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réalités Cardiologiques # Mai 2015

Revues Générales
Recommandations ESC

Recommandations de
la Société européenne de Cardiologie
sur l’embolie pulmonaire

C es recommandations ont été


présentées durant le congrès
de l’ESC à Barcelone début
septembre 2014. Publiées dans l’Euro-
pean Heart Journal et disponibles sur le
entendu les nouveaux anticoagulants, la
prise en charge de l’embolie pulmonaire
(EP) chez les femmes enceintes et chez
les patients cancéreux, enfin celle de
l’hypertension pulmonaire thromboem-
site de l’ESC (www.escardio.org), elles bolique chronique.
sont aussi endossées par l’European
Respiratory Society.

Les précédentes recommandations


[ Facteurs prédisposants
dataient de 2008. Les principales nou- La maladie veineuse thromboembo-
veautés sont : l’affinement de la strati- lique (MVTE) est la conséquence d’une
fication du risque intermédiaire, avec interaction entre facteurs de risque
maintenant deux sous-classes “intermé- (tableau I) liés au patient, habituelle-
➞ F. DELAHAYE diaire-bas” et “intermédiaire-haut”, bien ment permanents, et facteurs de risque
Service de Cardiologie, CHU, LYON.

Facteurs de risque fort (OR* > 10) l Infection (spécifiquement : pneumonie,


l Fracture au membre inférieur infection urinaire et VIH)
l Hospitalisation pour insuffisance l Maladie intestinale inflammatoire
cardiaque ou fibrillation/flutter atrial l Cancer (risque plus élevé en cas de cancer
(dans les 3 mois précédents) métastatique)
l Prothèse de hanche ou de genou l Contraception orale
l Traumatisme majeur l AVC avec paralysie
l Infarctus du myocarde (dans les 3 mois l Post-partum
précédents) l Thrombose veineuse superficielle
l Antécédent d’accident thromboembolique l Thrombophilie
veineux
l Lésion de la moelle épinière
Facteurs de risque faible (OR < 2)
l Alitement > 3 jours

Facteurs de risque modéré (OR entre 2 et 9) l Diabète


l Hypertension artérielle
l Chirurgie du genou par arthroscopie
l Immobilité en position assise (par exemple
l Maladie auto-immune
l Transfusion sanguine
voyage : prolongé en voiture ou avion)
l Âge avancé
l Cathéter veineux central
l Chirurgie laparoscopique (par exemple :
l Chimiothérapie
l Insuffisance cardiaque ou respiratoire
cholécystectomie)
l Obésité
l Stimulant de l’érythropoïèse
l Grossesse
Note l Traitement hormonal substitutif (selon la
l Varices
formulation)
Le type de chaque recommandation apparaît l  Fécondation in vitro * OR : odds ratio.
entre parenthèses avec son niveau de preuve.
Par exemple : (I, A).
Tableau I : Facteurs prédisposant à une MVTE.

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liés à l’environnement, habituellement diagnostique puis thérapeutique définie s’abstenir de ce traitement spécifique de
temporaires. La MVTE est considérée dans les recommandations. Le patient l’EP, avec un risque bas acceptable.
comme” provoquée “s’il y a des facteurs est à haut risque s’il est en choc ou en
de risque temporaires ou réversibles hypotension artérielle persistante. Les signes fonctionnels et physiques ne
(tels qu’une intervention chirurgicale, sont pas spécifiques de l’EP. Lorsque la
un traumatisme, une immobilisation, présentation clinique suggère une EP,
une grossesse, une contraception orale
ou un traitement hormonal substitutif)
[ Diagnostic il faut procéder à des investigations
objectives.
dans les 6 semaines à 3 mois précédant Une EP est dite “confirmée” lorsque la
le diagnostic, et “non provoquée” en probabilité d’EP est suffisamment éle- 1. Évaluation de la probabilité clinique
l’absence de ces facteurs. Une embolie vée pour qu’un traitement spécifique de
pulmonaire peut également survenir en l’EP soit entrepris, et “exclue” lorsque la Les algorithmes de prédiction clinique
l’absence de facteurs de risque connus. probabilité est suffisamment basse pour sont présentés dans le tableau II.

La présence de facteurs de risque per- Critères Quotation


sistants ou majeurs temporaires peut Algorithme de Wells Version originale Version simplifiée
influencer la décision quant à la durée Antécédent de MVTE 1,5 1
de l’anticoagulation après un premier Fréquence cardiaque ≥ 100 bpm 1,5 1
épisode d’EP. Intervention chirurgicale ou immobilisation dans le mois
1,5 1
précédent

[
Hémoptysie 1 1
 lassification clinique
C Cancer en évolution 1 1
et stratification initiale Signes cliniques de TVP 3 1

du risque Diagnostic différentiel moins probable que celui d’EP 3 1


Probabilité clinique de “Wells” =
Score à trois niveaux
Elle se base sur la mortalité précoce esti-
Basse 0-1 Non disponible
mée à partir les décès par EP recensés
Intermédiaire 2-6 Non disponible
durant le séjour hospitalier et à 30 jours
Haute ≥7 Non disponible
(fig. 1). Cette stratification clinique
initiale de tout épisode embolique pul- Score à deux niveaux
monaire est essentielle à la stratégie EP improbable 0-4 0-1
EP probable ≥5 ≥2
Score de Genève révisé Version originale Version simplifiée
Suspicion d’EP aiguë Antécédent de MVTE 3 1
Fréquence cardiaque 75-94 bpm 3 1
Fréquence cardiaque ≥ 95 bpm 5 2
Choc ou hypotension ? Intervention chirurgicale ou fracture dans le mois
2 1
précédent
Hémoptysie 2 1
Cancer en évolution 2 1
Oui Non Douleur unilatérale à un membre inférieur 3 1
Douleur à la palpation profonde d’un membre inférieur et
4 1
œdème unilatéral
Âge > 65 ans 1 1
Haut risque1 Pas à haut risque2 Probabilité clinique de “Genève” =
Score à trois niveaux
1 Défini comme une PAS < 90 mmHg ou une chute
Basse 0-3 0-1
de la PAS ≥ 40 mmHg pendant 15 minutes non
due à une arythmie brutale, une hypovolémie ou Intermédiaire 4-10 2-4
un sepsis. Haute ≥ 11 ≥5
2 Basé sur la mortalité estimée, hospitalière
Score à deux niveaux
ou à 30 jours.
EP improbable 0-5 0-2
EP probable ≥6 ≥3
Fig. 1 : Classification clinique d’une suspicion d’EP
aiguë. Tableau II : Algorithmes de prédiction clinique d’une EP.

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2. Stratégies diagnostiques confirmer le diagnostic, si cet examen d’urgence lorsque la probabilité clinique
est immédiatement disponible (IIb, C). est basse ou intermédiaire ou l’EP impro-
Elles sont présentées dans les figures 2 bable, afin d’éviter un examen d’imagerie
et 3 selon qu’il y a choc/hypotension ou Une angiographie pulmonaire peut être non nécessaire et une irradiation (I, A).
non. envisagée chez les patients instables
reçus directement en salle de cathété- En cas de probabilité clinique d’EP basse
3. Recommandations sur le risme, quand la coronarographie a exclu ou d’EP improbable, un taux normal de
diagnostic un syndrome coronaire aigu et que l’EP D-dimères exclut une EP (I, A).
devient un diagnostic différentiel pro-
l Suspicion d’EP avec choc bable (IIb, C). Des examens supplémentaires peuvent
ou hypotension (fig. 2) être envisagés en cas de probabilité inter-
l Suspicion d’EP sans choc médiaire, si le dosage des D-dimères est
Un angioscanner ou une échocardiogra- ni hypotension (fig. 3) négatif avec une technique modérément
phie transthoracique au lit du patient, sensible (IIb, C).
selon les disponibilités et les circonstances, L’usage de critères validés du diagnostic
est recommandé à titre diagnostique (I, C). d’une EP est recommandée (I, B). Le dosage n’est pas recommandé en cas
de probabilité clinique élevée, puisque
Avec des signes de dysfonction du ven- L’évaluation clinique est recommandée dans ce cas un dosage normal n’exclut
tricule droit (VD) et un patient est trop afin de baser la stratégie diagnostique sur pas le diagnostic d’EP avec suffisam-
instable pour supporter un angioscan- la probabilité clinique, évaluée soit par ment de sécurité, même si la technique
ner, la recherche d’un thrombus veineux le jugement clinique, soit par un algo- de dosage est hautement sensible (III, B).
et/ou artériel pulmonaire par examen rithme de prédiction validé (I, A).
Doppler veineux des membres infé- Un angioscanner normal exclut une EP
rieurs et/ou échocardiographie transœ- Le dosage des D-dimères est recom- en cas de probabilité clinique basse ou
sophagienne peut être envisagée afin de mandé en ambulatoire ou au service intermédiaire ou d’EP improbable (I, A).

Suspicion d’EP avec choc/hypotension Suspicion d’EP sans choc/hypotension

Angioscanner possible immédiatement Évaluer la probabilité clinique d’EP


( jugement clinique ou algorithme de prédiction clinique)

Non Oui

Probabilité intermédiaire-basse Probabilité clinique haute


Échocardiographie ou EP improbable ou EP probable

Surcharge du VD
Angioscanner D-dimères
disponible
Non Oui ET Angioscanner
patient
stabilisé Négatifs Positifs

Pas d’autre test


disponible ou
patient instable Angioscanner Angioscanner
Positif Négatif

Pas d’EP EP confirmée Pas d’EP EP confirmée


Traitement spécifique de l’EP :
Rechercher Rechercher
reperfusion primaire
d’autres causes d’autres causes
(alternativement, Pas de traitement
d’instabilité d’instabilité
embolectomie chirurgicale Pas de traitement Traitement ou poursuite des Traitement
hémodynamique hémodynamique
ou traitement par cathéter) investigations

Fig. 2 : Algorithme diagnostique en cas de suspicion d’EP avec choc/hypotension. Fig. 3 : Algorithme diagnostique en cas de suspicion d’EP sans choc/hypotension.

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Un angioscanner normal peut exclure L’IRM ne doit pas être utilisée pour éli- sont hétérogènes et difficiles à standar-
l’EP avec suffisamment de sécurité en miner une EP (III, A). diser. Malgré tout, l’évaluation écho-
cas de probabilité clinique élevée ou graphique de la morphologie et de la
d’EP probable (IIa, B). fonction du VD peut aider à la stratifi-

Un angioscanner montrant un thrombus


[ Évaluation pronostique cation pronostique. Les critères sont
la dilatation du VD, une augmentation
segmentaire ou plus proximal confirme 1. Paramètres cliniques du rapport des diamètres VD/VG, une
le diagnostic d’EP (I, B). hypokinésie de la paroi libre du VD, une
L’indice de sévérité d’une embolie pul- augmentation de la vitesse du jet et de
Des examens supplémentaires peuvent monaire (ISEP) est présenté dans le l’insuffisance tricuspide, une diminu-
être envisagés afin de confirmer l’EP en tableau III (ISEP simplifié : ISEP-s). tion de l’écartement (excursion) systo-
cas de thrombus sous-segmentaires iso- lique de l’anneau tricuspide (TAPSE), ou
lés (IIb, C). 2. Imagerie du ventricule droit une combinaison des critères ci-dessus.
par échocardiographie ou par L’échocardiographie peut aussi identi-
Une scintigraphie de perfusion pulmo- angioscanner fier un shunt droit-gauche à travers un
naire normale exclut l’EP (I, A). foramen ovale perméable, et la présence
À l’échocardiographie, il y aurait une de thrombus dans le cœur droit, deux
Une scintigraphie pulmonaire posi- dysfonction du VD chez plus de 25 % éléments qui sont associés à une morta-
tive avec une haute probabilité d’EP des patients ayant une EP. Les critères lité accrue chez les patients ayant une EP.
confirme le diagnostic d’EP (IIa, B).
Version originale Version simplifiée
Une scintigraphie pulmonaire non dia- Paramètres
(ISEP) (ISEP-s)
gnostique peut exclure le diagnostic d’EP
Âge Âge en années Âge > 80 ans : 1
lorsque l’examen Doppler des veines
proximales des membres inférieurs est Sexe masculin + 10 –
aussi négatif et que la probabilité cli- Cancer + 30 1
nique est basse ou une EP improbable Insuffisance cardiaque chronique + 10
(IIa, B). 1
Maladie pulmonaire chronique + 10
Un examen Doppler des veines des Fréquence cardiaque ≥ 110 bpm + 20 1
membres inférieurs avec compression à TA systolique < 100 mmHg + 30 1
la recherche d’une thrombose veineuse
Fréquence respiratoire
profonde (TVP) peut être envisagé chez + 20 –
> 30 respirations par minute
certains patients ayant une suspicion
d’EP, afin d’éviter des examens d’ima- Température < 36 °C + 20 –
gerie supplémentaires si le résultat est Altération de l’état mental + 60 –
positif (IIb, B). Saturation artérielle en oxyhémoglobine
+ 20 1
< 90 %
Un examen Doppler montrant une TVP
Stratification du risque de décès à un mois (% de risque selon les points)
proximale chez un patient ayant une
Classe I ≤ 65 points : 0 point : 1,0 %
suspicion clinique d’EP confirme le
très bas (0-1,6 %)
diagnostic d’EP (I, B). ≥ 1 point : 10,9 %
Classe II de 66-85 points :
Si le doppler ne montre qu’une TVP bas (1,7-3,5 %)
distale, des examens supplémentaires Classe III : 86-105 points :
doivent être envisagés afin de confirmer modéré (3,2-7,1 %)
le diagnostic d’EP (IIa, B). Classe IV : 106-125 points :
haut (4,0-11,4 %)
Une angiographie pulmonaire peut être Classe V : > 125 points :
envisagée en cas de discordance entre très haut (10,0-24,5 %)
l’évaluation clinique et les résultats des
examens d’imagerie non invasive (IIb, C). Tableau III : Indice de sévérité d’une EP (ISEP et ISEP-s).

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Risque de décès à un mois Paramètres et scores l’administration d’un des anticoagu-


lants oraux directs (AOD) : dabigatran
Signes de
Classes ISEP III-V ou édoxaban. Si l’apixaban ou le riva-
Choc ou dysfonction
ou classe ISEP Biologie roxaban sont prescrits, le traitement peut
hypotension VD à
simplifiée > 1
l’imagerie être commencé directement ou après un
Haut + (+)* + (+)* ou deux jours d’héparine ou de fondapa-
rinux. Pour ces derniers médicaments, le
Intermédiaire Intermédiaire-
– + Les deux positifs traitement à la phase aiguë consiste en
haut
une dose accrue : pendant trois semaines
Intermédiaire-
– + 0 ou 1 positif pour le rivaroxaban, pendant les 7 pre-
bas
miers jours pour l’apixaban.
Bas Évaluation optionnelle ;
– – si elle est faite, les deux
négatifs Les résultats des essais des AOD dans
le traitement de la MVTE indiquent que
* Aucun score ni aucun test biologique ne sont nécessaires : lorsqu’il y a choc/hypotension
ces agents ne sont pas inférieurs (en
le risque est toujours élevé.
termes d’efficacité) au traitement stan-
Tableau IV : Stratégie d’évaluation du pronostic. dard héparine/AVK et possiblement plus
sûrs (particulièrement par moindres
L’angioscanner peut détecter une dila- envisagée pour une évaluation complé- hémorragies majeures). Au moment de
tation du VD. mentaire du risque (IIa, B). la publication de ces recommandations,
l’apixaban, le dabigatran et le rivaroxa-
3. Biologie ban avaient déjà l’AMM en traitement

Le taux de BNP reflète la sévérité de la


[ Traitement à la phase aiguë de la MVTE dans l’Union européenne.
L’édoxaban est en cours d’examen.
dysfonction du VD. 1. Anticoagulation L’expérience des AOD reste limitée mais
continue de s’accumuler.
La troponinémie peut être augmentée, du Elle est recommandée, avec pour objectif
fait d’un infarctus VD transmural malgré de prévenir à la fois un décès prématuré et 2. Thrombolyse
des artères coronaires perméables. une récidive de MVTE. La durée standard
de l’anticoagulation est d’au moins trois Le traitement thrombolytique d’une EP
4. Stratégie d’évaluation du pronostic mois. A la phase aiguë l’anticoagulation aiguë restaure la perfusion pulmonaire
est parentérale (HNF, HBPM ou fondapari- plus vite que l’anticoagulation par une
Elle est présentée dans le tableau IV. nux) pendant les 5 à 10 premiers jours. La HNF seule. La résolution rapide de
posologie est précisée dans le tableau V. l’obstruction pulmonaire entraîne une
La stratification initiale du risque en cas prompte réduction de la pression et
d’EP suspectée ou confirmée, basée sur Le traitement AVK doit être commencé des résistances artérielles pulmonaires
la présence d’un choc ou d’une hypoten- pendant le traitement par héparine. avec une amélioration concomitante de
sion persistante, est recommandée afin L’héparinothérapie peut être suivie de la fonction VD.
d’identifier les patients à haut risque de
décès précoce (I, B). Médicament Dosage Intervalle
Énoxaparine 1,0 mg/kg Toutes les 12 heures
Chez les patients non à haut risque, ou 1,5 mg/kg Une fois/jour
l’utilisation d’un score prédictif validé Tinzaparine 175 U/kg Une fois par jour
(de préférence l’ISEP ou l’ISEP simpli-
Daltéparine 100 UI/kg Toutes les 12 heures
fié) doit être envisagée afin de distin- ou 200 UI/kg Une fois par jour
guer un risque bas ou intermédiaire
Nadroparine 86 UI/kg Toutes les 12 heures
(IIa, B). ou 171 UI/kg Une fois par jour
Fondaparinux Poids < 50 kg : 5 mg Une fois par jour
En cas de risque intermédiaire, l’éva-
Poids 50-100 kg : 7,5 mg
luation du VD par échocardiographie Poids > 100 kg : 10 mg
ou scanner et celle de l’atteinte myo-
cardique par la biologie, doivent être Tableau V : Posologie des anticoagulants par voie parentérale à la phase aiguë.

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La posologie est précisée dans le paraît raisonnable de continuer l’anti- principales afin de faciliter la récupéra-
tableau VI, les contre-indications dans coagulation avec une HNF plusieurs tion du VD, d’atténuer les symptômes et
le tableau VII. heures après la fin du traitement throm- d’augmenter la survie. Chez les patients
bolytique, avant de la remplacer par une ayant une contre-indication absolue à
L’injection d’HNF doit être arrêtée HBPM ou du fondaparinux. la thrombolyse, les options interven-
durant l’administration de streptokinase tionnelles sont : une fragmentation du
ou d’urokinase ; elle peut être poursui- 3. Embolectomie chirurgicale thrombus par un cathéter à queue de
vie durant la perfusion de rt-PA. Chez cochon ou à ballonnet ; une thrombec-
les patients qui recevaient déjà une Techniquement, c’est une intervention tomie rhéolytique avec des dispositifs
HBPM ou du fondaparinux au début de relativement simple. Une thrombolyse hydrodynamiques ; une thrombectomie
la thrombolyse, l’injection d’HNF doit préopératoire augmente le risque hémor- par succion avec des cathéters à aspira-
être retardée à 12 heures après la der- ragique, mais n’est pas une contre-indi- tion ; une thrombectomie rotative. Chez
nière injection d’HBPM si celle-ci était cation absolue à une embolectomie les patients qui n’ont pas de contre-indi-
prescrite 2 fois par jour, ou à 24 heures chirurgicale. cation absolue à la thrombolyse, une
après la dernière injection d’HBPM ou thrombolyse dirigée par cathéter ou une
de fondaparinux (administrés 1 fois par 4. Traitement percutané dirigé thrombolyse pharmacomécanique sont
jour). Étant donné les risques hémorra- par cathéter les approches préférées.
giques de la thrombolyse et la nécessité
éventuelle d’arrêter immédiatement ou Son but est l’ablation de thrombus obs- 5. Filtres veineux
d’antagoniser l’effet de l’héparine, il tructifs dans les artères pulmonaires
Ils sont indiqués en cas de contre-indi-
Streptokinase Dose de charge de 250 000 UI en 30 minutes, puis 100 000 UI/h pendant cation absolue au traitement anticoagu-
12 à 24 heures lant d’une part, chez les patients ayant
une récidive objectivée d’EP malgré une
Traitement accéléré : 1 500 000 UI en 2 heures anticoagulation adéquate d’autre part.
Urokinase Dose de charge de 4 400 UI/kg en 10 minutes, puis 4 400 UI/kg/h pendant
12-24 heures 6. Stratégies thérapeutiques

Traitement accéléré : 3 000 000 UI en 2 heures Les stratégies thérapeutiques basées sur


rt-PA 100 mg en 2 heures, ou 0,6 mg/kg en 15 minutes (dose maximale : 50 mg) l’évaluation du risque sont présentées
dans la figure 4.
Tableau VI : Posologie des traitements thrombolytiques.
7. Recommandations pour le
Contre-indications absolues traitement à la phase aiguë
– AVC hémorragique ou d’origine inconnue, quelle que soit son ancienneté
– AVC ischémique dans les 6 mois précédents l EP avec choc ou hypotension
– Altération ou néoplasme du système nerveux central (haut risque) (fig. 4)
– Traumatisme majeur, intervention chirurgicale, traumatisme crânien dans les trois
semaines précédentes
– Hémorragie gastro-intestinale dans le mois précédent
Il est recommandé de commencer une
– Risque hémorragique connu anticoagulation par une HNF, par voie
intraveineuse, sans délai (I, C).
Contre-indications relatives
– Accident ischémique transitoire dans les mois précédents Un traitement thrombolytique est recom-
– Traitement anticoagulant oral mandé (I, B).
– Grossesse et première semaine post-partum
– Point de ponction non compressible
– Ressuscitation traumatique Une embolectomie pulmonaire chirurgi-
– Hypertension artérielle réfractaire (TA systolique > 180 mmHg) cale est recommandée lorsque la throm-
– Atteinte hépatique avancée bolyse est contre-indiquée ou n’a pas été
– Endocardite infectieuse efficace (I, C).
– Ulcère gastroduodénal actif
Un traitement percutané par cathéte-
Tableau VII : Contre-indications de la thrombolyse. risme doit être envisagé comme une

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Suspicion clinique d’EP

Choc/hypotension ?

Oui Non

Algorithme diagnostique Algorithme diagnostique


pour une suspicion d’EP à haut risque pour une suspicion d’EP non à haut risque

EP confirmée

Évaluer le risque clinique


(ISEP ou ISEP-s)

EP confirmée
ISEP classe III-IV ISEP classe I-II
ou ISEP-s ≥ 1 ou ISEP-s = 0
Risque intermédiaire

Envisager une stratification


complémentaire du risque

Fonction VD
(échocardiographie ou scanner)
Biologie

Un positif ou
Les deux positifs les deux négatifs

Haut risque Risque intermédiaire-haut Risque intermédiaire-bas Risque bas

Anticoagulation ; surveillance ; Envisager une sortie précoce


Hospitalisation ; et un traitement à domicile,
Reperfusion primaire envisager une reperfusion
anticoagulation si cela est faisable
de sauvetage

Fig. 4 : Stratégies thérapeutiques.

alternative à l’embolectomie pulmonaire Une HBPM et le fondaparinux sont les L’anticoagulation par l’apixaban (10 mg
chirurgicale chez les patients chez qui anticoagulants recommandés à la phase 2 fois par jour pendant 7 jours, puis
une thrombolyse systémique à pleine aiguë pour la plupart des patients (I, A). 5 mg 2 fois par jour) est recommandée
dose est contre-indiquée ou n’a pas été en alternative à la combinaison d’une
efficace (IIa, C). Parallèlement à l’anticoagulation paren- anticoagulation parentérale et d’un
térale, un traitement par un AVK est AVK (I, B).
l EP sans choc ni hypotension (risque recommandé, avec un INR cible à 2,5
intermédiaire ou bas) (fig. 4) (entre 2,0 et 3,0) (I, B). Une anticoagulation par le dabigatran
(150 mg 2 fois par jour, ou 110 mg 2 fois
L’initiation d’une anticoagulation paren- L’anticoagulation par le rivaroxaban (15 mg par jour chez les patients âgés de plus de
térale est recommandée sans délai chez 2 fois par jour pendant 3 semaines, puis 80 ans ou qui ont un traitement par véra-
les patients avec probabilité clinique 20 mg 1 fois par jour) est recommandée en pamil) après l’anticoagulation parenté-
élevée ou intermédiaire alors que le dia- alternative à la combinaison d’une anti­ rale est recommandée en alternative au
gnostic est en cours (I, C). coagulation parentérale avec un AVK (I, B). traitement AVK (I, B).

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Une anticoagulation par l’édoxaban Un filtre veineux doit être envisagé en gulation que ce soit, l’aspirine peut être
après l’anticoagulation parentérale est cas de récidive d’EP malgré une anticoa- envisagée en prévention secondaire pro-
recommandée en alternative au traite- gulation à niveau thérapeutique (IIa, C). longée de la MVTE (IIb, B).
ment AVK (I, B).
La pose d’un filtre dans la veine cave Chez les patients avec EP et cancer, une
Les AOD ne sont pas recommandés inférieure chez les patients avec EP n’est HBPM par voie sous-cutanée doit être
chez les patients avec une altération pas recommandé en routine (III, A). envisagée pendant les trois à six premiers
rénale sévère (dabigatran, édoxaban, mois, la dose étant ajustée au poids (IIa, B).
rivaroxaban : clairance de la créatinine 8. Durée de l’anticoagulation
< 30 mL/min ; apixaban : < 25 ml/min) Chez ces patients, une anticoagulation
(III, A). Le but du traitement anticoagulant est la prolongée (après les trois à six premiers
prévention d’une récidive de MVTE. Les mois) doit être envisagée pour une durée
L’utilisation en routine d’une throm- AVK sont utilisés le plus souvent, une illimitée ou jusqu’à ce que le cancer soit
bolyse systémique primaire n’est pas HBPM est préférable en cas de MVTE guéri (IIa, C).
recommandée chez les patients sans chez un patient avec un cancer. Trois

[
choc ni hypotension (III, B). nouveaux AOD ont été évalués.
 ypertension pulmonaire
H
Une surveillance étroite est recomman- l Recommandations sur la durée de thromboembolique
dée chez les patients à risque intermé- l’anticoagulation chronique (HTPTEC)
diaire-haut afin de détecter précocement
une décompensation hémodynamique En cas d’EP secondaire à un facteur de L’algorithme diagnostique est présenté
et mettre en œuvre un traitement de risque transitoire (réversible), la durée dans la figure 5. La scintigraphie pulmo-
reperfusion de sauvetage (I, B). recommandée est de trois mois (I, B). naire de ventilation et de perfusion est
l’imagerie première puisque sa sensibi-
Un traitement thrombolytique doit être En cas d’EP non provoquée, la durée lité est de 96-97 % et sa spécificité de
envisagé chez les patients à risque inter- recommandée est d’au moins trois mois 90-95 %. Un angioscanner pulmonaire et
médiaire-haut avec des signes cliniques (I, A). un cathétérisme des cavités cardiaques
de décompensation hémodynamique droites sont nécessaires afin de détecter
(IIa, B). Une durée prolongée doit être envisagée respectivement des thrombus organisés
en cas de première EP non provoquée et et confirmer l’hypertension pulmonaire
Une embolectomie pulmonaire chirurgi- si le risque hémorragique est bas (IIa, B). précapillaire. Une angiographie pulmo-
cale peut être envisagée chez les patients naire permet de caractériser le type et
à risque intermédiaire-haut si le risque Une durée illimitée est recommandée en la distribution des modifications intra-
hémorragique prévisible sous thrombo- cas de deuxième EP non provoquée (I, B). luminales.
lyse est élevé (IIb, C).
Le rivaroxaban (20 mg une fois par jour), L’algorithme thérapeutique est présenté
Un traitement percutané via un cathé- le dabigatran (150 mg 2 fois par jour, ou dans la figure 6.
ter peut être envisagé chez les patients 110 mg 2 fois par jour après 80 ans ou
à risque intermédiaire-haut si le risque en cas de traitement concomitant par le En cas de dyspnée persistante après
hémorragique prévisible sous thrombo- vérapamil) ou l’apixaban (2,5 mg 2 fois une EP, une évaluation diagnostique à
lyse est élevé (IIb, B). par jour) doivent être envisagés comme la recherche d’une HTPTEC doit être
une alternative aux AVK (sauf en cas envisagée (IIa, C).
En cas de risque bas, une sortie hospi- d’altération rénale sévère) si un traite-
talière rapide avec poursuite du traite- ment anticoagulant de longue durée est Le dépistage d’une HTPTEC chez des
ment à domicile doit être envisagée si nécessaire (IIa, B). patients asymptomatiques après une EP
la prise en charge et le traitement anti- n’est pas actuellement recommandé (III, C).
coagulant peuvent être assurés correc- En cas d’anticoagulation prolongée, le rap-
tement (IIa, B). port bénéfice/risque d’un tel traitement En cas d’HTPTEC, l’évaluation de l’opé-
doit être réévalué régulièrement (I, C). rabilité et les décisions quant aux autres
Un filtre veineux doit être envisagé en stratégies thérapeutiques doivent être
cas de contre-indication absolue à l’anti- Chez les patients qui refusent ou ne prises par un groupe pluridisciplinaire
coagulation (IIa, C). peuvent pas prendre quelque anticoa- d’experts (I, C).

8
réalités Cardiologiques # Mai 2015

Suspicion clinique Diagnostic de HTPTEC


Anticoagulation à vie

Échocardiographie : insuffisance tricuspide


> 2,8 m/s et > 3 mois d’anticoagulation Diagnostic d’opérabilité par l’équipe HTPTEC
à dose thérapeutique
Opérable Inopérable
Scintigraphie pulmonaire

Au moins 1 Envisager un deuxième


ou 2 défects avis par un autre
Négative Indéterminée centre expérimenté
segmentaires Endartériectomie
ou plus larges pulmonaire

Traitement médical ciblé


HTPTEC éliminée HTPTEC incertaine HTPTEC probable

Cathétérisme cardiaque droit


HTP Discussion de Traitements
et angiographie pulmonaire
symptomatique transplantation émergents
(conventionnelle, scanner,
persistante pulmonaire (angioplastie)
angio-IRM)

Fig. 5 : Algorithme diagnostique d’une HTPTEC. Fig. 6 : Algorithme thérapeutique d’une HTPTEC.

Une anticoagulation à vie est recomman- Le dosage des D-dimères peut être fait 2. Cancer
dée (I, C). afin d’éviter une irradiation inutile, un
résultat négatif ayant la même significa- Une EP de découverte fortuite chez les
Une endartériectomie pulmonaire tion clinique que chez les patientes non patients porteurs d’un cancer doit être
chirurgicale est recommandée (I, C). enceintes (IIb, C). prise en charge de la même façon qu’une
EP symptomatique (IIa, C).
Le riociguat est recommandé chez les Un Doppler veineux avec compres-
patients symptomatiques inopérables, sion peut être envisagé afin d’éviter Des taux négatifs de D-dimères ont la
ou qui ont une HTPTEC persistante ou une irradiation inutile, car le diagnos- même valeur diagnostique négative que
récidivante après l’intervention chirur- tic de TVP proximale confirme l’EP chez les patients sans cancer (IIa, B).
gicale (I, B). (IIb, C).
En cas d’EP et cancer, une HBPM par
L’utilisation hors AMM de médicaments Une scintigraphie de perfusion pulmo- voie sous-cutanée avec dose ajustée au
ayant l’AMM pour le traitement d’une naire peut être envisagée afin d’élimi- poids doit être envisagée pendant les
hypertension artérielle pulmonaire peut ner une suspicion d’EP chez une femme trois à six premiers mois (IIa, B).
être envisagée chez les patients sympto- enceinte avec radiographie thoracique
matiques inopérables (IIb, B). normale (IIb, C). Chez ces patients, une anticoagulation
prolongée (après les trois à six premiers
Un angioscanner peut être envisagé si mois) doit être envisagée pour une durée
[ Situations particulières la radiographie thoracique est anormale
ou si une scintigraphie pulmonaire n’est
indéfinie ou jusqu’à ce que le cancer soit
guéri (IIa, C).
1. Grossesse pas possible (IIa, C).

Une suspicion d’EP chez une femme Une HBPM à dose ajustée sur le poids
enceinte nécessite d’en établir formel- est le traitement recommandé durant la
L’auteur a déclaré ne pas avoir de conflits
lement le diagnostic avec des méthodes grossesse chez une patiente sans choc ni d’intérêts concernant les données publiées
validées (I, C). hypotension (I, B). dans cet article.

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