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P. Royet, Cemagref
Sommaire
1 ETAT DES LIEUX DU PARC DES BARRAGES RELEVANT DU MINISTERE DE L'ENVIRONNEMENT.. 2
3.5 L'hydrologie...................................................................................................................................................... 18
3.8 Conclusion........................................................................................................................................................ 20
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L’enquête (Royet & al., 1995) a concerné tous les départements métropolitains, y compris la Corse, et s’est
déroulée sur quatre années, de 1990 à 1994. Le travail a été mené par trois équipes du Cemagref localisées à
Aix-en-Provence, Antony et Bordeaux. Plusieurs réunions, au démarrage et en cours d’étude ont permis aux
ingénieurs d’aborder cette mission avec une méthodologie unifiée.
Après un travail préparatoire de recensement des ouvrages et de rassemblement de documents réalisé par les
services locaux, la mission a comporté, dans chaque département, une réunion technique avec les responsables
de la police des eaux, du contrôle des barrages et de la sécurité publique (DDAF, DDE et parfois protection
civile, DIREN, DRIRE) et la visite de plusieurs barrages, dont au moins tous ceux qui paraissaient poser tel
ou tel problème. Dans quelques départements ne comportant pas de barrage important, nous nous sommes
limités à une vérification par enquête téléphonique.
Une fois l’objet de la mission du Cemagref clairement exposé aux interlocuteurs, les visites dans les
départements ont eu lieu dans un climat de confiance et de totale collaboration. Toutes les informations
nécessaires ont été mises à notre disposition, et les barrages les plus pertinents ont pu être visités sans
difficulté, le plus souvent en présence du propriétaire. En contrepartie, dans de nombreux cas, nous avons
apporté à nos interlocuteurs des éclaircissements très utiles sur le cadre dans lequel doit s’organiser la
surveillance et le contrôle des barrages.
Les barrages exploités par des organismes très compétents et bien suivis par les services de contrôle ont été
rapidement passés en revue. A l'opposé, le diagnostic fût aussi très rapide pour des barrages anciens et peu
documentés, débouchant sur la conclusion que des études approfondies étaient nécessaires. De la sorte,
l'enquête s'est principalement attardée sur les cas intermédiaires.
Au final, ce travail a requis en moyenne un jour d'ingénieur expert par barrage (sans prendre en compte le
temps passé par les ingénieurs des services locaux). Le coût moyen s'est élevé à 1000 € par barrage, financé
conjointement par les Ministères de l'Environnement et de l'Agriculture.
Un compte rendu détaillé a été établi pour chaque département, comportant une fiche par barrage.
- évaluation sommaire des conséquences d’une rupture éventuelle du barrage, en vue de se prononcer sur le
classement ou non du barrage comme « intéressant la sécurité publique ». Cette analyse était basée sur des
formules simplifiées pour estimer le débit de pointe de l'onde de rupture. L'évaluation de la vulnérabilité était
faite sur l'examen des cartes au 1/25000 de la vallée, la connaissance de terrain des services locaux et parfois
une rapide visite de la vallée ;
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- vérification de la crue de projet sur la base des formules synthétiques régionales (Duband & al., 1988). Le
débit de pointe Q (m3/s) de la crue de période de retour 1000 ans est estimé par :
Q = a S0,72
- vérification de la capacité des évacuateurs à l’aide de formules simples d’hydraulique et analyse rapide des
risques de dysfonctionnement des vannes ou d'obstruction par des corps flottants ;
- avis d’expert pour apprécier l’état général et la stabilité du barrage sur la base d’une visite du barrage, et
d’un examen rapide du dossier de l’ouvrage ;
- avis sur la consistance du dispositif d’auscultation en fonction du barrage, et sur le niveau d’analyse des
mesures d’auscultation ;
- appréciation sur l’exercice des missions de contrôle pour le Service de l’Administration qui en a la charge
(organisation et contenu des visites réglementaires annuelles et décennales).
Ces cas particuliers mis à part, on peut schématiquement distinguer deux catégories de propriétaires (ou de
concessionnaires) pour les barrages relevant du Ministère de l’Environnement.
A l’opposé, beaucoup de propriétaires ne possèdent qu’un seul barrage et ne disposent pas de compétences
techniques particulières dans ce domaine. Il s’agit le plus souvent de collectivités locales ou d’associations
syndicales autorisées, voire plus rarement, de propriétaires privés. Le suivi, l’auscultation et l’entretien du
barrage sont parfois délaissés, autant par ignorance que par négligence. Les maîtres d’ouvrages rencontrés se
sont montrés réceptifs aux arguments liés à la sécurité et à la pérennité du barrage. En fait, très demandeurs de
conseils sur quoi et comment faire, ils ont en général réagi positivement aux recommandations faites au cas
par cas, dans la limite cependant des contraintes financières auxquelles ils sont soumis.
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Sur les 91 départements enquêtés, 24 ne sont dotés d’aucun barrage de dimension importante sous contrôle du
Ministère de l’Environnement. Ainsi 361 barrages, grands et moyens, situés dans 67 départements, ont été
passés en revue. Sur cet ensemble, 220 doivent être considérés comme intéressant la sécurité publique au sens
de la circulaire du 14 août 1970, mais seulement 124 étaient officiellement classés comme tels ; pour 63
autres, une étude simplifiée d'onde de rupture s'avérait nécessaire avant de se prononcer sur leur classement.
Sur 220 barrages intéressant la sécurité publique, 16 avaient des évacuateurs de crues de capacité
manifestement sous-dimensionnée (ou entravée) par rapport aux critères de sécurité que l’on applique
actuellement aux projets neufs : des travaux urgents de mise en conformité étaient à réaliser. 37 autres
devaient faire l’objet d’une étude de vérification.
Dans certains cas, des études hydrologiques et hydrauliques « modernes » avaient d’ores et déjà été
entreprises, mais les travaux préconisés sur les ouvrages tardaient parfois à être réalisés, essentiellement à
cause de leur coût.
On constate que les deux tiers de ces 53 (16 + 37) barrages ont été construits avant 1960 et que, parmi ceux-ci,
les deux tiers sont des ouvrages poids en maçonnerie ou béton, dont la stabilité est très sensible à toute
surélévation importante du niveau du plan d’eau.
Les barrages plus récents concernés par le sous-dimensionnement de l’évacuateur de crues sont
essentiellement des barrages en terre de petite dimension, construits en méconnaissance des règles de l’art.
Mais étant situés à l’amont immédiat de zones habitées, ils entraînent, en cas de surverse sur le remblai, un
risque vis-à-vis de la sécurité publique.
L’appréciation de l’état général et de la sécurité du barrage vis-à-vis de sa stabilité a été faite d’avis d’expert
sur la base méthodologique mentionnée plus haut. Parmi les 220 barrages, 14 présentaient un risque important
de par leur conception, leur dimensionnement ou leur état actuel, ce risque étant apprécié indépendamment
des conséquences pour l’aval. 13 barrages affichaient un risque moindre et devaient faire l’objet de travaux de
confortement plus ou moins urgents. Pour 16 autres barrages très mal connus, un diagnostic approfondi
s’imposait. Enfin, pour 5 barrages, des travaux de confortement étaient en cours lors de la visite.
13 barrages présentaient, avant d’initier les études approfondies ou les travaux, des insuffisances manifestes à
la fois vis-à-vis de l’évacuation des crues et de leur stabilité. Dans 9 cas, il s’agit de barrages en maçonnerie
construits avant 1935.
La surveillance et le contrôle
A côté de l’observation visuelle qui est l’élément majeur de la surveillance des barrages, l’auscultation permet
une appréciation quantitative du comportement de l’ouvrage et de son vieillissement. Elle porte,
essentiellement, sur des mesures de déplacements et déformations, de piézométrie, et de débits de fuite,
couplées avec le suivi de la cote de la retenue. Le dispositif d’auscultation doit être adapté à chaque ouvrage ;
les mesures doivent être faites avec soin et à périodicité régulière ; ces mesures doivent, enfin, être
interprétées par des spécialistes.
La figure 4 résume la situation constatée. Il en ressort que 40 % des ouvrages avaient un dispositif
d’auscultation inexistant ou insuffisant. Lorsque le dispositif existait, les mesures n'étaient pas toujours faites
régulièrement et leur analyse était souvent très sommaire.
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Tout compte fait, seuls 81 barrages étaient dotés d’un dispositif d’auscultation approprié et faisaient l’objet de
mesures régulières correctement analysées, soit seulement 37 % d’ouvrages dans une situation satisfaisante.
Ce pourcentage remontait toutefois à 56 % si l’on ne considérait que les barrages qui étaient effectivement
classés "sécurité publique" avant notre mission.
Fig. 4 : les dispositifs d'auscultation des barrages (extrait de Royet & al., 1995)
En résumé
- concernant leur état général et leur stabilité mécanique (conception, dimensionnement et état des
ouvrages), 19% des barrages affichaient des aléas faibles à importants ;
- concernant la protection contre les crues, 15% des barrages étaient dotés d’un évacuateur sous
dimensionné et 20% nécessitaient un diagnostic plus approfondi ;
- concernant la surveillance et le contrôle, 63% des ouvrages nécessitaient une remise à niveau plus ou
moins importante.
Une première enquête téléphonique réalisée à la demande du MATE, dès la fin 1994, auprès des
25 départements passés en revue au début de l'état des lieux a permis de se rendre compte des retombées
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- démarrage d'études ou de travaux sur les barrages identifiés comme ne satisfaisant pas les critères
essentiels de sécurité ;
- remise à niveau des missions de contrôle de l'Etat (classement des ouvrages, visites annuelles et
décennales) ;
- mise en place, sous l'égide du MATE et en association avec l'ENGREF, de sessions de formation des
agents chargés du contrôle, au rythme d'une tous les 18 mois environ et qui touchent à chaque fois une
quinzaine de personnes.
Ce renforcement s'est poursuivi depuis lors, en particulier avec l'organisation, désormais de plus en plus
régulière, des visites décennales. La participation quasi systématique d'un organisme spécialisé aux cotés du
service de contrôle est l'occasion d'établir une évaluation périodique de la sécurité des ouvrages, avec un œil
extérieur disposant du recul apporté par la connaissance d'un parc important de barrages. La généralisation des
contrats entre propriétaires et bureaux d'études spécialisés constitue également une garantie essentielle pour
un bon suivi des ouvrages.
Le Cemagref joue un rôle important d’appui aux services de contrôle, qui se concrétise en particulier par la
participation aux visites décennales et des interventions ponctuelles à la demande. Toutes les informations
recueillies à l’occasion de ces interventions ont vocation à être synthétisées dans des bases de données et
permettent d’identifier quelques voies pour la recherche qui seront développées dans la troisième partie de
l’article.
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Le département étudié totalise, à lui seul, près de 2.500 ouvrages appartenant à des collectivités territoriales,
des associations syndicales autorisées d'agriculteurs, ou des propriétaires privés.
Les retenues collinaires de moins de 100 000 m3 de capacité y sont largement majoritaires. Elles représentent
95 % des constructions du département et retiennent, à elles seules, 52 hm3 ; 83 hm3 de ressources
supplémentaires sont stockés dans les 126 barrages de capacité supérieure à 100.000 m3, parmi lesquels on
compte 11 barrages de plus de 1 hm3 de capacité unitaire et un grand barrage de 25 hm3. Dans le cadre de la
première enquête décrite au précédent chapitre, 22 barrages de ce département avaient été rapidement passés
en revue, parmi lesquels 7 étaient considérés comme intéressant la sécurité publique et 13 autres nécessitaient
une étude plus approfondie pour se prononcer sur leur éventuel classement.
Cette étude n'est réellement représentative que des 126 barrages en remblai de capacité supérieure à 100 000
m3 et de hauteur inférieure à 20 mètres (figures 5 et 6). C'est parmi ceux-ci qu'ont été choisis, de manière
aléatoire, les 90 barrages passés en revue sur la base d'un diagnostic visuel rapide et d'une étude des
documents de projet disponibles. Il s'agit d'ouvrages récents (figure 7) : 14% d'entre eux ont été construits
entre 1960 et 1974, 21% entre 1975 et 1984 et 63% entre 1985 et 1993. Depuis 1992, on note un
ralentissement très sensible des nouvelles constructions.
Du point de vue technique, les barrages concernés par l'étude sont exclusivement des ouvrages en terre
homogène. Leur structure est représentée schématiquement sur la figure 8 où l'on notera une variété des
profils depuis le remblai classique avec drain vertical et protections de la crête et des talus (a), jusqu'au
remblai très dépouillé sans drain ni revêtements externes (d), en passant par des structures simplifiées (b, c).
Les organes hydrauliques présentent eux aussi une grande diversité d'options qui vont de l'évacuateur
entièrement en béton posé sur le remblai ou en rive, à l'ouvrage sommaire constitué par un simple seuil en
béton, en passant par le déversoir avec un seuil et un chenal d'écoulement en dur (béton, parpaings, buses)
suivi d'un coursier terrassé dans le versant qui rejoint le ruisseau en longeant le pied de digue ou en s'en
écartant de plusieurs dizaines de mètres. Une représentation schématique des différents types de déversoirs est
donnée sur la figure 9.
L'enquête a permis de constater que la taille des barrages et la maîtrise d'œuvre jouaient un rôle évident sur les
choix techniques.
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35% des barrages visités présentent, en crête et/ou sur les talus, des fissures de retrait (ou fissures mosaïques)
ou des fissures structurales.
Les fissures de retrait sont les plus fréquentes. Elles représentent 98% de la fissuration observée. Ce type de
fissuration n'est pas toujours anodin car les discontinuités, qui sont de l'ordre du millimètre jusqu'à 2 à 3 cm
d'ouverture et plusieurs décimètres de profondeur, fragilisent la surface des ouvrages par leur densité et
permettent, après un épisode pluvieux, la saturation d'une frange superficielle du remblai qui peut perdre peu à
peu de sa résistance et devenir instable (glissement de peau).
L'enquête a montré que la fissuration de la crête des barrages était étroitement liée au type de revêtement.
C'est ainsi que les crêtes renforcées par un revêtement bitumineux ou par un traitement en chemin rural
vieillissent beaucoup mieux que celles qui n'ont aucun revêtement. 4 % seulement des ouvrages ayant un
traitement en crête présentent des fissures de retrait de type mosaïque. En revanche, on en compte 53 % dans
le cas où la crête est en terre battue à peine colonisée par une végétation clairsemée et 25 % dans le cas où la
crête est bien enherbée.
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Déversoir en béton
Déversoir mixte
Déversoir busé
Un recul partiel de la crête a même été observé sur l'un des ouvrages dont l'orientation est défavorable et dont
la construction n'a fait l’objet d’aucun contrôle du compactage à la mise en place des terres. A ce propos,
l'enquête révèle que les ouvrages réalisés sans études géotechniques préalables sont plus vulnérables à
l'érosion par les vagues que les remblais qui en ont fait l'objet et pour lesquels une surveillance de chantier a
été exercée.
Déformations excessives des remblais et percolations anormales à travers les ouvrages ou les fondations, sont
les dysfonctionnements internes les plus fréquemment rencontrés.
L'enquête a montré que ce type de désordre affectait 9 % des barrages visités. Dans 7 cas sur 8, le tassement a
conduit à un fléchissement visible de la crête dans la partie centrale du barrage sans aucune cassure
aggravante et sans autre conséquence qu'une diminution locale de la revanche qui réduit la sécurité du barrage
vis-à-vis d'une surverse.
Le scénario extrême n'a été atteint que sur un barrage où la consolidation des sols de fondation a entraîné un
tassement excessif, suivi de fissures avec rejet en crête et, finalement, d'un glissement général du remblai 10
ans après sa construction.
Ces comportements pathologiques, qui tiennent à l'absence ou à l'insuffisance des études de site ou des sols,
n'ont conduit, en plus de 30 ans, qu'à un événement grave sur la population étudiée. La hauteur modérée des
ouvrages qui limite l'importance des tassements est probablement l'une des explications de ce faible taux de
désordre grave.
Percolations incontrôlées
Les percolations anormales à travers les ouvrages sont la principale cause des désordres observés sur les
barrages visités. Elles affectent globalement 27 % de la population, ce qui est un chiffre très élevé et
inattendu.
21 % des barrages observés présentent une humidité en pied aval. Elle prend la forme de sources ponctuelles
ou de suintements diffus sur tout ou partie du pied aval du barrage qui se transforme, parfois, en marécage
(eau stagnante rouillée, joncs, faible portance du terrain).
L'enquête montre que 31 % des ouvrages construits sans aucune reconnaissance préalable et un pourcentage
du même ordre (33 %) des ouvrages ayant fait l'objet d'une étude sommaire (fouilles à la pelle à l'ouverture du
chantier) présentent des résurgences à l'aval, contre 5 % lorsque les barrages ont fait l'objet d'une étude de site
réfléchie et disposent, du moins peut-on le supposer, d'un traitement de la fondation mieux adapté aux
conditions géologiques locales : tranchée d'ancrage profonde, parafouille ancré au substratum étanche, ou
positionnement judicieux de l'axe du barrage.
11 % des ouvrages visités présentent une humidité anormale sur le talus aval (l'humidité est quelquefois
présente en pied et en talus). Ici encore, les résultats de l'enquête montrent qu'une étude géotechnique des sols
d'emprunt qui permet de fixer les modalités de mise en place des matériaux sur chantier conduit, par la suite, à
un meilleur comportement des ouvrages puisque le taux d'humidité à l'aval passe de 18,5 % pour les remblais
réalisés sans références à l'essai Proctor, à 5% pour les remblais compactés avec références Proctor.
Mais, paradoxalement, on peut constater que la saturation du talus aval intéresse aussi bien des remblais non
drainés que des remblais drainés, ceci dans des proportions respectives de 16 % et de 7,5 %. S'il est facile de
comprendre que le talus aval d'un barrage non drainé se sature, la présence d'humidité sur le talus aval des
ouvrages drainés est plus surprenante. Elle résulte nécessairement de mauvais choix techniques au niveau du
drainage ou des négligences de construction : compactage médiocre des sols du remblai, forte anisotropie de
perméabilité permettant à la ligne phréatique d'échapper à tout rabattement par le drain de pied horizontal,
obstruction des exutoires de f 60 et f 100 mm de diamètre par pincement des drains à la construction, dépôts
minéraux ou organiques à l'intérieur des conduits.
L'enquête montre que les barrages les plus importants ( > 100 avec H hauteur au-dessus de la fondation
exprimée en mètres et V volume de la retenue exprimé en hm3) qui sont réalisés avec études de terrain, essais préalables
et contrôles de chantier se comportent bien. Cela laisse entendre que les comportements pathologiques rencontrés
seraient effectivement liés à des négligences de chantier, ou à des erreurs de conception.
Ils sont la suite logique des percolations anormales à travers le remblai ou la fondation.
Sur les 90 barrages de l'enquête, 7 ont subi, ou subissent encore, des phénomènes de glissement de talus par
perte de résistance mécanique des matériaux ou par sous-pressions. Parmi ceux-ci, on a noté deux grands
glissements profonds du talus amont en fin de vidange de la retenue et cinq glissements de peau sur le talus
aval. Cela représente 8 % d'accidents pour l'effectif des barrages soumis à l'enquête, dont 2 % ont intéressé
toute la hauteur des remblais.
Les ruptures de barrage par érosion interne représentent 2 accidents. Le compactage médiocre des terres du
remblai qui favorise les circulations anarchiques et éventuellement concentrées de l'eau à travers le massif, et
la rupture d'une conduite de vidange, sont à l'origine des deux accidents recensés. On peut penser qu'à l'avenir
ce chiffre pourrait être beaucoup plus important eu égard aux forts pourcentages d'humidité signalés ci-dessus,
l'érosion interne étant, généralement, un phénomène différé.
Les déversoirs sommaires, qui sont beaucoup plus vulnérables que les ouvrages en béton, sont aussi plus
dégradés qu'eux. La fissuration des parties en dur touche 19 % d'entre eux, mais ce sont les dégradations des
parties en terre par affouillement, ravinement, ou glissement qui sont les plus spectaculaires. L'érosion débute
souvent à la première crue, les dégâts ne sont pas réparés aussitôt et la crue suivante aggrave la situation.
D'après l'enquête, les dégradations toucheraient, avec une gravité variable, plus de 90 % des déversoirs
sommaires. Ce chiffre disqualifie totalement ce type d'ouvrage choisi par certains maîtres d'œuvre ou maîtres
d'ouvrages pour des raisons économiques à court terme au détriment de la longévité des structures.
51 % des seuils déversants des évacuateurs de crue sont rehaussés de manière artisanale, alors que ce type de
dispositif enfreint la loi sur l'eau et ses décrets d'application.
La rehausse peut être constituée par un dispositif amovible de type madrier maintenu par des fers en H fixés
aux deux bajoyers du déversoir, ou par un dispositif fixe (mur de parpaings ou de béton), ou encore, par un
seuil en dur et une planche, ou bien une grille qui arrête les branchages et les feuillages et finit par se
comporter, elle aussi, comme une rehausse pleine.
La hauteur des rehausses varie entre 0,10 m et plus de 1 m. Le cas le plus fréquent est une rehausse de 20 à 50
cm (53% des cas ). Les surélévations du plan d'eau de 0,5 à 1 m représentent 33 % des cas, ce qui est loin
d'être négligeable.
A noter que 60 % des rehausses ne sont pas constituées par un dispositif amovible mais par un mur en dur, au
mépris de l'interdiction qui est faite par le service chargé de la police des eaux d'utiliser de telles pratiques et
au mépris de la sécurité des barrages en cas de crue exceptionnelle. La dénivellation crête - plan d'eau est ainsi
réduite de plus de 50% pour 34 % des ouvrages déversants possédant une rehausse. C'est considérable et très
dangereux.
Une analyse sommaire du risque de submersion des barrages a montré, en effet, que s'il y avait coïncidence entre une
crue exceptionnelle et un vent de tempête, l'aléa de submersion toucherait 50 % de la population. Si l'on enlevait les
rehausses dans les déversoirs, ce même aléa ne serait plus que de 15,5 %.
Ces chiffres permettent de conclure que le dimensionnement de la revanche et le calcul de la crue de projet de
ces petits barrages ne seraient pas vraiment critiquables. Par contre, toute introduction d'une rehausse sur le
seuil déversant modifie totalement le fonctionnement du déversoir et joue un rôle très négatif sur la sécurité
du barrage.
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Ceci étant, l'enquête n'a révélé que quatre cas d'ouvrages ayant été submergés. Ce chiffre est probablement
sous-estimé car les propriétaires en infraction avec la loi sur l'eau sont très réticents à signaler une surverse.
Aucune des submersions mentionnées n'a cependant entraîné de rupture de barrage.
• 8% de ruptures par glissement des talus dont 2% ont été très graves ;
Un des barrages ayant connu un glissement partiel du talus aval figure dans la liste des barrages susceptibles
d'intéresser la sécurité publique. Ces chiffres sont supérieurs aux pourcentages de rupture des grands barrages
dans le monde (toutes causes confondues) évalués par la CIGB à 2,2% pour les barrages construits avant 1951
(ouvrages Chinois exclus) et à 0,5% pour les ouvrages construits de 1951 à 1990 (CIGB, 1995).
Cela tient à trois raisons essentielles, toutes fortement corrélées à la faible taille des ouvrages.
La première est liée aux insuffisances dans les études préalables des sites et des sols qui entraînent parfois une
mauvaise adaptation de l'ouvrage à son environnement.
La deuxième tient aux options adoptées par les maîtres d'œuvre pour diminuer le coût de la construction. De
telles économies ne devraient être réalisées que sur des points secondaires tels que les revêtements protecteurs
des talus, le traitement de la crête, qui seront facilement réajustables si le besoin s'en faisait sentir. A
contrario, le compactage des sols, le drainage du remblai, la construction d'un déversoir pérenne, sont à
considérer comme des contraintes techniques incontournables à la construction d'un ouvrage sûr.
La troisième raison des désordres constatés sur ces petits barrages tient incontestablement au manque de
surveillance et d'entretien. Dans ce domaine, les professionnels et les pouvoirs publics ont encore beaucoup à
faire pour convaincre les propriétaires que ces aspects sont garants sur le long terme, non seulement de la
sécurité, mais aussi de la rentabilité économique des ouvrages.
Ces conclusions doivent cependant être modulées en fonction des considérations liés à la sécurité publique.
Parmi les 20 (7 + 13) barrages intéressants ou susceptibles d'intéresser la sécurité publique (cf première
enquête), 3 présentaient des indices préoccupants nécessitant une intervention urgente, 6 présentaient des
désordres plus légers justifiant des travaux de maintenance et 9 avaient un déversoir équipé de rehausses à
supprimer. Sur cette population partielle, la proportion de barrages à problèmes n'est pas très nettement
inférieure à celle de la population totale. Si des options d'économie peuvent être prises lorsque l'impact d'une
éventuelle rupture serait très faible, ce type de choix doit être clairement exclus dès que le barrage présente
des enjeux de sécurité publique.
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Il est parfois bien difficile de justifier la stabilité de ces ouvrages dans les situations extrêmes, au regard des
critères "modernes" de dimensionnement. C'est d'autant plus vrai que les pratiques de calcul diffèrent
sensiblement d'un standard à l'autre et d'un bureau d'études à l'autre, ainsi que l'a clairement mis en évidence
le groupe de travail ad-hoc du CFGB.
Toutes ces considérations rendent délicate l'appréciation de la sécurité intrinsèque d'un barrage poids ancien et
encore plus difficile les comparaisons de niveaux de sécurité entre ouvrages de ce même type, ce qui serait
pourtant extrêmement utile pour hiérarchiser des priorités d'intervention sur un parc d'ouvrages, que ce soit du
point de vue de l'exploitant ou des services de contrôle.
Le développement des approches semi-probabilistes aux états limites, qui est à l'ordre du jour du groupe de
travail ad-hoc du CFGB, devrait permettre d'apporter des réponses plus satisfaisantes à ces préoccupations,
dans la mesure où ces méthodes ont pour principe de base de bien dissocier, dans le coefficient de sécurité, ce
qui est appliqué aux sollicitations, ce qui est appliqué aux matériaux et ce qui relève du modèle de calcul. On
peut aussi en attendre une standardisation dans la prise en compte des actions et des situations de projet à
examiner.
Cependant un travail important reste à faire avant que ces méthodes soient opérationnelles, puis soient
utilisées en routine par les bureaux d'études. Des allers et retours seront certainement nécessaires avant
d'aboutir à la calibration de coefficients partiels et de modèles permettant une relative continuité par rapport
aux pratiques actuelles.
Ces avancées ne seront cependant déterminantes que si, parallèlement, on progresse sur les moyens de mieux
déterminer la résistance mécanique des matériaux, en particulier la résistance des maçonneries anciennes qui
est susceptible d'évoluer avec le temps. L'utilisation des méthodes géophysiques (petite sismique, panneaux,
radar, etc…) doit être encouragée et nécessite encore des développements.
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Le mécanisme de dégradation qui a probablement causé les désordres les plus spectaculaires sur le béton des
barrages, et donc justifié les travaux de recherche les plus importants, est l'alcali-réaction. Les études menées
à l'occasion de diagnostic et de confortement de barrages affectés par ce phénomène ont permis des progrès
importants sur la connaissance des processus physico-chimiques et la modélisation du comportement de
l'ouvrage. Des approfondissements sont probablement encore nécessaires.
Pour les maçonneries, le vieillissement concerne à la fois les aspects mécaniques (voir § 3.1) et les aspects
hydrauliques. Sur ce dernier point, c'est essentiellement la connaissance des phénomènes chimiques qui doit
être privilégiée, avec un intérêt particulier pour les modifications qui pourraient être consécutives à des
évolutions avec le temps de la qualité des eaux de la retenue (acidification due aux pluies, effets éventuels de
l'eutrophisation, etc..).
Une troisième catégorie concerne le béton armé. Si la plupart des barrages ne font appel dans leur structure
qu'à du béton non armé, certains types de barrages sont construits en béton armé. Et il n'est pas sûr qu'en
présence d'eau, béton et armatures fassent toujours bon ménage. Les désordres qui ont conduit à la vidange du
barrage du Rouland (Manche), ou les constatations faites sur la qualité du béton lors de la démolition du
barrage de Kernansquillec (Côtes d'Armor), incitent à une grande vigilance sur le vieillissement de ces
barrages à contreforts constitués de voûtes très minces (20 à 30 cm) en béton armé, construits surtout dans
l'Ouest de la France pendant la première moitié du XXe siècle. Les phénomènes en cause sont, coté aval, la
carbonatation ou la pénétration d'ions chlorure en présence d'atmosphères salines ou polluées et, coté amont,
la dissolution par les eaux agressives. On peut y ajouter les chocs thermiques auxquels sont éventuellement
exposés ces ouvrages minces, en particulier pendant les périodes où la retenue basse ne joue plus de rôle
tampon. Une meilleure connaissance et modélisation de ces phénomènes est nécessaire afin d'une part de
mieux évaluer les contraintes mécaniques dans ces ouvrages et d'autre part de prédire l'évolution de leur
vieillissement. Les analogies avec d'autres ouvrages en béton tels que châteaux d'eau, cuves et réservoirs sont
évidentes et devraient inciter à des efforts de recherche communs.
Un autre mécanisme de vieillissement est constaté sur certaines voûtes : il s'agit du fluage des bétons. Il n'a,
semble-t-il, pas conduit jusqu'alors à des mises en danger. Cependant, les déformations irréversibles vers
l'aval qui en résultent peuvent à la longue être préjudiciables pour l'ancrage dans les fondations. Les barrages
sont les seuls ouvrages de génie civil disposant d'une auscultation installée depuis plusieurs décennies et
apportant donc un retour d'expérience sur longue durée, qui pourrait probablement être confronté aux besoins
existant pour d'autres types d'ouvrages.
Cette catégorie représente la majeure partie des petits barrages français. Il n'est pas rare que la conception des
ouvrages ne respecte pas les recommandations modernes telles qu'elles sont exposées par exemple dans le
manuel CFGB (CFGB-1, 1997). Les désordres liés à l'hydraulique interne du remblai sont donc assez
courants : piézométrie élevée en partie aval du remblai, étanchéité médiocre, érosion interne. Ces dégradations
sont évolutives et peuvent être diagnostiquées par une surveillance adaptée, reposant tout d'abord sur
l'inspection visuelle, mais aussi sur l'auscultation.
Les progrès en cours dans les méthodes d'analyse statistique des mesures d'auscultation, en particulier par la
prise en compte des effets retardés de la retenue et de la pluie, devraient constituer un apport important pour le
diagnostic du comportement des barrages en remblai. Ces travaux doivent donc être poursuivis afin d'aboutir à
des outils opérationnels pour l'ingénierie.
En ce qui concerne l'érosion interne, on peut considérer que le numéro spécial (CFGB-2, 1997) de la revue
"Barrages et réservoirs", daté de mai 1997, constitue une synthèse très complète sur la description des
mécanismes de l'érosion interne, les différents modes de détection de ces phénomènes et les techniques de
réparation. Les travaux futurs de recherche devraient porter sur les techniques de détection, dont la plupart
sont actuellement en plein développement, en particulier les méthodes géophysiques. Il convient que les
maîtres d'ouvrages et les maîtres d'œuvre aient le souci de généraliser l'emploi de ces méthodes, de façon à
asseoir leur validation sur un nombre accru de cas. Les constats et les études sur les digues de canaux ainsi
que sur les digues de protection contre les crues sont de nature à enrichir le retour d'expérience en la matière.
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Enfin, les méthodes de calcul semi-probabilistes aux états limites, en cours de développement pour le calcul
des barrages poids, devraient également pouvoir s'appliquer aux barrages en remblai. Une adaptation des
coefficients partiels au risque créé par le barrage est une voie à investiguer. Parallèlement, la détermination
des gradients critiques reste un sujet très délicat ; on connaît les limites de la règle de Lane, très employée
encore aujourd'hui, mais on ne dispose pas de méthode alternative validée.
Or concernant l'évaluation des conséquences d'une rupture éventuelle, les outils existants actuellement pour
modéliser la rupture progressive des remblais ne sont pas adaptés, d'une part parce qu'ils sont d'une mise en
œuvre qui reste relativement lourde, d'autre part parce qu'ils sont calibrés uniquement sur les cas historiques
de ruptures de grands barrages et donc a priori hors du domaine des petits remblais. On a par exemple
constaté que dans le cas du développement d'un renard, la retenue peut être vide avant que le conduit n'ait
évolué en brèche sur toute la hauteur du barrage (barrage de Saint Julien des Landes). Dans le cas de la
surverse (barrage de Laure Minervois en novembre 1999), les modèles d'érosion utilisés ne rendent pas
compte de l'ensemble des phénomènes, en particulier des phénomènes mécaniques tels que la cohésion ou les
ruptures en masse. Ce qui aboutit à des approximations acceptables sur les grands barrages, risque de conduire
à des résultats trop imprécis sur les petits barrages, surtout lorsque l'on doit se prononcer sur le classement
d'un barrage au titre de la sécurité publique. Aujourd'hui, ces imprécisions amèneraient à classer de nombreux
barrages au nom d'une application probablement excessive du principe de précaution.
Les observations faites sur la rupture ou quasi rupture de certains petits barrages, mais surtout les informations
à retirer des nombreuses ruptures récentes de digues de protection contre les crues, devraient nous donner
matière à de nouveaux développements dans le domaine de la modélisation de la rupture progressive des
remblais de faible hauteur.
3.5 L'hydrologie
Le développement par EDF de la méthode du Gradex dans les années 1960 et sa généralisation en France ont
constitué un progrès très important par rapport aux méthodes statistiques employées précédemment dans les
études hydrologiques de barrages. Cela a permis, depuis plusieurs décennies, d'établir les projets de nouveaux
grands barrages sur des bases relativement homogènes et de réévaluer, sur ces mêmes bases, les crues de
projet de la plupart des barrages anciens.
Cependant, et malgré les améliorations qui ont été apportées à la méthode, des critiques peuvent être émises
sur certains points, en particulier à la lumière des événements hydrologiques extrêmes qui ont frappé certaines
régions françaises cette dernière décennie. Une hypothèse forte de la méthode est que la loi de distribution de
fréquence des pluies est à décroissance strictement exponentielle. Cette hypothèse reste encore confortée par
des analyses statistiques récentes. Mais il n'en demeure pas moins qu'elle conduit à attribuer des périodes de
retour extrêmement élevées à des événements observés. Par exemple le total de 500 mm en 24 h observé sur
plusieurs postes dans l'Aude en novembre 1999, aurait selon cette hypothèse une période de retour de plus de
106 ans (calcul à partir d'une pluie journalière décennale de 140 mm et un gradex en 24 heures de 30 mm).
Dans de récents travaux de recherche (Benjoudi, 1998), il est proposé une loi de nature hyperbolique plutôt
qu'exponentielle pour la décroissance de la probabilité au dépassement. D'autres auteurs (Arnaud et al., 1998)
aboutissent à des conclusions de même nature par une approche en modélisation stochastique des pluies
horaires. Les modèles de distribution des pluies, en particulier à faibles pas de temps, doivent donc continuer
à faire l'objet de recherches par la communauté des hydrologues. Parallèlement les météorologues devraient
apporter leur contribution sur les limites physiques des précipitations, qui doivent borner ces modèles.
Une autre hypothèse de la méthode du gradex est qu'à partir d'un certain point (situé sur le graphe des
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fréquences entre les périodes de retour 10 et 50 ans), la distribution de fréquence des débits est parallèle à
celle des pluies (tout supplément de pluie génère un supplément égal de d'écoulement). En fait, cette
hypothèse fixe la rétention du bassin versant à la différence entre la pluie et l'écoulement au point pivot, ce qui
borne la rétention du bassin versant à la pluie de période de retour 10 à 50 ans, c'est à dire une limite
climatique. Là aussi les travaux menés sur bassins versants de recherche ou sur bassins bien instrumentés
montrent que le seuil de saturation peut se situer bien au-delà. Toujours sur l'exemple de l'Aude, il apparaît
que les bassins versants les plus affectés par l'événement ont stocké des quantités d'eau atteignant 250 à 300
mm, soit des valeurs très nettement au delà de la pluie journalière décennale.
Enfin, la méthode du Gradex, comme d'autres méthodes d'ailleurs, est délicate d'emploi pour les petits bassins
versants dont le temps caractéristique est de l'ordre de quelques heures. Cela concerne de nombreux barrages,
en particulier dans le quart sud-est de la France, ainsi que dans les départements d'outre-mer.
Les recherches doivent donc s'orienter en particulier vers des modèles pluie - débit, mieux à même de rendre
compte de la variabilité de la réponse hydrologique d'un bassin versant. Des modèles à pas de temps fin
doivent être développés pour mieux rendre compte des écoulements sur les petits bassins versants. Cependant
la validation de ces modèles butte sur la disponibilité de données pluviométriques et surtout hydrométriques à
faible pas de temps.
La poursuite des travaux français de recherche en hydrologie est donc nécessaire, surtout dans un contexte
international où la méthode du gradex n'est pas reconnue et appliquée dans tous les pays.
Le Cemagref (Peyras, 2001) a privilégié une approche où le comportement du barrage est représenté sous
forme de scénarios, c’est-à-dire des successions de phénomènes connectés entre eux par différents liens. Les
premiers travaux ont abouti au développement d’un outil d’aide à la décision, destiné à l’expert, pour le
diagnostic des barrages en service, basée sur la capitalisation du retour d’expérience. La recherche actuelle
vise à renseigner la base de données des scénarios de vieillissement pour instancier l’outil d’aide à la décision.
Cette approche va plus loin que les pratiques actuelles de l’analyse de risque dans le domaine des barrages,
qui s’intéressent à la sécurité globale des ouvrages dans leur contexte hydrogéographique et qui trouvent leurs
applications dans l’aide à la décision pour la maintenance (Kreuzer, 2000). Elle se positionne en effet à un
niveau de granularité plus fin, au cœur des barrages. L’objectif étant l’étude du vieillissement des ouvrages,
elle s'intéresse aux défaillances non ultimes conduisant à des dégradations progressives, et les mécanismes de
vieillissement sont décrits avec précision.
L'objectif final est de construire un modèle de vieillissement des barrages. Pour cela, on utilise des méthodes
issues de la sûreté de fonctionnement des systèmes industriels et basées sur la modélisation fonctionnelle. En
particulier la méthode AMDE (analyse des modes de défaillance et de leurs effets) est adaptée au domaine des
barrages. On aboutit ainsi à un schéma conceptuel pour l’écriture des scénarios de vieillissement des barrages,
qui permet de modéliser la connaissance des experts dans un formalisme rigoureux, gérable à l’aide d’un outil
d’aide à la décision sous forme de base de données. Cette modélisation représente les scénarios sous une
succession de causes, modes de défaillance et effets, et affiche les mécanismes physiques se produisant au
sein du barrage et conduisant à des pertes de fonctions. Elle aboutit à une structuration rationnelle des
mécanismes.
Les recherches en cours portent sur la prise en compte de la criticité dans les scénarios et de l'effet du temps.
Les outils ainsi développés peuvent s'avérer intéressants pour capitaliser les données d'incidents recueillies sur
les ouvrages en service, et à terme fournir des bases statistiques pour le développement des aspects
quantitatifs de l'analyse de risque.
Parallèlement les méthodes pour l'analyse rapide d'un parc d'ouvrages (de Laleu et al, 2000) doivent faire
l'objet d'approfondissements. Ces méthodes peu coûteuses et assez faciles de mise en œuvre sont en effet
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précieuses pour hiérarchiser les risques et établir les priorités d'intervention pour un gestionnaire de nombreux
ouvrages.
Les effets pervers de cette situation, qui aboutit à des aménagements à la rentabilité incertaine, ont été
clairement mis en lumière dans notre enquête sur les petits barrages du département du Gers : économies lors
du projet aboutissant à des options techniques critiquables et surtout absence de prise en compte des coûts de
surveillance, d'entretien et de maintenance. Cela aboutit à un vieillissement prématuré des ouvrages avec les
risques associés en matière de sécurité. Les réparations et les confortements nécessaires ne peuvent alors être
réalisés que grâce à de nouvelles subventions, qui ne règlent en rien le problème structurel.
Il conviendrait donc de développer des outils d'analyse des coûts et des bénéfices des barrages, adaptés aux
différentes catégories d'ouvrages, que l'on mettrait en œuvre tant au stade du projet qu'à certaines étapes
importantes de la vie de l'ouvrage (changement de propriétaire, évolution importante dans les usages,
interrogations sur le maintien de l'ouvrage). Cela permettrait de mieux justifier les décisions et les
financements publics. On pourrait pour cela s'inspirer de la méthodologie adoptée par la Commission
Mondiale des Barrages.
3.8 Conclusion
Ce papier ne peut être considéré que comme une contribution partielle aux orientations futures de la
recherche. Il s'appuie en effet uniquement sur le retour d'expérience d'un parc, certes nombreux, mais
constitué essentiellement de barrages de taille petite ou moyenne. Il doit donc être complété des besoins
spécifiques issus de l'observation des plus grands barrages. Dans ce registre on peut par exemple mentionner
les approfondissements encore nécessaires sur le comportement hydromécanique des grands barrages en
remblai, que cela concerne le noyau ou les recharges en enrochements.
Dans le même ordre d'idée, des programmes de recherche sont également justifiés vis à vis du développement
de nouvelles techniques, ainsi que ce fut largement le cas ces deux dernières décennies pour le béton
compacté au rouleau (BCR).
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