Vous êtes sur la page 1sur 81

c o l l e c t i o n E t u d e s e t Tr a v a u x l E d i t i o n s d u G r e t l M i n i s t è r e d e l a C o o p é r a t i o n

Développement local urbain en


Afrique. Histoires de projets.
Cinq projets de développement urbain, menés au Bénin et

Développement local urbain en Afrique


au Cameroun par le Gret, forment le corps de cet ouvrage.
Un sixième projet, mené en Haïti, complète l’échantillon.
Les expériences décrites apportent un éclairage pragmatique
sur quelques questions transversales : l’échelle d’intervention,
les relations avec les partenaires, l’approche sectorielle
ou territoriale, l’articulation de l’urgence et du développement,
l’évolution des compétences... G R E T
Notre ambition est de contribuer à l’élaboration
d’une méthode pour le dévelopement local urbain.

Développement local urbain en Afrique


L’ouvrage est destiné à tous ceux, ONG, associations de
développement, collectivités locales, etc., qui interviennent
en ville et sur la ville, ou qui souhaitent apporter leur appui
à l’amélioration des conditions de vie des habitants et
à la gestion des quartiers populaires en Afrique.
Histoires de projets
ISBN : 2 - 86844 - 074 - 6. Prix : 70 FF

Groupe de recherche et d’échanges technologiques


213, rue La Fayette 75010 Paris (France)
Tél : (33-1) 40 05 61 61. Fax : (33-1) 40 05 61 10
Développement local
urbain en Afrique
Histoires de projets

Equipe Habitat–Urbain, Gret


collection Etudes et travaux

Editions du Gret
Ministère de la Coopération
Cet ouvrage a été réalisé sous la direction de Isabelle de Boismenu, responsable de l’équipe
Habitat/Urbain du GRET. Il doit beaucoup au travail préparatoire effectué par Christophe Hennart.
Ont également contribué : Marc Lévy (GRET), Fanny Chauveau (JVE), Bernard Collignon
(indépendant), Louis Lhôpital (AFVP) et Gérard Barthélémy (indépendant) notamment, par leurs
commentaires sur les textes.

Rédaction : Véronique Sauvat et Isabelle de Boismenu.


Maquette : Solange Münzer.
Illustrations : Guislaine Loyré de Hautecloque, Raúl Pajoni.
Sommaire

5 Introduction
9 Les enjeux du développement local urbain

Récits d’expériences

Au Cameroun
19 Mobilisation autour de l’eau potable à Nkoldongo, un quartier de Yaoundé
25 De l’urbanisation sauvage à l’aménagement concerté à Yaoundé
31 Créer des ressources en améliorant l’environnement sanitaire à Bafang
37 Un fonds d’appui aux organisations urbaines et initiatives productives

Au Bénin
45 Jeunes Ville Emploi, au Bénin

En Haïti
51 De l’eau potable pour les bidonvilles à Port-au-Prince

Annexes
61 Annexe 1 : Exemple de convention avec l’Etat
65 Annexe 2 : Exemple de convention avec une collectivité locale
70 Annexe 3 : Exemple de convention avec une association intermédiaire
74 Annexe 4 : Repérer des porteurs de projets dans les quartiers
76 Annexe 5 : Méthodologie d’approche territoriale ascendante
pour l’aménagement urbain
78 Annexe 6 : Bibliographie, centres ressources
Introduction 5

L
a coopération dans le urbain. Quelle est la place des
domaine du développe- ONG dans l’ensemble des
ment urbain se cherche encore. Pourtant, le tiers acteurs locaux et internationaux qui “ font ” la
monde, y compris l’Afrique bien qu’avec quelque ville ? Quelle est la bonne échelle d’intervention ?
retard par rapport à l’Asie et l’Amérique latine, Sur quels thèmes, avec quelles outils, quels parte-
s'est largement urbanisé au cours des dernières naires ? Y a-t-il une spécificité du rôle des associa-
décennies. De même, la vision dominante d’une tions de solidarité internationale ? Doivent-elles
ville - particulièrement la grande ville - essentielle- revoir leurs méthodes, adapter leurs compéten-
ment prédatrice cède peu à peu la place à la ces ? Par tradition, elles interviennent le plus sou-
reconnaissance du rôle moteur indispensable qu’el- vent au niveau local, auprès des populations défa-
le joue dans le développement économique et les vorisées. Mais avec quelle conception du
mutations sociales et culturelles. développement local ?
Dans ce contexte, l’action des associations de Si la professionnalisation des associations de
solidarité internationale est appelée à s’intensifier solidarité internationale qui interviennent en milieu
en milieu urbain. Cette action est encore récente ; urbain, ou envisagent de le faire, est un défi à
les financements qui lui sont consacrés sont très relever, force est de reconnaître qu'il existe peu de
faibles par rapport aux sommes dévolues au déve- travaux qui pourraient les y aider. De fait, une tren-
loppement rural ; les projets sont peu nombreux. Il taine d'organisations seulement (en France) tra-
y a là un effet de tradition, voire d’inertie des pra- vaillent en milieu urbain dans les pays en dévelop-
tiques et des institutions. Mais il faut reconnaître la pement, tous secteurs confondus (de la santé au
difficulté de la coopération urbaine pour les asso- crédit, en passant par l'habitat et l'insertion des
ciations de développement : la concentration des jeunes). Il est donc important d’entreprendre un tra-
populations exacerbe les besoins (en infrastruc- vail de capitalisation des actions déjà initiées.
tures, en services...), les problèmes collectifs L’enjeu est triple : faire connaître les expériences
(hygiène publique, environnement...), la com- engagées pour susciter de nouvelles “ voca -
plexité de la gestion. Les acteurs sont plus nom- tions ” ; donner des idées, des pistes d’interven-
breux qu’en milieu rural et les enjeux institutionnels tion, à la fois thématiques et méthodologiques ;
et politiques plus marqués. tirer le plus tôt possible des enseignements des
Aussi, les associations de développement ne erreurs commises, des blocages rencontrés, des
savent-elles pas toujours que faire, ni comment, réorientations qui se sont révélées nécessaires, et
lorsqu’elles se proposent d’intervenir en milieu aussi des succès.
6 Introduction

L’équipe Habitat/Urbain du GRET propose Contexte économique aussi, qui est celui d’une
dans cet ouvrage un travail de capitalisation sur pénurie des ressources publiques locales face à
quelques-uns des projets de développement urbain une demande en expansion, et d’une insuffisance
qu'elle a menés au cours des dernières années, des ressources internationales pour faire face à
notamment en Afrique. Cet ouvrage n'est pas pour l’ensemble des besoins. D’où la nécessité d'arbi-
autant une évaluation. Il n’est pas non plus un tra- trages, au niveau des bailleurs, des Etats, des col-
vail de recherche sur le développement local en lectivités locales...
Afrique, ni un manuel technique. L’angle d’ap-
proche adopté est celui d’un opérateur de terrain. Contexte institutionnel enfin : la gestion urbaine
Il part d’une pratique lue et interprétée et renvoie à dans son ensemble fait intervenir une multitude
une pratique future. d’acteurs, depuis l’Etat qui collecte les ressources
fiscales et définit le cadre réglementaire de l’urba-
Ce travail correspond aussi à un tournant des nisation, en passant par ses services déconcentrés,
modes d'intervention en milieu urbain : on sort peu les collectivités locales, les entreprises publiques
à peu de projets très techniques et très sectorialisés prestataires de services, les petites entreprises du
(construction en matériaux traditionnels...) pour secteur informel, les pouvoirs traditionnels, les asso-
aborder le développement d'une manière plus ciations, les habitants et les agences d’aide au
transversale, plus territorialisée et surtout plus à l'é- sens large.
coute des pratiques des citadins.
Cette première par-
Cet ouvrage est destiné aux opérateurs, aux tie est aussi une modes-
associations de développement, aux collectivités te synthèse des acquis
locales qui souhaitent réfléchir sur les moyens et méthodologiques qui
méthodes du développement local urbain et peuvent aider les asso-
apporter leur appui à l’amélioration des conditions ciations de solidarité
de vie et de la gestion des quartiers populaires en internationale à mieux cibler leur place parmi l'en-
Afrique. semble des acteurs du développement urbain, le
rôle spécifique qu'elles peuvent jouer, les qualifica-
tions que cela exige, etc. Elle fait le point sur les
Cet ouvrage est organisé en deux parties. enjeux du développement local : il ne s’agit pas,
sous prétexte des carences des Etats, de promou-
La première, assez brève, est un rapide pano- voir l’action à l’échelle du quartier comme une
rama du contexte dans lequel interviennent aujour- nouvelle panacée. Mais il existe au sein des popu-
d'hui les associations de solidarité internationales lations des ressources inemployées, en temps, en
spécialisées sur le milieu urbain. énergie, voire en argent, qu’il est important de
Contexte technique bien sûr : il est reconnu que mobiliser au mieux, tout en cherchant les voies et
l’habitat, au sens strict de la construction, est plus moyens d’une complémentarité avec les autres
efficacement servi par les initiatives privées. La acteurs.
régularisation foncière, en revanche, est un préa-
lable indispensable à l’aménagement urbain et à
la reconstruction de la fiscalité locale. Elle relève La deuxième partie présente six études de cas,
pour sa part de l'autorité publique. Il est en outre de projets menés en Afrique francophone et à
désormais acquis que les services urbains fonction- Haïti au cours des dernières années. Certains de
nent en filière et qu’une intervention à l’amont ou à ces projets sont bien avancés, d'autres tout
l’aval, mais qui ne prendrait en compte qu’un des récents. Il existe sur chacun d’eux une documenta-
aspects de la chaîne, a toute chance de se heurter tion abondante (rapports de mission, études com-
à des goulots d’étranglement et d’échouer. Il ne plémentaires, évaluations externes). En outre, ils
sert à rien de collecter les ordures ménagères si renvoient à des approches variées de la coopéra-
l’on ne peut les évacuer ensuite, par exemple. tion urbaine.
Introduction 7

Quatre études de cas concernent le Cameroun. gramme d’urgence.


Bien que différentes, les actions entreprises forment Au-delà de chaque petite histoire, nous avons
un tout cohérent. Même si elles ont donné lieu à tenté de mettre en lumière les traits les plus intéres-
des financements d'origines diverses, elles se sont sants de ces expériences, ainsi que les difficultés
enchaînées les unes aux autres dans le temps et auxquelles elles se sont trouvées confrontées.
dans l'espace. Pour bien comprendre le travail réa- Chaque étude de cas se termine par quelques
lisé, il faut le resituer dans sa logique de "program- pistes d'intervention, c'est-à-dire quelques pratiques
me d'animation local urbain" engagé à partir de ou leçons qui nous semblent des acquis bons à
fonds du ministère français de la Coopération. prendre en compte. Chaque étude de cas est éga-
La première étude de cas décrit le programme lement accompagnée d'un "point de vue", sorte de
de micro-réalisations dans un quartier périphérique libre-propos sur un point de débat actuel. Les
de Yaoundé 4, Nkonldongo et la deuxième son annexes proposent quelques outils méthodolo-
pendant dans une ville de province, Bafang. Ces giques pour la mise en oeuvre de projets de déve-
deux initiatives se sont prolongées par un travail loppement local urbain.
sur l'approvisionnement en eau, à Yaoundé 4 et à
Bafang, associé à une évaluation d'un programme
de bornes-fontaines payantes réalisé par l'entrepri-
se publique camerounaise, la SNEC. En outre,

des aménagements urbains entrepris à


Nkolndongo ont débouché sur une réflexion plus
large au niveau de la ville sur la valorisation de
l’espace urbain. Le découpage de ces trois études
de cas a été choisi pour la clarté de l'exposé. La
quatrième étude sur le Cameroun porte sur un
récent projet de fonds d'appui aux organisations
urbaines et aux micro-réalisations, financé par
l'Union européenne, dans la continuité de la dyna-
mique engagée.

L'étude de cas suivante nous mène au Bénin,


avec un projet "Jeunes-ville-emploi" qui relève d’une
approche thématique, transversale. Le projet
consiste à mettre en place un réseau de réflexion
et d’échanges d’expériences de développement
urbain.

Enfin, le plus récent, un projet d’approvisionne-


ment en eau potable de bidonvilles de Port-au-
Prince, à Haïti, relève d’une approche sectorielle
d’amélioration d’un service urbain. Il présente en
outre la spécificité d’être conçu comme un pro-
Développement local urbain en Afrique 9

Les enjeux du développement


local urbain

Les villes croissent, les besoins


rurale n'est plus conforme à la
des habitants aussi
réalité et s'en écartera de plus
en plus." 2
L'Afrique, continent urbain ?

Les villes d'Afrique dans son ensemble, et


L'équipement des villes africaines : effort
d'Afrique subsaharienne en particulier, se sont
colossal, moyens dérisoires
développées extrêmement vite au cours des qua-
rante dernières années. Les taux de croissance de L'urbanisation s'accompagne d'investissements :
la population urbaine (c'est-à-dire à la fois la crois- en général, les particuliers ont consacré ces inves-
sance naturelle et les migrations rurales) ont été tissements en priorité au logement, et les pouvoirs
entre 1960 et 1980 trois fois plus importants que publics aux infrastructures. Ils ont été réalisés dans
ceux enregistrés en Europe au plus fort de la révo- les villes africaines à une vitesse et avec une
lution industrielle ! ampleur que bien peu d'autres régions du monde
ont connues. Faut-il alors s'étonner que l'Afrique ait
Cette croissance s'est ralentie dans les années été pour une grande part accaparée par cet effort
80, du fait de la crise économique, des effets des ? Le fait que le niveau de vie n'ait pas chuté grave-
politiques d'ajustement structurel. Elle n'en demeure ment par suite de la croissance démographique est
pas moins importante, au point que de récents tra- déjà une performance. Un tel résultat est le fruit
vaux de prospective estiment que la population des efforts quotidiens des habitants. Les sociétés
urbaine de la région (19 pays, dont le Nigeria) africaines ont su élaborer des stratégies, des
est passée de 13 à 78 millions entre 1960 et mécanismes de production et d'usage de l'espace
1990 et devrait être de l'ordre de 275 millions en urbain conformes à leurs attentes, en fonction des
20201. "Au total, et en dépit de toutes sortes d'in- moyens dont elles disposaient.
certitudes, l'image d'une Afrique essentiellement
Il faut noter en effet que la croissance des villes
1
Etude des perspectives à long terme en Afrique de l’Ouest africaines n'a été qu'en partie tirée par la croissan-
(Waltps), OCDE-Club du Sahel, Banque africaine de dévelo-
2
pement, Banque mondiale. Arbaud M. (1994).
10 Les enjeux du développement local urbain

ce économique et qu'elle se poursuit dans un


PORTRAIT DE LA VILLE AFRICAINE contexte de crise et de raréfaction des ressources
publiques. En outre, l'aide internationale reste lar-
La ville moderne, c'est-à-dire produite de manière
gement tournée vers le monde rural. Par exemple,
régulière, officielle, peut occuper jusqu'à 60 % de
une enquête menée par l'association ENDA sur les
l'espace urbain total. Mais elle n'abrite que 15 à
projets d'environnement urbain en Afrique montre
20 % de la population urbaine. Elle comprend les
quartiers d'affaires, le centre ville, les installations
que ceux-ci ne reçoivent que 6 % de l'ensemble
industrielles ou portuaires, les quartiers résidentiels des sommes consacrées au développement par les
nationaux ou étrangers à hauts niveaux de revenus. bailleurs de fonds européens. De même, les prêts
Quelques quartiers assez bien tracés et plus ou urbains de la Banque mondiale ne représentaient
moins bien équipés sont occupés par la classe en 1990 que 5 à 10 % du total de ses prêts, alors
moyenne et assurent la transition avec le reste de la que les citadins comptent désormais pour 40 à 70
ville. % de la population des pays en développement.
Car plus des deux tiers et jusqu'aux trois quarts de
l'habitat est produit en dehors de toute règle officiel-
le d'urbanisme et d'hygiène. Les terrains qui suppor-
tent cette construction ne sont pas toujours lotis et ne
sont que progressivement desservis par les réseaux Des besoins toujours croissants
et les services publics.
On peut distinguer deux types de quartiers : d'une
Les besoins essentiels des habitants des villes
part, les quartiers construits en dehors de toute léga- africaines ne sont assurés qu'à un niveau très bas.
lité coutumière et officielle, souvent sur des terrains Cette situation traduit la faiblesse de l'économie et
inconstructibles (pentes, bas-fonds marécageux). S'ils sa difficulté à suivre le rythme élevé de l'urbani-
n'occupent que quelques pour cent du sol urbanisé, sation.
ils peuvent cependant abriter jusqu'à 25 % de la Les disparités de conditions sont beaucoup plus
population urbaine. Ces quartiers sont le plus sou- fortes en milieu urbain qu'en milieu rural. Les
vent occupés par des allogènes (originaires d'autres besoins essentiels (ali-
régions du pays ou de pays étrangers) qui sont là de mentation, logement,
façon transitoire ou qui refusent de payer un loyer.
eau...) sont déjà diffi-
D'autre part, des quartiers qui se densifient peu à
ciles à satisfaire. Mais
peu et qui abritent la majorité des ménages urbains.
la vie en ville crée éga-
Ces quartiers sont issus de morcellements reconnus
de terres coutumières ou d'opérations de lotissement.
lement des besoins "secon-
Au départ dépourvus d'infrastructures, ils sont pro- daires", liés à l'organisation plus moderne
gressivement dotés des services publics essentiels : (transports) ou aux tentations diverses créées par la
l'électricité, puis l'eau potable en général. La collec- présence de consommateurs plus aisés ou par l'ex-
te des eaux usées est peu fréquente. position de biens variés correspondant à des
L'autoconstruction est devenue très rare dans les niveaux de vie supérieurs. On constate donc très
grandes villes, en partie du fait de la monétarisation souvent une contraction volontaire des budgets
avancée des activités. La masse des ménages à familiaux pour l'alimentation et le logement, au
revenus modestes est donc locataire, y compris dans profit d'autres dépenses.
les quartiers irréguliers.
L'inégalité dans l'accès au sol est fortement
Face à la pénurie, les populations les plus
aggravée par la disparité de l'équipement des ter-
démunies s'organisent, de manière plus ou moins
rains et par la qualité et la surface des logements.
En moyenne, on estime que 40 % du sol résidentiel,
formelle, pour assurer l'entretien de leur quartier,
plus de 80 % du capital foncier (terrains plus équipe- construire pistes et ponts, mettre en place certains
ments) et plus de 90 % de la valeur du capital immo- services, y compris en matière de santé et d'édu-
bilier (terrains plus équipements plus logements) cation. Associations de quartiers et municipalités
appartiennent à moins d'un tiers de la population sont de plus en plus appelées à travailler
urbaine. ensemble.
D'après Arnaud M. (1994).
Développement local urbain en Afrique 11

Gérer la ville des pouvoirs locaux. Elles ont pour but de soulager
La relation entre services urbains et développement les budgets centraux en déplaçant la prise en char-
économique est évidente : le renforcement des ge de certaines fonctions publiques par les collecti-
équipements et des services permet de soutenir et vités locales. Elles ont aussi pour objectif, dans la
d'attirer les activités génératrices de revenus. mesure du possible, de favoriser le prélèvement de
L'existence de services efficaces qui abaissent les coûts nouvelles ressources financières auprès de la popu-
et, plus généralement, améliorent l'environnement pour lation. Cette décentralisation politique et adminis-
des investissements des entreprises industrielles et trative est censée s'accompagner d'une plus gran-
commerciales dans les villes, constitue l'un des de efficacité : de l'Etat, recentré sur ses fonctions
fondements d'une économie nationale forte.
régaliennes, de l'administration territoriale et des
La gestion urbaine a également une fonction de
services publics. Néanmoins, les nouvelles auto-
renforcement de l'équité sociale. La fiscalité notamment
rités locales n'ont pas les moyens de leur autono-
peut être un puissant moyen de redistribution des
ressources. De même, assurer l'équité des prestations
mie (parfois toute relative3) : elles manquent d'ar-
et rendre les services aptes à répondre aux besoins gent, de ressources humaines et de méthodes. Les
des citadins (en termes quantitatifs et qualitatifs) sont bailleurs de fonds internationaux n'ont d'ailleurs
des instruments privilégiés de l'efficacité sociale de la pas manqué de proposer et de mettre en oeuvre
gestion urbaine. des programmes de renforcement des collectivités
Enfin, la gestion des villes consiste à corriger les effets locales.
négatifs entraînés par la concentration des populations
et par le libre jeu des comportements individuels La décentralisation est en outre l'occasion d'une
(pollution, hygiène publique, sécurité...). recomposition des forces politiques locales. Cette
Mais si l'intervention sur la ville est nécessaire, elle est
recomposition n'est pas achevée en dépit de l'ap-
aussi difficile : elle résulte d'arbitrages entre intérêts
parente uniformité des dispositifs institutionnels
particuliers et intérêt public qui sont par nature d'ordre
nationaux. Elle change notamment la nature et la
politique. Ce n'est pas un hasard si urbanisme et
politique renvoient à une même étymologie : la cité...
forme des relations avec les citoyens et ouvre le

Décentralisation et participation : le nouveau débat sur la citoyenneté dans la ville. L'un des
rôle d'interface des organisations d'appui enjeux, et non le moindre, est de savoir si les nou-
au développement velles autorités locales reproduiront à leur profit les
pratiques patrimoniales et de captation de la rente
qui ont été (et sont encore souvent) celles de l'Etat
Développer l'échelon municipal
ou si elles sauront favoriser l'émergence de la
Conséquence des difficultés budgétaires, des notion d'intérêt public. La représentativité des pou-
manifestations parfois violentes de la "crise urbai- voirs locaux, l'alternance politique et la gestion
ne", de l'ajustement structurel et des pressions exté- démocratique des circonscriptions locales ont un
rieures, de nombreux Etats africains ont mis en poids non négligeables sur l'efficacité éco -
oeuvre des réformes visant à déconcentrer leurs nomique.
services au niveau des régions et à décentraliser
l'exercice du pouvoir et la gestion publique. En
Afrique francophone, ces réformes rompent avec
une tradition de forte centralisation et d'anémie 3
Voir Actes du colloque Jeunes Ville Emploi (1993), p. 102.
12 Les enjeux du développement local urbain

Mobiliser la société civile


Le rôle joué par les habitants sera sans doute
déterminant. En effet, tout en redoutant l'émergen-
ce de contre-pouvoirs qu'elles ne pourraient contrô-
ler, les collectivités locales sont de plus en plus sen-
sibles aux dynamiques qui se font jour directement
au niveau des populations citadines. Les "associa-
tions de base" désignent des formes multiples de
regroupement des habitants , formalisées ou non,
fondées sur l'âge, le sexe, les rapports de voisina-
ge, l'activité, l'ethnie... Ces associations se multi-
plient dans les villes africaines et prennent parfois
en charge des activités d'intérêt collectif qui font
normalement partie des attributions des pouvoirs
publics (nettoyage des quartiers...).
Prenant acte de ces volontés d'agir pour amé- Qu'est-ce qu'une association intermédiaire ?
nager le cadre de vie, prenant acte également de Ce sont des organisations locales qui interviennent
l'existence, malgré la crise, de ressources finan- en appui aux populations et qui jouent un rôle d'in-
cières, de temps disponible, de compétences par- terface entre les habitants, les autorités publiques,
fois, chez les habitants, les opérateurs du dévelop- la coopération internationale.
La qualité des organismes intermédiaires
dépend le plus souvent des hommes qui les consti-
tuent : leur formation, leur parcours, leurs expé-
riences, leur personnalité conditionnent les capa-
cités opérationnelles. Ces organisations sont
généralement structurées en associations (souvent à
la demande des bailleurs de fonds), mais d'autres
statuts sont possibles. Avoir une personnalité mora-
le leur permet de passer des contrats. La capacité
de ces organismes à tisser des liens (avec des
fonctionnaires, des églises, des partenaires étran-
gers) est un signe de viabilité institutionnelle et de
professionnalisme : elle reflète une aptitude à ana-
lyser les enjeux locaux et à négocier une recon-
pement urbain n'ont de cesse de trouver les naissance auprès de leurs collaborateurs et clients.
moyens de les mobiliser et de les coordonner.
Or, les habitants qui peuvent être des "porteurs" Pour jouer leur rôle dans le développement
d'actions de développement ou de gestion de la urbain, les associations intermédiaires doivent
ville émergent rarement spontanément. La structura- posséder un certain nombre de compétences dont
tion de la société civile exige le plus souvent un les plus importantes se situent sans doute dans les
accès à l'information, une maturation, l'acquisition domaines suivants :
d'un savoir-faire, la mise au point de mécanismes - un savoir-faire technique ;
de représentation et de régulation..., et surtout la - l'animation et l'intermédiation ;
mise en relation avec les niveaux supérieurs de la - la mise en perspective des situations et la
gestion des villes. Elle ne peut se faire sans la pré- capacité d'analyse ;
sence d'agents "extérieurs" au milieu : des intermé- - la communication.
diaires.

La mise en oeuvre d'un développement


Renforcer les associations intermédiaires
Développement local urbain en Afrique 13

participatif efficace repose sur quatre autorités publiques ou ne leur reconnaissent pas de
principes : légitimité.
Les services publics sont également le moyen de faire
prendre conscience aux habitants que leur action doit
Faire la ville pour les gens et avec les gens être relayée à des niveaux supérieurs pour avoir un
effet durable, et que des structures de coordination
L'histoire de centaines de projets de développe-
sont nécessaires au-delà du voisinage ou du quartier.
ment, quelle que soit leur envergure, montre que Du côté des pouvoirs publics, la décentralisation des
d'une manière ou d'une autre, les dynamiques des services urbains permet de mieux adapter l'offre et
habitants ont le dernier mot. Dès lors, il est fonda- la demande de services aux différentes caractéristiques
mental de se demander comment prendre ne des zones d'application (notamment en prenant
compte les mécanismes et les logiques qui sous- en compte la topographie, les habitants - revenus,
tendent les pratiques spontanées des habitants âges... - , les ressources économiques, les structures
pour en renforcer les aspects positifs et en corriger de croissance et d'évolution des communautés
prudemment les manifestations les plus négatives. urbaines). Comme les coûts des services urbains
Or, les pouvoirs publics et les agences d'aide représentent (ou devraient représenter) une grande part
des budgets publics, une rationalisation de ces
obéissent le plus souvent à une logique de l'offre et
dépenses pourrait avoir un impact considérable sur les
ont tendance à évaluer les besoins des habitants
budgets globaux. Ainsi, faire participer la communauté
par rapport à un norme définie de l'extérieur et
locale au processus décisionnel et à la fourniture des
"par le haut". Passer d'une logique de l'offre à une services peut servir tout autant l'efficacité économique
logique de la demande implique de se donner les que l'efficacité sociale.
moyens d'entendre cette demande. Entendre la
demande, c'est consulter la population (en prenant
bien garde à qui s'exprime et au nom de qui).
Dépasser le cadre sectoriel pour une approche
C'est contribuer à la structuration de la société civi-
territorialisée
le et du groupe qui portera le projet. C'est enfin
mesurer non plus les besoins mais l'intérêt à agir Si les dynamiques individuelles et sociales sont
des habitants qui recouvre les motivations des indi- placées au centre des processus de développe-
vidus à s'investir dans telle ou telle activité (par le ment, les problèmes doivent être abordés de façon
travail ou par l'argent). globale et non sectorielle, car ils font l'objet d'arbi-
trages les uns par rapport aux autres. Le quartier
Les services urbains : une entrée pragmatique est pour cela un point d'entrée non seulement com-
mode mais pertinent. Commode car il est un élé-
Lorsque les habitants se mobilisent, c'est le plus souvent ment fort de structuration des villes africaines.
pour résoudre des difficultés quotidiennes. L'accès à
Qu'ils reposent sur une hiérarchie sociale ou sur
l'eau potable et la collecte des ordures ménagères sont
des critères ethniques ou claniques, les quartiers
les deux problèmes les plus immédiats et les plus
sont le plus souvent clairement identifiés (avec un
sensibles pour les familles. Les réseaux
d'assainissement et la voirie sont beaucoup moins
nom, des limites globalement reconnues...). Le
porteurs, malgré l'intérêt qu'ils représentent au niveau quartier est un lieu de résidence plus large que le
de l'environnement urbain. Partir de l'intérêt à agir des logement où peuvent s'exprimer et se définir assez
habitants est le premier principe d'une stratégie du facilement et concrètement les besoins collectifs
possible qui consiste, sur la base de réalisations des habitants.
modestes, à enclencher des prises de conscience sur Le quartier correspond en outre à une échelle
l'articulation des diverses échelles de la gestion de l'espace urbain appréhendée par les habitants
urbaine, sur le coût des services,... et qui peut représenter l'espace de démocratie le
Le principe du paiement d'une redevance pour avoir plus proche des citoyens si des structures électives
accès à un service est plus facile à faire admettre que
sont prévues et fonctionnent.
l'impôt. Il favorise une certaine transparence dans
Du point de vue de l'opérateur, le quartier est
l'utilisation des fonds. Ce peut être un moyen de
un bon niveau pour repérer les initiatives locales,
refiscaliser progressivement les services urbains, à une
période où les habitants n'ont plus confiance dans les
les associations de base, la capacité des habitants
14 Les enjeux du développement local urbain

à organiser le travail et à mobiliser des ressources taires, en termes de partenaires, d'institutions, de


pour améliorer les conditions de vie. méthodes.
Mais cette approche n'est réellement pertinente
que si elle est mise en relation avec d'autres
Gérer les rapports de force
échelles, notamment celle de la ville dans sa glo-
balité représentée par la municipalité ou la com- La ville concentre des forces sociales aux
munauté urbaine. Travailler à l'échelle du quartier intérêts divergents. Il n'y a pas de consensus sur ce
ne signifie pas circonscrire un territoire pour lui- que devrait être la ville et sur son meilleur fonction-
même mais le définir dans ses relations avec les nement possible : ce qui est bon pour la produc-
autres échelles. Il ne s'agit pas de juxtaposer deux tion ne l'est pas forcément pour l'environnement...
modes de gestion : l'un local, l'autre centralisé En outre, en Afrique, les nouvelles institutions se
(étatique ou communal), mais bien de les articuler. juxtaposent aux anciens pouvoirs sans s'y substi-
tuer.
La gestion de la ville est donc l'objet de mul-
Passer de l'action locale à la politique urbaine

Travailler sur un espace délimité facilite l'ac-


tion, mais la résolution des problèmes locaux ne
peut être effective que si elle est reliée à une vision
d'ensemble. La ville est un système complexe, et la
somme de multiples projets locaux ne peut donner
une politique urbaine cohérente. Très peu de pro-
blèmes trouvent leur solution correcte à un niveau
local, voire micro-local. tiples rapports de forces. Ces contradictions peu-
Ainsi, les services urbains fonctionnent en vent être porteuses d'initiatives créatrices, par
filières. Par exemple, pour l'eau, le cycle com- exemple lorsque la pression des habitants contraint
prend : le captage et le traitement, la distribution les municipalités à agir. Elles peuvent aussi condui-
en réseau primaire, secondaire, puis par bornes- re à des impasses, voire à des situations de
fontaines ou compteurs individuels, et enfin le trai- rupture.
tement des eaux usées. Pour les ordures Une des fonctions des opérateurs extérieurs
ménagères, on distingue la précollecte, la collecte, consiste à repérer celles de ces dynamiques qui
l'évacuation et le traitement. Chaque maillon de la sont porteuses de changement, à les appuyer,
chaîne est un possible goulet d'étranglement pour ainsi qu'à permettre l'expression des conflits par le
les autres, si l'ensemble n'est pas traité en cohéren- dialogue ou la négociation. Il leur appartient de
ce. Il ne sert pas à grand chose de collecter les mettre les différents acteurs en présence (sinon ils
ordures ménagères au niveau du quartier s'il n'y a ne se rencontrent pas) et à faire exprimer, formuler
pas de relais pour les évacuer et les éliminer. les enjeux de manière à ce qu'émerge dans l'ac-
L'organisation des filières dans leur ensemble relè- tion, sinon un consensus, du moins des accords
ve de la définition de politiques (au niveau macro). ponctuels sur ce que doit être la ville. Contribuer à
C'est dans le cadre ainsi défini, en lien avec les préciser les échelles d'intervention respective des
pratiques et initiatives de base, que peuvent s'inté- différents acteurs, mettre en place des structures et
grer efficacement les micro-projets des habitants et des procédures d'arbitrage sont de nouveaux
des associations. enjeux, notamment pour les partenaires internatio-
Les micro-projets en eux-mêmes ne créent pas naux du développement urbain.
un effet de "masse", de visibilité qui traduise une
réorientation des politiques. Ils ont peu d'effets Certains de ces principes sont le résultat des
d'entraînement. Et un cadre politique sans action enseignements des projets, d'autres ont été testés
de base risque de se perdre dans l'impuissance. sur le terrain pour en évaluer la pertinence. Les
Passer du projet au programme, du programme études de cas qui constituent la suite de cet ouvra-
aux politiques relève de démarches complémen- ge illustrent la mise en oeuvre de ces principes,
Développement local urbain en Afrique 15

dans des contextes différents, avec des succès


divers. Un lourd travail de capitalisation et d'éva-
luation reste à mener car la gestion urbaine est un
processus d'invention permanent, y compris dans
les pays développés.
Récits d'expériences

Mobilisation autour de l’eau potable


à Yaoundé, au Cameroun

De l’urbanisation sauvage
à l’aménagement concerté à Yaoundé

Créer des ressources en améliorant


l’environnement sanitaire à Bafang, au Cameroun

Un fonds d’appui aux organisations urbaines


au Cameroun

Jeunes Ville Emploi au Bénin

De l’eau potable pour les bidonvilles


en Haïti
Quartier Nkolndongo à Yaoundé, Cameroun 19

Mobilisation autour de l’eau potable

Le contexte atteint des proportions inquié-


tantes (absence de collecte
des ordures ménagères et d’é-
Le Cameroun est l’un des vacuation des eaux usées...) ;
pays d’Afrique qui s’urbanise le taux de scolarisation a
le plus rapidement : il compte baissé et les transports urbains
aujourd’hui 13 millions d’ha- sont insuffisants. Or, ce mau-
bitants dont 45 % de citadins. Douala, la capitale vais fonctionnement urbain est imputable pour une
économique, compte 1,2 million d’habitants et large part à une organisation inadéquate de la
Yaoundé, la capitale administrative, 850 000. Le gestion urbaine. Pour améliorer la gestion et mieux
taux de croissance naturel de la population est répartir des ressources rares, il faut sans doute pas-
aujourd’hui plus fort en ville que dans les cam- ser du "tout Etat", "tout public", à une prise en char-
pagnes et le rythme de l’émigration rurale s’est ge partielle de la ville et des services urbains par
ralenti (environ 110 000 migrants par an pour les associations.
l’ensemble du pays). Entre les deux derniers recen- En 1991, le GRET et l’AFVP engagent, avec
sements (1976, 1987), les conditions de vie et le l’appui du ministère français de la Coopération et
taux d’équipement des urbains se sont grandement du développement, un programme expérimental
améliorés. de développement à la base, qui repose notam-
Néanmoins, la crise économique s’est traduite ment sur un renforcement des associations locales
par une diminution des ressources de l’Etat et des et sur un travail d’animation dans les quartiers. Le
municipalités qui ont réduit leurs investissements projet concerne deux sites : Yaoundé (4e arrondis-
dans l’urbanisation. Il y a donc un décallage fort sement) et une ville moyenne, Bafang.
entre l’implantation, le plus souvent spontanée, de
nouveaux quartiers à la périphérie de la ville et
d’habitations dans les bas-fonds, et la capacité
des pouvoirs publics à mettre en place les équipe- Les enjeux
ments nécessaires (eau, électricité, voirie, écoles,
centres de santé...).
Cette désorganisation physique et fonctionnelle Les quartiers spontanés témoignent de la capa-
des quartiers populaires est un frein au développe- cité des individus à construire, ou faire construire,
ment. Les conditions sanitaires sont mauvaises leur habitat de manière autonome, et il y a aujour-
(consommation d’eau non potable) ; la pollution d’hui un consensus sur la nécessité de les conser-
20 Mobilisation autour de l’eau potable

ver. Mais cette production d’espace, si dynamique des conduites d’eau, l’enlèvement des ordures...
soit-elle, ne permet pas aux habitants de dépasser Yaoundé et Douala ont en outre le statut de
la marginalité de leur situation ; elle ne résout pas communautés urbaines, compétentes en matière
d’urbanisme et d’aménagement. Mais les relations
les inégalités sociales ; elle ne permet de dépasser
entre la communauté urbaine et les communes
l’opposition entre intérêt privé et intérêt collectif.
d’arrondissement souffrent d’une mauvaise articulation
L’objectif du programme d’animation local urbain
des rôles respectifs. La faiblesse des transferts
consiste avant tout à explorer des moyens d’amé- financiers vers les communes accroît leur manque de
liorer le fonctionnement urbain, c’est-à-dire la com- crédibilité par rapport aux fonctions qu’elles sont
munication entre les acteurs impliqués dans l’orga- censées assumer.
nisation de la ville. Il s’agit aussi de tirer parti de A ces institutions, il faut ajouter les entreprises
la capacité d’initiative et des ressources inem- concessionnaires du service public en charge de
ployées des habitants en les canalisant et en les l’approvisionnement en eau, de l’électricité... (SNEC,
renforçant. SONEL...). Les chefferies traditionnelles et les notables
Au travers des différentes rencontres menées sur locaux sont encore puissants, notamment sur le plan
la commune de Yaoundé 4, un consensus s’est foncier. Enfin, les associations d’habitants, comités de
quartier..., assurent des tâches d’entretien du milieu
dégagé pour désigner l’eau comme un problème
urbain pour pallier les défaillances des services
majeur (sans exclure d’autres questions de vie quo-
publics.
tidienne). Cependant, ce consensus n’allait pas au-
Ce morcellement du pouvoir sur la ville est accentué
delà du pointage du problème : les solutions envi- par l’incapacité des pouvoirs publics à financer seuls
sagées différaient fortement selon les objectifs l’urbanisation.
propres aux individus ou à leur institution.
Le GRET et l’AFVP décident alors de commen-
cer par une action simple permettant d’améliorer
l’accès à l’eau potable et autour de laquelle pour- Nkolndongo, “laboratoire urbain”
rait se définir un intérêt collectif. Cela permettrait
notamment de mieux mettre en relation les besoins
et les possibilités des utilisateurs. Rien ne vaut une En accord avec le MINUH et le MINAT, le
action concrète pour repérer les blocages et expé- quartier de Nkolndongo (8000 habitants), à
rimenter de nouvelles solutions. Yaoundé 4, est choisi comme étant représentatif
des quartiers populaires de la ville. En outre, il ras-
Multiplicité des “faiseurs de ville” semble des Bétis et des Bamilékés dont les rela-
tions sont assez tendues. Très vite, un groupe opé-
La gestion des villes camerounaises relève
d’un grand nombre d’acteurs aux intérêts qui ne
rationnel est constitué pour animer le projet, qui
correspondent pas toujours et aux logiques comprend un représentant des opérateurs exté-
d’intervention parfois contradictoires. rieurs - GRET et AFVP -, la mairie de Yaoundé 4 et
Le ministère de l’Urbanisme et de l’habitat (MINUH) et deux organisations non gouvernementales - le
le ministère de l’Administration territoriale (MINAT) GOD-Cameroun (groupe organisé pour le déve-
coordonnent le développement urbain. loppement au Cameroun) et le CASS (centre d’ani-
Ils gèrent des outils opérationnels et financiers destinés mation sanitaire et sociale), toutes deux implantées
à offrir aux nouveaux citadins des parcelles viabilisées à Nkolndongo.
et bâties : la Mission d’aménagement et d’équipement Le projet commence par construire une passe-
des terrains urbains et ruraux (MEATUR), le Crédit
relle entre Nkolndongo et le quartier voisin,
foncier du Cameroun (CFC), la Société immobilière du
Kondengui. Cette action symbolique, mais d’un
Cameroun (SIC).
intérêt immédiat pour les riverains puisqu’elle leur
Les maires des villes sont élus, mais ils remplissent leurs
fonctions sous le contrôle des préfets et avec l’appui
épargne 1 heure de marche et crée un lieu de
des ministères techniques. Les municipalités sont passage, permet ensuite de réaliser deux autres
notamment responsables de la salubrité publique. micro-projets à proximité : l’aménagement d’une
Entrent dans leurs compétences l’installation et la source et la construction d’une borne-fontaine. Ces
réparation des fontaines, des égouts, des latrines, réalisations, d’une portée limitée mais effectuées
Quartier Nkolndongo à Yaoundé, Cameroun 21

un souci de représentati-
vité la plus juste possible
de la population du quar-
tier (en fonction de l’âge,
du sexe, de l’activité pro-
fessionnelle), Bétis et
Bamilékés confondus. Les
jeunes sont souvent les
éléments les plus actifs
dans les quartiers et les
plus intéressés à des
actions d’amélioration.

Quel avenir pour les


bornes-fontaines ?

En 1994, le projet passe “à la vitesse supé-


dès le début du programme, ont pour principal rieure” lorsque le GRET/AFVP est chargé de réali-
avantage d’établir la crédibilité du projet et de ses ser 20 bornes-fontaines à gestion communautaire
partenaires auprès de la population. Trop souvent et de l’évaluation d’un programme parallèle de
en effet, les délais trop longs entre les études préa- construction de 156 bornes-fontaines payantes par
lables et la concrétisation d’un projet démobilisent la SNEC, l’entreprise publique d’approvisionne-
les habitants. Dans le même temps, sont réalisées ment en eau) sur l’ensemble du Cameroun, dans le
des enquêtes approfondies sur l’approvisionnement cadre du Fonds social de développement.
en eau à Yaoundé qui serviront de base aux
actions futures. Brève histoire de bornes-fontaines
Ces premiers aménagements, fort peu coûteux, En 1986, 56 % des habitants de Yaoundé avaient
se sont révélés fondamentaux pour la suite du pro- accès à une borne-fontaine gratuite. Un an plus tard,
gramme de développement local. Ils ont permis : le taux tombait à 10 %, sans que le nombre de
– de faire émerger des porteurs de projet et de ménages branchés sur le réseau ait augmenté en
formaliser les relations entre les divers partenaires ; proportion suffisante pour compen-
– d’élaborer une méthodologie de sensibilisa- ser cette perte. Comme dans beaucoup d’autres pays
tion de la population sur les liens entre l’eau et la d’Afrique, la politique de distribution gratuite de l’eau
santé, sur la distinction eau potable/eau de lessi- montrait ses limites : les bornes-fontaines constituaient
ve/eau sale ; une charge trop lourde pour le budget des communes
(aujourd’hui encore, elles doivent plusieurs milliards
– d’expérimenter un nouveau mode de gestion
de FCFA à la SNEC). Les solutions de substitution
des bornes-fontaines associant la population et
adoptées par les habitants ont été soit de
reposant sur le principe du paiement de l’eau
s’approvisionner aux sources et aux puits qui abondent
potable. dans les bas-fonds, mais au prix d’une recrudescence
Par la suite, la dynamique enclenchée, notam- des maladies liées à la pollution de l’eau, soit
ment grâce au travail d’animation du CASS, a d’acheter l’eau auprès de revendeurs privés à un coût
conduit les habitants à créer une Association de moyen 3 à 10 fois plus élevé que le tarif SNEC.
développement de la vallée 8/A (ADV8/A) dans
22 Mobilisation autour de l’eau potable

POINT DE VUE

Contractualisation et partenariat

La contractualisation a occupé une a concrétisé ce partenariat. Il n’a pas été


grande place dans la mise en oeuvre du possible cependant de confier à cette ins-
programme. Elle s’est faite à 3 niveaux tance la gestion des fonds du projet comme
(voir les exemples en annexe) : cela avait été envisagé, du fait de l’absen-
– sur le plan opérationnel : une conven- ce de transparence des circuits financiers
tion a été signée entre le groupement de la mairie. Ce partenariat a néanmoins
d’opérateurs GRET/AFVP et les ONG fait école à Yaoundé 2.
locales maîtres d’oeuvre des projets (CASS, – au niveau national : une convention
CERFAP...). Ces contrats avaient valeur tripartite entre le MINUH (ministère de
d’engagement pour chacune des parties. Ils l’Urbanisme et de l’Habitat), le MINAT
présentaient également un intérêt expéri- (ministère de l’Administration territoriale) et
mental, notamment en permettant de le GRET/AFVP fixait le cadre institutionnel
concrétiser la volonté de renforcer des du programme urbain. Les micro-réalisa-
compétences locales. Leur grande précision tions avaient un sens seulement si elles
(dans la description des tâches, les résultats étaient soutenues par l’Etat, dès l’amont, et
attendus, les délais, les conditions de si elles étaient cohérentes avec les options
rémunération...) remplissait clairement un nationales en matière de planification,
objectif pédagogique. d’aménagement du territoire, de réglemen-
– au niveau local, avec les communes : tation. Néanmoins les tentatives pour créer
une convention tripartite a été signée entre une cellule nationale d’appui aux initiatives
la collectivité locale, l’ONG maître de base sont restées sans suite.
d’oeuvre du projet et le groupement d’opé- Une telle architecture était indispensable
rateurs GRET/AFVP. L’enjeu était de garan- pour tirer parti de la dimension expérimen-
tir l’implication de la mairie dans un proces- tale du programme de développement
sus où elle a toute sa place mais dont elle local urbain et envisager un élargissement
accepte de négocier la maîtrise avec la des actions. Elle présente cependant le
population. Une instance de concertation a risque de multiplier les structures de déci-
même été créée : le Groupe opérationnel sion qui, toutes, sont l’objet de rapports de
pour le développement de Yaoundé 4, qui force.

Ministère de la Coopération

Etat camerounais Comité de suivi GRET/AFVP

Organismes intermédiaires

Espace
de négociation Associations d’habitants
des projets
urbains

Mairies
Quartier Nkolndongo à Yaoundé, Cameroun 23

En effet, la solution retenue par les pouvoirs L’enquête réalisée à Nkolndongo (Coqueblin, 1993) a
publics pour améliorer l’approvisionnement en eau montré à quel point les habitants des quartiers
potable consiste à installer des bornes-fontaines défavorisés ignorent les dangers liés à la
consommation d’eau insalubre : ainsi, 50 % ne savent
payantes. Le principe du paiement semble le seul
pas expliquer les maladies dont ils sont victimes
moyen d’assurer un service durable, de qualité et
(diarrhées, amibiases...). Très peu ont connaissance
de faire comprendre à la population la valeur de
des précautions simples que l’on peut prendre avec
l’eau potable tout en limitant des gaspillages. l’eau. Bien souvent, ils préfèrent consommer l’eau de
Mais les habitants ne devront pas seulement payer source, claire mais infectée, plutôt que l’eau du
l’eau de leur consommation : ils doivent également réseau, potable mais chargée de micro-particules de
réunir une caution monétaire de 100 000 FCFA terre. Si une eau gratuite est disponible, les habitants
(équivalent à 3 mois de fonctionnement), condition peu préoccupés de sa qualité ne sont pas prêts à
préalable à l’implantation d’une borne-fontaine payer pour de l’eau potable. Tout un travail
dans leur quartier. d’éducation est donc nécessaire pour des raisons de
protection de la santé publique. Ce travail, déjà
Cette caution est en quelque sorte la garantie engagé à Nkoldongo à l’occasion de la construction
d’une borne-fontaine payante à côté de la source
que les habitants ont réellement besoin du service
réhabilitée, se révèle presque obligatoire pour assurer
et qu’ils veilleront à l’entretien de l’équipement. La
le succès de l’implantation de bornes-fontaines
SNEC prévoit en outre de transférer la gestion du
payantes à grande échelle, et notamment leur
service à des fontainiers privés qui offriraient la rentabilité économique.
garantie d’un paiement des factures d’eau en Aussi le CASS a mis en place une caravane sanitaire
échange de l’investissement de la SNEC pour l’im- qui fait le tour des quartiers où doivent être installées
plantation et l’entretien des bornes. des bornes-fontaines. Médecins, infirmiers et
animateurs informent les femmes et les enfants, par des
Différents modes de gestion sont envisageables causeries ou des jeux, sur les maladies dues à l’eau et
en fonction de la situation économique des bénéfi- à la saleté. Ils leur apprennent aussi à utiliser les
ciaires, de leurs pratiques d’approvisionnement, plantes médicinales, à nettoyer les maisons et les
de leur capacité à s’organiser... quartiers, et examinent les petits enfants.

Cette nouvelle manière d’assurer le service


public pose un grand nombre de questions, d’où Les difficultés
la mission de suivi/évaluation confiée au GRET. Il
s’agit notamment d’évaluer :
– la qualité du service public ; L’habitude de gratuité de l’eau ancrée chez les
– le niveau de consommation, c’est-à-dire la habitants depuis de nombreuses années rend
structure de l’offre et de la demande selon les aujourd’hui plus difficile leur responsabilisation par
quartiers ; rapport au coût de l’eau potable. Néanmoins, le
– le choix du fontainier et la qualité de ses ser- principe du paiement est aussi une étape vers un
vices ; réapprentissage de la fiscalité : paiement pour un
– le respect des tarifs et le poids de la régle- service rendu par les pouvoirs publics. Les pres-
mentation ; sions sont nombreuses pour obtenir une réduction
– l’impact d’une sensibilisation préalable des du montant de la caution préalable à l’installation
usagers à la qualité de l’eau ; d’une borne.
– l’organisation éventuelle d'un comité de
borne-fontaine et l’intérêt ou non d’une telle struc- Pour pouvoir évaluer finement les avantages
ture ; d’un travail préalable d’animation auprès de la
– les problèmes les plus fréquents (techniques, population avant l’implantation des bornes-fon-
organisationnels ou financiers). taines, avantages en termes d’acceptabilité du
coût de l’eau potable et pour faciliter une gestion
communautaire, il avait été établi par convention
La caravane sanitaire
24 Mobilisation autour de l’eau potable

L’histoire du projet des négociations foncières difficiles.

w Présence initiale de l’AFVP au Cameroun.

w 1991 : premières missions GRET-AFVP :


identification de 2 sites d’expérimentation, Pistes pour une intervention
Yaoundé 4 et Bafang.

w 1992 : formalisation du programme, signature


d’une convention tripartite MINUH/ MINAT/ Commencer par des micro-projets présente
GRET-AFVP. plusieurs avantages :
w 1993 : mise en place d’une volontaire AFVP - c’est l’occasion de tester/former des parte-
pour deux ans, 1ère micro-réalisation à naires locaux pour un coût modique ;
Yaoundé 4. - cela permet de repérer les blocages institu-
w 1994 : projet d’implantation de 20 bornes- tionnels et de pouvoir élaborer des solutions alter-
fontaines. natives, pour des projets de dimensions plus
vastes ;
w 1995 : évaluation du projet SNEC.
- cela permet de donner confiance à la popu-
lation par des réalisations concrètes.
Le projet en chiffres
w 400 000 FF du Fonds social de dévelop- Mais il faut réfléchir dès le début à des straté-
pement. gies de transfert et de reproduction du micro-
w 20 000 FF de Crédit déconcentré d’inter- projet pour passer à une échelle de réalisation
vention. supérieure.

Faire payer un service rendu contribue à un


Les partenaires réapprentissage de la fiscalité : cela peut être une
w Association de base : ADV8. phase intermédiaire pour redonner de la crédibi-
w Association intermédiaire : CASS.
lité aux municipalités et à l’Etat.

w Entreprise publique : SNEC. Un suivi-évaluation permanent du projet, des


réalisations, du partenariat et de la participation
w Partenaires institutionnels : mairie de Yaoundé
4, communauté urbaine de Yaoundé, MINUH,
de la population, est également nécessaire.
MINAT, mission de coopération française à
Yaoundé.

que la SNEC ne construirait pas de bornes dans


les quartiers où travaillait déjà le CASS. Or, ce
principe de "non-concurrence" territoriale n’a pas
été respecté. L’évaluation finale s’en trouve
faussée. Mais peut-être faut-il lire dans ces faits une
reconnaissance tacite des agents de la SNEC de
l’intérêt d’un tel travail de sensibilisation : la mobili-
sation de la population est une garantie du bon
fonctionnement de la borne-fontaine et de sa renta-
bilité. Une clarification a néanmoins été nécessaire
avec la mairie et la SNEC.
Enfin, problème classique en Afrique, l’implan-
tation des bornes-fontaines exige le plus souvent
Yaoundé, Cameroun 25

De l’urbanisation sauvage
à l’aménagement concerté

Le contexte tiques. De son côté, le


CASS (Centre d’animation
sanitaire et sociale) a pour-
Yaoundé est une ville de suivi son travail d’anima-
collines découpée par une tion dans le quartier,
multitude de cours d’eau. notamment par des actions
Ce relief morcelé est difficile de sensibilisation et de for-
à urbaniser : les équipe- mation des jeunes. Les
ments publics (écoles...) sont moins de 25 ans représen-
le plus souvent implantés sur tent 60 % des habitants de
les plateaux, tandis que les Yaoundé, et une bonne
pentes sont colonisées par part d’entre eux sont inac-
les habitants jusqu’aux bas- tifs. Un voyage à Douala a
fonds. Les quartiers sont souvent séparés les uns été organisé pour que les jeunes rencontrent le
des autres par des marécages et l’absence de voi- Gasco, une association particulièrement dyna-
rie oblige parfois à de longs détours pour accéder mique implantée dans le quartier Nylon qui a fait
à un point ou un autre de la ville. La Vallée 8, par l’objet d’un vaste programme de restructuration
exemple, qui borde le quartier de Nkolndongo, foncière. De nombreux échanges ont résulté de
est un marécage où poussent ronces et macabos cette visite : pratiques, idées et possibilités d’ac-
sauvages. L’exutoire de la vallée a été obstrué par tions concrètes, comme les techniques de drai-
des dépôts de ferrailles et des carcasses de voi- nage.
tures. Le niveau de l'eau est ainsi remonté à la limi-
te des constructions, bloquant la squatterisation
totale de la zone et la spéculation foncière. La Les enjeux
Vallée 8 n’offrait aucune possibilité de passage
entre Nkolndongo et Kondengui, le quartier voisin,
jusqu’à ce qu’une passerelle soit construite, dans le Peu après leur voyage à Douala, les jeunes de
cadre du Programme de développement local l’ADV8 ont entrepris spontanément de drainer le
urbain AFVP/GRET. bas-fond. Le dégagement du cours d’eau en aval
La construction de cette passerelle, fréquentée a permis d’assécher un espace important (10 ha
par plus de 3000 personnes chaque jour !, a environ). Le tracé d’une canalisation au milieu du
entraîné dans son sillage l’implantation de bou- marécage a encore amélioré l’assainissement.
26 De l’urbanisation sauvage à l’aménagement concerté

POINT DE VUE

Mairies et associations : des frères ennemis ?


Les relations entre les municipalités et les place, mais sur le court terme. Elles tendent
associations d’habitants ou organismes inter- également à mettre en place des structures
médiaires sont bien souvent difficiles. Pour les parallèles. Cette juxtaposition des instances de
habitants, les institutions publiques sont avant gestion et de décision ne va pas sans poser
tout un appareil de ponction financière et de de problèmes à long terme, tant pour la cohé-
répression. Les pratiques de corruption sont rence des actions entreprises que pour leur
notoires.Des taxes sont perçues pour des ser- pérennité.
vices qui ne sont pas fournis (enlèvement des Quelques méthodes issues de la pratique
ordures ménagères par exemple). En outre, des projets permettent de limiter cet effet de
dans le contexte camerounais, les collectivités substitution des associations aux municipalités :
locales n’ont guère de marge de manoeuvre – associer les mairies le plus tôt possible à
puisqu’elles ne maîtrisent pas leurs revenus et la conception et à la mise en oeuvre des
qu’elles sont soumises à un contrôle des ser- projets ;
vices déconcentrés de l’Etat. Les maires n’ont – monter des projets qui offrent une contre-
pas de légitimité représentative pour les habi- partie financière, ou autre (prestige, visibilité),
tants puisque sont élus les candidats du parti à la municipalité ;
unique. – renforcer la compétence d’arbitrage des
Les associations, pour leur part, ont tendan- collectivités locales ;
ce à se positionner du côté des populations. – les aider à résister aux pressions dont
Elles se targuent de leur connaissance du ter- elles font l’objet dès qu’il y a commande
rain et de leurs liens avec les habitants pour publique ou fonds à investir ;
proposer des projets, des actions qui souvent – répondre à leur demande de prestige
mordent sur les compétences officielles des col- (cérémonies d’inauguration, panneaux informa-
lectivités locales. Puis elles attendent de ces tifs sur les actions engagées...) ;
dernières qu’elles cautionnent, voire participent – organiser au niveau des municipalités
financièrement à ces projets. Cette attitude est une convention annuelle des projets pour
justifiée par l’ampleur des besoins, les qu'elles jouent leur fonction de coordination et
demandes des habitants et l’inertie des collecti- leur rôle de maître d’ouvrage. Une telle
vités locales. Elle pose néanmoins deux pro- convention permettrait en outre de faire le
blèmes : point entre les desiderata des bailleurs de
- les municipalités, en l’état actuel de la fis- fonds, ceux des municipalités et ceux des habi-
calité locale et des transferts de l’Etat, ont juste tants, voire de négocier un compromis.
les moyens de payer leur personnel et leurs Les associations ont un rôle essentiel auprès
frais de fonctionnement. Elles peuvent difficile- des populations : celui de les informer sur leurs
ment dégager un budget d’investissement pour droits et devoirs, de les faire participer aux
participer à un projet, a fortiori si elles n’ont choix d’aménagement urbain, de leur
pas participé à sa conception ; apprendre à exiger des services en contrepar-
- en outre, le mérite de la réalisation des tie du paiement des taxes et redevances. Les
projets revient généralement aux associations, habitants constituent une force de pression
et la mairie n’en tire aucun prestige. pour contraindre les maires à agir et à respec-
Les associations ont en quelque sorte ten- ter les règles du jeu, d’autant plus s’ils sont
dance à faire le travail des municipalités à leur élus.
Yaoundé, Cameroun 27

Des habitants de Nkolndongo regroupés au Les études techniques préalables (relevés topo-
sein de l’Association pour le développement de la graphiques, sondages du sol...) sont confiés à
vallée 8/A (ADV8/A) et certains jeunes de l’arron- l’Ecole polytechnique de Yaoundé (ENSP). Les
dissement de Yaoundé 4, regroupés au sein du plans d’aménagement ont été élaborés en étroite
Forum des associations de Yaoundé 4 (FADY 4) concertation avec la population.
décident d’aménager les Compte tenu des
zones marécageuses risques d’occupation
ainsi dégagées. Pour les incontrôlée de la zone,
habitants, et notamment il était nécessaire d’agir
les jeunes, l’enjeu est de vite pour éviter les déra-
récupérer à leur profit la pages et orienter l’amé-
surface libérée, avant nagement de l’espace
qu’elle ne soit colonisée d’une manière globale.
par de nouveaux squat- Les travaux d’aménage-
ters. Pour la Communauté ment du terrain et la
urbaine de Yaoundé, construction de la case
cette initiative est l’occa- ont déjà commencé. Il
sion d’amorcer un pro- est également envisagé
gramme global d’aména- de valoriser le reste du
gement des bas-fonds qui bas-fond par des acti-
permette de valoriser ces vités de maraîchage et
espaces sous-utilisés, l’installation d’un étang
dans un contexte de gran- piscicole. Les jeunes du
de pression foncière. quartier sont en effet à
l’affut de la moindre
activité susceptible de
leur procurer un petit
Terrain de sport et revenu. Ils ont néan-
moins besoin d’un “catalyseur” pour passer à l’ac-
case sociale
tion. En l’occurence, c’est un animateur du CASS
qui les a aidés à créer un groupement d’intérêt
communautaire (GIC) pour qu’ils s’organisent et
Les jeunes décident d’aménager un terrain de commencent les activités. Le dynamisme bien réel
sport (le plus proche est le stade malien, à 3 km, des jeunes a besoin d’être encouragé et structuré
occupé 20 heures sur 24 !). Le quartier ne dispose pour déboucher sur des initiatives concrètes.
pratiquement pas d’espaces publics pour implanter
des équipements collectifs et les seuls lieux de ren-
contres sont les locaux confessionnels ou poli-
tiques. Il est alors convenu de construire aussi une Renouvellement de la réflexion
case sociale, qui répond à un besoin fort et arrive
sur l’aménagement urbain
à point nommé pour donner une attache concrète
à la dynamique associative qui s’est développée à
Yaoundé 4.
Néanmoins, la réalisation de ces équipements Dans la perspective de la Conférence des
dépasse les compétences et les moyens des asso- Nations unies sur l’habitat (Istanbul, 1996), le
ciations. L’AFVP et le GRET les aident à mettre au ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat a engagé
point un plan de financement équilibré en tenant une série d’études dont l’objectif à terme est
compte de leurs investissements en temps et en d’améliorer l’habitat des populations. Ces études
argent, et à planifier les travaux. portent sur le logement, l’environnement, les ges-
28 De l’urbanisation sauvage à l’aménagement concerté

tion des affaires publiques, les risques naturels, la Les difficultés


pauvreté. Chaque thème est traité par une équipe
à laquelle participent deux animateurs du CASS.
Des rencontres de réflexion ont lieu chaque semai- Les difficultés sont d’abord d’ordre technique :
ne. Cette concertation permet d’éviter l’éclatement aménager un terrain précédemment inondé
des initiatives et de préserver la cohérence des demande des études assez complexes. De fait, les
interventions urbaines. réalisations “sociales” doivent souvent se contenter
de terrains délaissés, parce que difficiles.
Le CASS est ainsi désormais reconnu comme
un partenaire valable de l’aménagement urbain. En outre, la mairie de Yaoundé 4 n’a pas rem-
Un espace de négociation entre les habitants et pli tous ses engagements et notamment le rem-
les représentants de l’Etat et des collectivités blaiement du terrain.
locales fonctionne, au-delà même des structures de
concertation mises en oeuvre dans le cadre du Surtout, la gestion des équipements de la
programme de développement local urbain. Vallée 8 représente un enjeu important, mais diffé-
rent, pour chacun des acteurs concernés : les habi-
tants, la commune d’arrondissement de Yaoundé 4
L'adressage des quartiers et la Communauté urbaine de Yaoundé.
Les projets d’adressage se multiplient dans les villes L’élaboration d’une convention concrétise ce rap-
africaines : ils visent à localiser spatialement les port de force.
habitants et les logements, condition sine qua non
pour collecter les fonds nécessaires au financement des Pour la communauté urbaine, l’enjeu de la
services urbains. Les études méthodologiques sur négociation est la propriété de l’ouvrage, sachant
Yaoundé ont été réalisées par la Banque mondiale. qu’elle est déjà propriétaire du terrain. Ce point
L’objectif est de couvrir l’ensemble de la ville, soit est d’autant plus sensible qu’aujourd’hui la CUY
5 500 ha, et de faire réaliser le travail par les sans-
dispose de pratiquement tous les pouvoirs en
emplois des différents quartiers. Un comité de pilotage
matière de gestion urbaine, mais que la légitimité
(AFVP, CUY, ministères techniques, bailleurs de fonds)
des maires d’arrondissement pourrait être considé-
coordonne les actions. Le travail d’animation dans les
quartiers est confié à des associations. Sont réalisés
rablement renforcée lorsqu’ils seront élus.
des travaux cartographiques (codification des voies,
agrandissement de photos aériennes, identification des Un deuxième rapport de force oppose le maire
chemins et blocs dans les quartiers non structurés...), d’arrondissement aux habitants, chacun souhaitant
des travaux dans les quartiers (enquêtes, numérotation contrôler la gestion de l’équipement, notamment
des portes, panneaux aux carrefours...), des travaux du fait des bénéfices escomptés. L’initiative des
informatiques (fichier des rues, constructions, habitants ainsi que les efforts consentis pour la pré-
habitants...). La fabrication des poteaux et plaques de paration et l’exécution des travaux légitime leurs
rues est confiée à des entreprises locales. Le projet fait prétentions, d’autant que la mairie s’est révélée
ainsi appel pendant plusieurs mois à plus de 300
incapable de tenir ses engagement (financiers et
personnes non qualifiées et à du personnel
en matériaux).
d’encadrement (jeunes diplômés au chômage). Ainsi
les habitants sont-ils fortement impliqués dans
l’adressage de leur quartier.
Entre ces deux extrêmes, la mairie use de son
Toutes ces actions, quels que soient leurs promoteurs, pouvoir de blocage et la convention de gestion
contribuent à faire prendre conscience aux populations n’est toujours pas signée.
qu’elles sont un acteur à part entière de la gestion
locale, et qu’elles peuvent à ce titre émettre des avis et Il n’en reste pas moins que l’aménagement de
demander des comptes. ce bas-fond a une valeur plus que symbolique : il
est le fruit d’une initiative des jeunes du quartier
eux-mêmes ; un cofinancement très faible a permis
de donner de l’envergure aux travaux des habi-
Yaoundé, Cameroun 29

tants ; cet aménagement, visible des autres quar- L’histoire du projet


tiers, a enclenché une nouvelle série d’initiatives.
En outre, l’Ecole polytechnique s’est basée sur
cette expérience pour dresser les termes de référen- w 1993 : Visite des jeunes de l’ADV8 au
ce d’une étude globale sur la valorisation des bas- GASCO à Douala puis drainage du bas-
fonds de Yaoundé. Cette initiative a créé un précé- fond de Nkolndongo
dent sur lequel la communauté urbaine compte
w 1994 : création du Forum des Associations
s’appuyer.
de développement de Yaoundé 4 (FADY 4) ;
début des études techniques pour aménager
un terrain de sport et une case sociale

w 1995 : remblaiement du marécage et


construction de la case

Le projet en chiffres
w 420 000 FCFA du FSD

w 80 000 FCFA des bénéficiaires

w 20 000 FCFA de la mairie de Yaoundé 4


(prévus pour le remblai)
Pistes pour une intervention
Les partenaires
w Associations de jeunes de Yaoundé 4
w Bien distinguer les compétences en animation (ADV8, FADY 4)
des compétences techniques.
w Association intermédiaire : CASS
w Adjoindre une maîtrise d'oeuvre technique à la
w Mairie de Yaoundé 4
maîtrise d'ouvrage.
w Communauté urbaine de Yaoundé
w Clarifier soigneusement le statut foncier.
w Ecole polytechnique ENSP

w Groupement d’opérateurs AFVP/GRET


Bafang, Cameroun 31

Créer des ressources en améliorant


l’environnement sanitaire

Le contexte palité est réduite (elle finance


à peine ses agents) ; les équi-
pements communaux sont
Bafang est une ville de délaissés (marché central,
province de l’Ouest du gare routière) ; les infrastruc-
Cameroun, qui vit essentielle- tures déjà limitées se dégra-
ment des revenus de son dent ; les capacités d’investis-
arrière-pays rural, producteur sement sont nulles.
de café et de cacao.
La population est dans sa
grande majorité bamiléké. Elle est estimée aujour-
d’hui à 40 000 habitants et son taux de croissan- Les enjeux
ce d’ici à l’an 2000 devrait être de l’ordre de 3 à
4 % par an. Bafang est une ville étape avant
Douala et Yaoundé dans les stratégies de migra- Les difficultés de développement urbain de la
tion de la population rurale. L’activité économique ville de Bafang sont liées à l’exiguïté et à l’organi-
de la ville est liée à la fois à sa fonction agricole sation du site actuel, mais surtout à la rareté de ses
(cacao, café) et à sa fonction commerciale. Les ressources qui lui interdisent toute politique d’inves-
conditions de logement et la situation économique tissement. Les communes ne sont pas vraiment maî-
et sociale se sont nettement améliorées entre les tresses de leur politique d’urbanisme. En outre, la
deux derniers recensements (1976 et 1987). Mais municipalité de Bafang ne dispose pas du person-
la crise du café et du cacao s’est répercutée sur nel technique qualifié nécessaire pour des travaux
les recettes municipales qui ont beaucoup baissé ; d’aménagement. Elle cherche à créer des activités
les patentes, licences et autres impôts indirects ne ou des équipements qui pourraient générer de
rentrent plus correctement. petits bénéfices, ou au moins autofinancer leur
Le fonctionnement de la commune urbaine subit fonctionnement. De plus, la mairie de Bafang
le contrecoup de cette situation. Les gens ont plutôt représente le pouvoir central dans une région d’op-
tendance à contourner les mécanismes urbains position : elle a besoin de renforcer sa légitimité
existants qu’à y participer. Cette tendance a été vis-à-vis de la population et a conscience qu’il lui
renforcée par le mouvement des “villes mortes” faut pour cela entrer en concertation avec les habi-
entre 1993 et 1994. La crédibilité des institutions tants. Concrètement, cela passe aussi par la mise
publiques est très affaiblie : l’activité de la munici- en place de circuits de financement courts et trans-
32 Créer des ressources en améliorant l’environnement sanitaire

POINT DE VUE

La technique : ni tout, ni rien !


Les réponses au sous-développement ont dont les plans n’ont pas été mis au point avec
longtemps été considérées comme devant être les usagers. Les latrines aujourd’hui construites
d’ordre technique. Transferts de technologie, ne semblent pas convenir tout à fait à leurs
technologies appropriées, matériaux locaux..., attentes. De plus, le rapport qualité/prix aurait
autant d’expressions qui témoignent de cette pu être meilleur si la réflexion sur les techniques
prééminence accordée à la technique. et les matériaux disponibles sur place avait été
Pourtant, devant la constance des proces- plus poussée. Enfin, les relations avec l’entre-
sus de détournement dont les projets ont fait preneur ont été difficiles.
l’objet, la conscience a peu à peu émergé Les projets intégrés en général ne favorisent
qu’il y avait “autre chose” au-delà ou à côté pas l’acquisition d’une compétence technique.
de la rationalité technique, et qu’il était préfé- Il apparaît ainsi que, même pour des réali-
rable de comprendre les logiques sociales et sations simples, il est nécessaire d’avoir
économiques dès l’origine des interventions. recours à une expertise technique de bon
De plus, il est trop simple de considérer que niveau. Si l’on ajoute que dans les quartiers
des réalisations physiques (containers pour les populaires, les terrains les mieux placés et les
ordures, bornes-fontaines...) peuvent suffire à plus propres à la construction sont bien souvent
améliorer les conditions de vie des habitants. déjà occupés, les réalisations d’intérêt collectif
Ces “produits” ne deviennent des résultats posi- conduites avec les habitants doivent se conten-
tifs que si leurs bénéficiaires ont la volonté et la ter d’espaces résiduels où les défis techniques
capacité de les gérer et de les pérenniser. La sont plus importants. C’est la cas par exemple
promotion de projets intégrés en remplacement pour l’aménagement du bas-fond de la Vallée
d’approches sectorielles jugées trop étroites 8 à Yaoundé.
découle de cette mise en perspective de la Il convient donc de distinguer la fonction
rationalité technique. d’animation et d’intermédiation de la maîtrise
On peut donc considérer comme un pro- d’ouvrage technique. Dès qu’il y a réalisation
grès que les associations de développement d’ouvrage, si modeste soit-il, il faut s’appuyer
(comme un nombre croissant d’acteurs de la sur des techniciens qui apporteront leurs
coopération), accordent une plus grande conseils à la conception des réalisations (en
importance à l’expression par les “bénéfi- concertation avec les usagers), contribueront à
ciaires” de leur demande et des modalités de élaborer les dossiers de faisabilité, assureront
mise en oeuvre des actions, ainsi qu’aux pro- le suivi des chantiers, etc. Cette pratique est
cessus d’appropriation et de structuration de la une garantie de professionnalisme tant vis-à-vis
société civile. des habitants que des bailleurs de fonds. Elle
Il faut prendre garde néanmoins à ne pas contribue en outre à l’accumulation de savoir-
renvoyer trop loin le bras du balancier. La faire techniques locaux.
valorisation des compétences en matière d’ani- Pour toutes les autres réalisations effectuées
mation ne doit pas conduire à négliger la dans le cadre du programme de développe-
nécessité de compétences techniques ment local urbain au Cameroun, et dès la
parallèles. phase des études préalables, il a été fait
A Bafang, pour donner un exemple, l’édifi- appel à un organisme ou à une personne-res-
cation des latrines a souffert de l’insuffisance source capable d’assurer le suivi technique du
de la maîtrise d’oeuvre technique. Par manque projet. Des contrats distincts ont été établis
de compétence, un modèle type a été retenu pour ce faire.
Bafang, Cameroun 33

parents pour les services et équipements urbains. les quartiers, ces micro-réalisations devaient être
Les premières missions à Bafang ont permis de l’occasion de tester un système de recouvrement
repérer les partenaires locaux et d’identifier des des coûts, notamment en faisant payer les usagers.
thèmes d’action. Il s’agissait aussi de choisir le mode de gestion le
Les objectifs étaient de réaliser des actions plus approprié (public, privé, régie municipale,
limitées dans un premier temps mais permettant système mixte...).
d’engager un processus de collaboration, de Ce programme préliminaire a été ratifié par les
mieux comprendre les logiques individuelles et les partenaires français et locaux. Des évaluations
rapports de force pour faire éclore des consensus. régulières ont été prévues. Il s’est rapidement avéré
que des conventions décrivant de manière très pré-
cise le partage des tâches et des responsabilités
étaient nécessaires. Il fallait également progresser
par étapes et faire le point régulièrement pour
Le programme initial adapter la méthode.
Néanmoins, il faut attendre le milieu de l’année
1993 et une évaluation critique du programme
Dès la deuxième mission en mai 91, un pro- entrepris en partenariat pour que des actions
gramme de micro-réalisations a été défini, prélude concrètes soient véritablement entreprises.
à un programme plus vaste. Ces micro-réalisations
comprenaient notamment : la construction de toi-
lettes publiques pour le marché central et l’achève-
ment de celles de la gare routière, ainsi que l’amé-
lioration du système de ramassage des ordures Construction de latrines publiques
ménagères. Une action simple pour démarrer, défi-
près de la gare routière
nie de manière concertée, devait permettre d’en-
clencher une dynamique de développement com-
munal et de vérifier la réelle implication de tous les
partenaires. La gare routière, lieu de passage s’il en est, ne
disposait pas de toilettes publiques en état de
Une démarche participative fonctionnement. En octobre 93, la mairie s’est
Dès le début, tous les intervenants potentiels ont été mis engagée à fournir des manoeuvres pour achever
dans une situation de concertation : municipalité, les travaux, ainsi qu’à verser 700 000 FCFA.
préfet, représentant du MINUH, représentant de la L’association des commerçants et transporteurs
population... Une ONG camerounaise, le CERFAP s’est engagée pour sa part à verser 150 000
(Centre d’études, de recherche et de formation à FCFA. L’association intermédiaire camerounaise, le
l’auto-promotion), spécialisée dans l’animation sociale, CERFAP, a aidé à la création d’une association
devait garantir la participation des comités villageois, d’habitants, l’AVPEHA (Association des volontaires
des chefferies traditionnelles et des élites locales, de
pour le progrès de l’éducation, l’hygiène et l’assai-
manière à prendre en compte les aspirations et les
nissement) qui doit assurer la maîtrise d’ouvrage
comportements des usagers.
de l’équipement, pour sa réalisation d’abord, pour
Le suivi des projets (appui à la maîtrise d’ouvrage)
devait être assuré conjointement par l’AMOPAR (sous-
sa gestion ensuite. L’AVPEHA a élu en son sein un
structure de l’AFVP) et le CERFAP (sensibilisation, bureau de 9 membres chargé d’élaborer des
réalisation, évaluation). Un rôle central était dévolu au modalités de co-gestion de cet équipement public.
CERFAP, comme association intermédiaire. En outre, le Puis un entrepreneur a été choisi pour réaliser les
GRET et l’AFVP ont décidé de mettre leurs ressources travaux après lancement d’un appel d’offre.
en commun et de mener conjointement ce projet. Pour que l’AVPEHA - et n’importe quelle asso-
ciation d’habitants - puisse jouer pleinement un rôle
Outre l’amélioration de l’hygiène des bâtiments de maître d’ouvrage, il faut qu’elle dispose de
publics et des conditions de vie quotidienne dans toute l’information (devis...) pour la comprendre, la
34 Créer des ressources en améliorant l’environnement sanitaire

contrôler et éventuellement modifier la com- tion des tarifs en fonction du plan d’amor-
mande. Ici l’AMOPAR a une fonction d’ap- tissement, horaires d’ouverture... Lorsque
pui technique à la maîtrise d’ouvrage. les travaux sont terminés, la découverte de
détournements d’argent par l’AVPEHA révè-
Six mois plus tard, les travaux ont le que celle-ci n’est pas en mesure d’assu-
avancé mais non sans difficultés (pro- rer la gestion des latrines. Le CERFAP en
blèmes techniques, main-d’oeuvre fournie est donc chargé provisoirement et a été
par la mairie non qualifiée...). En outre, la confiée la gestion à un privé qui sera
trésorerie municipale ne peut honorer le contrôlé par le CERFAP et l’AVPEHA re-
chèque de 700 000 FCFA émis, ce qui nouvelée.
nécessite des interventions auprès du pré-
fet. L’association de commerçants et trans- La mise en route des toilettes publiques
porteurs n’a pu réunir que 40 000 FCFA. se fait alors lentement. Début 1995, la fré-
quentation est suffisante pour couvrir les
La réflexion sur la gestion n’a guère coûts de fonctionnement et rémunérer le
avancé : recrutement d’un préposé et pré- préposé. Il est envisagé d’adjoindre une
paration de son contrat de travail, défini- douche, à la demande des usagers.

Plan d’installation des latrines de Bafang

6,50 m

6,10 m
Bafang, Cameroun 35

Les difficultés abandonnées. Les avancées se sont faites au ryth-


me des évaluations semestrielles. La présence per-
manente d’un Volontaire du progrès à Bafang dès
Elles sont de plusieurs ordres. le début aurait sans doute facilité les choses, car
La mobilisation de la population, qui était un cela a été incontestablement le cas à partir de
des principes de base du programme d’actions juillet 94.
entreprises, à la fois pour mieux préciser la deman-
de et élaborer de nouveaux modes de gestion, n’a Ce projet pourrait en lui-même être considéré
pas été réussie. L’organisation intermédiaire, le comme peu “réussi” ; le moindre est de dire qu’il a
CERFAP - peut-être du fait de sa plus grande expé- été laborieux. Si l’investissement humain et finan-
rience du milieu rural que du milieu urbain - a tout cier n’a pas été perdu, c’est parce qu’il a néan-
d’abord choisi de passer par l’intermédiaire de la moins permis en trois années de travail, et de fric-
mairie pour organiser les réunions d’information. Le tions, de nouer des relations étroites, notamment
taux de participation a été dérisoire, notamment avec la mairie et la préfecture.
parce que les habitants n’attendent rien des auto-
rités municipales. Un véritable développement par- De fait, la coopération a pris un nouvel élan à
ticipatif exige un lourd travail d’animation dans les partir de 1994. Des études complémentaires ont
quartiers mêmes, une présence régulière auprès été menées sur l’eau et les ordures ménagères en
des habitants, un contact direct. faisant appel à des ingénieurs locaux, notamment
de l’Ecole polytechnique. Ces travaux ont permis
Les déboires avec l’association de base mon- de faire le point sur les problèmes rencontrés par
trent également que les contrôles doivent être la mairie pour la collecte et l’évacuation des
rigoureux dès qu’il y a manipulation de fonds, si déchets. Une étude de marché sur la demande
faibles soient les sommes. Un système de double potentielle de compost a été réalisée. Ce travail a
signature et le principe de séparation de l’ordon- permis de repérer deux nouvelles ONG camerou-
nateur et du payeur ont ensuite été adoptés. naises actives à Bafang, le CDCV et le CIPCRE,
qui ont déjà une compétence sur ces questions. Le
Les réalisations ont été lentes et un grand dynamisme de ces associations a contribué à envi-
nombre d’actions initialement prévues ont été sager l’avenir, notamment en influant d’une maniè-
36 Créer des ressources en améliorant l’environnement sanitaire

re indirecte sur la conception du programme L’histoire du projet


FOURMI (voir fiche suivante). L’expérience finale-
ment acquise par le CERFAP a permis d’engager
sur de bonnes bases le projet d’implantation de w 1991 : 1ère mission GRET/AFVP à Bafang et
bornes-fontaines payantes défini en collaboration identification de projets
avec la SNEC.
w 1993 : création de l’AVPEHA, représentant
les habitants et les commerçants

w 1994 : mise en place d’une volontaire


Pistes pour une intervention permanente AFVP à Bafang ; achèvement
des latrines de la gare routière

w 1995 : début du travail d’animation pour


w Elaborer avec les partenaires une méthodo- l’implantation de bornes-fontaines payantes
logie d’action très précise, sans craindre d’être (projet SNEC)
trop précis, voire “tatillon” : ce procédé a des ver-
tus pédagogiques essentielles.
Le projet en chiffres
w Passer des contrats extrêmement précis avec 1 million de FF du ministère français de la
les associations locales jouant un rôle d’intermé- Coopération (FAC IG) pour Bafang et Yaoundé
diaire, qui puissent donner lieu à une évaluation 4, sur deux ans.
sans équivoque du travail réalisé ; mais garder à
l’esprit qu’un contrat ne peut suffire à garantir le Les partenaires du projet
dynamisme. w Association de base : AVPEHA, créée par le
CERFAP
w Soumettre la rémunération des partenaires à
la réalisation effective des tâches convenues, w Association intermédiaire : CERFAP
tranche par tranche.
w Appui à la maîtrise d’ouvrage technique :
w Ne pas penser, ni laisser croire, que le pre- AMOPAR
mier partenaire trouvé est nécessairement le bon. w Partenaires institutionnels : mairie de Bafang,
w Toute évaluation doit se donner du temps, sous-préfecture et préfecture

car à travers les erreurs, les déceptions, les w Groupement d’opérateurs : GRET/AFVP
conflits peuvent émerger de nouvelles opportunités
de travail non prévues au départ.
Cameroun 37

Un fonds d’appui aux organisations


urbaines et aux initiatives productives

Le contexte – l’établissement de
relations de travail et d’é-
changes d’information avec
Trois années d’expérimen- l’Etat, représenté par ses
tation conduites par le GRET ministères techniques
et l’AFVP sur deux sites, (Urbanisation et Habitat,
Yaoundé 4 et Bafang, ont Administration territoriale) ;
permis d’apporter des élé-
ments de réponse aux ques- – l’entrée dans un parte-
tions initiales du programme nariat concret avec les
de recherche/action sur le communes ;
développement local urbain financé par le ministè-
re de la Coopération : – l’établissement de contacts avec d’autres
acteurs clés, comme la Communauté urbaine de
– comment concevoir des actions efficaces, qui Yaoundé, la SNEC (entreprise publique de distri-
contribuent véritablement à améliorer les conditions bution de l’eau).
de vie dans les quartiers populaires, en s’appuyant
principalement sur les dynamiques des habitants ? En outre, de nouveaux acteurs professionnels
ont été identifiés : les ONG d’appui ou “intermé-
– comment assurer la reproductibilité, la durabi- diaires”. Les différents volets du programme ont été
lité des actions ? l’occasion de repérer, tester, former des associa-
tions camerounaises. L’organisation d’un séminaire
– comment assurer la cohérence entre les à Douala en avril 1993 a permis d’élargir le
actions locales et les politiques globales de l’amé- cercle des partenaires possibles d’un développe-
nagement urbain ? ment urbain à la base.
Enfin, les réalisations concrètes (case sociale,
Les principaux acquis du programme sont terrain de sport, bornes-fontaines, latrines...) ont
notamment : été l’occasion de mettre au point quelques prin-
cipes méthodologiques, sur le plan de l’animation
– l’ouverture d’un espace de négociation, for- et de la mobilisation des habitants pour faire émer-
malisé par une série de contrats, entre la société ger des “porteurs de projets”, ainsi que sur le plan
civile, les communes et l’Etat ; de la technique et de la gestion.
38 Fonds d’appui aux organisations urbaines

Les enjeux raient à compléter les apports des habitants dans


la prise en charge de l’amélioration de leurs condi-
tions de vie.
La dynamique ainsi créée a permis d’aller plus En accord avec les autorités camerounaises, ce
loin dans la réflexion sur la gestion urbaine et le fonds de 5 millions de FF - appelé FOURMI,
rôle des habitants. Les premières réalisations ont Fonds aux organisations urbaines et aux micro-ini-
montré que le quartier était une bonne échelle d’in- tiatives - a ainsi été mis en place pour trois ans.
tervention, car proche des habitants, et que les
associations locales pouvaient être des partenaires
fondamentaux du développement urbain, à condi-
tion qu’on les forme. En effet, cette méthode d’ap-
pui aux populations passant par le truchement Tirer parti des expériences
d’associations intermédiaires a pour avantage de
antérieures
favoriser l’appropriation des projets par les habi-
tants, pour un coût modique. Elle a un effet de
catalyse et non de substitution.
L’Union européenne a alors proposé de pour- FOURMI est loin d’être le premier fonds destiné
suivre cette démarche en l’inscrivant dans une à appuyer les micro-projets urbains ou ruraux. Rien
stratégie plus large : accroître le nombre de réali- qu’au Cameroun, il en existe au moins une dizai-
sations pour avoir un impact significatif sur la ne, alimentés par le gouvernement ou par la
population des quartiers et appuyer de nom- coopération internationale. Citons, parmi ceux qui
breuses associations locales. interviennent en milieu urbain, PRODEC, PAME ou
Il a semblé que le moyen le plus simple et le le FCIL.
plus souple pour passer ainsi à une échelle supé- Etait-il possible de tirer quelques leçons de ces
rieure consistait à créer un fonds dont les res- expériences ? C’est du moins ce qu’a tenté l’équi-
sources auraient une fonction incitative. Elles servi- pe du GRET en enquêtant auprès de ces structures.
Cameroun 39

Il ne s’agissait pas de les évaluer, mais simplement nécessaire pour s’adapter à des réalités toujours
d’en repérer les dysfonctionnements les plus différentes de ce que l’on imagine.
visibles pour éviter de les reproduire, et échapper
ainsi, si peu que ce soit, au travers des orga-
nismes d’aide qui ne savent tirer parti des erreurs 4. La fiabilité
des voisins. Dès qu’il y a distribution de fonds, des dérives
Parmi ses dysfonctionnements, quatre sont sont possibles, notamment :
apparus particulièrement importants : – le montage et le financement de dossiers
fictifs ;
– la subjectivité des décisions de financement
1. Une logique de l’offre des projets ;
La plupart de ces fonds proposent des finance- – des déséquilibres dans la composition du
ments à des bénéficiaires définis de manière un comité d’attribution...
peu abstraite : “groupes à faibles revenus”,
“ménages n’ayant pas accès aux services sociaux Le programme FOURMI a été conçu en tenant
essentiels”, “femmes et enfants démunis”. Même si compte de ces quatre points et a tenté de leur
l’objectif affiché est de répondre aux demandes de apporter des réponses.
la base, la mise en oeuvre des fonds repose sur
une logique d’offre. En effet, comment joindre ces
groupes cibles, les informer, les aider à formaliser
leurs idées ? Il faut au moins la présence de per-
sonnel sur le terrain, mais surtout des compétences Une action territorialisée et
en animation sociale.
non sectorielle

2. Un manque d’accompagnement
Tout autant que de financement, les petits pro- Pour éviter un saupoudrage de financements
moteurs individuels ont besoin d’un suivi rapproché qui n’aurait ni effet démonstratif, ni effet d’entraîne-
au cours du montage de leur projet. La formation, ment, et pour tirer parti du travail déjà réalisé sur
les échanges, les encouragements, le contrôle et deux sites, il a été convenu avec le gouvernement
un certain encadrement sont fondamentaux. Si le camerounais et l’Union européenne de restreindre
mode de fonctionnement du fonds ne permet pas le champ d’intervention du fonds à quelques villes
un suivi individualisé assez important, les actions seulement : Yaoundé et Bafang, la capitale écono-
financées risquent de ne pas se pérenniser. Ce mique Douala, Bafoussam (province de l’Ouest) et
suivi est encore plus essentiel lorsqu’il s’agit d’ac- Bamenda (province du Nord-Ouest).
tions communautaires.
Le programme vise l’amélioration de l’environ-
nement urbain dans les quartiers sous-équipés des
3. La lourdeur administrative villes sélectionnées en apportant un appui aux
L’instruction des dossiers est souvent longue et dynamiques de base. Les domaines d’action priori-
complexe. S’il est normal d’exiger un certain taires retenus sont les suivants :
nombre de garanties avant d’accorder un finance-
ment, celles-ci deviennent rédhibitoires pour les – amélioration du cadre de vie (logement, équi-
groupes cibles s’ils sont laissés à eux-mêmes. Elles pements publics, gestion de l’espace public) ;
ne peuvent avoir un effet pédagogique qu’en pré- – contrôle et prévention des pollutions urbaines
sence d’un accompagnement social important. (eau potable, eaux usées, ordures ménagères...),
Un autre défi posé à ces fonds est la difficulté hygiène publique.
à trouver un équilibre entre la rigueur exigée par la
gestion de ressources publiques et la souplesse
40 Fonds d’appui aux organisations urbaines

POINT DE VUE

Les limites de la participation populaire

Le discours participatif recouvre des La participation fonctionne également


objectifs et sert des intérêts divers, voire lors des investissements, notamment quand
contradictoires. Il est prôné par les tenants ils correspondent à un rattrapage du niveau
de l’Etat minimum, dans une perspective d’équipement des autres quartiers, mais sur-
libérale et face à des institutions qui ont fait tout s’il y a contrepartie des pouvoirs
la preuve de leurs dysfonctionnements. Il est publics. En revanche, la participation
aussi porté par ceux qui associent la démo- semble beaucoup plus problématique pour
cratisation de la gestion urbaine à l’affirma- la gestion des équipements, dont les rési-
tion de la citoyenneté et pour qui la partici- dents estiment généralement qu’elle doit
pation des populations semble répondre à revenir aux autorités publiques.
un idéal de démocratie directe.
Aujourd’hui, des fonctions vitales de
L’urbanisme de projet enfin associe le régulation de l’urbain ne sont pas assurées.
discours participatif au principe de recou- Et elles ne pourront l’être par le seul recours
vrement des coûts et de réplicabilité des à une mobilisation de la base. La véritable
actions. démocratisation du gouvernement des villes
africaines - qui passe sans doute par la
Néanmoins, la participation des popu- décentralisation et la déconcentration, mais
lations est rarement un moyen de promotion pas seulement - est gênée par la nature
de la solidarité sociale. “ Pour combler les actuelle (rentière, patrimonialisée) de l’Etat.
déficits et les lacunes de l’action publique,
on exige des pauvres une contribution à D’après Jaglin S., A. Dubresson,
l’aménagement local qui est rarement requi- Gérer la ville : décentralisation, partici-
se des habitants des quartiers les plus pation, démocratie, in Dubresson,
huppés ”. Jaglin, dir. pub. (1993).

On leur demande en somme de remplir


le rôle normalement dévolu à la fiscalité. Les programmes portés par le
GRET/AFVP ont tenté de mettre dans la
Les habitants souhaitent-ils vraiment une participation des habitants plus que de l’in-
telle participation ? Les observations de ter- vestissement humain et financier. Ils ont
rain montrent que la participation peut fonc- essayé de mettre en oeuvre des formules de
tionner dans la phase d’identification des démocratisation des décisions, voire de
besoins et de conception des projets. partage du pouvoir avec les municipalités.
Encore faut-il s’interroger sur qui a droit à la Cela signifie à la fois susciter et gérer des
parole : qu’en est-il des femmes, des cadets rapports de force. Et contribuer à faire
sociaux ? naître la notion d’intérêt public.
Cameroun 41

Allier développement social et Les résultats attendus sont de trois types :


développement économique – des investissements productifs en milieu
urbain qui pourront être évalués quant à leur viabi-
lité (couverture des coûts de fonctionnement, de
Les projets qui abordent le développement maintenance et d’amortissement) et par leur impact
local d’un point de vue exclusif, qu’il soit écono- (amélioration de l’environnement urbain, accroisse-
mique ou communautaire et social, se heurtent ment des revenus, création d’emplois, acquisition
rapidement à des limites. Lorsqu’une proportion de compétences nouvelles) ;
trop importante des habitants des quartiers popu- – la formation de nouveaux professionnels
laires, et notamment les jeunes, se trouve dans une locaux de l’animation urbaine qui soient capables
situation d’extrême pauvreté et de désoeuvrement, d’intervenir dans les quartiers de façon de plus en
il est vain de vouloir les faire participer à des plus autonome et de devenir opérateurs de projets
actions collectives. Il faut alors trouver les moyens locaux en jouant le rôle d’intermédiaires entre les
de générer des revenus et d’articuler ainsi lien habitants, les municipalités et l’Etat.
social et efficacité économique. – la création d’activités génératrices de revenus
Le fonds est ainsi destiné à financer des projets ou éventuellement d’emplois aptes à améliorer la
d’utilité publique, non rentables sur le court terme, situation économique des habitants de ces
mais dont la réalisation crée des emplois et génère quartiers.
des revenus d’une part, et d’autre part, améliore
les infrastructures de base nécessaires au dévelop-
pement économique.
Le fonds vise aussi à appuyer les petites acti-
vités productives mises en oeuvre par des privés. Redistribuer les rôles entre l’Etat,
Ces deux types de projets doivent s'articuler sur un
la collectivité locale et la société civile
même territoire. Ils feront l’objet d’un traitement
différencié.
Les bénéficiaires du programme sont les habi-
tants des quartiers défavorisés acteurs de leur Au-delà de la réalisation ponctuelle d’équipe-
propre développement : ments concrets, les modalités de mise en oeuvre
– petits groupes, pour les projets à caractère du fonds visent à contribuer à la structuration de la
économique ; société civile au niveau local. Renforcer les organi-
– associations ou comités locaux, pour les pro- sations professionnelles camerounaises d’anima-
jets d’utilité publique. tion urbaine en est un moyen.

Le continuum socio-économique

PUBLIC PRIVÉ
ACTIONS action communautaire action productrice de revenus

Impact social Forte utilité sociale

Rentabilité pas de rentabilité faiblement Haute rentabilité


à court terme rentable économique

Destination Sans exclusive ouvert à tous ouvert à un petit


pour l’ensemble de moyennent nombre au prix
la population conditions du marché
42 Fonds d’appui aux organisations urbaines

Cela suppose : La décision de financer tel ou tel projet est une


– une animation dans la durée ; responsabilité partagée. Outre les subventions,
– la formation de la population à l’analyse des une cellule d’assistance technique et sociale est
besoins et à l’arbitrage entre ceux-ci ; mise à la disposition des habitants. Elle est animée
– l’expérimentation de mécanismes de décision sur chaque site par les organismes intermédiaires
et de négociation. partenaires du projet FOURMI.

Cela constitue un investissement assez lourd et


pour une large part “invisible”. Mais c’est le seul
moyen de faire émerger une demande authentique
et réfléchie qui ne soit pas une simple acceptation
de l’offre. Il s’agit d’aider l’Etat, la collectivité loca-
le et les habitants à constituer progressivement des
instances de concertation, de décision et d’arbitra-
ge préfigurant une gestion urbaine participative.

Renforcer les associations camerounaises

Pour que les représentants de habitants, les comités


locaux, etc. parviennent à se coordonner dans l’intérêt
des divers groupes en présence, il est souvent
nécessaire qu’un opérateur extérieur s’investisse sur le
terrain et serve à la fois d’animateur et de médiateur. Les projets financés seront sélectionnés en fonc-
De tels opérateurs intermédiaires ne sont pas légion. tion de leur impact sur les conditions de vie d’un
Leur mobilisation et leur professionnalisation comptent quartier, et doivent d’abord obtenir l’approbation
parmi les enjeux d’une gestion urbaine plus
des autorités locales afin de ne pas dépouiller
participative et plus efficace.
celles-ci de leur fonction de planification locale et
Les qualifications nécessaires sont :
de préservation de l’intérêt général. Les actions
– une capacité à identifier des “porteurs de projets”
parmi les habitants ;
doivent faire la preuve de leur viabilité technique
– un rôle de catalyseur, c’est-à-dire savoir analyser les et économique, et le montage du projet doit être
situations, animer et guider les dynamiques, notamment précis et réaliste.
dans leur mise en relation avec les pouvoirs publics ; Pour que la population soit réellement informée
– un rôle de pédagogue par l’action, l’information, les et participe vraiment à la définition des besoins et
échanges grâce à une activité en réseau ; à l’arbitrage entre les propositions, un Comité
– la capacité à produire des outils de diffusion pour d’animation et de développement (CAD) élu est
étendre et pérenniser les expériences. mis en place au niveau de chaque quartier inté-
ressé. S’il est encore irréaliste au Cameroun de
Les conditions de réussite des projets tiennent à soumettre l’appréciation des projets aux seules
la viabilité de leur fonctionnement interne, mais sur- communes, elles restent néanmoins le bon niveau
tout à l’adhésion des populations. Le fonds a l’am- d’arbitrage pour un plan de développement local
bition de se situer dans une logique de développe- et pour la négociation avec l’Etat. Un Groupe opé-
ment (et non dans une logique humanitaire) : il rationnel local (GOL), dont les modalités restent à
peut concevoir de contribuer au financement de définir, pourrait les assister dans cette tâche. Enfin,
l’investissement initial, mais pas de fonctionnement. les décisions de financement sont du ressort d’un
Pour éviter une adhésion de façade à un projet comité de sélection qui se réunira tous les six mois.
“offert”, le principe de la participation financière Le comité de sélection sera constitué d’un représen-
de la population à l’investissement (jusqu’à 50 %) tant de l’UE, du GRET, du maire, de personnes-
est un moyen de vérifier son intérêt vis-à-vis de l’ac- ressources et, à titre consultatif, de deux représen-
tion entreprise. Le travail en lui-même est naturelle- tants des associations intermédiaires came -
ment requis mais pas comptabilisé dans l’apport. rounaises.
Cameroun 43

L’histoire du projet
Les difficultés

La durée de mise en oeuvre risque d’être


w 1994 : négociations avec l’Union
courte : il a déjà fallu trois ans pour mobiliser et
européenne et montage du projet.
structurer des associations locales à Yaoundé 4 et
w Février 1995 : séminaire de lancement du à Bafang. Reproduire ce même travail sur 5 villes,
programme FOURMI. puis aider les groupes à mettre en oeuvre leurs
w Mai 1995 : installation de l’antenne GRET à projets demandera beaucoup de temps et d’é-
Yaoundé. nergie.
Il n’est pas évident de réussir à faire remonter
w A partir de juin 1995 : repérage des
associations intermédiaires camerounaises et
suffisamment de projets pour épuiser le fonds
constitutions des comités d'action et de accordé par l’UE. Le risque est alors d’en assouplir
développement (CAD) et des groupes les conditions, et de sacrifier la qualité des initia-
opérationnels locaux (GOL). tives à leur quantité.
Cependant, ce programme ne doit pas être
w Juillet 1995 : séminaire avec les partenaires
du programme
considéré comme une fin en soi, mais comme une
étape supplémentaire dans la réflexion sur les
w Novembre 1995 : réunion du premier comité modalités et les conséquences d’une gestion urbai-
de sélection des projets.
ne participative.

Le projet en chiffres
10 millions de FF sur 3 ans du Fonds européen
de développement, dont 5 millions pour
alimenter le fonds et le reste pour l’animation,
la formation et l’appui aux entrepreneurs, ainsi
que les activités d'accompagnement des ONG
camerounaises.

Les partenaires
w L'Etat camerounais.

w 5 municipalités.

w Un comité d’action et de développement


(CAD) dans chaque quartier.

w Un groupe opérationnel local (GOL)


dans chaque ville.

w Un comité de sélection au niveau


du programme.

w Des maîtres d’oeuvre locaux pour la


réalisation des actions.

w Des ONG intermédiaires camerounaises.

w Antenne GRET à Yaoundé.


Cotonou et Parakou, Bénin 45

Jeunes-Ville-Emploi

Le contexte les capacités des organisa-


tions locales, notamment
celles des jeunes, à participer
Un colloque "Jeunes, Ville, à la gestion de certains ser-
Emploi : quel avenir pour la vices publics. Trois constats
jeunesse africaine ?" a été organisé en octobre sont à la base du projet :
1992 à Paris par le ministère de la Coopération. – les jeunes à la recherche d’un emploi sont
Une Table ronde a ensuite permis de réunir divers l’un des principaux groupes cibles de la stratégie
partenaires français constituant le noyau d’un béninoise de "dimension sociale du développe-
réseau JVE et de créer un secrétariat opérationnel. ment" (DSD) ;
JVE est ainsi devenu un programme mobilisateur de – le mauvais fonctionnement des services ou
la Coopération chargé d’approfondir la réflexion équipements municipaux crée des problèmes quoti-
et d’apporter un appui à des projets d’action. Les diens pour les habitants et constitue un gisement
thèmes privilégiés par JVE sont l’insertion sociale d’activités d’intérêt public dont l’exploitation pour-
(vie associative, jeunes de la rue...), l’insertion pro- rait permettre une meilleure insertion sociale et pro-
fessionnelle et l’appui à la création d’activités, l’ac- fessionnelle des jeunes dans la cité ;
tion sur la ville et le quartier. Le programme JVE – les initiatives des populations prennent nais-
peut apporter un soutien financier à l’identification sance au niveau familial ou du voisinage, mais la
et à l’évaluation des projets, mais pas à leur mise majorité d’entre elles nécessitent, à l’échelle des
en oeuvre qui relève des créneaux classiques de quartiers, la présence d’acteurs intermédiaires et
cofinancement. l’établissement de liens contractuels avec les institu-
En Afrique, les Missions de coopération et tions locales.
d’action culturelle (MCAC) ont mis en place des
groupes de travail et des programme à long terme Au Bénin, une table ronde a réuni en juin
sur la problématique JVE. 1994 les autorités du pays, des partenaires du
Un programme Jeunes Ville Emploi a été mis en développement et des ONG. Tous ont adopté un
oeuvre, sous forme d’une recherche/action, dans programme de "dimension sociale du développe-
deux grandes villes du Bénin : Cotonou et ment" dont l’objectif fondamental est la réduction
Parakou. Il s’avère une bonne occasion de tester de la pauvreté. L’approche DSD privilégie le prin-
46 Jeunes-Ville-Emploi

POINT DE VUE

Repenser le rôle et les compétences des ONG du Nord


Faire émerger des porteurs de projet, s’ap- Cela passe aussi par le financement de leurs
puyer sur des associations locales intermé- besoins en équipement et de leurs frais de
diaires, ne plus se substituer aux opérateurs structure via des rémunérations contractuelles.
du Sud, promouvoir une démarche ascendan- L’autonomisation progressive des parte-
te, substituer une logique de la demande à naires du Sud s’accompagne forcément, tôt
une logique de l’offre... toutes ces assertions ou tard, de conflits avec les partenaires du
qui vont de pair avec la promotion d’une Nord, qui doivent s’y préparer...
approche participative du développement,
renvoient à une redéfinition du partenariat Pour assurer ce rôle nouveau, qui dépasse
Nord-Sud, et notamment des fonctions des les compétences techniques habituelles des
ONG du Nord et des compétences néces- ONG du Nord, des capacités sont néces-
saires. saires. Citons notamment :
La fonction principale des ONG du Nord - la mise en réseau : les ONG du Sud
devient une fonction de médiation. manquent souvent d’informations et de rela-
Elle consiste à démontrer, à travers l’ac- tions avec leurs pairs ou avec d’autres parte-
tion, qu’il existe effectivement chez les habi- naires, que ce soit dans le pays lui-même ou
tants des potentialités financières et humaines à l'échelle internationale. Il est donc particu-
inexploitées et à les faire émerger. lièrement utile de leur donner accès à des cir-
Elles peuvent, de par leur position d’exté- cuits d’information, formels ou informels, de
riorité et leur plus grande liberté de parole, les intégrer dans des réseaux (qui se mettent
contribuer à la résolution des conflits au en place progressivement), d’élargir leur réfé-
niveau local, notamment entre les collectivités rentiel d’expériences. L’organisation de sémi-
locales, les institutions et les représentants des naires sur place (comme à Douala, sur le
habitants. développement urbain participatif), les visites
Elles peuvent contribuer à la reconnaissan- dans d’autres villes, comptent parmi les
ce de leurs partenaires du Sud (associations moyens peu coûteux de permettre la diffusion
intermédiaires) auprès des populations, d’une des expériences et des idées.
part, et des bailleurs de fonds d’autre part. En - la formation : celle-ci peut concerner les
effet, les nouvelles formes de l’aide internatio- méthodes d’analyse du milieu (enquêtes, car-
nale ont suscité une prolifération d’ONG tographie...), les techniques d’animation de
locales, dont certaines sont clairement oppor- groupe, l’organisation de la structure, la ges-
tunistes. La crédibilité des associations tion, la communication... Cette formation peut
“sérieuses” peut être renforcée par des parte- se faire de manière bilatérale, à travers l’ac-
nariats forts et durables avec le Nord, qui leur tion concrète, comme cela s’est passé avec le
permettent notamment de réa- CASS et le CERFAP par le
liser des actions concrètes biais de contrats et d’évalua-
dont les résultats puissent être tions régulières.Elle peut égale-
validés et diffusés. ment être conçue de manière
- Enfin, les ONG du Nord à bénéficier à un plus grand
doivent aider les structures du nombre d’associations locales
Sud, souvent militantes à l’ori- (séminaires de travail...).
gine, à se professionnaliser.
Cotonou et Parakou, Bénin 47

cipe de la subsidiarité, considérant qu’une inter- locales : le recours à des contributions privées ou
vention a d’autant plus de chances de réussir qu’el- à la participation des habitants doit s’inscrire dans
le est mise en oeuvre au niveau le plus bas. Cette ce cadre pour être équitable et reproductible ;
position de principe joue en faveur de la décentra- – s’appuyer sur les projets pour mieux
lisation, mais accorde aussi un large champ d’ac- connaître la réalité sociale des jeunes et les popu-
tion et de proposition à la société civile. La lations des zones urbaines défavorisées, dont la
Coopération française, de son côté, soutient ce culture de quartier forme un système complexe
processus et a réorienté ses actions vers l’appui encore largement méconnu.
aux municipalités et aux initiatives des associa-
tions. Ces deux dynamiques concommitantes, JVE
et DSD, se renforcent mutuellement.

Montage institutionnel du projet JVE Renforcer les initiatives existantes

Comité de pilotage
Une première mission a permis de dresser un
ministère ministère de collectivités paysage des acteurs et de proposer une
GRET CEDA
du Plan Coopération territoriales
démarche JVE adaptée à la réalité du Bénin. Il res-
sortait de ce tour d’horizon qu’il fallait moins mon-
ter de nouveaux projets, ou des structures supplé-
Comité d’animation mentaires, que mieux tirer parti des compétences
CBRST SNV SERHAU-SEM CEDA et des dynamiques existantes au Bénin. Or, celles-
ci sont souvent peu reliées entre elles et butent sur
des difficultés dues en partie à leur isolement.
Un dispositif a donc été mis en place qui repo-
Echantillon de projet pilote
se sur deux éléments centraux :
– une cellule d’animation qui facilite l’échange
d’informations et d’expériences, et surtout qui per-
Les enjeux mette la formulation commune de diagnostics et
de stratégies ;
– un échantillon de projets pilotes mis en
La phase d’identification du projet JVE-Bénin a réseau pour ancrer la réflexion sur les pratiques, et
débuté fin 1993. Une méthodologie et des thèmes permettre à ces initiatives de dépasser le niveau
de recherche/action ont été identifiés. Les enjeux micro-local.
du point de vue du développement local urbain Six projets ont été retenus en fonction de
sont clairs : critères précis et de la capacité de travail de la
– contribuer à former des acteurs intermé- cellule d’animation. Ils sont tous ancrés sur un terri-
diaires, pour passer d’initiatives ponctuelles à la toire délimité et s’attaquent à des problèmes que
prise en compte d’enjeux globaux, à l’échelle de rencontrent les jeunes.
la ville ;
– regrouper localement divers organismes impli- Une prise en charge collective des ordures
ménagères
qués dans la lutte contre l’exclusion des jeunes
pour partager les compétences, les combiner et les A Parakou, la municipalité a tenté de privatiser la
enrichir, et pallier le déficit local d’élaboration de collecte des ordures ménagères suite à l’échec du
stratégie, ou de synthèse ; système de régie directe. Mais l’entreprise a rapide-
– expérimenter, au travers de micro-projets ment fait faillite. Dans le même temps, des jeunes
portés par des jeunes, un mode de gestion alterna- ont commencé à sensibiliser les habitants de deux
quartiers denses du centre-ville aux problèmes
tif des services urbains qui ne soit pas coupé d’une
d’environnement, et à recueillir des contributions
réflexion générale sur l’emploi des finances
48 Jeunes-Ville-Emploi

pour un projet d’assainissement. Leur action a été Ainsi, la SNV est chargée d’analyser le rôle
relayée par la Circonscription urbaine de Parakou, des habitants : comment sont-ils partie prenante
avec l’appui du Fonds social de développement. des actions engagées dans les six projets ? Ont-ils
Parakou illustre ainsi la situation des municipalités qui
un pouvoir de décision ? Si ce n’est pas le cas, la
veulent répondre aux besoins des populations
SNV devra aider les organisations intermédiaires à
et qui cherchent les modalités d’une collaboration avec
entrer en contact avec des personnalités représen-
les associations de quartiers. C’est sur cette base
que s’est effectué le rapprochement des deux
programmes, sur le thème des ordures
ménagères.
Le travail engagé avec JVE vise à former les
associations de jeunes pour améliorer la qualité
du service. En outre, un animateur est mis à la
disposition des partenaires pour organiser
l’élargissement sur de nouveaux quartiers des
actions déjà entreprises.

tatives des quartiers, à négocier leurs actions avec


les autres acteurs concernés, notamment les collec-
La cellule d’animation : formation tivités locales. Les outils qui permettent la mise en
oeuvre d’une telle “stratégie d’acteurs” sont notam-
et recherche
ment les enquêtes participatives, les actions cultu-
relles et sportives, les animations auprès des
enfants...
Une cellule d’animation a été créée qui réunit Il revient au CBRST d’étudier le passage d’une
quatre organismes béninois professionnels. Les uns démarche ponctuelle ou sectorielle à une appré-
ont des compétences reconnues dans le domaine hension intégrée et globale des problèmes
de l’animation urbaine (SNV, organisation néerlan- urbains. Comment un petit groupe de personnes
daise de développement) ou de l’analyse sociale porteur d’une initiative peut-il tisser des liens avec
(Centre béninois de la recherche scientifique et d’autres groupes et faire en sorte que son action
technique, CBRST) ; les autres ont une capacité à soit appropriée au niveau du quartier ? Il s’agit
mettre en relation le local et le global (Centre pour pour ce faire de repérer les logiques d’action des
le développement en Afrique, CEDA) ou une expé- différents groupes sociaux et de voir comment elles
rience institutionnelle (Société d’Etudes régionales peuvent être combinées pour satisfaire le bien
d’habitat et d’aménagement urbain, SERHAU- commun. Les outils disponibles sont notamment les
SEM). études de milieu, les constellations d’acteurs et
La cellule d'animation a pour tâche d’appuyer diverses méthodes (GRAPP, ZOPP, planification
les projets sur le plan méthodologique (chaque par objectifs...).
projet a un correspondant bien identifié), au cas Le CEDA travaille sur les moyens de mettre en
par cas ou par des séances collectives. Le GRET oeuvre une “stratégie ascendante”, c’est-à-dire de
est l’opérateur extérieur chargé d’apporter des partir d’une action au niveau local et de la relier
outils de travail. ensuite aux échelles supérieures de résolution des
Des thèmes d’analyse ont également été attri- problèmes (cf. en annexe la décomposition des
bués aux partenaires de la cellule d’animation problèmes d’assainissement urbains selon les diffé-
pour aider chacun des organismes chargés de rentes échelles dans l’exemple de Bouaké, en
mener à bien un micro-projet et pour avancer, à Côte d’Ivoire). Les outils sont par exemple la col-
partir des observations de terrain, dans la réflexion lecte de données (démographiques, urbaines...),
sur le développement local et le renouvellement de ainsi que des méthodes de programmation réa-
la gestion des villes. listes du développement des quartiers (application
Cotonou et Parakou, Bénin 49

au niveau des quartiers d’une méthode de pro- L’histoire du projet


grammation élaborée par la SERHAU pour les
municipalités).
La SERHAU réfléchit quant à elle sur le renou- w Septembre 93 : démarrage du projet à
vellement des modalités de gestion et de concerta- l’initiative de la MICAC de Cotonou
tion dans la ville qui permettent à la fois de réguler
w Novembre 93 : mission d’identification GRET
les conflits et d'entendre à la parole des habitants.
Elle aidera les projets à mettre en oeuvre des w Mai 94 : identification des partenaires
stratégies de concertation, par exemple via la w Juin 94 - janvier 95 : contractualisation
création de comités de gestion paritaire des équi- autour de la cellule d‘animation. 18 mois
pements ou des fonds, ou encore via la mise en d’expérimentation en grandeur réelle
place d’une sorte de “comité économique et w Janvier 96 : atelier de restitution pour
social” à l’échelle de la ville. La contractualisation, dégager les premiers résultats et réorienter
l’instauration de circuits financiers courts et transpa- les actions
rents, des mécanismes de concertation régulière,
des procédures pour le réglement des conflits
comptent parmi les outils à élaborer ou à adapter.
Le GRET, enfin, doit approfondir dans la Le projet en chiffres
démarche JVE les outils méthodologiques qui favo-
1,3 millions de FF (ministère de la
risent le partenariat et l’intermédiation. Coopération, MICAC Cotonou, JVE)
Outre le travail sur le terrain qui constitue la pour trois ans
base de ces recherches empiriques, les partenaires
organiseront des séances de restitution et de
réflexion collectives.
Les partenaires

w Maître d’ouvrage : mission de coopération


de l’Ambassade de France à Cotonou

Les perspectives w Maître d’oeuvre : GRET

w Partenaires associés dans la cellule


d’animation : PADEB, CBRST, CEDA,
Un travail de synthèse viendra ponctuer la SERHAU, SNV
phase d’expérimentation de terrain et un séminai-
w Partenaires institutionnels : communautés
re, prévu pour janvier 1996 fera le bilan des
urbaines de Cotonou et de Parakou,
enseignements acquis au cours de cette première
ministère du Plan béninois, comité de
phase. Ce séminaire sera également l’occasion de pilotage JVE.
diffuser ces conclusions à un public plus large que
les seuls acteurs du programme : l’enjeu est notam-
ment de sensibiliser les maires des grandes villes
du Bénin, avec l’aide du Programme de dévelop-
pement municipal.
Par ailleurs, le programme JVE-Paris arrivera au
terme de sa mission en juin 1996. Les acquis de
JVE-Bénin viendront alimenter les réflexions d’en-
semble du progamme.
H a ï t i , P o r t - a u - P r i n c e 51

De l’eau potable pour les bidonvilles

Le contexte Le GRET, sollicité pour


prendre en charge une
Port-au-Prince, entre mer partie du volet approvision-
et soleil, autrefois cité de nement en eau, a pu iden-
prestige, est aujourd’hui tifier quelques pistes d’inter-
l’une des capitales les plus vention qui, outre une
miséreuses au monde : la réponse dans l’urgence
majorité de ses 1,5 millions d’habitants vit dans aux énormes besoins de la population, peuvent
des bidonvilles sans voirie, dans un bâti non seule- mener à une amélioration durable des conditions
ment précaire mais complètement désorganisé. Les de vie quotidienne.
services publics de base : eau potable, assainisse-
ment, voirie, transports en commun, téléphone,
écoles... n’y sont pratiquement pas assurés. Les
systèmes de communication sont détruits, l’électri- Les enjeux
cité fonctionne de manière épisodique, la malnutri-
tion est très répandue.
Entre dictature et misère, le sens du bien public L’état pitoyable du système actuel de distribu-
a presque disparu : l’Etat est discrédité, les entre- tion d’eau potable résulte en partie de l’anarchie
prises publiques inefficaces, les collectivités locales générale.
sans pouvoir et destructurées. La population a Chacun cherche une solution individuelle : en
perdu l’habitude de payer pour des services s’alimentant à des puits, en réalisant un branche-
publics et l’incivisme fiscal est de règle. ment pirate sur le réseau, en achetant de l’eau à
Aujourd’hui, le retour du président Aristide, la ses voisins plus fortunés ou à des marchands d’eau
stabilité relative garantie par la présence américai- approvisionnés par camion-citerne.
ne et la levée de l’embargo autorisent la reprise L’approvisionnement en eau de la capitale est
de l’aide internationale et de nouveaux projets théoriquement assuré par la CAMEP (centrale auto-
d’investissement. L’Union européenne notamment, nome métropolitaine d’eau potable). Mais cette
dans le cadre de son programme d’urgence entreprise publique s’est progressivement effondrée
ECHO (European Community Humanitarian pendant la période militaire. Ses recettes sont
Office), a alloué 20 millions d’écus à Haïti pour extrêmement faibles, elle manque de tout moyen
améliorer la santé, la nutrition, l’approvisionnement matériel (2 véhicules en tout et pour tout !) et ne
en eau et l’assainissement. dessert guère qu’un foyer sur dix.
52 H a ï t i , P o r t - a u - P r i n c e

Le réseau de la CAMEP est extrêmement


dégradé. Les fuites sont monnaie courante : l’une Une borne-fontaine
débite même depuis des années et en permanen-
ce plusieurs centaines de m3 par jour. Les branche-
ments pirates sont également très nombreux. A ce
gaspillage s’ajoute une politique de recouvrement
des coûts peu efficace puisque il y a peu de
compteurs d’eau et que les abonnés paient une
redevance forfaitaire mensuelle, quelle que soit
leur consommation. Le réseau est complété par
environ 120 bornes-fontaines (dont les trois-quarts
ne fonctionnent plus ) qui débitent par intermittence
une eau gratuite mais de qualité douteuse.
L’enjeu est donc d’améliorer l’approvisionne-
ment en eau potable dans les quartiers pauvres de
la ville et, au-delà, de restructurer la population et
les services publics, d'aider la population à s'orga- Un gros projet de restructuration de la CAMEP,
niser et de redonner confiance dans la collectivité. financé par la Caisse française de développe-
ment et la Banque mondiale, devrait être relancé
prochainement. Il devrait permettre d’accroître 1a
quantité et la qualité de l’eau distribuée, de rédui-
Cité l’Eternel
re les pertes sur le réseau, de multiplier les bran-
1 conduite principale, 1 réseau chements particuliers et d’améliorer la rentabilité
de distribution, 10 bornes-fontaines, de la CAMEP.
10 réservoirs de 9 m3 Le projet confié au GRET consiste à intervenir
en périphérie du réseau principal et à fournir en
eau potable quatre bidonvilles de Port-au-Prince :
300 m - 2 h
Solino-Ticheri, Desprez-Montjolly, Cité l’Eternel et
Drouillard, comptant 100.000 personnes. La
population de l’ensemble des bidonvilles de la
Conduite principale :
500 m - 4 h
capitale est estimée à 500.000 personnes.

300 m - 2 h

Améliorer l’approvisionnement
en eau potable

300 m - 2 h
Les choix techniques ont été décidés d’un com-
mun accord entre la CAMEP, les associations
présentes dans les quartiers concernés et le GRET.
Si les réalisations peuvent varier en fonction
Réservoir de
Conduite des spécificités du bidonville considéré, elles par-
Bolosse
amenée : tagent néanmoins quelques principes de base :
500 m - 4 h une distribution d’eau collective ; un service
Réservoir
payant, mais à prix modéré ; une forte implication
Borne-fontaine des usagers dans la gestion du système, qui
garantit la dimension publique du service.
D e l ’ e a u p o t a b l e p o u r l e s b i d o n v i l l e s 53

Les petits réseaux de distribution proposés se gestion déléguée du service qui s’articule à quatre
composent : niveaux.
− d’un raccordement au réseau CAMEP ; L’exploitation de chaque borne-fontaine est
− de réservoirs pour stocker l’eau correspon- confiée à un petit commerçant privé choisi par les
dant à un nombre d’heures de consommation suffi- habitants du quartier. Ce vendeur (ou plutôt cette
sant pour compenser les coupures d’alimentation vendeuse) revend l’eau avec une marge suffisante
sur le réseau primaire. Tous les réservoirs sont pour réparer les robinets et s’assurer un petit reve-
équipés de chlorateurs ; nu. Elle doit respecter des horaires d’ouverture et
− de bornes-fontaines publiques associées à un des prix définis par les représentants du quartier
petit local fermé pour le vendeur. qui forment un comité de borne-fontaine.

Chacune des unités de distribution est de taille


suffisamment réduite pour être “visible” des habi-
Schéma de la gestion de l’eau
tants, maîtrisable techniquement et ne pas engager
de sommes d’argent trop importantes, tant lors de
Paiement Régie des
la réalisation que de la gestion future. CAMEP
usagers
Facturation
Faire payer l’eau

Amener l’eau potable dans la ville a un coût : Election


Paiement
entre 10 et 20 gourdes le m3 à Port-au-Prince. La
manière la plus simple de couvrir ces coûts consiste à
Vendeuse Comité de
demander aux usagers de payer l’eau, en proportion Contrôle
d’eau borne-fontaine
de ce qu’ils consomment. A Port-au-Prince, de très
nombreuses familles ont des revenus extrêmement
Vente Election
faibles (moins de 20 gourdes par jour) et ne peuvent
consacrer que 1 à 2 gourdes par jour à l’achat d’eau
potable. Cette partie de la population ne peut de toute m m m m
évidence pas être raccordée au réseau par des Usagers
branchements individuels. Il faut donc la desservir par
des systèmes collectifs où le prix de vente est fixé aussi
bas que possible sans menacer la maintenance des
réseaux. Certains usagers ne pourront toutefois pas se L’ensemble de ces délégués élus constitue la
payer ce service et il faut donc conserver les systèmes régie associative des usagers. La régie achète
complémentaires : puits, construction d’une borne- l’eau à la CAMEP et la revend aux fontainiers
fontaine chaque fois que l’on colmate une fuite du avec une marge suffisante pour payer un plombier
réseau... chargé de l’entretien et des réparations. Un bureau
restreint est élu pour gérer les affaires courantes,
dont les membres ne perçoivent pas d’indemnité.
La régie négocie les modalités du service avec la
CAMEP et les municipalités, gère les recettes et les
Améliorer la gestion dépenses, règle les conflits...
La CAMEP fournit l’eau aux régies contre paie-
du service
ment d’une facture régulière déterminée par un
relevé du compteur installé à l’entrée de chaque
L’amélioration du service passe par un partage micro-réseau. Le tarif est négocié. La CAMEP assu-
clair des rôles et des responsabilités entre les re également la chloration des réservoirs de
divers partenaires : Etat, CAMEP, municipalités, bornes-fontaines.
usagers, artisans, commerçants. Cette répartition des tâches fait l’objet de
La solution retenue, en accord avec l’ensemble contrats précis qui ont été passés à chacun des
des partenaires haïtiens, prévoit un système de niveaux.
Et les municipalités ?
54 H a ï t i , P o r t - a u - P r i n c e

POINT DE VUE

De l’urgence au développement
La situation catastrophique de Haïti a des outils de gestion, etc. L’ un des enjeux
justifié la mobilisation des programmes d’ur- du programme géré par le GRET consiste
gence des grands bailleurs de fonds donc, au-delà des réalisations techniques
(Banque interaméricaine de développe- qui peuvent de fait être effectuées dans un
ment, Banque mondiale, Nations unies, délai relativement court, à trouver les voies
Union européenne). En outre, la situation et moyens d’assurer le maintien dans la
politique est encore mal assurée et les élec- durée du service proposé aux habitants.
tions présidentielles sont prévues pour le
décembre 1996. On peut lire dans ces C’est ainsi qu’il a été décidé de réduire
programmes la volonté de donner au pays autant que possible les coûts de construc-
une bouffée d’oxygène en réalisant des tion (recherche des filières d’approvisionne-
investissements de base, redonnant ainsi à ment les moins coûteuses, choix de réalisa-
la population espoir en un avenir meilleur et tions simples, afin de consacrer une large
la confortant dans ses choix démocratiques. part du budget à la formation des parte-
naires, à l’animation des comités de quar-
Ce sont donc des millions de dollars qui tiers et au suivi institutionnel. Il faut du temps
se trouvent déversés sur Haïti, et pour que se rodent de nouveaux modes de
Port-au-Prince en particulier, et qui doivent gestion, pour que les habitants des quartiers
être dépensés en quelques mois. prennent confiance et s’investissent dans la
gestion des nouveaux équipements.
Il existe une multitude d’ONG haï-
tiennes, mais beaucoup moins nombreuses La réflexion, et surtout les expérimenta-
sont les associations véritablement compé- tions sur ce passage de l’urgence au déve-
tentes et suffisamment solides pour mettre en loppement sont encore rares. Le programme
oeuvre des projets de développement. engagé tente, modestement, de dépasser le
Surchargées par les bailleurs de demandes conflit classique entre ces deux modes d’in-
à réaliser très vite, ces dernières doivent tervention, et de montrer aux bailleurs la
agir sans avoir le temps de réaliser des nécessité de concevoir des schémas de
études préalables, et au détriment d’une transition. Des méthodes de montage/ges-
réflexion méthodologique et de l’évaluation tion de projets qui permettent de les installer
des actions. La vision à court terme caracté- dans le temps, c’est-à-dire de raccrocher
ristique de l’aide d’urgence ne leur permet l’urgence au développement, restent à
pas d’entreprendre une formation du per- inventer. Le développement va au-delà des
sonnel nouveau, lequel est embauché sur prestations en nature, des investissements en
contrats à durée déterminée : si la trésorerie matériel et en infrastructures : il demande
d’aujourd’hui est considérable, les caisses aussi de l’investissement humain et institu-
seront peut-être de nouveau vides demain... tionnel (compétences, changement des men-
talité), qui est beaucoup plus difficile, et sur-
En outre, rien n’est prévu le plus souvent tout beaucoup plus long à mobiliser en
pour qu’elles acquièrent de l’équipement, période de crise et à mettre en oeuvre.
D e l ’ e a u p o t a b l e p o u r l e s b i d o n v i l l e s 55

Les quatre communes qui forment l’agglomération actions. Un système très rigoureux de gestion et
de Port-au-Prince ne gèrent pas le service de l’eau : d’évaluation doit garantir le bon déroulement du
il ne relève pas de leurs compétences, et elles n’en projet. Par exemple, les délais de réalisation sont
auraient les moyens ni humains, ni financiers.
impératifs et leur non respect entraîne des pénalités
Cependant, leur autonomie et leurs attributions
de retard. L’appui méthodologique et la circulation
devraient être renforcées suite aux
de l’information entre les associations sont assurés
élections prévues pour 1995. Aussi, bien que le projet
ne puisse s’appuyer fortement sur les municipalités,
en permanence.
elles n’en sont pas moins étroitement associées et
consultées pour l’analyse des besoins, les questions Le travail du GRET sur place consiste, au-delà
foncières et de voirie, l’implantation des ouvrages, des réalisations concrètes, à former les ressources
les négociations avec la CAMEP... A terme, la gestion humaines locales. Des séminaires sont régulière-
des équipements et du service pourrait leur revenir. ment organisés pour favoriser les échanges et
confronter les méthodes. Des accords-cadres ont
été signés entre le GRET et chaque association,
qui définissent les résultats attendus de manière
L’animation : une nécessité précise, tout en laissant à chacune le choix des
moyens.
et un atout
Cette souplesse qui respecte les pratiques des
La bonne réalisation des travaux et la gestion différents partenaires, alliée à une démarche très
ultérieure du service nécessitent un travail d’anima- professionnelle de responsabilisation totale par
tion intense et suivi. Non que la population soit rapport aux engagements pris, est l’un des aspects
passive : il existe au contraire de nombreux novateurs du projet.
comités et associations qui se chargent de diverses
tâches d’intérêt collectif. Mais les leaders ont fait
l’objet de représailles au cours de la période mili-
taire et les habitants sont prudents et hésitent à
s’engager. L’extrême pauvreté est aussi un obs-
tacle.

Aussi, la mise en oeuvre du projet dans chacun


des quartiers s’appuie sur une association qui y est
bien implantée : ASSODLO à Cité l’Eternel, par
exemple. Chaque association est chargée de plu- Les
sieurs missions :
− information de la population concernée sur le difficultés
contenu du projet ;
− quelques enquêtes sur les habitants, les
besoins en eau, l’habitat ; Au-delà de l’installation d’infrastructures dans
− sensibilisation à l’hygiène de l’eau ; des bidonvilles qui en sont largement dépourvus, le
− choix des emplacements de bornes-fon- projet vise aussi à combler les lacunes de l’entre-
taines ; prise publique en créant des structures de gestion
− constitution des comités de bornes-fontaines ; déléguée. Elues par les habitants, celles-ci consti-
− mise en place du dispositif de gestion de tuent un moyen de renforcer les dynamiques
l’approvisionnement en eau ; locales et la citoyenneté, dans un pays qui fait
− suivi et appui aux autres organisations du l’apprentissage de la démocratie. La contractuali-
quartier. sation assure l’articulation des différents éléments
Une antenne a été mise en place à du dispositif et sa cohérence ; elle prévoit la réso-
Port-au-Prince pour coordonner l’ensemble des lution des conflit. Néanmoins, la manière dont se
56 H a ï t i , P o r t - a u - P r i n c e

L’histoire du projet fera l’appropriation sociale du système reste


inconnue.

L’une des principales ambiguïtés du projet tient


w Novembre 1994 : 1ère mission GRET à à ce que la question de l’approvisionnement en
Port-au-Prince identification du projet, diagnostic eau potable est traitée dans le cadre d’un pro-
des aspects techniques, montage opérationnel, gramme d’urgence. En réalité, tous les habitants
gestion et fonctionnement des ouvrages de Port-au-Prince ont de quoi satisfaire leurs
w Janvier 1995 : 2ème mission : signature des besoins en eau, même si sa qualité est discutable,
protocoles d’accord définissant les fonctions de qu’il faut parfois l’acheter cher à des revendeurs
chacun des partenaires, démarrage de 1a ou parcourir de grandes distances pour s’en procu-
première phase rer. Le problème posé n’est donc pas tant de four-
w Janvier-juillet 95 : réalisation des infrastructures nir ponctuellement un bien vital manquant, que de
et mise en place du nouveau mode de gestion. restructurer un service public défaillant. Or un servi-
ce public est par définition plus qu’un ensemble
w Août-décembre 95 : suivi, accompagnement
d’infrastructures : c’est une organisation qui doit
w 1995-97 : 2ème phase d’action. En négociation. répondre aux besoins des usagers par des presta-
tions adaptées, dans la durée et en recouvrant ses
coûts. Compte tenu de la complexité d’une telle
Le projet en chiffres
restructuration dans le contexte haïtien, il s’agit là
950 000 écus de l’Union européenne, pour d’une entreprise de moyen terme.
l’alimentation en eau potable de 4 quartiers de
Port-au-Prince : Solino-Tichéri, Desprez-Montjolly, Une autre difficulté tient au fonctionnement de
Cité l’Eternel, Drouillard. la régie des usagers et des comités de bornes-fon-
taines : la population, qui est peu sensibilisée aux
questions d’hygiène et de potabilité de l’eau préfé-
Les partenaires
rera peut-être des systèmes d’approvisionnement
w Contractants locaux (agissant comme sous- précaires plutôt que de consacrer du temps et de
traitants du Gret) :

w Pour les travaux : ASSODLO (Association


haïtienne pour la maîtrise des eaux et des sols),
COHAN BAGE (coopération haïtiano-
néerlandaise) ;

w Pour l’animation : Plan International de


Parrainage, Service oecuménique d’entraide,
ASSODLO.
l’énergie à des structures relativement complexes
w D’autres partenaires sur place ont marqué leur
intérêt pour le projet, sans que cela se traduise
dont elle ne verra pas forcément l’utilité. En outre,
par une convention de collaboration (AICF, le système actuel de revente privée génère beau-
GTIH, INTERAIDE). coup de profits (parfois sous le contrôle des
macoutes), trop peut-être pour laisser facilement la
w Le Gret Habitat/Urbain, avec l’appui de deux
place à un système qui préserverait mieux l’intérêt
consultants externes (B. Collignon, G.
collectif.
Barthélémy), sont les maîtres d’oeuvre du projet.

w La CAMEP est maître d’ouvrage. La durée du programme ECHO initialement


prévue (6 mois) est tout-à-fait insuffisante pour
mener à bien un programme cohérent, aussi la
convention a-t-elle été prolongée de 6 autres mois.
En outre, il existe des perspectives pour étendre le
D e l ’ e a u p o t a b l e p o u r l e s b i d o n v i l l e s 57

projet, à la fois dans le temps et dans l’espace :


l’une dans le cadre du programme PMP (micro-pro-
jets du FED) pour apporter un appui aux ONG de
développement local urbain ; l’autre dans le cadre
du programme “réhabilitation” de l’Union
européenne pour élargir la distribution d’eau
potable à d’autres bidonvilles de Port-au-Prince.

Pistes pour une intervention

w Contractualisation avec obligation de résultat


mais liberté dans le choix des méthodes.

w Structure d’auto-évaluation permanente.

w Délégation des réalisations avec recours à la


sous-traitance à des artisans ou associations
locaux.
Annexes

Exemple de convention avec l'Etat

Exemple de convention avec une collectivité locale

Exemple de convention avec une association intermédiaire

Repérer des porteurs de projets dans les quartiers

Méthodologie d'approche territoriale ascendante


pour l'aménagement urbain

Bibliographie

Centres-ressources
Annexe 1 61

Exemple de convention avec l'Etat

Entre :
Le ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat, ci-après désigné MINUH et représenté par son ministre,
Monsieur ...
Le ministère de l'Administration territoriale, ci-après désigné MINAT et représenté par son ministre,
Monsieur ... , et

Le groupement d'opérateurs composé de l'Association française des volontaires pour le progrès (AFVP)
et du Groupe de recherche et d'échanges technologiques (GRET), ci-après désignés groupement et repré-
sentés conjointement par le délégué AFVP pour le Cameroun, Monsieur ...

TITRE 1. OBJET 2.2. Description du projet

Le présent protocole a pour objet de définir les Ce programme a pour but la recherche et la
engagements respectifs du MINUH, du MINAT et mise en oeuvre de solutions alternatives en matière
du groupement d'opérateurs AFVP/GRET à la réa- de gestion urbaine au travers d'expérimentations
lisation du projet décrit au titre 2 et dénommé concrètes. Ce double objectif de recherche et
"Programme d'animation et de développement d'action nous a conduit à proposer :
local urbain. 2.2.1. Un comité de suivi consultatif dont la
mission essentielle consiste à proposer les orienta-
tions du programme, à indiquer les actions
TITRE 2. DESCRIPTIF DU PROGRAMME concrètes qu'elles doivent recouvrir, à les suivre de
façon assez proche pour tenir compte des résultats
2.1. Objectif du programme de ces évaluations dans la manière de faire pro-
gresser le programme.
Le projet s'inscrit dans le processus de décen-
tralisation qui se développe au Cameroun. Il a Ce comité est composé de représentants des
pour objet l'appui à la gestion urbaine locale en deux ministères de tutelle du programme ainsi que
vue de l'amélioration des conditions de vie des de l'opérateur du projet. Il comprend également
citadins. les opérateurs des différents volets du programme.
Ce programme propose d'agir sur les modes et Il pourra enfin associer à ses travaux les représen-
structures de concertation entre différents acteurs tants de bailleurs de fonds potentiels, d'organismes
qui participent à la production de la ville (à savoir, de recherche ou de formation à titre occasionnel
les administrations centrales concernées, les collec- ou permanent selon les nécessités.
tivités territoriales, les citadins et leurs représen- Un certain nombre de volets constituent les
tants) au travers d'actions spécifiques qui les enga- actions concrètes que le comité de suivi jugera
gent mutuellement, dès la conception des nécessaire de mettre en oeuvre. Chacune fera l'ob-
ouvrages. jet de conventions particulières avec les différents
62 Annexe 1

partenaires concernés. 3.2.4. Coordonner la mise en oeuvre des


différentes actions de terrain, ainsi que les orienta-
Trois actions principales sont aujourd'hui rete-
tions recommandées par le comité de suivi.
nues dans ce programme et décrites en annexe. Il
pourra cependant être élargi à d'autres compo- 3.2.5. Assurer la gestion du programme.
santes.

TITRE 4. DUREE DU PROJET


TITRE 3. REPARTITION DES ROLES
Le présent protocole est établi pour une durée
3.1. Rôles du MINUH et du MINAT de deux ans à compter de sa signature.
Il pourra conduire à l'élaboration de dévelop-
La mission de portée nationale qui incombe à pements plus larges dont les conditions de mise en
un ministère confère au MINUH et au MINAT des oeuvre feront éventuellement partie d'une phase
rôles semblables dans le cadre de ce programme. ultérieure.
3.1.1. Suivre les actions opérationnelles mises
en oeuvre au cours de ce programme pour valori-
ser les acquis, les capitaliser et les diffuser, en par-
ticulier auprès de leurs structures déconcentrées. TITRE 5. DISPOSITIONS DIVERSES
3.1.2. Apporter l'appui technique nécessaire
5.1. Le projet d'animation et de développe-
en fournissant les informations de base sur les villes
ment local urbain est ouvert à toutes les sources de
et l'aménagement urbain dont les besoins pour-
financement. Les parties s'engagent néanmoins à
raient émerger au cours du déroulement des
s'en informer mutuellement pour garantir la cohé-
actions.
rence du programme.
3.1.3. Assister les collectivités locales dans la
5.2. Le présent protocole d'entente prend effet
mise en oeuvre des actions entreprises en les
à compter de la date de signature dudit protocole.
aidant à lever les obstacles administratifs qu'elles
pourraient rencontrer. 5.3. Pour autant qu'elles n’entraînent pas un
changement fondamental des accords acquis, des
3.1.4. Conduire une réflexion sur la portée des
modifications pourront être apportées au cours de
expériences en cours au niveau des pratiques et
l'exécution du présent protocole par un ou plu-
des orientations en matière de gestion urbaine.
sieurs avenants.
5.4. Au cas où un différent surviendrait dans
3.2. Rôle du groupement AFVP/GRET. l'exécution des termes du présent accord, les par-
ties devraient s'efforcer de le régler à l'amiable.
Sa mission de coordinateur du programme lui Toutefois, si le différent persistait les parties pour-
confère différentes tâches. raient décider de rompre le contrat qui les en-
3.2.1. Proposer des éléments méthodologiques gage.
issus d'autres programmes de recherche/action
analogues et menés en parallèle dans d'autres
pays d'Afrique, afin d'alimenter la réflexion et d'en-
richir la progression du travail du projet.
3.2.2. Diffuser les résultats acquis dans le
cadre de ce programme au niveau régional, sur le
continent africain ou international, auprès des
acteurs concernés par ce type de démarches inno-
vantes.
3.2.3. Assurer le secrétariat du comité de suivi.
Annexe 1 63

Annexe à la convention avec l'Etat

1. Description du programme ou à d'autres acteurs désireux de se positionner sur


des domaines analogues, les moyens d'alimenter
Ce projet concerne deux centres urbains de leurs réflexions par la confrontation avec diverses
types différents. L'un représentatif des villes secon- expériences afin d'améliorer les compétences et
daires : Bafang ; l'autre de pôles urbains plus de mettre à jour quelques grands enjeux.
importants : Yaoundé. C'est pourquoi, le contenu de ce séminaire
devra laisser une large place à l'expression des
participants, tout en leur apportant la matière qui
1.1. Mise en oeuvre d'un programme de servira de base à ce débat. Cet apport initial pri-
micro-réalisations à Bafang. vilégiera les expériences camerounaises existantes
en la matière et encore trop peu connues. Outre
Celles-ci ont été élaborées en concertation
ces apports pratiques, quelques éléments précis
avec les responsables locaux. Ces actions portent
d'information devraient trouver leur place tels que
sur des petits équipements et sont limitées au
ceux ayant trait à la réglementation, au cadre insti-
niveau du produit attendu mais porteuses d'un
tutionnel.
enjeu au niveau du processus qu'elles engendrent
par leur mise en oeuvre. Ce séminaire s'articulera donc avec beaucoup
de pertinence à celui qui sera mis en oeuvre par le
La réalisation de ce programme sera accompa-
MINUH et mené dans le cadre du projet d'appui
gnée d'un travail d'animation et de sensibilisation
aux collectivités locales des villes secondaires du
assuré d'une part par une ONG camerounaise, le
Cameroun pour la maîtrise d'ouvrage des opéra-
CERFAP, et d'autre part par l'AMOPAR/AFVP,
tions urbaines, et qui aura pour visée plus particu-
dont l'objet sera de déboucher sur des objectifs de
lière les responsables des collectivités locales.
développement communal plus larges, grâce à
une implication des acteurs locaux.

1.2. Mise en oeuvre de micro-réalisation à 2. Définition des tâches et engagements mutuels


Yaoundé 4
En fonction de son rôle respectif, chaque inter-
Le programme de micro-réalisation identifié a venant assurera la prise en charge d'activités qui
trait à la gestion de l'eau. Il sera mis en oeuvre devront concourir à la bonne exécution du pro-
avec le concours de plusieurs ONG camerou- gramme.
naises, GOD, le CASS et l'AMOPAR/AFVP. La
mise en oeuvre de ces actions suivra la même 2.1. Le MINUH et le MINAT
logique qu'à Bafang.
2.1.1. Participeront à l'ensemble des travaux
du comité de suivi et, en particulier, prendront part
1.3. Organisation d'un séminaire "espace aux trois évaluations que l'opérateur mettra en
de négociations en milieu urbain" oeuvre au cours du déroulement du programme.
Celui ci vise à étudier les coopérations qui peu- 2.1.2. Participeront à la rédaction des docu-
vent se construire entre organismes gouvernemen- ments de synthèse réalisés à l'occasion de ces
taux et non gouvernementaux en matière de ges- évaluations et mettront tout en oeuvre pour qu'ils
tion des quartiers. Il s'agit de donner aux soient diffusés par les canaux dont ils ont la maî-
opérateurs investis dans les actions du programme, trise.
64 Annexe 1

2.1.3. Prendront part concrètement aux diffé- − diffusant et en faisant circuler l'information ;
rentes actions contenues dans ce programme, si la − établissant un cadre budgétaire en confor-
nécessité s'en fait sentir et selon les modalités qui mité avec les règles de fonctionnement des
seront arrêtées par le comité de suivi. bailleurs de fonds de ce programme et en tenant à
2.1.4. Fourniront les informations techniques jour la gestion financière du programme; recher-
nécessaires selon leur domaine de compétences, chant les appuis complémentaires qui pourraient
en assurant le traitement de cette information si se révéler nécessaires. Ceux-ci pouvant se présen-
cela se révèle utile. Cela pourra consister en la ter sous forme financière ou de prestations parti-
réalisation de dossiers de synthèse sur certains culières.
thèmes spécifiques.

3. Moyens
2.2. Le groupement AFVP/GRET

2.2.1. Assurera le secrétariat et le pilotage du 3.1. Le MINUH et le MINAT


comité de suivi. Cela consistera à convoquer ses
3.1.1. Mettront à la disposition du projet le
membres pour les réunions de travail à un rythme
personnel utile à la prise en charge des fonctions
trimestriel. Il prendra en charge l'animation de ces
dont ils prendront la responsabilité.
séances de travail dont il rédigera et diffusera les
comptes rendus. L'ensemble des frais liés à ces tâches tels que
tirage et reproduction de documents, transport,
2.2.2. Organisera les évaluations qui seront
hébergement, nourriture seront pris en charge par
menées au cours de ce programme en préparant
l'opérateur du projet.
les documents qui devront servir de base à cet
exercice. Il en programmera le déroulement
concret en proposant le calendrier et les termes de
3.2. Le groupement AFVP/GRET
référence de ces missions. Il assurera la coordina-
tion de la rédaction du rapport. 3.2.1. Mettra à la disposition du projet une
2.2.3. Coordonnera les différentes actions de expertise du niveau requis par la spécificité et la
terrain entreprises, c'est-à-dire : nouveauté de la démarche.
− veiller au respect des termes des conventions 3.2.2. Mettra à la disposition du projet un
élaborées pour chacun des programme respectifs Volontaire à plein temps dont l'agrément sera régi
(respect des délais et des cadres financiers qui par la convention en vigueur entre l'Etat camerou-
auront été arrêtés) ; nais et l'AFVP, et un secrétariat dont la configura-
− fournir les informations techniques nécessaires tion sera adaptée aux besoins.
à la mise en oeuvre des actions en dehors de 3.2.3. Se dotera de l'équipement et des fourni-
celles qui pourraient être apportées par les deux tures nécessaires à son exécution (voiture, ordina-
ministères concernés. Cela pourra consister à com- teur, équipement de bureaux...).
manditer des études spécifiques ou à rechercher la
collaboration de partenaires habilités à apporter
les réponses nécessaires ;
− prendre en charge la coordination des docu-
ments de synthèse et leur diffusion.

2.2.4. Assurer la gestion du programme, en :


− mettant en cohérence l'ensemble du program-
me et en veillant au respect des engagements res-
pectifs de chacun des acteurs ;
Annexe 2 65

Exemple de convention
avec une collectivité locale

Entre
La commune urbaine de Bafang, province de l'Ouest, département du Haut Nkam, représentée par
son maire Monsieur ...
Le Centre d'études, de recherche et de formation à l'autopromotion, ci-après désigné CERFAP et repré-
senté par son secrétaire général, Monsieur , et
Le groupement d'opérateurs composé de l'Association française des volontaires pour le progrès, ci
après désignée AFVP et le Groupe de recherche et d'échanges technologiques, ci-après désigné GRET,
et représentés conjointement par le délégué AFVP pour le Cameroun, Monsieur .

TITRE 1: OBJET tivités territoriales, les citadins et leurs représen-


Le présent protocole engage la commune tants) au travers d'actions spécifiques qui les enga-
urbaine de Bafang, le CERFAP et le groupement gent mutuellement dès la conception des
d'opérateurs AFVP/GRET à la réalisation du projet ouvrages.
décrit au titre 2 et dénommé "Programme d'anima-
tion et de développement local urbain à Bafang".
2.2. Description du projet

Sur la base de la première esquisse du pro-


gramme de micro-réalisations et l'analyse des
TITRE 2: DESCRIPTIF DU PROJET actions déjà accomplies, les trois partenaires de
ce protocole ont élaboré un nouveau programme
2.1. Objectif du projet retenant les seules actions qui requièrent leur colla-
boration mutuelle pour leur bonne exécution.
Le projet s'inscrit dans le processus de décen-
Trois actions principales sont aujourd’hui rete-
tralisation qui se développe au Cameroun. Il a
nues dans ce programme et décrites en annexe. Il
pour objet l'appui à la gestion urbaine locale en
pourra cependant être élargi à d'autres compo-
vue de l'amélioration des conditions de vie des
santes.
citadins.
Ce programme propose d'agir sur les modes et
structures de concertation entre différents acteurs
./.
qui participent à la production de la ville (à savoir,
les administrations centrales concernées, les collec-
66 Annexe 2

3. RÉPARTITION DES ROLES occupe, joue nécessairement un rôle central. Elle


apportera donc le maximum de moyens pour la
Une ville est composée de quartiers où se mise en oeuvre des actions retenues. Ces moyens
nouent des relations entre habitants ou groupes pourront être financiers mais aussi sous forme de
sociaux et autorités locales. Ceux-ci sont articulés, prêt de matériel ou de mise à disposition de per-
par un ensemble de relations plus ou moins for- sonnel.
melles à l'entité de la ville représentée par la muni- 3.1.4. Etablir une réglementation. La gestion
cipalité. Elle-même est reliée à l'instance de l'Etat. urbaine ne se fait pas avec des textes, pourtant
Ces connections sont nécessaires et l'enjeu consis- l'effort réglementaire formalisant les devoirs de cha-
te à délimiter l’espace de négociation et à renfor- cun doit accompagner la progression dans la satis-
cer l'expression de la base afin que les principaux faction des droits de tous à un meilleur environne-
acteurs en présence puissent jouer le rôle spéci- ment urbain. La municipalité jouera un rôle central
fique qui leur échoit. pour sa formalisation écrite et la vigilance à faire
observer ces repères dans la construction d'une vie
3.1. Commune urbaine de Bafang démocratique locale.
3.1.5. Participer à l'évaluation. Enfin, il nous
La gestion locale qui incombe à la municipalité
paraît important de privilégier l'évaluation en lui
lui confère un rôle de médiateur entre les intérêts
reconnaissant un rôle moteur dans la mise en
généraux du domaine public de l'Etat au travers
place progressive de solutions alternatives pour la
de ses représentants locaux et la multiplicité des
gestion urbaine. Il s'agira pour la municipalité de
intérêts particuliers. Dans le cadre de ce program-
se demander non ce qui a été produit mais ce qui
me, cela lui confère plusieurs missions parti -
a changé dans les relations sociales et institution-
culières :
nelles.
3.1.1. Procurer l'information. La connaissance
est au démarrage de toute action et en particulier
dans le domaine urbain dont la prise en compte 3.2. CERFAP
globale relève d'une multiplicité de secteurs. Cet
Cette organisation, par les objectifs qu'elle s'est
effort de connaissance se fera au travers des diffé-
fixés et les compétences dont elle s'est dotée pour
rentes actions qui seront engagées. La municipalité
les atteindre a pour mission principale d'appuyer
jouera un rôle central pour le rassemblement des
la population à exprimer la diversité de ses intérêts
connaissances préalables à leur lancement.
et la hiérarchie de ses priorités par le renforcement
3.1.2. Organiser et arbitrer la concertation. de ses capacités de cohésion et d'autogestion.
L'un des objectifs de ce programme est de savoir Dans le cadre de ce programme, cela lui confère
mobiliser l'imagination, l'intelligence et la partici- plusieurs missions particulières.
pation à travers la responsabilité de tous.
3.2.1. Faire circuler l'information. Son rôle ne
L'information est un facteur majeur d'évolution des
consiste pas à fournir l'information, mais plutôt à
comportements, parce qu'elle motive et permet la
apporter l'appui nécessaire à sa circulation afin
concertation de la manière la plus transparente et
qu'elle soit mise au service du changement en ren-
donc la plus responsabilisante possible. En effet, la
forçant les dynamiques internes dans les quartiers.
capacité à faire les bons choix en matière de bien
commun dépend de la façon dont les intérêts de 3.2.2. Appuyer la concertation. Cela consiste-
chacun et de tous seront pris en compte. Cela sup- ra le plus souvent à faire émerger les enjeux sur
pose que cette concertation soit effectivement lesquels pourront se mobiliser les différents acteurs.
organisée et arbitrée par la municipalité. Son rôle sera souvent celui d'interface entre le
niveau micro et le niveau meso et tendra à favori-
3.1.3. Participer à la mise en oeuvre des pro-
ser la prise de conscience de l'imbrication des
jets. Si la participation de l'ensemble des acteurs
différents niveaux de responsabilité et de leurs mul-
locaux est nécessaire à l'amélioration des condi-
tiples implications sur les actions projetées.
tions de vie, la municipalité, par la place qu'elle
Annexe 2 67

Au niveau individuel, cela implique que la 3.3.3. Coordonner la mise en oeuvre des
notion de besoin, qui est la plus couramment admi- différentes actions de terrain ainsi que les orienta-
se et renvoie à une analyse externe, soit rem- tions recommandées par le comité de suivi du pro-
placée par celle d'intérêt pris au sens large du gramme axe urbain Cameroun.
terme, c'est-à-dire les bonnes raisons qu'ont les 3.3.4. Gérer le budget du projet.
gens d'agir de cette façon.
Au niveau des groupes il s'agira de com- 3.3.5. Participer à l'évaluation. Il s'agira d'être
prendre les logiques associatives autour desquelles vigilant sur la mise en oeuvre du projet par étapes
pourront se mobiliser solidairement les atouts et les successives clairement identifiées permettant de
réseaux de groupes constitués. C'est avant tout sur gérer l'évolution du projet et l'exploration de solu-
eux que reposera la mobilisation, car une organi- tions reproductibles.
sation collective n'est envisageable et souhaitable
que là où une initiative individuelle répond mal à
une préoccupation donnée. 4. DURÉE DU PROJET
3.2.3. Soutenir l'exécution du programme par
Le présent protocole est établi pour une durée
l'animation. Le rôle du CERFAP ne consistera pas à
de deux ans à compter de sa signature.
exécuter directement mais plutôt à appuyer les
Il pourra conduire à l'élaboration de dévelop-
différents acteurs concernés à réaliser la tâche qui
pements plus larges dont les conditions de mise en
leur incombe dans un cadre cohérent. Cela consis-
oeuvre feront éventuellement partie d'une phase
tera essentiellement à prendre en charge des mis-
ultérieure.
sions d'animation.
3.2.4. Participer à l'évaluation. Il s'agira pour
le CERFAP de tirer parti de l'évaluation pour éluci- 5. DISPOSITIONS DIVERSES
der les pratiques qui permettront étapes après
étapes de dessiner des objectifs réalistes.
5.1. Le projet d'animation et de développe-
ment local urbain à Bafang est ouvert à toutes les
3.3. Groupement d'opérateurs sources de financement. Les parties s'engagent
néanmoins à s'en informer mutuellement pour
Sa mission d'opérateur dans le cadre d'un pro- garantir la cohérence du programme.
gramme plus large que celui de Bafang lui confé- 5.2. Le présent protocole d'entente prend effet
rera différentes tâches. à compter de la date de signature dudit protocole.
3.3.1. Proposer des éléments méthodologiques 5.3. Pour autant qu'elles n’entraînent pas un
issus d'autres programmes de recherche/action changement fondamental des accords acquis, des
analogues et menés en parallèle dans d'autres modifications pourront être apportées au cours de
pays d'Afrique afin d'alimenter la réflexion et d'en- l'exécution du présent protocole par un ou plu-
richir la progression du travail du projet. sieurs avenants.
5.4. Au cas où un différent surviendrait dans
3.3.2. Diffuser les résultats acquis dans le l'exécution des termes du présent accord, les par-
cadre de ce programme au niveau régional, sur le ties devraient s'efforcer de le régler à l'amiable.
continent africain ou international, auprès des Toutefois, si le différent persistait les parties pour-
acteurs concernés par ce type de démarches inno- raient décider de rompre le contrat qui les en-
vantes. gage.
68 Annexe 2

Annexe à la convention avec une collectivité locale

1. DESCRIPTION DU PROGRAMME 2.1. Commune urbaine de Bafang

2. l. 1. Fournir toutes les informations utiles à


1.1. Achèvement et mise en fonctionne- l'exécution du projet et appuyer officiellement les
ment des latrines de la gare routière. demandes qui pourraient être faites à des agents
extérieurs.
L'enjeu de cette action consiste à mettre au
point un système de recouvrement des coûts et un 2.1.2. Tenir des réunions publiques sur les
mode de gestion (public, privé, régie, système sujets précis qui auront été définis dans le déroule-
mixte...) permettant d'atteindre l'équilibre financier ment du programme.
afin de pouvoir multiplier cette solution pour la
2.1.3. Arbitrer sur les grands choix dont les
création d'équipements d ' accompagnement.
éléments auront été préparés par les opérateurs de
terrain.
1.2. Amélioration du fonctionnement des 2.1.4. Etudier et faire voter par le conseil muni-
bornes fontaines cipal la réglementation adaptée à la bonne ges-
tion des actions réalisées.
L'enjeu de cette action consiste à concevoir de
façon concertée un système de gestion et de 2.1.5. Suivre régulièrement le déroulement du
recouvrement des coûts auprès de la population programme et participer à l'évaluation du pro-
bénéficiaire pour la prise en charge de services gramme avec les différents acteurs concernés.
publics de proximité qui puissent être étendus à
toute la ville.
2.2. CERFAP

2.2.1. Assurer les tâches d'animation et de


1.3. Système de gestion des ordures
suivi nécessaires à la réalisation des objectifs tels
ménagères
qu'ils ont été fixés dans le programme.
L'enjeu de cette action consiste à imaginer les 2.2.2. Tenir informés du programme les diffé-
moyens d'optimiser la gestion de ce service par rents acteurs concernés par son déroulement en
une diminution des charges, mais aussi une renta- tenant à jour tous les documents de travail et de
bilisation partielle en coordonnant chacun des suivi.
maillons de cette filière au niveau de la ville, afin
d'améliorer les conditions de vie pour tous les cita- 2.2.3. Respecter un calendrier de réunion de
dins. travail pour un suivi adapté du programme.
2.2.4. Participer à l'évaluation du programme
avec les différents acteurs concernés.

2. ENGAGEMENTS MUTUELS ET PROGRAMMES


D'ACTIVITES 2.3. Groupement m d’opérateurs

2.3.1. Assurer la coordination de ce projet


En fonction de son rôle respectif, chaque inter- dans le cadre du programme axe urbain
venant assurera la prise en charge d'activités qui Cameroun.
devront concourir à la bonne exécution du pro-
gramme. 2.3.2. Veiller au respect des termes de la
convention tripartite.
Annexe 2 69

2.3.3. Etre en mesure de fournir les informa- 3.1.3. Prendra en charge l'hébergement du
tions techniques nécessaires à la bonne mise en Volontaire chargé du suivi de ce programme lors
oeuvre des actions, en dehors de celles qui pour- de ses séjours à Bafang.
raient être fournies par la commune ou les orga-
nismes locaux. Cela pourra consister à commandi-
ter des études spécifiques ou à rechercher la 3.2. LE CERFAP
collaboration de partenaires habilités à apporter
3.2.1. Mettra à la disposition du programme
les réponses nécessaires.
le personnel requis pour la bonne exécution des
2.3.4. Gérer le budget de l'opération, en tâches dont il aura la responsabilité.
établissant un cadre budgétaire en conformité
avec les règles de fonctionnement des bailleurs de
fonds concernés; recherchant les appuis complé- 3.3. Le groupement d'opérateurs
mentaires qui pourraient se révéler nécessaires.
Ceux-ci pouvant se présenter sous formes finan- 3.3.1. Mettra à la disposition du projet une
cières ou de prestations particulières, tenant à jour expertise du niveau requis par la spécificité et la
la gestion financière du compte du programme. nouveauté de la démarche.

2.2.5. Prendre en charge la réalisation de cer- 3.3.2. Mettra à la disposition du projet un


taines études spécifiques dont les termes de réfé- Volontaire chargé de son exécution ainsi qu'un
rence auront été élaborés en fonction des néces- secrétariat dont la configuration sera adaptée aux
sités opérationnelles. besoins.

2.2.6. Prendre en charge la coordination des


documents de synthèse et leur diffusion.
2.2.7. Organiser les évaluations qui seront
menées au cours de ce programme en préparant
les documents qui devront servir de base à cet
exercice. Il en programmera le déroulement
concret en proposant le calendrier et les termes de
référence de ces missions. Il assurera la coordina-
tion de la rédaction du rapport.

3. MOYENS

3.1. La mairie de Bafang

3.1.1. Mettra à la disposition du projet le per-


sonnel utile à la prise en charge des fonctions dont
la municipalité devra assumer la responsabilité,
notamment au niveau de la collecte de l'informa-
tion.
3.1.2. Participera aux actions retenues en
affectant un budget pour leur exécution, en fournis-
sant main d'oeuvre et matériel dans la mesure de
ses possibilités.
70 Annexe 3

Exemple de convention
avec une association intermédiaire

Projet de bornes-fontaines payantes


Termes de référence de la mission du Cerfap

Objectif global proposé par le CERFAP et discuté avec le Maire et


l'AVPHEA.
Mettre en place 10 comités de bornes-
fontaines. Critères du choix :
− distance d'une borne à l'autre,
− importance de la demande,
Objectifs spécifiques − intérêt des populations à s'engager.

1. Etat des lieux (12 jours) 3. Recueil et mise en forme de l'information


(30 jours)
Carte de l'approvisionnement en eau de la
ville : 3.1. Prix
− BF municipales existantes (52),
L'objectif est de faire comprendre à la popula-
− BF en service (7) , tion que le paiement de l'eau correspond à un
− BF "de fait" (mosquée, prison, ...), coût réel, même si "l'eau vient du ciel" :
− repérer les vendeurs d'eau privés, − prix de l'investissement du système d'approvi-
− approvisionnement aux points d'eau tradition- sionnement en eau rapporté au nombre d'habitants
nels (marigots, rivières, sources, puits...), de la ville ;
− endroits où la demande est forte et déjà − investissement par bornes fontaines rapporté
connue, comme par exemple la gare routière, le au nombre d'habitants desservis ;
quartier Newton, le quartier Bapoucha Nicheu, − différence entre recette issue de la taxe sur
etc. l'eau et les factures.

3.2. Hygiène
2. Choix des emplacements (3 jours)
L'objectif est de montrer que les maladies
Choisir 20 emplacements (bornes fontaines hydriques coûtent beaucoup plus chers à traiter
existantes et éventuellement création de nouveaux qu'à prévenir.
emplacements (1 ou 2 maximum). Ce choix sera
− Ad lucem (boîtes à image),
Annexe 3 71

− cf. rapport Valentin Mouaffo pour les courbes 4.1. Enquête


de maladies hydriques,
− identifier 10 à 20 jeunes compétents, aussi
− coût d'un traitement contre la typhoïde (à
bien pour percevoir la réalité sociale que pour
comparer avec le prix de dépense en eau d'une
transmettre un message de façon adapté au milieu
famille par mois si elle a un ou deux enfants
(tests : capacité de relation et de réflexion),
malades).
− former les jeunes sur les techniques d'enquête
et d'animation,
3.3. Motivation de la population
− négocier leurs conditions d'intervention
L'objectif est le repérage des dynamiques (temps, indemnités...),
sociales qui seront les plus disposées à porter ce − rédiger une enquête/sensibilisation,
projet. − réaliser l'enquête,
− descendre sur les points d'eau au quartier, − la dépouiller et en faire la synthèse dont l'un
− repérer les personnes influentes, des objectifs est de déboucher sur une sorte d'étu-
− discuter avec au moins 5 responsables de de de marché pour estimer la rentabilité potentielle
structures, d'une BF.
− participer à au moins 3 réunions de 3 struc-
tures. 4.2. Sensibilisation
A l'issue de cette étape, il sera possible de
retenir définitivement 10 emplacements en croisant Celle-ci s'appuiera principalement sur les élé-
le repérage géographique (points 1 et 2) et le ments concrets rassemblés et préparés précédem-
repérage social (point 3.3). ment. L'information devra principalement porter
sur :
− prix de l'eau ou pourquoi il est nécessaire de
la payer,
4. Sensibilisation/enquête (30 jours) − hygiène ou pourquoi il est nécessaire de
boire de l'eau potable,
L'objectif est de renforcer la dynamique sociale
− maintenance ou pourquoi il est plus écono-
qui a été repérée en lui apportant une information
mique d'entretenir les bornes fontaines que de lais-
plus complète que celle à laquelle les habitants
ser l'eau fuir ou des pannes importantes inter-
peuvent accéder par leurs propres moyens.
rompre le service.

Deux activités seront menées en même temps :


− une activité d'approfondissement de la
5. Former 10 comités et remettre en état les BF
connaissance sociale :
(90 jours)
- recenser les ménages sans branchements
(pour savoir quels seront les ménages les Contact avec les responsables des structures
plus intéressés), existantes ou création d'une nouvelle structure à
- préciser les souhaits et besoins des gens partir du repérage des leaders pour porter le
du quartier. comité.
− une activité de mobilisation, d'information,
de sensibilisation. 5.1. Structuration du comité et rédaction
d'un règlement intérieur
Nous pensons que la meilleure méthode pour
cela est de procéder à une enquête/action qui L'objectif est de parvenir à un choix collectif sur
aurait ce double but de recueil et d'apport d'infor- l'attribution et les modalités de gestion des revenus
mation. issus de la vente de l'eau.
72 Annexe 3

Ces revenus doivent être répartis en quatre 7. Mise en fonctionnement


parts :
− facture SNEC, − mettre les 10 BF en fonctionnement,
− salaire ou indemnités du fontainier (fixe ou − tenue d'un cahier (consommation journa -
pourcentage des bénéfices de la vente), lière...),
− maintenance (voir avec l'AMOPAR le mon- − suivi rapproché et règlement des problèmes,
tant), − suivi de la sensibilisation sur l'hygiène de
− reliquat (caisse de solidarité, aménagements l'eau.
collectifs, ouverture d'autres BF, remboursement du
prêt consenti pour la constitution de la caution ...). Moyens nécessaires
Un règlement intérieur doit venir formaliser ces
décisions (heures d'ouvertures...). Moyens humains : 1 chef de projet CERFAP
assisté de 2 stagiaires, 20 jeunes animateurs/
5.2. Réunir la caution de 100.000 FCFA (cor- enquêteurs, 1 volontaire 1 semaine/mois.
respondant à peu près à deux mois de consomma- AMOPAR (réhabilitation des BF et formation à
tion). Nous pensons qu'un minimum d'au moins l'entretien des BF).
50.000 FCFA devrait pouvoir être réuni au
Suivi global du projet par le responsable du
départ, même si des facilités de paiement en deux
CERFAP.
fois peuvent être trouvées avec la SNEC ou qu'un
prêt peut être consenti dans le cadre du projet.
Conditions
5.3. Choix d'un fontainier dans le groupe. En
fonction des modalités qui auront été décidées, il Démarrage à la signature de la convention
s'agira de choisir un fontainier qui puisse remplir FSD/AFVP. Ceci donnera lieu à la signature d'un
ces conditions et non l'inverse, car sinon le règle- contrat entre le CERFAP et l'AFVP sur la base des
ment intérieur sera fait en fonction du fontainier et il termes de référence de cette mission et du devis
faudra le remplacer s'il s'en va. Il est cependant qui y est joint.
évident que ces deux éléments seront corrélés.
Etablissement du contrat entre le fontainier et la
SNEC. Remarques

Nous souhaitons attirer l'attention du CERFAP


5.4. Réhabiliter les BF (AMOPAR). Dresser un
sur deux éléments :
descriptif des travaux à exécuter, lancer un appel
d'offres auprès d'entreprises locales, faire réaliser 1/ Le travail d'animation consiste en une acti-
les travaux, en assurer la bonne exécution et la vité de terrain, traditionnellement moins valorisée
réception. Ce travail pourrait commencer dès le qu'une activité "de bureau". Ceci peut induire à
choix des 10 BF définitivement arrêté. Il appartient penser qu'il suffit d'exécuter des tâches alors qu'il
donc au CERFAP d'en avertir l'AMOPAR. s'agit d'un travail particulièrement complexe et exi-
geant. Si l'on est persuadé de cela, il faut y affec-
ter les personnes les plus qualifiées et leur donner
les conditions voulues pour travailler, en termes de
6. Formation des fontainiers (15 jours) salaire et de moyens matériel.
2/ Si l'on veut vraiment promouvoir une ges-
Formation de 10 fontainiers :
tion alternative de la ville qui donne mieux la paro-
− technique (maintenance, entretien), AMOPAR,
le aux citadins, il faut au moins que l'on n'utilise
− gestion (tenue d'un cahier de gestion), CERFAP. pas les mêmes canaux que les institutions pour
approcher les habitants. Notre travail est de créer
de nouveaux circuits d'information, de décision et
Annexe 3 73

non de reproduire les anciens, sinon on aura les


mêmes résultats en termes de perte de confiance et
de démobilisation. Autrement dit, il serait peut-être
facile mais particulièrement maladroit de "convo-
quer" des réunions sous couvert du Maire.
L'objectif n'est pas de se substituer au Maire mais
de créer une dynamique des habitants qui soit suf-
fisamment forte pour qu'ils deviennent des parte-
naires valables, capables de discuter avec le
Maire, ce qui n'est pas du tout pareil.
74 Annexe 4

Repérer des porteurs de projets


dans les quartiers

Le travail d’animation dans les quartiers consis- Le schéma n° 1 ci-après présente le contexte
te pour une part à se demander si, parmi les des acteurs dans lequel pourrait naître et se déve-
acteurs locaux, il en existe qui, par une conjonc- lopper un projet « d’assainissement de proximité et
tion de leur degré de motivation élevé et de leur de gestion partagée » dans le quartier de Koko, à
large capacité d’action seront à même de déve- Bouaké. Il matérialise l’origine de l’initiative (ici, la
lopper un projet, en tant que moteurs dynamiques. mairie de Bouaké) et indique quelques liens exis-
tant entre les différents acteurs. Il faut ensuite préci-
Il convient également d’identifier les autres ser le rôle de chacun : porteur, partenaire, leader,
acteurs et de préciser leur position par rapport au personne-ressource.
projet et le rôle qu’ils seraient susceptibles d’y
jouer. Le schéma n° 2 présente le contexte des
acteurs dans lequel pourrait se développer un pro-
On peut identifier différents niveaux de partici- jet de “ démarche concertée pour la restructuration
pation : d’un quartier spontané ”, dans le quartier de
Banco, à Bouaké. Ici, l’origine de l’initiative
− les partenaires concernés par le projet et
appartient au comité de Banco.
associés à certaines étapes du processus, inter-
viendront généralement sur des tâches spéci -
fiques ;
− les personnes-ressources ne sont pas directe-
ment impliquées dans le projet mais constituent des
pôles utiles sur lesquels s’appuyer en certaines
occasions (informations, compétences spéci-
fiques,...) ;
− les leaders, jouant un rôle central dans l’or-
ganisation sociale du quartier, ne prendront pas
nécessairement cette place dans le cadre du
projet.
Annexe 4 75

Schéma 1 Ministère de l’Environnement Direction des


de la construction et collectivités locales
de l’urbanisme (ministère de l’Intérieur)

Autres institutions
Mairie de Bouaké
et organismes
(résoudre les problèmes
Direction régionale de d’infrastructure de la ville et
l’urbanisme des quartiers)
(volonté de mettre en Ville
place des antennes de
locales d’urbanisme de Bouaké
quartiers)

Assainissement de Koko
(dégradé ou inexistant) Quartier
Projet ASEMO de Koko

Evéché
Familles Groupements de jeunes
(conscientes du problème micro- (activités socio-culturelles,
local et mettant en oeuvre des surveillance du quartier)
Chambre
pratiques individuelles)
des métiers

Autres groupes du quartier


CEMV
(à identifier)
Autres acteurs
ressources

Schéma 2
Ministère de l’Environnement Direction des
de la construction et collectivités locales
de l’urbanisme (ministère de l’Intérieur)

Autres institutions
Mairie de Bouaké
et organismes
(résoudre les problèmes
Direction régionale de d’infrastructure de la ville et
l’urbanisme des quartiers)
Ville
(traiter le problème des
de
quartiers spontanés
Bouaké

Restructuration de Banco
Les anciens Quartier
d’Ahougnansou de Banco

Autres groupes Comité du Banco Chef traditionnel


du quartier (forte organisation des (droit foncier
Autres acteurs
(à identifier) habitants cherchant à coutumier)
ressources
régulariser le Banco)

Familles
(organisation
à analyser

Source : GRET, HD, PEH (1992).


76 Annexe 5

Méthodologie d’approche territoriale


ascendante pour l’aménagement urbain

L’exemple (schéma ci-dessous) d’une approche territoriale pour l’amélioration dans un quartier de
Bouaké (Koko) illustre le passage d’un projet, à l’échelle micro-locale, à l’élaboration d’un programme
urbain pour la ville et d’une politique nationale. L’approche est participative et ascendante. Les numéros
indiquent l’ordre dans lequel se déroulent les opérations.

APPROCHES TERRITORIALES À KOKO

Unités de voisinage

1. Diagnostic (observation et analyse détaillée de la


réalité de 11 parcelles) : modes de vie des habitants;
pratiques individuelles ou de proche voisinage (travaux
menés conjointement) ; éléments concrets du cadre
bâti (sur la parcelle ou en dehors) ; interface « privé
public ».
2. Repérage de pistes d'actions (amélioration de
l'assainissement des 11 parcelles).
6a. Renforcement des pratiques familiales sur le plan
technique (matériaux, mise en oeuvre) par le relais des
entrepreneurs locaux dans les 11 parcelles et dans
d'autres unités de voisinage de Koko (à déterminer).
7. Expérimentation de la mise en oeuvre technique et des
appuis socioéconomiques.
8. Evaluation de l'expérimentation.
Annexe 5 77

Sous-quartiers
4. Réalisation de l'enquête (données socio-économiques,
spatiales, et motivations).
6b. Organisation d'une concertation au sein d'entités
auxquelles les habitants peuvent facilement s'identifier.
7. Expérimentation des méthodes de concertation locale.
8. Evaluation de l'expérimentation.

Unités de voisinage
3. Elargissement du projet d'assainissement à l'ensemble
du quartier de Koko et élaboration d'une grille
d'enquête pour une étude pré-opérationnelle.
5. Dépouillement de l'enquête et formulation du projet.
6b. Mise en place d'une structure de concertation locale
pour l'aménagement de Koko.
6c. Synthèse des éléments de blocage socio-économiques
et recherche de solutions.
7. Expérimentation des méthodes de concertation et de
gestion du projet.
8. Evaluation de l'opération.

Ville
6a. Repérer et renforcer les entrepreneurs locaux pouvant
s'inscrire dans la production de matériaux et
l'assistance technique aux familles.
6b. Participer à la mise en place d'un plan d'assainissement
pour Bouaké en relation avec les antennes de quartier.
6c. Négociation et formalisation de solutions aux blocages
socio économiques.
7. Expérimentation de l'appui aux entrepreneurs et
articulation du projet avec le plan d'assainissement
de la ville.
8. Evaluation concertée de l'ensemble des niveaux
du projet.
10. Application des procédures nationales à l'échelle
de la ville.

Pays
9. A partir des résultats du projet, recherche et
formalisation de procédures permettant la réplicabilité
de la démarche.
78 Annexe 6

Bibliographie. Centres-ressources

Références pement urbain (à paraître), Centre de Dévelop-


pement de l’OCDE, GRET.
Actes du colloque Jeunes Ville Emploi (1993),
“ Quel avenir pour la jeunesse africaine ? ”, 26-
29 octobre 1992, Ministère de la Coopération et Sources
du Développement, Paris, 350 p.
BOISMENU (de) I. (1991), Identification de pro-
ARNAUD M. (1993), L’urbanisation en Afrique de jets urbains dans les villes camerounaises, GRET,
l’Ouest (WALTPS), Club du Sahel, Paris, p. Paris, polygr., février,.

DUBRESSON A., JAGLIN S. (1993), Pouvoirs et BOISMENU (de) I., LHOPITAL L. (1991),
cités d'Afrique noire - La décentralisation en ques- Identification de projets au Cameroun - 2ème
tion, Karthala, coll. Hommes et sociétés, Paris. étape Yaoundé et Bafang, AFVP/GRET, Paris,
polygr., mai,.
COUR J.-M. (1994), Analyse démo-économique
rétrospective et esquise d'image à long terme de BOISMENU (de) I. (1992), Programme d'anima-
la région Afrique de l'Ouest, Etude des perspec- tion local urbain + cahier de l'opérateur, GRET,
tives à long terme en Afrique de l'Ouest (WALTPS), Paris, polygr., février.
Club du Sahel, Paris.
BOISMENU (de) I. (1993), Programme d'anima-
MASSIAH G., TRIBILLON J.-F., S. FAYMAN tion local urbain, GRET, Paris, polygr., janvier.
(1992), La coopération dans le domaine du déve-
loppement urbain, 2 vol., ACT Consultants, Paris. BOISMENU (de) I. (1993), Espace de négocia-
tion en milieu urbain, Actes du séminaire "Espace
MOREL à L'HUISSIER A. (1990), Economie de la de négociation en milieu urbain", 12-16 avril
distribution de l'eau aux populations urbaines à 1993, Douala, Cameroun, disponible au GRET,
faibles revenus dans les pays en développement, Paris, polygr., avril.
Thèse de doctorat, ENPC, Paris.
BOISMENU (de) I. (1993), Programme d'anima-
OCDE (1987), Gestion des services urbains, tion local urbain au Cameroun, GRET, Paris, poly-
Organisation de Coopération et de Dévelop- gr., 29 p. + 15 annexes, octobre.
pement économique, Paris.
BOISMENU (de) I. (1993), Appui au développe-
Programme Solidarité Eau (1994), L'eau et la ment local participatif des jeunes dans les quartiers
santé dans les quartiers urbains défavorisés, Table- des grandes villes, Programme Jeunes Ville Emploi
ronde de Sophia-Antipolis 21-23 février 1994. au Bénin, mission d'identification, novembre.
Répertoire des ONG intervenant dans le dévelop-
Annexe 6 79

BOISMENU (de) I. (1994), Programme d'anima- Cités Unies Développement


tion local urbain au Cameroun - Suivi/évaluation, 22, rue d’Alsace
GRET, Paris, polygr., mars. 92300 Levallois-Perret, FRANCE
Tél : 33 1 47.39.36.86
BOISMENU (de) I. (1994), Appui au développe- Fax : 33 1 47.39.36.85
ment local participatif des jeunes dans les quartiers
des grandes villes, Programme Jeunes Ville Emploi ENDA Délégation Europe
au Bénin, mission d'identification-montage, 5, rue des Immeubles industriels
polygr., 20 p. + ann., mai. 75011 paris, FRANCE
Tél : 33 1 43.72.09.09
BOISMENU (de) I. (1995), Appui au développe- Fax : 33 1 43.72.16.81
ment local participatif des jeunes dans les quartiers
des grandes villes, Programme Jeunes Ville Emploi Fondation pour le Progrès de l’Homme
au Bénin, rapport de mission, polygr., 28 p., mai. 38, rue Saint Sabin
75011 Paris, FRANCE
COLLIGNON B., BARTHELEMY G. (1995), Tél : 33 1 43.57.44.22
Document de projet Haïti, GRET, Paris, polygr., Fax : 33 1 43.57.06.63
janvier.
Groupe de recherche et d’échanges technolo-
COQUEBLIN C. (1993), L'alimentation en eau à giques (Gret)
Yaoundé, Programme d'animation local urbain, 213, rue La Fayette
AFVP/GRET, Paris, polygr., février. 75010 Paris, FRANCE
Tél : 33 1 40.05.61.61
GRET, HD, PEH (1992), Regards sur la ville pour Fax : 33 1 40.05.61.10
agir à Bouaké, Côte d’Ivoire, polygr., 65 p.
Villes en développement
MOUAFFO V. (1994), Etude des stratégies de Arche de la Défense
gestion des ordures ménagères à Bafang, 92055 Paris-la-Défense Cédex 04, FRANCE
AFVP/GRET, Paris, polygr. Tél : 33 1 40.81.15.74

NANFACK F. (1991), Recueil de grandes Habitat et développement


données urbaines, Yaoundé 4 et Bafang, GRET, Université catholique de Louvain
Paris, polygr., juin. 1, place du Levant
1348 Louvain la Neuve, BELGIQUE
Tél: 32 10 47.23.86
Fax : 32 10 47.45.44

Habitat International Coalition


Cordobanes n°24 Col. San Jose Insurgentes
Centres ressources 03900 Mexico -D.F. MEXIQUE
Tél : 52 5 651.68.07
Association française des volontaires du progrès Fax : 52 5 593.51.94
(AFVP)
BP 207 Linas CNUEH-Habitat
91311 Montlhéry, FRANCE Po Box 30030
Tél : 33 1 69.01.10.95 Nairobi, KENYA
Fax : 69.80.75.34 Tél : 254 2 62.12.34
Fax : 254 2 62.42.66
c o l l e c t i o n E t u d e s e t Tr a v a u x l E d i t i o n s d u G r e t l M i n i s t è r e d e l a C o o p é r a t i o n

Développement local urbain en


Afrique. Histoires de projets.
Cinq projets de développement urbain, menés au Bénin et

Développement local urbain en Afrique


au Cameroun par le Gret, forment le corps de cet ouvrage.
Un sixième projet, mené en Haïti, complète l’échantillon.
Les expériences décrites apportent un éclairage pragmatique
sur quelques questions transversales : l’échelle d’intervention,
les relations avec les partenaires, l’approche sectorielle
ou territoriale, l’articulation de l’urgence et du développement,
l’évolution des compétences... G R E T
Notre ambition est de contribuer à l’élaboration
d’une méthode pour le dévelopement local urbain.

Développement local urbain en Afrique


L’ouvrage est destiné à tous ceux, ONG, associations de
développement, collectivités locales, etc., qui interviennent
en ville et sur la ville, ou qui souhaitent apporter leur appui
à l’amélioration des conditions de vie des habitants et
à la gestion des quartiers populaires en Afrique.
Histoires de projets
ISBN : 2 - 86844 - 074 - 6. Prix : 70 FF

Groupe de recherche et d’échanges technologiques


213, rue La Fayette 75010 Paris (France)
Tél : (33-1) 40 05 61 61. Fax : (33-1) 40 05 61 10

Vous aimerez peut-être aussi