Vous êtes sur la page 1sur 242

MASTER

Droit de l’assurance construction


MASTER

C. PONCE
Les responsabilités des constructeurs • L’assurance
Dommages ouvrage • L’assurance du risque « décennal » •
Les assurances facultatives
Christophe PONCE L’assurance construction est une des matières à 3e
Droit
de l’ assurance
maîtriser pour qui souhaite comprendre le déroulé
d’une opération de construction.
À côté du droit de l’urbanisme ou du droit de la

Droit de l’assurance construction


promotion immobilière, les opérateurs doivent
appréhender le droit de la construction, c’est-à-dire
le droit de la réalisation matérielle de l’ouvrage.

construction
est avocat, spécialisé
en droit immobilier, Le complément indissociable du droit de
docteur en droit privé.
Il enseigne le droit
la construction est le droit de l’assurance
de la construction construction. Cette branche du droit des assurances
et de l’assurance vise à sécuriser l’acte de construire grâce à divers
construction aux mécanismes d’assurance obligatoire, au travers
facultés de droit de de la garantie dite « Dommages ouvrage » et de
Toulon et
d’Aix en Provence.
la garantie de la responsabilité décennale des
constructeurs mais aussi de nombreuses garanties
facultatives.
L’opérateur se doit de connaître ces garanties, ce
qui lui permettra de définir ses besoins d’assurance
et d’éviter les pièges nombreux de cette matière 3e édition
en constante évolution. De même, le praticien ou • Les responsabilités des constructeurs
l’étudiant souhaitent un exposé clair et simple de
cette matière complexe. • L’assurance Dommages ouvrage
Dans sa troisième édition, cet ouvrage mis à jour
• L’assurance du risque « décennal »
répond à ces demandes ; il propose aussi à son • Les assurances facultatives
lecteur les références jurisprudentielles principales
pour acquérir une approche concrète et pratique
des sujets traités. Il fournit également les textes
légaux et règlementaires propres à l’assurance
CHRISTOPHE PONCE
construction.

Prix : 24 €
ISBN 978-2-297-03244-5
Christophe ponCe
est avocat, spécialisé en droit immobilier,
docteur en droit privé. Il enseigne le droit de la construction
et de l’assurance construction aux facultés de droit
de Toulon et d’Aix en Provence.
Droit
de l’assurance
construction
3e édition

CHRISTOPHE PONCE
MASTER
La collection de référence pour :
• les étudiants des masters de Droit, d’Économie
et de Gestion ;
• les étudiants des filières professionnelles de la
discipline traitée par chaque livre et les candidats
aux examens professionnels correspondants ;
• les professionnels en activité de ces disciplines.

Retrouvez l’actualité
Gualino éditeur
sur Facebook

© Gualino éditeur, Lextenso éditions, 2013


33, rue du Mail 75081 Paris cedex 02
ISBN 978 - 2 - 297 - 03244 - 5
Présentation

L e présent ouvrage s’adresse, dans une démarche de découverte, aux


étudiants, notamment en licence professionnelle, mais aussi en master.
Ils y trouveront les données essentielles nécessaires pour comprendre aisé-
ment puis mettre en œuvre les règles parfois complexes du droit de la
construction et de l’assurance construction, exposées de manière claire
et synthétique.
Ces règles seront d’autant plus accessibles au lecteur que les textes de réfé-
rence en matière de droit des assurances, auxquels il est fait appel dans les
développements à suivre, figurent en fin d’ouvrage.
Bien entendu, pour les étudiants, cet ouvrage, fournissant les « pré-requis »
pour l’étude de la matière, ne saura remplacer la présence aux enseignements
et travaux dirigés ni les ouvrages plus spécialisés dont ils auront besoin pour
aborder la jurisprudence en vigueur ou comprendre les articles de doctrine :
l’intention de l’auteur est seulement de faciliter cette démarche d’approfon-
dissement grâce à la maîtrise des données fondamentales exposées ci-après.
Dans ce but, quelques éléments de bibliographie sont disponibles en fin de
chapitre puis en fin d’ouvrage.
On le voit, le présent ouvrage traite à la fois de la responsabilité des cons-
tructeurs et de l’assurance construction. En effet, dans la pratique, ces deux
aspects du droit sont inséparables l’un de l’autre car ils se complètent mutuel-
lement. Bien que l’assurance construction moderne comporte une couverture
en assurance de chose, il est indispensable de connaître les règles applicables
aux responsabilités des constructeurs et notamment de la responsabilité civile
décennale qui sert de base à la définition de la couverture en assurance de
chose. De la même manière, une fois que l’on aura défini les responsabilités
encourues par les intervenants à l’acte de construire ou la qualification juri-
dique des dommages, il sera utile de s’intéresser au financement des reprises
qu’ils nécessitent, grâce à l’examen des polices d’assurance tant avant
qu’après réception, tant en assurance obligatoire qu’en assurance facultative.
On abordera donc dans une première partie le droit de la responsabilité des
constructeurs avant d’envisager au sein d’une seconde partie l’assurance qui
lui est associée.
Cette nouvelle édition de l’ouvrage a pour but d’actualiser les données fournies
au lecteur dans une matière particulièrement évolutive. Cette démarche d’actua-
lisation a été l’occasion de compléter l’apport d’informations et principalement
en matière de références jurisprudentielles, les arrêts les plus importants étant
désormais signalés au lecteur qui pourra donc aisément les consulter.
Sommaire

Présentation ..................................................................................................................... 5
Chapitre 1 Le cadre général du chantier ........................................... 11
§1. Les acteurs en présence .................................................................................... 12
§2. La chronologie du chantier .............................................................................. 19
§3. Une dualité de réglementation ........................................................................ 21

Partie 1
La responsabilité des constructeurs

Chapitre 1 Le temps du chantier ........................................................... 27


§1. Le support juridique des travaux : le contrat de louage d’ouvrage .......... 28
§2. Les obligations des parties ............................................................................... 34
Chapitre 2 L’issue du chantier et la réception des travaux ..... 45
§1. La définition de la réception ............................................................................ 49
§2. Les effets de la réception ................................................................................. 59
Chapitre 3 Les garanties de parachèvement ................................... 63
§1. La garantie de parfait achèvement ................................................................. 64
§2. La garantie de conformité aux normes phoniques ...................................... 73
Chapitre 4 La responsabilité civile décennale ................................ 75
§1. Les caractéristiques juridiques de la responsabilité décennale .................. 77
§2. Les critères techniques ...................................................................................... 86
§3. Les caractéristiques de la réparation décennale ........................................... 90
§4. Le délai décennal ............................................................................................... 91
Chapitre 5 Une garantie résiduelle : la garantie de bon
fonctionnement ....................................................................... 97
§1. La garantie de bon fonctionnement dans la loi du 4 janvier 1978 .......... 98
§2. Les inflexions récentes ...................................................................................... 100
Chapitre 6 Responsabilité de droit commun après réception 103
§1. Les responsabilités de droit commun des locateurs d’ouvrage ................. 104
8 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

§2. Les responsabilités de droit commun du sous-traitant ............................... 111


§3. La responsabilité de droit commun du fabricant ......................................... 114

Partie 2
L’assurance du risque construction

Chapitre 1 Les caractères généraux de l’assurance


obligatoire ................................................................................. 123
§1. Le caractère obligatoire de l’assurance .......................................................... 124
§2. Le champ d’application de l’assurance obligatoire ...................................... 136
Chapitre 2 Les polices d’assurance obligatoires ............................ 147
§1. La garantie « Dommages ouvrage » ............................................................... 148
§2. L’assurance de responsabilité civile décennale ............................................. 170
Chapitre 3 Les garanties facultatives complémentaires ............ 189
§1. Le panorama des garanties facultatives ........................................................ 191
§2. Évocation du régime des garanties facultatives ........................................... 194

Bibliographie .................................................................................................................... 203


Annexes ........................................................................................................................... 205
Index ................................................................................................................................. 231
Table des matières ......................................................................................................... 235
Liste des principales abréviations

AFNOR Association française de normalisation


AJDI Actualité juridique de droit immobilier
Ann. Loyers 2008, p. 15 Annales des loyers
Argus, 23 juillet 2007, 3 L’argus de l’assurance
A. min. Arrêté ministériel
BCT Bureau central de tarification
Bull. civ., Ass. plén. no 53 Bulletin des arrêts de la Cour de cassation
assemblée plénière
Bull. civ. III, no 25 Bulletin des arrêts de la 3e chambre civile
C. civ., art. 1792 Code civil, article 1792
CCH, art. L. 261-1 Article L. 261-1 du Code de la construction
et de l’habitation
C. assur., art. L. 241-1 Article L. 241-1 du Code des assurances
C. urb., art. R. 460-1 Article R. 460-1 du Code de l’urbanisme
Constr.-Urb. Construction Urbanisme
CPC Code de procédure civile
D. Recueil Dalloz
Defrénois 2007, art. 38 000 Répertoire notarial Defrénois
DO Dommages ouvrage
Doctr. Doctrine
Doc. fr. Documentation française
DROC Déclaration réglementaire d’ouverture du
chantier
EPERS Éléments pouvant entraîner une
responsabilité solidaire
Fasc. Fascicule
Gaz. Pal. 2007, 1, doctr. p. 98 Gazette du palais. 2007, 1, doctrine, p. 98
Gaz. Pal. 2007, 1, jurisp. p. 99 Gazette du palais, 2007, jurisprudence, p. 99
Gaz. Pal. 2007, somm. Jurisp. Gazette du Palais, 2007, sommaire de
jurisprudence
GBF Garantie de bon fonctionnement
GPA Garantie de parfait achèvement
JCP G Semaine juridique, édition générale
10 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

JCP N Semaine juridique, édition notariale et


immobilière
Lamy droit immob. Lamy droit immobilier
Mon. TP., 3 mars 2007, 10 Moniteur du bâtiment et des travaux publics
RCD Responsabilité civile décennale
RCS Registre du commerce et des sociétés
RDI 2007, p. 10 Revue de droit immobilier
Resp. civ. et assur. Responsabilité civile et assurances
RGDA Revue générale du droit des assurances
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
SA Société anonyme
SARL Société à responsabilité limitée
SCI Société civile immobilière
SHON Surface hors œuvre nette
SNC Société en nom collectif
TA Tribunal administratif
TI Tribunal d’instance
TGI Tribunal de grande instance
Chapitre

1
Le cadre général du chantier

Plan du chapitre

§1. Les acteurs en présence


§2. La chronologie du chantier
§3. Une dualité de réglementation

RÉSUMÉ
1. Comme pour une pièce de théâtre, l’opération de construction réunit des inter-
venants qui vont agir sur la réalisation d’un ouvrage selon une chronologie bien
définie. Il y a lieu par conséquent de « poser le cadre de l’action » en évoquant les
acteurs concernés et la chronologie de l’opération de construire.
Toutefois, s’agissant de procéder à l’étude de l’assurance construction donc, d’une
certaine manière, indirectement, des responsabilités encourues par les divers entre-
preneurs architectes et susceptibles d’être garanties, il est nécessaire également de
présenter les réglementations régissant ces responsabilités. Cette présentation
permettra de se repérer dans les explications fournies dans les développements
suivants.
12 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

§1. Les acteurs en présence


Cinq intervenants ou groupe d’intervenants peuvent être distingués.
A. Le maître de l’ouvrage
2. Le maître de l’ouvrage (ou maître d’ouvrage) est celui qui fait construire.
C’est le cocontractant des professionnels qui seront chargés de construire
l’ouvrage en question. En langage courant, on pourrait dire qu’il est le
« client » de ces professionnels, celui qui passe commande. On verra toutefois
que le contrat signé est un contrat spécifique : le contrat de louage d’ouvrage.
Au plan du vocabulaire, le maître de l’ouvrage ne doit pas être confondu avec
le maître d’œuvre dont il sera question infra (no 6).
3. Au plan pratique, le maître d’ouvrage peut revêtir plusieurs formes.
Il peut d’abord s’agir d’une personne physique privée telle que le particulier
faisant construire son logement ou l’artisan faisant réaliser son atelier ou son
dépôt.
Il peut s’agir ensuite d’une personne morale de droit privé telle qu’une société
commerciale faisant réaliser son siège social ou ses usines. Dans le domaine de
la promotion immobilière, il s’agira d’une société civile immobilière de
construction-vente. Constituée par un promoteur qui a le soin principal de
l’opération, elle va faire construire un bien qu’elle va vendre sur plan le plus
souvent grâce à une vente en état futur d’achèvement de l’article 1601-3 du
Code civil.
Il peut être enfin une personne morale de droit public (État ou collectivité
territoriale, établissements publics) faisant réaliser un ouvrage. Le marché
devra alors, sauf cas particulier, être soumis aux règles du Code des marchés
publics.
4. Le maître de l’ouvrage se définit juridiquement comme étant celui qui
détient la propriété du sol qui doit servir d’assiette à la construction. Ainsi,
par le biais de la théorie de l’accession, il devient propriétaire de l’ouvrage
édifié car les matériaux de construction mis en œuvre sur ce sol s’incorporent
au patrimoine du maître d’ouvrage.
Parfois, le maître de l’ouvrage peut ne détenir que de simples droits à construire
l’ouvrage sur un sol ne lui appartenant pas : il en est ainsi du bail à construction
(art. L. 251-1, CCH) et du bail à rénovation qui sont des baux d’essence
emphytéotique permettant de réaliser ce type d’opération mais peu utilisés en
pratique.
5. Le locataire d’un bien, titulaire d’un bail civil ou commercial ordinaire, ne
peut pas être maître de l’ouvrage et bénéficier des garanties légales du droit de
la construction pour des travaux effectués sur le bien loué car il ne réunit pas
les critères distinctifs du maître d’ouvrage. Toutefois, le bail peut prévoir
l’hypothèse de travaux réalisés par le preneur dans les lieux loués.
CHAPITRE 1 – LE CADRE GÉNÉRAL DU CHANTIER 13

Le maître de l’ouvrage se définit enfin comme celui qui signe les marchés de
travaux avec les divers intervenants à l’acte de construire. C’est lui qui
contracte les obligations face auxdits intervenants (obligation de payer notam-
ment) et qui bénéficie des garanties attachées à la construction.
Le maître de l’ouvrage peut parfois recourir à un maître d’ouvrage délégué qui
est le mandataire de celui qui fait construire. L’objectif est, pour celui qui fait
construire, de disposer d’une aide logistique pour le bon aboutissement du
chantier. Noter que cette hypothèse est différente de l’AMO (Assistance à
Maîtrise d’Ouvrage) qui intervient au stade de la conception du projet, pour
la prise de décision.
Toutefois, en droit privé, principalement en matière de construction
d’immeuble à usage de logement, la mise en place d’une maîtrise d’ouvrage
déléguée peut se révéler dangereuse car, si la mission confiée au maître
d’ouvrage délégué s’étend à des missions juridiques, administratives, voire
financière, il peut recouper d’autres formes de mandats très réglementés tel
que le contrat de promotion immobilière de l’article 1831-1 du Code civil
et son régime d’ordre public en secteur protégé (art. L. 222-1 et s., CCH).
En matière de maîtrise d’ouvrage publique, la difficulté viendra du fait que le
maître d’ouvrage étant investi d’une mission de service public, il ne pourra pas
déléguer sans discernement n’importe quelle prérogative du maître d’ouvrage.
La règle est ici posée par la loi MOP du 12 juillet 1985.
B. Le maître d’œuvre
6. Le maître d’œuvre est l’un des cocontractants du maître de l’ouvrage. Il est
chargé de la partie « intellectuelle » de la réalisation de l’immeuble ainsi que,
le plus souvent, d’un rôle de « chef d’orchestre » sur le chantier. Cette maîtrise
d’œuvre est assumée en général par un architecte mais, sauf cas particuliers au
stade de la demande de permis de construire, ce n’est pas systématique.
7. La mission du maître d’œuvre est variable dans son contenu :
– au minimum, le maître d’œuvre se charge d’établir et de déposer le dossier
de permis de construire, c’est-à-dire de remplir les formulaires nécessaires
et de dresser les plans (plan de situation, plan de masse, plan des façades,
etc.) exigés par le Code de l’urbanisme. Cette fonction constitue un
monopole pour les architectes (art. L. 431-1, C. urb.) sauf si l’ouvrage à
construire est à usage d’habitation et développe moins de 170 m2 de
surface hors œuvre nette ou SHON (exception prévue par les articles.
L. 431-3 et R. 431-2, du même Code) ;
– le maître d’œuvre peut également se voir confier le soin de préparer et
mettre en forme le projet. Il interviendra alors pour les esquisses,
l’avant-projet sommaire (dit APS) puis l’avant-projet définitif (APD). Le
maître d’œuvre peut également se charger de l’assistance à passation des
contrats (ACT) pour procéder aux appels d’offres auprès des entreprises.
En droit public il établira le DCE (dossier de consultation des entreprises) ;
14 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

– le maître d’œuvre peut enfin se voir confier le soin d’assumer le suivi du


chantier. Dans ce cadre, il devra coordonner l’intervention des entre-
prises, contrôler les travaux qu’elles effectuent, mais également dresser
les « situations » (les factures intermédiaires) soumises à l’adhésion et au
paiement du maître d’ouvrage.
À cela s’ajoute en général l’assistance du maître de l’ouvrage lors de la récep-
tion des travaux. Le maître d’œuvre accompagne alors son client sur les lieux
lors de la visite de réception et lui signale les éventuelles réserves à inscrire au
procès-verbal de réception.
8. Le maître d’œuvre est le plus souvent un architecte. Cette profession, qui a
connu son essor à la fin du XIXe siècle et surtout au XXe, présente la particularité
d’être très strictement encadrée.
Ainsi, une loi du 3 janvier 1977 est venue compléter la loi initiale du
31 décembre 1940 qui avait créé l’ordre des architectes.
L’architecte doit obligatoirement justifier du diplôme d’architecte et être
inscrit au tableau de l’ordre par le conseil régional de l’ordre. Toutefois, on
peut encore recourir à des agréés en architecture, ayant exercé à titre principal
une activité d’architecte avant la réforme de 1978. Cette catégorie correspond
à une démarche d’intégration à l’ordre des anciens maîtres d’œuvre.
L’architecte doit obéir à un code des devoirs énoncé par le décret du 20 mars
1980 et faire face à un régime disciplinaire strict qui a encore été renforcé par
la récente ordonnance du 26 août 2005 (les sanctions prononcées par les
chambres régionales peuvent aller du simple avertissement à la suspension
voire à la radiation).
On notera que l’architecte a une obligation d’assurance pour les actes de sa
profession, l’absence de justification de la souscription de cette assurance
étant, elle aussi, sanctionnée. Cette obligation dépasse le cadre des assurances
obligatoires du risque « décennal » évoquées dans la seconde partie de cet
ouvrage pour s’étendre aux nombreuses hypothèses de responsabilités encou-
rues par l’architecte.
En revanche, l’architecte bénéficie d’un certain nombre d’avantages au titre
desquels figure un monopole, notamment :
– comme cela a été indiqué plus haut, pour le dépôt du permis de construire
des projets les plus importants. Il s’agit des projets dépassant
170 m2 de SHON, des serres de plus de 800 m2, etc. ;
– pour la création de modèles types de construction (maisons sur catalogue)
et de l’implantation de modèles types sur un terrain.
Par ailleurs, les créations des architectes (notamment les plans) sont protégées
par la loi du 11 mars 1957 relative à la propriété littéraire et artistique
(l’ordre des architectes est traditionnellement rattaché au ministère de la
Culture).
9. Pour finir, il faut dire un mot du mode d’exercice de la profession
d’architecte-maître d’œuvre.
CHAPITRE 1 – LE CADRE GÉNÉRAL DU CHANTIER 15

Le principe fondamental est que la profession est d’exercice libéral. L’activité


est alors exercée :
– au sein d’un cabinet individuel ;
– au sein d’une société d’architecture. Il s’agira alors soit d’une société civile
professionnelle dotée de la personnalité morale et dont les associés sont
eux-mêmes architectes, soit d’une société commerciale (le plus souvent
une SARL) dont plus de la moitié du capital doit être détenu par des
architectes.
Quelle que soit la forme sociale adoptée, les architectes associés répondent sur
leur patrimoine des actes accomplis pour le compte de la société.
L’architecte peut toutefois être également un salarié. Il est alors employé soit
par un cabinet d’architecture ou par une société de promotion immobilière ou
de construction.
L’architecte peut être enfin fonctionnaire ou agent contractuel de droit public
lorsqu’il exerce pour le compte d’une personne morale de droit public.
C. L’entrepreneur
10. L’entrepreneur est également un cocontractant du maître de l’ouvrage.
C’est le professionnel qui se charge de la réalisation matérielle des travaux
dans le cadre d’un contrat de louage d’ouvrage. Le maître de l’ouvrage peut
opter parmi plusieurs solutions :
– il peut conclure divers contrats avec les divers corps de métiers : maçon,
charpentier, plombier, plaquiste, électricien, etc. Chaque intervenant est,
dans ce cas, lié au maître de l’ouvrage et travaille, le cas échéant, sous le
contrôle de suivi du maître d’œuvre sans que ce dernier ne bénéficie d’un
quelconque pouvoir juridique face à l’entrepreneur en question. Entre eux
les divers entrepreneurs sont des tiers, co-traitants ;
– il peut conclure un contrat unique avec une entreprise générale qui
s’engage à exécuter l’ensemble des travaux d’édification de la construc-
tion prévue. Il procède alors aux travaux relevant de son activité habi-
tuelle (généralement la maçonnerie/gros œuvre) et conclut des marchés
de sous-traitance avec les entrepreneurs compétents pour les autres
spécialités.
Il faut cependant prendre garde au fait que si l’entrepreneur se charge de
réaliser le gros œuvre de la construction d’une maison individuelle jusqu’au
stade du hors eau/hors air, même sans fourniture du plan, l’opération relève
d’un contrat protégé par le Code de la construction et de l’habitation : il
s’agit du contrat de construction de maison individuelle sans fourniture du
plan de l’article L. 232-1 de ce code.
S’il réalise tout ou partie des travaux en ayant fourni le plan d’une maison indi-
viduelle, l’entrepreneur court le risque de méconnaître le contrat de construc-
tion de maison individuelle avec fourniture du plan (art. L. 231-1, CCH).
16 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Ces contrats très réglementés et d’ordre public sont largement sanctionnés,


pénalement, en cas de non-respect de leurs dispositions.
11. Contrairement à la profession d’architecte, la profession d’entrepreneur
n’est que très peu réglementée. Il n’existe aucun ordre professionnel mais
seulement des regroupements syndicaux et très peu de règles spécifiques à
cette activité. Ainsi, il n’existe pas d’agrément particulier pour le métier
d’entrepreneur. Depuis une loi du 5 juillet 1996, complétée par un décret
d’application du 2 avril 1998, une justification de compétence a été mise en
œuvre. Toutefois son intérêt demeure faible pour sélectionner des entreprises
de confiance.
D’une part, elle ne concerne que l’activité en nom personnel et non l’exercice
sous forme de société commerciale (SA, SARL) pour lequel aucune exigence
n’est formulée.
D’autre part, elle se limite à la justification d’un diplôme égal ou supérieur au
CAP (certificat d’aptitude professionnelle) ou au BEP (brevet d’étude profes-
sionnelle) dans une spécialité du bâtiment. Cependant, cette condition est
largement privée de tout intérêt dans la mesure où les personnes ayant exercé
l’activité en cause, même sous la forme salariée, pendant trois ans, dans le
cadre de l’Union européenne sont dispensées de toute justification.
12. L’exercice de la profession d’entrepreneur peut faire l’objet de diverses
formes juridiques :
– il peut s’agir d’une activité à titre de profession indépendante. L’entrepre-
neur est alors artisan et doit être inscrit au répertoire des métiers ;
– il peut s’agir d’une forme commerciale qui sera le plus souvent la société à
responsabilité limitée (SARL) impliquant une inscription au registre du
commerce et des sociétés (RCS) du greffe du tribunal de commerce loca-
lement compétent. Toutefois, les plus grosses sociétés peuvent être consti-
tuées en sociétés anonymes (SA) ;
– le secteur du bâtiment abrite également des GIE (groupement d’intérêt
économique) qui sont des structures permettant une mise en commun
entre entreprises pour la gestion, l’amélioration et le développement de
leur activité. Le GIE a la personnalité morale et doit être immatriculé au
RCS ;
– à noter la possibilité pour les entreprises de se borner à un simple regrou-
pement sans personnalité morale, par le biais d’un mandat confié à l’une
d’entre elles pour les relations avec le maître de l’ouvrage. Dans ce cas,
chaque entreprise reste responsable de la bonne exécution de son lot.
D. Les sous-traitants
13. Cet intervenant à l’acte de construire présente la particularité de ne pas
être lié directement avec le maître de l’ouvrage. Selon la définition de
l’article 1 de la loi du 31 décembre 1975, il s’agit d’une personne intervenant
sur demande de l’entrepreneur. Le sous-traitant conclut un marché de
sous-traitance avec l’entrepreneur principal. Ce contrat est également
CHAPITRE 1 – LE CADRE GÉNÉRAL DU CHANTIER 17

dénommé sous-traité. On constate donc un schéma « en triangle » entre ces


trois protagonistes car le sous-traitant intervient sur le terrain du maître de
l’ouvrage pour l’exécution du contrat que celui-ci a passé avec un entrepreneur
principal.
Cette absence de lien avec le maître d’ouvrage doit être soulignée car elle
conduit à un régime de responsabilité assez différent de ceux des cocontrac-
tants directs du maître de l’ouvrage en question.
Le sous-traitant n’est autre qu’une entreprise de construction telle qu’elle a été
décrite plus haut. Sa particularité réside dans le fait qu’elle intervient à la
demande d’un confrère, autre entrepreneur titulaire du marché souscrit par le
maître de l’ouvrage, pour en réaliser une partie.
Soit l’entrepreneur principal confie au sous-traitant la réalisation de travaux
qui ne relèvent pas de sa propre activité ; le sous-traitant est alors appelé en
raison du caractère technique du lot à réaliser (étanchéiste, ascensoriste,
génie climatique) : il s’agit alors d’un spécialiste.
Soit l’entrepreneur principal confie au sous-traitant les travaux que l’entrepre-
neur principal ne peut réaliser en raison d’un plan de charge saturé. Le
sous-traitant a alors le rôle d’une variable d’ajustement.
En matière de marchés privés, la sous-traitance peut être totale. En revanche la
sous-traitance totale est interdite en matière de marchés publics par la loi du
11 décembre 2001.
À noter pour finir que la relation de sous-traitance peut varier d’un chantier à
l’autre : le sous-traitant d’un marché « A » peut être l’entrepreneur principal
d’un marché « B ». Par ailleurs, le sous-traitant peut lui aussi recourir à la
sous-traitance ce qui constituera alors une chaîne d’intervenants.
E. Le fabricant
14. Le fabricant, auquel peut être assimilé le fournisseur, est le professionnel
qui réalise ou/et commercialise les éléments nécessaires à la réalisation de
l’ouvrage commandé par le maître de l’ouvrage : parpaing, ciment, tuiles, fil
électrique mais aussi bloc portes, panneaux isolants, plancher chauffant.
Le fabricant est donc le cocontractant des entrepreneurs qui approvisionnent
le chantier. Il n’a aucun lien avec le maître de l’ouvrage sauf cas particulier où
ledit maître d’ouvrage achète lui-même les matériaux.
On observera que cet intervenant agit hors site : les produits sont fabriqués en
usine, le plus souvent dans une logique de production en série et commercia-
lisés à partir d’entrepôts, tandis que le lieu d’intervention des autres profession-
nels de la construction est le chantier lui-même. Cette importante distinction
dans les modes et conditions de production a été soulignée par le rapport
Spinetta qui est le socle du régime actuel de responsabilité des constructeurs
et a largement impacté l’optique dans laquelle le législateur a envisagé ces
responsabilités.
18 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

F. Les autres intervenants à l’acte de construire


Les acteurs que l’on vient d’évoquer se retrouvent dans toutes les opérations de
construction. Cependant, l’intervention de divers autres professionnels peut se
révéler nécessaire dans certains cas particuliers. Il convient donc de passer ces
derniers, rapidement, en revue.
I – Le géomètre
15. Le cadastre constitue un document fiscal insuffisant pour établir les limites
de la propriété devant accueillir la construction nouvelle. Ces limites doivent
être définies par un plan de bornage qui aura été établi par voie amiable
(art. 646, C. civ.) ou à défaut judiciairement. Si le bornage est ancien, il peut
s’avérer nécessaire de vérifier les limites exactes du terrain voire de faire
remettre en ordre les bornes attestant de ces limites, selon le plan de bornage
existant. On recourra alors à un géomètre. On notera que l’expert géomètre
doit justifier d’un diplôme de haut niveau et être inscrit au tableau de l’ordre
des géomètres. Il doit, comme l’architecte, également justifier d’une assurance
obligatoire garantissant sa responsabilité civile professionnelle.
II – Le géologue
16. En cas de construction de quelque ampleur ou si une suspicion existe
quant aux qualités mécaniques du sol d’assise (présence de matériaux sensibles
à la dessiccation et à la réhydratation telle que l’argile, présence d’eau, hétéro-
généité du sol, etc.) le recours à un géologue sera conseillé par l’architecte,
maître d’œuvre. Le géologue sera le plus souvent lié au maître de l’ouvrage
mais on pourrait imaginer qu’il intervienne comme sapiteur de l’architecte.
Son rôle sera de procéder à des carottages du sol puis après analyse en labora-
toire, de définir les caractéristiques des matériaux rencontrés. Ceci permettra
de définir le « bon sol » sur lequel l’ouvrage pourra valablement prendre appui.
III – Les BET (Bureaux d’Étude Technique)
17. Ces bureaux sont composés d’ingénieurs et ont pour objet de procéder aux
calculs complexes que nécessite la mise en œuvre d’un projet de construction
(exemple : ingénieur béton). Ces bureaux d’étude sont, là encore, cocontrac-
tants du maître de l’ouvrage mais également sapiteurs recrutés directement par
le maître d’œuvre.
IV – Le métreur vérificateur
18. Il s’agit d’un technicien dont la mission consiste à vérifier et contrôler le
coût des travaux. Cette mission ne se conçoit donc que pour les ouvrages les
plus importants. Le métreur procède à la vérification des métrés de travaux
(quantité) et évalue le coût qui en résulte (valeur). Cet intervenant exerce
une profession libérale et contracte soit avec le maître de l’ouvrage, soit avec
l’architecte ou les bureaux d’études chargés de l’élaboration du projet.
CHAPITRE 1 – LE CADRE GÉNÉRAL DU CHANTIER 19

V – Le contrôleur technique
19. À l’origine il s’agissait d’un spécialiste recruté par les compagnies d’assu-
rance pour leur permettre d’évaluer les risques liés aux techniques de construc-
tion, de façon à établir « l’assurabilité » des procédés en cause et le taux de
prime à leur appliquer.
Aujourd’hui, la loi (art. L. 111-23, CCH) lui attribue la mission de « contri-
buer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d’être
rencontrés dans la réalisation des ouvrages [...] notamment sur les problèmes
qui concernent la solidité de l’ouvrage et la sécurité des personnes ».
Le contrôleur technique doit faire l’objet d’un agrément par le ministère
chargé de la construction. Il passe contrat avec le maître de l’ouvrage auquel
il remet ses avis techniques en amont, pendant la phase de définition du projet
mais également pendant la construction. Il est assujetti à la responsabilité
décennale par effet de l’article L. 111-24 du CCH.
On doit distinguer (art. R. 111-26, CCH) un contrôle technique obligatoire,
applicable aux établissements recevant du public ou dont le plancher du
dernier niveau dépasse 28 mètres comptés à partir du sol et un contrôle facul-
tatif applicable aux autres hypothèses de construction et auquel les maîtres
d’ouvrage sont incités par les assureurs (application du tarif d’assurance sans
surprime).

VI – Le coordonnateur sécurité
20. Le coordonnateur intervient lui aussi sur certains chantiers les plus impor-
tants mais la logique de sa mission est très différente. Elle ne doit pas être
confondue avec la mission de suivi du chantier dévolue à l’architecte maître
d’œuvre. Le coordonnateur est en effet chargé (art. L. 4532-2, C. trav.), de
veiller à la sécurité du chantier sur lequel doivent évoluer plusieurs entre-
prises en même temps ou successivement. Son rôle est de définir les risques
encourus mais aussi de définir et planifier la démarche de prévention des
accidents à appliquer.
Le coordonnateur sécurité doit être désigné par le maître de l’ouvrage avec
lequel il passe contrat. Toutefois, le particulier faisant construire pour
lui-même n’est pas astreint à cette obligation.

§2. La chronologie du chantier


21. L’analyse d’un sujet de droit de la construction nécessite non seulement de
définir les interlocuteurs concernés mais également de déterminer le moment
où prend place, dans la vie de l’immeuble, la question en cause.
Il est d’usage de retenir trois grandes « étapes » qui conditionnent notamment
le droit applicable.
20 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

A. « Le temps du chantier »
22. La première étape concerne le « temps du chantier ». Il s’agit :
– de la préparation de l’opération qui consiste en la passation d’un contrat
de maîtrise d’œuvre, élaboration et dépôt du permis de construire, défini-
tion du projet, puis établissement des plans d’exécution, appels d’offres
auprès des entreprises et conclusion des marchés, agrément par le maître
de l’ouvrage des éventuels sous-traitants ;
– de la réalisation proprement dite de l’ouvrage qui consiste, après dépôt en
mairie de la DROC (déclaration réglementaire d’ouverture du chantier),
dans l’intervention des entreprises sous la houlette du maître d’œuvre,
contrôle des travaux et rédaction par le maître d’œuvre des situations de
travaux (les factures intermédiaires) qui sont présentées pour paiement au
maître de l’ouvrage.
La phase du « temps du chantier » obéit au droit commun des contrats (sous
réserve de l’hypothèse où l’opération relève d’une réglementation spécifique
telle que le contrat de construction de maison individuelle par exemple).
B. L’issue du chantier
23. Dans la grande majorité des cas (et c’est heureux !), les travaux aboutissent
à la réalisation de l’ouvrage commandé par le client maître de l’ouvrage. Les
intervenants à l’acte de construire vont alors mettre à la disposition du maître
le résultat de leurs travaux.
C’est la formalité de la réception des travaux par laquelle le client, après avoir
effectué le tour du propriétaire, accepte les travaux, les « reçoit ».
Cette phase du chantier est de nos jours régie par la loi spéciale au droit de la
construction : la loi du 4 janvier 1978 qui a été intégrée au Code civil pour sa
partie traitant des responsabilités des constructeurs (art. 1792-6, C. civ.).
C. Le temps des garanties
24. Cette période est de loin la plus connue du public. Elle prend naissance à
compter de la réception et comporte 3 garanties spécifiques :
– la garantie de parfait achèvement (GPA) qui s’étend sur une année après
la date de la réception (art. 1792-6, C. civ.) ;
– la garantie de bon fonctionnement, héritière de la garantie biennale dont
la durée est désormais de deux ans minimum comptés à partir de la récep-
tion (art. 1792-3, C. civ.) ;
– la responsabilité civile décennale enfin, qui s’applique aux désordres
cachés les plus graves pour les dix années suivant la réception des
travaux (art. 1792, 1792-1, 1792-2, 1792-4, C. civ.).
Comme la formalité de la réception, les garanties légales applicables après la
mise en service de l’immeuble sont régies par la loi spéciale du 4 janvier
1978. C’est aux articles 1792 et suivants du Code civil que l’on trouvera les
règles applicables à ces diverses garanties.
CHAPITRE 1 – LE CADRE GÉNÉRAL DU CHANTIER 21

On constatera donc une dualité de la réglementation régissant l’opération de


construction dont il est nécessaire de dire un mot.

§3. Une dualité de réglementation


25. Le droit de la responsabilité des constructeurs est régi par une loi spéciale,
la loi du 4 janvier 1978 dite Loi Spinetta qui est présentée infra (no 27). On
peut noter que ces responsabilités sont la base de l’assurance construction obli-
gatoire également instaurée par la loi du 4 janvier 1978.
Toutefois la responsabilité des constructeurs est également largement régie par
des applications du droit commun des contrats. Il en est ainsi durant
l’ensemble du temps du chantier mais également de manière subsidiaire, après
la réception des travaux.
A. La loi du 4 janvier 1978
26. La responsabilité spécifique aux constructeurs est fort ancienne : le Code
civil de 1804 fait déjà référence à une responsabilité décennale des entrepre-
neurs et architectes (sans bien distinguer les deux corps de métiers) dans
certaines conditions particulières. Le mécanisme a parfaitement fonctionné
pendant près de 150 ans mais l’accroissement du nombre des mises en chantier
ainsi que le développement de techniques nouvelles de construction ont rendu
nécessaire une adaptation de ces règles sommaires.
C’est la loi du 3 janvier 1967, plus spécialement consacrée à la vente
d’immeubles à construire (les ventes sur plan), qui a opéré ce premier toilet-
tage. Fut ainsi créée une distinction entre menus ouvrages et gros ouvrages :
ces derniers bénéficiaient d’une garantie décennale tandis que les premiers
étaient couverts par une garantie biennale.
La loi conservait un caractère spécifique et restrictif au régime spécial en
l’appliquant aux seuls « vices » affectant des constructions, à la condition que
celles-ci constituent des « édifices », ce qui supposait une élévation sur le sol.
Par ailleurs, la date de départ de ces garanties, la réception, demeurait non
définie par la loi. Le système était complexe et parfois inefficace.
27. C’est pour cette raison que le gouvernement a confié à M. Spinetta une
réflexion qui a conduit à un important rapport déposé en 19761.
Ce texte véritablement fondateur du droit français moderne de la construction et
de l’assurance construction procédait, schématiquement, en deux temps. Dans un
premier temps, il procédait à une étude de l’existant tout en en pointant les
faiblesses. L’une des principales était incontestablement constituée par la comple-
xité du système de responsabilité. Cependant, les sages pointaient aussi l’absence
d’assurance obligatoire, entraînant une très large sous-assurance, et la lenteur de

1. Proposition pour une réforme de l’assurance construction, La Documentation française,


1976.
22 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

traitement des litiges de construction. En effet, les solutions passaient par la voie
judiciaire sur le seul terrain des responsabilités encourues par les professionnels.
Dans un second temps, le rapporteur émettait un certain nombre de proposi-
tions de réformes tant en matière de responsabilité qu’en ce qui concerne
l’assurance.
Les deux points principaux en étaient sans nul doute, au plan des responsabi-
lités, la distinction entre la « fonction construction » et « la fonction équipe-
ment ». La première, englobant les tâches de réalisation sur site de l’ouvrage,
était vouée à un traitement spécifique des responsabilités, elles-mêmes large-
ment objectivées. La seconde était quasiment renvoyée à un traitement de
type droit commun dès lors qu’il s’agissait d’une production somme toute
presque exclusivement industrielle.
Au plan de l’assurance, qui nous intéresse ici au premier chef, l’idée d’un
découplage de la réparation des dommages et du traitement des responsabilités
était recommandée, ce découpage étant réalisé par un très astucieux recours à
l’assurance de chose.
C’est sur cette base qu’a été rédigée puis adoptée la loi 78-12 du 4 janvier
1978 qui réforme les deux domaines de la responsabilité des constructeurs et
de l’assurance qui leur est associée. Certes, la loi n’a pas retenu l’ensemble des
propositions de M. Spinetta. On trouvera également quelques interprétations
regrettables des bonnes idées du rapporteur : il en est ainsi par exemple de la
notion d’EPERS (Élément Pouvant Entraîner une responsabilité Solidaire ;
cf. infra, no 113) qui s’inspire de façon maladroite du concept de « fonction
équipement » mais avec des conséquences de droit que le législateur n’a claire-
ment pas identifiées lors du vote de la Loi.
Cette loi – qui va faire l’objet des principaux développements du présent
ouvrage – a été, pour ce qui concerne les responsabilités, intégrée au Code
civil aux articles 1792 et suivants, et reprise aux articles L. 111-12 et suivants
du Code de la construction. Le contrôle technique constitue le troisième et
dernier axe de la réforme.
Cités sommairement, les apports de la réforme sont nombreux :
– la loi définit précisément la réception et en fournit le modus operandi ;
– elle supprime la distinction entre menus et gros ouvrages au profit d’une
approche « fonctionnelle » des garanties et responsabilités dès lors que le
désordre induit une atteinte à la solidité ou à l’usage normal (la « destina-
tion ») de l’ouvrage ;
– elle crée un mode légal de parachèvement des ouvrages après réception ;
– elle crée une véritable assurance construction adaptée à ses objets ;
– elle réforme (sans doute insuffisamment) le statut et le rôle du contrôleur
technique.
Toutefois, malgré les incontestables avancées de la loi, on peut regretter avec
la doctrine la subsistance d’une certaine lourdeur voire complexité de ce texte
qui est parfois difficile à mettre en œuvre.
CHAPITRE 1 – LE CADRE GÉNÉRAL DU CHANTIER 23

La loi du 4 janvier 1978 est entrée en vigueur le 1er janvier 1979. Elle n’a fait
l’objet que de peu de réformes en ce qui concerne la matière de la responsabi-
lité des constructeurs : une loi du 19 décembre 1990 est simplement intervenue
pour étendre le caractère d’ordre public de ce texte à la garantie de parfait
achèvement. Plus récemment, une importante ordonnance2 a supprimé le
mot « bâtiment » (qui est à l’origine de multiples difficultés en matière d’assu-
rance construction, cf. infra, nos 121 et 143) du libellé des articles 1792-2 et
1792-3 du Code civil au profit du mot « ouvrage ». Cette ordonnance a égale-
ment créé un article 1792-7 qui exclut de la responsabilité décennale les équi-
pements à vocation professionnelle installés dans un ouvrage de construction.
Ces divers points seront développés plus bas.
Enfin, la loi du 17 juin 2008 a effectué un toilettage du régime de « prescrip-
tion » des responsabilités de la construction.
B. Le droit commun
28. Le droit de la construction est très largement dominé par la loi Spinetta du
4 janvier 1978 ; cependant, le droit commun connaît une application dans
deux hypothèses :
– avant réception. Le droit commun des contrats régit l’essentiel des hypo-
thèses de responsabilité civile (art. 1142 et s., C. civ.) mais aussi le cas de
la résolution du contrat, par exemple à la suite d’un abandon du chantier
par l’entrepreneur (art. 1184, C. civ.).
On signalera toutefois le cas du marché à forfait dont les règles spécifiques
sont contenues aux articles 1793 et 1794 du Code civil ;
– après réception. Le droit commun joue un rôle de complément lorsque les
règles spécifiques de la loi du 4 janvier 1978 sont muettes. Tel est le cas de
certains dommages non décennaux, du dol de l’entrepreneur, de son
défaut de conseil (sans conséquence « décennale ») ou des responsabilités
résultant de non-conformités du bien construit au regard des stipulations
contractuelles. À cet égard, il y a lieu de constater l’importance de la juris-
prudence qui a su maintenir une articulation cohérente et efficace des
règles spéciales et de droit commun.
Tel est également le cas des responsabilités des intervenants à l’acte de cons-
truire qui ne sont pas liés au maître par un contrat de louage d’ouvrage :
sous-traitants et fabricants.
Nos 29 à 43 réservés.

2. No 2005-658 du 8 juin 2005, JO du 9.


Partie

1
La responsabilité des constructeurs

Chapitre 1 Le temps du chantier


Chapitre 2 L’issue du chantier et la réception des travaux
Chapitre 3 Les garanties de parachèvement
Chapitre 4 La responsabilité civile décennale
Chapitre 5 Une garantie résiduelle : la garantie de bon fonctionnement
Chapitre 6 Responsabilité de droit commun après réception

44. Le droit de la réalisation d’un immeuble se divise en de nombreuses branches qui


forment un tout indivisible dans la pratique des opérateurs. Au sein de cet ensemble
de droits, complémentaires, le droit de construction se présente, ainsi que cela a été
dit, comme le droit de la réalisation matérielle de l’ouvrage.
Il se distingue donc du droit de l’urbanisme dont l’objet est notamment l’utilisation
harmonieuse et économe des fonciers qui doit être abordée par l’opérateur pour
l’obtention des autorisations d’urbanisme. Il se distingue également du droit de la
commercialisation des immeubles. Ici l’opérateur trouvera les règles propres à la
constitution de sa société de construction-vente mais aussi les règles concernant la
vente sur plan d’immeubles à construire ou à rénover qui lui permettront de financer
la construction de l’immeuble grâce aux apports des accédants. Il en sera de même
des règles applicables à la commercialisation d’ouvrages par le biais de société d’attri-
bution (dont le Time Share) ou de CCMI. On trouvera ces règles principalement
dans le Code de la construction et de l’habitation.
Il s’agit donc ici d’étudier le droit applicable à l’acte matériel de construire. À cet
égard, il conviendra de présenter le contrat servant de cadre général de l’opération
de construction.
26 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

À partir de cette présentation, il y aura lieu d’étudier selon un ordre chronologique


le temps du chantier c’est-à-dire la période de la construction de l’ouvrage puis la
réception par le maître de l’ouvrage et les garanties applicables à l’immeuble
ainsi réalisé, livré et mis en service.
Cette étude est, en effet, indispensable pour comprendre le régime et les mécanismes
de l’assurance construction qui lui est associée.
Chapitre

1
Le temps du chantier

Plan du chapitre

§1. Le support juridique des travaux : le contrat de louage d’ouvrage


§2. Les obligations des parties

RÉSUMÉ
45. Bien entendu, toute construction connaît une phase de préparation puis de
mise en œuvre. Il s’agit d’obtenir les autorisations administratives de construire,
d’établir les plans de l’ouvrage, y compris les plans d’exécution faisant ressortir les
côtes à respecter, mais également de procéder aux appels d’offres, à la passation des
marchés, à la souscription des assurances puis à la réalisation proprement dite des
travaux. Ces diverses opérations sont régies presque exclusivement par le droit
commun des obligations et plus précisément, pour ce qui concerne les relations
entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre mais aussi les entrepreneurs, du
droit commun des contrats.
Il y a donc lieu de présenter dans un premier temps le contrat qui sert de base à ces
relations avant d’étudier les diverses responsabilités – mais aussi parfois les droits –
de chacun des participants à l’acte de construire.
28 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

§1. Le support juridique des travaux : le contrat


de louage d’ouvrage
46. Ce contrat constitue la pierre angulaire du droit de la réalisation matérielle
de l’ouvrage. Il est donc nécessaire de le définir et de le distinguer de notions
voisines pouvant générer des erreurs, avant que de dire un mot de la forme
même de ce contrat.
A. La définition du contrat de louage d’ouvrage
47. Le lien juridique entre l’architecte ou l’entrepreneur et le maître de
l’ouvrage se traduit par un contrat de louage d’ouvrage.
On sait que selon l’article 1708 du Code civil, il existe deux sortes de contrats
de louage, l’un de chose et l’autre de services.
L’article 1710 du même Code précise que « le louage d’ouvrage est un contrat
par lequel une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre moyen-
nant un prix convenu entre elles ».
Enfin, l’article 1779-3 prévoit le louage d’ouvrage des « architectes, entrepre-
neurs d’ouvrages et techniciens par suite de devis et marchés ».
Ce contrat est également dénommé « contrat d’entreprise » et consiste pour
une partie, dénommée l’entrepreneur, à s’engager à exécuter pour un cocon-
tractant, appelé « maître de l’ouvrage », un ouvrage de construction immobi-
lière moyennant un prix convenu.

Exemples
– l’entrepreneur de charpente qui s’engage envers le maître de l’ouvrage à réaliser la
toiture d’une maison ;
– l’architecte qui s’engage à diriger les travaux de construction d’un local de stockage
pour un industriel ;
– un bureau d’étude béton qui s’engage envers le maître de l’ouvrage à procéder à une
étude de micropieux pour les fondations d’un ouvrage en site argileux.

Parfois, le contrat d’entreprise prend une forme obligatoire prévue par la loi :
c’est le cas du contrat de construction de maison individuelle (loi du
19 décembre 1990).
À noter que depuis 1967, on ne distingue plus architectes et entrepreneurs, qui
sont tous deux titulaires d’un contrat de louage d’entreprise.
Antérieurement, et jusqu’au début des années 1960, une interrogation s’était
élevée sur la nature du contrat d’architecte dans lequel certains voyaient un
contrat de mandat. Cette conception des choses a été écartée par la jurispru-
dence qui a été confortée par la loi de 1978. Ceci n’exclut pas toutefois que le
contrat de l’architecte s’augmente d’un contrat de mandat complémentaire
pour des missions en lien avec la construction et limitées dans leur ampleur.
CHAPITRE 1 – LE TEMPS DU CHANTIER 29

Il est important de rechercher les caractères distinctifs du contrat d’entreprise.


Ceux-ci sont au nombre de deux :
– d’une part, l’entrepreneur, l’architecte ou le technicien, lié par ce type de
contrat, agit en totale indépendance par rapport au maître d’ouvrage. Si le
maître de l’ouvrage a vocation à définir l’enveloppe des travaux et même à
contrôler lors du paiement la bonne réalisation des travaux en question, il
n’exerce aucune autorité, aucun pouvoir, aucune direction sur les locateurs
d’ouvrage, dans le cadre de la mise en œuvre de ces travaux ;
– d’autre part, l’entrepreneur ou même l’architecte ne représente pas le
maître de l’ouvrage dans ses rapports avec des tiers, qu’ils soient constitués
par l’autorité publique, des voisins ou même les autres locateurs d’ouvrage.
Cette situation conduit à bien distinguer le contrat de louage d’ouvrage de
contrats pouvant avoir une apparence voisine sur le terrain mais dont le
régime juridique et notamment les garanties sont très différents.
B. Les situations voisines
48. On prendra garde de ne pas confondre les situations de louage d’ouvrage
avec les situations évoquées ci-après :
I – Le contrat de travail
Il s’agit là du contrat de louage de service. Si le contrat de travail, comme le
contrat d’entreprise, suppose la réalisation d’un travail en contrepartie d’une
somme d’argent, les conditions de la réalisation du travail en cause sont très
différentes. On a vu que l’entrepreneur intervient en toute indépendance.
En revanche, le contrat de travail se caractérise selon la jurisprudence par un lien
de subordination : le salarié exécute un travail sous l’autorité d’un employeur qui
a le pouvoir de donner des ordres, de contrôler l’exécution des travaux, voire de
sanctionner le manquement du subordonné1. À noter que le lien de subordina-
tion est défini par les magistrats en considération des circonstances de fait de
l’exercice du travail. De même, le salarié exécute le travail qui lui est demandé
avec le matériel et les matériaux qui lui sont fournis par son employeur.
C’est l’exemple du « tâcheron » qui est recruté pour une tâche particulière :
creuser l’emplacement d’une piscine, procéder au dressage de l’enduit d’un
ouvrage, etc. sous les ordres du propriétaire, sans compétence ni latitude parti-
culière pour l’organisation du travail et avec les matériaux qui lui sont fournis.
Le salarié est payé à l’heure ou à la tâche. En outre, il doit être déclaré aux
organismes sociaux. Il signe un contrat de travail et relève du Code du travail.
Sa situation est donc très différente de celle du locateur d’ouvrage (entrepre-
neur) qui est inscrit au RCS s’il est commerçant ou au répertoire des métiers s’il
est artisan et perçoit un prix, généralement global, pour un travail prévu par un
marché ou un devis.

1. Cass. soc., 13 novembre 1996, Bull. civ. V, no 386.


30 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Bien entendu, l’employeur ne peut demander garantie à son subordonné pour


les défauts de la chose construite, hormis le cas de faute lourde. Au contraire, il
doit supporter la responsabilité du commettant du fait de ses préposés tel que
prévu par l’article 1384 du Code civil en cas de dommages causés à des tiers.
II – Le contrat de vente
Le doute peut aussi résulter de la forme et de la consistance de la prestation du
professionnel au profit du propriétaire des ouvrages. En effet, ledit profes-
sionnel peut fournir un bien qu’il met en œuvre chez son client.
La question se pose de savoir s’il conclut un contrat d’entreprise ou un contrat
de vente avec pose. En effet, le régime juridique sera différent notamment au
niveau des garanties. En cas de vente, le professionnel sera tenu à une obliga-
tion de délivrance (art. 1604, C. civ.) et de la garantie des vices cachés
(art. 1641 et s., C. civ.). En cas de louage d’ouvrage, le professionnel sera
tenu à des responsabilités de locateur d’ouvrage au titre desquelles figurent les
responsabilités spécifiques à la construction et l’obligation de s’assurer.
Le distinguo n’est pas sans intérêt pour le professionnel car on verra que les
responsabilités spécifiques de la construction sont d’ordre public et, plus
grave, que l’absence de souscription de la garantie d’assurance associée est
sanctionnée pénalement.
Deux critères permettent dans ce cas de faire la part des choses :
– d’une part, il s’agit du rapport existant entre la valeur du bien mis en
œuvre et le montant de la main-d’œuvre nécessaire à sa pose. Dans le
cas du store vendu posé, la valeur du bien commercialisé excède largement
celle de la pose représentée par quelques heures d’un salarié : on retiendra
alors un contrat de vente avec pour corollaire les garanties attachées à la
vente (garantie des vices cachés) et non au contrat d’entreprise. En outre,
le contrat de vente ne sera régulier que si le prix est exprimé, ce qui n’est
pas forcément le cas du contrat d’entreprise dans lequel le prix peut être
seulement déterminable ;
– d’autre part, il s’agit de la spécificité du bien commandé par le cocontrac-
tant du professionnel. Si celui-ci détermine avec précision les caractéristi-
ques d’un bien, en quelque sorte « unique », il y aura louage d’ouvrage. Si
l’on observe la mise en œuvre d’un bien standardisé, il y aura plus proba-
blement vente de chose.
On le voit, il s’agit de mettre en œuvre un faisceau d’indices à partir de critères
distincts pour qualifier l’opération de vente ou de louage d’ouvrage.
III – Le contrat de louage de choses
Autre situation d’apparence similaire au contrat d’entreprise, il s’agit de
l’hypothèse où le propriétaire du sol passe contrat avec un tiers pour la location
d’un engin destiné à effectuer un travail précis.
CHAPITRE 1 – LE TEMPS DU CHANTIER 31

Exemple
Location d’une pelle mécanique pour un travail de terrassement ou d’une grue pour le
déchargement des matériaux de construction. Si l’engin est loué seul, aucune difficulté
ne se présente. La situation concerne sans ambiguïté un contrat de louage de chose. En
revanche, la situation devient plus complexe si le loueur fournit le personnel qui mani-
pule les engins loués.

À ce jour, les solutions sont relativement incertaines dans cette seconde hypo-
thèse. La jurisprudence retient généralement le critère de la subordination de
ces personnels au client, bailleur, (qui donne les instructions). Si l’entreprise
est indépendante, le contrat est un contrat d’entreprise. Dans le cas inverse il
s’agit d’une location de chose.
Un arrêt du 24 juin 19922 souligne que dans le cas où le maître assure des
pouvoirs de direction et de contrôle sur le conducteur d’un engin de terrasse-
ment, l’absence du critère d’indépendance de l’opérateur fait échapper la
convention à la qualification de louage d’ouvrage au profit du louage de chose.
Par ailleurs, l’objet du travail est parfois pris en compte selon qu’il s’agit d’un
travail d’exécution même de l’ouvrage principal ou au contraire d’une presta-
tion accessoire. Dans l’affirmative, le louage de chose est écarté ; dans le cas
inverse il peut être retenu.
On voit que l’exemple de la location d’une grue avec chauffeur relève du
contrat de louage de chose tandis que la location d’une tractopelle prête à diffi-
culté. En définitive le juge devra fonder sa religion sur les éléments de faits,
appréciés in concreto, de l’espèce.
IV – Le contrat de mandat
Ce contrat est défini par l’article 1984 du Code civil qui indique qu’il s’agit
« d’un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire
quelque chose pour le mandant et en son nom ». Il existe donc une représen-
tation du mandant par le mandataire qui est absente du contrat de louage
d’ouvrage.
On rappellera toutefois que l’architecte maître d’œuvre peut annexer au
contrat de louage d’ouvrage un contrat de mandat lui permettant de repré-
senter son maître d’ouvrage. C’est le cas de la démarche de demande de
permis de construire. Ce mandant doit demeurer toutefois limité dans son
objet.
En effet, en matière de construction, une autre forme de mandat doit être prise
en compte : il s’agit du contrat de promotion immobilière (art. 1831-1, C. civ.)
et sa forme protégée (art. L. 222-1 et R. 222-1, CCH) lorsque l’opération
concerne un logement. Cet article instaure un « mandat d’intérêt commun

2. Cass. 3e civ., 24 juin 1992, Bull. civ. III, no 218.


32 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

par lequel une personne, dite promoteur immobilier, s’oblige envers le maître
de l’ouvrage à faire procéder, pour un prix convenu au moyen de contrats de
louages d’ouvrage, à la réalisation d’un programme de construction [...] ainsi
qu’à procéder elle-même ou à faire procéder, moyennant une rémunération
convenue, à tout ou partie des opérations juridiques administratives et finan-
cières concourant au même objet ».
Ainsi, un architecte qui reçoit un mandat annexe à son contrat de louage pour
la réalisation de ces diverses tâches financières et administratives peut voir son
contrat requalifié en contrat de promotion immobilière dont le régime est plus
sévère principalement lorsqu’il concerne le secteur du logement.
C. La forme du contrat de louage d’ouvrage
49. Le contrat de louage d’ouvrage obéit aux règles habituelles des contrats de
droit civil. Il s’agit d’un contrat synallagmatique qui suppose de bénéficier de la
capacité civile de contracter.
Bien que formé et parfait par le libre accord des parties sur la chose à construire
et sur le prix, il est nécessaire de le souscrire par écrit pour des considérations
liées à la preuve (art. 1341, C. civ.) et en autant d’exemplaires que de cocon-
tractants (deux en principe).
Idéalement, le contrat doit se composer d’un cahier des clauses générales et
du cahier des clauses particulières adaptant le marché aux particularités de la
construction prévue. Bien que régi par la loi des parties, celles-ci peuvent
s’aider en faisant référence à la norme (AFNOR P03-001) qui aura valeur
contractuelle si le marché y fait référence.
En matière de contrats de construction de maison individuelle, le formalisme
devient obligatoire et se révèle particulièrement strict. Ainsi le contrat doit
être écrit (sous peine de sanction pénale) et comporter les mentions obliga-
toires inscrites à l’article L. 231-2 du CCH (art. L. 231-1, CCH si le contrat
est dépourvu de la fourniture du plan).
En réalité, la pratique déplore, pour les contrats d’entreprise de droit commun,
une insuffisance chronique des éléments de preuve du contrat : les parties
s’engagent sur un simple devis (qui doit alors être daté et cosigné par les
parties pour avoir une valeur contractuelle) ou même verbalement. Il revient
alors au juge de rechercher la commune intention des parties, ce qui n’est pas
toujours aisé. La preuve par tous moyens (témoins) est alors admise en cas de
commencement de preuve par écrit tels que courriers échangés, règlement
effectué par chèque, etc. (art. 1347, C. civ.).
50. Dès lors qu’il concerne la construction d’un immeuble à usage d’habita-
tion, le contrat de louage d’ouvrage conclu par l’entrepreneur est soumis au
délai de rétractation par effet de l’article L. 271-1 du Code de la construction
dans sa rédaction actuelle. Ainsi, le maître de l’ouvrage dispose de sept jours à
compter de la date de première présentation de la lettre lui notifiant le contrat.
CHAPITRE 1 – LE TEMPS DU CHANTIER 33

Cette notification est importante car l’article L. 271-3 du CCH (intervention


d’un professionnel ayant reçu mandat de vente) n’étant pas applicable en
pratique au contrat de construction, seule la notification par voie recommandée
avec avis de réception semble possible à l’exclusion de la remise en main propre.
Cette notification de l’acte (le contrat de louage d’ouvrage pour la construc-
tion d’un logement) devra être faite aux deux époux mais elle n’aura pas à
mentionner le délai de rétractation ni les conséquences de son dépassement.
Le droit de rétractation sera exercé par simple lettre recommandée sans que
celle-ci doive être motivée. Curieusement, le droit de rétractation ne
s’applique pas à l’architecte. En ce qui concerne la définition du prix, le
marché de l’entrepreneur se distingue par la possibilité d’opter pour un
marché dit « à forfait » et un marché dit « au métré ». On signalera pour
mémoire le marché sur dépense contrôlée qui n’est pas usité de nos jours pour
les marchés privés de construction.
51. Le marché à forfait – Il est régi par les articles 1793 et 1794 du Code civil.
Le premier d’entre eux fixe le régime de la conclusion de ce type de marchés en
énonçant trois critères distinctifs. Ce marché consiste pour un entrepreneur à
réaliser un ouvrage de bâtiment, d’après un plan déterminé avec le maître,
pour un prix fixe, ferme et définitif.
Le prix du marché ne pourra donc pas être modifié. Il restera constant en dépit
de cause de renchérissement des travaux convenus.
Il pourra s’agir de la nécessité de réaliser des ouvrages supplémentaires néces-
saires à l’exécution de la prestation promise. Il s’agira également de la rectifi-
cation d’oublis commis par l’entrepreneur dans la conception du projet, ou des
conséquences d’aléas de construction, des surcoûts liés par exemple à la
mauvaise qualité du sol mais également des erreurs d’autres corps de métiers
ou du maître d’œuvre (sous réserve alors de recours contre ces derniers).
Le prix n’est pas cependant systématiquement figé. Ainsi, une actualisation du
prix sur la base d’un indice défini à l’avance (le plus souvent il s’agira de
l’indice BT01) peut être prévue par le contrat.
De même, des avenants au contrat initial dûment signés par le maître de
l’ouvrage peuvent venir modifier en cours de chantier l’enveloppe des
travaux en plus ou en moins (avenants de plus-value ou de moins-value). Il
s’agira en tout état de cause d’une expression non équivoque et préalable à la
réalisation des travaux, de la volonté du maître d’ouvrage. Toutefois, la juris-
prudence admet une ratification « après coup » si elle est non équivoque,
fut-elle tacite.
Parfois enfin, le marché prévoit une possibilité de facturer, dans certaines
conditions, des suppléments non demandés initialement par le maître de
l’ouvrage. On parle alors de forfait imparfait.
Ces hypothèses de modification du prix sont le résultat de la volonté exprimée
par les parties. Toutefois, la jurisprudence admet dans certains cas le paiement
de sommes non prévues à l’origine par le marché.
34 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Elle fait alors appel à la notion de « bouleversement de l’économie générale du


contrat ». Il s’agira de surcoûts importants3 dont l’origine est à rechercher dans
le comportement du maître de l’ouvrage4 : travaux d’une ampleur, d’un coût et
d’une nature sans rapport avec l’objet initial du contrat, imposés par le maître
de l’ouvrage sans que les avenants nécessaires aient été signés. Dans ce cas, on
se trouve dans la situation d’un « dérapage » de la commande du maître de
l’ouvrage et la prestation réalisée est sans lien avec le contrat initial et doit
sortir du cadre du marché à forfait pour donner lieu à facturation.
Le second article relatif au marché à forfait (art. 1794, C. civ.) prévoit au
profit du maître de l’ouvrage une résiliation unilatérale du contrat. Toute-
fois, celle-ci sera conditionnée à l’obligation d’indemniser l’entrepreneur de
ses frais et de la perte de bénéfice, ce qui est dissuasif. Ainsi, en pratique le
dispositif de l’article 1794 du Code civil sera peu utilisé par le maître
d’ouvrage. En revanche, il sera invoqué par l’entrepreneur pour s’opposer à
une demande de résolution du contrat fondée sur l’article 1184 du Code
civil et dirigée à son encontre par le maître d’ouvrage dans l’hypothèse d’un
arrêt du chantier.
52. Le marché au métré – Contrairement au marché à forfait, le prix de
l’ouvrage n’est pas connu dès le départ des travaux mais les parties s’accordent
sur les prix unitaires pour une qualité prédéfinie. Le prix est ensuite défini au
fur et à mesure des travaux en fonction des quantités effectivement réalisées.

§2. Les obligations des parties


53. S’agissant de contrats synallagmatiques, les obligations des uns correspon-
dent bien entendu aux droits détenus par les autres. Ainsi, de manière géné-
rale, les locateurs d’ouvrage pourront prétendre de la part du maître de
l’ouvrage au paiement de leurs factures, à leur indépendance dans la réalisation
du chantier et, pour le maître d’œuvre, à la propriété de son œuvre intellec-
tuelle ainsi que cela a été indiqué plus haut.
L’accent doit donc être davantage porté sur les obligations de chacun. Toute-
fois, le sous-traitant occupant une place particulière dans l’ordonnancement de
l’opération de construire, il y aura lieu d’évoquer, outre ses obligations, les
protections dont il dispose afin d’être réglé des travaux qu’il a réalisés.
A. Les obligations du maître d’œuvre
54. La mission du maître d’œuvre est variable. De plus, le maître d’œuvre
traite de problèmes complexes notamment au stade de la conception de
l’ouvrage. C’est pourquoi la responsabilité de ce locateur d’ouvrage est
dominée généralement par la notion de faute.

3. Cass. 3e civ., 24 janvier 1990, Bull. civ. III, no 28.


4. Cass. 3e civ., 7 mai 1996, Juris-Data 1996-001933.
CHAPITRE 1 – LE TEMPS DU CHANTIER 35

Toutefois ses responsabilités doivent être nuancées, d’autant que la jurispru-


dence n’est pas totalement établie en la matière. Bien entendu, les responsabi-
lités de l’architecte sont définies par le contenu de son contrat et ne sauraient
aller au-delà. En revanche le caractère onéreux ou gratuit de l’intervention du
maître d’œuvre est sans effet sur le régime de ses responsabilités.
On distinguera, selon que la prestation mise en œuvre est assortie ou non d’un
aléa dans son aboutissement :
– au stade de la conception de l’ouvrage et du dépôt du dossier de permis
de construire, les obligations de l’architecte maître d’œuvre s’analysent en
une obligation de résultat. Cette obligation concerne l’ensemble des dili-
gences accomplies par le maître d’œuvre à ce stade de la construction.
Celui-ci doit se renseigner et appliquer les règles d’urbanisme en vigueur,
respecter les règles relatives aux servitudes qui lui ont été communiquées
(et dont il doit s’enquérir), observer les règles de l’art et notamment les
DTU (documents techniques unifiés), recourir à des matériaux agréés et
adaptés au projet qui lui a été soumis.
En revanche, le maître d’œuvre ne supporte qu’une obligation de moyen
en ce qui concerne l’obtention effective du permis de construire. Il en est
de même de la mission de consultation des entreprises pour laquelle le
maître d’œuvre n’est tenu que de sa faute pour le « recrutement » d’une
entreprise incompétente et/ou mal assurée ;
– au stade du chantier, les obligations du maître d’œuvre s’analysent prin-
cipalement comme des obligations de moyen. Ceci concerne la surveil-
lance des travaux réalisés sur le chantier. On doit prendre en considéra-
tion le fait que le maître d’œuvre ne peut être constamment présent sur
le chantier et qu’il ne dispose d’aucun pouvoir « hiérarchique » sur les
entreprises intervenant sous sa direction. Son obligation est donc de tout
mettre en œuvre pour une conduite efficace du chantier (visites régulières,
visites inopinées, investigations plus poussées à certains stades de la cons-
truction, etc.). De même, lors de la mission d’assistance à réception, le
maître d’œuvre est assujetti à une obligation de moyen.
En revanche, le maître d’œuvre fait face à une obligation de résultat pour
ce qui relève de la comptabilité du chantier mais également – ce qui est
plus surprenant – pour ce qui concerne le délai de réalisation des travaux.
À tous les stades de la mission du maître d’œuvre, il s’ajoute à ces obligations
une très importante obligation de conseil qui concerne l’ensemble de la
conduite du projet, du choix des solutions techniques jusqu’à l’appréciation
de l’adaptation du projet aux facultés de financement du client concerné. Le
maître d’œuvre est ici tenu de sa faute.
B. Les obligations de l’entrepreneur
55. L’entrepreneur doit faire face à trois obligations principales mais doit aussi
supporter le risque du chantier.
36 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

I – L’entrepreneur est débiteur d’une obligation de « construction


conforme »
Il doit respecter les plans et le descriptif contractuel (signés des parties) des
travaux qui lui sont confiés.
Il doit respecter les règles de construction qui peuvent acquérir une véritable
valeur contractuelle si le contrat le précise. Ces règles sont les DTU (docu-
ments techniques unifiés) aujourd’hui disponibles sur support informatique,
codifiant les bonnes pratiques en matière de construction. Plus généralement,
il doit respecter les règles de l’art qui résultent du savoir-faire de la profession.
Il doit contrôler les matériaux qu’il met en œuvre (conformité des produits,
absence de vices, adaptation à l’usage prévu) et une certification de la part du
CSTB (organisme de contrôle) ne suffit pas à exonérer l’entrepreneur.
Toutefois, si les matériaux sont fournis par le maître de l’ouvrage, l’obligation
est appréciée de manière plus légère.
Ces obligations sont assorties d’une obligation de résultat. À ce titre, le client
peut exiger la réparation voire même la démolition/reconstruction des
ouvrages non conformes sans préjudice des dommages et intérêts résultant du
trouble direct actuel et certain qui résulte des erreurs commises.
L’entrepreneur doit aussi des obligations annexes au titre desquelles on peut citer
l’obligation d’information et de conseil qui lui impose de signaler à son cocon-
tractant toute difficulté et de lui proposer les solutions pour les surmonter.
II – L’entrepreneur doit respecter les délais
56. Le contrat de louage d’ouvrage peut prévoir un délai. Dans ce cas, il
faudra prendre garde à l’expression claire d’un point de départ, voire des
causes de suspension du délai fixé. On observera que la référence par le
contrat de louage d’ouvrage à la norme P03-001 permet à l’entrepreneur
d’ajouter à ce délai un délai de préparation (de l’ordre de un à trois mois
selon les cas). Cette norme réglemente aussi les causes de prolongation du
délai initial (force majeure, grève du secteur, intempéries au sens du Code du
travail, etc.).
Si le contrat est absent (simple devis) ou s’il ne stipule aucun délai, la jurispru-
dence se réfère à la notion de délai raisonnable apprécié concrètement au cas
par cas, en fonction de l’ampleur des travaux.
Le traitement des retards de l’entrepreneur se divise selon deux hypothèses :
– le marché est en cours. Après vérification de la santé de l’entreprise (consul-
tation du greffe du tribunal de commerce) il est possible de solliciter du juge
une condamnation sous astreinte à livrer les travaux. On rappellera que
l’astreinte est une somme d’argent mise à la charge du débiteur pour
chaque jour de retard et dont le montant est liquidé par le juge. La démarche
n’est donc pas indemnitaire mais comminatoire : elle vise à contraindre le
débiteur à s’exécuter. En l’espèce, cette pénalité permettra de « motiver »
l’entrepreneur qui obérerait son bénéfice en n’intervenant pas rapidement
CHAPITRE 1 – LE TEMPS DU CHANTIER 37

car la liquidation de l’astreinte viendra s’imputer sur ce bénéfice.


Si l’entreprise fait l’objet d’une procédure collective, la solution résidera dans
la résolution du contrat qui sera obtenue par simple envoi d’un courrier
recommandé au représentant légal de la société objet de la procédure
collective ;
– le marché est terminé. L’objectif à poursuivre est alors la perception d’une
somme indemnisant le préjudice subi du fait des retards. Le cas peut avoir
été prévu par le contrat lui-même sous la forme d’une clause pénale. On
multipliera le montant de la pénalité par le nombre de jours de retard,
déduction faite des causes admises de prolongation. Le juge peut toutefois
modifier le résultat arithmétique de ce calcul (art. 1152, C. civ.).
À défaut de clause pénale, il est possible de solliciter du juge la condamnation
de l’entrepreneur défaillant à payer les sommes représentatives des préjudices
résultant des retards. Il y a lieu dans ce cas de justifier de la nature et de
l’étendue des préjudices immatériels mais aussi du montant des préjudices
matériels (relogement, garde-meuble frais intercalaire).
À noter qu’en matière de contrat de construction de maison individuelle le
retard fait l’objet d’une indemnisation réglementaire (art. R. 231-14, CCH)
et peut être pris en compte par un garant de livraison si l’entrepreneur est
« défaillant » (art. L. 231-6, CCH).

III – L’entrepreneur doit respecter le prix convenu


57. Le prix est librement fixé par les parties au contrat. On a vu qu’il peut être
forfaitaire ou calculé au métré en fonction des travaux réalisés. L’entrepreneur
doit respecter le prix ainsi convenu par le contrat initial mais également ses
avenants dûment signés par le maître de l’ouvrage (cf. supra pour le marché à
forfait, no 51). Le contrat peut stipuler une possibilité d’actualisation de ce
prix, le plus souvent sur la base de l’indice BT01 de la construction (l’indice
INSEE est peu pratiqué).

IV – L’entrepreneur supporte le risque du chantier


58. L’ouvrage construit par l’entrepreneur devient au fur et à mesure la
propriété du maître de l’ouvrage qui est le propriétaire du sol, par voie d’acces-
sion. La réception a pour effet de lui attribuer le risque inhérent à la propriété
du bien selon l’adage « res perit domino » (le risque est pour le maître de la
chose).
Avant la réception, le schéma d’attribution des risques du chantier est quelque
peu différent car il repose sur l’entrepreneur. La question est régie par les arti-
cles 1787 et suivants du Code civil. La loi prévoit deux hypothèses selon que la
fourniture des matériaux est prévue au contrat ou non :
– l’article 1788 du Code civil prévoit le cas ou la « matière » est fournie.
Dans ce cas, l’entrepreneur est tenu d’assumer le risque du chantier
même sans sa faute.
38 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Exemples
Un incendie détruit la construction en cours. Le chantier est victime d’un pillage qui
conduit à la disparition des équipements sanitaires. Le chantier est inondé par un orage
exceptionnel. Une tuyauterie cède et inonde le chantier. Dans toutes ces hypothèses,
l’entrepreneur doit assumer la réparation des dommages.

Il est important d’observer que le concept de « risque » se distingue de celui


de « responsabilité » de sorte que l’entrepreneur devra faire face à la perte de
la chose y compris dans le cas où celle-ci résulte d’un cas totalement fortuit.
En revanche il ne sera débiteur que du montant de ses matériaux de son
travail mais nullement des existants. De même il ne sera pas débiteur de la
fourniture d’autrui et ne pourra faire l’objet par conséquent d’une condam-
nation in solidum.
Ce régime très sévère est atténué par deux points : d’une part l’entrepreneur
peut souscrire une assurance facultative en assurance de chose. D’autre part,
l’article 1788 prévoit une exonération si l’ouvrier a mis le maître d’ouvrage
en demeure de recevoir la chose. Par conséquent, si l’ouvrage est achevé et
que l’entrepreneur adresse une mise en demeure à son « client » de procéder
à la réception, le risque repose sur celui-ci ;
– l’article 1789 du Code civil envisage l’hypothèse où l’ouvrier ne fournit
que son industrie (c’est-à-dire sa main-d’œuvre). L’entrepreneur ne sera
comptable des dommages que si le maître rapporte la preuve de sa faute.
Noter que l’article 1790 du Code civil prévoit dans ce cas que l’entrepreneur
ne pourra demander aucun salaire (aucun versement de prix) même sans sa
faute si l’ouvrage n’a pas été vérifié par le maître (sauf vice de la matière).
Cette disposition n’a cependant que peu d’application pratique aujourd’hui.
Noter également que ces articles ne sont pas d’ordre public : ils peuvent
donc être aménagés par des stipulations contractuelles.
Outre ces trois grandes obligations, l’entrepreneur est susceptible de recevoir
l’action récursoire du maître d’ouvrage dans le cas de troubles anormaux de
voisinage résultant du chantier (cf. infra, no 62).
C. Les obligations du sous-traitant
59. Le sous-traitant est le cocontractant de l’entrepreneur principal mais n’a
aucun lien contractuel avec le maître de l’ouvrage. On se doute que ce
schéma triangulaire comporte des risques pour le sous-traitant. En effet, l’entre-
preneur principal peut être tenté de tenir séparés les deux contrats auxquels il
est partie, pour imposer dans l’un et l’autre cas des conditions qui lui sont favo-
rables. Il existe aussi un risque pour le sous-traitant de n’être pas réglé pour les
travaux qu’il a effectués, bien que le maître ait acquitté les factures présentées
par l’entrepreneur principal. C’est pour cette raison qu’il y a lieu ici de dire un
mot des droits du sous-traitant avant de traiter de ses obligations.
CHAPITRE 1 – LE TEMPS DU CHANTIER 39

Une loi no 75-1334 du 31 décembre 1975 est venue réglementer la matière


dans le sens d’une protection accrue du sous-traitant. Ce texte qui est d’ordre
public se divise en trois grands titres outre des dispositions diverses.
Son article 1 définit dans un premier temps la sous-traitance comme « l’opéra-
tion par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité et sous sa responsa-
bilité à une autre personne appelée sous-traitant l’exécution de tout ou partie
du contrat d’entreprise ou du marché public conclu avec le maître de
l’ouvrage »
La protection du sous-traitant est ensuite déclinée à la fois au niveau de la
conclusion du contrat de sous-traitance (titre premier) et au niveau de la sécu-
risation des paiements effectués en contrepartie des travaux sous-traités (titre
deuxième pour les marchés publics et troisième pour les marchés privés).
Ainsi, lors de la conclusion du contrat, la loi du 31 décembre 1975, prise en
son article 3, exige :
– que l’entrepreneur principal fasse agréer par le maître de l’ouvrage le ou
les sous-traitants devant intervenir sur le chantier. Ceci constitue une
garantie pour le sous-traitant dans la mesure où l’entrepreneur principal
est tenu à une certaine transparence. Ceci est d’autant plus vrai que le
maître d’ouvrage peut se faire communiquer les sous-traités pour en
examiner les conditions.
À défaut de respecter ces dispositions, l’entrepreneur reste tenu face au
sous-traitant mais ne peut, lui-même, invoquer le contrat de
sous-traitance. Le maître de l’ouvrage n’est en aucun cas obligé d’accepter
le sous-traitant qui lui est présenté mais à défaut de motivation valable, le
maître s’exposerait à une action en indemnité du sous-traitant ;
– que l’entrepreneur principal fasse agréer les conditions de paiement par le
maître de l’ouvrage. Il s’agit des garanties légales de paiement fournies par
l’entrepreneur principal au sous-traitant (cf. infra, no 60).
Le maître de l’ouvrage apparaît donc comme le « contrôleur » du contrat de
sous-traitance et de ce fait, le protecteur des intérêts du sous-traitant.
Si le sous-traitant ou les conditions de paiement n’ont pas été fournies et
agréés, le contrat est nul. Le sous-traitant pourra alors se faire indemniser des
travaux réellement réalisés, ceci en valeur réelle, fut-elle supérieure au
montant convenu par le sous-traité. Toutefois la possibilité de régulariser une
situation illicite en cours de chantier est admise.
60. Au stade du paiement, quelles sont les garanties octroyées au
sous-traitant ?
Celui-ci étant le cocontractant du cocontractant du maître de l’ouvrage, une
crainte légitime peut être émise au sujet de son paiement exact et effectif par
l’entrepreneur principal.
En matière de marchés publics, la loi prévoit un paiement direct du
sous-traitant par le maître d’ouvrage au-dessus d’un seuil (très faible) de
travaux.
40 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

En matière de travaux privés, le mécanisme est plus complexe et on distingue à


nouveau deux niveaux de protection :
– en vertu de l’article 12 de la loi, le sous-traitant bénéficie d’une action
directe contre le maître d’ouvrage. Dans le cadre d’un contrat régulière-
ment conclu, le sous-traitant adresse une mise en demeure à l’entrepreneur
principal (avec copie au maître de l’ouvrage). À l’issue d’un mois et à
défaut de paiement, le sous-traitant dispose d’une action directe contre le
maître pour le montant des sommes prévues au sous-traité et dans la limite
des sommes restant dues. Le mécanisme est donc différent du paiement
direct prévu en matière de travaux publics car le recours au maître de
l’ouvrage est subsidiaire à l’action contre l’entrepreneur principal ;
– en vertu de l’article 14 de la loi, deux garanties de paiement sont
prévues :
❍ soit le sous-traitant bénéficie d’un cautionnement personnel souscrit

par l’entrepreneur principal, pour le montant des travaux sous-traités.


Ce cautionnement est consenti par un organisme financier habilité par
les pouvoirs publics et a pour objet de régler le sous-traitant qui ne
parviendrait pas à obtenir paiement de la part de l’entrepreneur prin-
cipal. Cette protection est donc efficace mais elle représente un coût,
❍ soit, à défaut de ce cautionnement, il bénéficie d’une délégation de

paiement lui permettant de se faire payer directement par le maître de


l’ouvrage en lieu et place de l’entrepreneur principal. On insistera sur le
fait qu’il s’agit là d’une protection subsidiaire, à défaut de cautionne-
ment (qui est la protection de principe mais qui représente un coût)
et qui est constituée par un accord entre les trois parties en présence,
pour que les facturations soient adressées directement au maître de
l’ouvrage. Ce mécanisme est donc ici encore distinct de l’action
directe de l’article 12 précité.
Enfin la jurisprudence a utilisé les dispositions de l’article 14-1 de la loi pour
mettre en œuvre une responsabilité quasi délictuelle contre le maître
d’ouvrage.
Cet article, applicable aux marchés publics, impose au maître de l’ouvrage de
mettre en demeure l’entrepreneur principal de faire agréer tout sous-traitant
non agréé dont il aurait observé la présence sur son chantier. De même, ce
même article oblige le maître de l’ouvrage à exiger de l’entrepreneur principal
le respect des conditions de sécurisation des paiements prévus par la loi au
profit du sous-traitant.
La jurisprudence civile a repris ces dispositions pour en tirer des conséquences
en matière de marchés de droit privé.
En effet, à défaut de respecter l’obligation du maître de l’ouvrage de vérifier que
les sous-traitants évoluant sur son chantier ont fait l’objet d’un agrément, la
Cour de cassation considère que le maître de l’ouvrage engage sa responsabilité
directement à l’égard du sous-traitant notamment en cas de difficulté pour
celui-ci à obtenir paiement de ses travaux.
CHAPITRE 1 – LE TEMPS DU CHANTIER 41

Cette responsabilité du maître de l’ouvrage à l’égard du sous-traitant est de


nature quasi délictuelle.
Il en sera ainsi lorsque ledit maître de l’ouvrage n’a pas exigé de l’entrepreneur
principal la preuve de la fourniture au sous-traitant d’une des deux garanties de
paiement citées ci-dessus.
En conséquence, le maître devra indemniser le sous-traitant pour le préju-
dice direct résultant de cette faute.
La jurisprudence issue de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 a fait
l’objet de bien des interrogations. Ainsi, on a pu s’interroger sur la notion de
« connaissance » par le maître de l’ouvrage des sous-traitants non agréés
évoluant sur le chantier. Il semble que la Cour de cassation ait une conception
relativement restrictive supposant que ces sous-traitants aient été clairement
identifiés par le maître de l’ouvrage.
61. Au plan de ses obligations, le sous-traitant, en revanche, ne présente
guère de particularités.
Le sous-traitant n’est pas le cocontractant du maître de l’ouvrage. Ses obliga-
tions s’analysent donc au regard de son donneur d’ordre qui est l’entrepre-
neur principal comme étant d’essence contractuelle. À ce niveau, le
sous-traitant se présente comme tout locateur d’ouvrage.
Dans la logique du contrat de louage d’ouvrage qu’il a souscrit, il est débiteur
des obligations de tout entrepreneur au niveau du respect des règles de l’art des
plans et devis mais également des prix et des délais. Sa situation n’a donc rien
de spécifique si ce n’est qu’elle s’apprécie entre professionnels de la
construction.
Si le sous-traitant n’a pas fait l’objet d’un agrément conforme à la loi, le contrat
de sous-traitance peut être déclaré nul. Toutefois, cette considération ne
permet pas au sous-traitant d’échapper à ses obligations pour ce qui concerne
les travaux qu’il a malgré tout effectués.
Enfin, le sous-traitant doit faire face à une obligation d’information et de
conseil face à l’entrepreneur principal spécialement si ledit sous-traitant est
un spécialiste recruté pour un travail spécifique.
NB : le sous-traitant engage aussi le cas échéant une responsabilité face au
maître de l’ouvrage qui sera examinée infra au titre des responsabilités après
réception (no 164).
D. Les obligations du maître de l’ouvrage
62. Le maître de l’ouvrage est un acteur important de l’acte de construire car il
est à l’origine du chantier et les intervenants exécutent la commande de ce
dernier. Pourtant, le maître de l’ouvrage a, durant la période des travaux, un
rôle particulièrement passif. Ses obligations sont au nombre de quatre :
En premier lieu, le maître de l’ouvrage doit « laisser construire ». Les entrepre-
neurs interviennent en toute indépendance vis-à-vis du maître de l’ouvrage et
42 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

celui-ci ne saurait envahir le chantier pour donner des ordres aux ouvriers,
modifier les plans, contredire les ordres du maître d’œuvre. Cette situation –
qui se rencontre surtout en matière de construction de logements pour des
particuliers – expose le maître d’ouvrage d’une part à un retard du chantier
dont il ne pourra obtenir réparation et d’autre part à permettre aux entrepre-
neurs actionnés sur le terrain de la garantie décennale (après la réception) de
s’exonérer de tout ou partie de leur responsabilité en raison d’une « immixtion
fautive du maître de l’ouvrage ». Ce concept sera détaillé infra (no 117) lors de
l’étude de la responsabilité civile décennale.
Le maître de l’ouvrage doit en second lieu honorer les « situations » (les
factures intermédiaires) qui lui sont présentées. Généralement, le maître
d’œuvre procède périodiquement à une visite du chantier et vérifie la qualité
des travaux voire demande les corrections utiles. Il établit ensuite le décompte
des sommes dues et en présente le détail à son client, le maître de l’ouvrage.
Selon la norme P03-001, le silence du maître d’ouvrage pendant quarante
jours vaut acceptation du décompte. En principe, le maître d’ouvrage doit
alors régler sous trente jours. La loi du 16 juillet 1971 permet néanmoins au
maître de l’ouvrage de retenir une somme égale à 5 % de la situation en
contre-valeur des désordres observés.
On notera toutefois que le contrat peut prévoir un délai différent ainsi que des
pénalités pour retard de paiement. En matière de contrat de construction de
maison individuelle, les tranches de paiement sont réglementées en pourcen-
tage du prix convenu et les pénalités de retard de paiement sont plafonnées par
des textes d’ordre public.
À noter la garantie de paiement instaurée par l’article 1799-1 du Code civil
au profit des entrepreneurs. Ainsi, pour tout marché supérieur à 12 000 € HT,
soit le maître d’ouvrage doit justifier d’une caution bancaire s’il n’a pas souscrit
de prêt immobilier, soit, dans le cas inverse, la banque doit régler par priorité
l’entrepreneur. Toutefois, le mécanisme de l’article 1799-1 du Code civil ne
s’applique pas aux travaux effectués pour la satisfaction des besoins personnels
non professionnels du maître d’ouvrage c’est-à-dire, en clair, pour le logement.
En troisième lieu, il doit assumer les conséquences des troubles au voisinage
sous réserve de son recours contre les locateurs d’ouvrage.
Bien évidemment, la réalisation d’une construction immobilière peut engen-
drer pour le voisinage du chantier des nuisances voire des dommages. Le trai-
tement de la réparation de ces derniers est régi, ici encore, par le droit commun
et non par des dispositions spécifiques de la loi du 4 janvier 1978.
L’hypothèse du trouble de voisinage ne doit pas être confondue avec le cas de
dommages matériels dus au chantier (par exemple, la grue tombe sur sa
maison du voisin). Dans ce cas, la victime devra retenir la responsabilité
quasi délictuelle des entrepreneurs fondée sur la garde des engins en cause.
L’article 1384-1 du Code civil doit donc être invoqué dès lors que l’entrepre-
neur a « la direction et le contrôle » de l’engin concerné. La responsabilité est
sans faute.
CHAPITRE 1 – LE TEMPS DU CHANTIER 43

L’hypothèse du trouble de voisinage concerne en revanche le cas où le voisin a


à souffrir de nuisances inhérentes au chantier tels que les bruits, les fumées, les
vibrations, la poussière. Ces préjudices sont alors indemnisés sur la base d’une
théorie jurisprudentielle dite des « inconvénients anormaux de voisinage ».
Cette théorie ancienne, puisqu’apparue durant le XIXe siècle, dépasse large-
ment le cadre du droit de la construction qui l’a simplement adoptée. Indépen-
dante de la notion d’abus de droit, elle permet d’indemniser les troubles causés
par le voisinage lorsque ces troubles excèdent le niveau ordinairement accep-
table : le chant d’un coq particulièrement matinal ; les aboiements incessants
d’un chien, l’installation de pieux acérés à côté d’un terrain d’atterrissage pour
dirigeables, etc.
Deux conditions sont alors requises : d’une part une situation de voisinage unis-
sant l’auteur des nuisances à la victime, d’autre part, une nuisance anormale,
excessive dans ses modalités et qui doit se répéter dans le temps.
Le droit de la construction a adopté cette théorie en l’adaptant quelque peu :
– le bénéficiaire de l’indemnité reste un voisin, tiers à l’opération de cons-
truction mais habitant près du chantier : propriétaire, locataire du voisin
et assimilés, etc. ;
– le débiteur de l’obligation peut en revanche être :
❍ soit le maître de l’ouvrage qui a commandé les travaux qui se révèlent

sources de nuisance bien qu’il ne soit pas l’auteur matériel des


dommages. Pour la victime, le régime de la responsabilité est « sans
faute » : dès lors que le trouble est anormal dans son intensité et/ou sa
nature, le droit à indemnité naît à son profit car on considère que celui
qui « tire bénéfice » de la construction doit en assumer également les
inconvénients5. Il s’agit de l’application classique de la notion de
trouble anormal,
❍ soit l’entrepreneur, auteur matériel des nuisances, bien qu’il ne soit

pas véritablement un voisin. En effet, la jurisprudence retient la


notion de « voisin occasionnel » pour la durée du chantier
(Cass. 3e civ., 22 juin 2005, Bull. civ. III, no 136). La victime peut
donc actionner l’entrepreneur auteur de la nuisance, directement si
elle peut l’identifier. Cette notion insolite de « voisin occasionnel »,
qui n’a d’autre raison que de permettre à la victime d’actionner directe-
ment l’entrepreneur sans avoir à prouver sa faute, semble toutefois
devoir faire l’objet d’une inflexion de la jurisprudence. Ici encore, la
victime bénéficie d’un recours qui n’est pas fondé sur la faute ;
– autre assouplissement, le trouble lié aux travaux peut n’être que ponctuel
dans le temps (les conséquences du sectionnement d’un câble d’alimenta-
tion ayant coupé l’électricité chez un voisin du chantier a été considéré
comme un « trouble anormal » susceptible d’être indemnisé).

5. Cass. 3e civ., 30 juin 1998, Bull. civ. III, no 144.


44 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Le voisin victime peut donc choisir son interlocuteur et être indemnisé


soit par son voisin, maître d’ouvrage soit par l’entrepreneur, auteur maté-
riel des nuisances.
Cette alternative pose la question des actions récursoires éventuellement possi-
bles, entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur. On admet que l’entrepreneur
mis en cause ne dispose pas de recours contre le maître de l’ouvrage. Cette
solution apparaîtra logique dès lors que l’entrepreneur est l’auteur matériel de
la nuisance.
Le maître de l’ouvrage, en revanche, dispose d’un recours contre son cocon-
tractant entrepreneur.
Ce recours est « sans faute » car fondé sur la subrogation de l’article 1251-3 du
Code civil, si le maître de l’ouvrage a au préalable indemnisé la victime. Au
contraire, si le maître de l’ouvrage, mis en cause par la victime, appelle seule-
ment en garantie l’entrepreneur sans régler aucune somme, il reviendra à ce
maître d’ouvrage, dans le cadre de ce recours en garantie, d’établir positive-
ment la faute de ce dernier.
Enfin, quatrième et dernière obligation, le maître de l’ouvrage doit déférer à la
convocation de l’entrepreneur en vue de la réception. Ce point sera toutefois
détaillé infra (no 85).
Nos 63 à 74 réservés.

Bibliographie

CHARBONNEAU (C.), « La responsabilité du maître d’ouvrage délégué », RDI 2011, 208.


LESCURE (P. de), « Marché de travaux à forfait : quand y a-t-il bouleversement de l’éco-
nomie du contrat », Constr.-Urb. 2007, Étude no 10.
MALINVAUD (Ph.), « Droits et obligations du sous-traitant : questions d’actualité », RDI
2006, p. 165.
MARGANNE (H.), « Les principes essentiels du marché à forfait », JPC G, I, no 78.
MIGNOT (M.), « Construction, trouble de voisinage et obligation in solidum », RDI 2008,
p. 408.
PERINET-MARQUET (H.), « Remarques sur l’extension du champ d’application de la
théorie des troubles de voisinage », RDI 2005, p. 161.
SIZAIRE (D.), « Le vendeur constructeur », Constr.-Urb. 2005, Étude no 2.
Chapitre

2
L’issue du chantier et la réception
des travaux

Plan du chapitre

§1. La définition de la réception


§2. Les effets de la réception

RÉSUMÉ
75. La réception des travaux est un concept important pour comprendre et appli-
quer l’assurance construction. En effet, l’issue du chantier correspond généralement
à la terminaison des travaux et donne lieu à la formalité de la réception des travaux.
Il s’agit là d’une césure entre la période du temps du chantier, qui est dominée par le
droit commun des obligations et qui s’accompagne d’une possibilité d’assurance
facultative, et la période de mise en service, d’exploitation, d’usage du bien
immeuble ainsi construit, assortie d’une obligation d’assurance.
La réception des travaux marque donc l’entrée dans un droit spécifique, issu de la
loi du 4 janvier 1978 qu’il y a donc lieu d’aborder à présent. Cette étude suppose un
préalable qui n’est autre que la définition du champ d’application des textes spéci-
fiques ainsi que l’évocation du vocabulaire tout à fait particulier retenu par le légis-
lateur dans le cadre de la loi du 4 janvier 1978.
Après avoir défini les concepts utilisés par la loi, il y aura lieu de définir la réception,
d’en étudier les formes avant de s’attacher à en vérifier les effets.
46 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

76. Tout travail réalisé dans le cadre d’un contrat de louage d’ouvrage ne
conduit pas à l’application de la loi Spinetta. Celle-ci ne reçoit application
qu’à certaines conditions qu’il convient d’expliciter. Comme le Code civil de
1804, la loi de 1967 retenait la notion « d’édifice » pour définir le champ
d’application du régime de responsabilité spécifique des constructeurs. Il s’agis-
sait un ouvrage de construction, élevé sur le sol, ce qui excluait les murs et les
dalles (ouvrages plats), les piscines (ouvrages en creux), le génie civil, etc. qui
étaient renvoyés à l’application du droit commun.
Cet édifice était constitué de « gros ouvrages » (les gros murs, le toit, etc.) ou
de « menus ouvrages » (portes, fenêtres, sanitaire, tuyaux non encastrés, radia-
teurs, etc.) dont une liste était dressée par voie réglementaire (art. R. 111-27,
ancien CCH). Les textes excluaient simplement de la réglementation spéciale
les « ouvrages mécaniques ou électriques que l’entrepreneur installe en l’état
où ils lui sont livrés » (art. R. 111-28, ancien CCH).
La loi de 1967 adoptait donc une approche des garanties spécifiques unique-
ment basée sur le critère du siège des dommages.
La loi de 1978 retient un vocabulaire et un principe notablement plus élaborés
donc plus complexe.
Ainsi, selon l’article 1792 du Code civil actuel, la loi spéciale s’applique à la
réalisation d’un « ouvrage ».
Désormais en vigueur, la notion « d’ouvrage » apparaît bien plus extensive que
celle d’édifice, de sorte qu’elle a nécessité, pour la comprendre, le secours de la
jurisprudence : toute œuvre humaine n’est-elle pas, en effet, un ouvrage dès
lors qu’un bien résulte de l’activité d’un ouvrier façonnant la matière (un
« ouvrage » de broderie...) ?
Selon la jurisprudence, l’ouvrage soumis à la loi du 4 janvier 1978 doit
réunir trois critères :
– il doit en premier lieu s’agir de travaux immobiliers c’est-à-dire ancrés au
sol1. Ceux-ci consistent donc à créer, comme sous l’empire de la loi de
1967, des édifices élevés sur le sol. Désormais cependant, s’y ajoutent des
ouvrages en creux (piscines) ou plats (murs et dalles) des travaux de génie
civil indépendants de tout bâtiment, des VRD (voirie réseau divers)
desservant ou non ces bâtiments.
La loi spéciale vise également les fractions d’ouvrage, interne à un ouvrage
au sens global, représentées par la construction dans son ensemble
(l’immeuble). Il s’agit alors d’installations lourdes à caractère immobilier,
par exemple de chauffage central, ascenseur ou autre2. Il faut donc
comprendre qu’un ouvrage peut abriter un autre ouvrage notamment à

1. Cass. 3e civ., 28 avril 1993, Bull. civ. III, no 56 a contrario pour un mobile-home seulement
posé sur le sol.
2. Pour une cheminée : Cass. 3e civ., 25 février 1998, Bull. civ. III, no 46.
CHAPITRE 2 – L’ISSUE DU CHANTIER ET LA RÉCEPTION DES TRAVAUX 47

l’occasion de travaux de seconde génération tels que la réfection du chauf-


fage central ou le remplacement de l’ensemble des fenêtres.
En effet, la jurisprudence apparaît sur ce point assez extensive. On obser-
vera que ces ouvrages concernent des réalisations neuves mais aussi des
ouvrages de rénovation d’un ouvrage existant ;
– en second lieu, les travaux doivent être représentatifs d’un travail de
construction. Ainsi des matériaux doivent être assemblés en un ouvrage
distinct de leur existence individuelle initiale, pour former un tout,
lequel apparaît nouveau : le ciment, les briques, les tuiles, la charpente,
etc., sont « œuvrés » ensemble, pour constituer un immeuble ;
– il doit s’agir enfin, en troisième lieu, de travaux d’une certaine ampleur :
sont ainsi exclus les travaux de peinture et ravalement (sauf s’ils ont une fonc-
tion d’étanchéité), les travaux de simple entretien, la mise en œuvre après
coup d’éléments d’équipements légers (climatisation, module de production
d’eau chaude, insert, etc.). En matière de rénovation, les travaux visés par la
loi spéciale doivent présenter également une certaine importance3.
77. Attention toutefois car la sémantique de la loi de 1978 est quelque peu
complexe et admet, outre les « ouvrages » qui constituent le critère détermi-
nant, une notion complémentaire sur laquelle il conviendra de revenir qui
est celle des « éléments ».
La lecture de l’article 1792 du Code civil amène en effet à distinguer les
éléments « constitutifs » des éléments « d’équipement ».
Force est de constater que la notion d’élément constitutif est restée floue aux
yeux de la doctrine. La jurisprudence y faisant par ailleurs rarement appel, cette
notion est restée obscure, ce qui témoigne de son peu d’utilité puisque les tribu-
naux n’ont pas eu à la préciser.
La doctrine la plus autorisée y voit donc – sans que les conséquences de droit
sautent aux yeux – les matériaux tels que les briques, le sable, le ciment, etc.
qui, œuvrés par les entreprises, deviennent partie intégrante de « l’ouvrage ».
La notion « d’élément d’équipement » paraît plus claire. Cependant elle se
décline en plusieurs sous-catégories, ce qui vient, à nouveau, compliquer le
schéma d’ensemble de la sémantique nouvelle.
Il ne fait pas de doute que l’élément d’équipement, voulu par le rapport
Spinetta comme une des clés de voûte du système, est constitué par tous les
appareillages, simples ou complexes, produits hors du cadre du chantier, de
manière industrielle, et intégrés dans la structure du « gros œuvre ».
Toutefois, ces « éléments d’équipement » se divisent en éléments non spécia-
lement qualifiés visés à l’article 1792 du Code civil, éléments qualifiés
d’« indissociables » (art. 1792-2) et enfin d’éléments dits « dissociables »
(art. 1792-3). Une dernière catégorie est constituée par des « EPERS »

3. Travaux sur la structure de l’existant, rajout d’équipements lourds, etc. : Cass. 3e civ.,
30 mars 1994, Bull. civ. III, no 70.
48 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

(éléments pouvant entraîner une responsabilité solidaire, art. 1792-4) avec des
conséquences juridiques différentes pour chacun d’eux.
Tous ces éléments seront décrits plus précisément infra (nos 121 et 143) lors de
l’étude de leur régime juridique mais il était nécessaire d’en assurer dès à
présent la présentation sommaire.
On notera que la notion « d’élément d’équipement » peut venir parfois se
télescoper avec celle « d’ouvrage » et un travail peut, en fonction de la mise
en œuvre des critères évoqués ci-dessus (caractère immobilier, ampleur des
travaux), être qualifié « d’ouvrage » ou « d’élément d’équipement ».
78. À noter également que l’ordonnance du 8 juin 2005 a ajouté un
article 1792-7 au Code civil. Ce texte exclut de manière claire les équipe-
ments destinés à un usage professionnel et installés dans un ouvrage de cons-
truction. Cette réforme était destinée à exclure des responsabilités légales
(et surtout de l’assurance associée) les « process industriels », équipements
lourds à vocation industrielle dont la logique de fabrication mais aussi la desti-
nation doivent être étrangères aux responsabilités de la construction.
Sont ainsi désormais exclus les silos industriels installés dans un ouvrage pour-
tant jadis inclus à la notion d’ouvrage4. La jurisprudence a également appliqué
plus récemment cette exclusion à des appareils à vocation agricole.
79. En résumé, si les travaux que l’on a considérés réunissent les critères de
« l’ouvrage » tels définis ci-dessus, leur sort sera réglé par l’application de la loi
spéciale contenue aux articles 1792 et suivants du Code civil (réception,
garanties légales).
Dans le cas inverse (simple révision d’une toiture, pose d’un store), seul le droit
commun applicable au louage d’ouvrage ou à tout autre contrat devra être pris
en considération.
À l’intérieur du champ d’application de la loi du 4 janvier 1978, les ouvrages et
éléments d’équipement connaîtront un sort distinct en fonction des circons-
tances de fait rapportées aux articles 1792 et suivants du Code civil.
Il faut donc porter une attention toute spéciale au poids des mots...
La réception constitue le premier moment durant lequel la loi Spinetta trouve
application : il convient donc, après ces quelques indispensables précisions
sémantiques, de procéder à l’étude de la définition de la réception avant que
de s’attacher à l’étude de ses formes légales ou jurisprudentielles puis de ses
effets selon que des réserves sont ou non inscrites au procès-verbal de réception
par le maître de l’ouvrage.

4. Cass. 1re civ., 20 décembre 1993, Bull. civ. I, no 374.


CHAPITRE 2 – L’ISSUE DU CHANTIER ET LA RÉCEPTION DES TRAVAUX 49

§1. La définition de la réception


80. Sous l’empire de l’article 1792 du Code civil initial, aucun texte ne régis-
sait la notion de réception. Avec la réforme importante des responsabilités des
constructeurs survenue en 1967, le Code de l’habitation et de la construction
s’est doté d’un article R. 111-24 qui indiquait les modalités de mise en œuvre
de la réception sans pour autant la définir.
Depuis la Loi du 4 janvier 1978, la réception des travaux bénéficie d’une défi-
nition légale que l’on trouvera à l’article 1792-6 du Code civil. Il s’agit de
l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou
sans réserves. Elle ne saurait être confondue avec des notions voisines
sources d’erreurs potentielles.
A. Un acte juridique original
81. À l’issue du chantier, le maître de l’ouvrage et ses cocontractants doivent
procéder à la réception des travaux. Ainsi, chaque entrepreneur livre son
travail à son cocontractant maître d’ouvrage qui doit l’examiner pour l’agréer.
La livraison – c’est-à-dire la mise à disposition du bien par l’entreprise – et la
réception – vérification de la qualité des travaux par le maître d’ouvrage – sont
donc le plus souvent des actes symétriques et concomitants.
On notera que la réception est distincte du transfert de propriété qui s’effectue
au fur et à mesure de la réalisation de la construction par le biais de la théorie
de l’accession. En effet, chaque brique qui est intégrée à la construction s’amal-
game à celle-ci et au sol qui en est l’assise et devient la propriété de celui qui
détient le sol.
La période de réalisation de l’ouvrage soumise largement au droit commun
prend fin avec cette formalité de la réception et l’on entre dans le domaine
de la loi de 1978 (art. 1792 et s., C. civ.).
Avant la loi de 1978, la réception, conçue comme le point de départ des garan-
ties biennale et décennale, était incertaine et complexe à mettre en œuvre.
La notion était incertaine car on ignorait le statut juridique de la réception :
s’agissait-il d’un acte juridique, créateur de droit par lui-même ou d’un simple
fait juridique ? Les textes restaient muets sur cette importante interrogation,
fortement discutée par la Doctrine.
La notion de réception était également complexe à mettre en œuvre. En effet,
l’article R. 111-24 ancien du Code de la construction et de l’habitation consa-
crait une première formalité de réception. Celle-ci avait un caractère définitif
pour les parties de la construction n’ayant pas fait l’objet de réserves. Les garan-
ties décennales et biennales prenaient naissances pour ces parties de l’ouvrage
à cette date. Pour les prestations ayant fait l’objet de réserves, cette réception
n’était que provisoire et une seconde formalité devait être effectuée pour cons-
tater la levée de ces réserves. Cette seconde réception était dénommée « défi-
nitive » et faisait à son tour débuter les garanties décennale et biennale pour les
seules parties d’ouvrages ayant été réservées.
50 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Ces mécanismes inspirés de la Norme NF P 03 001 étaient excessivement


complexes car, concrètement, le praticien devait souvent faire face à deux
dates de réception qu’il devait distinguer selon les ouvrages considérés.
Parfois, il était confronté à une absence pure et simple de réception « défini-
tive », les parties ayant omis cette formalité après la levée d’une réserve : il était
donc délicat de définir la date de départ des garanties attachées à la
construction.
L’unicité de la réception et son positionnement clair dans le temps apparais-
saient donc comme des conditions de l’application aisée, non seulement des
responsabilités des constructeurs, mais aussi de l’assurance construction.
82. La loi du 4 janvier 1978 a corrigé les insuffisances du régime de 1967
et supprime désormais ces difficultés en instaurant un régime de réception clai-
rement défini et doté d’un formalisme unifié régi par l’article 1792-6 du Code
civil.
Toutefois, les dispositions relatives à la réception ne sont pas d’ordre public
(contrairement au reste des dispositions légales en matière de garantie de la
construction) car l’article 1792-5 du Code civil ne compte pas la réception
parmi les dispositions impératives. La réception peut donc faire l’objet de stipu-
lations contractuelles, dès lors que celles-ci ne se heurtent pas à une disposition
d’ordre public relative aux garanties légales (durée, contenu de la garantie).
Ainsi, la réception des travaux dans sa version moderne se caractérise par trois
particularités :
– en premier lieu, la réception est un acte juridique. Ainsi en décide la loi.
Il s’agit donc d’un acte véritable créateur de droit par lui-même.
La réception est un acte juridique mais ce n’est pas pour autant un
contrat. En effet, seul le maître de l’ouvrage est concerné par cette forma-
lité qui consiste pour lui à vérifier les travaux, à les accepter pour ceux qui
sont satisfaisants et à émettre une réserve pour tout désordre. La réception
est donc un acte juridique unilatéral. L’entrepreneur ne saurait
commenter l’examen des réserves, voire les contester. Il peut toutefois
refuser de signer le PV de réception ;
– en second lieu, la réception doit être menée contradictoirement.
L’article 14 du Code de procédure civile prévoit que « nulle partie ne
peut être jugée sans avoir été entendue ». Cette disposition s’applique
comme un principe général et doit être transposée en ce qui concerne le
sujet de la réception.
La loi de 1978 prévoit ainsi que la réception « intervient à la demande de
la partie la plus diligente ». Cela signifie que le maître de l’ouvrage doit
être régulièrement convoqué sur les lieux pour réceptionner. La présence
de celui-ci est indispensable puisque lui seul a le droit d’exprimer son avis
sur les travaux et de les agréer en totalité voire partiellement, si des
réserves sont formulées.
Toutefois, le caractère contradictoire de la réception s’applique également
à l’entrepreneur. Celui-ci doit également être convoqué, non pour donner
CHAPITRE 2 – L’ISSUE DU CHANTIER ET LA RÉCEPTION DES TRAVAUX 51

un avis sur les travaux, mais pour entendre et prendre note des réserves
éventuelles, formulées par le maître de l’ouvrage en sa présence.
Cette question a fait l’objet d’une certaine évolution de la part de la juris-
prudence. Dans une première conception, la Cour de cassation a considéré
que le caractère contradictoire de la réception et donc sa validité même,
donnant lieu au départ des responsabilités et des garanties, devait résulter
de la signature par l’entrepreneur du formulaire de procès-verbal5. Dans
une conception actuelle, plus favorable au maître de l’ouvrage, la Haute
juridiction admet que la signature du PV de réception par l’entrepreneur
n’est pas une condition de validité de la réception6. En réalité, la preuve
du caractère contradictoire de la réception résultera, a minima, de la régu-
lière convocation de l’entrepreneur en LRAR. Il sera tout de même
prudent d’adresser le PV de réception à ce dernier, également par voie
de LRAR, pour le lui dénoncer officiellement ;
– en troisième lieu, la réception est désormais un acte unique. Elle est
prononcée une seule fois en présence de tous les intervenants à l’acte de
construire. Bien que les textes ne le précisent pas, expressis verbis, cette
unicité est évidente. On s’en convaincra à la lecture du corpus de textes
relatifs à la responsabilité des constructeurs et notamment de
l’article 1792-3 du Code civil, de l’article 1792-4-1 du même code relatif
aux délais de garantie et de l’article 1792-6 du Code civil qui n’utilisent ce
terme qu’au singulier. Par ailleurs, cette unicité est évidente si l’on se
réfère à l’esprit de la loi du 4 janvier 1978 qui souhaite unifier le point
de départ des délais.
On notera que si, en cas de réserves exprimées au PV, la loi prévoit une
seconde visite, également contradictoire, destinée à la constatation de la
levée desdites réserves, cette visite est sans effet sur le départ des garanties de
la construction : seule compte la réception elle-même.
En pratique, il y aura donc un PV par corps d’état signés au même moment par
les diverses entreprises concernées par le chantier. En général, dans le cas
d’immeubles de quelque ampleur, un document unique, regroupant tous les
intervenants, est souvent dressé. Il mentionne alors, par des colonnes, l’iden-
tité de chaque entreprise, son lot, les réserves formulées et la signature du loca-
teur d’ouvrage concerné. La signature du maître d’œuvre et celle du maître de
l’ouvrage sont alors portées en bas du document au niveau de la date.
La question de l’unicité de la réception fait débat depuis quelque temps.
Certes, la réception de programmes par tranches (bâtiment A, bâtiment B,
etc.) est possible sans difficulté dès lors que l’on réceptionne un ouvrage auto-
nome en présence des corps de métier par le biais d’un seul et unique
procès-verbal de réception.

5. Cass.3e civ., 4 novembre 2008, Juris-Data, no 2008-045732.


6. Cass.3e civ., 12 janvier 2011, Juris-Data, no 2011-000223.
52 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

De même, le caractère « unique » de la réception n’empêche évidemment pas de


procéder à une ou plusieurs visites de « pré-réception ». Ces visites en présence
du maître d’ouvrage, du maître d’œuvre, voire des entreprises apparaissent même
très utiles pour faciliter une réception sans douleur. Cela ne porte cependant pas
atteinte au caractère « unique » de la réception officielle. En droit public, il
existe une formalité dite d’« opération préalable à la réception » (OPR) qui
peut être pratiquée en droit privé. Il s’agit d’une réunion de tous les corps de
métier et du maître d’œuvre pour faire le point des réserves potentielles à lever
avant de convoquer le maître de l’ouvrage à la réception proprement dite.
Enfin, la réception de travaux réalisés par une seule et unique entreprise géné-
rale – qui sous-traite les lots qu’elle ne réalise pas elle-même – apparaîtra néces-
sairement unique.
En revanche, la question s’est posée de savoir si un entrepreneur intervenu en
cours de chantier est en droit de demander à réceptionner son lot lorsque
celui-ci est terminé. L’intérêt d’une telle demande est, bien entendu, pour
l’entreprise, de se garantir de tout recours pour des dommages causés à ses
ouvrages postérieurement à leur achèvement (et à leur réception). La Cour
de cassation a apporté une réponse favorable à l’entrepreneur.
Ainsi, elle considère que la réception n’étant pas régie par des dispositions
d’ordre public, la licéité des réceptions partielles n’est pas « expressément
prohibée par la loi »7. Il est vrai que l’alinéa premier de l’article 1792-6 du
Code civil – relatif à la réception des travaux – ne figure pas dans la liste des
textes d’ordre public figurant à l’article 1792-5 du même Code. En dépit de
cela, cette conception des choses est fortement critiquée par la doctrine qui
rappelle que cette solution est contraire à l’esprit de la loi Spinetta et aux
dispositions de la norme NF P 03 001. Effectivement, le maître d’ouvrage
devra prendre garde à la date de la réception du lot objet de désordres pour
apprécier le délai de recours voire la forclusion éventuelle.
Cette réception par lots ne semble pas cependant pouvoir s’appliquer en cas
d’abandon de chantier. L’hypothèse est que l’entreprise « A » en butte à des
difficultés financières quitte le chantier et n’y revient plus, entraînant le
maître de l’ouvrage à solliciter la résolution du contrat, avant l’intervention
d’une entreprise « B ». Toutefois, souhaitant obtenir la réparation de
dommages et malfaçons décennales, le maître d’ouvrage prétend à une récep-
tion des travaux réalisés par « A », alors même que l’ouvrage n’est nullement
achevé et que l’entrepreneur « B » a poursuivi la réalisation des travaux.
Certes cette thèse des réceptions « successives » pourrait être soutenue par le
fait que la Cour de cassation a depuis fort longtemps8 admis que l’achèvement
complet des travaux ne peut être une condition de la réception car cette condi-
tion ne figure pas dans le libellé de l’article 1792-6 du Code civil (hors

7. Cass. 3e civ., 11 octobre 2006, Pourvoi no 05-13846. Confirmé par : Cass. 3e civ., 21 juin
2011, pourvoi no 10-20216.
8. Cass. 3e civ., 12 juillet 1989, Bull. civ. III, no 161.
CHAPITRE 2 – L’ISSUE DU CHANTIER ET LA RÉCEPTION DES TRAVAUX 53

réception judiciaire, cf. infra, no 86). Ainsi, les travaux non achevés de l’entre-
prise « A » pourraient être réceptionnés. Ceci permettrait alors au maître de
l’ouvrage de solliciter la garantie de l’assureur de « A » en cas de dommages
décennaux.
Cette conception des choses paraît dangereuse. En effet, les entreprises « A »
et « B » ont concouru à la réalisation d’un seul et même lot. En principe,
l’entreprise « B » reprend les ouvrages de l’entreprise « A » qu’elle doit vérifier
avant d’apporter son concours à l’achèvement des travaux et de procéder à la
réception desdits travaux, au contradictoire du maître de l’ouvrage. Celui-ci est
parfaitement protégé puisqu’il bénéficie de la garantie des travaux par l’entre-
prise « B » et le cas échéant son assureur, à charge pour ces derniers d’exercer
une action en garantie contre l’entreprise « A ». Les réceptions successives
sont donc contraires à la lettre et à l’esprit des textes sans apporter un service,
une utilité sociale quelconque.
Qui plus est la jurisprudence relative aux réceptions partielle consacre une
possibilité de réception par lots mais en aucun cas une réception par entre-
prise, au sein d’un même lot.
Enfin, comment traiter le désordre décennal survenu après la réception des
travaux par « A » mais durant leur poursuite par « B » ?
En tout état de cause, on ne peut que recommander aux maîtres d’ouvrage, en
cas d’abandon de chantier, de faire dresser un état des lieux (éventuellement
par huissier), si possible en présence de l’entrepreneur initial et du repreneur
qui assumera la réception de fin de chantier.
Soit ces désordres portés à la connaissance du repreneur seront corrigés par lui,
soit ils pourront figurer sur le P. V. de réception qui sera dressé en fin de travaux.
La réception ne concerne bien entendu que les personnes liées au maître de
l’ouvrage : les sous-traitants ne sont donc pas concernés, pas plus que les fabri-
cants et toute personne non titulaire d’un contrat de louage d’ouvrage.
B. Les notions voisines
83. La réception est un acte d’acceptation par le maître de l’ouvrage des
travaux réalisés au titre d’un contrat de louage d’ouvrage. Elle comporte à ce
titre des effets importants et ne doit donc pas être confondue avec des notions
certes voisines mais étrangères au sujet. Une erreur sur la date de la réception,
confondue avec une autre notion, peut ainsi aboutir à une forclusion
dommageable.
On citera par exemple :
– la déclaration d’achèvement des travaux (DAT) : cette formalité adminis-
trative était autrefois prévue par le Code de l’urbanisme pris en son article
art. R. 460-1 et consistait à déposer en mairie un formulaire permettant
d’informer l’administration de l’achèvement des travaux. Ceci conduisait
jadis à une visite de récolement opérée par le service compétent et à la déli-
vrance du certificat de conformité. L’objet de cette procédure de droit public
54 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

était donc un contrôle par la puissance publique de la régularité des


travaux au regard du permis de construire et non une acceptation de ces
derniers au plan civil par le client des entreprises. Aujourd’hui cette procé-
dure est reprise par l’article R. 462-1 du même code dans le cadre d’une
conformité purement déclarative. Toutefois, la réforme ne modifie pas le
fait que cette déclaration adressée à l’administration, en dehors de tout
contact avec l’entrepreneur, ne soit pas une réception-acceptation des
travaux ;
– la remise des clés : bien entendu, la réception de l’ouvrage dans le cadre du
contrat d’entreprise s’accompagne de la remise des clés par l’entrepreneur.
Cette notion est cependant également utilisée en matière de ventes sur plan
et tout spécialement en matière de vente en état futur d’achèvement. En
effet, le vendeur sur plan a conclu avec son client accédant à la propriété
immobilière un contrat de vente qui suppose une livraison par remise des
clés. Or, lors de la formalité de cette livraison, il est courant de noter sur un
« PV de remise de clés » signé du vendeur et de l’acquéreur les réserves qui
devront être levées par le vendeur, au titre de sa garantie des vices apparents
de l’immeuble vendu (art. 1642-1, C. civ.).
Bien que ce document ressemble sur le plan matériel à un PV de réception,
il en est tout à fait distinct car il ne concerne ni les mêmes cocontractants
ni le même contrat. De plus, la réception entre le vendeur et les entreprises
est presque toujours antérieure à la remise des clés aux acquéreurs : il peut
en résulter une erreur dans le calcul des délais de responsabilité et de là, une
forclusion ;

Exemple
Réception de l’ouvrage en date du 1er mai 1997 ; remise des clés en date du 1er juillet
1997 : l’assignation délivrée au constructeur et au vendeur le 15 juin 2007 (dans les
dix ans consécutifs à la remise des clés) est tardive, la décennale étant expirée au
1er mai 2007.

– l’achèvement. Comme on l’a dit plus haut, la jurisprudence a depuis fort


longtemps9 admis que l’achèvement complet des travaux ne peut être une
condition de la réception. Ainsi, l’achèvement s’analyse comme une
notion matérielle, un état physique du bien. S’il est l’occasion de la récep-
tion, il n’en est pas la manifestation qui ne peut résulter que de la
démarche volontaire du maître d’ouvrage d’accepter les travaux en cause ;
– la prise de possession. Celle-ci correspond également à un fait matériel et
non à une manifestation de la volonté du maître de l’ouvrage de recevoir
l’immeuble. Elle ne doit donc pas être confondue avec la réception des
travaux. On verra cependant infra (no 87) qu’elle peut constituer un
indice de l’acceptation tacite du bien par le maître de l’ouvrage.

9. Cass. 3e civ., 12 juillet 1989, Bull. civ. III, no 161.


CHAPITRE 2 – L’ISSUE DU CHANTIER ET LA RÉCEPTION DES TRAVAUX 55

Exemple
En cas de retard important, le maître se trouve privé de son logement précédent (vendu
ou reloué) et doit venir s’abriter dans la construction en cause.

C. Les formes de la réception


84. La loi prévoit deux formes de réception auxquelles s’ajoute une réception
dite « tacite ».
I – La réception amiable expresse
85. C’est la première des deux formes retenues par l’article 1792-6 du Code
civil qui la dénomme « réception amiable » par opposition à la « réception
judiciaire ».
Dans ce cas, comme cela a déjà été exposé lors de l’étude du caractère contra-
dictoire de la réception, la « partie la plus diligente » convoque son cocontrac-
tant sur place. Il s’agira du maître de l’ouvrage, pressé d’entrer dans les lieux ou
de l’entrepreneur pressé de percevoir le solde du prix. En pratique, ce sont
généralement les professionnels à l’acte de construire (et lorsqu’il en existe
un, l’architecte), qui procèdent aux convocations car ils sont à même d’appré-
cier l’état d’achèvement nécessaire à une réception sans problème.
Un PV de réception avec ou sans réserve est ensuite rédigé et signé par les
parties après examen de la construction.
Le PV de réception doit comprendre au minimum les mentions suivantes :
– la référence au marché (no de contrat) ;
– l’identité des parties en cause ;
– une formule traduisant l’acceptation des travaux par le maître ;
– l’énoncé précis des éventuelles réserves ;
– la date du jour ;
– et la signature des parties (dont celle de l’architecte s’il est doté d’une
mission complète).
On prendra garde en cas de PV comportant plusieurs pages (les réserves étant
portées par exemple sur une feuille annexe) de bien lier ces diverses pages par
une pagination, un rappel sur chaque page du marché, de la date, et les signa-
tures des cocontractants. À noter que certains documents pré-imprimés font
apparaître également les informations principales relatives aux garanties légales.
La réception n’étant pas régie par des dispositions d’ordre public (l’art. 1792-5,
C. civ. ne la vise pas), les parties peuvent prévoir contractuellement un mode
opératoire particulier. Celui-ci devra toutefois conduire à une réelle accepta-
tion de l’ouvrage par le maître de l’ouvrage.
Il est important de noter que si le maître d’œuvre a conclu un contrat compor-
tant une mission complète incluant l’assistance à la réception, celui-ci enga-
gera sa propre responsabilité dans le cas où il aurait omis de mentionner à son
cocontractant maître d’ouvrage des points nécessitant l’inscription d’une
56 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

réserve. Plus généralement, le maître d’œuvre doit assister et conseiller son


client et l’informer sur les conséquences des désordres qu’il constate10.
II – La réception judiciaire
86. Elle constitue la seconde forme de réception prévue par la loi mais celle-ci
est symptomatique d’un blocage. En effet, la réception judiciaire intervient « à
défaut » de réception amiable, c’est-à-dire en pratique si l’une des parties refuse
de procéder à la réception.

Exemples
Le maître de l’ouvrage prétexte que l’ouvrage comporte de nombreuses malfaçons et
refuse de déférer à la convocation de l’entrepreneur et de payer le solde. L’entrepreneur,
présent sur les lieux, refuse de signer le PV de réception dont il conteste l’ensemble des
réserves et s’en va. Dans cette hypothèse il revient à la partie victime du blocage de
saisir la justice.

Le plus souvent après une expertise judiciaire ordonnée par voie de référé par
le président du Tribunal de grande instance, le juge du fond prononcera la
réception judiciaire, à la date ou – selon la jurisprudence11 – l’ouvrage est en
état d’être reçu12. La réception judiciaire suppose donc un certain niveau
d’exécution du marché pour être prononcée. En matière d’habitation, il est
également fait référence au critère de l’habitabilité : l’immeuble doit être
habitable. A contrario, un chantier abandonné au stade des fondations ne
peut dans le principe faire l’objet d’une réception judiciaire. La jurisprudence
est souvent « compréhensive » sur l’état d’achèvement alors nécessaire.
Toutefois, elle est parfois exigeante. Ainsi, au cas où un grand nombre de
malfaçons entachent les travaux, la jurisprudence peut être amenée à consi-
dérer que l’ouvrage n’est pas en état d’être reçu et de ce fait de refuser le
prononcé de la réception13.
Il est important de distinguer la réception judiciaire de la réception tacite. En
effet, dans le cas de la réception judiciaire, le juge fait œuvre créatrice en
prononçant la réception dont il devra fixer la date au jour où il considérera
que l’ouvrage réunit les critères exposés ci-dessus. C’est dire qu’il n’aura pas à
s’intéresser au comportement du maître de l’ouvrage ni à la recherche d’une
quelconque volonté de sa part de recevoir l’ouvrage. Au demeurant, le
Tribunal saisi d’une demande de réception judiciaire ne saurait constater une
réception tacite qu’il déduirait de l’examen de la volonté du maître d’ouvrage.
Il ne saurait fixer la date de la réception judiciaire au jour du jugement ou à
celui auquel le maître d’ouvrage a manifesté une volonté quelconque.

10. Cass. 3e civ. 14 mars 2007, Juris-Data, no 2007-038033.


11. Cass. 3e civ., 30 juin 1993, Bull. civ. III, no 103.
12. Cass. 3e civ., 27 janvier 2009, Juris-Data, no 2009-046783 qui retient l’état d’habitabilité.
13. Cass. 3e civ., 11 janvier 2012, pourvoi no 10-26898.
CHAPITRE 2 – L’ISSUE DU CHANTIER ET LA RÉCEPTION DES TRAVAUX 57

On notera que la réception judiciaire comme la réception expresse peuvent


comporter des réserves. Celles-ci seront le plus souvent celles mentionnées
dans le cadre de l’expertise judiciaire préalable.
Enfin, le blocage de la procédure de la réception des travaux peut avoir des
conséquences pour des tiers : il en est ainsi du sous-traitant ou même de l’assu-
reur Dommages ouvrage. Toutefois, ces tiers ne sont pas habilités à solliciter la
réception judiciaire qui est l’apanage des parties au contrat de louage
d’ouvrage14.
III – La réception tacite
87. Le caractère trop rigide de la loi apparaît clairement. En effet, que faire si
les parties (en bons termes et ignorantes, en pratique, du droit) n’ont recours ni
à une réception amiable ni à une réception judiciaire et qu’un litige survient
ultérieurement à propos de malfaçons ? Comment calculer a posteriori le délai
de garantie, faute d’un point de départ clair, évident, efficace, constaté par un
écrit ?
Malgré un amendement déposé durant l’examen de la loi du 4 janvier 1978, le
législateur a entendu délibérément écarter la réception tacite – pourtant
admise par la jurisprudence d’alors – des textes nouveaux, créant ainsi un
point de blocage.
Ainsi après avoir un temps résisté et appliqué strictement la loi nouvelle, c’est
la jurisprudence, sous le poids de la pratique, qui a admis la possibilité (déjà
présente sous le régime de la loi de 1967) de rechercher a posteriori la date à
laquelle le maître de l’ouvrage a témoigné par ses actes, par son « comporte-
ment », de sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage. Cette réception
sans PV a pris le nom de « réception tacite »15. Il est vrai que rien dans
l’article 1792-6 du Code civil n’interdit ce type de processus. Ainsi, la récep-
tion tacite peut faire l’objet d’une stipulation contractuelle ou même être
exclue par le contrat d’entreprise.
Comme la réception judiciaire, la réception tacite suppose la saisine du juge.
En revanche, le magistrat, au lieu de prononcer par lui-même la réception, va
devoir rechercher, au travers d’un faisceau d’indices, le moment auquel le
maître a manifesté sa volonté de recevoir l’ouvrage.

Exemples d’indices positifs


Parfait paiement (voire paiement avec déduction d’une somme inférieure à 5 % en
contre-valeur de réserves exprimées), prise de possession sans réserve, souscription
d’abonnements (téléphone, eau, électricité, divers...) pour le site, correspondances à
l’entrepreneur, et tout autre acte de même type.

14. Pour un assureur Dommages ouvrage : Cass. 3e civ., 23 avril 1997, Bull.civ. III, no 84.
15. Cass. 3e civ., 16 juillet 1987, Bull. civ. III, no 143 ; Cass. 3e civ., 12 octobre 1988,
Bull. civ. III, no 137.
58 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

A contrario : non-paiement d’une partie importante du prix, demande d’exper-


tise après prise de possession des lieux, livraison par le vendeur sur plan à ses
clients de villas réalisées par l’entrepreneur en cause, existence d’une conven-
tion d’occupation des lieux entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur en
dehors de toute réception, correspondance établissant le refus de recevoir
l’ouvrage.
De même, il a été jugé que le fait pour un vendeur sur plan dans le cadre d’une
vente en état futur d’achèvement de livrer des pavillons ne saurait s’assimiler à
une acceptation non équivoque des travaux16. En effet, l’exécution de son obli-
gation de délivrance du bien vendu ne s’assimile pas à une vérification des
travaux réalisés par les entrepreneurs. Les contrats ne sont pas les mêmes et
les obligations qui en dérivent (dont l’obligation de livrer dans les délais
pesant sur le vendeur maître d’ouvrage) non plus.
Par recoupement de ces indices, le juge constatera la réception qu’il fixera à la
date correspondant à l’expression de volonté. Cette date doit être clairement
exprimée.
Le juge n’a donc pas dans ce cas le rôle créateur dont il dispose en matière de
réception judiciaire.
En revanche, s’agissant d’une réception résultant du comportement du maître
de l’ouvrage, le plus souvent au niveau du paiement du prix ou de la prise de
possession, le concept de réception tacite s’accorde mal avec l’expression de
réserves.
À noter que le juge n’a pas à s’interroger sur l’état d’avancement de la cons-
truction qui ne doit pas satisfaire, dans le cas d’une réception tacite, au critère
légal d’être en état d’être reçue. Ce point a été confirmé par la jurisprudence la
plus récente.
Reste une importante difficulté dans la mesure où la réception, quoique tacite,
doit en principe respecter le caractère contradictoire de la réception des
travaux qui est prévu par l’article 1792-6 du Code civil. Dans la mesure où la
réception tacite repose sur le comportement du maître de l’ouvrage, la preuve
du caractère contradictoire de cette réception s’apparente à une preuve impos-
sible. La jurisprudence en tient compte et il a été admis que l’acceptation du
paiement par l’entrepreneur consacre le caractère contradictoire de la récep-
tion, de même que le retrait du matériel du chantier. Récemment, la Cour de
cassation est allée au bout de cette logique en considérant comme contradic-
toire une réception tacite dès lors que le paiement n’avait pas été contesté par
l’entrepreneur17.
Enfin, il importe de signaler que la réception tacite ne se conçoit pas dans le
cas où le contrat revêt la forme protégée d’un contrat de construction de
maison individuelle. En effet, dans ce cas, la copie du PV de réception devra

16. Cass. 3e civ., 23 février 2000, Juris-Data, no 2000-000819.


17. Cass. 3e civ., 23 mai 2012, Juris-Data, no 2012-010936.
CHAPITRE 2 – L’ISSUE DU CHANTIER ET LA RÉCEPTION DES TRAVAUX 59

être transmise au garant qui ne manquera pas de la réclamer car elle détermine
la fin de son engagement pour ce qui concerne les retards éventuels.

§2. Les effets de la réception


88. On distinguera les effets « constants » que l’on observe indépendamment
de toutes réserves et les effets plus spécifiquement liés aux réserves exprimées
sur le PV de réception, notamment au niveau du paiement du solde du prix.
A. Les effets constants de la réception
89. On compte quatre effets constants, présents lors de toute réception :
– premier effet : le transfert des risques. La réception, acception des travaux par
le maître de l’ouvrage, est généralement concomitante à la livraison des
travaux par l’entrepreneur. Il en résulte un transfert des risques qui désor-
mais pèsent sur le maître de l’ouvrage en sa qualité de « maître » de la chose.
Rappel : il en va différemment si le marché comporte la fourniture des maté-
riaux et de la main-d’œuvre et que l’entrepreneur a adressé une mise en
demeure de recevoir l’ouvrage (art. 1788, C. civ.) ; le risque est alors attribué
au propriétaire dès la réception de la mise en demeure avant toute accepta-
tion des travaux. Les risques liés à la propriété de l’immeuble peuvent être
variés.

Exemples
L’incendie des lieux suite à la foudre ou à une intention criminelle, l’inondation due à
un orage diluvien, le vol du digicode installé au portail de la maison individuelle sont à
la charge du propriétaire.

Ce transfert des risques implique que le propriétaire souscrive une garantie


« multirisque habitation » pour bénéficier d’une indemnité en assurance de
chose au cas de sinistre. Cette couverture d’assurance n’est cependant pas à
ce jour obligatoire ;
– second effet : le caractère extinctif. La réception a aussi un effet extinctif
pour les vices apparents non signalés au procès-verbal de réception.
Ainsi, l’entrepreneur ne peut plus voir engagée sa responsabilité pour ces
dommages, qu’il s’agisse de non-conformités ou de vices. Ainsi, il a été
jugé que l’absence de réserve au procès-verbal de réception interdit de
contester la conformité de l’ouvrage18. Poursuivant cette logique, la Cour
de cassation estime que l’absence de réserve au procès-verbal interdit
même au maître de l’ouvrage de rechercher la responsabilité de droit
commun de l’entrepreneur19.

18. Cass. 3e civ., 7 septembre 2011, pourvoi no 09-16172.


19. Cass. 3e civ., 28 février 2012, pourvoi no 11-13670.
60 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

À noter que cet effet extinctif s’applique aussi aux dommages signalés
avant réception (pré-réception) mais non consignés au PV de réception.
On estime que le maître a accepté le défaut dont il a connaissance.

Exemples de dommages apparents


Le crépi prévu blanc est livré en ocre. La peinture des volets présente des coulures. Le
bac à douche est cassé, une fissure affecte un mur extérieur, etc.

Cela pose donc la question de la définition du désordre apparent. On


estime généralement que le dommage dont la cause et la conséquence
peuvent être connues du maître de l’ouvrage à la suite d’un examen norma-
lement diligent, lors de la réception est apparent. En revanche, les désordres
qui supposent un démontage, une inspection difficile (toiture) ou qui font
appel à des notions techniques particulières sont considérés comme cachés.
À noter enfin que l’architecte doté d’une mission complète doit éclairer son
« client » sur les dommages qu’il a observés. À défaut, il engagerait sa propre
responsabilité contractuelle ;
– troisième effet : l’exigibilité du prix. Le troisième effet de la réception est
relatif au prix. En effet, la réception rend exigible le paiement du solde du
prix. Le maître de l’ouvrage doit donc obligatoirement prévoir ce règle-
ment lorsqu’il se rend à la réception ;
– quatrième effet : le début des garanties et responsabilités et de leurs
couvertures d’assurance associées. Il s’agit du dernier effet « constant » de
la réception : celle-ci constitue le point de départ des délais des garanties
spécifiques à la construction. On rappellera qu’il s’agit :
❍ de la garantie de parfait achèvement, pour les désordres signalés au PV

de réception ou dans l’année, durée : un an,


❍ de la garantie de bon fonctionnement de deux ans minimum après

réception (v. infra),


❍ de la garantie décennale, concernant certains dommages apparus dans

les dix ans suivant cette réception (v. infra),


❍ des responsabilités encourues par les sous traitants,

❍ de la responsabilité de droit commun des locateurs d’ouvrage (v. infra).

B. Les effets en cas de réserves inscrites au PV


de réception
90. L’inscription de réserves au PV de réception ne modifie pas les solutions
exposées plus haut en ce qui concerne le transfert des risques ou la purge des
vices apparents non signalés. Elle n’a pas non plus d’effet sur le départ des
garanties qui s’effectue à la date unique portée sur le PV de réception.
En revanche, elle modifie la question du paiement du prix. Ce paiement du
prix reste exigible mais se trouve aménagé par la loi 71-584 du 16 juillet
1971 « tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de travaux
CHAPITRE 2 – L’ISSUE DU CHANTIER ET LA RÉCEPTION DES TRAVAUX 61

définis par l’article 1779-3 du Code civil » (c’est-à-dire le contrat de louage


d’ouvrage des entrepreneurs et architectes).
Il sera observé que la loi en question est antérieure à la date de mise en œuvre
de la loi du 4 janvier 1978. Ceci résulte du fait que la loi du 16 juillet 1971 a
été créée pour permettre au maître d’ouvrage de disposer d’un moyen de pres-
sion sur l’entrepreneur en vue de la levée des réserves et de la signature d’un
PV de réception « définitive », sous l’empire de la réception à deux étages, en
vigueur sous la loi du 3 janvier 1967. Simplement, ce texte est venu s’adapter à
la loi nouvelle et notamment à la durée de la Garantie de Parfait Achèvement
– également d’un an – qui sera étudiée infra.
Schématiquement, la retenue de garantie, applicable en cas de désordres
signalés au PV de réception, obéit à trois règles :
– le montant de la retenue est limité à 5 % du montant des travaux afin de
garantir la levée des réserves ;
– la somme retenue doit obligatoirement être consignée auprès d’un consi-
gnataire accepté par les deux parties ou désigné par le président du
Tribunal de grande instance. On pourra aisément opter pour la Caisse
des dépôts et consignation qui présente toutes les garanties souhaitables
et suppose une procédure simple de consignation auprès de la trésorerie
principale localement compétente. Toutefois cette consignation peut être
évitée si l’entrepreneur présente une caution personnelle et solidaire
émanant d’un organisme financier accrédité (L. du 16 juillet 1971, art. 1
al. 4), à hauteur des 5 % en cause. Cette garantie devra avoir été prévue
par le contrat de louage d’ouvrage auquel sera donc annexée l’attestation
de l’organisme financier accrédité (cf. liste établie par le décret 71-1058 du
24 décembre 1971), choisi par les parties. Cette garantie pourra stipuler
qu’elle constitue une garantie dite « à première demande ». À défaut, le
recours au garant sera soumis à discussion préalable ;
– sur présentation de la justification de cette caution, l’entrepreneur pourra
exiger le solde du prix. Cette hypothèse est toutefois peu fréquente car elle
suppose un coût pour le professionnel ;
– il est nécessaire d’insister sur le fait que cette garantie est simplement une
garantie de la levée des réserves mentionnées au PV, dans la limite de 5 %
du prix et en aucun cas une garantie d’achèvement ou de bonne fin. La
Cour de cassation20 est ferme sur ce point qui avait été discuté par les juri-
dictions du fond ;
– la consignation des 5 % du prix est opérée pour une durée d’un an. Le
maître de l’ouvrage doit prendre garde au fait qu’en l’absence de toute
opposition écrite de sa part, dûment motivée, les sommes consignées
peuvent être débloquées par l’entrepreneur, même sans mainlevée. Le
maître de l’ouvrage doit donc, dans le délai annuel, adresser au consigna-
taire un pli recommandé avec avis de réception lui enjoignant de ne pas se

20. Cass. 3e civ., 7 décembre 2005, pourvoi no 05-10153.


62 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

défaire des fonds. Cette formalité est reconnue substantielle par la jurispru-
dence qui refuse de retenir comme suffisant le fait d’avoir assigné l’entre-
preneur en justice dans le délai annuel21.
Enfin, en l’absence de motivation sérieuse, le maître peut être condamné à des
dommages et intérêts au profit de l’entrepreneur.
Le mécanisme de la retenue de garantie est destiné à favoriser la levée des
réserves : l’entrepreneur ne touchera le solde de son bénéfice qu’après avoir
procédé aux ajustements demandés par son « client ». À défaut, ce dernier
pourra faire réaliser par un tiers les travaux de levée des réserves exprimées en
usant des sommes consignées. En revanche, la jurisprudence est désormais
claire. Ainsi, la retenue de garantie de 5 % ne peut servir à sécuriser une
demande formulée, par exemple, pour des retards de livraison. En dépit du
libellé de l’article 2 de la loi du 16 juillet 1971, la retenue de garantie ne peut
servir au paiement de travaux de levée de réserves constatées et formulées
durant la période d’un an suivant la réception : seules les réserves au PV de
réception sont concernées22.
Le rôle du juge ne doit pas être méconnu en cas de retenue de garantie. En
effet, en dépit de l’imprécision des textes, il n’est pas douteux qu’un maître
d’ouvrage puisse être autorisé à retenir 5 % du prix du marché en
contre-valeur d’une réserve bénigne. A contrario, en présence de dommages
de grande ampleur, dépassant largement les 5 % du prix, il est possible de solli-
citer du juge une consignation plus importante fondée sur la notion d’inexécu-
tion contractuelle commise par l’entreprise (exception d’inexécution).

Bibliographie

CHAPRON, « Observation sur la réception des travaux », RDI 1995, p. 7.


CHARBONNEAU (C.), « Le principe d’unicité de réception peut-il être remis en cause par
la volonté des parties », Constr.-Urb. 2011, Étude no 4.
GUEVEL, « La réception des travaux inachevé », Gaz. Pal. 1989, Doctr., p. 737.
KARILA (J.-P.), « Plaidoyer pour une réception tacite sous l’empire de la loi du 4 janvier
1978 », Gaz. Pal. 1986, p. 469.
PONCE (C.), « L’élément d’équipement : attention faux-ami ! », Constr.-Urb. 2009, Étude
no 21 ; – « Réserves au PV et secteur protégé : mode d’emploi », Constr.-Urb. 2010, Étude
no 9.
ZAVARO (M.), « Achèvement inachèvement et réception », Gaz. Pal. 1999, 1er août
1999, p. 2.

21. Cass. 3e civ., 16 novembre 2010, Juris-Data, no 2010-021556.


22. Cass 3e civ., 13 avril 2010, Juris-Data, no 2010-09-11172.
Chapitre

3
Les garanties de parachèvement

Plan du chapitre

§1. La garantie de parfait achèvement


§2. La garantie de conformité aux normes phoniques

RÉSUMÉ
91. Ces garanties s’inscrivent dans la logique de la fin du chantier et de la mise en
service de l’ouvrage. Il est apparu logique que les ajustements indispensables, s’agis-
sant d’un bien créé sur site, hors des conditions rigoureuses de contrôle propres à la
production industrielle, puissent être effectués de manière rapide et efficace, sans
pour autant grever le budget de l’assurance construction.
Déjà, dès 1976, dans le cadre des CCAG des marchés publics, mais également dans
la norme AFNOR P03-001, des procédures de levée de réserves étaient prévues à
cet effet. Le législateur de 1978 a donc repris à son compte ce système et élaboré une
procédure spécifique qui se dédouble en deux hypothèses.
On évoquera donc successivement la garantie de parfait achèvement et la garantie
de conformité aux normes phoniques. S’agissant de la première, l’attention sera
portée sur la définition de la « GPA » avant d’en étudier le processus légal puis les
conséquences pratiques. Pour ce qui concerne la seconde, une évocation de son
objet sera seule nécessaire car le process de mise en œuvre de cette garantie n’est
en rien spécifique au regard de la GPA.
64 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

§1. La garantie de parfait achèvement


92. Il est important d’évoquer cette garantie dans le cadre d’un ouvrage
consacré à l’assurance construction. Certes, la GPA ne fait l’objet d’aucune
couverture d’assurance. En revanche, on aura l’occasion de vérifier que le
processus de mise en œuvre de la garantie en question constitue parfois un
préalable à la mise en œuvre des garanties d’assurance et notamment de la
garantie dite « Dommages ouvrage ».
En outre, cette procédure de parachèvement contribue à limiter le nombre des
déclarations de sinistre de première année et donc participe à l’équilibre finan-
cier de l’assurance construction.
Après avoir défini les contours de cette garantie originale, on examinera la
procédure à mettre en œuvre.
A. Définition et objet de la garantie
93. L’entrepreneur doit, comme on l’a vu, une construction conforme qui
s’étend au respect de l’ensemble des documents contractuels et à leurs
annexes, qu’il s’agisse de devis descriptifs ou de plans.
Cette responsabilité est jugée sur le terrain de l’article 1147 du Code civil,
c’est-à-dire en droit commun et s’analyse comme une obligation de résultat,
exclusive de toute notion de faute. De même, l’article 1144 du même Code
permet – sous certaines conditions, il est vrai – de procéder soi-même aux
reprises dues par un cocontractant défaillant.
Dès lors, on peut s’interroger sur la nécessité d’une garantie de parfait achèvement
dont l’objet semble déjà largement traité par les solutions de droit commun.
En fait l’intérêt de cette importante garantie est ailleurs. En effet, reprenant les
principes posés par la norme AFNOR, elle a pour intérêt de modéliser le
processus de levée de réserves et d’inciter les parties à composer. Ainsi,
d’une part, le processus de levée des réserves sera simple et efficace en évitant
les confrontations judiciaires interminables car l’entrepreneur se trouvera
confronté à une véritable « épée de Damoclès » constituée par la possibilité
reconnue au maître de faire réparer aux frais de ce professionnel. D’autre part,
les désordres ainsi traités ne viendront pas alourdir la charge de l’assurance
obligatoire dite « Dommages Ouvrage ».
La garantie de parfait achèvement a donc pour but, comme l’annonce son inti-
tulé, de parvenir au complet parachèvement de l’ouvrage au regard de ce qui a
été convenu lors de la signature des marchés. L’objectif à atteindre est le stade de
l’ouvrage « parfait », donc sans défaut, auquel il n’y a plus rien à ajouter ni à
corriger. Ainsi sera satisfaite l’obligation de « délivrance conforme » dont
l’entrepreneur est débiteur à l’égard du maître de l’ouvrage. Ce concept, un peu
redondant, de « parfait »/« achèvement » s’étend à l’ensemble des désordres
affectant l’ouvrage. Le terme générique de « désordre » a pour conséquence que
sont concernées aussi bien les non-conformités (qui sont un obstacle à l’achève-
ment) que les malfaçons (obstacle au caractère parfait de ce qui a été réalisé).
CHAPITRE 3 – LES GARANTIES DE PARACHÈVEMENT 65

La garantie de parfait achèvement figure à l’article 1792-6 pris en ses alinéas 2


et suivants du Code civil. À l’origine, en 1978, cette garantie n’était pas
d’ordre public. Depuis 1990, la garantie de parfait achèvement est devenue
une garantie d’ordre public. Ceci résulte d’une disposition de la loi du
19 décembre 1990, relative au contrat de construction de maisons
individuelles.
La GPA est désormais intégrée à la liste des textes d’ordre public fournie par
l’article 1792-5 du Code civil. Il ne peut donc pas être stipulé une garantie
moindre (en durée ou en étendue) sous peine de nullité de la clause.
Il convient donc d’observer que l’article 1792-6 du Code civil comporte à la
fois des dispositions d’ordre public (la GPA) et des dispositions qui n’en relè-
vent pas (la réception).
Bien entendu, la GPA concerne, comme les autres garanties légales, la réali-
sation d’un « ouvrage », dans le cadre d’un contrat de louage d’ouvrage, au
sens de l’article 1792 du même code. Sont donc exclus de cette garantie les
travaux d’entretien courant et tous travaux n’ayant pas pour objet la réalisa-
tion d’un ouvrage.
La loi définit la garantie de parfait achèvement comme une réelle « garantie »
et non comme une « responsabilité ». Ainsi, elle ne prévoit pas de cause d’exo-
nération mais exclut l’usure du champ de la garantie. C’est une garantie
« objective » qui est totalement étrangère à la notion de faute. Toutefois, il
est admis que la garantie de parfait achèvement de l’entrepreneur ne saura
s’appliquer en cas de force majeure.
Enfin, au stade de la définition, on prendra garde de ne pas confondre la GPA
avec la garantie des vices apparents de l’immeuble vendu sur plan dont le
régime ne résulte pas de l’article 1792-6 mais des articles 1642-1 et 1648-1 du
Code civil. En effet, d’une part, le vendeur sur plan qui aura fait réaliser
l’immeuble vendu par le biais de contrats de louages d’ouvrage, conclu avec
des entreprises, signe avec celles-ci des procès-verbaux de réception. D’autre
part, le même vendeur, cette fois dans les liens d’un contrat de vente avec les
acquéreurs, signe un PV de livraison. Celui-ci permet de lister les imperfections
constatées par l’acquéreur et que le vendeur devra réparer, par effet de
l’article 1642-1 du Code civil précité.
La garantie de parfait achèvement constitue une garantie de réparation en
nature. Ainsi, le maître de l’ouvrage dispose d’un texte pour obtenir une inter-
vention matérielle de l’entrepreneur concerné, sur l’ouvrage. Il ne s’agit pas
d’une garantie de paiement. En effet, le maître sollicitera le remboursement
des frais qu’il a exposés pour les reprises matérielles qu’il aura été contraint de
confier à un autre professionnel, ce qui est différent d’une demande d’indem-
nisation de désordres.
Il n’est donc pas possible de fonder directement une réclamation pécuniaire sur
l’article 1792-6 du Code civil, autrement que pour obtenir paiement de la
facture de l’entreprise tierce intervenue pour les reprises.
66 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

B. Les personnes en cause


94. On distinguera classiquement le bénéficiaire de l’assujetti à la garantie de
parfait achèvement.
Sont bien entendu bénéficiaires de la garantie le maître de l’ouvrage initial et
les propriétaires successifs en cas de vente durant la première année après
réception.
La question a pu se poser en jurisprudence, du sort du vendeur sur plan. On
retiendra qu’il en est le bénéficiaire pour les ouvrages qu’il a fait construire.
Cette solution est sûre pour ce qui concerne les dommages, objets de réserves à
la réception. En effet, l’article 1601-3 du Code civil indique que le vendeur sur
plan a et conserve la qualité de maître d’ouvrage jusqu’à la réception. Il est
normal que le vendeur qui a procédé à la réception en fasse purger les réserves.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a pu affirmer que le vendeur « conserve les
prérogatives du maître de l’ouvrage jusqu’à l’exécution des travaux de levée des
réserves »1.
La solution est également certaine pour le cas d’un vendeur sur plan resté
propriétaire de lots invendus. Pour ces seuls lots, ne reste-il pas le maître de
l’ouvrage et le propriétaire des ouvrages en cause ?
En revanche, pour le désordre affectant des lots vendus, les nouveaux proprié-
taires (les accédants) prendront le relai, ce qui fera perdre qualité au vendeur
pour actionner la GPA dans ce cas.
S’agissant des personnes tenues, est assujetti, s’agissant de la bonne et
complète exécution matérielle du contrat d’entreprise, l’entrepreneur, cocon-
tractant du maître de l’ouvrage et débiteur d’une obligation de faire pour les
prestations visées par son marché de travaux.
Il conviendra donc de rechercher à quel lot le désordre à traiter appartient. Si
plusieurs entrepreneurs sont concernés pour des dommages affectant un lot
déterminé, seul le titulaire du lot défectueux pourra être recherché sur le
terrain de la GPA.
On rappellera que le constructeur de maison individuelle est un entrepre-
neur qui a souscrit un contrat de louage d’ouvrage réglementé ; à ce titre il est
donc soumis à la GPA dans les termes du Code civil, la loi du 19 décembre
1990 n’ayant pas apporté de dispositions plus précises sur le sujet de la GPA.
À noter que les désordres visés au PV, comme ceux signalés par lettre recom-
mandée avec accusé de réception dans les huit jours seront concernés.
L’architecte – qui n’est pas le réalisateur matériel des travaux – n’est pas tenu à
la garantie de parfait achèvement. Sa responsabilité relève le cas échéant du
droit commun et la procédure plus favorable prévue pour la GPA ne s’applique
donc pas à lui.

1. CA AIX 3e Ch., Sec A, 25 février 2010, Juris-Data, no 2010-010861.


CHAPITRE 3 – LES GARANTIES DE PARACHÈVEMENT 67

Bien entendu, le sous-traitant n’est pas non plus concerné car il n’a pas conclu
de contrat avec le maître d’ouvrage.
Le vendeur sur plan n’est pas assujetti à la GPA. En effet, l’article 1646-1 du
Code civil le tient pour garant des obligations des locateurs d’ouvrage sur le
terrain de la responsabilité décennale et de la garantie de bon fonctionnement
mais non de la GPA. Par ailleurs, il sera rappelé que le vendeur est tenu à une
garantie particulière de la chose vendue sur plan, par le biais de l’article 1642-1
du Code civil. Selon cet article, le vendeur sur plan est garant des vices appa-
rents constatés à la livraison et des dommages constatés dans le mois suivant
cette livraison. L’action résultant de ce texte doit être engagée dans les douze
mois suivant le mois destiné au signalement des dommages (on parle de
« garantie de treize mois »).
C. Les désordres en cause
95. On distinguera la définition matérielle des désordres de leur définition
temporelle.
Au plan matériel, les désordres garantis au titre de la GPA sont de deux
ordres :
– les désordres apparents signalés au procès-verbal de réception. Ceci est
logique car il s’agit de l’exécution complète et parfaite du contrat, or les
dommages observés lors de la réception font obstacle à cette complète
exécution. La réception visée par le texte est bien entendu la réception
expresse amiable mais – du moins en théorie – il pourra s’agir d’une récep-
tion tacite.
Rappel : les désordres apparents non signalés lors de la formalité de la
réception des travaux ne sont pas pris en compte par les garanties légales
dont la GPA ;
– les désordres cachés à la réception, révélés après celle-ci et signalés dans
l’année suivant celle-ci. Sur ce point, la loi a instauré une sorte de
super-garantie supplémentaire, dépassant le cadre purement contractuel
lié à l’obligation de livraison conforme mise à la charge des entrepreneurs.
Il est important d’observer que s’agissant d’une procédure de parachèvement,
la GPA ne prend pas en compte la gravité du dommage et sa nature. Cepen-
dant l’article 1792-6 du Code civil exclut le cas d’usure normale de l’ouvrage,
hypothèse insolite pour une garantie d’un an.

Exemples
Relèvent de la GPA la coulure de peinture signalée au PV de réception (malfaçon
bénigne), la fissure infiltrante affectant le gros œuvre (malfaçon grave, d’importance
« décennale »), les volets livrés en pin et non en aluminium (non-conformité au
contrat).
68 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Au plan temporel, la définition du dommage se déduit de ce qui vient d’être


exposé : ainsi, la durée durant laquelle un dommage sera susceptible de relever
de la GPA et devra être signalé à l’entrepreneur est une durée annuelle à
compter de la réception.
D. La mise en œuvre de la garantie
96. Au plan du délai, la garantie de parfait achèvement s’exerce sur une durée
d’un an, cette période étant décomptée à partir de la réception. Le délai
annuel évoqué précédemment est donc également un délai d’action.
Le délai annuel de parfait achèvement peut être interrompu par les moyens
habituels. Il s’agira :
– de l’engagement du professionnel à réparer (art. 2240, C. civ.). L’engage-
ment se doit d’être non équivoque et d’émaner de l’entrepreneur lui-même ;
– de l’action en justice même par voie de référé (art. 2241, C. civ.) à condi-
tion qu’elle soit dirigée contre l’entrepreneur concerné lui-même et qu’elle
vise les désordres au sujet desquels il est demandé réparation.
L’interruption ouvre un nouveau délai de même durée. On prendra donc garde
au caractère bref de ce délai en cas de référé expertise car l’expert peut tarder à
déposer son rapport : seule une assignation au fond signifiée dans le délai
ainsi reconstitué permettra de faire face à cette difficulté.

Exemple
Pour une réception en date du 15 janvier 2010, une assignation datée du 10 janvier
2011 interrompt le délai de parfait achèvement. Une ordonnance désignant un expert
étant rendue le 16 février 2011, le demandeur ne dispose que d’une année (soit jusqu’au
17 février 2012) pour formuler une réclamation devant le tribunal compétent.

Il est vrai que les juridictions du fond semblent vouloir faire une application
bienveillante du nouvel article 2239 du Code civil. Celui-ci prévoit que la
prescription d’un délai est suspendu, lorsqu’une mesure d’instruction a été
ordonnée, jusqu’à la date de dépôt du rapport de l’expert. Le délai alors renou-
velé ne peut être inférieur à six mois.
L’application de cet article aux garanties spécifiques du droit de la construction
apparaît délicate car il n’est pas contestable qu’il s’agit de délais de forclusion et
non de prescription. Or l’article précité ne concerne que les délais de prescription.
En outre, le signal négatif qu’implique une telle disposition risque de conduire
les plaideurs à une dommageable imprudence en retardant le moment de leur
assignation au fond seule réellement interruptive pour la durée du procès. Fort
heureusement, à ce jour, la Cour de cassation n’a pas encore pris position sur ce
sujet qui mérite une attention particulière : il est donc préférable d’assigner
dans le délai annuel initial de l’article 1792-6 du Code civil puis au fond
dans le délai renouvelé (soit dans l’année suivant l’ordonnance obtenue
devant le Juge des Référés).
CHAPITRE 3 – LES GARANTIES DE PARACHÈVEMENT 69

L’objet de la garantie, on rappellera que la garantie vise à une réparation


en nature. En effet, le texte de l’article 1792-6 du Code civil ne prévoit
qu’une condamnation à faire qui s’assortit de la menace d’une réalisation
matérielle des travaux par un tiers mais aux frais et risques de l’entrepreneur
défaillant.
97. S’agissant enfin de la procédure, celle-ci s’effectue en trois temps :
– le signalement des désordres et la tentative de règlement amiable :
celui-ci résulte – c’est un rappel – soit d’une réserve au procès-verbal de
réception, soit, pour les dommages postérieurs à la réception, d’un pli
recommandé. Les parties doivent alors rechercher un accord amiable
pour la réalisation des travaux dans un délai déterminé.
En effet, le texte précise que « les délais nécessaires à l’exécution des
travaux de réparation sont fixés d’un commun accord », ce qui implique
que les parties soient également d’accord sur le contenu de ces travaux.
Dans un but de souplesse, la loi ne prévoit aucun processus de négociation
ni surtout aucun délai.
Si le contrat se réfère à la norme NF P03-001, le délai de principe pour la
levée des réserves est désormais de quatre-vingt-dix jours pour les désordres
réservés et de soixante jours pour ceux signalés dans l’année. Dans le cas
contraire, un délai plus bref peut être adopté, ce qui est souhaitable.
Bien entendu, si les parties s’accordent, le litige ayant trouvé sa solution,
aucune suite n’est nécessaire. Dans le cas inverse, il convient de traiter le
blocage persistant entre les parties ;
– le traitement du blocage : une mise en demeure à l’entrepreneur.
Celle-ci doit être adressée à l’entrepreneur concerné, à défaut d’accord ou
de réalisation des travaux dans le délai ;
– cette mise en demeure est essentielle car, en cas de procès, le juge contrôle
strictement le respect de cette formalité2. Il sera prudent de faire figurer
sur la mise en demeure certaines mentions : la référence au contrat
concerné, la date de réception, la liste des dommages réservés, les termes
de « mise en demeure » et une date butoir pour la réalisation des travaux
ou, pour le moins, pour la réponse de l’entrepreneur, permettant d’établir
sa défaillance ;
– le dénouement : la réalisation des travaux par un autre entrepreneur
« aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant ». Cette solution
permet de satisfaire à l’obligation de faire à la charge de l’entrepreneur
initial qui est défaillant. Elle présente un caractère de sanction pour cet
entrepreneur et l’autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire
comme cela est le cas, sous le régime de l’article 1144 du Code civil.
Ainsi, il ne pourra pas maîtriser le volume des travaux ni les coûts pratiqués par
son confrère.

2. Cass. 3e civ., 4 avril 2001, Bull. civ. III, no 41.


70 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

La solution légale est cependant quelque peu théorique car, en réalité, le


maître de l’ouvrage devra faire face aux difficultés de préfinancement des
travaux. En effet, la locution « aux frais et risques de l’entrepreneur » suggère
que le maître fera réaliser les travaux et « enverra la note » à l’entrepreneur
défaillant. Ceci ne sera guère du goût du réparateur des dommages qui ne
saurait attendre l’issue du procès pour être réglé et n’est guère possible en
pratique.
Il existe donc bien une problématique du financement qui suppose que le
maître agisse sur devis et cherche à obtenir le paiement de son débiteur avant
réalisation des travaux.
Il est envisageable de formuler une demande par voie de référé provision
fondée sur un devis. En cas de résistance de l’entrepreneur, la charge de la
preuve inverse incombera alors à l’entrepreneur défaillant, autant pour ce
qui concerne la matérialité des dommages que le montant réel des travaux
nécessaires aux réparations. En cas de difficulté, une expertise judiciaire sera
le plus souvent nécessaire mais la consignation sera à la charge de l’entreprise.
98. Si une retenue de garantie a été pratiquée, la question se pose de savoir si
le maître de l’ouvrage peut de lui-même opérer une compensation.
La question reste à ce jour incertaine. Certes, il est incontestable que la
retenue de garantie ne pourra être affectée à rien d’autre que le coût des
reprises de réserves à l’exclusion de tout autre poste tel que retard de livraison
ou au niveau des réparations.
Il est difficile d’admettre que la retenue puisse venir en contre-valeur de
dommages déclarés après réception, c’est-à-dire dans l’année suivant celle-ci,
cette possibilité n’étant pas visée par la loi du 16 juillet 1971 relative à la
retenue. Telle semble être la position actuelle de la Cour de cassation.
En revanche, la jurisprudence semble considérer que le juge, lui seul et à la
demande du maître d’ouvrage pourra prononcer une compensation des
créances entre, d’une part le montant des reprises des réserves au PV selon
devis voire expertise judiciaire, et d’autre part le montant des 5 % de retenue
de garantie.
Si la garantie consentie par l’entrepreneur est constituée par une caution, cette
caution sera mobilisable pour les travaux de levée des réserves. À noter que la
Cour de cassation a clairement rappelé cette limite, certains plaideurs ayant
tenté à tort de faire jouer à la caution un rôle de garantie d’achèvement en
l’absence même de réception.
99. Le processus légal de levée des réserves par le biais de la GPA comporte
une dernière phase consacrée à la vérification des travaux de reprises.
Selon l’article 1792-6 du Code civil, la bonne réalisation des travaux est
constatée de manière contradictoire de façon amiable ou judiciaire. Cette
constatation se borne à vérifier la bonne exécution des travaux et est sans
effet sur le décompte des délais d’action notamment en « décennale », la récep-
tion étant unique.
CHAPITRE 3 – LES GARANTIES DE PARACHÈVEMENT 71

Ici encore, la charge de la preuve de la bonne réalisation des travaux repose sur
la personne de l’entrepreneur3. Toutefois, cette formalité est rarement mise en
œuvre en pratique.
100. Au moment de conclure sur la garantie de parfait achèvement, deux
remarques s’imposent.
En premier lieu, il est important de noter que la GPA se conjugue avec les
autres garanties de la loi du 4 janvier 1978 mais également avec le droit
commun de la responsabilité contractuelle. Il s’agit d’une « garantie supplé-
mentaire » qui s’ajoute aux responsabilités existant par ailleurs. Le maître de
l’ouvrage est donc parfaitement libre de recourir à la garantie de parfait achè-
vement ou de lui préférer un recours en droit commun voire une autre garantie
légale.
Ce choix connaît toutefois une limite : c’est l’hypothèse où le maître d’ouvrage
entend faire jouer dans l’année de parachèvement, la garantie d’assurance
dénommée « Dommages ouvrage ». En effet, il lui sera demandé de justifier
d’avoir mis en œuvre le processus prévu par l’article 1792-6 du Code civil.
La jurisprudence admet ainsi l’applicabilité du droit commun4 d’où résulte
une option pour le maître d’ouvrage.
Cette possibilité alternative concerne aujourd’hui aussi bien les dommages
réservés que ceux révélés dans l’année.
L’intérêt de recourir au droit commun est bien entendu d’échapper à la pres-
cription du délai annuel assez bref qui a pu s’écouler par exemple si le maître de
l’ouvrage a été sensible aux engagements répétés mais oraux et sans lendemain
de l’entrepreneur, ou si une expertise judiciaire s’est, par extraordinaire, éter-
nisée (l’article 2239 du Code civil n’apparaît pas applicable en l’espèce celui
régissant le cas des « prescriptions »).
L’intérêt de recourir au droit commun réside également dans la possibilité de
former une demande de réparation financière sans avoir à justifier de la
satisfaction au processus légal de GPA qui aura sans doute été omis en
pareille circonstance.
Toutefois, le maître perdra alors le bénéfice d’un processus de règlement avan-
tageux et devra notamment satisfaire aux obligations liées à la preuve des faits,
des coûts de reprise mais également d’une faute de l’entrepreneur. En effet, la
responsabilité de droit commun de l’entrepreneur après réception présente la
particularité de comporter l’exigence de la preuve d’une faute (sur ce sujet,
cf. infra, no 159).
Il est important de constater que la superposition de la GPA et de la responsa-
bilité de droit commun revêt un caractère extrêmement particulier. En effet,

3. Cass. 3e civ., 1er avril 1992, Bull. civ. III, no 109.


4. Cass. 3e civ., 22 mars 1995, Bull. civ. III, no 80 ; Cass. 3e civ., 28 janvier 1998, Bull. civ. III,
no 19.
72 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

s’agissant des autres garanties légales, le recours en droit commun ne peut


s’exercer que pour autant que la garantie légale ne soit pas applicable. En
effet, la Cour de cassation confère aux garanties légales un caractère exclusif.
Elle considère que les « dommages qui relèvent d’une garantie légale ne
peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une
action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de
droit commun »5.
La GPA n’a pas ce caractère exclusif.
De même, la garantie de parfait achèvement peut se superposer avec une
garantie légale6 : il s’agira soit de la responsabilité civile décennale des arti-
cles 1792 et 1792-2 du Code civil, soit de la garantie dite « de bon fonction-
nement » de l’article 1792-3 du Code civil.
Le maître de l’ouvrage dispose donc, si le dommage rencontré est décennal,
d’une option : soit user d’une procédure commode et peu coûteuse (la GPA)
mais exempte de garantie d’assurance ; soit choisir de recourir à la responsabi-
lité décennale qui est couverte par une assurance obligatoire.
En matière de Garantie de bon fonctionnement, (GBF), hypothèse peu
crédible, le choix sera basé sur l’existence ou non d’une garantie d’assurance
couvrant le risque « biennal » mais cette garantie est facultative.
On peut alors envisager le tableau suivant :
– dommage peu grave et délai annuel non expiré : recours à la GPA permet-
tant d’obtenir une solution rapide sans nécessiter un recours à l’assureur ;
– dommage peu grave mais délai annuel expiré : recours en droit commun
(mais nécessité de rapporter la preuve d’une faute et de justifier contradic-
toirement du montant des travaux de reprise) ;
– dommage grave, délai annuel non expiré garantie « Dommages ouvrage »
souscrite : recours à la GPA qui permettra de mettre en œuvre en cas de
non-aboutissement de la démarche, l’assureur Dommages ;
– dommage grave mais absence de garantie « Dommages ouvrage » : recours
en responsabilité décennale contre l’entreprise et son assureur de responsa-
bilité décennale.
On signalera le cas particulier du contrat de construction de maison indivi-
duelle où une garantie dite « de livraison à prix et délais convenus » est suscep-
tible de prendre en compte les coûts de travaux de levée de réserve, certes
moyennant une franchise élevée ainsi que la valeur contractuelle des retards
(art. L. 231-6 CCH).
En second lieu, la GPA s’avère, après trente-quatre ans de fonctionnement,
l’un des succès majeurs de la loi du 4 janvier 1978 : elle est efficace pour
canaliser les conflits et alléger la charge financière de l’assureur construction,
au point qu’il a pu être avancé l’idée d’en porter la durée à deux ans.

5. Cass 3e civ., 13 avril 1988, Bull. civ. III, no 67.


6. Cass. 3e civ., 4 février 1987, Bull. civ. III, no 16.
CHAPITRE 3 – LES GARANTIES DE PARACHÈVEMENT 73

Il est dommage toutefois que ce mécanisme légal de règlement ne soit pas


mieux parvenu à inciter les entreprises à mettre en œuvre un process d’anti-
cipation des réserves à la réception ainsi que de vrais « services après-vente »
intervenant au stade premier de la GPA. Cette carence est symptomatique du
parti pris français de réparation a posteriori et sous la contrainte et obère donc,
malgré tout, les comptes des assureurs construction.

§2. La garantie de conformité aux normes phoniques


101. Création comme la GPA de la loi du 4 janvier 1978, la garantie de
conformité aux normes phoniques est prévue non pas par le Code civil mais
par l’article L. 111-11 du Code de la construction et de l’habitation. On a
pu penser que le législateur souhaitait que ces non-conformités soient vouées
à un régime spécifique et favorable de règlement, limité dans le temps, au lieu
de relever, comme par le passé, de la seule responsabilité décennale ou du droit
commun, ce qui pouvait paraître restrictif.
Après une période d’incertitude, la jurisprudence a indiqué que la garantie
phonique n’était pas exclusive de la responsabilité civile décennale (couverte
par l’assurance construction), ce qui a fait perdre à la garantie de
l’article L. 111-11 CCH l’essentiel de son intérêt.
Cette garantie est largement calquée sur le mécanisme de la garantie de parfait
achèvement mais présente quelques particularités :
– la garantie de conformité aux normes phoniques ne concerne que les bâti-
ments d’habitation (et eux seuls) ;
– elle porte sur le respect des « prescriptions légales ou réglementaires rela-
tives aux exigences minimales requises en matière d’isolation phonique »
c’est-à-dire en clair, les normes visées à l’article R. 111-4 du Code de la
construction. S’agissant de la conformité à ces normes, il n’est pas néces-
saire de justifier d’un préjudice dès lors que le niveau d’isolation prévu par
la norme n’est pas atteint. On prendra garde au fait que le texte ne
garantit que la conformité aux textes réglementaires et à leurs annexes
en vigueur. Si une qualité phonique meilleure a été convenue contractuel-
lement et n’a pas été atteinte dans les faits, le régime de l’article L. 111-11
CCH se révèle inapplicable ;
– toutefois, la non-conformité d’un ouvrage quel qu’il soit (logement,
bureaux etc.) peut relever de la responsabilité décennale des construc-
teurs et vendeurs si la nuisance conduit à une « impropriété à la destina-
tion de l’ouvrage » qui constitue un critère de cette responsabilité7. Il y a
donc lieu de distinguer la non-conformité sans dommage grave (livraison
différente mais sans conséquence) relevant du seul article L. 111-11 CCH
de la non-conformité à conséquence fonctionnelle sur le bien et pouvant

7. Cass. 3e civ., 1er avril 1992, Bull. civ. III, no 107 ; Cass. Ass. plén., 27 octobre 2006,
Bull. Ass. plén. no 12.
74 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

relever de la responsabilité décennale. On prendra garde cependant du fait


que le dommage décennal n’est pris en compte par la responsabilité civile
décennale qu’à la condition qu’il ait été caché à la réception. Au
contraire, le défaut phonique apparent à la réception ne pourra être pris
en compte au titre du régime de la « décennale » ;
– la garantie est due par deux catégories de personnes : d’une part les loca-
teurs d’ouvrages (en fait, les entrepreneurs chargés des lots concernant
l’isolation phonique). D’autre part, les vendeurs et promoteurs, qui sont
en fait les garants de l’obligation mise à la charge des entrepreneurs.
La durée de la garantie nécessite quelques remarques. À l’origine, la garantie de
conformité aux normes phoniques durait six mois. Depuis la loi du 31 décembre
1992 relative à la lutte contre le bruit, ce délai a été aligné sur celui de la
GPA : la garantie des non-conformités phoniques est donc d’un an.
Toutefois, le point de départ du délai varie selon le professionnel mis en cause :
pour l’entrepreneur, il s’agit classiquement de la réception des travaux. En
revanche, les garants (vendeur et promoteurs) voient la garantie prendre nais-
sance à compter de la date de « prise de possession » du « premier occupant ».
Cette date peut se révéler difficile à établir pour le professionnel. Le législateur
a voulu que le bien puisse être réellement en service afin que ses éventuelles
insuffisances soient véritablement testées.
Le régime de la garantie de conformité aux normes phoniques reprend les indi-
cations énoncées dans le cadre de l’étude de la GPA auxquelles on voudra bien
se reporter (supra nos 92 et s). On insistera sur les difficultés pratiques que
suppose la mise en œuvre de cette garantie de conformité.
En effet, en premier lieu force est de constater que la vérification technique de
la non-conformité par le biais d’une expertise – le plus souvent judiciaire –
suppose des moyens lourds et par conséquent coûteux. En second lieu, s’agis-
sant de non-conformités phoniques en copropriété, il est nécessaire de mettre
en cause le syndic és-qualité, car seul le syndicat peut intervenir en réparation
sur le gros œuvre constitutif de parties communes dont il a la charge (art. 14 de
la loi du 10 juillet 1965). Cette mise en cause peut n’être pas exempte de diffi-
cultés relationnelles au sein de la copropriété car elle implique des charges
communes supplémentaires. En troisième et dernier lieu, il doit être souligné
que les reprises sont en général lourdes et traumatisantes pour le logement qui
est parfois affecté au niveau de sa superficie.
Nos 102 à 110 réservés.
Chapitre

4
La responsabilité civile décennale

Plan du chapitre

§1. Les caractéristiques juridiques de la responsabilité décennale


§2. Les critères techniques
§3. Les caractéristiques de la réparation décennale
§4. Le délai décennal

RÉSUMÉ
111. La responsabilité décennale constitue la garantie phare de la responsabilité
des constructeurs. Son importance est capitale car c’est elle qui modèle les contours
de l’assurance obligatoire, bien au-delà des garanties de responsabilité.
Il y a donc lieu d’en étudier les critères techniques puis juridiques avant d’évoquer la
question du délai pour agir. Dès lors, le contenu matériel de la réparation due par le
responsable pourra être envisagé.
76 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

112. La « garantie » décennale est en réalité une responsabilité civile. Celle-ci


est très ancienne et est la seule à être bien connue du grand public. Dès 1804,
le Code civil appliquait à travers la notion de « perte de la chose » un régime
dérogatoire de responsabilité aux entrepreneurs et architectes dans le cas où un
édifice réalisé à prix fait était atteint dans sa solidité. En dehors de ce cas précis,
les litiges relevaient du droit commun. Ces principes aménagés par la jurispru-
dence ont régi la matière pendant près de cent cinquante ans.
Puis, les règles applicables à la responsabilité décennale ont dû être précisées
en raison notamment des besoins liés à l’essor des constructions au cours des
années 1960.
La loi du 3 janvier 1967 relative à la vente d’immeuble à construire a contribué
à cette évolution, notamment en distinguant les « gros ouvrages » relevant de
la décennale et les « menus ouvrages » sanctionnés par une garantie biennale
et dont une liste était proposée par un décret. La loi cependant ne retenait que
la notion historique de « perte de la chose » dont l’application stricto sensu est
relativement restrictive.
La jurisprudence a donc été amenée à préciser les contours des « vices » acces-
sibles à la garantie décennale en retenant à la fin des années 1960 la notion
d’impropriété à la destination, empruntée au droit de la vente. Elle a égale-
ment précisé le régime de cette responsabilité en retenant une réelle présomp-
tion de responsabilité à la fin des années 1970.
Si la distinction entre menus ouvrages et gros ouvrage est aujourd’hui obsolète,
plusieurs autres de ces apports de l’histoire, d’abord pris en compte par le
rapport Spinetta lors de la réforme, sont largement consacrés par la loi du
4 janvier 1978.
Le régime actuel de la responsabilité décennale figure désormais aux arti-
cles 1792, 1792-1, 1792-2, 1792-4, 1792-5 du Code civil, le délai décennal
pour agir sur le fondement de la responsabilité prévue par ces articles – ancien-
nement défini par l’article 2270 du Code civil – étant fixé par
l’article 1792-4-1 du même code.
Après de longues querelles doctrinales, il est aujourd’hui admis que la respon-
sabilité décennale est d’essence contractuelle mais qu’elle est organisée par la
loi. Ceci n’est pas sans intérêt car on vérifiera que, dans le silence de la loi, il
est possible d’en revenir à une responsabilité contractuelle classique, dans
certaines conditions.
Enfin, la responsabilité civile décennale est une responsabilité d’ordre public.
Les dispositions des articles 1792, 1792-1, 1792-2, 1792-4 et 1792-4-1 ne
peuvent être modifiées par le contrat ou le marché de construction. En vertu
de l’article 1792-5 du Code civil, toute clause inverse serait réputée non écrite.
On étudiera les quatre aspects importants de cette responsabilité : les caracté-
ristiques juridiques de la responsabilité décennale, les caractéristiques tech-
niques (car tout dommage n’est pas décennal), les caractéristiques de la
réparation due par les débiteurs et bien entendu le critère temporel : la durée
CHAPITRE 4 – LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉCENNALE 77

décennale. Ces développements seront utiles pour comprendre au mieux


l’assurance obligatoire qui est associée à cette importante responsabilité.

§1. Les caractéristiques juridiques


de la responsabilité décennale
On en retiendra cinq.
A. Les personnes concernées
113. Bien entendu, le bénéficiaire de la responsabilité décennale est le maître
de l’ouvrage puis les acquéreurs successifs de l’ouvrage durant la période de
garantie. Cette évidence n’appelle pas de commentaires si ce n’est que la juris-
prudence reconnaît parfois la qualité de bénéficiaire, non au propriétaire de
l’ouvrage, effectif lors de la survenance des dommages, mais au maître de
l’ouvrage initial.
Il faut pour cela que l’action présente pour lui un intérêt certain1. Ceci peut
être le cas du maître d’ouvrage, vendeur d’un bien atteint de malfaçons dont
il a dû déduire le montant de réparation du prix de vente.
Si les dommages affectent une copropriété considérée dans ses parties
communes (même affectées à un usage privatif), le syndic devra obtenir l’auto-
risation de l’assemblée des copropriétaires pour agir au fond mais non pour
solliciter en référé une expertise. Si le dommage affecte indissociablement des
parties privatives et des parties communes, le syndic restera compétent pour
agir. En revanche celui-ci ne saura agir pour des dommages affectant exclusi-
vement des parties privatives.
En revanche, le locataire ne saurait invoquer la responsabilité décennale des
locateurs d’ouvrage pour des travaux défectueux réalisés à la demande du
bailleur2.
Par ailleurs, trois catégories de personnes sont débitrices de la responsabilité
civile décennale.
I – Les personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat
de louage d’ouvrage
Par effet de l’article 1792-1 de ce code, elles sont responsables en « décennale »
à son égard. Il s’agit des divers entrepreneurs mais aussi de l’architecte.
Ces personnes sont responsables dans la mesure de leur mission. Ainsi l’archi-
tecte doté d’une mission « minimale » pour l’obtention du permis de construire
ne saura engager sa responsabilité décennale pour des dommages à la construc-
tion résultant de l’absence de suivi du chantier. En revanche, le fait que la

1. Cass. 3e civ., 21 mars 1979, Bull. civ. III, no 73.


2. Pour un exemple dans un centre commercial : Cass. 3e civ., 1er juillet 2009, Juris-Data
2009-048937.
78 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

mission de l’architecte ait été effectuée gratuitement est sans conséquence sur
l’appréciation de la responsabilité décennale qui peut se trouver engagée à
l’occasion de ces prestations gratuites.
Bien entendu, le sous-traitant et le fabricant (sauf exception des EPERS
évoquée plus bas) ne sont pas tenus à la responsabilité décennale dès lors
qu’ils ne se trouvent pas dans les liens d’un contrat de louage d’ouvrage
conclu avec le maître d’ouvrage.
Rappel : le constructeur de maison individuelle constitue un locateur
d’ouvrage débiteur de la responsabilité décennale.
Enfin, le contrôleur technique est responsable en garantie décennale depuis la
loi du 4 janvier 1978, par effet de l’article L. 124-11 du Code de la
construction.
II – Les relais
Il s’agit de personnes qui, bien que ne construisant pas matériellement
l’ouvrage, assument une responsabilité décennale vis-à-vis du propriétaire du
bien endommagé tout en bénéficiant d’un recours face aux locateurs
d’ouvrage : on retiendra deux cas :
– en premier lieu il s’agira du vendeur d’immeuble sur plan. Ceci ne pose
pas de difficulté car la règle résulte de la loi elle-même. Ainsi,
l’article 1646-1 du Code civil rend le vendeur sur plan, garant des respon-
sabilités encourues par les locateurs d’ouvrage ;

Exemple
La SCI de construction vente réalisant un immeuble de logements vendus sur plan est
débitrice pour l’ensemble du programme, vendu avant ou après achèvement, à la
responsabilité décennale. Elle bénéficie cependant d’un recours contre les profession-
nels de la construction ayant réalisé les travaux.

– il s’agit ensuite du vendeur d’immeuble achevé. Il a été considéré en 1978


que le promoteur vendant après achèvement ne devait pas avoir un sort
plus favorable que le vendeur sur plan. Avant la loi Spinetta, ce vendeur
après achèvement était débiteur d’une simple garantie des vices cachés de
la chose vendue, au même titre que tout vendeur.
Il sera en effet rappelé que le vendeur est habituellement débiteur de deux
garanties : l’une de délivrance conforme (articles 1604 et suivants du Code
civil), l’autre du vice caché de la chose vendue (article 1641 du
même Code). Cette garantie était seule applicable au vendeur d’immeuble
achevé avec, en outre, la possibilité pour ledit vendeur de stipuler une
clause de non garantie au contrat de vente ;
– en revanche, on vient de voir que la loi du 3 janvier 1967 avait assujetti le
vendeur sur plan à la responsabilité décennale par le biais de
CHAPITRE 4 – LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉCENNALE 79

l’article 1646-1 du Code civil. Il y avait donc là une différence de traite-


ment, injuste, selon que le promoteur vendait sur plan ou « achevé » ;
– désormais, l’article 1792-1 du Code civil répute « constructeur » tout
vendeur après achèvement et écarte les garanties de droit commun du
vendeur, au profit de la responsabilité décennale de l’article 1792 du
même Code.
À noter que la loi ne distingue pas selon que l’ouvrage est construit pour être
vendu aussitôt par le professionnel ou plus tard (dans les dix ans après
réception).
On pourra regretter que ces solutions s’appliquent même si le vendeur est un
particulier qui a construit ou fait construire l’ouvrage vendu (on parle de
« Castor »). Ainsi, le particulier vendeur d’une maison qu’il a fait réaliser ne
pourra s’abriter derrière la clause exclusive de garantie des vices cachés
durant les dix premières années suivant la réception car il sera appréhendé
par le régime de responsabilité décennale d’ordre public pour les seuls désordres
relevant des critères décennaux.
Au-delà des dix premières années le régime de garantie des vices cachés
reprend ses droits dans les termes des articles 1641 et 1648 du Code civil.
Cette solution a été critiquée par la doctrine qui considère qu’il y a là une
entorse au principe de non-cumul des garanties spéciales et des garanties de
droit commun clairement posé par la Cour de cassation.
Il sera toutefois précisé que la garantie décennale n’est due que par le maître de
l’ouvrage vendeur après achèvement. Si son acquéreur vient à revendre le bien
dans le délai de dix ans suivant la réception, cette vente ne l’obligera à l’égard
de son propre acquéreur qu’à la garantie des vices cachés, laquelle pourra être
assortie d’une clause de non-garantie.
Aux vendeurs dont il vient d’être question, la loi ajoute le cas du promoteur
mandataire de l’article 1831-1 du Code civil qui reçoit mandat de faire édifier
pour le compte du maître de l’ouvrage, en son nom et moyennant une rému-
nération forfaitaire, une construction.
III – Le fabricant d’EPERS
La troisième catégorie de personnes tenues est constituée par le fabricant
d’EPERS (Éléments Pouvant Entraîner une Responsabilité Solidaire),
prévu par l’article 1792-4 du Code civil.
Cette notion mérite l’attention car, en général, le fabricant qui n’est pas un
locateur d’ouvrage et ne se trouve pas même en contact direct avec le maître
de l’ouvrage, engage une responsabilité de droit commun.
Or l’article 1792-4 précité lui inflige dans certains cas une responsabilité
décennale obligatoire, cette responsabilité étant liée à celle de l’entrepreneur
installateur du bien que ce fabricant a fabriqué ou commercialisé.
Cette responsabilité est de tous temps apparue comme inutile et complexe, au
point qu’un auteur très autorisé l’a qualifié, dès l’origine, « d’herpès de la
80 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

construction » et que la doctrine en demande régulièrement la disparition,


soutenue en cela par les professionnels et les assureurs (FFSA).
On pourra également la trouver peu pertinente puisqu’elle s’applique non pas à
un constructeur opérant sur le chantier de l’ouvrage mais à un industriel
produisant des produits en usine.
Enfin, cette notion est dangereuse car le fabricant d’un EPERS étant assujetti à
la responsabilité décennale, il doit satisfaire à l’obligation d’assurance associée
sans toujours pouvoir déterminer a priori si sa production l’expose à la souscrip-
tion de l’assurance obligatoire ou, pire, à la sanction pénale au cas où cette
garantie fait défaut.
Cette responsabilité décennale s’applique dans l’hypothèse où l’on se trouve :
– en présence d’un ouvrage, partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement ;
– conçu ou produit pour satisfaire à des exigences précises déterminées à
l’avance ;
– par un fabricant ou un importateur d’un produit de construction ou d’une
personne ayant présenté le bien comme son œuvre (marque de fabrique) ;
– et mis en œuvre d’après les instructions du fabricant et sans modification
de la part du poseur (mais la jurisprudence admet de menus ajustements) ;
– par un intervenant, lui-même soumis à la « décennale », c’est-à-dire par
une personne dans les liens d’un contrat de louage d’ouvrage avec le béné-
ficiaire de la « garantie ».
La difficulté est évidente car ces indications doivent être mises en cohérence
avec les cas concrets qui se présentent : c’est la jurisprudence civile, adminis-
trative et parfois le Bureau central de tarification (BCT) en matière d’assu-
rances obligatoires qui ont dû définir ce qu’est, en pratique, un EPERS.
Il a ainsi été admis par exemple que sont des EPERS les blocs portes, blocs
fenêtres, les escaliers préfabriqués, les panneaux isolants non recoupés, les
planchers chauffants, les pompes à chaleur, ces éléments devant être adaptés
au chantier spécifique auquel ils doivent être intégrés. En revanche, le béton
prêt à l’emploi, les briques ou les tuiles sont considérés comme des matériaux et
non comme des ouvrages, parties d’ouvrage ou éléments d’équipement : ils ne
peuvent donc entrer dans la qualification d’EPERS.
La notion d’EPERS a généré une abondante jurisprudence qui s’est développée
sur la question des panneaux isolants (jurisprudence Plast Europ) et a déve-
loppé deux tendances selon que la volonté était d’étendre la notion ou au
contraire de la restreindre.
Dans le premier cas l’objectif est de renforcer la sécurité juridique des fabri-
cants en généralisant l’exigence de souscription des garanties d’assurance mais
aussi de protéger les maîtres d’ouvrage grâce à la généralisation de ce relais
d’assurance. Dans le second cas, il s’agit de faire retour à la responsabilité de
droit commun des fabricants, plus logique, et de « discréditer » la notion
d’EPERS pour inciter le législateur à en redéfinir les contours.
CHAPITRE 4 – LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉCENNALE 81

S’agissant de ces panneaux isolants, après une conception temporairement


extensive consacrée en 20023, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a
opté pour une définition restrictive4. Elle fondait sa décision sur le fait que les
panneaux en cause étaient des « éléments indifférenciés » (donc non spécifi-
ques) nécessitant des recoupes (et par conséquent non mis en œuvre d’après
les instructions du fabricant et sans modification de la part du poseur). Selon
la Troisième chambre civile de la Haute juridiction, les panneaux ne sont pas
des EPERS et ne sont assujettis ni à la responsabilité décennale ni à l’assurance
obligatoire.
Au contraire, le Conseil d’État5 a retenu une solution plus ouverte. La Haute
juridiction administrative considérait que les recoupes constituaient des adap-
tations mineures, compatibles avec la définition de l’article 1792-4 du Code
civil. Selon le juge administratif les panneaux sont des EPERS et sont assujettis
à la responsabilité décennale et à l’assurance obligatoire.
Plus récemment, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation semble avoir
opté elle aussi et sur les mêmes constatations, pour une définition large6.
La Troisième chambre civile ne semble pas totalement rangée à cet avis et
fonde désormais sa position restrictive, lui permettant d’exclure la qualification
d’EPERS, sur le caractère spécifique ou non de l’élément en cause. Il en est
ainsi de panneaux en matériaux de synthèse destinés à constituer les murs
d’une piscine qui ne sont pas considérés comme conçus et fabriqués spéciale-
ment pour la piscine du maître d’ouvrage7, ou pour les mêmes motifs s’agissant
des pompes et compresseurs de climatisation8.
La responsabilité ainsi définie est une responsabilité solidaire. Elle suppose que
le poseur soit lui-même assujetti à la responsabilité décennale. Si tel n’est pas le
cas, le fabricant ne pourra être recherché sur le terrain de la responsabilité
décennale. En revanche, si tel est bien le cas, il importe de constater que la
notion de « solidarité » permet au maître d’ouvrage victime d’agir et d’exécuter
pour le tout, à l’encontre du fabricant.
C’est dans leurs rapports entre eux que la question de la charge définitive de la
dette sera débattue par le fabricant et l’installateur. Ainsi, si le fabricant cons-
tate une faute du poseur lors de la mise en œuvre de l’EPERS, il pourra agir en
garantie à son encontre.
Il en est de même pour le recours de l’installateur. À cet égard, la Cour de cassa-
tion rappelle qu’il ne sera pas possible à l’installateur, après avoir indemnisé le

3. Cass. 3e civ., 12 juin 2002, Bull. civ. III, no 133.


4. Cass. 3e civ., 22 septembre 2004, Bull. civ. III, no 151.
5. CE, 6 octobre 2004, OXATHERM, Req. no 258334, RDI 2004, p. 571.
6. Cass. Ass. plén., 26 janvier 2007, Bull. Ass. plén. 2007, no 2 ; Constr-Urb. 2007, comm.
no 54.
7. Cass. 3e civ., 19 décembre 2007, Juris-Data, no 2007-042064.
8. Cass 3e civ., 5 juillet 2011, Juris-Data, no 2011-013775.
82 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

maître d’ouvrage, de se fonder sur le principe de la subrogation pour agir à


l’encontre du fabricant9.
On rappellera que la notion d’EPERS semble cependant ne pas avoir fait ses
preuves et il est périodiquement question de la retrancher des règles de respon-
sabilités des constructeurs.
B. Nécessité d’une atteinte à un « ouvrage »
114. Cette exigence ayant été étudiée supra (no 76) lors de la présentation de
la réception, il convient de se reporter à ces développements.
S’agissant plus spécialement de la responsabilité décennale, on rappellera
toutefois la notion « d’éléments d’équipement ». Ceux-ci correspondent aux
appareillages fabriqués en usine et installés sur l’ouvrage. En effet, ceux-ci
doivent être pris en compte dans la détermination du siège des dommages rele-
vant de la « décennale ».
Ces éléments d’équipement peuvent à ce jour conduire à une application de la
« décennale » alors que la loi de 1967 en réservait l’application au seul gros
œuvre. Il en sera ainsi par effet de l’article 1792 du Code civil si la défectuosité
de l’élément quel qu’il soit affecte la solidité de l’ouvrage ou en compromet la
destination, ou, par effet de l’article 1792-2 du même code, si le dommage
affecte la solidité de l’élément « indissociable » du support où il est fixé. Ces
notions seront développées infra (no 121).
À noter également l’importance de la notion d’élément d’équipement au
travers de l’article 1792-7 du Code civil issu de l’ordonnance du 8 juin 2005,
qui exclut de toute responsabilité décennale, quelle que soit l’atteinte dont
l’ouvrage fait l’objet, les éléments d’équipement à finalité professionnelle.
C. Nécessité d’un dommage caché à la réception
115. Il y a lieu d’examiner successivement les deux notions que recouvrent le
terme « dommage » et le terme « caché ».
En premier lieu, il échet de constater que la notion de dommage est particu-
lièrement vaste. Les réglementations antérieures à la loi du 4 janvier 1978 ne
retenaient que les « vices » de la chose, c’est-à-dire la prestation conforme à la
commande mais livrée défectueuse. Aujourd’hui, ce principe est repris par
l’article 1792 du Code civil. Il s’agira soit d’un vice du sol, soit d’une malfaçon
affectant le construit.
Toutefois le caractère volontairement vague du mot « dommage » permet
d’intégrer à la responsabilité décennale une non-conformité aux stipulations
contractuelles dès lors que ses conséquences fonctionnelles sont suffisamment
graves pour être « décennales ».

9. Cass 3e civ., 8 juin 2011, Juris-Data, no 2011-01068.


CHAPITRE 4 – LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉCENNALE 83

On le voit : le champ de la responsabilité de l’article 1792 du Code civil s’en


trouve très largement augmenté. Un très brillant auteur a ironisé, à juste titre,
sur le terme de « désordre ». Son imprécision n’empêche pas cependant d’y
trouver, du moins pour le praticien, une sorte de synonyme au mot dommage.
En second lieu, la responsabilité civile décennale ne s’applique qu’à un
dommage caché à la date de la réception. Il s’agit d’un dommage caché dans
ses causes mais également de façon cumulative dans ses conséquences, aux
yeux d’un maître d’ouvrage « mineur en l’art de bâtir » mais exerçant lors de
la réception l’attention d’un « bon père de famille ». On précisera que, dès lors
que le caractère caché du désordre s’apprécie en fonction de la compétence du
maître d’ouvrage, ce caractère caché demeurera si le maître d’ouvrage assisté
d’un maître d’œuvre, n’a pas été utilement renseigné sur les caractéristiques
exactes de ce désordre.
Ce dommage non visible et par conséquent non signalé lors de la réception
sera intégré au champ de la responsabilité décennale. Toutefois, la Cour de
cassation admet également, depuis très longtemps, que le désordre signalé lors
de la réception et ayant fait l’objet, à ce titre, d’une réserve portée au
procès-verbal de réception, puisse être considéré comme caché au regard de
la responsabilité décennale, si l’ampleur de ses conséquences ne s’est révélée
qu’après réception10.
Enfin, le caractère caché du désordre est traditionnellement présumé par les
juges du fond qui sont souverains pour cette appréciation. C’est donc en prin-
cipe au professionnel de la construction d’apporter la preuve du caractère appa-
rent de ce désordre et non au maître d’ouvrage de rapporter la preuve du carac-
tère caché. En effet, il s’agit d’une preuve excessivement difficile à administrer
car il s’agit d’une preuve négative. Toutefois, un arrêt remarqué11 a inversé la
charge de la preuve en considérant que celle-ci incombait au maître d’ouvrage.
Il est vrai que cet arrêt concernait d’un grand hôtel qui avait fait réaliser des
travaux de réfection et d’amélioration, destinés à lui procurer le classement en
catégorie « Trois Étoiles ». La Cour n’a pas depuis fourni de nouvelle décision
permettant d’en faire une solution de principe, applicable à tous et notamment
aux petits maîtres d’ouvrages particuliers. L’imprécision de la situation fera
donc incliner à la prudence.
La responsabilité décennale ne peut bien entendu pas s’appliquer aux
dommages ayant fait l’objet d’une réserve à la réception concernant un
dommage clairement identifié au niveau de son origine et de ses consé-
quences. Tel sera le cas d’une tuile constatée cassée à la réception et ayant
entraîné des dommages de mouille sur un plafond situé en deçà. Ces dommages
ne peuvent relever que de la garantie de parfait achèvement. Seuls les
dommages apparus au lendemain de la réception font l’objet d’un traitement
en « décennale ».

10. Cass. 3e civ., 12 octobre 1994, Bull. civ. III, no 172.


11. Cass. 3e civ., 7 juillet 2004, Bull. civ. III, no 142.
84 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

D. Une responsabilité de plein droit


116. On a vu qu’à l’origine, la responsabilité civile décennale était constituée
par une présomption de faute avant que la jurisprudence ne décide d’en faire
une présomption de responsabilité.
La loi de 1978 a encore forcé le trait en décrétant qu’il s’agit d’une responsa-
bilité de plein droit (le projet de loi évoquait un entrepreneur « présumé
responsable de plein droit »).
Le message du législateur est clair : la responsabilité des locateurs d’ouvrage
(entrepreneur, architectes etc.) est engagée par l’existence d’un dommage
grave sans qu’il soit nécessaire de prouver leur faute. De même, l’entrepre-
neur ne pourra s’exonérer en invoquant son absence de faute : l’existence du
dommage décennal suffit au maître pour accéder à un droit à indemnisation.

Exemple
Face à une importante fissure des murs maîtres, le maçon ne peut s’exonérer en indi-
quant qu’il a respecté le dosage du mortier prévu par les DTU.

Compte tenu de cette présomption, la doctrine a pu prétendre, jadis, que tous


les entrepreneurs d’un même chantier étaient tenus pour tout dommage
décennal subi par l’ouvrage (l’article 1792 du Code civil énonce en effet que
« tout constructeur » est responsable). Cette conception des choses n’était sans
doute pas voulue par le législateur et la jurisprudence en est revenue à la notion
d’imputabilité : n’est concerné par la responsabilité de plein droit que l’entre-
preneur dont le lot est concerné par la malfaçon12.
Ceci ne fait cependant pas obstacle à la possibilité d’une condamnation « in
solidum » : ainsi par exemple, le maître d’œuvre et l’entrepreneur de gros
œuvre qui engagent concurremment une responsabilité décennale pour des
fissures sur la structure d’un ouvrage pourront être condamnés « in solidum ».
La victime peut alors réclamer le paiement de la totalité de l’indemnité qui
lui a été allouée par le juge, à l’un ou l’autre des deux intervenants, à charge
pour celui qui règle de réclamer à l’autre la part d’indemnité correspondant à sa
part de responsabilité.
E. Les causes d’exonération
117. Comme toute responsabilité, la responsabilité décennale prévoit des
causes d’exonération.
On a vu que l’entrepreneur ne peut pas s’exonérer en établissant son absence
de toute faute. En revanche, le dernier alinéa de l’article 1792 du Code civil
lui permet d’invoquer la cause étrangère.

12. Cass. 3e civ., 16 février 2005, RDI 2005, p. 222.


CHAPITRE 4 – LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉCENNALE 85

Cette formule recouvre schématiquement trois notions :


– la force majeure : il s’agit d’un événement exceptionnel à la fois (selon la
définition bien connue) imprévisible, irrésistible et extérieur à la chose
endommagée. Par exemple, il s’agira d’un événement climatique excep-
tionnel : tremblement de terre, ouragan, grave chute de neige.
Toutefois la jurisprudence est stricte sur l’appréciation du caractère
exceptionnel et exonératoire des événements météo. La sécheresse excep-
tionnelle, même reconnue comme telle par arrêté interministériel au titre
du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles organisé par la loi
du 13 juillet 1982 (art. L. 125-1, C. assur. dans sa forme en vigueur à la
date du 1er janvier 2008) ne constitue pas automatiquement une cause
d’exonération du constructeur au regard de la responsabilité civile décen-
nale13. Il faut en effet que soient réunis concrètement les critères de la
force majeure et la constatation opérée par les pouvoirs publics ne suffit
en aucun cas ;
– la faute du maître de l’ouvrage durant le temps du chantier. Celle-ci est
connue sous le nom « d’immixtion fautive » qui suppose que soient réunies
deux conditions posées par la Cour de cassation dès avant la loi de 197814.
D’une part, le maître de l’ouvrage doit disposer d’une compétence notoire
en matière de construction. Cette compétence doit être effective et le fait
d’être professionnel de l’immobilier – par exemple un promoteur – ne
suffit pas. Le maître doit avoir, de par son activité, une réelle compétence
apprécie concrètement par le Juge.
D’autre part, le maître doit avoir commis des actes graves d’intervention
sur le chantier : modification des plans, direction des ouvriers sur le
terrain. Les faits invoqués doivent être définis précisément et prouvés
positivement.

Exemple
L’architecte ayant qualité de maître d’ouvrage pour la construction de sa maison et qui
modifie un plan ou donne aux ouvriers des instructions contraires à ce qu’a indiqué le
maître d’œuvre commet une immixtion fautive. Même chose pour une SCI dotée de
services techniques particulièrement développés.

En revanche, le particulier « mineur en l’art de bâtir » qui envahit réguliè-


rement « son » chantier ne commettra pas pour autant d’immixtion. Noter
que l’absence de recours à un maître d’œuvre ne peut constituer une cause
d’exonération pour le constructeur. Noter également une certaine sévérité
des juridictions qui rechignent à reconnaître une situation d’immixtion
fautive exonératoire sauf cas extrêmes.

13. Cass. 3e civ., 13 mai 1986, Gaz. Pal. 1986, Pan., p. 67 ; Cass. 3e civ., 18 décembre 2001,
RDI 2002, p. 152.
14. Cass. 3e civ., 22 novembre 1968, Bull. civ. III, no 492.
86 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

En tout état de cause, elle conduit rarement à une exonération totale de la


responsabilité de l’entrepreneur.
Bien entendu, après réception, l’usage anormal du bien par le propriétaire
est cause d’exonération des locateurs d’ouvrage.
Enfin, on doit signaler le retour de la notion « d’acceptation délibérée des
risques » comme cause d’exonération provenant du maître de l’ouvrage. Il
s’agit de l’hypothèse où un maître d’ouvrage bien qu’informé des risques
encourus persiste dans le choix d’une solution inadaptée15. Cette jurispru-
dence s’applique le plus souvent aux maîtres d’ouvrage professionnels (SCI
de construction vente par exemple).
Son application ne nécessite pas de rapporter la preuve d’actes d’immixtion
commis par un maître d’ouvrage notoirement compétent : en effet, la
logique mise en œuvre est différente. En revanche, la prise de risque doit
être qualifiée positivement par le juge et ne saurait consister dans le fait de
s’être dispensé de recourir aux services d’un maître d’œuvre.
On le voit, l’entrepreneur a tout intérêt à prendre soin d’informer soigneu-
sement et par écrit son cocontractant, des risques pouvant résulter de telle
ou telle solution technique. À défaut, il lui sera très difficile de faire valoir
une « acceptation délibérée », exonératoire ;
– le fait d’un tiers. On prendra garde au fait que le fait exonératoire d’un
tiers ne résulte pas de l’activité d’un autre entrepreneur intervenu sur le
chantier16. Cette solution s’applique même si l’entrepreneur en cause est le
sous-traitant du locateur d’ouvrage.

Exemple
Le désordre affectant le lot gros œuvre et résultant d’une erreur de l’architecte au niveau
des plans. L’erreur de l’architecte n’exonère pas le maître d’œuvre et la responsabilité
civile décennale des deux professionnels (architecte et maçon) doit être retenue.

Le fait exonératoire d’un tiers résulte en revanche de l’intervention d’un tiers,


postérieure au contrat d’entreprise tel que le locataire des ouvrages qui en fait
un usage anormal.
Comme pour les deux autres causes étrangères évoquées ci-dessus, la jurispru-
dence est assez rétive pour reconnaître la valeur exonératoire du fait du tiers.

§2. Les critères techniques


118. Tout dommage atteignant un ouvrage ne relève pas de la responsabilité
civile décennale. Seuls les plus graves d’entre eux bénéficient de cette prise en
charge avantageuse puisqu’elle est doublée d’une assurance obligatoire étudiée
au titre II de cet ouvrage.

15. Cass. 3e civ., 14 novembre 1991, Bull. civ. III, no 272.


16. Cass. 3e civ., 25 janvier 1989, Bull. civ. III, no 18.
CHAPITRE 4 – LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉCENNALE 87

Le « calibrage » du dommage décennal est donc le second point à évoquer.


On distingue deux types de critères :
– l’atteinte à la solidité ;
– l’impropriété à la destination.

A. L’atteinte à la solidité
119.La notion d’atteinte à la solidité de l’ouvrage constitue le critère « histo-
rique » du désordre décennal puisque le Code civil de 1804 évoquait déjà le
cas où l’édifice « périt ». À ce jour, la loi distingue deux hypothèses d’atteintes
à la solidité, ce qui complique singulièrement le schéma de la responsabilité
décennale.

I – L’atteinte à la solidité de l’ouvrage


120. Cette hypothèse résulte de l’article 1792 du Code civil lui-même. C’est
la traduction moderne de la notion de « perte » de l’ouvrage (et non plus de
l’édifice). Cette atteinte doit concerner l’ensemble de l’ouvrage. Elle peut être
totale mais ceci est rare. Elle est le plus souvent partielle. Elle doit en tout état
de cause être actuelle, c’est-à-dire effective à la date où l’observateur (et
notamment le juge) se place.

Exemples
Effondrement de la maison par défaut des structures. Effondrement du mur de soutène-
ment par défaut de barbacanes d’évacuation des eaux. Vice grave du sol conduisant à
un déséquilibre de la construction. Fissures importantes témoignant d’une atteinte
partielle à la solidité d’un ouvrage et à sa pérennité.

II – L’atteinte à la solidité d’un élément d’équipement indissociable


121. Cette hypothèse résulte de l’article 1792-2 du Code civil. L’analyse du
dommage doit dans ce cas s’effectuer non plus par référence à l’ouvrage pris
dans son ensemble mais par référence à un élément d’équipement de celui-ci.
Rappel : l’élément d’équipement est constitué par un bien généralement
produit dans le cadre d’une logique industrielle (en usine) et installé dans le
cadre du chantier, dans ou sur le gros œuvre : portes, carrelages, etc.
Cet élément d’équipement doit être indissociable. Selon le texte du Code
civil, il doit « faire indissociablement corps avec l’un des ouvrages de viabilité,
de fondation, de clos ou de couvert » : ces ouvrages sont, bien entendu, des
fondations, gros murs, planchers, charpente et toiture, etc.
Le législateur s’est rendu compte du caractère délicat, voire ambigu, de la défi-
nition de « l’indissociabilité » ; aussi, l’article 1792-2 du Code civil indique-t-il
expressément cette définition. Il s’agit de tout élément dont le démontage
suppose un enlèvement de matière du support et donc sa détérioration.
88 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Exemple
Le retrait d’un carrelage scellé suppose l’atteinte à la chape du plancher qui lui sert de
support.

Cet élément doit être indissociable d’un « ouvrage ». Il s’agit là d’une


nouveauté résultant de l’ordonnance du 8 juin 2005. Le texte d’origine, plus
restrictif, appliquait la responsabilité décennale de l’article 1792-2 du Code
civil aux éléments indissociables d’un « bâtiment » mais ce mot a été banni
du vocabulaire de la responsabilité et de l’assurance des constructeurs.
Dès lors qu’un élément d’équipement présente ces caractéristiques, la respon-
sabilité décennale de celui qui l’a mis en œuvre est engagée si cet élément est
atteint dans sa solidité propre (et non plus l’ouvrage entier). On observera
qu’il n’est donc pas question, du moins littéralement, de sa fonctionnalité.
On rappellera cependant que les éléments d’équipement à vocation profession-
nelle sont désormais exclus de toute responsabilité décennale par
l’article 1792-7 du Code civil.
L’atteinte à la solidité constitue un critère difficile à mettre en œuvre :
l’atteinte doit être effective et actuelle. Le caractère d’indissociabilité est
source de difficultés. Il est donc logique que la pratique n’en fasse qu’un usage
modéré au profit de la notion d’impropriété à la destination qui constitue le
second critère « technico-juridique » du dommage décennal.
B. L’impropriété à la destination
122. À l’origine (Code civil de 1804, loi du 3 janvier 1967), le critère de
l’impropriété à la destination ne figurait pas parmi les critères légaux du
dommage décennal. Toutefois, le critère de l’atteinte à la solidité étant trop
restrictif pour représenter le désordre grave, accessible à une indemnisation
en « décennale », c’est la jurisprudence qui a promu le critère de l’impro-
priété à la destination dans le courant des années 1960.
On voit qu’il s’agit d’un emprunt au droit de la vente. En effet, le vendeur est
tenu à une obligation de « garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui
la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement son
usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix s’il
les avait connus » (art. 1641, C. civ.).
Le critère est donc fonctionnel. Il est apprécié concrètement, au cas par cas,
souverainement par les juges du fond17, selon l’usage de la construction en
cause. Généralement, cet usage se déduit de la logique : un logement est fait
pour être habité ; un court de tennis doit être plat pour éviter tout faux rebond
de la balle ; une piscine ne doit pas fuir ; une salle de spectacle ne doit pas être
affectée d’un plafond qui vibre et produit des sons lorsqu’on joue certaines

17. Cass. 3e civ., 28 février 1996, Bull. civ. III, no 57.


CHAPITRE 4 – LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉCENNALE 89

fréquences, etc. Toutefois, il est admis que la destination de l’ouvrage à construire


fasse l’objet d’une définition contractuelle prévue par le marché de travaux.
Récemment, la Cour de cassation a admis une impropriété juridique de
l’ouvrage à sa destination : ainsi, un ouvrage qui est implanté dans la zone
non aedificandi d’une parcelle encourt une démolition en raison du
non-respect de la règle d’urbanisme18. Cette démolition est considérée
comme une impropriété de l’ouvrage à sa destination et relève de la responsa-
bilité décennale des constructeurs.
Il en est de même de l’impropriété de l’ouvrage au regard des conditions de
sécurité de son usage. Tel est le cas en matière de normes de sécurité contre
l’incendie, ceci étant valable même en l’absence d’incendie survenu. Il en est
également ainsi lorsqu’un bâtiment de montagne ne comporte pas de dispositif
contre la chute de stalactites de glace.
Il en est enfin de même au cas de non-respect de l’ouvrage aux normes parasis-
miques19. Toutefois, la Cour de cassation semble avoir nuancé sa position,
jusqu’ici extensive, et précise désormais que ne relève pas de la garantie décen-
nale la non-conformité aux normes parasismique connue du maître d’ouvrage
avant la réception.
En tout état de cause, il incombe au juge du fond de caractériser l’impropriété.
Bien entendu, l’impropriété doit également revêtir une certaine gravité,
appréciée, elle aussi, au cas par cas par les praticiens et par le juge du fond.
L’impropriété à la destination s’apprécie au regard de l’ouvrage tout entier et
non d’une partie d’ouvrage.

Exemple
Le système de chauffage central défectueux qui plonge un logement entier dans le froid
relève de la responsabilité décennale, tandis que le convecteur d’une chambre d’amis,
en panne également, ne génère pas une responsabilité décennale mais mobilise la
garantie de bon fonctionnement (cf. infra, nos 142 et s.) car la défectuosité ne touche
qu’une pièce de l’ouvrage en cause.

En revanche, l’impropriété peut tirer son origine tout aussi bien d’une partie
structurante de la construction (gros œuvre) que d’un élément d’équipe-
ment. Cet élément d’équipement sera indifféremment dissociable ou indisso-
ciable des ouvrages d’ossature, de clos ou de couvert, contrairement au critère
de l’atteinte à la solidité prévu par l’article 1792-2 du Code civil (cf. ci-dessus).
On rappellera cependant que les éléments d’équipement à vocation profession-
nelle sont désormais exclus de toute responsabilité décennale par
l’article 1792-7 du Code civil.

18. Cass. 3e civ., 8 avril 1998, Constr.-Urb. 1998, comm. 258.


19. Cass. 3e civ., 25 mai 2005, Bull. civ. III, no 113.
90 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

L’impropriété à la destination fait l’objet d’un usage très fréquent par les prati-
ciens qui jouent sur son caractère factuel, apprécié de manière extensive.
Ainsi, la jurisprudence a considéré qu’une douille électrique de chantier
provoquant l’incendie de l’ouvrage conduisait à un dommage décennal. Il en
a été de même d’un simple écrou de plomberie qui, ayant cédé, avait entraîné
l’inondation de l’ouvrage.
Ces exemples sont extrêmes : généralement on considérera que provoquent
une impropriété de l’ouvrage les fissures infiltrantes, les fuites en toitures ou
par canalisations (encastrées ou non), les moisissures par défaut de la
ventilation.
L’extensivité du concept s’est vérifiée également mais de façon quelque peu
exceptionnelle au niveau des dommages à conséquences simplement esthéti-
ques (faïençage des crépis, microfissures, salissures des façades par les eaux de
toiture). Si en principe ceux-ci ne sont pas susceptibles de prise en charge par
le biais de la responsabilité décennale, le critère décennal a été de manière
exceptionnelle accordé à des dommages inesthétiques affectant un ouvrage.
En effet, l’appréciation du dommage relevant de la compétence du juge du
fond statuant in concreto, cas par cas, il a été admis qu’un dommage inesthé-
tique affectant un ouvrage de grand standing destiné à abriter des réceptions
officielles pouvait satisfaire au critère décennal de l’impropriété à la
destination.
Parfois le caractère technico-juridique de la responsabilité décennale peut
résulter de l’ampleur de dommages qui dans leur principe pourraient ne pas
relever cette garantie. Il en est ainsi de dommages généralisés en façade par
exemple.

§3. Les caractéristiques de la réparation décennale


123. Le constructeur responsable en décennale doit une réparation complète
du préjudice du maître de l’ouvrage. Celle-ci peut être délivrée en nature
(réparations sur l’ouvrage) ou en argent.
Il doit ainsi les travaux de suppression de la cause du dommage mais égale-
ment les coûts de reprises des embellissements et des dommages mobiliers.
Les dommages immatériels actuels, certains et en lien direct avec le sinistre,
sont également dus par le responsable.

Exemple
Une maison d’habitation est affectée d’une fuite en toiture en raison de la défectuosité
d’une noue. Le responsable doit :
– la réfection de la noue en plomb, sur la toiture ;
– la remise en peinture du plafond mouillé ;
– la réparation du buffet et autres meubles tachés par l’eau de pluie ;
– le montant des frais d’hôtel si l’importance de la fuite a rendu le logement momenta-
nément totalement inhabitable.
CHAPITRE 4 – LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉCENNALE 91

En outre, la jurisprudence a admis que si des travaux complémentaires, bien


que non prévus ni payés à l’origine, sont nécessaires pour la suppression de la
malfaçon, le responsable en est débiteur. C’est la théorie dite de « l’absence
d’ouvrage ».
La justification en est simple : si la réparation du dommage se bornait à
remettre l’ouvrage dans son état initial (donc comportant le défaut existant à
l’origine), le sinistre ne tarderait pas à se reproduire20.

Exemple
Les fondations d’un ouvrage sont insuffisantes en regard des qualités mécaniques
médiocres du sol d’assise, ce qui a produit des fissures infiltrantes sur les murs extérieurs.
Le responsable doit non seulement la reprise des fissures mais aussi les confortements en
sous-œuvre tels que micropieux, plots en béton, etc. Dans l’hypothèse où les travaux
supplémentaires ne constituent pas une modalité indispensable du dommage décennal,
la règle applicable est celle de l’enrichissement sans cause.

Enfin, bien entendu, le montant des travaux doit être fixé à la date du juge-
ment. Le plus souvent, le montant des travaux est fixé par voie d’expertise
amiable à condition qu’elle respecte les impératifs du contradictoire ou
judiciaire.
Dans ce cas, le montant retenu devra être actualisé selon un indice de la cons-
truction (le plus souvent l’indice BT01), les sommes étant affectées de l’intérêt
légal après le prononcé du jugement. À noter que les sommes ainsi arbitrées ne
peuvent faire l’objet d’aucune déduction pour vétusté21 qui conduirait le
maître de l’ouvrage à faire une dépense pour régler le coût des réparations
voire lui interdirait de réparer pour des raisons financières alors qu’il justifie
d’un droit à être replacé dans la situation antérieure au dommage.
Si le maître de l’ouvrage est assujetti à la TVA, cette taxe entre dans le
montant de l’indemnité due par le responsable. Toutefois, il semble que ce
soit à celui qui formule la prétention (donc potentiellement au maître de
l’ouvrage) qu’incombe de rapporter la preuve de son statut fiscal22.

§4. Le délai décennal


A. L’énoncé du délai
124. L’article 2270 du Code civil (aujourd’hui abrogé) édicte, depuis toujours,
une prescription de dix ans pour la responsabilité des constructeurs. À l’origine
et dans sa version de 1967, son libellé général lui a permis d’être appliqué non
seulement à la responsabilité civile décennale de l’article 1792 mais également

20. Cass. Ass. plén., 7 février 1986, Bull. Ass. plén., no 2.


21. Cass. 3e civ., 6 mai 1998, Bull. civ. III, no 91.
22. Cass. 3e civ., 10 janvier 2001, Bull. civ. III, no 2.
92 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

à certaines hypothèses de droit commun applicables à des « gros ouvrages », à


l’initiative de la jurisprudence. Cet article a donc pu prétendre à une « certaine
autonomie ».
L’article 2270 du Code civil, considéré en sa version issue de la loi du 4 janvier
1978 recentre la « prescription » décennale sur la responsabilité spécifique de
l’article 1792 en indiquant que les « personnes dont la responsabilité peut être
engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code » sont déchargées
des responsabilités prévues aux articles 1792 et 1792-2 « après dix ans à
compter de la réception des travaux ».
Cet article prenant place parmi les prescriptions spéciales de dix et vingt ans,
ceci consacrait une « prescription » dérogatoire à la prescription de droit
commun trentenaire alors édictée par l’article 2262 du Code civil en matière
contractuelle. La raison en était double :
– d’une part, le régime de la responsabilité décennale des constructeurs
apparaît relativement plus strict (responsabilité « de plein droit » appréciée
sévèrement) que la responsabilité contractuelle de droit commun. En
échange, il paraît logique de réduire sa durée ;
– d’autre part, plus important, le délai décennal est conçu comme un délai
d’épreuve durant lequel la construction doit faire la preuve de sa viabilité.
Au-delà, les dommages peuvent être le résultat de la vétusté ou du défaut
d’entretien et ne sauraient, sauf cas particulier, être imputés aux construc-
teurs. Noter la dualité du délai décennal, le délai d’épreuve est également
un délai d’action au-delà duquel tout recours est prescrit.
Précisément, l’inscription au titre des prescriptions spéciales de dix et vingt ans
d’un délai reconnu comme un délai d’épreuve pouvait faire problème :
devait-on ainsi appliquer le droit des prescriptions à un délai ainsi qualifié ?
La réforme des prescriptions civiles, réalisée en 2008, a mis fin à ces interroga-
tions en déplaçant, sans en modifier le contenu, l’article 2270 du Code civil
pour l’intégrer au corpus des règles spécifiquement consacrées à la responsabi-
lité des constructeurs.
Ainsi, le délai décennal pour agir sur le terrain de l’article 1792 du Code
civil figure désormais à l’article 1792-4-1 du même code. Les interrogations
du passé sur le caractère de « prescription » du délai décennal semblent donc
devoir disparaître. Ainsi, à titre d’exemple, l’article 2239 du Code civil relatif à
la suspension de la prescription extinctive en cas d’expertise judiciaire, ne
s’applique clairement pas à la matière.
Le délai décennal est d’ordre public par effet de l’article 1792-5 du Code civil.
L’énoncé d’un délai moindre constitue donc une clause non écrite. En
revanche, la stipulation d’un délai de garantie plus long serait tout à fait
légale. Un célèbre constructeur de maisons individuelles à structure métallique
garantit ainsi ses ouvrages (gros œuvre) contractuellement pendant 30 ans.
Le délai décennal se décompte à partir de la date de la réception unique. Son
mode de computation ne présente aucune particularité : le délai court à
CHAPITRE 4 – LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉCENNALE 93

compter du lendemain de la date de réception et s’achève au dixième anniver-


saire (même quantième du même mois) de cette formalité. Conformément à
l’article 642 du Nouveau Code de procédure civile, si le délai s’achève un
dimanche ou un jour férié, il est « prolongé » jusqu’au premier jour ouvrable
suivant23.
B. La gestion du délai décennal
125. Deux questions particulières se présentent : l’interruption du délai
décennal et la gestion des dommages non encore stabilisés.
En cas de malfaçon grave, surtout en fin de période de garantie, le délai
décennal doit être interrompu pour protéger l’action du maître de l’ouvrage
qui ne dispose pas toujours des informations nécessaires à une réclamation en
bonne et due forme. Ceci constitue une première difficulté.
Le délai décennal ne saurait être interrompu par une lettre même recom-
mandée adressée au constructeur. En revanche, deux solutions peuvent être
envisagées :
– d’une part, la reconnaissance de responsabilité non équivoque du cons-
tructeur ou de son représentant interrompt le délai. Le constructeur,
venu effectuer une réparation (reconnaissance tacite) ou ayant signé un
engagement à venir réparer (reconnaissance expresse), interrompt le délai
décennal. Il faut cependant que la reconnaissance de responsabilité vise
clairement les désordres dont elle fait l’objet24 ainsi que son auteur ;
– d’autre part, l’action en justice, même par voie de référé, interrompt le
délai. L’interruption concerne alors les dommages visés dans l’assignation25
mais également les personnes citées comme défendeurs à la procédure et
eux seuls. Toutefois, conformément au droit commun, si le juge rejette la
demande, l’effet interruptif disparaît.
On notera que le délai ainsi interrompu se reconstitue à l’identique, un
nouveau délai de même durée (dix ans) prenant naissance à compter de la
reconnaissance de responsabilité ou de la décision de justice définitive pour
les désordres qui y étaient mentionnés. Ainsi, en cas de réapparition du
même dommage affectant la même partie d’ouvrage, il ne fait pas de doute
que le maître d’ouvrage pourra tirer parti de la reconstitution du délai de dix
ans et, en cas de besoin, agir en justice dans les dix ans suivant la date de la
décision définitive.
Les choses apparaissent singulièrement plus complexes lorsque le caractère
décennal d’un désordre non stabilisé dans le temps n’est pas encore acquis.
Ceci constitue une seconde source de difficultés dont il convient de dire un
mot.

23. Pour un exemple : Cass. 3e civ., 17 juillet 1992, Bull. civ. III, no 249.
24. Cass. 3e civ., 10 juillet 2002, Bull. civ. III, no 159.
25. Cass. 3e civ., 4 juillet 1990, Bull. civ. III, no 164.
94 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

On doit, ici, distinguer le cas du dommage dénoncé dans les dix ans suivant la
réception et dont l’ampleur décennale tarde à se manifester (désordre dit
« futur ») du cas où le désordre, décennal et traité dans le délai de
l’article 1792-4-1 du Code civil, connaît de nouvelles manifestations au-delà
du délai de dix ans suivant la réception (dommage dit « évolutif »).
126. En ce qui concerne le dommage futur, la jurisprudence a connu une
importante inflexion.
Jadis, au milieu des années 1980, la jurisprudence considérait qu’un désordre
non décennal dont l’expert attestait qu’il deviendrait sans aucun doute
décennal à terme, y compris dans un temps indéterminé, devait être pris en
compte s’il avait été dénoncé (par assignation) dans le délai de dix ans
suivant la réception.
La Cour de cassation retenait que la « garantie décennale couvre les conséquences
futures des désordres résultant de vices dont la réparation a été demandée au cours de
la période de garantie »26.
Il n’existait donc qu’un seul critère : celui d’une assignation dans les dix ans
suivant la réception.
Tel n’est plus le cas aujourd’hui.
En effet, la Cour de cassation a clairement indiqué au début des années 2000,
que le dommage faisant l’objet d’une réclamation en justice doit être actuelle-
ment décennal ou le devenir dans la période de dix ans suivant la réception.
C’est la jurisprudence dite du « dommage futur »27.
Il est donc désormais nécessaire que le dommage porte atteinte « de façon
certaine » à l’immeuble avant l’expiration du délai de dix ans. Il s’agit donc
de réunir deux critères : celui de la date de dénonce du désordre et celui de la
date à laquelle le dommage sera d’ampleur décennale.
Cette analyse apparaît tout à fait logique puisque le délai décennal est un délai
d’épreuve.
En revanche, sa mise en œuvre pratique n’est pas sans difficulté : comment
savoir réellement, lors d’une action engagée 7 ans après la réception, si un
dommage (par exemple, une simple fissure) sera décennal (fissure infiltrante)
dans les trois années de garantie restant à courir ! On voit qu’ici, l’avis de
l’expert judiciaire sera déterminant. Les défendeurs auront intérêt à exiger
que l’expert justifie positivement et techniquement son avis.
En tout état de cause, la Cour de cassation semble faire une application stricte
de cette jurisprudence.

26. Cass. 3e civ., 3 décembre 1985, Bull. civ. III, no 159.


27. Cass. 3e civ., 29 janvier 2003, Bull. civ. III, no 18 ; Cass. 3e civ., 31 mars 2005, Bull. civ. III,
no 77.
CHAPITRE 4 – LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉCENNALE 95

Il en est ainsi du décollement de plaques d’enduits sur un immeuble28 ou même


de l’usure excessive d’une chaussée29 auxquels le traitement décennal n’est pas
reconnu, faute d’établir la survenance certaine d’une impropriété dans les dix
ans suivants la réception.
En revanche, la Cour a considéré comme devant relever de sa jurisprudence des
« désordres futurs » et être indemnisés au titre de la responsabilité décennale
d’un entrepreneur, le risque d’éboulement d’un front de taille résultant d’une
excavation réalisée en vue de la construction d’une maison individuelle30.
On le voit, la condition sine qua non d’un recours au titre de « dommages
futurs » est de disposer d’une expertise claire et documentée attestant de la
réalisation du risque dans le délai de dix ans.
127. En ce qui concerne le dommage « évolutif », la jurisprudence a adopté
une position extensive qu’elle a ensuite revue « à la baisse ».
Par un arrêt de principe31 la Cour de cassation a considéré que si un dommage
décennal fait l’objet d’une demande en justice dans le délai de dix ans suivant
la réception, la manifestation de ce dommage au-delà du délai décennal, sur
une autre partie de l’ouvrage relève également de la garantie décennale.
Ainsi, si des dommages affectent certains des garde-corps en Plexiglass d’une
copropriété et ont fait l’objet d’une action dans les délais ceci permet une action
au-delà des dix ans de garantie, pour d’autres gardes corps affecté du même mal.
Cette jurisprudence semblait conçue de façon assez libérale mais la Cour de
cassation a recentré sa jurisprudence dans un sens plus restrictif.
Ainsi la solution n’est plus admise qu’à la condition que les dommages affec-
tent un seul et même ouvrage. Ainsi, un dommage décennal affectant une villa
intégrée à un vaste programme de maisons et déclaré dans le délai de dix ans
consécutif à la réception ne peut autoriser un recours, au cas d’un dommage
identique affectant une villa voisine après expiration du délai décennal.
Plus récemment, le resserrement de la jurisprudence autour de la notion
d’ouvrage s’est traduit par l’exclusion de dommages affectant les corbeaux
d’un immeuble alors même que d’autres corbeaux avaient fait l’objet d’un
recours dans le délai32.
Il est difficile de considérer dans ces conditions que la jurisprudence des
« dommages évolutifs » a toujours une existence concrète.
Récemment, la Cour de cassation a précisé que le dommage initial dont l’aggra-
vation fait l’objet d’une demande après expiration du délai décennal, doit avoir
lui-même fait l’objet d’une demande en justice à l’intérieur de ce délai33.

28. Cass. 3e civ., 21 octobre 2009, Juris-Data, no 2009-050147.


29. Cass. 3e civ., 16 mars 2010, Juris-Data, no 2010-002192.
30. Cass. 3e civ., 12 septembre 2012, Juris-Data, no 020105.
31. Cass. 3e civ., 11 mai 2000, Bull. civ. III, no 103.
32. Cass. 3e civ., 18 janvier 2006, Juris-Data, 2006-031687.
33. Cass. 3e civ., 30 juin 2011, Juris-Data, no 2011-013034.
96 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Le caractère restrictif de cette jurisprudence s’affirme donc encore davantage.


Pour finir, il importe d’insister sur le fait que la jurisprudence dite des « désor-
dres évolutifs » concerne des désordres affectant un endroit de la construction,
voisin mais distinct de celui qui fut le siège du désordre initial. Ainsi, si le
dommage affecte l’endroit qui fut le siège du dommage initial et de la répara-
tion qui lui a été apportée, la situation ne relèvera pas de la jurisprudence
précitée.
Le maître d’ouvrage sera confronté à une alternative :
Soit le dommage qui se renouvelle à l’endroit de la reprise a fait l’objet d’une
réparation conforme et dénuée de malfaçons et force sera de constater que le
principe réparatif n’était pas adapté. Le délai décennal ayant été interrompu
puis renouvelé, pour une durée identique à compter de la décision de justice
devenue définitive, par l’action en justice, le maître pourra actionner de
nouveau l’entrepreneur concerné.
Soit le principe réparatif était adapté mais a été mal mis en œuvre et le maître
de l’ouvrage devra agir à l’encontre du réparateur auteur de la réparation
défectueuse.
Il existe donc trois hypothèses à examiner pour le praticien confronté à un
désordre renouvelé au-delà du délai décennal nécessitant de vérifier la cause
mais aussi le siège du dommage.
Nos 128 à 140 réservés.

Bibliographie

CHENU, « L’absence d’ouvrage à l’heure des bilans », Gaz. Pal. 15 mai 1996, p 2.
BERLY, « Désordre évolutif : état de la jurisprudence », RDI 2000, 115
THIOYE, « Retour sur un thème rémanent du droit de la construction : la réparation du
dommage futur ou évolutif », RDI 2004, p 229.
LESCURE (P. de), « Garantie décennale et impropriété à la destination de l’ouvrage »,
RDI 2007, p 111.
MALINVAUD (P.), « Responsabilité spécifique EPERS : coup d’éclat ou coup de grâce ? »,
RDI 2007, p. 166.
Chapitre

5
Une garantie résiduelle : la garantie
de bon fonctionnement

Plan du chapitre

§1. La garantie de bon fonctionnement dans la loi du 4 janvier 1978


§2. Les inflexions récentes

RÉSUMÉ
141. La garantie de bon fonctionnement ne bénéficie pas d’une couverture d’assu-
rance obligatoire. Toutefois, elle peut faire l’objet d’une garantie facultative dont le
détail sera décrit dans la seconde partie de cet ouvrage. Il y a donc lieu de préciser
les contours initiaux de cette garantie selon la loi de 1978, avant d’envisager les
évolutions connues par cette garantie que l’on peut qualifier de « second plan ».
98 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

142. Jadis, les garanties des constructeurs étaient divisées en garantie décen-
nale et garantie biennale. Ces deux garanties étaient conçues comme équiva-
lentes, l’une s’appliquant aux « gros ouvrages » et l’autre aux « menus
ouvrage ». En effet, l’article 2270 du Code civil disposait dans sa mouture
issue de la Loi du 3 janvier 1967 que « les architectes et autres personnes
liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont déchargées
de la garantie des ouvrages qu’ils ont faits ou dirigés après 10 ans s’il s’agit de
gros ouvrages et 2 ans pour les menus ouvrages ». L’article R. 111-27 du Code
de la construction et de l’habitation fournissait une liste de « menus » ouvrages
(les canalisations non encastrées, radiateurs, conduits, revêtement divers,
ouvrants des huisseries, par exemple) étant précisé que l’article R. 111-28 du
même Code excluait les appareils mécaniques et électriques installés par
l’entrepreneur en l’état où ils lui sont livrés. La « biennale » avait donc une
certaine spécificité, quant au siège du dommage, par rapport à la « décennale »
tout en étant appréhendée « à égalité » d’importance, chacune ayant son
domaine d’intervention. La loi du 4 janvier 1978 a largement modifié cette
conception des choses et a conféré à la garantie de bon fonctionnement un
caractère désormais « résiduel ». Par ailleurs, si l’ordonnance du 8 juin 2005 a
étendu quelque peu le champ d’application de la garantie de bon fonctionne-
ment, une tendance lourde domine la jurisprudence dans un sens restrictif. Il y
a donc lieu d’étudier les principes dirigeant cette garantie, au sein de la loi du
4 janvier 1978, puis d’envisager les évolutions dont elle s’est trouvée affectée
par effet de la loi comme de la jurisprudence.

§1. La garantie de bon fonctionnement dans la loi


du 4 janvier 1978
143. La notion de « menu ouvrage » ayant disparu de la loi nouvelle, la
garantie de bon fonctionnement, prévue à l’article 1792-3 du Code civil
revêt, comme on l’a indiqué, un caractère résiduel par rapport à la garantie
décennale par référence au siège des désordres.
Après avoir traité en son article 1792 de la garantie décennale applicable aux
éléments d’équipement (dissociables ou non) « rendant l’ouvrage impropre à
sa destination » et en son article 1792-2 de celle des éléments d’équipement
indissociables, atteints dans leur solidité propre, le Code civil aborde par élimi-
nation, en son article 1792-3, une catégorie résiduelle concernant les « autres
éléments d’équipement ». Ceux-ci bénéficient d’une garantie dite de « bon
fonctionnement ». On voit que la difficulté de définir la garantie de bon fonc-
tionnement résulte, dans un premier temps, de la nécessité de qualifier la partie
de la construction en cause. Il ne doit pas s’agir d’un « ouvrage », ni même d’un
élément d’équipement indissociable (supposant une altération du support lors
de son démontage). Dans un second temps, il s’agit de considérer que l’élément
dissociable en cause est atteint dans son « fonctionnement » : on constatera
que ce point a connu une évolution jurisprudentielle importante.
CHAPITRE 5 – LA GARANTIE DE BON FONCTIONNEMENT 99

Il est plaisant d’observer que l’article 1792-3 du Code civil reprend à la fois le
concept d’élément d’équipement, cher à M. Spinetta, et celui de fonctionne-
ment déjà en vigueur en loi ancienne pour les équipements mécaniques et
électriques, renvoyés au droit commun.
Quant à sa nature, la garantie de bon fonctionnement est donnée pour être
une garantie. En réalité, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une simple
responsabilité, accessoire à la responsabilité décennale. Ainsi, sont admises
les causes d’exonération liées à la force majeure voire au fait de la victime
(usage anormal) au même titre que les causes d’exonération admises en
matière de responsabilité décennale.
En ce qui concerne son siège, la garantie s’applique aux éléments d’équipe-
ment « dissociables », c’est-à-dire ceux qui peuvent être aisément démontés
sans altérer leur support. Pour définir de quoi il s’agit il conviendra de se
référer à la définition de l’article 1792-2 du Code civil dont on fera une
lecture a contrario.
Selon la loi du 4 janvier 1978, la « dissociabilité » d’un tel élément était appré-
ciée au regard d’un « bâtiment » mais ce point a été modifié comme cela sera
évoqué infra.

Exemples
Un convecteur électrique ; un ballon d’eau chaude ; un bloc de climatisation ; un
ouvrant de porte, de fenêtre ou de volet ; un lavabo sur colonne ; une pompe à
chaleur, etc.

L’indissociabilité constitue un critère technique parfois délicat à mettre en


œuvre. Ainsi, s’agissant d’un carrelage, la pose au moyen d’une colle conduira
à la qualification « d’élément dissociable » tandis que la pose par une barbotine
de ciment aboutira à une qualification inverse. L’article 1792-3 du Code civil
ne fait aucune référence à des critères liés à l’intensité du dommage ou à ses
conséquences.
Noter toutefois qu’un dommage affectant un élément dissociable mais compro-
mettant la destination de l’ouvrage accède à la responsabilité décennale et à
son assurance associée. Il est important d’observer que cette garantie se
combine avec les autres responsabilités légales. Ainsi, l’article 1792 du Code
civil n’opérant aucune distinction pour l’application de la responsabilité
décennale à des éléments d’équipements, un élément d’équipement dissociable
relevant de la garantie de bon fonctionnement peut également relever de la
garantie décennale s’il a pour conséquence de compromettre la destination
de l’ouvrage dans son ensemble. L’intérêt du choix réside bien entendu dans
la possibilité de recourir à l’assurance obligatoire avantageuse. S’agissant des
débiteurs, la garantie de bon fonctionnement est due par l’ensemble des loca-
teurs d’ouvrage liés au maître par un contrat de louage d’ouvrage (solution
identique à la responsabilité décennale). Elle bénéficie au maître d’ouvrage
ainsi qu’aux acquéreurs successifs de l’ouvrage, la solution étant classique.
100 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Enfin, quant à sa durée, la garantie de bon fonctionnement s’étend sur un


délai de deux ans minimum.
Alors que l’ancienne garantie biennale avait une formulation fixe et restrictive
limitée à deux ans, le législateur de 1978 a souhaité favoriser une extension
contractuelle de la durée. Bien entendu, la durée étant d’ordre public
(art. 1792-5, C. civ.), elle ne peut être inférieure à deux ans. En revanche,
l’entreprise peut consentir dans un but commercial une garantie, par
exemple, de trois ans ou plus.
La réforme des prescriptions civiles, dont on a vu qu’elle a délocalisé l’article 2270
relatif aux délais d’action en matière de construction, concerne également le
cas de la garantie de bon fonctionnement. Ainsi, le délai de « deux ans
minimum » visé par l’article 1792-3 du Code civil et repris par l’article 2270
du même code figure désormais lui aussi à l’article 1792-4-1. L’article relatif
aux EPERS dont chacun demande depuis toujours l’abrogation connaît donc
par ces extensions une nouvelle et insolite jeunesse.
Le délai pour agir étant bref, certains ont cru pouvoir s’exonérer des consé-
quences d’une forclusion biennale en invoquant la responsabilité du
sous-traitant de l’entreprise assortie d’un délai de 10 ans pour agir. Ce subter-
fuge est condamné par la Cour de cassation1.

§2. Les inflexions récentes


L’absence de couverture d’assurance obligatoire et les difficultés de définition,
en pratique, des critères posés par l’article 1792-3 du Code civil conduisent à
observer une relative désaffection des praticiens pour la garantie de bon fonc-
tionnement. Si la Loi a quelque peu étendu son domaine, la jurisprudence l’a
restreint de manière significative.
A. Les inflexions légales
144. L’Ordonnance du 8 juin 2005 a modifié le champ d’application de la
garantie. Si à l’origine elle visait les éléments dissociables d’un « bâtiment »,
terme mal maîtrisé mais restrictif, elle s’applique désormais aux éléments disso-
ciables d’un « ouvrage », ce qui vise non seulement les bâtiments mais aussi les
ouvrages plats tels que dalles ou murs de soutènement.

Exemple
Une trappe de visite du drainage d’un mur de soutènement.

Cette solution doit être retenue pour les chantiers ouverts à compter du 9 juin
2005, mais, on le voit, l’extension de la garantie reste modeste.

1. V. Cass. 3e civ., 21 octobre 2009, no 08-19087.


CHAPITRE 5 – LA GARANTIE DE BON FONCTIONNEMENT 101

On signalera toutefois que la même Ordonnance a toutefois concouru à la


réduction du champ d’application de la garantie en excluant désormais, par le
biais de l’article 1792-7 du Code civil, les éléments d’équipement à vocation
professionnelle.
B. La jurisprudence
145. Celle-ci a tendance à recentrer le rôle de la garantie de bon fonctionne-
ment que la pratique avait tendance à appliquer de la même manière que son
ancêtre, la responsabilité biennale issue de la loi du 3 janvier 1967. Cette
tendance s’exprime à deux égards.
D’une part, sont exclus certains litiges relatifs à des éléments d’équipement
inertes. Il en est ainsi des dossiers relatifs aux peintures, à vocation esthétique
et sans fonction d’étanchéité2 qui, dans les premiers temps de l’application de
la loi Spinetta, avaient été considérés comme relevant de la GBF, comme ils
relevaient jadis de la « biennale ». Il en est de même des ravalements extérieurs
s’ils ne comportent pas de fonction d’étanchéité de nature à les assimiler à un
« ouvrage » ou des enduits extérieurs de façade3 ou des cloisons et faux plafonds
affecté de désordres mineurs4.
Les exclusions ont connu une récente évolution avec l’éviction de la garantie
de bon fonctionnement des moquettes et tissus tendus5.
Tous ces éléments d’équipement sont donc renvoyés à une responsabilité dite
de droit commun, assortie de la nécessité de prouver une faute de l’entreprise.
Toutefois, la position de la jurisprudence reste quelque peu ambiguë car elle
admet l’application de la garantie de bon fonctionnement aux carrelages
collés, certes dissociables mais pourtant, eux aussi, inertes.
D’autre part, la jurisprudence a choisi d’exclure de la garantie de bon fonction-
nement les éléments dissociables non mis en œuvre dès l’origine dans
l’ouvrage mais rajoutés au cours de la vie du bien et qui sont soumis au droit
commun des responsabilités. On citera pour exemple une centrale de climati-
sation autonome se présentant sous la forme d’une armoire et de tuyaux en
faux plafonds6 ou une isolation extérieure constituée de plaques de polystyrène
sur ossature mis en œuvre dans une copropriété7 (ce cas étant plus délicat car
on pourrait estimer que ceci constitue, par son ampleur et son caractère réel-
lement immobilier, un ouvrage).

2. Cass. 3e civ., 27 avril 2000, Bull. civ. III, no 88.


3. Cass. 3e civ., 22 octobre 2002, Juris-Data, no 2002-016082.
4. Cass. 3e civ., 22 mars 1995, Bull. civ. III, no 80.
5. Cass 3e civ., 30 novembre 2011, Juris-Data, no 2011 à 26721.
6. Cass. 3e civ., 10 décembre 2003, Bull. civ. III, no 224.
7. Cass. 3e civ., 18 janvier 2006, Juris-Data, no 2006-031691.
102 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

146. Si l’on résume la situation de la garantie de bon fonctionnement au sein


des responsabilités de constructeurs, on retiendra les points suivants : le
dommage ne doit pas :
– concerner un « ouvrage » lui-même mais seulement un élément d’équipe-
ment le constituant, ou avoir pour conséquence une atteinte à la solidité
ou à la destination de l’ouvrage entier ;
– concerner un élément d’équipement à fonction professionnelle, ni un
élément « indissociable » de l’ouvrage ;
– affecter un élément d’équipement installé « après coup » sur l’ouvrage ;
– affecter un élément dissociable « inerte ».
Au contraire, il doit :
– affecter un élément dissociable ;
– porter atteinte au fonctionnement de l’élément en cause.
Pour finir, on précisera que si la garantie de bon fonctionnement est due par
les locateurs d’ouvrage, les fabricants des appareils concernés consentent une
garantie contractuelle qui ne doit pas être négligée.

Exemple
Le convecteur électrique fabriqué en usine comporte un « certificat de garantie
contractuelle » du fabricant.

Nos 147 à 155 réservés.

Bibliographie

KARILA (J.-P.), « La responsabilité pour les désordres affectant des travaux de ravalement
ou de peinture », RDI 2001, p 201.
PONCE (C.), « Élément d’équipement : attention faux ami ! », Construction Urbanisme
2009, étude no 21.
Chapitre

6
Responsabilité de droit commun après
réception

Plan du chapitre

§1. Les responsabilités de droit commun des locateurs d’ouvrage


§2. Les responsabilités de droit commun du sous-traitant
§3. La responsabilité de droit commun du fabricant
104 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

RÉSUMÉ
156. La responsabilité des constructeurs ne se limite pas à la responsabilité légale
pour les dommages relevant de la « décennale » ou de la garantie de bon fonction-
nement. En effet, le droit commun de la responsabilité s’applique en divers cas.
Celui-ci peut trouver application, en premier lieu, dans les rapports entre Maître
d’ouvrage et locateurs d’ouvrage, tant au niveau du traitement des non-conformités
que des dommages ne relevant pas d’une responsabilité légale. Il peut s’appliquer
également dans le cas particulier du dol de l’entrepreneur. En second lieu, le droit
commun de la responsabilité s’applique dans les rapports du sous-traitant versus
l’entrepreneur principal, mais également dans les rapports entre sous traitant et
maître d’ouvrage. Enfin, le droit commun trouve application dans le cas du fournis-
seur des matériaux (hors le cas, vu précédemment, des EPERS).
Certes, ces hypothèses de responsabilité ne font pas l’objet de garanties d’assurance
obligatoire telles que celles résultant de la loi du 4 janvier 1978. Toutefois, certains
cas peuvent relever d’une garantie souscrite de manière facultative par le construc-
teur dès lors que l’opération représente un certain aléa assurable : tel est le cas de la
responsabilité dite « pour dommages intermédiaires ».
Même dénuées de couverture d’assurance, les responsabilités envisagées ci-après ne
doivent pas être négligées. En effet, elles fournissent la matière de nombreux appels
en garanties permettant de reporter sur tel ou tel, du moins en partie, la charge défi-
nitive du sinistre.

157. Le droit de la construction est largement dominé par une réglementation


spéciale issue de la loi de 1978 mais on a eu l’occasion de mentionner que le
droit commun conserve une place non négligeable, par exemple lorsque les
travaux ne correspondent pas à la construction d’un « ouvrage » ou lorsque
les difficultés juridiques à traiter concernent la période du chantier.
D’autres hypothèses de mise en œuvre du droit commun après réception
doivent à présent être évoquées, d’une part, au sein même des responsabilités
légales des constructeurs, d’autre part lorsque la relation de droit s’inscrit en
dehors du schéma du louage d’ouvrage : tel est le cas des sous-traitants et fabri-
cants (hors EPERS).

§1. Les responsabilités de droit commun


des locateurs d’ouvrage
158. Après la réception des travaux, le droit commun se voit assigner par la
jurisprudence une mission particulière consistant à combler les éventuelles
lacunes de la garantie légale et à offrir ainsi un dégradé de solutions exhaus-
tives et homogènes en cas de dommages. Cette solution est possible dans la
mesure où il est admis que la loi du 4 janvier 1978 se borne à organiser une
responsabilité d’essence contractuelle : si la loi ne prévoit rien, on doit en
revenir aux règles du droit commun de la responsabilité contractuelle.
CHAPITRE 6 – RESPONSABILITÉ DE DROIT COMMUN APRÈS RÉCEPTION 105

A. Le traitement des dommages affectant l’ouvrage


sans relever d’une responsabilité légale
159. Historiquement, la première intervention de la jurisprudence pour remé-
dier aux lacunes de la loi résulte de la théorie des « vices intermédiaires »
(devenus par la suite des « dommages intermédiaires »). Sous l’empire de la
loi de 1967, les vices cachés à la réception affectant le gros œuvre et d’ampleur
décennale relevaient de la responsabilité décennale tandis que les vices égale-
ment cachés à la réception affectant les menus ouvrages relevaient de la
garantie biennale. Un « trou » apparaissait donc dans les garanties lorsqu’on
se trouvait en présence d’un vice qui, tout en affectant un gros ouvrage, n’attei-
gnait pas la gravité décennale. Or, la réparation de ces désordres pouvait être
très onéreuse.

Exemple
Les murs de la maison sont affectés de microfissures généralisées nécessitant une réfec-
tion générale des façades.

Pour remédier à cette situation, la jurisprudence a décidé par l’arrêt


DELCOURT, à la fin des années 19701, de faire application du droit
commun de la responsabilité contractuelle prévue par l’article 1147 du Code
civil.
On a dit que cette solution résulte du fait que la responsabilité des construc-
teurs est conçue comme une responsabilité d’essence contractuelle faisant
l’objet d’un aménagement légal. Ainsi, dans la mesure où les critères légaux
ne se trouvent pas applicables, il est possible d’en revenir au droit commun
de la responsabilité contractuelle, bien que cette application du droit
commun comporte des particularités surprenantes.
Il est à noter que cette conception n’est pas retenue par les juridictions
administratives.
On étudiera le fondement de la responsabilité pour dommages intermédiaires,
les débiteurs et la prescription de l’action en question.
S’agissant du fondement de l’action, selon l’arrêt DELCOURT précité, bien
que les maîtres d’ouvrage ne puissent justifier d’un dommage affectant la soli-
dité ou la destination de l’ouvrage, ils « disposaient d’une action en responsabilité
contractuelle contre l’architecte à condition de démontrer sa faute », ce qui rendait
le régime moins attractif que la présomption de responsabilité (sans faute) de la
« décennale », mais s’écartait de la règle habituelle, en droit commun : en effet
l’article 1147 du Code civil conduit à une obligation de résultat qui devrait
dispenser de la preuve d’une faute.

1. Cass. 3e civ., 10 juillet 1978, Bull. civ. III, no 285.


106 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Exemple
Dressage d’un enduit de façades par une température excessive ; insuffisance d’enrobage
des fers dans le béton ; insuffisance de préparation des supports avant mise en peinture
des ouvrages et généralement tout non respect des règles de l’art.

Le débiteur de la responsabilité pour « dommages intermédiaires » est bien


entendu le réalisateur matériel des ouvrages en cause. Il s’agira de l’entrepre-
neur réalisateur des travaux. Plus curieusement, il est considéré que la faute du
sous-traitant engage la responsabilité de l’entrepreneur principal.
Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de Cassation a fait application de la
théorie au vendeur sur plan. Si la Haute juridiction a semblé revenir sur cette
conception des choses, elle a réaffirmé récemment l’application de la théorie
des dommages intermédiaire au vendeur sur plan2.
Il y aura lieu pour l’acquéreur de rapporter la preuve d’une faute du vendeur, ce
qui ne se conçoit pas aisément. Dans l’arrêt précité, la faute – qui n’a pas été
reconnue – était la volonté du vendeur de réaliser une économie.
La Cour de cassation entend également appliquer la responsabilité pour faute
prouvée au « Castor », c’est-à-dire au vendeur après achèvement3. Il y aura
lieu, ici, de prendre garde à n’appliquer cette responsabilité qu’aux parties
d’ouvrage vendues après achèvement et affectée de dommages dans les dix
ans de la réception de ces travaux. Bien entendu, les parties d’ouvrage préexis-
tantes ne relèvent pas de ce régime mais du régime de la garantie du vice caché
de la chose vendue.
La théorie des dommages intermédiaires est donc conçue de manière relative-
ment extensive par la Cour de cassation.
S’agissant enfin du délai d’action de ce type de recours, celui-ci n’était pas
précisé par l’arrêt Delcourt. En théorie, le délai applicable était le délai trente-
naire de droit commun de l’article 2262 du Code civil de l’époque.
Ce n’est qu’en 1981 qu’un arrêt4 rattacha l’action pour vices intermédiaires à la
prescription décennale de l’article 2270 du Code civil d’alors. Le délai de pres-
cription était donc de dix ans à compter de la réception et non de trente ans
comme pour la responsabilité contractuelle de droit commun « ordinaire ».
Ceci est logique : en effet, le désordre « moins grave » ne pouvait être garanti
plus longuement que le désordre « plus grave », d’ampleur décennale. On
notera que ce délai était rendu possible par le libellé très général, non lié au
dommage « décennal », de l’article 2270 du Code civil de l’époque.
Le terme « intermédiaire » résultait donc du fait que ce régime jurisprudentiel de
responsabilité s’intercalait entre les hypothèses de responsabilités décennales et

2. Cass. 3e civ., 4 juin 2009, Juris-Data, no 2009-048516.


3. Cass. 3e civ., 4 novembre 2010, Bull civ. III, no 196.
4. Cass. 3e civ., 11 juin 1981, Bull. civ. III, no 120.
CHAPITRE 6 – RESPONSABILITÉ DE DROIT COMMUN APRÈS RÉCEPTION 107

biennales telles que prévues par la loi du 3 janvier 1967 et les textes y afférents
ceci pour éviter une absence totale de prise en compte de ce type de dommages
(les dommages affectant un gros ouvrage sans réunir le critère de gravité
décennale).
La question pouvait légitimement se poser de savoir si l’architecture radicale-
ment différente de la loi Spinetta permettrait de poursuivre au-delà du
1er janvier 1979 après abandon du critère de « gros ouvrage ».
La solution retenue sous l’empire de la loi du 3 janvier 1967 a été reconduite
sous celui de la loi du 4 janvier 19785. En effet, le « trou » observé dans les
garanties subsiste puisqu’un dommage peut ne pas affecter un élément disso-
ciable de l’article 1792-3 du Code civil sans pour autant avoir sur l’ouvrage
une conséquence « décennale ».
Le régime prétorien survit donc avec les deux mêmes conditions d’application.
Il est seulement fait référence à des « dommages » intermédiaires et non plus des
« vices » intermédiaires, ce qui étend le champ d’application de la théorie.
Toutefois, le régime actuel ne fait plus aucune référence au siège du dommage.
La notion de gros œuvre n’intervient plus dès lors que le dommage en cause ne
remplit pas l’une des conditions requises pour l’application des garanties
légales.
Au plan du délai, la loi portant réforme des prescriptions civiles, survenue en
2008, fournit une solution à la problématique posée par le libellé restrictif de
l’article 2270 du Code civil tel que résultant de la loi du 4 janvier 1978.
En effet, cet article visant expressément une prescription décennale pour les
seuls désordres de l’article 1792 et une prescription « biennale » pour les
dommages de l’article 1792-3 du Code civil, la prescription par dix ans des
dommages intermédiaires ne pouvait plus être fondée comme par le passé sur
cet article.
Les juges avaient malgré tout conservé cette durée décennale instaurée par
l’arrêt de 1981, ce qui permettait de conserver la cohérence de l’ensemble du
système de responsabilité des entrepreneurs tout en présentant l’inconvénient
majeur de ne reposer sur aucune base textuelle solide.
C’est la raison pour laquelle le Code civil a été doté d’un article 1792-4-3 qui
prévoit désormais un « délai de dix ans à compter de la réception des travaux »
applicables à l’ensemble « des actions dirigées contre les constructeurs désignés
aux articles 1792 et 1792-1 » du Code civil, en dehors du cadre de la responsa-
bilité légale.
La théorie des « dommages intermédiaires » a connu une application extrême-
ment étendue pour tous les dommages « entre deux eaux » nécessitant une
reprise mais ne devant pas mobiliser pour autant la responsabilité de plein
droit et surtout la garantie d’assurance obligatoire.

5. Cass. 3e civ., 22 mars 1995, Bull. civ. III, no 80.


108 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Cette théorie a aussi ouvert la voie à d’autres hypothèses de responsabilités de


droit commun en dehors du cadre de l’article 1792 du Code civil à la condition
que l’ouvrage souffre d’un dommage. À ces hypothèses, certes marginales, la
jurisprudence est venue appliquer les critères des dommages intermédiaires :
faute et délai de dix ans compté de la réception.
Ainsi, par un arrêt Grobost6, la Cour de cassation a reconnu l’existence d’une
action en responsabilité de droit commun face à un architecte pour défaut de
conseil. Ce recours était assorti d’un délai de dix ans compté à partir de la
réception. Ce délai prétorien a été proclamé de façon générale en cas de
responsabilité de droit commun par un arrêt « Maisons Bottemer »7. La Cour
s’avère libérale quant à la nature du dommage, acceptant ainsi un dommage
indirect (pour un architecte ayant oublié de solliciter de l’entrepreneur l’attes-
tation d’assurance obligatoire, ce qui privait l’ouvrage d’un financement des
reprises de malfaçons8).
Comme on l’a dit, ces hypothèses de mise en œuvre du droit commun suppo-
sent de rapporter la preuve d’une faute. L’article 1792-4-3 du Code civil
impose désormais également à ces actions un délai décennal compté à partir
de la réception.
B. Non-conformités et droit commun
160. Les mots « non-conformité » nécessitent une rapide définition. Il s’agit
des ouvrages ou parties d’ouvrages qui sont livrés de manière différente de ce
qui avait été stipulé au contrat. On ne doit donc pas confondre la
« non-conformité » avec le « vice » d’un ouvrage. Celui-ci correspond à une
livraison conforme à la commande mais affectée d’un défaut de réalisation.

Exemples
Les volets commandés en pin sont livrés en bois du Nord : il y a non-conformité. Les
chevilles de bois assurant l’assemblage de ce volet ont été mal mises en œuvre : il s’agit
d’un vice. Délai de livraison non respecté : il s’agit d’une non-conformité au contrat.

De nombreuses non-conformités affectant l’ouvrage ne relèvent pas du


régime de droit commun de la responsabilité contractuelle car la loi spéciale
prime sur le droit commun.
Tel est le cas des non-conformités apparentes à la réception qui, par effet de
l’article 1792-6 du Code civil, sont exclues de toute prise en charge au cas où
elles ne sont pas mentionnées au PV de réception.

6. Cass. 3e civ., 16 octobre 2002, Bull. civ. III, no 205.


7. Cass. 3e civ., 16 octobre 2002, RDI 2003, p. 92.
8. Cass. 3e civ., 16 mars 2005, D. 2005, jurisprudence p. 2198.
CHAPITRE 6 – RESPONSABILITÉ DE DROIT COMMUN APRÈS RÉCEPTION 109

Il en est de même des non-conformités cachées qui ont pour conséquence un


dommage décennal : dans ce cas le régime spécial prime et la responsabilité
civile décennale doit donc être invoquée.
En revanche, les non-conformités cachées à la réception et qui apparaissent
consécutivement à ladite réception sans pour autant produire de dommages
relèvent du droit commun. On considère qu’il s’agit d’une infraction à l’obli-
gation de construction conforme qui est assortie d’une obligation de résultat
(art. 1147, C. civ.).
Le régime de responsabilité est donc sans faute.
Au plan de la prescription, on a considéré que la prescription de droit commun
applicable à cette responsabilité contractuelle ordinaire devait être de trente
ans (art. 2262, ancien C. civ.). Toutefois, la solution pouvait paraître excessive
voire incohérente par rapport aux solutions retenues en matière de dommages
graves.
La réforme des prescriptions civiles a instauré un délai de principe de cinq ans à
compter de la découverte du droit à réparation par son bénéficiaire. Toutefois,
une telle solution pouvait également paraître incohérente en regard des délais
retenus en matière de construction.
L’article 1792-4-3 du Code civil apporte donc une réponse équilibrée à cette
délicate question : désormais les actions en matière de non-conformité sans
dommage à l’ouvrage doivent être introduites dans un délai de dix ans à
compter de la réception des ouvrages. Ce délai s’applique aussi bien à
l’action menée en raison de fondations mal dimensionnées (sans dommages)
que pour une essence de bois d’huisseries non prévue.
Le plus souvent la réparation de ces non-conformités sans dommages s’effec-
tuera de matière pécuniaire.
C. Le dol de l’entrepreneur
161. En droit civil, le dol constitue une tromperie, une manœuvre destinée à
égarer le jugement d’un cocontractant. Il s’agit, par exemple, d’un vice du
consentement qui conduit à la nullité du contrat en vertu de l’article 1116
du Code civil ou d’une manœuvre destinée à masquer un vice affectant la
chose vendue pour échapper à la garantie prévue à l’article 1641 du même
code.
En droit de la construction, la notion de dol a longtemps eu pour principal
intérêt de permettre à la victime d’une manœuvre frauduleuse de s’affranchir
du délai décennal spécifique, relativement bref, applicable en pareille matière.
Il était considéré que si les locateurs d’ouvrage pouvaient s’exonérer rapide-
ment des responsabilités encourues dans le cadre de leurs interventions habi-
tuelles, opérées de bonne foi, ils devaient être exposés à répondre de leurs
fraudes au-delà du délai de dix ans applicable.
On sait en effet que dans sa rédaction antérieure à 1978, l’article 2270 du Code
civil prévoyait de décharger les architectes et entrepreneurs de la garantie des
110 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

ouvrages qu’ils ont faits ou dirigés après dix ans pour les gros ouvrages. On sait
également que cet article avait été appliqué au cas particulier des « vices
intermédiaires ».
Pour échapper à cette prescription qui s’appliquait tant au droit spécial qu’au
droit « commun », la jurisprudence a estimé que le dol de l’entrepreneur ne
pouvait bénéficier de la prescription abrégée prévue par l’article 2270 du
Code civil. Pour parvenir à cette solution insolite, elle a considéré que la
manœuvre constitutive de dol dépassait par son énormité le cadre du contrat
de construction, de sorte que la responsabilité de l’entrepreneur était quasi
délictuelle. La prescription était donc de trente ans et par conséquent supé-
rieure à celle édictée par l’article 2270 du Code civil.
Cette solution juridique, motivée par une volonté de grande sévérité contre les
fraudeurs, a pu surprendre s’agissant d’un dommage causé à l’occasion de l’exé-
cution d’un contrat.
Par ailleurs, les juridictions exigeaient tout à la fois, la preuve d’un acte maté-
riel et d’une intention de nuire, certes, difficile à administrer.
Toutefois, cette construction jurisprudentielle fut mise à mal par la loi
Badinter (art. 2270-1, C. civ.) qui ramena en 1985 la prescription en matière
quasi délictuelle à dix ans.
Certes, le délai était décompté à partir de la découverte du dommage, ce qui
laissait à la solution une part de cohérence et d’intérêt mais son efficacité se
trouvait notablement réduite.
Au début des années 2000, la Cour de cassation a tenté de rétablir la solution
antérieure ouvrant un délai de prescription trentenaire. En l’état de la rédac-
tion de l’article 2270 du Code civil dont la prescription s’était limitée à la
responsabilité décennale prévue par l’article 1792 du même code, elle a
estimé que la responsabilité de l’entrepreneur en cas de dol est d’essence
contractuelle.
Par un arrêt de principe9, elle a précisé que « le constructeur, nonobstant la
forclusion décennale est sauf faute extérieure au contrat contractuellement tenu à
l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute dolosive ».
De plus, la Cour facilitait le recours des maîtres d’ouvrage en ajoutant que la
faute dolosive est établie par la preuve d’un acte matériel destiné à tromper le
maître de l’ouvrage sans qu’il soit nécessaire de prouver l’intention de nuire.

Exemples de dol
Réalisation délibérée d’une malfaçon en connaissance des conséquences, même sans
intention de nuire. Camouflage d’une malfaçon par des travaux. Dans ces hypothèses,
l’entrepreneur ne peut s’abriter derrière l’expiration du délai décennal.

9. Cass. 3e civ., 27 juin 2001, Bull. civ. III, no 83 ; JCP G 2001, p. 525.
CHAPITRE 6 – RESPONSABILITÉ DE DROIT COMMUN APRÈS RÉCEPTION 111

Faisant application d’une prescription trentenaire de l’article 2262 du Code civil


la Cour redonnait à sa jurisprudence tout son intérêt. De plus, de par le libellé de
l’arrêt, il semble que la Haute juridiction ait souhaité conserver pour ainsi dire
« en réserve », la solution d’une responsabilité quasi délictuelle, la solution
contractuelle s’appliquant, disait-elle « sauf faute extérieure au contrat... ».
Ce débat ne présente plus aujourd’hui d’intérêt.
En effet, l’article 1792-4-3 du Code civil tel que découlant de la loi du
17 juin 2008 prévoit une prescription nouvelle fixée à dix ans pour les
actions en droit commun sans distinction des actions en cause. Ce délai, clai-
rement exprimé par la loi, pourrait logiquement être appliqué au dol qui, en
pareille hypothèse, perdrait tout intérêt en droit de la construction.
C’est la raison pour laquelle une partie de la doctrine a émis l’idée qu’une
responsabilité de droit commun pour dol pourrait être sanctionnée par le délai
de prescription de droit commun de l’article 2224 du Code civil, soit cinq ans à
compter de la date à laquelle le maître a eu connaissance de son droit.
Cette solution apparaît bien plus séduisante.
Bien entendu, le dol ne fait l’objet d’aucune espèce de garantie d’assurance car
il conduit à une absence d’aléa maîtrisable. Tout au contraire, on verra que les
annexes à l’article A 243-1 du Code des assurances le considèrent comme l’une
des causes d’exclusion de garantie.

§2. Les responsabilités de droit commun


du sous-traitant
162. Le sous-traitant est le cocontractant de l’entrepreneur, cocontractant du
maître de l’ouvrage.
Il est donc signataire d’un contrat d’entreprise avec un autre professionnel pour
la réalisation de travaux chez un maître de l’ouvrage, tiers au contrat de
sous-traitance. Il en résulte deux types de responsabilités : l’une face à
l’entrepreneur, l’autre face au maître de l’ouvrage.
A. La responsabilité du sous-traitant face
à l’entrepreneur principal
163. Cette hypothèse ne présente pas de particularités originales. La responsa-
bilité civile décennale ne peut pas être invoquée par l’entrepreneur principal à
l’encontre de son sous-traitant car on notera que l’entrepreneur n’est pas visé par
les articles 1792 et suivants comme bénéficiaire de la « garantie décennale ». Le
sous-traitant est donc responsable sur le terrain de la responsabilité civile
contractuelle à raison du contrat d’entreprise liant les deux parties.
112 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

L’action de l’entrepreneur principal contre le sous-traitant repose sur le fonde-


ment de l’article 1147 du Code civil qui prévoit une obligation de résultat10.
Le sous-traitant ne peut donc s’exonérer que par la preuve d’une cause étran-
gère (force majeure notamment). Par ailleurs, le régime de droit commun peut
être modifié par la stipulation des parties, le plus souvent dans le sens d’une
aggravation du régime de responsabilité du sous-traitant.
Le sous-traitant peut engager également sa responsabilité contractuelle
vis-à-vis de l’entrepreneur pour le défaut de conseil ou pour l’absence de
s’être renseigné, spécialement si le sous-traitant est intervenu sur le chantier
comme spécialiste dans un domaine particulier.
La prescription de la responsabilité civile contractuelle du sous-traitant
présente une particularité :
– avant l’ordonnance du 8 juin 2005, la prescription de droit commun de
trente ans (art. 2262, C. civ.) s’appliquait à moins que l’affaire ne
concerne deux commerçants, auquel cas, la prescription de dix ans devait
être retenue (art. L. 110-4, C. com.) ;
– depuis l’ordonnance du 8 juin 2005, la prescription de l’action en respon-
sabilité contre un sous-traitant a été alignée sur la prescription abrégée de
dix ans de l’article 2270 du Code civil. Le délai de dix ans prend en outre
naissance à compter de la réception (art. 2270-2, C. civ.). Cette disposi-
tion a été délocalisée, sans modification du libellé de l’article 2270-2, à
l’article 1792-4-2 du même code ;
– depuis un arrêt du 8 février 201211, la Cour de cassation semble toutefois
s’interroger sur l’application de cet article dans le cas de recours des profes-
sionnels entre eux. La question qui se trouve posée est donc de savoir si les
dispositions de l’article 1792-4-2 du Code civil ne sont pas réservées à
l’action du maître de l’ouvrage à l’égard du sous-traitant de son entrepre-
neur principal, le recours entre ces deux professionnels étant régi (comme
par le passé) par les règles de pur droit commun.
B. La responsabilité du sous-traitant face au maître
de l’ouvrage
164. L’article 1792-1 du Code civil ne cite pas le sous-traitant dans la liste des
personnes assujetties à la responsabilité décennale : le sous-traitant ne peut
donc être mis en cause en « garantie décennale ».
Il faut par conséquent s’en remettre au droit commun, ce qui peut faire
difficulté.
En effet, le sous-traitant est le cocontractant du cocontractant du maître de
l’ouvrage victime : il existe donc une chaîne homogène de contrats (même
nature, même objet) suggérant une responsabilité civile contractuelle.

10. Cass. 3e civ., 22 juin 2010, Juris-Data, no 2010-010425.


11. Cass. 3e civ., 8 février 2012, Juris-Data, no 2012-001753.
CHAPITRE 6 – RESPONSABILITÉ DE DROIT COMMUN APRÈS RÉCEPTION 113

Toutefois, le maître de l’ouvrage étant un tiers au contrat de sous-traitance, le


principe de l’effet relatif des contrats peut conduire à conclure à une responsa-
bilité non contractuelle, donc quasi délictuelle. Quelle solution adopter ?
Par une décision de principe de la Cour de cassation12, c’est la solution d’une
responsabilité quasi délictuelle que la jurisprudence a retenue, en raison de
l’effet relatif des contrats.
C’est donc l’article 1382 du Code civil que le maître de l’ouvrage doit invoquer
face au sous-traitant de son entrepreneur. Ceci implique de rapporter la preuve
d’une faute du sous-traitant dans l’exécution des travaux : non-respect des
règles de l’art, mauvaise exécution du chantier, abstention fautive lors de la
réalisation des travaux, etc.
Au niveau de la prescription, on retrouve la distinction entre la solution anté-
rieure à l’ordonnance du 8 juin 2005 et la solution postérieure.
Avant l’ordonnance, le droit commun de la prescription s’applique. S’agissant
d’une responsabilité quasi délictuelle, l’article 2270-1 du Code civil indique
une prescription de dix ans décomptés à partir de la manifestation du
dommage.
Toutefois, la solution de droit commun, appliquée au cas particulier du
sous-traitant de construction immobilière, conduisait à une situation inéqui-
table. En effet, l’entrepreneur principal voyait sa responsabilité engagée pour
dix ans à compter de la réception tandis que le sous-traitant supportait une
responsabilité décomptée à partir de l’apparition du dommage : il existait
donc un décalage qui exposait le sous-traitant à un recours au-delà de la
période de garantie due par l’entrepreneur principal.

Exemple
Réception des travaux le 1er juillet 1997 ; apparition d’un dommage le 1er août 2007 : la
responsabilité décennale de l’entrepreneur est prescrite tandis que la responsabilité
quasi délictuelle pour faute du sous-traitant est toujours valide.

C’est pourquoi l’ordonnance du 8 juin 2005 a retenu une prescription décen-


nale à compter de la date de la réception (art. 2270-2, C. civ.). Cette disposi-
tion a été délocalisée, sans modification du libellé de l’article 2270-2, à
l’article 1792-4-2 du même code.
On notera que si la faute du sous-traitant ouvre au maître de l’ouvrage non
seulement un recours à l’encontre de ce sous-traitant mais également à
l’encontre de l’entrepreneur principal, la faute du sous-traitant n’engage pas
la responsabilité de l’entrepreneur principal à l’égard des tiers.

12. Cass. Ass. plén., 12 juillet 1991, Bull. Ass. plén., no 5.


114 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

En effet, la Cour de cassation considère que le sous-traitant n’a pas la qualité


d’un préposé de l’entrepreneur principal13. Il est donc important pour les
voisins que le syndic de l’immeuble se renseigne sur les coordonnées de l’éven-
tuel assureur en RC professionnelle du sous-traitant.
C. La responsabilité du sous-traitant pour produits
défectueux
165. On signalera très brièvement cette hypothèse de responsabilité prévue
par les articles 1386-1 et suivants du Code civil. En effet, si les personnes
pouvant engager une responsabilité décennale sur la base des articles 1792
ou 1646-1 du Code civil (vendeurs sur plans) sont exclues du régime de
responsabilité pour produits défectueux, tel n’est pas le cas du sous-traitant,
qui par ailleurs est l’incorporateur du produit défectueux.
L’intérêt de cette responsabilité originale est cependant limité car les
dommages atteignant le produit lui-même ne sont pas pris en compte. En
outre, il ne s’agit pas de prendre en considération une atteinte à la destination
du bien en cause mais le défaut de sécurité.
L’application pratique vise donc l’hypothèse où un produit, défectueux car il ne
répond pas aux exigences de sécurité, mis en œuvre par le sous-traitant qui l’incor-
pore à un ouvrage immobilier, cause un dommage corporel au maître de l’ouvrage
ou atteint des biens entreposés dans cet ouvrage par ledit maître de l’ouvrage.
En revanche, il est clair que les dommages à l’immeuble auquel le bien a été incor-
poré ne relèvent pas de la responsabilité des articles 1386-1 et suivants du Code
civil.

§3. La responsabilité de droit commun du fabricant


A. Les deux hypothèses possibles
166. Première hypothèse : le maître de l’ouvrage a acquis directement les
matériaux auprès d’un fournisseur, la garantie applicable est celle issue du
droit commun de la vente.
Seconde hypothèse : le produit en cause a été acquis par le locateur
d’ouvrage qui l’a posé ou mis en œuvre chez le maître de l’ouvrage, le
maître de l’ouvrage pourra souhaiter agir face au fournisseur ou au fabricant
avec lequel l’entrepreneur a traité pour l’approvisionnement du chantier.
Cette responsabilité peut revêtir alors deux formes. D’une part, elle relève du
droit commun des contrats. D’autre part, plus rarement, elle relève de la
responsabilité décennale si le bien fourni constitue un « EPERS » (cf. supra,
responsabilité décennale, no 113).
Le cas étudié ici concerne donc l’application du droit commun.

13. Cass. 3e civ., 22 septembre 2010, Juris-Data, no 2010-016655.


CHAPITRE 6 – RESPONSABILITÉ DE DROIT COMMUN APRÈS RÉCEPTION 115

B. Le régime de l’action du maître de l’ouvrage


167. En cas d’acquisition directe du matériau par le maître de l’ouvrage, le
régime juridique de l’action sera relativement classique.
D’une part, le fabricant doit la garantie de la conformité du produit vendu à
ce qui a été commandé. Il s’agit de l’obligation du vendeur sur le terrain de
l’article 1604 du Code civil et accompagné d’une prescription de droit
commun.
D’autre part, le fabricant doit la garantie des défauts cachés de la chose
vendue (art. 1641, C. civ.) dont l’action doit être engagée dans le délai de
deux ans (art. 1648, C. civ.). En cas d’action, le délai est reconstitué à l’iden-
tique à compter de la décision définitive.
À noter que le vendeur professionnel confronté à un acquéreur « incompé-
tent » est présumé connaître le vice de la chose.
Enfin, le défaut de conseil engage également la responsabilité du fabricant ou
du fournisseur. Il doit tout à la fois préconiser le produit adapté à l’usage qui
doit en être fait (d’où la nécessité pour le vendeur de se renseigner à ce sujet) et
fournir les précisions utiles à la mise en œuvre dudit produit.
S’il s’agit d’un produit courant, la remise d’une notice sera suffisante. Dans le
cas de produits plus spécifiques un conseil précis et circonstancié sera
nécessaire.
168. En cas d’acquisition indirecte du matériau par le biais de l’entrepreneur,
le régime juridique de l’action sera beaucoup plus original.
Depuis un arrêt de la Cour de cassation14, la responsabilité du fabricant ou du
fournisseur à l’égard du maître de l’ouvrage est de nature contractuelle. En
effet, « le maître de l’ouvrage jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui
appartenait à son auteur ».
On pourra s’étonner du fait que la solution soit ici inverse de celle retenue pour
le sous-traitant dans une situation relativement similaire en fait. On considère
que le sous-acquéreur (le maître de l’ouvrage) doit bénéficier des actions
reconnues à son auteur (l’entrepreneur, acquéreur des biens en cause).
L’affirmation du caractère contractuel de l’action ouvre une option au profit du
maître de l’ouvrage :
– soit il peut retenir une action contractuelle de droit commun pour infrac-
tion à l’obligation de délivrance (art. 1604 et s., C. civ.). À noter qu’en ce
cas, ledit fournisseur ne figurant pas parmi les personnes visées à
l’article 1792-1 du Code civil et n’étant pas visé aux articles 1792-4-1
et suivants du même code, le délai applicable est celui de droit commun ;

14. Cass. Ass. plén., 7 février 1987, Bull. Ass. plén., no 2.


116 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

– soit il peut opter plutôt pour l’action pour vice caché de la chose vendue
(art. 1641 et 1648, C. civ.) dont l’exercice se trouve alors enfermé dans un
délai de deux ans.
Il y aura cependant lieu de prendre garde à la pertinence de l’action choisie en
regard des faits matériels de la cause. En effet, la Cour de cassation – et tout
spécialement la Troisième chambre civile – exerce un contrôle vigilant du
bien-fondé du fondement retenu, afin que le plaideur, forclos sur le terrain du
vice caché, ne puisse se « rattraper » par une action en non-conformité.
Nos 169 à 180 réservés.

Bibliographie

FOSSEREAU, « Le clair-obscur de la responsabilité des constructeurs », D. 1977, Chron.


p. 14.
BLANCHARD, « Le dommage intermédiaire », Gaz. Pal. 1968, doctr. p. 402.
LESCURE (P. de), « Quelle responsabilité contractuelle en droit commun en cas de
dommages à l’ouvrage », RDI 2007, p. 307.
PAGES DE VARENNE, « la garantie de dommages intermédiaires : une notion toujours
d’actualité », Constr.-Urb. 2011, Étude no 6.
S’agissant principalement du dol : MALINVAUD, « Les difficultés d’application des règles
nouvelles relatives à la suspension et à l’interruption des délais », RDI 2010, p. 105.
Partie

2
L’assurance du risque construction

Chapitre 1 Les caractères généraux de l’assurance obligatoire


Chapitre 2 Les polices d’assurance obligatoires
Chapitre 3 Les garanties facultatives complémentaires

181. En matière de responsabilité décennale, la fréquence des sinistres et surtout leur


coût unitaire ont obligé les professions de la construction, dès le milieu du XIXe siècle,
à prendre l’initiative de créer des formules d’assurance permettant de se garantir
contre une charge insoutenable en cas de sinistre. C’est la profession elle-même,
par le truchement de ses structures syndicales, qui a créé la première compagnie
garantissant le risque « construction » grâce à la Société mutuelle d’assurance des
Chambres syndicales du bâtiment et des travaux publics, ancêtre de la célèbre
SMABTP. On notera que pour les architectes, une démarche similaire fut adoptée
au travers de la MAF (Mutuelle des architectes de France).
S’agissant des entrepreneurs, il fut d’abord proposé des polices « personnelles »,
garantissant l’ensemble de l’activité d’un entrepreneur, mais les montants garantis
demeuraient faibles en raison de plafonds, de franchises mais également d’exclusions
de garantie qui s’analysaient alors, en droit commun de l’assurance. Puis une police
« globale chantier » vint remplacer cette formule avec pour objectif de permettre,
chantier par chantier, une protection réelle grâce à un plafond égal au montant des
travaux.
Mais c’est sans doute la police « individuelle de base » (consacrant un retour à l’assu-
rance de l’activité de l’entrepreneur) qui, apparue en 1952, est restée la plus présente
dans les mémoires. Celle-ci permettait de proposer un socle de garantie (dont la sous-
cription était cependant facultative) qui était ensuite aménagé par des garanties
complémentaires permettant de modérer les conséquences des limitations apportées à
une police individuelle.
118 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

182. Tant au plan de la production des polices que de la gestion des sinistres, le
système était très centralisé. Sous l’égide de la puissante FNB (Fédération nationale
du bâtiment) la distribution des Polices était assumée par la « Section Construction »
regroupant les assureurs concernés.
La gestion des sinistres relevait également d’organismes largement issus de la profes-
sion dont la dernière mouture en vigueur avant la réforme devant conduire à l’orga-
nisation actuelle, fut le STAC (Service technique d’assurance construction),
demeuré célèbre et auquel les compagnies déléguaient tout ou partie de leur gestion.
On le voit, l’accent était porté sur la nécessité de se protéger contre le « risque
décennal » de sorte que ce secteur d’assurance restait à l’écart de l’émulation de la
concurrence.
De plus, cette manière de procéder, dans un cadre corporatiste (au sens noble du
terme) mais dans une logique volontariste et individuelle, mise en œuvre sur les
bases du droit commun du Code des assurances, laissait sans réponse bon nombre
de besoins en terme de garanties, ce qui exposait entrepreneur comme maîtres
d’ouvrage à des risques financiers considérables.
Ceci émut le gouvernement qui commanda une étude au sujet du secteur de l’assu-
rance construction mais aussi de la responsabilité civile (RC) décennale qu’il est
censé garantir.
C’est donc le rapport Spinetta (déjà évoqué dans la première partie en matière de
responsabilités) qui, en 1976, a constitué les prémisses de l’indispensable évolution
qu’appelait le secteur. Il se composait d’une part d’un état des lieux puis d’autre part
de suggestions, de pistes permettant d’améliorer le système.
Le constat était accablant. Près de 40 % des entreprises (50 % pour les maîtres
d’œuvre) ne justifiaient pas d’une couverture d’assurance, laquelle était totalement
facultative. Les polices comportaient de nombreuses exclusions, des plafonds et des
franchises, librement stipulées car le secteur obéissait au droit commun de l’assurance.
En l’absence de garantie en assurance de chose, les délais de règlement étaient extrê-
mement longs. 75 % des dossiers se terminaient après huit années de procédure,
certains procès pouvant durer jusqu’à vingt ans (sans solution de réparation concrète
jusqu’à l’issue de l’action engagée, ce qui conduisait à l’aggravation des dommages).
Cette gestion inefficace du risque décennal entraînait, bien entendu, une augmenta-
tion des primes en raison des « désutilités » générées par le système.
Enfin, souscrites selon un système par répartition (les primes de l’année couvrant les
sinistres de l’année avec le risque d’un sinistre après résiliation de la police d’assu-
rance), les polices ne couvraient pas toujours la période décennale de responsabilité
malgré un recours à des primes « subséquentes ».
Les solutions proposées par le rapport étaient multiples et conduisaient à reconsidérer
de manière globale la question de l’assurance construction. Cette évolution était
fondée sur l’optique de permettre au marché d’accéder à la modernité au travers de
concepts issus du monde industriel mais également d’une approche consumériste. On
peut dire que pour l’essentiel du schéma proposé, la loi a retenu les excellentes sugges-
tions de cet excellent rapport.
PARTIE 2 – L’ASSURANCE DU RISQUE CONSTRUCTION 119

183. Sur la base des préconisations du rapport Spinetta, la loi du 4 janvier 1978 a
donc réformé le domaine de l’assurance construction en créant une assurance obli-
gatoire, applicable au risque décennal. Point particulièrement important, ce carac-
tère obligatoire, nouveau pour l’époque, s’appliquait autant à la souscription
des polices qu’à leur contenu.
Il a été dit plus haut que cette loi a agi sur le régime des responsabilités encourues par
les professionnels de la construction. Elle a également réorganisé le volet assurance de
la matière en distinguant désormais la mission « indemnisation », confiée à
une assurance de chose souscrite par le maître de l’ouvrage, et la mission
« établissement des responsabilités » et « attribution de la charge définitive »
du sinistre, confiée à une assurance de responsabilité. Ainsi le premier volet de
l’assurance construction permettait une réparation rapide donc la suppression du
dommage à moindre coût, tandis que l’examen des responsabilités n’intervenait
qu’après coup sans contrainte matérielle de temps.
184. Cette importante réforme est entrée en vigueur le 1er janvier 1979. Toute-
fois, l’important problème de la sécurité dans le temps, des garanties souscrites en
assurance de responsabilité, restait entier : en effet, la loi du 4 janvier 1978 avait
conservé un système de collecte des primes par répartition.
C’est donc la loi du 30 juin 1982 et le décret du 30 décembre 1982 qui ont réformé la
matière. Ainsi, sur proposition d’un second rapport Spinetta, l’assurance a adopté un
système par « semi-capitalisation » permettant le paiement des sinistres décennaux
grâce à une prime unique perçue durant l’année d’ouverture du chantier considéré.
On notera pour mémoire que la réforme de 1982 prévoyait un système de transition
entre les deux systèmes de collecte des primes car pendant quelques années des chan-
tiers ouverts sous le régime par répartition se seraient trouvés démunis de toute
garantie, faute de primes. Cette transition a été réalisée grâce à un fonds de compen-
sation qui a connu un déficit chronique avant d’être supprimé.
Il est important de souligner qu’au cours des années 1980, le secteur de l’assurance
construction s’est dégagé du système fermé et corporatiste qu’il connaissait jusqu’alors,
pour s’ouvrir à la concurrence, ce qui n’a pas été sans incidence sur l’équilibre écono-
mique du risque « construction ».
Le système français d’assurance construction a été plusieurs fois réformé et pas
toujours avec bonheur. Il constitue cependant un outil efficace pour traiter les désor-
dres décennaux surtout depuis qu’une Ordonnance du 8 juin 2005 est venue redé-
finir le champ d’application de l’assurance construction autour du concept de
« travaux de construction ». Cette réforme sera largement évoquée plus bas. De
même, la loi a précisé, de manière fort utile, le régime des plafonds de garantie. Si
deux démarches successives des pouvoirs publics ont été nécessaires à cette fin en
2006 puis 2008, le Code des assurances indique désormais précisément les cas où
les plafonds sont interdits ou autorisés.
À ce jour, le système d’assurance construction apparaît complexe mais efficace. En
effet, le mécanisme ainsi créé a fêté en 2009 ses trente années d’activité et il semble
bien ancré dans le paysage du droit de la construction français quoiqu’il demeure
relativement coûteux.
120 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

185. On retiendra deux distinctions importantes :


– en premier lieu, l’assurance construction se divise en deux réglementations :
d’une part l’assurance obligatoire, garantissant les seuls dommages de
nature décennale, et d’autre part l’assurance facultative qui prend en
compte les autres hypothèses de risques.
L’assurance obligatoire est régie par les articles L. 241-1 et suivants du Code des
assurances tandis que les assurances facultatives continuent de relever du droit
commun de l’assurance ;
– en second lieu, au sein même de l’assurance obligatoire, applicable aux seuls
dommages décennaux, une seconde distinction doit être faite entre l’assurance
« Dommages ouvrage » et l’assurance « responsabilité civile décennale ».
La première est, comme on l’a dit, une assurance de chose, souscrite par la personne
qui fait construire et dont le but est d’indemniser les dommages décennaux sans se
préoccuper des responsabilités dans un délai réduit (90 jours dans le cas courant).
L’objectif recherché par le législateur est la rapidité et la sécurité de l’indemnisation.
La seconde s’analyse comme une assurance de responsabilité classique, souscrite par
les professionnels assujettis à la responsabilité décennale et dont le but est de
rembourser à l’assureur « Dommages ouvrage » les sommes qu’il a payées si toute-
fois, l’entrepreneur assuré est reconnu responsable. L’objectif est d’appliquer – si
nécessaires après un long procès qui ne touche plus que des assureurs – les règles de
responsabilités en vigueur et de tirer les conséquences pécuniaires de celles-ci.
On a donc pu parler « d’assurances à double détente », la première détente s’appli-
quant à l’indemnisation rapide, la seconde à la définition des responsabilités, ces deux
garanties s’appliquant au même objet, ce qui est original en droit français.
L’objet de cette partie est donc de présenter ces différentes polices, tant obligatoires
que facultatives, après avoir évoqué les caractères généraux de l’assurance obliga-
toire, quelque peu originaux.
Pour finir, dans le cadre de cette présentation, il convient de fournir au lecteur les clés
nécessaires à la consultation des textes, étant précisé que ceux-ci figurent en annexe
de cet ouvrage pour plus de commodité pour le lecteur praticien notamment.
La réglementation relative à l’assurance construction se répartit en deux points prin-
cipaux du Code des assurances.
Au plan légal, les indications utiles seront consultées pour l’assurance de responsabilité,
à l’article L. 241-1 du Code des assurances tandis que les règles régissant la garantie
« Dommages ouvrage » figurent à l’article L. 242-1 du même code. L’article L. 243
permettra, quant à lui, de s’informer sur les règles communes aux deux garanties parmi
lesquelles figure le champ d’application de l’assurance construction obligatoire.
En partie réglementaire, relativement peu fournie, le lecteur trouvera les indica-
tions relatives notamment à la date de justification des garanties ou aux plafonds de
garantie.
On sait toutefois que la loi prévoit un contenu obligatoire pour les polices en assurance
construction, obligatoires. Ainsi l’article L. 243-8 renvoie à un article A. 243-1 qui
édicte des « clauses types ».
PARTIE 2 – L’ASSURANCE DU RISQUE CONSTRUCTION 121

Ces clauses types figurent en partie « arrêtés » et sont relatives à l’assurance de


responsabilité (annexe I) puis à l’assurance Dommages ouvrage (annexe II).
Cette répartition des règles pose parfois divers problèmes de cohérence entre la loi et la
clause type dont la loi du 31 décembre 1989 et son « arrêté-trou » de 1990 (censé
harmoniser les deux ordres de réglementation) fournit un exemple, révolu mais fidèle.
186. Dans le cadre de la seconde partie de l’ouvrage, il y aura donc lieu dans un
premier temps de définir les conditions de l’assurance obligatoire. Après avoir
évoqué l’obligation de s’assurer, il conviendra de dire un mot de l’obligation d’assurer
qui est édictée à l’égard des assureurs.
Sur cette base, il sera possible, dans un second temps, de traiter d’une part de l’assu-
rance « Dommages ouvrage » puis de l’assurance de responsabilité décennale qui lui
sert de pendant.
Ces garanties étant insuffisantes pour garantir les différentes situations couvertes par
l’assurance obligatoire, une étude de l’assurance facultative sera le nécessaire complé-
ment de ces développements.
Chapitre

1
Les caractères généraux de l’assurance
obligatoire

Plan du chapitre

§1. Le caractère obligatoire de l’assurance


§2. Le champ d’application de l’assurance obligatoire

RÉSUMÉ
187. On envisagera successivement le caractère obligatoire et le champ d’applica-
tion de l’assurance obligatoire. En effet, si l’assurance construction compte parmi
les multiples assurances obligatoires que prévoit la législation française, elle
présente la particularité de comporter une double obligation – à l’instar de
l’assurance-automobile – l’une s’exerçant sur l’accédant ou sur le professionnel
réalisant la construction (« obligation de s’assurer »), l’autre sur l’assureur construc-
tion lui-même, dans le cadre d’une « obligation d’assurer ».
En outre, le caractère obligatoire de l’assurance s’applique sur un champ particulier,
c’est-à-dire à certains types de travaux seulement ; or, la définition de ce champ
d’application a connu dès les années 1980, de nombreuses et graves vicissitudes
dont il convient de rappeler les grandes étapes. Ce n’est qu’à l’issue d’une réflexion
presque décennale que le rapport Perinet-Marquet est venu jeter les bases d’un
retour à un découpage cohérent. Celui-ci a été consacré par l’Ordonnance du
8 juin 2005.
124 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

§1. Le caractère obligatoire de l’assurance


Le caractère obligatoire s’exerce autant pour l’assuré que pour l’assureur.
A. L’obligation de s’assurer
188. L’obligation de s’assurer suppose que l’on s’intéresse à quatre points prin-
cipaux qui permettent de la caractériser. Il s’agit d’une part des personnes
concernées (les assujettis) puis du moyen de prouver la souscription de la
garantie, mais également du moment de cette justification. Enfin, bien
entendu, s’agissant d’une obligation il y aura lieu d’évoquer les sanctions atta-
chées à la violation de celle-ci.
I – Les assujettis
189. La souscription d’une police d’assurance destinée à garantir le risque
décennal est de nos jours une obligation légale qui s’applique aussi bien à la
police « Dommages ouvrage » qu’à la police « responsabilité civile décen-
nale ». Il convient donc de dresser la liste des assujettis pour ces deux types
de polices d’assurance.
En matière de police « Dommages ouvrage », l’annexe II à l’article A. 243-1
du Code des assurances dispose que le souscripteur est « la personne physique ou
morale désignée aux conditions particulières qui fait réaliser des travaux de construc-
tion et qui est en sa qualité définie aux mêmes conditions particulières soumise à
l’obligation d’assurance prévue par l’article L. 242-1 du présent code tant pour son
compte que pour celui des propriétaires successifs ».
L’assujetti est donc le maître d’ouvrage qui fait construire.
Concrètement, il est possible de distinguer trois types d’assujettis qui sont cités
par l’article L. 242-1 du Code des assurances :
– le maître de l’ouvrage, qu’il soit propriétaire du sol ou titulaire d’un bail à
construire, qu’il soit particulier construisant pour lui-même ou personne
morale.
Noter qu’il s’agit là des personnes obligées de souscrire la garantie « DO ».
Toutefois, ladite garantie étant transmise aux acquéreurs successifs de
l’ouvrage durant la période décennale de garantie, la liste des bénéficiaires
de la garantie s’augmente de ces propriétaires successifs bien qu’ils ne
soient pas souscripteurs ;
– le mandataire du maître de l’ouvrage. Dans ce cas l’assujetti est obligé de
souscrire la garantie pour le compte de son mandant assujetti. Les hypo-
thèses sont légion : le promoteur mandataire de l’article 1831-1 du Code
civil titulaire d’un « mandat d’intérêt commun » lui imposant de faire
réaliser pour le compte du mandant et moyennant un honoraire, un
ouvrage déterminé, est évidemment visé ; le syndic de copropriété (qui
détient un mandat légal par effet de l’article 18 de la loi du 10 juillet
1965) doit souscrire la garantie « DO » pour les travaux votés par l’assem-
blée générale ;
CHAPITRE 1 – LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ASSURANCE OBLIGATOIRE 125

– l’administrateur de bien doit procéder de même pour le compte du


propriétaire du bien, pour les travaux concernant les biens dont il a la
charge ;
– le vendeur de l’ouvrage. Il s’agit là des vendeurs sur plan en état futur
d’achèvement, c’est-à-dire des SCICV (société civile de construction
vente) qui commercialisent des biens grâce à des ventes d’immeubles à
construire (spécialement des VEFA – vente en état futur d’achèvement).
Il s’agit également des vendeurs après achèvement. Cette catégorie visée
par le Code des assurances pourra le plus souvent recouper celle des
maîtres de l’ouvrage en appréhendant ces derniers au moment de la
vente du bien en cause. Il s’agira le plus souvent de particuliers revendant
un bien qu’ils ont construit ou fait construire ou plus marginalement de
promoteur vendant une « queue de programme » (des invendus).
En revanche, sont dispensés de souscrire la garantie « Dommages ouvrage » :
– l’État, lorsqu’il construit pour son compte (art. L. 243-1, C. assur.), ce qui
implique que l’État construisant pour autrui est bel et bien assujetti :
l’adage selon lequel « l’État est son propre assureur » ne s’applique alors
pas, ceci qu’il s’agisse ou non de construction d’immeubles à usage
d’habitation ;
– les personnes morales de droit public (départements, communes, etc.)
sous certaines conditions ;
– à l’origine, une dérogation d’assurance était possible lorsque la collectivité
justifiait des moyens nécessaires à la réparation des dommages. Le préfet
était alors compétent pour accorder une dérogation, au cas par cas, ce
qui n’était pas totalement satisfaisant. Un amendement de la loi du
31 décembre 1989 a unifié le régime de dérogation en posant des critères
fixes, applicables à tous. Sont donc désormais dispensées de la souscription
de la garantie « DO », les personnes morales de droit public faisant réaliser,
pour leur compte, des travaux autres qu’à usage d’habitation. A contrario,
les mêmes personnes réalisant des travaux de logement ou réalisant tous
travaux pour autrui, restent assujetties ;
– certaines personnes morales de droit privé. Il s’agit de personnes privées
classées comme « grands risques » par l’article L. 116 du Code des assu-
rances. Selon l’article R. 111-1 du même Code, sont concernées les
sociétés employant plus de 250 salariés ou réalisant un chiffre d’affaire de
plus de 12,8 millions d’euros ou un bilan de plus de 6,2 millions d’euros
(deux au moins de ces trois critères doivent être atteints). La dérogation
s’applique lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux
autres qu’à usage d’habitation.
Noter que par effet de l’article L. 242-1 second alinéa du Code des assurances,
sont également dispensées les personnes morales, maîtres d’ouvrage dans le
cadre d’un contrat de partenariat de l’article 1er de l’ordonnance no 2004-559
du 17 juin 2004 dont on rappellera qu’il est ainsi libellé : « Le contrat de parte-
nariat est un contrat administratif par lequel l’État ou un établissement public de
l’État confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée
126 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une


mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l’entretien, la
maintenance, l’exploitation ou la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens
immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement
à l’exception de toute participation au capital ».
La logique du législateur est limpide : l’ensemble de ces personnes, publiques
ou privées, n’engagent que leur sort et disposent de moyens économiques
importants pour pré-financer les travaux de réparations des dommages décen-
naux dont leurs ouvrages pourraient être victimes. Cependant, le traitement
des dérogations se devait de résulter de la loi et être applicable à chacun dans
un but de transparence.
Pour finir, le cas du constructeur de maison individuelle doit être envisagé.
N’étant pas maître d’ouvrage pas plus que vendeur du bien qu’il construit ou
mandataire de son client par effet de la Loi, il n’est pas assujetti à l’obligation
d’assurance « DO ». Toutefois, l’article L. 231-2 du Code de la construction
fait de la mention de la police « Dommages ouvrage », un élément constitutif
obligatoire du libellé du contrat de construction, son absence faisant encourir
audit contrat la nullité. Afin de ne pas encourir la nullité du contrat de cons-
truction du fait de la négligence de son client au niveau de la souscription de
la « DO », le constructeur peut se faire expressément contractuellement
mandater par le maître de l’ouvrage pour souscrire pour son compte la police
« Dommages ouvrage » obligatoire. Cette démarche du constructeur lui permet
de s’assurer de la validité de son contrat ; elle permet parfois au maître de
l’ouvrage de bénéficier de tarifs attractifs, notamment si la « DO » est contractée
en même temps que la garantie de livraison à prix et délai convenus. Par consé-
quent, le constructeur de maison individuelle n’est pas par lui-même astreint à la
souscription d’une garantie « DO » mais il peut en être chargé par le maître, par
effet du contrat de construction. Il a alors qualité de mandataire.
En matière de police de « responsabilité civile décennale », l’article L. 241-1
du Code des assurances use d’une définition générale pour définir les personnes
assujetties à l’assurance obligatoire : il s’agit de « toute personne physique ou
morale dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption
établie par les articles 1792 » et suivants du Code civil.
Il convient de se reporter aux diverses dispositions concernant les débiteurs de
la responsabilité décennale elle-même (art. 1792-1, 1646-1, 1831-1, C. civ.
notamment).
Les ouvrages juridiques adoptent divers classements basés sur cet assujettisse-
ment à la responsabilité décennale elle-même. Selon ce principe, on peut
distinguer trois catégories principales :
– ceux qui sont tenus car ils engagent une responsabilité en tant que réali-
sateurs matériels des travaux : il s’agit des locateurs d’ouvrages (archi-
tectes, entrepreneurs) mais aussi du constructeur de maison individuelle
et des contrôleurs techniques ;
CHAPITRE 1 – LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ASSURANCE OBLIGATOIRE 127

– ceux qui sont tenus parce qu’ils vendent un ouvrage ou une partie de cet
ouvrage. Il s’agit bien entendu des vendeurs sur plan mais également, en
raison du libellé de l’article 1792-1 du Code civil, des vendeurs après achè-
vement. On a pu parler de « responsables relais » dans la mesure où ces assu-
jettis à la responsabilité civile décennale et à son assurance obligatoire asso-
ciée disposent d’une action face aux réalisateurs matériels de l’ouvrage,
auteurs matériellement des malfaçons. On remarquera par ailleurs qu’en
pratique, ces vendeurs sont assujettis aux deux obligations d’assurance ;
– il s’agit également des fabricants d’EPERS, par effet de l’article 1792-4 du
Code civil. Ce sont – rappelons-le – des fabricants d’éléments d’équipe-
ment qui entraînent une responsabilité civile décennale solidairement
avec l’entrepreneur qui met en œuvre sur l’ouvrage lesdits éléments. On
notera la difficulté pour les industriels fabricants de satisfaire à une obliga-
tion d’assurance dont l’objet (l’EPERS) est défini de manière aussi
imprécise ;
– ceux qui sont tenus par un certain rôle de mandataire du maître de
l’ouvrage. Il s’agira là par exemple du promoteur mandataire de l’article
1831-1 du Code civil.
En revanche, seul n’est pas soumis à l’assurance « responsabilité civile décen-
nale » obligatoire, l’État construisant pour lui-même.
Bien entendu, les personnes qui, quoique concernées par le chantier, ne sont
pas astreintes à la responsabilité décennale (fabricants hors EPERS et surtout
sous-traitants) ne sont pas non plus astreintes à la souscription d’une couver-
ture d’assurance obligatoire.
On notera qu’ici, les personnes morales de droit public comme les personnes
morales de droit privé, même si elles justifient d’un certain poids économique,
ne sont pas visées par ces exonérations comme cela est le cas en garantie
« dommage ». La souscription est donc toujours obligatoire (sauf pour l’État)
dès lors que l’on s’expose à la responsabilité civile prévue par l’article 1792
du Code civil.
II – La forme de la justification de la garantie
190. Le contrat d’assurance concernant une police obligatoire est un contrat
consensuel dont la validité ne dépend pas de l’existence d’un écrit. Toutefois,
cet écrit est requis pour d’évidents impératifs de preuve, d’autant que la sous-
cription de ces contrats doit être justifiée à divers moments de l’opération,
comme on le constatera, infra (no 191).
En pratique, le document le plus fiable pour établir la preuve de la souscription
des polices obligatoires est bien entendu le contrat lui-même. Ce document se
présente généralement sous la forme de deux sous-documents.
D’une part, les conditions générales correspondant aux clauses constantes,
applicables à tout assuré.
128 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

D’autre part, les conditions particulières destinées à adapter le contrat d’assu-


rance aux caractéristiques spécifiques de tel ou tel entrepreneur ou en matière
d’assurance « Dommages ouvrage » de telle ou telle construction.
La souscription obéit aux règles habituelles en matière d’assurance. Ainsi une
proposition d’assurance doit être éditée par le candidat à l’assurance, sur la base
de laquelle l’assureur établira une offre conforme au Code des assurances (art.
L. 112-3, C. assur.) soumise à la signature du souscripteur.
On prendra toutefois garde aux exigences des clauses types en matière d’assu-
rance « Dommages ouvrage ». En effet, l’annexe II à l’article A. 243-1 du
Code des assurances oblige le souscripteur à signaler, outre les mentions
prévues par l’article L. 112 – 2 (3e) du Code des assurances, à l’assureur un
grand nombre d’informations parmi lesquelles :
– la preuve de l’existence des contrats d’assurance de responsabilité civile
souscrits par les réalisateurs de l’ouvrage ;
– la date de la réception des travaux, la constatation de la levée des réserves
exprimées en application de l’article 1792-6 du Code civil ;
– le dossier technique comportant au moins les plans et descriptifs de
l’ensemble des travaux dans le délai d’un mois à compter de leur
achèvement ;
– l’arrêt des travaux excédant 30 jours ;
– les observations du contrôleur technique.
Ces exigences pourront paraître lourdes au particulier faisant construire pour
lui-même.
On prendra garde, en matière d’assurance de responsabilité décennale, à la
formulation par les conditions particulières des activités déclarées à l’assureur
comme étant exercées par l’entreprise.
Enfin il importe de mentionner, pour mémoire, la possibilité d’avenants au
contrat, plus fréquemment observés en matière de police de responsabilité,
l’assuré pouvant adapter sa couverture d’assurance aux évolutions de son acti-
vité (nombre de salariés, activités pratiquées, etc.).
On notera que l’assureur est tenu à une obligation stricte d’information et de
conseil vis-à-vis de son assuré.
Récemment, un arrêt de la Cour de cassation a exigé que soient mentionnés au
contrat les textes relatifs à la prescription biennale particulière à l’assurance1.
Il est ainsi requis de reproduire les articles L. 114-1 et L. 114-2 du Code des
assurances mais également de rappeler le point de départ de cette prescription
en matière d’assurance de responsabilité2 qui est comme on sait, la date de mise
en cause de l’assuré.

1. Cass 3e civ., 16 novembre 2011, pourvoi no 10-25246.


2. Cass.3e civ., 18 octobre 2011, pourvoi no 10-19171.
CHAPITRE 1 – LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ASSURANCE OBLIGATOIRE 129

Le second document pouvant permettre de justifier de la souscription de la


police obligatoire est constitué par l’attestation d’assurance. Ce document
est, de loin, le plus usité car il représente un feuillet ou deux et se prête donc
à l’insertion à un dossier de construction voire à une ampliation dans les
minutes du notaire, lors de la mutation du bien en cause dans les dix ans de
la réception. On prendra garde toutefois au fait que l’attestation n’engage pas
l’assureur mais ne constitue qu’une présomption de l’existence du contrat
d’assurance et par conséquent de garantie contre laquelle l’assureur peut admi-
nistrer la preuve inverse en produisant par exemple le contrat in extenso.
Le dernier document permettant d’établir la preuve de la souscription du
contrat est bien entendu la note de couverture. Il s’agit là d’un document
provisoire établi par l’assureur dans l’attente de la rédaction définitive de la
police correspondante et destinée à permettre d’établir la preuve de l’engage-
ment de l’assureur. En effet, contrairement à l’attestation d’assurance, la note
de couverture constitue un engagement parfait qui lie l’assureur.
III – Le moment de la justification de la garantie
191. Celui-ci varie selon les cas, étant précisé que l’on distinguera à nouveau
la garantie « DO » de la garantie de « responsabilité décennale ».
En matière d’assurance « DO », la souscription doit être effectuée « avant la
date de l’ouverture du chantier », opération par opération. Il est admis en juris-
prudence3 quoique cela reste délicat en pratique, que le maître de l’ouvrage
peut régulariser en cours de chantier une absence de souscription de la garantie
« DO ». En effet, le Conseil d’État a considéré que « le seul fait de l’engagement
des travaux ne rend pas certaine la survenance d’un dommage, ni impossible l’éva-
luation de l’aléa ».
La justification de la souscription doit être faite à la date de la déclaration
d’ouverture du chantier par combinaison des articles L. 243-2 et R. 243-2 du
Code des assurances. Elle doit également être établie à l’occasion de toute muta-
tion durant les dix ans suivants la réception. Dans ce cas, le notaire devra – sous
peine d’engager sa responsabilité – porter à l’acte les informations concernant la
souscription (ou l’absence de souscription) de la garantie « DO ».
En matière d’assurance de responsabilité, les polices sont souscrites à l’année
avec obligation pour l’assuré de signaler à l’assureur les diverses ouvertures de
chantier, effectuées durant cette année.
Le moment de la justification de la souscription de l’assurance RC décennale
obligatoire est fixé par la loi à trois niveaux :
– pour ce qui concerne le début des travaux, une évolution des textes doit
être signalée. Celle-ci a connu trois époques :
❍ lors de la mise en œuvre de la loi, au début des années 1980, il a été

admis que les entreprises devaient justifier de la souscription de la garantie

3. En droit public tout au moins, CE, 19 janvier 1998, SNC Grand Littoral, Req. no 182447.
130 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

à la date de la DROC (Déclaration réglementaire d’ouverture du chan-


tier). Ceci résultait de l’article R. 243-2 du Code des assurances qui
dispose que « les justifications prévues à l’article L. 243-2 doivent être appor-
tées lors de la déclaration d’ouverture du chantier à l’autorité compétente ».
On notera ici que l’autorité publique se voyait reconnaître un rôle de
contrôle très intéressant qu’elle n’a jamais accepté de remplir. En effet,
ce contrôle par l’autorité publique aurait pu être un gage important de
sécurité pour les accédants à la propriété immobilière mais la disposition
est restée lettre morte, en pratique. Fort heureusement, la réglementation
du secteur protégé (vente sur plan, contrat de construction de maison
individuelle) fait de la justification de la souscription des polices obliga-
toires en assurance construction une mention obligatoire – sous peine de
nullité – des contrats d’accession.
Cependant, cette façon de concevoir la justification de l’obligation d’assu-
rance présentait quelque faiblesse, lorsque l’entreprise concernée se trou-
vait reprendre un chantier sans avoir été régulièrement assurée lors de la
date de la DROC,
❍ c’est pourquoi, dans un second temps, l’interprétation jurisprudentielle
de l’article L. 241-1 du Code des assurances a fixé la justification de
l’obligation d’assurance de RC décennale à la date d’ouverture effective
du chantier par l’entrepreneur assuré4.
Dans cette conception des choses, l’obligation d’assurance (permettant,
en clair, la mobilisation de la police en cas de sinistre) étant satisfaite à
la date d’ouverture matérielle du chantier, la RC des entreprises repre-
nant un ouvrage pouvait être, valablement, garantie.
En revanche, la preuve du fait matériel d’ouverture du chantier ne
manquait pas de poser quelques difficultés en pratique, alors que la
production du formulaire de la DROC était, sous l’empire de la concep-
tion précédente, des plus aisées,
❍ aujourd’hui, la réforme des clauses types prévues à l’article A. 243-1 du
Code des assurances, intervenue par le biais de l’arrêté du 19 novembre
2009, ménage une nuance permettant d’allier la solution initiale à deux
exceptions consacrant la jurisprudence précitée du « commencement
effectif du chantier ».
Ainsi le principe de la justification de la garantie « R. C. décennale » à
la date de la DROC est restauré. Il s’agit donc de la solution de principe
qui reprend la solution initialement adoptée.
Toutefois, la réforme prend en considération les cas où cette solution ne
peut trouver application et qui sont au nombre de deux. Ainsi, le prin-
cipe se complète de deux exceptions.
Une première exception concerne les travaux qui, tout en relevant de

4. Cass. 3e civ., 13 novembre 2003, Bull. civ. III, no 193 ; Cass. 3e civ. 18 février 2004 ;
Bull. civ. 2004, III, no 30.
CHAPITRE 1 – LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ASSURANCE OBLIGATOIRE 131

l’assurance obligatoire, ne nécessitent pas une autorisation administra-


tive. Dans ce cas, la date repère est celle du commencement des
travaux puisque, bien entendu, à défaut de permis de construire,
aucune DROC ne peut être délivrée.
Une seconde exception est prévue, « lorsqu’un professionnel établit son
activité postérieurement à la date unique ainsi définie, et par dérogation à
l’alinéa précédent, cette date s’entend pour lui comme la date à laquelle il
commence effectivement ses prestations ». Cette exception se conçoit aisé-
ment car, dans ce cas, la solution de principe, retenant la date de la
DROC, ne peut recevoir application dès lors que l’assuré à cette date
n’intervenait pas sur le chantier, voire même n’avait pas commencé
d’exercer son activité.
Si la notion de « commencement effectif des travaux » est consacrée
et si elle fait l’objet d’une interprétation stricte par la Cour de cassa-
tion5, reste le problème de sa définition pratique.
On considérera qu’il s’agit de la date de sa première intervention de
construction sur le chantier donc de sa première réelle prestation (quid
des mesures préparatoires telles qu’approvisionnement du chantier ?) ;
– durant le temps du chantier et à tout moment pendant celui-ci, par effet
de l’article R. 243-2 du Code des assurances. En vertu de ce texte, le
maître de l’ouvrage peut à tout moment demander à l’architecte mais
aussi à l’entrepreneur ou à tout autre assujetti à l’assurance obligatoire de
justifier de la souscription d’une police valide pour les travaux en cours.
Cette disposition pourra paraître parfois redondante par rapport à l’obliga-
tion de justification à l’ouverture du chantier évoquée plus haut ;
– à l’occasion de toute mutation durant les dix ans suivants la réception. Dans
ce cas, le notaire devra – sous peine d’engager sa responsabilité – porter à
l’acte les informations concernant la souscription (ou l’absence de souscrip-
tion) de la garantie R. C. décennale obligatoire (art. L. 243-2, C. assur.).
En effet, au terme d’une jurisprudence ancienne mais constante6, on sait que
le notaire doit assurer à l’acte qu’il rédige une totale efficacité « notamment en
ce qui concerne la protection des parties ».
192. La loi reprend ce principe en le précisant. Ainsi, le notaire doit
mentionner non seulement l’existence (ou l’absence) des polices obligatoires
mais également les coordonnées et références de la compagnie concernée,
lorsque les garanties sont souscrites. Le mieux est bien entendu d’adjoindre à
l’acte, une attestation en bonne et due forme, émanant de la compagnie
elle-même. En revanche, aucune obligation ne pèse sur le notaire au sujet de
l’identité des constructeurs ni même de la date de la réception des travaux, ce
qui se révèle en pratique très dommageable si le bien a été construit à l’initia-
tive d’un promoteur qui l’a vendu sur plan. Enfin, le notaire, s’il doit

5. Cass. 3e civ, 16 novembre 2011, pourvoi no 10-24517.


6. Cass. 3e civ., 7 février 1989, Bull. civ. III, no 69.
132 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

mentionner l’absence de souscription de la garantie « Dommages ouvrage » par


le maître de l’ouvrage, n’engage pas sa responsabilité en ne signalant pas à
l’acquéreur, les conséquences de ce défaut d’assurance7.
Il est admis que la faute du notaire dans l’accomplissement des obligations
visées à l’article L. 243-2 du Code des assurances et à son obligation de
conseil, le conduit à être condamné à réparer le préjudice lié à la perte de
chance d’être indemnisé au cas de sinistre décennal8.
Toutefois, le notaire n’est pas le seul à engager sa responsabilité en cas de
non-souscription de la garantie obligatoire. Ce point est important car, en
pratique, le maître d’ouvrage victime d’une malfaçon d’ampleur décennale
risque fort de se trouver confronté à une entreprise qui, bien que responsable,
a disparu ou ne présente pas les capacités financières nécessaires pour assurer le
coût des reprises à mettre en œuvre.
Ainsi, le gérant d’une société qui réalise des travaux de construction soumis à
l’obligation d’assurance sans avoir souscrit les garanties en cause, engage sa
responsabilité personnelle9. En effet, la jurisprudence considère que le défaut
de souscription de la garantie « RC décennale » obligatoire alors qu’est
ouvert un nouveau chantier, n’est pas un acte détachable de la fonction de
gérant et de dirigeant de la société10.
Il en est de même de l’architecte qui, chargé du suivi du chantier, n’exige pas
des entreprises intervenant sur l’ouvrage, la justification de la souscription de
l’assurance obligatoire. Cette diligence n’est pas détachable de la mission
complète de maîtrise d’œuvre confiée à cet architecte11.
Enfin, le courtier voit aussi sa responsabilité engagée au cas où il manquerait à
son obligation d’information et de conseil en présence d’un cas où la souscrip-
tion d’une garantie obligatoire s’imposait12.

IV – Les sanctions de la non-souscription des garanties obligatoires


193. On distinguera les sanctions pénales des sanctions civiles.
L’obligation de s’assurer au titre du risque décennal, tant en DO qu’au titre de
la RC décennale est assortie de sanctions pénales importantes. Il s’agit d’une
amende de 75 000 € et/ou d’un emprisonnement de six mois (art. L. 243-3,
C. assur.). L’infraction est un délit instantané (contrairement à l’infraction
de construction sans permis qui est une infraction successive), apprécié objec-
tivement à la date prévue par les textes pour la justification de la souscription
des garanties obligatoires sans aucune prise en compte de l’intention du

7. Cass. 1re civ., 13 mars 2001, Bull. civ. I, no 67.


8. Cass. 3e civ, 9 décembre 2010, Juris-Data, no 2010-023218.
9. CA Douai, 15 novembre 2001, Juris-Data, no 2011-026295.
10. Cass. com., 28 septembre 2010, Juris-Data, no 2010-017070.
11. Cass 3e civ., 16 mars 2005, pourvoi no 04-12950.
12. Cass. 3e civ., 21 décembre 2006, Juris-Data, no 2006-036729.
CHAPITRE 1 – LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ASSURANCE OBLIGATOIRE 133

contrevenant. L’élément moral est donc mis de côté et ne sont pris en compte
que l’élément matériel et l’élément légal de l’infraction.

Exemple
Un syndic de copropriété qui s’était abondamment renseigné et qui, sur la foi des infor-
mations ainsi collectées, s’était abstenu de souscrire la garantie « Dommages ouvrage »
pour des travaux à effectuer sur une copropriété, a été considéré comme étant en infrac-
tion et de ce fait accessible à la sanction pénale de l’art. L. 243-3 du Code des
assurances.

Toutefois, par exception, la personne physique construisant un logement


pour l’occuper elle-même ou l’affecter à sa famille n’est pas visée par cette
incrimination.
Enfin, on observera que cette incrimination est rarement retenue par les
parquets pour renvoi en audience de jugement.
Le défaut de souscription des garanties obligatoires est susceptible également
d’entraîner une sanction civile à l’encontre des contrevenants. Elle pourra
résulter d’une constitution de partie civile, conformément à l’article 2 du
Code de procédure pénale ou d’une action intentée devant les juridictions
civiles elles-mêmes, en l’absence de procès pénal.
En effet, l’obligation d’assurance ayant un caractère légal, l’absence de garantie
constitue un préjudice pour la victime indépendamment de tout sinistre actuel
car l’assurance est véritablement attachée à l’immeuble et son absence prive la
victime, si un dommage survient, de la garantie correspondante13.
La condamnation la plus efficace consistera sans doute en la fourniture par le
contrevenant de la garantie manquante, soit en valeur, soit en nature par le
biais d’une condamnation sous astreinte à souscrire pour le compte du proprié-
taire du bien la garantie en question. En effet, on sait que la souscription après
l’ouverture du chantier est reconnue possible par les juridictions.
B. L’obligation d’assurer
194. Cette obligation originale se divise en deux branches : d’une part l’assu-
reur construction est obligé par la loi de fournir aux candidats à l’assurance une
police en bonne et due forme ; d’autre part, comme on l’a indiqué plus haut, le
contenu lui-même de la police est soumis à une forme obligatoire.
I – L’obligation de fourniture de la garantie obligatoire
Pour satisfaire à la première de ces branches, la loi a instauré un organisme
spécifique de contrôle : le BCT (Bureau central de tarification).

13. Cass. 3e civ., 23 novembre 2005, Bull. civ. III, no 225.


134 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

a) Présentation et rôle du Bureau central de tarification (BCT)


195. Cette obligation représente pour l’assureur l’obligation symétrique de
celle de l’assuré car il est nécessaire que celui-ci soit mis en mesure de satisfaire
à l’obligation légale, sanctionnée pénalement, qui lui est faite. Cette obligation
d’assurer est gérée par le BCT en vertu de l’article L. 243-4 du Code des
assurances.
Jadis distinct de ses homologues en matière d’assurance-automobile ou autre, le
BCT est désormais unifié et son régime est décrit aux articles R. 250-1
et suivants du Code des assurances.
Le BCT est une autorité administrative indépendante composée d’un prési-
dent, issu du Conseil d’État, de la Cour de cassation ou de la Cour des
comptes, de six représentants des assureurs, de six représentants des assurés
assujettis, lesquels sont nommés pour trois ans par arrêté du ministre de l’Éco-
nomie et des Finances, et enfin d’un Commissaire du gouvernement nommé
également par le ministre des Finances. Ce n’est donc pas un organe juridic-
tionnel ni un organisme arbitral collégial14 et ses décisions peuvent être défé-
rées à la censure du Conseil d’État.
Le rôle du BCT est double mais une fonction supplémentaire s’ajoute, en
pratique, à ces deux rôles :
– en premier lieu, le BCT doit juger de l’aléa assurable15 mais également du
fait que l’activité ou l’ouvrage à assurer entre bien dans le champ de l’assu-
rance obligatoire. À défaut un régime de droit commun s’appliquera à
l’affaire.

Exemple
La définition des EPERS (éléments pouvant entraîner une responsabilité solidaire) ;
l’assurabilité d’un nouveau procédé, etc.

En principe, le BCT peut considérer que le procédé nouveau ne présente pas


une fiabilité suffisante pour respecter l’exigence d’un aléa, indispensable à
toute opération d’assurance (les sinistres apparaissant comme certains).
Ainsi, si le BCT constate que le type de construction soumis à la demande
de garantie est de nature à engager de façon quasi-certaine la responsabilité
décennale des constructeurs, il n’est pas tenu d’imposer à l’assureur de déli-
vrer une Police décennale obligatoire. En effet, il y a lieu de conserver à
l’esprit que le contrat d’assurance est un contrat aléatoire qui suppose
qu’existe un certain aléa16 indispensable à l’équilibre financier de l’assureur
et donc à sa pérennité.
Ce type de décision est cependant très rare en pratique ;

14. CE, 7 novembre 1984, COTEBA, RGAT 185, p. 259.


15. CE, 29 janvier 1988, SARL Comptoir du bâtiment de Montamisé, RGAT 1988, p. 833.
16. CE, 29 janv. 2003, SCI Le Village Regain, Req. no 236999, Juris-Data, no 2003-064977.
CHAPITRE 1 – LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ASSURANCE OBLIGATOIRE 135

– en deuxième lieu, le BCT fixe le montant de la prime, éventuellement


spéciale, mais aussi de la franchise, moyennant lesquelles l’entreprise
d’assurance concernée est tenue de garantir le risque qui lui est proposé ;
– enfin, le BCT rend une décision consacrant le caractère assurable de l’acti-
vité, sa soumission à l’assurance obligatoire et la fixation de la prime
correspondant au risque à garantir. De cette importante décision, il
résulte que le BCT exerce une action contraignante à l’égard de ladite
compagnie.
Certes, il n’a aucun moyen matériel d’obliger la compagnie à garantir le risque.
Cependant, par effet de l’article L. 243-6 du Code des assurances, cette
dernière, si elle persiste dans son refus de garantir un risque dont la prime a
été fixée par le bureau central de tarification, encourt le retrait de l’agrément
prévu par l’article L. 321-1 du Code des assurances, c’est-à-dire du « sésame »
qui lui permet d’exercer en France, des opérations d’assurance.
b) La procédure devant le BCT
196. Elle est simple et se déroule en quatre phases principales :
– avant toute saisine du BCT, l’assuré doit adresser, en recommandé avec
avis de réception, une demande de souscription d’une des deux garanties
obligatoires à une compagnie d’assurance ;
– en cas de refus ou de silence de la compagnie pendant 45 jours, le BCT
peut être saisi sous 15 jours, par pli également recommandé ;
– le BCT procède alors à l’instruction de l’affaire sur la base des pièces qui sont
demandées aux parties en présence et qu’elles doivent obligatoirement fournir ;
– le BCT prend alors sa décision par vote à la majorité des présents. La
décision est transmise sous dix jours aux intéressés.
La décision administrative ainsi prise est susceptible de recours pour excès de
pouvoir devant la juridiction administrative, sous deux mois à compter de sa
notification.
II – Le contenu obligatoire des polices
197. La loi du 4 janvier 1978 a tranché avec les pratiques antérieures en
n’abandonnant plus le contenu des contrats à la discrétion des cocontractants.
Ceci est heureux car le contrat d’assurance est un contrat d’adhésion et les
assureurs n’avaient pas hésité à imposer parfois aux souscripteurs des clauses
d’exclusion ou autres, parfois contestables.
À l’heure actuelle, le contrat d’assurance construction, considéré au niveau des
garanties obligatoires, se doit d’être conforme à des clauses types d’origine
réglementaire. Ainsi, l’article L. 243-8 du Code des assurances indique que
ces contrats sont « nonobstant toute clause contraire réputée comporter des garan-
ties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types... ».
136 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Ces clauses types sont annexées à l’article A. 243-1 du même code, lequel
comprend donc deux annexes :
– annexe I : « Clauses types applicables aux contrats d’assurance de respon-
sabilité » (obligatoire) ;
– annexe II : « Clauses applicables aux contrats d’assurance dommages »
(obligatoire).
Ces clauses s’imposent comme un minimum obligatoire, les parties pouvant tout
à fait stipuler des conditions plus favorables. Elles ont connu un certain nombre
de modifications dont certaines ont un peu écorné la logique d’ensemble voulue
à l’origine. Ainsi par exemple, la loi du 31 décembre 1989 est venue reprendre
les dispositions procédurales applicables en matière de « Dommages ouvrage »,
lesquelles étaient déjà contenues à l’annexe II précitée. De même, et en consé-
quence, l’arrêté du 13 juillet 1990 dit « arrêté-trou », en principe prévu pour
harmoniser les clauses types à la suite de la promulgation de la loi du 31 décembre
1989, a créé par plusieurs abrogations de textes des clauses types, un certain
nombre de trous, nuisibles à la compréhension de l’ensemble.
En tout état de cause, il est impératif d’examiner, pour chaque question qui se
pose, le libellé de la partie législative du Code des assurances puis les clauses
types, la priorité revenant en cas de conflit à la loi17.

§2. Le champ d’application de l’assurance obligatoire


A. La problématique de la définition du champ
de l’assurance construction obligatoire
198. La loi de 1978 avait prévu de définir le champ d’application de l’assu-
rance obligatoire grâce à deux clés :
– d’une part, la notion « d’ouvrage » au sens de l’article 1792 du Code civil,
complétée par la notion « d’éléments d’équipement » qui commandait la
définition du dommage décennal ;
– d’autre part, la notion de « travaux de bâtiment », plus restreinte, prévue
par le Code des assurances qui fixait le champ de l’assurance associée au
risque décennal.
Cette notion a connu une évolution surprenante, génératrice de nombreuses
difficultés dont on retracera brièvement l’historique, pour aider à la compré-
hension des règles actuellement en vigueur.

17. Cass. 1re civ., 10 janvier 1995, Bull. civ. I, no 22.


CHAPITRE 1 – LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ASSURANCE OBLIGATOIRE 137

Cette évolution a connu quatre époques :


I – Le champ défini par la loi
La première époque : en 1978, force était de constater que les termes « travaux
de bâtiment » constituaient une base pour l’application de l’assurance obliga-
toire sans être pour autant définis par la loi.
Pour remédier à cette carence, le pouvoir réglementaire a cru pouvoir créer une
définition, insérée dans les clauses types obligatoires.
Ainsi un article A. 241-2 du Code des assurances retenait « les travaux dont
l’objet est de réaliser ou de modifier les constructions élevées sur le sol à l’intérieur
desquelles l’homme est appelé à se mouvoir... ».
Cependant, le pouvoir réglementaire n’était pas compétent. En effet, la défini-
tion des « travaux de bâtiment » commandait notamment la définition de
l’infraction pénale de défaut d’assurance, ce qui est l’apanage de la loi
(article 34 de la Constitution). Cette évidence avait été soulignée par le
Conseil d’État lors de l’élaboration du texte mais sans être entendu du
pouvoir réglementaire.
II – L’annulation de cette définition par le Conseil d’État
La définition réglementaire illégale a été annulée par le Conseil d’État,
statuant cette fois au contentieux, ceci dès 197918.
On a pu légitimement s’interroger sur le fondement de cette annulation.
S’agissait-t-il de la compétence exclusive du parlement en ce qui concerne
« les principes fondamentaux régissant la propriété et les obligations civiles » ?
S’agissait-il plus probablement comme on l’a dit plus haut, de la compétence
exclusive de la loi en matière de définition des sanctions pénales ?
Toujours est-il que l’arrêt précise que « si le ministre est habilité par les arti-
cles L. 310-7 et L. 243-8 du Code des assurances à imposer des clauses types
devant obligatoirement figurer dans les contrats, ces dispositions ne l’autorisent pas
à adopter des mesures réglementaires déterminant le champ de l’application de la
loi ».
Cette annulation a créé un vide dans le schéma initialement souhaité par les
pouvoirs publics : en effet, rien ne permettait plus de définir le champ de l’assu-
rance construction obligatoire à défaut d’intervention du législateur lui-même.
La solution à cette carence, la nouvelle définition du champ de l’assurance
obligatoire, pouvait résulter de la saisine du BCT, sous le contrôle du Conseil
d’État, à l’occasion d’un litige relatif à la fourniture d’une police obligatoire.
On a vu que cette formation administrative doit indirectement définir le
champ de l’assurance obligatoire pour pouvoir ensuite définir si elle a ou non

18. CE, 30 novembre 1979, RGAT 1979, no 4, p. 483.


138 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

le devoir de fixer les conditions de la couverture d’assurance obligatoire, condi-


tions qui s’imposeront à l’assureur récalcitrant.
La solution pouvait également provenir de la Cour de cassation prise en sa
formation pénale à l’occasion d’une infraction à l’obligation édictée par les
articles L. 241-1 et L 242-2 du Code des assurances. En effet, celle-ci doit
qualifier l’infraction de défaut d’assurance obligatoire, ce qui présuppose
qu’elle définisse si l’assurance en question était ou non obligatoire dans
l’espèce, à elle soumise.
La solution pouvait enfin résulter de la Haute juridiction prise dans sa forma-
tion civile à l’occasion de la mise en œuvre des garanties obligatoires.
Il fallait donc savoir qui prendrait l’initiative.
III – L’intervention de la Cour de cassation
Après quelques hésitations, c’est la Cour de cassation prise en sa formation
civile qui a tenté d’imposer une définition.
Dans un premier temps, la doctrine a regretté que la Cour de cassation ait
débuté sa mission d’interprétation de la loi en se rangeant derrière la
commune intention des parties, ce qui en matière de garanties obligatoires
pouvait paraître pour le moins insuffisant. En effet, la Haute juridiction avait
choisi de définir le champ de l’assurance obligatoire à partir de ce que les
parties avaient entendu inclure par les stipulations du contrat, dans le péri-
mètre de l’assurance obligatoire.
C’est en 1991 que, dans un second temps, la Cour de cassation a mis au jour la
notion de « techniques faisant appel aux travaux de bâtiment »19 pour déli-
miter l’assurance obligatoire. La Haute juridiction s’exprimait en ces termes :
« Attendu que le contrat se référant pour l’ensemble de ses dispositions à travers
l’article A. 241-2 du Code des assurances annulé par arrêt du Conseil d’État, à la
notion de travaux de bâtiments dans leur acception obligatoire de l’article L. 241-1
du Code des assurances, que cet arrêt avait défini illégalement, c’est à bon droit que
la Cour d’appel s’est référée aux notions de cet article. Que les juges du fond qui ont
retenu que les malfaçons du mur de soutènement dont la construction fait appel aux
techniques de travaux de bâtiment étaient de nature à entraîner la garantie... ».
Comme on le constate, la Cour renonce en premier lieu à la définition
contractuelle du champ d’application de l’assurance obligatoire, pour prendre
ensuite et par voie de conséquence l’initiative d’une interprétation de la défi-
nition légale.
L’assurance obligatoire s’appliquait, selon la Cour, chaque fois qu’une technique
propre au bâtiment était mise en œuvre, ce qui excluait, par a contrario, les cas où
ce sont des techniques de génie civil qui sont employées. Une solution jurispru-
dentielle unique, applicable à toutes les polices, était donc enfin dégagée.

19. Cass. 1re civ., 26 février 1991, Bull. civ. I, no 75.


CHAPITRE 1 – LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ASSURANCE OBLIGATOIRE 139

La doctrine a cependant, dès l’origine de cette jurisprudence, regretté le critère


de « techniques de bâtiment », qu’elle a considéré comme difficile à mettre en
œuvre car nul ne sait vraiment ce que sont les techniques du bâtiment.

Exemple
Le recours à un bulldozer (matériel de génie civil) pour créer la surface de construction
d’un immeuble. A contrario, recours à des techniques de génie civil pour la construction
de l’arche de la Défense, immeuble creux, en élévation et habité.

La doctrine reprochait en outre à ce critère son caractère dangereusement


extensif. Cet avis était tout à fait fondé et le critère jurisprudentiel a rapidement
évolué (voire dérapé) en englobant dans l’assurance décennale obligatoire des
éléments d’équipement à vocation professionnelle, étrangers à la logique de
« construction » au motif qu’ils avaient été installés grâce à des techniques du
bâtiment20.
Or, pour les travaux en cause, une prime n’avait pas toujours été appelée.
Enfin, ce caractère extensif a été poussé à l’extrême par la Première chambre de
la Haute juridiction qui n’a pas hésité à utiliser le critère des travaux faisant
appel aux « techniques de bâtiment » à des dommages affectant une construc-
tion existante21.
Dans cette affaire particulière, un incendie était survenu dans l’extension d’un
bâtiment existant (sur un insert de cheminée) et avait détruit l’extension
neuve mais aussi la maison attenante qui lui préexistait. Or là, par application
du critère des travaux faisant appel aux « techniques de bâtiment », l’assureur
décennal se voyait contraint d’assumer l’indemnisation des dommages causés
aux travaux neufs mais également à ceux affectant l’existant.
Le motif était que les travaux d’extension, à l’origine du sinistre, relevaient des
« techniques du bâtiment » ; l’équilibre de la garantie était compromis faute
d’avoir intégré à la prime la valeur de l’existant.
Face à cette approche extrêmement large des garanties, la Troisième chambre
civile de la Cour de cassation a semblé souhaiter recentrer l’assurance cons-
truction sur le concept de « construction ». Ce recentrage indispensable
pouvait paraître en opposition avec les positions de la Première chambre,
quoique la doctrine de l’époque se soit ingéniée à gommer la différence
d’approche.
La Troisième chambre civile a ainsi proposé de retenir le rattachement de
l’obligation d’assurance à la notion de « travaux de construction »22.

20. Cass. 1re civ., 26 mars 1996, Bull. civ. I, no 149, Letiercé : arrêt de principe relatif à un silo
à grains installé sur un socle.
21. Cass. 1re civ., 29 février 2000, Bull. civ. I, no 65, Chirinian.
22. Cass. 3e civ., 22 juillet 1998, Bull. civ. III, no 170.
140 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Par cet arrêt de principe (arrêt Danno), la Haute juridiction a considéré, s’agis-
sant de la défectuosité d’une « machine à soupe » pour préparer la nourriture
des porcs, que les juges du fond ne pouvaient avoir statué « sans rechercher si le
matériel atteint de désordres relevait des travaux de construction ».
Le différend apparaît aujourd’hui évident.
Certes, l’objectif de la Première chambre civile de la Cour de cassation était
louable car elle incitait chacun à satisfaire à une obligation d’assurance
étendue, sanctionnée pénalement, puis à bénéficier des garanties souscrites
en cas de sinistre. Cependant, la charge financière excessive pesant sur les assu-
reurs – qui n’avait pas été anticipée au niveau des primes – mais également
l’insécurité juridique qui régnait du fait de ce critère extensif rendait néces-
saire une réforme.
De même, la solution retenue par la Troisième Chambre présentait l’avantage
de délimiter de manière claire le champ de l’assurance construction autour des
travaux effectués sur site et consacrés à l’édification d’un ouvrage de construc-
tion par l’appareillage de matériaux (la loi de 1978 dirait « d’éléments consti-
tutifs » !) mais elle nécessitait une consécration légale.
IV – L’ordonnance du 8 juin 2005
Cette quatrième et dernière époque en date, la réforme souhaitable est venue
préciser le champ de l’assurance construction obligatoire. L’élaboration de
celle-ci a pris presque dix ans et s’est intégrée à une réflexion plus vaste (cf. infra
au sujet de la procédure « Dommages ouvrage », nos 230 et 235). L’on peut
estimer à ce jour que l’évolution n’est pas encore terminée.
Il n’en est pas moins vrai que le pas décisif a été franchi au sein de cette évolu-
tion globale, avec l’installation d’un « comité de sages » réuni sous la haute
présidence du Professeur Périnet-Marquet. Ce comité a déposé, fin 1997, un
rapport important23. Celui-ci, après un récapitulatif très précis et soigneux des
opinions des diverses parties prenantes de la réforme à venir, dressait un état
des lieux et suggérait deux pistes :
– soit créer une définition positive (de même genre que la définition retenue
jadis par les pouvoirs publics) qui serait peaufinée par la jurisprudence ;
– soit aligner le champ d’application de l’assurance obligatoire sur celui de la
responsabilité civile décennale et définir négativement par des exclusions
le domaine de l’assurance (définition négative fondée sur le « tout sauf »).
La réforme a été réalisée par le biais d’une ordonnance no 2005-658, en date
du 8 juin 2005 qui a pris effet le 9 du même mois pour ce qui concerne le volet
assurance. Il convient donc d’examiner, à présent, les apports de cette réforme.
Celle-ci retient, en définitive, la méthode « négative » pour définir le champ
actuel de l’assurance construction obligatoire.

23. RDI 1998, p. 1 et s.


CHAPITRE 1 – LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ASSURANCE OBLIGATOIRE 141

B. La réforme du 8 juin 2005 : la définition actuelle


du champ de l’assurance construction obligatoire
199. En ce qui concerne le champ de l’assurance construction obligatoire,
l’action du « législateur » prend trois formes.
Au niveau de l’ensemble de la réglementation (Code civil et Code des assu-
rances), les termes de « travaux de bâtiment » disparaissent pour laisser place
aux termes de « travaux de construction ». Le titrage du Code des assurances,
pris dans sa partie régissant l’assurance construction, mais également le corps
de ces dispositions retient donc désormais ces nouveaux mots. Au niveau du
Code civil, les mots de travaux de bâtiment disparaissent également au profit
du terme « ouvrage ». En outre, l’article 1792-7 dudit Code exclut désormais
clairement du champ de la responsabilité civile décennale elle-même, les
« process industriels » jadis inclus dans l’assurance obligatoire sous l’effet du
critère jurisprudentiel de travaux faisant appel aux « techniques de bâtiment ».
Les éléments de ce type, équipant un ouvrage, sont donc exclus de l’assurance
obligatoire mais peuvent relever d’assurances facultatives.
Au niveau plus particulier du Code des assurances, la réforme procède en
trois temps :
– le recours à la technique du « tout sauf » ;
– l’affinage des exclusions par le biais du concept « d’accessoire » ;
– l’exclusion d’une partie des « existants » dès lors qu’ils ne sont pas
« incorporés ».
I – Le recours à une définition négative
200. La loi retient comme par le passé le principe d’un champ d’application de
l’assurance construction plus réduit que celui de la responsabilité décennale
(on peut imaginer deux cercles concentriques de tailles différentes, celui repré-
sentant la RC étant plus large que celui représentant l’assurance associée).
Cependant, elle ne prend plus le risque, comme jadis, d’une définition positive
pouvant donner lieu à des difficultés d’interprétation.
Ainsi, sur le plan du principe, le champ de l’assurance construction et celui de la
responsabilité décennale se recoupent en théorie (les cercles sont « de même
diamètre »). À partir de cela, l’assurance construction fait l’objet d’une liste d’exclu-
sions qui en réduit le champ : c’est la technique du « tout sauf ». On voit que la
suggestion du comité de sages en ce sens a été mise en œuvre assez fidèlement.
À cet égard, l’ordonnance consacre le recentrage de l’assurance obligatoire sur la
construction stricto sensu. En effet, la réforme Spinetta de 1978 avait clairement
entendu mettre en œuvre un régime obligatoire et protecteur pour la « construc-
tion » et sans doute même pour la « construction de logements », à l’instar du
« secteur protégé » de l’article L. 126-10 du Code de la construction. Il en résulte
deux types d’exclusions.
L’article L. 243-1-1 I du Code des assurances retient ainsi des exclusions systé-
matiques ou « absolues ». Celles-ci s’appliquent de manière inconditionnelle.
142 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Il en est ainsi « des ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, d’infrastructures


routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires mais aussi des
ouvrages de traitement des résidus urbains, de déchets industriels, d’effluents sans
oublier les éléments d’équipements de ces ouvrages ».
On reconnaît ici les activités de génie civil, traditionnellement étrangères à la
« construction » quelles que soient leurs techniques de mise en œuvre : routes,
autoroutes, les voies de chemin de fer ou de tram, les pistes d’aéroports et
d’héliports et sans doute les digues, les quais mais aussi les stations d’épuration,
les incinérateurs de déchets ménagers.
Ces ouvrages et leurs éléments d’équipement sont systématiquement exclus de
l’obligation d’assurance mais également des règles d’ordre public correspon-
dant à la mise en œuvre des garanties « DO ». Les opérateurs définissent
librement le contenu des contrats et sont en général de taille à pouvoir
défendre leurs intérêts respectifs.
II – Le critère de « l’accessoire »
201. Le même article L. 243-1-1 I exclut « les voiries, les ouvrages piétonniers, les
parcs de stationnement, les réseaux divers (VRD), les ouvrages de transport, de
production, de stockage et de distribution d’énergie, les ouvrages de télécommunica-
tion, les ouvrages sportifs non couverts ainsi que leurs éléments d’équipement sauf si
cet ouvrage est accessoire à un ouvrage lui-même soumis à obligation d’assurance ».
Ici, la logique d’exclusion des travaux de génie civil n’est plus systématique :
elle est modulée par un critère : celui de l’accessoire. Cette démarche est
logique car il est juste pour la protection des bénéficiaires que « l’accessoire
suive le principal ».
On reconnaîtra donc les voiries secondaires de lotissements ou de copropriétés,
les réseaux d’adduction d’eau, d’électricité et de gaz, les canalisations
d’eaux-vannes, les piscines privées ouvertes, les drainages, les courts de
tennis, les lignes de téléphone, etc. rattachés à un ouvrage qui est soumis à
l’obligation d’assurance car il n’est pas visé par les exclusions du « tout sauf ».
En pratique – et on peut s’en réjouir – il s’agira principalement des équipe-
ments accessoires d’une construction de logements ou de bureaux où une
protection des maîtres d’ouvrage est nécessaire.
Toutefois, le terme d’accessoire d’un ouvrage soumis à obligation d’assu-
rance fait problème. En l’absence de jurisprudence significative interprétant
ces données trop récentes, on peut retenir deux critères qui sont proposés par
le rapport du Comité de sages :
– d’une part, il s’agit du rattachement physique à une opération soumise à
assurance obligatoire ;
CHAPITRE 1 – LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ASSURANCE OBLIGATOIRE 143

Exemple
Les voiries d’un bâtiment de logement (villa ou immeuble collectif), mais non les VRD
d’un lotissement (division foncière en terrains équipés voués à une construction
ultérieure).

– d’autre part, il s’agit d’un critère de simultanéité de la réalisation des


« accessoires » et de l’opération soumise à assurance obligatoire.
III – L’éviction des existants non incorporés
202. Le troisième axe de la réforme s’inscrit en réaction à la jurisprudence
Chirinian, relative aux dommages affectant les existants dont on a dit quelques
mots. À cet égard, l’ordonnance recentre l’assurance obligatoire sur le
produit même résultant de l’acte de construire.
Selon les dispositions de l’article L. 243-1-1- II du Code des assurances, « les
obligations d’assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l’ouver-
ture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage
neuf, en deviennent techniquement indivisibles ».
On le voit, il s’agit d’exclure les existants de l’arrêt Chirinian, c’est-à-dire ceux
qui sont distincts de l’ouvrage neuf et non incorporés à lui.
Le dommage affectant l’insert défectueux conduira à la réparation de celui-ci
et de l’extension neuve qui l’abrite et qui a brûlé, mais non plus de la maison
accolée ayant reçu ces travaux.
Les poutres de plancher en bois, incorporées à un plancher béton et affaiblies
par le poids de celui-ci, relèveront de la garantie obligatoire mais non les
poutres décoratives rapportées en sous-face dudit plancher et préexistantes.
Si la notion d’accessoire apparaît indispensable dans son principe pour
découper de manière cohérence le champ d’application de l’assurance obliga-
toire et répondre à l’objet même de cette couverture d’assurance, la mise en
œuvre du concept n’est pas, on le voit, des plus aisées.
Les dispositions qui viennent d’être exposées sont entrées en vigueur le 9 juin
2005 : elles s’appliquent à toute nouvelle ouverture de chantier à compter de
cette date. Toutefois, la Cour de cassation semble avoir décidé d’appliquer
également aux affaires en cours le dispositif nouveau24. Il est plaisant d’observer
que les faits qui ont donné naissance à cette jurisprudence sont les mêmes que
ceux qui avaient été à l’origine du « dérapage » du champ d’application de
l’assurance obligatoire en matière d’existants avec l’arrêt précité Chirinian
(incendie dû à un insert installé dans un ouvrage rajouté à un existant).
On notera que les représentants des assureurs et des constructeurs ont mis au
point une garantie facultative en dommage qui doit être proposée

24. Cass. 3e civ., 5 juillet 2006, Bull. civ. III, no 167.


144 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

systématiquement et couvre ces dommages « hors garantie obligatoire ».


Celle-ci résulte de la convention du 8 septembre 2005 et doit être proposée,
en assurance de chose, aux maîtres d’ouvrage pour le paiement des travaux de
réparation des dommages de nature décennale affectant tout « existant divi-
sible ». Bien entendu, la valeur des existants doit désormais faire l’objet d’une
déclaration, ce qui permet à l’assureur d’établir une prime en rapport et de
sauvegarder l’équilibre financier indispensable à toute opération d’assurance.
203. Au total, s’agissant des existants, on tentera d’observer un dégradé de
trois solutions :
– s’agissant de travaux sur existants ne constituant pas en eux-mêmes un
ouvrage (entretien de menus équipements, peinture sans fonction d’étan-
chéité) : ces travaux « neufs » sont, comme par le passé, exclus de l’assu-
rance obligatoire car ils ne sont pas soumis à la responsabilité décennale,
pas plus que leur conséquence sur l’existant ;
– s’agissant des dommages causés aux ouvrages préexistants « incorporés et
techniquement indivisibles », par des ouvrages neufs : la garantie obliga-
toire souscrite pour l’ouvrage neuf devra prendre en compte les dommages
de cet existant « incorporé » ;
– s’agissant des dommages causés aux ouvrages préexistants qui ne sont pas
« incorporés et techniquement indivisibles », par des ouvrages neufs : la
garantie obligatoire souscrite pour l’ouvrage neuf ne pourra pas prendre
en compte les dommages de cet existant non « incorporé ». Seule, la
garantie facultative souscrite par le maître d’ouvrage pourra intervenir.

Exemple
Des fissures, résultant d’un nouveau garage attenant à une villa, apparaissent sur ladite
villa : l’assurance obligatoire n’est pas concernée.

L’ordonnance du 8 juin 2005 a l’incontestable mérite de redonner du sens à


l’assurance obligatoire en recentrant celle-ci sur son objet « historique » et en
lui permettant de calculer ses primes en fonction d’un risque désormais assez
clairement défini. Elle réduit en outre l’insécurité juridique. Toutefois, certains
inconvénients pourraient apparaître dans l’avenir.
Pourra-t-on faire l’économie des difficultés d’interprétation des termes de la
liste d’exclusion actuelle (exemple : l’accessoire) ? Ne va-t-on pas souffrir du
caractère limitatif d’une liste dont la valeur législative rend très difficile son
actualisation au gré des évolutions de la technique (une loi est nécessaire) ?
Cette réforme permettra-t-elle à l’assurance construction de retrouver un équi-
libre financier ? La réponse est probablement négative puisque plusieurs études
ont été engagées après l’ordonnance du 8 juin 2005 et que la réflexion semble
toujours en cours en vue de modifier, ou du moins d’affiner, les définitions.
L’ordonnance du 8 juin faisait suite à une loi d’habilitation 2004-1343 du
9 décembre 2004 (art. 40 et 44). L’ensemble des dispositions, définissant le
CHAPITRE 1 – LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ASSURANCE OBLIGATOIRE 145

champ de l’assurance obligatoire résultant de ces textes à valeur législative,


sont applicables aux marchés conclus à compter du 9 juin 2005. On peut
rappeler que la jurisprudence s’en inspire désormais directement pour des
dossiers concernant des chantiers antérieurs au 9 juin 2005.
Nos 204 à 220 réservés.

Bibliographie

BERTOLASO, « L’actualisation des clauses types en assurance construction : un chantier


inachevé », Constr.-Urb. 2010, Étude no 2.
DESSUET, « L’arrêté du 19 novembre 2009 : de nouvelles clauses types en matière d’assu-
rance construction obligatoire », RDI 2010, p. 72.
LEGUAY, « Les nouvelles clauses types : une occasion manquée », RDI 2010, p. 240.
LESAGE, « Techniques de travaux de bâtiment : les magistrats sous-traitent aux experts »,
L’Assurance Française, Déc. 1996, p. 51.
MALINVAUD (P.), « De la notion de bâtiment à celle de techniques de travaux de bâti-
ment », Resp. et assurances 1991, chron. no 14 ; – « La responsabilité en matière de cons-
truction après l’ordonnance du 8 juin 2005 » RDI 2005, p. 237.
PEISSE, « La réforme relative à l’obligation d’assurance dans le domaine de la construc-
tion », Gaz. Pal. 2005, Doctr. 3896.
Chapitre

2
Les polices d’assurance obligatoires

Plan du chapitre

§1. La garantie « Dommages ouvrage »


§2. L’assurance de responsabilité civile décennale

RÉSUMÉ
221. À l’intérieur du cadre qui vient d’être défini, prennent place deux garanties
obligatoires. Il s’agit, comme on l’a vu, de la garantie que doit souscrire le maître de
l’ouvrage et dénommée « Dommages ouvrage », puis de la garantie souscrite par le
professionnel pour protéger sa responsabilité civile décennale. On rappellera que la
loi Spinetta a instauré un système « à deux détentes » séparant la mission d’indem-
nisation rapide du propriétaire des ouvrages sinistrés de la mission de définition des
responsabilités, et de ce fait de la personne devant supporter la charge définitive du
coût des réparations. Le premier temps du dispositif est dominé par la notion de
« préfinancement » des travaux. Le second est dominé par le concept de « respon-
sabilité ». Le lien entre les deux temps de ce mécanisme résulte de l’action de
subrogé exercé par l’assureur « Dommages ouvrage » à l’encontre de son confrère
assureur de responsabilité.
On observera avec la doctrine que les deux assurances en cause ont le même objet :
la garantie des dommages décennaux atteignant l’ouvrage. Cependant, les deux
garanties ne conduisent nullement à un doublon car le moment de leur interven-
tion et leur finalité se révèlent totalement différents.
148 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Il y a donc lieu dans un premier temps d’aborder l’assurance « Dommages


ouvrage » tant au niveau de sa consistance que de son processus de mise en
œuvre qui apparaît tout à fait spécifique. On pourra alors étudier l’assurance
de « RC décennale » considérée dans son contenu mais surtout par ces
limites au titre desquelles figure la désormais célèbre non garantie pour défaut
de déclaration de l’activité exercée par le locateur d’ouvrage responsable.

§1. La garantie « Dommages ouvrage »


A. Présentation générale de la garantie
I – Définition et textes
222. La garantie Dommages ouvrages (« DO ») est régie par l’article L. 242-1
du Code des assurances. Celui-ci instaure et décrit cette garantie mais, depuis
1989, prévoit également les modalités de mise en œuvre de celle-ci. Toutefois,
on rappellera l’existence des clauses types figurant à l’annexe II de
l’article A. 243-1 du Code des assurances.
La garantie « Dommages ouvrage » porte fort mal son nom ! En effet, on sait
qu’en matière d’assurance il y a lieu de distinguer l’assurance « de dommage »,
laquelle se divise en « assurance de chose » et en « assurance de responsabilité ».
La première de ces deux garanties correspond à la protection d’un élément de
l’actif du patrimoine de l’assuré : en échange du paiement d’une prime, l’assu-
reur s’engage à verser une indemnité, dans les conditions prévues par le contrat
au cas où survient un événement aléatoire. La notion de responsabilité est
donc tout à fait étrangère à l’opération d’assurance.
La seconde de ces deux garanties correspond à la protection d’un élément du
passif du patrimoine de l’assuré : une dette de responsabilité. Dès lors que
l’assuré aura engagé sa responsabilité face à un tiers dans les conditions stipu-
lées par la police d’assurance, l’assureur devra indemniser la victime, le plus
souvent de nos jours de manière directe.
L’assurance « Dommages ouvrage » est donc en réalité une assurance de
chose. Le mécanisme de ce type de garantie, en ce qu’il exclut toute recherche
de responsabilité avide en délais, est particulièrement adapté à l’objectif de
préfinancement rapide des dommages.
II – Bénéficiaires de la garantie « DO »
223. Bien entendu, le bénéficiaire de la garantie est celui qui l’a souscrite
pour le bien qu’il a fait construire. Le particulier faisant édifier sa maison
(dont il est propriétaire) peut déclarer à l’assureur « DO » les sinistres décen-
naux. Même solution pour le vendeur sur plan jusqu’à la vente des biens en
cause (pour la liste des souscripteurs de l’assurance « DO », cf. supra, no 191).
En cas de ventes successives pendant la durée de garantie, les acquéreurs
successifs de l’immeuble assuré seront tour à tour les bénéficiaires de la
garantie « DO ». On admet que le bénéficiaire est la personne propriétaire à
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 149

la date du règlement car c’est celui-ci qui pourra faire exécuter les reprises. À
noter toutefois que la responsabilité du vendeur ne sera pas engagée au titre de
son obligation de délivrance, en cas d’absence de de souscription de la garantie
DO car la jurisprudence considère que cette garantie ne constitue pas un
« accessoire » indispensable de l’immeuble vendu1.
En principe, le souscripteur de la garantie perd la qualité de bénéficiaire dès
qu’il vend le bien en cause2. Ceci est systématiquement le cas pour le
vendeur sur plan dans le cadre d’une vente d’immeuble à construire. Ceci est
logique car on peut se demander si la garantie ne jouerait pas alors une sorte de
rôle de garantie en responsabilité au profit dudit vendeur. Cela sera également
le cas de tout maître d’ouvrage vendant après achèvement et durant les dix ans
suivants la réception, le bien construit.
Cette règle souffre cependant deux exceptions :
– le vendeur souscripteur peut s’adresser à l’assureur « DO » dans le cadre
d’un recours subrogatoire3, dès lors qu’il aura acquitté le montant des
travaux de reprise d’un dommage décennal ;
– le vendeur d’un bien peut également se substituer à un propriétaire acqué-
reur défaillant et saisir l’assureur « DO » d’une déclaration de sinistre afin
qu’il prenne en charge le montant des travaux nécessaires à la réparation
d’un dommage décennal. On estime que l’intervention du vendeur,
contestable au plan juridique dans son principe, est utile à la conservation
de l’immeuble et participe donc de la mission d’indemnisation rapide
dévolue à l’assureur de chose, ne fût-ce que pour limiter l’ampleur des
dommages.
À noter également que le syndicat de copropriété, s’agissant des parties
communes, a qualité de « bénéficiaire » de la garantie. Ainsi, c’est au syndic
ès qualité qu’il revient de mettre en œuvre la garantie « DO » attachée à
l’ouvrage commun, dans le cadre de la mission de conservation de l’immeuble
que lui attribue l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 relative à la copropriété
et affecter les fonds reçus de l’assureur à la réparation de ces parties communes4.
Bien entendu, pour les parties privatives, le bénéficiaire est le copropriétaire.
Parfois les syndics proposent de jouer le rôle d’interface entre les coproprié-
taires et l’assureur, ce qui n’est pas toujours sans risque (gestion des délais,
information, initiatives procédurales).
Pour finir, il importe d’observer que l’assurance étant attachée à la chose pour
la durée prévue par la loi, il est impossible à l’assureur de résilier la police lors
d’une mutation comme cela est le cas en matière de police « multirisque habi-
tation » (incendie, dégâts des eaux, etc.).

1. Cass. 3e civ., 2 mars 2011, Juris-Data, no 2011-002602.


2. Cass. 1re civ., 22 avril 1992, Bull. civ. I, no 127.
3. Cass. 1re civ., 18 octobre 2000, Bull. civ. I, no 250 ; Cass. 3e civ., 5 juin 2007, Juris-Data
no 2007-039286.
4. Cass. 3e civ., 17 mars 1999, Bull. civ. III, no 69.
150 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

III – La consistance de la prise en charge dans le temps


224. On a vu que la responsabilité pour les dommages décennaux affectant
l’ouvrage est due par les professionnels de la construction à compter de la
réception et pour une durée de dix ans suivant cette formalité (art. 1792-4-1,
C. civ.). Toutefois, l’assurance « DPO » étant une assurance de chose, elle
marque, sur la question de sa durée, sa différence.
En effet, pour ce type de couverture, c’est le contrat qui stipule la durée de la
garantie (art. L. 112-4, C. assur.). L’assurance « DO » étant régie par la loi,
c’est l’article L. 242-1 du Code des assurances qui précise la durée de la garantie
qui doit être obligatoirement mentionnée dans le contrat. Cet article distingue
trois périodes.
La première période est celle de principe. Elle s’étend de l’expiration de la
garantie de parfait achèvement (GPA, durée d’un an à compter de la récep-
tion) jusqu’au dixième anniversaire de la réception des travaux. Il s’agit donc
d’une période de neuf années consécutives. Durant cette période « ordinaire »,
l’assureur peut être saisi sans que le bénéficiaire ait à respecter de procédure
préalable : une déclaration de sinistre peut lui être adressée directement après
la constatation des dommages décennaux.
Le Code distingue cependant aussi deux périodes « exceptionnelles » : La
première période exceptionnelle correspond à la période de la GPA. Durant
cette période d’un an après la date de la réception, la garantie « DO » a également
vocation s’appliquer mais la loi impose une procédure particulière avant toute
déclaration : il s’agit de la mise en demeure de l’entrepreneur suivie de la cons-
tatation de sa carence à réparer. Le législateur a souhaité, à juste titre, privilégier
le mode amiable de règlement prévu par l’article 1792-6 du Code civil car celui-ci
est simple et peu coûteux. Il correspond pour ainsi dire à une démarche « d’après
vente » de la part des constructeurs pour parachever l’immeuble, ce qui apparaît
effectivement plus logique qu’une intervention de l’assureur.
On a pu s’interroger sur l’étendue de la garantie accordée par l’assureur DO en
pareille situation. S’il est clair que seuls relèvent de son intervention les
dommages de nature décennale, celle-ci touche cependant aussi bien les
dommages apparus pendant la première année de mise en service de
l’immeuble que ceux ayant fait l’objet de réserves au procès-verbal de récep-
tion. Le fait que ces dommages soient apparus antérieurement à la réception
ne suffit pas à les ranger dans les dommages « avant réception » faisant l’objet
de la seconde période exceptionnelle de prise en charge décrite ci-après : ainsi
la résiliation du contrat – difficile à obtenir en pratique s’agissant d’un marché
« terminé » – n’est pas exigée5 avant toute saisine de l’assureur. Ceci tranche
avec les solutions retenues en matière de responsabilité civile décennale
(l’entrepreneur et son assureur ne sont pas débiteurs de la décennale pour les
« réserves »).

5. Cass. 1re civ., 23 avril 1986, Bull. civ. I, no 46.


CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 151

Par conséquent, en pratique, si un désordre décennal est constaté en première


année après réception ou s’il figure au procès-verbal de réception tout en ayant
une consistance décennale, il y a lieu d’adresser une lettre recommandée avec
avis de réception à l’entrepreneur, le mettant en demeure de réparer les
dommages sous un délai exprimé. Passé ce délai, la mise en demeure pouvant
être considérée comme « infructueuse », une déclaration pourra être dirigée
vers l’assureur. On veillera à joindre la copie de la lettre recommandée
demeurée sans réponse.
La seconde période exceptionnelle se situe avant même la réception. Il faut
cependant, avant toute déclaration de sinistre, procéder à deux démarches
préalables indiquées clairement par l’article L. 241-1 du Code des assurances :
d’une part, procéder à une mise en demeure de l’entrepreneur en cause ;
d’autre part, en cas de mise en demeure infructueuse, obtenir la résiliation du
contrat pour inexécution par l’entrepreneur de ses obligations. Cette double
exigence est lourde et réclame des délais. Cependant, il est admis que la dispa-
rition de l’entreprise dispense le bénéficiaire de réaliser la mise en demeure6.
En matière de règlement judiciaire, le silence de l’entreprise durant un mois
après la mise en demeure vaut résiliation.
En pratique : un désordre décennal est constaté sur un ouvrage durant le chan-
tier. Il y a lieu d’adresser une mise en demeure recommandée à l’entrepreneur
lui demandant de reprendre les travaux dans un délai exprimé. À l’issue du
délai, il convient de solliciter du juge (art. 1184, C. civ.) la résiliation du
contrat aux torts de l’entrepreneur, à moins que la consultation du greffe du
tribunal de commerce indique que l’entreprise a fait l’objet d’une procédure
collective.
Ces trois périodes amènent à formuler deux remarques :
– d’une part, le délai de garantie de l’assurance Dommages ouvrage corres-
pond globalement, en définitive, à une période décennale après réception
à laquelle s’ajoute une période avant réception. Pour l’essentiel, la durée
de l’assurance « DO » est donc calquée sur la durée de responsabilité des
constructeurs. Ceci était indispensable au bon fonctionnement du système
à deux détentes. Toutefois, dans le cas de dommages avant réception (ou
même signalés lors de la réception), le système à deux détentes ne pourra
pas jouer : l’indemnité restera à la charge de l’assureur « DO » sans possi-
bilité de recours : la durée de la garantie en assurance « Dommages
ouvrage » est supérieur à celui de la responsabilité décennale de l’entrepre-
neur et de l’assurance de responsabilité qui lui est associée ;
– d’autre part, aux trois périodes évoquées plus haut s’ajoute une période
additionnelle qui découle de l’article L. 114-1 du Code des assurances
en matière de prescription7. En effet, cet article prévoit que « toute
action dérivant d’un contrat d’assurance est prescrite par deux ans à

6. Cass. 1re civ., 3 mars 1998, Bull. civ. I, no 83.


7. Cass. 1re civ., 4 mai 1999, Bull. civ. I, no 141.
152 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

compter de l’événement qui y donne naissance. Toutefois ce délai ne


court [...] en cas de sinistre que du jour où les intéressés en ont eu connais-
sance ». C’est dire qu’un événement survenu en toute fin de période de
principe (neuf ans après l’expiration de la GPA) peut être valablement
déclaré durant les deux ans suivants sa découverte par le bénéficiaire.

Exemple
Réception des travaux le 3 octobre 2000 ; le locataire de l’ouvrage signale le
25 septembre 2010 par lettre recommandée au maître de l’ouvrage une fuite sur canali-
sation d’adduction d’eau. Le propriétaire peut déclarer le sinistre jusqu’au 25 septembre
2012, soit presque deux ans après la fin de la période légale de garantie.

Il serait faux toutefois d’invoquer une « garantie de douze ans » car la possibi-
lité de déclarer le sinistre reste toujours conditionnée à sa production durant
la période de principe conformément aux dispositions de l’article L. 242-1 du
Code des assurances. De même, la déclaration d’un sinistre plus de deux ans
après sa découverte conduira son auteur à se voir opposer la prescription bien-
nale applicable au droit des assurances.
IV – La consistance de l’indemnisation
225. Le risque assuré est bien entendu le dommage décennal. On doit
comprendre en cela tous les dommages « de la nature de ceux » prévus par
l’article 1792 du Code civil, affectant l’ouvrage construit.
Ce sont les dommages qui portent atteinte à la solidité de l’ouvrage, portent
atteinte à la solidité d’un élément d’équipement indissociable de cet ouvrage
ou compromettent la destination de l’ouvrage considéré dans son entier.
S’y ajoute désormais la prise en charge des dommages affectant les « existants
incorporés » au sens de l’article L. 243-1-1 du Code des assurances. On rappel-
lera qu’il s’agit des ouvrages ou éléments d’équipement qui sont indissociable-
ment incorporés aux travaux neufs (par opposition aux existants non incorporés
qui ne relèvent pas de l’assurance obligatoire mais d’une Police facultative).
Toutefois, le champ d’intervention de la garantie « DO » est plus large que celui
de la responsabilité civile prévue par les articles 1792 et suivants et 1792-4-1 du
Code civil. L’assureur « D.O. » doit prendre en compte les dommages décennaux
– y compris résultant de non-conformités au contrat – consignés au
procès-verbal de réception des travaux. Il en est de même des dommages décen-
naux – y compris résultant de non-conformités au contrat – affectant un ouvrage
avant réception dans l’hypothèse d’un abandon de chantier (cf. ci-dessous).
En revanche, l’assureur « DO » ne saurait être tenu de garantir les non-
conformités apparues durant le temps du chantier mais sans aucune consé-
quence fonctionnelle décennale. Cette couverture est dévolue à d’autres
types de garanties, spécifiques aux contrats spéciaux de la promotion immobi-
lière et dénommées « garanties de bonne fin ». Ces protections s’inspirent du
mécanisme de la caution et suppléent aux carences d’achèvement des
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 153

constructeurs. Il s’agit principalement de la garantie extrinsèque d’achève-


ment, en matière de ventes sur plan et de la garantie de livraison à prix et
délai convenus, en matière de CCMI.
226. L’assurance « DO » comporte des exclusions qui sont énumérées par les
clauses types. Il s’agit :
– du fait intentionnel ou du dol du souscripteur ;
– de l’effet de l’usure normale, du défaut d’entretien ou de l’usage anormal ;
– de la cause étrangère dont l’incendie, l’explosion (sauf cas où ils sont la
conséquence d’un sinistre garanti), les trombes, cyclones, inondations,
tremblement de terre et autres phénomènes naturels catastrophiques, la
guerre étrangère ou civile, actes de terrorisme, sabotages, émeutes, grèves
et lock-out ayant un caractère de force majeure, l’explosion, l’irradiation, le
dégagement de chaleur d’origine nucléaire, les effets de la radioactivité.
Cette liste est limitative et toute exclusion non citée par le texte mais figurant
dans une police serait réputée non écrite. En outre, la jurisprudence fait une
lecture extrêmement restrictive des causes d’exclusion autorisées par les
clauses types.
On notera que la charge de la preuve de l’exclusion incombe classiquement à
l’assureur.
Lorsque la garantie est acquise, la consistance de l’indemnisation est fixée par
l’annexe II à l’article A. 243-1 du Code des assurances et plus indirectement
par l’interprétation du libellé même de l’article L. 242-1 du même code.
Ainsi, la garantie couvre le montant de l’ensemble des travaux de remise en
état des ouvrages endommagés à la suite d’un sinistre : démontages, déblais et
évacuation des déblais, études nécessaires à la détermination des reprises,
reprises des causes des dommages décennaux et de leur conséquence immobi-
lière. Toutefois la charge de l’assureur est plus lourde qu’en matière d’assurance
« ordinaire ».
En effet, l’assurance en général obéit à un principe dit « principe indemni-
taire » (art. L. 121-1, C. assur.) qui prévoit que l’indemnité ne saurait excéder
le montant du dommage. Cette conception des choses se conçoit au sujet d’un
dommage affectant un véhicule (remis en l’état antérieur au sinistre) mais non
pour un dommage décennal de construction. En effet, la simple réparation
d’une fissure sur un mur maître remettrait l’ouvrage en son état antérieur mais
reconstituerait de ce fait les conditions de la réapparition de la fissure en cause
si, par exemple, les fondations sont insuffisantes.
L’assurance « DO » prend donc en charge, même en l’absence de prise en
compte dans le calcul de la prime, les travaux supplémentaires non prévus ni
facturés lors de la construction, dès lors qu’ils sont « nécessaires pour remédier
aux désordres décennaux »8.

8. Cass. 3e civ., 3 février 1993, Bull. civ. III, no 50 ; voir aussi : Cass. 1re civ., 22 novembre
1989, Bull. civ. I, no 354.
154 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Exemple
Réalisation d’un drain (hypothèse rencontrée dans l’arrêt précité du 3 février 1993) ou
de micropieux pour stabiliser une maison affectée de fissures décennales.

Cette théorie est connue sous le nom de « théorie de l’absence d’ouvrage ».


Toutefois, la jurisprudence l’applique également à l’hypothèse où les
dommages résultent non d’une malfaçon ou d’un ouvrage manquant mais
d’une non-conformité aux stipulations contractuelles9.

Exemple
Fondations prévues en 0,50 mètre et réalisées en 0,40 mètre, ce qui occasionne des
fissures décennales.

L’indemnité due par l’assureur et ainsi définie ne saura souffrir de retenue


pour vétusté, ce qui rendrait impossible la réalisation des réparations sauf
versement, de la poche du maître d’ouvrage. Elle doit être affectée du taux
de TVA applicable à l’ouvrage (taux normal ou taux réduit) si le bénéficiaire
se trouve assujetti à la taxe en cause10.
Par ailleurs l’indemnité ne peut être affectée d’une franchise qui serait illé-
gale, pour la garantie obligatoire.
227. La question de la licéité d’un plafond a connu une évolution importante
dont il convient de rendre compte.
Avant la loi du 28 juillet 2008, la question des plafonds de garantie s’avérait
controversée en raison de règles différentes issues de la loi et des clauses type.
Devait-on privilégier le libellé de l’article L. 242-1 du Code des assurances, dans
sa mouture de la loi du 31 décembre 1989 ? Comme on l’a dit, celle-ci prévoyait
la couverture de « la totalité des travaux de réparation des dommages » décennaux.
Devait-on s’en remettre à la limite prévue par la clause type, figurée à l’annexe
II de l’article A. 243-1 du Code des assurances, ce plafond étant constitué par
le coût total de la construction déclaré aux conditions particulières et revalo-
risé ? Cette disposition résultait de « l’arrêté-trou » du 13 juillet 1990 censé
adapter les clauses types à la réforme de décembre 1989 et qui avait – on le
voit – fort mal joué son rôle.
Certes, la difficulté ne devait pas être exagérée : en effet, le plafond prévu par la
clause type est égal au coût de construction de l’immeuble, tout compris et
revalorisé, de sorte que le montant de l’indemnité est le plus souvent inférieur
à cette valeur maximale. Ainsi, l’objectif de réparation rapide n’était générale-
ment pas entravé par la présence d’un plafond de garantie.

9. Cass. 3e civ., 10 mars 1981, Bull. civ. III, no 49.


10. Cass. 1re civ., 1er décembre 1998, Bull. civ. I, no 336.
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 155

En tout état de cause, on pouvait penser que la loi, norme supérieure, devait
s’appliquer prioritairement.
Mais une autre difficulté devait être prise en compte car, en cas de marchés de
travaux d’une ampleur exceptionnelle, les capacités d’assurance des compa-
gnies, même les plus grandes, pouvaient être mises en cause.
C’est cette raison, principalement économique, qui a présidé au vote de la loi
du 28 juillet 2008. Selon cette loi, les assurances « Dommages, ouvrage »
peuvent comporter un plafond de garantie lorsqu’elles ne s’appliquent pas au
domaine de la construction de logement (art. L. 243-9, C. assur.).
Deux règles peuvent être dégagées de ce texte important :
– en premier lieu, il est désormais clairement établi – quoique cela résulte
d’une lecture a contrario de l’article précité – qu’aucune sorte de plafonne-
ment ne peut être mise en place en cas de construction de logements.
Cette règle s’applique à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi
mais elle vient conforter la solution antérieure, fondée sur le libellé de
l’article L. 242-1 du Code des assurances ;
– en second lieu, dans le secteur « hors logement » la loi instaure clairement
une possibilité de plafond qui a été précisée par le décret d’application de
la loi. Par effet de ce décret en date du 22 décembre 2008, le plafonne-
ment pourra être de deux sortes (art. R. 243-3, C. assur.) ;
– soit il pourra être égal au montant du coût de l’ouvrage déclaré par le
maître de l’ouvrage ;
– soit il pourra être inférieur à ce coût dès lors que celui-ci dépasse les
150 millions d’euro, ce qui laisse une certaine marge. Dans ce cas, le
plafonnement ne pourra pas être inférieur à 150 millions d’euros.
S’agissant d’une règle posée par les clauses types, en exécution de l’article L. 243-9
du Code des assurances précité, celle-ci est réputée inscrite dans tous contrats
d’assurance « Dommages ouvrage ».
On notera que l’instauration d’un plafond de garantie « hors logement » avait
été décidée par une loi du 30 décembre 2006 en matière de garantie de RC
décennale. Il y avait donc une dissymétrie dommageable pour l’assureur DO
qui était tenu pour le tout, sur le fondement de l’article L. 242-1 du Code des
assurances mais qui ne pouvait exercer son recours subrogatoire que dans la
limite du plafond stipulé par la police RC décennale des locateurs d’ouvrage
responsables.
La loi du 28 juillet 2008 et son décret d’application apparaissent donc comme
une sorte de « correctif » qui vient redonner au système à double détente sa
cohérence, du moins dans les principes.
Les clauses types modifiées ayant intégré ces évolutions, il n’existe donc plus de
difficulté liée à un libellé différent des clauses types et de la loi.
156 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Soumis obligatoirement à la prise en charge de la réparation du dommage


décennal dans les conditions évoquées ci-dessus, l’assureur « DO » ne doit
pas indemniser les dommages mobiliers constitués des meubles meublants11
ni les dommages immatériels tels que relogement durant les travaux ou les
pertes de loyers, etc.12. Ces dommages peuvent toutefois relever d’une garantie
facultative annexée à la « DO » (cf. infra, no 270), voire de la garantie « multi-
risque habitation » ordinaire, souscrite pour l’immeuble. Dans cette dernière
hypothèse, un recours restera nécessaire à l’encontre du responsable pour le
montant de la franchise opposable au bénéficiaire, en application du droit
commun des assurances.

Exemple récapitulatif
Pour une fuite en faîtage de toiture, l’indemnité doit comporter, sans aucune franchise
ni déduction pour vétusté, le montant du démontage du faîtage fuyard, l’évacuation des
déblais, la confection d’un nouveau faîtage, le rajout d’une feuille « polyane » en
sous-face, non prévue à l’origine, la peinture du plafond et la tapisserie tachés en
contrebas de la fuite. Elle ne comprendra pas les frais de relogement de l’occupant à
l’hôtel, pas plus que les dommages au canapé et à la table basse touchés par les eaux.

228. Il est important de noter que l’assureur « DO » doit absolument


financer des travaux de réparation efficaces. Si la réparation prescrite en
premier lieu par l’expert de l’assureur se révèle insuffisante, ledit assureur
devra financer les compléments nécessaires. En effet, la Cour de cassation
estime que le maître de l’ouvrage ayant souscrit une assurance Dommages
ouvrage « est en droit d’obtenir le préfinancement de travaux de nature à mettre
fin aux désordres »13 de sorte qu’une Cour d’appel ne pouvait juger que ledit
assureur n’est pas tenu de garantir l’efficacité des travaux de reprise.
Il sera noté que la Cour de cassation condamnait alors l’assureur au visa des
textes régissant la garantie de l’assurance Dommages ouvrage. Par la suite,
elle semble avoir plutôt considéré que l’assureur engage une véritable respon-
sabilité contractuelle, le financement insuffisant correspondant à une faute
contractuelle dans l’exécution de la garantie14.
Ce principe a été confirmé plus récemment par la Haute juridiction15 qui
estime que l’assureur Dommages ouvrage est responsable de l’inefficacité des
travaux qu’il finance et a l’obligation de préfinancer les travaux complémen-
taires nécessaires à la non-aggravation définitive des dommages qu’il garantit.
Ainsi, la réparation ne peut se borner à permettre à l’ouvrage d’atteindre le cap
de la dixième année suivant la réception.

11. Cass. 3e civ., 3 juillet 1996, RDI 1996, p. 591.


12. Cass. 3e civ., 13 mars 1996, RGAT 1996, p. 66.
13. Cass. 3e civ., 7 décembre 2005, Bull. civ. III, no 235 ; Cass. 3e civ., 24 mai 2006, Juris-Data,
no 2006-033721.
14. Cass. 3e civ., 11 février 2009, Juris-Data no 2009-046995.
15. Cass. 3e civ., 22 juin 2011, no 10-16308.
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 157

Pour reprendre le mot de Monsieur le président Zavaro, l’assureur Dommages


ouvrage « assume donc l’aléa technique des reprises »16. Ceci est d’autant plus
effectif lorsque l’insuffisance des reprises résulte d’un rapport d’expertise impar-
fait17. Il est vrai que l’assureur dispose alors d’un recours contractuel face à
l’expert qu’il a désigné.
B. Le processus de règlement « DO »
229. Contrairement au droit commun de l’assurance, la garantie « DO »
présente la particularité de comporter une procédure amiable et obligatoire
de gestion des sinistres. Cette procédure comporte une déclaration de sinistre
à la réception de laquelle l’assureur peut opter selon les éléments du dossier
entre une gestion « normale » ou une gestion « simplifiée ».
En tout état de cause le processus amiable obligatoire doit être activé par le
maître de l’ouvrage (ou son mandataire) avant toute action en justice, même
par voie de référé, sous peine de voir la demande judiciaire repoussée par le
juge18. Si la restriction du droit d’accès à la justice peut surprendre, la solution
jurisprudentielle s’impose sous peine de vider la procédure amiable de tout
intérêt. C’est ainsi que la Cour de cassation a pu juger que les dispositions
d’ordre public relatives à la procédure « Dommages ouvrage » interdisent à
l’assuré de saisir une juridiction aux fins de désignation d’un expert avant expi-
ration d’un délai de soixante jours19. De même, la Haute juridiction ne recon-
naît pas à l’assignation en justice la valeur de déclaration de sinistre, comme
cela avait été prétendu par un assuré, cette déclaration devant être rédigée par
écrit et remise contre récépissé ou adressée en recommandé avec avis de
réception20.
Il a été jugé que la saisine du juge des référés pour désignation d’un expert judi-
ciaire à l’occasion d’aggravations, affectant des dommages précédemment
déclarés, ne satisfait pas aux obligations légales et réglementaires21 si une
nouvelle déclaration de sinistre relative à ces aggravations n’a pas été
régularisée.
La priorité du processus légal sur l’accès au juge est donc strictement appréciée
par la Cour de cassation.
En revanche, rien n’interdit à l’assuré de saisir la juridiction des référés d’une
demande d’expertise (référé probatoire de l’art. 145, CPC) dirigée contre les
entreprises et leurs assureurs de « responsabilité civile décennale » puis à

16. Bulletin d’actualité Lamy immobilier no 132, février 2006, p. 6.


17. Cass. 3e civ., 24 mai 2006, Bull. civ. III, no 133.
18. Cass. 1re civ., 28 octobre 1997, Bull. civ. I, no 293, Cass. 3e civ., 23 juin 2004, Bull. civ. III,
no 124.
19. Cass. 3e civ., 10 mai 2007, Bull. civ. III, no 71.
20. Cass. 3e civ., 23 juin 2004, Bull. civ. III, no 124.
21. Cass. 3e civ., 14 mars 2012, no 11-10961.
158 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

attraire l’assureur DO à la procédure judiciaire après avoir satisfait aux obliga-


tions liées à la procédure amiable d’ordre public.
I – La déclaration du sinistre
230. L’assuré bénéficiaire doit, comme on l’a vu, adresser bien entendu une
déclaration de sinistre à l’assureur. S’agissant d’une démarche constituant,
comme on va le constater, le point de départ des délais de gestion imposés à
l’assureur sous peine de sanction, un envoi recommandé avec avis de réception
est tout à fait indispensable.
L’exigence de la forme écrite et recommandée ne figure pas à l’article L. 242-1
du Code des assurances mais résulte du libellé des clauses types. Ainsi, il a été
jugé qu’une déclaration par voie de télécopie (« fax ») ne répond pas aux
exigences des clauses types précitées22. En pareille occurrence, le délai de
gestion d’ordre public ne prend naissance qu’à la date de l’envoi par l’assureur
d’un pli à son assuré, annonçant une expertise amiable.
L’envoi de la déclaration de sinistre est réalisé par le bénéficiaire de la garantie
ou par toute personne ayant qualité pour le représenter (avocat) ou qu’il a
désigné à cet effet (syndic de copropriété pour les dommages sur parties
privatives).
Elle est adressée à l’assureur DO ou à son agent accrédité. Il y a lieu de prendre
garde à toute déclaration effectuée entre les mains d’un courtier. En effet,
celui-ci est en principe mandaté par l’assuré pour obtenir une Police d’assu-
rance et ne représente pas l’assureur qui aura été retenu en définitive, sauf
disposition particulière.
La déclaration de sinistre à l’assureur « Dommages ouvrage » obéit à des règles
spécifiques, distinctes de celles en vigueur habituellement en matière d’assu-
rance de chose.
La déclaration doit être réalisée au plus tôt après que le bénéficiaire a eu
connaissance du dommage. Toutefois, depuis 1990 et contrairement au droit
commun de l’assurance, le délai de cinq jours prévu par l’article L. 113-2-4 du
Code des assurances ne saurait s’imposer à l’assuré. En revanche, la prescription
de deux ans (écoulés entre la date de la constatation du dommage et sa décla-
ration), en vigueur en matière d’assurance, peut être invoquée par l’assureur
(art. L. 114-1, C. assur.).
La déclaration de sinistre doit toujours, contrairement au droit commun,
lequel ne prévoit aucune condition réelle de forme, respecter un certain
formalisme. On trouvera le détail pointilleux de celui-ci en consultant les
clauses types. Depuis un arrêté en date du 7 février 2001, la clause type
dispose donc que : « La déclaration de sinistre est réputée constituée dès qu’elle
comporte au moins les renseignements suivants :

22. Cass. 3e civ., 6 juin 2012, no 11-15567, Juris-Data, no 2012-012419.


CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 159

– le numéro du contrat d’assurance et, le cas échéant, celui de l’avenant ;


– le nom du propriétaire de la construction endommagée ;
– l’adresse de la construction endommagée ;
– la date de réception ou, à défaut, la date de la première occupation des locaux ;
– la date d’apparition des dommages ainsi que leur description et localisation ».
Depuis l’arrêté du 19 novembre 2009, ayant modifié les clauses types, l’assuré
doit en outre joindre, « si la déclaration survient pendant la période de parfait achè-
vement au sens de l’article 1792-6 du Code civil, la copie de la mise en demeure
effectuée au titre de la garantie de parfait achèvement ». Cette formalité est subs-
tantielle et consiste dans l’envoi à l’assureur de la lettre recommandée avec
avis de réception (assortie de ses justificatifs postaux d’envoi et de réception)
adressée à l’entrepreneur au titre de la procédure de GPA.
L’assureur a la possibilité de demander les pièces et informations figurant dans
cette liste et pouvant faire défaut, dans le délai de dix jours. Au-delà, la décla-
ration est « réputée constituée » et l’assureur ne peut différer davantage sa
gestion du sinistre même en l’absence des précisions manquantes.
En revanche, si l’assureur sollicite dans les dix jours certaines informations
manquantes, la déclaration ne sera « constituée » que pour autant que lesdites
informations auront été fournies : le délai de gestion demeure, pour ainsi dire,
« gelé » jusqu’à la production de ces éléments.
Il est curieux que l’assureur se serve, en quelque sorte, de son assuré comme d’un
archiviste. En effet, on a vu plus haut ainsi qu’à la lecture des clauses types repro-
duites en annexe que l’ensemble des informations exigées de la victime en cas de
sinistre, sous peine de ne pas activer le décompte des délais de gestion, sont
d’ores et déjà connus de l’assureur. Elles ont été fournies, lors de la souscription
puis lors des travaux. En effet, on rappellera que la clause type dispose que :
« L’assuré s’engage :
a) à fournir à l’assureur, sur sa demande, la preuve de l’existence des contrats
d’assurance de responsabilité décennale souscrits par les réalisateurs et le contrôleur
technique ;
b) à lui déclarer les réceptions de travaux, ainsi qu’à lui remettre dans le mois de leur
prononcé, le ou les procès-verbaux desdites réceptions, ainsi que le relevé des obser-
vations ou réserves demeurées non levées du contrôleur technique ;
c) à lui adresser un dossier technique comportant au moins les plans et descriptifs de
l’ensemble des travaux effectivement réalisés, dans le délai maximal d’un mois à
compter de leur achèvement ;
d) à lui notifier dans le même délai, le constat de l’exécution des travaux éventuelle-
ment effectués au titre de la garantie de parfait achèvement au sens de
l’article 1792-6 du Code civil ainsi que le relevé des observations ou réserves demeu-
rées non levées du contrôleur technique ;
e) à lui faire tenir la déclaration de tout arrêt de travaux devant excéder trente jours ;
160 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

f) à communiquer les avis, observations et réserves du contrôleur technique, simultané-


ment, tant à l’assureur qu’au réalisateur concerné, et à ne pas s’opposer à ce que l’assureur
puisse, à ses frais, demander au contrôleur technique, sous son couvert, les informations
complémentaires dont il estimerait avoir besoin pour l’appréciation des risques assurés.
Dans le cas où il n’est pas lui-même le maître de l’ouvrage, l’assuré s’engage à obtenir
de celui-ci que les avis, observations et réserves du contrôleur technique soient pareil-
lement communiqués à l’assureur et au réalisateur concernés, et que, dans les mêmes
conditions, l’assureur puisse demander au contrôleur technique les informations
complémentaires dont il estimerait avoir besoin pour l’appréciation des risques
assurés. »
Cette exigence documentaire, qui conditionne l’accès à l’indemnisation de
dommages graves, est d’autant plus choquante que la victime peut être un
sous-acquéreur, ignorant totalement certaines des informations exigées de lui
mais dont l’assureur dispose...
Lorsque la déclaration est « réputée constituée », la phase de gestion peut
commencer.
Pour synthétiser la question de la forme de la déclaration de sinistre DO et, en
résumé, cette déclaration sera réputée constituée :
– soit si elle comporte dès le départ, les informations prévues par la clause
type ;
– soit encore, quel que soit son contenu même incomplet, à l’expiration
d’un délai de dix jours, compté à partir de la réception de la déclaration
par l’assureur ;
– soit enfin, à la date de la réception des documents et informations complé-
mentaires demandés dans les dix jours, par l’assureur, dans la limite de la
liste de la clause type.
La phase « gestion » ouvre à nouveau une alternative. On distinguera donc
deux formes que l’on pourra qualifier l’une de « normale », l’autre de
« simplifiée ».
II – La procédure « normale »
231. La procédure se découpe en trois phases :
– l’octroi ou le refus de la garantie dans les soixante jours de la déclaration
(phase 1, J + 60) ;
– la proposition d’indemnité (phase 2, J + 90) ;
– le paiement effectif (phase 3).
À réception de la déclaration réputée constituée, l’assureur DO doit désigner
un expert permettant de faire le point du dossier au plan technique et de se
prononcer sur la garantie. La mission d’expertise est détaillée par l’assureur
conformément aux indications des clauses types. L’expert peut être récusé
par l’assuré dans les huit jours, ceci à deux reprises, la désignation d’un
nouvel expert étant réalisée, lors de la seconde récusation, par le président du
TGI, statuant sur pied de requête.
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 161

L’expertise des dommages doit concilier la rapidité de décision qui est requise
de l’assureur « Dommages ouvrage » avec les nécessités du principe du contra-
dictoire (art. 16, CPC) dans l’optique du recours de cet assureur contre son
homologue, assureur décennal. C’est la raison pour laquelle les clauses types
ont, pour ainsi dire, aménagé le respect du principe du contradictoire en
prévoyant que l’expert « DO » doit seulement « informer » les responsables et
leurs assureurs du déroulement de l’expertise et les « consulter pour avis »
chaque fois qu’il l’estime nécessaire. Une convocation à 21 jours des responsa-
bles par voie de recommandé avec avis de réception est donc tout à fait
superflue.
Parfois les modalités de l’expertise peuvent résulter d’une gestion convention-
nelle entre assureurs, sous l’empire de la convention CRAC (convention de
règlement en assurance construction). Il s’agit d’une convention destinée à
simplifier le processus de gestion DO dans l’optique de réduire les coûts. Dans
cette hypothèse, le principe d’une expertise « pour compte commun » est
retenu, les conclusions de l’expert « DO » étant opposables aux assureurs de
responsabilité, sauf cas particuliers.
Enfin, l’assuré peut tout à fait s’adjoindre les services d’un expert d’assuré (ou
de l’expert de son assureur de « protection juridique ») dans le cadre de l’exper-
tise « DO ». Ceci lui permettra de nourrir un dialogue équilibré avec l’expert
« DO » dans un domaine technique souvent complexe mais également de faire
examiner les divers rapports déposés par l’expert « DO » avant de décider des
suites à donner.
a) Phase 1 : l’octroi ou le refus de la garantie
232. Ayant réceptionné le rapport de son expert, l’assureur doit
successivement :
– en adresser un exemplaire à l’assuré dans le délai maximal de soixante
jours, comptés à partir de la réception de la déclaration constituée ou
réputée constituée jusqu’à la date d’envoi de la lettre de notification à
l’assuré.
La Cour de cassation ayant une conception de la garantie très protectrice de
l’assuré, elle avait posé en principe l’exigence d’un envoi préalable du
rapport préliminaire. Ceci a été affirmé de manière constante par la Haute
juridiction23. On pouvait comprendre la volonté d’informer parfaitement
l’assuré sur les raisons de la décision prise ensuite par l’assureur, en lui
permettant de consulter les conclusions techniques avant même toute
prise de position de l’assureur.
Toutefois, cette exigence constituait un coût non négligeable et une lourdeur
procédurale peu compatible avec les délais stricts que l’assureur DO doit
respecter. Pour remédier à cet inconvénient, les assureurs avaient tendance

23. Pour un exemple : Cass. 3e civ., 4 janvier 2006, Bull. civ. III, no 2 ; Cass. 3e civ., 18 décembre
2007, RDI 2008, p. 160.
162 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

à donner mandat à leurs experts pour une transmission directe des rapports
aux assurés par leurs soins. Par ailleurs, l’absence d’envoi préalable du
rapport conduisait, à titre de sanction, à réputer « acquise » la garantie, ce
qui avait parfois des conséquences très dommageables pour l’assureur.
C’est la raison pour laquelle l’arrêté du 19 novembre 2009 réformant les
clauses types a mis fin à l’exigence d’un envoi « préalable » du rapport préli-
minaire à l’assuré. Ce rapport peut donc soit être envoyé préalablement, soit
être joint à la lettre de notification de la position de l’assureur à l’assuré, la
clause type prévoyant une transmission « au plus tard à cette date ». En
revanche, l’envoi après notification constitue une infraction aux règles obli-
gatoires des clauses type ;
– faire connaître par écrit, à l’assuré, sa position au regard de la garantie.
Cette prise de position doit être motivée si elle se révèle négative.
Il doit également par le même courrier lui adresser, s’il y a lieu, une propo-
sition pour la prise en charge des mesures conservatoires nécessaires à la
non-aggravation des dommages.
À noter qu’en cas de récusation de l’expert, lors de sa désignation, les clauses
types prévoient un rallongement du délai égal à dix jours en cas de première
récusation et de trente jours si l’expert amiable « DO » doit être nommé par
voie de justice ;
– désigner à nouveau son expert afin de faire procéder au chiffrage des
indemnités devant être servies à l’assuré en vue de la réparation des
dommages pour lesquels la garantie a été reconnue acquise.
b) Phase 2 : la proposition d’indemnité
233. Dans le délai de 90 jours, comptés à partir de la déclaration constituée
ou « réputée constituée », l’assureur, après avoir transmis à nouveau le rapport
chiffré à son assuré, doit adresser à celui-ci la notification du montant de
l’indemnité.
Ce délai pour chiffrage peut être augmenté de 135 jours mais seulement si le
supplément de délai est motivé par une difficulté technique particulière et si la
prolongation a été acceptée par l’assuré. Les suppléments de délais prévus en
cas de récusation devront également être décomptés dans le délai de 90 jours.
Saisi de cette proposition d’indemnité, l’assuré n’a aucun délai particulier à
respecter – attention toutefois au délai de prescription de deux ans – pour faire
connaître son acceptation. Il peut donc analyser l’offre qui lui est faite et qui
doit être détaillée poste par poste, voire réactualisée selon l’indice prévu au
contrat. Elle tient compte, précisent les clauses types « s’il y a lieu, des dépenses
qui ont pu être précédemment engagées ou retenues, ainsi que des indemnités qui ont
pu être antérieurement versées au titre des mesures conservatoires ».
c) Phase 3 : le paiement effectif
234. S’il accepte l’indemnité, l’assuré doit signer une quittance subrogatoire
jointe à la lettre formulant l’offre et la retourner à l’assureur par pli
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 163

recommandé. En effet, l’assureur doit alors régler la somme convenue dans le


délai de 15 jours.
S’il refuse l’indemnité, les clauses types permettent à l’assuré d’obtenir les
trois quarts de l’offre proposée par l’assureur, sans préjudice de son droit de
faire chiffrer par voie judiciaire le montant exact des reprises. Cette provision
revêt un intérêt pratique limité (hors mesures conservatoires qui cependant
ont été prises en compte au stade des soixante jours) car les travaux ne pour-
ront être réalisés avant le passage de l’expert judiciaire.
Il est important de noter que la jurisprudence exige que l’indemnité servie soit
affectée à la réalisation même des travaux prescrits par l’expert24. Cette obliga-
tion peut être rattachée aux dispositions de l’article L. 121-17 du Code des assu-
rances issu de la loi Barnier et qui impose que les indemnités allouées au titre
d’une assurance de chose garantissant un bien immeuble soient affectées à la
réparation des dommages. On admettra que la logique de réparation obligatoire
en matière de catastrophes naturelles, régie par la loi Barnier, se retrouve aisé-
ment en matière de garantie « Dommages ouvrage », bien que l’article L. 121-17
précité soit inclus au corpus des textes spécifique à l’assurance des catastrophes
naturelles. C’est du moins ce que semble penser la Haute juridiction25. Cette
solution est spécifique à l’assurance Dommages ouvrage et ne s’applique pas en
matière d’assurance de responsabilité civile décennale. Dans ce dernier cas, la
victime n’est pas tenue d’affecter les sommes (en tout ou partie) à la réparation
des dommages.
Cette obligation d’affectation de l’indemnité à la réparation des dommages a
des conséquences originales.
En effet, il est possible de mesurer si le montant de l’indemnité servie est égal
au montant des travaux ou s’il est supérieur. Dans ce dernier cas, la partie de
l’indemnité ne correspondant pas au coût des travaux ne saurait relever de
l’obligation de l’assureur.
Celui-ci peut donc exercer une action en restitution des sommes excéden-
taires26 qui excèdent le principe indemnitaire ou à tout le moins l’obligation
de l’assureur par effet de l’article L. 242-1 du Code des assurances.
Il sera noté que cette action résulte du contrat d’assurance et qu’en consé-
quence elle est enserrée dans la prescription biennale de l’article L. 114-1 du
Code des assurances27.
Tel n’aurait pas été le cas si les sommes en cause constituaient des sommes
payées par l’assureur sans correspondre à des travaux nécessaires. Cette hypo-
thèse peut être rencontrée au cas où une décision de justice vient décider de
l’inexistence des désordres indemnisés. Elle peut résulter du constat effectué

24. Cass. 3e civ., 17 décembre 2003, Bull. civ. III, no 232.


25. Cass. 3e civ., 17 décembre 2003, Bull. civ. III, no 232 précité.
26. Cass. 3e civ., 3 mars 2004, Bull. civ. III, no 45.
27. Cass. 2e civ., 28 juin 2007, no 06-14428.
164 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

par expertise judiciaire et aboutissant à considérer une partie de l’indemnité


servie comme non représentative de travaux nécessaires. La prescription est
alors celle de droit commun applicable à l’action en répétition de l’indu28.
III – La procédure « simplifiée »
235. Jadis, l’assureur se voyait imposer par la jurisprudence de désigner dans
tous les cas un expert sous peine de voir sa garantie « réputée acquise ».
Ceci était une source de dépense inutile pour l’assureur, notamment si la
garantie n’était d’évidence pas acquise en raison par exemple d’un dommage
non décennal. Pour remédier à ce que l’on pourra considérer comme un excès
de la jurisprudence, un arrêté du 7 février 2001 est venu instaurer une procédure
simplifiée dont on trouvera le détail à l’annexe II à l’article A. 243-1 du Code
des assurances.
Cette procédure suppose bien entendu qu’une déclaration de sinistre « réputée
constituée » ait été adressée, en recommandé avec avis de réception, à l’assu-
reur « DO ».
Dès lors, deux hypothèses peuvent se présenter :
Première hypothèse, si cette déclaration laisse apparaître que la garantie
« DO » ne saurait être en aucun cas engagée, l’assureur peut adresser à
l’assuré, directement et désormais sans expertise, une notification de refus
dans le délai de 15 jours à compter de la réception de la déclaration en ques-
tion. Toutefois ce refus doit impérativement être motivé. Il s’agira le plus
souvent :
de la prescription de l’action, diligentée plus de dix ans après la réception ;
– de la prescription de l’action du maître de l’ouvrage, lequel a eu connais-
sance du sinistre depuis plus de deux ans ;
– du caractère à l’évidence non décennal des dommages (dommages inesthé-
tiques, etc.).
Seconde hypothèse, si au contraire l’assureur se convainc, à la lecture de la
déclaration de sinistre, de l’application de la garantie, il peut également,
sans expertise, adresser une proposition d’indemnité à son assuré si le
montant des travaux n’excède pas 1 800 €. On observera par conséquent
l’intérêt qui existe pour l’assuré de joindre un devis de réparation pour ce
type de dommage, dès l’envoi de la déclaration de sinistre.
Cette disposition a pu être critiquée par la doctrine car l’assureur paie pour
ainsi dire, « en aveugle ». Certes, il fera analyser le devis produit par son
assuré par un expert en interne, afin de vérifier ce qui concerne la logique de
reprises et les coûts unitaires. Cependant, il ne pourra pas déterminer si la
reprise convient au cas concret du dossier ou si elle est inadaptée ou même
excessive.

28. Cass. 3e civ., 27 mai 2010, no 09-15412.


CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 165

L’assuré, mécontent du refus de prise en charge ou de la proposition insuffisante,


« peut » obtenir la désignation d’un expert. La jurisprudence interprète cette possi-
bilité de façon assez stricte et admet qu’un refus soit opposé par l’assureur « DO » à
cette demande d’expertise29. Dans ce cas, la phase « Dommages ouvrage » amiable
prend fin et le dossier doit faire l’objet d’un traitement judiciaire, par exemple
grâce à une demande d’expertise par référé probatoire de l’article 145 du CPC.
Pour finir, il a été jugé que l’absence de réaction de l’assureur à l’issue du délai
de dix ou quinze jours entraîne l’application des sanctions légales prévues par
l’article L. 242-1 du Code des assurances (cf. infra, no 237).

C. Les sanctions du non-respect par l’assureur


du processus DO
236. Le processus de règlement amiable de la garantie « DO » est impératif
notamment pour ce qui concerne le respect des délais : il s’impose à l’assureur
qui ne peut y déroger sous aucun prétexte.
Seuls deux tempéraments à cette règle peuvent se présenter.
En premier lieu, le bénéficiaire de la garantie peut avoir consenti à cette déro-
gation. Dans ce cas, la volonté de l’assuré doit être exprimée clairement et
dans le cadre de la procédure amiable. Au contraire, toute renonciation de
principe, avant tout sinistre, à la protection d’ordre public prévue par les
textes serait nulle et non avenue (par exemple, par le biais d’une clause du
contrat prévoyant d’autres délais).
En second lieu, on rappellera également la possibilité pour l’assureur d’obtenir
de son assuré bénéficiaire un supplément de délai jusqu’à 135 jours pour diffi-
culté technique particulière. On rappellera aussi les suppléments de délais
octroyés en cas de récusation de l’expert amiable (dix et trente jours).
Dans les autres cas, le non-respect de la procédure par l’assureur ou des délais
prévus par la loi sont sanctionnés très sévèrement. Toutefois, ces sanctions ne
sont applicables que pour les garanties obligatoires. Ainsi, le non-respect
d’un délai de gestion par l’assureur reste sans effet sur le traitement des préju-
dices accessoires (mobilier ou immatériel) non pris en compte par le volet obli-
gatoire de la garantie « DO ». De même, elles ne concernent que les dommages
régulièrement déclarés à l’assureur.
Au plan des textes, le régime des sanctions est édicté par l’article L. 242-1 du
Code des assurances (loi du 31 décembre 1989) et par l’annexe II à
l’article A. 243-1 du même code (clauses types). Or, ces deux textes ne sont
pas en totale cohérence. On rappellera donc que la loi prime au cas de diver-
gence. La clause type reste applicable sur les thèmes non abordés par la partie
législative du Code des assurances (exemple : les mesures conservatoires).

29. Cass. 3e civ., 17 mars 2004, Bull. civ. III, no 55.


166 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Jadis, les clauses types édictaient des sanctions spécifiques selon que l’assureur
négligeait le délai de 60 jours ou de 90 (en fait, 105 jours à l’époque). Aujour-
d’hui, l’article L. 242-1 du Code des assurances édicte un système de sanction
homogène applicable aux diverses infractions commises par l’assureur.
I – Les conditions de la sanction
237. En premier lieu, ces infractions sont constituées par le non-respect d’un
délai de procédure amiable obligatoire :
– il en est ainsi de l’absence totale de notification de l’octroi ou du refus de
la garantie dans les soixante jours après la réception de la déclaration
réputée constituée. Il s’agit ici de l’expiration du délai sans aucune mani-
festation de l’assureur demeuré silencieux ;
– cette carence de l’assureur est cependant appréciée souplement par la juris-
prudence. Ainsi, aucune sanction n’est encourue si la déclaration ne vise
pas l’immeuble assuré mais un autre30. Il en est de même si la déclaration
de sinistre est effectuée plus de deux ans après la date d’expiration du délai
décennal faisant suite à la date de la réception des travaux, l’assureur n’est
pas tenu de répondre31 ;
– une solution identique est retenue si l’assureur n’a pas répondu à une
déclaration de sinistre correspondant à des dommages déjà déclarés et
ayant fait l’objet d’un refus32. Il n’est donc pas possible à un assuré écon-
duit de tenter d’exploiter la carence de l’assureur à l’occasion d’un second
dossier artificiel pour des dommages strictement identiques à ceux déclarés
initialement ;
– il y aura également faute de l’assureur si celui-ci répond au-delà du délai
légal de 60 jours évalué par confrontation de la date de la déclaration consti-
tuée ou réputée telle et la date d’envoi de la lettre de notification de l’assureur ;
– la notification d’une décision de refus dans les 60 jours mais cependant
non motivée, comme cela est exigé expressément par les clauses types, de
même est assimilée à un refus exprimé hors délai33. Il sera rappelé pour
mémoire que le cas d’un refus de garantie non précédé de l’envoi du
pré-rapport d’expertise constituait jadis une faute de l’assureur génératrice
de sanctions. En effet, la Cour de cassation exigeait une application stricte
des règles légales et vérifiait que l’assureur avait adressé le pré rapport de
son expert à l’assuré préalablement à la notification de son refus de garantie.
Cette solution jurisprudentielle est désormais écartée par le libellé des
clauses types qui permet un envoi concomitant du pré rapport et de la
notification du refus des garanties. Ceci est heureux car l’application litté-
rale des textes conduisait à d’incontestables abus ;

30. Cass. 1re civ., 18 décembre 2002, no 99-16551.


31. Cass. 3e civ., 20 juin 2012, no 11-15199.
32. Cass. 3e civ., 10 octobre 2012, Juris-Data, no 2012-022772.
33. Cass. 1re civ., 10 janvier 1995, Bull. civ. I, no 22.
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 167

– est également fautive l’absence de notification de l’indemnité proposée


dans les 90 jours. Il s’agit du silence de l’assureur au 90e jour après la
date de réception de la déclaration de sinistre.
Il s’agit, statistiquement, des cas les plus fréquents.
En second lieu, l’article L. 242-1 du Code des assurances prévoit l’hypothèse de
la formulation d’une proposition d’indemnité manifestement insuffisante.
Cette condition apparaît cependant des plus délicates à mettre en œuvre car
elle revêt un caractère moins « objectif » que le strict dépassement d’un délai.
Enfin, en troisième lieu, le non-paiement dans les 15 jours après acceptation
de l’indemnité par l’assuré constitue une infraction aux règles de la procédure
amiable, tombant sous le coup des sanctions.
II – Le contenu de la sanction
238. L’assureur ayant commis l’une des infractions énumérées ci-dessus doit
faire face à une série de sanctions particulièrement sévères. Ces sanctions
sont les seules applicables, à l’exclusion de toute autre34. Il n’est notamment
pas possible (sauf cas particuliers exceptionnels) de solliciter de l’assureur des
dommages et intérêts pour les infractions commises en regard du processus DO.
S’agissant du non-respect du délai de 60 jours, plusieurs sanctions doivent être
énoncées.
En premier lieu, l’assureur voit sa garantie « réputée acquise ». C’est dire qu’il
ne peut plus contester l’octroi de cette garantie, l’assuré bénéficiant d’un véri-
table « droit à garantie ». Ainsi, par exemple :
– il ne peut invoquer la prescription de la demande en raison de l’écoule-
ment d’un délai de plus de deux ans entre la constatation du sinistre par
l’assuré et sa déclaration ;
– il ne peut contester le caractère décennal ou non des dommages qui lui
ont été déclarés ni leur caractère apparent lors de la réception ;
– il ne peut enfin invoquer un plafond contractuel de garantie dans les
conditions prévues par les clauses types.
En second lieu, l’assuré dispose désormais du droit d’engager, de sa propre
initiative, les « travaux nécessaires à la réparation des dommages ». C’est
donc l’assuré qui décide des travaux. Il s’agit d’un processus de sanction simi-
laire à celui observé en matière de garantie de parfait achèvement car c’est le
maître de l’ouvrage qui devient, quasi unilatéralement, prescripteur des
reprises, du fait de la carence de son interlocuteur.
Toutefois, on prendra garde au fait que la loi confère à l’assuré ce droit à
hauteur des « dépenses nécessaires » et non plus comme auparavant dans la
limite des montants « dont il a pu se convaincre par lui-même ». La réforme
du 31 décembre 1989 introduit donc une possibilité de contestation au profit

34. Cass. 1re civ., 17 juillet 2001, Bull. civ. I, no 232.


168 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

de l’assureur sur le caractère effectivement « nécessaire » des travaux


engagés. Dans ce cas, la jurisprudence considérant le droit à réparation au
profit de l’assuré inverse la charge de la preuve du caractère « nécessaire » ou
non des reprises : celle-ci repose donc sur l’assureur, l’assuré devant seulement
établir la matérialité des faits. Ce débat technique pourra être tranché par le
biais d’une expertise judiciaire qui sera sollicitée à l’initiative de l’assureur.
La mise en œuvre des travaux « nécessaires » suppose une démarche préalable :
en application de l’article L. 242-1 du Code des assurances, l’assuré doit impé-
rativement notifier à l’assureur son intention de faire procéder aux répara-
tions. La justification de cette notification est systématiquement exigée par
les juges lors d’une évolution contentieuse.
S’agissant du non-respect des 90 jours (pour la formulation de l’offre d’indem-
nité), la sanction évoquée ci-dessus s’applique également. Le bénéficiaire peut
donc engager les travaux « nécessaires » aux réparations de sa propre initiative,
avec toutefois les réserves et en respectant la procédure évoquée plus haut.
En troisième lieu, la loi prévoit que l’indemnité soit « majorée de plein droit
d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal ». Cette troisième sanc-
tion s’applique aussi bien s’agissant du non-respect du délai de 90 jours que de
celui de 15 jours (pour le paiement après acceptation de l’assuré) mais égale-
ment au cas où l’indemnité proposée est manifestement insuffisante. La durée
prise en compte pour le calcul de cet intérêt résulte de l’application de
l’article 1153 alinéa 3 du Code civil. La Cour de cassation considère que le
double de l’intérêt légal court à compter de la date de l’assignation en paie-
ment qui constitue un acte équivalent à la sommation de payer.
Cette analyse apparaîtra favorable aux assureurs car il s’écoulera un certain
délai entre la date du dépassement du délai légal de réponse imparti à l’assureur
et la date de l’assignation.

Exemple
Déclaration du 2 janvier 2007 ; délai maximal pour effectuer une offre d’indemnité :
2 mars 2007 ; paiement de l’indemnité au 15 avril 2007 ; le double de l’intérêt
s’applique à la période du 2 mars 2007 au 15 avril 2007, soit 44 jours.

Enfin, le double de l’intérêt légal constitue une sanction en elle-même et ne


correspond pas à la rémunération des sommes avancées par l’assuré pour
réaliser les travaux35. En conséquence, la jurisprudence considère que le
double de l’intérêt légal doit être réglé par l’assureur même si le bénéficiaire
n’a pas encore engagé les travaux.

35. Cass. 3e civ., 6 octobre 2004, Bull. civ. III, no 164.


CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 169

III – La procédure de mise en œuvre des sanctions


239. Bien entendu, la mise en œuvre des sanctions s’inscrit dans le processus
plus global de gestion amiable d’ordre public de la garantie « Dommages
ouvrage » dont on trouvera supra (nos 229 et s.) les modalités de déroulement.
Au cas où l’assuré observe qu’une infraction a été commise par l’assureur en
regard de ce processus amiable obligatoire, la procédure de mise en œuvre des
sanctions est assez simple :
– 1re phase obligatoire, prévue par l’article L. 242-1 du Code des assurances,
on rappellera que l’assuré doit adresser à l’assureur une correspondance
recommandée avec avis de réception lui indiquant que la procédure obli-
gatoire n’a pas été respectée (par exemple le délai de 60 jours n’a pas été
respecté) et lui notifiant que les dépenses nécessaires à la réparation des
dommages déclarés vont être engagées. Cette notification est essentielle
et systématiquement exigée par le juge en cas de procès ultérieur ;
– 2e phase, l’assuré doit faire établir un chiffrage par devis, ou mieux, par
expertise privée, concernant les travaux de réparation des dommages
déclarés et formuler une réclamation sous forme de lettre recommandée
avec avis de réception à l’assureur, à hauteur de ce montant ;
– 3e phase, en cas d’absence de réponse de l’assureur, l’assuré pourra mettre
en œuvre une action par voie de référé provision devant le président du
TGI du lieu de situation de l’immeuble, s’agissant de l’exécution d’une
prestation d’assurance concernant un immeuble (art. R. 114-1, C. assur.).
Cette action judiciaire est également adaptée en cas de non-paiement de
l’indemnité dans les 15 jours suivant l’acceptation du bénéficiaire.
Pour le cas où l’assureur contesterait le caractère « nécessaire » de la dépense
engagée, il paraîtra prudent de procéder à une assignation sur devis sans
avoir réalisé les travaux, ce qui ferait disparaître toute preuve des éléments de
fait de la cause. Une expertise sera alors possible, à l’initiative de l’assureur, car
la sanction de l’article L. 242-1 du Code des assurances conduit à une inver-
sion de la charge de la preuve ainsi que cela a été exposé plus haut.
En tout état de cause, et notamment en cas de difficultés avec l’assureur, le
bénéficiaire de l’indemnité doit savoir que le « droit à garantie » découlant
de l’infraction de l’assureur au regard de la procédure amiable obligatoire se
prescrit lui-même par deux ans par effet de l’article L. 114-1 du Code des
assurances36. Par conséquent, les lettres recommandées évoquées ci-dessus
comme toute diligence procédurale, doivent être adressées dans les deux ans
suivant la date du dépassement de délai, voire être renouvelées avant leur
second anniversaire. À défaut, la demande serait prescrite.

36. Cass. 1re civ., 1er février 2000, Bull. civ. I, no 32 ; Cass. 3e civ., 20 juin 2012, no 11-14969.
170 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Exemple
Dépassement du délai de 60 jours le 2 mai 2003. La notification aura dû être effectuée
avant le 2 mai 2005. Les relances et la réclamation chiffrée doivent avoir été réalisées
dans les deux ans suivant le 2 mai 2005 soit avant le 2 mai 2007.

Rappel : en cas d’action judiciaire, le délai de deux ans se décompte à partir


de la date de la décision définitive prononcée par le juge (ordonnance de
référé, jugement au fond, décision d’appel, etc.).

§2. L’assurance de responsabilité civile décennale


240. Cette garantie est prévue par l’article L. 241-1 du Code des assurances
mais également par les clauses types rendues possibles par l’article L. 243-8 et
que l’on consultera, cette fois, à l’annexe I de l’article A. 243-1 du même code.
Il s’agit d’une assurance souscrite par les professionnels assujettis à la
responsabilité décennale : l’objectif est, bien évidement dans ce cas, de
protéger l’assuré contre les conséquences de cette responsabilité, c’est-à-dire
de le garantir au sujet d’une dette venant s’inscrire au passif du patrimoine
dudit assuré. L’hypothèse est donc tout à fait différente de celle de l’assurance
« Dommages ouvrage », laquelle a pour objet de protéger un actif du patri-
moine de celui qui fait construire.
La garantie « RCD » (responsabilité civile décennale) est l’autre garantie obli-
gatoire de l’assurance construction. Elle constitue le second temps du méca-
nisme « à deux détentes » retenu par la loi du 4 janvier 1978, sur l’inspiration
du rapport Spinetta. Bien entendu, elle est largement calquée sur la responsa-
bilité qu’elle garantit mais on observera toutefois, ici ou là, des nuances parfois
importantes.
A. Présentation de la garantie responsabilité civile
décennale
I – Les bénéficiaires de la garantie
241. Stricto sensu, le bénéficiaire de la garantie est bien entendu le locateur
d’ouvrage souscripteur qui se trouve garanti contre les conséquences d’une
dette de responsabilité civile décennale contractée à l’égard d’un maître
d’ouvrage, de son acquéreur ou des personnes qui leur sont subrogées.
En pratique, le « bénéficiaire » de la garantie « responsabilité civile décen-
nale » (au sens commun du terme, c’est-à-dire celui qui disposera de l’indem-
nité pour réparer l’immeuble affecté de dommages) est l’assureur « Dommages
ouvrage ».
En effet, celui-ci, en sa qualité d’assureur de chose, a indemnisé le propriétaire,
victime et bénéficie d’une subrogation. Cette subrogation résulte de
l’article L. 121-12 du Code des assurances qui permet à l’assureur d’être
investi, par son paiement, des droits de la victime sur la réparation du
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 171

dommage. Pour ainsi dire, l’assureur « prend la place » du propriétaire victime,


celui-ci perdant du fait de son indemnisation tout droit face au responsable.
On prendra garde que la subrogation ne s’exerce que dans la limite du
paiement réellement effectué par l’assureur « Dommages ouvrage », ce qui
suppose un paiement préalable ou du moins à la date du jugement tranchant
l’action face au responsable et/ou son assureur37.
En revanche, la Cour de cassation n’exige pas que le recours subrogatoire de
l’assureur « DO » soit conditionné à l’affectation des sommes qu’il a payées, à
la réparation effective des dommages38. Ainsi, l’assureur « Dommages
ouvrage » dispose d’un choix entre l’action en répétition des sommes payées
et non utilisées face à l’assuré (avec une prescription égale à deux ans) et
l’action subrogatoire à l’encontre des responsables et de leurs assureurs.
Ce recours s’exerce en outre dans la limite des responsabilités encourues, ce qui
implique de prendre en compte les causes d’exonération du responsable ou
même les causes de non-garantie opposées par son assureur, au stade du
recours subrogatoire.
De même les sommes payées par l’assureur « DO » au titre des sanctions atta-
chées au processus légal en « Dommages ouvrage » ne peuvent pas être récla-
mées aux responsables et à leurs assureurs si les sommes payées ne correspon-
dent pas au règlement d’un sinistre de nature décennale.

Exemple
L’assureur qui paie par erreur une indemnité au-delà du délai décennal ou qui prend en
charge un dommage non décennal sera sans droit à l’égard de l’assureur de responsabi-
lité. Idem pour le montant d’indemnité au double de l’intérêt légal payé par l’assureur
DO au titre d’un retard à faire connaître sa garantie ou son offre ou même à réaliser son
paiement.

Toutefois, il n’existe pas d’interdiction de principe à l’exercice d’un recours


subrogatoire au titre de sommes payées par application d’une sanction39. Il y a
déconnexion entre les sanctions spécifiques à l’assurance Dommages ouvrage
et l’action face aux responsables et leurs assureurs par effet de la subrogation
dans les droits du bénéficiaire de l’indemnité.
Simplement, ce recours, qui sera effectué en droit commun, en dehors du cadre
décennal, face aux entrepreneurs eux-mêmes, sera juridiquement aléatoire,
voire financièrement hasardeux, en considération des conditions de fortune
des défendeurs concernés.

37. Cass. 3e civ., 9 octobre 2001, no 98-18378.


38. Cass. 3e civ., 27 mai 2010, Juris-Data, no 2010-007276.
39. Cass. 3e civ., 9 mai 2012, Juris-Data, no 2012-010146.
172 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

En pratique, le recours subrogatoire s’effectue sur la base d’une quittance de


règlement signée de la victime, cette quittance permettant d’établir la preuve
d’un paiement effectif et de son montant.
Comme on sait, la loi du 4 janvier 1978 facilite beaucoup cette action récur-
soire, notamment par l’aménagement du caractère contradictoire des opéra-
tions d’expertise, par les clauses types. On rappellera que l’expert DO n’est
pas tenu au respect absolu du principe du contradictoire mais que les clauses
types lui imposent d’informer les responsables et leurs assureurs lors de chaque
phase clé de l’expertise.
Les assureurs eux-mêmes ont contribué à faciliter ces recours et à en diminuer
le coût par la signature, le 30 juin 1983, d’une convention dénommée « CRAC »
(convention de règlement en assurance construction). Schématiquement, cette
convention est un accord signé par les assureurs construction qui :
– accroît les conditions d’opposabilité des rapports « DO », dans la majorité
des cas, par l’institution d’un expert unique ;
– modélise la présentation du recours calculé par référence à un barème. Par
ailleurs, les délais sont stricts : le recours doit être réglé sous trois mois ;
– prévoit l’instauration d’un « ticket modérateur ». Ainsi, en dessous d’une
certaine somme, l’assureur « DO » ne présente aucun recours. Au-delà, il
déduit cette somme de sa demande ;
– met en œuvre un système de règlement négocié des conflits.
Les sommes exprimées par la convention sont réactualisées périodiquement.
Bien entendu, il s’agit là d’un accord privé conclu entre assureurs et les béné-
ficiaires, victimes, y sont étrangers : l’accord ne leur est pas opposable.
On sait que la garantie « Dommages ouvrage », bien qu’obligatoire et attrayante,
n’est pas toujours souscrite par les maîtres d’ouvrage particuliers qui sont exonérés
de sanction pénale. En l’absence de toute souscription de la garantie en assurance
de chose, c’est le maître de l’ouvrage qui constitue en pratique, le « bénéficiaire »
de la garantie. Bien entendu, en cas de vente dans les dix ans suivant la réception,
les acquéreurs successifs de l’ouvrage deviennent eux-mêmes « bénéficiaires ».
Dans l’hypothèse dans laquelle le maître de l’ouvrage n’a pas souscrit de
garantie « Dommages ouvrage », c’est lui qui doit mettre seul en œuvre, le
recours destiné à obtenir réparation et établir la responsabilité civile décennale
de son adversaire. Il devra donc souffrir les délais de justice que cela induit.
On notera que la jurisprudence ne considère pas que l’absence de souscription
de la garantie « DO » ou même de mise en œuvre de ladite garantie lorsqu’elle
a été souscrite, soit de nature à exonérer le responsable ou l’assureur RC
Décennale40 donc à empêcher le recours du maître de l’ouvrage.

40. Cass 3e civ., 1er mars 2006, Juris-Data, no 2006-032434.


CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 173

On distinguera trois cas possibles :


– en premier lieu, le maître de l’ouvrage mettra en cause le professionnel
responsable qui appellera en garantie son assureur. Dans ce cas l’entre-
preneur devra mettre en cause l’assureur au plus tard dans le délai de deux
ans suivants sa propre mise en cause sous peine de prescription.
Par ailleurs, en l’absence de texte spécifique, on peut penser que la décla-
ration de l’entrepreneur à son assureur doit intervenir dans le délai de
droit commun de cinq jours suivant la date de la connaissance du sinistre
(en pratique la mise en cause par le maître de l’ouvrage). Toutefois, ce
dernier point ne doit guère mobiliser l’attention. En effet, en cas de dépas-
sement l’assuré n’encourt qu’une déchéance qui ne pourra être opposée par
l’assureur que dans la mesure où le retard, apporté par l’entreprise à
déclarer le sinistre, a causé un préjudice à l’assureur.
Si le maître d’ouvrage met en cause seulement l’entrepreneur jugé respon-
sable, ce dernier bénéficiera d’un délai de deux ans pour attraire son assu-
reur de RC décennale au procès ;
– en second lieu, le maître peut également assigner les deux adversaires (le
professionnel et son assureur) en même temps, ce qui présentera l’avantage
de réduire les risques de prescription mais aussi d’agir conjointement face à
l’entreprise sur la question des responsabilités, notamment au cas où en
définitive le sinistre ne relèverait pas de la responsabilité décennale
garantie ou au cas où l’assureur contesterait l’application de la garantie
ou des modalités d’application. de la police d’assurance.
À noter qu’il est considéré par la jurisprudence que la condamnation de
l’entrepreneur sur le terrain de la responsabilité décennale constitue le
fait générateur de la mobilisation de la police de RC décennale. Ainsi, la
consécration de la responsabilité décennale de l’entrepreneur rend mobili-
sable la Police d’assurance pour le montant reconnu, même si l’assureur n’a
pas participé à la procédure d’expertise judiciaire.
Ceci suppose toutefois que l’action contre l’assureur soit menée dans le
délai de deux ans suivant la mise en cause judiciaire de l’entrepreneur
assuré sous peine de prescription ;
– en troisième lieu, le maître de l’ouvrage dispose, enfin, d’un « droit propre
sur l’indemnité d’assurance » qui lui permet d’exercer une action directe
face à l’assureur seul, sans mise en cause de l’assuré responsable.
Jusqu’en 2000, par effet de l’article L. 243-7 du Code des assurances, spéci-
fique à l’assurance construction, cette action directe pouvait être mise en
œuvre face à l’assureur seul, si le professionnel responsable faisait l’objet
d’une procédure collective. Depuis la fin de l’année 2000, la jurisprudence
admet que cette action est désormais possible dans tous les cas, même en
l’absence de procédure collective frappant le professionnel41.
C’est dire que le maître d’ouvrage peut agir contre l’assureur RC décennal,

41. Cass. 1re civ., 7 novembre 2000, Bull. civ. I, no 274.


174 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

même si le délai décennal n’a pas été interrompu face à l’entrepreneur assuré
dès lors que ce recours est exercé dans le délai de dix ans après la réception.
Bien entendu, si l’entrepreneur assuré est mis en cause dans le délai décennal,
l’action directe de la victime pourra s’exercer durant les deux années suivantes par
effet de l’article L 114-1 du Code des assurances : on le voit, en pareille situation, à
l’instar de l’assureur « DO », l’assureur RC décennale reste exposé à un recours
pendant douze ans après la date de la réception, si l’entrepreneur est assigné durant
les derniers jours du délai décennal de l’article 1792-4-1 du Code civil.
Le maître de l’ouvrage devra toutefois prendre garde au fait que l’assureur peut
lui opposer certaines causes de refus de prise en charge, partielle ou totale,
tenant, par exemple à la validité ou à la nullité du contrat d’assurance ceci
par effet de l’article L. 112-6 du Code des assurances.
De même, l’assureur peut opposer à l’action directe de la victime l’application
d’une règle proportionnelle de prime au sens de l’article L. 113-9 du Code des
assurances, dans le cas où l’entrepreneur a insuffisamment déclaré le risque,
sans pour autant commettre une fraude.
Noter, qu’en revanche, il ne saurait prétendre à une compensation de la
somme due au titre de l’indemnité de réparation et le montant de primes
impayées.
II – La responsabilité garantie
242. Les dommages garantis sont bien entendu ceux prévus par l’article 1792,
1792-2, 1792-4 du Code civil. On rappellera succinctement qu’il s’agit des
dommages :
– cachés à la réception des travaux ;
– affectant un « ouvrage » ou un « élément d’équipement » de cet ouvrage ;
– sans que cet élément d’équipement ait une fonction professionnelle
(art. 1792-7 du Code civil) ;
– en affectant la solidité ;
– ou en compromettant la destination.
En revanche, les dommages n’ayant pas l’intensité décennale ou n’affectant pas
un « ouvrage » visé par les textes ne peuvent relever de l’assurance obligatoire
mais seulement d’une couverture d’assurance facultative fonctionnant confor-
mément au droit commun de l’assurance.

Exemples
Les dommages affectant les travaux de pose d’un équipement en cours de vie d’un
immeuble ; les dommages ne relevant que de la garantie de parfait achèvement ; les
dommages relevant de la garantie de bon fonctionnement ; les dommages mettant en
œuvre des hypothèses de responsabilité de droit commun.
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 175

B. La prise en charge de l’assureur dans le temps


243. On a observé plus haut que la période de prise en charge de l’assureur
« Dommages ouvrage » est fixée, comme pour toute assurance de chose, par la
stipulation du contrat d’assurance. Ce délai doit néanmoins, être conforme à la
loi qui l’établit à dix ans.
En matière d’assurance de responsabilité, la solution est différente. En effet, le
contrat garantit l’assuré pendant la période durant laquelle il se trouve
exposé à la responsabilité garantie. Cette règle est posée par les clauses
types, prévues à l’annexe à l’article A. 243-1 du Code des assurances, au para-
graphe « Durée et maintien de la garantie dans le temps ».
Bien entendu, en matière de responsabilité des constructeurs, le délai est édicté
par l’article 1792-4-1 du Code civil qui la fixe à dix ans. Ce délai se décompte
à partir du lendemain de la formalité de la réception et prend fin conformé-
ment à l’article 642 du nouveau Code de procédure civile au jour du dixième
anniversaire de cette formalité à 24 heures. Enfin, le délai qui expirerait
normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé
au premier jour ouvrable suivant.
On rappellera que l’assurance de responsabilité civile décennale est désormais
gérée en capitalisation. Ainsi, l’assureur reçoit, à l’époque de l’ouverture du
chantier, une prime correspondant au risque assuré et couvre ce risque durant
les 10 ans suivant la réception.
On rappellera également qu’il y a lieu de s’adresser à l’assureur garantissant la
responsabilité de l’entreprise à la date de la DROC ou, si le chantier ne suppose
pas le recours à une autorisation administrative de construire, à la date de
l’ouverture effective du chantier et non à l’assureur de l’entreprise au moment
du sinistre ou de la déclaration de celui-ci.
La solution est identique en cas d’entreprise intervenant en cours de chantier
donc après la DROC, en qualité – par exemple – de repreneur d’un lot aban-
donné par une première entreprise.
S’agissant d’une garantie par capitalisation, on rappellera enfin que la loi du
28 juin 1982, entrée en vigueur au 1er janvier 1983, a mis fin au mécanisme
de la garantie dite « subséquente ». Cette garantie, en vigueur antérieurement
à cette date, permettait de bénéficier des prestations de l’assureur, moyennant
le paiement d’une prime complémentaire dite « subséquente », lorsque l’entre-
preneur résiliait la Police sans pour autant stopper son activité.
Les assureurs, bien qu’observant que la Police décennale a été résiliée, ne
peuvent donc plus aujourd’hui opposer un défaut de paiement de la prime
subséquente pour décliner leur garantie à l’occasion d’un sinistre concernant
un chantier ouvert durant la période de validité de la Police en question. Au
demeurant, toute clause du contrat d’assurance en ce sens, serait réputée non
écrite.
On rappellera qu’en application de l’article L. 114-1 du Code des assurances,
l’assureur peut être également saisi dans le délai de deux ans suivants la date
176 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

de la mise en cause de l’assuré responsable, soit potentiellement deux ans


après l’avant-dernier jour du délai décennal (quasiment douze ans par
conséquent).

Exemple
Un ouvrage a été réceptionné le 12 mars 2001. Le maître de l’ouvrage assigne « en cata-
strophe » le couvreur pour une fuite au toit le 10 mars 2011 sans disposer des coordon-
nées de l’assureur décennal du responsable. Cet assureur pourra être mis en cause lors-
qu’il sera connu jusqu’au 10 mars 2012.

La garantie de l’assureur de responsabilité civile décennale peut être mise en


œuvre sans formalité particulière durant la période de parfait achèvement ce
qui n’est pas le cas, comme on l’a vu plus haut, de la couverture en assurance
« Dommages ouvrage ».
Enfin, le délai d’action face à l’assureur décennal peut être interrompu par
les moyens déjà vus en matière de responsabilité civile décennale :
– assignation en justice même par voie de référé ;
– reconnaissance de responsabilité du défendeur.
En définitive, on constate que le délai de garantie de l’assurance de responsa-
bilité civile décennale est schématiquement identique à celui de l’assureur
« Dommages ouvrage », soit dix ans après la réception. Toutefois, on sait que,
dans certains cas, l’assureur « ouvrage » ne pourra pas exercer son action
récursoire. Il en est ainsi :
– avant réception, lorsqu’il aura indemnisé la victime après mise en demeure
du professionnel et résiliation du contrat ;
– pour les dommages ayant fait l’objet de réserves au PV de réception,
lesdites réserves n’ayant pas été levées et ayant fait l’objet d’une mise en
demeure restée infructueuse.
C. Le contenu de la prise en charge
244. Si l’entrepreneur responsable est débiteur de la totalité des postes de
préjudice actuels directs et certains, imputables au dommage décennal, l’assu-
reur voit, pour sa part, sa participation édulcorée par la réglementation spéci-
fique à l’assurance construction.
L’annexe I à l’article A. 243-1 du Code des assurances précise ainsi que sont
pris en compte les « travaux de réparations » mais aussi les travaux « de démo-
lition, déblaiement, dépose ou démontage, éventuellement nécessaires ». À
ceci s’ajoutent bien entendu les frais d’étude, de maîtrise d’œuvre si celle-ci
est nécessaire.
La jurisprudence conçoit la notion de travaux de reprise d’une manière très
protectrice ; ainsi, elle considère que le coût du déménagement des matériels
existants, nécessaire à la reprise de désordres décennaux affectant le dallage
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 177

d’un local appartenant à une société, relève de la garantie obligatoire et non


des dommages dits « immatériels » ainsi que le prétendait un assureur42.
Sont également dues au titre de la garantie obligatoire, les taxes dont la TVA
si toutefois le maître de l’ouvrage y est assujetti43. Il est important de noter que
c’est au maître de l’ouvrage bénéficiaire des garanties de rapporter la preuve de
son assujettissement à cette taxe, ce point ne devant toutefois en principe pas
poser de problème.
Comme on l’a déjà évoqué en matière de garantie « Dommages ouvrage »,
l’assurance de responsabilité civile décennale n’est pas limitée par le prin-
cipe indemnitaire, si celui-ci conduit à une indemnisation de nature à recréer
les conditions du sinistre : ainsi, la prise en compte des ouvrages manquants
mais nécessaires à la suppression des causes du sinistre (théorie de l’absence
d’ouvrage) est exigée de l’assureur décennal au même titre que de l’assureur
« Dommages ouvrage ».
En revanche, l’assureur décennal ne doit pas indemniser le dommage mobi-
lier. Après une hésitation, la jurisprudence est tout à fait fixée sur ce point,
comme on l’a vu en assurance « Dommages ouvrage »44. Il ne doit pas non
plus indemniser les dommages immatériels45 tels que les troubles de jouis-
sance, pertes de loyers, frais de relogement, etc. Ces postes de préjudices ne
relevant d’aucune des garanties obligatoires, il y aura lieu de vérifier la sous-
cription d’une garantie complémentaire facultative et à défaut, de réclamer
directement à l’entrepreneur responsable le paiement de ces postes de préju-
dice. Ceci peut, à soi seul, justifier sa mise en cause au procès. Noter, pour
finir, que l’assurance de responsabilité décennale est un contrat d’indemnité
dont la fonction est purement indemnitaire (art. L. 121-1, C. assur.). Ainsi,
l’objectif de l’assureur est, par son versement, de rétablir le patrimoine du lésé
au niveau qu’il avait avant le sinistre. De ce fait, le bénéficiaire de la garantie
n’a pas l’obligation d’affecter l’indemnité reçue à la réalisation des travaux.
Cette solution est tout à fait distincte de celle retenue en matière d’assurance
« Dommages ouvrage » ainsi que cela a été énoncé supra (no 234). Elle n’est
pas gênante dans la mesure où en principe la réparation matérielle des
dommages aura été assurée grâce à l’indemnité de l’assureur DO ensuite
subrogé et destinataire à ce titre d’un paiement en argent.
D. Les limites de la prise en charge
245. La prise en charge de l’assureur décennal fait l’objet de deux types de
limites : d’une part les limites posées, dès 1978, par la loi dans un but de protec-
tion des assurés ; d’autre part et à l’inverse, des limites jurisprudentielles

42. Cass. 3e civ., 20 octobre 2010, no 09-66968.


43. Cass. 3e civ., 27 mars 1996, Bull. civ. III, no 85.
44. Cass. 1re civ., 29 février 2000, Bull. civ. I, no 65.
45. Cass. 1re civ., 12 mai 1993, Bull. civ. I, no 161.
178 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

suscitées par les assureurs dans le but de réduire leurs débours et d’équilibrer
une garantie fortement déficitaire.
On rappellera que ces limites ne s’appliquent qu’aux garanties obligatoires.
I – Les limites légales
246. L’assurance construction obéissant jadis, avant le 1er janvier 1979, date
d’entrée en vigueur de la loi actuelle, aux règles générales du Code des assu-
rances, des exclusions de garantie pouvaient être stipulées par les polices RC
décennales dès lors qu’elles étaient « formelles et limitées » (art. L. 113-1,
C. assur.). De même, des plafonds ou des franchises étaient possibles, ce qui
réduisait d’autant les indemnités payées aux victimes. Les assureurs avaient
donc tissé un ensemble de limites à leur prise en charge, par la simple et stricte
application du Code des assurances.
La sécurité des maîtres d’ouvrage et l’équilibre du système légal à deux détentes
exigeaient de limiter ces limitations de prise en charge. L’attention des
pouvoirs publics s’est exercée sur trois sujets qui font l’objet de dispositions au
sein des clauses types annexées à l’article A. 243-1 du Code des assurances.
a) Premier sujet, les exclusions de garantie
Celles-ci sont désormais réduites à trois causes seulement qui ne doivent être
prises en compte que si elles sont la cause exclusive des dommages. Toute
autre exclusion de garantie sera « réputée non écrite » et ne pourra être appli-
quée. En revanche ces exclusions sont opposables non seulement à l’assuré
mais aussi à la victime, à condition cependant que l’assureur établisse la
preuve de l’existence de l’applicabilité de l’exclusion, cette preuve étant à sa
charge (sauf guerre étrangère).
Il s’agit :
– du fait intentionnel ou du dol de l’assuré face à l’assureur. Il s’agit du cas
où l’assuré a commis une faute (par action ou par omission) dans la réali-
sation d’un ouvrage, ladite faute étant destinée à générer un dommage
générant lui-même la mise en œuvre de la garantie de l’assureur. Il suffit
que l’assuré ait voulu ainsi déclencher l’intervention de son assureur46 ;
– de l’usure normale, du défaut d’entretien ou de l’usage anormal du bien.
Les auteurs spécialisés remarquent à juste titre que cette exclusion est
quelque peu inutile : en effet, si le dommage est provoqué par une des
causes visées ci-dessus, la responsabilité du constructeur sera probablement
largement exonérée ne fût-ce que par le fait du maître de l’ouvrage ;

46. Cass. 1re civ., 4 juin 1991, Bull. civ. I, no 174.


CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 179

Exemples
L’ouvrage ne fait l’objet d’aucune visite périodique d’entretien des éléments d’équipe-
ment de chauffage central, ce qui conduit à une panne du système. L’ouvrage à usage de
logement est utilisé comme magasin, ce qui conduit à une dégradation rapide et impor-
tante des revêtements de sol du fait de la fréquentation importante des lieux.

– de la cause étrangère. C’est le cas de l’incendie, de l’explosion, des


cyclones, tremblement de terre et autres événement climatiques excep-
tionnels mais aussi de la sécheresse exceptionnelle, de la guerre, des actes
de terrorisme.
Toutefois, le phénomène en cause doit revêtir les caractères de la force majeure
et être imprévisible, irrésistible et extérieur à la chose endommagée. Or, la
jurisprudence apprécie très strictement le caractère de force majeure des
événements et restrictivement l’exclusion qui pourrait en découler. L’exclu-
sion apparaît ici aussi superflue : en cas de force majeure, il n’y a aucune
responsabilité décennale.
Un exemple de la sévérité de la jurisprudence résulte de l’hypothèse de la
sécheresse exceptionnelle conduisant à une déshydratation des sols qui en se
rétractant produisent des fissures sur tout immeuble. Un tel phénomène peut
en effet relever du régime d’indemnisation exceptionnel de l’article L. 125-1
du Code des assurances, lorsque l’on se trouve en présence de « dommages maté-
riels directs ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent
naturel ». Dans ce cas, le caractère exceptionnel du phénomène est constaté
par arrêté interministériel après constitution de dossiers par les communes.
Or un tel arrêté interministériel n’est pas reconnu suffisant en soi pour attester
du caractère de « force majeure » du phénomène : la garantie de l’assureur est
donc mobilisable.
Ces trois groupes d’exclusions sont – on l’a dit – limitatifs et toute autre dispo-
sition, fut-elle « formelle et limitée », serait illicite. On citera tout particulière-
ment l’illégalité de l’exclusion de garantie pour mise en œuvre de techniques
non courantes47.

Exemple
La mise en œuvre d’un produit nouveau d’étanchéité ou d’une technique non tradition-
nelle pour sa mise en œuvre.

Curieusement, les pouvoirs publics ont ajouté à ces trois exclusions, au sein des
clauses types, une « cause de déchéance », pour le cas où l’entrepreneur assuré
se rendrait responsable d’une « inobservation inexcusable des règles de l’art ».
On voit que la volonté des pouvoirs publics est de réintroduire une part de

47. Cass. 1re civ., 7 juillet 1993, Bull. civ. I, no 247.


180 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

responsabilisation des entreprises dans un système largement dominé par une


responsabilité de plein droit (sans faute) et une assurance presque automatique.
Toutefois, si le but est louable le moyen paraîtra inadapté et difficile à mettre
en œuvre :
– inadapté, car le terme de déchéance correspond, en droit des assurances, à
l’hypothèse où le sinistre étant survenu et la garantie étant mobilisable,
son application se trouve paralysée par une faute de l’assuré : la déclaration
tardive du sinistre est l’exemple le plus fréquent de « déchéance ». Or,
l’inobservation des règles de l’art est très antérieure au sinistre puisqu’elle
est survenue pendant le temps du chantier. Le mécanisme correspond
donc plutôt à une exclusion de garantie. On peut penser que les pouvoirs
publics ont usé de ce terme abusivement, dans l’optique de rendre inoppo-
sable au bénéficiaire de l’indemnité la sanction encourue du fait de la
faute de construction ;
– difficile à mettre en œuvre, car le texte adopte une conception large des
règles de l’art en question. Il renvoie aux réglementations en vigueur,
lesquelles sont principalement celles réunies dans les DTU (documents
techniques unifiés) mais aussi les « normes établies par les organismes
compétents » y compris émanant d’un organisme de normalisation d’un
autre pays membre de l’Union européenne, sans précision aucune quant
à la définition de ces organismes.
De la même manière, le caractère inexcusable n’est pas d’une totale clarté : on
comprendra qu’il s’agit de l’absence ou de la mauvaise mise en œuvre d’une
règle reconnue par le texte, alors que l’entreprise assurée ne pouvait l’ignorer.

Exemple
L’entreprise de couverture ne respecte pas les règles de recouvrement d’une tuile sur
l’autre (le pureau) telles qu’énoncées par les DTU pour le site de construction. Il en
résulte des infiltrations par temps de pluie et de vent.

Enfin, il est important de signaler que la déchéance prévue par les clauses types
est inopposable au bénéficiaire de l’indemnité, ce qui en réduit l’intérêt.
b) Deuxième sujet : la gestion de la franchise
247. Celle-ci est licite, si elle est prévue au contrat d’assurance responsabilité
civile décennale. Il s’agira d’une somme fixée à l’avance, soit en pourcentage
du montant de l’indemnité, soit de manière forfaitairement chiffrée, et qui
restera à la charge des entreprises assurées. L’objectif est tout à la fois de
limiter le poids des « petits sinistres » pour l’assureur mais également de mora-
liser la profession d’entrepreneur en faisant participer celui-ci au règlement
financier du dommage.
Toutefois, les clauses types instaurent une limite qui consiste dans le caractère
inopposable de cette franchise au bénéficiaire de l’indemnité pour la part rele-
vant de l’assurance obligatoire. Il s’agit d’une dérogation aux règles du droit
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 181

commun des assurances (art. L. 112-6, C. assur.) qui fait l’objet d’une applica-
tion stricte de la part de la jurisprudence48. En pratique, l’assureur doit donc
dans un premier temps verser dans son intégralité, sans retenue, le montant
de l’indemnité au bénéficiaire, puis dans un second temps, demander rembour-
sement de la franchise à son assuré, l’entrepreneur responsable. L’indemnité
relative aux dommages mobiliers ou immatériels peut en revanche être affectée
d’une franchise, dès lors qu’il s’agit d’une garantie facultative.
c) Troisième sujet : les plafonds de garantie
248. Ce sujet mérite une attention particulière car il a fait l’objet d’une évolu-
tion récente.
On a vu qu’en assurance « Dommages ouvrage », les plafonds de garantie ont
été prévus dès l’origine par la clause type bien qu’ils semblaient condamnés par
le libellé de l’article L. 242-1 du Code des assurances. Bien qu’aucun texte ne
régisse clairement à l’origine cette question en matière d’assurance de respon-
sabilité civile décennale obligatoire, la jurisprudence a retenu jusqu’en 2006
l’illégalité des plafonds de garantie49. En effet, elle considérait qu’aucune
réduction d’indemnité n’était possible car celle-ci serait contraire à la philoso-
phie de la garantie obligatoire mais également à la lettre même de l’annexe I à
l’article A. 243-1 du Code des assurances qui dispose sans restriction que « le
contrat garantit le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage... ».
À la suite de difficultés concernant la couverture d’assurance et de réassurance
d’opérations de prestige (notamment le Musée des arts premiers à Paris), une
loi du 30 décembre 2006 est venue ajouter au Code des assurances un
article L. 243-9 reproduit ci-dessous : « Les contrats d’assurance souscrits par les
personnes assujetties à l’obligation d’assurance de responsabilité en vertu du présent
titre peuvent, pour des travaux de construction destinés à un usage autre que l’habi-
tation, comporter des plafonds de garantie.
Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles les montants de
garantie peuvent être plafonnés en fonction, notamment du montant des ouvrages
de leur nature ou de leur destination, de la qualité du maître d’ouvrage et du cons-
tructeur et, le cas échéant du niveau de couverture d’assurance des différents interve-
nants à une même construction ».
Par effet du décret du 22 décembre 2008, l’article R. 243-3 du Code des assu-
rances prévoit que le plafonnement pourra être de deux sortes :
– soit, il pourra être égal au montant du coût de l’ouvrage déclaré par le
maître de l’ouvrage ;
– soit, il pourra être inférieur à ce coût dès lors que celui-ci dépasse les
150 millions d’euros, ce qui laisse une certaine marge. Dans ce cas, le
plafonnement ne pourra pas être inférieur à 150 millions d’euros.

48. Cass. 1re civ., 15 décembre 1998, Juris-Data, no 1998-004903.


49. Cass. 1re civ., 25 mai 1992, Bull. civ. I, no 151.
182 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

On a pu craindre que ce texte puisse aboutir à rompre l’équilibre entre les deux
garanties obligatoires, la couverture en « Dommages ouvrage », censée payer la
« totalité des travaux » de réparation selon l’article L. 242-1 du Code des assu-
rances, n’étant pas assortie de plafonds. Comme on sait, cette anomalie a été
corrigée par la loi du 28 juillet 2008 et son décret d’application, de sorte que le
régime des plafonds apparaît aujourd’hui totalement cohérent.
II – Les limites jurisprudentielles : les causes de « non-garantie »
249. Les textes qui viennent d’être présentés encadrent de manière impéra-
tive, les stipulations des contrats d’assurance responsabilité civile décennale.
L’article L. 243-8 du Code des assurances impose des clauses « au moins équiva-
lentes à celles figurant dans les clauses types ». Celles-ci limitent à trois les causes
d’exclusion avec pour sanction le caractère « non écrit » des stipulations moins
favorables. Aucun écart n’est donc permis aux assureurs.
Le souci d’équilibrer leurs comptes dans une branche traditionnellement défi-
citaire a donc conduit ces derniers à plaider sur la base d’un autre montage
juridique : celui de la non-garantie. Ceci pourra être perçu comme une
atteinte à la protection des victimes telle que voulu par le rapport Spinetta,
puis la vision consumériste de la loi du 4 janvier 1978.
Deux types de non-garantie ont eu la faveur de la Cour de cassation qui toute-
fois a veillé à ce qu’une application équilibrée en soit effectuée dans la
pratique. Il s’agit de la jurisprudence de l’activité déclarée et de celle du chan-
tier déclaré.
a) L’activité déclarée
250. Le raisonnement des assureurs repose sur une distinction dont il y a lieu
de rappeler l’essentiel qui oppose la notion d’exclusion de garantie à celle de
non-garantie.
En effet, l’exclusion de garantie correspond schématiquement à une partie d’un
risque assuré ne faisant pas l’objet d’indemnisation. Le sinistre entre en prin-
cipe dans le champ de la garantie mais par effet de l’exclusion stipulée au
contrat, il n’est pas indemnisé.

Exemple
Exclusion d’une police « vol » de certains bijoux ou fourrures. En cas de sinistre, l’assu-
reur réglera une indemnité pour les divers postes de préjudice sauf ceux faisant l’objet de
l’exclusion.

Au contraire, la non-garantie correspond à un risque que l’on peut repré-


senter comme à l’extérieur de la sphère du contrat d’assurance.
Les assureurs de responsabilité civile décennale ont prétendu raisonner sur la
base d’une non-garantie pour refuser d’indemniser certains sinistres, au motif
que l’activité ayant donné lieu aux dommages se trouvait « hors » du champ de
la police d’assurance pour ne pas avoir été déclarée à l’assureur. Le
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 183

raisonnement est simple : l’activité qui est la cause du sinistre n’étant pas
déclarée et ne figurant pas au contrat, celle-ci lui est extérieure. Le sinistre
ne doit pas être indemnisé.
Cette prétention a été curieusement reçue par la Cour de cassation, en 1997,
grâce à deux arrêts.
Le premier concernait un entrepreneur qui, assuré pour des travaux d’aména-
gement de magasins (électricité, plomberie, ventilation) s’était aventuré à
refaire une toiture chez un particulier. Cette jurisprudence ayant été consacrée
et faisant l’objet d’une application constante, il est intéressant de reproduire
l’attendu principal de cette importante décision :
« Attendu que, si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit sous-
crire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles
prévues par l’annexe I à l’article A. 243-1 du Code des assurances, la garantie de
l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le
constructeur ; »
On constate que le raisonnement de la Cour de cassation se compose de deux
mouvements. Dans un premier temps, elle rappelle strictement que les seules
exclusions admises sont celles prévues par les clauses types ; dans un second
temps, elle affirme que la garantie ne peut concerner que « le secteur d’activité
déclaré ». Ceci consacre le principe d’une non-garantie50 qui vise une activité
extérieure au champ d’application de la Police décennale.
Assez rapidement cet arrêt de principe a été confirmé par une autre décision
concernant un entrepreneur de charpente qui avait assumé la construction
dans son entier d’un chalet en bois51.
La Cour de cassation considère que l’activité de charpentier est distincte de
celle de constructeur de chalet, de sorte que cette dernière activité ne saurait
être considérée comme intégrée à la sphère contractuelle de la garantie
d’assurance.
On notera que la Cour de cassation est vigilante au sujet de la distinction entre
exclusion et « non garantie ». Ainsi, elle se refuse à admettre l’exclusion de
certains travaux de bâtiment52 ou de procédés de construction considérés
comme des « techniques non courantes53 » car elle considère que ces stipula-
tions « font échec aux règles d’ordre public relatives à l’étendue de l’assurance
obligatoire », de sorte qu’elles doivent être réputées non écrites.
Malgré tout, l’argumentation conduisant à la consécration d’une « non-garantie »
en cas de défaut de déclaration de l’activité source du sinistre n’est pas exempte
de critiques.

50. Cass. 1re civ., 29 avril 1997, Bull. civ. I, no 131.


51. Cass. 1re civ., 28 octobre 1997, Bull. civ. I, no 295.
52. Cass. 3e civ., 9 juin 2003, Juris-Data, no 2003-019843.
53. Cass. 3e civ., 9 juillet 2003, Bull. civ. III, no 144.
184 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Ainsi, il a été justement objecté que l’objet de l’obligation d’assurance ne


s’attache pas à une activité particulière mais à la responsabilité décennale
elle-même : en effet, selon l’article L. 241-1 du Code des assurances, « toute
personne physique ou morale dont la responsabilité décennale peut être engagée sur
le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil
[...] doit être couverte par une assurance ».
Dès lors que l’entreprise engage cette responsabilité décennale, la garantie doit
jouer, quelle que soit l’activité exercée et il serait vain de prétendre que le
risque assuré (la responsabilité décennale) a changé de nature en raison de
l’activité déclarée.
En réalité, le problème ne relève que du travail de l’actuaire, dans le cadre du
calcul de la prime correspondant au risque réel. En effet, la véritable question
consiste dans la nécessité pour l’assureur d’appeler une prime qui corresponde
au risque assuré. Ici, effectivement, la nature de l’activité exercée influe de
toute évidence.
Par conséquent, dans cette logique, la sanction du défaut de déclaration de
l’activité exercée au titre de l’assurance RC décennale obligatoire souscrite
doit être constituée par une règle proportionnelle conformément à
l’article L. 113-9 du Code des assurances : l’assureur paiera l’indemnité au
prorata de la prime payée, en regard de la prime qui aurait dû l’être. Bien
entendu, la règle proportionnelle étant opposable au bénéficiaire de l’indem-
nité, celui-ci ne touchera qu’une partie de son préjudice mais cela reste plus
favorable qu’au cas de « non-garantie » dans lequel il ne recevra aucune
indemnisation. De plus, l’application de la règle proportionnelle et notam-
ment les éléments du re-calcul de la prime qui aurait dû être payée en regard
de l’activité réelle à garantir est à la charge de l’assureur54, ce qui est protecteur
de l’assuré victime.
Tout aussi grave est le fait que la liste des activités déclarées n’a pas fait
l’objet d’une normalisation en vue d’une liste d’activités, unique et fiable,
commune à tous les assureurs. Chacun peut mettre en œuvre son propre décou-
page annexé au contrat d’assurance et faisant la loi des parties. En l’absence de
liste contractuelle proposée par l’assureur, c’est au juge du fond qu’incombe la
charge de définir si l’activité a été ou non déclarée. Il a été jugé ainsi que l’acti-
vité de maçonnerie n’emporte pas celle de couvreur55. En revanche, il est
admis que le couvreur doit également assumer les ouvrages annexes tels que
les gouttières, les solins et les tuyaux de descente des eaux pluviales.
L’incertitude est donc partout. Or, la constatation a posteriori de l’absence de
déclaration d’une activité donnée place l’entrepreneur dans la situation
d’absence de couverture obligatoire qui constitue une infraction pénale. On
observera que l’assemblée générale de la FFSA (Fédération Française des

54. Cass. 1re civ., 6 juin 2000, Bull. civ. I, no 171.


55. Cass. 3e civ., 8 novembre 2006, Bull. civ. III, no 218.
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 185

Sociétés d’Assurance) qui s’est tenue le 18 décembre 2007 a adopté une réso-
lution sur l’adoption d’une nomenclature commune, des activités du bâtiment
comportant 39 activités. Ce document est donc de nature à réduire les diffi-
cultés de définition des activités à déclarer.
Enfin, c’est à l’entreprise d’actualiser sans cesse, au gré de l’évolution de son
entreprise, la liste des activités déclarées.
En dépit de ces critiques, la jurisprudence de l’activité déclarée est sans cesse
confirmée. C’est sans doute la raison pour laquelle la Cour de cassation a
tempéré la rigueur de la « non-garantie » résultant d’une activité non déclarée,
grâce à diverses précisions :
– tout d’abord, la non-garantie ne peut s’appliquer qu’à des activités tech-
niques et non à la forme juridique de leur exercice : l’entrepreneur assuré
pour l’activité de maçonnerie doit être garanti, qu’il construise un ouvrage
dans le cadre d’un contrat de louage d’ouvrage ou d’un contrat de cons-
truction de maison individuelle. Le fait d’avoir omis de signaler à l’assureur
que l’entreprise signait des contrats protégés de ce type ne permet pas
d’invoquer une non-garantie56. La Cour de cassation considère, de même,
que la couverture souscrite pour une activité de constructeur de maison
individuelle comporte nécessairement la réalisation de fondations et
travaux de gros œuvre57. L’appréciation de l’activité garantie est donc
exclusivement technique et concrète ;
– c’est à la compagnie d’assurance d’invoquer la non-garantie dans le cadre
d’un procès : le juge n’a pas la possibilité de soulever d’office, l’absence de
déclaration de l’activité en cause. Cette prétention devra, bien entendu,
être motivée sur la base des stipulations de l’attestation d’assurance
remise au maître de l’ouvrage par le truchement de l’entrepreneur assuré,
rapportée à l’activité ayant conduit à la production du sinistre ;
– enfin, la Cour de cassation exerce un contrôle soigneux des dispositions
des attestations d’assurance diffusées par les assureurs afin de sanctionner
les conséquences d’attestation incomplètes ou imprécises.
Si l’attestation est incomplète et ne comporte aucune activité déclarée, le
maître de l’ouvrage ne pourra se voir opposer aucune restriction58 de
garantie, résultant de l’absence de déclaration de l’activité concernée.
Si l’attestation est imprécise, faute de détailler les activités garanties,
l’assureur59 engagera sa responsabilité.
Ainsi la Haute juridiction considère qu’une Cour d’appel ne saurait débouter
en pareille un maître d’ouvrage victime, de son recours contre l’assureur :
« Qu’en statuant ainsi, alors que l’assurance de responsabilité obligatoire dont l’exis-
tence peut influer sur le choix d’un constructeur étant imposée dans l’intérêt des

56. Cass. 3e civ., 2 mars 2005, Bull. civ. III, no 48.


57. Cass. 3e civ., 14 mars 2010, no 09-11975.
58. Cass. 3e civ., 3 mars 2004, Bull. civ. 2004, III, no 46.
59. Cass. 3e civ., 17 décembre 2003, Bull. civ. III, no 235.
186 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

maîtres d’ouvrage, il appartient à l’assureur, tenu d’une obligation de renseignement


à l’égard de son assuré à qui il délivre une attestation nécessairement destinée à
l’information des éventuels bénéficiaires de cette garantie, de fournir dans ce docu-
ment les informations précises sur le secteur d’activité professionnelle déclaré, la cour
d’appel a violé les textes susvisés ».
En effet, les juges estiment que le maître de l’ouvrage n’est pas en mesure de
savoir exactement l’étendue des garanties souscrites, ce qui peut fausser son
choix des entreprises60.
On observera que l’assureur est sanctionné sur le terrain quasi délictuel : la
faute contractuelle de l’assureur vis-à-vis de son assuré génère donc une
action quasi délictuelle pour le maître d’ouvrage bénéficiaire de la garantie.
Il est donc nécessaire que l’attestation soit suffisamment défectueuse pour
entraîner la faute de l’assureur. Au contraire, une attestation précise ne
pourra engager ladite responsabilité de l’assureur61.
On observera également que la faute réside dans un défaut de renseignement
sur l’étendue de la garantie. La doctrine rappelle à juste titre que
l’article R. 243-2 du Code des assurances dispose que « pendant l’exécution des
travaux, le maître de l’ouvrage peut demander à tout intervenant à l’acte de cons-
truire, de justifier qu’il satisfait aux obligations prévues par les articles L. 241-1 et
L. 242-2 » du Code des assurances. Cette référence à l’obligation d’information
et de renseignement, opposé par le maître d’ouvrage tiers au contrat d’assu-
rance, a au demeurant connu une certaine extension. Par exemple, il a pu
être reproché à un assureur de ne pas avoir alerté un maître d’ouvrage, par
une mention sur l’attestation d’assurance que la garantie était suspendue et
qu’il existait un risque de résiliation62.
En tout état de cause, les candidats à l’acte de construire trouveront dans la
souscription de la garantie « Dommages ouvrage » une parade efficace à
cette jurisprudence contestable car on rappellera que l’assureur de chose
règle sans prendre en considération les responsabilités des divers intervenants.
b) Le chantier déclaré
251. Cette jurisprudence n’appelle que peu de commentaires dans la mesure
où elle constitue le calque exact – mais pour une autre cause – de la jurispru-
dence de l’activité déclarée.
Dans cette hypothèse, consacrée en 2003, la Cour de cassation a considéré
qu’en l’absence de déclaration du chantier à l’assureur, aucune garantie ne
peut être mobilisée car le chantier non déclaré doit être considéré comme
extérieur au champ du contrat d’assurance63.

60. Cass. 3e civ., 29 mars 2006, Bull. civ. III, no 84.


61. Cass. 3e civ., 5 décembre 2012, Juris-Data, no 2011-028278.
62. Cass. 3e civ., 24 octobre 2012, pourvoi no 11-16012.
63. Cass. 3e civ., 5 décembre 2000, Bull. civ. III, no 313.
CHAPITRE 2 – LES POLICES D’ASSURANCE OBLIGATOIRES 187

En effet, on sait que les entreprises souscrivent des garanties à l’année pour
leur activité de constructeur. Pour définir l’ampleur du risque et de la prime,
les entreprises doivent donc déclarer les divers chantiers qu’elles ouvrent
afin, en fin d’année, de permettre à l’assureur d’apprécier l’activité et de
calculer la prime. En l’absence de déclaration, l’assureur ignore l’ampleur
exacte du risque.
Comme pour la jurisprudence de l’activité déclarée, on voit que l’enjeu de la
démarche est économique. Il s’agit de faire en sorte que l’assureur ne déséqui-
libre pas sa garantie en raison de prises en charge pour lesquelles les primes
adéquates n’ont pas été perçues. Toutefois, ici comme en ce qui concerne
l’activité déclarée, la solution pourrait provenir d’une règle proportionnelle
de prime.
On notera – comme pour l’activité déclarée – que la victime des dommages
devient également la victime des carences de l’entrepreneur dans l’information
de son assureur. Qui plus est, aucune jurisprudence ne vient ici rééquilibrer la
charge de chacun, la responsabilité quasi délictuelle pour défaut de précision
de l’attestation d’assurance n’ayant en matière de non-déclaration d’un chan-
tier aucune espèce d’application.
Nos 252 à 262 réservés.

Bibliographie

CHARBONNEAU (C.), « La responsabilité des assureurs construction », RDI 2008, p. 535 ;


– « La FFSA publie ses modèles types d’attestation d’assurance RCD à destination de ses
adhérents », RDI 2010, p 501.
COULON, « Les conséquences du plafonnement de l’assurance construction sur le dispo-
sitif Spinetta », Constr.-Urb. 2009, Étude 20.
PIMBERT, « Assurance de responsabilité décennale : activité garantie et déclaration du
secteur d’activité », JCP G II no 10 091.
POURCEL, « Dommages ouvrage : des délais et des droits », Constr.-Urb. 2008, Étude
no 10.
ZAVARO (M.), « L’assureur Dommages ouvrage et la prise en charge de l’aléa technique
des reprises », Bulletin Lamy droit immo. 2005, no 132, p. 6.
Chapitre

3
Les garanties facultatives
complémentaires

Plan du chapitre

§1. Le panorama des garanties facultatives


§2. Évocation du régime des garanties facultatives

RÉSUMÉ
263. On envisagera les diverses hypothèses de garantie d’assurance facultatives,
avant de s’attacher à décrire leur régime, et notamment l’épineuse question de la
prise en charge dans le temps.
190 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

264. L’assurance obligatoire ne couvre pas la totalité des hypothèses de


dommages et une part non négligeable de la couverture du risque « construc-
tion » reste assumée par des garanties facultatives relevant du droit commun
de l’assurance.
On citera bien entendu le cas où les travaux ne correspondent pas à un
ouvrage : il en est ainsi des travaux d’entretien courant ou des dommages attei-
gnant des équipements professionnels visés à l’article 1792-7 du Code civil (un
contrat RC professionnel est alors souscrit facultativement). Il s’agit également
des cas où la garantie de dommages découlant de travaux effectués sur un
ouvrage ne relève pas de l’assurance obligatoire.
Ces hypothèses relèvent du droit commun de l’assurance et se manifestent sous
la forme de polices facultatives avant ou après réception qu’il y a lieu à présent
d’évoquer.
À noter que parfois, la police d’assurance souscrite par un opérateur peut réunir
de manière tout à fait spécifique des garanties obligatoires et facultatives pour
s’adapter à une situation particulière.
On citera brièvement la police « CNR » qui est souscrite par un constructeur
non-réalisateur. Il s’agit d’un promoteur souhaitant assurer de manière globale
les responsabilités qu’il encourt dans le cadre d’un programme tant au plan de
l’assurance obligatoire étudiée plus haut qu’à celui de l’assurance facultative.
La « PUC » (police unique chantier) obéit à une logique un peu différente
et se rencontre dans le cadre de programmes de quelque ampleur. Souscrite
par le maître d’ouvrage (ce qui implique qu’il s’agisse d’un maître d’ouvrage
professionnel : SCI de construction/vente par exemple), elle consiste en une
police d’assurance qui regroupe la totalité des besoins d’assurance pour un
chantier déterminé. Ainsi, elle comporte la garantie « Dommages ouvrage »
mais également les garanties « RC décennale » des divers intervenants. Ces
derniers n’auront donc pas à déclarer le chantier à leur assureur « habituel »
ni à lui déclarer les éventuels sinistres. Au titre de la PUC, l’assureur appli-
quera la garantie DO puis, au niveau des franchises, les Polices RC décennale
des locateurs.
Cette unicité d’assureur est génératrice d’économies et de simplification ; en
outre, elle permet d’adjoindre aux garanties obligatoires certaines garanties
facultatives notamment durant le temps du chantier.
Parfois même, la police est « super-globale » et englobe les garanties finan-
cières d’achèvement qui sont obligatoires en matière de vente sur plan de
bien immeubles à usage de logement du « secteur protégé ».
Il convient enfin de dire un mot de l’assurance des architectes. En effet, si ces
derniers sont assujettis, comme tous les locateurs d’ouvrage, à la garantie obli-
gatoire du risque décennal, leur obligation d’assurance se révèle beaucoup plus
étendue. En effet, ordinalement, l’architecte est astreint à une obligation
d’assurance professionnelle couvrant les conséquences pécuniaires des respon-
sabilités spécifiques « en raison des actes qu’il accomplit à titre professionnel
CHAPITRE 3 – LES GARANTIES FACULTATIVES COMPLÉMENTAIRES 191

ou des actes de ses préposés » (loi du 3 janvier 1977, art. 16). Cette obligation
d’assurance est au demeurant sanctionnée pénalement.
La police souscrite par l’architecte aura donc vocation à couvrir des hypothèses
de responsabilité dans la conception de l’ouvrage, l’appel d’offres (y compris la
vérification des assurances obligatoires des entreprises retenues) ou le suivi du
chantier et se révèle donc particulièrement intéressante pour les maîtres
d’ouvrage en difficulté en cas de litige de construction.
Au plan des garanties facultatives qui vont être abordées à présent, il paraît
nécessaire de dresser rapidement le panorama des garanties offertes avant de
se concentrer sur le régime de ces garanties.

§1. Le panorama des garanties facultatives


265. On distinguera ici trois garanties principales avant réception mais égale-
ment cinq types de garanties après réception.
A. Les garanties avant réception
266. Elles concernent la période du « temps du chantier » où les responsabi-
lités et garanties prévues par la loi du 4 janvier 1978 ne sont pas encore concer-
nées. Il s’agit donc pour les acteurs de la construction de se protéger contre les
risques pouvant survenir pendant les travaux. Il est important de noter que ces
garanties ne visent en aucun cas la réparation de dommages résultant de malfa-
çons affectant l’ouvrage.
I – La garantie « effondrement »
267. Elle peut être souscrite par l’entrepreneur (ou le maître de l’ouvrage pour
le compte de ce dernier). Cette garantie est une assurance de chose qui vient
prendre en compte les conséquences des articles 1788 et suivants du Code civil
en matière de « risques du chantier », lesquels pèsent comme on l’a vu sur les
locateurs d’ouvrage. Il s’agit d’une garantie très ancienne, traditionnellement
adossée aux garanties obligatoires. Ainsi, en cas d’effondrement ou de risque
imminent d’effondrement, cette garantie a vocation à s’appliquer pour le
financement des travaux nécessaires (travaux confortatifs, déblaiements,
etc.). Cette police s’applique durant le temps du chantier jusqu’à la réception.
II – La police « tous-risques chantier » (TRC)
268. Elle constitue pour sa part une garantie destinée à prendre en charge les
dommages accidentels pouvant affecter le chantier : dégât des eaux, incendie,
vols, actes de vandalismes, mais pas les dommages résultant d’une erreur de la
part des entreprises.
Cette garantie, en assurance de chose, couvre les ouvrages en cours, les engins
(fausse manœuvre, chute d’engins de type grues, etc.) mais également les bara-
ques de chantier et même, selon les stipulations du contrat, les dommages
192 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

accidentels aux végétaux. Les maîtres d’ouvrage peuvent sur option faire égale-
ment assurer « l’erreur sans dommage » qui est alors une non-conformité.
Cette garantie est souscrite par les maîtres d’ouvrage professionnels et sa durée
de validité s’étend de la date d’ouverture du chantier à celle de la réception.
III – La police « multirisques » avant réception
269. Elle constitue une autre possibilité pour les maîtres d’ouvrage. Cette
garantie, également en assurance de chose, ressemble de près à la TRC,
quoique les dommages pris en charge soient plus restreints. En revanche, la
garantie « multirisques » présente la particularité de pouvoir être prolongée
après réception sous la forme d’une assurance « multirisques » classique, ce
qui permet par exemple d’assurer jusqu’à leur commercialisation les invendus
contre les incendies ou les dégâts des eaux (DDE).
B. Les garanties après réception
270. À ce stade de la présentation des garanties facultatives, il est nécessaire
de distinguer le cas des garanties applicables aux personnes assujetties aux
garanties obligatoires de celui des personnes qui n’y sont pas assujetties.
Dans le premier cas, les garanties en cause seront souscrites soit par le maître
d’ouvrage en « Dommages ouvrage », soit par les locateurs d’ouvrage au titre
d’une garantie de RC. La réception étant prononcée, les garanties obligatoires
de la loi du 4 janvier 1978 ont vocation à s’appliquer : les garanties faculta-
tives ont alors pour mission de compléter les garanties obligatoires.
I – S’agissant du maître d’ouvrage et des locateurs d’ouvrage
271. En premier lieu, s’agissant des maîtres d’ouvrage, les garanties facultatives
après réception prendront en compte les dommages non indemnisés par les
garanties obligatoires en décennale. Il s’agira comme on sait des dommages
immatériels mais aussi des dommages aux biens mobiliers.
Une garantie optionnelle et facultative leur permettra aussi d’être garanties en
cas de dommages relevant de la garantie dite « de bon fonctionnement » des
éléments dissociables de l’ouvrage.
Les maîtres d’ouvrage pourront enfin trouver intérêt, en matière de travaux de
rénovation, à souscrire une garantie, en assurance de chose, des existants.
On rappellera, en effet, que l’ordonnance du 8 juin 2005 a retranché de l’assu-
rance obligatoire les dommages aux existants sauf si ces derniers se trouvent
incorporés aux travaux neufs. Les travaux non incorporés sont donc désormais
exclus des garanties obligatoires. Pour remédier à cette lacune et dans le droit
fil du rapport Périnet-Marquet, les assureurs se sont regroupés pour adopter une
convention offrant une garantie facultative aux maîtres d’ouvrage en assurance
de chose. Les dommages aux existants non incorporés peuvent ainsi être pris
en compte. On notera que cette garantie facultative doit être obligatoirement
proposée aux assurés. Elle prévoit une définition unique des « existants ».
CHAPITRE 3 – LES GARANTIES FACULTATIVES COMPLÉMENTAIRES 193

Enfin, les assureurs ont mis en place une instance de régulation à laquelle
peuvent s’adresser les assurés au cas de difficultés de souscription de la garantie
ou de règlement des sinistres.
S’agissant des locateurs d’ouvrages, des garanties facultatives pourront venir
compléter les polices obligatoires pour couvrir des dommages immatériels
mais aussi des dommages aux biens mobiliers. Pourront également être pris en
compte les dommages relevant de la garantie « de bon fonctionnement ».
Enfin, les polices pourront prévoir la couverture des dommages dits « intermé-
diaires » dont on rappellera qu’il s’agit de dommages résultant d’une faute d’un
locateur d’ouvrage et dont les conséquences ne sont pas d’ampleur décennale.
Il sera observé que les dommages consécutifs à une malfaçon décennale
peuvent également être pris en charge par l’assureur « Multirisque habitation »
du maître d’ouvrage propriétaire des lieux sinistrés. Ainsi, les conséquences
dommageables d’une fuite d’eau de nature décennale sur le mobilier du
maître d’ouvrage, voire son éviction temporaire des lieux, peuvent relever de
cette garantie au titre du risque « DDE » (dégât des eaux). Il est donc impor-
tant de vérifier le contenu du contrat « Multirisque habitation » y compris en
cas de dommages décennaux, spécialement si les Polices spécifiques à l’assu-
rance construction ne prévoient pas de prise en charge de ces dommages
« consécutifs ».
Les garanties du contrat « Multirisque habitation » ne relevant pas de l’objet
de cet ouvrage, le lecteur se reportera aux ouvrages traitant de cette matière1.
II – S’agissant du sous-traitant
272. En ce qui concerne les garanties facultatives applicables à des interve-
nants à l’acte de construire non concernées par l’assurance obligatoire, il
convient de s’arrêter sur le cas spécifique du sous-traitant.
En effet, les compagnies ont pris en compte le statut particulier de celui-ci. On
a vu que la qualité de sous-traitant était liée à la position de cocontractant d’un
entrepreneur principal pour la réalisation de travaux sur un chantier donné au
profit d’un maître d’ouvrage, qui a la qualité de tiers pour ce maître d’ouvrage.
On a également vu que le sous-traitant est un entrepreneur à part entière
susceptible de conclure des marchés de travaux et d’être de ce fait soumis à
l’obligation d’assurance.
Ainsi, cet entrepreneur doit souscrire à titre habituel des polices « Responsabi-
lité Civile décennale » à l’année.
On constate que l’entrepreneur en question exerce tantôt son activité en
qualité de cocontractant du maître d’ouvrage et tantôt en qualité de cocon-
tractant d’un entrepreneur principal, c’est-à-dire en sous-traitant.

1. A. Pimbert, L’essentiel du droit des assurances, coll. Carré Rouge, Gualino éditeur, 2012 ;
B. Beignier, Droit des assurances, Précis DOMAT, MONTCHRETIEN, 2011 ; Y Lambert-Faivre,
Droit des assurances, Précis Dalloz, 2011.
194 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Pour s’adapter à cette situation, les compagnies proposent le plus souvent une
extension de garantie de la couverture décennale au cas où le souscripteur de
la police intervient en qualité de sous-traitant. Ainsi, dans le cas où un entre-
preneur sous-traitant est mis en cause pour des dommages décennaux survenus
après réception, sur un ouvrage qu’il a réalisé pour le compte d’un entrepreneur
principal, la police RC décennale obligatoire souscrite par ce sous-traitant pour
son activité d’entrepreneur interviendra dans le cadre d’un volet en assurance
facultative.
Il y a lieu ici de prendre conscience que cette garantie ne couvrira pas toutes
les hypothèses de responsabilité du sous-traitant. En effet, on a vu que ce
dernier engage une responsabilité civile de nature quasi délictuelle, sur le
terrain de l’article 1382 du Code civil, face au maître d’ouvrage. Plus encore,
il engage une responsabilité d’essence contractuelle assortie, cette fois, d’une
obligation de résultat vis-à-vis de son donneur d’ordre, l’entrepreneur prin-
cipal. On le voit, le champ de ces responsabilités excède sensiblement celui
de la « décennale » car elles ne comportent pas le « calibrage » énoncé par
l’article 1792 du Code civil, considéré tant dans ses conditions juridiques
(dommage après réception, caché à ladite réception, etc.) que dans ses techni-
ques (atteinte à la solidité ou impropriété à la destination) sous réserve bien
entendu du libellé exact des Polices.
Par conséquent, si le dommage affectant les travaux du sous-traitant est
d’ampleur décennale, l’assureur prendra en charge le sinistre. Dans le cas
inverse, la garantie facultative ne peut être mobilisée.
De plus, s’agissant d’une couverture facultative, la franchise, voire plus rare-
ment les plafonds de garantie (cf. infra, no 276), seront parfaitement opposa-
bles à la victime comme à l’assuré, de sorte que les sinistres concernant des
dommages faibles par leur ampleur (non décennaux) ou/et par leur montant
(déduction de la franchise) resteront à la charge de l’entrepreneur
sous-traitant.

§2. Évocation du régime des garanties facultatives


273. Bien entendu, pour l’ensemble de ces garanties facultatives c’est le droit
commun de l’assurance qui est applicable. Ainsi les règles qui ont été étudiées
au chapitre des assurances obligatoires ne sont absolument pas concernées sauf
hypothèse d’une contractualisation, par stipulation des parties au contrat
d’assurance. Ceci est principalement le cas pour la procédure amiable obliga-
toire assurance « Dommages ouvrage », les conditions de déclaration du
sinistre, le calendrier de gestion imposé à l’assureur mais également les sanc-
tions attachées à sa violation qui ne sont en aucun cas applicables.
Au sujet du régime des garanties facultatives on pourra retenir quatre points
principaux constitués par les modalités de déclaration, l’ampleur de l’indemni-
sation (les franchises et plafonds de garantie), les exclusions et l’application de
la police d’assurance dans le temps.
CHAPITRE 3 – LES GARANTIES FACULTATIVES COMPLÉMENTAIRES 195

A. Les modalités de déclaration


274. Les polices facultatives en assurance de chose seront mobilisées par leur
souscripteur ou les bénéficiaires successifs en cas de vente. Les polices en assu-
rance de responsabilité seront mobilisées par leur souscripteur ou par le tiers
victime.
En effet, celui-ci s’est vu reconnaître un droit propre sur l’indemnité qui a été
consacré par l’article L. 124-3 du Code des assurances. Ce droit propre, en
vertu duquel l’assureur ne peut payer l’indemnité à un autre que le tiers lésé,
se traduit au plan de sa mise en œuvre pratique par la consécration d’une
action directe de la victime, face à l’assureur de responsabilité.
On rappellera qu’au terme d’une longue évolution, la Cour de cassation a
reconnu par un arrêt du 7 novembre 20002 que la mise en cause de l’assuré
n’est pas nécessaire dans le cadre de l’action directe. Cette mise en cause
restera cependant nécessaire au cas où des sommes pourraient ne pas être
prises en charge par l’assureur et rester donc au débit de l’entrepreneur assuré.
Ceci ne présente pas de difficulté. Toutefois, une incertitude est apparue en
ce qui concerne la garantie dite « effondrement ». En effet, celle-ci présente
la particularité d’être une assurance de chose, de sorte que le maître de
l’ouvrage ne peut l’actionner directement car l’action directe de la victime ne
se conçoit qu’en présence d’une police de responsabilité.
275. Pour éviter d’aboutir à une solution inique, la Cour de cassation a admis
l’action directe du maître de l’ouvrage contre l’assureur « effondrement » de
l’entrepreneur en considérant que le contrat d’assurance de chose, ainsi sous-
crit par l’entrepreneur auquel ont été confiés les ouvrages « pour le compte de qui
il appartiendra, s’analyse comme un contrat d’assurance de responsabilité envers leur
propriétaire pour leur perte ou leur dégradation ».
Au plan de la forme de la déclaration, les clauses types n’étant pas applicables,
il y a lieu de se référer à la stipulation contractuelle et, à défaut de précisions
fournies par le contrat, de respecter les indications de l’article L. 113-2 du
Code des assurances. Une déclaration doit donc être en principe régularisée
dans le délai de cinq jours compté à partir de la date de connaissance du
sinistre. La déchéance prévue par cet article est applicable mais, en pratique,
celle-ci sera difficile à mettre en œuvre, l’assureur devant justifier d’un préju-
dice résultant du non-respect du délai de déclaration du sinistre.
B. L’ampleur de l’indemnisation : les franchises
et les plafonds de garantie
276. Bien entendu, l’assureur ne paiera que dans la limite des stipulations de sa
police d’assurance. Ainsi, en cas de garantie facultative de responsabilité du
sous-traitant ou dans celui d’une garantie annexe à la garantie de responsabilité

2. Cass. 1re civ., 7 novembre 2000, Bull. civ. I, no 274.


196 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

décennale (dommages immatériels etc.), l’assureur pourra stipuler que la


garante n’est mobilisable que pour des dommages concernant l’activité
déclarée. Dans ce cas, la police contractualise la solution retenue par la juris-
prudence en 1997 pour frapper de « non-garantie » les dommages relatifs à une
activité non déclarée.
En matière mobilière, on peut imaginer que la police prévoie également une
décote forfaitaire au titre de la vétusté des biens indemnisés ou un paiement en
valeur vénale (valeur sur le marché de l’occasion pour un bien identique),
solution qui ne saura être retenue en matière d’immobilier, tout spécialement
en garantie de RC.
Si la garantie est mobilisable, le contenu de l’indemnité sera affecté par deux
mécanismes particuliers à l’assurance : les franchises et les plafonds de garantie.
La franchise est un mécanisme prévu par l’article L. 121-1 du Code des assu-
rances. Elle constitue une somme qui restera à la charge de l’assuré, soit de
manière définitive (découvert obligatoire), soit non définitive. Le but est d’éli-
miner les « petits sinistres » qui par leur caractère répétitif plombent l’équilibre
de la garantie sans représenter un service réel pour l’assuré.
En matière d’assurance construction facultatives, le recours à une franchise est
bien entendu possible. De plus, cette franchise sera opposable au bénéficiaire
de l’indemnité. Il s’agit d’une franchise dite « absolue » de sorte que le montant
de celle-ci élimine toute indemnisation si l’indemnité lui est inférieure en
valeur et qu’il se déduit de l’indemnité en cas contraire.
Le plafond de garantie constitue un maximum d’engagement au-delà duquel
l’assureur prévoit qu’il ne devra pas aller, grâce à une stipulation du contrat
d’assurance. Ici encore, le mécanisme est tout à fait possible et il convient
donc de se référer à la police. Le montant du plafond sera bien entendu oppo-
sable au bénéficiaire de l’indemnité.
Il est à noter que l’indemnité peut également se trouver affectée par l’applica-
tion d’une règle proportionnelle. Bien entendu nous ne retiendrons que le cas
de l’entrepreneur de bonne foi lors de la déclaration du risque à assurer. Il s’agit
de l’hypothèse où l’entrepreneur, par l’effet d’une simple erreur, a signalé un
risque inférieur à celui qu’il entend faire garantir.
Dans ce cas, par application de l’article L. 113-9 du Code des assurances, l’assu-
reur sera en droit de limiter l’indemnité au pourcentage de prime qu’il a reçu au
regard du montant qui aurait dû être appelé.

Exemple
L’entrepreneur a déclaré un risque supposant l’appel d’une prime de 1 000 € mais n’a
déclaré qu’un risque supposant une prime de 800 €. L’indemnité s’élèvera à 80 % du
montant des dommages évalués, par exemple, à dire d’expert.

Ce mécanisme est facilement compréhensible car il résulte de la logique de


l’actuaire pour l’équilibre de la garantie. De plus, il est opposable à la personne
CHAPITRE 3 – LES GARANTIES FACULTATIVES COMPLÉMENTAIRES 197

bénéficiaire de l’indemnité. Toutefois l’application d’une RP (règle propor-


tionnelle) n’est pas spécifique à l’assurance facultative.
C. Les exclusions
277. Contrairement à la non-garantie qui place le sinistre en dehors du champ
d’application de la police d’assurance, la notion d’exclusion renvoie au retran-
chement de la sphère d’action du contrat d’un cas particulier décrit par la
police d’assurance.
Si l’on se figure un rond représentant la sphère de la garantie, la non-garantie
se trouve à l’extérieur du rond tandis que l’exclusion découpe, à l’intérieur
même du rond, un sous-secteur, non pris en charge.
On sait que les garanties obligatoires ne peuvent comporter de causes d’exclu-
sion autres que celles limitativement définies par les clauses types annexées à
l’article A. 243-1 du Code des assurances. En matière de garanties facultatives,
l’assureur recouvre la liberté relative que lui confère le Code des assurances.
Il pourra donc faire application des exclusions prévues par la loi elle-même. Il
s’agit, outre le cas fortuit dont il sera question infra, des exclusions de
l’article L. 121-8 du Code des assurances concernant le cas de guerre et
d’émeute mais surtout de l’exclusion prévue à l’article L. 113-1 au sujet de la
faute intentionnelle de l’assuré. Cette exclusion légale est des plus curieuses
puisqu’en pareille hypothèse on peut s’interroger sur la survivance d’un aléa
(le contrat d’assurance figure parmi les contrats aléatoires de l’article 1964 du
Code civil).
Ces exclusions, reprennent les exclusions figurant aux clauses types obliga-
toires, annexées à l’article A. 243-1 du Code des assurances.
Plus intéressantes apparaîtront les exclusions contractuelles organisées par la
police d’assurance. En effet, l’article L. 113-1 précité prévoit que « les pertes et les
dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la
charge de l’assureur sauf exclusions formelles et limitées contenue dans la police ».
Ainsi ce texte instaure-t-il une possibilité de stipulation d’exclusions de
garantie tout en en limitant les contours.
L’exclusion doit en premier lieu être « formelle ». C’est dire que l’énoncé de
l’exclusion doit être exempt de toute ambiguïté ou d’équivoque dans sa formula-
tion. Cette condition sera satisfaite au cas d’énoncé d’une liste de cas précis
d’exclusions. De plus, les clauses doivent être inscrites « en caractères très appa-
rents », par effet de l’article L. 112-4 du Code des assurances. Cette condition
sera satisfaite par une typographie particulière et mieux encore par une inscrip-
tion en gras, en couleur ou en paragraphe encadré. Bien entendu, les exclusions
doivent figurer dans les conditions générales ou particulières elles-mêmes.
L’exclusion doit en second lieu être « limitée ». En effet, le contenu de la
police ne saurait être vidé de son contenu par l’expression d’une exclusion de
portée générale venant neutraliser la définition du risque assuré. Ainsi, l’exclu-
sion pour inobservation des lois et règlement ne saurait satisfaire à l’exigence
198 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

de caractère « limité ». De même, la Cour de cassation considère que l’exclu-


sion de garantie pour inobservation des règles et documents techniques unifiés
(DTU) est contraire à la loi.
Quant au régime de l’exclusion, il obéit au droit commun de l’assurance et
même du droit civil lui-même (dont le droit des assurances est issu). Ainsi,
c’est à l’assureur qu’il revient de rapporter la preuve de l’existence d’une exclu-
sion, dès lors que l’assuré a rapporté la preuve du caractère mobilisable – du
moins dans son principe – de la garantie en cause.
De même, l’application d’une exclusion conduit à libérer l’assureur de toute
obligation tant au regard de l’assuré que face à l’éventuelle victime bénéficiaire
de la garantie de responsabilité.
D. L’application de la police d’assurance facultative dans
le temps
278. En assurance obligatoire la question ne pose aujourd’hui aucun
problème. On a vu en effet que l’assurance construction obligatoire est gérée
par un système par capitalisation depuis 1982. Ainsi, le règlement d’une seule
prime, habilement calculée puis placée, permet de payer l’ensemble des sinis-
tres de nature décennale sur la période de garantie de dix ans suivant la date de
réception. Il suffit que le chantier soit déclaré durant la période de validité de
la police pour que les sinistres déclarés durant cette période décennale, y
compris en cas de résiliation de la police, soient pris en charge.
Cela n’a pas toujours été le cas et le financement de ces sinistres a posé un
problème spécifique avant l’instauration du système par capitalisation.
En effet, on a vu qu’en loi « ancienne », le système de l’assurance construction
était géré en répartition de sorte que les sinistres de l’année étaient payés par
les primes collectées durant l’année. L’assuré versait donc chaque année « au
pot commun », une prime permettant de régler les sinistres de l’année en ques-
tion. En principe, ne pouvaient être pris en charge que les sinistres déclarés
durant une année ayant donné lieu à perception de prime au titre de cette
année-là.
Ce principe fut repris en loi « nouvelle », ce qui était contraire à la loi du
4 janvier 1978 qui prévoyait une prime en charge systématique.
Pour assurer, en loi nouvelle, le paiement des sinistres susceptibles de survenir
après résiliation de la police, un système de « prime subséquente » avait donc
été organisé. En cas de changement d’assureur3, l’assuré devait acquitter une
prime « subséquente » (donc un complément du prime) représentative de la
période d’assurance restant à courir après résiliation, jusqu’au dixième anniver-
saire de la réception. On imagine que le système fonctionnait assez mal...

3. Selon la clause type de l’époque, la prime subséquente n’était pas due « en cas de cessa-
tion d’activité de l’assuré quelle qu’en soit la cause lorsqu’il n’y a pas transmission ou
cession du fonds de commerce ».
CHAPITRE 3 – LES GARANTIES FACULTATIVES COMPLÉMENTAIRES 199

279. En matière de garanties facultatives, la question de la prise en charge de


sinistres après résiliation de la police se pose également car le système est géré
par répartition. On retrouve donc la question de savoir quel assureur parmi
ceux qui ont assuré une entreprise de construction au cours du temps, depuis
la période de réalisation de l’ouvrage jusqu’à la date de survenance ou de décla-
ration d’un sinistre, doit assumer le coût des dommages annexes.
En pratique, ce questionnement interviendra le plus souvent pour les garan-
ties facultatives après réception car un long laps de temps aura pu s’écouler
entre le moment du chantier et de la réception et celui du sinistre. Il sera
d’autant plus épineux qu’il se conjugue souvent avec l’application des garan-
ties obligatoires.

Exemple
L’entreprise A a été assurée successivement par la MAAF puis la SMABTP. La DROC
du chantier de Monsieur X est survenue durant la période d’assurance de la MAAF
ainsi que la réception. Durant la période de garantie SMABTP, un sinistre survient
générant un dommage décennal et des pertes mobilières : qui doit payer ?

280. S’agissant de la reprise de la malfaçon elle-même, il ne fait pas de doute


que l’assureur à la date de la DROC (dans cet exemple, la MAAF), devra
payer.
Pour la garantie facultative applicable aux conséquences mobilières du sinistre
décennal, le Code des assurances prévoit trois hypothèses de principe, parmi
lesquelles la solution doit être :
– la police est en base « fait dommageable » : l’assureur concerné par le
sinistre sera celui dont la police était valide à la date du fait générateur
du dommage. En matière de construction il s’agira de la réalisation de
travaux défectueux ;
– la police est en base « survenance du dommage » : l’assureur concerné est
celui dont la police est valide à la date où le sinistre se manifeste. En
matière de construction il s’agira de la fuite d’eau qui occasionne la perte
d’un meuble ;
– la police est en base « réclamation » : l’assureur concerné est celui dont la
police est valide à la date où le sinistre lui est déclaré.
Après une longue évolution jurisprudentielle, la solution du problème est
aujourd’hui fournie par l’article L. 124-5 du Code des assurances issu de la loi
du 1er août 2003 dite « loi de sécurité financière ». Ce texte étant complexe
mais très important il est reproduit ci-après.
Il dispose donc : « La garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le
fait dommageable, soit par la réclamation. Toutefois, lorsqu’elle couvre la responsa-
bilité des personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle, la garantie est
déclenchée par le fait dommageable. Un décret en Conseil d’État peut également
imposer l’un de ces modes de déclenchement pour d’autres garanties.
200 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Le contrat doit, selon les cas, reproduire le texte du troisième ou du quatrième alinéa
du présent article.
La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l’assuré contre les consé-
quences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la
prise d’effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d’expiration, quelle que
soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.
La garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les conséquences
pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de
résiliation ou d’expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à
l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration
d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration mentionné par le
contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toute-
fois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de
l’assuré postérieurement à la date de résiliation ou d’expiration que si, au moment
où l’assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n’a pas été
re-souscrite ou l’a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L’assu-
reur ne couvre pas l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s’il établit
que l’assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la
garantie.
Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur
à cinq ans. Le plafond de la garantie déclenchée pendant le délai subséquent ne peut
être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l’année précédant la date de la
résiliation du contrat. Un délai plus long et un niveau plus élevé de garantie subsé-
quente peuvent être fixés dans les conditions définies par décret.
Lorsqu’un même sinistre est susceptible de mettre en jeu les garanties apportées par
plusieurs contrats successifs, la garantie déclenchée par le fait dommageable ayant
pris effet postérieurement à la prise d’effet de la loi no 2003-706 du 1er août 2003
de sécurité financière est appelée en priorité, sans qu’il soit fait application des
quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 121-4.
Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux garanties d’assurance pour
lesquelles la loi dispose d’autres conditions d’application de la garantie dans le
temps ».
Ce texte est complété par les articles R. 124-1 à R. 124-4 et surtout par l’inté-
ressante notice annexée à l’article A. 112 du Code des assurances, celle-ci
fournissant les explications pratiques, en termes plus abordables que le libellé
de la loi ou du règlement.
281. Concrètement, on distinguera deux cas :
– en ce qui concerne le sous-traitant, la base « fait dommageable » est le
plus souvent retenue. L’assureur concerné sera donc celui dont la police
est en vigueur à la date des travaux, ce qui paraît logique et cohérent au
regard de la règle applicable en matière d’assurance obligatoire pour les
locateurs d’ouvrage (date de la DROC ou du commencement effectif des
travaux depuis l’arrêté du 19 novembre 2009) ;
CHAPITRE 3 – LES GARANTIES FACULTATIVES COMPLÉMENTAIRES 201

– en ce qui concerne les « constructeurs » d’un ouvrage mentionné aux arti-


cles 1792 et 1792-1 du Code civil ainsi qu’à L. 231-1 du Code de la cons-
truction et de l’habitation ou encore les vendeurs sur plans (art. R. 124-2,
8e), au titre de dommages mobiliers ou immatériels, on retiendra la base
« réclamation ».
Concrètement, la garantie facultative prendra en charge les sinistres déclarés
durant la période de validité de la police ou dans les dix ans suivant sa résilia-
tion et dont l’origine (le fait dommageable) est survenue, soit pendant la
période de validité en question, soit avant.
Dans ce cas, bien entendu, l’entrepreneur assuré ne devait pas avoir connais-
sance de ce fait dommageable.
Il est important d’observer qu’il s’agit de l’application même de la police et
qu’il est question d’une « garantie subséquente » et non du paiement d’une
« prime subséquente ». On remarquera également que la base « survenance
du dommage » a totalement disparu.
282. Les conséquences de ce texte au plan pratique pour les locateurs
d’ouvrage aboutissent au panorama de situations suivant que l’on appliquera
à la garantie facultative « dommages mobiliers » adossée à une garantie obliga-
toire de responsabilité civile décennale. Pour cela, on retiendra le cas d’un
dommage décennal survenu dans les dix ans suivant la réception et compor-
tant une conséquence sur le mobilier :
– 1er cas : l’assureur A de l’entrepreneur garantit le risque décennal et le
risque dommage au mobilier ; la garantie est toujours en cours : l’assureur
A prend en charge le dommage décennal au titre de l’assurance obligatoire
et le dommage mobilier au titre de l’assurance facultative ;
– 2e cas : l’assureur A de l’entrepreneur garantit le risque décennal et le
risque dommage au mobilier ; les garanties sont résiliées depuis deux ans
mais aucune nouvelle police n’a été souscrite : l’assureur A prend en
charge le dommage décennal au titre de l’assurance obligatoire et le
dommage mobilier au titre de la garantie subséquente ;
– 3e cas : l’assureur A de l’entrepreneur garantissait le risque décennal et le
risque dommage au mobilier ; la garantie est résiliée depuis deux ans mais
l’entrepreneur a souscrit un contrat qui est en cours de validité avec l’assu-
reur B avec extension facultative « dommage au mobilier » : l’assureur A
assume le dommage décennal au titre de l’assurance obligatoire tandis
que l’assureur B assume le dommage au mobilier au titre de la garantie
facultative ;
– 4e cas : l’assureur A de l’entrepreneur garantit le risque décennal et le
risque dommage au mobilier ; la garantie est résiliée depuis deux ans mais
l’entrepreneur a souscrit un contrat avec l’assureur B, lequel comporte
l’extension facultative « dommage au mobilier ». Cependant le contrat
de B est également résilié : l’assureur A assume le dommage décennal au
titre de l’assurance obligatoire tandis que l’assureur B assume le dommage
au mobilier au titre de sa « subséquente » ;
202 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

– 5e cas : l’assureur A de l’entrepreneur garantit le risque décennal mais non


pas le risque « dommage au mobilier » ; la garantie obligatoire est résiliée
depuis trois ans mais l’entrepreneur a souscrit un contrat en cours de vali-
dité avec l’assureur B, lequel comporte l’extension facultative « dommage
au mobilier » : l’assureur A assume le dommage décennal tandis que l’assu-
reur B assume le dommage au mobilier.
On le voit, l’application de la loi nouvelle se révèle relativement sévère pour
l’assureur, en matière de construction. En effet, sauf cas de « re-souscription »
d’une garantie auprès d’un confrère, l’assureur devra mobiliser quasi systémati-
quement sa garantie facultative adossée à sa garantie obligatoire décennale, par
effet de la garantie subséquente.
Bibliographie

• Ouvrages
AUBY (J.-B.) et PERINET-MARQUET (H.), Droit de l’urbanisme et de la construction,
Domat Montchrestien, 8e éd., 2008.
BERGEL (J.-L.), Droit immobilier, éd. Lamy, publication annuelle.
CASTON (A.), La Responsabilité des constructeurs, éd. du Moniteur, 5e éd., 2000.
FAURE-ABBAD (M.), L’Essentiel du droit de la construction, Gualino éditeur, 3e éd., 2010.
KARILA (J.-P.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assu-
rances, Litec, 2007.
MALINVAUD (P.), Droit de la promotion immobilière, Dalloz, collection précis, 8e éd., 2009.
PONCE (C.), Le Contrat de construction de maison individuelle, Litec, 2006.
ZAVARO (M.), La Responsabilité des constructeurs, Litec, 2005.

• Revues juridiques
Construction – Urbanisme, Lexis-Nexis.
Gazette du Palais.
Semaine Juridique, édition générale, Lexis-Nexis.
Semaine Juridique, édition notariale et immobilière, Lexis-Nexis.
Répertoire notarial, Deférnois.
Responsabilité et assurances, Lexis-Nexis.
Revue Générale des assurances terrestres, LGDJ.

• Principaux rapports
SPINETTA. (J.-C.), Proposition pour une réforme de l’assurance construction, La Documenta-
tion française, 1976.
PERINET-MARQUET (H.), (sous la présidence de), Rapport sur le champ d’application de
l’assurance construction obligatoire, RDI 1998, p. 1.
Annexes

Annexe 1 : Dispositions légales et réglementaires

Annexe 2 : Clauses types applicables aux contrats d’assurance de responsabi-


lité décennale

Annexe 3 : Clauses types applicables aux contrats d’assurances dommages

Annexe 4 : Clauses types créées par l’arrêté du 19 novembre 2009

Le lecteur trouvera ci-après les textes spéciaux relatifs à l’assurance construction


faisant l’objet de citations dans cet ouvrage, à jour au 1er septembre 2013. Ceci
lui permettra de prendre connaissance du libellé exact de la réglementation, de
se constituer une opinion personnelle sur chaque sujet et de la confronter aux
développements de cet ouvrage puis d’ouvrages spécialisés (cf. bibliographie
supra).
206 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Annexe

1
Dispositions légales et réglementaires

Articles issus du Code des assurances


Textes législatifs :
Assurance de responsabilité :
Article L. 241-1 :
Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être
engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792
et suivants du Code civil, doit être couverte par une assurance. À l’ouverture
de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu’elle a souscrit un
contrat d’assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout contrat d’assu-
rance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation
contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour
la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l’obli-
gation d’assurance.
Article L. 241-2
Celui qui fait réaliser pour le compte d’autrui des travaux de construction doit
être couvert par une assurance de responsabilité garantissant les dommages visés
aux articles 1792 et 1792-2 du Code civil et résultant de son fait. Il en est de
même lorsque les travaux de construction sont réalisés en vue de la vente.
Assurance de dommages :
Article L. 242-1
Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de
l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser
des travaux de construction, doit souscrire avant l’ouverture du chantier, pour
son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant,
en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des
travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables
les constructeurs au sens de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le
contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du Code civil.
ANNEXE 1 – DISPOSITIONS LÉGALES ET RÉGLEMENTAIRES 207

Toutefois, l’obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s’applique ni aux


personnes morales de droit public, ni aux personnes morales assurant la maîtrise
d’ouvrage dans le cadre d’un contrat de partenariat conclu en application de
l’article 1er de l’ordonnance no 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de
partenariat, ni aux personnes morales exerçant une activité dont l’importance
dépasse les seuils mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 111-6, lorsque ces
personnes font réaliser pour leur compte des travaux de construction pour un
usage autre que l’habitation.
L’assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la récep-
tion de la déclaration du sinistre, pour notifier à l’assuré sa décision quant au
principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.
Lorsqu’il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l’assureur
présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours courant à compter de
la réception de la déclaration du sinistre, une offre d’indemnité, revêtant le cas
échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de répara-
tion des dommages. En cas d’acceptation, par l’assuré, de l’offre qui lui a été faite,
le règlement de l’indemnité par l’assureur intervient dans un délai de quinze
jours.
Lorsque l’assureur ne respecte pas l’un des délais prévus aux deux alinéas
ci-dessus ou propose une offre d’indemnité manifestement insuffisante, l’assuré
peut, après l’avoir notifié à l’assureur, engager les dépenses nécessaires à la répara-
tion des dommages. L’indemnité versée par l’assureur est alors majorée de plein
droit d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal.
Dans les cas de difficultés exceptionnelles dues à la nature ou à l’importance du
sinistre, l’assureur peut, en même temps qu’il notifie son accord sur le principe de
la mise en jeu de la garantie, proposer à l’assuré la fixation d’un délai supplémen-
taire pour l’établissement de son offre d’indemnité. La proposition doit se fonder
exclusivement sur des considérations d’ordre technique et être motivée.
Le délai supplémentaire prévu à l’alinéa qui précède est subordonné à l’accepta-
tion expresse de l’assuré et ne peut excéder cent trente-cinq jours.
L’assurance mentionnée au premier alinéa du présent article prend effet après
l’expiration du délai de garantie de parfait achèvement visé à l’article 1792-6
du Code civil. Toutefois, elle garantit le paiement des réparations nécessaires
lorsque :
Avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de
louage d’ouvrage conclu avec l’entrepreneur est résilié pour inexécution, par
celui-ci, de ses obligations ;
Après la réception, après mise en demeure restée infructueuse, l’entrepreneur n’a
pas exécuté ses obligations.
Toute entreprise d’assurance agréée dans les conditions fixées par l’article L. 321-1,
même si elle ne gère pas les risques régis par les articles L. 241-1 et L. 241-2
ci-dessus, est habilitée à prendre en charge les risques prévus au présent article.
208 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Article L. 242-2
Dans les cas prévus par les articles 1831-1 à 1831-5 du Code civil relatifs au
contrat de promotion immobilière, ainsi que par les articles L. 222-1 à L. 222-5
du Code de la construction et de l’habitation, les obligations définies aux arti-
cles L. 241-2 et L. 242-1 incombent au promoteur immobilier.
Dispositions générales relatives à l’assurance construction
Article L. 243-1
Les obligations d’assurance ne s’appliquent pas à l’État lorsqu’il construit pour
son compte.
Article L. 243-1-1
I. – Ne sont pas soumis aux obligations d’assurance édictées par les articles
L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les
ouvrages d’infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferro-
viaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et
d’effluents, ainsi que les éléments d’équipement de l’un ou l’autre de ces ouvrages.
Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux
divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de
transport, de production, de stockage et de distribution d’énergie, les ouvrages
de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages
de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs
éléments d’équipement, sont également exclus des obligations d’assurance
mentionnées au premier alinéa, sauf si l’ouvrage ou l’élément d’équipement est
accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d’assurance.
II. – Ces obligations d’assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants
avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés
dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles.
Article L. 243-2
Les personnes soumises aux obligations prévues par les articles L. 241-1 à
L. 242-1 du présent code doivent être en mesure de justifier qu’elles ont satisfait
auxdites obligations.
Lorsqu’un acte intervenant avant l’expiration du délai de dix ans prévu à
l’article 1792-4-1 du Code civil a pour effet de transférer la propriété ou la jouis-
sance du bien, quelle que soit la nature du contrat destiné à conférer ces droits, à
l’exception toutefois des baux à loyer, mention doit être faite dans le corps de
l’acte ou en annexe de l’existence ou de l’absence d’assurance.
Article L. 243-3
Quiconque contrevient aux dispositions des articles L. 241-1 à L. 242-1 du
présent code sera puni d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de
75 000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement.
Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas à la personne physique
construisant un logement pour l’occuper elle-même ou le faire occuper par son
conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint.
ANNEXE 1 – DISPOSITIONS LÉGALES ET RÉGLEMENTAIRES 209

Article L. 243-4
Toute personne assujettie à l’obligation de s’assurer qui, ayant sollicité la souscrip-
tion d’un contrat auprès d’une entreprise d’assurance dont les statuts n’interdisent
pas la prise en charge du risque en cause en raison de sa nature, se voit opposer un
refus, peut saisir un bureau central de tarification dont les conditions de constitu-
tion et les règles de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d’État.
Le bureau central de tarification a pour rôle exclusif de fixer le montant de la
prime moyennant laquelle l’entreprise d’assurance intéressée est tenue de garantir
le risque qui lui a été proposé. Il peut déterminer le montant d’une franchise qui
reste à la charge de l’assuré.
Article L. 243-5
Est nulle toute clause des traités de réassurance tendant à exclure certains risques
de la garantie de réassurance en raison de la tarification adoptée par le bureau
central de tarification.
Article L. 243-6
Toute entreprise d’assurance qui maintient son refus de garantir un risque dont la
prime a été fixée par le bureau central de tarification est considérée comme ne
fonctionnant plus conformément à la réglementation en vigueur et encourt le
retrait de l’agrément administratif prévu par l’article L. 321-1 du présent code.
Article L. 243-7
Les dispositions de l’article L. 113-16 et du deuxième alinéa de l’article L. 121-10
du présent code ne sont pas applicables aux assurances obligatoires prévues par le
présent titre.
Les victimes des dommages prévus par la loi no 78-12 du 4 janvier 1978 ont la
possibilité d’agir directement contre l’assureur du responsable desdits dommages
si ce dernier est en règlement judiciaire ou en liquidation de biens.
Article L. 243-8
Tout contrat d’assurance souscrit par une personne assujettie à l’obligation
d’assurance en vertu du présent titre est, nonobstant toute clause contraire,
réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les
clauses types prévues par l’article L. 310-7 du présent code.
Article L. 243-9
Les contrats d’assurance souscrits par les personnes assujetties à l’obligation
d’assurance de responsabilité ou de dommages en vertu du présent titre
peuvent, pour des travaux de construction destinés à un usage autre que l’habi-
tation, comporter des plafonds de garantie.
Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles les montants de
garantie peuvent être plafonnés, en fonction notamment du montant des
ouvrages, de leur nature ou de leur destination, de la qualité du maître d’ouvrage
et du constructeur et, le cas échéant, du niveau de la couverture d’assurance des
différents intervenants à une même construction.
210 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Décrets :
Article R. 243-1
Les personnes mentionnées aux articles L. 241-1 et L. 241-2 peuvent satisfaire à
l’obligation d’assurance leur incombant en vertu de ces articles en recourant à un
contrat d’assurance collectif, en complément d’un ou plusieurs contrats d’assu-
rance garantissant individuellement leur responsabilité dans la limite des
plafonds fixés dans ce ou ces contrats.
Ce contrat d’assurance collectif peut être souscrit pour le compte de plusieurs
personnes mentionnées à ces articles.
Article R. 243-2
Les justifications prévues à l’article L. 243-2 doivent être apportées, lors de la
déclaration d’ouverture du chantier, à l’autorité compétente pour recevoir cette
déclaration.
Les justifications prévues au présent article précisent le montant des garanties
apportées par chacun des contrats souscrits par ou pour le compte des personnes
mentionnées aux articles L. 241-1, L. 241-2, L. 242-1 et L. 242-2 ainsi que les
modalités d’articulation de ces différentes garanties entre elles.
Lorsqu’il est recouru à un ou plusieurs contrats, auxquels s’appliquent les plafonds
de garantie prévus à l’article R. 243-3, les justifications comportent en outre la
mention du montant du coût de construction de l’ouvrage déclaré préalablement
par le maître de l’ouvrage.
En outre, pendant l’exécution des travaux, le maître de l’ouvrage peut demander
à tout intervenant à l’acte de construire de justifier qu’il satisfait aux obligations
prévues par les articles L. 241-1 et L. 241-2.
Article R. 243-3
I. – Le montant de garantie du ou des contrats d’assurance mentionnés à
l’article L. 243-9 doit couvrir les personnes mentionnées aux articles L. 241-1,
L. 241-2, L. 242-1 et L. 242-2 à hauteur d’un montant minimum par ouvrage.
Ce montant ne peut être inférieur, pour cet ouvrage, au coût total de construc-
tion déclaré par le maître de l’ouvrage, ou à 150 millions d’euros si ce coût est
supérieur à 150 millions d’euros.
Lorsqu’il est recouru à un contrat d’assurance collectif mentionné à
l’article R. 243-1, le total des garanties, tel qu’il résulte de ce contrat collectif
et des contrats garantissant chacune des personnes assurées par le contrat
collectif, doit couvrir le paiement des travaux de réparation des dommages enga-
geant la responsabilité décennale d’une ou de plusieurs de ces personnes, à
hauteur du coût total de construction déclaré par le maître de l’ouvrage, ou à
150 millions d’euros si ce coût est supérieur à 150 millions d’euros.
II. – Le montant du plafond de garantie mentionné au I peut être modifié par
arrêté conjoint du ministre chargé de l’Économie et du ministre chargé de la
Construction, en tenant compte de l’évolution du coût de la construction et
des capacités économiques des marchés de l’assurance et de la réassurance.
ANNEXE 1 – DISPOSITIONS LÉGALES ET RÉGLEMENTAIRES 211

Arrêtés et annexes
Article A. 243-1
Tout contrat d’assurance souscrit pour l’application du titre IV du livre II doit
obligatoirement comporter les clauses figurant :
– à l’annexe I du présent article en ce qui concerne l’assurance de responsabilité ;
– à l’annexe II du présent article en ce qui concerne l’assurance de dommages.
Toute autre clause du contrat ne peut avoir pour effet d’altérer d’une quelconque
manière le contenu ou la portée de ces clauses, sauf si elle s’applique exclusive-
ment à des garanties plus larges que celles prévues par le titre IV visé à l’alinéa
précédent.
212 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Annexe

2
Clauses types applicables aux contrats
d’assurance de responsabilité décennale

Nature de la garantie
Le contrat garantit le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage à la réali-
sation duquel l’assuré a contribué ainsi que des ouvrages existants, totalement
incorporés dans l’ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles,
au sens du II de l’article L. 243-1-1 du présent code, lorsque la responsabilité de
l’assuré est engagée sur le fondement de la présomption établie par les arti-
cles 1792 et suivants du Code civil à propos de travaux de construction, et
dans les limites de cette responsabilité.
Les travaux de réparation, notamment en cas de remplacement des ouvrages,
comprennent également les travaux de démolition, déblaiement, dépose ou
démontage éventuellement nécessaires.
Montant de la garantie (clause-type applicable aux seuls contrats relevant de
l’article L. 243-9 du présent code)
Dans le cas des travaux de construction destinés à un usage autre que l’habita-
tion, le montant de la garantie ne peut être inférieur au coût de la construction
déclaré par le maître de l’ouvrage, hormis l’hypothèse où ce coût est supérieur au
montant prévu au I de l’article R. 243-3 du présent code, ou lorsqu’il est recouru
à un contrat d’assurance collectif mentionné à l’article R. 243-1 du présent code.
Dans ces deux derniers cas, le plafond de garantie est déterminé par les condi-
tions particulières, dans les conditions prévues par l’article R. 243-3 du présent
code. Lorsqu’il est recouru à un contrat d’assurance collectif, ce plafond ne
saurait être inférieur au montant de la franchise absolue stipulée dans ledit
contrat collectif.
Le coût total de la construction s’entend du montant définitif des dépenses de
l’ensemble des travaux afférents à la réalisation de l’opération de construction,
toutes révisions, honoraires, taxes et s’il y a lieu travaux supplémentaires
compris. Ce coût intègre la valeur de reconstruction des existants totalement
incorporés dans l’ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles
au sens du II de l’article L. 243-1-1 du présent code. En aucun cas ce coût ne
ANNEXE 2 – CLAUSES APPLICABLES AUX CONTRATS D’ASSURANCES DOMMAGES 213

peut comprendre les primes ou bonifications accordées par le maître de l’ouvrage


au titre d’une exécution plus rapide que celle prévue contractuellement, ni se
trouver amputé des pénalités pour retard infligées à l’entrepreneur responsable
d’un dépassement des délais contractuels d’exécution.
Cette garantie est revalorisée selon les modalités prévues aux conditions particu-
lières, pour tenir compte de l’évolution des coûts de construction entre la date de
souscription du contrat et celle de la réparation du sinistre.
Durée et maintien de la garantie dans le temps
Le contrat couvre, pour la durée de la responsabilité pesant sur l’assuré en vertu
des articles 1792 et suivants du Code civil, les travaux ayant fait l’objet d’une
ouverture de chantier pendant la période de validité fixée aux conditions parti-
culières.
La garantie afférente à ces travaux est maintenue dans tous les cas pour la même
durée, sans paiement de prime subséquente.
L’ouverture de chantier s’entend à date unique applicable à l’ensemble de l’opé-
ration de construction. Cette date correspond, soit à la date de la déclaration
d’ouverture de chantier, mentionnée au premier alinéa de l’article R. 424-16 du
Code de l’urbanisme pour les travaux nécessitant la délivrance d’un permis de
construire, soit, pour les travaux ne nécessitant pas la délivrance d’un tel
permis, à la date du premier ordre de service ou à défaut, à la date effective de
commencement des travaux.
Lorsqu’un professionnel établit son activité postérieurement à la date unique
ainsi définie, et par dérogation à l’alinéa précédent, cette date s’entend pour lui
comme la date à laquelle il commence effectivement ses prestations.
Lorsqu’un professionnel exécute ses prestations antérieurement à la date unique
définie à l’alinéa 2 et qu’à cette même date il est en cessation d’activité, l’ouver-
ture du chantier s’entend pour lui à la date de signature de son marché ou à
défaut, à celle de tout acte pouvant être considéré comme le point de départ de
sa prestation.
Franchise
L’assuré conserve une partie de la charge du sinistre, selon des modalités fixées
aux conditions particulières. Il s’interdit de contracter une assurance pour la
portion du risque correspondante.
Cette franchise n’est pas opposable aux bénéficiaires des indemnités.
Exclusions
La garantie du présent contrat ne s’applique pas aux dommages résultant exclusi-
vement :
a) du fait intentionnel ou du dol du souscripteur ou de l’assuré ;
b) des effets de l’usure normale, du défaut d’entretien ou de l’usage anormal ;
c) de la cause étrangère.
214 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

Déchéance
L’assuré est déchu de tout droit à garantie en cas d’inobservation inexcusable des
règles de l’art, telles qu’elles sont définies par les réglementations en vigueur, les
normes françaises homologuées ou les normes publiées par les organismes de
normalisation d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre
État partie à l’accord sur l’Espace économique européen offrant un degré de sécu-
rité et de pérennité équivalant à celui des normes françaises.
Pour l’application de cette déchéance, il faut entendre par assuré, soit le souscrip-
teur personne physique, soit le chef d’entreprise ou le représentant statutaire de
l’entreprise s’il s’agit d’une entreprise inscrite au répertoire des métiers, soit les
représentants légaux ou dûment mandatés de l’assuré lorsque celui-ci est une
personne morale.
Cette déchéance n’est pas opposable aux bénéficiaires des indemnités.
ANNEXE 3 – CLAUSES APPLICABLES AUX CONTRATS D’ASSURANCES DOMMAGES 215

Annexe

3
Clauses types applicables aux contrats
d’assurances dommages

Définitions
a) Souscripteur.
La personne, physique ou morale, désignée aux conditions particulières, qui fait
réaliser des travaux de construction et qui est, en sa qualité définie aux mêmes condi-
tions particulières, soumise à l’obligation d’assurance prévue par l’article L. 242-1 du
présent code, tant pour son propre compte que pour celui des propriétaires successifs.
b) Assuré.
Le souscripteur et les propriétaires successifs de l’ouvrage au bénéfice desquels est
souscrit le contrat.
c) Réalisateurs.
L’ensemble des constructeurs désignés aux conditions particulières ou dont
l’identité est portée ultérieurement à la connaissance de l’assureur, qui sont
mentionnés au I de l’article 1792-1 du Code civil et sont liés, à ce titre, au
maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage en qualité de concepteur
ou de conseil (architecte, technicien ou autre) ou en qualité d’entrepreneur, et
qui participent à la réalisation de l’opération de construction.
d) Maître de l’ouvrage.
La personne, physique ou morale, désignée aux conditions particulières, qui
conclut avec les réalisateurs les contrats de louage d’ouvrage afférents à la
conception et à l’exécution de l’opération de construction.
e) Contrôleur technique (lorsqu’il est désigné un contrôleur technique).
La personne, désignée aux conditions particulières, agréée ou exerçant dans les
conditions prévues par l’article L. 111-25 du Code de la construction et de
l’habitation, et appelée à intervenir, à la demande du maître de l’ouvrage, pour
effectuer le contrôle technique des études et des travaux ayant pour objet la réali-
sation de l’opération de construction.
f) Réception.
L’acte par lequel le maître de l’ouvrage accepte les travaux exécutés, dans les
conditions fixées par l’article 1792-6 du Code civil.
216 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

g) Sinistre.
La survenance de dommages, au sens de l’article L. 242-1 du présent code, ayant
pour effet d’entraîner la garantie de l’assureur.
Nature de la garantie
Le contrat a pour objet de garantir, en dehors de toute recherche de responsabi-
lité, le paiement des travaux de réparation des dommages à l’ouvrage réalisé ainsi
qu’aux ouvrages existants, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf et qui en
deviennent techniquement indivisibles, au sens du II de l’article L. 243-1-1 du
présent code.
La garantie couvre les dommages, même résultant d’un vice du sol, de la nature
de ceux dont sont responsables les constructeurs, au sens de l’article 1792-1 du
Code civil, les fabricants et les importateurs ou le contrôleur technique, et qui :
– compromettent la solidité des ouvrages constitutifs de l’opération de construc-
tion ;
– affectent les ouvrages dans l’un de leurs éléments constitutifs ou l’un de leurs
éléments d’équipement, les rendant impropres à leur destination ;
– affectent la solidité de l’un des éléments d’équipement indissociables des
ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos et de couvert, au sens de
l’article 1792-2 du Code civil.
Les travaux de réparation des dommages comprennent également les travaux de
démolition, déblaiement, dépose ou démontage éventuellement nécessaires.
Montant et limite de la garantie
La garantie couvre le coût de l’ensemble des travaux afférents à la remise en état
des ouvrages ou éléments d’équipement de l’opération de construction endom-
magés à la suite d’un sinistre, ainsi que des ouvrages existants, totalement incor-
porés dans l’ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles, au
sens du II de l’article L. 243-1-1 du présent code.
Pour les constructions destinées à un usage autre que l’habitation, la garantie
peut être limitée au montant du coût total de construction déclaré aux condi-
tions particulières ou à un montant inférieur au coût total de construction
déclaré aux conditions particulières, si ce coût est supérieur au montant prévu
au I de l’article R. 243-3 du présent code, sans toutefois pouvoir être inférieur à
ce dernier montant.
Le montant de garantie est revalorisé selon les modalités prévues aux conditions
particulières, pour tenir compte de l’évolution générale des coûts de construction
entre la date de souscription du contrat et celle de la réparation du sinistre.
Les conditions particulières précisent les modalités de reconstitution de la
garantie après sinistre.
Le coût total de la construction déclaré s’entend de celui résultant du montant
définitif des dépenses de l’ensemble des travaux afférents à la réalisation de
l’opération de construction, toutes révisions, honoraires, taxes et, s’il y a lieu,
travaux supplémentaires compris. Ce coût intègre la valeur de reconstruction
ANNEXE 3 – CLAUSES APPLICABLES AUX CONTRATS D’ASSURANCES DOMMAGES 217

des existants totalement incorporés dans l’ouvrage neuf et qui en deviennent


techniquement indivisibles au sens du II de l’article L. 243-1-1 du présent
code. En aucun cas ce coût ne peut toutefois comprendre les primes ou bonifi-
cations accordées par le maître de l’ouvrage au titre d’une exécution plus rapide
que celle prévue contractuellement ni se trouver amputé des pénalités pour
retard infligées à l’entrepreneur responsable d’un dépassement des délais
contractuels d’exécution.
Exclusions
La garantie du contrat ne s’applique pas aux dommages résultant exclusivement :
a) du fait intentionnel ou du dol du souscripteur ou de l’assuré ;
b) des effets de l’usure normale, du défaut d’entretien ou de l’usage anormal ;
c) de la cause étrangère.
Point de départ et durée de la garantie
a) La période de garantie est précisée aux conditions particulières ; elle
commence au plus tôt, sous réserve des dispositions du b, à l’expiration du délai
de garantie de parfait achèvement défini à l’article 1792-6 du code civil. Elle
prend fin à l’expiration d’une période de dix ans à compter de la réception.
b) Toutefois, elle garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque :
– avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de
louage d’ouvrage conclu avec l’entrepreneur est résilié pour inexécution, par
celui-ci, de ses obligations ;
– après la réception, et avant l’expiration du délai de la garantie de parfait achè-
vement au sens de l’article 1792-6 du code civil, lorsque l’entrepreneur n’a pas
exécuté ses obligations au titre de cette garantie, après mise en demeure par lettre
recommandée avec demande d’avis de réception restée infructueuse.
Obligations réciproques des parties
Les déclarations ou notifications auxquelles il est procédé entre les parties en
application de paragraphes A (1er, c), A (3e), B (2e, a), B (2e, c), B (3e, a), de
la présente clause, sont faites par écrit soit contre récépissé, soit par lettre recom-
mandée avec demande d’avis de réception.
A – Obligations de l’assuré
1o L’assuré s’engage :
a) à fournir à l’assureur, sur sa demande, la preuve de l’existence des contrats
d’assurance de responsabilité décennale souscrits par les réalisateurs et le contrô-
leur technique ;
b) à lui déclarer les réceptions de travaux, ainsi qu’à lui remettre dans le mois de
leur prononcé, le ou les procès-verbaux desdites réceptions, ainsi que le relevé
des observations ou réserves demeurées non levées du contrôleur technique ;
c) à lui adresser un dossier technique comportant au moins les plans et descriptifs
de l’ensemble des travaux effectivement réalisés, dans le délai maximal d’un mois
à compter de leur achèvement ;
218 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

d) à lui notifier dans le même délai, le constat de l’exécution des travaux éven-
tuellement effectués au titre de la garantie de parfait achèvement au sens de
l’article 1792-6 du Code civil ainsi que le relevé des observations ou réserves
demeurées non levées du contrôleur technique ;
e) à lui faire tenir la déclaration de tout arrêt de travaux devant excéder trente
jours ;
f) à communiquer les avis, observations et réserves du contrôleur technique,
simultanément, tant à l’assureur qu’au réalisateur concerné, et à ne pas s’opposer
à ce que l’assureur puisse, à ses frais, demander au contrôleur technique, sous son
couvert, les informations complémentaires dont il estimerait avoir besoin pour
l’appréciation des risques assurés.
Dans le cas où il n’est pas lui-même le maître de l’ouvrage, l’assuré s’engage à
obtenir de celui-ci que les avis, observations et réserves du contrôleur technique
soient pareillement communiqués à l’assureur et au réalisateur concerné, et que,
dans les mêmes conditions, l’assureur puisse demander au contrôleur technique
les informations complémentaires dont il estimerait avoir besoin pour l’apprécia-
tion des risques assurés.
2o En cas de sinistre susceptible de mettre en jeu les garanties du contrat, l’assuré
est tenu d’en faire la déclaration à l’assureur.
La déclaration de sinistre est réputée constituée dès qu’elle comporte au moins
les renseignements suivants :
– le numéro du contrat d’assurance et, le cas échéant, celui de l’avenant ;
– le nom du propriétaire de la construction endommagée ;
– l’adresse de la construction endommagée ;
– la date de réception ou, à défaut, la date de la première occupation des locaux ;
– la date d’apparition des dommages ainsi que leur description et localisation ;
– si la déclaration survient pendant la période de parfait achèvement au sens de
l’article 1792-6 du Code civil, la copie de la mise en demeure effectuée au titre
de la garantie de parfait achèvement.
À compter de la réception de la déclaration de sinistre, l’assureur dispose d’un
délai de dix jours pour signifier à l’assuré que la déclaration n’est pas réputée
constituée et réclamer les renseignements manquants susvisés. Les délais visés à
l’article L. 242-1 du présent code commencent à courir du jour où la déclaration
de sinistre réputée constituée est reçue par l’assureur.
3o L’assuré s’engage à autoriser l’assureur à constater l’état d’exécution des
travaux de réparation des dommages ayant fait l’objet d’une indemnisation en
cas de sinistre.
4o Pour permettre l’exercice éventuel du droit de subrogation ouvert au profit de
l’assureur par l’article L. 121-12 du Code des assurances, l’assuré s’engage égale-
ment :
a) à autoriser l’assureur à accéder à tout moment au chantier pendant la période
d’exécution des travaux de construction, jusqu’à l’expiration du délai de garantie
ANNEXE 3 – CLAUSES APPLICABLES AUX CONTRATS D’ASSURANCES DOMMAGES 219

de parfait achèvement au sens de l’article 1792-6 du Code civil, et, à cet effet, à
prendre les dispositions nécessaires dans les contrats et marchés à passer avec les
réalisateurs ayant la responsabilité de la garde du chantier. En cas de sinistre
survenant au-delà de la date d’expiration de la garantie de parfait achèvement,
l’assuré s’engage à accorder à l’assureur toutes facilités pour accéder aux lieux du
sinistre ;
b) en cas de sinistre, à autoriser les assureurs couvrant la responsabilité décennale
des réalisateurs, des fabricants au sens de l’article 1792-4 du Code civil, et du
contrôleur technique à accéder aux lieux du sinistre sur l’invitation qui leur en
est faite par la personne désignée au paragraphe B (1o, a) ;
c) à autoriser ladite personne à pratiquer les investigations qui lui apparaîtraient
nécessaires en vue de l’établissement, à l’intention de l’assureur, d’un rapport
complémentaire qui, reprenant les conclusions du rapport d’expertise défini au
paragraphe B (1o, c et b) en approfondit, en tant que de besoin, l’analyse, en
vue notamment de la recherche des faits générateurs du sinistre et des éléments
propres à étayer le recours de l’assureur.
B – Obligations de l’assureur en cas de sinistre
1o Constat des dommages, expertise :
a) sous réserve des dispositions du d ci-dessous, les dommages sont constatés,
décrits et évalués par les soins d’un expert, personne physique ou morale,
désigné par l’assureur.
L’expert peut faire l’objet d’une récusation dans les huit jours de la notification à
l’assuré de sa désignation. En cas de seconde récusation par l’assuré, l’assureur fait
désigner l’expert par le juge des référés.
Lorsque l’expert est une personne morale, celle-ci fait connaître aux parties le
nom de la ou des personnes physiques chargées d’effectuer la mission donnée,
en son nom et sous sa responsabilité.
Lors de la première demande de récusation, les délais d’instruction et de règle-
ment de sinistre prévus ci-après par la présente clause-type sont augmentés de
dix jours. En cas de désignation de l’expert par le juge des référés, ces mêmes
délais sont augmentés de trente jours.
Les opérations de l’expert revêtent un caractère contradictoire. L’assuré peut se
faire assister ou représenter. Les observations éventuelles de l’assuré sont consi-
gnées dans le rapport de l’expert ;
b) l’assureur s’engage envers l’assuré à donner à l’expert les instructions néces-
saires pour que les réalisateurs, les fabricants au sens de l’article 1792-4 du code
civil et le contrôleur technique, ainsi que les assureurs couvrant leur responsabi-
lité décennale et celle de l’assuré soient, d’une façon générale, consultés pour
avis par ledit expert, chaque fois que celui-ci l’estime nécessaire et, en tout cas,
obligatoirement avant le dépôt entre les mains de l’assureur de chacun des deux
documents définis en c, et soient, en outre, systématiquement informés par lui du
déroulement des différentes phases du constat des dommages et du règlement des
indemnités ;
220 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

c) la mission d’expertise définie en est limitée à la recherche et au rassemblement


des données strictement indispensables à la non-aggravation et à la réparation
rapide des dommages garantis.
Les conclusions écrites de l’expert sont, en conséquence, consignées au moyen de
deux documents distincts :
c. a) un rapport préliminaire, qui comporte l’indication descriptive et estimative
des mesures conservatoires jugées nécessaires à la non-aggravation des dommages,
compte tenu, s’il y a lieu, des mesures conservatoires prises par l’assuré, ainsi que
les indications sommaires sur les circonstances et les caractéristiques techniques
du sinistre, permettant à l’assureur de se prononcer dans le délai prévu au para-
graphe 2o, a, sur le principe de la mise en jeu des garanties du contrat,
c. b) un rapport d’expertise, exclusivement consacré à la description des caracté-
ristiques techniques du sinistre et à l’établissement des propositions, descriptions
et estimations, concernant les différentes mesures à prendre et les différents
travaux à exécuter en vue de la réparation intégrale des dommages constatés ;
d) l’assureur n’est pas tenu de recourir à une expertise lorsque, au vu de la décla-
ration de sinistre :
– il évalue le dommage à un montant inférieur à 1 800 euros,
– ou la mise en jeu de la garantie est manifestement injustifiée.
Lorsqu’il décide de ne pas recourir à une expertise, l’assureur notifie à l’assuré son
offre d’indemnité ou sa décision de refus de garantie dans le délai de quinze jours
à compter de la réception de la déclaration de sinistre réputée constituée.
En cas de contestation de l’assuré, celui-ci peut obtenir la désignation d’un
expert.
La notification reproduit de façon apparente l’alinéa précédent.
2o Rapport préliminaire, mise en jeu des garanties, mesures conservatoires :
a) dans un délai maximum de soixante jours courant à compter de la réception
de la déclaration du sinistre réputée constituée, l’assureur, sauf s’il a fait applica-
tion des dispositions du deuxième alinéa du d du 1o, sur le vu du rapport préli-
minaire établi par l’expert, notifie à celui-ci sa décision quant au principe de la
mise en jeu des garanties du contrat. L’assureur communique à l’assuré ce rapport
préliminaire, préalablement ou au plus tard lors de cette notification.
Toute décision négative de l’assureur, ayant pour effet de rejeter la demande
d’indemnisation, doit être expressément motivée.
Si l’assureur ne conteste pas la mise en jeu des garanties du contrat, la notifica-
tion de sa décision comporte l’indication du montant de l’indemnité destinée à
couvrir les dépenses correspondant à l’exécution des mesures conservatoires
nécessaires à la non-aggravation des dommages. Cette indemnité tient compte,
s’il y a lieu, des dépenses qui ont pu être précédemment engagées par l’assuré
lui-même, au titre des mesures conservatoires ;
ANNEXE 3 – CLAUSES APPLICABLES AUX CONTRATS D’ASSURANCES DOMMAGES 221

b) l’assureur prend les dispositions nécessaires pour que l’assuré puisse être saisi
du rapport préliminaire en temps utile et, en tout cas, dans un délai compatible
avec celui qu’il est lui-même tenu d’observer en vertu du paragraphe a ;
c) faute, pour l’assureur, de respecter le délai fixé au paragraphe a, et sur simple
notification faite à l’assureur, les garanties du présent contrat jouent pour ce
qui concerne le sinistre déclaré, et l’assuré est autorisé à engager les dépenses
correspondant à l’exécution des mesures conservatoires nécessaires à la
non-aggravation des dommages, dans la limite de l’estimation portée dans le
rapport préliminaire de l’expert. Si, dans le même délai, l’assuré n’a pu avoir
connaissance du rapport préliminaire, il est autorisé de la même manière à
engager les dépenses en cause dans la limite de l’estimation qu’il a pu en faire
lui-même.
3o Rapport d’expertise, détermination et règlement de l’indemnité :
a) l’assureur, sauf s’il a fait application des dispositions du deuxième alinéa d du
1o sur le vu du rapport d’expertise, notifie à celui-ci ses propositions quant au
montant de l’indemnité destinée au paiement des travaux de réparation des
dommages. L’assureur communique à l’assuré ce rapport d’expertise, préalable-
ment ou au plus tard lors de cette notification.
Ces propositions font l’objet d’une actualisation ou d’une révision de prix selon
les modalités prévues à cet effet aux conditions particulières ; elles sont obligatoi-
rement ventilées entre les différents postes de dépenses retenus et appuyées des
justifications nécessaires, tant en ce qui concerne les quantités que les prix
unitaires. Elles comprennent, outre les dépenses de travaux proprement dits, les
frais annexes nécessaires à la mise en œuvre desdits travaux, tels qu’honoraires,
essais, analyses, ainsi que les taxes applicables. Elles tiennent compte, s’il y a lieu,
des dépenses qui ont pu être précédemment engagées ou retenues, ainsi que des
indemnités qui ont pu être antérieurement versées au titre des mesures conserva-
toires ;
b) au cas où une expertise a été requise, l’assureur prend les dispositions néces-
saires pour que l’assuré puisse être saisi du rapport d’expertise en temps utile ;
c) en tout état de cause, l’assuré qui a fait connaître à l’assureur qu’il n’acquiesce
pas aux propositions de règlement dont il a été saisi, s’il estime ne pas devoir
cependant différer l’exécution des travaux de réparation, reçoit sur sa demande,
de l’assureur, sans préjudice des décisions éventuelles de justice à intervenir sur le
fond, une avance au moins égale aux trois quarts du montant de l’indemnité qui
lui a été notifié selon les modalités définies en a. Cette avance, forfaitaire et non
revalorisable, et à valoir sur le montant définitif de l’indemnité qui sera mise à la
charge de l’assureur, est versée en une seule fois, dans un délai maximum de
quinze jours courant à compter de la réception, par l’assureur, de la demande de
l’assuré.
L’assuré s’engage à autoriser l’assureur à constater l’exécution des travaux de
réparation des dommages ayant fait l’objet d’une avance ;
222 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

d) si l’assuré ayant demandé le bénéfice des dispositions du paragraphe c n’a pas


reçu, dans le délai fixé au même paragraphe, les sommes représentatives de
l’avance due par l’assureur, il est autorisé à engager les dépenses afférentes aux
travaux de réparation qu’il entreprend, dans la limite des propositions d’indem-
nisation qui lui ont été précédemment notifiées.
4o L’assureur est tenu de notifier à l’assuré, pour l’information de celui-ci, la posi-
tion définitive que, sur le vu du rapport complémentaire, il estime devoir prendre
en ce qui concerne l’exercice du droit de subrogation ouvert à son profit par
l’article L. 121-12.
ANNEXE 4 – CLAUSES TYPES CRÉÉES PAR L’ARRÊTÉ DU 19 NOVEMBRE 2009 223

Annexe

4
Clauses types créées par l’arrêté
du 19 novembre 2009

Clauses types applicables aux contrats collectifs de responsabilité décennale,


souscrits pour le compte de plusieurs personnes assujetties à l’obligation d’assu-
rance mentionnée aux articles L. 241-1 et L. 242-1 en complément des contrats
individuels garantissant la responsabilité décennale de chacune de ses personnes.
Nature de la garantie
Le contrat garantit le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage à la réali-
sation duquel les assurés, désignés aux conditions particulières, ont contribué
ainsi que des ouvrages existants, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf et
qui en deviennent techniquement indivisibles, au sens du II de l’article L. 243-1-1
II du présent code, lorsque la responsabilité de l’un ou plusieurs des assurés est
engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792
et suivants du Code civil à propos de travaux de construction, et dans les
limites de cette responsabilité.
Les travaux de réparation, notamment en cas de remplacement des ouvrages,
comprennent également les travaux de démolition, déblaiement, dépose ou
démontage éventuellement nécessaires.
Montant de la garantie
Dans le cas des travaux de construction destinés à un usage autre que d’habita-
tion, le montant de la garantie est établi selon les modalités prévues aux condi-
tions particulières et ne peut être inférieur pour l’ouvrage au coût total de la
construction déclaré par le maître de l’ouvrage ou au montant prévu au I de
l’article R. 243. 3 du présent code, si le coût total de la construction déclaré
par le maître de l’ouvrage excède ce montant.
Les conditions particulières précisent les modalités de reconstitution de la
garantie après sinistre.
Le coût total de la construction s’entend du montant définitif des dépenses de
l’ensemble des travaux afférents à la réalisation de l’opération de construction,
toutes révisions, honoraires, taxes et s’il y a lieu travaux supplémentaires
compris. Ce coût intègre la valeur de reconstruction des existants totalement
224 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

incorporés dans l’ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles


au sens du II de l’article L. 243-1-1 du présent code. En aucun cas ce coût ne
peut comprendre les primes ou bonifications accordées par le maître de l’ouvrage
au titre d’une exécution plus rapide que celle prévue contractuellement ni se
trouver amputé des pénalités pour retard infligées à l’entrepreneur responsable
d’un dépassement des délais contractuels d’exécution.
Cette garantie est revalorisée selon les modalités prévues aux conditions particu-
lières, pour tenir compte de l’évolution des coûts de construction entre la date de
souscription du contrat et celle de la réparation du sinistre.
Durée et maintien de la garantie dans le temps
Le contrat couvre, pour la durée de la responsabilité pesant sur les assurés en
vertu des articles 1792 et suivants du Code civil, les travaux de construction de
l’ouvrage désigné aux conditions particulières.
La garantie afférente à ces travaux est maintenue dans tous les cas pour la même
durée, sans paiement de prime subséquente.
Franchise au sens du présent contrat
Pour chacun des assurés, le contrat garantit le montant des travaux de réparation
au-delà d’une franchise absolue définie aux conditions particulières, laquelle est
égale au plafond de garantie des contrats individuels souscrits par chacun des
assurés, après ajustement de ce plafond en tant que de besoin.
La franchise est opposable à tous.
L’assuré s’oblige à couvrir la portion du risque constituée par cette franchise par un
ou plusieurs contrats individuels d’assurance de responsabilité décennale compor-
tant des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types
mentionnées à l’annexe I de l’article A. 243-1 du présent code. Cette franchise
est revalorisée selon les mêmes modalités que celles prévues aux conditions parti-
culières des contrats individuels pour les montants de garanties de ces contrats.
Exclusions
La garantie du présent contrat ne s’applique pas aux dommages résultant exclusi-
vement :
a) du fait intentionnel ou du dol du souscripteur ou de l’assuré ;
b) des effets de l’usure normale, du défaut d’entretien ou de l’usage anormal ;
c) de la cause étrangère.
Déchéance
L’assuré est déchu de tout droit à garantie en cas d’inobservation inexcusable des
règles de l’art, telles qu’elles sont définies par les réglementations en vigueur, les
normes françaises homologuées ou les normes publiées par les organismes de
normalisation d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre
État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, offrant un degré de
sécurité et de pérennité équivalant à celui des normes françaises.
ANNEXE 4 – CLAUSES TYPES CRÉÉES PAR L’ARRÊTÉ DU 19 NOVEMBRE 2009 225

Pour l’application de cette déchéance, il faut entendre par assuré, soit le souscrip-
teur personne physique, soit le chef d’entreprise ou le représentant statutaire de
l’entreprise s’il s’agit d’une entreprise inscrite au répertoire des métiers, soit les
représentants légaux ou dûment mandatés de l’assuré lorsque celui-ci est une
personne morale.
Cette déchéance n’est pas opposable aux bénéficiaires des indemnités.
Principaux textes relatifs à l’assurance facultative :
Article L. 124-3
Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantis-
sant la responsabilité civile de la personne responsable.
L’assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme
due par lui, tant que ce tiers n’a pas été désintéressé, jusqu’à concurrence de
ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné
la responsabilité de l’assuré.
Article L. 124-5
La garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait domma-
geable, soit par la réclamation. Toutefois, lorsqu’elle couvre la responsabilité des
personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle, la garantie est
déclenchée par le fait dommageable. Un décret en Conseil d’État peut également
imposer l’un de ces modes de déclenchement pour d’autres garanties.
Le contrat doit, selon les cas, reproduire le texte du troisième ou du quatrième
alinéa du présent article.
La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l’assuré contre les consé-
quences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre
la prise d’effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d’expiration,
quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.
La garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les consé-
quences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur
à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie, et que la première réclama-
tion est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la
garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expira-
tion mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments consti-
tutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait
dommageable a été connu de l’assuré postérieurement à la date de résiliation ou
d’expiration que si, au moment où l’assuré a eu connaissance de ce fait domma-
geable, cette garantie n’a pas été resouscrite ou l’a été sur la base du déclenche-
ment par le fait dommageable. L’assureur ne couvre pas l’assuré contre les consé-
quences pécuniaires des sinistres s’il établit que l’assuré avait connaissance du fait
dommageable à la date de la souscription de la garantie.
Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être
inférieur à cinq ans. Le plafond de la garantie déclenchée pendant le délai subsé-
quent ne peut être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l’année
précédant la date de la résiliation du contrat. Un délai plus long et un niveau
226 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

plus élevé de garantie subséquente peuvent être fixés dans les conditions définies
par décret.
Lorsqu’un même sinistre est susceptible de mettre en jeu les garanties apportées
par plusieurs contrats successifs, la garantie déclenchée par le fait dommageable
ayant pris effet postérieurement à la prise d’effet de la loi no 2003-706 du 1er août
2003 de sécurité financière est appelée en priorité, sans qu’il soit fait application
des quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 121-4.
Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux garanties d’assurance
pour lesquelles la loi dispose d’autres conditions d’application de la garantie dans
le temps.
Article R. 124-2
Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation mentionnée aux
quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 124-5 ne peut être inférieur à dix
ans lorsque l’assuré, personne physique ou morale :
I. – Exerce l’une des professions suivantes :
1o Administrateur de biens ;
2o Administrateur judiciaire et mandataire judiciaire au redressement et à la
liquidation des entreprises ;
3o Avocat inscrit à un barreau français ;
4o Avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation ;
5o Avoué près les cours d’appel ;
6o Commissaire aux comptes ;
7o Commissaire-priseur judiciaire ;
8o Constructeur d’un ouvrage mentionné aux articles L. 231-1 du Code de la
construction et de l’habitation et 1646-1, 1792-1, 1831-1 du Code civil, ainsi
que ses sous-traitants ;
9o Courtier d’assurance ;
10o Géomètre expert ;
11o Huissier de justice ;
12o Notaire ;
13o Syndic de copropriété.
II. – Exerce l’une des activités suivantes :
1o Pratique du droit à titre accessoire par une personne pouvant se prévaloir de
l’agrément prévu à l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971 précitée ;
2o Expertise comptable ;
3o Expertise judiciaire ;
4o Ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
ANNEXE 4 – CLAUSES TYPES CRÉÉES PAR L’ARRÊTÉ DU 19 NOVEMBRE 2009 227

Article R. 124-3
Lorsque la garantie souscrite par une personne physique pour son activité profes-
sionnelle est la dernière garantie avant sa cessation d’activité professionnelle ou
son décès, le délai prévu aux quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 124-5
ne peut être inférieur à dix ans.
En cas de reprise de la même activité, ce délai est réduit à la durée comprise
entre la date d’expiration ou de résiliation de la garantie et la date de reprise
d’activité, sans que cette durée puisse être inférieure à cinq ans ou à la durée
fixée contractuellement.
Article R. 124-4
Le plafond applicable à la garantie déclenchée dans le délai subséquent
mentionné aux quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 124-5 est unique
pour l’ensemble de la période, sans préjudice des autres termes de la garantie ou
de stipulations contractuelles plus favorables. Il est spécifique et ne couvre que
les seuls sinistres dont la garantie est déclenchée pendant cette période.
Il ne peut être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l’année précé-
dant la date de sa réalisation ou de son expiration. Il peut être reconstitué au gré
des parties.
Le contrat précise les conditions d’application du plafond de garantie.
Article A112
La fiche d’information visée à l’article L. 112-2, décrivant le fonctionnement
dans le temps des garanties déclenchées par le fait dommageable, le fonctionne-
ment dans le temps des garanties déclenchées par la réclamation, ainsi que les
conséquences de la succession de contrats ayant des modes de déclenchement
différents, doit être établie selon le modèle en annexe.
Article Annexe à l’article A112
La présente fiche d’information vous est délivrée en application de l’article L. 112-2
du Code des assurances.
Elle a pour objet d’apporter les informations nécessaires à une bonne compréhen-
sion du fonctionnement de la garantie de responsabilité civile dans le temps.
Elle concerne les contrats souscrits ou reconduits postérieurement à l’entrée en
vigueur le 3 novembre 2003 de l’article 80 de la loi no 2003-706. Les contrats
souscrits antérieurement font l’objet de dispositions particulières précisées dans
la même loi.
Comprendre les termes
Fait dommageable :
Fait, acte ou événement à l’origine des dommages subis par la victime et faisant
l’objet d’une réclamation.
Réclamation :
Mise en cause de votre responsabilité, soit par lettre adressée à l’assuré ou à
l’assureur, soit par assignation devant un tribunal civil ou administratif. Un
228 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

même sinistre peut faire l’objet de plusieurs réclamations, soit d’une même
victime, soit de plusieurs victimes.
Période de validité de la garantie :
Période comprise entre la date de prise d’effet de la garantie et, après d’éven-
tuelles reconductions, sa date de résiliation ou d’expiration.
Période subséquente :
Période se situant après la date de résiliation ou d’expiration de la garantie. Sa
durée est précisée par le contrat. Elle ne peut être inférieure à cinq ans.
Si votre contrat garantit exclusivement votre responsabilité civile vie privée,
reportez-vous au I.
Sinon, reportez-vous au I et au II.
I. – Le contrat garantit votre responsabilité civile vie privée
En dehors de toute activité professionnelle, la garantie est déclenchée par le fait
dommageable.
L’assureur apporte sa garantie lorsqu’une réclamation consécutive à des
dommages causés à autrui est formulée et que votre responsabilité ou celle des
autres personnes garanties par le contrat est engagée, dès lors que le fait à l’ori-
gine de ces dommages est survenu entre la date de prise d’effet et la date de rési-
liation ou d’expiration de la garantie.
La déclaration de sinistre doit être adressée à l’assureur dont la garantie est ou
était en cours de validité au moment où le fait dommageable s’est produit.
II. – Le contrat garantit la responsabilité civile encourue du fait d’une activité
professionnelle
Le contrat d’assurance doit préciser si la garantie est déclenchée par le "fait
dommageable" ou si elle l’est par "la réclamation".
Lorsque le contrat contient à la fois des garanties couvrant votre responsabilité
civile du fait d’activité professionnelle et des garanties couvrant votre responsabi-
lité civile vie privée, ces dernières sont déclenchées par le fait dommageable (cf. I).
Certains contrats, pour lesquels la loi prévoit des dispositions particulières, déro-
gent cependant à cette disposition ; c’est le cas par exemple en matière d’assu-
rance décennale obligatoire des activités de construction.
1. Comment fonctionne le mode de déclenchement par le fait dommageable ?
L’assureur apporte sa garantie lorsqu’une réclamation consécutive à des
dommages causés à autrui est formulée et que votre responsabilité ou celle des
autres personnes garanties par le contrat est engagée, dès lors que le fait à l’ori-
gine de ces dommages est survenu entre la date de prise d’effet et la date de rési-
liation ou d’expiration de la garantie.
La déclaration de sinistre doit être adressée à l’assureur dont la garantie est ou
était en cours de validité au moment où le fait dommageable s’est produit.
ANNEXE 4 – CLAUSES TYPES CRÉÉES PAR L’ARRÊTÉ DU 19 NOVEMBRE 2009 229

2. Comment fonctionne le mode de déclenchement « par la réclamation » ?


Quel que soit le cas, la garantie de l’assureur n’est pas due si l’assuré avait
connaissance du fait dommageable au jour de la souscription de celle-ci.
2.1. Premier cas : la réclamation du tiers est adressée à l’assuré ou à l’assureur
pendant la période de validité de la garantie souscrite.
L’assureur apporte sa garantie, même si le fait à l’origine du sinistre s’est produit
avant la souscription de la garantie.
2.2. Second cas : la réclamation est adressée à l’assuré ou à l’assureur pendant la
période subséquente.
Cas 2.2.1 : l’assuré n’a pas souscrit de nouvelle garantie de responsabilité déclen-
chée par la réclamation couvrant le même risque.
L’assureur apporte sa garantie.
Cas 2.2.2 : l’assuré a souscrit une nouvelle garantie de responsabilité déclenchée
par la réclamation auprès d’un nouvel assureur couvrant le même risque.
C’est la nouvelle garantie qui est mise en œuvre, sauf si l’assuré avait connais-
sance du fait dommageable au jour de la souscription de celle-ci, auquel cas,
c’est la garantie précédente qui intervient.
Aussi, dès lors qu’il n’y a pas d’interruption entre deux garanties successives et
que la réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur avant l’expiration du
délai subséquent de la garantie initiale, l’un des deux assureurs est nécessairement
compétent et prend en charge la réclamation.
Lorsque la garantie initiale est déclenchée pendant la période subséquente, le
plafond de l’indemnisation ne peut être inférieur à celui de la garantie déclen-
chée pendant l’année précédant la date de sa résiliation ou de son expiration.
3. En cas de changement d’assureur.
Si vous avez changé d’assureur et si un sinistre, dont le fait dommageable est
intervenu avant la souscription de votre nouveau contrat, n’est l’objet d’une
réclamation qu’au cours de votre nouveau contrat, il faut déterminer l’assureur
qui vous indemnisera. Selon le type de contrats, l’ancien ou le nouvel assureur
pourra être valablement saisi. Reportez-vous aux cas types ci-dessous :
3.1. L’ancienne et la nouvelle garanties sont déclenchées par le fait dommageable.
La garantie qui est activée par la réclamation est celle qui est ou était en cours de
validité à la date de survenance du fait dommageable.
3.2. L’ancienne et la nouvelle garantie sont déclenchées par la réclamation.
Votre ancien assureur devra traiter la réclamation si vous avez eu connaissance
du fait dommageable avant la souscription de votre nouvelle garantie. Aucune
garantie n’est due par votre ancien assureur si la réclamation vous est adressée
ou l’est à votre ancien assureur après l’expiration du délai subséquent.
Si vous n’avez pas eu connaissance du fait dommageable avant la souscription de
votre nouvelle garantie, c’est votre nouvel assureur qui accueillera votre réclamation.
230 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

3.3. L’ancienne garantie est déclenchée par le fait dommageable et la nouvelle


garantie est déclenchée par la réclamation.
Si le fait dommageable s’est produit pendant la période de validité de l’ancienne
garantie, c’est l’ancien assureur qui doit traiter les réclamations portant sur les
dommages qui résultent de ce fait dommageable.
Dans l’hypothèse où le montant de cette garantie serait insuffisant, la garantie
nouvelle déclenchée par la réclamation sera alors amenée à compléter cette
insuffisance pour autant que vous n’ayez pas eu connaissance du fait domma-
geable avant la date de souscription de votre nouvelle garantie.
Si le fait dommageable s’est produit avant la prise d’effet de l’ancienne garantie
et est demeuré inconnu de l’assuré à la date de souscription de la nouvelle
garantie, c’est le nouvel assureur qui doit traiter les réclamations portant sur les
dommages qui résultent de ce fait dommageable.
3.4. L’ancienne garantie est déclenchée par la réclamation et la nouvelle garantie
est déclenchée par le fait dommageable.
Si le fait dommageable s’est produit avant la date de souscription de la nouvelle
garantie, c’est l’ancien assureur qui doit traiter les réclamations. Aucune garantie
n’est due par votre ancien assureur si la réclamation est adressée à l’assuré ou à
votre ancien assureur après l’expiration du délai subséquent.
Si le fait dommageable s’est produit pendant la période de validité de la nouvelle
garantie, c’est bien entendu l’assureur de cette dernière qui doit traiter la récla-
mation.
4. En cas de réclamations multiples relatives au même fait dommageable.
Un même fait dommageable peut être à l’origine de dommages multiples qui
interviennent ou se révèlent à des moments différents. Plusieurs réclamations
ont alors vocation à être successivement adressées par les différents tiers
concernés. Dans ce cas, le sinistre est considéré comme unique. En conséquence,
c’est le même assureur qui prend en charge l’ensemble des réclamations.
Si le fait dommageable s’est produit alors que votre contrat était déclenché sur la
base du fait dommageable, c’est donc votre assureur à la date où le fait domma-
geable s’est produit qui doit traiter les réclamations.
Si vous n’étiez pas couvert sur la base du fait dommageable à la date du fait
dommageable, l’assureur qui doit être désigné est celui qui est compétent, dans
les conditions précisées aux paragraphes II-1, II-2 et II-3 ci-dessus, au moment
de la formulation de la première réclamation.
Dès lors que cet assureur est compétent au titre de la première réclamation, les
réclamations ultérieures seront alors traitées par ce même assureur quelle que soit
la date à laquelle ces réclamations sont formulées, même si la période subsé-
quente est dépassée.
Index

A C
Absence d’ouvrage, 123, 226 Chantier déclaré, 251
Accessoire, 201 Clauses Types, 185, 190, 197
Achèvement de l’ouvrage, 82, 83, 225 Contrat d’entreprise, 46
Activité déclarée, 250 – Définition, 46 et s.
Architecte, 8 – Formes, 49
Assurance construction obligatoire – Contrat de travail, 48
– Assujetti, 189 Contrôleur technique, 19
– Champ d’application, 198 Convention « existants », 203
– Justification, 190 et s.
– Présentation, 181
– Sanction, 193 D
Assurance facultative, 185, 202
– Avant réception, 266 Délai décennal, 124
Délai (respect contractuel du -), 56
– Après réception, 270
Dol de l’entrepreneur, 161
– Garanties dans le temps, 278
Dommage apparent (à la réception), 89
– Régime, 273 Dommage futur, 126
Assurance de responsabilité décennale, 240 Dommage évolutif, 127
et s.
Dommage immatériel/mobilier (assurance)
– Bénéficiaires, 241
– Dommages ouvrage, 227
– Contenu matériel, 242, 244
– Assurance de responsabilité décennale,
– Contenu dans le temps, 243 244
– Limites, 245. Dommage intermédiaire, 159
– Souscription, 191 Dommages ouvrage (assurance)
Atteinte – Bénéficiaire, 223
– à la solidité de l’ouvrage, 119 et s. – Contenu dans le temps, 224
– à la solidité d’un élément d’équipement, – Contenu de la réparation, 225
120 – Définition, 222
– Déclaration de sinistre, 230
– Exclusion, 226
B – Garantie « réputée acquise », 238
– Prescription, 224
Bureau central de tarification, 195 et s. – Procédure amiable normale, 231
232 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

– Procédure amiable simplifiée, 235 M


– Sanctions (procédure), 236 et s.
– Souscription, 191 Maître de l’ouvrage, 2 et s., 13, 59, 62, 189
Maître d’ouvrage délégué, 5
Maître d’œuvre, 6, 50, 54, 94
E Marché à forfait, 51
Marché au métré, 52
Élément d’équipement, 77, 121, 143
EPERS, 113,189
Entrepreneur, 10 et s., 50 et s.
N
Existant (assurance constr.), 202
Non-conformité (Droit commun), 160
Normes phoniques, 101

F
O
Fabricants, 14, 166
Franchise Obligation d’assurer, 194
– Dommages ouvrage, 226 Obligation de conseil, 54, 55, 167
– assurance de responsabilité décennale, Obligation de moyen (maître d’œuvre), 54
247 Obligation de résultat
– architecte, 54
– entrepreneur, 55
G Obligation de s’assurer, 188
Ouvrage (notion d’-), 76,114
Garantie de bon fonctionnement, 24, 89,
142 et s.
Garantie décennale, 24, 89 P
Garantie des normes phoniques, 101
Plafond de garantie
Garantie de parfait achèvement, 24, 89, 92
et s., 224 – Dommages ouvrage, 227
– assurance de responsabilité décennale, 248
Prise de possession, 83,87
I Procédure DO, 228 et s.
Process industriels, 78, 114, 199
Produits défectueux (et sous-traitant), 165
Impropriété à la destination, 122
Inobservation inexcusable des règles de
l’art, 246 R
Ravalement, 145
L Réception, 28, 115, 124, 160
– définition, 81 et s.
Loi Spinetta, 27, 182 – formes, 85 et s.
Louage d’ouvrage, 46 et s. – effets, 88 et s.
INDEX 233

Retenue de garantie, 90 S
Réserves, 90
Responsabilité décennale, 111 et s.
Sous-traitant, 13, 59
– dommage caché, 115
– Obligations, garanties de paiement, 60
– personnes concernées, 113
– Responsabilités, 162
– régime, 116
Souscription (assurance obligatoire), 190
– réparation (contenu de la -), 123
Responsabilité de droit commun
– locateurs d’ouvrage, 158 et s.
– fabricants, 166 T
– sous traitants, 162
Rétractation, 50 Travaux de bâtiments, 198
Risque du chantier, 58, 89 Trouble de voisinage, 62
Table des matières

Présentation ..................................................................................................................... 5
Chapitre 1 Le cadre général du chantier ........................................... 11
§1. Les acteurs en présence .................................................................................... 12
A. Le maître de l’ouvrage ................................................................................... 12
B. Le maître d’œuvre ........................................................................................... 13
C. L’entrepreneur ................................................................................................. 15
D. Les sous-traitants ............................................................................................. 16
E. Le fabricant ....................................................................................................... 17
F. Les autres intervenants à l’acte de construire ......................................... 18
I – Le géomètre.................................................................................................... 18
II – Le géologue ................................................................................................... 18
III – Les BET (Bureaux d’Étude Technique) .......................................................... 18
IV – Le métreur vérificateur ................................................................................. 18
V – Le contrôleur technique................................................................................. 19
VI – Le coordonnateur sécurité ............................................................................ 19
§2. La chronologie du chantier .............................................................................. 19
A. « Le temps du chantier » ............................................................................... 20
B. L’issue du chantier .......................................................................................... 20
C. Le temps des garanties .................................................................................. 20
§3. Une dualité de réglementation ........................................................................ 21
A. La loi du 4 janvier 1978 ................................................................................ 21
B. Le droit commun ............................................................................................. 23

Partie 1
La responsabilité des constructeurs

Chapitre 1 Le temps du chantier ........................................................... 27


§1. Le support juridique des travaux : le contrat de louage d’ouvrage .......... 28
A. La définition du contrat de louage d’ouvrage ........................................ 28
B. Les situations voisines .................................................................................... 29
I – Le contrat de travail ....................................................................................... 29
236 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

II – Le contrat de vente ....................................................................................... 30


III – Le contrat de louage de choses ................................................................... 30
IV – Le contrat de mandat................................................................................... 31
C. La forme du contrat de louage d’ouvrage ............................................... 32
§2. Les obligations des parties ............................................................................... 34
A. Les obligations du maître d’œuvre ............................................................. 34
B. Les obligations de l’entrepreneur ............................................................... 35
I – L’entrepreneur est débiteur d’une obligation de « construction conforme » . 36
II – L’entrepreneur doit respecter les délais ........................................................ 36
III – L’entrepreneur doit respecter le prix convenu.............................................. 37
IV – L’entrepreneur supporte le risque du chantier ............................................. 37
C. Les obligations du sous-traitant .................................................................. 38
D. Les obligations du maître de l’ouvrage ..................................................... 41
Chapitre 2 L’issue du chantier et la réception des travaux ..... 45
§1. La définition de la réception ............................................................................ 49
A. Un acte juridique original ............................................................................. 49
B. Les notions voisines ........................................................................................ 53
C. Les formes de la réception ........................................................................... 55
I – La réception amiable expresse ....................................................................... 55
II – La réception judiciaire ................................................................................... 56
III – La réception tacite ........................................................................................ 57
§2. Les effets de la réception ................................................................................. 59
A. Les effets constants de la réception .......................................................... 59
B. Les effets en cas de réserves inscrites au PV de réception .................. 60
Chapitre 3 Les garanties de parachèvement ................................... 63
§1. La garantie de parfait achèvement ................................................................. 64
A. Définition et objet de la garantie ............................................................... 64
B. Les personnes en cause ................................................................................ 66
C. Les désordres en cause ................................................................................. 67
D. La mise en œuvre de la garantie ................................................................ 68
§2. La garantie de conformité aux normes phoniques ...................................... 73
Chapitre 4 La responsabilité civile décennale ................................ 75
§1. Les caractéristiques juridiques de la responsabilité décennale .................. 77
A. Les personnes concernées ............................................................................ 77
I – Les personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage
d’ouvrage ........................................................................................................ 77
II – Les relais ........................................................................................................ 78
III – Le fabricant d’EPERS .................................................................................... 79
B. Nécessité d’une atteinte à un « ouvrage » ............................................... 82
C. Nécessité d’un dommage caché à la réception ...................................... 82
D. Une responsabilité de plein droit ................................................................ 84
E. Les causes d’exonération .............................................................................. 84
§2. Les critères techniques ...................................................................................... 86
TABLE DES MATIÈRES 237

A. L’atteinte à la solidité ..................................................................................... 87


I – L’atteinte à la solidité de l’ouvrage ............................................................... 87
II – L’atteinte à la solidité d’un élément d’équipement indissociable ................. 87
B. L’impropriété à la destination ...................................................................... 88
§3. Les caractéristiques de la réparation décennale ........................................... 90
§4. Le délai décennal ............................................................................................... 91
A. L’énoncé du délai ........................................................................................... 91
B. La gestion du délai décennal ....................................................................... 93
Chapitre 5 Une garantie résiduelle : la garantie de bon
fonctionnement ....................................................................... 97
§1. La garantie de bon fonctionnement dans la loi du 4 janvier 1978 .......... 98
§2. Les inflexions récentes ...................................................................................... 100
A. Les inflexions légales ...................................................................................... 100
B. La jurisprudence .............................................................................................. 101
Chapitre 6 Responsabilité de droit commun après réception 103
§1. Les responsabilités de droit commun des locateurs d’ouvrage ................. 104
A. Le traitement des dommages affectant l’ouvrage sans relever
d’une responsabilité légale ........................................................................... 105
B. Non-conformités et droit commun ............................................................ 108
C. Le dol de l’entrepreneur ............................................................................... 109
§2. Les responsabilités de droit commun du sous-traitant ............................... 111
A. La responsabilité du sous-traitant face à l’entrepreneur principal ..... 111
B. La responsabilité du sous-traitant face au maître de l’ouvrage .......... 112
C. La responsabilité du sous-traitant pour produits défectueux .............. 114
§3. La responsabilité de droit commun du fabricant ......................................... 114
A. Les deux hypothèses possibles .................................................................... 114
B. Le régime de l’action du maître de l’ouvrage ......................................... 115

Partie 2
L’assurance du risque construction

Chapitre 1 Les caractères généraux de l’assurance


obligatoire ................................................................................. 123
§1. Le caractère obligatoire de l’assurance .......................................................... 124
A. L’obligation de s’assurer ............................................................................... 124
I – Les assujettis .................................................................................................. 124
II – La forme de la justification de la garantie.................................................... 127
III – Le moment de la justification de la garantie ............................................... 129
IV – Les sanctions de la non-souscription des garanties obligatoires ................. 132
238 DROIT DE L’ASSURANCE CONSTRUCTION

B. L’obligation d’assurer ..................................................................................... 133


I – L’obligation de fourniture de la garantie obligatoire ..................................... 133
II – Le contenu obligatoire des polices ................................................................ 135
§2. Le champ d’application de l’assurance obligatoire ...................................... 136
A. La problématique de la définition du champ de l’assurance
construction obligatoire ................................................................................ 136
I – Le champ défini par la loi .............................................................................. 137
II – L’annulation de cette définition par le Conseil d’État .................................. 137
III – L’intervention de la Cour de cassation......................................................... 138
IV – L’ordonnance du 8 juin 2005 ....................................................................... 140
B. La réforme du 8 juin 2005 : la définition actuelle du champ
de l’assurance construction obligatoire ..................................................... 141
I – Le recours à une définition négative.............................................................. 141
II – Le critère de « l’accessoire » ......................................................................... 142
III – L’éviction des existants non incorporés........................................................ 143
Chapitre 2 Les polices d’assurance obligatoires ............................ 147
§1. La garantie « Dommages ouvrage » ............................................................... 148
A. Présentation générale de la garantie ......................................................... 148
I – Définition et textes ......................................................................................... 148
II – Bénéficiaires de la garantie « DO » ............................................................... 148
III – La consistance de la prise en charge dans le temps ................................... 150
IV – La consistance de l’indemnisation ............................................................... 152
B. Le processus de règlement « DO » ............................................................. 157
I – La déclaration du sinistre ............................................................................... 158
II – La procédure « normale » .............................................................................. 160
III – La procédure « simplifiée » ........................................................................... 164
C. Les sanctions du non-respect par l’assureur du processus DO ........... 165
I – Les conditions de la sanction ......................................................................... 166
II – Le contenu de la sanction ............................................................................. 167
III – La procédure de mise en œuvre des sanctions ............................................ 169
§2. L’assurance de responsabilité civile décennale ............................................. 170
A. Présentation de la garantie responsabilité civile décennale ................. 170
I – Les bénéficiaires de la garantie ...................................................................... 170
II – La responsabilité garantie ............................................................................. 174
B. La prise en charge de l’assureur dans le temps ..................................... 175
C. Le contenu de la prise en charge ............................................................... 176
D. Les limites de la prise en charge ................................................................. 177
I – Les limites légales .......................................................................................... 178
II – Les limites jurisprudentielles : les causes de « non-garantie » ...................... 182
Chapitre 3 Les garanties facultatives complémentaires ............ 189
§1. Le panorama des garanties facultatives ........................................................ 191
A. Les garanties avant réception ...................................................................... 191
I – La garantie « effondrement » ......................................................................... 191
TABLE DES MATIÈRES 239

II – La police « tous-risques chantier » (TRC) ...................................................... 191


III – La police « multirisques » avant réception ................................................... 192
B. Les garanties après réception ...................................................................... 192
I – S’agissant du maître d’ouvrage et des locateurs d’ouvrage .......................... 192
II – S’agissant du sous-traitant ............................................................................ 193
§2. Évocation du régime des garanties facultatives ........................................... 194
A. Les modalités de déclaration ....................................................................... 195
B. L’ampleur de l’indemnisation : les franchises et les plafonds
de garantie ....................................................................................................... 195
C. Les exclusions ................................................................................................... 197
D. L’application de la police d’assurance facultative dans le temps ....... 198

Bibliographie .................................................................................................................... 203


Annexes ........................................................................................................................... 205
Index ................................................................................................................................. 231
MASTER
Droit de l’assurance construction
MASTER

C. PONCE
Les responsabilités des constructeurs • L’assurance
Dommages ouvrage • L’assurance du risque « décennal » •
Les assurances facultatives
Christophe PONCE L’assurance construction est une des matières à 3e
Droit
de l’ assurance
maîtriser pour qui souhaite comprendre le déroulé
d’une opération de construction.
À côté du droit de l’urbanisme ou du droit de la

Droit de l’assurance construction


promotion immobilière, les opérateurs doivent
appréhender le droit de la construction, c’est-à-dire
le droit de la réalisation matérielle de l’ouvrage.

construction
est avocat, spécialisé
en droit immobilier, Le complément indissociable du droit de
docteur en droit privé.
Il enseigne le droit
la construction est le droit de l’assurance
de la construction construction. Cette branche du droit des assurances
et de l’assurance vise à sécuriser l’acte de construire grâce à divers
construction aux mécanismes d’assurance obligatoire, au travers
facultés de droit de de la garantie dite « Dommages ouvrage » et de
Toulon et
d’Aix en Provence.
la garantie de la responsabilité décennale des
constructeurs mais aussi de nombreuses garanties
facultatives.
L’opérateur se doit de connaître ces garanties, ce
qui lui permettra de définir ses besoins d’assurance
et d’éviter les pièges nombreux de cette matière 3e édition
en constante évolution. De même, le praticien ou • Les responsabilités des constructeurs
l’étudiant souhaitent un exposé clair et simple de
cette matière complexe. • L’assurance Dommages ouvrage
Dans sa troisième édition, cet ouvrage mis à jour
• L’assurance du risque « décennal »
répond à ces demandes ; il propose aussi à son • Les assurances facultatives
lecteur les références jurisprudentielles principales
pour acquérir une approche concrète et pratique
des sujets traités. Il fournit également les textes
légaux et règlementaires propres à l’assurance
CHRISTOPHE PONCE
construction.

Prix : 24 €
ISBN 978-2-297-03244-5

Vous aimerez peut-être aussi