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Item 228 – UE 8 – Douleur
thoracique aiguë
et chronique
I. Conduite à tenir en présence d'un patient qui consulte pour douleur thoracique
II. Orientation diagnostique : identifier les urgences cardiaques
III. Orientation diagnostique : douleurs chroniques de cause cardiaque
IV. Orientation diagnostique : principales causes extracardiaques d'une douleur thoracique
Connaissances
Objectifs pédagogiques
Nationaux
Diagnostiquer une douleur thoracique aiguë et chronique.
Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.
CNEC
Savoir rechercher une détresse vitale chez un patient qui consulte pour douleur
thoracique. 71
Savoir recueillir et classer les arguments orientant vers l'une des quatre urgences car-
diologiques que sont la dissection aortique, les syndromes coronariens aigus, l'embolie
pulmonaire et la péricardite aiguë.
Savoir identifier les causes chroniques de douleur thoracique, d'angor d'effort, d'angor
fonctionnel des troubles du rythme, des douleurs d'effort du rétrécissement
aortique.
Connaître les principales causes extracardiaques d'une douleur thoracique.
Médecine cardiovasculaire
© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Athérome, facteurs de risques cardiovasculaires, maladie coronarienne, artériopathie
Au-delà des douleurs typiques, penser toujours aux douleurs atypiques compatibles avec le diagnostic
(tableau 5.1).
Connaissances
Énervement Provoquée par un mouvement du corps
Temps froid particulier
Durée Minutes Secondes
Heures (en l'absence d'élévation des troponines)
Attention
Un ECG intercritique normal n'élimine pas le diagnostic et un bloc de branche gauche doit être considéré
comme un équivalent de SCA avec sus-décalage de segment ST, enfin les ischémies dans le territoire de
l'artère circonflexe peuvent être électriquement muettes ! Penser à enregistrer les dérivations V7, V8, V9.
• La radiographie pulmonaire est normale et souvent inutile dans les tableaux typiques de
syndromes coronariens aigus en l'absence d'insuffisance cardiaque.
• Le dosage de la troponine ultrasensible doit être réalisé (cf. chapitre 4) :
– pour les syndromes coronariens aigus avec sus-décalage persistant du segment ST
confirmé par l'ECG, le dosage des troponines ne doit pas retarder la prise en charge,
la reperfusion coronarienne par angioplastie ou thrombolyse doit être débutée sans
attendre les résultats de la troponinémie ;
– pour les syndromes coronariens aigus sans sus-décalage persistant du segment ST, le
dosage des troponines ultrasensibles permet un diagnostic plus précoce avec une meil-
leure sensibilité. Deux situations sont à prendre en compte :
– la troponinémie est normale : si la douleur thoracique a débuté depuis plus de
6 heures, il faut évoquer un diagnostic différentiel (ou un syndrome coronarien à bas
risque) ; si la douleur thoracique a débuté depuis moins de 6 heures, un 2e dosage
de troponine ultrasensible est à réaliser 3 heures plus tard,
– la troponinémie est élevée : si elle est très élevée, le diagnostic de syndrome coro-
narien aigu sans sus-décalage du segment ST à haut risque est posé ; si elle est peu
Athérome, facteurs de risques cardiovasculaires, maladie coronarienne, artériopathie
C. Embolie pulmonaire
• Le terrain est évocateur en cas de cancer, pilule + tabac, période postopératoire, post-
partum, alitement, ATCD personnels ou familiaux de maladie thromboembolique.
• Elle se manifeste par une douleur basithoracique associée à une dyspnée (+++) aiguë avec
polypnée, toux, parfois hémoptysie tardive.
• À l'examen clinique, on note des signes de thrombose veineuse (absents dans un tiers des
cas), une tachycardie, des signes d'insuffisance ventriculaire droite.
• Cliniquement, deux tableaux opposés sont possibles :
– soit un infarctus pulmonaire avec douleur basithoracique de type pariétopleural fébrile
avec hémoptysie noirâtre tardive (bon pronostic) ;
– soit un cœur pulmonaire aigu avec dyspnée « nue » et signes de défaillance ventri-
culaire droite ou collapsus (la douleur est au second plan compte tenu de l'urgence
vitale).
• L'ECG révèle la présence de signes de cœur pulmonaire aigu : tachycardie sinusale, aspect
S1Q3, bloc de branche droite, ondes T négatives dans les précordiales droites (V1 V3).
Connaissances
• La radiographie pulmonaire peut montrer des atélectasies en bandes, un épanchement
pleural basal, une coupole surélevée, une hyperclarté, mais elle est souvent normale. Une
douleur thoracique avec dyspnée et radiographie de thorax normale doit faire évoquer
obligatoirement le diagnostic (+++).
• La stratification initiale du risque repose sur la présence d'une hypotension (PAS
< 90 mm Hg ou baisse de PAS ≥ 40 mm Hg, pendant plus de 15 minutes, en l'absence
de troubles du rythme, d'hypovolémie ou de sepsis) ou d'un choc, témoignant d'un
haut risque.
• En cas d'EP à haut risque, on réalise un scanner thoracique s'il est disponible immédiate- 75
ment, sinon une échocardiographie (dilatation du ventricule droit).
• En cas d'EP sans hypotension ou choc, la probabilité clinique d'embolie pulmonaire est
estimée grâce au score de Wells modifié ou au score de Genève modifié (cf. tableau 21.3).
• Si la probabilité d'EP est faible ou modérée, les D-dimères doivent être prélevés :
– s'ils sont positifs (> 500 μg/L), un angioscanner thoracique est demandé pour confirmer
le diagnostic ;
– les D-dimères hautement sensibles (méthode Elisa) sont négatifs, le diagnostic d'EP est
éliminé, même en présence d'une probabilité prétest modérée.
• Si la probabilité d'EP est forte, les D-dimères sont inutiles, un angioscanner thoracique est
demandé d'emblée pour confirmer le diagnostic.
• Un traitement antithrombotique doit être débuté avant même la confirmation diagnostique.
D. Péricardite aiguë
1. Péricardite non compliquée
• Le terrain est évocateur en cas de contexte viral, fièvre, ou forme récidivante avec antécé-
dent connu de péricardite aiguë bénigne.
• La péricardite se manifeste par une douleur thoracique augmentée à l'inspiration profonde,
en décubitus et calmée par l'antéflexion du buste.
• L'examen clinique montre frottement péricardique fugace et inconstant.
• L'ECG révèle un sus-décalage ST concave et diffus ou non systématisé, un sous-décalage
de PQ, un microvoltage.
• La radiographie pulmonaire montre parfois un élargissement de la silhouette cardiaque.
Athérome, facteurs de risques cardiovasculaires, maladie coronarienne, artériopathie
• Devant une suspicion de péricardite aiguë, une échocardiographie et un dosage des tro-
ponines doivent être réalisés, on peut observer un syndrome inflammatoire biologique ;
l'échocardiographie peut être normale (péricardite sèche), il faut savoir la répéter.
• C'est l'étiologie la plus bénigne parmi les autres diagnostics à évoquer (c'est donc un diag-
nostic d'élimination).
2. Tamponnade péricardique
• À la différence de la péricardite non compliquée, c'est une urgence vitale.
• Elle se manifeste par :
– une douleur thoracique avec dyspnée, polypnée puis orthopnée et toux, parfois dyspha-
gie, nausée, hoquet ;
– des signes droits : turgescence jugulaire, reflux hépatojugulaire (+++) ;
– des signes de choc avec tachycardie et PAS < 90 mm Hg (+++) ;
– un pouls paradoxal : l'inspiration entraîne une augmentation du retour veineux provo-
quant une dilatation du VD qui comprime le VG et aboutit à une baisse de la PAS (PAS
d'inspiration < PAS d'expiration de 10 mm Hg).
• L'ECG révèle un microvoltage, parfois une alternance électrique.
• La radiographie de thorax montre une cardiomégalie avec, lorsque l'épanchement péricar-
dique est abondant, un aspect en « carafe ».
• L'échocardiographie confirme le diagnostic de tamponnade et montre un collapsus des
cavités droites en expiration, une compression du VG par le VD en inspiration avec un
épanchement abondant.
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3. Myopéricardite
• Il s'agit d'un tableau de péricardite avec atteinte du myocarde le plus souvent virale.
• La douleur est de type péricarditique mais peut mimer un SCA, parfois avec insuffisance
cardiaque.
• Elle est associée à une élévation prolongée des troponines.
• L'échocardiographie montre un trouble cinétique du ventricule gauche segmentaire ou
diffus avec éventuel épanchement péricardique.
• La coronarographie est normale.
• L'IRM peut montrer des plages de rehaussement tardif sur les séquences avec injection de
gadolinium prédominant en sous-épicardique et sans systématisation artérielle.
Connaissances
avec bronchogramme aérien, un éventuel épanchement pleural associé.
G. Conclusion
Parmi ces différentes étiologies, six moyennes urgences sont à identifier :
• pleurésies et pneumonies ;
• pneumothorax ;
• pancréatite aiguë ;
• ulcère gastrique ou duodénal compliqué ;
• cholécystite ;
• douleurs radiculaires.
Pour les autres étiologies, il n'y a pas d'urgence vitale, mais il est urgent de rassurer et de
soulager le patient.
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clés
Points
• La douleur thoracique est un motif très fréquent de recours aux soins soit aux urgences, soit en
consultation.
• La signification de la douleur s'efface devant des signes de détresse vitale qu'il convient de rechercher
immédiatement : collapsus, état de choc, détresse respiratoire ou signes neurologiques.
• Le transfert d'un patient pour douleur thoracique doit être médicalisé via le 15. En effet, s'il s'agit d'un
syndrome coronarien, la mortalité pré-hospitalière est élevée, ne pas recourir au 15 est une faute grave.
• Même si les SCA dominent, toutes les douleurs thoraciques ne sont pas de nature coronarienne ! Il faut
une prise en charge rationnelle et de l'expérience pour aboutir rapidement au bon diagnostic. Le terrain,
l'âge, le contexte et les données de l'examen clinique soigneux ont souvent plus de valeur que les détails
sémiologiques de la douleur qui peut être parfois très mal décrite par le patient.
• Électrocardiogramme et dosage répété des troponines ultrasensibles sont la base de la prise en charge,
l'échocardiographie et le scanner thoracique sont souvent utiles en 2e intention. Il faut savoir les réaliser
en urgence +++ sur une suspicion d'embolie pulmonaire ou de dissection aortique.
• La prise en charge initiale recherche les quatre grandes urgences cardiovasculaires (« PIED») que sont les
syndromes coronariens, l'embolie pulmonaire, la dissection aortique et la péricardite aiguë.
• Le syndrome coronarien avec sus-décalage persistant du segment ST est suspecté devant toute douleur
thoracique de plus de 20 minutes. Dans sa forme évocatrice, c'est un patient présentant une douleur
rétrosternale dans un contexte de facteurs de risque pour l'athérome. Attention, l'ECG peut être normal
ou trompeur (pacemaker, par exemple) et la troponinémie initialement normale. Attention aussi aux
douleurs atypiques ! Il ne faut pas attendre la troponine pour traiter une douleur thoracique avec sus-
décalage du segment ST (reperfusion urgente !).
• La clinique et l'ECG permettent de faire le diagnostic de SCA dans plus de 90 % des cas mais à l'inverse,
un ECG intercritique et des troponines normaux n'éliminent pas la présence de lésions coronariennes.
• L'embolie pulmonaire est évoquée devant la triade douleur, dyspnée et radiographie de thorax normale
dans un contexte d'alitement ou de néoplasie. Il existe deux formes opposées :
Item 228 – UE 8 – Douleur thoracique aiguë et chronique 5
Connaissances
• La dissection aortique est typiquement :
– une douleur déchirante à irradiation postérieure sur poussée hypertensive, cependant les tableaux
très atypiques sont possibles : hémopéricarde, fuite aortique aiguë, dissection coronarienne avec SCA,
extension aux artères digestives avec tableau abdominal, ischémie aiguë de membre révélatrice, etc. ;
– confirmée par échocardiographie complétée d'une ETO ou d'un scanner thoracique chez les patients
instables sur le plan hémodynamique. Chez les patients hémodynamiquement stables et présentant
une faible probabilité clinique de dissection aortique (score = 0 ou 1), l'échocardiographie est complétée
par la radiographie thoracique (élargissement médiastinal) et le dosage des D-dimères (d'emblée très
élevés) : si un de ces 3 examens est anormal, l'ETT est complétée d'un scanner thoracique ou éventuelle-
ment d'une ETO ou d'une angio-IRM selon les disponibilités locales. Chez les patients stables présentant 79
une forte probabilité clinique de dissection aortique (score = 2 ou 3), l'échocardiographie peut conduire
à la réalisation d'une ETO préopératoire au bloc opératoire ou à la réalisation d'un scanner thoracique ;
– prise en charge chirurgicalement en urgence, sauf pour les formes limitées à l'aorte descendante.
• Devant des douleurs chroniques, il faut savoir reconnaître la sémiologie de l'angor d'effort soit pur, soit
accompagnant un RAO, par exemple.
• Parmi les diagnostics thoraciques non cardiovasculaires, on peut retenir les 4 P : pneumonie, pleurésie,
pneumothorax et pancréatite.
• Les urgences ou pathologies abdominales peuvent avoir une projection douloureuse thoracique, mais
il faut faire attention aussi à l'infarctus du myocarde inférieur qui peut mimer une gastro-entérite. Il
convient aussi de se méfier d'un tableau d'ischémie mésentérique compliquant une dissection aortique.
• Le diagnostic de douleur psychogène (anxiété) est fréquent mais doit être évoqué avec la plus grande
prudence.
Réflexes transversalité
• Item 224 – Thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire
• Item 233 – Péricardite aiguë
• Item 334 – Syndromes coronariens aigus