y compris les garanties qui le grèvent. En outre, les biens
susceptibles d’être revendiqués doivent être signalés par le débiteur. L’inventaire peut être
réalisé par le débiteur lui-même. Si le débiteur exerce une profession libérale, le représentant de
l’ordre professionnel est impliqué dans l’inventaire. Il est particulièrement utile à la connaissance
du patrimoine du débiteur. Il permet d’identifier les créanciers titulaires de sûretés qui doivent
être personnellement avertis par l’administrateur de leur obligation de déclarer leur créance.
Cette évaluation du passif est une information utile dans le cadre de l’élaboration du plan,
mais elle n’est pas liée au sort du débiteur. Elle peut être seulement approximative et peut être
poursuivie après la fin de la période d’observation ;
– ensuite, la connaissance du patrimoine du débiteur suppose également que soient connus les
droits de propriété d’autrui existant sur les biens détenus par le débiteur. Les proprié-
taires sont en mesure de revendiquer leurs biens car la revendication est possible dans le cadre
de la sauvegarde. Cependant, elle risque d’aggraver la situation du débiteur pourtant confronté
à de réelles difficultés. L’article L. 624-9 ouvre le droit de revendication à tout propriétaire de
biens meubles corporels ou incorporels dans les trois mois du jugement d’ouverture (délai
préfix), les articles suivants décrivent le domaine (principe, exceptions) et le régime de l’action
en revendication. Les actions en restitution visent également la reprise matérielle d’un bien par
le propriétaire d’un meuble confié au débiteur et dont le contrat portant sur ce bien a été
publié. Une juste appréciation du patrimoine du débiteur s’accompagne également de mesures
conservatoires pour préserver sa consistance.
Un simple état des lieux est insuffisant, donner une chance de succès au plan de sauvegarde
suppose la reconstitution de l’actif du débiteur. Elle est mesurée dans le cadre de la sauvegarde
sollicitée par un débiteur qui n’est pas en cessation des paiements. Il n’est pas question de sanc-
tionner ce dernier. En toute logique, à la différence du redressement judiciaire, il n’y a pas de
période suspecte. Dans la procédure de sauvegarde, le débiteur qui a sollicité l’ouverture de la
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CHAPITRE 7 – Déroulement de la procédure de sauvegarde 87

procédure n’est pas supposé avoir appauvri l’entreprise par des actes critiquables. Pourtant,
l’article L. 622-20 du Code de commerce précise que le mandataire judiciaire exerce seul au nom
de l’intérêt collectif des créanciers les actions variées et diverses, y compris les actions en responsa-
bilité (sous réserve des dispositions particulières désormais applicables aux établissements de crédit
en matière de soutien abusif ; art. L. 650-1) et la mise en demeure de l’associé ou l’actionnaire qui
doit s’acquitter des sommes restant dues sur le montant des parts et action souscrites par lui
(sachant que le jugement d’ouverture rend exigible immédiatement le montant non libéré du
capital ; art. L. 624-20), qui visent le recouvrement des sommes dues au débiteur. En cas de
carence du mandataire, la loi innove en confiant un pouvoir subsidiaire à tout contrôleur pour
agir au lieu et place du mandataire judiciaire après une mise en demeure (LRAR) envoyée à ce
dernier et restée infructueuse pendant deux mois. L’affectation des sommes ainsi récoltées
montre l’intérêt indirect de la démarche pour l’élaboration du plan. Ces sommes entrent dans le
patrimoine du débiteur et sont affectées à l’apurement du passif.
Toutes ces mesures concernent le patrimoine du débiteur, elles ne visent pas directement à l’éla-
boration du plan de sauvegarde bien qu’elles y participent indirectement en permettant une
évaluation de la situation du débiteur. En revanche, l’établissement d’un bilan de la situation du
débiteur est le préalable indispensable pour que l’administrateur dispose de toutes les informa-
tions nécessaires à la préparation du plan de sauvegarde.
2) Bilan économique, social et environnemental
L’élaboration du bilan économique et social est prévue par l’article L. 623-1 du Code de
commerce. Ce bilan est dressé par l’administrateur, avec le concours du débiteur et l’assistance
éventuelle d’un expert. Il permet d’avoir une meilleure vision d’ensemble de la situation de l’entre-
prise et de dépasser une simple analyse patrimoniale. Il est d’autant plus important qu’il intervient
à un moment de la procédure où l’évaluation du passif n’est pas définitive. Il doit préciser l’impor-
tance et la nature des difficultés de l’entreprise, c’est-à-dire qu’il participe à l’appréciation des
causes de défaillances de cette dernière. Or, cette analyse est indispensable pour que le plan y
apporte des réponses. Pour précieux qu’il soit, l’établissement de ce bilan semble facultatif car,
dans les procédures sans administrateur, l’article L. 627-3 n’impose au débiteur que la préparation
du plan. Il est vrai qu’il devrait connaître l’exacte situation de l’entreprise. L’article R. 623-1 précise
que le bilan est déposé par l’administrateur au greffe. Pour établir un diagnostic fiable, l’adminis-
trateur a besoin de collecter des renseignements. L’article L. 623-3 énumère les sources d’informa-
tion dont il dispose. En premier lieu, il informe le débiteur qui lui communique les informations
nécessaires, il collabore avec ce dernier dans la mesure où il recueille ses observations et proposi-
tions. Il reçoit des informations du mandataire judiciaire. Il peut entendre les personnes « suscepti-
bles de l’informer sur la situation et les perspectives de redressement de l’entreprise ».
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88 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

L’administrateur consulte et informe les représentants du personnel. Si le débiteur exerce une


profession libérale, il est prévu l’intervention de l’ordre professionnel ou de l’autorité compétente.
Le débiteur propose les mesures du plan dont sont informés et sur lesquels sont consultés les
représentants des salariés et le mandataire judiciaire (représentant des créanciers) (art. L. 626-8).
Le bilan environnemental concerne les entreprises exploitant des installations classées éventuel-
lement dangereuses pour l’environnement.
L’élaboration du projet de plan n’est possible que si les créanciers sont associés à la recherche
d’une solution de sauvegarde.

b) Implication des créanciers


La consultation des créanciers est de principe, mais la loi de sauvegarde innove en créant les
comités de créanciers. Cependant, leur présence n’est pas obligatoire pour les débiteurs dont
les comptes n’ont pas été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-
comptable et dont le nombre de salariés est inférieur à 150 à la date de la demande d’ouverture
de la procédure et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 20 millions d’euros à la date de la
clôture du dernier exercice comptable. Ainsi, pour une grande majorité des débiteurs, il n’y aura
pas de comités de créanciers ou ces derniers seront institués sur l’autorisation du juge-
commissaire.
En l’absence de comités de créanciers, l’article L. 626-5 du Code de commerce prévoit que
l’administrateur (en son absence le débiteur), sous la surveillance du juge-commissaire, fait des
propositions de règlement du passif grâce à des délais de paiement et des remises de dettes
nécessaires à la réalisation du plan de sauvegarde. Ces propositions sont communiquées par
l’administrateur au mandataire judiciaire, aux contrôleurs et aux représentants du personnel. La
consultation est le plus souvent faite par écrit et individuellement bien qu’elle puisse être collec-
tive. En cas de silence des créanciers passé le délai de trente jours après la réception de la lettre
recommandée, les propositions sont réputées acceptées. L’article L. 626-7 précise que le manda-
taire judiciaire dresse l’état des réponses faites par les créanciers. La loi de sauvegarde associe
plus étroitement le débiteur à l’élaboration du plan, prévoit que cet état des réponses est commu-
niqué au débiteur, à l’administrateur et aux contrôleurs. Si le plan est arrêté par le tribunal, les
délais et remises s’imposeront. Ces dispositions s’appliquent à titre subsidiaire lorsque des créan-
ciers sont consultés en dehors des comités de créanciers, en cas d’échec de la consultation des
comités de créanciers sur le projet de plan, si le tribunal refuse un plan qui ne respecterait pas
suffisamment les intérêts des créanciers.
En présence de comités de créanciers, les règles changent et la procédure se fait plus lourde,
l’ordonnance du 12 mars 2014 renforce le rôle des créanciers membres des comités dans
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CHAPITRE 7 – Déroulement de la procédure de sauvegarde 89

l’élaboration du plan. L’article L. 626-30 du Code de commerce prévoit la création de deux comités
de créanciers. L’ordonnance de 2008 introduit un troisième comité de créanciers : l’assemblée des
obligataires. Un premier comité regroupe les établissements de crédit et un second réunit les prin-
cipaux fournisseurs de biens ou de services. Le nouvel article L. 626-30-2 précise que le débiteur
présente aux comités de créanciers un projet de plan mais, innovation majeure de la réforme de
2014, les créanciers des comités peuvent également soumettre un projet de plan qui fait l’objet
d’un rapport de l’administrateur. L’initiative octroyée aux créanciers permet de pallier la carence
éventuelle du débiteur. D’ailleurs, l’article L. 626-30-2, al. 3 prévoit qu’en l’absence de proposition
du débiteur, l’administrateur fixe la date à laquelle les comités se prononcent. Les deux comités de
créanciers après discussion avec le débiteur et l’administrateur se prononcent sur chaque projet de
plan dans un délai de 20 à 30 jours suivant la transmission des propositions du débiteur. Le juge-
commissaire, à la demande du débiteur ou de l’administrateur, peut augmenter ou réduire ce
délai. Il ne peut pas être inférieur à 15 jours pour préserver le sérieux de la négociation et un
délai de réflexion. L’article L. 626-34 enferme les comités de créanciers et l’assemblée des obliga-
taires dans un délai de six mois à compter du jugement d’ouverture pour se prononcer sur le
projet de plan. Passé ce délai, en cas de silence ou de refus des comités, l’article L. 626-34 prévoit
que le tribunal, à la demande de l’administrateur, peut fixer aux comités un nouveau délai aux
comités. Ce délai ne peut pas excéder la durée de la période d’observation.
Les établissements de crédit sont membres de droit de leur comité, l’administrateur ne doit pas
oublier d’en appeler un. En cas contraire, il engagerait sa responsabilité. En outre, l’établissement
pourrait faire tierce opposition au jugement d’arrêté du plan, si celui-ci lui fait grief en raison de
son absence du comité. L’ordonnance de 2008 élargit la composition du comité des établisse-
ments de crédit aux établissements assimilés aux établissements de crédit. En outre, les titulaires
d’une créance acquise auprès des établissements de crédit ou d’un fournisseur de biens ou de
services sont membres de droit du comité des établissements de crédit. Les fournisseurs membres
de plein droit du comité des principaux fournisseurs sont ceux dont le montant des créances
représente plus de 3 % du total des créances des fournisseurs et le montant des créances est pris
en compte toutes taxes comprises au jour du jugement d’ouverture. Pour pouvoir réaliser le recen-
sement de ces créanciers, le débiteur remet sans délai à l’administrateur la liste des créances de ses
fournisseurs et le montant de chacune d’elles certifié par son commissaire aux comptes ou établi
par son expert-comptable. Ce travail doit être fait rapidement après le jugement d’ouverture. La
faculté est offerte à l’administrateur de solliciter les autres fournisseurs pour faire partie du
comité. Cette possibilité permet de tenir compte de l’égalité des créanciers et d’éviter la situation
de monopole du seul fournisseur remplissant les conditions légales et membre de plein droit. Les
créanciers publics et les salariés ne font pas partie des comités.
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90 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Le nouvel article L. 626-30-2, al. 1 prive le débiteur du contrôle qu’il avait sur l’avenir de l’entre-
prise. La possibilité d’un plan concurrent présenté par les créanciers favorise ces derniers et pour
certains place l’entreprise sous l’emprise des financeurs. À l’origine, la loi de sauvegarde des entre-
prises laissait le débiteur à la tête de son entreprise et prévoyait qu’il présentait aux comités des
propositions en vue d’élaborer le projet de plan avec le concours de l’administrateur. L’ordon-
nance de 2008 avait fait un pas en faveur des créanciers en innovant et en permettant à tout
créancier membre d’un comité de soumettre des propositions au débiteur et à l’administrateur.
L’évolution vers un rééquilibrage des pouvoirs débiteur/créancier est poursuivie par l’ordonnance
du 12 mars 2014 puisque désormais les créanciers peuvent présenter leur propre projet de plan.
Or, l’article L. 626-2 du Code de commerce permet de mieux comprendre l’ampleur des proposi-
tions faite en vue d’élaborer le projet de plan. Les comités ne devraient pas se contenter de
« prévoir de simples délais de paiements ou des remises de dettes ». Le projet de plan soumis aux
comités doit pouvoir prévoir des nouveaux crédits, avances ou apports, des conversions de
créances. En cas d’augmentation du capital social prévu dans le projet de plan, l’article L. 626-3,
modifié par l’ordonnance du 12 mars 2014, autorise les associés, actionnaires à bénéficier d’une
compensation à concurrence du montant de leurs créances admises et dans la limite de la réduc-
tion dont elles sont l’objet dans le projet de plan. Les comités se prononcent après discussion avec
le débiteur et l’administrateur judiciaire. La loi précise les modalités de votes au sein des comités
de créanciers. L’article L. 626-30-2 énonce que la décision est par prise par chaque comité de
créanciers à la majorité des deux tiers du montant des créances détenues par les membres ayant
exprimé un vote. L’article est modifié par l’ordonnance de 2014 pour tenir compte des conven-
tions, notamment des accords de subordination, affectant les votes, le calcul des voix. Il est
encore modifié par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle pour renforcer le privilège de
conciliation. Ainsi, il est désormais précisé que les délais ou remises doivent être acceptés par les
créanciers titulaires du privilège de new money. L’administrateur peut décider que le vote se
déroule à bulletin secret. À l’issue du vote des comités de créanciers, deux hypothèses sont envisa-
geables : d’une part, l’adoption du projet de plan par les deux comités, d’autre part, le rejet du
plan par au moins l’un des deux comités de créanciers. Un vote favorable permet au tribunal
d’arrêter le plan. Un vote défavorable conduit l’administrateur à saisir le tribunal pour qu’il fixe
un nouveau délai, ne pouvant pas excéder la durée de la période d’observation, aux comités
pour voter.
L’assemblée des obligataires est créée sur le modèle des comités de créanciers par l’ordonnance
de 2008 (art. L. 626-32). Elle est composée de l’ensemble des créanciers titulaires d’obligations
émises en France ou à l’étranger. L’assemblée vote sur le projet de plan à la majorité des deux
tiers du montant des créances obligataires détenues par les porteurs ayant exprimé leur vote.
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CHAPITRE 7 – Déroulement de la procédure de sauvegarde 91

Les créanciers publics voient leur sort s’aligner sur celui des créanciers ordinaires dans le cadre de
la loi de sauvegarde (art. L. 626-6 et D. 626-9 à D. 626-15). Les créanciers publics peuvent
remettre tout ou partie des dettes du débiteur dès qu’ils le font dans les mêmes conditions que
des créanciers privés.
Quant aux salariés, l’article L. 626-20 précise que leurs créances ne peuvent pas faire l’objet de
remises ou de délais. L’objectif des comités de créanciers étant la négociation, il n’est pas perti-
nent de prévoir un comité de créanciers. Ces derniers sont informés et consultés sur le rapport
présentant le bilan économique et social et sur le projet de plan. En outre, ces documents sont
adressés à l’autorité administrative compétente en matière de droit du travail. Enfin, l’administra-
teur invite le mandataire judiciaire et les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des
délégués du personnel, à présenter leurs observations à chacun des comités avant que ceux-ci ne
se prononcent sur le projet de plan.
Le projet de plan élaboré, il est soumis au tribunal qui peut arrêter le plan.

2 Plan de sauvegarde
Le plan est un acte contractuel dans sa préparation, mais le jugement qui l’arrête est une décision
à caractère juridictionnel. L’adoption du plan de sauvegarde est le préalable à son exécution.

■ Adoption du plan de sauvegarde


Le tribunal statue après avoir entendu le débiteur, l’administrateur, le mandataire judiciaire, les
contrôleurs, les représentants du personnel et après avis du Ministère public. Les débats doivent
même avoir lieu en sa présence lorsque le débiteur emploie plus de vingt salariés au moment de
l’ouverture de la procédure et lorsque son chiffre d’affaires hors taxes est supérieur à 3 000 000 €
à la date de la clôture du dernier exercice comptable. Le tribunal statue avant la fin de la période
d’observation, le jugement arrêtant le plan met fin à la période d’observation. Les voies de recours
contre la décision arrêtant ou rejetant le plan restent strictement encadrées. Le tribunal arrête le
plan lorsqu’il existe une sérieuse possibilité de sauvegarde de l’entreprise. La décision peut être
frappée d’appel ou de pourvoi en cassation par le débiteur, le créancier poursuivant et le Ministère
public (art. L. 661-1 1º). Le plan arrêté par le tribunal reprend les dispositions figurant dans le
projet. Pour l’essentiel, conformément aux objectifs fixés par l’article L. 620-1, il assure la réorgani-
sation de l’entreprise d’une part (a) et l’apurement du passif d’autre part (b).
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92 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

a) Réorganisation de l’entreprise
Cette réorganisation comporte plusieurs aspects. Elle vise l’activité de l’entreprise, mais comporte
également un volet social. Enfin, certaines dispositions propres aux entreprises exploitées en forme
de société peuvent surprendre dans le cadre d’une procédure diligentée par le débiteur in bonis.
1) Réorganisation de l’activité de l’entreprise
Pour ce qui est de l’activité de l’entreprise, le plan peut prévoir la suppression, la cession ou
encore l’adjonction de certaines branches d’activité :
– l’adjonction d’activité est rarement envisageable, cependant, le débiteur est encore in bonis,
elle est donc possible ;
– la cession d’une branche d’activités est souvent souhaitable pour permettre à l’entreprise de
se recentrer sur ses activités les plus rentables. Cette cession ne peut être que partielle et volon-
taire en raison de l’implication du débiteur dans un plan de sauvegarde. Dans la sauvegarde,
l’entreprise n’est pas à vendre. La cession ne peut pas être une cession forcée. Dans ce cas, les
offres d’acquisitions présentées par les tiers doivent être recensées, annexées et analysées dans
le projet de plan afin que le tribunal statue en toute connaissance de cause. Une telle cession
impose une délicate articulation des textes car elle dépend des dispositions figurant dans la
procédure de liquidation judiciaire ;
– l’arrêt d’une branche d’activité est plus plausible, elle s’accompagne souvent de mesures de
licenciements. La logique veut que les licenciements interviennent avant l’adoption du plan
pendant la période d’observation. Ces derniers s’inscrivent dans la réorganisation de l’entre-
prise ; l’article L. 626-2 précise que le plan « expose et justifie le niveau et les perspectives de
l’emploi ». Le débiteur étant in bonis, contrairement au redressement judiciaire, le droit
commun des licenciements économiques s’applique. Les ordonnances dites Macron du
22 septembre 2017 assouplissant les licenciements économiques et introduisant l’accord de
rupture conventionnelle collective devraient sans doute trouver leur place. Le plan doit préciser
la nécessité de licenciements. Les difficultés rencontrées par l’entreprise impliquent une protec-
tion particulière des salariés. L’intervention de l’AGS est donc prévue, mais elle est soumise à
condition. Son domaine d’intervention est restreint : la garantie de l’AGS couvre les sommes
dues aux salariés pour la seule rupture du contrat de travail intervenant pendant la période
d’observation ou dans le mois qui suit l’adoption du plan, ce délai doit être respecté. La garantie
ne joue qu’à titre subsidiaire, si le mandataire judiciaire démontre qu’il ne dispose pas des fonds
indispensables. Elle peut contester la demande du mandataire. Au demeurant, l’absence de
fonds laisse craindre la survenance de la cessation des paiements et l’échec du plan. En principe,
si tout se passe bien, l’AGS ne devrait pas être sollicitée dans la sauvegarde. L’AGS est subrogée
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CHAPITRE 7 – Déroulement de la procédure de sauvegarde 93

dans les droits des salariés, ce qui est un régime favorable pour le remboursement des avances
faites. Une telle solution s’inscrit dans la logique de difficultés passagères du débiteur.
Pour garantir la réussite de la réorganisation de l’entreprise, l’article L. 626-14, le tribunal en arrêtant
le plan peut décider l’inaliénabilité, limitée à la durée du plan, de certains biens appartenant au débi-
teur et indispensables à la continuation de l’entreprise. Cette décision s’accompagne de publicité
d’autant plus nécessaire que l’inaliénabilité entraîne l’insaisissabilité des biens. Toute cession de ces
biens est frappée de nullité absolue sous réserve d’obtention d’une autorisation du tribunal après
avis du Ministère public. Toujours pour la réussite de la réorganisation de l’entreprise, la loi prévoit
que le plan désigne les personnes ayant pris des engagements rappelant qu’elles sont tenues de
s’exécuter pour l’exécution du plan. Ces engagements peuvent concerner le débiteur, mais égale-
ment les créanciers, ils concernent alors l’apurement du passif. Si l’entreprise est exploitée sous une
forme sociétaire, ces engagements peuvent concerner la restructuration de la personne morale.
2) Mesures propres aux personnes morales
Ces dernières peuvent sembler sévères dans une procédure volontariste diligentée par un débiteur
qui n’est pas en cessation des paiements. Si le débiteur est une personne morale, des mesures de
réorganisation peuvent être imposées par le plan. Elles concernent la modification du capital.
Toute modification du capital ou reconstitution des fonds propres implique la convocation d’une
assemblée générale. L’adaptation des dispositions légales à la situation du débiteur, non dessaisi
car in bonis, est réalisée. Le nouvel article L. 626-3 ne précise plus que l’administrateur demande
au conseil d’administration, au directoire ou aux gérants de convoquer l’assemblée générale pour
modifier le capital ou les statuts, cette tâche devrait revenir au dirigeant. En cas de modification
des statuts, les dispositions propres au droit des sociétés sont modifiées par le nouvel alinéa 1 de
l’article L. 626-3 du Code de commerce modifié par la loi de modernisation de la justice du
e
XXI siècle. En cas d’augmentation du capital, le dernier alinéa de l’article L. 626-3 ouvre la compen-
sation aux associés, actionnaires « à concurrence du montant de leurs créances admises et dans la
limite de la réduction dont elles sont l’objet dans le projet de plan ». Toutes les possibilités sont
donc envisageables. Si nécessaire, pour éviter la dissolution de la société en cas de perte de plus
de la moitié du capital, l’article L. 626-3 prévoit la convocation de l’assemblée pour reconstituer le
capital. Cette mesure n’est pas nécessairement inscrite dans le plan, mais en principe, la décision
favorable de l’assemblée doit intervenir au plus tard au moment de l’adoption du plan. Une telle
solution est particulièrement logique dans le cadre de la sauvegarde. À défaut de reconstitution
du capital, il est peu probable que le tribunal estime le plan suffisamment sérieux pour être
arrêté. À ce titre, elle est une condition préalable à l’adoption du plan. L’article L. 626-5 du Code
de commerce prévoit que les conversions de créances en capital sont envisageables même en
l’absence de comité de créanciers.
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94 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

b) Apurement du passif
Il constitue la partie financière du plan. Ce dernier rend obligatoires les modalités de règlement du
passif prévues par le projet de plan : les remises acceptées, les délais accordés par les créanciers.
Quoi qu’il en soit, ces délais ne peuvent pas dépasser la durée de plan, c’est-à-dire au maximum
dix ans. Les modalités d’apurement du passif sont le reflet d’une négociation avec les créanciers.
Ces derniers votent pour entériner ou non les propositions figurant dans le plan. En présence de
comités de créanciers, d’assemblée d’obligataires ayant accepté le projet de plan, le tribunal
n’arrête le plan qu’après avoir vérifié que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment
protégés. En cas d’échec, un retour à la procédure classique de consultation hors comités de
créanciers est envisagé. Les créanciers qui n’ont pas accepté les délais et remises peuvent se voir
imposer des délais uniformes de paiement, sous réserve, en ce qui concerne les créances à terme,
des délais supérieurs stipulés par les parties avant l’ouverture de la procédure qui peuvent excéder
la durée du plan. Le tribunal peut réduire les efforts consentis par les créanciers, mais ne peut pas
les aggraver. Les créances sont inscrites au plan, ce dernier doit prévoir leur règlement dès lors
qu’elles sont déclarées (peu importe qu’elles soient contestées ; Cass. com., 20 mars 2019, nº 17-
27527, F-P+B). Cependant, l’article L. 626-21 énonce que « L’inscription d’une créance au plan et
l’acceptation par le créancier de délais, remises [...] délais ne préjugent pas l’admission définitive
de la créance au passif de la procédure ». Ces mesures concernent donc les créances « déchues »
(nées avant le jugement d’ouverture ou ne bénéficiant du privilège de procédure). Toutefois,
certaines créances échappent aux contraintes du plan : les créances salariales, les créances les
plus faibles, les créances privilégiées. Le contrat de crédit-bail bénéficie d’un régime particulier
posé par l’article L. 626-18 (mod. L. nº 2016-1547).
Pour rendre attractive la sauvegarde et encourager le débiteur (dirigeants garants du débiteur
personne morale) à jouer le jeu de la prévention judiciaire, l’article L. 626-11 prévoit dans son
alinéa 2 que « À l’exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti
une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent » se prévaloir des
dispositions du plan de sauvegarde. Cet avantage n’existe pas dans le redressement judiciaire, il
n’est pas négligeable car il met les dirigeants en position de profiter des remises et délais accordés
par les créanciers dans le plan.

■ Exécution du plan de sauvegarde


La durée maximum du plan est en principe de dix ans (à l’exception des plans adoptés par les
comités de créanciers). Trois hypothèses peuvent se rencontrer : l’exécution réussie du plan, la
modification nécessaire du plan pour sa réussite et l’échec du plan. Ces trois cas constituent le
devenir du plan.
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CHAPITRE 7 – Déroulement de la procédure de sauvegarde 95

a) Effets du jugement arrêtant le plan


Le jugement arrêtant le plan rend ce dernier opposable à tous. Le jugement arrêtant le plan
nomme l’administrateur ou mandataire judiciaire en qualité de commissaire chargé de veiller à
l’exécution du plan. Le commissaire à l’exécution du plan est, dans les nouvelles dispositions,
l’un des organes ayant participé à la procédure de sauvegarde. Les deux fonctions se succèdent
l’une à l’autre et elles peuvent se chevaucher. Il doit veiller à l’exécution correcte du plan, c’est-à-
dire qu’il poursuit les actions introduites par l’administrateur ou le mandataire judiciaire avant le
jugement arrêtant le plan, il engage les actions dans l’intérêt collectif des créanciers. Responsable
de l’exécution du plan, les dividendes lui sont payés et il procède à leur répartition. Responsable, il
rend compte de sa mission auprès du président du tribunal.
L’adoption du plan n’implique pas l’achèvement de la vérification des créances. Par conséquent,
l’article L. 626-24, al. 2 prévoit que « Le mandataire judiciaire demeure en fonction pendant le
temps nécessaire à la vérification et à l’établissement définitif de l’état des créances. »
Dès l’adoption du plan, le débiteur retrouve tous ses pouvoirs de gestion. Il reste soumis aux
dispositions du plan : il ne peut pas payer les créanciers antérieurs en dehors des conditions adop-
tées par le plan et il ne peut pas céder des biens rendus inaliénables par le plan. Dans le cadre de
la sauvegarde, le débiteur devrait dans une certaine mesure être resté maître de ses droits, l’adop-
tion du plan ne fait que le confirmer. Il est le premier responsable de l’exécution du plan puisqu’il
retrouve ses pouvoirs de gestion et que par principe l’activité de l’entreprise se poursuit dans les
conditions fixées par le plan. Pour faciliter cette gestion, la loi prévoit que l’arrêt du plan entraîne
la levée de plein droit de toute interdiction d’émettre des chèques. Si le plan est toujours en cours
d’exécution deux ans révolus après son arrêté, mentions relatives à la procédure et à l’exécution
du plan sont radiés des registres et répertoires (art. R. 626-20, mod., L. 7 déc. 2011).

b) Devenir du plan
Le respect des engagements des plans est l’issue heureuse de la procédure de sauvegarde.
Quand il est établi que les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal sont
tenus, celui-ci, à la requête du commissaire à l’exécution du plan, du débiteur ou de tout inté-
ressé, constate que l’exécution du plan est achevée. Les créanciers forclos ont intérêt à faire cons-
tater la clôture de la procédure pour pouvoir reprendre les poursuites contre le débiteur, même
s’ils ne sont pas parties au plan.
La saisine du tribunal intervient par requête. La décision est de nature gracieuse. L’article R. 626-50
prévoit que les décisions relatives à la procédure seront radiées des registres et répertoires. Le
débiteur retrouve tout son crédit, il a sauvé son entreprise.
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96 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Cependant, l’exécution du plan est loin d’être toujours facile. Dans le meilleur des cas, il peut
quand même réussir après modifications. Ces modifications peuvent être secondaires ou substan-
tielles. L’article L. 626-26 du Code de commerce définit le régime des modifications substantielles.
L’appréciation de la notion de modifications substantielles reste une difficulté, le texte n’apporte
qu’une précision : elles concernent « les objectifs ou les moyens du plan ». Les solutions ne sont
pas les mêmes en présence ou en l’absence de comités de créanciers. En présence de comités de
créanciers, l’article L. 626-31, alinéa 2 impose le parallélisme des formes et donc une nouvelle
consultation et un nouveau vote des comités de créanciers dans les mêmes conditions que lors
de l’adoption du plan. En leur absence, l’article 626-26 du Code de commerce prévoit que toute
modification substantielle du plan nécessite l’intervention du tribunal. La modification est faite à
la demande du débiteur, par déclaration au greffe et sur le rapport du commissaire à l’exécution
du plan. Le tribunal, avant de statuer, doit entendre le débiteur, le commissaire à l’exécution du
plan, les contrôleurs, les représentants des salariés et toute personne intéressée. Ils sont convoqués
par le greffier, en chambre du conseil, par une lettre recommandée avec accusé de réception. Il
doit recueillir l’avis du Ministère public. La procédure est marquée par un souci de transparence.
Le tribunal a une liberté d’appréciation. Il peut refuser la modification si elle compromet l’équilibre
du plan. Le jugement qui modifie le plan fait corps avec le jugement de plan. Les voies de recours
sont donc les mêmes. Le jugement modifiant le plan bénéficie des mêmes publicités que le juge-
ment d’ouverture. L’article L. 626-26 est modifié par l’ordonnance du 12 mars 2014 pour tenir
compte de l’amélioration possible de la situation du débiteur. La modification substantielle du
plan peut alors être faite au profit des créanciers. Dans ce cas, le tribunal est saisi par le commis-
saire à l’exécution du plan.
Pire, il faut envisager l’échec du plan. L’article L. 626-27 envisage deux hypothèses :
– d’abord, l’inexécution de ses engagements par le débiteur, dans les délais fixés par le plan ;
– ensuite, la survenance de la cessation des paiements pendant l’exécution du plan.
Les conséquences tirées de chacun de ces échecs ne sont pas les mêmes.
En cas d’inexécution de ses engagements par le débiteur dans les délais fixés par le plan. La réso-
lution du plan reste une faculté offerte au tribunal. Le texte précise que le tribunal doit prendre
l’avis du Ministère public. L’inexécution des engagements doit être d’une certaine gravité car dès
lors que l’entreprise est viable, il faut préférer la modification du plan à sa résolution. Désormais,
la résolution du plan pour inexécution de ses engagements par le débiteur n’entraîne plus auto-
matiquement l’ouverture d’une nouvelle procédure. Cette dernière n’intervient que si le débiteur
est en cessation des paiements. Le plan est anéanti pour l’avenir par le jugement prononçant sa
résolution, il est mis fin aux opérations et les délais de paiement accordés disparaissent.
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CHAPITRE 7 – Déroulement de la procédure de sauvegarde 97

En cas de survenance de la cessation des paiements du débiteur en cours d’exécution du plan, le


tribunal doit décider, après avis du Ministère public, la résolution du plan et ouvre une procédure
de redressement judiciaire ou si le redressement est manifestement impossible une procédure de
liquidation judiciaire. L’article L. 626-27-III favorise les créanciers de la première procédure en les
dispensant de déclarer leurs créances à la nouvelle procédure. L’ordonnance du 12 mars 2014
élargit cet avantage. Désormais les créanciers soumis au plan sont dispensés de déclarer leurs
créances et sûretés à la nouvelle procédure qu’elle soit ouverte dans le même jugement que celui
de la résolution du plan ou par une décision ultérieure constatant que cette résolution a provoqué
l’état de cessation des paiements. Surtout, « les créances portées à la connaissance de l’une des
personnes mentionnées au IV de l’article L. 622-17 dans les conditions prévues par ce texte »,
sont également dispensées d’une déclaration à la nouvelle procédure ce qui favorise les créanciers
méritants de la première procédure. L’article L. 622-10 du Code de commerce prévoit que, indé-
pendamment de la constatation de la cessation des paiements, le débiteur peut demander (par
voie de requête) lorsque l’adoption du plan de sauvegarde est impossible et que la clôture de la
procédure le conduirait, de manière certaine et à bref délai, à la cessation des paiements d’ouvrir
un redressement judiciaire.
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La sauvegarde accélérée Chapitre
8
et la SFA

L’ordonnance du 12 mars 2014 introduit une nouvelle procédure, la sauvegarde accélérée dont la sauvegarde
financière accélérée (SFA) introduite par la loi nº 2010-1249 du 22 octobre 2010 n’est plus qu’une variante.
La sauvegarde accélérée permet de renforcer l’anticipation des difficultés et la rapidité de leur traitement en
ancrant la sauvegarde dans la conciliation véritable phase préparatoire du plan.

1 L’ouverture de la sauvegarde accélérée et de la SFA


Les modalités d’ouverture de la procédure sont celles de la sauvegarde puisque l’article L. 628-1,
al. 1 pose le principe de l’application des règles de la sauvegarde à la sauvegarde accélérée sous
réserve des dispositions spécifiques posées par le nouveau chapitre VIII relatif à la nouvelle procé-
dure. Le même article rend inapplicable à la sauvegarde accélérée, certaines dispositions relatives
aux contrats en cours incompatibles avec les courts délais de la sauvegarde accélérée et les disposi-
tions relatives à la revendication du propriétaire de meubles. Les conditions relatives à l’ouverture de
la sauvegarde accélérée caractérisent cette dernière et valent pour la SFA (art. L. 628-9). En ce qui
concerne cette dernière l’article L. 628-9 précise que la SFA peut être demandée par le débiteur si
la nature de son endettement rend vraisemblable l’adoption du plan par les seuls créanciers
membres du comité des établissements de crédit et éventuellement les créanciers membres de
l’assemblée des actionnaires. Seuls ces créanciers étant concernés, la SFA reste une procédure
semi-collective.
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100 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

■ Conditions de fond
Elles tiennent tant à la personne du débiteur qu’à sa situation économique.

a) Le débiteur demandeur
La sauvegarde accélérée vise les débiteurs dont les comptes sont certifiés par un commissaire aux
comptes ou sont établis par un expert-comptable ou qui emploient plus de 20 salariés ou qui ont
un chiffre d’affaires hors taxe supérieur à 3 000 000 € ou dont le total de bilan est supérieur à
1 500 000 € ou encore les débiteurs qui établissent des comptes consolidés au sens de droit des
sociétés (art. L. 233-16). L’ordonnance du 26 septembre 2014, complétant celle de mars 2014,
précise, ouvrant encore davantage l’accès à la sauvegarde accélérée, que ces seuils sont alternatifs
(art. L. 628-1).
L’ordonnance du 12 mars 2014 innove en supprimant la condition de l’absence de cessation des
paiements du débiteur. L’article L. 628-1 précise dans son alinéa 3 que la circonstance que le débi-
teur soit en cessation des paiements ne fait pas obstacle à l’ouverture de la sauvegarde accélérée.
Le critère repris est celui de l’ouverture de la conciliation : il ne faut pas que le débiteur soit en
cessation des paiements depuis plus de 45 jours. Le respect de cette condition est garanti par le
Ministère public qui saisit le tribunal pour mettre fin à la procédure si elle n’est pas vérifiée (art.
L. 628-5). En toute logique au regard de la combinaison des procédures, le débiteur doit bénéficier
d’une procédure de conciliation en cours et justifier de l’élaboration d’un projet de plan visant à
assurer la pérennité de l’entreprise et être susceptible de recueillir un soutien suffisamment large
de la part des créanciers concernés par l’ouverture de la procédure (art. L. 628-1). La preuve de
l’approbation des créanciers impliqués est apportée par tout moyen au plus tard au moment où
le juge statue (art. R. 628-2). Cette approbation est indispensable à la réussite de la sauvegarde
accélérée car le plan doit être adopté dans un court délai de trois mois à compter du jugement
d’ouverture (art. L. 628-8). En cas d’échec, le tribunal met fin à la procédure et aucune conversion
vers une sauvegarde de droit commun n’est possible.
L’ouverture de la SFA suppose une condition supplémentaire quant à la nature de l’endettement,
il doit être financier, c’est-à-dire ne concerner que les créanciers membres du comité des établisse-
ments de crédit ou/et des créanciers membres de l’assemblée des obligataires (art. L. 628-9). Seuls
ces derniers comités sont constitués pour les besoins de la procédure (art. L. 628-10).

b) Le débiteur en conciliation
Le tribunal statue sur l’ouverture de la sauvegarde accélérée comme de la SFA après le rapport du
conciliateur sur le déroulement de la conciliation et sur les perspectives d’adoption du plan par les
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CHAPITRE 8 – La sauvegarde accélérée et la SFA 101

créanciers concernés (art. L. 628-2). Ce rapport est déposé au greffe et il est communiqué par le
greffier au débiteur et au Ministère public. Le tribunal statue après avoir entendu le conciliateur.
Est également déposé au greffe tout élément permettant d’apprécier la pertinence du projet de
plan et un avis sur l’exactitude de la liste des créances (art. R. 628-4). En présence d’une SFA, la
nature de l’endettement est contrôlée.

c) La constitution des comités de créanciers


Même si la constitution des comités de créanciers, éventuellement de l’assemblée des obligataires,
n’est pas obligatoire au regard de la situation du débiteur (c’est-à-dire qu’il est au-dessous des
seuils prévus par les articles L. 626-29 et R. 626-52 : ses comptes ne sont pas certifiés par un
commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable, ses salariés sont moins de 150
et son chiffre d’affaires est inférieur à 20 millions d’euros), l’ouverture de la sauvegarde accélérée
impose la constitution des comités. Le tribunal ordonne la constitution des comités dans le juge-
ment d’ouverture (art. L. 628-4). Dans le cas de la SFA, seul le comité des établissements de
crédit et éventuellement l’assemblée des obligataires sont constitués.

■ Conditions de forme
La procédure est ouverte à la demande du débiteur. En plus des modalités de la demande
d’ouverture qui sont celles de la sauvegarde, l’article L. 628-1 pose comme condition préalable
obligatoire : une conciliation en cours. Ainsi, il faut produire copie de la décision d’ouverture de
la conciliation (art. R. 628-2).
La détermination du tribunal compétent résulte des textes applicables à la sauvegarde.
Les mesures de publicité sont organisées comme pour la sauvegarde (art. R. 621-6 à R. 621-8). Si
c’est une SFA qui est ouverte, il est pris en considération que seuls les créanciers financiers sont
concernés par l’insertion d’un avis les concernant (art. R. 628-14).

2 Le déroulement de la SFA
La sauvegarde accélérée suppose que le plan soit adopté dans les trois mois du jugement d’ouver-
ture (art. L. 628-8). En effet, tout le travail est fait pendant la conciliation et le projet de plan est
suffisamment avancé lors de l’ouverture de la procédure pour être adopté dans la foulée c’est-à-
dire dans le mois qui suit l’ouverture de la procédure.
Pour les deux procédures, les dispositions sont adaptées pour tenir les délais : régime particulier
des contrats en cours, raccourcissement des délais.
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102 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

■ Les créanciers de la sauvegarde accélérée et de la SFA


La sauvegarde accélérée développe ses effets à tous les créanciers soumis à l’obligation de décla-
ration de leurs créances en application de l’article L. 622-24 (art. L. 628-6). Cette définition exclut
les créanciers alimentaires et les salariés. Les cocontractants et le bailleur des locaux professionnels
sont également concernés par la sauvegarde accélérée. La variante qu’est devenue la SFA n’a
d’effet qu’à l’égard des créanciers financiers et éventuellement des obligataires.
Pour les deux procédures accélérées, les créanciers sont censés avoir déjà déclaré leur créance s’ils
figurent sur la liste des créances établies au cours de la conciliation (art. L. 628-7). Une liste des
créances est établie comportant les informations habituelles de la déclaration des créances
(montant en principal, intérêts, sûretés), elle est certifiée par le commissaire aux comptes ou fait
l’objet d’une attestation de l’expert-comptable, elle est déposée au greffe du tribunal. Dans les
huit jours de ce dépôt, le mandataire adresse par LRAR à chaque créancier concerné les informa-
tions relatives à ses créances. Si les créanciers n’ont pas déclaré ou s’ils contestent les informations
du mandataire judiciaire, ils disposent d’un délai de deux mois de la publication du jugement
d’ouverture (art. L. 622-24 et R. 622-22) pour déclarer.
Le plan est préparé et reçoit l’approbation des créanciers en nombre suffisant pour assurer le vote
des comités de créanciers pendant la conciliation. Une fois ouverte la sauvegarde accélérée, le
vote du plan est assuré dans les conditions de la sauvegarde avec comités, mais le délai est forte-
ment abrégé puisque le plan doit être voté dans les trois mois du jugement d’ouverture sinon la
procédure est close sans conversion possible. Dans le cadre d’une SFA, seul le comité des établis-
sements de crédit et assimilés est réuni ainsi que l’assemblée des obligataires si nécessaire et le
vote doit intervenir dans le mois de l’ouverture de la SFA avec une possibilité de renouvellement
du délai une seule fois (art. L. 628-10).

■ L’adoption du plan
Il est adopté dans les mêmes conditions que pour la sauvegarde mais pour la SFA le vote ne
concerne que les créanciers financiers, par suite les autres créanciers échappent à toutes les
règles contraignantes du droit des entreprises en difficulté.
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Chapitre
Redressement judiciaire 9

Le redressement judiciaire apparaît dans les textes comme une procédure de traitement des difficultés subsi-
diaire, la sauvegarde ayant en effet été conçue comme la procédure de référence. Aussi le législateur a-t-il
utilisé la technique du renvoi textuel pour établir le régime de cette procédure. Cependant, certains particula-
rismes inhérents à cette procédure curative demeurent et se manifestent tant au stade de son ouverture qu’à
celui de la période d’observation et enfin du plan de redressement.

1 Ouverture du redressement judiciaire


L’ouverture du redressement judiciaire est subordonnée à un certain nombre de conditions de
fond et de forme.

■ Conditions de fond
L’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire présente deux spécificités :
– l’une tenant à la qualité même du débiteur ;
– l’autre tenant à l’exigence de la cessation des paiements.

a) Qualité du débiteur
Le domaine d’application du redressement judiciaire est en principe calqué sur celui de la sauve-
garde. Ainsi aux termes des articles L. 631-2, alinéa 1 du Code de commerce, il s’applique « à
toute personne exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole, à toute autre personne
physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale
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104 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu’à toute
personne morale de droit privé », sous réserve de respecter l’adage « faillite sur faillite ne vaut ».
En effet, à moins qu’il s’agisse de patrimoines distincts d’un entrepreneur individuel à responsabi-
lité limitée, il ne peut être ouvert de nouvelle procédure de redressement judiciaire à l’égard d’un
débiteur soumis à une telle procédure, à une procédure de sauvegarde ou à une procédure de
liquidation judiciaire, tant qu’il n’a pas été mis fin aux opérations du plan qui en résultent ou que
la procédure de liquidation n’a pas été clôturée (art. L. 631-2, al. 2). Cependant, à la différence de
la procédure préventive, le redressement judiciaire, tout comme la liquidation judiciaire, peut
concerner des débiteurs qui ne sont plus en activité, soit parce qu’ils ont décidé de cesser toute
activité, soit parce qu’ils sont décédés à condition que la cessation des paiements soit constituée.
1) En cas de cessation volontaire d’activité
L’article L. 631-3 dispose que la procédure de redressement judiciaire est également applicable aux
débiteurs qui ont cessé leur activité « si tout ou partie de leur passif provient de cette dernière ».
La Cour de cassation en a tiré pour conséquence que la cessation de l’activité d’une personne
physique ne l’empêche pas d’obtenir l’adoption d’un plan lui permettant exclusivement d’apurer
son passif (Cass. com., 4 mai 2017, nº 15-25046, publié). Il importe peu d’ailleurs que la cessation
des paiements intervienne après cet arrêt de l’activité. En tout état de cause, en cas d’assignation
du créancier, la procédure peut être ouverte dans le délai d’un an dont le point de départ est
variable. La loi prévoit ainsi que :
– pour un commerçant, « l’assignation doit intervenir dans le délai d’un an à compter de la radia-
tion du registre du commerce et des sociétés » ;
– pour une personne morale, « le délai court à compter de la radiation consécutive à la publica-
tion de la clôture des opérations de liquidation » ;
– et enfin, pour une personne exerçant une activité artisanale, agricole, une personne physique
exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à
un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le délai commence à courir à
dater de la cessation de l’activité.
2) En cas de décès
Le débiteur, quel qu’il soit, commerçant, artisan, agriculteur ou professionnel indépendant, décédé
en état de cessation des paiements peut faire l’objet d’une procédure de redressement judiciaire.
Aux termes de l’article L. 631-3, al. 2, « le tribunal peut être saisi, dans le délai d’un an à dater du
décès, sur l’assignation d’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance, ou sur requête du
Ministère public ». Il peut également être saisi sans condition de délai par les héritiers du débiteur.
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CHAPITRE 9 – Redressement judiciaire 105

Aux termes de l’article L. 680-3, toutes ces règles relatives à l’ouverture du redressement judiciaire
en cas de cessation d’activité ou de décès sont applicables à l’EIRL sous réserve de quelques
aménagements en cas de décès. En effet, en cas de décès d’un EIRL en cessation des paiements
au titre de l’activité à laquelle il a affecté un patrimoine, l’ouverture d’une procédure de redresse-
ment judiciaire est doublement encadrée. En premier lieu, elle est limitée au patrimoine affecté et
en second lieu, elle ne peut être demandée que par un créancier ayant un droit de gage général
sur ce patrimoine. Si l’activité est exercée sans affectation de patrimoine, elle ne vise que le seul
patrimoine non affecté.

b) Exigence de la cessation des paiements


Si l’absence de cessation des paiements est une condition d’ouverture de la sauvegarde de droit
commun, son existence est au contraire exigée pour l’ouverture du redressement judiciaire. Cette
procédure est en effet applicable aux termes de l’article L. 631-1 « à tout débiteur [...] qui, dans
l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paie-
ments ». Le respect de cette exigence pose toutefois en pratique des difficultés de preuve et de
détermination de la date exacte de la cessation des paiements.
1) Démonstration de la cessation des paiements
Prouver la cessation des paiements suppose de démontrer l’impossibilité pour le débiteur de faire
face, avec son actif disponible, à son passif exigible ; autrement dit et plus simplement son impos-
sibilité à payer ce qu’il doit. Cette définition s’applique à l’EIRL où la cessation des paiements doit
donc être appréciée patrimoine par patrimoine. En tout état de cause, la preuve de la cessation
des paiements peut être faite par tous moyens si l’arrêt des paiements concerne des créances
commerciales et, en cas contraire, selon les règles du Code civil.
En pratique, la constatation de la cessation des paiements va résulter de la déclaration du débiteur
qui sollicite l’ouverture d’un redressement judiciaire. En revanche, si le demandeur est un créan-
cier, il s’appuiera généralement sur des protêts, faute de paiement, des rejets de chèques pour
défaut de provision ou encore sur des inscriptions de sûretés judiciaires. Enfin, le tribunal, quant
à lui, disposera d’informations fournies par le greffe, les organismes sociaux, les services fiscaux
ou encore par le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel. L’ordonnance de
2008 a précisé que le débiteur, qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il
bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible, n’est pas en
cessation des paiements.
En tout état de cause, l’appréciation de la cessation des paiements doit se faire au moment où la
juridiction statue, la règle valant aussi bien en première instance qu’en appel. En outre et enfin, il
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106 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

appartiendra au tribunal qui constate la cessation des paiements du débiteur de motiver sa déci-
sion afin de permettre à la Cour de cassation d’exercer son contrôle.
2) Détermination de la date de cessation des paiements
Conformément à l’article L. 631-8 du Code de commerce, « Le tribunal fixe la date de cessation
des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur » dans le jugement d’ouverture.
« À défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue
à la date du jugement d’ouverture de la procédure. » Mais, dans toutes les hypothèses, la date de
cessation des paiements n’est pas fixée de façon définitive. Le tribunal peut ainsi, au cours de la
procédure, la modifier voire la reporter avant le jugement d’ouverture. Elle peut alors être reportée
une ou plusieurs fois. Toutefois, des limites sont prévues. D’une part, cette date ne saurait être
antérieure de plus de 18 mois à celle du jugement d’ouverture de la procédure. Au nom de la
sécurité juridique, il faut délimiter la période dite suspecte, allant de la date de cessation des paie-
ments au jugement d’ouverture, au cours de laquelle certains actes ont pu être accomplis de
façon frauduleuse ou anormale justifiant alors leur annulation. D’autre part, en cas d’accord de
conciliation homologué intervenu antérieurement, et sauf cas de fraude, c’est la date de la déci-
sion définitive d’homologation qui délimite le maximum au-delà duquel il n’est pas possible de
remonter. L’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée ne fait pas obstacle à l’application
de ces dispositions. La sauvegarde accélérée ne fera donc pas obstacle à ce que la date de cessa-
tion des paiements soit reportée à une date antérieure à celle de son ouverture.
Enfin, en cas de conversion d’une procédure de sauvegarde en redressement judiciaire. La cessa-
tion des paiements est réputée intervenue au jour du jugement d’ouverture de la sauvegarde ou
peut être fixée à une date se situant jusqu’à 18 mois avant le jour de ce jugement.
En tout état de cause, la demande de report peut émaner seulement de l’administrateur, du
mandataire judiciaire ou de Ministère public et ce dans le délai d’un an à compter du jugement
d’ouverture ou du jugement de conversion de la sauvegarde. Dans tous les cas, le tribunal ne se
prononcera qu’après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur.
Enfin, la décision de report doit être publiée au BODACC et les tiers, principalement les créanciers,
disposent d’un délai de 10 jours pour former tierce opposition.

■ Conditions de forme
Pour l’essentiel, les conditions de forme de la procédure de redressement judiciaire sont identiques
à celles de la procédure de sauvegarde. Néanmoins, certaines règles supplémentaires demeurent
propres au redressement judiciaire en raison de l’état de cessation des paiements du débiteur qui
sont relatives à la saisine du tribunal et au contenu du jugement d’ouverture.
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CHAPITRE 9 – Redressement judiciaire 107

a) Saisine du tribunal
À la différence de la sauvegarde purement volontariste, la procédure de redressement peut être
ouverte certes à la suite de la déclaration du débiteur, mais aussi sur assignation d’un créancier,
à la demande du Ministère public. La saisine d’office du tribunal est supprimée à la suite des déci-
sions du Conseil constitutionnel constatant son inconstitutionnalité.
1) Déclaration du débiteur
Aux termes de l’article L. 631-4 du Code de commerce, « L’ouverture d’une procédure de redres-
sement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours
qui suivent la cessation des paiements s’il n’a pas, dans ce délai, demandé l’ouverture d’une
procédure de conciliation. » La loi fixe ainsi un délai maximum pendant lequel le débiteur est
tenu de déposer sa demande.
La demande d’ouverture doit alors être déposée au greffe du tribunal compétent par le débiteur
personne physique ou par le représentant de la personne morale. Elle est accompagnée des
comptes annuels du dernier exercice et d’un certain nombre de documents et de renseignements
comme notamment l’indication du montant du passif exigible et de l’actif disponible, un extrait
d’immatriculation au RCS, une situation de la trésorerie depuis moins d’un mois, un inventaire
sommaire des biens du débiteur (ou, si un patrimoine a été affecté à l’activité en difficulté, des
biens affectés à l’exercice de cette activité), l’indication du montant du chiffre d’affaires ou
encore du nombre de salariés, etc. (art. R. 631-1). Destinés à informer le tribunal sur la situation
de l’entreprise, tous ces documents doivent être datés, signés et certifiés sincères et véritables.
En tout état de cause, la déclaration de cessation des paiements présente un caractère obligatoire
exposant, en son absence, le débiteur à diverses sanctions. Tout d’abord, le débiteur pourra faire
l’objet d’une condamnation à l’interdiction de gérer. La loi nº 2015-990 du 6 août 2015 modifie
l’article L. 653-8, al. 3 en ajoutant que la sanction impose que le débiteur ait sciemment omis de
déclarer la cessation des paiements dans les quarante-cinq jours. Le prononcé d’une telle sanction
reste toutefois facultatif.
En outre, les dirigeants de la personne morale de droit privé pourraient être sanctionnés par une
action en responsabilité pour insuffisance de l’actif social, s’ils ont tardé à déclarer l’état de cessa-
tion des paiements.
2) Assignation du créancier
L’article L. 631-5 du Code dispose que « Lorsqu’il n’y a pas de procédure de conciliation en cours
[...] la procédure peut être ouverte sur l’assignation d’un créancier, quelle que soit la nature de sa
créance ». Le législateur s’est contenté ici de reprendre une solution traditionnelle conforme à la
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108 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

philosophie originelle des procédures collectives tout en prenant en compte la nouvelle procédure
de conciliation.
Délivrée au débiteur conformément au droit commun, l’assignation doit préciser la nature et le
montant de la créance, civile ou commerciale, et contenir tout élément de preuve de nature à
caractériser la cessation des paiements. Le défaut de paiement de la créance ne saurait suffire à
établir l’état de cessation des paiements.
Une telle demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire est d’ailleurs – à peine
d’irrecevabilité, qui doit être soulevée d’office – exclusive de toute autre demande. Une parti-
cularité est toutefois prévue pour les agriculteurs. Il est exigé que le créancier joigne à sa
demande une attestation délivrée par le greffier de la saisine du président du tribunal de grande
instance en application de l’article L. 351-2 du Code rural et de la pêche maritime.
3) Requête du Ministère public
La procédure de redressement judiciaire peut en effet être ouverte sur requête du Ministère public.
Ce dernier doit présenter à la juridiction une requête indiquant les faits de nature à motiver sa
demande. Pour apprécier l’état de cessation des paiements du débiteur, il dispose de nombreux
moyens d’informations (réclamations de l’URSSAF, informations des salariés...). Le président du
tribunal fait ensuite convoquer, par les soins du greffier, le débiteur par LRAR afin qu’il compa-
raisse dans le délai qu’il fixe. Une copie de la requête est alors jointe à la convocation.
Ce mode de saisine du tribunal traduit ainsi l’accroissement du rôle dévolu à celui-ci dans le droit
des procédures collectives. Il était jusqu’alors peu utilisé, le Ministère public préférant informer le
tribunal pour qu’il se saisisse d’office le cas échéant. L’ordonnance de 2014 a modifié la situation
en supprimant la saisine d’office du tribunal. Désormais, l’article L. 631-3-1 du Code du commerce
dispose que « Lorsqu’il est porté à la connaissance du président du tribunal des éléments faisant
apparaître que le débiteur est en cessation des paiements, le président en informe le ministère
public par une note exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal. » La saisine
d’office est donc remplacée par une saisine du tribunal à l’initiative du parquet. Dans ce cas,
pour garantir l’impartialité de la juridiction, il est prévu que le président ne peut siéger, à peine
de nullité du jugement, dans la formation de jugement ni participer aux délibérés.

b) Prononcé du jugement d’ouverture


L’essentiel des règles relatives au contenu du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde
est ici applicable. Il en va ainsi de la nomination des organes de la procédure : juge-commissaire,
experts et mandataires de justice. Initialement, le débiteur n’avait aucun pouvoir de proposition,
tout au plus le tribunal pouvait-il solliciter ses observations. La loi du 22 mai 2019 relative à la
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CHAPITRE 9 – Redressement judiciaire 109

croissance et à la transformation des entreprises (loi PACTE) autorise désormais le débiteur à


proposer le nom d’un ou plusieurs administrateurs. Sauf avis contraire du ministère public, il peut
ainsi proposer le nom de l’administrateur qui l’a précédemment accompagné pendant la sauve-
garde qui a été convertie en redressement judiciaire (art. L. 631-9). Enfin, le tribunal invite le
comité social et économique ou, à défaut, les délégués du personnel, à désigner un représentant
parmi les salariés de l’entreprise ou à faire élire le représentant des salariés. Des contrôleurs
peuvent également être désignés par le juge-commissaire si les créanciers en font la demande.
En outre, sont également transposables toutes les dispositions relatives à la publicité du jugement
d’ouverture, sa communication aux parties et aux tiers, et enfin celles tenant aux voies de recours.
Par le jeu des renvois, l’article L. 624-20 et prévoyant que le jugement d’ouverture rend immédia-
tement exigible le montant du capital non libéré est applicable au redressement judiciaire.
En définitive, deux particularités sont à noter par rapport à la sauvegarde. D’une part, le jugement
d’ouverture du redressement judiciaire (ou de la liquidation judiciaire) fixe en principe la date de
cessation des paiements. À défaut, celle-ci est réputée être intervenue à la date du jugement
d’ouverture de la procédure. D’autre part et enfin, l’article L. 631-7 dispose que « Lorsque la situa-
tion du débiteur qui a déclaré être en état de cessation des paiements apparaît manifestement
insusceptible de redressement, le tribunal invite celui-ci, en l’absence de demande subsidiaire aux
fins d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, à présenter ses observations sur l’exis-
tence des conditions de l’article L. 640-1. Il statue ensuite, dans la même décision, sur la
demande de redressement judiciaire et, le cas échéant, sur l’ouverture d’une procédure de liquida-
tion judiciaire. » Insérée par l’ordonnance du 26 septembre 2014, cette disposition vise ainsi à
assurer le respect du principe du contradictoire dans l’hypothèse où le tribunal, saisi par un débi-
teur qui a déclaré sa cessation des paiements, ouvre une autre procédure collective que celle que
le demandeur a sollicitée.

2 Période d’observation
Une fois encore, la plupart des règles de la sauvegarde ont vocation à s’appliquer à la période
d’observation du redressement judiciaire, le Code de commerce procédant par renvoi. La durée
est ainsi identique, soit six mois renouvelables une fois par décision motivée et susceptible d’une
prolongation de six mois à la demande du Ministère public. La jurisprudence de la Cour de cassa-
tion limite le rôle du Ministère public en affirmant que le tribunal ne commet pas d’excès de
pouvoir prolongeant exceptionnellement, pour une durée n’excédant pas six mois, la période
d’observation en l’absence de demande du Ministère public ou en dépit de l’opposition de celui-
ci (Cass. com., 13 déc. 2017, no 16-50051, publié). La loi du 18 novembre 2016, dite loi J21
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110 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

prenant en compte les difficultés pratiques et précise qu’en cas de conversion d’une sauvegarde
en redressement judiciaire le tribunal peut, si nécessaire, modifier la période d’observation restant
à courir ou la prolonger pour une durée maximale de six mois (art. L. 622-10 nouv.). De
même, toutes les exigences de la discipline collective vont prévaloir. Néanmoins, en raison des
enjeux et de la situation économique déjà obérée du débiteur, certaines dispositions sont propres
au redressement judiciaire. Le déroulement de la période d’observation va en effet faire apparaître
certaines contraintes (particulièrement pour le débiteur) compensées par la mise en œuvre de
différents moyens destinés à assurer la préservation et la continuité de l’entreprise.

■ Contraintes inhérentes à la procédure


La procédure de redressement judiciaire présente certains particularismes tenant tant à la situation
du débiteur qu’à celle de ses garants.

a) Sort du débiteur
Privilégiant l’anticipation et la sauvegarde, le législateur se révèle donc plus sévère à l’égard du
débiteur en état de cessation des paiements. Si sa rémunération est en principe maintenue, ses
pouvoirs peuvent être réduits et ses droits sociaux déclarés incessibles.
1) Maintien de la rémunération
Le sort de la rémunération du débiteur est prévu par l’article L. 631-11 du Code de commerce qui
a été modifié par la loi du 22 mai 2019. Désormais aux termes de ce texte : « La rémunération
afférente aux fonctions exercées par le débiteur, s’il est une personne physique, ou les dirigeants
de la personne morale est maintenue en l’état, au jour de l’ouverture de la procédure, sauf déci-
sion contraire du juge-commissaire saisi sur demande de l’administrateur judiciaire, du mandataire
judiciaire ou du Ministère public. Ainsi sauf décision contraire du magistrat, le débiteur conserve sa
rémunération. Toutefois, en l’absence de rémunération, il est prévu que le débiteur ou les diri-
geants peuvent obtenir sur l’actif, pour eux et leur famille, des subsides fixés par le juge-commis-
saire. Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, le juge tient
compte des revenus éventuellement perçus au titre des patrimoines non visés par la procédure.
Dans tous les cas, le magistrat ne devra statuer sur la rémunération ou le montant des subsides
qu’après avoir entendu ou dûment appelé l’administrateur, le mandataire judiciaire et le débiteur
ou le dirigeant. La décision doit en outre être spécialement motivée (art. R. 631-15).
2) Restriction des pouvoirs du débiteur
Dans le cadre du redressement judiciaire, le débiteur va se trouver en principe dessaisi d’un certain
nombre de pouvoirs. À la différence de la sauvegarde, le débiteur ou les dirigeants risquent ainsi
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CHAPITRE 9 – Redressement judiciaire 111

de perdre le contrôle de l’entreprise. La portée de ce dessaisissement est certes variable.


L’article L. 631-12 du Code dispose en effet qu’outre les pouvoirs qui leur sont conférés par la loi,
« la mission du ou des administrateurs est fixée par le tribunal. Ce dernier les charge ensemble ou
séparément d’assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d’entre eux,
ou d’assurer seuls, entièrement ou en partie, l’administration de l’entreprise. » Le débiteur peut
donc être, soit assisté, soit représenté par l’administrateur ; la simple mission de surveillance est
exclue. En cas de représentation, si certains seuils sont atteints (3 millions € ou 20 salariés), le
tribunal est tenu de désigner un ou plusieurs experts afin d’assister l’administrateur dans sa
mission de gestion. En dessous de ces seuils, une telle désignation est facultative. Dans tous les
cas, la rémunération des experts est mise à la charge de la procédure.
Durant sa mission, l’administrateur est tenu au respect des obligations légales et conventionnelles
incombant au débiteur. Si celui-ci est frappé d’interdiction bancaire, l’administrateur peut alors
faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires ou postaux dont il est titulaire. De la
même manière, lorsque la mission de représentation d’une société est confiée à l’administrateur,
celui-ci doit effectuer tous les actes relevant de la compétence du dirigeant social (convocation de
l’assemblée générale par exemple).
En tout état de cause, le tribunal peut, à tout moment, modifier la mission de l’administrateur sur
la demande de celui-ci, du mandataire judiciaire, du Ministère public ou d’office.
Notons qu’en présence d’un EIRL, si un administrateur vient à être désigné, sa mission sera limitée
au patrimoine affecté à l’activité soumise à la procédure. Enfin, une limite spécifique a été posée à
la liberté de gestion de l’entrepreneur individuel par l’article L. 680-6. Le jugement d’ouverture
d’une procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, jusqu’à la clôture de la procé-
dure, ou, le cas échéant jusqu’à la fin du plan, interdiction à l’entrepreneur d’affecter à une autre
activité professionnelle un bien compris dans le patrimoine visé ou de modifier l’affectation d’un
tel bien, lorsqu’il en résulterait une diminution de l’actif de ce patrimoine
3) Incessibilité des droits sociaux
Le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire emporte de plein droit l’inces-
sibilité des droits sociaux des dirigeants de l’entreprise pendant la période d’observation. Simple-
ment facultative en cas de sauvegarde, cette mesure est ici automatique (art. L. 631-10). Les titres
ou valeurs mobilières, détenus directement ou indirectement par les dirigeants de la personne
morale soumise à la procédure collective, sont virés sur un compte spécial bloqué ouvert au nom
du titulaire par l’administrateur et tenu par ce dernier ou un intermédiaire financier. Aucun
mouvement ne peut être effectué sur ce compte sans l’autorisation du juge-commissaire. L’admi-
nistrateur fait, le cas échéant, mentionner sur les registres de la personne morale l’incessibilité des
parts.
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112 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Tenant à la seule valeur patrimoniale, l’incessibilité cesse à la demande de la personne intéressée


la plus diligente après l’adoption du plan de redressement ou la clôture des opérations.

b) Sort des garants


En principe, pendant la période d’observation, la situation des garants est identique en procédure
de sauvegarde et de redressement judiciaire. Le jugement d’ouverture n’entraîne pas la déchéance
du terme mais aussi et surtout, il suspend jusqu’à l’arrêt du plan toute action contre les personnes
physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien
en garantie. De la même manière, le tribunal peut leur accorder des délais ou un différé de paie-
ment dans la limite de deux ans.
Cependant, à la différence de la sauvegarde, les garants du débiteur ne peuvent pas se prévaloir
de l’arrêt du cours des intérêts pour les prêts ou contrats accordant un crédit différé d’une durée
inférieure à un an.

■ Moyens spécifiques de préservation de l’entreprise


Afin d’augmenter les chances de sauvetage de l’entreprise et la poursuite de l’exploitation, la
procédure de redressement judiciaire dispose de certains moyens spécifiques qui visent tant à
reconstituer l’actif, par le biais des nullités de la période suspecte, qu’à régler le sort des salariés.

a) Nullités de la période suspecte


Pour assurer au mieux la protection de l’entreprise et des créanciers, le législateur a prévu la possi-
bilité d’annuler certains actes ou paiements effectués par le débiteur pendant la période dite
suspecte (art. L. 632-1 à L. 632-4). Pendant cette période, qui s’étend de la cessation des paie-
ments au jour du jugement d’ouverture, le débiteur, souvent acculé par le poids des dettes a pu
accomplir un certain nombre d’actes frauduleux portant ainsi atteinte au principe d’égalité entre
les créanciers et privant l’entreprise d’une trésorerie importante. La loi sanctionne donc ses actes
irréguliers par la nullité permettant par là même de reconstituer l’actif de l’entreprise. De
nombreux cas de nullité sont donc prévus dont la mise en œuvre est très réglementée.
1) Cas de nullités
Le Code de commerce opère traditionnellement une distinction entre deux types de nullité de la
période suspecte en fonction de la gravité de l’acte :
– certaines nullités sont de droit, privant alors le tribunal de tout pouvoir d’appréciation quant à
l’opportunité de la sanction ;
– d’autres nullités sont facultatives laissant au magistrat le soin de les prononcer ou non.
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CHAPITRE 9 – Redressement judiciaire 113

• L ES CAS DE NULLITÉS DE DROIT

Ils sont mentionnés à l’article L. 632-1 du Code de commerce. La nullité sera donc prononcée par
le tribunal dès lors que l’acte visé par le texte a été passé pendant la période suspecte. La loi a en
fait posé ici une présomption irréfragable de fraude pour onze sortes d’actes :
– actes à titre gratuit translatifs de propriété (donations directes ou indirectes, constitution de
dot, attributions consenties dans une convention de divorce ou suite à un changement de
régime matrimonial) ;
– contrats commutatifs déséquilibrés. Sont visés les contrats dans lesquels les obligations du
débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie (vente d’immeuble, de marchandises).
Un déséquilibre au détriment du débiteur doit donc être prouvé. Il n’est toutefois pas exigé
que les conditions de la lésion prévue par le Code civil soient remplies ;
– paiements de dettes non échues. Sont sanctionnés ici les paiements anticipés portant atteinte
à l’égalité entre les créanciers, le mode de règlement important peu ;
– paiements de dettes échues par un mode anormal. Le texte prend soin de préciser les
modes de paiement normaux (espèces, effets de commerce, virements, bordereaux Dailly et
tous les autres modes de paiements admis communément dans les relations d’affaires). Dès
lors, constituent au regard de la jurisprudence des modes de paiement prohibés la dation en
paiement ou encore les résolutions amiables. En revanche, la cession de créance et la délégation
de créance constituent des modes de paiement qui échappent à la nullité s’ils sont pratiqués de
manière courante dans le secteur d’activité du débiteur ;
– dépôts et consignations. L’article L. 632-1-I-5º prévoit en effet la nullité de tout dépôt et toute
consignation de sommes effectuées en application de l’article 2350 du Code civil (à savoir tout
dépôt et consignation de sommes, effets ou valeurs, ordonné judiciairement à titre de garantie
ou à titre conservatoire, « à défaut d’une décision de justice ayant acquis force de chose
jugée ») ;
– constitutions de sûretés réelles en garantie de dettes antérieures. Plus précisément, sont
également nulles toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que
l’hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les
biens du débiteur pour des dettes antérieurement contractées. En définitive, pour encourir la
nullité de droit, la sûreté réelle, quelle qu’elle soit, devra donc avoir été constituée au cours de
la période suspecte pour garantir une dette antérieure. Une confrontation de la date de la
créance et de celle de la constitution de la sûreté (et non celle de sa publicité) sera alors indis-
pensable. Si la nullité est prononcée, la sûreté sera inefficace et le créancier bénéficiaire
deviendra un simple créancier chirographaire ;
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114 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

– mesures conservatoires. De la même façon, est aussi entachée de nullité, lorsqu’elle intervient
en période suspecte, « toute mesure conservatoire, à moins que l’inscription ou l’acte de saisie
ne soit antérieur à la date de cessation de paiement » ;
– opérations sur les options. Est désormais nulle toute autorisation et levée d’options définies à
l’article L. 225-177 et suivants du Code de commerce. Depuis 2008, la revente d’options ne fait
plus partie des actes encourant la nullité. L’objectif de cette disposition est d’éviter que les diri-
geants procèdent à certaines opérations sur leurs stocks options pendant la période suspecte ;
– transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire à moins que ce transfert ne
soit intervenu à titre de garantie d’une dette concomitamment contractée ;
– avenant à un contrat de fiducie affectant des droits ou biens déjà transférés dans un patri-
moine fiduciaire à la garantie de dettes contractées antérieurement. Prenant ainsi en compte
l’institution de la fiducie par la loi du 19 février 2007, l’article L. 632-1-I prévoit deux nouveaux
cas de nullité de droit de la période suspecte ;
– affectation ou modification dans l’affectation d’un bien, du débiteur en EIRL, sous réserve
du versement des revenus mentionnée à l’article L. 526-18, dont il résulte un appauvrissement
du patrimoine visé par la procédure au bénéfice d’un patrimoine de cet entrepreneur. Ajouté
par l’ordonnance du 9 décembre 2010, ce nouveau cas de nullité de droit vise en réalité à sanc-
tionner tout acte d’appauvrissement du patrimoine affecté. Il est d’ailleurs soumis à un régime
particulier puisqu’il peut être invoqué par tout intéressé ou par le Ministère public dans le délai
de trois ans à compter de l’acte.
Enfin, la déclaration notariée d’insaisissabilité faite par le débiteur, en application de
l’article L. 526-1 du Code de commerce portant sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’il n’a
pas affecté à son usage professionnel, doit être ajoutée à l’énumération. En revanche, précisons
qu’échappe aux nullités de la période suspecte l’insaisissabilité de droit de la résidence principale,
instituée par la loi no 2015-990 du 6 août 2015, dite loi Macron, faute de tout acte de volonté du
débiteur.

• L ES CAS DE NULLITÉS FACULTATIVES

L’opportunité du prononcé de ces nullités est soumise à l’appréciation des tribunaux dans trois
cas :
– d’abord, l’article L. 632-1-II modifié en 2014 prévoit que « Le tribunal peut annuler les actes à
titre gratuit faits... et la déclaration notariée faits dans les six mois précédant la date de cessa-
tion des paiements ». Regardés avec suspicion, les actes à titre gratuit et désormais la déclara-
tion notariée d’insaisissabilité sont donc non seulement frappés par une nullité de droit
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CHAPITRE 9 – Redressement judiciaire 115

(lorsqu’ils ont été réalisés pendant la période suspecte) mais aussi par une nullité facultative s’ils
ont été accomplis dans les six mois précédant la cessation des paiements ;
– ensuite, aux termes de l’article L. 632-2, peuvent également être annulés les paiements pour
dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre
onéreux accomplis à compter de cette date si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu
connaissance celle-ci. La formule légale est suffisamment large pour viser toutes sortes de paie-
ments (paiement par compensation, remboursement...) et d’actes à titre onéreux (vente, consti-
tution de sûreté...). L’existence d’un préjudice à l’entreprise n’est en outre pas exigée par la
jurisprudence. Seule la connaissance de la cessation des paiements par le tiers est déterminante
et sera appréciée souverainement par les juges du fond ;
– enfin, « tout avis à tiers détenteur, toute saisie attribution ou toute opposition peut également
être annulé lorsqu’il a été délivré ou pratiqué par un créancier à compter de la date de cessation
des paiements et en connaissance de celle-ci ». Ce dernier cas de nullité introduit par la loi de
sauvegarde est conditionné par deux exigences : l’acte doit être pratiqué par le créancier et
celui-ci doit avoir connaissance de la cessation des paiements.
2) Mise en œuvre de la nullité
Qu’elle soit de droit ou facultative, la nullité répond en principe aux mêmes règles (sous réserve de
quelques spécificités pour l’EIRL ; art. L. 680-6) et produit les mêmes effets énergiques.
L’action en nullité est une action attitrée ; elle peut être exercée seulement par l’administrateur, le
mandataire judiciaire, le commissaire à l’exécution du plan, ou le Ministère public. Aucune hiérar-
chie n’existe entre les différents titulaires de l’action. La loi a toutefois prévu l’exercice de l’action
par les contrôleurs en cas d’inertie du mandataire.
En outre, elle n’est enfermée dans aucun délai ; tout au plus, selon la jurisprudence, elle ne saurait
être exercée après l’admission des créances en raison de l’autorité de la chose jugée afférente à la
décision du juge-commissaire.
Enfin, l’action en nullité doit être introduite sous forme d’assignation, dirigée contre le créancier
ou celui qui a reçu le paiement du débiteur, devant le tribunal de la procédure.
Une fois prononcée, la nullité produit effet erga omnes. Elle va anéantir l’acte irrégulier permet-
tant ainsi la reconstitution de l’actif et donc le redressement de l’entreprise. Ainsi, par exemple,
en cas de paiement, le créancier devra restituer ce qu’il a perçu ; en cas d’acte à titre gratuit, le
bien sera en principe restitué en nature au débiteur et en cas d’annulation d’une sûreté, le créan-
cier deviendra un simple créancier chirographaire.
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116 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

b) Sort particulier des salariés


À la différence de la sauvegarde, et en raison précisément de l’état de cessation des paiements,
l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire n’est pas sans incidences sur le sort des
salariés. Celui-ci est d’ailleurs ambigu car, pendant la période d’observation, la loi facilite les licen-
ciements tout en s’efforçant de garantir au mieux les créances salariales.
1) Flexibilité des licenciements
Pour faciliter le sauvetage de l’entreprise, le législateur permet les licenciements économiques
pendant la période d’observation s’ils sont autorisés par le juge-commissaire (art. L. 631-17). Les
ordonnances, dites Macron, du 22 septembre 2017 assouplissent les conditions du licenciement
économique ce qui a un effet indirect sur les procédures de redressement et de liquidation judiciaires.
Les licenciements doivent toujours répondre à deux types de conditions :
– des conditions de forme tout d’abord. L’administrateur, ou le débiteur, souhaitant licencier,
doit au préalable consulter le comité d’entreprise ou à défaut, les délégués du personnel et
informer l’autorité administrative compétente. Ensuite, préalablement à la saisine du juge-
commissaire, l’administrateur doit le cas échéant mettre en œuvre les plans de licenciement
dans les conditions prévues par le Code du travail (C. trav., art. L. 1233-58, modif. Ord. 22 sept.
2017, nº 2017-1386). Enfin, il doit solliciter l’autorisation du juge-commissaire ; à défaut, le
licenciement sera dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– en outre, s’agissant des conditions de fond, la loi exige que les licenciements économiques
présentent « un caractère urgent, inévitable et indispensable » dont l’appréciation appartient au
magistrat consulaire.
En tout état de cause, le juge-commissaire devra préciser dans une ordonnance, nécessairement
motivée, « le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégo-
ries professionnelles concernées ». Sa décision est ensuite notifiée au comité d’entreprise, ou à
défaut, aux délégués du personnel, ou le cas échéant aux représentants des salariés. Elle est trans-
mise au Ministère public, à l’administrateur et au mandataire judiciaire.
Il appartiendra alors à l’administrateur de procéder au choix des personnes à licencier en fonction
des objectifs de redressement. Dans tous les cas, la lettre de licenciement devra impérativement se
référer à l’ordonnance du juge-commissaire, à peine de nullité. Tout salarié a toutefois le droit de
contester le licenciement dont il fait l’objet devant le Conseil des prud’hommes.
La flexibilité n’affecte pas que les licenciements, elle est étendue aux contrats de travail. Une
procédure particulière est introduite pour permettre de modifier le contrat de travail pour motif
économique (C. trav., art. L. 1222-6). Le salarié est informé des modifications envisagées, il
dispose d’un délai de réflexion, il peut refuser les changements, mais s’il ne répond pas dans le
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CHAPITRE 9 – Redressement judiciaire 117

délai, il est réputé avoir accepté. Le délai est ramené à 15 jours à compter de la réception de la
LRAR lorsque l’employeur est en redressement ou liquidation judiciaires.
2) Garantie des créances salariales
Pendant la procédure de redressement judiciaire, les créances salariales sont garanties par diffé-
rents procédés. Certains sont relatifs au droit des sûretés, d’autres à l’intervention de l’AGS.
En premier lieu, les créances salariales sont assorties d’un privilège général prévu à l’article 2101
du Code civil. Le texte accorde ainsi aux salariés et apprentis un privilège sur les meubles et
immeubles du débiteur qui couvre toutes les formes de rémunérations (salaires, commissions,
congés payés, indemnité de licenciement...). Celui-ci garantit, en principe, les six derniers mois de
travail nécessairement antérieurs au jugement d’ouverture. Les sommes garanties doivent être
versées au plus tard dans les trois mois du jugement d’ouverture, à défaut, l’AGS interviendra.
Mais à ce privilège général vient s’ajouter un super-privilège. Aux termes de l’article L. 3253-2 du
Code du travail, il est en effet prévu que « lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement
ou de liquidation judiciaire est ouverte, les rémunérations de toute nature dues aux salariés [...]
sont, déduction faite des acomptes déjà perçus, être payées, nonobstant l’existence de toute
créance privilégiée, jusqu’à concurrence d’un plafond mensuel identique pour chaque catégorie
de bénéficiaires. » Sont donc visées toutes les créances résultant d’un contrat de travail ou
d’apprentissage pour les deux mois précédant le jugement d’ouverture. Toutes les sommes
couvertes par ce super-privilège (salaires, commissions, indemnités de congés payés et non indem-
nité de licenciement) devront ainsi être payées dans les dix jours du jugement d’ouverture dès lors
que l’administrateur, autorisé par le juge-commissaire, dispose des fonds nécessaires. Mais, en
général, avant l’établissement de ces créances, l’administrateur, sur autorisation du juge-commis-
saire pourra verser, à titre provisionnel, un acompte calculé sur la base du dernier mois de salaire.
Ce n’est une fois encore qu’en l’absence de paiement, faute de disponibilités, que l’AGS sera
appelée à intervenir.
En second lieu, la garantie des créances salariales est, en effet, assurée par un mécanisme particu-
lier financé par les cotisations des employeurs. Lorsque le chef d’entreprise n’est plus en mesure
de payer ses salariés, l’association pour la gestion du régime d’assurance des créances salariales
(AGS) prend le relais sous certaines conditions. Cet organisme permet ainsi pendant la période
d’observation en redressement judiciaire de financer la poursuite de l’exploitation et le sauvetage
de l’entreprise. Tout employeur, quel qu’il soit, personne physique ou personne morale de droit
privé, est donc tenu d’assurer ses salariés contre le risque de non-paiement en cas de sauvegarde,
de redressement ou de liquidation judiciaire. Peu importe d’ailleurs la nature à durée déterminée
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118 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

ou indéterminée du contrat de travail. Sont alors garantis en procédure de redressement deux


types de créances salariales (C. trav., art. L. 3253-8) :
– d’une part, les créances antérieures : c’est-à-dire toutes les sommes dues au jour du juge-
ment d’ouverture se rattachant au contrat de travail et les contributions dues par
l’employeur dans le cadre d’une convention de reclassement personnalisé ;
– d’autre part, certaines créances postérieures, à savoir les créances résultant de la rupture
des contrats de travail intervenant, soit en période d’observation de la sauvegarde et du
redressement judiciaire, soit dans le mois de l’arrêté du plan de sauvegarde, de redressement
ou de cession.
Dans toutes ces hypothèses, la garantie s’étend aux cotisations et contributions sociales et sala-
riales d’origine légale ou conventionnelle imposées par la loi.
De nature subsidiaire, elle est fournie par l’AGS sur demande du mandataire judiciaire qui devra
justifier de l’insuffisance des fonds de l’entreprise. L’AGS pourra toujours contester le principe et
le montant de sa garantie. En cas de refus, le salarié concerné, informé par le mandataire judi-
ciaire, dispose d’un recours devant le Conseil des prud’hommes. En revanche, si la garantie fonc-
tionne, l’AGS doit procéder au règlement des avances dans certains délais (dans les 5 jours de la
réception des relevés des créances salariales pour les créances super-privilégiées et pour les autres
créances, dans les 8 jours de la réception des relevés) et dans la limite de certains plafonds
(C. trav., art. D. 3253-1). En tout état de cause, le paiement effectué par l’AGS n’est qu’une
avance ; elle doit donc pouvoir récupérer les sommes versées. Pour cela, en cas de redressement
et de liquidation judiciaires, elle sera subrogée dans les droits des salariés qu’elle a payés pour les
créances super-privilégiées. Pour les autres avances, elle devra déclarer sa créance à la procédure.

3 Plan de redressement
La période d’observation est destinée à élaborer un plan. Soumis pour l’essentiel au même régime
que le plan de sauvegarde. Le principe de similitude prévaut sous réserve de certaines exceptions
relatives tant à l’élaboration et à l’adoption du plan qu’à son inexécution.

■ Élaboration et adoption du plan


Plusieurs particularités propres au plan de redressement sont ici à relever. Certaines méritent seule-
ment d’être citées rapidement. Ainsi, d’une part, c’est à l’administrateur qu’il incombe d’élaborer
le projet de plan et le cas échéant, de présenter aux comités de créanciers les propositions. Depuis
l’ordonnance de 2014, tout créancier, membre d’un comité, peut également proposer un projet
de plan indépendamment de celui préparé par l’administrateur. Le débiteur n’a en revanche
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CHAPITRE 9 – Redressement judiciaire 119

aucun pouvoir d’initiative. Le débiteur apporte seulement son concours à l’administrateur pour
l’élaboration du plan.
D’autre part, des mesures spécifiques sont prévues pour les entreprises sociétaires. Certaines résul-
tent de l’ordonnance de 2014. Il est prévu notamment que lorsque des créanciers s’engagent à
exécuter le plan de redressement sous la condition de participation au capital social de la société
débitrice, le projet de plan est voté par le comité des créanciers et s’il y a lieu par l’assemblée
générale (art. L. 631-19-II). En outre, si les capitaux propres n’ont pas été reconstitués dans les
conditions prévues par l’article L. 626-3, l’administrateur a qualité pour demander la désignation
d’un mandataire en justice chargé de convoquer l’assemblée compétente et de voter la reconstitu-
tion du capital, à concurrence du montant proposé par l’administrateur, à la place du ou des asso-
ciés ou actionnaires récalcitrants, lorsque le projet de plan prévoit une modification du capital en
faveur d’une ou plusieurs personnes qui s’engagent à exécuter le plan. Enfin, les clauses d’agré-
ment, éventuellement présentes dans les statuts de la société débitrice, sont réputées non écrites.
Les statuts des sociétés peuvent également être modifiés par des dispositions propres au droit des
entreprises en difficulté (art. L. 626-3, mod. L. nº 2016-1547, 18 nov. 2016).
D’autres mesures datent de 2008. L’article L. 631-19-1 dispose en effet que, lorsque le redresse-
ment de l’entreprise le requiert, le tribunal peut, à la demande du Ministère public, subordonner
l’adoption du plan au remplacement d’un ou plusieurs dirigeants. Il peut également prononcer,
soit l’incessibilité des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au
capital, soit au contraire la cession forcée de ces droits sociaux.
Pour le reste, le particularisme du redressement judiciaire peut en fait se traduire non seulement
par une certaine sévérité à l’égard des garants du débiteur, et une simplification des licenciements,
mais aussi et surtout par la possibilité de prévoir le cas échéant une cession totale ou partielle
d’activité.
a) Sévérité à l’égard des garants du débiteur
À la différence du plan de sauvegarde, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté
personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions
du plan qu’il s’agisse de garants personnes physiques ou morales (art. L. 631-20). Par conséquent,
ils seront soumis aux poursuites des créanciers dans les conditions de droit commun, sauf s’agis-
sant de personnes physiques, à bénéficier de délais de paiements accordés par le tribunal. La solu-
tion légale est en fait destinée à privilégier l’anticipation et donc à inciter les dirigeants garants à
se placer sous la protection de la sauvegarde.
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120 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

b) Simplification des licenciements


Pour garantir le succès du plan, certains licenciements peuvent s’avérer indispensables. Par consé-
quent, la loi les a facilités et a accéléré la procédure. L’ordonnance du 12 mars 2014 prise à la
suite de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi tente de poursuivre une
œuvre d’articulation entre le droit social et le droit des entreprises en difficulté.
Des consultations préalables sont certes toujours exigées. En effet, lorsque le plan prévoit des
licenciements économiques, le plan arrêté par le tribunal ne peut intervenir qu’après respect des
procédures de consultation des représentants du personnel (art. L. 642-5, al. 5). La consultation et
les avis (comité d’entreprise et le cas échéant, CHSCT avant leur disparition en application des
ordonnances Macron et leur remplacement progressif par le comité économique et social, CSE)
doivent être rendus au plus tard le jour ouvré avant l’audience du tribunal qui statue sur le plan.
L’intervention des différents experts (expert-comptable, expert du CHSCT, ou technique) ne peut
avoir pour effet de reporter ce délai. Mais, en tout état de cause, c’est le tribunal qui est seul
compétent pour décider des licenciements. Le plan indique le nombre de salariés à licencier dans
le délai d’un mois après le jugement. C’est ensuite à l’administrateur, ou à défaut au débiteur,
qu’il appartient de choisir les personnes concernées et de mettre en œuvre les licenciements. Le
mandataire procède ensuite à des notifications individuelles pour faire part à chaque salarié de sa
décision. Si la procédure de licenciement concerne plus de dix salariés dans une entreprise de plus
de cinquante salariés, l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) s’impose. L’adminis-
trateur met en œuvre la procédure requise par le Code du travail (C. trav., art. L. 1233-58, modif.
Ord. 22 sept. 2017, nº 2017-1386), dans un délai d’un mois après le jugement. La validation ou
l’homologation par la Direccte du PSE intervient postérieurement à l’arrêté du plan par le tribunal
dans un délai d’un mois après le jugement. Lorsque le licenciement concerne un salarié bénéfi-
ciant d’une protection particulière en matière de licenciement, le délai d’un mois après le juge-
ment est celui dans lequel l’intention de rompre doit être manifestée.

c) Cession d’activité
Traditionnellement, le plan de cession était envisagé comme une technique de redressement de
l’entreprise. Ainsi, à l’issue de la période d’observation, le tribunal pouvait soit arrêter un plan de
continuation, soit un plan de cession. La loi du 26 juillet 2005 a choisi une solution de compromis.
Elle a conservé la possibilité d’une cession totale ou partielle d’activité dans le cadre de la procé-
dure de redressement judiciaire, à côté du plan de cession élaboré en liquidation judiciaire.
L’article L. 631-13 dispose en effet que « Dès l’ouverture de la procédure, les tiers sont admis à
soumettre à l’administrateur des offres tendant au maintien de l’activité, par une cession totale
ou partielle de celle-ci ». Si une telle cession est envisageable, un administrateur devra être
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CHAPITRE 9 – Redressement judiciaire 121

désigné, si cela n’a pas été fait à l’ouverture de la procédure aux fins de procéder à tous les actes
nécessaires à la préparation de cette cession et, le cas échéant, à sa réalisation. Ce dernier doit
informer les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou le
représentant des salariés de la possibilité qu’ont les salariés de soumettre une ou plusieurs offres.
À sa demande, la cession totale ou partielle de l’entreprise peut être ordonnée par le tribunal, « si
le ou les plans proposés apparaissent manifestement insusceptibles de permettre le redressement
de l’entreprise ou en l’absence de tels plans » (art. L. 631-22). Une telle faculté reste donc rési-
duelle. Elle est en principe soumise aux mêmes règles que la cession liquidation sous réserve de
quelques aménagements. Ainsi, c’est l’administrateur qui va recevoir les offres. Il reste en fonction
pour passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession. Le mandataire exerce les missions
dévolues au liquidateur. Toutefois, si le débiteur de l’entreprise cédée peut présenter un plan de
redressement, un commissaire à l’exécution du plan sera désigné qui aura la charge de surveiller
l’exécution du plan, c’est-à-dire l’apurement du passif encore dû après paiement du prix de
cession. Enfin, à la différence de la liquidation judiciaire, l’ordre de paiement des créanciers posté-
rieurs privilégiés est établi de façon avantageuse par l’article L. 622-17.

■ Inexécution du plan
L’article L. 631-20-1, afin de dissocier le plan de redressement du plan de sauvegarde, dispose que
lorsque la cessation des paiements est constatée au cours de l’exécution du plan, le tribunal qui a
arrêté ce dernier décide, après avis du Ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de
liquidation judiciaire. À la différence de l’hypothèse de la sauvegarde, le débiteur n’a pas de
seconde chance. Les créanciers qui étaient soumis au plan seront dispensés de déclarer leurs
créances et sûretés, celles-ci étant admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà
perçues. Toutefois, depuis la loi du 22 mai 2019 (loi PACTE), une autre issue est envisageable.
Avant de statuer, le tribunal examine si la situation du débiteur répond aux conditions posées
aux articles L. 645-1 et L. 645-2 et ouvre, le cas échéant, avec son accord, une procédure de réta-
blissement professionnel.
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122 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Principaux points communs et différences


entre la sauvegarde et le redressement judiciaire

Sauvegarde et Points communs Différences


redressement judiciaire
Ouverture des Possibilité pour le débiteur de Sauvegarde : demande du débiteur +
procédures et jugement proposer le nom d’un ou plusieurs absence de cessation des paiements +
d’ouverture administrateurs. difficultés qu’il n’est pas en mesure de
Date et heure d’ouverture : 0h au surmonter
jour du jugement d’ouverture Redressement judiciaire : déclaration de
la cessation des paiements par le débiteur
(45 jours)/assignation (exclusive) créanciers
+ cessation des paiements (report de la
date de cessation des paiements et période
suspecte)/requête du Ministère public
Déroulement de la Cautions, garants et coobligés Sauvegarde : débiteur non dessaisi
procédure personnes physiques : suspension (mission de surveillance, éventuellement
des poursuites pendant la période d’assistance de l’administrateur)
d’observation. Redressement judiciaire : débiteur
Bilan économique et social dessaisi partiellement
Actif/Passif : Déclaration, vérification
et admission des créances – Sort des
contrats en cours
Plan Durée du plan : en principe 10 ans Sauvegarde : élaboration par le débiteur
maximum. avec l’appui administrateur judiciaire –
entreprise n’est pas à vendre (sauf
cessions partielles dans la restructuration)
Redressement judiciaire : élaboration
par l’administrateur – cession possible de
l’entreprise
Sauvegarde : Cautions, garants et
coobligés, personnes physiques peuvent
se prévaloir des délais du plan de
sauvegarde (non du plan de
redressement) – licenciement des salariés
en application du droit commune
Redressement judiciaire : Incessibilité
de plein droit des droits sociaux (Simple
faculté en sauvegarde), simplification des
licenciements
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Chapitre
Liquidation judiciaire 10

La liquidation judiciaire intervient lorsque le redressement du débiteur n’est pas envisageable. Il ne reste qu’à
désintéresser les créanciers ou céder l’entreprise dans l’espoir d’une reprise externe. Pourtant, la loi du
26 juillet 2005 fait de la liquidation judiciaire une procédure autonome, offrant une alternative au redresse-
ment, par le transfert de plan de cession dans la liquidation. L’ordonnance du 12 mars 2014 tout en réamé-
nagement la liquidation judiciaire introduit une nouvelle procédure pour les débiteurs personnes physiques
dont la situation est définitivement obérée : le rétablissement professionnel.

Désormais, la liquidation judiciaire recouvre deux réalités économiques différentes. La première


hypothèse est celle de la liquidation du débiteur qui n’a déjà plus d’activité ou dont l’activité est
irrémédiablement compromise. Cette approche organise la réalisation de l’actif et la liquidation
judiciaire simplifiée quand les conditions sont vérifiées et explique l’introduction du rétablissement
professionnel pour les personnes physiques dont l’actif est presque inexistant et qui n’emploient
pas de salariés.
La seconde hypothèse est celle de la liquidation alors que le débiteur est dans l’impossibilité
d’assurer lui-même son redressement. Si redressement il y a, il ne peut être envisagé qu’entre les
mains d’un cessionnaire. Le prix de la cession permet de désintéresser les créanciers du débiteur et
la cession de l’entreprise permet son redressement dans les mains du cessionnaire. Après avoir
envisagé l’ouverture de la procédure et ses effets, il convient d’étudier les issues de la procédure.
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124 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

1 Ouverture de la procédure de liquidation judiciaire


Les conditions d’ouverture de la procédure illustrent le particularisme de la liquidation judiciaire
tandis que les effets de l’ouverture sont marqués par la finalité liquidative de la procédure.

■ Conditions et jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire


Les conditions relatives à la qualité du débiteur étant les mêmes que celles du redressement judi-
ciaire, il convient de ne souligner que les conditions d’ouverture propres à la liquidation judiciaire.
Le jugement d’ouverture comporte certaines dispositions pour tenir compte de l’ouverture anté-
rieure d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire. L’ordonnance de 2008 innove en
prévoyant une demande possible d’ouverture d’une liquidation judiciaire subsidiairement à la
demande d’ouverture d’un redressement judiciaire (art. R. 631-2). Inversement la demande
d’ouverture subsidiaire d’un redressement judiciaire peut accompagner la demande d’une liquida-
tion judiciaire (art. R. 640-1).

a) Conditions d’ouverture de la liquidation judiciaire


1) Conditions de fond
Ces conditions sont énoncées par l’article L. 640-1 du Code de commerce. La qualité du débiteur
est la même que pour le redressement judiciaire. La première condition est la cessation des paie-
ments du débiteur. L’exigence de la cessation des paiements est commune à la liquidation judi-
ciaire et au redressement judiciaire. La seconde condition est l’impossibilité manifeste du redresse-
ment par le débiteur. Le tribunal apprécie la situation irrémédiablement compromise du débiteur,
il peut même ordonner une enquête. Ces conditions ne sont pas vérifiées dans une seule hypo-
thèse, celle de l’ouverture automatique de la liquidation en cas de survenance de la cessation des
paiements pendant l’exécution du plan de redressement ou de sauvegarde. L’EIRL peut être
soumis à une liquidation judiciaire dans les conditions prévues par l’article L. 640-2, al. 2 du Code
de commerce c’est-à-dire patrimoine affecté par patrimoine affecté (mod. L. PACTE, 22 mai 2019,
art. 67).
2) Conditions de forme
Elles sont pour certaines communes à la sauvegarde. Il en va ainsi de la compétence matérielle et
territoriale du tribunal. La plupart sont communes au redressement judiciaire. Ainsi, le tribunal
peut ouvrir la liquidation judiciaire sur déclaration du débiteur, sur assignation d’un créancier, à la
demande du Ministère public. Comme pour le redressement judiciaire, afin de tenir compte des
décisions du Conseil constitutionnel condamnant les saisines d’office, un article L. 640-3-1 prévoit
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CHAPITRE 10 – Liquidation judiciaire 125

que s’il est porté à la connaissance du président du tribunal des éléments laissant apparaître que
les conditions d’ouverture de la liquidation judiciaire sont vérifiées, ce dernier en informe le Minis-
tère public pour qu’il motive sa saisine du tribunal. Pour respecter les règles de procès équitable,
dans ce cas, le président du tribunal ne peut pas siéger dans la formation de jugement, il ne
peut pas participer aux délibérés. La loi PACTE (nº 2019-486, 22 mai 2019, art. 57) entend inciter
le recours au rétablissement professionnel. Par conséquent, lors de l’ouverture d’une procédure
après résolution d’un plan de sauvegarde ou de redressement en cas de survenance de la cessa-
tion des paiements, lors de l’ouverture d’un redressement alors que ce dernier est manifestement
impossible ou lors de l’ouverture de la liquidation judiciaire, les conditions d’application du profes-
sionnel doivent être obligatoirement vérifiées par le tribunal. Dans ce cas, si le débiteur l’accepte, il
pourra recourir au rétablissement professionnel. Toujours pour favoriser le rebond du débiteur, la
loi Pacte supprime l’inscription au casier judiciaire de la mention de la liquidation judiciaire des
personnes physiques.

b) Jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire


Comme tout jugement d’ouverture, ce dernier met en place la procédure en désignant les organes
de la procédure. Cependant, si la liquidation judiciaire intervient pendant la période d’observation
d’une sauvegarde ou d’un redressement, certains organes sont déjà en place, il est logique de les
maintenir en adaptant leurs fonctions à la liquidation. Le mandataire judiciaire est donc nommé en
qualité de liquidateur pour procéder aux opérations de liquidation, en tant qu’organe de la procé-
dure, et finir la vérification des créances, en tant que représentant de l’intérêt collectif des créanciers.
Le tribunal pour désigner une autre personne mais il le fait à la demande de l’administrateur, d’un
créancier, du débiteur, des institutions représentatives des salariés ou du Ministère public et il doit
motiver sa décision. Le liquidateur représente le débiteur. Le juge-commissaire exerce les fonctions
qui sont les siennes dans la sauvegarde et dans le redressement judiciaire. Innovation de l’ordon-
nance de 2008, comme dans la sauvegarde ou le redressement judiciaire, le tribunal peut, en cas
de nécessité, désigner plusieurs juges-commissaires. De même, comme dans les autres procédures,
le Ministère public peut proposer un liquidateur à la désignation du tribunal. Si la cession totale ou
partielle de l’entreprise est possible, si l’intérêt public ou celui des créanciers l’exige, la poursuite de
l’activité peut être envisagée si elle requiert l’intervention d’un administrateur, le Ministère public
peut proposer un nom. Comme dans la sauvegarde, le jugement prévoit la désignation d’un repré-
sentant des salariés et le juge-commissaire désigne éventuellement des contrôleurs. Comme pour
toutes les procédures, l’AGS peut, si elle le demande, être nommée en tant que contrôleur.
Les formalités de publicité du jugement d’ouverture sont les mêmes que pour les autres procédures.
Les voies de recours en présence d’une liquidation immédiate sont celles de l’article L. 661-1-2º,
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126 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

l’appel et le pourvoi en cassation sont offerts au débiteur, au créancier poursuivant, aux représen-
tants du personnel et au Ministère public.

■ Effets du jugement d’ouverture


Ces effets sont, pour la plupart, communs aux différentes procédures par les renvois de textes
opérés dans l’article L. 641-3 (mod. Ord. 12 mars 2014), ils concernent essentiellement le débiteur,
l’entreprise et à travers elle de ses partenaires.

a) Sort du débiteur
Dans le cadre de la liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi en application de l’article L. 641-
9-I : « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir
de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens ».
L’étendue du dessaisissement est large, il touche tous les biens présents et à venir acquis pendant
la liquidation, tous les droits et actions du débiteur qui concernent son patrimoine. Ce dessaisisse-
ment étendu exprime une certaine défiance à l’égard d’un débiteur, ce dernier est écarté car il a
prouvé son incapacité de gestion. Son patrimoine est mis sous protection pour tenter de garantir
le paiement des créanciers. La même logique explique l’article L. 641-9-III qui interdit au débiteur
personne physique d’exercer pendant la liquidation une activité commerciale, agricole, ou toute
autre activité indépendante. Il ne peut donc qu’exercer une activité salariée, les salaires du débi-
teur sont atteints par le dessaisissement. L’article L. 641-9 pose quelques limites au dessaisisse-
ment. Il « peut se porter partie civile dans le but d’établir la culpabilité d’un crime ou d’un délit
dont il serait victime ». Il exerce les droits et les actions qui ne sont pas comprises dans la mission
du liquidateur, c’est-à-dire qu’il peut exercer les actions à caractère personnel, les actes conserva-
toires car ces derniers sont utiles aux créanciers et les droits qui sont propres au débiteur dans la
procédure (pour l’essentiel les voies de recours). L’ordonnance de 2014 innove pour protéger le
débiteur personne physique en ajoutant un IV à l’article L. 641-9 qui met à l’abri de l’effet réel de
la procédure les biens ou droit acquis au titre d’une succession ouverte après l’ouverture de la
liquidation judiciaire. Pour toute réalisation pour tout partage de l’indivision successorale, le liqui-
dateur a besoin de l’accord du débiteur.
Si le débiteur est une personne morale, l’ouverture de la liquidation judiciaire entraînait sa dissolu-
tion (C. civ., art. 1844-7, al. 7º). Cette dissolution est désormais reportée à la clôture de la liquida-
tion judiciaire pour insuffisance d’actif. Elle n’intervient même plus lors de la clôture pour extinc-
tion du passif. L’ordonnance du 26 septembre 2014 accompagnant cette innovation précise que
les dirigeants de la personne morale doivent assurer les obligations en matière d’arrêté et d’appro-
bation des comptes annuels. Pour pallier leur inaction, un mandataire ad hoc peut être nommé
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CHAPITRE 10 – Liquidation judiciaire 127

(art. L. 641-3). L’article L. 641-9, II est réécrit en ce sens et prévoit qu’un mandataire, si nécessaire,
peut être désigné par ordonnance du président du tribunal sur requête de tous intéressés, du
liquidateur ou du Ministère public, pour remplacer les dirigeants sociaux.

b) Sort de l’entreprise
Les effets du jugement d’ouverture sont les mêmes que pour la sauvegarde et le redressement.
Les mesures de protection de l’entreprise sont reprises : interdiction des paiements, arrêt et
reprise des poursuites, arrêt du cours des intérêts, interdiction des inscriptions. En revanche, elles
n’ont pas la même finalité. Dans le cadre de la liquidation judiciaire, il s’agit de préserver les
biens afin de désintéresser les créanciers. Par disposition spéciale, l’ouverture de la liquidation judi-
ciaire n’entraîne pas de plein droit la résiliation automatique du bail des immeubles affectés à
l’exploitation de l’activité de l’entreprise. La cessation d’activité est le principe dans le cadre de la
liquidation judiciaire, l’article L. 640-1 du Code de commerce énonce : « La procédure de liquida-
tion judiciaire est destinée à mettre fin à l’activité de l’entreprise ». Elle entraîne le licenciement
pour motif économique des salariés. Les dispositions du redressement judiciaire relatives aux sala-
riés ne sont reprises que dans l’hypothèse de la poursuite de l’activité. En dehors de cette excep-
tion, les dispositions du droit commun, tel que modifié par les ordonnances Macron du
22 septembre 2017, devraient s’imposer. La garantie de l’AGS pour les indemnités de rupture ne
devrait jouer que si les licenciements interviennent dans les quinze jours du jugement d’ouverture
ou dans les quinze jours suivant la fin du maintien de l’activité. L’article L. 641-13 (mod. Ord.
12 mars 2014) reprend les critères téléologiques de la sauvegarde pour déterminer les créances
élues bénéficiaires du privilège de procédure en les adaptant. Les créances doivent naître pour les
besoins de la procédure ou du maintien provisoire de l’activité ou en contrepartie d’une prestation
fournie au débiteur pendant le maintien de l’activité ou en exécution d’un contrat en cours
décidée par le liquidateur ou répondre aux besoins de la vie courante du débiteur, personne
physique (innovation de l’ordonnance de 2014).
La poursuite de l’activité de l’entreprise n’est pas de principe, elle n’est qu’une exception, soit
dans l’intérêt des créanciers, soit en présence d’un plan de cession permettant la continuation de
l’entreprise dans les mains du cessionnaire grâce à une reprise externe. Elle est strictement enca-
drée : le maintien de l’activité ne peut excéder une durée de trois mois, une seule prorogation de
trois mois est possible à la demande du Ministère public. Seule la perspective d’un plan de cession
totale ou partielle justifie pleinement la poursuite de l’activité de l’entreprise en plus de l’intérêt
public ou de celui des créanciers. Dans les autres cas, il est préférable de liquider rapidement les
actifs, d’autant plus que, souvent, la liquidation judiciaire est prononcée alors que l’entreprise n’a
d’ores et déjà plus d’activité. En cas de maintien de l’activité, les dispositions relatives à la période
d’observation dans la sauvegarde et le redressement judiciaire sont globalement reprises par
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128 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

renvoi de textes. Le liquidateur remplace l’administrateur, sauf si ce dernier est désigné, car il
assure l’administration de l’entreprise, il transmet toutes informations au juge-commissaire et au
Ministère public. Les contrats sont poursuivis pour les besoins de l’activité. Comme l’administrateur
dans le redressement judiciaire, le liquidateur peut effectuer les licenciements nécessaires en
respectant les dispositions du Code du travail. Le cas échéant, il prépare le plan de cession. Si la
taille de l’entreprise le justifie (plus de 20 salariés et 3 000 000 € chiffre d’affaires hors taxes ;
art. R. 641-19 et R. 621-11) ou en cas de nécessité un administrateur est nommé. Le Ministère
public peut proposer un nom au tribunal qui doit motiver sa décision de rejet (art. L. 641-10).
La simple réalisation des actifs isolés et l’adoption d’un plan de cession totale ou partielle sont les
issues possibles de la liquidation judiciaire.

2 Issues de la procédure de liquidation judiciaire


L’insertion du plan de cession dans le cadre de la liquidation judiciaire est une des grandes innova-
tions de la loi du 26 juillet 2005. Elle transforme profondément la procédure qui auparavant
n’était qu’une procédure liquidative. La cession, à l’égard du débiteur, présente toujours une
dimension liquidative puisqu’elle organise la liquidation globale de ses actifs servant au règlement
de ses créanciers. En revanche, analysée du côté de l’entreprise qui peut être sauvée par un repre-
neur, la cession globale ou partielle assure le maintien de l’activité susceptible d’exploitation auto-
nome, le maintien des emplois qui y sont attachés et l’apurement du passif. Il convient de souli-
gner une autre innovation de la loi de sauvegarde des entreprises : la suppression de la cession
des unités de production composées de tout ou partie de l’actif mobilier ou immobilier. Depuis le
1er janvier 2006, il y a deux issues à la liquidation judiciaire : la réalisation de l’actif et le plan de
cession.

■ Réalisation de l’actif
Cette réalisation est l’objectif classique poursuivi par la liquidation judiciaire et rappelé par
l’article L. 640-1 du Code de commerce : « La procédure de liquidation judiciaire est destinée [...]
à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses
biens. » La loi distingue entre les dispositions communes à toutes les cessions et celles relatives à
la cession d’actifs isolés.

a) Dispositions applicables à toutes les cessions


Les dispositions des articles L. 642-22 et suivants s’appliquent à « toute cession d’entreprise et
toute réalisation d’actif ». L’article L. 642-24 prévoit que « Le liquidateur peut, avec l’autorisation
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CHAPITRE 10 – Liquidation judiciaire 129

du juge-commissaire et le débiteur entendu ou dûment appelé, compromettre et transiger sur


toutes les contestations qui intéressent collectivement les créanciers [...] ». Un souci de transpa-
rence et de moralisation des opérations de réalisation de l’actif se retrouve dans plusieurs disposi-
tions. Le texte impose une publicité préalable à toute réalisation d’actif. En ce qui concerne les
cessions de biens isolés, la cession de l’actif est interdite à des parents proches du débiteur ou
des dirigeants du débiteur personne morale, aux dirigeants du débiteur personne morale et aux
contrôleurs. L’ordonnance du 12 mars 2014 introduit un assouplissement dans le cadre des
cessions isolées. Les interdictions de l’article L. 642-3 sont en principe maintenues, mais le juge-
commissaire, sur requête du Ministère public, peut y déroger. Il peut autoriser la cession à des
proches ou à des dirigeants de la personne morale. L’interdiction reste absolue pour les contrô-
leurs et le débiteur au titre de l’un quelconque de ses patrimoines (art. L. 642-20). Dans l’objectif
de protéger le débiteur personne physique, le juge-commissaire, saisi par le Ministère public, le
liquidateur ou le débiteur (art. R. 642-39), peut accorder la même dérogation quant aux cession-
naires pour les cessions d’actifs mobiliers de faible valeur nécessaires aux besoins de la vie
courante et de biens faisant partie d’une exploitation agricole, pour la vente aux enchères publi-
ques ou par adjudication amiable des autres actifs mobiliers (art. L. 642-20).
L’article L. 642-20-1 prévoit des règles particulières pour les biens soumis à un droit de rétention.
Le créancier gagiste en application du droit commun peut solliciter l’attribution judiciaire du gage
avant le jugement de cession. En revanche, il n’a pas intérêt à procéder lui-même à la réalisation
du gage car il perdrait son droit de rétention. L’alinéa premier de l’article L. 642-20-1 donne le
droit au liquidateur, sur autorisation du juge-commissaire, de payer pour retirer la chose retenue.
L’alinéa 2 du même article offre une autre option au liquidateur : le paiement après réalisation du
bien. Dans ce cas, le droit de rétention est reporté de plein droit sur le prix et le créancier est
désintéressé avant tout autre créancier. Comme dans le cadre d’une sauvegarde ou d’un redresse-
ment judiciaire, le juge-commissaire peut autoriser le liquidateur à payer les créances antérieures
au jugement d’ouverture pour lever l’option d’achat d’un contrat de crédit-bail (art. L. 641-3). La
condition de l’utilité à la poursuite de l’activité n’est pas reprise dans le cadre de la liquidation
judiciaire.
b) Cessions d’actifs isolés
Les articles L. 642-18 et suivants définissent les modalités de cette réalisation, ils s’appliquent en
l’absence de plan de cession et pour les biens et droits qui ne sont pas compris dans le plan de
cession.
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130 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

1) Cession d’immeuble
L’article L. 642-18 est réécrit par l’ordonnance de 2008 pour tenir compte de la réforme relative à
la saisie immobilière. Les formalités inutiles sont supprimées. Désormais, dans un premier temps, le
juge-commissaire, saisi par le liquidateur choisit les modalités de vente de l’immeuble après avoir
reçu les observations des contrôleurs, après avoir entendu le débiteur. Il peut ordonner la vente
par adjudication judiciaire, il fixe la mise à prix de vente et les modalités de visite de l’immeuble.
Son ordonnance est notifiée, par le greffier, au débiteur, aux créanciers inscrits, aux créanciers
bénéficiaires d’un privilège général immobilier. Les contrôleurs sont avisés par le greffier. L’ordon-
nance est publiée au bureau des hypothèques dans les conditions du commandement de payer.
Le notaire commis (ou le poursuivant) doit, dans un deuxième temps, établir un cahier des condi-
tions de vente et le déposer au greffe du juge de l’exécution du tribunal de grande instance
compétent. Ce dépôt doit être fait dans un délai de 7 mois à compter de la publication de l’ordon-
nance du juge-commissaire. Cinq jours ouvrables après le dépôt, le notaire (ou le poursuivant) doit
aviser par acte d’huissier de justice les créanciers inscrits de la date du jugement d’adjudication.
Dernière étape, l’audience d’adjudication se déroule conformément au droit commun de la saisie
immobilière. La Cour de cassation par une décision du 28 juin 2011 (nº 10-15482) a jugé que la
déclaration d’insaisissabilité (art. L. 526-1) est opposable au liquidateur judiciaire. Cette solution a
été confirmée, dans des conditions précises, par des décisions du 23 mars 2012. En revanche, les
créanciers à qui la déclaration d’insaisissabilité n’est pas opposable peuvent agir sur le bien sous
déclaration d’insaisissabilité en marge de la procédure. Désormais, la déclaration d’insaisissabilité
figure dans les nullités de la période suspecte. L’insaisissabilité légale introduite par la loi du
6 août 2015 ne devrait pas être concernée par ces dernières.
L’ordonnance du 12 mars 2014, dans un souci de protection du débiteur personne physique,
élargit à toutes les liquidations judiciaires des dispositions jusque-là réservées aux agriculteurs.
L’article L. 642-18 est modifié pour prévoir que le tribunal peut en considération de la situation
personnelle et familiale du débiteur lui accorder des délais de grâce dont il détermine la durée
pour quitter sa maison d’habitation principale.
2) Cession de meuble
L’article L. 642-19 précise les modalités des ventes ; il offre une option entre la vente aux enchères
ordonnée par le juge-commissaire ou la réalisation de gré à gré autorisée par le juge-commis-
saire, au prix et aux conditions qu’il détermine.
La véritable innovation de la loi de sauvegarde réside dans le transfert du plan de cession dans la
liquidation judiciaire.
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CHAPITRE 10 – Liquidation judiciaire 131

■ Cession d’entreprise
Elle exprime l’ambivalence de la cession et la difficulté de l’insérer dans une procédure ou dans
l’autre. La cession de l’entreprise est incontestablement une mesure liquidative, si elle est analysée
du point de vue du débiteur : le prix de la cession qui lui est imposé sert à désintéresser ses créan-
ciers dans la mesure du possible. En revanche, la même cession (éventuellement totale et/ou
forcée) peut être analysée comme une opération de redressement de l’entreprise entre les mains
d’un ou de plusieurs cessionnaires chargés de maintenir les activités ainsi que tout ou partie de
l’emploi et d’apurer le passif. Ces objectifs ressemblent curieusement à ceux du redressement judi-
ciaire, voire de la sauvegarde. Par conséquent, la cession est possible, même forcée, dans le
redressement judiciaire, elle est envisageable dans la sauvegarde, mais elle est alors nécessaire-
ment volontaire et partielle. Cette ambivalence se retrouve dans les textes. Le parti pris par le
législateur est celui de se placer dans la perspective du débiteur : la cession est donc partie
prenante de la liquidation judiciaire. Cependant, elle peut être réalisée dans le redressement judi-
ciaire. Les offres de reprise peuvent être présentées dès l’ouverture de la procédure de redresse-
ment judiciaire. Les dispositions applicables pour une cession dans le redressement judiciaire sont
celles de la liquidation judiciaire par renvoi de texte. L’ambivalence de la cession contraint à conci-
lier deux logiques apparemment opposées : le redressement et la liquidation. La cession dans le
redressement judiciaire n’a pas le même sens que dans la liquidation judiciaire. Elle exprime une
autre méthode de redressement, concomitante au plan de redressement grâce auquel certaines
activités restent confiées au débiteur, par reprise externe entre les mains du repreneur. Cette
conjonction est souhaitable dans le cadre de restructuration nécessaire au redressement de l’entre-
prise. Il n’en demeure pas moins qu’une cession totale dans le redressement judiciaire peut
surprendre dans la mesure où le débiteur est totalement évincé. En toute logique, une conversion
de la procédure de sauvegarde en liquidation judiciaire pour traiter de cette cession paraît
s’imposer. Cette ambivalence marque toute l’étude de la cession de l’entreprise, tant dans la
préparation de la cession que dans son adoption et son devenir.

a) Préparation et décision de la cession


La loi de sauvegarde renforce la dimension économique de l’appréciation de la proposition de
plan soumis au tribunal chargé d’arrêter le plan de cession en instituant une « magistrature
économique ».
1) Élaboration de la cession
Deux maîtres mots caractérisent la préparation de la cession : transparence et moralisation, tant en
ce qui concerne les offres de reprise que la publicité qui les caractérise.
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132 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

• L ES OFFRES DE REPRISE
Elles sont soumises à un formalisme strict qui transpose un principe de moralisation des
cessions :
– premièrement, moralisation oblige, les offres ne peuvent être déposées que par les tiers. Le
débiteur ne doit pas reprendre la main par personne interposée. Par conséquent, ni les parents
proches du débiteur (jusqu’au 2e degré), ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne
morale en liquidation judiciaire (jusqu’au 2e degré), ni les contrôleurs ne peuvent se porter repre-
neurs. Les personnes ainsi désignées ne peuvent pas davantage, pendant les cinq années qui
suivent la cession, « acquérir [...] tout ou partie des biens dépendants, directement ou indirecte-
ment, de la liquidation, ainsi que d’acquérir des parts ou titres de capital de toute société ayant
dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens, ainsi que des
valeurs mobilières donnant accès, dans le même délai, au capital de la société ». Le texte est
donc particulièrement sévère, d’autant plus qu’il étend l’interdiction aux personnes interposées.
Il précise la sanction : la nullité des actes passés en violation de l’interdiction. Cette nullité
d’ordre public peut être demandée par tout intéressé dans le délai de trois ans à compter de la
conclusion de l’acte. Les associés, y compris les associés majoritaires, ne sont pas expressément
concernés par le texte. Une dérogation est prévue en présence d’une exploitation agricole. Dans
ce cas, le tribunal peut autoriser la cession aux personnes interdites de reprise. Seuls les contrô-
leurs restent interdits de dépôts d’offre. Un assouplissement est introduit en toute hypothèse,
les proches et dirigeants peuvent présenter une offre et le tribunal autoriser la cession sur
requête du Ministère public, après avis des contrôleurs qui, quant à eux, ne peuvent pas
déposer une offre ;
– deuxièmement, les délais pour déposer les offres sont stricts. Dans le cadre d’un redresse-
ment judiciaire, les offres peuvent être déposées dès la période d’observation. Dans une telle
hypothèse, la présence d’un administrateur est souhaitable et les dispositions des arti-
cles L. 642-1 et suivants sont applicables dans le cadre du redressement judiciaire. Dans le cadre
de la liquidation judiciaire, le délai de remise des offres est fixé par le tribunal. L’absence de
précision laisse toute souplesse dans l’appréciation du délai et n’impose pas de délai minimum.
En outre, si des offres sérieuses ont été déposées en cours de période d’observation du redres-
sement judiciaire converti, ensuite, en liquidation judiciaire, le tribunal peut arrêter le plan de
cession sur leur base sans fixer de nouveau délai. La rapidité est toujours un gage de réussite ;
– troisièmement, le contenu de l’offre est précisément défini par l’article L. 642-2-II et III du
Code de commerce. La moralisation de l’offre n’est pas loin une fois encore, il s’agit, pour le
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CHAPITRE 10 – Liquidation judiciaire 133

tribunal, de s’assurer de son sérieux, d’éviter le dépeçage de l’entreprise par des repreneurs peu
scrupuleux. L’offre doit être écrite. Elle doit comprendre les indications suivantes :
• la désignation précise des biens, des droits, des contrats concernés,
• les prévisions d’activité et de financement,
• le prix, les modalités de paiement et les garanties,
• la date de réalisation de la cession,
• le devenir des emplois par rapport à l’activité maintenue,
• les garanties souscrites pour assurer l’exécution de l’offre,
• les prévisions de cession d’actifs pendant les deux années suivant la cession,
• enfin, la durée des engagements pris par l’auteur de l’offre.
Une disposition particulière concerne le débiteur exerçant une profession libérale, l’offre doit
alors indiquer la qualification professionnelle du repreneur ;
– quatrièmement, l’offre une fois déposée est irrévocable. Elle constitue un engagement unila-
téral et, par conséquent, elle lie son auteur jusqu’à la décision du tribunal. Elle ne peut donc pas
être retirée ou modifiée. Toutefois, une exception est prévue : l’offre peut être modifiée en un
sens plus favorable en vue de maintenir l’activité, l’emploi et d’apurer le passif. Après décision
du tribunal, en cas d’appel, le cessionnaire ne peut pas modifier son offre ; en revanche, ses
concurrents évincés recouvrent toute liberté pour présenter d’autres offres.
• LA PUBLICITÉ DES OFFRES
Elle renforce la transparence de la procédure. Chaque offre est adressée à l’administrateur ou au
liquidateur. Ce dernier dépose les offres au greffe du tribunal où tout intéressé peut en prendre
connaissance. Le liquidateur informe le débiteur, le représentant des salariés, les contrôleurs du
contenu des offres. Enfin, en présence d’un débiteur exerçant une profession libérale, elles
doivent être notifiées à l’ordre professionnel ou à l’autorité compétente. Cette transparence est
un atout pour la qualité des offres proposées car elle met les offrants en concurrence. Si cette
surenchère peut être favorable au redressement de l’entreprise entre les mains du repreneur, elle
ne doit pas entamer le sérieux des offres. Toutefois, le tribunal veille au réalisme des propositions
dans sa décision arrêtant la cession. C’est en cela qu’il juge les propositions en exerçant une
« magistrature économique ». Cette transparence est largement atténuée dans le cadre des
prepack cessions qui consiste à préparer en conciliation, en toute confidence, la cession de l’entre-
prise (art. L. 611-7). Des garde-fous sont prévus, mais la pratique montre qu’une publicité de
dernier moment permet parfois d’améliorer les offres.
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134 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

2) Jugement arrêtant la cession


Pour exercer cette magistrature économique dans les meilleures conditions, le tribunal doit être
correctement informé et prendre l’avis des premiers intéressés afin de choisir en toute connais-
sance de cause. Par conséquent, le tribunal doit être en mesure de vérifier que l’offrant est un
tiers au sens de l’article L. 642-3 du Code de commerce. En outre, l’article L. 642-4 précise que le
liquidateur (ou l’administrateur) donne au tribunal toutes les informations nécessaires à l’apprécia-
tion du caractère sérieux de l’offre. Ce sérieux est mesuré à l’aune des objectifs poursuivis par la
cession : le tribunal doit être capable d’apprécier les conditions d’apurement du passif. Le prix
offert et la valeur des actifs résiduels sont donc confrontés aux dettes du débiteur et au passif de
la procédure. Le prix de cession est donc un des éléments essentiels de l’appréciation du sérieux
de l’offre. Cependant, pour être sérieuse, l’offre ne doit pas seulement assurer le paiement des
créanciers, elle doit aussi assurer le maintien de l’activité et d’un nombre conséquent d’emplois.
En effet, le « tribunal retient l’offre qui permet dans les meilleures conditions d’assurer le plus
durablement l’emploi attaché à l’ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les
meilleures garanties d’exécution. » (art. L. 642-5) L’arbitrage est difficile, il ne peut être fait sans
« avoir recueilli l’avis du Ministère public et entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur,
l’administrateur lorsqu’il a été désigné, les représentants » des salariés. Leur point de vue est une
garantie d’information du tribunal avant qu’il n’arrête sa décision. Des dispositions particulières
concernent les éventuels licenciements pour motif économique. Le comité d’entreprise ou les
représentants des salariés doivent être informés. Les licenciements intervenant dans le mois qui
suit le jugement interviennent sur simple notification du débiteur (ou de l’administrateur) sous
réserve des préavis prévus par le droit du travail et des conventions ou accords collectifs. L’ordon-
nance de 2008 précise le sort du licenciement d’un salarié bénéficiant d’une protection particu-
lière. Autant d’éléments qui expliquent que le plan de cession arrêté n’est pas nécessairement
celui qui permet le meilleur désintéressement des créanciers du débiteur. Ce critère n’est qu’un
élément parmi d’autres. Dans un souci d’efficacité, le tribunal peut arrêter un ou plusieurs plans
de cession.
Le jugement est opposable à tous et fait l’objet de publicité. D’abord, il est communiqué par le
greffier à l’administrateur, liquidateur, mandataire judiciaire, au procureur de la République, au
trésorier-payeur général du département du principal établissement du débiteur. Ensuite, il est
publié au BODACC, registre du commerce, répertoire des métiers. Les voies de recours à
l’encontre du jugement arrêtant le plan de cession sont fermées. En sont exclus : le liquidateur ou
l’administrateur, les créanciers, les représentants des salariés, les candidats à la reprise évincés. Le
débiteur, le Ministère public peuvent faire appel de la décision. Il en est de même pour le cession-
naire si le jugement aggrave ses charges. Les cocontractants dont les contrats sont cédés au repre-
neur peuvent faire appel de la partie du jugement qui concerne cette cession. Une précision est
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CHAPITRE 10 – Liquidation judiciaire 135

apportée à propos des contrats qui ne sont pas cédés dans le cadre du plan. Le cocontractant
peut demander au juge-commissaire qu’il prononce leur résiliation si sa poursuite n’est pas
demandée par le liquidateur. Le Ministère public peut seul introduire un pourvoi en cassation
contre l’arrêt de la cour d’appel.

b) Devenir de la cession
Deux hypothèses sont envisageables : l’exécution du plan d’une part, son inexécution d’autre part.
1) Exécution du plan
Dans ce cas de figure, optimiste, le repreneur reçoit les éléments d’exploitation des activités et en
contrepartie, il remplit ses engagements. Le prix payé ainsi que la réalisation des actifs résiduels
permet le règlement, au moins partiel, des créanciers du débiteur.
Le plan de cession suppose la cession totale ou partielle de l’entreprise. La cession implique
d’abord la transmission des actifs appartenant au débiteur et composant des branches complètes
et autonomes d’activités. La liste des biens cédés figure dans l’offre, le tribunal peut prévoir des
clauses d’inaliénabilité pour certains biens. L’inaliénabilité temporaire des biens peut être levée
sur autorisation du tribunal (art. L. 642-10). Par exception, l’article L. 642-1 assimile la cession
d’un bail rural à celle d’un bien. Les professions libérales exercées par une personne physique
font l’objet d’une disposition particulière, le liquidateur peut exercer le droit du débiteur de
présenter son successeur au garde des Sceaux, ministre de la Justice. L’article L. 642-8 précise
qu’en cas de cession d’un fonds de commerce, aucune surenchère n’est admise. Cette cession
étant imposée par le tribunal, le débiteur ne doit au cessionnaire ni la garantie des vices cachés,
ni la garantie d’éviction. Pourtant, la forme des actes de cession est celle du droit commun.
L’article L. 642-8 énonce que le liquidateur ou l’administrateur s’il a été nommé passe les actes
nécessaires à la réalisation de la cession. En principe, le transfert de propriété est réalisé à la date
de passation des actes nécessaires à la réalisation de la cession. En attendant, sur justification de la
consignation du prix, le tribunal peut confier la gestion de l’entreprise au cessionnaire. Enfin, à
titre d’exception et pour une période transitoire, les articles L. 642-13 à L. 642-15 prévoient et
organisent la location-gérance au profit du futur cessionnaire de l’entreprise. Ce dernier doit alors
acquérir l’entreprise dans les deux ans.
La cession concerne également la transmission de certains contrats indispensables à la poursuite
de l’activité. Les contrats de travail (C. trav., art. L. 1234-7, L. 1234-10, L. 1224-1 et L. 1224-2), les
contrats d’assurance (C. assur., art. L. 121-10) font l’objet d’une transmission légale. Les baux
ruraux, en principe, incessibles peuvent être transmis, la solution est la même pour le bail
d’immeuble. La question des contrats conclus intuitu personae ne connaît pas une réponse
uniforme. Pour que ces contrats ne soient pas cédés, il faut que la prise en considération de la
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136 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

personne soit étroitement liée à l’exécution du contrat. Certains de ces contrats (par exemple,
contrat de concession automobile) sont donc cédés. En présence d’un cautionnement, la caution
reste tenue au titre des créances nées du débiteur pour qui elle s’était engagée, elle n’est pas
tenue de garantir les dettes nées du chef du cessionnaire. L’article L. 642-8 précise que la cession
des contrats prend effet à la date de réalisation des actes nécessaires à la réalisation de la cession
par le liquidateur ou l’administrateur. Les obligations nées avant la transmission du contrat au
repreneur restent à la charge du débiteur. Les obligations nées après cette transmission sont à la
charge du cessionnaire. L’article L. 642-7, al. 3 précise que les contrats cédés « doivent être
exécutés aux conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure, nonobstant toute
clause contraire ».
Pour ces contrats cédés dans le cadre d’un plan de cession, la loi PACTE du 22 mai 2019 répute
non-écrites les clauses dites de garanties inversées, c’est-à-dire les clauses qui imposent au
cessionnaire d’un bail des dispositions solidaires avec le cédant (art. L. 642-7, al. 3). Cette modifi-
cation destinée à faciliter les plans de cession est applicable aux procédures en cours au 24 mai
2019. Le sort de la caution offerte au débiteur mérite d’être précisé, l’obligation de garantie
prend fin car il n’est pas envisageable d’obliger la caution à garantir les engagements du repre-
neur. En ce qui concerne le contrat de crédit-bail, le cessionnaire ne peut lever l’option qu’après
avoir payé les sommes restant dues au crédit-bailleur.
En contrepartie, le repreneur doit honorer ses engagements. Le premier d’entre eux est le paie-
ment du prix, en principe, réel et sérieux, déterminé souverainement par le tribunal. Ce prix est
parfois assez éloigné de la valeur réelle des branches autonomes d’activité cédées car il tient
compte des autres engagements du repreneur, par exemple, le maintien de l’emploi. L’obligation
de payer le prix est une obligation personnelle du cessionnaire. Le liquidateur perçoit le prix, qui
est d’abord consigné à la Caisse des dépôts et consignations, puis il le répartit entre les créanciers.
L’article L. 642-12 du Code de commerce précise les modalités d’évaluation des quotes-parts du
prix de cession lorsqu’elle porte sur des biens grevés d’un privilège spécial, d’un gage, d’un nantis-
sement ou d’une hypothèque. Elles sont fixées au vu de l’inventaire et de la prisée des actifs et
correspondant au rapport entre la valeur de ce bien et la valeur totale des actifs cédés. Pour que
le cessionnaire puisse acquérir des biens libres de droits, il est précisé que le paiement complet du
prix fait obstacle à l’exercice de leurs droits par les créanciers inscrits. Ces derniers ne disposent
pas d’un droit de regard sur le prix de cession, le paiement du prix emporte purge de leurs inscrip-
tions. Selon certains auteurs, ils paient un lourd tribut à la reprise de l’entreprise entre les mains
du repreneur. Toutefois, l’article L. 642-12, al. 3 laisse subsister le droit de suite pour certains
créanciers en cas de cession du bien par le cessionnaire. En principe, le cessionnaire ne prend pas
à sa charge les dettes du débiteur cédé. Par exception, l’article L. 642-12, al. 4 du Code de
commerce prévoit que le cessionnaire prend à sa charge les sûretés immobilières et mobilières
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CHAPITRE 10 – Liquidation judiciaire 137

spéciales garantissant « le remboursement d’un crédit consenti à l’entreprise pour lui permettre le
financement d’un bien [...] ». Le repreneur peut échapper à cette disposition en passant un accord
avec les créanciers titulaires des sûretés. Le cessionnaire doit également répondre d’autres engage-
ments. Outre le respect des clauses d’inaliénabilité légales ou judiciaires inscrites dans le plan de
cession, il doit respecter les divers engagements pris pour maintenir l’activité, le financement de
l’entreprise et surtout maintenir le niveau de l’emploi. L’article L. 642-12 dernier alinéa protège le
droit de rétention acquis par un créancier sur des biens compris dans la cession.
Le respect de ses obligations par le cessionnaire est constaté par le tribunal qui peut alors
prononcer la clôture de la procédure. En cas d’inexécution du plan, la résolution du plan n’est
pas forcément la seule issue.
2) Inexécution du plan
L’article L. 642-11 prévoit que le cessionnaire rend compte au liquidateur de l’exécution du plan, à
l’issue de chaque exercice. Ce même article ne prévoit que la résolution du plan en cas d’inexécu-
tion des engagements pris. Pourtant, l’article L. 642-9 envisage la modification du plan.
Le cessionnaire, en arguant d’un motif sérieux, peut demander au tribunal une modification subs-
tantielle des objectifs et des moyens du plan. La décision revient au tribunal, après avoir entendu
ou dûment appelé, le liquidateur (administrateur), les contrôleurs, les représentants du personnel
et obtenu l’avis du Ministère public. Le montant du prix de cession, fixé par le jugement arrêtant
la cession, ne peut pas être modifié. La modification est un élément de souplesse. Elle permet de
tenir compte des difficultés de mise en œuvre du plan et, éventuellement, d’adapter les modalités
de paiement du prix, le périmètre de la cession ou encore le niveau de l’emploi. La Cour de cassa-
tion, sous l’empire de la loi antérieure, a précisé que le jugement modificatif ne fait qu’un avec le
jugement arrêtant le plan afin de permettre le jeu de l’AGS pour les créances résultant de la
rupture du contrat de travail dans le mois qui suit le jugement.
La résolution du plan est la sanction de son inexécution. La résolution est une faculté offerte au
tribunal en cas d’inexécution par le cessionnaire de n’importe lequel de ses engagements (paie-
ment du prix, maintien de l’emploi, cession d’un bien inaliénable, etc.). Le tribunal peut prononcer
la résolution du plan à la demande du liquidateur, d’un créancier, de tout intéressé ou d’office. Il
doit recueillir l’avis du Ministère public. Si le tribunal le juge nécessaire, il peut assortir la résolution
du versement de dommages et intérêts. L’article L. 642-11 précise encore que la résiliation des
actes passés en exécution du plan résolu est possible, elle est donc dissociée de la résolution du
plan et n’est pas automatique. Le prix de cession, quant à lui, reste acquis à la procédure. En
présence d’une liquidation judiciaire, la résolution du plan ne conduit pas à l’ouverture d’une
nouvelle procédure, sous réserve de l’ouverture d’une procédure à l’encontre du repreneur
malheureux.
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138 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

■ Achèvement de la procédure
La clôture de la procédure n’est pas directement liée à l’adoption du plan, elle est prévue par
l’article L. 643-9 du Code de commerce. L’apurement du passif est le préalable indispensable à la
clôture de la procédure.
a) Préalable : l’apurement du passif
Cette opération d’apurement permet d’assurer le paiement des créanciers. L’article L. 643-1 pose
le principe de la déchéance du terme. Ce même article reporte la déchéance, en cas de maintien
de l’activité en vue de l’adoption d’un plan de cession, au jour du jugement prononçant la
cession. Cette mesure présente l’avantage de ne pas fragiliser le plan de cession. La déchéance
du terme ne concerne que les créanciers de l’entreprise et elle ne s’étend pas aux codébiteurs ou
cautions sauf clause contraire.
Les fonds servant au paiement des créanciers du débiteur en liquidation judiciaire proviennent du
prix de cession quand elle est adoptée, mais aussi de la cession des actifs isolés et des sommes
obtenues en recouvrement des créances du débiteur (action en reconstitution de l’actif, action en
responsabilité pour insuffisance d’actif éventuelle). Discipline collective oblige, les créanciers sont
payés en application des règles prévues pour la répartition du produit de la liquidation. C’est le
liquidateur qui est chargé de réaliser la répartition du produit de la liquidation judiciaire. Toutefois,
la loi introduit des dérogations à la discipline collective et notamment à l’interdiction des pour-
suites posée dès l’ouverture de la liquidation judiciaire. D’une part, l’article L. 643-2 reconnaît le
droit de poursuite des créanciers titulaires d’un privilège spécial, d’un gage, d’un nantissement ou
d’une hypothèque et du Trésor public pour ses créances privilégiées, dès qu’ils ont déclaré leurs
créances, à condition que le liquidateur n’ait pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le
délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire (art.
L. 643-2, al. 1). D’autre part, l’article L. 642-20-1 du Code de commerce accorde le droit pour les
créanciers gagistes de demander l’attribution judiciaire de leur gage.
La répartition du produit des actifs se fait en application de règles posées par l’article L 641-13 du
Code de commerce, selon le rang des créanciers (Cass. com., 11 juin 2014, nº 13-12658, FS-P+B+R+I).
Elle est réalisée différemment en cas de vente d’un immeuble et d’un meuble. Dans le premier
cas, les créanciers titulaires de sûretés immobilières générales ou spéciales seront désintéressés
sans remettre en cause le super-privilège des salariés, le rang des frais de justice nés
régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins de la procédure, celui des créances
antérieures garanties par le privilège de conciliation, enfin celui des créances salariales privilégiées.
La répartition en cas de vente de meuble favorise le titulaire d’un droit de rétention qui prime,
même le super-privilège des salaires. L’article L. 641-13-I précise encore que les créances nées
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CHAPITRE 10 – Liquidation judiciaire 139

régulièrement après le jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire, ou nées


régulièrement après le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement
judiciaire et qui sont des créances élues sont des créances postérieures. Ce texte consacre l’unité
de la procédure ouverte contre le débiteur. Les créanciers privilégiés élus sont mieux protégés ; il
n’en demeure pas moins qu’ils restent primés par les créanciers antérieurs munis de sûretés
spéciales assorties d’un droit de rétention ou par les titulaires d’un nantissement de matériel ou
d’outillage. Le restant, après paiement des frais et dépens, des subsides accordés au débiteur est
distribué au marc le franc (art. L. 643-8).
b) Clôture de la procédure
Pour réduire la durée des procédures, l’ordonnance du 12 mars 2014 innove en prévoyant dans le
nouvel article L. 643-9 que la clôture est possible même s’il subsiste des actifs dès lors que
« l’intérêt de [la] poursuite est disproportionné par rapport aux difficultés de la réalisation des
actifs résiduels ». Le même article L. 643-9 favorise encore la clôture en permettant au tribunal de
prononcer la clôture en dépit d’instance en cours si cette clôture n’apparaît pas pouvoir être
prononcée par extinction du passif. Dans ce cas le tribunal désigne un mandataire chargé de pour-
suivre les instances en cours et de répartir, le cas échéant, les sommes perçues à l’issue de ces
dernières. En outre, le liquidateur, le débiteur qui exerce alors un droit propre, le Ministère public
peuvent saisir le tribunal à tout moment aux fins de clôture de la procédure. Le tribunal peut se
saisir d’office. Tout créancier peut faire de même à l’expiration d’un délai de deux ans à compter
du jugement de liquidation judiciaire. Il y a deux hypothèses de clôture de la procédure : une opti-
miste rare, la clôture pour extinction du passif, une réaliste plus courante, la clôture pour insuffi-
sance d’actif.
1) Clôture pour extinction du passif
L’article L. 643-9 précise que, s’il « n’existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose des
sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers », le tribunal prononce la clôture de la liqui-
dation judiciaire. Dès lors, le débiteur, personne physique, n’est plus dessaisi. Si le débiteur est
une personne morale, elle disparaît. Le chef d’entreprise, les dirigeants de la personne morale
recouvrent tous leurs droits, ils ne sont plus frappés de déchéances ou interdictions prononcées
lors de la procédure. Au nom de la distinction entre l’homme et l’entreprise, il n’y a plus de sanc-
tion patrimoniale automatique attachée à la liquidation judiciaire. La clôture met fin au mandat du
liquidateur, aux fonctions du juge-commissaire, des contrôleurs s’ils ont été nommés.
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140 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

2) Clôture pour insuffisance d’actif


C’est l’hypothèse la plus courante. L’article L. 643-9 prévoit la clôture de la procédure même si « la
poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l’insuffisance
de l’actif ». La mission du liquidateur prend fin avec la clôture de la procédure. Le débiteur,
personne physique, n’est plus dessaisi. Le débiteur, personne morale, disparaît. L’article L. 643-11
précise que les créanciers ne recouvrent pas l’exercice individuel de leurs actions contre le débi-
teur. Ainsi, le débiteur se trouve exempté du paiement de ses dettes et peut repartir sur de
nouvelles bases en faisant table rase du passé. La solution peut sembler sévère pour les créanciers
qui ne sont pas désintéressés. Toutefois, le même article énonce des exceptions. Les premières
concernent des créances particulières : celles qui résultent d’une infraction pour laquelle la culpabi-
lité du débiteur a été établie, celles qui sont attachées à la personne du créancier (par exemple, les
créances alimentaires). L’article L. 643-11 remanié par l’ordonnance du 12 mars 2014 ajoute une
autre exception bénéficiant aux actions portant sur des biens acquis au titre d’une succession
ouverte pendant la procédure de liquidation judiciaire. Cette modification est le pendant de la
limitation de l’effet réel de la procédure pendant son déroulement sur ces mêmes biens. Les
secondes prennent en considération le comportement fautif du débiteur. Ainsi le droit de pour-
suite des créanciers n’est pas éteint si le débiteur a été déclaré en faillite personnelle, s’il a été
sanctionné pour banqueroute, s’il a été le dirigeant d’une personne morale soumise à une liquida-
tion judiciaire dans les cinq ans qui ont précédé l’ouverture de la liquidation judiciaire contre lui,
l’ordonnance du 12 mars 2014 ajoute que la reprise des poursuites est possible lorsque dans les
cinq années précédant la clôture de procédure le débiteur a bénéficié d’un rétablissement profes-
sionnel, elle est encore possible si une procédure territoriale au sens du règlement communautaire
relatif aux procédures d’insolvabilité a été ouverte contre le débiteur. Cette extinction du droit de
poursuite des créanciers ne correspond pas à l’extinction de la dette, par conséquent, en vertu
d’une rédaction renouvelée, la reprise des poursuites des coobligés ayant payé à la place du débi-
teur est toujours prévue par l’article L. 643-11.
Cette clôture n’est pas définitive. En effet, la procédure peut être reprise quand il apparaît que
certains actifs « n’ont pas été réalisés ou que des actions dans l’intérêt des créanciers n’ont pas
été engagées ». Le tribunal peut être saisi par le liquidateur, par le Ministère public, par tout
créancier intéressé. L’ordonnance du 12 mars 2014 ajoute un alinéa deux à cet article L. 643-13
pour préciser que la reprise des poursuites produit ses effets rétroactivement pour tous les actifs
du débiteur que le liquidateur aurait dû réaliser avant la clôture de la liquidation judiciaire. Les
créanciers dont la créance n’a pas été vérifiée doivent obtenir un titre exécutoire en application
du droit commun. La Cour de cassation a précisé que le dessaisissement du débiteur en cas de
reprise de la liquidation n’est pas général mais limité à la réalisation des actifs repris (Cass. com.,
22 mars 2017, nº 15-21146, publié).
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CHAPITRE 10 – Liquidation judiciaire 141

3) Clôture en présence d’actifs résiduels


L’article L. 643-9 est modifié pour répondre aux difficultés mises en évidence par la jurisprudence.
En l’état des textes applicables avant la réforme du 12 mars 2014, la Cour de cassation n’avait pas
d’autre choix que d’empêcher la clôture de la procédure s’il restait des actifs même résiduels et
difficiles à réaliser en raison de démembrement de propriété (Nue-propriété – Usufruit ou/et indivi-
sion) (Cass. com., 22 janv. 2008, nº 06-20766). Le législateur introduit de nouvelles dispositions
permettant de dépasser cette solution jurisprudentielle. À compter du 1er juillet 2014, il est
possible de clore la procédure même en présence d’actifs résiduels si leur réalisation
particulièrement difficile est disproportionnée par rapport à l’intérêt de la poursuite, c’est-à-dire à
la valeur des actifs. En outre toujours pour accélérer la clôture de la procédure et ce faisant pour
faciliter le rebond du débiteur, un nouvel alinéa 3 est introduit dans l’article L. 643-9 pour
permettre au tribunal de clore la liquidation judiciaire en dépit d’instances judiciaires en cours dès
lors que la clôture n’apparaît pas pouvoir être prononcée pour extinction du passif. Dans ce cas un
mandataire est désigné pour poursuivre les instances en cours et, le cas échéant, distribuer les
sommes perçues à l’issue de ces procédures.
Afin d’accélérer les procédures de liquidation, le législateur de 2005 a introduit une procédure de
liquidation judiciaire simplifiée pour les petites entreprises qui ne disposent pas de biens
immobiliers.

3 Liquidation judiciaire simplifiée


Elle ne concerne que les petites entreprises. Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2008,
la liquidation judiciaire simplifiée est obligatoire lorsque le nombre des salariés est inférieur à 1 et
le chiffre d’affaires hors taxe est inférieur à 300 000 €. La liquidation judiciaire simplifiée est facul-
tative lorsque le nombre de salariés est supérieur à 1, mais inférieur à 5 dans les six mois précé-
dant l’ouverture de la liquidation judiciaire, et dont le chiffre d’affaires hors taxe est supérieur à
300 000 € mais ne dépasse pas 750 000 €. En outre, ces entreprises ne doivent pas avoir dans
leur actif de biens immobiliers. Le tribunal peut, à tout moment, décider, par un jugement spécia-
lement motivé, de revenir à la liquidation judiciaire de droit commun (art. L. 644-6). La liquidation
judiciaire simplifiée doit être rapide, par conséquent elle doit être close au plus tard un an après la
décision ayant ordonné ou décidée l’application de la procédure simplifiée. Ce délai représente un
véritable défi d’autant plus que la prorogation possible est limitée à trois mois au plus.
La loi PACTE du 22 mai 2019 généralise le caractère obligatoire de la liquidation judiciaire simpli-
fiée en abrogeant l’article L. 641-2-1 du Code de commerce. Ainsi dès lors que l’actif du débiteur
ne comporte pas de bien immobilier et que son chiffre d’affaires et le nombre de ses salariés sont
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142 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

en deçà de seuils fixés par décret (peut être ceux actuellement applicable à la liquidation judiciaire
facultative), la liquidation judiciaire simplifiée est obligatoire. Cette procédure simplifiée obligatoire
connaît une durée variable pour tenir compte de la taille des PME. En application de
l’article L. 644-5 du Code de commerce elle dure 6 mois prorogé éventuellement à un an lorsque
le nombre de salariés et le chiffre d’affaires hors taxe dépassent des seuils fixés par décret.
L’article L. 644-6 est maintenu permettant au tribunal de décider à tout moment, par un jugement
motivé, de ne plus appliquer la liquidation judiciaire simplifiée.
L’objectif est la simplification de la procédure. Les règles applicables sont les mêmes que celles de
la procédure normale sous réserve de plusieurs caractéristiques :
– la première caractéristique vise la simplification de la vente des biens mobiliers.
L’article L. 644-2 favorise la vente de gré à gré pour les biens déterminés par le tribunal. En
présence d’une liquidation judiciaire simplifiée obligatoire, les modalités de vente des biens
mobiliers sont simplifiées. Le liquidateur procède à la vente de ces biens de gré à gré ou aux
enchères publiques dans un délai de trois mois suivant le jugement de liquidation judiciaire. En
présence d’une liquidation judiciaire simplifiée, le tribunal ou son président détermine les biens
mobiliers du débiteur pouvant faire l’objet d’une vente de gré à gré ou aux enchères publiques
dans les quatre mois de la décision d’ouvrir la liquidation judiciaire simplifiée ;
– la deuxième caractéristique est la simplification de la vérification des créances.
L’article L. 644-3 précise que seules les créances susceptibles de venir en rang utile dans les répar-
titions et les créances résultant d’un contrat de travail sont vérifiées. L’ordonnance du 12 mars
2014 poursuit l’œuvre de simplification en modifiant l’article L. 644-1-1, s’il apparaît que les
sommes à répartir ne permettent pas de désintéresser les créanciers élus de l’article L. 641-13 II,
l’état des créances contenant les propositions de répartition est seulement déposé au greffe ;
– la troisième caractéristique concerne la répartition des fonds, la simplification de la procé-
dure se vérifie. Après la procédure de vérification et d’admission des créances et de réalisation
des biens, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2008, le liquidateur fait figurer ses
propositions de répartition sur l’état des créances. L’état est déposé au greffe et fait l’objet
d’une mesure de publicité. Il est donc dressé un document unique comportant l’état des
créances et le projet de répartition. Le but est d’éviter la multiplication des voies de recours. La
répartition est assurée par le liquidateur ;
– la quatrième caractéristique est la rapidité de la liquidation judiciaire simplifiée confirmée
par l’ordonnance du 12 mars 2014. En vertu de l’article L. 644-5 modifié la clôture de la procé-
dure est prononcée dans le délai de six mois après son ouverture, un an lorsque le nombre des
salariés du débiteur ainsi que son chiffre d’affaires hors taxes sont supérieurs à des seuils fixés
par décret.
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Le rétablissement Chapitre
11
professionnel

Cette nouvelle procédure est une innovation de l’ordonnance du 12 mars 2014. Elle intéresse les débiteurs
personnes physiques dont la situation est irrémédiablement compromise qui n’emploient pas de salariés et
dont l’actif est très faible. Ce dernier peut demander de bénéficier du rétablissement professionnel au lieu
d’être soumis à la liquidation judiciaire.
Le rétablissement professionnel n’est pas une procédure collective au sens classique du terme. Il est inspiré du
rétablissement personnel propre au droit de la consommation. C’est une alternative à la liquidation judiciaire
soumise à des conditions dont la vérification détermine la décision du tribunal de faire profiter le débiteur de
l’effacement de ses dettes. Les conditions d’ouverture du rétablissement professionnel sont très strictes et sont
suspensives. Le débiteur bénéficiaire de cette procédure voit ses dettes effacées sans liquidation.

1 Les conditions du rétablissement professionnel


■ Des débiteurs strictement sélectionnés
Le nouvel article L. 645-1 du Code de commerce (mod, L. nº 2019-486, 22 mai 2019) réserve
l’option du rétablissement professionnel au débiteur personne physique contre qui une liquidation
judiciaire est ouverte. Cette option est possible s’il est en cessation des paiements, si son redresse-
ment est manifestement impossible et s’il n’a pas cessé son activité depuis plus d’un an. Il ne doit
pas avoir employé de salariés dans les six mois qui précédent la demande d’ouverture du rétablis-
sement professionnel et ne doit pas être impliqué dans une instance prud’homale. Il ne doit pas
avoir choisi le statut de l’EIRL. Il ne doit pas avoir un actif supérieur à 5 000 € (C. com.,
art. R. 645-1), ce montant risque d’être modifié par le décret d’application à venir à la suite des
modifications introduites par la loi Pacte du 22 mai 2019.
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144 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Pour développer le recours au rétablissement professionnel, l’article 57 de la loi PACTE du 22 mai


2019 modifie les articles L. 626-27 et L. 631-20-1 (ouverture d’un redressement judiciaire après
résolution du plan de sauvegarde, redressement après survenance de la cessation des paiements),
L. 631-7 (demande d’ouverture d’un redressement judiciaire et redressement manifestement
impossible) et L. 641-1 (ouverture d’une liquidation judiciaire) du Code de commerce pour préciser
que « Avant de statuer, le tribunal examine si la situation du débiteur répond aux conditions
posées aux articles L. 645-1 et L. 645-2 et ouvre, le cas échéant, avec son accord, une procédure
de rétablissement professionnel. ». Le rétablissement professionnel reste une procédure volonta-
riste et elle n’est ouverte qu’avec l’accord du débiteur.
Il est donc nécessairement en cessation des paiements et son redressement est impossible. Il ne
doit pas avoir été soumis depuis au moins cinq ans à une liquidation judiciaire clôturée pour insuf-
fisance d’actif ou d’un rétablissement professionnel (art. L. 645-2).

■ Une ouverture sous conditions suspensives


Le tribunal qui ouvre le rétablissement professionnel demandé par le débiteur le fait sous condi-
tions suspensives. Il désigne un juge commis chargé de recueillir tous les renseignements sur la
situation patrimoniale de ce dernier (art. L. 645-4). Le contrôle vise d’abord le montant du passif.
Le juge contrôle que la valeur des actifs est bien inférieure à 5 000 € (sous réserve d’une modifica-
tion à venir de l’article R. 645-1 du Code de commerce). Le juge commis est assisté par un manda-
taire. Cette décision d’ouverture ouvre une période d’enquête qui dure quatre mois.
Pendant ce délai, il est vérifié si le débiteur remplit toujours les conditions d’ouverture ainsi que
des conditions complémentaires contrôlées par le juge commis pendant son enquête : la bonne
foi du débiteur et l’absence de tout élément susceptible de donner lieu aux sanctions de faillite
personnelle, d’interdiction de gérer ou fait apparaître des actes susceptibles de tomber sous le
coup des nullités de la période suspecte (art. L. 645-9). À tout moment de la période d’enquête,
le débiteur peut basculer vers la liquidation judiciaire si une de ces conditions n’est pas vérifiée.
Même après la clôture du rétablissement professionnel, s’il apparaît que le débiteur a obtenu le
bénéfice de cette procédure par une description incomplète de son actif ou de son passif, le
tribunal peut être saisi d’une demande d’ouverture d’une liquidation judiciaire. Il peut fixer dans
son jugement la date de la cessation des paiements à la date d’ouverture du rétablissement
professionnel sans remonter à plus de dix-huit mois au-delà de la date du jugement (art. L. 645-
10). Le rétablissement professionnel est donc remis en cause.
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CHAPITRE 11 – Le rétablissement professionnel 145

2 Les effets du rétablissement professionnel


Il développe des effets originaux qui ne sont pas ceux d’une procédure collective.

■ Une procédure originale


Le rétablissement professionnel n’est pas une procédure collective car il n’en présente pas les
caractères. Le débiteur n’est pas dessaisi (art. L. 645-4). Toutefois, si le débiteur reste inactif,
l’article L. 645-7 prévoit que le mandataire peut faire tous les actes nécessaires à la conservation
des droits du débiteur. Il doit rendre compte au juge commis sans délai de la situation réelle du
débiteur pendant les quatre mois que dure la procédure. Le débiteur quant à lui s’il est poursuivi
par un créancier peut se tourner vers le juge commis pour demander le report du paiement des
sommes qui lui sont réclamées ainsi que la suspension des voies d’exécution engagées contre lui
(art. L. 645-6).
Le rétablissement professionnel n’entraîne ni déclaration des créances (art. L. 645-8), ni arrêt des
poursuites individuelles, ni interdiction des paiements. La détermination de l’actif passe par l’inven-
taire complété par le débiteur, ce dernier doit fournir tous les documents réclamés en redresse-
ment judiciaire (état chiffré des créances et des dettes, individualisation des créanciers). Les créan-
ciers connus sont informés par le mandataire par LRAR (art. R. 645-10). Ils disposent alors de deux
mois pour communiquer le montant de leurs créances au mandataire, mais communiquer n’est
pas déclarer et il n’y a pas de sanction à la clef. L’enjeu n’est pas du côté des créanciers car leurs
créances seront effacées, il est du côté de l’évaluation de la situation du débiteur à travers l’éva-
luation de son passif. Pour les créanciers, l’effacement des créances est à la mesure des montants
déclarés et surtout cette communication les dispenses de déclaration en cas de retour vers une
liquidation judiciaire de leur débiteur après clôture du rétablissement professionnel remis en
cause (art. L. 645-12).

■ Un effacement des dettes sans liquidation


Autre spécificité du rétablissement professionnel, il ne conduit pas à la liquidation mais à l’efface-
ment des dettes du débiteur en espérant lui offrir, en dépit de sa situation irrémédiable, une
chance de rebond.
Le rétablissement professionnel conduit, s’il est maintenu et que la liquidation judiciaire n’est pas
rétablie, à l’effacement mesuré des dettes du débiteur. La mesure est donnée par l’article L. 645-
11 du Code de commerce. Il vise les dettes professionnelles et sans doute aussi les dettes person-
nelles. Seules les créances antérieures à l’ouverture de la procédure et portées à la connaissance
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146 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

du juge commis par le débiteur sont effacées. Ce dernier sera exhaustif parce qu’il y trouve son
intérêt, mais il peut aussi choisir de ne pas signaler certaines dettes... La procédure est pleinement
volontariste, il en demande l’ouverture et il en délimite le périmètre. Des incertitudes subsistent s’il
y a divergence entre les déclarations du débiteur et la communication de ses créanciers. Sont
exclues de l’effacement : les dettes postérieures à l’ouverture du rétablissement professionnel, les
créances omises par le débiteur, les créances alimentaires et les créances des salariés (art. L. 645-
11, mod. L. nº 2016-1547, 18 nov. 2016). Il faut y ajouter, par renvoi aux dispositions applicables
à la liquidation judiciaire, les biens acquis par le débiteur au titre d’une succession ouverte
pendant la procédure de liquidation judiciaire. Les créances effacées sont éteintes, mais pour les
autres créances, les créanciers retrouvent leurs droits tout comme les garants qui ont payé au lieu
et place du débiteur.
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Chapitre
Sanctions civiles 12

Conservant une distinction traditionnelle, le Code de commerce prévoit en fait deux types de sanctions civiles
applicables au chef d’entreprise peu scrupuleux. En effet, à une sanction purement patrimoniale, peuvent
s’ajouter des mesures personnelles.

1 Sanction patrimoniale
Avant la loi de sauvegarde de 2005, il était prévu deux types de sanctions pécuniaires : d’une part,
des hypothèses d’extension obligatoire de la procédure collective de l’entreprise à ses dirigeants
et, d’autre part, des sanctions qui mettaient à la charge des dirigeants fautifs des personnes
morales tout ou partie du passif de l’entreprise défaillante. Il s’agissait ainsi des actions en comble-
ment de passif et en extension du passif. Puis en 2005, le législateur a modifié cet arsenal
répressif. Il a supprimé tous les cas d’extension obligatoire de la procédure à titre de sanction et
a renommé les sanctions restantes. L’action en comblement de passif a été remplacée par
l’action en insuffisance d’actif et l’action en extension a été transformée en obligation aux dettes
sociales. La volonté législative était claire. À l’instar des débiteurs personnes physiques, les diri-
geants devaient donc supporter les conséquences de leurs fautes sur leurs propres biens sans
pouvoir se réfugier derrière l’écran de la personne morale. L’ordonnance de 2008 est venue à
nouveau réformer la matière. L’obligation aux dettes sociales a en effet été supprimée. Seule
l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif est désormais prévue.
L’article L. 651-2 (mod. L. nº 2016-1691, 9 déc. 2016) énonce ainsi que « Lorsque la liquidation
judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas
de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette
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148 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

insuffisance d’actif sera supporté en tout ou partie par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou
par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. Toutefois, en cas de simple négli-
gence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de
l’insuffisance d’actif ne peut être engagée. » Seule sanction patrimoniale, l’action en insuffisance
d’actif a donc connu quelques aménagements de ses conditions d’exercice, de ses modalités
procédurales et de ses effets.

■ Conditions de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif


L’action en insuffisance d’action obéit à des conditions de fond précises et à des modalités procé-
durales qui ont été clarifiées.

a) Conditions de fond
La sanction patrimoniale est cantonnée depuis l’ordonnance de 2008 à une seule hypothèse : la
liquidation judiciaire (art. L. 651-2 nouv.). Elle ne peut plus être engagée à la suite de la résolution
du plan de sauvegarde ou de redressement. Elle concerne indistinctement les dirigeants de
personnes morales de droit privé, qu’il s’agisse de dirigeant de droit (gérant, président du conseil
d’administration...) ou de fait (c’est-à-dire toute personne s’étant immiscée dans la gestion de la
personne morale). En outre, la responsabilité pour insuffisance d’actif s’applique à l’EIRL. Confor-
mément à l’article L. 651-2, « Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à
raison de l’activité d’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine a
été affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout
ou partie de l’insuffisance d’actif. La somme mise à sa charge s’impute sur son patrimoine non
affecté. » Pour le reste, les conditions de mise en œuvre de l’action en responsabilité pour insuffi-
sance d’actif sont comparables à toute action en responsabilité de droit commun. Une faute, un
préjudice et un lien de causalité sont en effet exigés.
1) Faute de gestion
La loi vise expressément une faute de gestion du dirigeant sans pour autant en donner une défini-
tion. Aussi, la jurisprudence retient-elle une interprétation souple de cette notion, relevant du
pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. Toute faute de gestion, constituée par un
acte positif ou passif, sera retenue et ce quel que ce soit son degré de gravité. Ainsi, par
exemple, il pourra s’agir d’une incompétence manifeste, d’une imprudence ou encore d’une viola-
tion des règles légales ou statutaires. Il a aussi été jugé que la faute est constituée lorsque le diri-
geant n’a pas procédé à la déclaration de la cessation des paiements ou encore, se désintéressant
de l’entreprise, a laissé sa gestion à un dirigeant de fait. À l’entrée en vigueur de la loi Sapin II, la
simple négligence ne peut plus être considérée comme une faute ouvrant la responsabilité pour
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CHAPITRE 12 – Sanctions civiles 149

insuffisance d’actif. Cette précision est superfétatoire compte tenu de la jurisprudence, mais
surtout elle introduit une certaine insécurité juridique car il faudra que les juridictions définissent
(en attendant le contrôle de la Cour de cassation) la notion de « simple négligence ».
2) Préjudice
L’insuffisance d’actif constitue le préjudice subi par les créanciers du débiteur. En d’autres termes,
il suppose que l’actif de la personne morale débitrice soit inférieur à son passif, rendant impossible
le paiement des créanciers.
En tout état de cause, l’insuffisance d’actif doit exister au jour de l’ouverture de la liquidation judi-
ciaire. Aussi faut-il admettre que seules les dettes antérieures à la liquidation judiciaire pourront
être prises en compte dans la détermination du passif.
3) Lien de causalité
L’exigence d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice résulte expressément de la loi.
L’article L. 651-2 exige en effet que le dirigeant ait, par sa faute gestion, « contribué à cette insuf-
fisance d’actif [...] ». Le lien de causalité est toutefois ici entendu souplement car il n’est pas néces-
saire que la faute soit la cause exclusive de l’insuffisance d’actif. Il suffit simplement qu’elle soit
l’une de ses causes.
Dans tous les cas, si les trois conditions sont remplies, l’action doit être exercée dans un délai de
trois ans à compter du jugement prononçant la liquidation judiciaire. Enfin, elle a en principe un
caractère exclusif et ne saurait dès lors être cumulée avec une action en responsabilité de droit
commun fondée sur les articles 1240 et 1241 du Code civil sauf si celle-ci vise à sanctionner des
fautes postérieures au jugement d’ouverture ou à réparer un préjudice personnel au créancier
demandeur.
b) Modalités procédurales
L’action en insuffisance d’actif est comme auparavant une action attitrée. Elle peut être exercée
par le liquidateur ou le Ministère public. L’article L. 651-3 prévoit également que le tribunal peut
être saisi par la majorité des créanciers nommés contrôleurs lorsque le liquidateur n’a pas engagé
l’action après une mise en demeure restée sans suite pendant deux mois. La possibilité d’une
saisine d’office par le tribunal a en effet été supprimée par la loi de sauvegarde pour se conformer
aux exigences du procès équitable posées par l’article 6 § 1 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen.
Le tribunal compétent pour prononcer la sanction patrimoniale est le tribunal ayant ouvert ou
prononcé la liquidation judiciaire. Le président de la juridiction saisie peut, d’office ou à la
demande du requérant, charger le juge-commissaire (ou à défaut un membre de la juridiction
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150 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

qu’il désigne) d’obtenir communication de tout document ou information sur la situation patrimo-
niale des dirigeants ou sur les revenus et le patrimoine non affecté de l’entrepreneur individuel à
responsabilité limitée de la part des administrations et organismes publics, des organismes de
prévoyance et de sécurité sociale et des établissements de crédit. Dans les mêmes conditions, le
magistrat peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l’égard des biens des dirigeants ou
des biens de l’EIRL compris dans son patrimoine non affecté. Un rapport est alors établi par le
juge-commissaire désigné qui est déposé au greffe et communiqué au Ministère public et aux diri-
geants ou à l’EIRL. La comparution personnelle du dirigeant ou de l’entrepreneur mis en cause
n’est plus obligatoire depuis 2008. Cette mesure d’instruction peut néanmoins être décidée par
le tribunal en application du Code de procédure civile (art. 184 à 194). Les débats ont en principe
lieu en audience publique. Le juge-commissaire ne peut ni siéger dans la formation de jugement,
ni participer au délibéré. Les dépenses et frais irrépétibles mis à la charge de la personne
condamnée sont payés par priorité sur les sommes versées pour le combler le passif. Enfin, le juge-
ment rendu est susceptible de voies de recours (appel de la part du demandeur, du débiteur si le
jugement et contradictoire, et du Ministère public même s’il n’a pas agi comme partie principale).

■ Effets de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif


Le tribunal dispose de pouvoirs discrétionnaires importants quant au prononcé de la sanction. Non
seulement il a la faculté de prononcer ou non la sanction, mais il peut aussi déterminer l’ampleur
de la condamnation. La juridiction a en effet le pouvoir de décider que le montant de l’insuffi-
sance d’actif sera supporté « en tout ou en partie » par les dirigeants ou par l’EIRL. De la même
manière, elle peut décider de condamner un ou plusieurs dirigeants et le cas échéant, par décision
motivée, solidairement. Toute transaction sur la condamnation est d’ailleurs interdite par la Cour
de cassation. Consacrant la jurisprudence, l’ordonnance de 2008 a toutefois précisé que la
condamnation susceptible d’être prononcée est limitée au montant de l’insuffisance d’actif.
En tout état de cause, l’affectation des sommes recouvrées auprès des dirigeants ou de l’EIRL est
prévue par la loi. Elles entrent « dans le patrimoine du débiteur. En cas de cession ou de liquida-
tion, ces sommes sont réparties entre tous les créanciers au marc-le-franc ». Les dirigeants ou
l’EIRL ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement
desquelles ils ont été condamnés.
À défaut d’exécuter leur condamnation, les dirigeants ou l’EIRL s’exposent alors à des sanctions.
Une seule sanction civile, laissée à l’appréciation du tribunal, est désormais envisageable : la faillite
personnelle ou l’interdiction de gérer ; la loi de sauvegarde ayant supprimé la possibilité d’ouvrir
une procédure collective à titre personnel à l’encontre du dirigeant défaillant. En outre, la sanction
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CHAPITRE 12 – Sanctions civiles 151

pénale de banqueroute pourrait également frapper les personnes condamnées qui ont voulu
échapper aux conséquences de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

2 Sanctions personnelles
Le législateur a prévu deux sanctions personnelles et professionnelles pour moraliser et assainir le
monde des affaires : la faillite personnelle et l’interdiction de gérer. À la dualité des sanctions
répond toutefois un régime juridique commun.

■ Dualité des sanctions


Les conditions et les effets de chacune des sanctions personnelles diffèrent.

a) Faillite personnelle
La faillite personnelle est une disposition classique du droit des entreprises en difficulté qui a pour
objectif affiché de sanctionner un débiteur malhonnête. Conçue comme une mesure d’intérêt
public selon la Cour de cassation, cette sanction est très réglementée (art. L. 653-1).
1) Cas de faillite personnelle
La loi prévoit ainsi plusieurs hypothèses de faillite personnelle :
– tout d’abord, deux cas visent les débiteurs personnes physiques (commerçant, artisan, agri-
culteur ou encore toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y
compris une profession libérale sauf lorsqu’elle est soumise à des règles disciplinaires) : il s’agit,
d’une part, du fait pour le débiteur « d’avoir poursuivi abusivement, une exploitation déficitaire
qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements » et d’autre part, du fait d’avoir
« détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif »
(art. L. 653-3). Une distinction est toutefois ici faite entre les professionnels libéraux. Ceux qui
relèvent d’un ordre professionnel (médecins, avocats, notaires...) échappent à la faillite
personnelle ;
– en outre, deux cas visent l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée. Il s’agit :
• en premier lieu, sous le couvert de l’activité visée par la procédure masquant ses agissements
avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité,
• et en second lieu, d’avoir fait des biens ou du crédit de l’entreprise visée par la procédure un
usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une personne
morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.
Le fait d’avoir disposé des biens du patrimoine visé par la procédure comme s’ils étaient
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152 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

compris dans un autre de ses patrimoines ne constitue plus un cas de faillite personnelle (art.
L. 653-3, II mod. L. 22 mai 2019).
Les deux hypothèses s’ajoutent aux cas précédents applicables aux entrepreneurs individuels
et à ceux communs à toutes personnes physiques ;
– ensuite, d’autres cas sont propres aux dirigeants de fait ou de droit d’une personne
morale débitrice (art. L. 653-4). La faillite personnelle peut en effet être prononcée lorsque le
dirigeant :
• a disposé des biens de la personne morale comme des siens propres,
• a fait sous couvert de la personne morale des actes de commerce dans un intérêt personnel,
• a fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à
des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle
il était intéressé directement ou indirectement,
• a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait
conduire qu’à la cessation des paiements,
• a détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la
personne morale ;
– en outre, l’action peut être également exercée pour sanctionner un dirigeant ou un entrepre-
neur individuel à responsabilité limitée qui n’a pas acquitté les dettes mises à sa charge au titre
de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif (art. L. 653-6) ;
– enfin, les sept derniers cas de faillite personnelle visent indistinctement les débiteurs
personnes physiques et les dirigeants de personne morale débitrice.
Sera ainsi puni le fait :
– d’avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction,
d’administration d’une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;
– d’avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement
judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours
ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
– d’avoir souscrit, pour le compte d’autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop impor-
tants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l’entreprise ou de la personne
morale ;
– d’avoir payé ou fait payer, après la cessation des paiements et en connaissance de cause de
celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
– d’avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait
obstacle à son bon déroulement ;
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CHAPITRE 12 – Sanctions civiles 153

– d’avoir fait disparaître des documents comptables, n’avoir pas tenu de comptabilité lorsque les
textes applicables en font l’obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement
incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;
– d’avoir déclaré sciemment, au nom d’un créancier, une créance supposée ; cette dernière hypo-
thèse a été introduite par l’ordonnance de 2014.
2) Effets de la faillite personnelle
Quelle que soit l’hypothèse, une fois prononcée, la faillite personnelle « emporte interdiction de
diriger, de gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise
commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute activité
indépendante et toute personne morale ». Cette sanction personnelle a donc un effet immédiat
particulièrement énergique. « Le failli » ne peut plus diriger une entreprise, quelle que soit sa
nature, ni directement ni indirectement. Le dirigeant social sera aussi privé du droit de vote dans
la personne morale débitrice ; celui-ci sera exercé par un mandataire désigné par le tribunal. Le
tribunal peut même prononcer son exclusion de la société en lui enjoignant de céder ses titres
d’associés, et au besoin, en ordonnant leur cession forcée (art. L. 653-9).
À cette interdiction de gérer s’attachaient traditionnellement et automatiquement des déchéances
et interdictions comme l’interdiction d’exercer une fonction publique élective, l’interdiction
d’exercer un office ministériel ou une fonction publique ou encore la radiation de toutes les listes
électorales. La loi de sauvegarde les a supprimées. Désormais, le tribunal a seulement la faculté de
prononcer à titre accessoire une incapacité d’exercer une fonction publique élective pour une
durée de cinq ans.
La faillite personnelle peut également avoir des conséquences plus patrimoniales puisqu’elle va
permettre aux créanciers, lors de la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif, de retrouver
leur droit de poursuite individuelle à l’encontre du débiteur (art. L. 643-11).

b) Interdiction de gérer
1) Cas d’interdiction de gérer
Conformément à l’article L. 653-8, al. 1 du Code de commerce, le tribunal peut prononcer aux
lieux et place de la faillite personnelle une simple interdiction de gérer dans tous les cas de
prononcé de celle-ci (art. L. 653-3 à L. 653-6). En outre, cette sanction est également encourue à
l’encontre du débiteur personne physique ou du dirigeant de la personne morale débitrice qui, de
mauvaise foi, « n’aura pas remis au mandataire judiciaire, à l’administrateur ou au liquidateur les
renseignements qu’il est tenu de lui communiquer en application de l’article L. 622-6 dans le mois
suivant le jugement d’ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à son obligation d’information
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154 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

prévue par le second alinéa de l’article L. 622-22 ». Une telle disposition sanctionne en fait l’obliga-
tion faite au débiteur de déclarer ses dettes. Elle est toutefois subordonnée à la mauvaise foi de
celui-ci et pourrait être utilisée à la place d’un cas de faillite personnelle : à savoir le manquement
du débiteur à l’obligation de collaborer avec les organes de la procédure.
En outre, depuis la loi de sauvegarde, l’interdiction de gérer est la seule sanction de l’omission de
déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours remplaçant ainsi la faillite
personnelle. L’article L. 653-8 in fine dispose désormais que l’interdiction « peut également être
prononcée à l’encontre de toute personne [...] qui a omis sciemment de demander l’ouverture
d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours
à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une
procédure de conciliation. »
Enfin, l’ordonnance du 12 mars 2014 a créé un dernier cas d’interdiction. La sanction est encourue
en cas de violation délibérée par le débiteur de l’obligation qui pèse sur lui d’informer un créancier
poursuivant de l’ouverture d’une procédure collective dans les 10 jours de celle-ci.
2) Effets de l’interdiction de gérer
Constituant un diminutif de la faillite personnelle, l’interdiction de gérer emporte donc « interdic-
tion de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, soit toute entreprise
commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ». De même, elle
entraîne la suppression du droit de vote du dirigeant de la personne. Elle présente toutefois diffé-
rentes particularités :
– cette sanction ne vise pas les entreprises ayant une activité indépendante ;
– elle est modulable. Le tribunal peut en effet la limiter à certaines catégories d’entreprises ou de
sociétés ;
– elle ne peut être assortie d’une incapacité élective ;
– elle n’entraîne pas la reprise des poursuites individuelles des créanciers à l’égard du débiteur
personne physique ;
– enfin, elle emporte interdiction d’exercer une activité d’auto-entrepreneur.

■ Unicité de régime
Au-delà de leur spécificité, la faillite personnelle et l’interdiction de gérer obéissent à des règles
communes relatives à leur prononcé et à leur durée.
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CHAPITRE 12 – Sanctions civiles 155

a) Prononcé des sanctions personnelles


Au préalable, un principe a été posé par le législateur. La faillite personnelle et l’interdiction de
gérer ne sauraient être prononcées pendant une procédure de sauvegarde. Une immunité est
ainsi accordée au débiteur qui est venu se placer, par anticipation, sous la protection de la
justice. Leur prononcé ne peut donc intervenir que lorsqu’une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaires est ouverte à l’encontre de tous les débiteurs personnes physiques et les diri-
geants de droit ou de fait de la personne morale débitrice, à l’exclusion des personnes physiques
ou dirigeants de personnes morales exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce
titre, soumises à des règles disciplinaires spécifiques. Il peut être demandé par le Ministère public,
le mandataire judiciaire ou le liquidateur ainsi que par la majorité des créanciers contrôleurs en cas
de carence caractérisée des organes de la procédure. Toute saisine d’office du tribunal a été
supprimée pour satisfaire aux exigences du procès équitable. L’action est enfermée dans un délai
de prescription de trois ans à compter du jugement d’ouverture du redressement ou de la liquida-
tion judiciaire.
Après avoir été convoqué devant le tribunal de la procédure, le débiteur ou le dirigeant est
entendu en chambre du conseil. Le juge-commissaire présente alors un rapport au tribunal qui
statue en audience publique. Toutefois, la loi interdit au magistrat de siéger dans la formation de
jugement et de participer au délibéré. En tout état de cause, le prononcé des sanctions person-
nelles est toujours facultatif. Le jugement de condamnation peut faire l’objet de voies de recours
ordinaires et est mentionné au registre du commerce des sociétés ou au répertoire des métiers. Il
est adressé par le greffier aux personnes concernées (administrateur, mandataire judiciaire, procu-
reur de la république) et signifié aux personnes sanctionnées. Enfin, la sanction est inscrite au
casier judiciaire.

b) Durée des sanctions


Contrairement au droit antérieur, la sanction personnelle n’est plus perpétuelle. Sa durée est
désormais limitée dans le temps. Elle ne peut excéder quinze ans. En revanche, aucun délai
minimum n’est fixé par la loi, laissant ainsi au juge tout pouvoir d’appréciation.
La sanction cesse de plein droit à la survenance du terme. Toutefois, la loi prévoit trois possibilités
de relèvement :
– tout d’abord, le rétablissement du débiteur ou du dirigeant intervient automatiquement si la
procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est clôturée pour extinction du passif.
Le jugement de clôture le relève de toutes les déchéances, interdictions et incapacités d’exercer
une fonction publique élective ;
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156 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

– ensuite, le tribunal peut relever l’intéressé en tout ou en partie de la mesure prononcée s’il a
apporté une contribution suffisante au paiement du passif (art. L. 653-11, al. 3) ;
– enfin, une dernière hypothèse résulte de la loi de sauvegarde. Le condamné peut être relevé de
l’interdiction de gérer, et non de la faillite personnelle, s’il parvient à prouver ses capacités à
diriger une entreprise, notamment après le suivi d’une formation professionnelle (art. L. 653-11,
al. 4).
Dans tous les cas, lorsqu’il y a relèvement total des déchéances, interdictions et de l’incapacité, la
décision du tribunal emporte réhabilitation.
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Chapitre
Sanctions pénales 13

Le droit des entreprises en difficulté a toujours contenu un arsenal pénal et répressif. La loi de sauvegarde n’a
pas failli à la tradition. Elle opère ainsi une distinction entre le délit de banqueroute et les « autres infrac-
tions » destinées à sanctionner le non-respect des règles de gestion des actifs ou de protection des créanciers.

1 Banqueroute
Passible de peines correctionnelles, la banqueroute suppose certains éléments constitutifs.

■ Éléments constitutifs
La constitution de l’infraction suppose le respect de deux conditions préalables :
– d’une part, ne peuvent être poursuivies du chef de banqueroute que les personnes visées par
l’article L. 654-1, à savoir : « toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale,
tout agriculteur et toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante,
y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre
est protégé, toute personne qui, a directement ou indirectement, en droit ou en fait, dirigé ou
liquidé une personne morale de droit privé, toutes personnes physiques représentants perma-
nents de personnes morales dirigeantes ». Est donc logiquement visé l’EIRL. À cette liste
doivent être ajoutées les personnes morales dont la responsabilité pénale est également
encourue (art. L. 654-7-I) ;
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158 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

– d’autre part, les poursuites ne peuvent être exercées que lorsqu’une procédure de redresse-
ment ou de liquidation judiciaires a été ouverte. Une fois encore, l’ouverture d’une procé-
dure de sauvegarde confère au débiteur une immunité.
Au-delà de ces exigences préalables, la loi incrimine cinq cas de banqueroute, c’est-à-dire le fait :
– d’avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement
judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit fait des achats en vue d’une revente au-dessous du
cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
– d’avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur ;
– d’avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;
– d’avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l’entre-
prise ou de la personne morale ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité, lorsque les textes
applicables en font l’obligation ;
– d’avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des disposi-
tions légales.
Certains de ces cas constituent d’ailleurs également des cas de faillite personnelle.

■ Peines encourues
Aux termes de l’article L. 654-3 du Code de commerce, la banqueroute est punie de cinq ans
d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 €. Les complices (banquiers, experts-compta-
bles ou commissaires aux comptes notamment) encourent les mêmes peines. Toutefois, les
peines sont aggravées lorsque l’auteur ou le complice de la banqueroute est un dirigeant d’une
entreprise prestataire de services d’investissement, elles sont portées à sept ans d’emprisonnement
et 100 000 € d’amende.
De même, si l’auteur est une personne morale, la peine est par principe une amende de
375 000 € (525 000 € pour les sociétés de bourse).
À titre de peine complémentaire, le tribunal correctionnel peut prononcer différentes mesures
comme l’interdiction des droits civiques, civils et de famille, l’interdiction, pour une durée de cinq
ans, d’une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à
l’occasion de laquelle l’infraction a été commise, l’exclusion des marchés publics (pour une durée
de cinq ans au plus) ou l’interdiction d’émettre des chèques. En outre, la faillite personnelle et
l’interdiction de gérer peuvent également être prononcées, sauf si une juridiction civile ou
commerciale a déjà prononcé la même sanction par une décision devenue définitive.
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CHAPITRE 13 – Sanctions pénales 159

2 Autres infractions
Deux catégories d’infractions sont prévues par la loi. Certaines sont commises par le débiteur ou
les dirigeants de la personne morale débitrice alors que d’autres sont commises par des tiers.

■ Infractions commises par le débiteur ou les dirigeants


Trois types de comportements sont répréhensibles :
– en premier lieu, l’article L. 654-8 du Code de commerce sanctionne le non-respect des règles
de gestion. Ainsi est puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 € le
débiteur personne physique, le dirigeant de droit ou de fait de la personne morale ou le repré-
sentant permanent de la personne morale pour le fait :
• de consentir pendant la période d’observation une hypothèque ou un nantissement ou de
faire un acte de disposition sans l’autorisation du juge-commissaire ou de payer, en tout ou
partie une dette en violation de l’interdiction mentionnée à l’article L. 622-7, al. 1,
• d’effectuer un paiement en violation des modalités de règlement du passif prévues au plan de
sauvegarde ou au plan de redressement ou de faire procéder à un acte de disposition sans
l’autorisation du tribunal sur les biens indispensables à la continuation de l’entreprise,
• ou de procéder à la cession d’un bien rendu inaliénable, dans le cadre d’un plan de cession ;
– en deuxième lieu, l’article L. 654-14 punit des peines de la banqueroute l’appauvrissement
volontaire de l’entreprise par les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale débi-
trice ou par ses représentants permanents. Est ici sanctionné plus précisément le fait pour les
intéressés d’avoir de mauvaise foi détourné ou dissimulé, tenté de détourner ou de dissimuler,
tout ou partie de leurs biens, ou de s’être frauduleusement reconnus débiteurs de sommes
qu’ils ne devaient pas.
L’intention des dirigeants doit être ici de soustraire tout ou partie de leur patrimoine aux pour-
suites de la personne morale qui a fait l’objet d’un jugement d’ouverture de sauvegarde, de
redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou à celles de ses associés ou de ses créan-
ciers.
Est également puni des peines de banqueroute, le fait, pour l’entrepreneur individuel à respon-
sabilité limitée qui a fait l’objet d’un jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de
redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire à raison d’une activité à laquelle un patri-
moine est affecté, de mauvaise foi, en vue de se soustraire au paiement d’une condamnation
susceptible d’être prononcée ou déjà prononcée pour insuffisance d’actif, de détourner ou de
dissimuler, ou de tenter de détourner ou de dissimuler, tout ou partie des biens de son
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160 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

patrimoine non affecté, ou de se faire frauduleusement reconnaître sur ce dernier débiteur de


sommes qu’il ne devait pas ;
– enfin, est punissable de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 375 000 € le fait pour
toute personne d’exercer une activité professionnelle ou des fonctions au mépris d’une
mesure de faillite personnelle ou d’une interdiction de gérer (art. L. 654-15).
Dans tous les cas, les règles procédurales sont identiques. La juridiction répressive est saisie, soit
sur la poursuite du Ministère public, soit par constitution de partie civile de l’administrateur, du
mandataire judiciaire, du représentant des salariés, du commissaire à l’exécution du plan, du liqui-
dateur ou de la majorité des contrôleurs en cas de carence des mandataires de justice. Un créan-
cier ne peut donc agir seul, sauf à démontrer l’existence d’un préjudice distinct causé par l’infrac-
tion. Toutes les infractions visées constituent des délits qui se prescrivent par six ans. Le délai de
prescription de l’action publique ne court qu’à compter de la date du jugement ouvrant la procé-
dure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire lorsque les faits incri-
minés sont apparus avant cette date (art. L. 654-16). En revanche, si les faits sont postérieurs à
cette date, la prescription court à compter de la date de commission de l’acte (CPP, art. 8).
Toutes ces règles ont d’ailleurs vocation à s’appliquer également aux infractions commises par les
tiers.

■ Infractions commises par les tiers


Sont visés en qualité de tiers à la fois les mandataires de justice, les créanciers ou les cocontrac-
tants de l’entreprise et enfin les proches du débiteur.
a) Infractions commises par les mandataires de justice
L’article L. 654-12-I punit des peines de l’abus de confiance aggravé (7 ans d’emprisonnement et
750 000 € d’amende) le fait pour tout administrateur, mandataire judiciaire, liquidateur ou
commissaire à l’exécution du plan :
– « De porter volontairement atteinte aux intérêts des créanciers ou du débiteur soit en utilisant à
son profit des sommes perçues dans l’accomplissement de sa mission, soit en se faisant attribuer
des avantages qu’il savait ne pas être dû ;
– De faire, dans son intérêt, des pouvoirs dont il disposait, un usage qu’il savait contraire aux inté-
rêts des créanciers ou du débiteur. »
Des peines identiques sont encourues pour tout mandataire de justice et par toute personne ayant
participé à un titre quelconque à la procédure (collaborateurs des mandataires de justice, avocats,
juge-commissaire, contrôleurs par exemple) à l’exclusion du représentant des salariés, lorsqu’ils se
sont rendus acquéreurs, pour leur compte, directement ou indirectement, de biens du débiteur ou
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CHAPITRE 13 – Sanctions pénales 161

les ont utilisés à leur profit (art. L. 654-12-II). En cas d’acquisition des biens du débiteur, la nullité
de l’acte et l’octroi de dommages et intérêts le cas échéant viennent s’ajouter à la sanction
pénale.

b) Infractions commises par les créanciers ou cocontractants du débiteur


L’article L. 654-8, 3º sanctionne d’une peine d’emprisonnement de deux ans et de 30 000 €
d’amende le fait pour toute personne, pendant la période d’observation ou celle de l’exécution
du plan de sauvegarde ou du plan de redressement, en connaissance de la situation du débiteur,
de passer avec celui-ci un des actes mentionnés au 1º et 2º ou d’en recevoir un paiement irrégu-
lier. Ainsi, sont visés :
– la constitution d’une hypothèque ou d’un nantissement sur un bien du débiteur ou la participa-
tion à un acte de disposition sur un tel bien sans l’autorisation du juge-commissaire ;
– le paiement effectué en cours d’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement en
violation des modalités de règlement du passif prévues dans le plan ;
– la conclusion d’un contrat emportant cession d’un bien du débiteur rendu inaliénable dans le
plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;
– et enfin expressément le paiement irrégulier, c’est-à-dire le paiement d’une créance antérieure
au jugement d’ouverture ou postérieure non éligible au traitement préférentiel autres qu’ali-
mentaires ou nécessaires aux besoins de la vie courante.
De même, la loi punit également des peines de l’abus de confiance (trois ans d’emprisonnement
et 375 000 €) le fait pour un créancier de passer, après le jugement d’ouverture de sauvegarde,
de redressement ou de liquidation judiciaires, une convention présentant un avantage particulier
à la charge du débiteur. Outre la sanction pénale, le tribunal prononce la nullité d’une telle
convention.
Enfin, est puni des peines de la banqueroute, le fait pour toute personne, de déclarer frauduleuse-
ment dans la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit
en son nom, soit par interposition de personnes, des créances supposées.

c) Infractions commises par les proches du débiteur


L’article L. 654-10 du Code de commerce punit des peines applicables à l’abus de biens sociaux
(3 ans de prison et 375 000 € d’amende) le conjoint, les descendants ou ascendants ainsi que les
collatéraux ou alliés du débiteur ou du dirigeant en cas de détournement, de divertissement ou
de recel des actifs dépendant de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation
judiciaire.
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162 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

De la même façon, peuvent être également commises par des proches deux autres infractions
visées respectivement par l’article L. 654-9, 1º et 2º. En effet, aux termes de ces dispositions sont
punissables des peines de la banqueroute les personnes qui :
– dans l’intérêt du débiteur, ont soustrait, recelé ou dissimulé tout ou partie des biens, meubles
ou immeubles de celui-ci ; ces biens étant, si la personne est un entrepreneur individuel à
responsabilité limitée, ceux du patrimoine visé par la procédure ;
– dans les procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ont déclaré
frauduleusement, soit en leur nom, soit par interposition de personnes, des créances supposées.
En tout état de cause, le tribunal statue d’office sur la réintégration dans le patrimoine du débiteur
de tous les biens, droits ou actions, qui ont été frauduleusement soustraits et sur les dommages et
intérêts qui seraient demandés.

Sanctions encourues par le débiteur

Sanctions civiles Sanctions pénales


Sanction patrimoniale : responsabilité pour Banqueroute (art. L. 654-3)
insuffisance d’actif (art. L. 651-2) Peines encourues : 5 ans d’emprisonnement et de
75 000 € d’amende
Non-respect des règles de gestion (art. L. 654-8)
Peines encourues : 2 ans d’emprisonnement et
30 000 € d’amende
Sanctions personnelles : Appauvrissement volontaire de l‘entreprise (art.
- Faillite personnelle (art. L. 653-3 à L. 653-6) L. 654-14)
- Interdiction de gérer (art. L. 653-8) Peines encourues : 5 ans d’emprisonnement et
Durée des sanctions : 15 ans maximum 75 000 € d’amende
Exercice d’une activité professionnelle ou de
fonctions au mépris d’une mesure de faillite
personnelle ou d’une interdiction de gérer (art.
L. 654-15)
Peines encourues : 2 ans d’emprisonnement et
375 000 € d’amende
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BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages généraux
– ANTONINI-COCHIN (L.) et HENRY (L.-C.), Droit des entreprises en difficulté, 2019, Gualino-
Lextenso, Mémentos.
– COQUELET (M.-L.), Entreprises en difficulté, Instruments de paiement et de crédit, 6e éd.,
2017, Dalloz, HyperCours.
– JACQUEMONT (A.), MASTRULLO (T.), VABRES (V.), Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., 2017,
Litec LexisNexis, Manuels.
– LE CORRE (P.-M.), Droit et pratique des procédures collectives, 10e éd., 2019-2020, Dalloz,
Dalloz Action.
– PEROCHON (F.), Entreprises en difficulté, 10e éd., 2014, LGDJ-Lextenso, Manuels.
– PETEL (Ph.), Procédures collectives, 9e éd., 2017, Dalloz, Cours.
– ROUSSEL-GALLE (Ph.), Réforme du droit des entreprises en difficulté, de la théorie à la pratique,
préface de D. Tricot, 2e éd., oct 2007, Litec professionnels ; Entreprises en difficultés, 2012,
Lexisnexis, Droit 360.
– SAINT-ALARY-HOUIN (C.), Droit des entreprises en difficulté, 11e éd., 2018, LGDJ-Lextenso,
Domat droit privé.
– VIDAL (D.) et GIORGINI (G. C.), Cours de droit des entreprises en difficulté, 2e éd., 2016-2017,
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164 L’ESSENTIEL DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

Revues
– Bulletin Joly entreprise en difficulté
– Gazette du palais spécialisée, droit des entreprises en difficulté
– Revue des procédures collectives

Codes
– Codes de commerce, Dalloz et LexisNexis 2019.
– Code des procédures collectives, Dalloz 2019 commenté par A. Lienhard et P. Pisoni.
– Code des entreprises en difficulté, LexisNexis 2019, commenté sous la direction
de C. Saint-Alary-Houin.

Nétographie
– www.legifrance.gouv.fr
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Droit
synthèse rigoureuse, pratique et à jour de l’ensemble des connaissances
que le lecteur doit avoir sur cette matière. 13 Chapitres. Tout y est  ! .........
Réviser et faire Laetitia Antonini-Cochin

L’essentiel
un point actualisé

des entreprises en difficulté


Laurence Caroline Henry

Auteurs Sommaire
Laetitia Antonini-Cochin est Maître de conférences
HDR à l’Université Côte D’Azur, Directrice adjointe du
T raitement non judiciaire
des entreprises en difficulté
du
Droit
CERDP, Directrice du Master 2 Droit des responsabi- - Information économique
lités et co-Directrice de l’IEJ de Nice. - T echniques d’alerte interne
Laurence Caroline Henry est Avocat général en et externe à l’entreprise
service extraordinaire à la Cour de cassation et - Mandat ad hoc

L’essentiel du Droit
Professeur agrégé. - Procédure de conciliation

des entreprises
Traitement judiciaire
des entreprises en difficulté

Public
-O  uverture et déroulement
de la procédure de sauvegarde
-  Étudiants en Licence et Master Droit -S  auvegarde accélérée et SFA

en difficulté
-R  edressement judiciaire
-  Étudiants au CRFPA et candidats à l’ENM
- L iquidation judiciaire
-  Étudiants et praticiens de l’expertise
-R  établissement professionnel
comptable
-S  anctions civiles
-  Praticiens des professions juridiques -S  anctions pénales

L. Antonini-Cochin
et judiciaires

2019 2020

L. C. Henry
Prix : 15,50 e
ISBN 978-2-297-07454-4
www.gualino.fr

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