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Politiques et pratiques d’aménagement

du territoire au Brésil
MONOGRAPHIE

Patrick Dubarle et Jean-Pierre Pellegrin

TRAVAUX
EN
LIGNE n°3
Cette publication de la collection Travaux en ligne s’inscrit dans une réflexion plus large menée par la DATAR en 2009-2010 sur « Les
politiques et pratiques d’aménagement du territoire dans 8 pays ».

Ce chantier a permis d’explorer les configurations territoriales et les stratégies de pays innovants ou performants dont la connaissance
fait sens par rapport aux enjeux d’évolution et d’adaptation du modèle français. La réflexion a été concentrée sur trois thèmes prioritaires
(attractivité et compétitivité, métropolisation et développement durable) considérés comme structurants pour l’aménagement du
territoire aujourd’hui, et ce, à des échelles ou dans des contextes extrêmement variables. Chacun de ces thèmes a été analysé à la
lumière des objectifs assignés par les politiques publiques nationales, de l’organisation territoriale et des outils d’aménagement et de
développement mis en œuvre. Pour chaque pays, ont été identifiées in fine des pratiques significatives pour l’aménagement du territoire
français.

Les études ont été réalisées avec l’appui :


• d’un comité de pilotage associant :
Michel Foucher, géographe et diplomate, professeur à l’ENS (Ulm) et directeur de la formation à l’IHEDN,
Florian Muzard, chargé de mission à la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale
Paul-Henri Schipper, chargé de mission au ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE)
Anne-Marie Zigmant, chargée de mission à la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale
Marc Guigon, chargé de mission à la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, a assuré la
coordination de la mission en Chine.

• et deux équipes de consultants :


□ DPT (association de trois experts de l’aménagement □ AEIDL (association européenne pour l’information sur le
du territoire) développement local) dont les experts ont tous travaillé pour
Peter Treuner (Allemagne) l’OCDE
Yves Paris (Espagne, Hongrie) Patrick Dubarle (Brésil, Corée)
Jean-François Drevet (Hongrie, Suède) Jean-Pierre Pellegrin (Brésil, Etats-Unis)
Frédéric Langer (Chine)
La coordination a été effectuée par Katalin Kolosy.

On trouvera dans la collection Travaux en ligne, sept des huit monographies réalisées. Celle relative aux « Pratiques d’aménagement du
territoire en Chine » a été publiée à la Documentation française, en février 2011, dans la collection Travaux de la DATAR (N°13).

On notera qu’un séminaire Prospective Info « L’aménagement du territoire à l’international » s’est tenu le 24 novembre 2010 pour
valoriser ces différentes études. Les actes sont disponibles sur le portail de l’aménagement du territoire : www.territoires.gouv.fr
rubrique Prospective Info.

Cette étude ne représente pas nécessairement les positions officielles de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire
et à l’attractivité régionale. Elle n’engage que son ou ses auteur(s).
Délégation interministérielle à l’aménagement
du territoire et à l’attractivité régionale

8, rue de Penthièvre - 75 800 Paris Cedex 08


prospective@datar.gouv.fr | 01 40 65 12 34

Responsable des publications scientifiques :


Stéphane Cordobes

Coordination éditoriale :
Karine Hurel, Florian Muzard, Camille Rognant

Création graphique : Matthieu Renard


Couverture : Camille Rognant, 2011
Réalisation maquette : Datar - Equipe Prospective & études
Sommaire

Résumé // 4

CHAPITRE 1 : CADRE GÉNÉRAL // 10


1.1 Le contenu des politiques d’aménagement du territoire et les objectifs affichés / 11
1.2 Problématiques et dynamiques, défis et enjeux / 17
1.3 Organisation du territoire / 19
1.4 Les politiques de développement territoriales / 19
1.5 Le rôle de la société civile / 20
1.6 Le Plan de relance / 22

Chapitre 2 : ATTRACTIVITé, COMPÉTITIVITÉ // 24


2.1 La promotion des investissements productifs / 25
2.2 Le soutien à la petite industrie / 26
2.3 Les actions fédérales pour la R&D et l’innovation / 28
2.4 La décentralisation de la politique d’innovation / 30
2.5 Parcs scientifiques, entrepreneuriat et jeunes pousses technologiques / 31
2.6 Enseignement supérieur et engagement dans l’économie régionale / 32
2.7 Conclusions / 32

CHAPITRE 3 : DÉVELOPPEMENT DURABLE // 34


3.1 Le cadre de la politique fédérale / 35
3.2 La déforestation / 36
3.3 Les zonages écologiques / 37
3.4 Les biocarburants / 39
3.5 La politique des États Fédérés et des villes / 40
3.6 Conclusions / 41
3.7 Annexes / 42
CHAPITRE 4 : POLITIQUES URBAINES ET QUESTIONS MÉTROPOLITAINES // 44
4.1 Les métropoles dans la hiérarchie urbaine / 45
4.2 Les politiques urbaines et le rôle du gouvernement fédéral /46
4.3 Le rôle clé des États et des gouverneurs et la « dépendance »
des municipalités / 47
4.4 Modalités de cette gouvernance métropolitaine et dysfonctionnements / 48
4.5 Vers un pouvoir polycentrique ? / 48
4.6 Conclusions / 50
4.7 Annexes / 51

CHAPITRE 5 : PRATIQUES SIGNIFICATIVES // 54


5.1 Les initiatives de SEBRAE, l’Agence des PME / 55
5.2 Politique d’innovation : le rôle de la FINEP / 56
5.3 La Stratégie de l’État de Sao Paulo et la planification spatiale en matière
d’environnement / 57
5.4 Le programme de reforestation à Rio de Janeiro / 58

CHAPITRE 6 : REMARQUES FINALES // 60


6.1 La politique d’aménagement du territoire / 61
6.2 Attractivité et compétitivité / 62
6.3 Développement durable / 62
6.4 Problèmes urbains et métropoles / 63

GLOSSAIRE // 64

LISTE DES ABRÉVIATIONS // 68

RESSOURCES DOCUMENTAIRES //70


Note= les mots marqués d’un astérisque renvoient au glossaire.
Résumé
//  7

Le Brésil est un pays aux dimensions continentales, dé- forte concentration de hauts revenus du monde1.
mesuré, infini, immense. On distingue souvent plusieurs
Brésil et notamment 5 macro-régions : 2 régions « cœur » Les défis territoriaux ne sont pas des moindres. On peut
(littoral sud/sud), très urbanisées et développées ; une ré- mentionner l’extrême concentration spatiale du dévelop-
gion « problème » (Nordeste), sous-développée, et les 3 pement sur l’axe sud-sud-est (l’État de Sao Paulo repré-
régions Centre-ouest d’occupation récente avec Brasilia, sente 1/3 du PIB et 58% de la production industrielle) et les
des espaces intérieurs pionniers et quasi-vides (cuvette très fortes disparités régionales (le PIB par tête de la région
Amazonienne, centre ouest et Nord). La ‘sub-continenta- Sud-Est est 4,5 fois supérieur à celui du Nordeste, le taux
lité’ génère des coûts liés à la distance et rend la maîtrise d’analphabétisme de 8% contre 27%). Il faut ajouter la mé-
de l’espace difficile. La population se concentre dans des tropolisation et la maîtrise difficile d’une urbanisation rapide
espaces urbains gigantesques et à la gestion immaîtrisable, et très poussée (Sao Paulo 18 millions d’habitants ; Rio 12
très fragmentés, avec une croissance périphérique généra- millions avec 600 lotissements illégaux et 500 favelas), la
trice de fortes disparités entre quartiers riches et protégés fragmentation importante de l’espace avec des zones péri-
(gated) et pauvres et dangereux (favelas). phériques sans infrastructures, à taux élevés de chômage,
violence, etc. et des zones riches et bien équipées : la ville
Le pays est confronté à des défis globaux, notamment en reflète les injustices sociales et des tendances fortes à la
matière d’environnement, liés à la protection de milieux très déruralisation marquée par l’exode, la pauvreté paysanne et
dégradés ou menacés (défrichages incontrôlés, écosys- la malnutrition infantile. Enfin, le devenir de l’Amazonie est
tèmes côtiers) et à la préservation de milieux à forte biodi- une question majeure. Cette macro-région, la plus grande
versité (forêts amazoniennes). Il doit aussi affronter des pro- réserve de biodiversité de la terre, est un enjeu planétaire.
blèmes socio-économiques considérables. Pays en partie La lutte contre les défrichements illégaux par le feu, source
développé mais très fortement inégalitaire, il doit faire face d’émission à effets de serre est un problème difficile.
à des situations et conditions d’extrême pauvreté, de vio-
lence, d’analphabétisme et sous-scolarisation, espérance
de vie limitée, mortalité infantile élevée, et aussi à la plus
1 Source : Nations Unies
8   //

Les politiques d’aménagement du territoire régions Nord et Nord Est pour réduire les très forts écarts
Au Brésil, on constate une multiplicité de niveaux de gou- de recettes entre collectivités.
vernement mal coordonnés voire parfois contradictoires.
L’état fédéral garde un rôle central en matière de politique Les efforts pour stimuler la compétitivité des ré-
territoriale. Dans le passé, cette politique était organisée au- gions
tour de grandes agences de développement et de grandes Jusqu’aux années 2000, le Brésil a surtout compté sur
banques régionales. Une priorité constante était donnée à les investissements étrangers (IDE) pour son dévelop-
la région du Nordeste pour l’aider à rattraper son retard. pement technologique. Il a d’ailleurs continué à attirer de
Après 1985 (retour de la démocratie), les gouvernements forts contingents d’IDE depuis le début de la décennie et
démocratiques ont développé des programmes sociaux ou a même accru nettement leur volume en 2008 (+30%) en
« assistancialistes » et décentralisés, par opposition aux po- pleine crise financière.
litiques développementalistes des pouvoirs militaires précé-
dents. Avec l’administration Lula (depuis 2002), un plan plu- Hors le fait que cette politique entraîne une forte polarisa-
riannuel est mis en place (2004-2007). Il affiche un objectif tion du développement vers les États dynamiques du Sud
transversal de réduction des inégalités à la fois régionales et et du Sud-Est, elle ne correspond plus au degré de déve-
sociales (« Brésil de tous » et plan de lutte contre la faim du loppement du pays, accroît sa dépendance vis-à-vis des
1er mandat). Il s’approfondit dans le PNDR (Programme Na- pourvoyeurs de technologie et creuse les écarts avec les
tional de Développement Régional) lancé en 2007. Il s’agit pays et les régions les plus compétitives dans le monde.
de « substituer à un fédéralisme compétitif, un fédéralisme
coopératif » et d’orienter les actions fédérales et celles des Le gouvernement fédéral a fortement redéployé son sys-
États et des autres acteurs sociaux, afin d’accroître les po- tème d’aides et d’incitations depuis le début de la décen-
tentialités de développement des régions en retard. Il s’agit nie, pour encourager le développement endogène et stimu-
aussi de poursuivre l’amarrage de l’économie à la mondia- ler les capacités d’innovation régionales. Il veut notamment
lisation. Ce qui se traduit par d’importants investissements tirer avantage des capacités entrepreneuriales du pays (qui
d‘infrastructures et grands travaux conçus dans le cadre le classe au 7ème des grands pays pour la création d’entre-
du Plan d’Accélération de la Croissance (PAC) pour 2006- prises) et de son potentiel en matière de clusters. Avec Le
2010, à hauteur de 200 milliards d’euros. Service Brésilien d’Appui aux petites et très petites entre-
prises (SEBRAE), il a mis au point un instrument efficace
La politique nationale de développement régional (Décret d’accompagnement des PME et d’animation des systèmes
du 22 février 2007), mise en œuvre par le Ministère de l‘in- productifs locaux et des chaînes productives. Dans le do-
tégration, est déclinée, outre le niveau national, sur trois ni- maine technologique, le financement de projets, l’aide à la
veaux : a) macro-régional (Nord, Nordeste, Centre Ouest gestion et au marketing et à l’amélioration de la productivi-
étant prioritaires) doté chacune d’un plan stratégique ; b) té, SEBRAE coopère avec d’autres agences comme FINEP,
infrarégional : ciblant 13 « méso-régions différenciées » et les banques, les fédérations industrielles et les administra-
10 infra-régions déjà existantes, dont certaines sont prio- tions des États fédérés pour fournir de meilleurs services
ritaires (semi-arides) ; zones frontalières, régions ou pôles aux PME. L’agence, dont les services sont régionalisés, as-
intégrés de développement (RIDE) prédéfinies et à cheval siste aussi les collectivités locales et renforce leur aptitude à
sur 2 États et c) micro-régional (558 microrégions sont développer des projets.
identifiées).
En matière d’aide à l’innovation, le retard est plus consé-
Les politiques d’aménagement du territoire se déclinent quent. Parmi les BRIC2, le Brésil est celui qui investit le
aussi à l’échelon des 26 États, voire des 5 500 collectivités moins en R&D et sa part de publications scientifiques mon-
locales, l’action à ce niveau étant toutefois limitée par la diales est encore limitée (1,6% contre 2,6 à l’Inde, 3% à la
faiblesse des fonds disponibles. Chaque niveau dispose en Russie, 6,2% à la Chine par exemple). L’Union a voté une
effet de ressources propres : l’Union à laquelle sont affectés loi sur l’innovation et autorisé les entreprises à bénéficier de
les impôts sur le revenu et les droits de douane, les États subventions non remboursables via le programme d’aides
dont les fonds sont alimentés par la TVA, et les municipa- économiques à l’innovation. Plusieurs États ont aussi adop-
lités qui perçoivent les impôts sur la propriété et certaines
redevances. L’Union transfère 13% de ses revenus via un 2 Acronyme qui désigne le groupe de pays formé par le Brésil, la Russie,
l’Inde et la Chine, pays à forte croissance, dont, au début du XXIe siècle, le
système de péréquation et les redistribue en majorité aux poids dans l’économie mondiale augmente.
//  9

té - ou s’apprêtent à le faire - des lois pour réduire les obs- Dans le sillage de la conférence de Rio3 et la mise en œuvre
tacles et réglementations qui inhibent l’innovation. Certains des agendas 21 tant au niveau national que local, le pays
États, comme celui de Sao Paulo, ont mis en place des a pu apparaître dans une certaine mesure comme pionnier
fondations* pour financer des projets de recherche, des en matière d’environnement. Le gouvernement a cherché
bourses pour les chercheurs et des incitations pour encou- de manière classique à combiner développement écono-
rager la R&D, en coopération avec les entreprises et les mique et équilibres écologiques au travers des réglemen-
institutions publiques de recherche. tations du marché, de l’internalisation des coûts environne-
mentaux et des études d’impacts. Il a eu recours aux outils
Il n’y a que 163 universités au Brésil et 7,6% seulement des de planification et de gestion d’une part, et au principe de
18-22 ans parviennent à un niveau d’enseignement supé- droit de la participation des citoyens de l’autre. Les outils
rieur. Le système est dominé par les établissements privés de planification sont traditionnels : code forestier et code
à but lucratif et ceux-ci ont fortement contribué au déploie- d’urbanisme, plans sectoriels ou thématiques et plans
ment de l’offre éducative. Dans le pays, on compte plus de territoriaux, définition par un système national d’unités de
1 500 institutions privées d’enseignement supérieur et 207 conservation (zones protégées) : parcs naturels, réserves
institutions publiques. Les structures privées sont souvent biologiques, stations écologiques, zones écologico-écono-
spécialisées dans les études de gestion et de lettres, peu mique (ZEE) visant à intégrer des actions relevant des trois
coûteuses, ce qui ne facilite pas le rééquilibrage des qualifi- composantes du développement durable (environnemen-
cations au profit des disciplines scientifiques et de l’ingénie- tales, économiques et sociales) et impliquant les acteurs
rie. Les universités, et surtout les établissements publics, locaux, dans des plans de gestion de la zone.
commencent néanmoins à participer à la création de parcs
scientifiques. Avec son programme PRIME, l’agence et Les collectivités déploient souvent des politiques de l’en-
fond du Ministère fédéral de la Science et de la Technologie vironnement plus restrictives que celles du gouvernement
– FINEP - a commencé à donner des impulsions salutaires fédéral en matière de qualité de l’air et de l’eau. Les États
dans ce domaine, notamment en raison de l’importance sont des partenaires de plus en plus actifs dans les agences
des fonds qui sont engagés sur le programme. de bassin créées depuis peu dans le Sud et le Sud-Est. Les
grandes villes se sont distinguées pour plusieurs d’entre
3. Le développement durable elles dans des opérations de reforestation particulièrement
Bien que confronté à des défis environnementaux majeurs, réussies et des programmes de réhabilitation environne-
le Brésil ne s’est doté d’un ministère de l’environnement mentales des favelas ou de collecte de déchets.
qu’en 1992. L’introduction de réglementations contrai-
gnantes pour lutter contre la pollution, imposer le respect Questions urbaines et métropoles
de la biodiversité ou lutter contre le changement climatique Le Brésil est l’un des pays les plus urbanisés du monde :
est relativement récente dans le pays. Par exemple, son 75% de la population vit dans des villes, dont 50% dans
code forestier ne remonte qu’à 2002. Par ailleurs, 45% des villes de plus de 100 000 habitants, fortement concen-
de la population n’a toujours pas accès à l’eau potable et trées sur le littoral et dans le Sudeste.
96 millions de personnes n’ont pas d’égouts. La politique
fédérale de l’environnement s’est néanmoins intensifiée Cette dynamique métropolitaine se caractérise par un éta-
dans les dernières années. Elle a accentué les efforts pour lement des périphéries, une « verticalisation » des quar-
protéger la forêt. Elle a développé de nouvelles approches tiers péricentraux, une réoccupation et réhabilitation des
dans le domaine de l’énergie. Environ 90% de l’électricité centres-villes. Elle est aussi marquée par un environnement
produite dans le pays est propre, assurée pour une bonne très dégradé du fait d’une croissance anarchique et dua-
part par l’hydroélectricité. Les énergies renouvelables (hy- liste entre quartiers riches et favelas.
draulique incluse) représentent 52% du total, notamment
grâce au bioéthanol. Le Brésil compte 27 « régions métropolitaines», dont 9 exis-
taient avant 1988 et 18 créées depuis cette date par les
Avec son potentiel forestier considérable et la richesse de États ; leur définition varie selon ces derniers. Leur popula-
sa biodiversité, le Brésil a des responsabilités à l’échelle de tion varie de 19,2 millions (Sao Paulo) à 436 000 habitants
la planète. Le pays est aussi conscient qu’il doit préserver (Macapa). Il existe en outre des intercommunalités, préco-
ses aménités et son patrimoine car ils constituent des élé- nisées par un courant politique « néo-localiste », mais qui
ments de sa compétitivité et de sa capacité d’attraction semblent peu efficaces et dont les rôles, purement consul-
des investissements, notamment dans les grandes villes.
3 « Sommet de la Terre » de 1992
10   //

tatifs, semblent très limités. d’exercer des compétences considérables dans la gestion
des services communs des « régions métropolitaines ». La
Le ministère des villes, de création récente (2003), assure gestion métropolitaine est, de fait, souvent impartie au gou-
le Secrétariat National des Programmes Urbains (SNPU). verneur de l’État - notamment quand la métropole ou mé-
Ce service exerce des fonctions d’assistance juridique et galopole (cas de Sao Paulo) recouvre une part importance
technique. Il fournit aux villes des « instruments de réforme de celui-ci. Ce pouvoir est d’abord fiscal et financier, en
urbaine » visant en priorité à : (i) réduire les inégalités so- tant que contributeur principal de subventions, collecteur
ciales entre zones (très) pauvres et (très) riches et les dis- des aides fédérales, gestionnaire des fonds de financement
parités de niveaux d’infrastructures et d’équipements ; (ii) des métropoles qui concentrent les ressources d’investis-
répondre aux défis environnementaux ; (iii) améliorer la ges- sements, et acteur dominant des régions métropolitaines.
tion et la maîtrise d’une croissance souvent désordonnée
des périphéries, en particulier en résorbant les favelas et en Les compétences décentralisées et les revendications des
légalisant les « installations irrégulières et clandestines », si- municipalités, portées par un fort courant décentralisateur,
tuées souvent en zones à risques ; (iv) mobiliser les acteurs, qualifié de « municipaliste » d’une part, et, de l’autre, la vo-
renforcer leurs compétences et promouvoir la participation lonté de nombreux gouverneurs d’accaparer ce pouvoir,
et l’implication des citoyens. rendent impossible pour les très nombreux acteurs aux
pouvoirs – formels et réels – très inégaux, la création d’une
Bien que la constitution ait transféré certaines de leurs at- institution intercommunale spécifique et la conduite de stra-
tributions aux municipalités, les États fédérés continuent tégies métropolitaines transparentes et concertées.
//  11
Cadre général
//  13

Le Brésil est l’une des dix premières économies du monde, Le Brésil comprend trois niveaux de gouvernement: une
avec un PIB avoisinant 610 milliards d’euros. Il occupe la administration fédérale (l’Union), des États et un échelon
deuxième place, non seulement sur le continent américain, local. Les 27 États disposent en théorie d’une relative auto-
derrière les États-Unis mais également parmi les pays en nomie, limitée en pratique car c’est l’administration fédérale
développement derrière la Chine. Avec plus de 185 millions qui continue de collecter l’impôt sur le revenu. Les deux
d’habitants et un PIB annuel d’environ 2 800 € par habi- tiers des 5 562 administrations locales (communes) sont
tant, ce pays dispose du plus vaste marché intérieur de de petite taille et tributaires des transferts des États et du
toute l’Amérique latine. Sa stabilité macro-économique et gouvernement fédéral.
la restructuration de son économie ont considérablement
progressé depuis le milieu des années 90. La croissance
de son PIB autour de 2,5% durant la première partie de la 1.1 Le contenu des poli-
décennie a commencé à s’accélérer et devrait lui permettre
de combler le différentiel avec la zone OCDE. tiques d’aménagement
La population est disséminée sur un vaste territoire, d’une du territoire et les ob-
superficie de 8,5 millions km² - 16 fois la France. Depuis
quelques années, un grand nombre de pouvoirs sont trans- jectifs affichés
férés aux États et aux autorités locales. La Constitution fé-
dérale garantit une relative autonomie à tous les échelons Le contenu de ces politiques a varié, au niveau fédéral, en
politiques et administratifs. La poursuite de la croissance fonction des orientations politiques du pays. Des ruptures
économique devra s’appuyer sur la libéralisation macro- sont très nettes entre celles poursuivies par les gouverne-
économique et sur un nouveau modèle de développement ments militaires « développementalistes* » et hyper centrali-
économique et social, reposant lui même sur la création sés et, depuis 1985, celles promues par les gouvernements
d’un environnement concurrentiel, l’équité sociale et la via- démocratiques, d’un développement économique à plus
bilité à long terme. fort contenu social, voire « assistancialiste* » et décentra-
14   //

lisé. Mais aussi quelques continuités affichées, telles que régional, relancée par le décret présidentiel de février 2007,
les priorités constantes données au rattrapage des retards se réfère aux processus et opportunités de développement
structurels la région du Nordeste et à l’avenir incertain et socio-économique à des niveaux macro et infrarégionaux
controversé de l’Amazonie. et notamment dans certaines régions ciblées et prioritaires.
Elle repose sur une volonté d’intégrer « des objectifs de
Deux notions de référence assez spécifiques à ce pays compétitivité, de productivité, d’inclusion sociale et de du-
méritent d’être citées, car elles ont donné leur nom à des rabilité environnementale », induisant une réduction des iné-
administrations fédérales en charge de ces politiques terri- galités régionales et une amélioration du bien-être.
toriales :
- celle d’intégration nationale des économies régionales. Le développement territorial est une thématique plus com-
Il s’agit d’une notion qui fait écho aux travaux des écono- plexe que la planification régionale avec des interventions à
mistes des années 1930 et 1950-601 sur l’intégration régio- plusieurs échelles et dans des espaces plus fonctionnels
nale ou territoriale2. Bien connue au niveau supra national et ou « de projets » : intercommunalités, régions intégrées de
notamment européen au sens de l’intégration d’économies développement, entités à cheval sur plusieurs États, clus-
nationales, cette référence se réfère à l’intégration des éco- ters/SPL, régions métropolitaines, bassins d’emplois. Ces
nomies régionales au sein d’une Union, très vaste, et com- interventions assorties de mécanismes de coordination et
posée de territoires peu ou mal intégrés et très diversifiés. de coopération (forum, pactes, partenariats) susceptibles
A chacun de ces deux niveaux ou types d’intégration, ces de générer, stimuler et appuyer des projets et d’impulser
travaux opposaient à une optique libérale et assez statique les politiques et programmes fédéraux des macro-régions.
d’une intégration des (et par les) marchés, une optique plus
dirigiste, volontariste et dynamique d’une intégration à la Le développement local ou communautaire est une pro-
fois économique, sociale et politique entre des régions dans blématique très vivace au Brésil. Il est défini comme un
un cadre national constitué d’espaces interdépendants et processus de mobilisation et de participation « populaire »
solidaires. d’acteurs ou de mouvements sociaux à des niveaux locaux
– 577 unités définies par l’IBGE ou quartiers - qui coopèrent
- celle d’ordonnancement du territoire –inscrit dans la ou se coordonnent afin de susciter des initiatives créatrices
Constitution (art. 21), qui prescrit que « l’Union élaborera d’emplois, de revenus, de production de services de base
et exécutera des plans nationaux et régionaux d’ordonnan- visant à améliorer les conditions de vie. Ces initiatives ou
cement du territoire et de développement économique et entreprises sociales ont une forte dimension collective, so-
social ». Elle est assez proche dans son contenu de celle lidaire, voire alternative. Elles sont appuyées par le gouver-
d’aménagement du territoire, bien que moins volontariste nement fédéral (Programme développement solidaire), par
et davantage prospective, et tend à projeter la vision d’un des agences paragouvernementales (programme de déve-
développement équilibré et harmonieux entre des espaces loppement intégré local et durable (DELIS) de l’agence des
extrêmement diversifiés. Elle est définie comme la « régu- PME SEBRAE (voir Chapitre 5) et par des ONG nationales
lation des tendances de distribution/localisation des activi- et internationales. Elles s’inscrivent dans le mouvement de
tés productives et des équipements collectifs sur le terri- participation sociale.
toire national, imputable aux interventions des acteurs, en
fonction d’une vision stratégique et articulant institutions et Encadré 1 : Les politiques d’avant l’administra-
concertation, en vue d’atteindre des objectifs désirés ». Elle tion Lula
a donné lieu à la définition d’un cadre conceptuel d’une « Au cours des années 60 à 80, (gouvernements militaires)
politique nationale d’ordonnancement territorial (PNOT), qui furent utilisées :
présente des points communs avec l’exercice européen du - des grandes agences de développement régional* (SU-
SDEC» 3. DEME, pour le Nordeste, SUDAM pour l’Amazonie), des
banques de développement, régionales (pour le Nor-
D’autres notions plus courantes sont apparues plus ré- deste et l’Amazonie) et nationales (du Brésil, pour le dé-
cemment dans le contexte politique d‘un renouveau de la veloppement économique et social, caisse économique
planification du développement. Celle du développement fédérale), ainsi que des programmes régionaux centrés
sur les régions à problèmes, largement inspirées des ex-
2 Par exemple Jean Weiller, Lucien Broccard, Jan Timbergen, Maurice Byé,
André Marchal, Gunnar Myrdal. périences de la Tennessee Valley Authority et des pro-
3 André Marchal, L’intégration territoriale - Que sais je ? N°1202 -1965 grammes du Mezzogiorno italien, mais mis en sommeil
3 Source : PNOT, Direction de l’Ordonnancement du Territoire, cadre au cours des années 80 et 90 ;
conceptuel (août 2006)
//  15

- des incitations fiscales en faveur des IDE dans des


Les évaluations de ces programmes constatent des im-
zones spécifiques ainsi que des avances de crédits aux
entreprises ; pacts très limités dans ces régions les plus défavorisées.
Bien que le rôle de ces gouvernements fédéraux dans
- des investissements dans les industries de base en vue
la promotion du développement ait toujours été affiché
de procéder à une substitution des importations.
comme très actif, leur politique régionale –notamment
en faveur du Nordeste- est considérée comme peu ef-
Après 1985 ces actions s’estompent, la croissance ficace. Les évaluations constatent que les entreprises, à
ralentit, la priorité est donnée aux programmes sociaux
quelques rares exceptions, ne sont pas parvenues à gé-
« Tout pour le social » est la devise de la constitution
de 1988, dans un contexte de privatisations, de nérer un modèle entrepreneurial et restent dépendantes
restructuration et d’adaptation à la mondialisation. de subventions publiques, de ressources naturelles et de
main-d’œuvre bon marché et non qualifiée. Le « pater-
nalisme public », l’absence de vision stratégique et de
La création du Mercosur en 1991 et le plan Real
coopération entre les firmes, leur faible capacité d‘inves-
d’éradication de l‘inflation en 1994, ont mis le pays
sur la voie d’une intégration régionale (cône sud latino tissement et intégration verticale, ainsi que les logiques
américain) et mondiale. Au cours des années 90, le souci d’utilisation des incitations fiscales sont autant de fac-
d’intégration territoriale fut induit par des préoccupations teurs explicatifs de ces résultats limités. Pendant cette
à la fois géopolitiques et économiques, telles que : phase qualifiée de néolibérale, les disparités régionales
- occuper et maîtriser l’espace intérieur (construction se sont fortement aggravées.
de Brasilia et d’axes de communication, notamment
routiers) et l’espace Amazonien ; Sources:
- Alfred Lopes Neto. Lessons from Brazil: regional development
- vaincre les distances et interconnecter les réseaux programmes ; OECD-China conference, Oct 2001
(routiers, ferrés, fluviaux, électriques, oléoducs gaziers, - Gustavo Maria Gomes. Regional development strategies in Brazil.
aériens, TV, télécom, etc.) ; OECD conference on Regional Development and foreign investment;
OECD and Ceara State. Dec. 2002.
- surveiller les zones frontières avec le Pérou et la - Rapport d’évaluation des programmes du Nordeste. Monitor-FGV, The
Colombie. comparative area ; www.fgv.br

De nouveaux dispositifs et instruments furent mis en Les politiques en cours (gouvernements Lula de 2002 et de
œuvre, tels que des « fonds constitutionnels de déve- 2008) s’inscrivent dans un cadre et dans les programmes
loppement » gérés par le Ministère de l’Intégration Na- macro économiques suivants :
tionale ou par les banques régionales et le Trésor, qui - Le Plan pluriannuel (PPA) (2004-2007) - « Brésil de tous
constituent des instruments clés de politiques d’inspi- » et plan de lutte contre la faim-, du premier mandat prési-
ration libérale. Simultanément les grandes agences (ou dentiel affichait un objectif transversal ambitieux de réduc-
superintendances) régionales du Nordeste (Sudene) et tion des inégalités régionales «en exploitant les potentialités
d’Amazonie (Sudam) vont dépérir et disparaître. (L’une locales du territoire national » et sociales. Il se déclinait en
des premières mesures du gouvernement Lula les a re- de nombreux programmes gouvernementaux. Cet objectif
créées autour des grandes banques de développement s’imposait pour des raisons politiques, mais aussi parce
de ces 2 macro- régions). que ces inégalités sont considérées comme un frein au dé-
veloppement.
Le Programme Brésil en action (1996-99) vise toutefois
à réduire les disparités régionales en concentrant ses Encadré 2 : Les principaux programmes du PPA
moyens sur des aides à l’investissement de grandes Le Ministère de l’Intégration a lancé depuis 2004 cinq
entreprises choisies pour leur forte capacité d‘investis- programmes qui caractérisent la nouvelle approche po-
sement (42, puis 35 et 58 de plus) dans les régions en litique régionale de l’administration Lula orientée vers la
retard de développement. Il procède aussi à une sélec- réduction des disparités inter et intra-régionales du pays
tion de projets de développement régional centrés sur :
des « corridors nationaux d’intégration et de dévelop- - le Programme pour le développement durable des es-
pement » priorisant les investissements d’infrastructure paces infrarégionaux (PROMESO). C’est un programme
(autoroutes, gazoducs, tourisme, etc.). Des programmes qui vise le développement local, le potentiel endogène
de promotion des clusters et SPE dans la production et le renforcement de la base productive à travers des
agricole, le tourisme et l’informatique furent lancés en initiatives structurées. Il cible les clusters et les chaînes
1997-99. productives. Il est donc repris plus loin (Chapitre 2. sec-
16   //

tion 2.2) ; d‘infrastructures, devant financer 300 grands projets-chan-


- le Programme intégré et durable pour le développement tiers, chiffrés et détaillés, visant à rééquilibrer et réorganiser
des zones semi-arides (CONVIVER). Il s’agit de diminuer l‘Union tant géographiquement que socialement. Les pre-
les vulnérabilités socio-économiques des régions et sous- miers projets, qui ont démarré en mars 2008, portent sur :
régions exposées à de fortes sécheresses. Le programme
cherche à faire converger les politiques publiques sur ces i) les infrastructures de production et de distribution éner-
territoires, à articuler les investissements en infrastructure gétique, « Si, dans le premier mandat, je me suis fixé pour
avec les buts poursuivis et à intégrer ces territoires (Zone
but que chaque Brésilien mange chaque jour, le deuxième
Est) au reste du pays ;
mandat doit apporter la lumière dans chaque foyer » a dit
- le Programme pour la promotion économique des zones
Lula pour résumer ses objectifs. Et de fait les huit centrales
infra régionales (PROMOVER). L’objectif est de réduire
électriques géantes prévues d’ici 2010 sont toutes situées
les inégalités régionales dans les zones à potentiel, en
favorisant le développement compétitif des activités dans les régions éloignées, l’Amazonie, le Nordeste, et le
productives par la sélection de projets; centre-ouest.
- le Programme pour le développement de la bande
frontière (PDFF). Il s’agit de stimuler des activités ii) les équipements sanitaires et de logement, à financer
transfrontières en mettant l’accent sur les potentiels en priorité dans les régions de l’intérieur du pays fortement
locaux et la coopération avec les pays limitrophes ; sous-équipées.
- le Programme d’assistance aux zones de faible revenu
(PRODUZIR). Il s’agit de lutter contre le chômage et le iii) les équipements scolaires et universitaires. Un plan
sous-emploi dans des communautés rurales et urbaines d’éducation prévoit la création d’universités d’État dans les
pauvres situées dans des zones prioritaires. PRODUZIR régions et villes les plus reculées, la généralisation de l’école
est un programme conjoint du Ministère de l’intégration, de neuf ans, et surtout une réhabilitation générale du ré-
des Nations-Unies et de la FAO. seau déficient des écoles publiques. La part des élèves de
Par ailleurs, le rapport d’élaboration du PPA 2008-2011 la campagne qui a suivi l’enseignement fondamental, passé
fait état des résultats de l’évaluation du PPA précédent en 4 ans de 31 à 43%, et de 24 à 36% pour les Noirs,
au regard des grands objectifs fixés. Pour l’objectif 6 de
doit se poursuivre; mais la réforme universitaire, créant des
« réduction des inégalités régionales », 3 indicateurs sont
droits d’inscription proportionnels aux revenus et des quo-
renseignés :
tas pour l’accès aux Noirs et aux enfants des écoles pu-
- l’indice de développement social régional (moyenne
bliques, a soulevé de fortes polémiques.
des 3 indicateurs de revenu, de santé et d’éducation) qui
montre une réduction des disparités entre les 5 macro-
régions, mais qui demeurent très fortes en 2006 (0,30 iv) les transports terrestres. Ces investissements consis-
pour le Nordeste et 0,68 pour le Sud) ; tent en des travaux de réfection et de doublement des axes
- l’indice de convergence compétitive en % de routiers reliant les grandes régions de l’intérieur, et surtout
participation au PNB, qui se réduit de 12,6 à 11,1 points à réorienter le système des transports. Bien que pourvu de
entre 2002 et 2006, mais la part des macro régions 8.000 km de côtes et d’un immense bassin fluvial, la quasi-
« extrêmes » reste stable : 13,1% pour le Nordeste et totalité des transports brésiliens se fait par la route. Peu de
56,8% pour le Sud Est) ; voies ferrées, ni de recours au transport fluvial. Le cabotage
- l’Indice de Développement Humain du PNUD qui de fut supprimé en 1996, et les chantiers navals fermés. Le
2005 à 2007 s’améliore partout, (de 0,794 à 0,816 pour gouvernement a passé commande de 232 navires et prévu
le pays), mais à un rythme voisin entre les régions qui la création de huit chantiers navals. 5 000 km de voies fer-
affecte peu les écarts. rées sont inscrits dans ce PAC, non seulement pour relier
Source : www.intergao.bov.br et rapport du PPA plurianual 2008-2011, les ports exportateurs (trois grands ports réaménagés) mais
p 154 aussi et surtout la « Transnordestine » et la « Ferronorte
» qui relieront le Nordeste, le Centre-ouest et l’Amazonie.
Le Plan d’Accélération de la Croissance (PAC) (2006- Des projets lancés en fin de premier mandat, tels que les
2010) le prolonge et le complète, tout en poursuivant commandes de construction navale, le projet de gazoduc
l’amarrage de l’économie brésilienne à la mondialisation. Il Vénézuela-Brésil, ou le projet de 1,7 milliards d’euros - jugé
constitue une mise en œuvre « positive » de ce qui fait le pharaonique et très controversé - de la vallée du Sao Fran-
fond du projet politique du Parti des Travailleurs concernant cisco, qui consiste à dériver ce fleuve pour irriguer le Sertao
l’orientation économique générale de la société. Il combine et produire des fruits pour l’exportation.
des réformes structurelles et d’importants investissements
//  17

Au total, près de 500 milliards d’euros doivent être investis Cette politique, qui se veut ambitieuse et volontariste, re-
d’ici 2011. L’État en assumera près d’un tiers, les entre- pose sur le constat suivant :
prises publiques et semi-publiques à peu près autant, le - la mondialisation, en concentrant la richesse dans certains
reste étant ouvert aux investisseurs et opérateurs privés. territoires, tend à accentuer et à exaspérer les inégalités
Le but, en termes économiques, est de générer à partir de - on ne parle pas de disparités régionales- ; elle génère
2009 une croissance de 5% par an reposant sur un élargis- des asymétries profondes dans les conditions d’accès au
sement à grande échelle du marché intérieur. financement, au crédit et aux biens et services, et donc aux
« opportunités d’une vie plus digne » et porte en elle des
risques de fragmentation de la société ;
Ce programme du second mandat du gouvernement Lula
(2007/2010) inclut un volet rural composé de quatre sous- - après des efforts notables de réduction des disparités au
cours des années 50 et 60, les politiques des décennies
programmes portant sur (i) le développement agricole, (ii) la
80 et 90 ont délaissé cette priorité et généré une guerre
réforme agraire et la démocratisation de l’accès à la terre, fiscale entre les États fédérés pour attirer les sièges et les
(iii) la citoyenneté et l’intégration sociale des populations et établissements des entreprises multinationales ;
(iv) le développement des zones rurales.
- l’ampleur des inégalités est aujourd’hui telle, qu’elle
présente des risques sociaux ou de désintégration ; elle
Cette priorité à la « réduction des inégalités de niveau de constitue un obstacle au développement du pays et
vie entre les régions et à la promotion d’une égalité d’accès compromet « la construction d’une fédération solidaire et
aux opportunités de développement » a été réaffirmée avec progressiste, objectif central poursuivi par le gouvernement
force au cours du second mandat. Les articles 23 et 41 de ».
la Constitution de 1988 obligent l’État fédéral à réorganiser - il faut donc « substituer à un fédéralisme compétitif, un
le territoire. Cette injonction constitutionnelle est un leitmo- fédéralisme coopératif » qui fait l’objet de cette politique
tiv des interventions dans ce domaine des divers gouver- fédérale de développement régional ; il vise à orienter les
nements « démocratiques ». Celle du gouvernement actuel actions fédérales et celles des États et des autres acteurs
a été définie par un décret (du 22 février 2007) de la Prési- sociaux, afin d’accroître les potentialités de développement
des régions en retard, y favoriser des initiatives et des
dence de la République qui instaure une Politique Nationale
solutions alternatives, de nouvelles institutions et de
de Développement Régional (PNDR) mise en œuvre par le nouveaux instruments et pratiques de gestion.
ministère de l’Intégration nationale. Cette politique est défi-
nie comme un « véritable processus de transformation so- L’un des éléments original du PNDR est de définir trois ni-
cio-économique des régions » dit « s’inspirer de démarches veaux géographiques d’intervention :
supranationales novatrices telles que celles poursuivies par - Un niveau macro régional, telles que les macro-régions
l’UE ». du Nord, du Nordeste et du Centre Ouest, qui regroupent
plusieurs États fédérés et qui font l’objet de plans
stratégiques à moyen/long terme.
Ses objectifs sont « la réduction des inégalités de niveau de
vie entre les régions et la promotion d’une équité d’accès - Un niveau méso régional de 3 catégories de zones définies
aux opportunités de développement » ; elle doit orienter comme prioritaires: 13 méso-régions « différenciées », par
exemple certaines zones frontalières ; 10 infra-régions
les programmes et les actions du gouvernement fédéral au
aux problèmes spécifiques, existantes au sein de certains
sein du territoire national, en tenant compte des inégalités États, ainsi que 4 régions intégrées de développement ou
de développement. RIDES, à cheval sur deux États ou autour du District fédéral
(voir carte ci-dessous);
La réduction de ces disparités régionales doit résulter de - Un niveau micro régional, de type plus statistique, basées
l‘adoption de stratégies visant à : sur les 558 microrégions définies par l’Institut Brésilien
- stimuler et appuyer des processus et chances de déve- de Géographie et de Statistiques (IBGE). La loi esquisse
loppement régional à des niveaux différents ; une typologie de politiques régionales visant à établir un
- articuler des actions visant à promouvoir une meilleure cadre de référence des disparités régionales entre ces
distribution des investissements publics en faveur de terri- microrégions. Ce cadre repose sur un indicateur de niveau
toires « sélectionnés » et faisant l’objet d’actions prioritaires. de vie (le revenu moyen par habitant) et un indicateur de
« dynamisme socio-productif » (le taux de variation du
- Faire converger des objectifs visant à promouvoir l’inclu-
PIB municipal par habitant), obtenus par « croisement
sion sociale, la durabilité environnementale et la compétiti- de données municipales agrégées par microrégion
vité économique. géographique». Il conduit à regrouper ces microrégions
en 4 catégories : à revenu élevé, dynamiques, stagnantes
et à bas revenus (ces 3 dernières étant prioritaires dans
18   //

les programmes). Intégré dans le Système national


sur la propriété industrielle.
d’information pour le développement régional (SNIDR)
inclus dans la loi, ce nouvel instrument de mesure des
disparités doit en permettre le suivi et l’évaluation. Encadré 3 : l’Institut Brésilien de Géographie et
de Statistiques (IBGE)
Le financement des plans, programmes et actions doit être Avec l’IBGE ; le Brésil dispose d’un remarquable système
assurés par le budget de l’union - notamment dans le cadre et instrument d’observation, de cartographie, et d’ana-
des programmes inscrits dans le PPA - et par des fonds de lyse des réalités du développement territorial. Il produit
développement existants des macro-régions (fonds consti- des données à toutes les échelles des territoires adminis-
tutionnels de financement du Nord, Nordeste et Centre tratifs, fonctionnels - notamment les régions d’influence
ouest qui ont vu leurs budget augmenter de 3 milliards de et de polarisation des villes - ou définis comme cadre
Reis en 2003 à 6,6 milliards en 2008, et fonds de déve- de planification aux niveaux fédéral, des États et des
loppement du Nordeste et de l’Amazonie), ainsi que par municipalités. Outre les microrégions homogènes dé-
de nouveaux instruments financiers et fiscaux à créer, en finies comme « des intercommunalités pour intégrer et
particulier un Fond National de développement régional qui organiser le développement au niveau local et exécuter
sera financé par l’affectation de 2% du montant de l’impôt des fonctions publiques d’intérêt commun » combinant

Méso et infra régions prioritaires

Source : IBGE
//  19

un double déséquilibre et de forts écarts de développement


des données multiples, l’IBGE a contribué à définir des
entre les zones littorales et l’intérieur d’une part, et entre un
zones physiographiques et économico-écologiques Sud et un Nord de l’autre, avec un rattrapage très lent en
préparatoires à l’identification des zones protégées ou cours ;
à coloniser. Il parvient à représenter et à combiner des - En terme de dynamiques de développement, le Brésil
données naturelles, économiques, sociales, culturelles et constitue un « archipel » ou des « îles de développement
environnementales. Ses typologies permettent de repré- » s’élargissant avec la progression des « fronts pionniers »,
senter les disparités et dynamiques de développement. évoluant vers un espace plus structuré autour de grands
Il constitue un instrument remarquable d’aide à la planifi- axes de communication et de corridors de développement
cation et de mesure, suivi et évaluation de ces nombreux et d ‘un réseau urbain qui se consolide;
plans et programmes. - Ces espaces et l’histoire de leur occupation entretiennent
une vision du développement basée sur le sentiment de
Source www.ibge.gov.br l’existence de ressources illimitées qu’il suffit d’exploiter (le
plus souvent en les pillant et en détruisant les écosystèmes)
au hasard des cycles économiques successifs (bois, or,
1.2 Problématiques et caoutchouc, coton, café, cacao, riz, soja, élevage extensif,
etc.) ;

dynamiques, défis et - Des métropoles gigantesques, à la gestion immaîtrisable,


très fragmentées, qui enregistrent une croissance
périphérique génératrice de fortes disparités entre quartiers
enjeux riches et protégés et quartiers pauvres et dangereux
(favelas) ;
Le Brésil est un pays démesuré, infini, immense, aux di- - L’existence de disparités géographiques et sociales
mensions continentales, dont les territoires présentent des parmi les plus fortes du monde5. En 1999, le Congrès
caractéristiques spécifiques et souvent inédites pour des distinguait un « Brésil 1 » riche (1/4 de la superficie ; 2/3 de
européens. la population, 3/4 du PIB) et un « Brésil 2 » pauvre (37% de
- L’ « infra-continentalité » génère des coûts élevés liés à la la population, 3/4 des terres).
distance et rend la maîtrise de l’espace difficile. Les grands
projets d’aménagements et d’infrastructures consistent à Les grands défis auxquels le pays est confronté sont de
vaincre les distances
nature :
- « Le Brésil = une Suisse + un Pakistan + un Far West »4; i) globale
plusieurs Brésils coexistent sur cinq macro territoires: deux - une forte croissance démographique d’une population de
régions-cœur – le littoral sud et le sud- très urbanisées
plus de 185 millions d’habitants dont 30% de moins de 20
et développées ; trois régions Centre ouest d’occupation
récente avec Brasilia, une vaste région-problème du ans, avec de forts écarts de mortalité infantile et d’espé-
Nordeste marquée par un sous développement chronique, rance de vie ;
enfin des espaces pionniers et quasi vides intérieures - la consolidation de sa place de grande puissance écono-
(cuvette Amazonienne, centre ouest et Nord), dont mique et l’adaptation stratégique à la mondialisation ;
l’exploitation est une préoccupation constante de la - en matière d’environnement, la gestion de milieux très dé-
géopolitique et de la maitrise de l’espace national. gradés ou menacés (défrichages incontrôlés) et la préser-
vation de milieux à forte biodiversité (forêts amazoniennes,
Région PIB 2005* Popula- PIB par Illetrisme écosystèmes côtiers) ;
tion 2005* tête 2005* 2006 - un pays très fortement inégalitaire, avec l’une des plus
Nord 4,6 7,9 62 15,6 fortes concentrations de hauts revenus du monde (selon
les Nations Unies) coexistant avec des situations et condi-
Nord-Est 13,1 28 47 24,6
tions d’extrême pauvreté, d’analphabétisme, de sous-sco-
Sud-Est 57,8 42,3 133 7,5
larisation et de violence ;
Sud 17,6 14,5 113 7 - une réforme agraire portée par le Mouvement des pay-
Centre- 7 7,2 125 9,7 sans sans terre, (MST), très radicalisé. Cette réforme est
Ouest perçue comme un facteur de lutte contre la pauvreté, de
* Brésil = 100% 5 Sur 180 millions d’habitants, on compte 40 millions de personnes dont la
consommation dépasse celle des 10% les plus riches en Europe et 140 mil-
lions de personnes à revenu modeste, d’habitants des favelas et de paysans
- Selon une autre perspective, cet espace se caractérise par pauvres. Selon l’Atlas de l’exclusion sociale, 50.000 familles détiendraient
4 Hervé Théry, Le Brésil Armand Colin (5ème édition) 2005 ; Martine Drou- 42% du revenu national qui en ferait le grand pays le plus inégalitaire de la
lers et Céline Broggio. Le Brésil - Que sais-je ? N°628, 2005. planète.
20   //

création d’emploi, de freinage des migrations internes et de plique à la fois la préservation de la forêt primaire, de la
rééquilibrage régional, mais qui est difficile à réaliser du fait biodiversité et la lutte contre les défrichements illégaux par
des résistances des grands propriétaires. le feu, source d’émission à effets de serre.

ii) et territoriale Encadré 4 : Le problème de la double concen-


- une extrême concentration spatiale du développement tration géographique et sociale des richesses.
(sur l’axe Sud-Ouest/Sud ; l’État de Sao Paulo assurant un Un enjeu des politiques de développement- que le PAC
tiers du PIB, 58% de la production industrielle et plus d’un et la PNDR cherchent à affronter- consiste à briser le pro-
tiers des exportations) et de très fortes disparités de PIB cessus aux termes duquel toute croissance notamment
par tête de la région Sud est 4,5 fois supérieur à celui du par l’exportation, se traduit au Brésil, par une concen-
Nordeste, le taux d’analphabétisme de 8% contre 27% ; tration des revenus et une accentuation des inégalités.
Cette « malédiction » est attribuée aux faits que cette
- une métropolisation et la maîtrise difficile d’une urbani- croissance se concentre sur les régions les mieux do-
sation rapide et très poussée (82% de la population; Sao tées et les plus riches et que l’accumulation du capital
Paulo 18 millions d’habitants ; Rio 12 millions avec 600 ne repose pas tant sur la production industrielle que sur
lotissements illégaux et 500 favelas) ; une forte fragmenta- l’agrobusiness d’exportation. L’investissement tend alors
tion de l’espace avec des zones périphériques sans infras- à s’orienter vers la production de biens d’usage pour les
tructures, à taux de chômage élevés, violences, etc. et des classes consommatrices les plus riches et les bénéfices
zones riches et bien équipés ; de l’intensification de l’exploitation agro-industrielle (82%
de la balance commerciale et 35% du PIB) reviennent
- la « déruralisation » qui provoque l’exode de paysans sous forme de rente foncière à ces mêmes catégories et
pauvres vers les villes ou les fronts pionniers, de zones mar- accroissent ainsi leur capacité de consommation.
quées par la malnutrition infantile, l’analphabétisme, la faible
espérance de vie, etc. ; Des doutes s’instaurent : « Qui va investir dans des zones
peuplées de personnes analphabètes, sans électricité,
- l’avenir de l’Amazonie – la plus grande réserve mondiale sans eau potable ni égouts, et d’où on ne peut même
de biodiversité, qui constitue un enjeu planétaire - qui im- pas faire sortir la marchandise, si ce n’est en camion par
//  21

des fondrières ? Tout au plus y fera-t-on de l’élevage ou ont eu tendance à se spécialiser dans les industries forte-
du déboisement ». Comment « intérioriser le développe- ment intensives en ressources naturelles et générant moins
ment économique en l’appuyant sur une modernisation de valeur ajoutée.
de l’accès aux ressources, non plus seulement dans les
centres côtiers et les régions riches, mais dans tout le La redistribution dissimule certains dysfonctionnements,
pays et en faisant des classes populaires les sujets du notamment :
développement économique » ? - un défaut de coordination des politiques, notamment de
développement ;
Source : www.autrebresil.com - la crise financière des États et des municipalités.
Ces dysfonctionnements tendent à renforcer le rôle de
l’État fédéral et à opérer des formes de recentralisation.
1.3 Organisation du
Encadré 5 : Vers une recentralisation des fi-
territoire nances publiques ?
Dans un pays aussi vaste et différencié, l’État fédéral doit
Le Brésil est un pays fédéral doté depuis 1988 d’une avoir un rôle de régulateur, de coordinateur et de résolu-
constitution très décentralisatrice, répondant à la forte re- tion des conflits. Or la décentralisation, en accroissant
vendication d’autonomie des États et métropoles les plus les prérogatives des unités périphériques, a déclenché
puissants. Elle définit 3 niveaux de gouvernement : l’Union, au cours des années 90 une vive concurrence fiscale
les 26 États (plus le District Fédéral) et les 5 500 collectivités entre États. Elle a provoqué des déficits excessifs et un
locales (municipios) - dont 2 000 créées au cours des 3 endettement ; elle a développé une propension à capter
dernières décennies. des aides fédérales plutôt qu’à mieux collecter l’impôt,
Ces entités sont toutes dotées d’une constitution, d’un qui a affaibli la fonction régulatrice et la capacité de l’État
exécutif et d’un parlement et d’une large autonomie po- fédéral à réduire les inégalités et disparités régionales.
litique, administrative, financière et- avec quelques limites
- fiscale. Une réaction s’est produite avec le plan Real ; l’État fé-
déral a limité la liberté d’emprunt des États, ainsi que les
Chaque niveau dispose de ressources propres : systèmes de péréquations ; il leur a imposé des règles
Union : impôts sur le revenu et les produits industrialisés ; plus contraignantes de renégociation et de rembourse-
droits de douane ; ment de leurs dettes ; il leur a transféré des compétences
États : impôts sur la circulation des marchandises et sur sans des ressources correspondantes, dans le cadre
les services (TVA à très large base) et sur les véhicules de la loi de 2000 de responsabilité fiscale ; en consé-
automoteurs ; quences, et avec l’ouverture économique, l’État fédéral
Municipalités : impôts sur la propriété et sur la transmission a capté les ¾ de l’accroissement des recettes fiscales.
des biens immobiliers et taxes sur les services, l’éclairage Source : A Brami Celentano et JM Siroli, Mondialisation et politique fis-
public et la collecte des déchets. cale, CERI Etudes N140, 2007
Les très forts écarts entre recettes propres et dépenses,
accentués par les disparités de développement entre terri-
toires, ont conduit à concevoir un système de péréquation 1.4 Les politiques de
et de transferts financiers qui s’opèrent de l’Union vers les
États et des États vers les municipalités. L’Union transfère développement
13% de ses revenus (4% du PIB en 2005) en majorité -
pour 93% - sous formes de transferts « redistributifs », sans territoriales
conditionnalité d’affectation pour les 2/3 des cas ; ils sont
calculés en fonction de coefficients basés sur des critères Elles relèvent des administrations suivantes :
de population, de revenu par habitant, de superficie et de
statut administratif ; d’autres transferts de type compensa- Le Ministère de l’Intégration nationale6 est en charge de
toire et dévolutif (partages des impôts) sont possibles, ainsi la PDNR : il formule des plans et programmes régionaux de
que des « transferts légaux » ou subventions ponctuelles développement et définit des stratégies d’intégration des
aux services publics et sociaux. Le Nord et le Nord Est ont économies régionales et « d’ordonnancement territorial ».
bénéficié d’à peu près la moitié des transferts. Ces régions
6 www.integracao.gov.br
22   //

Chargé de leur mise en œuvre, il doit s’assurer de la coordi- exerce une tutelle sur les centres de recherche publique
nation entre ces programmes et de leurs interactions avec et alloue les 2/3 des fonds publics pour la science et la
les politiques sectorielles, menées par d’autres ministères technologie. Même s’il n’est pas directement impliqué dans
fédéraux. Il doit se concerter avec les partenaires nationaux l’aménagement du territoire, il participe par le truchement
et régionaux et produire un rapport annuel d’évaluation. de son agence de financement FINEP à des initiatives de
Une Chambre des politiques d’intégration et de développe- politique régionale pour créer ou renforcer les infrastruc-
ment régional et un Comité de coordination fédérative au- tures de R&D et mener à bien la réforme de l’Enseignement
près de la Présidence composés de représentants des 23 Supérieur Public. Via des mécanismes spécifiques il réserve
ministères ont été créés pour suivre l’élaboration, le suivi et une part des fonds environ 30% pour les États du Nord,
l’adaptation de ces programmes. Cette chambre présente du Nord-Est et du centre-Ouest. Il entre aussi dans des
au Congrès, les plans, programmes et actions à inscrire cofinancements avec les États et contribuent à un grand
dans les plans pluri annuels, le PAC et les budgets. nombre de programmes de compétitivité et d’innovation
locaux et régionaux.
Ce ministère se compose de 5 secrétariats dont ceux des
politiques de développement régional et du développement Le Ministère du Développement de l’Industrie et du Com-
du Centre Ouest, ainsi que des unités de gestion des pro- merce International (MDIC) est quant à lui responsable de
grammes régionaux et des agences dont SUDAM (Amazo- la formalisation de la politique industrielle. A travers ses
nie) ; du Nordeste et de la Vallée du fleuve San Francisco. Il priorités et objectifs stratégiques, le MDIC contribue à la
exerce d’autres compétences en matière de défense civile, mise en œuvre de la politique d’innovation brésilienne et
d’irrigation et de lutte contre la sécheresse. à affirmer sa dimension régionale. Les coordinations avec
le MCT, par exemple au sein du Fonds National pour la
Le Secrétariat au Développement de la production7 du Science et la Technologie (FNDCT), créé en 2007, ne va
Ministère du Développement, de l’industrie et du com- pas sans tensions.
merce extérieur8 concentre les actions – le plus souvent
sectorielles mais avec de fortes retombées territoriales - en
faveur de la compétitivité et développe une intelligence éco- 1.5 Le rôle de la société
nomique en matière industrielle. Il anime et gère le PENAI,
réseau d’information sur les investissements, un Forum de civile
la compétitivité, incluant un programme sur la compétitivité
des chaines productives, ainsi qu’un programme sur les « Des formes de participation résultent de la re-démocrati-
Arrangements (ou systèmes) Productifs Locaux » (voir cha- sation politique et du renouveau associatif qui ont suivi la
pitre 2) dictature d’une part, et sont d’autre part favorisées par la
Constitution de 1988 qui reconnaît le droit à la participation
Le Ministère des villes9. Créé en 2003, il est doté de 3 se- sociale, accorde une autonomie pleine aux municipalités et
crétariats d’État (logement, assainissement et programmes crée des mécanismes de participation sociale à la gestion
urbains). Ce dernier traite des questions de planification ur- publique. En brésilien, on parle souvent de délibération – à
baine, d’appui à la gestion municipale et de légalisation fon- la fois discussion et décision – comme peut le faire un tri-
cière. L’une de ses missions est de concevoir et promouvoir bunal. L’article 14 reconnaît que la souveraineté populaire
un « statut des villes » définissant leurs actions directes, les peut être exercée, non seulement à travers le vote, mais
transferts de ressources, les actions de mobilisation et les aussi par des initiatives populaires et l’art. 26 exige la parti-
« capacités » et d’apporter une assistance technique aux cipation des représentants des associations à l’élaboration
municipalités dans la préparation et mise en œuvre de plans des politiques locales, notamment en matière de politique
directeurs et de règlements fonciers (il a publié une série de de santé (art. 204) et de sécurité (art. 227).
manuels et de plan de travail sur ces sujets). Ses priorités
sont l’appui à la gestion et à la planification urbaine et la Encadré 6 : Innovations locales et initiatives de
légalisation foncière (voir chapitre 4). la société civile
Des expériences locales brésiliennes, telles que le « bud-
Le Ministère de la science et de la technologie (MCT) get participatif » municipal, montrent que la participation
directe des citoyens dans les choix des priorités de dé-
7 www.desenvolvimento.gov.br veloppement socio-économique consolide la démocra-
8 www.midic.gov.br tie, facilite la réalisation des objectifs définis, grâce au
9 www.ciddes.gov.br
//  23

contrôle social, dans de meilleures conditions, et oriente Source : www.autrebresil.com


les actions sur des objectifs qui prennent mieux en Des milliers d’entreprises sociales (coopératives populaires,
compte les besoins essentiels et la population défavo- associations, entreprises autogérées, collectifs divers, ac-
risée. tivités autonomes) - dont beaucoup ont un caractère in-
formel- témoignent de la capacité d’initiative de la société
D’autres exemples, pris dans le vécu brésilien, peuvent civile et des mouvements sociaux. Elles ont toutes un but
être cités. économique lié souvent à des stratégies de création de
- Des milliers de groupes de paysans mettent en place revenu et de survie (artisanat, recyclage, services divers).
une agriculture durable, qui assure sécurité alimentaire et Selon le rapport d’évaluation leur nombre, estimé par le
nutritionnelle, rend des services à l’environnement (pré- nouveau « système national d’information de l’économie
servation des sols, de la biodiversité, des eaux), évite la solidaire » serait passé de 104 000 à 767 000 entre 2005
concentration urbaine et décentralise le développement. et 2007. Une étude portant sur 22 000 de ces entreprises
sociales atteste qu’elles offraient 1,7 millions d’emplois et
- L’économie solidaire rurale et urbaine invente de nou- avaient un CA de 653 Ms de Reis (260 millions €). Elles
velles manières de produire, d’industrialiser et de com- sont fortement appuyées par des institutions (municipalités,
mercialiser. Elle privilégie le marché de proximité, ce qui universités, hôpitaux) qui leur sous-traitent des fonctions
évite des coûts énergétiques, permet aux pauvres de ne de service (surveillance, entretien, jardinage, restauration,
pas vivre comme des assistés et se concentre sur les etc.), ainsi que par des ONG. Elles sont aussi aidées par
besoins fondamentaux. des réseaux d’institutions financières et par quelque 46
banques communautaires.
- Devant le grave problème du manque d’habitations, des
initiatives décentralisées de construction d’immeubles, Encadré 7 : un exemple de banque communau-
s’appuyant sur le coopérativisme et sur les matériaux taire
locaux, ont été conduites qui tendent à s’étendre aux La banque locale Palmas, qui a reçu le prix des objec-
quartiers, les résidents assumant leur quartier: construc- tifs du Millénaire pour le Développement décerné par le
tion de bâtiments publics pour les services de proximité, PNUD en est un exemple. Créée en 1998 avec 2 000
pavement des rues, assainissement, espaces verts, ser- réals, (770 euros) dans une banlieue pauvre de Fortaleza,
vices sociaux, travaux de manutention et maintien de la une ancienne favela devenue quartier, mais sans aucun
convivialité. établissement bancaire. Elle associe le microcrédit et
une monnaie locale. Elle a aujourd’hui un portefeuille
- De nombreuses expériences démontrent que la forêt de 675.000 euros prêtés par la banque du Brésil - dont
« debout » a plus de valeur que ce qu’on pourrait y faire elle est devenue correspondante locale - et par l’État du
sur son sol, qu’on peut y pratiquer une gestion qui évite Ceara. Elle a réalisé 800 emprunts à la production et 1
son appauvrissement et au contraire l’enrichit d’espèces 200 prêts à la consommation sans taux d’intérêt, tou-
exploitables, à condition d’investir sur le long terme et chant 5 000 habitants. Son réseau distribue du microcré-
sur les populations locales. dit à 3 500 familles.
(voir www.banquepalmas.fr et Joaquim Melo Vive Favela - L’éveil d’une
- Les élites et le gouvernement veulent détourner les économie populaire - Ed. Michel Lafon, 2009)
eaux du fleuve São Francisco à l’intérieur du Nordeste
qui manque d’eau. Mais ils portent peu d’attention à la L’économie solidaire, dont se réclame ce tiers secteur, fait
« Campagne pour un million de citernes domestiques », l’objet d’une conférence nationale qui a contribué à éla-
qui recueille l’eau de pluie des toits et d’aires construites borer en sa faveur une politique d’appui du gouvernement
à cet effet. Les quelques dizaines de milliers déjà fédéral et de financement par des prêts de la Banque du
construites à bas prix par les gens eux-mêmes montrent Brésil. Un programme du ministère du travail (ciblé sur les
que les familles qui en disposent n’ont plus besoin d’émi- aides aux chômeurs) inscrit dans le PPA lui apporte divers
grer au moment de la sécheresse ou de dépendre des soutiens : centre de formation en économie solidaire et
faveurs des politiciens locaux pour leur ravitaillement. ingénierie d’accompagnement de projets et formation de
Complétée par des politiques d’agriculture et d’irrigation 510 agents de développement communautaire et de diri-
appropriées, les solutions existant déjà à l’échelle locale geants , aide à la création d’incubateurs de coopératives
ou micro-régionale, le problème de la misère et des mi- populaires, (60 en 2007) en lien et avec l’appui technique
grations serait en bonne partie résolu. d’universités, organisation de foires et d’événements com-
24   //

merciaux, conseils pour créer des réseaux de production- de près de 70 milliards €11) d’ici à 2010, soit, à un hori-
commercialisation- consommation et de chaînes produc- zon de 5 ans, environ 1 000 milliards de Réals. Dans ce «
tives. Selon un rapport d’évaluation de ce programme du paquet » sont inclus les investissements publics et privés,
PPA 10, les ressources limitées ont été insuffisantes et vite par exemple les nouveaux projets de l’entreprise nationale
épuisées, pour répondre à la demande de ces entreprises, PETROBRAS ou le projet de TGV Rio/Sao Paulo. Il s’agit
qui restent confrontées à des obstacles juridiques et n’ont d’écarter le spectre du sous-investissement qui limite la
pas accès aux marchés publics. croissance et réduit le potentiel d’exportation.

1.6 Le Plan de relance Il s’agit aussi de renforcer l’activité. L’industrie a perdu 650
000 emplois lors du seul mois de décembre 2008. Le ralen-
Il a surtout consisté à renforcer les grands chantiers prévus tissement affecte le secteur agro-alimentaire, le commerce,
dans le plan de d’accélération de la croissance (PAC) lancé l’industrie automobile mais aussi le BTP et les mines. La
en 2007. Un nouveau coup de fouet lui a en effet été donné crise du crédit et les taux élevés rendent la situation plus
au début 2009. Le montant initial de 500 milliards de Réals difficile (inflation de 6% en 2008).
(BRL) est porté à près de 700 milliards (soit un supplément
11 Taux de change de février 2009
10 Source : www.fbes.org
//  25
at t r a c t i v i t é ,
compétitivité
//  27

Pour conforter son dynamisme économique, réduire le chô- participation des entreprises aux industries du savoir. Les
mage et diminuer la pauvreté, le Brésil doit impérativement autorités sont enfin conscientes que le manque de person-
à la fois augmenter la croissance et mieux la diffuser à tra- nel qualifié est un obstacle majeur au développement de
vers le pays. Le renforcement du potentiel de développe- technologies brésiliennes et à l’amélioration des produits.
ment des territoires peut se réaliser en captant les inves- Elles sont donc appelées à prendre des initiatives pour éle-
tissements directs et le Brésil, depuis longtemps, compte ver le niveau d’éducation de la population et renforcer la
sur le capital étranger pour bénéficier des technologies qui formation initiale dans les territoires.
lui permettront d’élever la compétitivité des industries lo-
cale et régionales. Dans ce domaine, la politique vis-à-vis
des petites entreprises peut aussi apporter une contribution
importante. Les PME sont une force majeure de création 2.1 La promotion des in-
d’emplois. Elles recèlent par ailleurs des capacités d’inno-
vation souvent négligées qui peuvent plus facilement se vestissements produc-
matérialiser lorsque les PME se regroupent en clusters.
tifs
Selon le BIT 1, entre 1980 et 2005, la productivité du sec-
teur agricole au Brésil a cru de 3,6% par an. En revanche, Le Brésil est l’un des principaux bénéficiaires - hors OCDE
elle a baissé de 17% dans l’industrie sur la même période. - des Investissements Direct Etrangers. L’analyse des in-
Donc, si le pays veut tirer le parti maximum de ses impor- vestissements des entreprises et des banques officielles
tantes ressources et de son secteur primaire, il lui faut in- (BNDES*, BNB, BASA) révèle la nature spatialement sélec-
vestir plus et fortement améliorer l’effort de R&D. Le gou- tive de ces investissements. Certains auteurs considèrent
vernement fédéral, mais aussi les États, ont récemment qu’il existe une division du travail entre les régions brési-
diversifié leur panoplie d’intervention pour stimuler la mise liennes, une part importante de ces investissements se di-
au point de produits et procédés nouveaux et accroître la rigeant vers le Sud Est, c’est-à-dire vers les territoires qui
assurent le dynamisme de l’économie, alors que les sec-
1 BIT : Bureau International du Travail
28   //

teurs les plus légers de l’industrie, moins intenses en capi- nouvelles (voir chapitre 5).
tal, se concentrent sur les autres régions Nord, Nord-Est et
Moyen–Ouest, où les incitations sont plus substantielles et A noter également que le gouvernement s’efforce d’attirer
les coûts de main d’œuvre moins élevés. les investissements à travers des rabais fiscaux et d’autres
avantages dans les régions moins développées, via des
Les chiffres montrent que le Sud Est attire au début de zones franches ou des zones déréglementées. C’est le cas
la décennie 87,5% des investissements des entreprises par exemple du Pôle industriel de Manaus (PIM) en Ama-
à participation étrangère (4,2% pour le Nord-est et 4,7% zonie 4. La SUFRAMA (l’Agence fédérale pour l’Amazonie)
pour le Sud), les chiffres étant encore plus accusés pour accorde des exemptions fiscales 5 aux firmes installées sur
les entreprises à contrôle étranger. Au total, les investisse- le PIM et contrôle le pourcentage de produits locaux dans la
ments directs en 2000 représentaient 33 milliards US$ pour fabrication des produits finaux. Les entreprises concernées
s’établir ensuite un peu au-dessous de 20 milliards du fait doivent lui remettre un rapport annuel. La SUFRAMA dis-
de la crise. On notait alors les difficultés du Brésil à mettre pose de ressources et finance des études, des formations
à profit l’augmentation du stock de capital. Comme le pro- et un peu de recherche. Elle est parfois critiquée pour son
cessus de privatisation touchait à sa fin, on pronostiquait approche très traditionnelle du développement local.
un déclin de la tendance. Cette stabilisation, autour de 20
milliards US$ au cours des années 2004-2006 - a toutefois
été de courte durée. L’IED est remonté à 33,7 milliards US$ 2.2 Le soutien à la petite
en 2007 et a même atteint l’année dernière 45 milliards en
dépit de la crise financière 2. Cette consolidation doit beau- industrie
coup aux investissements pétroliers, miniers et gaziers ainsi
qu’au secteur de l’agriculture et de l’élevage. Les très petites et petites entreprises représentent 98% des
4,1 millions d’entreprises brésiliennes. De plus, il y a entre
Le gouvernement reste néanmoins préoccupé par le déclin 10 et 14 millions d’entreprises informelles, ces chiffres in-
relatif des investissements des entreprises, passé de 18,6% tégrant les 4,1 millions d’exploitations agricoles familiales.
du PIB en 2002 à 17,4% en 2007, malgré une contribution Plus de la moitié des 70 millions de personnes qui consti-
à peu près stable de l’IED sur la même période (2 à 3% tuent la population active dépend ou a une liaison forte avec
du PIB). Les Autorités fédérales souhaitent éliminer cette ce tissu de petites et moyennes entreprises, qui génèrent
décote (investment gap) et se sont fixé un objectif de 21% le plus d’emplois (28,7 millions) puisque les grandes entre-
pour 2011. prises à la recherche permanente de plus de productivité et
de compétitivité recrutent de moins en moins de personnel.
Dans ce domaine, la BNDES* (Banque National pour le Dé-
veloppement économique et social) continue de jouer un C’est le rôle du Service Brésilien d’Appui aux Très Petites et
rôle majeur pour appuyer l’investissement public et privé 3. Petites Entreprises (SEBRAE) d’accompagner le dévelop-
Elle est une des principales sources de financement pour pement durable des petites entreprises. Il le fait à travers
les grands projets stratégiques notamment en matière hy- une multitude de dispositifs de formation, d’accompagne-
droélectrique, pour les industries lourdes et l’automobile. ment et de conseil, de stimulation à la coopération entre en-
La BNDES a rendu viable de nombreux projets dans les treprises, de création de réseaux et d’appui aux démarches
régions moins développées du Nord, Nord-Est et Centre- de développement local (voir Encadré 1). Le SEBRAE as-
Ouest grâce à des conditions de financement favorables, sure aussi un appui aux collectivités locales (voir chapitre 5).
des taux d’intérêt modérés et des périodes de rembour-
sement étendues. Longtemps concentrée sur la demande Le MIDIC, quant à lui, a mis sur pied le programme des
des grandes entreprises la Banque dans la période récente « arrangements productifs locaux » ou APL (similaires aux
s’est de plus en plus tournée vers les PME, en créant un SPL français) incluant un plan de développement des mi-
département spécifique pour ces entreprises. Par ailleurs, cro-PME et un plan de développement des APL ou clus-
elle est venue étayer les efforts du Ministère de la Science et ters (généralement de basses ou moyennes technologies),
de la Technologie (MCT) et de la FINEP en matière d’innova- supervisé par un Groupe de Travail permanent au sein du
tion, en soutenant le capital risque et l’aide aux entreprises
4 Les activités mises en œuvre sur le PIM sont la construction de ‘2 roues’
2 La France a d’ailleurs pris pleinement sa place dans ce mouvement, réa- (Honda), les produits électroniques pour le consommateur (TV, radio, CD,
lisant 3,6 % de l’IED en 2007 pour monter à 6,5% en 2008. Source : plano vidéocassettes, DVD), la plasturgie et l’horlogerie.
plurianual 2008-2011 p 158. 5 Les exemptions fiscales ont été prorogées pour 10 ans en 2003, malgré
3 La BNDES est une banque nationale créée en 1952 l’opposition des États du Sud.
//  29

Ministère du développement. Ce groupe a identifié parmi do Sul) et du logiciel à Joinville (Santa Catarina) et à Bahia,
les 950 SPL existants, 260 prioritaires. Une méthodologie Pernambuco). On trouve aussi des clusters dans l’agro-ali-
intégrée d’appui, apporté par 27 réseaux de services - pu- mentaire, notamment pour la production de fruits à Petro-
blics et privés - s’articule à des mesures d’aide financière. lina (Pernambuco, Juazeiro (Bahia) et Mossoro/Assu (Rio
Chacun de ces SPL est incité à élaborer un plan straté- Grande do Norte) ou pour la production de soja fortement
gique centré sur l’intégration des entreprises dans le ter- concentrée autour de Barreiras (Bahia), Balsas (Maranhao)
ritoire et la coopération entre les acteurs. Un programme et le sud de Piaui.
spécial d’appui à l’exportation (PESEX) propose aux SPL
des conseillers à l’exportation qui les aident à résoudre les En matière de promotion de clusters, deux initiatives retien-
problèmes technologiques, commerciaux et de gestion, en nent particulièrement l’attention.
vue d’accroître la productivité et les exportations. Le MIDIC
a aussi créé un Forum de la Compétitivité et un programme Dans le Nordeste, Pro–Northeast Initiative (Iniciativa pelo
« compétitivité » des chaînes productives, très sectoriel. Nordeste) se concentre sur le développement des relations
commerciales et la coordination dans les grappes d’entre-
Un bon nombre de ces clusters se sont développés dans prises. Pro-North a été lancé par 3 États (Bahia, Ceara et
des régions rurales. On peut citer les clusters du meuble Pernambuco). Même si cette opération est maintenant ter-
à Espirito Santo, Uba City (Minas Gerais) et Serra Gaucha minée, elle a été créditée de bons résultats en dépit de ses
(Rio Grande do Sul) ; de la chaussure à Franca (Sao Paulo) faibles ressources et de son manque d’envergure. Elle a été
et Nova Serrana (Minas Gerais) ; ceux du textile et de l’ha- reprise par d’autres États comme le Rio Grande do Norte.
billement à Nova Friburgo (Rio) et à Campina Grande (Pa-
raiba), ceux du tourisme écologique à Bonito (Mato Grosso Lancée par la Banco do Nordeste, le programme « Phare
30   //

du développement » (Faro do Desenvolvimento ou Farol) pour la fin des années 90 et le début des années 2000. Les
est plus ambitieux. Il vise à créer dans chaque localité de secteurs et subséquemment les régions où se concentrent
la région un climat favorable au développement. Farol est les grandes entreprises (Sud-Est) se taillent la part du lion
présent dans toutes les municipalités du Nord est, du nord pour les dépenses de R&D.6
du Minas Gerais et du Nord d’Espirito santo. Il s’agit essen-
tiellement d’un forum permanent entre les représentants lo- Encadré 8 : Les performances mitigées du Brésil
caux, les pouvoirs judiciaires, les syndicats, les entreprises en matière de recherche et d’innovation
publiques, les leaders religieux et les ONG, se réunissant 6 L’intensité de R&D est encore assez faible dans le pays,
fois par an sous la présidence du staff local de la Banque. environ 1,02% du PIB en 2006 (c’est-à-dire inférieur aux
Les débats ont pour objectifs de promouvoir les opportuni- scores des autres membres du BRIC mais supérieur tou-
tés de développement des producteurs locaux, de contri- tefois au Portugal, à la Pologne au Mexique ou à l’Argen-
buer à l’intégration des réseaux locaux, de coordonner les tine). Ces dépenses sont réalisées à près de 60% par le
initiatives des municipalités contiguës, de mettre en œuvre secteur public. Le secteur des entreprises ne représente
des partenariats et de construire une vision pour le futur. que 30% des dépenses de R&D et d’innovation. Il investit
0,64% de ses revenus en matière de produits et de pro-
En Amazonie, BASA poursuit aussi depuis le début de la cédé nouveaux définis dans un sens large pour inclure
décennie une stratégie de promotion des clusters fondés les achats d’équipements.
sur une cartographie de ces clusters, l’identification des
obstacles à leur développement et des propositions de re- Les ressources humaines sont un enjeu essentiel pour
mèdes à leurs problèmes. la R&D. Les investissements sont en effet limités par le
faible nombre de chercheurs et par ailleurs peu d’entre
A l’échelon fédéral, le Programme pour le développement eux travaillent dans le secteur privé (11%). On ne compte
durable des espaces infrarégionaux (PROMESO) vise à actuellement que 1,48 chercheur pour 1.000 emplois et
améliorer la capacité d’intervention des parties prenantes seulement 10,7% des diplômés de l’université ont un di-
locales et encourager les efforts associatifs et coopératifs plôme en science et ingénierie. Moins de 8% de la popu-
pour renforcer les agents productifs locaux qui démontrent lation âgée de 25 à 64 ans étaient diplômés de l’ensei-
un potentiel d’intégration dans les clusters et les chaînes gnement supérieur en 2004 et les emplois en science et
productives. La carte ci-dessus indique les différents ter- technologie représentaient 18,4% de l’emploi total.
ritoires d’application de PROMESO. Le Ministère de l’In-
tégration fournit aussi des aides aux clusters via son pro- Des progrès ont été cependant enregistrés. Le Brésil
gramme PROMOVER et des appels à projet. Pour que ces produit 0.31 brevet triadique (déposé simultanément aux
projets soient éligibles, il est nécessaire cependant, qu’ils États-Unis, au Japon et auprès de l’Office européen de
soient conduits par des clusters situés sur les zones priori- brevets) par million d’habitant, ce qui le place au même
taires du Ministère. niveau que les autres BRIC. Les demandes à l’USPTO
(Office américain) sont cependant très inférieures à celles
de la Chine. Les dépôts de brevet par les universités se
2.3 Les actions fédé- sont néanmoins accélérés au cours des dernières an-
nées. La part du Brésil dans les articles scientifiques
rales pour la R&D et mondiaux* a atteint 1,4%, soit une part aussi forte que
celle de la Suède, après avoir plus que doublée entre
l’innovation 1995 et 2005**. Cette progression est inférieure à celle
de la Chine et de la Corée mais similaire au Portugal et
Au Brésil, les entreprises en général et pas seulement les à Singapour.
PME semblent mal armées pour répondre aux défis de l’in-
*En 2000, 50% des articles universitaires concernent les sciences
novation et pour investir dans des activités de R&D. Dans du vivant, 33% la physique et 13% l’ingénierie, la technologie et les
le pays d’ailleurs seulement 1/3 des firmes de plus de 10 mathématiques.
**Le nombre de citations des publications brésiliennes est passé de 1.056
employés se sont engagées dans des activités d’innova-
tion sur la période 2001-2003 et si on s’en tient à la seule 6 Le taux d’innovation a cependant cru plus rapidement dans les secteurs
innovation de produits (qui dépend moins de l’absorption avec une grande prévalence des plus petites entreprises. Ainsi le secteur des
équipements de transport et des véhicules à moteurs a vu sa part dans les
de technologies extérieures et de l’achat d’équipements), dépenses de R&D passer de 13 à 26 % entre 2000 et 2003. Pour le textile,
le chiffre est très faible et relativement stable autour de 6% le taux d’innovation a progressé respectivement de 14 à 26 % entre 1998-
2000 et 2001-2003 (voir OCDE rapport Brésil - 2006).
//  31

par article publié en 1981 à 1.862 en 1998.

Ce retard accusé en matière d’accès à l’internet haut dé-


Le gouvernement a pris pleinement la mesure de l’enjeu et bit s’explique par plusieurs freins, identifiés par le secré-
l’innovation figure parmi les toutes premières priorités des taire d’État : un prix élevé des connections (47 US$ pour
Autorités fédérales depuis le début du premier mandat du 1Mb/sec), une absence d’infrastructure et des situations
Président Lula en 2002. Ainsi, la loi de 2004 sur l’innovation de quasi monopoles ( 86% du marché pour 3 opérateurs)
(dessinée dans une certaine mesure d’après le modèle de la avec dans certaines régions un opérateur dominant.
loi Allègre de 1999) lève un certain nombre d’obstacles ré- Ces opérateurs téléphoniques ont intérêt à maintenir
glementaires à la création d’entreprises par les chercheurs. l’usage téléphonique. Des interruptions fréquentes de
Quant à la loi de 2005, dite « loi positive », elle a autorisé connexions (de 3 jours récemment à Rio) génèrent des
les firmes à bénéficier de subventions non remboursables coûts élevés.
au travers du programme d’aides économiques à l’innova-
tion. Les subventions aux entreprises vont d’ailleurs croître Le gouvernement fédéral fait le constat de l’incapacité
considérablement pour atteindre 286 millions d’euros en du secteur privé à répondre à la demande : les barrières
2006. De nouvelles incitations fiscales à l’innovation 7 sont ne sont pas réglementaires mais liées au marché et aux
votées en 2005 ainsi que de nouvelles dispositions pour infrastructures. Il ne veut pas intervenir sur un marché
améliorer le partage des droits de propriété intellectuelle déréglementé, mais le Secrétariat à la Logistique et la
entre les entreprises, les centres de recherches et les insti- Technologie de l’information du Ministère du Plan, du
tuts universitaires. Budget et de la Gestion – qui s’occupe du développent
des TIC dans l’administration, a annoncé le 1er octobre
Les priorités technologiques de l’État fédéral ont été en 2009 un vaste projet d’intranet entre toutes les adminis-
outre clarifiées. Plusieurs secteurs sont devenus straté- trations fédérales et des services publics (administra-
giques sous l’administration Lula, notamment l’énergie, tions, mairies, postes de police, écoles, postes de santé,
l’Espace, l’Aéronautique et la santé. En Novembre 2007, le hôpitaux, etc.) afin d’améliorer la gestion publique, de
Ministère de la Science et de la Technologie (MCT) a lancé créer de nouveaux services (éducation à distance et in-
un plan scientifique et technologique comprenant 21 lignes formation technique) et à réduire le coût des usages du
d’action et 88 initiatives (PACTI). Le budget du MCT 2008 téléphone.
a quant à lui accordé une forte augmentation et presque
décuplé les programmes scientifiques pour l’inclusion nu- Il consiste à utiliser un réseau de fibres optiques exis-
mérique, le développement social et les communautés tra- tant de grandes entreprises nationales et à l’étendre à
ditionnelles. tout l’intérieur du pays. Ce plan sur 3 à 5 ans doit per-
mettre de créer un réseau public en plusieurs anneaux de
Encadré 9 : Infrastructures numériques et haut 31.000 km avec 135.000 points d’accès.
débit Source : www. planejamento.gov.br ; conférence de presse du
Le nombre d’accès au haut débit a plus que doublé de- Secrétaire d’État du 1er octobre 2009
puis 2005 pour atteindre pour atteindre 13 millions en juin
2009, mais la pénétration reste limitée à 5,26% de la po- Au Brésil, le mix des instruments utilisés au niveau fédéral
pulation (France 23%). Par ailleurs 72% des connections donne plutôt l’avantage (en volume) aux soutiens directs
sont réalisées pour des vitesses inférieures à 1 Mbps. à l’innovation qu’aux incitations fiscales aux dépenses de
Cette évolution a été favorisée par des programmes R&D. Ces soutiens passent pour l’essentiel par un fonds, le
gouvernementaux accordant des dégrèvements fiscaux FNDCT 8 géré par la FINEP. Ce fonds a connu des change-
aux consommateurs achetant des PC bons marché. Le ments en 2000-2002 avec la création des fonds sectoriels,
secteur des entreprises et surtout des petites entreprises lorsque l’aide gouvernementale a été dirigée en priorité vers
est encore très peu raccordé. Il ne représente que 13% les coopérations industrie/recherche publique 9.
des souscripteurs aux services internet. La répartition
géographique est très polarisée et demeure stable, l’État Les firmes qui ont reçu des aides directes ont augmenté
de Sao Paulo concentrant 40,2% du marché pour une de 60% entre 2000 et 2005, mais peu de changements
pénétration de 7%. 8 Fundo Nacionalde Desinvolvimento Cientifico e Technologico.
7 Les revenus générés au travers des incitations fiscales sur la R&D sont 9 On compte 16 fonds sectoriels: Gaz et pétrole, Energie, Ressources hy-
estimés en 2005 à environ 1,6 milliard de Reis ou approximativement 0,1% driques, Transport, mines, Activités spatiales, télécommunications, infor-
du PIB. Des exemptions fiscales sont aussi accordées aux universités et matique, Coopération Université/Industrie, Infrastructure, Agriculture, Bio-
centres de recherche, les exonérant des droits d’importation sur l’achat technologies, Santé, Aéronautique, Région Amazone, Transport fluviaux et
d’équipements scientifiques et de matériels. constructions navales.
32   //

ont été enregistrés pendant la même période, s’agissant ments et à une fragmentation des financements et des
du nombre relatif d’entreprises engagées dans des activi- stratégies. Plusieurs structures poursuivent néanmoins
tés d’innovation. La part des revenus affectés à l’innovation leurs efforts pour améliorer la coordination intergouver-
augmente légèrement de 2,5% à 2,7% entre 2003 et 2005. nementale. C’est le cas du Conseil des Secrétaires d’État
Les performances sectorielles en 2005 sont très variables pour la Science, la Technologie et l’Innovation (CONSEC-
(68,9% pour le secteur des services en R&D, 5,9% pour l’IT TI) et du Conseil national des Agences de Recherche de
et 3,3% pour les télécom). États (CONFAP) dans de nombreux Forums et particuliè-
rement au sein du Conseil National de la Science et de la
Encadré 10 : Politique d’innovation et gouver- Technologie (CCT), une instance de la Présidence jouant
nance institutionnelle un rôle de coordination.
Les institutions centrales pour la politique de recherche
et d’innovation sont le Ministère de la Science et de la Compte tenu de sa jeunesse, le système de gouvernance
Technologie (MCT) et son bras armé l’agence pour l’in- de la politique d’innovation n’est pas encore stabilisé.
novation (FINEP – voir chapitre 5). Le Conseil National Plusieurs de ses composantes ne sont pas très actives
de Développement Scientifique et Technologique (CNPq) et le mandat de nombre de ces structures est encore
supervise tous les instituts publics de recherche (PRO). mal défini. Les liens entre elles sont aussi relativement
C’est aussi l’Agence de la recherche fondamentale. opaques. En outre, les responsabilités des différents par-
Quant au financement de l’enseignement supérieur, il tenaires ne sont pas bien établies. De nouveaux change-
est du ressort du CAPES, une agence du Ministère de ments sont donc à prévoir tant dans la gestion de l’en-
l’Education (MEC). Il faut aussi noter le rôle joué dans les semble que dans la carte institutionnelle.
années récentes par le Ministère du Développement, de
l’Industrie et du Commerce (MDIC). Ce ministère est res- Source OCDE, Economic Survey 2006
ponsable de la formulation de la politique industrielle au
travers de la nouvellement créée Agence pour le Déve- Les financements gouvernementaux sont pour une large
loppement Industrielle ABDI. C’est aussi le Ministère de part (près des 2/3) dirigés vers les universités publiques et
tutelle de INMETRO : l’Institut de Métrologie et de l’INPI : les instituts publics plutôt que vers les entreprises. Ce qui
l’Institut de la Propriété Intellectuelle. est en cohérence avec l’orientation relativement faible du
secteur des entreprises pour la R&D, le nombre de cher-
FINEP opère en coordination avec le CNPq et applique cheurs du privé (seulement 17% du total) étant en dessous
la politique du MCT. D’un côté, le CNPq distribue les de la moyenne des pays de l’OCDE.
subventions aux chercheurs individuels et aux groupes
de recherche et a été plus récemment impliqué dans le
financement des bourses pour chercheurs participant 2.4 La décentralisation
au programme d’innovation des entreprises. D’un autre
coté, FINEP soutient les activités STI dans les PRO pu- de la politique d’innova-
bliques et privées et les entreprises.
tion
La coordination de la politique d’innovation est res-
tée dans les mains du MCT jusqu’à l’établissement en Dans une fédération comme le Brésil, les États jouent un
2005 du CNDI : le Conseil Interministériel public/privé rôle important dans le financement de la recherche et déve-
de politique industrielle et de l’ABDI. Les priorités et loppement et dans la conception des politiques de science
programmes de ces instances sont maintenant couplés et technologie, même si la plupart du soutien aux entre-
avec ceux du MCT pour composer la politique nationale prises et aux institutions de R&D vient du gouvernement
d’innovation. Ce couplage ne va pas sans tension et les central. Les programmes ayant pour objectif de stimuler
pressions du MDIC pour exercer la coordination globale l’accumulation du capital humain et la recherche acadé-
n’ont pas été, pour l’heure, suivies d’effet. mique comptent pour plus de 2/3 dans les dépenses fé-
dérales de R&D en 2002. Ils incluent le financement de 52
Une coordination verticale existe aussi entre les agences Institutions d’Enseignement Supérieur (IES) fédérales, le
fédérales et des États fédérés. Les initiatives des États et CNPq et le CAPES (les deux agences fédérales de soutien
le soutien fédéral sont conçus et mis en œuvre de ma- aux recherches post-doctorales) et les transferts à EMBRA-
nière séparée, ce qui conduit souvent à des chevauche- PA*, l’Institut de Recherche Agricole brésilien. Les États
//  33

disposent d’une totale autonomie dans l’élaboration et la publique : Petrobras 10.


conception de leur politique scientifique et plusieurs d’entre
eux ont créé des agences de financement, de même que
des IES et des Instituts de recherche. Le ministère de la 2.5 Parcs scientifiques,
S&T estime que 35% des dépenses publiques de la R&D
était financé par les États en 2003. entrepreneuriat et
L’État de Sao Paulo est celui qui consacre le plus d’argent jeunes pousses techno-
à la recherche. C’est aussi vers lui que se dirige la part la
plus importante des fonds fédéraux pour la R&D. Cepen- logiques
dant dans cet état, 2/3 des budgets publics pour la R&D
viennent de l’État lui même, et notamment le financement L’élévation du nombre de jeunes pousses et de petites
des Universités d’État et des 19 Institutions de recherche. firmes à base technologique est un défi. Le nombre de ces
Ce soutien important de l’État fait de lui le deuxième in- firmes est peu important et les sociétés de capital risque
vestisseur en R&D d’Amérique latine, devant le Mexique se plaignent de la faiblesse des bonnes opportunités et du
et l’Argentine. Dans ce domaine, d’autres États sont aussi manque de préparation des nouveaux entrepreneurs sur-
actifs notamment celui de Rio de Janeiro, du Minas Gérais tout dans le domaine des hautes technologies.
et du Rio Grande do Sul, même si leurs budgets sont beau-
coup moins importants. Pour favoriser la création de ces entreprises, les gouverne-
ments créent souvent des parcs scientifiques ou des tech-
Les États disposent en général de fondations de recherche nopoles pour les attirer et conforter leur développement.
pour mettre en place leur politique : FAPESP (SP), FAPERG Au Brésil, l’Association pour la Promotion des Organisa-
(Rio) ou FAPEMIG (Minas Gerais). Ces fondations ne dispo- tions Innovatrices (ANPROTEC) a identifié 42 de ces parcs
sent souvent pas des fonds adéquats à l’exception de la technologiques (14 en projets, 13 dans une phase d’im-
FAPESP dans l’État de Sao Paulo. plémentation et 15 opérationnels). Ces parcs ont tendance
à s’agglomérer dans des régions particulières, puisque 34
Plusieurs États ont l’intention de voter une loi sur l’innova- d’entre eux sont situés dans le Sud et le Sud-Est, le Nord et
tion afin d’être en mesure de lancer une version régionale le Nord-Est ne comptant chacun qu’un seul parc. D’après
cofinancée (Fédéral/État) du programme de subventions ANPROTEC, les parcs se spécialisent dans les activités
pour l’innovation. L’État d’Amazonie s’est déjà doté d’une suivantes : électronique et TIC, biotechnologie, énergie,
telle loi, de même que Santa Catarina et le Mato Grosso (7 agroalimentaire et environnement. Plus de 80% des parcs
au total). 8 États devraient suivre cette année. ont des liens formels avec les universités et les institutions
de recherche (60% publiques et 40% privées).
Suivant le pacte fédéral (PACTI), la politique nationale de
STI réserve une part des dépenses (environ 30% pouvant Le gouvernement fédéral via la FINEP assure un soutien aux
monter à 40% dans certains cas) aux régions moins dé- parcs scientifiques et aux projets qu’ils conduisent. Plus de
veloppées au Nord, Nord-Est et Centre-Ouest. Ce méca- 70% des fonds sont destinés aux plans d’investissement
nisme a été récemment étendu aux zones périphériques (études de faisabilité). Au total via des appels d’offre, le
des états les plus avancés. Il alloue une bonne part des fi- portefeuille de FINEP comprend 25 parcs (voir chapitre 5).
nancements à l’économie, aux industries prioritaires et aux Ces parcs sont géographiquement très concentrés, avec
secteurs stratégiques. Il devrait aussi bientôt concerner les 18 d’entre eux implantés dans les régions Sud et Sud-Est.
dépenses d’infrastructures de R&D et certains éléments
des dépenses pour l’enseignement supérieur. A l’origine de ces parcs, il y a souvent des incubateurs lo-
caux. Ils sont toutefois beaucoup plus nombreux, puisqu’on
Les Institutions de financement se conforment aux direc- compte à travers le pays à peu près 400 incubateurs. Ces
tives du MCT mais certaines comme la BNDES ajoute leurs parcs poursuivent d’abord des objectifs immobiliers. Ils ont
propres listes de priorités. Les orientations ne sont pas tou- aussi été lancés dans les régions moins développées pour
jours claires pour les secteurs de ressources (énergie élec- fixer les diplômés localement et garder les ressources hu-
trique et pétrole) et en particulier pour la plus grande firme maines dans l’Université, les parcs étant dans beaucoup
10 Ces grandes entreprises publiques (Telebras, Petrobras) fournissent
15% du budget public de R&D. Le solde est assuré par les fonds sectoriels
FNDCT pour 27%, le BNDES pour 18% et le MCT pour 19%.
34   //

de cas des émanations des institutions d’enseignement su- cependant du secteur public et surtout de la Petrobras. A
périeur. Ils ont aussi souvent pris avantage de la présence noter que si 17% des firmes coopèrent avec d’autres firmes
de centres de recherche des grandes entreprises d’État : et centres de recherche dans l’Union Européenne (données
Telebras à Unicamp ou Petrobras à Rio. 2005), le chiffre n’est que de 11% au Brésil (données PIN-
TEC et EIS).

Les universités, surtout dans le Sud-Est, ont considérable-


2.6 Enseignement Supé- ment accéléré leurs activités en matière de brevet. On peut
citer par exemple : l’Université de Campinas : Unicamp
rieur et engagement (Sao Paulo) et l’Université fédérale du Minas Gerais (UFMG).
Unicamp est le premier détenteur de brevets au Brésil, de-
dans l’économie régio- vançant la Petrobras. Elle a créé une agence Inova* dont
l’objectif est de générer des revenus des brevets déposés
nale par l’Université et des licences accordées. Ces licences
pour la plupart sont exclusives, car le licencié coopère en
Pour élargir la base des industries et des services innova- général dans le cadre de contrat de R&D avec l’Université.
teurs, les Autorités fédérales doivent repousser les limites
imposées par le système d’éducation et son déficit de per- On constate un certain développement des CEFET : Col-
formance. Jusqu’à présent l’accès à l’éducation, à tous les lège d’enseignement et de formation technique. Ils se
niveaux et particulièrement à l’enseignement supérieur, est sont surtout développés dans le sud sur le modèle des «
insuffisant. Seulement 7,6% des 18-22 ans parviennent fachhochschule » du fait de l’influence des immigrés alle-
jusqu’à ce niveau. mands.

Très diversifié, le système d’enseignement supérieur est


dominé par des établissements privés à but lucratif, qui 2.7 Conclusions
ont contribué à l’expansion récente de l’offre éducative. On
recense 1.859 établissements d’enseignement supérieur Même si le Brésil a retrouvé une certaine stabilité macro-
(EES), dont 1.652 dans le secteur privé et 207 dans le sec- économique, il n’a pas encore réussi à diffuser les revenus
teur public. Les établissements gérés par l’administration de la croissance sur l’ensemble de son territoire. Il continue
fédérale représentent 40% du total, les établissements ad- aussi d’accuser des retards qui brident son rétablissement
ministrés par les états 31% et les établissements relevant économique : pénurie de personnel qualifié, baisse de la
de l’administration locale 28%. Il n’y a que 163 Universités, productivité dans le secteur industriel, faible intensité d’in-
qui constituent moins de 9% de l’ensemble des EES. Les novation des firmes, capacité d’innovation souvent igno-
étudiants qui fréquentent un établissement privé obtiennent rées, coopérations entre les firmes et avec les acteurs lo-
en général de moins bons résultats aux épreuves standar- caux peu développées, investissements en R&D modestes
disées. Les structures privées sont également spécialisées notamment de la part des entreprises.
dans les études de gestion et les lettres peu coûteuses, ce
qui empêche le rééquilibrage des qualifications au profit des Le gouvernement fédéral s’est engagé depuis 2004/5 dans
disciplines scientifiques et de l’ingénierie (OCDE 2006) 11. une politique active de compétitivité et d‘innovation, qui
commence à lever certains obstacles ; basée sur un mix
Les coopérations entre les EES et le secteur privé sont d’instruments elle a des effets potentiels appréciables, mais
encore faibles. Seulement 5% des financements de la re- très différenciés selon les territoires, et fortement déstabili-
cherche universitaire et de la R&D conduit dans les labo- sateurs dans la mesure où les moyens se concentrent dans
ratoires publics sont financés par le secteur privé (contre les régions les plus développées :
7,5% aux États-Unis ou 11% en Allemagne). Le nombre a) Les IDE – à forte composition technologique - peu éro-
d’entreprises coopérant avec les Universités et les Instituts dés par la crise financière ont atteint un niveau record en
de recherche publique a certes plus que doublé, passant de 2008, mais restent fortement concentrés dans les régions
420 à 994. La plupart des contrats de coopération viennent très développées du Sud Est (par ex la France, 4ème inves-
11 On peut noter que les Universités fédérales sont en générales de niveau tisseur étranger réalise 70 % de ses investissements dans
supérieur aux universités des États sauf dans l’État de Sao Paulo. Cet État
était entré en dissidence dans les années 30. Cette révolution ayant échoué,
le seul État de Sao Paulo).
les autorités de l’État s’étaient lancées dans une politique de formation ambi-
tieuse pour accroître l’indépendance économique de la fédération.
//  35

- la création d’une grande agence fédérale –SEBRAE- (sur


b) Le système national d’innovation en gestation mais, dont
le modèle de la SBA) dotées d’agences régionales qui
la gouvernance n’est pas encore stabilisée et dont les ef- ajustent leurs activités à la structure industrielle des États ;
fets sur des entreprises ne sont pas encore mesurés, induit
- ces agences offrent une large gamme de services
aussi une forte concertation des moyens fédéraux vers les (formation, accompagnement, conseil, financement) très
entreprises des États les plus dynamiques. Ce mouvement diversifiés selon les profils d’entreprises, mais aussi aux
est accentué par la décentralisation en cours et l’adoption collectivités locales partenaires ; ces dernières sont dotés
par les gouvernements de ces États – notamment celui de guichets uniques, peuvent être aidées à stimuler le
de Sao Paulo - de lois sur l’innovation technologique. La développement de quartiers en difficultés ou les aptitudes
concentration de 80% des parcs scientifiques et de la plu- entrepreneuriales sont décelées et encouragées ;
part des incubateurs dans le Sud et le Sud-Est témoigne - les agences de SEBRAE interviennent aussi en amont, dans
de cet état de fait. des domaines aussi divers que les diagnostics de clusters,
les analyses des chaînes de production, des opérations de
c) La réforme du système éducatif pour relever le niveau promotion à tous les niveaux y compris à l’exportation, la
formation de réponses aux appels d’offre, l’évaluation de
d’éducation, renforcer les formations professionnelles et
projets et de plans d’affaires et la formation des étudiants
inciter les universités à coopérer avec le secteur privé, pro-
à l’entrepreneuriat, la formation de conseillers municipaux
mouvoir la R&D et déposer davantage de brevets semble à la conception et à la gestion de projets ou à la gestion
aussi participer au maintien et/ou au renforcement des dis- de fonds de développement financés par les banques ou
parités géographiques de l’économie du savoir. associations commerciales locales. Certaines banques de
développement animent en outre des fora d’acteurs locaux
Un pays tel que la France, plus avancé dans ces domaines, pour déceler des opportunités de développement des
peut cependant porter son attention sur la dimension im- producteurs locaux et contribuer à créer ou à améliorer un
portante des efforts en faveur des PME, un vaste secteur « climat local » favorable aux affaires ;
composé de 15 millions d’entrepreneurs, générant 450.000 - une priorité de cette politique porte sur l’appui à la création
nouvelles compagnies chaque année et qui occupe une de réseaux, de coopérations, de relations commerciales et
place déterminante en matière de création d’emplois. Les de grappes d’entreprises, notamment au sein de clusters
et du millier de SPL de basse ou moyenne technologie,
composantes de ces politiques d’appuis, fortement inté-
les SPL jugés prioritaires étant aidés à élaborer un plan
grées aux politiques de développement économique local, stratégique centré sur l’intégration des firmes dans le
sont les suivantes : territoire et la coopération entre acteurs.
développement
durable
//  37

La critique des effets destructeurs de l’environnement de personnes s’impliquent dans la préparation d’un agenda 21
certains grands projets de développement, tels que les national. Le 1er gouvernement Lula constitué au début de
grands projets minéralo-métallurgiques, source de vaste sa mise en œuvre, a donné la priorité à la réalisation des
pollution au mercure des rivières, et les craintes de la dé- agendas locaux (554 à la fin de 2007).
forestation de la forêt amazonienne remontent aux années
‘70. L’économiste Celso Furtado montre alors par exemple,
comment la culture extensive du soja détruit les sols fra- 3.1 Le cadre de la poli-
giles des cerrados (savanes arborées du centre ouest). La
constitution de 1988 (art 21) inscrit l’objectif de la défense tique fédérale
et de la protection de l’environnement qui incombent à
tous les niveaux de pouvoir de l’Union, ainsi que le prin- Une « Commission de la Politique de développement du-
cipe du développement durable défini « comme facteur rable et de l’agenda 21 » présidée par le Ministre de l’en-
d’un juste équilibre entre les exigences de l’économie et vironnement, fut créée pour définir une stratégie. Des ob-
celles de l’écologie ». Le droit à l’environnement sera aussi jectifs environnementaux furent inscrits dans les mandats
inscrit dans le code du consommateur. Le débat juridique des Conseils nationaux (organismes consultatifs mixtes) de
a conclu que le développement durable était à la fois un l’environnement, des villes et de la santé. Des projets de
principe constitutionnel, un droit humain fondamental et un défense de l’environnement sont fiancés par le PPA et des
objectif de politique. programmes de développent durable élaborés pour cer-
tains espaces géographiques (infra régionaux, zones semi
La conférence de Rio de 1992 a agi à cet égard comme un arides - voir Chapitre 1 Encadré 2) et des macro-régions
catalyseur. Un ministère de l’environnement est créé cette (Amazonie, Nordeste, etc.).
même année. Le Brésil signe la Convention sur la protection
de la diversité biologique et s’engage dans le Programme Dans le sillage de la Conférence de Rio le gouvernement
international pilote de protection de la forêt (PP97) promus a aussi mis en place des processus de consultation du ci-
par le G7 et cofinancé par l’UE. De 1996 à 2002 40 000
38   //

toyen 1. Le dispositif central est la conférence nationale de propre, assurée pour une bonne part par l’hydroélectricité.
l’environnement qui lance des débats locaux, puis par État Les énergies renouvelables (hydraulique incluse) représen-
et national par des instances dont la composition est fixe tent 52% du total, notamment grâce au bioéthanol. Il est
(30% des entreprises, 5% des peuples indigènes, 5% des aussi prévu d’investir dans le photovoltaïque (le Brésil est
communautés indigènes, 40% des ONG et mouvements détenteur de très importantes réserves de Silicium). L’objec-
sociaux et 20% des gouvernements). Elle a une fonction tif est d’atteindre 57% en 2020. Enfin, la structure fédérale
d’éducation à l’environnement et à la participation 2. de gouvernement a permis une certaine émulation entre les
États et le fédéral, souvent au bénéfice du développement
Dans la réalité cependant, les effets tardent à se matérialiser durable. Des progrès ont aussi été accomplis par les exé-
et les milieux écologiques restent insatisfaits. Ils déplorent cutifs urbains pour rendre les villes plus écologiques.
en particulier l’absence d’un « projet national intégré de dé-
veloppement » et la tendance à considérer séparément les
facteurs environnementaux, sociaux et économiques lors 3.2 La déforestation
de l’élaboration des politiques, ainsi que la récurrence de
conflits de compétences, d’interprétation et d’intérêts, par- A la réunion internationale récente sur le climat de Poznan,
fois violents. Dans le même temps, les conditions de vie de le Brésil a pris des engagements chiffrés, promettant de ré-
la population ne s’améliorent que très lentement. 45% de duire le rythme de déforestation de 70% d’ici à 2018. Il ad-
la population n’a toujours pas accès à l’eau potable et 96 met qu’il a des responsabilités planétaires (l’Amazonie est
millions personnes à un système d’égouts. A Sao Paulo, la première réserve mondiale de biodiversité et la première
selon certaines études, la pollution causerait plus de décès réserve d’eau douce) 4. Ceci implique de rompre le schéma
que le Sida et les accidents de la route. classique de destruction de la forêt : les forestiers ouvrent
la route pour prélever les meilleures essences, souvent sans
Il reste que dans la période récente, le gouvernement fé- autorisation de coupe. Les éleveurs suivent et brûlent les
déral a fortement intensifié la politique de préservation de terres pour nourrir leurs troupeaux 5. Quand les prairies
l’environnement. Il a notamment accentué les efforts pour sont trop dégradées, ils se déplacent plus loin et laissent
protéger la forêt en étendant les zones de protection éco- les terres aux agriculteurs. L’Amazonie a ainsi perdu 17%
logique et deux fonds sectoriels viennent étayer les actions de sa surface depuis 1970 d’après une étude de l’ONU. Le
de recherche dans le domaine de l’environnement3. Il a Brésil jusqu’à présent n’a pas beaucoup participé aux ef-
aussi développé de nouvelles approches dans le domaine forts de reforestation (en dehors d’actions ponctuelles dans
de l’énergie. 90% de l’électricité produite dans le pays est certaines villes)6.

1 Au Brésil le citoyen a un droit constitutionnel à un développement durable,


Le gouvernement a pris de nouvelles mesures face à la
mais aussi des devoirs et même l’obligation ou la responsabilité de préserver
les ressources nationales. Il est à la fois bénéficiaire et « contrôleur ». Ce droit dégradation récente de la situation. A la fin de 2007, les
à participer aux « délibérations » - au sens ou nous l’entendons pour les tri- contrôles satellitaires ont mis en évidence sur 5 mois une
bunaux- définies à la fois comme consultation et participation à l’élaboration
de décisions dont le gouvernent doit tenir compte. Ce droit est précédé de accélération nette des brûlages dans plusieurs États7. L’in-
droits à l’information et à la formation à l’éducation environnementale par terdiction de la destruction des arbres dans les 36 localités
des Systèmes Nationaux d’information (à l’environnement -SISNAMA mis en
place en 2003- et sur la biodiversité). les plus touchées a alors été décrétée. Par ailleurs, les par-
2 Des Conseils nationaux ont aussi été mis en place. Ce sont des instances celles devront désormais être cadastrées, les produits issus
permanentes de consultation et de délibération, inscrites dans l’organi- des zones défrichées ne pourront plus être commercialisés
gramme du ministère et qui bénéficient des services d’un département d’ap-
pui. Il en existe 7 dans ce domaine, mais le plus important est le Conseil
et les banques publiques seront tenues de suspendre leurs
national de l’environnement qui se compose de 5 collèges (élus de divers ni- financements à toute personne contrevenant à ces règles.
veaux y compris du parlement, administrations fédérales, états et municipali-
tés, entreprises, et société civile). Les citoyens disposent de multiples formes 4 L’Amazonie représente à elle seule1/3 des réserves tropicales et 60% de la
d’implication : participation aux audiences et débats publics, représentation surface totale de la forêt dans le monde. On considère que chaque hectare
dans des conseils délibératifs, demande d’enquêtes publiques, interjection de forêt amazonienne abrite plus de 235 espèces d’arbres de 43 familles,
de recours administratifs en vue d’une conciliation pour corriger un acte ad- soit deux fois plus que le nombre de toutes les espèces forestières euro-
ministratif contesté, initiatives populaires (reconnue par la constitution) lors péennes. Le Bassin amazonien draine en outre 20% des eaux douces de
de l’élaboration de projets de lois, actions publiques auprès de juges civils la planète.
pour défendre un patrimoine ou en cas de risques, par exemple d’exposition
à une pollution ; possibilité d’ester en justice, manifestations, etc. 5 L’élevage a ainsi éliminé 10 millions d’hectares entre 1996 et 2006 selon
Greenpeace.
3 Il s’agit a) du Fonde Verde Amarelo un fonds intersectoriel financé par 40%
des revenus d’une contribution spéciale (CIDE), en plus de 43% des revenus 6 Il a planté 16 millions d’arbres en 2007 contre 700 millions en Ethiopie, 217
additionnels provenant de la réduction des incitations fiscales accordées à millions au Mexique et 43 millions en Corée.
l’industrie des TIC et b) du Fondo da Amazonia qui tire ses ressources d’un 7 Plus de 7000 km² auraient été détruits pendant cette période. 53% de
prélèvement de 0,5% au moins des revenus des entreprises implantées sur ces surfaces se situeraient dans le Mato Grosso, 17% dans le Para et 16%
la zone franche de Manaus. dans le Rondonia.
//  39

La question est évidemment de savoir là aussi dans quelle


mesure l’application de ces réglementations est effective. Les zonages
Le gouvernement a annoncé sa volonté de renforcer les
effectifs chargés de la surveillance des zones protégées. écologiques
Bien que tardif, un code forestier a été instauré en 2002. Les Autorités fédérales appliquent des zonages de nature
En 2006, une loi de concession forestière a été en outre écologique et un cadre complexe d’unités de conservation
adoptée pour mieux réglementer l’exploitation du bois. a été institué. Ainsi 2,61% du territoire national est occupé
Malheureusement les textes ne sont pas forcément respec- par des zones de protection intégrale, et 5,52% par des
tés sur le terrain, d’autant que la police environnementale zones destinées à une utilisation durable, pour un total de
est inexistante. Un État comme le Para (1 million de km2) ne 8,13% du territoire national 8. Les parcs nationaux (protec-
disposait en 2006 que de 12 ingénieurs forestiers et abritait
80% du commerce illégal de bois. 8 Il s’agit cependant d’une valeur légèrement surestimée, car nombreux es-
paces de protection environnementale (APA) renferment une ou plusieurs
unités de conservation d’usage indirect.
40   //

tion intégrale) visent à la conservation des écosystèmes na- été instaurée le long de la cote pour protéger la forêt atlan-
turels de grande beauté et d’importance écologique, tout tique avec un parc de l’État (l’installation des entreprises est
en favorisant la réalisation de recherches scientifiques ou réglementée), des stations écologiques et expérimentales
d’activités d’éducation et d’interprétation environnemen- ont été installées. La ville de Santos est intégrée dans cet
tale, d’activités récréatives en contact avec la nature, et en espace. Son extension prévue par les plans de dévelop-
encourageant le tourisme écologique. Dans une certaine pement risque de poser des problèmes à l’avenir. L’Ouest
mesure on peut rapprocher certaines zones de deuxième rural est dominé par la culture de la canne. Le SMA four-
catégorie des PNR français. Mais ces zones sont beaucoup nit des certifications par entreprises pas par territoire (sorte
moins formalisés, n’intègrent pas de charte locale et ne réa- de label pour les firmes respectueuses de l’environnement)
lisent pas une promotion cohérente de labels et de produits ainsi que des incitations. Il encourage aussi les investisse-
du terroir. ments liés à l’utilisation des crédits de carbone.

Encadré 11 : Les Espaces Protégés au Brésil Il reste qu’en Amazonie, (6,6 million de km² - soit 65% du
Les unités de conservation gérées par l’Instituto Brasi- Brésil - et 25 millions d’habitants dont plus de 70% dans les
leiro de Meio Ambiente e dos Recursos Naturais Reno- villes), l’antagonisme entre le développement économique
vaveis (IBAMA) couvrent à peu près 45 millions d’hec- et la protection de la forêt tropicale n’est pas aisé à ré-
tares et comprennent environ 256 unités de conservation soudre, en raison notamment des méga-chantiers en cours
d’utilisation directe et indirecte, parmi lesquelles Espaces dans la partie nord et les zones frontières (voir Annexe à ce
de Protection Environnementale, Réserves Biologiques, chapitre) et de la politique de colonisation et d’installation
Stations Écologiques, Forêts Nationales, Espaces de de paysans sans terres. Travailler avec les habitants de la
grand Intérêt Écologique, Parcs Nationaux, nombreuses forêt et ces nouveaux ruraux pour créer une économie lo-
Réserves Privées du Patrimoine Naturel et Réserves Fau- cale respectueuse du milieu et qui leur permette de sortir
nistiques. Depuis 2002, 20 millions d’hectares se sont de la pauvreté est une option difficile à mettre en œuvre.
ajoutés aux 30,7 millions déjà protégées 9. En Amazonie Elle nécessite des procédures de dialogue et de médiation
ces zones protégées se juxtaposent aux parcelles accor- permanents.
dées dans le cadre de la réforme agraire aux petits pay-
sans qui colonisent ces régions, couvrant 40% du terri- Encadré 12 : Exemples de délibérations ré-
toire. Mais le statut du reste du territoire reste très flou 10. centes concernant la protection écologique de
l’Amazonie
De nombreuses autres unités de conservation sont gé- Le site web du Ministère de l’environnement présente ac-
rées par les différents états brésiliens. Elles couvrent 22 tuellement 3 démarches délibératives en cours :
millions d’hectares environ, ainsi que des zones humides - un forum de discussion entre écologistes et petits
protégées (sites Ramsar). Par exemple, le Parque Nacio- agriculteurs amazoniens qui souhaitent assouplir
nal da Lagoa do Peixe, Área de Proteção Ambiental das les règles d’application du code forestier. Après une
vaste consultation et la collecte de tous les griefs et
Reentrâncias Maranhenses, le Parque Estadual Marinho
propositions des organismes représentatifs de ces deux
do Parcel de Manuel Luiz, le Parque Nacional do Ara-
catégories, un groupe de travail composé de juristes et
guaia, le Parque Nacional do Pantanal Matogrossense de techniciens de 4 ministères (maison civile– secrétariat
et la Reseva Particular do Patrimônio Natural do SESC du gouvernement - auprès de la Présidence et ministères
Pantanal. On compte aussi plusieurs réserves de la Bios- de l’environnement, de l’agriculture et du développent
phère par exemple Mata Atlântica, de Cerrado ou de rural) a établi une liste des 10 questions en débats afin
Pantanal. de « consolider les bases socio-environnementales d’un
développement durable de ces zones ». Le groupe a
Sources : www.ibama.gov.br
conclut que sur 8 d’entre elles un consensus pouvait
être établi, traduit en 5 projets de décrets et sur les 2
questions de désaccord, propose une position arbitrale
Les États prennent aussi des initiatives. Dans le cas de
du gouvernement.
l’État de Sao Paulo, le Secrétariat à l’Environnement (SMA)
- deux consultations publiques sur le programme
de l’État concentre ses efforts sur un quadrilatère englobant
du gouvernement des zones protégées d’Amazonie
au sud la mégalopole de Sao Paulo. Une zone protégée a (ARPE) phase II (2008-2011) plus grand programme
9 Les aires déboisées auraient en conséquence diminué de 31 entre août de conservation et de protection de la biodiversité
2004 et juillet 2005. de la planète portant sur 60 millions d’hectares- ainsi
10 Voir Dernières Nouvelles d’Amazonie par A. Bauer, les Echos -19 février que du plan d’actions de prévention et contrôle de la
2009.
//  41

déforestation et des incendies dans le Cerrado. L’ARPE


secteur, notamment dans le domaine du stockage ou pour
est géré de façon décentralisée et participative. Il est
supervisé par un Comité composé par un collège de la construction « d’alcooloducs ». L’éthanol représentait en
12 membres (6 du public, 4 d’ONG, un du fond de 2005 17% des carburants consommés dans le pays 11.
financement et un des principaux donateurs externes – la Cette réussite nationale s’appuie également sur une impor-
banque allemande de développement). Il est assisté d’un tante infrastructure de distribution avec 32.000 stations où
panel de conseillers scientifiques, d’une Commission on peut s’approvisionner en éthanol.
d’accompagnement et suivi, d’un forum permanent
technique, d’un comité de médiation des conflits et de Le Brésil a par ailleurs lancé en 2004 un programme natio-
groupes de travail –tous paritaires. La mise en œuvre nal en faveur du biodiesel. Ce plan présente des enjeux tant
du programme est confiée à une unité de coordination
énergétiques qu’environnementaux et sociaux. Le Diesel
composée de représentants de plusieurs administrations
fédérales. Tous les protagonistes sont invités – à partir représente la moitié des carburants vendus au Brésil. Bien
d’un formulaire d’envoi- d’adresser des commentaires à que l’utilisation par les véhicules légers soit interdite, 40
l’unité de coordination sur ce projet de programme avant millions de tonnes sont consommés chaque année (75%
que le gouvernement ne publie le document officiel final. pour le transport routier). Pour réduire sa dépendance des
importations, et aussi diminuer les émissions de CO2, le
gouvernement a rendu obligatoire l’incorporation dans le
Ces procédures de concertation n’excluent pas les diesel de 2% de biodiesel en 2008 (5% en 2013) 12. Le bio-
controverses entre écologistes et « agro businessmen », diesel reste néanmoins plus coûteux que le diesel (la seule
qui se répercutent au sein des parlements et des gou- plante offrant un coût compétitif étant le soja). La mise en
vernements, y compris fédéral. Les grands propriétaires œuvre du programme poursuit une forte finalité sociale en
terriens exercent de puissantes actions de lobby afin donnant du travail à 250.000 petits agriculteurs.
d’assouplir- quand ils ne les ignorent pas- les lois en-
vironnementales et le code forestier afin d’exploiter de Globalement, le Brésil a des ambitions très importantes
nouvelles terres. Les ministres de l’agriculture et des dans le domaine des biocarburants. Il est pour l’heure le
transports, ainsi que des parlementaires apportent par- deuxième producteur mondial derrière les États-Unis avec
fois des réponses positives à leurs demandes de réduire 18 milliards de litres en 2007 et ¾ de sa production est
de 80 à 50% les zones de forêt que les propriétaires sont fournie par l’État de Sao Paulo13. Il vise un objectif de 35
obligés de préserver sur leurs terres. Le parlement fédé- milliards en 2015. De nombreux programmes de recherche
ral a récemment approuvé l’asphaltage de routes sans sont conduits pour développer de meilleures variétés de
licence écologique et la régularisation d’occupations il- canne à sucre, améliorer les récoltes et réduire les coûts
légales de terres. (Ces décisions ont provoqué en août de production. La filière de l’éthanol est déréglementée et
2009 la démission de Maura Silva, la ministre de l’envi- ne reçoit aucune aide publique 14. Les exportations dépen-
ronnement, qui a annoncé sa candidature d’opposition à dent de la demande mondiale et celle-ci est d’autant plus
l’élection présidentielle de 2010). soutenue qu’elle est tirée par les décisions d’un nombre
croissant d’États d’instaurer des normes minimales d’in-
Sources : site du ministère et le Monde (source AFP) Août 2009. corporation du bioéthanol dans les carburants classiques.
Les biocarburants ne représentent cependant pour l’heure
que 1% de l’essence consommée dans le monde et on
3.3 Les biocarburants peut se demander s’ils ont vraiment vocation à se subs-
tituer massivement au pétrole, compte tenu des tensions
Le Brésil est connu pour ses efforts continus et déjà an- sur les marchés agricoles et des incertitudes sur leur bilan
ciens sur le développement de technologies pour utiliser énergétique et environnemental (voir encadré 13).
l’éthanol pour remplacer les énergies fossiles. Trois quarts 11 Contre 26,2% pour l’essence et 53.9% pour le diesel.
des nouvelles automobiles vendues dans le pays fonction- 12 Le parc productif brésilien compte 41 usines. Petrobras chargé de la
nent au carburant mixte (flex-fuel) et l’éthanol est rajouté distribution compte 600 points de vente et prévoit de porter ses capacités
actuelles de 20 à 171 millions de litres. Le monopole de Petrobras a été
au pétrole (dans une proportion maximale de 25%) pour
prolongé et les exportations sont interdites. Le biodiesel est obtenu à partir
réduire les pollutions. Le pays comprend 369 usines de de soja, de palme, de ricin, de jatropha, de tournesol et d’arachides, mais
sucre/éthanol. Ces usines utilisent la bagasse de canne à aussi à partir d’huiles usagées et de graisses animales. Les rendements sont
moins bons que pour l’éthanol.
sucre comme source d’énergie, améliorant ainsi le bilan en-
13 85% est destiné au marché intérieur.
vironnemental des biocarburants produits (cogénération). 14 On peut noter à ce propos que l’éthanol produit en Europe (coût du litre
Petrobras a effectué de nombreux investissements dans le 365 Euros) ne pourrait soutenir la concurrence sans protection douanière, le
litre d’éthanol brésilien revenant à 220 Euros.
42   //

Encadré 13 : Les problèmes posés par le Bioé- de la qualité de l’environnement.


thanol
La production de bioéthanol repose sur la culture de la En matière de traitement de l’eau, les états sont parties pre-
canne à sucre, dont le rendement énergétique est consi- nantes dans les Agences de bassin. Celles-ci ont été éla-
dérablement supérieur à son concurrent : le maïs améri- borées en se fondant sur le modèle français. La loi de 1997
cain 15. Le gouvernement brésilien considère qu’avec le votée au Brésil constitue d’ailleurs une amélioration de la loi
développement des biocarburants, il avait évité de 2003 de 1992 votée en France (plus grande subsidiarité). Cette
à 2007 l’émission de 120 millions de tonnes de CO2 et de approche fondée sur la notion de bien public diverge clai-
615 millions depuis 1970. rement des systèmes ayant cours aux États-Unis (système
de droit d’eau qui avantage les plus riches). Les Comités
Des questions se posent toutefois sur l’impact écolo- locaux de bassin définissent les redevances 16. Plusieurs
gique des techniques actuelles de récolte de la canne grandes régions hydrographiques sont distinguées. Deux
à sucre. Les plantations font souvent l’objet de brûlage, Agences fonctionnent très bien. Deux autres vont voir le
une technique répandue au brésil et particulièrement no- jour. L’agence Paraiba do Sul couvre trois états.
cive pour l’environnement (émissions de CO2) et pour la
santé. Selon certaines sources, cette pratique serait en Les États fédérés commencent par ailleurs à définir des
voie de réduction. politiques vis à vis du changement climatique. Ils accu-
mulent des informations sur l’émission des gaz à effet de
Les inquiétudes portent aussi sur l’extension des sur- serre (L’État de Sao Paulo par exemple s’intéresse parti-
faces cultivées qu’induirait le programme de développe- culièrement aux dégagements de méthane) et procèdent à
ment du bioéthanol. Les autorités considèrent toutefois des inventaires. Certains mettent en place des forums sur
que cette évolution ne pourrait avoir d’impact sur la défo- la biodiversité et le réchauffement climatique. D’autres ont
restation en Amazonie, du fait de l’inadaptation du climat accéléré leurs discussions au niveau international sur ces
et des sols de cette région pour accueillir les cannaies. questions (Rio et Sao Paulo notamment).
Entre 1990 et 2003, l’extension de la culture de la canne
dans l’État de Sao Paulo a cependant fait reculer d’au-
tant les surfaces consacrées au maïs, haricot noir, riz, blé L’approche des villes
orangers, café et coton. Il est clair que la progression de Les métropoles et les grandes villes ont aussi une politique
la canne un peu partout dans le Sud (15,7% en 2008) de l’environnement, mai cela est plus rare pour les centres
repousse certaines cultures ou activités (soja, élevage) urbains en-dessous de 100 000 habitants. Ces villes doi-
vers le nord. Elles pourraient vouloir venir coloniser le vent assurer, en particulier, la gestion des déchets et des
biome amazonien surtout dans une période de hausse décharges et elles ont besoin de prestataires de services,
des cours mondiaux des matières premières agricoles. notamment pour intégrer les filières de déchets suivant leur
degré de traitement. Il faut aussi faire respecter les régle-
mentations. Celles-ci deviennent de plus en plus transpa-
3.4 La politique des États rentes. Les ONG sont maintenant plus actives. Les contre-
venants sont beaucoup plus que par le passé contraints de
Fédérés et des villes payer les amendes. Les maîtres d’œuvre sont amenés à
faire la police parmi les sous-traitants, sinon les contraven-
tions sont à leur charge (exemple de Thyssen Krupp à Rio).
Les démarches des États
Les États fédérés sont de plus en plus impliqués dans la Les villes sont concernées par les parcs nationaux car cer-
politique d’environnement et ils imposent des standards en tains jouxtent leur territoire. L’interface avec les métropoles
matière de pollution de l’air, de l’eau ou du traitement des est évidemment une zone difficile à gérer. Dans le cas de
déchets qui sont souvent plus restrictifs que les normes Rio, la zone au dessus de 200m d’altitude est totalement
fédérales. Ils sont engagés dans des processus de plani- protégée. Il y a une zone intermédiaire de transition entre
fication environnementale via leurs départements spéciali- 100m et 200m mais pas véritablement de frontière basse.
sés et beaucoup d’entre eux ont mis en place une agence 16 L’agence recouvre la taxe sur l’utilisation de l’eau et est responsable
environnementale chargée de réaliser les études d’impact, de la gestion financière avec un budget indépendant. Le comité de bassin
approuve le plan d’utilisation des ressources. Il regroupe le consortium de
d’effectuer les mesures de pollution et d’assurer le contrôle bassin: un syndicat intercommunal de villes, les usagers, des institutions de
la région et le gouvernement de l’État. Dans le cas du Bassin Piracicaba/
15 7000 litres à l’hectare pour la canne contre 3000 litres pour le maïs. Capivari, le consortium regroupe 32 villes de l’État de Sao Paulo.
//  43

Cette imprécision est source de nombreux problèmes et placement et au développement des cultures aux dépens
en particulier d’empiétement par des constructions ou des de la forêt. Ces évolutions posent des questions complexes
installations illégales. Ainsi la favela de Barra a-t-elle eu ten- en matière de définition des réglementations, de leur mise
dance à s’étaler sur les zones vertes. Le sol appartient au en œuvre effective et de promotion de solutions gagnant /
fédéral, mais beaucoup de terrains sont aussi possédés gagnant. Par ailleurs, la structure fédérale du pays, si elle
par la municipalité et d’autres sont en partie privés, d’où de peut favoriser le dépassement local des normes fédérales
plus faibles garanties de protection. Au total il n’y a pas de et la variété des expérimentations, conduit aussi à une frag-
ceinture verte à Rio mais des noyaux verts ou un archipel mentation des actions entreprises.
vert. Le Parc national régule le climat et est à l’origine de
nombreux bénéfices pour la ville. La situation et les solutions apportées par le gouvernement
n’en sont pas moins riches d’enseignements. Il reste que
Dans l’État de Rio de Janeiro, la capitale a recommencé à la nature et la portée des problèmes auxquels fait face le
coopérer avec l’État dans le domaine de l’environnement Brésil sont en partie étrangers à ceux qu’un pays tel que
depuis 2007. L’État renégocie avec la ville qui assurait un la France doit affronter: déforestation massive, accès et
monitorage des pollutions de l’air depuis 8 ans. La Mairie qualité de l’air et de l’eau et assainissement, protection
s’est lancée dans un nouvel inventaire des émissions de d’une riche biodiversité, gestion de grandes décharges
gaz à effet de serre. Une nouvelle politique a été lancée urbaines et des urbanisations sauvages, dégradation des
pour les transports (promotion de l’utilisation du vélo, exi- littoraux, etc. En matière d’énergie renouvelables, si cer-
gences sur les transports publics, pastille verte, taxis au tains des choix controversés et ambitions confirmées et
gaz naturel). De gros espoirs sont fondés sur des événe- bien connues sont suivis avec attention par les spécialistes
ments à venir - Coupe du monde de football, Jeux Olym- environnementaux ou alimentaires, ils ne sont pas toujours
piques 2016 - pour « verdir » la ville. Une politique de refo- dans l’agenda des politiques de développement des pays
restation17 et de restauration de la flore a été menée avec européens. La France dispose cependant de territoires ul-
succès depuis 20 ans. Elle a obtenu des prix et contribué trapériphériques qui peuvent être intéressés par les initia-
à la création d’emplois. Elle a été couplée avec un pro- tives déployées en matière de zones protégées et de déve-
gramme pour les toits verts à destination des favelas qui a loppement durable de la végétation tropicale 18.
montré qu’il est souvent nécessaire de combiner politique
écologique et programmes sociaux et de formation. Il reste A l’échelle de la France continentale, des domaines dans
des problèmes difficiles, comme l’accumulation des dé- lesquels le Brésil s’est fortement inspiré des modèles fran-
chets (saturation des décharges) ou le nettoyage de la baie çais - mais les a développées et adaptés de façon souvent
de Guanabara, menacée par la pollution des complexes originale - pourraient être l’objet de nouvelles coopérations.
pétrochimiques et sidérurgiques voisins. Une division des Il s’agit par exemple : des espaces protégés et des zonages
taches s’instaure : la mairie s’occupe de la qualité du sable, écologiques, inspirés – entre autres - des Parcs Nationaux
l’État de la qualité de l’eau et le fédéral intervient pour le et des Parcs Naturels Régionaux ; des agences de bassin.
dragage et le nettoyage de la lagune.
Les pratiques novatrices conduisent enfin à souligner les
modes de participation des citoyens, détaillés plus haut,
3.5 Conclusions et les pratiques d’évaluation. Dans ce domaine, les pro-
cessus de gradualisation et de capitalisation sur les leçons
Dans le domaine environnemental, le Brésil est confronté apprises dans les programmes (cf. ARPE) en matière de
à des défis impressionnants liés à l’importance de sa po- gouvernance, de mobilisation de ressources financières,
pulation, à sa géographie et à certains retards de déve- de communication, de participation sociale, de coordina-
loppement. Même si des progrès ont été accomplis, les tion administrative et de méthodes de gestion sont inté-
pressions du développement économique restent consi- ressants, même si le respect des accords et les analyses
dérables dans de nombreux états. En Amazonie en parti- d’impact pour ces programmes laissent souvent à désirer.
culier, la sauvegarde de la forêt n’est pas assurée, malgré
les efforts du gouvernement et son programme ARPE de
conservation et de protection de la biodiversité. Par ailleurs
ses initiatives pour développer de nouveaux carburants
18 Un protocole d’accord entre les ministères brésilien et français de l’envi-
pourraient être victimes de leur succès et conduire au dé- ronnement a d’ailleurs été signé en 2004 sur un programme de coopération
entre les zones protégées et les PNR et une intégration est envisagée entre
17 La forêt de Rio est une des plus grandes forêts urbaines du monde. le PNR de Guyane et le parc naturel voisin de la Montagne Tumacumac.
44   //

construction ou le réaménagement de routes, la construc-


ANNEXE AU CHAPITRE 3 : Le tion de ports, d’usines de pâte à papier, de traitement de
soja, de production de café instantané et de conditionne-
programme IIRSA - volet ment de viande, et des travaux routiers le long de plus de
6.000 km de voies fluviales navigables pour faciliter le mou-
Amazonie vement de produits et la sortie de ressources naturelles.

les programmes IIRSA (initiatives Les nouvelles usines hydroélectriques à construire en Ama-
pour l’integration de l’infrastructure zonie alimenteront en énergie les centres économiques les
plus dynamiques et les industries qui requièrent un grand
regionale en amerique du sud) – volume d’énergie, comme la fabrique d’aluminium ALBRAS
volet amazonie : un exemple de - Alunorte, de Barcarena (PA). Elles rendront possible l’ex-
cooperation transnationale pansion des voies fluviales et des activités de production de
L’initiative IIRSA est coordonnée par les douze gouverne- marchandises très demandées à l’extérieur, comme le soja.
ments sud-américains, avec l’appui technique et financier
de banques multilatérales et nationales. La Banque Intera- L’IIRSA fait l’objet de critiques d’organisations écologiques
méricaine de Développement (BID), la Corporation Andine et de la société civile, qui estiment que ces grands projets
de Développement (CAF), le Fonds financier pour le déve- qui cherchent à insérer le territoire amazonien dans la dy-
loppement du Río de la Plata (FONPLATA), la Banque Na- namique de la mondialisation sont à haut risque et introdui-
tionale de Développement Economique et Social (BNDES) ront des modifications profondes dans les paysages et les
et la Banque mondiale (BIRD), ainsi que de grandes entre- modes de vie de la région. « Dans cette perspective axée
prises y participent. Elle se compose de dix axes pour l’in- sur la croissance, les montagnes, les forêts et les maré-
tégration économique, qui traversent le continent et exigent cages sont considérés comme des obstacles au dévelop-
d’importants investissements en matière de transports, pement économique, et les fleuves comme des voies pour
d’énergie et de télécommunications, et de sept processus l’extraction des ressources naturelles ». « La combinaison
sectoriels d’intégration conçus pour harmoniser les cadres des investissements pour la construction de routes, voies
juridiques des pays fluviales et barrages proposées par l’IIRSA, et des investis-
sements considérables du secteur privé pour l’extraction
À ce jour, plus de 40 grands projets et des centaines de de ressources et l’agriculture industrielle (par exemple, celle
projets mineurs d’amélioration des infrastructures ont été du soja) n’aura pas seulement des effets irréversibles sur la
définis, dont le coût est estimé à 37 millions US$. diversité biologique, mais provoquera aussi des déplace-
ments de populations rurales et autochtones, la migration
L’Amazonie est incorporée à cette stratégie d’intégration massive et le déboisement ». Ils reprochent aussi que « ces
promue par l’IIRSA. L’axe Amazone s’étend de la côte décisions concernant ce nouvel aménagement territorial
du Pacifique à celle de l’Atlantique. Il inclut des parties du et les projets d’infrastructure pour la région ne sont pas
Brésil, de la Colombie, de l’Équateur et du Pérou, le fleuve débattus avec les gouvernements des États et des muni-
Amazone et la plupart de ses principaux affluents. La région cipalités, et encore moins avec les mouvements sociaux,
comprend 4 500 millions km² et près de 52 millions d’ha- les organisations non gouvernementales ou les institutions
bitants. Elle contient presque la moitié de la diversité biolo- amazoniennes d’enseignement et de recherche » et pré-
gique du monde et de 15 à 20% des réserves d’eau douce. tendent que « non seulement les leaders communautaires
locaux, mais les hommes d’affaires, les dirigeants des or-
L’axe amazonien inclut 54 projets IIRSA, partagés en sept ganismes fédéraux, les membres du pouvoir judiciaire, les
groupes, dont la plupart s’organisent autour des bassins parlementaires et bien d’autres semblent ignorer tout à fait
des affluents du fleuve Amazone. Dans l’Amazonie brési- son existence ». Ils considèrent que « la lutte pour l’accès
lienne, trois axes sont prévus : celui de l’Amazone (États aux ressources naturelles de l’Amazonie et à leur contrôle
d’Amazonas, Pará et Amapá), celui du Massif guyanais devient de plus en plus serrée et se propage dans toute
(États de Roraima et Amapá) et celui de Pérou-Brésil-Bo- la région. La vision classique de l’expansion de la frontière
livie (États d’Acre, Rondônia, Amazonas et Mato Grosso). du Sud vers le Nord et de l’Est vers l’Ouest ne suffit plus
Dans la liste de l’IIRSA concernant l’Amazonie brésilienne, à expliquer la nature et la dynamique des conflits dans le
figure la construction de complexes hydroélectriques et de Nord du Brésil, car ces conflits ont aujourd’hui tendance à
lignes de transmission entre les usines hydroélectriques, la se disséminer dans tout le territoire amazonien, à s’étendre
//  45

sur des zones qui ne sont pas forcément contiguës et à im-


pliquer des personnes et des institutions de pays différents.
Parallèlement, la création et la consolidation de réseaux et
de forums de mouvements sociaux, d’organisations pasto-
rales, d’organisations non gouvernementales et d’univer-
sitaires se sont accélérées elles aussi, face au besoin de
réagir de façon concertée à une menace d’ordre général.

Source : Bulletin mensuel du Mouvement mondial pour les forêts (WRM)19


- Article fondé sur des informations tirées de : “Amazon Hub”, Building
Informed Civic Engagement for Conservation in the Andes-Amazon
(BICECA) ; “Incorporação compulsória de territórios” et “IIRSA : os riscos da
integração”, Guilherme Carvalho, expert en planification du développement
(NAEA/UFPA) et technicien de FASE Amazônia - Núcleo Cidadania, paru
dans Orçamento y Política Socioambiental, Nº17, septembre 2006, Instituto
de Estudos Socioeconômicos - INESC.
19 http://www.wrm.org.uy
Politiques ur-
baines et ques-
tions métropo-
litaines
//  47

4.1 Les métropoles dans Cette dynamique métropolitaine se caractérise par un éta-
lement des périphéries, une « verticalisation » des quar-
la hiérarchie urbaine tiers péricentraux, une réoccupation et réhabilitation des
centres-villes -parfois historiques- dans le contexte d’un
Le Brésil est l’un des pays les plus urbanisés du monde : marché foncier très évolutif et de prix de construction peu
75% de la population vit dans des villes, dont 50% dans élevés. Elle est aussi marquée par un environnement très
des villes de plus de 100 000 habitants, fortement concen- dégradé du fait d’une croissance anarchique et dualiste
trées sur le littoral et dans le Sudeste. La hiérarchie urbaine entre quartiers riches et favelas.
se compose :
- au premier rang, des deux mégalopoles ou méga-cités Le Brésil compte 27 « régions métropolitaines» - dont 9 exis-
(plus de 8 millions d’habitants) : Sao Paulo et Rio de Janeiro, taient avant 1988 et 18 ont été créées depuis cette date -
avec leurs 19,2 et 11,6 millions d’habitants, soit 30 des 190 par les États ; leur définition varie selon ces derniers. Il s’agit
millions de Brésiliens ;
« d’unités institutionnalisées et autonomes de coordination
- au second rang, de 18 agglomérations dépassant le et d’articulation intercommunales de fonctions urbaines » :
million d’habitants, soit un total de 35 millions d’habitants ; les services communs et notamment les transports urbains,
- au 3ème rang, 115 villes intermédiaires - dont 40 dans le mais aussi les équipements sanitaires, l’eau et le logement
seul État de Sao Paulo - de 100 000 à 1 million d’habitants, social sont le plus souvent mentionnés ; certaines de ces
regroupant 29 millions de personnes et dont la population
régions mentionnent aussi les fonctions de planification ad-
augmente désormais plus vite que celle des métropoles ;
ministrative et territoriale, de développement économique
- enfin, un millier de petites et moyennes villes de 10 000 à
et - mais de façon souvent symbolique - des « fonctions
100 000 habitants, totalisant 25 millions en population; en
politiques ».
son sein, c’est la catégorie des villes de 20 000 à 50 000 –
dont le nombre a doublé depuis 1980 - qui a enregistré la
plus forte croissance, encouragée par les pouvoirs publics Leur population varie de 19,2 millions (Sao Paulo) à 436.000
comme villes d’accueil ou « filtres » des migrants ruraux. habitants (Macapa). L’indice de développement humain –
qui fait l’objet au Brésil d’un usage fréquent et de la publica-
48   //

et promeut une décentralisation au profit des municipalités,


tion d’un atlas du développement humain - varie de 0,660
ou induit une « municipalisation métropolitaine des politiques
(Maceio) à 0,835 (Campina). publiques ».
- elle reconnaît (art 25) au niveau fédéré une compétence
Il existe en outre des intercommunalités, préconisées par de gestion des métropoles, pour la création de « régions
un courant politique « néo-localiste », mais qui semblent métropolitaines» ;
peu efficaces et dont les rôles, purement consultatifs, sem-
- l’ampleur des problèmes socio économiques tendent
blent très limités. faire privilégier cet ordre et leur gestion à court terme et leur
donner une priorité sur la construction d’un nouvel ordre
institutionnel.
4.2 Les politiques ur-
Le ministère des villes, de création récente (2003), assure
baines et le rôle du le Secrétariat National des Programmes Urbains (SNPU).
Ce service exerce des fonctions d’assistance juridique et
gouvernement fédéral technique. Il fournit aux villes des « instruments de réforme
urbaine » visant en priorité à :
La notion de gouvernance urbaine, qui est l’objet d’un débat - réduire les inégalités sociales entre zones (très) pauvres et
académique, n’est pas utilisée par les décideurs fédéraux, (très) riches et les disparités de niveaux d’infrastructures et
qui ne parlent que de gestion urbaine et n’évoquent jamais d’équipements ;
la construction d’une entité inter ou supra municipale. - répondre aux défis environnementaux ;
- améliorer la gestion et la maîtrise d’une croissance souvent
Les raisons en semblent être les suivantes : désordonnée des périphéries, en particulier en résorbant
- la constitution de 1988 qui régit l’ordre juridico- les favelas et en légalisant les « installations irrégulières et
institutionnel, - dont le gouvernement fédéral est le garant - clandestines », situées souvent en « zones à risques » ;
introduit une séparation qui se veut nette des compétences - mobiliser les acteurs, renforcer leurs compétences et
entre les 3 niveaux de gouvernement ; promouvoir la participation et l’implication des citoyens.
- dans son esprit elle promeut un « fédéralisme coopératif »
//  49

Les défaillances de gestion affectent les villes de toute taille, Elles sont regroupées en 4 programmes portant sur :
mais en priorité les petites villes à très faible capacité de - le renforcement de la gestion municipale ;
gestion et de développement socio-économique, ainsi que - la régularisation des installations précaires (résorption des
les métropoles où se concentrent un tiers de la population favelas) ;
du pays et où s’accumulent les carences et précarités so- - la réhabilitation des centres villes ;
ciales. - la revitalisation des biens du patrimoine historique urbain.

Ces instruments sont de nature diverse, juridique (en aidant


les villes à implanter et faire fonctionner le nouveau statut Sur chacun de ces thèmes, le SNPU a publié une abondante
des villes, considéré comme une avancée et un outil décisif série de guides, manuels et plans de travail concernant la
de politique urbaine), foncière (en aidant les municipalités planification urbaine, la gestion participative, l’élaboration
à maîtriser et anticiper les usages des sols et des espaces de plans directeurs participatifs, de plan de réhabilitation
publics) et technique (en matière de planification, notam- des centres villes, de plans de « régularisation foncière » et
ment). Leur but est de promouvoir, à tous les nouveaux de « d’éradication des risques », d’amélioration de l’environne-
gouvernement, des démarches intégrées de planification ment et de requalification.
urbaine, des programmes de « régularisation » et de « lé-
galisation » ; il s’agit aussi d’aider les villes à rendre effectifs On ne dispose que de peu d’information sur les résultats de
et réels les droits sociaux et constitutionnels des citoyens, ces programmes et sur leurs impacts au niveau municipal.
des résidents et propriétaires et à lever les trop nombreux
obstacles créés par une législation fédérale foncière, ca-
dastrale, urbanistique et environnementale pesante. 4.3 Le rôle clé des États
Il dispose d’une Caisse économique fédérale qui finance et des gouverneurs et
ces actions et les accompagne d’initiatives de mobilisation
et de « capacitation », afin d’impliquer les associations et la « dépendance » des
de donner aux actions de développement et à ces nou-
veaux modes de gestion, un caractère participatif et dé- municipalités
mocratique pour « trouver des solutions collectives à des
problèmes qui sont collectifs ». Bien que la constitution ait transféré certaines de leurs at-
tributions aux municipalités, les États continuent d’exercer
Ces actions doivent en outre contribuer à mobiliser et impli- des compétences considérables dans la gestion des ser-
quer les ONG et les entités professionnelles pour constituer vices communs des « régions métropolitaines ». La gestion
des réseaux d’appui à la gestion urbaine. métropolitaine est, de fait, souvent impartie au gouverneur
de l’État - notamment quand la métropole ou mégalopole
Un Conseil des Villes fonctionne depuis 2004 de 86 (cas de Sao Paulo) recouvre une part importance de celui-
membres dont 47 de la société civile et 37 des pouvoirs ci. Ce pouvoir est d’abord fiscal et financier, en tant que
publics fédéraux, des États et municipaux qui a 4 champs contributeur principal de subventions, collecteur des aides
d’action : régularisation et intégration des implantations fédérales, gestionnaire des fonds de financement des mé-
précaires ; réhabilitation des centres villes ; revitalisation du tropoles qui concentrent les ressources d’investissements,
patrimoine urbain ; et renforcement de la gestion munici- et acteur dominant des régions métropolitaines. Il est aussi
pale (assistance aux plans directeurs participatifs). accentué par la faible capacité financière, fiscale et opé-
rationnelle d’une majorité de municipalités, qui demeurent
Une loi sur la gestion des villes – grande avancée législative pour les citoyens le lieu d’articulation entre l’État et la so-
- est en début d’application ; elle oblige toutes les villes de ciété et le réceptacle des revendications des habitants ou
plus de 20 000 habitants à élaborer un plan directeur. de leurs associations souvent très actives, voire radicales.
50   //

4.4 Modalités de cette 4.5 Vers un pouvoir


gouvernance métropo- polycentrique ?
litaine et dysfonction- La gestion des métropoles fait l’objet d’un débat ancien
animé depuis la fin de la dictature par un « mouvement pour
nements la Réforme Urbaine » composé d’urbanistes, architectes,
chercheurs et associations. Ses diagnostics des problèmes
La séparation constitutionnelle des compétences tend à urbains font le constat de « villes inégales » où l’appropria-
produire un système parallèle où les compétences des ni- tion des sols et de la rente foncière par la spéculation im-
veaux fédéré et municipal se chevauchent ; on dit parfois « mobilière crée des formes de ségrégation et de cumuls des
les villes ont deux maires : leur maire…. et le gouverneur de inégalités génératrices de violences. Il préconise des règles
l’État ». En outre, comme c’est souvent le cas dans les pays de contrôle des sols urbains et un « urbanisme redistributif
du sud, les institutions de pilotage des réseaux techniques et démocratique » qui élargit l’accès aux services collectifs.
jouent un rôle déterminant mais caché par suite du « retard Ce « modèle municipal de bien-être » a inspiré des poli-
du politique » et de la faiblesse des institutions politiques. tiques municipales - tel le plan d’urbanisme de Rio- ainsi
que l’art 21 de la Constitution de 1988 qui confie aux gou-
Les analystes font le constat d’un déphasage entre l’ordre vernements locaux la mission d’orientation du développe-
juridico- institutionnel induit par la constitution, et les pro- ment urbain ; il a inspiré aussi le débat sur la loi de politique
cessus politiques de gestion effective. « La carte du fé- de réforme urbaine, les missions du nouveau Ministère des
déralisme ne coïncide pas avec celle de l’urbanisation, ni villes et le statut des villes.
avec celle des processus politiques réels ». Ils identifient,
au cœur du dysfonctionnement de la gouvernance urbaine, Face au pouvoir centralisé et à la forte dépendance des
un conflit latent entre « légalité et légitimité » et relèvent des gouvernements d’État, des évolutions sont perceptibles qui
cas « de gestion métropolitaine à base juridique solide mais annoncent de nouvelles formes de gouvernance urbaine,
à faible légitimité politique et sociale, ou de cas caractérisés telles que :
par une légitimité politique ou sociale forte mais par une - déconcentrer l’action de la municipalité en créant des
base juridique précaire. Si certaines métropoles attestent arrondissements, dotés de mairies ;
d’une compatibilité entre ces deux composantes, celle-ci - décentraliser en donnant une place plus grande aux
est rarement durable à long terme. municipalités et à la société civile ;
- intégrer les politiques publiques intersectorielles, afin
Les compétences décentralisées et les revendications des d’améliorer les conditions de vie ;
municipalités, porté par un courant décentralisateur impor- - impliquer les acteurs de la société civile.
tant, qualifié de « municipaliste » d’une part, et de l’autre,
la volonté des (ou de certains ?) gouverneurs d’accapa- Ces formes d’implication des acteurs de la société civile
rer ce pouvoir, rendent impossible pour ces très nombreux constituent une réponse aux dysfonctionnements urbains
acteurs aux pouvoirs – formels et réels – très inégaux, la et sont liées à la reconstruction des instances supra, inter et
création d’une institution intercommunale spécifique et la infra municipales et à l’amélioration de la gouvernabilité ur-
conduite de stratégies métropolitaines transparentes et baine. La participation sociale ou populaire est vue comme
concertées. un moyen de répondre aux problèmes sociaux et de dé-
veloppement et à la modernisation de la vie publique. La
Un autre facteur de dysfonctionnement pourrait résulter coopération entre des entités publiques, le secteur privé et
d’une dynamique métropolitaine qui génère du dévelop- les citoyens est considéré comme un outil de gestion des
pement technologique, tout en dégradant l’environnement problèmes de proximité.
urbain, et de la richesse économique, tout en accroissant
les inégalités sociales, les exclusions, voire la ségrégation, « Ces initiatives de participation au niveau municipal peuvent
y compris de l’auto-ségrégation de la part des classes so- prendre les formes suivantes :
ciales privilégiées qui utilisent leur pouvoir politique et éco-
nomique comme espace d’isolement » (Queiroz Ribeiro). • Les Budgets Participatifs : la société civile discute et dé-
cide la réalisation des travaux et des services prioritaires
//  51

pour la ville (il n’y a pas ici de modèle unique, la méthodolo- municipalité, ils ont pour but d’élaborer des plans d’orien-
gie varie selon la municipalité). Instaurés à Porto Alegre en tation et d’action, et de suivre la mise en place des projets.
1988, puis à Belo Horizonte depuis 1992, ils ont été large-
ment diffusés dans quelque 120 villes depuis, mais parfois Ces formes de participation sociale sont confrontées à de
le temps d’une mandature (de 2001 à 2004 à Sao Paulo). nombreux obstacles: formes de participation alibi, idéolo-
Ils reposent sur 4 éléments : (i) une délégation de souve- gies anti-institutionnelles, dérives clientélistes, faible mobili-
raineté des maires à des assemblées sectorielles et thé- sation des habitants, résistances ou opposition de certains
matiques ; (ii) une combinaison de formes de participation élus, etc. Prônées par les partis de gauche, elles sont sou-
directes ou par élection ; (iii) une auto régulation et définition vent restées en projet parce non votées faute d’un accord
des règles par les intervenants ; (iv) un effort d’inverser les local, ou remises en cause lors des changements de ma-
priorités dans la distribution des services collectifs afin de jorité municipale, mais elles peuvent fonctionner de façon
d’infléchir (ou rompre avec) et d’élargir la distribution et l’ac- informelle.
cès aux services collectifs et d’en débattre avec les techni-
ciens et les élus. Lancés par la plate forme des associations Les évaluations des budgets participatifs dans les deux
de Porto Alegre en 1988, ils sont gérés par un conseil du villes pilotes 1 montrent qu’ils ont eu des impacts redistribu-
budget participatif délibératif, chargé de discuter, décider et tifs certains et ont accru l’accès des pauvres aux services
donner suite aux propositions des assemblées de citoyens publics. Ils ont aussi amélioré le fonctionnement démocra-
dans chacun des 16 secteurs locaux. tique en instaurant des interactions avec les élus et de nou-
velles relations entre administrés et administrations.
• Le Budget participatif de la jeunesse: les jeunes de 12
à 25 ans font des propositions sur le sport, la culture, les Encadré 14 : La gouvernance de la macro-mé-
loisirs. Par exemple à Belém, 5 000 jeunes y ont participé la tropole pauliste : gestion des services et insta-
première année, plus de 10 000 l’année suivante. bilités :
La gestion des services collectifs a été assurée depuis
• Les Congrès de la Ville : c’est un espace de discussions 1974 par EMPLASA, l’Agence de Planification métro-
et de décisions, en dehors des structures administratives, politaine de l’État de Sao Paulo, s’occupait initialement
où les élus et la société partagent la réflexion sur les poli- de trois grands secteurs : les transports, l’énergie et les
tiques publiques et planifient l’avenir de la ville. Ce dialogue aspects sanitaires, et l’environnement. En 1989, après
prend des formes diverses : groupes de discussion, dé- l’adoption d’une constitution décentralisatrice, EMPLA-
bats publics et de fora thématiques, par exemple entre les SA a perdu des compétences au profit des municipa-
maires arrondissement et les agents municipaux d’une part lités2. Celles-ci disposent de compétences exclusives
et des associations et habitants de l’autre; (usage des sols par exemple) ou coopératives (collecte
des ordures). Le Secrétariat des transports métropoli-
• Programmes d’aide à la construction de logements, ur- tains supervise la compagnie d’autobus CPTM, mais
banisation des « favelas » : ces programmes sont élabo- c’est l’État fédéré qui définit les réglementations en ma-
rés et mis en place avec la population. L’entraide dans la tière de transport.
construction de logements est organisée par des coopéra-
tives d’accès à l’habitat. EMPLASA dresse des plans pour le Grand Sao Paulo,
c’est à dire les 67 municipalités agrégeant Campinas (19
• Les projets de développement qui sont élaborés dans dif- municipalités), la ville de Sao Paulo (39 municipalités) et
férents domaines, sur la base d’un partenariat élargi (ONG, Santos (9 municipalités). L’ensemble forme la Région mé-
Mouvements sociaux, syndicats, Centre de Recherches, tropolitaine ou la macro-métropole pauliste. Un Conseil
Université) et la Participation conjointe au Plan de dévelop- de Développement a été créé pour piloter le développe-
pement local intégré. ment économique de cette zone, formé pour moitié des
1 Leonardo Avrizer in Gestion de proximité et démocratie participative, in
• Les Commissions de gestion des équipements : elles vi- MH Bacqué et al, La Découverte, 2005.
sent à impliquer les usagers dans le contrôle des équipe- 2 Les municipalités peuvent s’allier et appliquer un programme commun
ou s’adresser directement au fédéral et essayer d’obtenir des fonds de ce
ments des villes. niveau. Les fonds proviennent alors de la Maison Civile auprès de la prési-
dence. Le Ministère des villes ne semble pas très actif. Il peut toutefois agir
à travers la PAC. Les fonds propres des municipalités sont de toute façon
• Les Forums et conseils municipaux sectoriels (santé, édu- limités. Ils proviennent des taxes sur la propriété et sur les services. Un fonds
cation, transports, etc.) Créés auprès des secrétariats de la de participation des municipalités, alimenté en partie par les taxes import et
export et l’impôt sur le revenu, réalise certaines formes de péréquation.
52   //

représentants de l’État et pour l’autre moitié des munici- lisation des habitants et participation limitée aux divers
palités. Il supervise l’agence technique et un fonds, mais conseils.
son importance est limitée. La ville de Sao Paulo (39 mu-
Source : Ligia Villas Boas Gabbi - Gouverner une mégalopole.
nicipalités) s’est par ailleurs refusé à joindre l’ensemble.
L’expérience de Sao Paulo – Ed. L’harmattan - 2009.
EMPLASA soutient donc les autres communes.

Sao Paulo est l’archétype des mégapoles, ville globale


et capitale économique et financière. Avec 2018 favelas 4.6 Conclusions
concentrées sur 4 arrondissements, souvent installées
sur des zones à risque ou des réserves naturelles et une Pays très urbanisé, le Brésil est confronté à des problèmes
perte de maîtrise de la gestion urbaine, la ville est aussi de maîtrise d’une croissance dualiste et désordonnée :
un concentré de problèmes économiques et sociaux sé- grande pauvreté, services collectifs déficients, logements
vères. Sao Paulo réunit en outre tous les problèmes de précaires, environnement dégradé, violence, déqualification
gouvernabilité et de gestion : forte dépendance du gou- des centres villes, etc. Les métropoles brésiliennes ne par-
verneur qui exclut un gouvernement supra municipal mé- viennent pas à échapper à un mode de croissance qui gé-
tropolitain, déficience organisationnelle», corruption et en nère du développement technologique tout en dégradant
plus une forte discontinuité politique et des alternances l’environnement et des revenus croissants tout en accen-
politiques à chaque élection qui a retardé les change- tuant la pauvreté et l’exclusion.
ments.
Dans ce contexte, il ne semble pas urgent d’aménager les
A défaut de pouvoir proposer un modèle de gouvernance institutions et de créer de nouvelles structures de gouver-
supra communal, les solutions retenues – mais souvent nance métropolitaine. Celles-ci se caractérisent, dans un
remises en cause - tendent à promouvoir de façon bal- contexte de décentralisation, par un chevauchement mar-
butiante un modèle inter communal et un polycentrisme qué des compétences des niveaux fédérés et municipaux
du pouvoir dont les leitmotivs ont été: déconcentrer, dé- et par une faiblesse des moyens financiers et fiscaux des
centraliser, planifier et promouvoir une « démocratisation municipalités. Le mot d’ordre est de promouvoir un « fé-
sociale ». On peut en identifier plusieurs : déralisme coopératif ». Dans ce but, des « régions métro-
- Déconcentration de l’action de la municipalité en politaines » furent créées, qui sont des unités de coordina-
procédant à un quadrillage territorial pour rapprocher les tion intercommunale et de gestion en commun de services
citoyens des services. 31 puis 13 arrondissements dotés collectifs (transports, assainissement, eau, logement social)
de mairies et de maires nommés et 86 districts, furent
et parfois de planification du développement économique.
créés dotés d’un budget propre ;
Mais on constate une dissociation marquée entre l’ordre
- Création par l’État fédéré d’une entreprise institutionnel défini par la constitution et les processus de
métropolitaine de transports urbains (EMTU) et d‘autres
gestion effective, par des conflits entre légalité et légitimité
instances de planification (EMPLASA) du Grand Sao
Paulo- et de consultation mais qui seront intégrés dans politique et sociale.
l’administration de l’État ;
- Municipalisation de services sociaux et de santé, La priorité consiste à renforcer les modes de gestion en
mais non suivie de transferts de moyens financiers, mettant à la disposition des villes des instruments et des
coordination accrue entre les 18 services de la ville et, moyens. Ces instruments sont d’abord juridiques (statut
depuis 2006, élaboration d’un plan stratégique à 1O ans des villes, règles d’occupation des sols, de régularisation et
par chaque mairie d’arrondissement ; de légalisation des constructions non autorisées, définition
- Création de structures intercommunales (consortium des droits et obligations des locataires et propriétaires) Ils
ABC de 7 municipalités de développement économique sont aussi techniques en élaborant et en diffusant des outils
et social et consortium de gestion des eaux et (guides, manuels, plans directeurs) mais aussi en renforçant
d‘assainissement d’un bassin entre 34 communes) ; les capacités des agents et l’implication des citoyens. Ils
- Tentatives de démocratisation et de promotion de la sont enfin financiers en mobilisant les subventions de la
participation sociale, par certains maires. Caisse économique fédérale et les moyens des États.
Ces changements se heurtent à de nombreux obstacles
et résistances : une fonction publique municipale plétho- Cette gestion se veut participative et démocratique et de fait
rique (130000 agents) recrutés selon un système clienté- le Brésil offre de multiples exemples novateurs d’implication
liste et dirigée par des cadres « politiques », faible mobi- et d‘initiatives des ONG et des associations de quartiers.
//  53

agro-industriel, automobile, informatique et textiles, d’un


ANNEXES AU CHAPITRE 4 complexe aéroportuaire et d’une université performante
(Unicamp) (PIB /tête de la région : 10 710 $ en 2006) ;
Annexe 4.1 : Développement et
Requalification urbaine à Sao Paulo b) L’Est vers Sao José dos Campos : une agglomération
industrielle (automobile, mécanique et aérospatiale avec
Une tendance s’affirme: la requalification urbaine au travers la présence d’Embraer (PIB /tête de la région 9 579 $ en
d’un programme de ré-urbanisation de la ville de Sao Paulo, 2006) ;
notamment autour de la diagonale Sud-Est. Cela implique
la destruction de bâtiments d’habitation. Les programmes c) le long de l’autoroute de l’Ouest, vers Sorocaba, un
ont commencé il y a 10 ans. La réhabilitation des habita- centre de services et d’activités industrielles spécialisées
tions est cependant moins difficile à mettre en œuvre que dans l’alimentaire et la mécanique (PIB/tête en 2006 pour
la migration des commerces et des activités industrielles. la région : 9 499 $) 4.
Des projets ont été réalisés (Herzog project), menés par
les municipalités en coopération avec le gouvernement de A noter que le projet de TGV Rio/Sao Paulo, dont l’appel
l’État. Les développements sont lents. L’État accorde des d’offre devrait avoir lieu début 2010, se fonde sur une esti-
incitations aux collectivités qui appliquent l’Agenda 21. On mation de trafic annuel de 30 millions de passagers, mais
cherche à promouvoir des éco-quartiers (suivant le modèle de seulement 7 millions pour la liaison Rio/Sao Paulo, le
français) ou « éco-voisinage ». reste étant fourni par les liaisons internes à la macro-mé-
tropole, en particulier entre la capitale de l’État, Campinas
Un programme de restauration des quartiers déshérités et Sao José dos Campos. L’investissement est évalué à 13
(Slum upgrading) est aussi en cours (il y a 1 573 favelas Milliards d’euros.
dans la métropole de Sao Paulo). Dans ces quartiers af-
fectés par le chômage (plus de 30 %), les bidonvilles ras- A Sao Paulo, la construction de nouvelles infrastructures de
semblent 40% de la population de la ville. Le problème ma- contournement de la ville (Rodoanel ou périphérique) vise à
jeur n’est pas seulement le manque de travail, l’absence désengorger le centre. Pour l’heure, 50% de ce qui est pro-
de formation et la génération de revenu, mais surtout le duit dans la ville est consommé en son sein. Un quart vient
logement. Le plan stratégique de réhabilitation des habi- de l’ouest, et prend la direction de Santos en pénétrant
tations du secrétariat au logement a pour objectif de créer dans la vile. Un autre quart vient du nord et se dirige vers
des conditions décentes de logement, d’améliorer l’état le sud toujours via le centre-ville et vice-versa. Une autre
sanitaire des quartiers et de conduire à une régularisation solution est d’utiliser les fleuves (hydroway). On pense aussi
foncière. Le plan mobilise 1.840 millions de Réals. Celui à construire un pipe-line pour transporter l’éthanol vers le
des eaux supérieures (Headwaters Plan), de 1.08O Millions sud. Le renforcement des voies ferroviaires est prévu.
de Réals, a pour objectif de fournir des espaces publics
pour intégrer les quartiers à la ville et au fleuve, d’appor- Annexe 4.2 : Nouveaux projets
ter des solutions aux problèmes sanitaires et de drainage, urbains et orientations stratégiques
et construire des aménités et lieux collectifs. De nombreux
obstacles rendent difficile ce travail d’assainissement social
à Rio de Janeiro
: le coût élevé de la terre nécessaire pour bâtir de nouveaux A Rio, troisième ville d’Amérique latine (6 millions d’habi-
logement, la faible capacité d’endettement des familles à tants), la rénovation a tardé et la période de début de siècle
bas revenus, bloquant leur accès au marché bancaire, les a été marquée par un sous-investissement chronique dans
questions de sécurité, le développement du crime et la pro- les infrastructures publiques. Les travaux de modernisation
lifération des gangs organisés. Des progrès ont cependant urbaine ont été relancés depuis 2007 grâce au dynamisme
été obtenus dans les deux plus grandes favelas : Heliopolis du nouveau gouverneur et aux efforts de la mairie. Ils s’ins-
et Parisopolis. 3 crivent dans le nouveau plan urbain (modifié de manière
décennal) et intègrent un grand projet de rénovation de la
Une autre tendance est le développement de la conurba- zone adjacente au port de marchandises.
tion dans trois directions.
a) Le Nord-Ouest, vers Campinas : un centre économique 4 Pour ces trois régions, les données 2006 sont les suivantes: Campinas :
19 municipalités – 2,6 millions d’habitants - PIB 28,8 milliards $; Sao José
exportateur de plus d’un million d’habitants doté d’un pôle dos Campos:10 municipalités – 1,5 million d’habitants - PIB 14,7 milliards
3 Le cadastre a été mis à jour et un système d’information élaboré que l’on $; Sorocaba-Jundai: 13 municipalités – 1,75 million d’habitants, PIB 17,4
connecte maintenant avec les autres base de données municipales milliards $.
54   //

Ce projet vise à capter une part beaucoup plus importante de la créativité » et la constitution d’un « pôle des industries
du tourisme de croisière de l’Atlantique (très actif d’octobre créatives » organisées autour du multimédia, du design et
à mai). Une progression de plus de 40% du trafic est espé- de la mode 5. La mairie voudrait, quant à elle, favoriser les
rée. Dans ce contexte, la Mairie a commencé à ré-urbaniser centres d’excellence en matière de technologies de l’in-
un quartier du front de mer, en déshérence. Il s’agit non formation. Elle souhaite mettre en place une fondation qui
seulement de construire un nouveau terminal, mais aussi de pourrait être financée par un prélèvement de 2% sur l’im-
réaménager les quais, réhabiliter des immeubles non occu- pôt sur les services. Des rabais fiscaux pourraient être pro-
pés, bâtir des résidences pour 500 personnes et construire posés aux entreprises de TIC venant s’installer à Rio. Ces
un garage souterrain. Des investissements de rénovation options sont en débat à l’Assemblée législative de la ville.
de la favela locale (Bairro) et l’ouverture de routes seront La politique « d’inclusion numérique » (accès à l’internet)
entrepris tandis qu’un boulevard surélevé sera détruit. Ces est aussi en débat. Enfin, des projets de transports locaux
derniers travaux seront financés à 70% par la Banque Inte- sont à l’étude, comme l’interrelation entre deux lignes de
raméricaine et le reste par la municipalité. Pour l’ensemble, chemin de fer et une ligne de métro 6. Une importante partie
un protocole a été signé avec la Présidence le 23 juin 2009. de la population (souvent pauvre) dépense énormément de
Le programme est géré sous la forme d’une concession temps pour ses déplacements domicile-travail dans Rio, à
fédérale. des coûts non négligeables ou ont recours à des modes
informels. L’amélioration des transports collectifs urbains
Plus généralement, la ville veut approfondir ses spécialisa- est, de fait, un défi qui doit être relevé de manière urgente.
tions et apparaître comme la principale métropole scienti-
fique et technologique du pays. Elle veut capitaliser sur ses 5 Les média et notamment TV Globo ont acquis un savoir-faire reconnu
dans toute l’Amérique latine en matière de séries télévisées, par exemple
avantages d’ancienne capitale fédérale et sur la présence les telenovelas.
de 16 instituts de recherches et 3 universités (UFRJ, PUC et 6 Des projets plus ambitieux sont discutés, comme l’installation d’un train
Bio Rio). Dans cette optique, le gouverneur voudrait diversi- à suspension magnétique (Maglev) entre les aéroports Tom Jobim, Santos
Dumont et Rodoviar. Les études ont été confiées au COPPE à l’UFRJ.
fier les activités de services. Il évoque l’idée d’une « agence
//  55
pratiques
significatives
//  57

5.1. Les initiatives de SE- et diffusé des programmes d’enseignement à distance


à 250 000 participants en 2007. Elle emploie 4 457 per-
BRAE, l’Agence des PME sonnes et a eu recours aux services de 9 283 consultants
cette même année.
SEBRAE, qui se définit comme un agent de développe-
ment, a été crée en 1972 avec pour objectif de « stimuler Son rôle a été redéfini en 2006 pour lui confier une mis-
l’entrepreneuriat et le développement du pays » et « pro- sion plus ciblée, afin de mieux coordonner les dispositifs
mouvoir la compétitivité et le développement durable des d’incitation aux 3 niveaux - fédéral, des États et local -. et
PME ». d’améliorer le cadre d’intervention telles que la réduction
des contraintes réglementaires, des coûts administratifs et
L’agence a un statut privé sans but lucratif et d’intérêt pu- de l’accès des PME aux marchés publics.
blic. Elle est financée par des crédits publics et dépend du
Ministère de l’Industrie et du commerce. Son budget était Ses missions sont d’appuyer les PME par le biais de parte-
de 1,2 milliard de dollars en 2008. Le conseil d’adminis- nariats avec les acteurs publics et privés, et d’association
tration de SEBRAE est composé de 13 membres dont le entre elles, de promouvoir la formation et l’accès au crédit
MDIC, la BNDES, FINEP, la Banque du Brésil et ANPRO- et de les aider à sortir du secteur informel.
TEC. Son financement est assuré par une taxe parafiscale
fixée à 0,3% de la masse salariale et prélevée dans les en- Elle intervient à la fois au niveau territorial et sectoriel en 29
treprises. filières organisées en fonction des vocations exportatrices,
regroupées en 3 secteurs (commerce et services, industrie
SEBRAE comprend 788 centres de service dont 452 sont et agro commerce).
gérés en partenariat avec d’autres institutions. L’agence est
présente dans plus de 2 000 municipalités. Elle soutient Sa première fonction est l’information - via des cours, sémi-
200 clusters au travers de projets à long terme et 377 incu- naires, événements publics, causeries, vidéos - diffusés par
bateurs. Elle a assuré 11 millions de services d’assistance plusieurs média dont une agence de presse, une radio, une
58   //

chaîne TV et des blogs. De très nombreux événements pro- munes reçoivent des fonds des associations commerciales
motionnels sont organisés et des prix décernés à diverses et des caisses d’épargne, mais ont des difficultés à les gé-
catégories ou groupes cibles – femmes, jeunes, etc.- de « rer. L’effort porte surtout sur les municipalités de l’intérieur
meilleurs entrepreneurs ». Un prix, le Top 100 de l’artisanat, des provinces. Par exemple dans l’État de Santa Catarina,
accorde des prix de gestion sur la base de 11 critères de un programme de développement des municipalités qui in-
marché et d’innovation. clut des informations statistiques détaillées sur l’économie
régionale et notamment sur les SPE (Secteurs Productifs
La seconde est la formation, combinée le plus souvent au d’État), un cours de 300 heures de formation à la gestion
conseil. Elle est individuelle – centrée sur les techniques de stratégique des dirigeants municipaux sur une année et des
gestion en accompagnement de projets ou à partir de dia- formations au leadership de citoyens.
gnostics, - ou collective, - au niveau de SPE, de groupes ou
réseaux de firmes, de consortia, de chaines de production, En termes d’efficacité de la politique régionale en faveur
de noyaux sectoriels, de coopératives, en incitant les PME des PME, le modèle SEBRAE est à considérer notamment
isolées à coopérer, se regrouper, se concerter, se renforcer. en raison de l’étendue de son implantation territoriale et de
Elle est a pratiquée en sessions ou à distance via la radio sa capacité d’intégration de nombreux services pour les
et la TV. Elle diffuse gratuitement des guides de l’entreprise petites entreprises. Ses dispositifs d’intervention dans les
qui offrent des conseils et idées d’affaires et participe à la zones déshéritées, notamment des villes, , attirent particu-
diffusion d’ouvrages sur le sujet. Elle dispose d’un « sys- lièrement l’attention. Sources : www.sebrae.com.br - www.sigeor.sae-
tème d’information de gestion stratégique orientée sur les bra.com et visite de l’agence de Rio
résultats » SIGEOR, très performant.

SEBREA ne finance pas les PME mais assure des liens 5.2. Politique d’innova-
entre elles et les financeurs et diffuse des outils et infor-
mations dans ce but. Elle appuie un réseau de sociétés de tion : le rôle de la FINEP
garantie du crédit, des organismes de financement tels que
les coopératives de crédit et de micro crédit ou d’appui à FINEP se définit comme « une entreprise publique de droit
une économie « juste et solidaire ». privé de transformation du Brésil par l’innovation » et de «
promotion du développement économique et social par le
Ses 27 agences nationales et ses agences régionales ajus- biais de la science, de la technologie et de l’innovation dans
tent leurs activités à la structure industrielle des États et les entreprises, les universités et les instituts technologiques
des régions dans lesquels elles sont implantées. Elles dis- ». Elle offre une large gamme d’activités : diffusion des infor-
posent de pépinières d’entreprises pour les start-up. Dans mations scientifiques et techniques, enquêtes, recherches
60 régions, elles proposent des « programmes territoriaux sur les innovations de produits, services ou process, amé-
» par appels à projets de développement local qui aident à lioration de la qualité et compétitivité des produits, valorisa-
la création d’entreprises et d’appels à projets culturels (46 tion des capacités scientifiques du pays.
opérations en cours).
Créé en 1967, FINEP fut réorganisée en 1996 après une
L’agence de Rio, par exemple, a conduit des actions vi- période de déclin. Elle continua cependant d’être criti-
sant à déceler des aptitudes entrepreneuriales et des com- quée pour son faible impact sur l’industrie et le système
pétences pour le textile et l’habillement dans les favelas. d’innovation du Brésil. L’Agence a connu ensuite d’autres
Chaque favela a mis sur pied une association qui identifie changements en 2000-2002 avec la création des fonds
les personnes à même de réaliser des travaux de couture. sectoriels, lorsque l’aide gouvernementale a été dirigée en
A Rio, 300 couturières des favelas fournissent maintenant priorité vers les coopérations industrie/recherche publique
des services réguliers. SEBRAE met en contact ces asso- 1
. Son rôle s’est vu conforté en 2004 avec la loi sur l’inno-
ciations avec des entreprises locales ou étrangères de la vation qui autorise les subventions aux entreprises dans le
mode (par exemple, Lacroix ou Lacoste). Pour ces projets domaine de la R&D.
dits de responsabilité sociale, des incitations fiscales sont
accordées aux firmes participantes. FINEP, qui dépend du Ministère de la Science et des Tech-
1 On compte 16 fonds sectoriels: Gaz et pétrole, Energie, Ressources hy-
driques, Transport, mines, Activités spatiales, télécommunications, infor-
SEBRAE s’occupe aussi de former les conseils municipaux matique, Coopération Université/Industrie, Infrastructure, Agriculture, Bio-
à la conception et au management de projets. Les com- technologies, Santé, Aéronautique, Région Amazone, Transport fluviaux et
constructions navales.
//  59

nologies (MCT), est supervisée par un Conseil de dévelop- et à la Technologie des États et les fondations FAPS. 599
pement de la science et des technologies. Son financement projets sont concernés, mobilisant 540 firmes pour un bud-
est assuré par 16 fonds sectoriels (télécommunications, get de 11 millions de dollars (chiffres de 2006) ;
pétrole et gaz, espace, etc.) dont 2 transversaux (liens uni-
versités-industrie et appui aux organismes publics). FINEP opère en coordination avec le CNPq (le Conseil Na-
tional du Développement Scientifique et Technologique) et
L’Agence finance par des subventions (aux universités et applique la politique du MCT. Une coordination verticale
organismes publics) ou des prêts 2 (aux entreprises), des existe aussi entre les agences fédérales et les États fédérés
milliers de projets de R&D sélectionnés par appels à pro- et FINEP est amenée à collaborer de plus en plus avec eux.
jets. Son budget s’élevait à environ 1,3 milliards de dollar Même s’il existe encore des chevauchements et une cer-
en 2008, en augmentation de 20 % environ tous les ans. taine fragmentation des stratégies, le système de gouver-
Les fonds sont dirigés vers les entreprises et les institutions nance de la politique d’innovation s’est amélioré au Brésil
d’enseignement supérieur et de recherche en masse à peu et FINEP a tendu à accroître son rôle et affiner sa stratégie.
près égale. L’Agence, par la multiplicité de ses programmes, la cohé-
rence de ses interventions sur toutes les phases du pro-
Parmi les programmes mis en œuvre, les plus intéressants cessus d’innovation, son implication spatiale (aide au parcs
sont : scientifiques) et son effort de renforcement des systèmes
a) le Programme PRIME (Primeira Empresa). PRIME sou- régionaux d’innovation en mettant l’accent sur l’innovation
tient les ‘jeunes pousses’ sur toutes les étapes du pro- dans les PME, peut être qualifiée à coup sûr de bonne pra-
cessus d’innovation, de la conceptualisation au dévelop- tique. Son engagement financier conséquent et focalisé
pement sur le marché. FINEP s’appuie sur 18 incubateurs conforte l’évaluation positive de l’institution. A noter égale-
pour sélectionner les projets et gérer ce programme. Dans ment que l’Agence s’est internationalisée dans la période
les 4 années à venir, elle devrait contribuer à créer 5.400 récente. FINEP gère d’ailleurs un important programme de
nouvelles sociétés. Ces nouvelles firmes reçoivent la pre- coopération avec le Programme cadre FP7 3 de l’UE.
mière année 70.000 US $, puis un crédit de la même quan-
tité l’année suivante ; Cet exemple présente certains aspects utiles pour les ré-
flexions françaises sur la politique régionale d’innovation
b) Le Programme Juro Zero : aussi connu comme le pro- Sources: www.finep.gov.br ; www.cnpg.br et OCDE, Economic Survey 2006
gramme à intérêt zéro. Juro propose des prêts sans intérêt
de 60,000 à 600.000 US $. Ces prêts sont très intéressants
dans un pays où les taux bancaires sont encore très élevés 5.3 La Stratégie de l’État
;
de Sao Paulo et la plani-
c) Le Programme de capital risque. FINEP fournit des cré-
dits d’essaimage et du capital ‘patient’. Elle offre aussi des fication spatiale en ma-
incitations aux investisseurs individuels en garantissant un
taux nominal de retour pour les investissements réalisés tière d’environnement
dans le fonds. FINEP a investi 150 millions de dollars dans
les 4 dernières années. De nouveaux instruments ont été En matière de qualité de l’eau et de l’air, la politique des
mis en place récemment dans le cadre du programme INO- États est souvent plus restrictive que la politique fédérale.
VAR soutenu par l’Inter American Development Bank ; C’est le cas de Sao Paulo pour le traitement des déchets.
Le Secrétariat à l’Environnement (SMA) dessine des scé-
d) Le programme PAPPE (Programa de Apoio a Pesquisa narios 2020 pour anticiper les externalités négatives du
em Empresas). Il accorde des subventions de R&D aux développement et prévoir les investissements écologiques.
chercheurs travaillant dans les petites et moyennes entre- L’extraction du pétrole au large va attirer une population
prises. Le budget consacré à ces aides est conséquent : considérable sur la bande côtière et les zones urbaines. Le
de l’ordre de 85 millions de dollars sur la période 2006- SMA doit déterminer les moyens d’éviter les impacts néga-
2008). Il faut noter la dimension régionale de PAPPE, qui tifs de ces changements. L’État de Sao Paulo donne des in-
opère dans 20 États dans le cadre de sous-programmes citations aux collectivités qui investissent dans le traitement
financés conjointement avec les Secrétariats à la Science des déchets et dans la bonne gestion des décharges. Il in-
2 En matière de prêts, FINEP peut financer jusqu’à 20% de la valeur totale
du projet. 3 www.bbice.ibid.br
60   //

tervient pour certifier la nature durable des investissements le lieu de squats et de logements insalubres. La déforesta-
publics. Le SMA met aussi en place une grande base de tion s’ensuit et l’érosion s’accélère, augmentant les risques
données très complète des paramètres environnementaux de glissements de terrain et d’inondations. Elle conduit
: une sorte de google environnemental régional. souvent à une sédimentation excessive, à des problèmes
de drainage, au développement de zones humides perma-
La planification environnementale affecte en premier lieu les nentes et d’espaces infestés de moustiques.
investissements publics. Un exemple intéressant est celui
des constructions de maisons d’arrêt et de pénitenciers. A Rio, la venue des migrants a contribué à la prolifération
Ces investissements dépendent des demandes du Secré- des favelas et à leur installation à la lisière des zones fores-
tariat à la justice des États. Le choix des emplacements des tières. Les 25% de la population qui vivent dans ces favelas
constructions s’effectue sur la base de la situation crimi- sont confrontés à des conditions sanitaires déplorables, au
nelle des localités et en particulier de la concentration des sous–emploi et à l’insécurité.
plaintes et déclaration des victimes. Des critères d’environ-
nement sont aussi pris en compte. Les nouvelles prisons Le programme lancé il y a quelques années de reforestation
ne doivent pas être trop près des villes pour des questions de la ville (Rio de Janeiro Community Reforestation Project
de sécurité, ni trop loin sinon des favelas s’établiront autour, - RJCRP ou Projet Mutirao) avait pour but de restaurer la fo-
créées par les familles des visiteurs (c’est-à-dire entre 6 et rêt atlantique non seulement pour des raisons esthétiques,
10 km des villes). Elles doivent être situées près d’un point mais aussi parce que les zones forestières sont essentielles
d’eau. L’obtention d’un agrément environnemental est né- en milieu urbain pour réduire les effets d’îles de chaleur,
cessaire. En améliorant la planification, le SIA dans l’État de améliorer la qualité de l’air et développer les espaces ré-
Sao Paulo a réussi à diminuer la période d’examen de 1 à 2 créatifs. Les forêts aident aussi à stabiliser les collines, di-
ans, à 3 mois. Dans cet État, 35 prisons sont à construire. minuer l’érosion et les problèmes associés. Le programme
RJCRP avait aussi pour objectif de fournir des emplois aux
Au niveau du privé, l’impact est indirect et l’interface est habitants des favelas, de leur procurer de nouvelles quali-
assurée par le CESTEB (Compania de Technologia de Sa- fications (en leur offrant des formations liées à l’environne-
neamento Ambiantal) qui est le bras armé du SMA. Avec ment) et d’améliorer leur vie quotidienne.
37 Offices régionaux et 2 050 employés, le CESTEB a les
moyens de peser dans les débats et de conduire un vaste Les projets de reforestation sont conduits sur des espaces
programme d’analyses d’impact et même d’en réaliser dans relativement limités pouvant concerner des lots d’un hec-
d’autres États. L’agence élabore en outre les standards de tare jusqu’à des parcelles de18/30 hectares. Il s’agit de ne
qualité, assure le monitoring de l’environnement, réalise les pas effrayer les propriétaires et de prendre en compte le
plans d’urgence, surveille la restauration de la végétation et maximum d’intérêts divers, même si cela rend le processus
la protection de la forêt côtière, identifie les zones contami- plus lent. Les sites sont choisis en se référant à des indica-
nées, accorde les licences, etc. Dans la dernière période, teurs sociaux (existence d’associations, viabilité, potentiel
elle a fait évoluer sa vision stratégique d’une approche « pour la favela) et environnementaux (escarpement, pré-
control and command » vers une démarche mettant plus sence de sources, taille). Dès que la sélection est opérée,
l’accent sur les technologies propres, en conformité avec la les ingénieurs municipaux étudient l’hydrologie du terrain et
stratégie anticipatrice du SMA. dressent des plans techniques et financiers. Ces plans sont
ensuite discutés avec les résidents. Un manager local est
désigné par la communauté. Il est responsable des salaires
de son équipe, du contrôle des matériaux et des tâches
5.4 Le programme de administratives. Il est payé par la ville.

reforestation à Rio de Lors de la phase de préparation du site (un an), la zone est
nettoyée, labourée, et enrichie au moyen d’engrais réalisés
Janeiro avec du compost. Des terrasses peuvent être aménagées
si nécessaire. Les plants sont fournis par une ferme munici-
Dans beaucoup de villes notamment dans le tiers-monde, pale modèle (Viveiro Forestal da Fazenda Modelo) et sélec-
la présence de collines escarpées rend difficile l’installation tionnés pour correspondre à la qualité du terrain. La ferme
d’infrastructures municipales et la construction de loge- modèle emploie des résidents. La phase suivante de plan-
ments de bonne qualité. Ces zones deviennent rapidement tation et de maintenance (trois à quatre ans) vise à démarrer
//  61

le processus de développement auto-entretenu de la forêt. pour réussir, il est nécessaire de mobiliser les habitants et
Le projet Mutirao est considéré comme un succès, notam- de combiner initiatives écologiques et programmes sociaux
ment en raison de la participation de la population. Début et de formation.
2009, il concernait 1 800 hectares et une centaine de com-
munautés. 800 emplois avaient été créés. Le coût de la Avec des ajustements, une telle expérience semble trans-
reforestation d’un hectare était estimé à 18 000 $ (5 500 posable à certaines zones urbaines à problème en France
pour la plantation et 12 500 pour la maintenance). : les ‘plans banlieues’ français, sauf exception, n’ont peut-
être pas suffisamment exploré cette voie pour « verdir »
Ce programme a pris place dans une politique plus large les quartiers en difficulté. Des projets analogues à Mutirao
de restauration de la flore. Il a été couplé avec des projets pourraient enclencher les prises de conscience néces-
de toits verts dans les favelas. Cette politique a montré que saires.
remarques
finales
//  63

État fédéral et puissance économique émergente, aux di- 6.1 La politique d’aména-
mensions exceptionnelles, le Brésil est confronté à des pro-
blèmes territoriaux qui sont à l’échelle d’un continent. En gement du territoire
matière de politique régionale, le pays dialogue avec l’UE
après avoir constaté « être confronté à de nombreux dé- Suite à une phase de décollage et de forte croissance éco-
fis similaires, dans le processus d’intégration » 1. Ces deux nomique (10% par an au cours des années 1967-74 du
entités font face à « une compétition globale, aux change- miracle économique) et au retour de la démocratie, le Brésil
ments climatiques, à une dépendance énergétique crois- s’est engagé dans une période d’adaptation stratégique et
sante, aux changements de structures démographiques et institutionnelle (privatisation, décentralisation et réforme de
aux flux migratoires », bien que pouvant prendre des formes l’État) qui atteste de remarquables capacités d’adaptation.
et avoir des impacts différents. En matière d’aménagement et de développement de cet
immense territoire, l‘administration Lula a conçu des stra-
tégies de politique articulées entre un cadre global (« Brésil
de tous » par exemple), une politique nationale de dévelop-
pement régional et un plan d’ordonnancement du territoire
1 Cette coopération originale a été lancée lors d’un colloque international de
à plus long terme. Un dispositif complexe et multidimen-
bonnes pratiques territoriales, tenu en novembre 2007 (la communication
française portait sur le dispositif des PNR ; le Brésil a présenté plusieurs cas sionnel de planification du développement a été mis en
de SPL). La Commissaire Hübner et le ministre de l’intégration nationale ont œuvre. Il combine des dimensions territoriales à 3 niveaux
signé un Memorandum Of Understanding qui établit « un dialogue structuré
sur les politiques régionales dans le but de promouvoir une compréhension (national, macro régional et micro régional) avec 3 types de
mutuelle renforcée et une coopération bilatérale et d’ouvrir de nouveaux plans temporels: les plans pluriannuels à 3 ans global –in-
canaux de communication pour renforcer les échanges d’information » Un
agenda pour la période 2009-2011 a été établi dans deux domaines : les
cluant des objectifs sectoriels mais aussi de réduction des
échanges d’expériences de connaissances et de bonnes pratiques d’une disparités régionales, ainsi que des programmes ciblés sur
part et de l’autre des appuis techniques aux politiques régionales, incluant
des régions à problèmes (Nordeste, Amazonie, centre est)
le financement de projets pilotes de coopération transfrontalière avec la
Guyane française. Voir Communication de la Commission « Towards en EU- et des plans stratégiques à plus long terme (2007-2020)2
Brazil Strategic partnership » mai 2007) et rapports et débats lors des Open
days. 2 Si les plans pluriannuels font l’objet d’évaluations annuelles approfon-
64   //

. Il préconise des formes d’intégration à partir de réalités en prenant avantage des transferts de technologie liés aux
régionales et locales en cherchant à combiner des objectifs grands contrats et considérablement augmenter ses capa-
de développement économique (critères d’efficience et de cités d’innovation. Même s’il accuse encore de nombreux
compétitivité) avec des objectifs de développement social, retards, il construit dans ce cadre une politique d’innovation
environnemental et territorial (critères d’équité, de durabilité intéressante articulée sur :
et de cohésion). Par exemple, en matière de réduction des a) les fondations (FAP) destinées à appuyer la recherche
inégalités, on cherche à combiner les dimensions secto- à l’échelon local et régional. Leur statut (constitution des
rielles, régionales et sociales). États) garantit leur autonomie et une certaine flexibilité pour
la recherche de partenariats financiers ;
Le Brésil offre un exemple de « grand retour » d’une pla-
nification territoriale d’inspiration systémique –pas toujours b) l’engagement de la FINEP, l’agence de financement fé-
facile à décrire- qui tente de saisir les dimensions multiples dérale, dont les interventions sont en grande partie coor-
de ces réalités et de rendre compte de la complexité. Elle données avec les FAP et/ou avec les gouvernements des
semble constituer un laboratoire d’ingénierie et de gouver- états via des conventions spécifiques. La FINEP met en
nance qui mériterait d’être exploré plus avant. L’une des œuvre le programme de subventions économiques aux en-
dimensions les plus originales de cette gouvernance multi treprises innovantes du gouvernement fédéral et remporte
niveaux – qui fonctionne dans beaucoup d’autres domaines des succès avec son programme PRIME. Elle rencontre
parce qu’inscrite dans la Constitution, est l’implication ins- plus de difficultés cependant à faire émerger un secteur du
titutionnalisée dans des dispositifs délibératifs des parties capital risque ;
prenantes et en particulier de la société civile aux éche-
lons locaux, des États et de l’Union. Elle peut être perçue c) la SEBRAE dont l’activité se décline régionalement et qui
comme une volonté de co-construction de ces politiques. mêle accompagnement des PME, des chaînes productives
Il s’agit là d’un domaine où le Brésil atteste d’une avance et des clusters et encouragement à l’innovation locale éco-
marquée dont pourraient s’inspirer les pays de l’UE et par- nomique et sociale.
ticulièrement les États membres à tradition étatiste et cen-
tralisée comme la France, où le développement – en dépit
de progrès réalisés en matière de partenariat – relève d’une
légitimité et d’un quasi monopole des acteurs publics. 6.3 Développement du-
rable
6.2 Attractivité et com-
Le Brésil offre des expériences très novatrices en matière de
pétitivité développement durable urbain, (cf. exemple ancien et bien
connu de la ville de Curitiba). Ces démarches locales, celles
Le Brésil a profondément changé sa politique de compétiti- des zones protégées et les efforts qui visent à intégrer les
vité régionale depuis ce début de siècle. Le gouvernement a dimensions environnementales et sociales – en particulier
en particulier clairement indiqué son objectif d’arrimer l’éco- en faisant de l’environnement un domaine de concertation
nomie nationale à la mondialisation. Il s’agit notamment de et de codécision- sont assez exemplaires. Mais la rhéto-
se caler sur le nouveau modèle de compétition qui carac- rique du développement durable, ne doit pas occulter les
térise maintenant les principaux pays émergents. Moins obstacles à sa promotion et son intégration dans les poli-
positionné que par le passé dans une posture d’imitation, tiques de développement territorial ainsi que les contradic-
de rattrapage et d’absorption des techniques étrangères tions et conflits entre mesures – et acteurs- de conservation
via les IED, ces pays s’efforcent de conforter leur position et de développement qui se posent dans tous les pays,
sur un certain nombre de niches technologiques qu’ils do- mais qui prend au Brésil des dimensions considérables.
minent. Le Brésil par exemple est bien installé sur des seg-
ments de l’aéronautique, de l’agro-alimentaire, des carbu- L’Amazonie en est un bon exemple. Les politiques y sont
rants à base d’alcool. Il commence à pénétrer les secteurs soumises à une double contrainte et des choix de politique
d’activités liés aux sciences de la vie pour mettre à profit qui sont antagonistes, voire schizophréniques. D’une part,
ses capacités importantes en matière de biodiversité. Le protéger –sous le regard de la communauté internationale-
Brésil veut par ailleurs étendre ces champs technologiques la biodiversité et aménager et gérer des zones protégées.
dies, les autres dispositifs sont trop récents pour que l’on en connaisse les D’autre part, poursuivre l’intégration de cette vaste région
résultats.
//  65

dans le territoire de l’Union en ouvrant des grands axes nel et le cadre réel de la gestion n’ont apporté que des
de communication, en poursuivant la colonisation et l’ex- réponses partielles aux questions de gouvernance métro-
ploitation des ressources – en particulier l’élevage lié à des politaine. Les innovations dans ce domaine se rapportent
politiques d’exportation de la viande bovine. Les conflits aussi à l’introduction du principe participatif très en vogue
souvent violents entre éleveurs et écologistes aux intérêts dans les processus d’élaboration des politiques urbaines
divergents, entre zones - aux limites souvent floues - de ; ce principe constitue une norme de la gestion publique
colonisation, d’activité et d’urbanisation d’une part et de locale, qui tend à créer un pouvoir polycentrique. En dé-
protection des écosystèmes de l’autre, révèlent la fragilité pit d’obstacles nombreux, de son caractère inégalitaire et
de ces politiques, la nécessité d’en approfondir les bases d’un écart certain entre les discours et les pratiques, des
et d’en perfectionner les outils. La question des biocarbu- démarches novatrices sont identifiables – bien au delà des
rants est un autre exemple frappant de cette opposition à budgets participatifs. Elles attestent d’une certaine effica-
dépasser. Ces contradictions flagrantes interrogent les mé- cité de ce principe et une amélioration des modes de gou-
canismes et outils visant à intégrer et rendre compatibles vernance urbaine dont d’autres pays pourraient s’inspirer,
les trois dimensions de la durabilité. dans au moins trois domaines de participation :
- la réalisation de diagnostics et d’influences sur les « agen-
da politiques » locaux et la définition des objectifs et prio-
6.4 Problèmes urbains rités ;

et métropoles - la gestion de services et d’équipements de quartiers ;

Le Brésil est confronté à des problèmes de gestion d’une - la formulation des politiques publiques, pouvant contri-
croissance urbaine rapide et socialement très inéquitable, buer à des co-constructions, voire des formes de codéci-
qui ne sont pas de même ampleur et de même nature que sions ou d’implication dans le suivi et l’évaluation.
ceux de nos villes. La forte dépendance financière des
États fédérés et la dissociation entre le cadre constitution-
glossaire
//  67

Agences de développement régional


Le Brésil dispose de grandes « superintendances » (ou agences publiques) de développement chargées de coordonner
les actions du gouvernement fédéral dans les grandes régions en retard de développement. Leur rôle a souvent fait l’objet
de débats et de controverses. SUDAM (Amazone) et SUDENE (Nordeste), crées dans les années 50 ont été supprimées
en 2001 – suite à des suspicions de corruption et d’inefficacité – et remplacées par d’autres organismes sans moyens.
Elles ont été recrées en 2007, par des lois qui en ont redéfini les rôles et les modes de gestion. Elles gèrent des Fonds de
développement qui reçoivent des crédits fédéraux ou permettent de faire bénéficier de crédits d’impôts. Leurs interven-
tions sont coordonnées avec celles des banques publiques de ces deux macro régions. Elles dépendent du Ministère de
l’Intégration.

SUFRAMA- l’Agence de Promotion du Développement de la Zone Franche de Manaus ( Amazonie) est de nature diffé-
rente. Créée en 1967, elle dépend du Ministère du Développement, de l’industrie et du Commerce. Organisée en 3 pôles-
commercial, industriel et agropastoral-, elle identifie les opportunités d’investissement et cherche à attirer des investisseurs
nationaux et étrangers ; elle mobilise des aides et assure des appuis aux entreprises installées dans la zone franche ainsi
qu’aux collectivités locales ; elle a une fonction de promotion des investissements technologiques et de l’exportation et
d’offre de services aux entreprises. En 2008 elle a foncé 312 projets industriels de 6,7 Mds de $ qui ont créés 31000
emplois et – dans 3 ans généreront 1, 3 Mds de $ d’exportation. La zone franche présentée comme un modèle accueille
600 entreprises de 30Ms de $ de CA . L’Agence perçoit une « taxe de services » qui finance des projets sociaux et envi-
ronnementaux et permet de servir de tremplin à des investissements dans la région d’Amazonie centrale.
Source : www.suframa.gov.br

Assistantialisme
Accusation récurrente portée à l’encontre de programmes sociaux d’urgence, tels que les programmes phares du gou-
vernement Lula - Bolsa Familia (allocation-famille) ou Pro Uni (université pour tous) - d’aide aux familles les plus pauvres.
Loués par la Banque mondiale comme exemplaires, ces programmes sont critiqués pour leur caractère jugé palliatif ou ca-
ritatif, pour n’exiger aucune contrepartie (par exemple d’obligation scolaire ou de vaccinations) ou pour être clientéliste et
électoraliste. On lui oppose des aides plus incitatives, des politiques redistributives des revenus primaires ou des réformes
structurelles de promotion sociale, d’intégration sur le marché du travail ou de réforme agraire, pour générer du revenu
familial. Le Gouvernement répond que ces programmes ouvrent l’accès à de nouveaux droits élémentaires (à manger
tous les jours, à être scolariser, etc.) et à de nouvelles orientations de politique sociale et formes de transferts sociaux plus
directs et plus efficaces.
Source. F. d’Arcy. Les nouvelles politiques de transferts sociaux, in D.van Eeuwen. Le nouveau Brésil de Lula, p. 119, Ed de L’Aube, 2006.

Banque Nationale de Développement Economique et Social (BNDES)


Créée en 1952, elle constitue le principal instrument du gouvernement fédéral de financement des investissements à long
terme dans les domaines économique, mais aussi social (éducation et santé) et environnemental (assainissement, trans-
port et énergies renouvelables, notamment). Elle accorde des prêts ou subventions aux entreprises de toute taille pour
l’acquisition d’équipements et pour les inciter à exporter. Le dernier investissement annoncé d’un montant de 840Ms de
Reis concerne l’installation de 10 parcs éoliens. Le budget de ses interventions en capital (de janvier à octobre 2009) est
de l’ordre de 130 000Ms de Reis

Elle constitue un « système BNDES » avec ses deux établissements spécialisés : la FINAMR (Agence Spéciale de finance-
ment industriel) qui finance des importations de machines et d’équipements modernes, mais aussi des industries de fabri-
cation et de substitution à ces importations et la BNDES Participation, une société par action qui prend des participations
dans le capital d’entreprises pour les aider à se (re)capitaliser et alimente des fonds de capital-risque. Les trois priorités de
son plan d’affaires en cours (2009-2014) sont le financement de l’innovation et de la R&D, le développement régional et
68   //

local et les investissements socio-environnementaux.

Elle gère des Fonds, tels que le Fond d’investissement pour l’Amazonie, créé en 2008, (www.fundoamazonia.gov.br) ainsi
que le Centre Celso Furtado d’études et de recherches sur les politiques de développement. Elle dispose de deux bu-
reaux, à Londres – auprès d’investisseurs internationaux - et à Montevideo, siège du Mercosul.
Source : www.bndes.gov.br

Développementalisme (desenvolvimentismo)
Politique de développement et de croissance préconisée par les gouvernements autoritaires brésiliens (militaires et Pré-
sidence J Kubitchev) basée sur une intervention active de l’État imposant une forte croissance industrielle et des inves-
tissements d’infrastructures massifs pour accélérer l’augmentation du PIB et générer des revenus. Et ce au détriment
d’investissements sociaux et de toute « participation ». Le terme de néo développementaliste a été préconisé récemment
et alimente un débat sur les orientations des politiques. En réaction aux options néolibérales et aux critiques de l’hypothèse
walrasienne des « marchés efficients » et de l’optimum de Pareto, générant une croissance qui accentuent les inégalités,
un courant néokeynésien très actif au Brésil préconise – dans le sillage des propositions de J. Stiglitz, Paul Davidson et
Maskin (Nobel 2007) - un nouvel interventionnisme de l’État, la recherche d’un équilibre avec le marché et une stratégie «
de transformation productive et d’équité sociale ». Ils démontrent notamment que certaines interventions de l’État amélio-
rent l’optimum de Pareto et pose la question de la redistribution des revenus primaires.
Source : J. Sicsu (et al). Por que um novo desenvolvimentismo, Jornal das Economistas, N°86, Janvier 2005

Embrapa (Institut de recherche du Brésil sur l’Agriculture)


Embrapa a été crée en 1973 pour promouvoir des solutions pour assurer le développement durable des zones rurales, en
mettant l’accès sur l’agro-alimentaire via la génération, l’adaptation et le transfert du savoir pour le bénéfice de la société
brésilienne. EMBRAPA est éclaté en 37 centres de recherche, emploie 2221 chercheurs, dont 53% sont des PHD ou
docteurs.

La plupart des centres se consacrent à la R&D sur les produits de base. D’autres sont impliqués dans des recherches
thématiques (environnement, biologie, génétique, etc..) et/ou des questions régionales. EMBRAPA a deux laboratoires
hors Brésil, en France et aux États-Unis. L’Institut se focalise sur les progrès technologiques réalisés dans les cultures
en développant des techniques pour contrôler les agents biologiques néfastes. Il coordonne aussi le Système national
de R&D agricole, notamment les institutions de recherche fédérale ou de l’État, les universités et le secteur privé qui, en
coopération, gèrent des projet de R&D pertinents pour les régions.

Le rôle joué par EMBRAPA et ses organisations sœurs à l’échelle régionale pour hisser le Brésil dans la cour des grands
pays agricoles producteurs est pleinement reconnu. Le Brésil est en effet devenu un concurrent majeur pour des produits
comme le soja, le sucre, le café, les oranges ou la viande. Ses exportations atteignaient 30 milliards de dollars en 2004 et
génère 1/3 des revenus tirés de l’ensemble des produits vendus à l’étranger.

Fondations de recherche
Les Fondations (FAP) sont toutes destinées à appuyer la recherche. La plus ancienne et la plus importante est la FAPESP,
de l’État de Sao Paulo. Créée dans les années 50, elle constitue une référence pour toutes les autres, fondées à partir de
dispositions des nouvelles constitutions des États en 1988. Leur situation varie beaucoup en fonction de leurs ressources.
Celle de Sao Paulo est la seule à disposer d’un budget garanti par l’État, car s’appuyant sur un pourcentage des recettes
fiscales allouées directement par l’administration fiscale. Les autres dépendent du vote du budget au Parlement des États.
Souvent aucun fonds ne leur est alloué. Elles doivent alors mobiliser des ressources externes par exemple du Ministère
fédéral de la Science et de la Technologie, qui leur transfère les fonds de certains programmes et le charge de leur exécu-
tion, dans le cadre de conventions. Il est à noter que le statut des fondations leur garantit autonomie et flexibilité dans la
recherche de partenaires financiers. Les Fondations les plus connues sont outre la FAPESP,, la FAPERG (Rio de Janeiro)
et la FAPEMIG (Minas Gerais).
//  69

Inova : une agence d’innovation


L’Agence d’innovation Inova de l’Université de Campinas a été créée en 2002 pour stimuler les projets de R&D en coopé-
ration avec l’industrie, favoriser le consulting et exploiter la propriété intellectuelle au travers des licences. Inova emploie 49
personnes, détient déjà 40 brevets et gère trois technologies non propriétaires via 21 contrats. Avant la création d’Inova,
Unicamp, l’un des centres de science et technologie les plus renommés du pays, - qui avait créé un Office de transfert de
Technologie pour soutenir son effort de prise de brevet - possédait seulement 8 brevets.

Pendant la période 2004-2005, Inova a signé 87 contrats de licence avec les des entreprises accroissant ainsi ses revenus
tirés de la propriété intellectuelle de 60 %. Les demandes de brevets auprès de l’INPI (Instituto Nacional de Propriedade
Industriale) ont augmenté d’un tiers en 2005. Les contrats de licence ont notamment concerné des agents pharmaceu-
tiques et phyto-therapeutiques, des technologies agro-alimentaires et des produits incorporant des nanotechnologies.
Les responsables d’Inova estime que l’un de ces produits Aglycon Soy (un agent thérapeutique agissant dans les théra-
pies d’hormone de remplacement) générera des royalties de l’ordre de 12 millions de reals par an dès 2009.

Le contrat de licence de Biphor à la compagnie Bunge Alimentos est le programme le plus important d’Inova. Il s’agit d’un
pigment blanc à base nano technologique et respectueux de l’environnement. Il est utilisé dans les les peintures, les re-
vêtements et produits dérivés. La filiale brésilienne de Bunge, le plus gros producteur sud-américain d’engrais, a construit
une usine pilote, qui produit déjà des échantillons de Biphor. Bunge estime que son pigment blanc détiendra 10 % du
marché mondial en 2010, et qu’il fournira à Unicamp 45 millions de reals de revenus au cours de la prochaine décennie.
Inova travaille aussi en étroite coopération avec une centaine de jeunes pousses notamment pour l’installation d’un parc
technologique dans le voisinage immédiat de l’université.
Source : www.inova.net
liste des
abréviations
//  71

ABDI : Agence pour le Développement Industriel


ARPE : Programme des zones protégées d’Amazonie
ANPROTECH : Association pour la Promotion des Organisations Innovatrices
BNDES : Banque National de développement économique et Social
CCT : Conseil National de la Science et de la Technologie
CONVIVER : Programme intégré et durable pour le développement des zones semi-arides
CNPq : Conseil National de Développement Scientifique et Technologique
CONFAP : Conseil national des Agences de Recherche de États
CONSECTI : Conseil des Secrétaires d’État pour la Science, la Technologie et l’Innovation
FINEP : Agence de financement de l’innovation du MCT
FNDCT : Fonds national de Développement Scientifique et technologique
MCT : Ministère de la Science et de la Technologie
MDIC : Ministère du Développement, de l’Industrie et du Commerce International
MEC : Ministère de l’Éducation
PAC : Plan d’Accélération de la Croissance
PDFF : Programme pour le développement de la bande frontière
PNDR : Programme National de développement Régional
PRODUZIR : Programme d’assistance aux zones de faible revenu
PROMESO : Programme pour le développement durable des espaces infrarégionaux
PROMOVER : Programme pour la promotion économique des zones infra régionales
SEBRAE : Service Brésilien d’Appui aux Très Petites et Petites Entreprises
SMA : Secrétariat à l’Environnement (État de Sao Paulo)
SNPU : Secrétariat national des Programmes Urbains
SPE : Secteurs Productifs d’État
ressources
documentaires
//  73

• Ambassade du Brésil www.bresil.org


• Cnrs-CREDAm Latine/ Sciences Politiques www.idhal-univ-paris3.fr
• Centre des Études Brésiliennes (EHESS) et Cahiers du Brésil contemporain , www.ehess.fr/crbc
• Institut des Études Portugaises et Brésiliennes
• Revue Info Brésil
• Etude comparée des politiques d’aménagement du territoire et de développement régional dans les pays du sud
(pp 62 > 74) - Ministère des Affaires Etrangères DgCID (2006)
• Mondialisation et politique fiscale au Brésil - CERI / CNRS (2007)
• Le Brésil – M. Droulers et C. Broggio - Que sais je ? PUF (2005)
• Le Brésil - Hervé Théry - Col U Armand Colin (2005)
• Le nouveau Brésil de Lula - Daniel Van Eeuwen – Ed. de l’aube (2006)
• Gouverner une mégapole L’expérience de Sao Paulo - L.Villas Boas Gabbi – Ed. L’Harmattan (2009)
• Lessons from Brazil’s Regional Development Programs - A.Lopes Neto - OECD China Conference (2001)
• University startups for breaking lockins of the brazilian economy-Prof. A.M. Maculan and J.M. Carvalho de Mello –
Science and Public Policy, March 2009
• Regional Development Strategies in Brazil - G. Maia Gome - Mimeo (2002).
• Atuaçao do Estado, a no desenvolvimento recente do Nordeste - Cardoso, Gil Celio De Castro - Ed. UFP (200?)
• “Amazon Hub”, Building Informed Civic Engagement for Conservation in the Andes-Amazon (BICECA) ;
“Incorporação compulsória de territórios” et “IIRSA : os riscos da integração”, Guilherme Carvalho, (NAEA/UFPA),
parus dans Orçamento y Política Socioambiental, Nº17, Instituto de Estudos Socioeconômicos – INESC (2006).
Ministère de l’agriculture,
de l’alimentation, de la pêche,
de la ruralité et
de l’aménagement du territoire
Créée en 2011, cette collection à caractère scientifique entièrement numérique a pour objectif de rendre ac-
cessibles, certaines des études les plus récentes de la DATAR. L’intérêt est également de pouvoir proposer
ces travaux d’expertise ou de R&D confiés à des laboratoires de recherche ou à des cabinets de consultants
dans une version publique très complète, intégrant notamment le détail de la méthodologique et des annexes
techniques complémentaires. Chaque numéro de cette nouvelle série est disponible en téléchargement sur le
site-portail de l’aménagement du territoire dans une version maquettée facilement imprimable.

Datar • 2011

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