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Item 231 – UE 8 –
Rétrécissement aortique
I. Définition
II. Rappel anatomique
III. Physiopathologie et conséquences hémodynamiques
IV. Étiologies
V. Aspects cliniques
VI. Examens complémentaires
VII. Évolution et complications
VIII. Traitement
Connaissances
Objectifs pédagogiques
Nationaux
Diagnostiquer une insuffisance mitrale, un rétrécissement aortique, une insuffisance
aortique.
Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
Connaître les principes de suivi des patients avec prothèses valvulaires.
105
CNEC
Connaître la définition du rétrécissement aortique et ses principales étiologies.
Identifier la triade symptomatique à l'effort (douleur, dyspnée, syncope).
Connaître les caractéristiques de l'auscultation.
Savoir le rôle essentiel de l'échocardiographie dans la confirmation du diagnostic et les
principales mesures devant figurer au compte rendu.
Connaître les indications thérapeutiques devant un RA serré (symptômes, apparition
d'une altération de la FEVG).
Connaître l'intérêt de l'épreuve d'effort dans le RA serré asymptomatique.
Connaître la place de la coronarographie ou du coroscanner.
Connaître les différents traitements disponibles (remplacement valvulaire chirurgical
ou TAVI), leurs avantages et inconvénients.
Savoir mesurer le rapport bénéfice/risque des deux types de prothèses : biologique et
mécanique.
Connaître le pronostic sombre des formes serrées et symptomatiques en l'absence de
traitement.
I. Définition
Le rétrécissement aortique (RA) est la valvulopathie la plus fréquente : il se définit comme
un obstacle à l'éjection du ventricule gauche localisée le plus souvent au niveau de la valve
aortique.
L'étiologie la plus fréquente est le RA dégénératif du sujet âgé de plus de 65 ans.
Médecine cardiovasculaire
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Maladies des valves
Il existe d'autres formes d'obstacle à l'éjection du ventricule gauche qui se localisent en aval ou
en amont de la valve aortique, non abordées ici :
• rétrécissement supra-aortique ;
• rétrécissement sous-aortique (diaphragme) ;
• obstruction dynamique des cardiomyopathies obstructives.
Électrocardiogramme
200
Gradient de pic à pic : max du ventricule gauche – max
de l'aorte
Gradient moyen : surface orange, correspondant au
gradient moyen en échocardiographie
Gradient maximal : max du gradient entre ventricule et
aorte
120
60
40
Connaissances
Courbe de pression Diastole Diastole
Systole Systole Systole
enregistrée dans le 20
ventricule gauche
0
PTDVG augmentée (22 mm Hg)
Fig. 7.1 Exemple d'enregistrement par cathétérisme des pressions dans l'aorte et dans le ventricule
gauche chez un patient ayant un gradient en rapport avec un rétrécissement valvulaire aortique.
107
B. Hypertrophie pariétale
L'augmentation de pression intraventriculaire gauche entraîne dans un premier temps une
augmentation des contraintes pariétales ou postcharge. Selon la loi de Laplace :
Pression ×Diamètredelacavité
Contrainte =
Épaisseur pariétale
Si les contraintes pariétales restent élevées, on assiste à une diminution de la performance sys-
tolique du ventricule gauche puisque les contraintes pariétales s'opposent physiologiquement
au déplacement des parois du ventricule.
En pratique
Les patients atteints d'un RA conservent longtemps une performance systolique normale.
contrainte est la plus forte et dans ce cas, la levée de l'obstacle peut ne pas permettre une
récupération ad integrum de la fonction ventriculaire gauche en postopératoire.
L'hypertrophie pariétale peut en effet s'accompagner d'une inadéquation entre les apports et
les besoins : les artères coronaires n'étant pas capables « d'irriguer », l'ensemble des myocytes
d'un myocarde hypertrophié est soumis à une forte tension pariétale (due à la sténose). Il
existe alors une ischémie myocardique favorisant la fibrose telle que sus-citée.
C. Dysfonction diastolique
L'hypertrophie pariétale entraîne une altération de la compliance ventriculaire (élasticité) et un
ralentissement de la relaxation.
Ces deux anomalies de la fonction diastolique induisent une élévation des pressions du ven-
tricule gauche pendant la phase de remplissage (diastole). Cette augmentation de pression
diastolique se transmet en amont au niveau des veines et capillaires pulmonaires avec pour
conséquence un tableau d'insuffisance cardiaque (congestion pulmonaire).
La contraction de l'atrium prend alors un rôle important dans le remplissage ventriculaire et donc
dans le maintien du débit cardiaque. C'est pourquoi la perte de la systole par fibrillation atriale
est en général mal tolérée chez les patients atteints de RA (poussée d'insuffisance cardiaque).
IV. Étiologies
A. Rétrécissement valvulaire aortique congénital
108
La bicuspidie (valve aortique comprenant 2 sigmoïdes à la place de 3) est :
• l'étiologie la plus fréquente entre 30 et 65 ans ;
• en général bien tolérée pendant l'enfance et l'adolescence. C'est une malformation « évo-
lutive » qui finit par entraîner un rétrécissement aortique à l'âge adulte.
Il est important de retenir que la valve bicuspide est souvent associée à un anévrisme de l'aorte
ascendante qu'il faut savoir rechercher, au même titre qu'une coarctation (beaucoup plus rare).
Il faut savoir dépister une bicuspidie dans les familles où cette anomalie a été détectée.
La bicuspidie est multiple : certaines formes sont responsables d'une insuffisance aortique et
d'autres d'un rétrécissement valvulaire aortique. La forme la plus fréquente est la bicuspidie
dite de type I avec raphé : fusion entre les sigmoïdes antéro-gauche et antéro-droite.
La prévalence du rétrécissement valvulaire aortique dégénératif augmente avec l'âge et de fait, constitue de
loin la cause la plus fréquente de rétrécissement valvulaire aortique.
• Il est caractérisé par un dépôt de calcifications à la base des valvules qui deviennent rigides.
La valve est ainsi très calcifiée, d'autant plus que la sténose est sévère.
• À noter que la physiopathologie de cette forme de RA est proche de celle conduisant à
l'athérosclérose sur la paroi des artères.
Item 231 – UE 8 – Rétrécissement aortique 7
2. Post-rhumatismal
Cette étiologie est devenue rare, mais on la rencontre encore en particulier chez les migrants.
En général, le RA est associé à une IA et à une atteinte mitrale (RM + IM).
V. Aspects cliniques
A. Circonstances de découverte
Il s'agit de :
Connaissances
• souffle entendu lors d'une consultation ;
• symptômes (cf. infra) ;
• complication : insuffisance cardiaque ;
• échocardiographie faite pour une autre cause (plus rare).
B. Signes fonctionnels
109
Longtemps asymptomatique, le RA peut se manifester par :
• une dyspnée d'effort ;
• un angor d'effort ;
• une syncope d'effort.
L'apparition des symptômes en présence d'un RA serré est précédée d'une longue période
asymptomatique qui peut durer plusieurs années.
L'interrogatoire est fondamental : le patient présente des symptômes à l'effort. Mais il peut
avoir limité ses efforts pour ne pas avoir de symptôme et se dire asymptomatique parce qu'au
repos, il est asymptomatique. Il faut donc rechercher minutieusement les efforts où le patient
est anormalement limité !
L'angor d'effort, la syncope d'effort et la dyspnée d'effort sont les trois maîtres symptômes du rétrécissement
aortique et s'accompagnent d'un mauvais pronostic en l'absence de traitement.
C. Examen et auscultation
1. Palpation
Elle retrouve :
• un frémissement palpatoire : perçu avec le plat de la main, au foyer aortique, le patient
étant en fin d'expiration penché en avant. En général, il traduit la présence d'un rétrécisse-
ment aortique hémodynamiquement significatif ;
• dans les cas évolués : un élargissement du choc de pointe qui est dévié en bas et à gauche,
signant la dilatation du ventricule gauche.
Maladies des valves
2. Auscultation
En général typique, elle permet de faire le diagnostic, avec :
• souffle mésosystolique, éjectionnel, intense, rude, râpeux, maximum au 2e espace inter-
costal droit, irradiant dans les vaisseaux du cou (fig. 7.2). Il peut être associé à un souffle
d'insuffisance aortique (on parle de maladie aortique) ;
• abolition de B2 dans les RA serrés calcifiés.
Dans le rétrécissement aortique évolué avec bas débit, le souffle peut devenir moins intense,
voire quasiment inaudible.
B. Électrocardiogramme
Il peut être normal en cas de rétrécissement aortique peu évolué.
Le plus souvent, l'ECG est anormal dans les rétrécissements aortiques serrés avec :
• hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) de type surcharge systolique +++ (fig. 7.3).
Cependant, l'absence d'HVG électrique n'exclut pas le diagnostic de RA serré. En effet
chez l'adulte, la corrélation entre caractère serré du RA et HVG dépistée à l'ECG est loin
d'être excellente ;
Fig. 7.3 Hypertrophie ventriculaire gauche avec surcharge dite systolique (T négatives et asymétriques
dans les précordiales gauches).
Item 231 – UE 8 – Rétrécissement aortique 7
• hypertrophie atriale gauche ;
• troubles de conduction (BBG, BAV du 1er degré) ;
• troubles du rythme, en particulier fibrillation atriale plutôt en cas de RA évolué, moins
fréquemment que dans les valvulopathies mitrales cependant.
Connaissances
1. Confirmer le diagnostic
• En échographie 2D, la valve aortique est remaniée, calcifiée avec une ouverture des sig-
moïdes diminuée (fig. 7.4).
• En doppler continu, les vitesses du sang à travers la valve aortique sont augmentées
(> 2,5 m/s).
À noter cependant, qu'un rétrécissement aortique serré peut s'accompagner d'un gradient de pression
faible en cas de bas débit. Par conséquent, la seule mesure du gradient de pression peut ne pas suffire pour
évaluer la sévérité d'un RA. On la complète par la mesure de la surface aortique.
Critères de RA serré
• Vmax > 4 m/s
• Gradient moyen > 40 mm Hg
• Surface aortique < 1 cm2 ou < 0,6 cm2/m2
Maladies des valves
112
Important
Le RA peut être serré malgré un gradient moyen VG – aorte < 40 mm Hg. Dans ce cas, le débit cardiaque
est altéré, et le volume d'éjection systolique est ≤ 35 mL/m2, que la FEVG soit préservée ou altérée.
Pour être certain du caractère serré du RA, on peut effectuer une échocardiographie sous faible dose de
dobutamine pour augmenter le débit et confirmer le caractère serré du RA. Si sous dobutamine, la surface
dépasse 1 cm2, on parlera de pseudo-sténose valvulaire aortique qu'il faudra surveiller et traiter comme
une insuffisance cardiaque avec les médicaments appropriés.
Connaissances
et mieux évaluer la taille de l'aorte.
113
2 feuillets
A B C
D. Cathétérisme et coronarographie
La plupart des renseignements apportés par le cathétérisme autrefois peuvent être obtenus
aujourd'hui par échocardiographie doppler. Il s'agit des mêmes paramètres : gradient de
pression VG – aorte, surface valvulaire, fonction VG et mesure du débit cardiaque.
Les seules indications qui restent du cathétérisme sont les rares cas de discordance entre la
clinique et les données de l'échocardiographie doppler. Ces cas correspondent souvent à ceux
des patients peu échogènes.
En revanche, il faut éliminer une atteinte coronarienne par la coronarographie en préopératoire :
• si l'âge est > 40 ans chez l'homme et chez la femme ménopausée sans facteur de risque ;
• en cas de facteurs de risque coronarien (personnels ou familiaux) ou si le patient se plaint
d'angor d'effort ou de signes d'insuffisance cardiaque, quel que soit l'âge. En effet, l'angor
peut s'observer dans le RA en l'absence de toute atteinte coronarienne, mais la distinction
entre angor fonctionnel et angor lié à une coronaropathie est impossible à faire cliniquement.
Maladies des valves
E. Épreuve d'effort
L'épreuve d'effort est préconisée dans le RA serré asymptomatique pour justement vérifier de
manière objective son caractère asymptomatique. En effet, certains patients sous-estiment
leurs symptômes car ils se sont adaptés et ne font pratiquement pas d'effort. L'épreuve d'ef-
fort s'attache à évaluer le niveau d'effort atteint et surtout une augmentation inadéquate ou
une baisse de la pression artérielle au cours de l'effort.
114
Attention
L'épreuve d'effort est contre-indiquée dans le RA symptomatique.
VIII. Traitement
A. Possibilités thérapeutiques
1. Remplacement valvulaire chirurgical
Prothèse mécanique
• Elle impose un traitement anticoagulant à vie.
• Elle est caractérisée par une longue durée de vie.
• Elle est indiquée si le sujet est jeune.
Prothèse biologique
• Elle évite le traitement anticoagulant.
• Elle est indiquée si le patient est âgé de plus de 65 ans.
• Il existe un risque de dégénérescence dans les 10–15 ans.
Connaissances
2. Implantation percutanée d'une valve aortique (nom souvent
utilisé : TAVI pour Trans Aortic Valve Implantation)
Il s'agit de l'implantation par voie percutanée (voie fémorale ou apicale) d'une valve aortique
chez les patients atteints de RA pour lesquels le risque chirurgical est jugé élevé ou intermédiaire,
alors qu'on peut espérer un gain fonctionnel du patient s'il est possible de corriger le rétrécisse-
ment valvulaire aortique. L'indication de valve aortique percutanée ne peut pas être portée sans
l'aval d'une équipe médico-chirurgicale expérimentée et seulement après une discussion plu-
ridisciplinaire en staff dédié (Heart Team). L'âge du patient, sa fragilité, ses comorbidités et ses 115
souhaits sont les facteurs pris en compte pour choisir entre chirurgie conventionnelle et TAVI.
Cette technique est de plus en plus employée et a même dépassé en nombre les remplace-
ments valvulaires chirurgicaux en France.
3. Valvuloplastie percutanée
Il s'agit d'une dilatation simple du RA par un ballon situé à l'extrémité d'un cathéter introduit
de manière rétrograde dans l'aorte à partir d'un point de ponction fémorale sans mise en place
de prothèse.
Cette technique, qui avait précédé le TAVI, est quasiment abandonnée en raison du taux très
élevé de resténose précoce.
B. Indications
1. RA serré symptomatique
Tout rétrécissement aortique serré symptomatique doit être pris en charge (remplacement
valvulaire ou TAVI) compte tenu du risque vital existant et ce, pratiquement sans limite d'âge,
sous réserve d'un état général conservé et de l'absence d'une autre pathologie mettant en jeu
le pronostic vital à court terme.
2. RA serré asymptomatique
La surveillance est recommandée et préférée à la chirurgie si le RA est vraiment asymptoma-
tique et s'accompagne d'une FEVG normale, sauf dans les cas suivants où la chirurgie (ou le
TAVI) est tout de même recommandée :
• RA asymptomatique associé à une épreuve d'effort anormale ;
• RA asymptomatique très serré (Vmax > 5,5 m/s) ;
Maladies des valves
C. Bilan préopératoire
• Il doit permettre d'évaluer le risque opératoire.
• Il comporte en général :
– imagerie des coronaires (coronarographie ou coroscanner) ;
– scanner ou IRM de l'aorte en cas de dilatation aortique (bicuspidie) ;
– échodoppler des troncs supra-aortiques ;
– recherche de foyers infectieux de la sphère ORL ou stomatologique avec radiographie
de sinus et panoramique dentaire ;
116
– recherche d'autres comorbidités (fonction rénale, pathologie pulmonaire, etc.) ;
– avis gériatrique chez le sujet très âgé pour bien peser le rapport risque/bénéfice de la
procédure.
clés
Points
• Le rétrécissement aortique est la valvulopathie la plus fréquente, notamment chez le sujet âgé.
• Il s'agit sur le plan physiopathologique d'un obstacle entre le VG et l'aorte en systole, qui se traduit par
un gradient de pression systolique VG – aorte, et qui est responsable d'une surcharge en pression du VG
et d'une hypertrophie réactionnelle pour normaliser la contrainte.
• Deux étiologies dominent : la bicuspidie aortique et le RA dégénératif ; le RAA peut se voir chez les migrants.
• Le RA est ouvent asymptomatique, sinon les 3 symptômes cardinaux sont : dyspnée d'effort, angor
d'effort, syncope d'effort.
• L'auscultation retrouve un souffle systolique éjectionnel râpeux au foyer aortique, irradiant dans les
vaisseaux du cou, un B2 aboli en cas de RA serré.
• L'ECG et la radiographie thoracique ont un intérêt limité.
• L'échocardiographie :
– confirme le diagnostic de RA ;
– quantifie son degré de sévérité (RA serré : Vmax > 4 m/s, gradient moyen VG-Ao > 40 mm Hg, surface
< 1 cm2 ou < 0,6 cm2/m2) ;
– évalue la FEVG.
• L'ETO présente peu d'intérêt sauf si le patient est peu échogène, pour faire la planimétrie du RA.
• Une épreuve d'effort est indiquée chez le sujet asymptomatique.
• Le cathétérisme présente peu d'intérêt.
• La coronarographie, presque toujours réalisée en présence de facteurs de risque CV ou d'angor ou selon
l'âge (> 40 ans chez l'homme, après la ménopause chez la femme), peut être remplacée par le coroscan-
ner. Le scanner cardiaque est toujours réalisé avant la mise en place d'un TAVI.
Item 231 – UE 8 – Rétrécissement aortique 7
Connaissances
Notions indispensables PCZ
• Ne pas oublier de vérifier les coronaires à partir d'un certain âge dans le bilan préopératoire.
• Penser à évaluer la taille de l'aorte dans la bicuspidie.
Réflexes transversalité
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• Item 149 – Endocardite infectieuse
• Item 150 – Surveillance des porteurs de valves et prothèses vasculaires
• Item 337 – Malaises, perte de connaissance, crise comitiale de l'adulte
Baumgartner H, et al. ESC/EACTS Guidelines for the management of valvular heart disease. Eur Heart J.
2017 ; 38 : 2739–91.
https://academic.oup.com/eurheartj/article/38/36/2739/4095039