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RESUME
La commune de Bouaké a accueilli en 2015 un projet devant contribuer à l’émer-
gence d’une culture de participation citoyenne. Elle a constitué de ce fait le champ
d’investigation de cette étude qui a pour objectif d’analyser les facteurs déterminant le
faible taux de participation citoyenne à la gestion des collectivités territoriales qui ne
cesse de s’alourdir en Côte d’Ivoire. Pour ce faire, des personnes ressources ont été
interrogées par le biais d’entretiens semi-directifs individuels. Il ressort que ce faible
taux est déterminé d’une part par l’inexistence de législation nationale sur la participa-
tion citoyenne à la gestion des collectivités locales et, d’autre part par l’inachèvement
intempestif de l’application des stratégies de participation citoyenne mises en œuvre,
les promesses électorales non tenues, l’insuffisance de communication et la crise de
confiance entre les populations et les autorités municipales.
Mots clés : Participation citoyenne, déterminants, gestion, collectivités territoriales,
population, commune.
ABSTRACT
In 2015, the municipality of Bouaké welcomed a project to contribute to the emer-
gence of a culture of citizen participation. It has thus constituted the field of investiga-
tion of this study, which aims to analyze the factors determining the low rate of citizen
participation in the management of local authorities which is growing in Côte d’Ivoire.
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INTRODUCTION
Le concept de participation est pluridisciplinaire. Ainsi, différentes organi-
sations (entreprises, institutions, territoires) se sont ouvertes à cette notion
de participation (notamment les clients, usagers ou citoyens) à la vie des
organisations. La participation citoyenne a connu depuis les années 1990
une importante évolution qui s’inscrit dans un phénomène de société dans
les pays développés et ensuite sous-développés, aidée en cela par le courant
de la démocratie participative, l’évolution des formes de participation et le
développement des réseaux sociaux. Ainsi, le citoyen est considéré comme
un véritable acteur intervenant dans la « production », voire la « promotion »
d’une ville, d’une région ou d’un territoire (Reniou, cité par K. A. Y. Ghidouche,
I. Kaawach, et F. Ghidouche, 2016, p. 11). D’un point de vue conceptuel, la
participation citoyenne s’inscrit, pour cette étude, dans un cadre institutionnel,
c’est-à-dire dans le cadre précis de la gestion des collectivités territoriales.
Elle désigne donc l’ensemble des mécanismes d’implication volontariste et de
mise à contribution des populations, à travers des cadres contractuels, dans
les opérations de développement les concernant. Celle-ci exprime en fait la
mesure selon laquelle les autorités locales prennent en compte les avis et les
préoccupations de la société civile en dehors des périodes électorales (CGLU
Afrique et Cities Alliance, 2013, p. 14).C’est un processus d’engagement
obligatoire ou volontaire de personnes ordinaires, agissant seules ou au sein
d’une organisation, en vue d’influer sur une décision portant sur des choix
significatifs qui toucheront leur communauté. Cette participation peut avoir lieu
ou non dans un cadre institutionnalisé et être organisée sous l’initiative des
membres de la société civile (recours collectif, comités de citoyens) ou des
décideurs (référendum, commission parlementaire). Le concept de participation
citoyenne est plutôt vaste. Mais ici, il consiste en des actions (individuelles ou
collectives, ponctuelles ou régulières) engagées par les citoyens en vue de
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nécessité. Elle intéresse non seulement les scientifiques mais également les
responsables de la politique de décentralisation, de la gouvernance locale et
du développement local. Pour ce faire, la commune de Bouaké a constitué
notre champ d’investigation. Elle a été choisie pour deux raisons principales.
La première découle du fait qu’elle a accueilli en 2015 un projet qui avait pour
objectif de contribuer à l’amélioration de la bonne gouvernance locale à travers
la promotion du budget participatif et l’émergence d’une culture de participation
citoyenne. A cet effet, des comités communautaires de discussion de quartier
et villages (CCDQV) et des comités de suivi à la base (CSB) ont été installés.
La seconde raison vient du fait que cette commune est l’une des plus grandes
du pays qui cumulent des zones urbaines et rurales.
Ainsi, la présente étude vise-t-elle à identifier et à analyser, par le biais du cas
précis de la commune de Bouaké, les déterminants de la faible participation des
populations à la gestion des collectivités territoriales en Côte d’Ivoire à travers
trois points focaux que sont : l’inexistence de législation nationale sur la parti-
cipation citoyenne, l’inachèvement intempestif de l’application des stratégies
de participation citoyenne mises en œuvre et l’insuffisance de communication
et, enfin, la crise de confiance entre les autorités locales et les populations.
I – MATERIELS ET METHODES
La commune de Bouaké est en effet située au centre de la Côte d’Ivoire à
environ 300 km d’Abidjan, la capitale économique du pays. Dans cette localité
communale, des personnes ressources, c’est-à-dire des agents de la munici-
palité de Bouaké, des agents de l’Etat détachés auprès de cette municipalité,
des élus locaux, des délégués de la plateforme de la société civile pour la paix
et la démocratie (PSCPD) et des représentants des communautés de base
(chefs de villages, chefs religieux, délégués de comités communautaires de
discussion de quartier et villages (CCDQV) et délégués de comité de suivi à
la base (CSB)), ont-ils été la cible d’entretiens semi-directifs individuels appro-
fondis afin de recueillir les données à analyser. Ces personnes constituent
les acteurs clés du processus de participation citoyenne à la gestion de la
commune de Bouaké. Au total, trente cinq (35) enquêtés ont été retenus au
terme de l’étude à cause de la redondance des réponses fournies. Le choix
de ces personnes a été, d’une part effectué grâce â la technique de l’échantil-
lonnage par choix raisonné et, guidé d’autre part par leur disponibilité à nous
fournir des informations objectives qui tournent autour des principaux thèmes
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II – RESULTATS DE LA RECHERCHE
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vu leurs délégués de comités de suivi de base (CSB) être installé. Cette pre-
mière phase s’est cependant déroulée avec d’énormes difficultés, comme le
souligne Mr K., coordonnateur adjoint de la PSCPD « la mairie s’est opposée
à l’installation des délégués des CSB dans les quartiers car elle avait déjà
installé ses délégués qui dépendaient directement d’elle. Pour la mairie ces
délégués étaient suffisants et outillés pour la réalisation de l’activité. Mais,
après plusieurs tractations, la PSCPD a pu finalement installer les CSB dans
tous les quartiers de la commune de Bouaké ». Ensuite, la PSCPD a organisé
les fora communautaires dans tous les quartiers pour recenser directement
les projets des populations dans les quartiers. A la suite de ces fora com-
munautaires, cent cinquante (150) projets prioritaires ont été présentés par
les communautés. Après diagnostic local, chaque quartier et chaque village
a choisi deux délégués composés d’une femme et d’un homme afin de les
représenter au forum des délégués chargés de faire la synthèse de toutes les
propositions pour la commune de Bouaké. A la suite de cette seconde phase,
la PSCPD organise le forum des délégués. Ce forum s’est tenu le 16 juin 2015
dans la salle de mariage de la mairie de Bouaké, en présence des autorités
municipales et des délégués des quartiers et villages. Au cours de ce forum,
tous les délégués ont passé en revue les différents projets afin de retenir ceux
qui semblent être pertinents et élire par la même occasion le délégué principal
et ses adjoints pour les représenter au forum communal qui est la dernière
phase de ce processus. Le forum communal a été l’étape au cours de laquelle
le délégué principal et ses adjoints ont rencontré les autorités municipales
pour un débat d’interface à propos des projets retenus afin d’intégrer ceux-ci
dans le projet de budget de la commune. Ce forum a eu lieu le 28 juin 2015
dans la salle de mariage de la mairie en présence des autorités municipales et
administratives de la ville de Bouaké, des chefs coutumiers, des chefs religieux
et des leaders communautaires. Lors de ce forum, les délégués ont présenté
dix (10) projets qui ont été tous retenus, fait que mentionne en ces termes Mr
K., coordonnateur adjoint de la PSCPD «arrivés au forum communal, tous
les 10 projets du forum des délégués ont été retenus dans le budget triennal
2015-2018 car, selon le maire, ils étaient pertinents et réalisables ». Au cours
de ce processus, les populations ont été associées à toutes les étapes. Et, ce
sont les projets qu’elles ont proposés qui ont été retenus. Mais, aucun de ces
projets n’a connu un début de réalisation, ils ont été tous mis aux oubliettes.
C’est ce que soulignent Mr T., délégué de Dar es Salam et Mr K., coordonna-
teur adjoint de la PSCPD, à travers les propos suivants « les populations nous
interpellent à chaque moment en ces termes : « quand est ce que les projets
seront réalisés ? » Et, nous sommes obligés de leur dire de patienter » (Mr
T.) ; « les populations et les délégués nous reprochent le fait d’avoir abusé
de leur confiance et de toute leur sincérité » (Mr K.). Ces propos laissent, un
tant soit peu, entrevoir une certaine insuffisance de communication entre les
principaux acteurs de la gestion de la municipalité, à savoir les populations et
les autorités municipales. Ces dernières ne donnent pas aux populations les
informations concernant les différentes étapes de la réalisation d’un projet, ce
qui fait croire à ces populations que les projets qu’elles ont identifiés ont été
mis de côté par le maire.
Cette insuffisance de communication transparaît clairement dans les pro-
pos de Mr P., Mr C. et Mr S., des délégués de CSB qui disent ceci « la mairie
ne communique pas assez sur les activités qu’elle mène afin d’associer les
populations » (Mr P.) ;« il y a une insuffisance de communication autour même
du conseil municipal, sinon nous aimerions bien assister au moins à ces réu-
nions » (Mr C.) ;« nous ne sommes pas informés de ce que la mairie fait. Si
nous sommes informés, nous pouvons assister et prendre part à ses activités.
Elle ne peut pas tout faire seule car elle a très souvent des difficultés et la
population ne le sait pas » (Mr S.). Ce dernier poursuit sur cette même lancée
en dénonçant cette insuffisance de communication en ces termes « s’il avait
existé un cadre permanent de dialogue régulier et bien entretenu entre la
population et la mairie, les messages seraient passés plus facilement. Ce qui
nous aurait permis d’éviter la crise de confiance qui existe actuellement entre
les populations et les autorités municipales. Une crise qui éloigne les citoyens
de Bouaké de la gestion de leur cité ».
En un mot, nous dirons que ces situations décrites ci-dessus laissent un
goût inachevé des diverses stratégies de participation citoyenne à la gestion
des affaires de la commune de Bouaké. L’installation des comités communau-
taires de discussion des quartiers et villages (CCDQ), un processus inachevé
et l’élaboration du budget participatif avec l’instauration de comités de suivi
à la base, un autre processus inachevé, étaient tous les deux des stratégies
d’implication des populations aux prises de décisions concernant les projets de
développement à réaliser dans la commune de Bouaké. Mais, parce que n’étant
menées à leur terme, leur inachèvement et l’insuffisance de communication
qui entoure ces évènements ont fini par créer une crise de confiance entre les
autorités municipales et les populations. Comment se manifeste cependant
cette crise de confiance ?
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notre déception est grande et toutes les autres autorités qui sont avec elles,
comme c’est le cas actuel des autorités municipales de Bouaké, suivent leur
exemple. Elles ne sont donc plus dignes de notre confiance. Voilà pourquoi
nous ne nous intéressons plus à leurs activités ». Et, selon ce dernier qui
a toujours voulu garder l’anonymat, ce mécontentement et cette déception
étaient tellement profonds que « les populations sont allées jusqu’à détruire,
lors des manifestations contre la CIE à Bouaké en 2016, les locaux de la
mairie, la résidence du maire et certains édifices publics, symboles de l’Etat
dans la commune alors que ces locaux n’étaient pas concernés et visés par
cette manifestation censée être pacifique. Ces évènements témoignent même
de la déception et du mécontentement de la population contre les autorités
municipales d’abord et ensuite centrales ».
A travers ces faits, nous pouvons retenir que ce sont donc les divers agis-
sements des autorités municipales de Bouaké qui ont engendré le mécontente-
ment et la déception de leurs administrés. Cette déception a à son tour entraîné
une crise de confiance qui pousse les populations à s’intéresser de moins en
moins à la gestion de leur cité et surtout aux activités qu’elle organise. Quelle
analyse suggère donc une telle situation ?
III – ANALYSE ET DISCUSSION
Le faible taux de participation citoyenne à la gestion de la commune de
Bouaké est déterminé, comme cela a été démontré dans les résultats, par cinq
principaux facteurs que sont l’inexistence de législation nationale sur la parti-
cipation des populations à la gestion des collectivités locales, l’inachèvement
intempestif et répété de l’application des stratégies de participation citoyenne
mises en œuvre, les promesses électorales non tenues, l’insuffisance de com-
munication entre les autorités locales et leurs administrés et enfin la crise de
confiance entre les populations et les autorités municipales.
Promouvoir ou favoriser la participation des populations à la gestion des
affaires qui les concernent est l’une des justifications des politiques de décentra-
lisation. En effet, on estime qu’étant le niveau de gouvernance publique le plus
proche des populations, les collectivités locales sont le cadre par excellence de
la participation citoyenne. Celle-ci exprime la mesure selon laquelle les autorités
locales prennent en compte l’avis et les préoccupations de la société civile en
dehors des périodes électorales (CGLU et Cities Alliance, 2013, p. 14). Cette
participation permet de développer un partenariat entre toutes les composantes
qui évoluent dans ces espaces à savoir les élus, les représentants des popu-
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la loi prévoit dans ce cadre, la mise en place d’un conseil villageois de dévelop-
pement (CVD) dans chaque village autre que le chef-lieu de la commune. Les
membres de ces conseils sont élus par les villageois sous la supervision des
conseils des collectivités locales (NDI, 2010, p. 18). Au niveau de la France,
le parlement a adopté une loi qui vise la mise en place de conseils de quartier
et au renforcement de la participation du public à l’élaboration des grands
projets (L. Blondiaux, 2001, p. 44). Ces dispositions légales et réglementaires
ont multiplié des expériences probantes de participation citoyenne, en dépit de
quelques limites, et renforcé par la même occasion la confiance mutuelle entre
les autorités municipales et les populations. Ce qui n’est pas le cas de la Côte
d’Ivoire où le processus de décentralisation n’est pas simplement confronté à
une insuffisance de ressources financières et humaines mais également à un
manque de confiance vis-à-vis de l’Etat et des collectivités locales. Le scepti-
cisme des populations s’explique par beaucoup de promesses non tenues et
trop peu d’actions concrètes susceptibles de changer leur vie (N. Lauzon et
L. Bossard, 2005, p. 7).
Dans ce cas précis, le développement local n’est plus une stratégie qui
vise, par des mécanismes de partenariat, à créer un environnement propice
aux initiatives locales afin d’accroître la capacité des collectivités territoriales
(B. Vachon, op. cit, p. 17) mais, plutôt la capacité de certains acteurs, à savoir
les autorités municipales, à structurer des processus d’échanges plus ou
moins durables en leur faveur (E. Friedberg, op. cit, p. 17). Cette absence
de législation nationale sur l’implication des populations dans les affaires et
la vie de leur commune ne permet pas de créer les conditions de la capacité
sociétale qui participe grandement à installer la culture de la redevabilité chez
les citoyens, un des éléments essentiels à une action efficace des villes et
collectivités locales (CGLU et Cities Alliance, op. cit.). Elle ouvre également la
voie à toutes sortes de malversations financières car la population n’a pas de
moyens de pression et de contrôle afin d’obliger les autorités locales à rendre
compte le plus fidèlement possible.
CONCLUSION
L’on retiendra, à la fin de cette étude, que ce sont cinq principaux facteurs qui
expliquent le faible taux de participation citoyenne à la gestion de la commune
de Bouaké en Côte d’Ivoire. Il s’agit exactement de l’inexistence de législation
nationale sur la participation des populations à la gestion des collectivités
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