Vous êtes sur la page 1sur 72

Politiques et pratiques d’aménagement

du territoire aux états-Unis


MONOGRAPHIE

Jean-Pierre Pellegrin

TRAVAUX
EN
LIGNE n°8
Cette publication de la collection Travaux en ligne s’inscrit dans une réflexion plus large menée par la DATAR en 2009-2010 sur « Les
politiques et pratiques d’aménagement du territoire dans 8 pays ».

Ce chantier a permis d’explorer les configurations territoriales et les stratégies de pays innovants ou performants dont la connaissance
fait sens par rapport aux enjeux d’évolution et d’adaptation du modèle français. La réflexion a été concentrée sur trois thèmes prioritaires
(attractivité et compétitivité, métropolisation et développement durable) considérés comme structurants pour l’aménagement du
territoire aujourd’hui, et ce, à des échelles ou dans des contextes extrêmement variables. Chacun de ces thèmes a été analysé à la
lumière des objectifs assignés par les politiques publiques nationales, de l’organisation territoriale et des outils d’aménagement et de
développement mis en œuvre. Pour chaque pays, ont été identifiées in fine des pratiques significatives pour l’aménagement du territoire
français.

Les études ont été réalisées avec l’appui :


• d’un comité de pilotage associant :
Michel Foucher, géographe et diplomate, professeur à l’ENS (Ulm) et directeur de la formation à l’IHEDN,
Florian Muzard, chargé de mission à la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale
Paul-Henri Schipper, chargé de mission au ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE)
Anne-Marie Zigmant, chargée de mission à la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale
Marc Guigon, chargé de mission à la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, a assuré la
coordination de la mission en Chine.

• et deux équipes de consultants :


□ DPT (association de trois experts de l’aménagement □ AEIDL (association européenne pour l’information sur le
du territoire) développement local) dont les experts ont tous travaillé pour
Peter Treuner (Allemagne) l’OCDE
Yves Paris (Espagne, Hongrie) Patrick Dubarle (Brésil, Corée)
Jean-François Drevet (Hongrie, Suède) Jean-Pierre Pellegrin (Brésil, Etats-Unis)
Frédéric Langer (Chine)
La coordination a été effectuée par Katalin Kolosy.

On trouvera dans la collection Travaux en ligne, sept des huit monographies réalisées. Celle relative aux « Pratiques d’aménagement du
territoire en Chine » a été publiée à la Documentation française, en février 2011, dans la collection Travaux de la DATAR (N°13).

On notera qu’un séminaire Prospective Info « L’aménagement du territoire à l’international » s’est tenu le 24 novembre 2010 pour
valoriser ces différentes études. Les actes sont disponibles sur le portail de l’aménagement du territoire : www.territoires.gouv.fr
rubrique Prospective Info.

Cette étude ne représente pas nécessairement les positions officielles de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire
et à l’attractivité régionale. Elle n’engage que son ou ses auteur(s).
Délégation interministérielle à l’aménagement
du territoire et à l’attractivité régionale

8, rue de Penthièvre - 75 800 Paris Cedex 08


prospective@datar.gouv.fr | 01 40 65 12 34

Responsable des publications scientifiques :


Stéphane Cordobes

Coordination éditoriale :
Karine Hurel, Florian Muzard, Camille Rognant

Création graphique : Matthieu Renard


Couverture : hint of plum - CreativeCommons, 2008
Réalisation maquette : Datar - Equipe Prospective & études
Sommaire

Résumé // 6

1. Le cadre général // 10
1.1 Le contenu des politiques d’aménagement du territoire et les objectifs affichés / 12
1.2 Problématiques et dynamiques, défis et enjeux / 12
1.3 Organisation du territoire / 14
1.4 Les politiques de développement territorial / 15
1.5 Les politiques de développement des États / 16
Annexe 1 - Inventaire succinct des principaux programmes fédéraux de développement territorial / 18

2. Attractivité et compétitivité // 20
2.1 La compétitivité régionale, but du développement / 21
2.2 Le financement des investissements d’infrastructure / 22
2.3 Le financement de la R&D et de l’innovation / 23
2.4 Le rôle clé des universités / 24
2.5 Ressources humaines et développement économique / 25
2.6 Les clusters / 25
2.7 De nouvelles orientations de la politique fédérale / 26
2.8 Remarques conclusives / 27
Annexe 1. Un bilan des réalisations d’EDA (2001-2008) / 29

3. Le développement durable // 32
3.1 Les politiques fédérales : le rôle de l’Agence de Protection de l’Environnement / 34
3.2 Les politiques environnementales des États / 34
3.3 Les initiatives des grandes villes / 36
3.4 Les communautés vertes et le rôle des réseaux / 37
3.5 La nouvelle politique de l’administration Obama / 38
3.6 Remarques conclusives / 40
4. Politiques urbaines et la question métropolitaine // 42
4.1 La question métropolitaine / 43
4.2 La gouvernance des métropoles / 45
4.3 Fiscalité et dépenses des métropoles et crise financière / 46
4.4 Les politiques fédérales de développement urbain et communautaire / 48
4.5 Débats en cours et projets de la nouvelle administration / 49
4.6 Le rôle des États et des villes / 51
4.7 Vers la mégalopolisation ? / 52
4.8 Remarques conclusives / 52

5. Conclusions // 54

6. Pratiques significatives // 60
6.1 La gouvernance de l’aire métropolitaine de Portland (Oregon) / 61
6.2 L’émergence d’un « cluster vert » au Dakota du Nord / 63
6.3 Articulation entre développement des qualifications et développement économique: l’exemple de la
Pennsylvanie / 64

Glossaire // 66

Ressources documentaires (sélection) // 70


Résumé
//  7

Évoquer les États-Unis, c’est abuser des superlatifs. la compétitivité de ces territoires – on parle d’adaptation à
Puissance économique, politique, militaire et culturelle la mondialisation - en assurant une transition écologique
dominante, ce pays est le plus riche et parmi les et énergétique. S’y ajoute la gestion en cours des crises
plus développés de la planète. Pays aux dimensions financière, immobilière, budgétaire et de l’emploi, dont
continentales, certains de ses États ont la taille et la beaucoup de dirigeants considèrent qu’elles constituent
puissance de ceux de l’UE : la Californie (37 millions de formidables opportunités de changement et de
d’habitants) est, en PIB, la 8ème puissance économique modernisation à saisir.
mondiale. Sa population atteint 305 millions d’habitants.
Elle constitue l’une des sociétés la plus diversifiée du Après une phase de croissance soutenue (le PIB a augmenté
monde sur les plans ethnique et culturel, mais aussi très de 32% entre 2000 et 2008), le pays est frappé depuis
inégalitaire, avec un taux de pauvreté de 17%. septembre-octobre 2007 par une série de chocs « jamais
enregistrés depuis la Grande Dépression des années 30».
Au cours des dernières décennies, une partie de la Le chômage est passé de 5,8% au début de 2008 à 9%
production industrielle et des populations se sont déplacées en octobre 2009 et en 22 mois (décembre 2007 à octobre
de l’ancienne ceinture manufacturière autour des grands 2009), 7,2 millions d’emplois ont été perdus.
lacs, vers la Sun Belt en forte croissance des États du
Sud et de l’Ouest. Les écarts de PIB par habitant entre L’arrivée d’une nouvelle administration confrontée à cette
régions sont très accusés (de 5,17 contre 1,95 en France). gestion d’une récession sévère - mais aussi porteuse de
L’urbanisation s’est poursuivie, faisant des métropoles nombreuses réformes et de nouveaux espoirs- ouvre un
à la fois des moteurs de la croissance et des lieux de nouveau champ aux politiques. Le plan de relance de 825
concentration de problèmes sociaux et environnementaux. milliards $ sur 3 ans prévoit d’affecter aux États et aux villes
une large part de ces ressources pour soutenir la demande,
Les grands défis globaux auxquels le pays est confronté alléger les déficits budgétaires et les problèmes sociaux,
sont assez partagés par les pays européens, même s’ils relancer les investissements, l’emploi et les facteurs de
y semblent décuplés. Dans le domaine du développement compétitivité.
des territoires, le défi central est tant au niveau de l’Union
qu’à celui des États ou des métropoles, de promouvoir Le cadre des politiques : le fédéralisme.
une nouvelle économie (ou croissance) basée sur Les politiques publiques du Gouvernement fédéral, des
l’innovation technologique. Il convient à la fois de renforcer États et des collectivités locales sont aux États-Unis assez
8   //

étrangères à la tradition d’aménagement du territoire ou La curieuse désignation de ces structures mixtes sous le
aux notions de cohésion ou de prospective territoriale. sigle de Quangos*, l’illustre bien.
Les notions de référence sont celles de développement
économique* (voir glossaire) décliné à tous les échelons La compétitivité, but du développement
territoriaux et de développement communautaire*, proche Selon une définition largement partagée, la compétitivité
de notre notion de développement local. En atteste d’un territoire dépend de quatre leviers d’action: (i) les
la dénomination des deux principales administrations infrastructures physiques, (ii) la capacité à innover et à
fédérales en charge de ces questions : l’Administration du diffuser/transférer ces innovations, (iii) la qualité du capital
Développement Économique (EDA) du Département du humain, y compris son esprit d’entreprise et (iv) la qualité
Commerce et le Bureau du Développement Communautaire de l’environnement des entreprises en termes d’aménités
du Département des Affaires urbaines et du Logement ou de services disponibles.
(HUD).
La performance du système d’innovation américain est
Les modes d’intervention publique sont définis par un souvent reconnue et illustrée par les multiples exemples de
système fédéral qui induit une large dispersion des pouvoirs. situations de « proximité des frontières technologiques ».
La Constitution y limite les attributions du gouvernement
fédéral et confère aux 50 États des pouvoirs étendus, Les administrations fédérales (notamment EDA), relayées
notamment en matière de développement. Ils exercent par celles des États, jouent un rôle important dans la
aussi une tutelle sur les collectivités territoriales (3 000 stimulation des investissements d’infrastructures et le plan
comtés et 20 000 municipalités). Le débat sur la nécessité de relance doit, dans ce domaine, permettre de rattraper
d’améliorer les relations et coordinations entre niveaux de les retards. Des agences fédérales telles que la Small
gouvernement est récurrent. Business Administration (SBA) allouent des fonds de R&D à
des programmes qui offrent de fortes incitations publiques
Le gouvernement fédéral soutient le développement à l’amorçage technologique. Les États fédérés cofinancent
économique au sens large (de l’ordre d’un quart de son des fonds ciblés sur des technologies avancées et confient
budget) à partir des départements ministériels porteurs de la gestion des projets à des centres d’excellence le plus
programmes le plus souvent sectoriels mais avec de fortes souvent concentrés dans des clusters. Les universités
retombées géographiques. Au sein de cette enveloppe, une scientifiques et technologiques de qualité commercialisent
quinzaine d’agences ou administrations fédérales centrales leurs brevets et compétences et entretiennent des liens
gère pas moins de 180 programmes territorialisés ou ciblés permanents avec les entreprises. Ce système s’appuie sur
– de façon assez souple - sur certains territoires (zones des réseaux de financements publics et privés du capital
victimes de catastrophes naturelles, régions et quartiers risque (business angels, par exemple) et du capital de
déprimés). Mais du fait de leur gestion décentralisée démarrage (seed capital).
au niveau des États de nombreux autres territoires en
bénéficient. Au cours des trois dernières décennies, Ces systèmes d’innovation sont confortés par des
le « nouveau fédéralisme reaganien » et les politiques politiques actives de formation – notamment dans les
des administrations républicaines ont entraîné un fort collèges communautaires. Des Comités de développement
désengagement du gouvernement fédéral, une réduction des qualifications - partenariats locaux appuyés et parfois
des budgets et subventions ainsi que le recours accru à créés dans le cadre de dispositifs fédéraux ou des États -
des crédits d’impôts. coordonnent les politiques d’emploi et de formation. Ils sont
à l’écoute des besoins des entreprises et des marchés du
Les États fédérés assurent la gestion des programmes travail locaux ou régionaux et articulent leurs actions avec
fédéraux en les abondant et financent des stratégies les projets de développement économique.
de développement et des projets mis en œuvre par des
agences, multiples et souvent très efficaces, le plus Le développement de l’entrepreneuriat et l’incubation
fréquemment en coopération avec des partenaires locaux. de nouvelles entreprises high tech au sein de parcs
scientifiques et d’incubateurs, à proximité ou dans les
Les acteurs publics affichent des politiques dans universités, constituent une composante permanente de
ces domaines et jouent des rôles décisifs mais peu ces stratégies, appuyées par des agences telles que la
connus ou sous estimés en Europe. Ils se désignent SBA. Des orientations récentes tendent à valoriser toutes
cependant comme des acteurs de second rang face aux les initiatives, notamment dans les domaines éducatifs,
entreprises et, le cas échéant, aux communautés locales. culturels et environnementaux, visant à améliorer la
Ces dynamiques territoriales sont presque toujours qualité de vie des espaces urbains où se concentrent les
impulsées par des alliances, coalitions et partenariats aux entreprises et ou vivent leurs salariés.
compositions variées. Elles sont mises en œuvre par des
agences souvent mixtes, aux statuts composites, qui sont Les clusters sont les tremplins de cette compétitivité et les
au cœur de la gouvernance du développement territorial. instruments de développement de leurs régions ou villes. Les
//  9

entreprises, ainsi que activités de support s’y concentrent. modes de développement et de planification urbains et à
L’innovation y est valorisée qui alimente la croissance et préconiser une croissance intelligente (smart growth*).
les capacités des firmes à exporter. D’importants moyens
de formation et de financement y sont mobilisés. Parmi La nouvelle administration fédérale oriente le pays sur la
les quelque 700 clusters identifiés, existe une multiplicité voie d’un développement plus durable. Elle a multiplié les
de modèles selon leur spécialisation, les niveaux de engagements, législations et programmes, notamment
technologie et leur phase d’expansion. Impulsés par les en matière d’économie d’énergie et de prévention du
entreprises, leur succès dépend de leur capacité – et réchauffement climatique. Le plan de reprise et le projet
celle des partenaires qui les animent- à coopérer au sein de budget 2010, affectent à ce secteur d’importants
de réseaux sociaux et à valoriser les qualifications et les investissements tout en cherchant à les concilier avec les
talents. projets de développement économique et à les articuler,
dans le cadre d’expérimentions, avec les initiatives en
Vers une « économie verte » faveur des communautés défavorisées.
Les États-Unis produisent 17% des émissions de gaz à effets
de serre et leur empreinte écologique globale est estimée Des métropoles aux mégalopoles : quelle
à « cinq terres ». Les faibles coûts de l’énergie, la mobilité gouvernance ?
élevée, les modes de consommation, d’habitat et de vie, Dans ce pays très urbanisé et confronté à une croissance
l’étalement urbain et la forte dépendance d’automobiles urbaine rapide, les métropoles polycentriques se
bien peu économes en carburant, ont pérennisé un système transforment en mégalopoles, et en méga-régions urbaines
de sur consommation énergétique, dépendant à 87% des constituées de réseaux de villes interconnectées. Elles
énergies fossiles et défendu par de puissants groupes concentrent aujourd’hui les trois quarts de la population,
d’intérêts industriels et énergétiques. De ce fait, le débat produisent les trois quarts du PIB et concentrent les deux
sur le développement durable se confond largement avec tiers des emplois. Les réponses apportées aux problèmes
celui sur l’énergie et les effets négatifs de la consommation de gouvernance urbaine sont multiples mais dispersées
de ses sources d’origine fossile. Il a été très conflictuel, et spécifiques. Elles opposent ceux qui préconisent des
générant de nombreux litiges juridiques et induisant l’idée gouvernements métropolitains aux « champions de la
d’une incompatibilité entre le développement économique coopération ».
et la protection de l’environnement. On peut identifier trois types d’évolution de la gouvernance
métropolitaine :
Le pays a une longue tradition de protection de la nature, • Un mode formel de fusions de communes ou de
défendue par de puissantes ONG. Il est le premier à avoir communes et du comté et d’annexion des pouvoirs par la
créé des parcs naturels dès les années 1870 et une Agence ville centre.
de Protection de l’Environnement en 1970 et adopté des • Un mode plus fonctionnel, assez courant, qui consiste à
législations et des normes de contrôle de la pollution de confier à des agences des fonctions urbaines communes
l’air et de l’eau. (transports, planification, environnement) ;
• Un mode informel reposant sur des concertations au sein
Les politiques se réfèrent peu à la notion de développement
de conseils intercommunaux, d’organismes intermédiaires
durable et utilisent les termes d’économie verte ou
ou d’agences de développement gérées par des
d’économie d’énergie propre.
partenariats publics-privés.
Si l’administration précédente n’a pas fait sa priorité de la
lutte contre le réchauffement climatique, elle a cependant Les politiques urbaines fédérales se sont concentrées sur
lancé quelques programmes d’appui aux technologies des aides aux communautés ou quartiers en difficultés.
environnementales et aux emplois verts. Bien que très orientées sur des actions économiques
comme préalables et tremplins à des améliorations des
Les États ont été très actifs et plus de la moitié d’entre conditions sociales ou de logement, ces programmes
eux sont engagés dans des programmes importants ont eu des impacts limités ou temporaires. La nouvelle
d’économie d’énergie et de recours aux énergies propres. administration relance cette politique en coordonnant
Certains résultats tels que la stabilisation de la consommation mieux les programmes et en impliquant davantage les
d’énergie par personne en Californie atteste de résultats acteurs locaux pour repenser ces réponses. Elle propose
substantiels, mais isolés. Les États ont donné la priorité au à ces acteurs, d’identifier et de transférer conjointement
développement de la R&D dans cette filière, qui fait des des pratiques significatives d’initiative locale. Des efforts
États-Unis l’un des pays les plus avancés en matière de d’éducation, d’empowerment* et d’engagement massif de
technologie environnementale et de création, par du capital bénévoles sont aussi préconisés pour renforcer les liens
risque, d’entreprises leader et d’emplois verts. sociaux et accroître l’offre de services. Enfin, des pressions
s’exercent pour réactiver des dispositifs d’investissements
Les villes ont été aussi très actives et novatrices. Elles sont des banques dans ces quartiers, recourir davantage au
très nombreuses à avoir aménagé des « communautés microcrédit et renforcer les organismes de financement
vertes » ou éco-quartiers, qui conduisent à repenser les communautaires.
le cadre
général
//  11

Puissance économique, politique et culturelle dominante et gouvernement fédéral et confère aux États des pouvoirs
leader mondial dans de nombreux domaines, les États-Unis étendus, y compris celui de définir les compétences en
sont le plus riche pays de la planète : un PIB de 14.370 matière fiscale et budgétaire des collectivités territoriales
milliards $ en 2008 soit de l’ordre de 20% du PIB planétaire, (3.000 comtés et 20.000 municipalités).
et l’un des plus développés (PIB par tête de 47.000 $ et
un IDH de 0,951). Sa population, qui atteint 305 millions
Après une décennie de croissance économique soutenue
d’habitants en 2008, a augmenté de 40% en 30 ans. Elle
(le PIB a augmenté de 32% entre 2000 et 2008), le pays
devrait atteindre 400 millions en 2050 selon le bureau du
est confronté à la « pire crise économique depuis la Grande
recensement. Elle est l’une des plus diversifiées du monde
Dépression». Un plan de relance et de réinvestissement
sur les plans ethnique et culturel, mais elle enregistre de
(ARRA) de plus de 800 milliards $ sur 3 ans, prévoit
fortes et persistantes inégalités de revenus et un taux de
d’affecter aux États, sous forme d’investissements, une
pauvreté de 17%.
large part de ces ressources pour y renforcer les facteurs de
compétitivité, améliorer les services d’éducation et de santé
Pays aux dimensions continentales de 9,6 millions de km² – et assurer la transition vers une économie plus durable.
17 fois la France – il constitue un vaste marché intérieur ; il est
marqué aussi par des disparités régionales très marquées
et persistantes : les écarts de PIB par tête entre régions
sont de 5,17. Plusieurs grandes évolutions et dynamiques
géographiques ont été enregistrées au cours des dernières
décennies : les grands centres de production industrielle et
des populations se sont déplacés de l’ancienne ceinture
manufacturière autour des grands lacs, vers les États de
la Sun Belt. Sa forte urbanisation (75%) et métropolisation
(75 villes de plus de 200.000 habitants et 13 de plus de
3.000.000) attestent de la puissance de son réseau urbain.

Les modes d’intervention publique sont définis par le


système fédéral ; la Constitution limite les attributions du
12   //

1.1 Le contenu Une étude1 cerne le « poids » de ces deux domaines


d’action fédérale en mesurant leur pourcentage respectif
des politiques dans le budget fédéral (moyenne des années 2000-2005) :
• le premier est de l’ordre de 188 milliards $, soit un quart
d’aménagement du du budget fédéral, dont 90% de dépenses d’investissement
dans trois domaines : autoroutes, logement et éducation,
territoire et les • le second, qui en constitue un sous-ensemble et
objectifs affichés correspond à l’une des 20 catégories standardisées de
dépenses publiques intitulée « développement régional
et communautaire », ne représente qu’un montant de 17
Aux États-Unis, les notions d’aménagement du territoire milliards $ soit 9% du montant précédent et 2,5% du budget
national, de développement harmonisé de l’espace, de total, mais dispersé dans quelques 180 programmes et
répartition géographique plus équilibrée des activités, géré dans 15 ministères ou agences fédérales. Au cours
de réduction des disparités régionales ou de cohésion des dernières années, les programmes en faveur des zones
territoriale, sont assez étrangères au vocabulaire des dévastées par les catastrophes naturelles ont absorbé près
politiques publiques. Peut-être parce que ce territoire de la moitié de ce budget - 7,9 des 17 milliards. Celui des
national est trop vaste et diversifié pour viser de tels objectifs, programmes de développement communautaire* étant de
où parce que ses dirigeants ont - hormis pendant le New 5,7 milliards $.
Deal- toujours été réticents à adopter des démarches
planificatrices. On se réfère à des notions voisines de
Les critères formels d’identification de ces zones déprimées
développement économique* avec une référence implicite
sont un taux de chômage supérieur de un point de
ou explicite à des territoires (national, régionaux ou locaux),
pourcentage à la moyenne nationale et un revenu par
de développement communautaire* et parfois – mais c’est
habitant inférieur à 80% de la moyenne nationale. Les deux
une notion empruntée à l’OCDE – de développement
premières catégories d’une classification en cinq groupes:
territorial. De même, rares sont les études ou exercices
zones déprimées, à risque, en transition, compétitive et
de réflexions de prospective territoriale conduites par les
avec résultats (distressed, at risk, transitional, competitive
pouvoirs publics fédéraux, qui sont laissées aux think tanks,
and attainment) constituent un autre critère. Mais selon une
aux universités ou aux villes qui pratiquent le visioning*.
évaluation des programmes d’EDA2, ces critères formels
ne sont pas très rigoureux et une majorité des territoires
Au niveau fédéral et en termes de programmes, cette ou communautés s’avèrent être éligibles à l’un des autres
notion de développement économique est utilisée dans critères de sélection retenu par chaque programme.
deux sens :
i) un sens très large (broad-based development Au niveau des États, ou de celui des comtés et des villes ces
programmes) de l’ensemble des actions « qui influent sur mêmes notions sont utilisées sans que l’on puisse toujours
le développement économique, les transformations ou y affecter des budgets et des programmes spécifiques.
mutations d’un territoire » – mais sans pouvoir bien isoler les Chacune de ces instances propose des programmes
impacts sur ce territoire particulier, de ceux qui affectent le de développement économique et de développement
pays dans son ensemble ou qui sont sectoriels; ils incluent communautaire, mis en œuvre par des services ou des
par exemple les programmes en faveur de l’éducation, de agences. Mais aux actions ciblées sur des régions ou des
la formation, du logement, de l’agriculture, de la recherche communautés « à problèmes », se juxtaposent des appuis
publique, des télécommunications, etc. aux autres territoires et en particulier à ceux qui sont les
moteurs de la compétitivité régionale.
ii) un sens plus spécifique (regional development
programmes*) des actions ciblées sur des régions, zones
ou communautés qui souffrent de retards structurels, de 1.2 Problématiques et
restructurations aigües, de déclin économique ou qui ont
été victimes de catastrophes naturelles. Cette mission est dynamiques, défis et
justifiée par le fait que ces régions freinent et tirent vers
le bas la croissance nationale et que l’Etat fédéral se doit enjeux
d’assurer que des opportunités économiques existent
partout, au nom d’un principe d’égalité des chances
économiques entre les habitants. Au cours des dernières décennies, les États-Unis ont été

1 DRABENSTOTT Mark, A review of the federal role in Regional Economic


Development, 2005.
2 Grant Thornton, 2008.
//  13

affectés par des dynamiques territoriales qui sont autant de qui y sont apportés ne sont pas en priorité de nature
défis pour les politiques de développement, tels que : redistributive; ils consistent à aider les entreprises, les
• une croissance accélérée des États de la Sun Belt habitants ou les communautés à créer de nouvelles
où se localisent les investissements –notamment activités et des emplois ;
étrangers- et les grands projets industriels (par • l’impact des catastrophes naturelles en termes de
exemple des firmes automobiles), en misant sur une coûts de reconstruction et de redéveloppement, ainsi
concurrence par les coûts à court terme. Certaines de que des dysfonctionnements révélés lors du cyclone
ces localisations ont servi de tremplin à la création de Katrina, qui renvoient aux effets des dérèglements
clusters d’entreprises. climatiques qui interpellent un pays qui est avec la
• des situations de restructuration souvent longues, Chine, le plus fort émetteur de gaz à effets de serre
difficiles et coûteuses, dans les États et villes de la planète ;
industrielles du Middle West et du Nord-Nord Est- • une formidable urbanisation, accélérée par un afflux
comme en attestent celles en cours dans les villes massif de migrants, notamment d’Amérique latine,
d’implantation des trois grandes sociétés automobiles qui accompagne l’émergence de nouveaux pôles de
nationales ; croissance autour de clusters et d’une vaste économie
• la permanence de fortes disparités régionales : les de services (78% de la pop. active). Elle génère des
écarts de PIB per capita entre les régions extrêmes dysfonctionnements environnementaux (occupation
sont de 5,17 (contre 1,95 en France) 3 et des écarts des sols liée à l’étalement urbain et pollution par
de revenu par habitant encore plus forts ; ces fortes les transports) et sociaux (pauvreté, ségrégation,
disparités sont fréquemment constatées par les insécurité chronique et syndrome des émeutes
analystes qui déplorent une « croissance régionale très urbaines passées). Le taux de pauvreté standardisé4
déséquilibrée », décrite comme autant d’« opportunités 4 Source : OCDE - Le taux de pauvreté standardisé est le pourcentage de
économiques perdues ». Les réponses et moyens la population vivant au dessous du seuil de pauvreté (la moitié du revenu
médian) et l’écart de pauvreté entre le revenu moyen des pauvres et ce
3 Source : OCDE - données statistiques, cité dans le document de la seuil qui correspond à la part du revenu qui leur manque pour atteindre ce
conférence des ministres, 2009 seuil.

Croissance démographique par État entre 2000 et 2008 (Source : brookings, 2009)
14   //

atteint 17% (7% en France) et l’écart de pauvreté 38% • aux défis de l’innovation et de la compétitivité dans une
(contre 12% en France). économie globalisée et en récession ;
La concomitance d’une récession d’une ampleur inédite • à la permanence et l’aggravation, à des degrés très
et l’arrivée d’une nouvelle administration porteuse de variables, des problèmes sociaux et environnementaux ;
nombreux projets de réformes de structures bouleversent • à la crise financière des États et des villes qui les confronte
ces enjeux. La priorité est de répondre à la crise financière à de formidables déficits budgétaires, imputables à une
et économique - forte récession et destruction massive forte baisse des ressources fiscales et interdits par le
d’emplois (7, 2 millions en moins de 2 ans) - mais aussi système fédéral.
sociale (saisies immobilières, chômage qui approche les
10%, pauvreté en hausse, etc.) par une injection massive
de fonds publics dans le Plan de relance.
1.3 Organisation du
Le plan de relance et de réinvestissement territoire
(ARRA)
Au cours du premier semestre 2009 le gouvernement La règle générale de répartition des compétences entre
fédéral a décidé d’injecter de l’ordre de 1.850 milliards les niveaux fédéral et fédéré est celle d’une subsidiarité
$ pour contrer la baisse durable de la demande et de descendante : les États ne peuvent exercer que des
l’investissement privé: dont 900 milliards pour relancer le compétences qui ne sont pas attribuées au niveau
marché du crédit, 100 milliards pour empêcher les saisies central. L’État fédéral détient 18 compétences (art 1 de
immobilières et 25 milliards pour soutenir les 3 grosses la Constitution) et les États fédérés exercent les pouvoirs
compagnies automobiles. Le plan fédéral de relance non attribués. Mais il existe de nombreuses interprétations
(ARRA) adopté le 2 mars 2009 5, s’élève à 825 milliards $ et dérogations à ce principe. Ainsi, la constitution
dont 275 en baisses d’impôts et 550 en investissements fédérale ne définit aucune compétence en matière de
devant créer 3 millions d’emplois. Plus de 320 milliards développement régional, mais les gouvernements justifient
doivent être transférés aux États et collectivités locales leurs interventions au nom d’une égalité des opportunités à
afin de stimuler l’investissement et la consommation des promouvoir ou d’une intervention économique d’ensemble.
ménages par des mécanismes divers : allocation à des
fonds –notamment de stabilisation fiscale -, subventions
directes ou « compétitives » (stimulus and competitive Comme dans toute fédération, les États fédérés sont les
grants), exemptions fiscales, etc. Ces fonds doivent acteurs publics clés du développement économique,
leur permettre de compenser des déficits en ressources avec leur gouverneur élu qui est souvent le leader,
fiscales et de financer leurs dépenses, ainsi que des « promoteur et porteur de stratégies ou de grands projets
opportunités » d’investissements à long terme. Le plan de développement, leur double chambre législative et leur
vise aussi des objectifs plus structurels de reconversion, Cour suprême. Les États constituent, selon l’expression
réinvestissement et modernisation d’une économie en courante, les « laboratoires de la démocratie » où s’élaborent
transition vers une économie plus durable. les stratégies, où se conduisent les innovations et les
expérimentations et où se créent les partenariats. Leur rôle
a été renforcé au cours des trois dernières décennies par le
Les premiers résultats « nouveau fédéralisme » du Président Reagan.
Le gouvernement a publié des lignes directrices
d’application et ouvert un site web pour aider les États à
identifier des opérations à financer et mettre en place des Les collectivités territoriales (local governements) sont
instruments de suivi et d’évaluation. La mise en œuvre des « créations des États », qui les régissent selon des
de ce plan doit atteindre « un niveau jamais atteint » de principes divers : certains États, adeptes du « home rule
transparence (accountability). Selon les premiers résultats », leur octroient des pouvoirs assez vastes inscrits dans
rapportés par GAO, de l’ordre de 90 % des premiers des chartes, tandis que ceux qui se réfèrent au principe
fonds fédéraux alloués au cours de 2009 sont affectés Dillon de 1868, restreignent fortement ces délégations de
par les États, sous forme de crédits de fonctionnement et pouvoir et peuvent même décider d’en supprimer ou d’en
d’investissement à trois secteurs : la santé, les transports fusionner certaines. Elles se composent de 3.000 comtés,
et l’éducation. 16.000 townships (proches de nos cantons, mais qui
constituent des unités cadastrales), 19.430 municipalités
Sources : www.nga.org
et des 35.000 districts spéciaux (auxquels il faut ajouter
les 13.500 districts scolaires dont les dirigeants sont élus).
Les États, les villes et métropoles sont confrontés en Leur particularité réside surtout dans l’extrême diversité des
particulier : modes d’administration municipale et de l’origine de leurs
ressources (voir Chapitre 4).
5 Sources : www.staterecovery.org et ARRA Ressource Center - National
Governors Association (NGA) : www.nga.org
//  15

Un débat sur le système intergouvernemental et


la gouvernance locale
1.4 Les politiques
La dispersion des pouvoirs et les coordinations limitées de développement
constituent des freins au développement économique.
Les municipalités urbaines – et leur principale association territorial
et lobby - la National League of Cities - déplorent une
« dégradation du système intergouvernemental » sous
Au niveau fédéral, les politiques de développement territorial
l’effet du « nouveau fédéralisme ». Elles dénoncent « le
sont conduites au sein de 9 départements fédéraux et de
déclin du sens du partage des responsabilités entre les
5 agences. Les plus importants sont ceux du Logement
trois niveaux : fédéral, fédéré et local », ainsi que l’érosion
et Affaires urbaines, de l’Intérieur, de l’Agriculture et du
du dialogue qui existait autrefois. Elles reprochent
Commerce ; les autres programmes sont de moindre
aux États (fédéral et fédérés) de leur transférer des
importance mais peuvent être très novateurs (voir chapitre
compétences sans en assurer les moyens, d’accroître
1, annexe 1).
leurs charges sans les autoriser à lever des impôts ou
à s’endetter et de « politiser les débats au détriment de
l’intérêt général ». La part des transferts fédéraux dans Ces administrations, agences et programmes sont le résultat
les revenus des villes est passée de 17% en 1977 à 5% d’un processus d’accumulation de dispositions législatives
en 2005. Le nombre de réglementations leur imposant qui les ont créés, faisant l’objet de réengagements
de nouvelles obligations a explosé et les compétences (reautorization) périodiques – en moyenne pour 5 années
non financées (unfunded mandates) ont triplé en 30 ans. - par le Congrès ou la Présidence, à la suite d’auditions de
commissions parlementaires.
Elles rejettent les solutions préconisant un partage, entre
niveaux, des compétences et des fonctions selon de « Au cours des années 1960 et 1970, le gouvernement
blocs », et plaident pour des formes de coopération et fédéral a multiplié les subventions directes en faveur du
de partenariats entre ces niveaux, s’inspirant des formes développement économique de régions en difficultés.
de partenariats jugées très efficaces qui prévalent entre L’administration Reagan engagea une politique dite de «
acteurs publics et privés. nouveau fédéralisme », de désengagement de l’Etat fédéral
et de transferts de compétences aux États, ainsi que
d’octroi aux États de subventions globales– par ailleurs en
Elles déplorent en outre la faible marge de manœuvre
forte baisse - en leur en attribuant la gestion et en exigeant
des municipalités en matière de développement. Elles
un abondement des fonds fédéraux. EDA vit ses moyens
constatent par exemple, que (selon une étude) en
fondre, les Commissions régionales furent supprimées (à
moyenne, 70% des changements intervenus dans
l’exception de celles des Appalaches et de trois petites
les revenus des ménages d’une ville sont déterminés
régions, aux moyens réduits) et les divers programmes
par des facteurs supra locaux sur lesquels les acteurs
de subventions de HUD fusionnèrent dans un programme
locaux – et notamment les collectivités locales – n’ont
de subventions globales (Community Development Block
aucune prise, alors que ces derniers sont sollicités pour
Grant)
devenir les opérateurs du développement et influent sur
la quasi totalité des décisions (positives ou négatives)
de localisation et de maintien des entreprises. Cette L’administration Clinton renforça ces programmes en les
association de villes préconise un nouveau modèle ciblant sur des « zones à promouvoir » (Empowerment
de gouvernance, basé sur un partenariat renforcé, et zones). Celle de Bush a conservé ces dispositifs en en
la redéfinition d’un fédéralisme coopératif, visant en réduisant fortement les moyens – sauf pour les zones
outre à impliquer les citoyens dans le débat sur les sinistrées- et en remplaçant les subventions par des
défis auxquels villes et régions sont confrontées et sur déductions fiscales.
la façon de les relever. Elles demandent aussi qu’une On ne compte aujourd’hui pas moins de 180 programmes
structure permanente de coordination des niveaux fédéraux s’appuyant sur quatre types de mécanismes de
d’administration soit créée à la Maison Blanche et sur ce financement :
dernier point elles semblent avoir été entendues.
• les programmes discrétionnaires, de subventions ou
Sources : ‘Governments working together’ www.nlc.org et
prêts, financés sur la base d’appels à projets et de mise en
entretiens
concurrence des candidats ;
• les programmes de garantie (underwriting) de prêts ou
d’autres financements ;
• les programmes de subventions globales (apportionment
ou block grants) versés aux États ou autorités locales,
souvent en contre partie de contributions additionnelles ;
16   //

• les programmes d’incitations, de type fiscal, de constituent les unités du développement économique et
certification pour accéder à des programmes prioritaires ou doivent se spécialiser pour créer des avantages compétitifs.
d’exemption fiscales. Leurs stratégies sont centrées sur l’accumulation des
connaissances et la constitution de centres d’innovation
ou d’excellence, souvent regroupés dans des clusters.
On reproche à ces politiques et programmes une très forte
Quant aux entreprises elles sont encouragées à promouvoir
dispersion et fragmentation, une absence de coordination,
une compétitivité hors prix, centrée sur l’innovation
des concurrences et des doubles emplois. Bien que ciblés
technologique.
sur des zones ou des problèmes divers, ces programmes
reposent sur une vision homogène du développement
régional selon laquelle toutes les régions croissent de la Tous les États disposent d’une agence de développement
même façon. Ils tendent à privilégier le secteur industriel économique (State Economic Development Agency). Sur
(et l’agriculture dans les zones rurales) et accordent une le site internet de l’État, le gouverneur y présente le plan
priorité trop marquée aux investissements d’infrastructure stratégique. Les axes, objectifs, projets et montants des
physique. Ils peuvent induire des concurrences entre les crédits à investir y sont à la fois sectoriels –se rapportant
États et un jeu à somme nulle au niveau national. Ces aux secteurs économiques, mais aussi aux secteurs de
politiques devraient - selon le vœu et le pronostic de l’éducation, de la R&D, du social et de l’environnement -
nombreuses personnes interrogées en ce début d’une et territoriaux (sous-régions fonctionnelles sur plusieurs
nouvelle administration très réformiste – être réorientées et comtés).
coordonnées.
Un inventaire des mesures de développement économique
La vision de plus en plus partagée est : des États révèle les catégories suivantes :
• qu’il est urgent d’orienter davantage les politiques • les mesures visant à attirer, conserver et développer les
régionales fédérales sur l’appui à l’innovation, la compétitivité entreprises sont au centre de toutes ces politiques locales
et l’entrepreneuriat et d’adapter les services et programmes et constituent un moyen irremplaçable pour conserver et
fédéraux aux objectifs fixés par les États et régions ; accroître les avantages compétitifs et renforcer les clusters.
• que c’est aux régions à répondre aux défis, à développer Ces mesures reposent sur une bonne connaissance de la
leur propre stratégie centrée sur des investissements dans base économique, de la population des entreprises et des
l’innovation et les ressources humaines, ainsi que sur besoins des clients (en moyenne 70% des commandes
l’amélioration de l’environnement des entreprises (services, viennent de clients fidélisés, 15% de confrères ou relations
cadre résidentiel, etc.) et l’appui à l’entrepreneuriat. et 15% seulement de nouvelles offres). Elles consistent
en des aides et incitations fiscales ciblées afin d’éviter les
délocalisations, de créer de nouveaux emplois, de survivre

1.5 Les politiques de en cas de difficultés et d’améliorer leur compétitivité ;


• S’y ajoutent des mesures de marketing territorial, pour
développement des États créer une image ou une marque locale forte, sur la qualité
des services aux entreprises et de la coopération entre
acteurs régionaux mais aussi sur la « qualité des lieux », de
Pendant longtemps, deux « voies de développement » se l’environnement, des services collectifs et du cadre de vie ;
sont opposées :
• Des incitations financières et des crédits fiscaux sont
• une low road, d’inspiration libérale dans les États de proposés, sur les salaires ou charges sociales, la R&D,
la Sun Belt où l’Etat fédéré jouait la concurrence par les la formation, les investissements, les emplois créés,
coûts, en dérégulant, laissant jouer le marché, baissant l’installation de sièges sociaux ou pour encourager le
les impôts (tout en octroyant des subventions énormes mécénat ;
aux investisseurs), en limitant les réglementations et en «
• Ces mesures s’inscrivent dans des stratégies de
protégeant » les entreprises des syndicats (non unionized),
compétitivité, ou selon la terminologie en usage de «
etc. - stratégies critiquées et officiellement abandonnées au
réponses à la mondialisation », en constituant et renforçant
cours des années ‘90 ;
des clusters, bases d’exportation, en promouvant des
• une high road, d’inspiration néo-keynésienne, des alliances entre agences de développement, en finançant
États industrialisés qui investissaient dans l’éducation et des « incubateurs internationaux » et en attirant de nouveaux
les ressources humaines, ainsi que dans la recherche, investisseurs et des « compétences et des talents » à partir
l’innovation et l’entrepreneuriat, mais aussi dans les services des universités et de la qualité du cadre de vie.
sociaux, la qualité de vie et la lutte contre la pauvreté.

Ces stratégies se déclinent le plus souvent dans les


Depuis la fin des années 90, un consensus s’est établi orientations suivantes :
sur l’idée qu’au sein des États, des régions fonctionnelles
• Conforter le développement technologique en disposant
//  17

d’une bonne cartographie des infrastructures et ressources accords ou contrats inter-États (interstates compacts).
existantes dans l’État, en promouvant les entreprises high
tech dans des parcs et incubateurs technologiques et en
Cette diversité de stratégies et de résultats a incité à produire
s’assurant qu’elles disposent de fonds privés ou publics de
des exercices de Benchmarking ou d’analyses comparées
proximité ou de financement du risque et du démarrage,
des performances des États, qui constituent des outils
en mobilisant les programmes fédéraux, notamment de la
d’orientation des stratégies et des programmes pour les
Small Business Administration (SBA) ;
gouvernements des États et des sources d’inspiration pour
• Mettre en place une large gamme d’instruments d’accès leurs décideurs et partenaires 6.
aux capitaux et au crédit non commercial (prêts divers,
microcrédit, subventions aux zones défavorisées, etc.)
en comblant les manques ou vides sur les marchés de A court et moyen terme, l’action économique des États est
capitaux, identifiés dans la région ; hypothéquée par leurs déficits budgétaires creusés par la
récession. Ceux-ci sont estimés entre 5 et 20%, selon les
• Offrir des crédits d’impôts afin de réduire le coût des
États sur l’année 2008-2009, de -3,6% au dernier trimestre
investissements privés, qui prennent de multiples formes
2008 jusqu’à -10 à –20% au premier trimestre 2009 7.
(employment credits, work opportunities tax credits, tax-
Les budgets 2010 enregistrent à la fois de fortes baisses
increment financing, tax-exempt bond financing, capital
des recettes fiscales et des hausses exceptionnelles des
gain, etc.) ainsi que des prêts ou émettre des obligations
dépenses sociales (Medicaid) et de fonctionnement des
aux revenus détaxées (tax-exempt private bonds), dont le
services publics. Bien que compensés en partie par les
remboursement sera assuré par les revenus futurs des plus
crédits du plan de relance, 41 de 50 États ont annoncé
values foncières ;
des coupures budgétaires. Certaines situations de quasi
• Stimuler et favoriser l’entrepreneuriat, qui constitue un faillite (Californie) contraignent à de fortes réductions des
objectif omni présent ; dépenses d’éducation, de santé et d’aide sociale ainsi que
• Mettre en place des politiques de développement des des licenciements ou la baisse des salaires des employés.
ressources humaines et des qualifications, cordonnées Il en est de même pour les villes (voir Chapitre 4).
avec les initiatives ou stratégies de développement
économique au niveau local (bassin d’emploi) et à celui des 6 Deux exercices annuels de benchmarking ou de mesures et comparaisons
États. des performances des États, publiés par des think thanks privés sont parti-
culièrement commentés. Il s’agit du State New Economy Index: Benchmar-
king Economic Transformation in the States de R.Atkinson et Scott Andes
Si la diversité des stratégies adoptées et les concurrences de l’Information Technology and Innovation Foundation ; basé sur 29 indica-
entre États continuent de jouer, elles n’excluent pas des teurs centrés sur la compétitivité, il est publié chaque année en novembre et
porte sur les résultats de l’année précédente www.innovationpolicy.org. Le
coopérations sur des questions d’intérêts communs tels rapport biannuel Assets and oportunites scorecard publié par la CfED (The
que l’approvisionnement en énergie, la protection sociale, Corporation for Entreprise Development) prend davantage en compte des
l’offre de soins spécialisés, etc., qui donnent lieu à des indicateurs sociaux www.cfed.org
7 NGA, State Economic Review Mars 2009
18   //

Annexe 1 - Inventaire succinct des principaux


programmes fédéraux de développement
territorial
Ministères et leurs unités Types de programmes Budget* Exemples de programmes (en
spécialisées de développement gras, ceux qui sont cités comme
territorial performants)
Commerce (Administration du Investissements en infrastructures 353 Voir Chapitre 2
Développement Economique (EDA)

Logement et développement urbain Développement des zones et 5.763 Voir Chapitre 4


(HUD) (Bureau du développement quartiers en crise
et de la planification des
communautés)
Agriculture (Agence du Développent des zones rurales 982 Appuis financiers et assistance
développement rural composée de technique aux entreprises des
3 services : équipement, entreprises zones rurales (Rural Micro-
et logement) entreprise Assistance Program) et
aux Rural Development Council
(des partenariats public-privé et
des réseaux de développement)
qui opèrent dans des Rural
Development Partnership Zones
Défense (Bureau de l’Ajustement Programmes de Reconversion des Une Agence interne (Office of
Economique) bases et installations militaires Economic Adjustment) aide les
collectivités concernées à redéfinir
un plan stratégique, diversifier les
économies locales et à reconvertir
les ex employés ainsi que les
terrains et bâtiments. (programme
BRAC Base Closure and
Realignement Community)
Santé et services aux personnes Programmes contre la pauvreté L’Office of Community Services gère
(human services) dans certains territoires et services 7 programmes (dont le Urban and
sociaux Rural Economic Development
Program) de promotion de
services aux communautés
défavorisées et d‘aide à la création
d’activités
Intérieur Programmes pour les amérindiens 1.508 Programme de développement
et les Réserves économique des communautés
amérindiennes et aides à la création
de PME
Travail (Administration de l’emploi Formation de travailleurs de régions Work Force Investment Act (WIA)
et de la Formation) (Department of en reconversion et adaptation subventions aux États pour
Labour – DOL) de la main d’œuvre aux besoins renforcer des partenariats publics
d’entreprises qui s’implantent ou se privés pour gérer la production
créent dans une région de compétences. Workforce
Innovation in Regional
Economic Development (WIRED)
pour ajuster les formations en
fonction des besoins et projets de
développement des régions et des
entreprises
Transports (administrations de Infrastructures de transports Planification et financement
l’aviation, des transits et des d’investissement en transports
autoroutes) routiers, ferroviaires et aériens de
certaines régions isolées.
Trésor (Department of the Treasury Programmes d’apport en capital 73 New Market Tax Credit (crédits
– TREAS) à des zones urbaines et rurales d’impôts sur le revenu pour des
défavorisées investissements dans des zones en
retard de développement)
//  19

Small business administration (SBA) Programmes d’aides aux PME Voir Chapitre 2
(subventions, prêts, garanties
d’emprunts) et aux entrepreneurs
Agence de protection de Assainissement des terrains et sites Décontamination des sols industriels
l’Environnement industriels pollués pollués (browfields), qualité de l’eau
Commission Régionale pour les Agence créée en 1965 dans la 75 (hors Investissements dans les énergies
Appalaches www.arc.gov zone la plus pauvre des États-Unis, autoroutes) renouvelables (priorité)
à cheval sur 13 États, 420 comtés dont 70%
et 23 millions d’habitants) Plan ciblés sur les
stratégique jusqu’en 2012 comtés les
plus pauvres.
Tennessee Valley Authority 3 agences dans ces 3 régions 60 Programmes et services divers
- Commission Denali (Alaska) particulières, considérées comme «
à problèmes »
- Agence régionale du Delta du
Mississipi
NB : Nombreux sont ceux pour lesquels il est difficile d’isoler la composante régionale et dissocier les effets
régionaux d’effets plus globaux

* Budget : ordres de grandeurs et moyennes sur les années 2000-2006, en millions de dollars.
Attractivité et
compétitivité
//  21

2.1 La compétitivité ré- • la qualité du capital humain, y compris son esprit d’en-
treprise et
gionale, but du dévelop-
• la qualité de l’environnement des entreprises en termes
pement d’aménités, de services disponibles, voire de conditions
climatiques.
Au cours des dernières décennies, on a considéré que
la compétitivité des régions dépendait de forces et res- Leurs effets dépendent de la capacité des acteurs à agré-
sources externes (attraction des investissements et recru- ger, relier, coordonner et combiner ces facteurs, en parti-
tement d’entreprises, assortis de subventions et de crédits culier au sein d’alliances et de partenariats publics-privés.
d’impôts) et résultait d’une concurrence par les coûts. On Le développement économique est défini aux États-Unis
adopte aujourd’hui une vision plus endogène selon laquelle comme une affaire d’interactions, de coopération et de ré-
chaque région doit concevoir sa propre voie de dévelop- seaux entre acteurs du territoire, appuyés par des interven-
pement et construire sa propre « machine économique » tions et incitations supra-locales.
en mobilisant et valorisant ses ressources et en exploitant
les opportunités offertes par la mondialisation, les techno- Selon une conviction qui semble largement partagée, un
logies, un dollar faible, etc. volume critique de ressources et une forte propension des
acteurs à coopérer, assortie d’un fort leadership, peuvent
Selon une définition d’usage chez les « développeurs », la générer une nouvelle croissance, le plus souvent concen-
compétitivité d’un territoire dépend des 4 leviers d’action trée dans des clusters d’activités. En découlent des effets
suivants : de diffusion (spillovers) et des synergies dans l’accès aux
• les infrastructures physiques, marchés, dans l’adaptation des technologies, la constitu-
tion de pôles de compétences, ainsi que dans la création et
• la capacité à innover et à diffuser/transférer ces innova- le développement de nouvelles entreprises. En concurrence
tions, qui dépend entre autres des dépenses en R&D entre elles et avec celles d’autres pays, les régions doivent
parvenir pour réussir, à optimiser leurs avantages concu-
22   //

rentiels et assurer la compétitivité de leurs entreprises. déjà 40 000 emplois. Cette stratégie, sous le leadership
d’un gouverneur, a été conçue et mise en œuvre par de
Ces stratégies s’appuient sur des programmes fédéraux multiples organisations fonctionnant sur la base de coo-
et des États, ainsi que sur une profusion d’organisations, pérations étroites ou de partenariats entre universités,
d’agences et de réseaux nationaux et locaux, publics, pri- entreprises, milieux d’affaires et les instances de l’Etat
vés ou mixtes. Le secteur privé et les milieux des affaires et des villes.
constituent des forces majeures de proposition, de mobi-
lisation, de lobbying et de financement d’initiatives natio- L’Etat a mis en place une batterie d’instruments incitatifs
nales et décentralisées. Le Conseil de la Compétitivité est pour la plupart sous forme de crédits d’impôts aux entre-
l’un de ces instruments les plus puissants. Organisme « pri- prises, en matière d’investissement en machines, biens
vé et non partisan », il est animé par des dirigeants (PDG de fonciers, ou nouveaux matériels, de créations d’emplois,
multinationales, présidents des universités les plus presti- de R&D, de formation, de création d’un siège social ou
gieuses et leaders syndicaux). Son objectif est de renforcer administratif. De l’ordre de 1/4 du montant investi (pla-
la compétitivité des entreprises, des régions et du pays. Il fonné à 30 000 $) par des investisseurs privés sont rem-
lance de nombreuses initiatives, telles que Regional com- boursés.
petitiveness, Regional leadership, Innovation clusters. Il est
à l’origine de très nombreuses actions de communication et La formation des qualifications est un axe important de
de promotion, réalise des analyses, diffuse des instruments cette stratégie. Elle est assurée par le système des Com-
d’ingénierie et assure une fonction de catalyse. Il constitue munity Colleges pour le Développement Economique
une force de mobilisation et de proposition relayée dans associé aux Départements du Commerce et de l’Emploi
chaque région et État. Ses préconisations, largement dé- de l’Etat, qui regroupe 58 établissements et propose des
battues, s’adressent à tous les leaders, y compris au Pré- services aux entreprises et à leurs clients.
sident, (à qui il a récemment proposé une stratégie de dé- Sources : www.ncgov.com
veloppement durable), aux membres du Congrès et aux
gouverneurs des États 1.
2.2 Le financement des in-
S’y ajoutent tous les organismes de financement de l’inno-
vation et des entreprises à potentiel (capital risque et capital vestissements d’infras-
d’amorçage) qui mériteraient une étude à part.
tructure
L’exemple de l’Etat de Caroline du Nord
Ancien Etat très agricole (tabac, élevage), de 9 millions Plusieurs agences fédérales assurent ces financements qui
d’habitants, il est devenu sur trois ou quatre décennies sont abondés par les États et des investisseurs privés. Le
l’un des Etas les plus prospères. A partir d’une base in- plan de relance se propose de les stimuler afin de rattraper
dustrielle solide (textile, automobile), l’économie s’est les retards accumulés au cours des dernières décennies.
diversifiée à partir de trois concentrations d’universi-
tés et centres de R&D (Triangle Park, Piedmont Triangle Tel est le cas d’EDA 2. Son principal programme octroie des
Research, et Continental Camp). Il possède le second subventions de financement des infrastructures physiques,
centre financier du pays, les cinq plus grands centres de en vue d’attirer des investisseurs privés, des entreprises et
télécommunication du monde et il est leader de produc- des affaires, de diversifier les activités économiques et de
tion de fibre optique, un secteur de 23 000 entreprises). créer des emplois. Cette administration finance aussi des
Ses universités, qui accueillent près de 80 000 étudiants, programmes d’appui aux ajustements structurels indus-
ont constitué un pôle des sciences de la vie qui offre triels ou commerciaux et à la gestion des changements
sous forme de subventions ou d’assistance technique lo-
1 «Energy Security, Innovation and Sustainable Initiative» (October 2009). cale, pour répondre à des situations de reconversion, de
voir www.compete.org. De nombreuses autres organisations ou réseaux ont
un rôle de préconisations et d’alimentation des débats. Par exemple, IEDC redéveloppement, de définition de nouvelles stratégies et
(International Economic Development Council), organisme de formation et pour aider les entreprises à exporter ou concevoir de nou-
de conseil qui regroupe une cinquantaine d’organismes de développement
les plus divers a publié «Federal Economic Development Agenda Policy re- veaux produits.
commandations for the 44th président and 11th Congrès» (IEDC, December
2008) www.iedconline.org.
L’Institute for Competitive Workforce de la Chambre de Commerce propose
La mise en œuvre de ces programmes se fait, en règle gé-
des politiques de développement des compétences, etc.
2 www.eda.gov
//  23

nérale, par le biais de « subventions par candidatures ou ture) et d’accroître les flux de capitaux en constituant des
appels à projets » (competitive grants), octroyées à des partenariats de cofinancement.
agences ou associations professionnelles en fonction :
• de lignes directrices (policy guidelines) telles que : être Ce plan inclut des programmes de financement et d’ap-
orientés vers le marché et les résultats (market and results pui technique dans de nombreux domaines : construc-
driven), disposer d’un leadership et d’une organisation effi- tion et rénovation de l’habitat, environnement, gestion de
cients, savoir anticiper les changements, chercher à diver- l’eau et assainissement, infrastructures de communica-
sifier les activités, témoigner d’un fort engagement et d’une tion, haut débit, santé et éducation, énergies renouve-
volonté de coopération, s’engager à abonder ces crédits lables et économie d’énergie, aide aux entreprises, etc. A
publics par des fonds privés (matching funds), souvent sur ces dernières – ainsi qu’aux communautés rurales - sont
la base d’un effet de levier ( x $ privés pour 1 $ public) ; proposés des prêts, des subventions et des garanties de
prêts.
• des critères tels que : (i) adopter une démarche straté- Source : www.rurdev.usda.gov
gique et une « approche collaborative » en associant des
partenaires publics et privés, (ii) afficher une composante
d’innovation et de recherche de compétitivité, (iii) attester
d’un esprit d’entreprise, (iv) assurer une durabilité des ef- 2.3 Le financement de la
fets, (v) anticiper des impacts attendus sur l’export, etc.
Des effets directs anticipés sur l’emploi (reconversion de R&D et de l’innovation
main d’œuvre, réinsertion de chômeurs et création d’em-
plois) et sur l’environnement (décontamination de friches Au niveau national, le secteur privé finance de l’ordre des
industrielles ou préservation du patrimoine) permettent 2/3 des dépenses totales de R&D (mais 80% des dépenses
d’obtenir des « bonus ». de développement) et l’Etat fédéral 28% de ce total (mais
80% des dépenses de recherche fondamentale).
EDA dispose de sept bureaux régionaux chargés de définir
les critères d’éligibilité des projets, de les sélectionner, de Plusieurs agences fédérales apportent une assistance
les valider et d’en suivre la mise en œuvre, qui est confiée technique et des appuis à l’innovation, ainsi que des aides
aux agences de développement des États ou des villes aux universités par le biais de partenariats avec des centres
ainsi qu’aux Districts de Développement Economique au d’excellence pour transférer des technologies aux entre-
niveau de comtés ou de sous-régions spécifiques. Ces prises et aux clusters locaux. Le programme des Univer-
programmes font l’objet d’évaluations régulières, dont les sity Centers d’EDA noue des partenariats avec des éta-
résultats conditionnent leur reconduction (voir Chapitre 2 blissements d’enseignement supérieur en vue d’améliorer
- annexe 1). les capacités de développement de leur zone d’influence,
notamment celles qui sont en restructuration ou ont été
La compétitivité des zones rurales sinistrées, mais aussi avec des entreprises en phase de
Le développement rural est l’un des 7 domaines d’ac- démarrage ou de consolidation. Au sein de ces universi-
tion du Département fédéral de l’Agriculture, confié à sa tés, ce programme cofinance, sur des durées de 3 ans,
Direction du Développement rural et communautaire. près de 80 centres dans 45 États. Ces derniers appuient
Cette direction supervise 7.000 employés répartis dans des projets ou des services correspondant à leurs orienta-
800 bureaux locaux et gère 40 programmes d’investis- tions stratégiques : aide au transfert de technologie vers les
sements en infrastructures, ainsi que de prêts ou sub- entreprises, ingénierie, assistance technique aux collecti-
ventions aux entreprises et aux particuliers (logements). vités locales, à des organismes privés et des partenariats
Elle offre aussi une assistance technique et des services locaux, etc. Les rapports d’évaluation des actions menées
d’appui et encourage la coopération et la coordination par ces Centres universitaires attestent de résultats positifs.
des actions entre acteurs publics et privés.
Le rôle particulier de la Small Business Adminis-
Le développement rural fait aussi l’objet d’un plan stra- tration (SBA)
tégique fédéral pour 2005-2010, dont les 2 finalités sont Créée en 1953, cette agence aide les PME (moins de 500
de contribuer à créer des opportunités économiques, salariés) à accéder aux marchés et contrats publics. Elle
d’améliorer les conditions de vie des populations (60 mil- leur apporte des informations et une assistance tech-
lions d’habitants dont 2% seulement vivent de l’agricul- nique et financière. Elle est très active en matière d’édu-
24   //

cation et de promotion de l’entrepreneuriat dans certains patients. D’autres États financent des Centres d’excellence
groupes (femmes, amérindiens, noirs, jeunes, chômeurs, cogérés avec le secteur privé. C’est le cas des Institutes
immigrés, etc.). La crise économique et financière a aug- of Sciences and innovation en Californie qui investissent
menté la demande de crédits et de services aux PME. dans les technologies liées aux changements climatiques,
Leur rôle-clé dans la reprise a conduit le gouvernement à l’énergie et aux transports, sur la base de financements
à accroître les moyens de programmes d’appui à leur fi- croisés de 1$ public pour 2 $ privés. La contribution de
nancement notamment du micro crédit, des aides de dé- l’Etat étant de l’ordre de 400 millions $/an 3.
marrage aux créateurs, chômeurs et personnes à faible
revenu, et à en confier leur gestion à la SBA. Le récent
« Job Creation through Entrepreneurship Act » contient
des dispositions de formation et d’accompagnement 2.4 Le rôle clé des uni-
conformes à cette orientation.
versités
SBA gère aussi des programmes clés dans en matière
d’innovation de l’innovation, tels que : Les universités publiques relèvent de la compétence des
• le dispositif Small Business Innovation Research (SBIR) États. Depuis le 19ème siècle, ces derniers les ont créées
- 2 milliards $ par an – sous forme de contrats commer- par dotation foncière (tradition des Land grant colleges)
ciaux - directs ou de sous-traitance - de R&D, de création et les financent. Le Bayh-Dole Act (1980) qui les a auto-
ou de développement de technologies ou de nouveaux risées à commercialiser la propriété intellectuelle de leurs
produits, avec des PME ; recherches, les a incités à multiplier leurs interventions au-
près des autorités des États, des entreprises et des milieux
• le Small Business Technology Transfer (STTR) qui fi- d’affaires pour agir sur l’innovation et le développement tant
nance des laboratoires universitaires et le Technology technologique que culturel et social et « s’engager au ser-
Innovation Programme (TIP); vice du développement régional »4. La nouvelle économie
basée sur les connaissances, les technologies, la R&D et
• le Small Business Financing Company (SBIC) qui ap- l’innovation a renforcé ce rôle et fait des universités- en tant
porte du capital risque aux entreprises en phase de dé- que ressources et acteurs – un moteur des systèmes d’in-
marrage et d’amorçage. novation régionale et du développement territorial.

SBA collecte des crédits de recherches versés par di- L’engagement des universités
vers ministères et agences, les affecte et accompagne Les modalités sont innombrables. Les Bureaux de liaison
les projets des PME via des Small Business Development industrielle sont très anciens. Ils permettent aux universi-
Centers (SBDC), « guichets uniques » labellisés au niveau tés de commercialiser et d’exploiter inventions et brevets.
local. Ses actions ne sont pas ciblées sur des régions, Le modèle du genre est celui du MIT : contre le paiement
mais sur les entreprises en démarrage ou en phase de d’une cotisation ou le recours à des aides financières
développement de produits. SBA joue de ce fait un rôle externes, les entreprises ont un accès illimité aux ser-
particulier en matière de promotion de la compétitivité vices d’information spécialisés : séminaires, newsletters,
qui a de forts impacts territoriaux. annuaires de recherches, réunions et consultations d’ex-
Source : www.sba.gouv perts, accès aux services de conseil et de recherche, etc.

Quelques États alimentent des fonds de financement de D’autres universités sont membres du Manufacturing
l’innovation, qui sont souvent polyvalents. Par exemple en Extension Partnership (MEP), réseau national de centres
Virginie occidentale, le Research Challenge Fund (4 millions d’assistance technique aux PME industrielles cofinancés
$/an, alimenté par les loteries) finance des projets qui amé- par l’Etat fédéral, les États et les contributions des clients
liorent la compétitivité par abondement des fonds fédéraux. (pour 1/3 du prix). Par exemple, l’Institut de Développe-
D’autres sont ciblés sur des secteurs correspondant aux
3 « Investing in Innovation » National Governors Association and the Pew
priorités de développement de l’Etat : l’Etat de Washington Centre of States, 2007.
alimente un Life Sciences Discovery Fund (biosciences) de 4 Les universités sont d’abord des pôles d’activités en tant qu’employeurs,
350 millions sur 10 ans et celui du Maryland un Fond de ayant des clients, des fournisseurs, des étudiants consommateurs. Elles
génèrent de façon directe ou induites d’importantes dépenses, sources de
recherches sur les cellules souches (Stem Cell Research revenus et d’emplois. L’impact de l’Université de Californie a été estimé à 15
Fund) de 23 millions $/an, ciblé sur des applications à des milliards $ avec un rendement de 3,9 $ pour chaque dollar public dépensé
dans la R&D (2002).
//  25

ment Economique (EDI) de l’Université technique (pu- Workforce Preparation and Economic Development Act qui
blique) de Géorgie a ouvert 13 bureaux régionaux, points a créé un système intégré de développement des qualifica-
d’accès, de contact et de coopération avec les PME à tions, associant les partenaires locaux de l’éducation, de
potentiel ; ils sont devenus des centres d’innovation, do- la formation, de l’emploi et du monde économique, en vue
tés d’une centaine de professionnels ayant tous travaillé de répondre aux besoins des branches, des clusters et des
dans le secteur privé. Ils aident les firmes à « accroître demandeurs d’emplois.
leur productivité et leur compétitivité » et à résoudre leurs
problèmes de tous ordres : TIC, développement de nou- Au niveau des bassins d’emplois ou des microrégions, les
veaux produits, énergie, marketing, normes et de qualité, Workforce Development boards ont pris des formes mul-
passation de marchés, recherche d’investisseurs, etc. tiples. Par exemple dans le Michigan, 13 Alliances Régio-
nales des Qualifications ont été créées. Elles réunissent des
L’Université Purdue (Indiana) gère un bureau de com- représentants des agences publiques de l’emploi et de dé-
mercialisation des technologies, un parc technologique veloppement économique, des entreprises, des syndicats,
comptant une centaine d’entreprises et un parc de dé- des universités et des organismes communautaires. Leur
couvertes virtuel constitué de « centres de recherches in- rôle est d’identifier les besoins de qualifications, d’élabo-
terdisciplinaires » qui aident les entreprises à identifier les rer des plans stratégiques pour y répondre et d’en piloter
technologies susceptibles d’être commercialisées dans la mise en œuvre dans le cadre de programmes d’actions
l’État. Elle propose des services d’expansion technolo- flexibles définissant des objectifs, des cibles, des modalités
gique et délivre des licences aux entreprises de techno- de financement et des critères de performance et d‘éva-
logie avancée. Elle accueille des startups et joue un rôle luation.
croissant dans la création d’entreprises.

Sources :OCDE Enseignement supérieur et régions 2007 ; Inno-


vation Associates Inc. www.innovationassoc.com 2.6 Les clusters
Les clusters américains peuvent avoir des dimensions ré-
2.5 Ressources hu- gionales, métropolitaines ou locales et de contenus très
variables. Ils constituent des plates-formes efficaces de dé-
maines et développe- veloppement économique régional et de renforcement des
tissus industriel local. Leur nombre varie selon les critères
ment économique : on a pu en identifier jusqu’à 700 5, dont une dizaine de «
remarquables » dans 8 domaines technologiques 6.
Au niveau des bassins d’emploi et des États, des initia- Plusieurs profils sont identifiés :
tives remarquables ont été conduites en vue de dévelop- i) Les corridors technologiques, souvent anciens (Silicon
per les compétences et qualifications et de promouvoir Valley ou Route 128 à Boston) qui se sont constitués au-
l’esprit d’entreprise. Ces démarches articulent les projets tour d’une ou plusieurs universités de renommée interna-
et les stratégies de développement économique local avec tionale ou de grands centres de R&D (pour la défense ou
les institutions d’éducation et de formation. (voir Pratiques privés) et de pôles d’excellence.
significatives 6.3 sur l’expérience exemplaire de l’Etat de
Pennsylvanie.) ii) Des régions high tech qui ont émergé plus récemment
autour de villes où se concentrent les entreprises et les
Elles reposent sur des doubles partenariats verticaux (Ser- pôles de main d’oeuvre. Les acteurs clés y sont, outre une
vice fédéral de l’emploi, États et villes) et horizontaux entre ou plusieurs universités, les agences de développement
acteurs publics et privés locaux. Ces dispositifs s’appuient des États et des métropoles, au sein desquelles coopè-
sur des dispositifs fédéraux : c’est le cas du Workforce De- rent les milieux d’affaires (business communities), parfois
velopment Act de 1998 ou du Workforce Innovation in Re- une grande entreprise implantée localement, les banques
gional Economic Development (WIRED) plus récent (2006), 5 Van de Linde, 2002.
relayés par des stratégies de États et les actions de parte- 6 Ils ont analysés avec détail dans l’étude récente de la DGE : les clusters
nariats locaux. américains : cartographie, enseignements, perspectives et opportunités
pour les pôles de compétitivité. Oct 2008 », à laquelle nous renvoyons le
lecteur. Un autre excellent rapport sur le sujet est le « Governor’s guide to
Par exemple, l’Etat de Californie a adopté un Regional cluster-based strategy for Growing State Economies » publié par l’Asso-
ciation des Gouverneurs (NGA) et le Conseil de la Compétitivité.
26   //

et les instances de recherche et d’innovation, appuyées en


amont par des dotations fédérales, en particulier en matière 2.7 De nouvelles orien-
d’investissements dans les infrastructures physiques, de
crédits de R&D et d’amorçage technologique abondés par tations pour la poli-
les aides des États.
tique fédérale
iii) Au niveau local et dans des zones rurales ou intermé-
diaires, ces clusters prennent la forme de systèmes produc- De nouvelles orientations de politiques ont été récemment
tifs locaux, de tailles plus modestes, plus diversifiés, à plus définies par la nouvelle administration. Cette ambitieuse
faible contenu technologique et pour des marchés moins stratégie nationale inclut des objectifs concernant l’éduca-
internationalisés. Ils opèrent dans « districts de développe- tion et l’environnement comme le montre le schéma ci-des-
ment économique » multi-comtés et souvent à cheval sur sous extrait du document de cette stratégie 7.
deux États- qui sont proches de nos bassins d’emploi ou
territoires de projets. Ces SPE sont gérés par des parte- Le gouvernement est aussi préoccupé par l’impact régional
nariats locaux composés d’une variété d’acteurs publics de ses programmes et souhaite en renforcer la coordination
(représentants de chaque comté ou ville et d’agences gou- pour les adapter aux besoins des territoires. Ces objectifs
vernementales) et privés (chambres de commerce, asso- à inscrire dans le budget de 2011 annonce une stratégie
ciations professionnelles, université locale). Ils s’appuient intégrée et consciente du potentiel endogène des territoires
sur des organismes techniques locaux tels que les services , qui vise à « promouvoir des politiques territorialisées » (De-
économiques ou de développement communautaire des veloping Effective Place-based Policies).
comtés et des villes, des partenaires supra-locaux ou des
agences fédérales et de l’État. Ils disposent de techniciens Selon cette conception, les programmes fédéraux doivent
et de développeurs gestionnaires de projets ou de fonds. devenir des leviers du développement et de la compétiti-
Outre la préparation et la mise en œuvre d’un plan straté- vité régionale et être ajustés dans ce sens, en redessinant
gique, les partenariats de ces Districts assurent des fonc- leur cadre politique de manière plus unifiée, en repensant
tions de coordination, d’assistance technique, de conseil, leurs rôles en vue d’aider les régions à définir et à mettre en
de prêts aux PME et de promotion et montage financiers œuvre leur propre stratégie, mobilisant une large gamme
de projets. Nombreux sont ceux qui bénéficient des sub- d’acteurs.
ventions de fonctionnement d’EDA inscrites dans son pro-
gramme d’appui aux clusters. La méthode de travail de l’administration Obama consiste
à partir de situations concrètes. Le Community Impact
Si des universités sont à l’origine du développement de lieux programme, piloté par le Vice-Président, réunit toutes les
emblématiques tels que la Silicon Valley ou la Route 128, agences afin d’identifier des démarches qui peuvent ré-
certains clusters sont nés de l’initiative d’entreprises locales pondre aux objectifs visés et d’expérimenter des actions
qui ont constitué des coalitions d’acteurs ayant abouti à la locales, afin de mieux définir la faisabilité et l’opérationna-
création de centres d’innovation ayant tissés des liens avec lité de ces programmations locales (« place-based » ou «
les universités locales et incités celles ci à s’impliquer dans place-driven »).
ces partenariats.
De nouveaux instruments sont à l’étude afin d’aider les
Le Conseil de la compétitivité, sur la base de l’expérience régions à analyser leurs ressources, à conforter leurs
des États et de certains gouverneurs très engagés dans avantages compétitifs ou à en trouver de nouveaux. Un
leur promotion, ont identifié les « conditions pour assurer programme fédéral d’appui aux «clusters d’innovation» a
aux clusters une solide fondation» : construire un système démarré avec 200 millions $ de subventions de démar-
de relations et d‘échanges entre firmes et entre acteurs, ap- rage) aux entreprises, universités et collectivités locales à
profondir les qualifications et encourager les talents, investir abonder (matching grants afin de lancer des collaborations
dans l’innovation technologique, promouvoir l’entrepreneu- et d’exercer un effet de levier sur la valorisation des res-
riat et ouvrir des priorités à l’international par l’export, les sources. Une base de données nationale sur les clusters
foires, le marketing, les échanges, les visites, etc. est en création à EDA et le gouvernement fédéral envisage
de nouveaux mécanismes afin de mieux connecter ses fi-
7 Executive Office of The President National Economic Council and Office of
Science and Technology Policy: “A strategy fro American Innovation. Driving
Towards Sustainable Growth and Quality Jobs”. Septembre 2009.
//  27

nancements à des stratégies régionales visant à stimuler et pour les territoires, le moyen déterminant pour à la fois
les innovations, et à promouvoir l’entreprenariat et la re- s’adapter à la mondialisation, en conjurer les menaces et
cherche dans les universités publiques. en saisir des opportunités. D’autres convictions partagées
On annonce en outre vouloir renforcer les modalités de portent sur les facteurs de la compétitivité régionale, sur
mise en œuvre, de suivi etd ‘évaluation des programmes le rôle central de l’innovation, moteur de la croissance et
fédéraux dans ces régions, en les intégrant aux organismes de l’investissement humain et sur le fait que le dévelop-
d’État ou régionaux de compétitivité. pement est impulsé par les changements technologiques.
En cultivant des « innovations ouvertes » on jette les bases
d’une nouvelle économie, de caractère global et durable,
basée sur la connaissance, les TIC et l’esprit d’entreprise.
2.8 Remarques conclu- Les acteurs sont mus par des conduites ou des impéra-
tifs qui semblent autant de mots d’ordre. Ils consistent à
sives capter les bénéfices de la révolution digitale, à surfer sur la
nouvelle vague d’innovation, à assurer la transition vers des
La compétitivité est l’objectif central poursuivi par les po- énergies à faible contenu de carbone et moins chères, à
litiques et les initiatives de développement économique et tirer parti des nouveaux avantages de la mondialisation tel
en premier lieu par les entreprises. La force et le succès qu’un dollar faible.
des pratiques et politiques tant nationales que régionales
mises en œuvre dans ce domaine, inspirent les remarques • Les résultats sont probants et impressionnants. Ils peu-
suivantes: vent être imputés à des caractéristiques multiples tant cultu-
• Ce thème fait l’objet d’un large consensus. La pour- relles qu’organisationnelles. La forte valorisation de l’esprit
suite de l’objectif de compétitivité est pour les entreprises d’entreprise est ancrée dans une culture de la mobilité et de
28   //

la prise de risque qui, entre autres, incitent les chercheurs à notamment au sein des clusters.
devenir entrepreneurs. L’efficacité bien connue du système
de recherche est probablement liée à l’autonomie ancienne • Les clusters d’entreprises et les pôles de développement
des universités et à leurs liens avec les États, mais aussi à la technologique reposent sur un système de relations et
possibilité de commercialiser leurs brevets et leurs services. d’échanges entre firmes et entre acteurs, qui contribue à
Ces stimulants économiques ont encouragé leurs engage- approfondir les qualifications, encourager et attirer les ta-
ments dans la région, ce dont attestent aussi les actions lents 8, investir dans l’innovation technologique, promouvoir
souvent bénévoles des leaders et des milieux d’affaires. l’entrepreneuriat et « ouvrir des priorités à l’international »
(open global priorities) par l’export, les foires, le marketing,
• Les éléments organisationnels jouent un rôle important. les échanges, etc.
Par des incitations fiscales et autres, ou en intervenant pour
compenser ou sécuriser de financements privés en ma- Bien que le développement économique ne soit pas affiché
tière de R&D, les États - fédéral et fédérés - assument de comme l’une des grandes priorités de la nouvelle adminis-
fonctions de catalyse davantage que de directions. Les or- tration, une « stratégie pour l‘innovation américaine » a été
ganismes de développement, agences ou centres d’excel- publiée et certains de ses objectifs sont inscrits dans le plan
lences, sont souvent gérés par des partenariats entre des de relance et le budget de 2010. Ce retour en force du gou-
représentants des États, du secteur privé et des universités. vernement fédéral visant à coordonner ses interventions et
Nombreuses sont les actions qui résultent de coopérations à mieux les cibler en accroissant les effets de leviers en
entre acteurs ou de réseaux d’interaction qui fonctionnent appui des stratégies des États et des acteurs privés mérite
au sein clusters. d’être suivi avec intérêt.

8 Ces talents ne sont pas nécessairement des “créatifs”. Si les travaux de


• La performance du système d’innovation américain com- Florida sur la « creative class » (New York basic Book 2008) sont souvent
porte des caractéristiques nationales, telles que le rappro- cités, sa thèse – à la mode en Europe - selon laquelle « attirer et créer une
chement marqué et permanent entre des universités scien- classe de créatifs est un facteur déterminant des dynamiques économiques
régionales » est contestée. Outre le fait que les analyses de corrélation mon-
tifiques et technologiques de qualité et les entreprises, ou trent que les régions avec de nombreux « créatifs » n’ont pas des perfor-
l’existence d’un capital risque privé (des business angels, mances très différentes des autres régions, le fait d’isoler cette variable sous
estime les forces endogènes et historiques et ne prend pas en compte la
notamment). Les fortes incitations publiques à l’amorçage multiplicité des facteurs - et les synergies entre eux – qui expliquent la réus-
technologique en faveur du capital-risque, ainsi qu’une forte site économique d’une région. Voir M.Storper and A.Scott Rethinking human
capital : creativity and urban growth. Journal of Economic Geography, 2009.
demande publique pour l’innovation, contribuent à renfor- L’article fait le même reproche à d’autres approches « mono explicatives
cer le couple nouveaux produits/- - nouvelles entreprises, » qui attribuent la croissance urbaine aux “aménités climatiques » ou à tel
autre facteur.
//  29

gestion de ses 7 programmes, comme en attestent les


Annexe 1. Un bilan des audits, rapports d’inspecteurs ou évaluation externe (voir
iii). En outre, ce rapport établi une liste d’actions diverses :
réalisations d’EDA (2001- les crédits annuels (d’ingénierie notamment) sont devenus
triennaux; les formulaires de candidatures aux projets ont
2008) été simplifiés ; les moyens de communication ont été am-
plifiés :18 émissions TV/webcasts diffusées sur le thème «
Chaque administration ou agence fédérale combine plu- Economic Development Today » à l’intention des praticiens
sieurs méthodes d’évaluation des résultats de ses pro- ; 16 numéros de la revue trimestrielle Economic Develop-
grammes. Pour EDA, nous avons identifié les 3 démarches ment America, adressés à 6.000 praticiens, une liste de
suivantes : distribution de 40.000 noms de la Newsletter mensuelle «
i) L’évaluation des programmes et des performances de EDA Update », deux concours annuels (awards) pour des
gestion (program and performance management assess- « actions d’excellence » et pour les « performances de cer-
ment) tains professionnels au cours de leur carrière » (Lifetime
Achievement), des conférences et événements incluant la
Sur la base d’une méthode établie par l’OMB (Office of Ma- tenue en 2007 et 2008 des «sommets de la compétitivité
nagement and Budget) EDA dispose d’un plan stratégique américaine», organisés par les 6 bureaux régionaux, etc.
centré sur une mission, définie en 2001 et consistant à «
promouvoir de l’innovation et de la compétitivité ». Elle est EDA est aussi intervenue activement dans le redéveloppe-
associée à des objectifs et à des critères de performance ment de certaines zones sinistrées par des catastrophes
assortis d’indicateurs, définis dans le cadre d’une loi (the climatiques, grâce à des budgets d’urgence (500 millions $
Governement Performance and Results Act), qu’EDA – en 2008). Elle s’est ouverte à l’international en participant
comme toutes les autres agences - doit renseigner. Les activement aux travaux du Comité de développement ter-
deux objectifs de performance sont : (i) la promotion des ritorial de l’OCDE.
entreprises privées et la création d’emplois (5 indicateurs)
et (ii) la capacité à aider la région à être compétitive et à iii) Les évaluations externes des résultats et des impacts
soutenir sa croissance (7 indicateurs). Selon un bilan qui EDA – comme les autres agences fédérales - comptabi-
figure sur son site internet, EDA a dépassé ses objectifs et lise ses produits (output) tels que le nombre de projets,
selon le « rating » des agences fédérales établi de façon bi- de bénéficiaires, d’entreprises créées, de prêts consentis,
partisane, elle arrive au second rang et est jugé « one of the etc. Elle privilégie deux critères de résultats (outcome): le
best managed federal agencies ». Ce qui n’a pas empêché nombre d’emplois créés (avec leur coût unitaire) et le mon-
l’administration Bush de s’opposer au réengagement de tant de co-investissements privés « abondés » (private sec-
son budget pour 2009, obtenu à la suite de pressions du tor leverage investment).
Sénat à majorité démocrate.
Ces résultats ont été appréhendés à partir de plusieurs mé-
ii) Les bilans en fin de présidence thodes, basées sur :
Il est d’usage de procéder, en fin de mandat présidentiel, à • l’observation et l’analyse des résultats d’échantillons de
un bilan 9 des actions des agences, non exempt d’une cer- projets. Les études menées dans les années ‘90 à partir
taine autosatisfaction. Au cours des 8 ans de l’administra- d’analyses input-output et de régression, avaient estimé
tion Bush, EDA dit avoir « donné la priorité aux stratégies et qu’en moyenne chaque projet générait 10 emplois directs
investissements d’ajustement et aux économies locales ou et 5 emplois locaux induits et que 1 000 $ investis par EDA
aux projets en lien avec l’export et la mondialisation et fa- générait 9 emplois, soit un coût moyen unitaire de 1.100 $,
vorisé des approches de développement régional centrées mais ces données statiques utilisées comme « des multi-
sur l’innovation, l’entrepreneuriat, etc.». Selon une mesure plicateurs de prédictions et de mesures des performances
des impacts, elle aurait, entre 2004 et 2008, contribué à », furent critiquées par la Cour des Comptes (Government
créer 350.000 emplois qualifiés avec un coût par emploi Accountability Office - GAO) et ces méthodes ont été affi-
de 2.500 $. En outre chaque dollar public investi par EDA nées.
aurait été abondé par 25 $ privés.
• les informations renseignées par les gestionnaires des
EDA aurait aussi renforcé et amélioré les méthodes de projets, mais qui sont jugées peu fiables ;
9 Sources : EDA Volume 2 Issue 1 www.eda.gov A record of Progress and
Accomplishment: 2001-2008.
30   //

• la prise en compte d’autres critères d’impacts tels que la protocole précis d’analyse d’un échantillon de 24 projets
part des investissements qui affectent l’entrepreneuriat ou financés par EDA en milieu urbain ont permis d’apprécier
lui sont corollaires (leading edge) ; leur impact et de compléter cette évaluation : en moyenne
2,7 emplois par 10 000$ investis par EDA ont été créés soit
• les bases de données des économies locales (comtés un coût unitaire de 3 800 $.
et bassins d’emplois) et le recours à des méthodes quasi
expérimentales ; Cette étude propose un outil informatique d’évaluation
continue avec plusieurs applications, y compris l’améliora-
• une dissociation des aides « proactives » (visant à pro- tion de la performance des programmes ; elle observe aussi
mouvoir la compétitivité) de celles jugées « réactives » (en que :
réponse à des situations d’ajustement ou de fermetures de • les effets de ces investissements ne se limitent pas à la
sites) et de celles qui répondent à des besoins spécifiques, création d’emplois et à l’abondement par des investisse-
afin de bien isoler les impacts selon les types de projets ments privés, mais ils influent aussi sur les taux de salaires,
et de programmes ou les profils des zones géographiques les valeurs foncières, la baisse des taux de délinquance, le
concernées. capital social ou la fiscalité locale, qui restent non mesurés ;

L’étude du cabinet Grant Thornton 10 (2008) - qui passe en • les agents d’EDA sélectionnent des projets sur la base de
revue toutes les méthodes récentes – préconise une com- connaissances tacites qui sont souvent en conflit avec les
binaison de méthodes quantitatives (analyses de régres- objectifs de performance des programmes, mais qui antici-
sion) et qualitatives de type peer review, en collectant le pent des bénéfices quasi certains bien que non mesurables
point de vue de « parties prenantes externes et critiques » et
en appréhendant des « faisceaux d’impacts ». Cette étude • ces investissements ont un rôle puissant de catalyse pour
mesure les effets des subventions d’investissements en in- attirer d’autres investisseurs sur des projets de développe-
frastructures physiques (pépinières d’entreprises, parcs in- ment local souvent plus vastes.
dustriels, bureaux, commerces, routes, ponts et transports,
équipements publics) hors des zones métropolitaines qui Des représentants d’EDA, rencontrés, sont assez scep-
représentaient au cours de cette dernière année, plus de la tiques quant à la pertinence des résultats de ces évalua-
moitié du budget d’EDA (158 sur 281 millions $). Elle porte tions : les subventions fédérales ne constituent que l’une
sur un échantillon de plus de 2 000 projets, d’une durée de des sources, jugée modeste, de financement (de 250 000
5 années, mis en œuvre au cours de la période 1990-2006. à 1 million $) des projets aidés du fait des apports complé-
En résumé, ces programmes auraient généré en moyenne mentaires des États, d’autres agences fédérales, des com-
de 2,2 à 5 emplois par 10 000 $ investis, soit un coût par tés ou des municipalités, ainsi que d’opérateurs privés, ce
emploi de 2 000 à 4 600 $. Ces résultats varient fortement qui rend difficile d’isoler et de mesurer l’impact des seules
selon les programmes, de 46 à 69 emplois pour 10 000 contributions d’EDA – en particulier en milieu urbain, et en
$ investis dans le financement de pépinières d’entreprises conséquence, d’évaluer de façon précise les programmes
(soit de 144 à 216 $ par emploi) à de 1,5 à 3,4 emplois pour et la stratégie de l’agence.
10 000$ investis dans les équipements collectifs (2.900 à
6 800 $/emploi). Des observations directes basées sur un

10 Source : Construction Grants, Program Impact Assessment Report on


Investigation and results. Grant Thornton. September 2008.
//  31
Le développe-
ment durable
//  33

Avec 17% (12% pour l’UE) de la production de CO2 et à préserver la nature, même si ceux de la Tennessee Valley
une empreinte écologique estimée à « cinq terres », les Authority, laboratoire et vitrine de la politique régionale,furent
États-Unis sont avec la Chine le principal pays pollueur désastreux pour l’environnement.
de la planète ; ils ont contribué à l’augmentation de 18% Depuis la fin du XIXème siècle, un mouvement de protection
des émissions de gaz à effets de serre depuis 1990. Les de la nature s’oppose à l’exploitation effrénée des
faibles coûts de l’énergie, la mobilité élevée, les modes ressources naturelles par les pionniers et les industriels
de consommation, d’habitat et de vie, l’étalement urbain et les conflits et procès entre ces «conservateurs de la
et la forte dépendance de l’automobile - peu économe en nature » et les «développeurs» furent permanents. Le Sierra
carburant- ont pérennisé un système de surconsommation club, puissant lobby créé en 1892,- qui fut à l’origine de
énergétique, alimenté par les énergies fossiles (87% de la création des parcs naturels est l’un de ces défenseurs
l’énergie consommée avec 51% de la production électrique intraitables de l’environnement. Il compte aujourd’hui
générée par le charbon). 1,3 million de membres. Au début des années 60 3, la
dénonciation des effets des pesticides et de la dégradation
Les derniers rapports annuels du US Global Change des milieux marins et des littoraux - contestés par des
Research et celui de l’Agence fédérale de protection de lobbies industriels - provoqua un vaste débat, d’où naîtra
l’environnement (EPA) 1 font état de quelques améliorations le mouvement écologique moderne (Greenpeace, Amis de
sensibles (sur les émissions de polluants ou les pluies la terre, etc.). Ces associations vont influer sur l’éducation
acides), mais les niveaux de pollution de certaines villes et les comportements des citoyens, incités à pratiquer le
restent alarmants et affectent la santé et la qualité de vie tri sélectif des déchets et à participer à la protection et à
des habitants. 2 l’entretien des espaces verts ; mais peu enclins à remettre
cause leurs comportements de surconsommation d’énergie
Les États-Unis ont cependant une longue tradition de abondante et bon marché et l’American way of life.
protection des espaces naturels. Le premier parc naturel
fut créé en 1872 et le Bureau des parcs - qui surveille et Les États-Unis furent le premier pays à légiférer en 1948
administre les 331 sites protégés - date des années 1910. et 1955 en matière de contrôle de la pollution des eaux et
Une large partie des grands travaux du New Deal a consisté de l’air. En 1963-64, le gouvernement fédéral promulgua
1 Annual Report on the Environment, 2008, EPA 3 Ouvrages de Rachel Carson, « mère » du mouvement écologiste améri-
2 Annual Report on the Environment, 2008, EPA et The clean economy cain moderne, dont le livre manifeste « Printemps silencieux » vient d’être
report The Pew Charitables Trusts, Juillet 2009. republié en français, Ed. Wildproject
34   //

plusieurs lois (clean air, water pollution control, wilderness) novateur est le programme quinquennal de création de
dont s’inspirèrent les pays européens. En 1970, le National Centres de transferts de technologies avancées (Advanced
Environnement Act imposa des normes strictes, des études Technology Transfer Centers) en matière d’usage et
d’impacts et créa un premier marché des droits de pollution. d’économie d’énergie, en lien avec la SBA. L’EPA est aussi
EPA4 , chargée de mettre en œuvre cette politique, fut créée associée au programme « Rural Energy for America » du
pour faire appliquer ces normes et gérer de nombreux Département de l’Agriculture.
programmes.
Des débats et actions permanents impulsés par de
La notion de durabilité (sustainability) est cependant puissantes ONG de protection de l’environnement et
peu utilisée dans le vocabulaire des politiques. On parle relayés par des initiatives de fondations ou de personnalités
d’environnement, d’économie verte* ou d’économie (Clinton Climate Initiative, propositions d’Al Gore, etc.)
propre*. Les débats en cours portent d’abord sur ont fortement incité les États et les villes à accroître leurs
la réduction des émissions, sur les économies et la efforts souvent remarquables et c’est à ce niveau que des
substitution des sources d’énergie. Mais ils sont l’occasion politiques actives en faveur de l’environnement – sinon de
d’envisager la transformation des modes de production et la durabilité - ont été conduites.
de consommation, comme l’illustre le succès de la notion
de smart growth* (croissance intelligente ou futée).
3.2 Les politiques
3.1 Les politiques environnementales des
fédérales : le rôle de États
l’Agence de Protection En dépit d’un manque d’intérêt politique et d’investissements
du gouvernement fédéral, l’économie verte et l’énergie
de l’Environnement propre ont fortement progressé dans plus de la moitié
des 50 États et y révèlent de très fortes potentialités de
Pour défendre les intérêts des États fédérés charbonniers croissance. Entre 1998 et 2007, la seule filière de l’énergie
et pétroliers et des compagnies et lobbies de ces secteurs, propre aurait généré 770 000 emplois, - soit 9% de
l’administration Bush a longtemps refusé de prendre croissance contre 3,7% pour le total des emplois - et 68 000
des mesures nationales pour contrer les changements nouvelles entreprises. Le montant de capital risque investi
climatiques, de signer le Protocole de Tokyo et de valider au cours de années 2006-2008 aurait atteint 12,57 milliards
la loi californienne de réduction des émissions. L’EPA $ 5. Ces évolutions confortent le sentiment que la protection
a assoupli ses normes (par exemple de pollution par les de l’environnement et le développement économique ne
automobiles) à la demande des fabricants et a été assigné sont plus des choix incompatibles et antagonistes. Dans
devant la Cour Suprême par plusieurs États. La hausse des une enquête récente sur les priorités des gouverneurs
prix du pétrole brut a inspiré une loi « d’indépendance et en matière de développement économique, l’option de «
de sécurité énergétique ». Elle visait à la fois à réduire les construire une économie verte » était citée par 40% d’entre
consommations et les dépenses d’énergie, à diminuer les eux.
émissions produites par les sources d’énergie fossiles et à
améliorer l’efficience énergétique dans plusieurs secteurs Les gouverneurs ont donc pris la mesure des enjeux et leur
d’activité. Ses effets sont jugés décevants. Le « green association déclarait en 2007 « que l’ère où nos moteurs
job act » géré par le Département du Travail qui permet économiques étaient alimentés par de l’énergie bon marché
de financer des formations à ces nouveaux métiers fut est révolue et qu’ils sont conscients que la consommation
intégré dans cette loi. La hausse des taux de pollution a d’énergie fossile des américains a de graves impacts sur les
aussi conduit le gouvernement précédent à faire adopter changements climatiques globaux » 6.
en 2008 une loi sur la prévention des effets des brouillards
de pollution. Certaines de leurs initiatives sont collectives au niveau
de grandes régions. C’est le cas de la Regional Green
Avec des moyens financiers réduits, mais 18 000 agents, house Gas Initiative créée en 2003 par le gouverneur du
10 bureaux régionaux et 27 laboratoires d’analyse, l’EPA a Massachussetts et 9 autres gouverneurs d’États du Nord
poursuivi ses missions de réglementation, de contrôle et de Est et Centre Atlantique – 10% des émissions totales de
gestion d’une vingtaine de programmes d’aides financières. carbone - pour stabiliser puis réduire de 2,5%/an celles
Quelques uns ont des impacts territoriaux directs : produites par les centrales thermiques. Des initiatives
dépollution de terrains industriels, appui aux communautés voisines ont été prises par les États du MidWest (Mid
confrontées à de graves problèmes environnementaux, Western Regional Greenhouse gas reduction Agreement)
cofinancement de projets innovants des États, etc. Le plus 5 The Pew Charitable Trust. The clean Energy Economy, Juin 2009.
4 www.epa.gov 6 Idem
//  35

et par ceux de l’ouest (Western Climate Initiative). PME, une base de données des normes ou des logiciels
basés sur un SIG qui permet de suivre les impacts de
Un État pilote : la Californie la consommation d’énergie et de l’occupation des sols.
Il fait figure de pionnier. Il fut le premier État à avoir Ces politiques sont aussi tournées vers les consommateurs
promulgué une loi sur le contrôle de l’air en 1947. Sa qui sont activement informés et peuvent bénéficier
forte dépendance (80%) du pétrole et du gaz, l’a incité de réduction de prix sur des achats d’équipements
depuis trois décennies à réaliser de façon systématique économes en énergie. L’Etat, dans un « blueprint plan
des économies d’énergie en renforçant les normes de », aide les collectivités locales à développer des plans
consommation des véhicules à moteur et des appareils, d’urbanisme à long terme, qui articule le développement
à s’engager dans la production de sources d’énergies des transports et celui des logements.
renouvelables (éolien et solaire) et, dans tous ces
domaines, à investir dans la R&D et les technologies. Les résultats sont probants : la consommation moyenne
d’énergie par habitant est restée stable sur 30 ans alors
Cette politique est été impulsée par la Commission de qu’elle augmentait de 50% en moyenne nationale. Cet
l’énergie en partenariat avec de nombreux acteurs et Etat est pris comme modèle à imiter par le Président
en particulier avec les entreprises et les universités. Un Obama qui soutient que « ce que la Californie a fait, tout
Energy action plan, fut élaboré en 2003, révisé ensuite à le pays peut le faire ». (Discours lors du Jour de la terre,
plusieurs reprises. 2009).

Une abondante législation a été promulguée et de La Californie est aujourd’hui leader dans ces deux
nombreux programmes adoptés pour assurer la mise en segments de « l’économie verte » que sont les économies
œuvre de ces lois et normes. d’énergie et les énergies propres, mais aussi dans les
technologies de purification de l’air, la production de
Dès 1971, des normes de réduction de la consommation matériel économes en énergie – et des technologies
et de la pollution par les moteurs automobiles avaient qui s’y rapportent – ainsi que du financement et de
été définies. Une loi plus récente (Motor Vehicle GHG l’investissement (en particulier en capital risque) dans
Standards) prévoyait une réduction de 36,5% des ce secteur. Six milliards de $ d’investissements ont été
émissions des moteurs des véhicules légers avant 2016, réalisés dans cette filière en 2008. Cet Etat est en tête
et onze autres États étant disposés à adopter la norme pour le nombre de brevets, en majorité dans l’éolien et
californienne. Mais elle fut contestée par le gouvernement les batteries. On y compte aujourd’hui 100.000 emplois
fédéral après le vote d’une loi fédérale, dont l’objectif verts.
n’était que la moitié de ce taux.
Source :The clean energy economy (op cit) - www.energy.ca -
En 1997, un programme de recherche (Public Interest www.consumerenergycentre.ca - www.gosolarcalifornia.ca.gov
Energy - PIER) de 587 millions $ sur 10 ans fut lancé
pour stimuler le développement d’entreprises dans les Les politiques des États consistent dans l’adoption de
technologies de l’environnement, complété en 2006 par réglementations et normes, plus contraignantes que celles
une initiative en faveur du solaire (40 millions $ de R&D d’EPA et dans le vote de lois qui fixent des objectifs de
sur 10 ans). Il consistait à abonder les investissements réduction des émissions ou de pourcentages de recours
privés dans ces domaines et à aider à la création de à des énergies renouvelables (15% en 2015 au lieu de
nouveaux marchés. 2020 ailleurs au Nouveau Mexique par exemple). Les États
se sont engagés dans des campagnes d’information et
En 2006, la loi Global Warning Solution Act – qui inspirera ont inscrit dans leurs budgets des crédits d’impôts aux
le Clean Air Act de juin 2009 – avait fixé la norme – entreprises et aux ménages qui investissent dans les
adoptée par de nombreux autres États- de réduire les économies d’énergie.
émissions de CO2 de 15% du niveau de 2005 avant
2020. Les programmes qu’ils proposent consistent en :
• des investissements élevés en R&D, soit dans des fonds
Un programme de développement des communautés de développement des technologies « vertes » pour les
(California development programme) de 10 millions $, entreprises innovantes (comme le Connecticut Innovation
finance 495 projets gérés par 59 agences portant sur Clean Energy Fund, ou le Power Fund de 100 millions $
l’isolation de bâtiments et notamment des écoles, les de l’Etat d’Iowa), soit dans des Centres d’excellence qui
énergies renouvelables, des équipements de retraitement cofinancent des projets d‘innovation et des transfert de
et le tri sélectif des déchets. technologie mis en œuvre dans le cadre de partenariats
avec les entreprises et universités (programmes Fuel Cell
De nombreux outils ont été conçus pour faciliter la mise en Ohio, Technlogy collaborative au Massachusetts, Next
en œuvre de toutes ces actions, tels qu’un guide pour les Energy center au Michigan, Ben Franklin partnership en
Pennsylvanie, etc.) ;
36   //

• des crédits d’impôts aux entreprises et aux ménages • des incitations pour créer des marchés et accroître la
pour encourager des investissements qui économisent demande.
l’énergie ;

Croissance des emplois dans le secteur des énergies renouvelables, par Etat

Nombreux sont ceux qui étendent à l’environnement à la loi d’indépendance et de sécurité énergétique de 2007.
les dispositifs en faveur de l’innovation et disent « miser
résolument sur les green tech ». Ils le font en alimentant des Les maires de 20 métropoles, dont New-York, avaient
fonds et en lançant de multiples programmes d’aides. De annoncé en 2007 une action commune pour mesurer les
nouveaux clusters se sont créés dans ces filières. émissions de CO2 et rechercher des réponses conjointes
(Carbon disclosure Project). Lors du dernier congrès des
maires (US Conference of mayors), en avril 2009, 30 maires
3.3 Les initiatives des de villes totalisant 80 millions d’habitants se sont engagés
sur un objectif de réduction des niveaux de pollution et de
grandes villes retour au niveau de 1990, soit une baisse moyenne de 7%
avant 2012 (Mayor’s Climate Protection Agreement).
Depuis les années 80, les actions locales en faveur de
l’environnement se sont multipliées à l’initiative souvent De nombreuse métropoles ont élaboré des stratégies
conjointe des élus et des ONG environnementales. Les ambitieuses de développement durable et sont devenues
associations et congrès annuels de maires ont joué un rôle des laboratoires d’innovation. C’est le cas de Los Angeles
de mobilisation et d’annonces suivies d’effets. Par exemple ou de Portland, mais aussi de tant d’autres villes où ces
lors la première conférence de maires de grandes villes à stratégies sont, soit d’initiative municipale et inscrites dans
Irvine (Californie) a en 1989 à été annoncée l’interdiction des plans locaux (cas de Chicago), soit résultent de l’action
des chloro-fluo-carbures (CFC). Un réseau de « Cities for d’acteurs locaux (la Chambre de Commerce et les milieux
climate protection », s’est créé en 1993 qui a animé de d’affaires pour Kansas city). Des fondations en cofinancent
nombreuses campagnes d’information. les projets, telle la Climate Work Foundation qui a reçu un
don de 1 million $ des familles Hewlett et Packard.
Dès le début des années 90, des villes et comtés engagés
dans ces réseaux ont élaboré les premiers « plans climat »
ou des plans d’économie d’énergie, qui se sont largement
diffusés ces dernières années, avec l’appui de subventions
globales octroyées par les programmes fédéraux associés
//  37

L’exemple de Chicago
La ville a adopté en 2001 une stratégie globale de «
3.4 Les communautés
développement et d’urbanisme vert » qui se déploie dans
plusieurs plans d’action. Un plan d’économie d’énergie
vertes et le rôle des
et d’énergie renouvelable basé sur le développement
du solaire, affichait une liste de mesures d’économie
réseaux
(energy efficient retrofits) et un objectif de consommation Le développement durable – dans ses visions, aspirations
de 20% d’énergie renouvelable en 2020. Il prévoyait des et résultats des politiques et des engagements de
changements de consommation dans les transports citoyens - se concrétise dans les réalisations locales d’une
publics (green fleet) et un programme de dépollution multitude de « communautés vertes » ou éco quartiers.
(clean fuel fleet), des actions d‘éducation et de formation Ces réalisations constituent des milieux innovateurs, en
des citoyens en matière de construction et de travaux matière d’environnement et de consommation modérée et
d’économie d’énergie, incluant la définition de nouvelles alternative d’énergie, mais aussi des laboratoires en matière
normes de construction. Pas moins de 31 mesures de construction écologique, d’agriculture biologique et
favorisaient l’utilisation de bicyclettes. Un autre plan sur d’urbanisme, mais aussi de modes de vie et de planification
10 ans de réhabilitation des logements sociaux (public et de gestion urbaine. Portées par des alliances entre
housing) lié à celle des autres logements de leur quartier élus - notamment des villes petites et moyennes - et des
fut mis en œuvre. associations, ces initiatives sont appuyées et diffusées par
de multiples réseaux internationaux ou nationaux de villes,
En 2004, un nouveau plan d’action environnementale tels que :
fut lancé, qui inclut la plantation ou le remplacement de
400 000 arbres, permettant la création de 200 emplois. i) Le réseau « Cities for Climate Protection » est à l’origine
Un service « Greencorp Chicago » offre des formations, du mouvement International Local Governement for
a ouvert des ateliers de distribution de plantes et de Sustainability 7, associé au Programme de l’ONU pour
pousses d’arbres et organise des actions bénévoles. l’environnement, qui est le promoteur des Agenda 21 ; 545
de ses 1.089 membres sont des villes américaines (10 villes
Des mesures d’appui aux entreprises des secteurs de françaises y participent).
l’énergie et de la construction sont aussi proposées. Un
plan climat a été aussi mis en œuvre, présenté comme ii) Le réseau américain des villes en transition (transition
pilote. Toutes ces mesures ont été évaluées et ont permis cities) né au Royaume Uni et en Irlande et qui se diffuse
de préparer un « guide de mise en œuvre d’une stratégie actuellement en Europe ; il vise à promouvoir des formes
de conservation et de gestion efficiente de l’énergie », de développement durable. Comme les adhérents du
paru en février 2009, qui tire les enseignements de ces mouvement Smart growth*, ces villes souhaitent passer
initiatives en formulant à l’intention du prochain plan - d’une économie très dépendante de l’extérieur (en matière
et de ceux d’autres villes - des recommandations pour d’énergie, de production alimentaire ou d’emplois) à
affiner une telle stratégie. Son élaboration est appuyée un développement plus endogène et autocentré en «
par une subvention globale du Département fédéral de relocalisant » des activités et en valorisant les ressources
l’Energie (USDOE). locales et les aménités environnementales.
Sources : www.cityofchicago.org - Chicago Guide to completing iii) Le réseau des Eco-villages des Amériques 8, qui fait partie
an Energy Efficiency and conservation strategy, 2009: www.
d’un réseau international né en Finlande. Il compte une
chicagoclimateaction.org - USDOE : www.eecl.energy.gov et
centaine de membres aux USA qui s’engagent à respecter
www.eere.energy.gov
une «charte de la terre», peuvent obtenir un label du respect
Kansas City : un partenariat local pour la des critères écologiques et – pour les éco-communautés
protection climatique – la norme de certification «energy and environnemental
Coordonné par la Chambre de commerce de design» (LEED) ou le label «neutre en carbone».
l’agglomération, il regroupe 168 membres - entreprises,
organismes publics, universités et associations - qui iv) Le réseau des 40 villes qui se considèrent comme les
s’engagent à promouvoir la réduction des émissions leaders en matière de gestion du changement climatique
de gaz à effet de serre (de 18,7% avant 2020), tout (40 cities climate change leadership)9;
en améliorant la compétitivité des entreprises et de la
métropole, « en exploitant les opportunités et ressources v) Le réseau « Smart Growth *»10 qui anime le débat sur
existantes et «la richesse des relations entre entreprises, ce thème et cherche à combiner la recherche de la qualité
employeurs, consommateurs, fournisseurs et employés 7 www.icleiusa.org et www.iclei.org
». L’ambition est de faire de l’agglomération une « région 8 www.ena.ecovillage.org et www.greenecocommunitird.com
verte ». 9 www.c40cities.org
Source : www.kcchamber.com 10 www.smartgrowth.org
38   //

de vie et de la qualité des lieux (quality of places), comme


facteur d’attraction économique et de mise en œuvre des
3.5 La nouvelle
principes de développement durable.
politique de
vi) Le réseau des « Cool cities »11, promu par l’ONG Sierra
Club, incite des communautés locales à inventer de
l’administration Obama
nouveaux cadres de vie et de travail pour attirer des talents La profusion de propositions et les premières décisions et
et des compétences et à observer des principes rigoureux. réalisations attestent d’une « gestion en action » ou « en
L’Etat du Michigan a lancé un concours pour inciter ses train de se faire »15. Cette nouvelle orientation annonce un
villes à devenir une « cool city », les gagnants reçoivent tournant politique important – au niveau fédéral - qui devrait
10 000 $ pour préparer et lancer un « smart growth* plan conforter et amplifier des mesures et initiatives locales et
» et pourront plus facilement accéder à la centaine de des États évoquées plus haut. Nombreux sont ceux qui
programmes de l’Etat pour mettre en œuvre un tel plan. l’interprètent comme une « stratégie d’aiguillage »16 du pays
dans la direction d’un développement durable ou de la
vii) Le mouvement « slow city »12, né en Italie en réaction transition vers une nouvelle économie. Elle s’accompagne
contre l’implantation des restaurants américains de fast d’un déluge de recommandations et préconisations
food13, et qui se diffuse aujourd’hui aux États-Unis. Il adressées au président et qui ont le mérite d’animer un
consiste à promouvoir une qualité de vie urbaine combinant débat permanent17.
des formes de développement durable, une nourriture saine
et un rythme de vie plus lent et anti-stress. Pour résister à L’administration Obama a annoncé et a commencé à mettre
l’uniformisation des modes de vie, il préconise la valorisation en œuvre une politique ambitieuse et très décentralisée sur
des traditions locales, y compris culinaires et alimentaires, les territoires. Elle vise à répondre à la récession et à soutenir
artisanales et du patrimoine, des modes de vie conviviaux une « nouvelle croissance » de la production et des emplois
et respectueux de l’environnement, des écosystèmes tout en rattrapant – au niveau fédéral - le retard (overhauld)
et des équilibres naturels. Une charte en 54 points a été dans ce domaine. Les instruments de cette politique sont
définie en 1999, à laquelle ont adhéré de nombreuses villes en rupture radicale avec les déductions fiscales proposées
américaines parmi les 300 (de plus de 50 000 habitants) qui le plus souvent par l’administration précédente. Ils reposent
en sont membres. sur :
• des investissements publics massifs pour affronter les
viii) Les mouvements « greening the region » qui consiste à problèmes de changement climatique, de surconsommation
planter ou replanter des arbres dans les rues, les parcs ou et de gaspillage d’énergie fossile, de production alimentaire
les friches, par exemple 7 500 par an à Cincinnati ou de fourniture d’eau de qualité médiocre ou insuffisante,
ainsi que les menaces qui pèsent sur la biodiversité ;
Ces réseaux conçoivent une vision alternative et durable
des modes de vie urbains ainsi que de nouvelles méthodes • la promotion d’une nouvelle vague d’innovations
de planification urbaine et d’utilisation des technologies, technologiques, mais aussi sociales, dans divers domaines
concrétisées dans de multiples initiatives locales, y compris de l’environnement, par la stimulation de la recherche,
de nature économique, avec un fort contenu éducatif de l’entrepreneuriat, l’appui aux entreprises de « produits
et participatif. Les ONG, universités et consultants qui à technologie propre » et la structuration d’un « marché
les animent ont développé pour leurs membres ou leurs national pour ces produits » ; des alternatives en matière
clients, une riche ingénierie (guides, logiciels) et une offre de transport, de modèles automobiles ou de construction
importante de formation. On peut citer en exemples le d’immeubles devant se concrétiser par la création de
Projet «2 degrés»14 qui fournit aux collectivités territoriales nouveaux clusters dans les technologies environnementales,
des logiciels de calcul des impacts carbone et une gamme de nouvelles qualifications et d’emplois verts, notamment
d’instruments de mesure et de réduction des émissions de en matière de construction, d’entretien, d’isolation et de
gaz à effet de serre, le Center for Neighbourhood Technology rénovation des bâtiments.
qui a élaboré des méthodologies de base pour les villes et
documente toute une série d’instruments de réduction des Il est significatif que cette démarche de sortie de crise par la
émissions au niveau local ou encore la communauté de relance de projets environnementaux ne fait pas l’objet d’un
pratique sur Internet (www.americangreenjob.net). document de stratégie globale de développement durable,
11 www.coolcities.org
mais qu’elle est l’un des dimensions de la stratégie globale
12 www.planetizen.com
d’innovation pour l’Amérique (cf partie supérieure du
13 Il est issu du mouvement ‘Slow Food’ fondé en 1986 par Carlo Petrini en 15 Bruno Latour, La science en action : introduction à la sociologie des
réaction à l’émergence du mode de consommation Fast food, qui cherche sciences, La Découverte, 1989.
à préserver la cuisine éco-régionale ainsi que les plantes, les semences, 16 Selon le terme utilisé par Vittorio Hösle, Philosophie de la crise écolo-
les animaux domestiques et les techniques agricoles qui lui sont associés. gique, Ed. Wildproject, 2009.
<source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Slow_Food> 17 Voir notamment le « 100 days energy action plan for the 44th Président
14 www.project2degrees.org of the US » formulé par le Conseil de la compétitivité, déjà cité.
//  39

triangle, Chapitre 2). Les premières décisions annoncées incluant :


sont les suivantes : - une subvention globale aux États de 3,2 milliards de
• l’installation, auprès de la présidence, d’une équipe de $, pour financer des mesures d’économie d’énergie,
conseillers scientifiques et technologiques à la pointe des d’infrastructures « propres » et d’emplois verts ;
recherches et technologies environnementales, incluant - des aides aux plans climats locaux (Weatherization
deux prix Nobel ; Assistance Programme) (5 milliards de $) ;
• en juin 2009, l’adoption par le Congrès – en dépit - des garanties de prêts aux innovations
de la forte résistance des Républicains et des « États technologiques environnementales (6 milliards de $)
charbonniers » souvent démocrates – de l’American Clean devant garantir un montant de prêts de 60 milliards ;
Energy and Security Act (ACES)18 , qui reprend largement
- des provisions fiscales - financées par des émissions
le contenu du projet californien et prévoit une réduction,
de bons – (4,8 milliards de $) pour inciter entreprises
sur la base de 2005, des émissions de 17% avant 2020 et
et ménages à investir en matière d’économie
de 83% avant 2050 et relance les marchés des droits de
d’énergie et d’énergies renouvelables, et les États et
pollution ;
collectivités locales à isoler les bâtiments publics et
• l’obligation imposée dans le plan de sauvetage des financer des projets locaux d’isolation thermique ;
3 grandes compagnies automobiles, de produire des
- des crédits de recherche sur la biomasse et l’énergie
voitures électriques en contrepartie d’aides d’urgence et
thermique (2,5 milliards de $) et sur la réduction ou le
d’engagements de financements par le gouvernement
traitement des émissions d’énergies fossiles (clean
fédéral de R&D, la prise en charge des surcoûts des
coal) (3,4 milliards) ;
premiers modèles, des campagnes de « prise de
conscience des usagers et d’acceptation », ainsi que - la promotion de projets exemplaires, dont certains
d’adaptation des infrastructures (installation de stations ou lancés dans le secteur de la défense.
prises d’alimentation électrique par source renouvelable ou
hydrogène, par exemple) ; Leur mise en œuvre est confiée en priorité à l’Agence
• l’inscription dans les budgets pour 2009 et 2010 pour la Protection de l’Environnement qui renforce
d’un Fond d’incitations à l’atténuation des effets des ainsi des programmes spécialisés en matière de
changements climatiques globaux (Global Climate Change décontamination des terrains industriels et de traitement
Mitigation Incentive Fund), dont le but est de « renforcer les des substances toxiques (de 700 millions de $), de
liens entre le développement économique et la qualité de réduction des émissions liées à la consommation de
l’environnement ». Administré par EDA, qui applique ses diesel (de 300 millions de $), de subventions aux États
procédures de sélection, il cofinance une large gamme de pour le traitement des eaux (de 6,4 milliards de $) ainsi
projets (économie d’énergie, énergies propres, recyclage que d’inspection et contrôle.
et réutilisation de produits, isolation de bâtiments, etc.)
qui doivent prouver que leur utilisation a des effets directs S’y ajoutent des actions relevant d’autres Agences et
(green end-products), une fonction ou un process de programmes tels que des formations aux métiers verts
durabilité (green enhancements) ; du Département du Travail (DOL), des prêts de la SBA aux
PME, des réduction d’émissions liés au diesel du Ministère
• les mesures du plan de relance (ARRA) (voir ci-dessous).
de l’agriculture (500 millions de $), des investissements
d’agences spécialisés (tels que ceux de la Commission
L’ARRA et les programmes en faveur de des Appalaches en matière d’énergies renouvelables),
l’environnement des programmes du Département de l’Intérieur en
Ce plan de relance, dont 360 milliards $ sont affectés aux faveur des parcs naturels nationaux ou du Ministère du
États sur 2 ans, représente une formidable opportunité Trésor pour l’isolation thermique des bâtiments fédéraux
de promotion de ce secteur. « Mobiliser les crédits de (5,5 milliards de $) et de remplacement de la flotte de
ce paquet fédéral et les abonder pour financer des véhicules par des véhicules propres (300 millions de $).
investissements et de l’innovation » est la préoccupation
majeure de 53% des gouverneurs, selon une enquête Enfin des programmes complémentaires sont inscrits au
récente sur leurs priorités en matière de développement projet de budget pour 2010, tel qu’un nouveau Energy
économique. and Innovation Fund de HUD à l’usage des villes et une
extension des formations de « green jobs » par le DOL.
L’environnement constitue la troisième priorité de ce plan,
après la modernisation des infrastructures de transport et Sources:NADO News ARRA: an analysis of federal programmes
les investissements en éducation et formation. Il consiste et www.recovery.gov
en des programmes d’investissements en matière
d’énergies renouvelables et d’économies d’énergie de Parmi les principes annoncés, l’administration fédérale
l’ordre de 85 milliards $ (subventions et crédits d’impôts), s’est engagée à « montrer l’exemple » et, en s’inspirant des
pratiques significatives locales à les approfondir par des
18 www.pewclimate.org
40   //

expérimentations, avant de les diffuser. renouvellement de la flotte de 600 000 véhicules pour
réduire d’ici 2020 de 30% la consommation de carburants,
Sur le premier point le gouvernement a lancé (Directive des économies d’eau, un recyclage renforcé des déchets
du 5 octobre 2009) un vaste programme d’économie et de nouvelles clauses dans les commandes publiques. Il
d’énergie au sein de l’administration fédérale, incluant laisse aux services décentralisés toute possibilité d’innover.
l‘isolation thermique des 50 000 bâtiments fédéraux, un

Intensité des aides HUD par Etat, 2009 (Source : Internet HUD)

En matière d’expérimentation, il est proposé de tester Ces initiatives fédérales sont fortement relayées par
avant de les diffuser, des pratiques de développement des ONG, des fondations ou des réseaux nationaux
durable. Ces actions s’inspirent de pratiques significatives professionnels- tel que le US Building Council pour la
reconnues comme des modèles à analyser et à répliquer qualité environnementale des bâtiments – qui assurent
– et que les ministres concernés vont visiter. La Zone des fonctions d’information, d’éducation, de formation et
d’impact écologique (Green Impact Zone), projet développé de conseil, auprès des entreprises du BTP en matière de
dans des quartiers en difficultés de Kansas City, est l’un consommation et de technologies environnementales.
de ces premiers modèles. Des opérations de rénovation
et de construction de logements associent des formations
aux métiers verts, des mesures d’économie d’énergie et
des actions d’insertion de chômeurs. Cofinancé par des 3.6 Remarques
fonds de l’ARRA, ces initiatives s’efforcent de combiner
les diverses composantes d’un développement durable. conclusives
La consolidation et le développement de partenariats
public privé dans ce domaine comme dans tant d’autres Si les politiques de compétitivité font l’objet d’un large
sont considérés comme une condition de la réussite de consensus, celles en faveur du développement durable
ces innovations, des expérimentations et des transferts ont été marquées jusqu’à une date récente par des
d’expériences. controverses, des litiges et des conflits. La très forte
fragmentation et dispersion du pouvoir (fédéral/fédéré/
//  41

local ; exécutif/législatif) et l’intervention active des On estime que la « révolution verte est déjà en œuvre
groupes d’intérêt opposés et puissants (industriels et dans la moitié des États ». La prise de conscience du
écologistes) ont pesé sur le débat, notamment au cours caractère non durable pour l’environnement des modes
des présidences Bush. Le sentiment a été longtemps de production et de consommation y est affirmée et une «
prégnant que développement économique et protection de économie d’énergie propre » est inscrite dans leurs plans
l’environnement étaient incompatibles. Le constat courant de développement. Elle s’est traduite par l’adoption de
était que les projets d’infrastructures sont dommageables programmes d’économie d’énergie, d’investissements
à l’environnement et que la protection de ce dernier ou dans les énergies propres, de traitement des pollutions
le recours à des énergies moins polluantes induisent des des sources fossiles, de productions d’équipements
taxes et coûts jugés insupportables tant par les entreprises et de biens plus sobres en énergie. En transposant à
craignant de devoir supprimer des emplois que par les ces secteurs d’activités les méthodes de promotion de
contribuables. De ce fait, l’intégration au sein de stratégies l’innovation en usage ailleurs et en y investissant en R&D
ou de politiques des 3 dimensions du développement et en capital risque, de nombreux États en ont fait de
durable semblait problématique et irréaliste. Les débats nouveaux tremplins de la compétitivité régionale. Ils ont
centrés sur la surconsommation d’énergies polluantes ou pris des avances nettes et occupent des positions de
sur les transports induisaient en outre des programmes très leaders en matière de développement des technologies
sectoriels aux effets parfois contradictoires. environnementales dans le cadre de nouveaux clusters et
sont parvenus à enclencher des dynamiques de création
La problématique du développement durable est en fait d’emplois verts. Les États qui ont fait ces choix démontrent
traitée différemment à chacun des trois niveaux fédéral, des que développement économique et préservation de
États et local. l’environnement peuvent être pleinement compatibles.

Au niveau fédéral, le débat se déroule sous le regard de la Au niveau local, des métropoles ont pris des engagements
communauté internationale - et notamment des pays de afin de réduire les niveaux d’émissions. Elles ont élaboré
l’UE - qui attendent un engagement plus fort dans la lutte des plans climat ou d’économie d’énergie, en recourant
contre le réchauffement climatique, du gouvernement d’un à une ingénierie sophistiquée et à des instruments très
pays très pollueur qui n’a pas ratifié le Protocole de Kyoto. variés qui sont largement diffusés sur Internet (guides,
Après une période d’action très limitée par la pression des etc.). Ces démarches sont souvent conduites par des
groupes d’intérêts industriels (charbon, pétrole et gaz, partenariats où les acteurs privés ont parfois un rôle
automobile, chimie), la politique de la nouvelle administration leader. La préoccupation des décideurs locaux est de
prend un « nouvel aiguillage ». Les engagements – dans parvenir à sortir d’une approche séparée des questions
des programmes et budgets fédéraux -, de lutter contre le d’environnement et de les intégrer avec les politiques
réchauffement climatique, d’appuyer les efforts des États de transport et de logement et des mesures sociales en
en matière de technologie environnementale et les initiatives faveur des communautés (voir chapitre 4). Dans les villes
locales décentralisées sont impressionnants. La conversion petites et moyennes, les municipalités, appuyées par
de l’administration à des habitudes de fonctionnement plus des associations locales ou intégrées dans des réseaux
« verts » et les expérimentations annoncées au niveau local de promotion du développement durable, ont réalisé de
sont des signes forts. Mais l’adoption de la loi sur le climat nombreux projets de « communautés vertes » (de type éco-
avec de faibles écarts de votes (du fait de l’opposition quartier). Elles explorent aussi de nouveaux concepts (smart
d’élus démocrates des « États charbonniers ») montre que growth*, transition city, slow city, cool city, relocalisation,
les résistances restent fortes. Le lancement – dans le cadre etc.) qui postulent de nouvelles relations avec les espaces
du plan de relance (ARRA) et du budget 2010 - de très ruraux, de nouveaux modes d’occupation des sols et plans
nombreux programmes environnementaux, dont on attend d’urbanisme, autant de thèmes qui pourraient enrichir le
– selon des critères et hypothèses parfois assez vagues - débat en France.
des effets marqués sur l’emploi est une opportunité unique
offerte aux États de conforter leurs stratégies ou de lancer
de nouveaux programmes.
politiques
urbaines et
la question
métropolitaine
//  43

4.1 La question métro- gue quatre types de métropoles en fonction de la répartition


des emplois (dense, centralisée, décentralisée et diffuse)
politaine qui détermine l’intensité des déplacements de travail et la
demande de transports.
L’OCDE définit les aires ou régions métropolitaines comme
« des larges concentrations de populations et d’activités Les 100 plus larges métropoles américaines se caractéri-
économiques, pluri-municipales et qui tendent à constituer sent, en termes démographiques, par :
des aires fonctionnelles ». Elle distingue les métropoles mo- • une forte croissance démographique, de 11 millions d’ha-
no-centriques des conurbations polycentriques. Aux États bitants entre 2000 et 2009, dont 4,4 dus aux migrations
Unis, 361 zones métropolitaines sont définies selon un cri- (0,5% par an en 2000-2004 et de l’ordre de 0,8% en 2005-
tère statistique (standard metropolitan statistical areas)*. Y 2008) ;
résident 83% de la population totale. Celle de Chicago par • cette croissance a été la plus forte dans les États du sud/
exemple (9,5 millions d’habitants) recouvre 9 comtés et pas sud ouest (Southern Intermontain West), mais elle s’est for-
moins de 464 communes. tement ralentie depuis 2008 du fait de la baisse des migra-
tions internes et internationales ;
Les études sur les métropoles portent sur des sous-caté- • un changement dans l’origine des migrants étrangers sur
gories : sur les 13 mégalopoles (de 3,2 à 18,8 millions d’ha- une longue période:
bitants), sur celles de plus de 1 million d’habitants (53%
de la population totale), sur les 75 métropoles de plus de
200 000 habitants (2/3 de la population) ou sur les cent Origine des migrants 1975 2008
plus grandes villes (près de 3/4 de la population). Les orga-
nismes de planification métropolitaine (Metropolitan Plan- hispanique 19 % 43 %
ning Organisation) peuvent être créés dans des villes de
plus de 50 000 habitants. La Brookings Institution 1 distin- asiatique 9% 27 %

1Brookings Institution, Recent trends in Metro American, 2009 www. européen 62 % 13 %


brookings.edu
44   //

• une forte hausse attendue des 65 ans et plus, de 30% de Elles sont définies comme « des unités régionales de la
2010 à 2020 ; compétitivité dans une économie globale ». Sur les 27
• un ralentissement de la croissance des banlieues (de métropoles les plus productives (PIB par tête en parité de
1,7% par an en 2000 à 1,1% par an en 2008) et une nette pouvoir d‘achat) des pays de l’OCDE, 23 sont américaines,
reprise de la croissance des villes-centre (de 0,5% avant dont les 12 premières 3. Paris figure à la 18ème place. S’y
2005 à près de 1% en 2008 pour les agglomérations de concentrent notamment les activités de R&D (78% des bre-
plus d’un million d’habitants). Dans plusieurs d’entre elles vets).
(Washington, Atlanta), la croissance de la ville-centre dé-
passe nettement celle de ses banlieues. Les études de la Brookings Institution notent qu’elles ont
été affectées très différemment par la récession en cours,
Ces métropoles constituent les moteurs de la croissance selon la composition de leur base économique : les plus
économique nationale (75% du PNB) ; elles concentrent touchées par le chômage et la baisse de la production et
67% du total des emplois et 81% des emplois high tech.2 des revenus sont celles dont l’économie dépend de l’auto-
mobile, du secteur bancaire, du tourisme et loisirs ; celles
2 Les revues académiques débordent d’études sur les facteurs et les formes
de cette croissance urbaine et notamment des « villes ou métropoles glo- qui ont mieux résisté disposent d’une base plus diversifiée
bales » (Saska Sassen). Elles en analysent les divers facteurs de compétiti- où certaines activités tiennent une large place : santé, édu-
vité et de cohésion : les compétences de la main d’œuvre, l’innovation, les
aménités, les « créatifs », ainsi que des valeurs qui y seraient associées, telles
cation, énergie (pétrole) et activités militaires. Mais dans
que la tolérance, (selon Florida). On y débat du vieux dilemme « les hommes l’ensemble, les métropoles ont mieux résisté que les villes
suivent-ils les emplois ou ces derniers suivent-ils les hommes ? ».D’autres moyennes, plus touchées par la crise immobilière.
questions font l’objet de débats, tels que, par exemple : i) Si chaque ville
suit sa trajectoire de croissance, imputable à des interactions entre entre-
prises, marchés locaux des qualifications ou systèmes régionaux d’innova- Cette croissance a toutefois généré des externalités néga-
tion, quels sont les impacts des choix des décideurs et des organismes de
coordination et de transaction ? ;ii) Quel est l’impact de la division croissante tives et des coûts croissants, constatés et analysés depuis
(deepening divide) au sein de ces métropoles entre des couches sociales « longtemps ; la crise économique tend à les exacerber, ce
privilégiées et tolérantes » et une masse de travailleurs à bas salaires sou-
vent migrants, deux groupes qui s’y concentrent et ont des fonctions com-
qui appelle des solutions urgentes. Ces coûts sont d’abord
plémentaires, mais dont la division et la distance sociale entretiennent des
tensions et génèrent des coûts, qui pourraient contrarier cette croissance ? 3 OCDE 2006
//  45

économiques induits par l’étalement urbain, les besoins - par un conseil et un manager recruté par lui, - modèle
d’investissements en infrastructures de transports souvent dit du « maire faible » (49% des cas),
dégradées, et aggravés par la faible cohésion fiscale ou - par une Commission du Conseil de 3 à 7 commis-
par les liens diffus entre ressources fiscales et dépenses. saires (commissionners) qui se partagent les prin-
Ils sont environnementaux (coûts d’encombrement, pol- cipales fonctions (2% des cas tel que Portland) (voir
lution et émissions, bruits, effets sur la santé, destruction Chap 6)
des espaces naturels, etc.), d’autant que, de 2002 à 2008, - soit enfin, - en Nouvelle Angleterre notamment- par
le boom immobilier avait doublé le nombre de permis de une assemblée des citoyens (démocratie directe) qui
construire délivrés. Ces coûts sont aussi sociaux : ségré- se réunit plusieurs fois par an et désigne un maire ou
gation, insécurité, chômage, pauvreté, faible cohésion, etc. un manager.
Le taux moyen de pauvreté n’y a que légèrement progressé • Les divers modes d’élection des conseillers et du maire,
de 11,6 à 11,7% entre 2000 et 2007, mais il s’est aggravé soit par district (quartier ou ward), soit « at large » par tous
depuis et il reste très concentré sur certains groupes : les les citoyens, soit mixte et le fait que, dans une majorité de
enfants (35%,) les noirs (27%) et les plus de 65 ans (9,5%) cas, les élections sont non partisanes (c’est-à-dire sans
avec une nette croissance de la part des « travailleurs liste de partis politiques) ;
pauvres ». La pauvreté tend aussi à se diffuser des villes-
centre vers les banlieues. De même, les emplois ont ten- • Les fortes variations – d’origine historique – en matière
dance à se décentraliser et à se localiser hors des villes- de sources de revenus et de limites fiscales ou plafonds
centre, ce qui accroît les coûts de transport, la dépendance de dépenses - qui les rendent très dépendantes des États.
vis-à-vis de l’automobile et les émissions de CO2, dont 1/3 Par exemples, la ville de Boston n’a pas le droit de lever de
sont imputables aux transports urbains. taxes locales et dépend des seuls fonds de l’État ; celle de
New York peut le faire si l’État l’y autorise; de même que
celle de Colombus (Ohio), à la condition que les citoyens le
4.2 La gouvernance des confirment par référendum, etc.

métropoles • Cette dépendance n’exclut pas une forte tradition d’auto-


nomie locale qui autorise les populations à s’organiser pour
Au début du XXème siècle - et plus tardivement dans le sud se doter d’un statut municipal ou d’un plan d’urbanisme.
- les villes cessèrent d’annexer les quartiers périphériques En conséquence, dans les territoires de certains comtés,
aux territoires communaux. Des « plans urbains régionaux existent des espaces « non incorporés » dans des munici-
» (à Chicago, puis New York, etc.) furent conçus pour gé- palités et gérés par les comtés ; les citoyens d’un quartier
rer des activités communes se déployant sur des « zones ont le droit, s’il est approuvé par référendum, de se retirer
fonctionnelles » recouvrant souvent deux ou trois États. d’une commune en jouant sur des disparités spatiales et
Des « autorités métropolitaines » en matière de transports, sociales, souvent pour des raisons fiscales4;
furent créées, après que le Congrès, ait fait de leur création
une condition pour percevoir des fonds fédéraux. Mais la • Le gouvernement fédéral ne finance pas les organismes
gouvernance métropolitaine reste extrêmement fragmen- de planification, mais la loi - fédérale ou de l’État - doit les
tée, surtout dans le Nord-Nord-Est, et souffre de l’absence autoriser.
d’une autorité aux compétences appropriées.
• L’explosion en milieu urbain du nombre de « gouverne-
Ces difficultés sont accentuées par plusieurs caractéris- ments privés ». Ce terme désigne les organismes asso-
tiques ou évolutions qui contribuent à freiner les recom- ciatifs de résidents (association-governed communities)
positions territoriales, ainsi que les coopérations entre – 320 000 en 2006 contre 70.000 en 1980 _ , telles que
municipalités au sein des métropoles et à entretenir une des associations locales de propriétaires de logements,
dispersion des pouvoirs: des associations de copropriétaires ou des coopératives
d’habitations qui interviennent aussi dans la gestion des
• Les quatre différents modes d’administration des villes espaces publics, ainsi que des Associations de districts
qui sont gérées soit : commerciaux (Business Improvement Districts) qui gè-
- par un « maire fort » dominant un conseil de 5 à 9
4 voir, en français, les travaux de S. Body-Gebdrot, de C Góra Gobin, (no-
membres (43% des cas et 20 des 30 plus grandes tamment La ville américaine, Nathan Université 1998), de C Jacquier sur les
villes), quartiers en difficultés et de Jacques Donzelot ; en anglais, se rapporter à
ceux de la Brookings Institution.
46   //

rent des services d’entretien, de sécurité, de signalisation, tous les employés, y compris les policiers, à Atlanta, forte
d’éclairage eu d’information et organisent des événements hausse des contributions sociales des employés pour com-
promotionnels ou culturels. penser la hausse des dépenses sociales sur les salaires à
Kansas City5, etc.

4.3 Fiscalité et dépenses Les États-Unis n’ont donc apporté que des réponses par-
tielles à la question de la gouvernance métropolitaine, mais
des métropoles et crise des orientations sont assez nettes. On peut identifier trois
modes - dont certains déjà anciens - d’évolution.
financière
i) Le mode formel
Les sources de revenu des métropoles américaines étaient Les fusions (amalgamation or consolidation) entre la ville-
les suivantes (moyenne, en 2005) : centre et le comté quand ces deux espaces tendent à se
- subventions fédérales : 3,7% ; confondre, afin de supprimer un niveau d’administration.
- subventions des États : 36% ; Elles consistent à cumuler et à fusionner les compétences
- impôts locaux : 55% (dont 26% en taxes foncières) ; de chacun des deux niveaux. Elles sont peu nombreuses
- revenus de services ou redevances (users fees) : 15%. (33 sur 3.070 comtés) mais concernent de très grandes
villes (San Francisco, Kansas City, Bâton Rouge, Denver).
Au cours des années 2000-2007, elles ont été confrontées Le processus de fusion est lent. Il doit être approuvé par
à plusieurs problèmes : une crise des recettes fiscales en referendum (les 3/4 des propositions ayant été rejetés au
2000-2004, une forte croissance des dépenses en infras- cours de la dernière décennie) et confirmé par le vote des
tructures, sécurité et les charges sociales des employés, Conseils d’élus. Les raisons qui les justifient sont la re-
une croissance plus lente des ressources fiscales locales, cherche d’efficacité, l’amélioration et l’élargissement de la
des tensions sur les budgets et sur les subventions dans base fiscale et des plans d’urbanisme, ainsi que les éco-
certains États. nomies budgétaires, ce que confirment – mais dans le
court terme seulement - les évaluations des effets de ces
Des solutions furent préconisées, visant à exercer des fusions6. Quand ces fusions sont rejetées, s’opère sou-
pressions des lobbies pour augmenter les subventions des vent une répartition des compétences entre ces deux col-
États, diversifier les sources de revenus, accroître les re- lectivités territoriales, jusqu’à adopter le nom double (par
devances (fees) et taxer les transactions commerciales par exemple, Miami-Dale County). Un phénomène d’« annexion
internet. Ces orientations restent valables et, pour les deux de pouvoirs » est également observé, aux termes de la-
dernières, assez novatrices. D’autres innovations fiscales quelle la ville-centre est autorisée par l’État à absorber de
ont été introduites pour financer les investissements publics façon formelle ou non, des communes périphériques et à
et les opérations de renouvellement urbain. En complément y exercer des compétences. Sur le dernier demi-siècle, les
du recours aux partenariats publics-privés, des Tax Incre- 4/5 des métropoles (plus de 500 000 habitants) ont aug-
ment Financing (TIF) ont été créées qui consistent à émettre menté leur périmètre de 10% et plus.
des obligations du trésor garanties par l’accroissement de
revenus fiscaux ou autres, espérés de ces investissements ii) Le mode fonctionnel
ou des rentes ainsi créées. Quand ces consolidations s’avèrent impossibles, les élus
s’orientent vers des formes de gouvernance commune, de
Ces innovations sont encore plus à l’ordre du jour dans nature fonctionnelle, dont le prototype est la Metropolitan
le contexte actuel des crises financière et économique. Planning Organisation qui est une agence de planification
Celles-ci ont remis en cause ces équilibres souvent fragiles métropolitaine intercommunale. Au nombre de 384, elles
et ont creusé les déficits. Comme pour les États, ces crises sont créées par la loi et assurent la planification et la ges-
se traduisent par des fortes baisses de revenus et par des tion de services communs à une aire métropolitaine, le plus
coupures spectaculaires dans les dépenses de personnel souvent en matière de transports, de planification urbaine
– qui représentent de 60 à 80% des dépenses publiques ou d’environnement. Elles sont donc spécialisées bien que
locales : 4 000 employés municipaux licenciés à New-York quelques unes évoluent vers des organismes stratégiques
et 1 200 à Los Angeles, 16 jours de congé non payés pour et multifonctionnels, dont Metro Portland (Orégon) offre un
les 3600 employés non syndiqués à Chicago, semaine de
36 heures avec réduction proportionnelle des salaires pour 5 Etude Philadelphia Research Initiative, Pew Charitable Trust
6 www.nlc.org
//  47

bon, mais rare exemple (voir chapitre 6). et de tourisme. Le partenariat n’est pas toujours égal et
certaines de ces agences sont dominées par la « business
Le mode informel community » locale. C’est le cas de Chicago Metropolis
Ce mode consiste à créer des instances de concertation 2020, une alliance de 100 leaders locaux des affaires qui
entre acteurs, sur une base volontaire mais régulière, pour s’engagent à intégrer les stratégies de développement et
débattre, partager des informations et recherches des de localisation de leurs entreprises dans les plans d’utilisa-
accords sur des sujets d’intérêt commun. Ces instances tion des sols, de planification des logements et des voies
prennent les formes de structures de coopération inter- de communication.
communale, de partenariats publics-privés, ou d’instances
ad hoc qui réunissent non des organismes mais des lea- Les organismes intermédiaires de gestion des marchés
ders locaux. régionaux et locaux du travail (local market intermediaries)
sont un autre exemple. De statut public, privé ou mixte,
i) les coopérations intercommunales prennent des formes avec ou sans but lucratif, ils sont gérés par des conseils
multiples : de représentants d’organismes publics et privés et sont
• Les « caucus de maires » qui sont des réunions régulières, financés par les États et les entreprises. Ils assurent les ser-
souvent annuelles, où sont débattues des questions d’inté- vices de l’emploi et de la formation habituels, mais aussi de
rêt commun. Celui du Chicagoland réunit par exemple, de- transports et de garde d’enfants aux demandeurs d’em-
puis 1997, les maires des 272 municipalités des 6 comtés ploi. Ils ont des fonctions d’information, de veille, de coor-
qui composent la métropole. dination et de gestion prévisionnelle des emplois et des
• Les conseils ou associations de gouvernements (locaux) qualifications.
sont des assemblées intercommunales d’une métropole
(15 membres à Washington DC, par exemple) qui débattent On peut citer en exemple
des questions communes, mais n’ont qu’un rôle consul- le Milwaukee (Wisconsin) W2, le Right place programme de
tatif. Par exemple, Minneapolis Metropolitan Council, qui Grand Rapid (Michigan), le Los Angeles County Workforce
regroupe les collectivités locales, a défini trois axes de dis- Preparation and Economic Development Collaborative ou
cussion : la planification commune et la coordination des le dispositif de Pennsylvanie (voir Pratiques significatives,
politiques d’infrastructures de transport et de traitement Chapitre 6.3).
des eaux usées ; une concertation sur l’offre de logements
abordables pour les ménages à faible revenu et une pla- S’y ajoutent les agences régionales du logement (Regional
nification urbaine s’inspirant des principes de la « smart Housing Corporation et Regional Housing Trust). Ces orga-
growth* » permettant une gestion coordonnée des réserves nismes mixtes sans but lucratif construisent, cofinancent
foncières et des parcs et sentiers. et gèrent des logements à des prix abordables et ont des
fonctions d’information et de veille des marchés locaux du
• Les conseils régionaux, créés en 1960, sont des as- logement et du foncier, telle la Bridge House Corporation
sociations de collectivités locales, qui fournissent à leurs California qui gère 11 000 logements sociaux.
membres des services de gestion des programmes fédé-
raux ou des États, de conseil, d’assistance technique et iii). Ces modes de gouvernance informelle incluent aussi
d’ingénierie, de gestion fiscale et de planification. La moitié des initiatives d’acteurs privés qui exercent des fonctions
des 384 Metropolitan Planning Organisation sont intégrés à de conseil et d’expertise. Par exemple l’Alliance pour une
ces Conseils et ont les mêmes périmètres qu’eux. guidance régionale7 (regional stewardship) est un mouve-
ment de leaders régionaux qui apportent des réponses
ii) Les partenariats public-privé sont la forme de gouver- aux problèmes posés par la fragmentation et l’isolement
nance de nombreuses agences de développement écono- des autorités locales, ainsi que par les superpositions ou
mique des « grandes (Greater) villes » (villes-centre et péri- les enchevêtrements des compétences et des limites ad-
phéries) reposant sur des alliances entre les municipalités ministratives. L’alliance vise à multiplier et à faciliter les
et le milieu local des affaires (chambres de commerce ou coopérations entre collectivités locales (comtés et villes no-
associations professionnelles) ; le leader en est souvent le tamment), mais aussi entre domaines d’activités au niveau
maire « fort » de la ville-centre. Ces agences furent souvent régional ou métropolitain; elle définit les principes d’une «
les maîtres d’ouvrage des spectaculaires opérations de gouvernance nouvelle, ouverte, inclusive et basée sur la
renouvellement des centres-villes ou des anciennes zones codécision » qui doivent inspirer les actions des décideurs
portuaires transformées en espaces de loisirs, de culture
7 www.regionalstewardship.org
48   //

publics et des « leaders civiques ».


4.4 Les politiques fédé-
Quid des villes petites et moyennes ?
Loin des débats sur la gouvernance métropolitaine, la di- rales de développement
vision et articulation rural-urbain8 (urban rural divide) ainsi
que les options de développement des villes moyennes urbain et communau-
sont une autre préoccupation constante des politiques
de développent urbain. La plupart de ces villes se sen- taire
tent peu concernées par les stratégies d’adaptation à la
mondialisation et se mobilisent sur des dynamiques de Ces programmes en faveur des quartiers urbains en diffi-
développement endogène et durable. Elles participent cultés sont nés au lendemain des émeutes urbaines des
aux multiples réseaux (voir Chapitre 3) qui investissent années 60 et 70. Elles sont mises en œuvre par le Dépar-
les « concepts durables » de smart growth*, cool, slow ou tement du logement et des affaires urbaines (HUD)9 dont
transition city et explorent toutes les modalités possibles deux des six objectifs se rapportent au développement de
de « greening » des emplois et des technologies. ces zones. Leur instrument principal consiste en des sub-
ventions globales affectées aux États (Community Develop-
Certaines préconisent une relocalisation (relocalization ment Block Grants).
network) des productions locales de l’énergie, de la nour-
riture et autres biens et services, voire l’instauration de Le programme phare de HUD est le dispositif Renouveau
monnaies locales pour faciliter les échanges et assurer des Communautés, Zones d’Empowerment* et Entreprises
une sécurité énergétique, renforcer leur base écono- sociales (Renewal Communities, Empowerment zones et
mique et les conditions environnementales en stimulant Entreprise Communities- RC/EZ/EC) lancé par l’Adminis-
l’entrepreneuriat local et l’innovation sur des bases endo- tration Clinton, poursuivi sous la présidence Bush et qui ar-
gènes et locales. D’autres recherchent à créer avec leur rive à son terme. Trois appels à projets – d’une durée de 10
hinterland rural des interactions et complémentarités – ans - ont été lancés en 1994, (72 zones sélectionnées), en
un jeu à somme positive - et des synergies basées sur 1997 (25 zones retenues sur 279 candidatures) et en 2000
des partenariats publics-privés. (47 zones). Il existe en outre un volet pour les zones rurales.
Les moyens attribués à chaque zone furent très variables
Une démarche décrite comme exemplaire par le site : 100 millions en 1994 pour 6 Empowerment Zones et 3
internet de la Maison Blanche est suivie par la ville de millions aux Entreprise Communities), 19 millions pour 20
Flagstaff, Arizona, (70 000 habitants vivant à 2 000m Empowerment Zones en 1997 et en 2000.
d’altitude) sous le nom de jardinage économique (eco-
nomic gardening). Elle consiste à mobiliser et attirer des Le but de ce programme était de créer des « opportuni-
résidents hautement qualifiés souhaitant créer leur entre- tés d’affaires et d’emplois » dans ces quartiers en y atti-
prise et à générer des activités en diffusant, stimulant et rer des entreprises – ou inciter à en créer de nouvelles- en
accompagnant de façon systématique et dans tous les contrepartie de subventions ou crédits d’impôts à l’inves-
milieux, l’esprit d’entreprise et l’éducation à l’entrepre- tissement, au recrutement de chômeurs du quartier et sur
neuriat. La ville a investi 3 millions de $ et avec une sub- les bénéfices. L’originalité de ce programme à but social a
vention d’EDA de 2,5 millions $ elle est parvenue à lever été de le centrer sur la création d’entreprises et d‘emplois
30 millions de $ de fonds privés. Un incubateur de PME et à en confier l’orientation et la gestion à des partenariats
spécialisées dans les technologies émergentes (énergies d’acteurs locaux, tout en renforçant les moyens des États
renouvelables, biotechnologies et sciences de la vie) a pour stimuler des actions d’accompagnement, telles que
été créé. En dix mois, 11 entreprises high tech sont nées, les aides au retour à l’emploi (welfare-to-work).
dont une société devenue leader sur le marché mondial
des turbines d’éoliennes domestiques. Il est basé sur 4 principes :
• la définition par les acteurs locaux d’une vision straté-
gique,
• la mise en œuvre d’un partenariat local,
• l’existence d’opportunités économiques pouvant générer
8 Source. Paul Knox and Helke Mayer, Small Town Sustainability. Econo-
des emplois pour les habitants de la zone, en attirant des
mic, social and environnemental innovation. Virginia Tech University. Ed
Birkhaser.2008 9 www.hud.org
//  49

entreprises ou des commerces ou en aidant à la création


de nouveaux, 4.5 Débats en cours et
• la volonté de construire une communauté durable et vi-
vable en améliorant l’environnement et l’offre de services. projets de la nouvelle
Une unité de coordination est mise en place dans chaque administration
quartier sélectionné par le programme, à la fois point de
contact et organisme chargé d’élaborer un plan d’utilisation Dans le contexte de la crise immobilière (de l’ordre de 3 mil-
des fonds fédéraux. S’il est approuvé par HUD, ce plan se lions de saisies dont 61% dans les 100 plus grandes agglo-
décline en un plan d’action validé par tous les partenaires mérations) et de fluctuations des prix de l’énergie suscep-
(associations locales, municipalités et services de l’Etat) et tibles de repartir à la hausse, l’une des priorités fédérales
spécifie les engagements et les contributions attendus de consiste à inciter les métropoles à modifier les règles de la
chacun. planification urbaine. Car les perspectives démographiques
laissent penser que d’ici à 2050, les métropoles devraient
Les instruments de ce programme sont les suivants: des accroître de 2/3 la superficie des espaces bâtis. Cet ob-
déductions fiscales sur les salaires et sur les investisse- jectif fait l’objet de débats au Congrès et doit déboucher
ments commerciaux, des prêts bonifiés ou sans intérêt de sur une loi. De nouveaux mécanismes d’intégration sont
trésorerie ou en fonds propres, une assistance technique préconisés, entre les constructions et octroi de permis de
et financière aux PME, des actions de formation et des ac- logements et les équipements collectifs et de transports.
tions d’amélioration des services collectifs –santé, éduca-
tion et sécurité. Des prêts sans intérêt offerts par les États Les propositions consistent à inciter les métropoles à ar-
et les villes servent à cofinancer des projets communau- ticuler des plans à 20 ans de transport (en modifiant leurs
taires créateurs d’emploi. modalités conformément aux nouveaux objectifs de dura-
bilité) avec les plans de localisation des logements et des
Ce programme RC/EZ a fait l’objet d’investissements mas- bureaux- qui devront eux aussi plus économes en énergie-
sifs (de 26 milliards de $ entre 2000 et 2008). HUD a conçu et à préparer des plans consolidés et intégrés de 5 ans,
un programme d’appui à sa mise en œuvre (Community déclinés en plans d’action annuels. Des « contrats de ré-
Renewal) qui fournit aux partenariats locaux une assistance ponse aux défis de la durabilité » sont proposés qui seront
technique. financés à 80% par des fonds fédéraux. Ils devront aider les
villes à concevoir des schémas à long terme, intégrant les
Une procédure de suivi et d’évaluation a été mise en place fonctions de transport, d’occupation des sols et de déve-
qui consiste en : loppement économique, en vue d’en déduire les infrastruc-
• un dispositif de suivi et d’évaluation de chacune des tures nécessaires correspondant aux objectifs environne-
zones participantes reposant sur un système de mentaux. Il est aussi prévu de mettre en place une base de
mesure de performances, accessible par Internet. Il données par métropole pour améliorer la planification et les
documente les objectifs, les actions conduites dans
décisions, y compris celles des ménages, en précisant des
le temps, les moyens mis en œuvre et l’utilisation
notions trop vagues et en définissant des indicateurs, se
des fonds, ainsi que les résultats espérés, obtenus
et anticipés. Sources : www5.hud.gov/urban/perms/ rapportant aux logements et aux transports abordables10.
perms.asp et www.hud.gov/CR
A ce débat, engagé au Congrès depuis quelques années,
• une évaluation plus globale des résultats (mais non de s’ajoutent les premières décisions et propositions de la Pré-
l’impact) en fin de phase. Sur la période 2001 à 2008, il sidence :
a concerné 70 zones ou quartiers (plus quelques zones • Un Bureau des politiques urbaines (Office of Urban
rurales) et 3.575 projets. 25 milliards $ ont été investis Affairs) a été créé à la Maison Blanche, (19 février
sous forme de déductions fiscales dont 11 milliards 2009). Sa fonction est de coordonner les politiques et
à 300.000 entreprises. Près de 55.000 emplois ont les programmes pour s’assurer de l’impact maximum
été créés, 700 programmes de formation (65.000 de ces interventions. Il préconise une approche plus
participants) ont bénéficié aux résidents de ces zones, globale, transversale et régionalisée, des métropoles
11 500 logements ont été construits, etc. Sources : en privilégiant les interactions entre villes-centres,
Spotlight on Results, :Capturing successes in Renewal banlieues proches et lointaines (exurbs). Une
Communities and employment zones, HUD, 2005. «stratégie nationale pour les métropoles américaines»
10 Source : rapport du Comité des transports, du logement et du dévelop-
pement urbain de la Chambre des représentants, 19 mars 2009
50   //

d’orientation dans la voie du développement durable, initiatives communautaires de services de santé ou


de réponse aux problèmes sociaux et de promotion de construction et gestion de logements sociaux
des services est en cours d’élaboration. pour les plus pauvres, en promouvant des entreprises
• Un examen des interventions de toutes les agences sociales et des nouveaux services et lutter ainsi contre
fédérales et des modes de financement des la pauvreté11 .
programmes en faveur des villes et métropoles a • La relance du Community Reinvestment Act (CRA)
permis d’identifier les pratiques locales réussies – considéré comme l’instrument de renouvellement
pour mieux les appuyer. Une relance du dispositif de urbain le plus performant - par une proposition de
subventions globales (Block grants) pour restaurer des Community Reinvestment Modernization Act, en débat,
financements réduits par l’administration sortante et qui relance et étend ce dispositif, mais qui vise aussi à
en faire des instruments de création d’emplois et de éviter le surendettement et les saisies immobilières.
financement du logement pour les ménages à revenu
faible ou modeste a été annoncée.
Le Community Reinvestment Act (CRA)
• Une vaste consultation (policy roundtable) avec Promulgué en 1977 après les émeutes urbaines, cette loi
des responsables de villes tenue en Juillet 2009 qui
oblige les 4 instances de régulation fédérales à certifier
confirme la volonté de partir des démarches engagées
que chaque banque commerciale et caisse d’épargne a «
par les villes pour y adapter les appuis fédéraux. Le
budget 2010 a inscrit l’appui à deux démarches de démontré que ses services répondent aux besoins et aux
terrain. attentes de toutes les zones et habitants où elle propose
des comptes bancaires ». Elle fut votée pour lutter contre
- L’une sur les choix d’initiatives à faire dans des « comportements illégaux » de la part des banques,
les quartiers (Choice Neighborhoods Initiatives) tels que la discrimination patente, le traitement différencié
consiste à demander à des coalitions d’acteurs et inégal des clients selon les quartiers, au préjudice des
locaux de définir des actions fédérales les plus ef- pauvres - souvent noirs- et interdits de prêts immobiliers
ficaces afin d’adapter les réponses, en matière de ou de comptes (redlining), mais aussi contre le refus de
logement par exemple, aux conditions locales. prêter aux PME de ces quartiers et d’y investir. La nota-
- L’autre sur des actions globales ciblées sur les tion des banques à l’issue de contrôles périodiques inclut
quartiers pauvres (Promise Neighborhoods) qui vi- 4 appréciations (excellent, satisfaisant, doit s’améliorer et
sent à mobiliser des acteurs/opérateurs et appuyer très insuffisant) portant sur 4 domaines : les montants
des projets de transfert d’au moins 20 cas de « pra- de crédit accordés aux habitants et des investissements
tiques significatives ». Telle que exemple le Harlem réalisés dans le quartier, les services offerts et le soutien
Children’s Zone à New York qui fédère un réseau à des organismes de financement locaux (Community
dense de services et d’interventions d’organismes Development Organisations) ou associatifs.
publics et privés (scolaire, de santé, de loisirs et de
lutte contre la délinquance) qui accompagnent le Les banques doivent répondre de ces pratiques discrimi-
développement des enfants pauvres « de la nais- natoires et sont menacées de sanctions telles que l’arrêt
sance à l’université ». d’opérations d’expansion, le refus des opérations de fu-
sion ou de recapitalisation, des amendes ou la perte de
• Des mesures visent à améliorer l’accès géographique l’assurance de refinancement à court terme de la FED.
aux emplois en milieu métropolitain – qui se heurte Cette loi qui n’oblige pas les banques à prêter à perte,
à de nombreux obstacles- en doublant les moyens avait provoqué de fortes oppositions de leur part et de
du programme Jobs Access and Reverse Commute
leurs lobbies, ainsi que des instances de contrôle, mais
(JARC). Celui ci s’assure que les subventions publiques
elle a été fortement appuyée par les associations locales
aux transports répondent aux besoins de déplacement
des travailleurs pauvres et que les emplois soient créés qui possèdent un droit de regard et par les interventions
dans les quartiers où ils résident. d’une coalition très active (la National Community Rein-
• Le Président, s’inspirant de son expérience de vestment Commission).
«community organizer» des quartiers sud de Chicago,
est le promoteur d’un projet de loi de mobilisation Cette loi a eu des effets positifs, essentiellement du
des bénévoles (the Serve America and Give Act), en fait de la menace de publicité négative à laquelle s’ex-
débat au Congrès, visant à mobiliser « une armée de posaient les banques récalcitrantes, mais modestes
250 000 bénévoles par an qui souhaitent servir leur jusqu’en 1994 et peu de sanctions furent prises. Renfor-
communauté en s’impliquant dans la vie locale», cée pendant l’administration Clinton, la loi a conduit les
par exemple dans la modernisation des écoles où
ils peuvent devenir tuteurs et mentors, dans des 11 Times Magazine, 30 mars 2009
//  51

banques à négocier des accords avec des associations laires gelés et des services publics – y compris plusieurs
locales et à les inscrire dans leurs plans. Le montant des casernes de pompiers- fermés ou laissés ouverts sous
prêts et des investissements s’est envolé et les résultats réserve de financement par des dons. Mais dès 1980,
sont jugés excellents. De 1996 à 2006, le montant des sous l’impulsion de divers groupes de chefs d’entre-
prêts est passé de 18 à 56 milliards $ et concerne 24 prises, universitaires, responsables communautaires, tel
000 prêts aux personnes pour un montant total de 344 que l’Allegany Conference, une nouvelle stratégie de dé-
milliards, ainsi que 12 millions de prêts aux entreprises veloppement a été élaborée, appuyée par le gouverneur
des quartiers concernés pour un montant de 513 mil- de Pennsylvanie et le maire. Elle a entrepris une complète
liards. Un nouveau marché bancaire s’est ouvert pour les restructuration urbaine et la création d’une économie ba-
clients à faible revenu, permettant de mieux apprécier les sée sur les services de santé, d’éducation et de loisirs,
risques. Il a permis de promouvoir des investissements ainsi que d’autres secteurs liés à la défense tels que le
importants dans les quartiers en difficultés. Enfin, les nucléaire. Le Centre médical de l’Université est au cœur
prêts aux logements ont été octroyés selon des critères d’un cluster médical de 50.000 emplois qui regroupe une
qui ont permis aux emprunteurs d’échapper aux opéra- centaine d’unités de R&D, des laboratoires publics et pri-
tions des prêteurs non bancaires de crédits « subprime » vés (Bayer USA) et des start ups pharmaceutiques. L’État
et aux dérives qui ont suivi. a créé divers instruments, tel que Innovation Works, un
fond de capital risque et d’amorçage, abondés par des
Sources : Kent Hudson, La bancarisation des nouveaux mar- crédits fédéraux.
chés urbains : l’expérience américaine, Ed. Economica, 2004 et
note récente sur la CRA www.khnetonline.com Les friches industrielles ont été transformées en parcs
J Tailor and J Silver : The CRA ct at 30 : looking back and loo- naturels ou récréatifs, les bâtiments industriels des quais
king to the future, Law Review, Vol. 53 N°2 2008-2009, New York en centres de santé et l’ancien siège de la Bethlehem
School of Law. Steel est devenu un casino. Les taux de création d’emploi
NCRC: Community Reinvestment Modernization Act of 2009. et les indices de qualité de vie sont parmi les meilleurs du
Resource Toolbox - www.ncrc.org pays. Le chômage est inférieur de 2 points de % au taux
national. Parce qu’elle a échappé à la crise immobilière,
elle est citée comme l’unique grande ville disposant d’un
excédent budgétaire en 2009. Et elle est devenue « l’une
4.6 Le rôle des États et des villes les plus propres du monde ».

des villes. Détroit, ex « motor city » et longtemps vitrine du déve-


loppement industriel, a été la capitale de l’automobile,
Confrontés à des restructurations économiques sévères les berceau des « trois grands » (Ford, Chrysler et General
métropoles ont du - avec l’aide des États et en mobilisant Motors). Son déclin qui a commencé dès les années 60
les programmes fédéraux et des investissements privés - , n’a jamais cessé. Sa population est passée de 1,8 mil-
opérer des reconversions profondes et reconstruire leurs lions en 1950 à 900 000 en 2007. Cette « shrinking city »
bases économiques. Certaines d’entre elles y sont parve- est confrontée à des problèmes sociaux terrifiants : ville
nues. D’autres non. Les deux exemples opposés suivants délabrée (un quart de ses habitations vacantes ou aban-
attestent de l’extrême diversité des performances en ce données), pauvre, (le taux de chômage est de l’ordre de
domaine. 25%, le taux de pauvreté 2,5 fois plus élevé et le revenu
moyen la moitié de la moyenne du pays) et ségrégée
Deux villes confrontées à des restructurations : (83% des habitants sont des afro américains). Les em-
un exemple de succès (Pittsburgh) et de catas- plois sont à 80% dispersés dans les banlieues et aucun
trophe urbaine (Detroit). service de transport public n’existe entre le centre et les
La ville de Pittsburgh, qui a accueilli le G20, était jusqu’en périphéries. La ville, appelée « murder city », est l’une
1975 la capitale de la sidérurgie et l’une des villes les des plus dangereuses du pays. Les programmes urbains
plus polluées du pays. Confrontée à des restructurations appliqués depuis les années 60 ont tous été des échecs.
sévères, elle a perdu 120 000 emplois dans la sidérur- La municipalité, animée par une certaine radicalité noire,
gie au cours des années 80. Jusqu’en 2003, elle était refuse de coopérer avec les communes périphériques.
en quasi faillite et sous perfusion des fonds de l’État. Un La ville est frappée de plein fouet par la crise des sub-
quart des employés municipaux furent licenciés, les sa- primes et par celle des trois grandes firmes automobiles
52   //

menacées de faillite, qui, en contre-partie des aides fé-


dérales, ont accepté de fermer 59 usines. La ville qui a 4.8 Remarques conclu-
voté à 97% pour le candidat Obama est dans l’attente
de solutions. sives
Sources : Pittsburg : The Economist September 19th 2009 et Al- L’urbanisation et la métropolisation induisent des problèmes
lan Popelart - Detroit : « catastrophe du rêvé », dans L’Amérique multiples et complexes de nature à la fois démographique
d’Obama, Revue Hérodote, N°132, 2009. (croissance, diversité ethnique, vieillissement), économique
(restructuration et stimulation de nouveaux moteurs et
pôles de croissance), environnementale (coûts élevés de
4.7 Vers la mégalopoli- l’étalement et des déplacements urbains, pollutions, re-
cours majeur aux énergies fossiles et changements clima-
sation ? tiques) et sociale (dualisme social, ségrégation, poches de
pauvreté, insécurité et crainte des émeutes). Les anciennes
Les analyses et débats sur les formes et l’avenir des villes zones métropolitaines se structurent en une vingtaine de
sont anciens et permanents. Ils ont mis en évidence des mégalopoles qui constituent en une dizaine de méga ré-
formes multiples de périurbanisation (edges cities, urban gions urbaines polycentriques.
realms, emerging exubs, villes élastiques, villes fluides) en
soulignant les avantages, bénéfices, inconvénients et coûts L’extrême dispersion des pouvoirs, la diversité des situa-
de chacune d’elle et leur capacité à capter des opportunités tions et des modes d’élection et de gestion administrative
économiques ou à atténuer les inégalités et ségrégations. et fiscale des métropoles américaines induit une pluralité
Les coûts de l’étalement ont incité à préconiser des villes de modes de gouvernance urbaine qui font des États-Unis
plus compactes et plus durables – des « smart cities* ». un laboratoire dans ce domaine. Les diverses formes de
gestion et de représentation – maire fort ou faible - indui-
Des travaux inspirés par les analyses des recensements sent des formes de gouvernement local plus ou moins
mettent en évidence la structuration urbaine autour de 20 centralisées. Si celles-ci ne semblent pas générer des dif-
mégalopoles12, ancrées chacune sur deux ou 3 métropoles férences de performances, plusieurs études soulignent que
(par exemple Phoenix et Tucson en Arizona, Washington des formes de gestion plus décentralisées favoriseraient
DC et Baltimore, etc.) qui constituent des quasi continui- l’étalement urbain, réduisant les capacités de réponses à
tés du bâti. Avec des villes périphériques ou des banlieues la compétitivité et affaiblissant l’image internationale de la
de moindre importance, elles constituent une dizaine d’en- métropole.
sembles polycentriques ou méga-régions urbaines (sud et
nord de la Californie, piémont de la Caroline, corridor du Les difficultés fiscales et financières actuelles des municipa-
Texas, Front range en Floride, Sun Corridor en Arizona, etc.) lités et le besoin d’une « dévolution fiscale » permettant de
constitués de réseaux de villes interconnectées entretenant lever des impôts et de déterminer les niveaux de dépenses
des liens fonctionnels, culturels et qui constituent au moins publiques, obèrent le débat sur les changements à intro-
15% des actifs des zones de déplacement quotidien. Ces duire dans ce domaine. .
10 méga régions accueillent 60% de la population du pays
et produisent 70% du PIB; leur potentialité économique est On assiste en fait à une confrontation entre :
celle « d’un Etat-membre moyen de l’UE ».13 • les « réformateurs de structures » qui pensent qu’une au-
torité élue renforcerait le leadership et accroîtrait le poids
politique de la métropole face aux gouvernements fédéré et
fédéral et au détriment d’un localisme municipal ;
• les « champions de la coopération » qui considèrent que
des conseils et organismes de concertation multi niveaux
et intercommunaux seraient plus efficaces pour construire
des consensus.

12 Ces travaux se réclament de l’ouvrage publié en 1961 par le géographe Dans ce contexte, toute référence à un modèle unique de
français Jean Gottman, sur la « mégalopolis » de la Côte Est, dont les ana-
lyses ont été actualisées et étendues à l’ensemble du pays. « gouvernement des métropoles », leur conférant un statut
13 Robert Lanf and Dan Dharle, Beyond Megalopolis: Exploring new Mega- législatif standardisé semble exclu. Les évolutions – for-
lopolis Geography, Census Series, Metropolitan Institute Virginia Tech 2005.
//  53

melle, fonctionnelle et informelle- identifiées offrent une - d’organismes intermédiaires auxquels sont associés les
large gamme de réponses susceptibles d’aider les agglo- acteurs privés de concertation , de codécision ou cogestion
mérations à concevoir des formes de gouvernance adap- de fonctions économiques ou environnementales, relatives
tées à leurs caractéristiques propres. Des solutions– sou- au marché du travail ou au logement ainsi qu’en matière de
vent proposées en Europe comme susceptibles de réaliser régénération et de requalification des quartiers en difficulté ;
des économies et de rationaliser l’organisation adminis-
trative- montrent leurs limites. C’est le cas, par exemple, - de dispositifs d’information systématique, de consulta-
des fusions de communes ou de comtés, de la mise en tion, d’implication et de participation des associations de
place d’un gouvernement de l’aire métropolitaine comme citoyens ;
réponse unique aux problèmes de la métropolisation et de
la mégalopolisation et de la propension à recentraliser les - de modes de valorisation et de transfert des innovations,
compétences municipales jugées trop dispersées. de la créativité et des expérimentations sociales comme
source de changement, d’empowerment* et d’inclusion
L’expérience américaine dans ce domaine confirmer la né- des populations.
cessité de disposer à ce niveau :
- de structures –autorités ou agences – assumant des Ces conditions, ainsi que les débats et expériences au
fonctions de planification et de gestion d’équipements et niveau de quartiers ou villes moyennes sur de nouvelles
de services qui sont communes à l’espace métropolitain, formes de croissance plus « smart »* ou de communautés
en matière de transports, d’environnement, de maitrise des vertes, attestent de la grande transformation ou transition
sols, de protection des espaces verts ou de gestion des en cours vers des villes plus durables et plus inclusives.
eaux, en conformité avec le principe de subsidiarité.
- de mécanismes de coopération entre les collectivités ter-
ritoriales existantes ;
Conclusions
//  55

d’intérêts particuliers de l’autre ;


Les possibilités de comparaison avec les pays d’Europe (et • les relations assez diffuses de ses habitants et de ses
avec la France) et de transfert de pratiques significatives de acteurs avec les territoires.
développement territorial sont rendues très aléatoires par
une multiplicité de caractéristiques propres aux États-Unis, On évoquera ici quelques unes des composantes ou des «
telles que : cultures » qui alimentent des politiques de développement
• les spécificités de l’espace américain et d’une société territorial souvent très performantes. Un développement
diversifiée et inégalitaire, qui prône l’égalité des chances territorial – que ce soit dans les clusters technologiques,
entre individus, mais où la cohésion sociale ou territoriale les quartiers en crise, les nouvelles communautés vertes ou
n’est pas un objectif affiché ;
les métropoles - qui est la résultante d’un faisceau de fac-
• le caractère fédéral de son gouvernement, l’extrême teurs et de forces (drivers) complexes, ainsi que de riches
dispersion des pouvoirs et de modes d’administration dynamiques d’acteurs, caractérisées comme les facteurs
et la fonction d’impulsion, davantage que tutélaire, du
invisibles mais décisifs du développement.
gouvernement fédéral,
• un développement territorial qui est toujours et seulement
1.Une culture du développement économique.
qualifié d’économique, étroitement lié au principe de
libre entreprise et aux performances des firmes et centré L’intensité et la permanence des débats et des échanges
sur la compétitivité et le fait que les objectifs sociaux ou sur les conceptions, méthodes et pratiques du dévelop-
environnementaux impliquent le recours à des solutions le pement économique régional ou local sont frappantes. Ils
plus souvent de nature économique ; contribuent à entretenir, produire et diffuser une riche ingé-
• ses spécificités culturelles et de ses valeurs qui prônent nierie qui circule dans la communauté des « développeurs
la responsabilité et la compétition individuelle, la prise »1 et participe au processus de leur professionnalisation.
de risque, le sens de l’initiative et l’esprit d’entreprise, la Ces échanges sont alimentés par :
mobilité, la recherche du consensus, l’empirisme, etc. • La multiplicité et la richesse des sites internet et des
• la forte implication des acteurs privés – for profit et non newsletters de tous les réseaux, agences, fondations, uni-
profit - et leurs pratiques actives à la fois de coopération et 1 Le terme de développeur, naguère réservé aux aménageurs est au-
de partenariat d’une part et de lobbying et de recherche jourd’hui utilisé pour désigner les techniciens et professionnels du dévelop-
pement et il est souvent étendu à tous les acteurs.
56   //

versités, centre de recherches, etc. Celui de l’EDA en four- les performances comparées des politiques de développe-
nit une liste impressionnante2 ment des États fédérés ou des villes est aussi l’occasion
de débattre de la pertinence des stratégies suivies et de
• Des revues spécialisées3 sur le développement territorial questionner les facteurs et dynamiques de développement
assurent une circulation de l’information sur les productions et de compétitivité des territoires, mais aussi l’efficacité et
académiques, les ouvrages, les études de cas ou les ins- les résultats des politiques et stratégies des décideurs.
truments de politique sur les diverses problématiques de Ces exercices qui n’ont rien à voir (sauf quant à leur utilisa-
ce développement. Elles constituent des mines de connais- tion possible en marketing territorial) avec les classements
sances des analyses résultant de travaux de recherches, controversés que réalisent les magazines, concernent au
des débats en cours ou des expériences jugées novatrices premier titre la riche « communauté des développeurs ».
et performantes, qui en facilitent la duplication ou le trans-
fert. • Celle-ci se compose de milliers de professionnels mais
aussi de tous les acteurs publics, privés et d’agences
• De multiples (et coûteux) séminaires, conventions et mixtes du développement à tous les niveaux. Les « déve-
conférences organisés par une profusion d’instances spé- loppeurs » des agences de développement des États et
cialisées, professionnelles ou universitaires, de réseaux des villes viennent souvent du secteur privé ou « circulent
d’institutions, de consultants et de fondations. Ces mani- » entre les deux secteurs. Notamment la catégorie des dé-
festations – telles que celles de l’IEDC International Econo- veloppeurs financiers spécialisés dans le financement des
mic Development Council ou de la CFED Corporation for programmes et la gestion des projets d‘aménagement.
Entreprise Development - sont l’occasion de rencontres
entre experts et praticiens. Ces rencontres permettent de
prendre connaissance de contributions de chercheurs et 2. Une culture de l’entrepreneuriat.
d’experts, d’expériences et de pratiques novatrices, mais L’esprit d’entreprise, la propension à en créer et en déve-
aussi des réalisations, des capacités d’innovation ou de la lopper et à prendre des risques sont fortement valorisés. Un
vision prospective d’organisations ou agences de dévelop- consensus existe pour attribuer aux (et attendre des) seules
pement. La participation à certains de ces séminaires peut entreprises la création de richesses et d’emplois. Cette
donner lieu à une validation des connaissances des prati- culture pénètre toutes les sphères d’activité et le dévelop-
ciens, voire de certification et de professionnalisation des « pement économique est considéré comme résultant des
développeurs » et de labellisation de structures invitées à dynamiques d’entreprises et de la capacité d’innovation
exposer des pratiques significatives. des entrepreneurs. Cet entrepreneuriat est encouragé par
certaines pratiques de financement, telles que le recours
• De récompenses (awards) assurent à leurs gagnants de fréquent à l’épargne des proches, l’existence d’une offre
la notoriété et des ressources financières, mais ils servent élevée de capital-risque ou de démarrage, public et privé.
aussi à repérer les pratiques les plus novatrices. C’est par Le statut juridique de la Limited partnership est un puissant
exemple le cas des 25 awards d’excellence, décernés stimulant, dont on s’étonne qu’il n’ait pas été davantage
chaque année par EDA4 – dans chacune des catégories importé en Europe ; il permet la mobilisation de l’épargne
portant sur le développement rural, urbain, communau- de proximité, sans paiement de taux d’intérêt, avec une
taire, durable et du patrimoine et sur les initiatives (tech- responsabilité limitée au montant des apports et qui auto-
nologiques) d’universités. Ils permettent surtout de donner rise des déductions fiscales en cas de pertes.
une photographie des pratiques transférables du moment
et d’alimenter les universités ou écoles de gestion qui for- La création d’entreprises est omniprésente dans les stra-
ment les professionnels du développement, en études de tégies de développement et de compétitivité des régions,
cas très utilisées dans leur enseignement. dans les appuis aux clusters et dans les politiques de créa-
tion d’emplois, ainsi que dans les projets de type commu-
• La publication d’études annuelles de benchmarking5. sur nautaire ou associatif, de réinvestissement social ou d’in-
2 www.eda.gov ( pages « resources »)
3 Telles qu’Economic Development Quaterly, (plus académique), Economic culièrement commentés. Il s’agit du State New Economy Index :Benchmar-
Development Review, de IEDC et la revue de l’EDA « EDA America : Best king Economic Transformation in the States de R. Atkinson et Scott Andes
practices in Economic Development) et d’autres à vocations plus régionales de l’Information and Technology and Innovation Foundation ; basé sur 29
ou thématiques) indicateurs centrés sur la compétitivité, il est publié chaque année en no-
vembre et porte sur les résultats de l’année précédente www.innovationpo-
4 voir ww.eda.gov (awards of excellence) licy.org . Le rapport bi annuel Assets and Opportunites scorecard publié par
5 Deux exercices annuels de benchmarking ou de mesures et comparaisons la CfED (The Corporation for Entreprise Development) prend davantage en
des performances des États, publiés par des think thanks privés sont parti- compte des indicateurs sociaux www.cfed.org
//  57

sertion portés par des entreprises sociales ou des initiatives ou gèrent des agences mixtes de type Quangos*.
de self help.
Les clusters illustrent ces formes de collaboration ou de
Cette culture imprègne aussi certaines agences fédérales contrats de recherche appliquées, entre entreprises,
et des États. On identifie souvent des profils de « maires centres de R&D et universités ou organismes de formation-
ou de gouverneurs-entrepreneurs ». Des États ou villes se conseil, qui facilitent l’essaimage depuis les laboratoires, la
définissent comme des « communautés entreprenantes au commercialisation des brevets et le financement du risque.
service des entreprises ». Ces collectivités territoriales ont Ces dispositifs résultent de l’institutionnalisation ou de la
été pionnières dans la transposition aux territoires d’outils contractualisation au sein d’alliances informelles entre
de gestion des entreprises (audit et plans stratégiques, des leaders politiques - gouverneurs ou maires - et des
marketing territorial, évaluation, etc.) et dans le recours aux dirigeants de grandes entreprises ou de coalitions d’entre-
méthodes du nouveau management public, - bien qu’au- prises, élargies aux présidents d’universités ou de collèges.
cun bilan n’existe quant à la pertinence et à l’efficience de Ils constituent des vecteurs actifs de diffusion et de trans-
ces thèses et de ces transferts de connaissances. Le gou- fert des innovations tant technologiques que sociales et de
vernement fédéral, intervient par le biais de la SBA qui ne se gestion. Leur constitution semble parfois longue et labo-
limite pas à appuyer les PME mais à promouvoir activement rieuse, mais ce temps permet, selon des témoignages de
en amont, la création, le financement du démarrage et du « développeurs », de bien définir et clarifier les attentes et
risque, la formation et l’information des entrepreneurs nou- les obligations de chacun et de faciliter leur fonctionnement
veaux et potentiels, quel que soit leur profil : chercheurs, ultérieur.
techniciens, femmes, minorités, chômeurs, immigrés, étu-
diants, etc. Les États et les villes appuient aussi la créa- Ces coopérations s’étendent aux organismes sociaux avec
tion d’entreprise et la formation à l’entrepreneuriat –privé et sans but lucratif, qui adoptent des méthodes de gestion
et social-, en mettant en ligne des logiciels d’aide et de venus du monde économique, du fait d’une culture voisine,
conseils aux créateurs, en améliorant les conditions-cadre, de liens créés par les fondations philanthropiques et d’une
en éliminant les obstacles et en rapprochant au sein de ré- volonté partagée d’engagement dans des « communau-
seaux les apporteurs de capital-risque et les entrepreneurs. tés ». Dans les États industriels du Nord Est on repère de
La société civile et les milieux professionnels sont aussi de nombreuses alliances entre dirigeants d’entreprises et syn-
puissants promoteurs de réseaux d’appuis et de finance- dicaux au sein d’agences qui ont stimulé ou géré des stra-
ment des start ups. C’est notamment le cas au sein de cer- tégies de reconversion. Les interférences entre les alliances
taines communautés ethniques et de migrants, mais aussi de personnes (leaders) et des partenariats de structures
de femmes cadres – du secteur bancaire notamment- qui semblent être un élément de leur solidité et de leur capa-
accompagnent, conseillent (ou prennent des participations cité à créer des synergies. Enfin se développent actuelle-
dans) des projets de créatrices d’entreprises. ment des partenariats interentreprises autour de la notion
d’innovation ouverte. Car dans une économie mondialisée
et très concurrentielle, les capacités internes de R&D des
3. Une culture du partenariat public privé et de entreprises, même multinationales, ne sont plus suffisantes
l’implication des acteurs privés comme moteurs de et les firmes doivent coopérer, entrer dans des consortia,
la conception et de la mise en œuvre de projets de dé- mutualiser les coûts, les bénéfices et les risques et conce-
veloppement. On peut identifier une multitude de formes : voir de nouveaux outils d’information technologique.
des partenariats-conseil, pour préparer un plan stratégique
d’un territoire, des partenariats-guide pour conseiller les Cette capacité des acteurs publics et privés à agréger, re-
opérations des fonds d’investissement public, des parte- lier, coordonner et combiner les facteurs du développement
nariats d’information, de services, d’investissement ou de est considérée comme un facteur décisif de réussite. La
R&D, des consortia entre acteurs, des joint-ventures entre compétitivité des entreprises et des territoires est d’abord
agences, etc. La plupart des programmes et des straté- une affaire d’interaction, de coopération et de réseaux entre
gies, ainsi que des projets, associent au niveau régional ou acteurs du territoire, appuyés et accompagnés par des in-
local, des collectivités publiques, des universités publiques terventions et incitations supra-locales.
ou privées, des entreprises, des banques, des chambres
de commerce et des représentants des « communautés En dépit d’une forte incitation de l’UE à promouvoir dans
des affaires ». Selon les contextes, ces acteurs collaborent les programmes qu’elle cofinance des partenariats pu-
en exerçant des fonctions séparées, mais complémentaires blic privé locaux, le développement économique, conçu
58   //

comme une fonction collective, reste perçu en Europe (et Une telle ingénierie financière – dont on pourrait s’inspirer
en France) comme une initiative et une compétence –voire - contribue à expliquer le redéploiement rapide des infras-
un quasi monopole - des autorités publiques. tructures urbaines ou de certaines activités économiques, la
reconversion de certains centres-villes ou le dynamisme de
4. Des interventions publiques déterminantes, certains clusters. Elle consiste aussi dans une large gamme
de nature catalytique, incitative ou « en appui ». d’instruments financiers, tels que le recours fréquent des
Le nouveau fédéralisme et le transfert des compétences aux
pouvoirs publics aux subventions globales, l’existence de
États et aux villes plus à même de concevoir des stratégies
adaptées aux réalités régionales, ont affaibli les capacités structures d’investissement dans les quartiers en crise, tels
d’intervention des agences fédérales, de coordination et que les banques des Community Development Corpora-
d’évaluation des programmes. Mais leur fonction incitative tions ou le mécanisme du Community Reinvestment Act
en a peut-être été renforcée. En matière de financement, ou l’émission par les États et les villes d’obligations dont le
les subventions globales aux États, invités à cofinancer remboursement est assuré par les revenus fiscaux attendus
(matching funds), à mettre en œuvre les programmes des investissements et de la valorisation foncière et com-
et à lever des cofinancements privés constituent un merciale des sites aménagés.
mécanisme jugé performant aux effets multiplicateurs et
synergétiques. Il est significatif que l’un des deux critères
6. Les composantes ou les forces de la compé-
d’évaluation des performances de nombreux programmes
fédéraux soit (avec le nombre d’emplois générés) la titivité régionale ainsi que les interactions et combinai-
capacité à lever des financements privés. De nombreux sons entre des pluralités de facteurs et d’acteurs de l’inno-
États et Villes se caractérisent par un fort interventionnisme vation, sont définies de façon claire et font l’objet d’un large
qui prend la forme de plans stratégiques, de fonds de consensus. Elles contribuent à orienter les politiques et les
financement ou d’amorçage de projets et de programmes initiatives privées, tout en facilitant leur adaptation selon les
d’investissements, d’émissions d’obligations, ainsi que des régions. Par exemple, la compréhension de l’innovation
mesures plus classiques de crédit d’impôts. repose sur l’identification partagée dans tous les États et
clusters de 4 composantes (expertise, interaction, diversité
Sur l’agenda de la nouvelle administration, figurent des et application) qui se déclinent en décisions d’investisse-
questions concernant les modes d’intervention publique ment ou en choix de politique pour agir sur elles.
qui ont un fort écho en Europe (et en France), telles que
par exemple : Sans assurer des garanties de succès, les expériences des
- mieux connaître et comprendre « ce qui fonctionne » ; États-Unis confirment que, pour promouvoir la compétitivité
- promouvoir le changement par l’innovation et l’expérimen- des territoires, il est recommandé de :
tation sociale préalable au transfert organisé des pratiques - Investir dans les ressources humaines ;
significatives - Elargir tous les modes d’accès aux technologies ;
- rechercher de nouveaux investissements dans le social. - Stimuler l’esprit d’entreprise et appuyer fortement les nou-
velles entreprises technologiques
5. Des instruments financiers performants. Si le - Promouvoir des coopérations entre entreprises et
rôle du capital-risque public et privé ou celui des banques agences, au niveau régional mais aussi au-delà des fron-
régionales sont bien connus, d’autres pratiques notamment tières ;
par les agences de développement ou les centres d’excel- - Améliorer la qualité de vie et les aménités locales, comme
lence, le sont moins, tels que : facteur d’attraction et de rétention des activités ;
- le « packaging financier » qui consiste à analyser les be- - S’ouvrir à l’international ;
soins de financement de projets ou de plans de dévelop- - Se doter de dispositifs de suivi et d’évaluation.
pement, identifier des investisseurs potentiels publics ou Parmi les facteurs-clés de succès au sein des clusters les
privés et monter des « tours de table financiers » et des plus remarquables, on relève :
dispositifs de financement très complexes - l’initiative de leaders (souvent des gouverneurs ou diri-
- l’identification – au niveau des États et régions - des vides geants d’entreprises ayant un lien fort avec l’Etat ou la ville)
(gaps) sur les marchés financiers et les dispositifs de finan- qui réunissent une coalition de personnalités, agissant dans
cement public, en vue de les combler par des mesures ad la durée et qui parviennent à mobiliser des institutions et à
hoc les engager dans des démarches stratégiques ;
- la recherche systématique de l’effet de levier pour mobi- - la capacité de ces acteurs, individuels and institutionnels,
liser des fonds d’origine diverse et accroître la mobilité des régionaux ou locaux à construire des partenariats public-
capitaux. privé pourvus d’instances ou d’agences communes de
//  59

gestion disposant d’une capacité à créer et animer des ré- d’intérêt communs (transports publics, lutte contre la pol-
seaux et à offrir des services d’appui et des outils de finan- lution, planification foncière, développement économique,
cement aux entreprises ; planification urbaine) doivent être traitées à un niveau mé-
- un rôle limité, mais incitatif des instances publiques qui in- tropolitain ;
terviennent en infrastructures et en ingénierie et combinent - des réseaux d’acteurs fonctionnent à ce niveau (alliances
des interventions ciblées sur des zones (spatially-aware), d’entreprises, collaboration entre universités, fondations,
selon des critères assez souples, avec des interventions à organismes communautaires ou associatifs etc.) ainsi que
caractère transversal ou sectoriel non localisées (spatially- des partenariats ou des structures intermédiaires mixtes -
blind) et largement déléguées aux États qui exercent des tels que les très performants Labour market intermediaries,
fonctions plus stratégiques. qu’il conviendrait d’activer et de reconnaître ;(voir Chapitre
6)
7. L’économie verte ou propre est utilisée – au delà - la dévolution de compétences à une instance métropoli-
des réponses bien connues aux problèmes écologiques et taine unique et élue n’est pas une excuse pour justifier des
d’énergie - comme un mode de transformation du système désengagements, soit des États, soit des collectivités qui
économique et de transition d’une économie vers une autre. la forment ;
Elle alimente un débat sur une « croissance intelligente » - la gouvernance ne se réduit pas à la question d’une au-
(smart growth*) inscrite dans les politiques de quelques torité publique ou d’un gouvernement à ce niveau. Elle est
États et villes « progressistes ». Elle offre aussi des perspec- aussi une question d’implication des acteurs privés et no-
tives de développement technologique - qui apparaissent tamment des entreprises et des universités, ainsi que de
comme un enjeu central et constituent un nouveau tremplin réseaux d’acteurs et des forces de la société civile et des
de la compétitivité, susceptible de concilier les dimensions « communautés » qui coopèrent pour répondre à des pro-
économique et environnementale de la durabilité. Les mul- blèmes communs ;
tiples initiatives promues par les innombrables réseaux de - certaines grandes décisions publiques, induites par l’État
villes (voir Chapitre 4) au delà de la poursuite des objectifs (par exemple une ligne TGV), si elles sont concertées et
écologiques, constituent des laboratoires d’innovation et acceptées, ont un impact économique et environnemental
d’expérimentation sociale de nouveaux modes de produire, bien plus fort que le choix d’une autorité de gouvernance ;
de consommer et de vivre, de gouvernance participative et - l’un des obstacles invisibles est l’absence d’une identité
de planification urbaine. Ces pratiques pourraient inciter les métropolitaine ou mégalopolitaine, qu’il faut s’attacher à
villes européennes (et françaises) à intensifier leur implica- construire dans le temps.
tions dans de tels réseaux comme des lieux d’apprentis-
sage collectifs et des vecteurs de transferts d’expériences. On pourrait enfin élargir le débat sur la gouvernance mé-
tropolitaine à la question de la mesure des résultats et des
8. La gouvernance des métropoles. Si la diversité performances des structures en place. Ce qui intéresse les
des modes de gouvernance ne permet pas de faire des citoyens ce sont moins les moyens (input), voire les pro-
États-Unis un bon modèle de référence, - et notamment duits (output) que les résultats (outcome). Plutôt que de
celui du gouvernement métropolitain -, elle aide à alimenter concevoir des meilleures pratiques de gouvernance, les
le débat sur ce thème, dont on peut tenter de tirer les en- métropoles seraient invitées à améliorer leurs pratiques
seignements suivants : courantes.
- il existe un consensus sur le fait que les grandes fonctions
pratiques
significatives
//  61

6.1 La gouvernance de les règles de fonctionnement fut élaborée et approuvée par


l’Etat. A partir de 1979, une instance élue et absorbant les
l’aire métropolitaine de anciennes structures de coopération fut mise en place, qui
reproduisait au niveau de l’aire métropolitaine le dispositif
Portland (Oregon) d’administration de la ville.

Portland est une ville de 560 000 habitants au sein d’une La métropole est administrée par un Conseil de 7 membres
aire métropolitaine de 1,3 millions, couvrant 3 comtés et composé d’un président élu au niveau de l’aire métropoli-
25 communes divisés en 6 districts électoraux. La ville est taine et d’un 1 conseiller élu dans chacun des 6 districts,
administrée par une commission élue sur une base non - pour 4 ans et sur des listes non partisanes. Ils ne peuvent
partisane de 5 membres, présidée par l’un d’entre eux qui détenir aucun autre mandat électif. Le dispositif comporte
a le titre honorifique de maire. Cette commission cumule les en outre un auditeur élu au niveau de la métropole, chargé
pouvoirs législatifs et exécutifs. Les commissaires se répar- de conduire des audits, superviser les finances, contrôler
tissant les domaines de compétences. les résultats et leur qualité et formuler des recommanda-
tions d’amélioration, ainsi qu’un Directeur et un conseiller
juridique (attorney) recrutés et nommés par le Conseil. Ce-
Une autorité métropolitaine élue lui-ci siège en moyenne 4 fois par mois.
L’aire métropolitaine disposait de deux structures consulta-
tives de coopération intercommunale : une association de Ses attributions se rapportent aux seules activités d’intérêt
municipalités et une Commission de planification. En 1970 supra municipal et général « qui nécessitent des solutions
par référendum, il fut décidé de constituer une autorité collaboratives ». Ce conseil assure des fonctions centrales
métropolitaine intercommunale et multifonctionnelle : Me- de représentation et de leadership, ainsi que de planifi-
tropolitan Service District 1, plus connue sous le terme de cation. Il définit les orientions stratégiques économiques,
Metro Portland. Une Charte qui en définit les attributions et sociales et environnementales à long terme. Il assure les
fonctions de planification urbaine et supervise la gestion
1 www.oregonmetro.gov
62   //

des services d’intérêt métropolitain : transports, urbanisme Planification urbaine et


et occupation des sols, collecte et traitement des ordures développement durable
ménagères, dépollution des sols, espaces verts, etc. Il ad-
ministre aussi des équipements collectifs tels que le centre En 1995, un plan stratégique à très long terme, intitulé
de congrès, le centre des affaires, les unités de traitement Croissance 2040, a été adopté. Il fait l’objet de révision et
des ordures ménagères et des eaux, les parcs, un grand de rapports d’exécution annuels. Il repose sur l’hypothèse
musée et le zoo. Le budget est financé par des cotisations, que la métropole devra accueillir d’ici 2040 un million d’ha-
redevances ou revenus de ces services, (pour moitié), par la bitants supplémentaires. Sur la base des préférences expri-
taxe foncière (pour 14%) et par les contributions des com- mées quant aux formes de cette croissance, des modèles
munes. de simulation ont permis de dégager trois scenarii associés
à des plans d’investissements alternatifs. Ils ont guidé le
Cette instance vise moins à imposer des choix qu’à dé- choix largement partagé d’une stratégie de développe-
gager des « volontés collectives » ou à formuler des choix ment durable ne devant pas compromettre ou ralentir le
partagés par les citoyens et les collectivités locales, à coor- développement économique et de l’emploi. Cette stratégie
donner les actions de ces dernières et à guider la mise en adopte les principes d’une croissance urbaine compacte
œuvre des décisions. Celles-ci reposent sur des processus de quartiers densifiés et multifonctionnels. Elle implique un
de consultations multiples et permanentes avec les muni- contrôle rigoureux de l’étalement urbain - à l’intérieur d’un
cipalités, les acteurs privés et les citoyens. Elles se font : périmètre métropolitain formel - de l’occupation des sols,
- au sein de comités politiques et techniques où siègent de la localisation des nouveaux logements, infrastructures
des élus des comtés et des communes, des représentants et zones d’activités, ainsi que des actions d’amélioration
des secteurs privés et associatifs, des experts et quelques permanente de la qualité de l’environnement.
citoyens. Un Comité de politique de 28 membres composé
en majorité par les délégués des communes, qui débat des Des plans d’action consistent à densifier les 40 centres
orientations générales et un Comité technique d’experts qui urbains existants, les corridors de circulation et les zones
suit la mise en œuvre. Les transports sont débattus dans 4 d’entreprises, commerciales et d’emplois. Des réserves
autres comités. D’autres traitent des déchets, des espaces foncières ont été constituées, des zones non constructives
verts et de la participation des citoyens ; et des axes et modes de transports ont été définis. Les
décisions d’expansion des zones constructibles repose sur
- par des procédures de témoignages des citoyens. Avant des indicateurs de performance urbaine.
toute réunion du Conseil et sur la base de l’ordre du jour
et de la documentation disponible sur le site internet, les La mise en œuvre de ce plan est assortie de multiples inci-
citoyens sont invités à adresser des témoignages par cour- tations financières, par exemple en faveur d’un habitat ver-
rier électronique dont la Commission prend connaissance tical, ou de recours aux transports collectifs et alternatifs.
avant la séance et certains contributeurs peuvent être invi- Son financement est assuré par une mobilisation de toute
tés en début de séance à exposer leur point de vue par de la gamme d’instruments financiers et fiscaux – notamment
courtes interventions de 3 minutes ; les Tax Increment Financing, des obligations garanties par
l’accroissement de revenus et des rentes attendus de ces
- par une information et une invitation permanente des ac- investissements. Les programmes d’aides de l’État fédéral
teurs et des citoyens à s’impliquer à la fois dans les proces- et de celui de l’Oregon ainsi que les investissements des
sus de consultations et dans des actions collectives, faisant communes sont utilisés pour « lever » des capitaux privés.
l’objet de bilans et de débats. Par exemple, un volumineux
Community Investment Tookit invite les associations locales Cette stratégie urbaine de développement durable a contri-
à améliorer l’environnement ou la sécurité en répondant bué à faire de Metro Portland la métropole américaine qui
à des appels d’offre ou à demander des « chèques ser- enregistre les meilleurs indicateurs en matière d’environ-
vices » pour mener à bien des opérations de nettoyage ou nement et de qualité du cadre de vie. On attribue à ces
d’embellissement de leur quartier ou des espaces verts ; facteurs l’attraction d’un pool de « talents » - chercheurs,
des guides et brochures invitent les citoyens, enseignants, cadres, ingénieurs et créatifs - qui ont contribué à ancrer les
élèves, salariés à « recycler chez soi, dans les écoles ou au activités high tech – - appuyées par la présence d’Hewlett
travail », etc. Packard - et à créer un milieu entrepreneurial dynamique
autour de nombreuses PME innovatrices.
//  63

Metro Portland reste à ce jour l’unique métropole améri- fonds privés, montant qui a été en fait quadruplé.
caine disposant d’un gouvernement métropolitain.
Cette université d’État, qui avait une vocation ancienne de
Sources : Community Investment Toolkit. Financial incentives Me- formation aux métiers de l’énergie, en coopération avec les
tro. June 2007. sociétés de production d’électricité et d’extraction pétro-
COO Report. Strategies for a sustainable and prosperous region; lière, a créé en 2004 un Centre International de Recherche
Sept 2009 appliquée sur les énergies et l’environnement. Il se définit
www.oregonmetro.org; www.oegon4biz.com sur son site internet comme « l’un des leaders mondiaux
en matière de développement des technologies propres,
d’efficience énergétique et de protection de l’environne-
6.2 L’émergence d’un « ment ». Il dispose d’une capacité de recherche appliquée
et de développement dans 12 laboratoires relevant de
cluster vert » au Dako- 10 domaines, financés par des crédits publics et par des
contributions privées et des contrats avec les entreprises.
ta du Nord
En mobilisant et abondant des crédits d’EDA et d’autres
L’énergie et l’environnement enregistrent aux USA des dé- agences fédérales, l’État a investi depuis 2005 dans la
veloppements technologiques très rapides. Ils concernent création de 10 centres d’excellence dans le cadre de par-
des filières aussi diverses que les énergies propres et re- tenariats avec le secteur privé. A chacun de ces Centres
nouvelables, les matériaux et techniques de construction est associé un partenariat de gestion composé de repré-
écologique, les technologies propres et les processus sentants des entreprises privées et des banques, ainsi
d’épuration des gaz et des eaux, le stockage de l’énergie, que du Conseil de l’enseignement supérieur de l’État. Une
les bio carburants, etc. Dans certaines filières telles que commission mixte est chargée de collecter et sélectionner
l’énergie éolienne ou le stockage de l’énergie (fuel cells), les projets industriels. Parmi ces 10 unités, on peut citer :
le nombre de brevets a doublé entre 2004 et 2008 et le • Le Centre des technologies de l’hydrogène, leader de
montant annuel de capital risque investi est passé de 360 cette spécialité ; il associe une trentaine d’entreprises natio-
millions à 6 milliards $ entre ces deux années. Si des États nales et multinationales et a mobilisé 34 millions $ de R&D.
comme la Californie ou le Massachussetts sont très avan- • Le Centre national des Énergies de recherches et appli-
cés, on a vu apparaître récemment de nouveaux clusters, cations sur les produits de la combustion du charbon (7, 4
y compris dans des États isolés et peu avancés en matière millions $ mobilisés).
de protection de l’environnement. Celui qui s’est développé • Le Centre de technologie et de sécurité sur le pétrole,
depuis 5 ans auprès de l’université d’État du Nord Dakota à proximité de sites d’extraction ; il associe 17 firmes et
est un exemple de ce processus d’émergence d’un « clus- des projets de développement et de formation (il a investi
ter vert ». 1 million $).

Depuis la fin des années 80, cette université disposait de Ces laboratoires et centres d’excellence « opèrent comme
facilités de R&D et d’une expérience de commercialisa- des entreprises », conduisent des recherches, déposent et
tion des innovations technologiques. En 2000, le gouver- commercialisent des brevets, accueillent des projets de dé-
neur de l’État a proposé d’organiser une table ronde sur veloppement, de démonstration ou de tests de nouveaux
la R&D comme lieu de rencontre et de coopération entre produits. Le Centre affiche de l’ordre de 1 000 clients origi-
chercheurs et industriels et a lancé un programme ambi- naires de 31 pays.
tieux d’investissement dans la recherche. En conséquence,
en 2001, 23 dirigeants des grandes entreprises de l’État Des structures complémentaires et communes ont été mis
ont créé une Fondation du Développement économique. en place telles que :
L’université d’État a développé un plan de promotion de • Un Centre pour l’entreprise technologique et l’innovation
la recherche « orientée vers le marché » (market-driven qui offre des équipements de démonstration, des capacités
research) consistant à enquêter auprès des entreprises de mise au point de matériels de laboratoires et d’élabora-
susceptibles de se diversifier et à les démarcher pour dé- tion de protocoles pour tester les substances et produits ;
velopper de nouveaux projets et produits ou occuper de • Des services d’aide à la commercialisation des brevets
nouvelles niches. 23 Millions de $ de fonds publics ont et des nouveaux produits ou services, après protection de
été investis, avec l’objectif de doubler ce montant par des la propriété intellectuelle, par le biais d’une fondation indé-
64   //

pendante; bonne articulation avec les objectifs et actions de déve-


• Un parc technologique où sont venus s’installer des labo- loppement économique. Le but est de disposer, au niveau
ratoires privés et des entreprises ; des bassins d’emploi et des clusters, d’une main d’oeuvre
• Un incubateur installé dans ce parc depuis 2007, qui un souple, motivée et compétente qui réponde aux besoins
an après son ouverture accueillait 8 entreprises occupant des entreprises et aux évolutions et priorités du développe-
une centaine de salariés ; ment, tout en lui offrant des perspectives de carrière et des
• Un centre de formation à l’entrepreneuriat. salaires attrayants. Pour atteindre ces buts, on préconise
une forte décentralisation des dispositifs et services de po-
Une large gamme d’instruments de financement publics et litiques d’éducation, formation et emploi, conçus et mis en
privés ont été mobilisés. Un Fond de développement de œuvre par des doubles partenariats : verticaux, entre les
l’État a été créé. Il pratique le « gap financing » en apportant Services fédéral, des États et des villes et horizontaux entre
des crédits dont l’offre est très limitée ou inexistante sur le les acteurs publics et privés locaux. L’État de Pennsylvanie
marché et le « packaging » financier, consistant à monter offre un bon exemple de cette démarche.
des tours de table entre financeurs publics et privés. Ce
fond aide les clients à mobiliser les subventions publiques
aux divers niveaux de gouvernement, les 15 programmes Un cadre fédéral
de développement de l’État, les exonérations fiscales et Il repose sur deux programmes :
les compétences des « développeurs » des 30 collectivités • Le Workforce Development Act de 1998 qui définit des
locales. Les entreprises en création et en développement lignes directrices, des objectifs, des priorités, des moyens
installées dans ce parc bénéficient de deux fonds de capi- financiers et des critères de performance des programmes
d’éducation, de formation et d’emploi. Sa réalisation
tal-risque privés et de l’appui de banques partenaires des
relève des États qui, après avoir fixé des cadres législatifs
centres d’excellence.
et des objectifs propres, confient à des « conseils de
main-d’œuvre » réunissant des acteurs publics et privés,
Par leur étonnant rythme de croissance et par leurs perfor- l’élaboration d’un plan stratégique de développement des
mances ce centre de recherche appliqué et le cluster qu’il ressources humaines. Ce plan, cofinancés par l’État fédéré,
a généré sont cités en exemple. Ils semblent être parvenus est mis en œuvre au niveau des bassins d’emploi par des
à capitaliser les enseignements des clusters les plus perfor- Comités locaux de Développement de la main d’œuvre
mants mais dont le développement avait parfois nécessité (Local Workforce Development Board) autonomes.
des décennies et mettre en œuvre en peu de temps les • Le Workforce Innovation in Regional Economic Development
composantes de leur succès. (WIRED) est un autre dispositif fédéral plus récent (2006)
qui finance des démarches plus expérimentales, articulées
Sources : www.undeerc.org, www.commerce.nd.gov
avec des stratégies de promotion de l’innovation et de la
compétitivité, impliquant des secteurs, des entreprises de
pointe et des organismes de R&D et d’innovation, dans des
régions pilotes qui sont souvent des clusters. Il octroie des
6.3 Articulation entre subventions globales à des partenariats locaux solides, qui
procèdent par appels à projets.
développement des qua-
lifications et dévelop- Un plan stratégique de l’Etat de
Pennsylvanie
pement économique :
La crise de la sidérurgie et la sévère et longue restructu-
l’exemple de la Pennsyl- ration industrielle de cet État a incité le Gouverneur à ap-
puyer cette transition par un plan de développement de la
vanie ressource humaine, notamment dans des clusters de nou-
velles activités. A partir de 2003, plusieurs études et consul-
Les stratégies de compétitivité des régions et des États tations furent lancées, qui permirent d’identifier les lacunes
mettent l’accent non seulement sur le rôle de la R&D et des dispositifs d’éducation et de formation existants et de
de l’innovation technologique, mais aussi sur le dévelop- définir les besoins très différenciés des nouveaux secteurs
pement des ressources humaines, des qualifications de la d’activités et des diverses régions de l’État. Elles débou-
main d’oeuvre et de l’esprit d’entreprise, ainsi que sur leur chèrent sur une loi (Job Ready PA) et sur un plan straté-
//  65

gique d’investissement dans l’éducation et la formation, ar- de développement économique et de promotion sociale.,
ticulé aux priorités du plan de développement économique Ils assument des fonctions d’information et d’analyse du
et aux perspectives de développement des clusters. Une fonctionnement du marché du travail local, qualifications et
Task force du développement de la main d’oeuvre, ratta- carrières, et d’appui et collaboration avec les Industry Par-
chée à un Comité de développement économique de l’État tnerships ; ils définissent des orientations et des priorités
auprès du Cabinet du Gouverneur, assure la coordination stratégiques pour leur bassin ou leur cluster et disposent
des 5 Départements concernés et de leurs programmes ; d’un inventaire précis et à jour des moyens et ressources
elle fut chargée de définir des principes et les 10 critères de de formation ; ils proposent, dans le cadre de « guichets
performance des partenariats locaux. uniques », une large gamme de services d’orientation, for-
mation, conseils, validation des acquis, dont la prestation
La coopération avec le secteur privé est assurée par un est sous-traitée à des opérateurs publics et privés. Ils sont
organisme (Workforce Investment Board) composé de re- invités à utiliser les 10 critères de performance pour auto-
présentants d’agences et d’entreprises des 10 clusters et évaluer leurs résultats.
8 sous clusters de l’État. Il est chargé de formuler des pro-
positions et recommandations dans divers domaines trans- L’évaluation de cette stratégie n’est pas aisée car elle est
versaux (building blocks). L’un de ses Comités de gestion évolutive et combine des interventions de structures an-
des performances est chargé de suivre les réalisations et ciennes et pérennes avec des actions ponctuelles, expé-
résultats des actions conduites au niveau local et de propo- rimentales et souples. Les performances sont notables en
ser des actions correctrices, d’apprécier le fonctionnement matière de réponses aux besoins des entreprises, de ré-
et d’évaluer les réalisations des partenariats locaux. sorption de pénuries de qualification, de mobilisation des
entreprises en faveur de la formation de leurs ressources
La mise en œuvre par des partenariats locaux : les Industry humaines et de croissance de l’emploi dans ces nouvelles
partnerships et les Local Workforce Industry Boards (LWIB) filières d’activités et au sein des clusters. Les actions de
formation ont touché 35 000 entreprises (13% du total) en
Les Industry Partnerships sont au cœur de cette stratégie. 2006, contre 1% seulement en 2003. Une étude compa-
Ils se composent d’une majorité de représentants d’en- rative entre les États des politiques en faveur des qualifi-
treprises et donc de secteurs ou filières spécialisées. Il en cations a sélectionné ce dispositif parmi les 6 meilleurs du
existe 89 dans l’État, où siègent des dirigeants représen- pays. Ses points forts ont été identifiés qui sont:
tant 61 000 entreprises de 20 secteurs. Ils se définissent - une vision claire et une stratégie affirmée ;
comme des organismes intermédiaires, chargés d’identi- - une identification précise des résultats recherchés avant
fier les besoins des entreprises de leur secteur et région d’en définir les moyens;
et de proposer des réponses en matière de formation. Ils - un bon système d’information sur la main d’œuvre, les
sont appuyés par un programme de l’État qui finance leur entreprises et les clusters ;
fonctionnement, la création de réseaux d’entreprises, des - un engagement fort des divers niveaux de leadership et
actions de formation et des initiatives combinant formations au sein des partenariats,
et initiatives de développement local. Par exemple le Life - des financements souples et bien adaptés aux priorités,
Science Career Alliance, association de 28 membres dans - un bon « ajustement » entre les initiatives de formation et
le sud-ouest de l’État, traite des besoins de formation des de développement économique au niveau local.
structures et entreprises du secteur de la santé – une nou-
velle et forte spécialisation de la région. Le Food Manufac- Sources : www.paworkforce.state.pa.us ; www.portal.state.pa.us;
turing Partnership du Comté de Montgomery, qui regroupe www.di.state.pa.us
11 firmes de ce secteur, a des fonctions voisines, etc. R. Eberts. Pennsylvania case study, in OECD A review of local and
employment development policy approaches in OECD countries;
Les LWIB - prévus dans le dispositif fédéral- sont des struc- 2008.
tures de mise en œuvre de ces actions. Y siègent, dans
des proportions très variables selon les bassins d’emplois,
des représentants des entreprises, des syndicats, des éta-
blissement d’éducation et formation –notamment des Col-
lèges communautaires (établissements post secondaire de
cycle court) – mais aussi des instances de formation, des
services de l’emploi, de conseils aux PME et des agences
Glossaire
//  67

Développement communautaire
Il est définit comme une approche globale de revitalisation à la fois économique et sociale de zones urbaines ou rurales
déprimées où vivent des populations pauvres ou à faible revenu, souvent issues de la classe ouvrière et des minorités
ethniques. Les Québécois nous invitent à le traduire par « développement local ». L’adjectif « communautaire » se rap-
porte à la fois à un espace vécu et à des dispositifs participatifs. Aux États-Unis, la communauté est définie comme «
un groupe humain qui partage des intérêts communs » ou « un espace ou des gens vivent, travaillent et entretiennent
des liens sociaux ». Le mouvement des « communautés vertes » définit cette notion sur la base des critères suivants :
une proximité géographique, un usage partagé des infrastructures physiques, l’existence de réseaux sociaux actifs et
des éléments d’une culture communs. Ces communautés peuvent avoir une dimension ethnique en conséquence des
formes fréquentes de ségrégation ou de «non mixité » résidentielle ou une dimension religieuse. L’administration Bush a
fait bénéficier de ces aides les « communautés basées sur la foi religieuse » (faith-based), parce qu’elles assurent des
services éducatifs et sociaux au niveau local. Les programmes de développement communautaires se réfèrent donc le
plus souvent à des communautés locales. Ils appuient des initiatives économiques de création d’activités, de petites en-
treprises et d’emplois, ou des projets offrant des « opportunités économiques individuelles ou collectives » ainsi qu’à des
actions en faveur du logement, de la lutte contre la pauvreté et le chômage ou l’offre de services collectifs, l’amélioration
du cadre de vie et de l’environnement. Ils intègrent des dispositifs de participation et d’empowerment* des populations
résidentes et de leurs associations. Ils prévoient aussi des démarches actives d’animation par des « organisateurs des
communautés » (community organizers) – ce que fut le Président Obama dans les quartiers sud de Chicago. Enfin ces
communautés disposent d’organismes associatifs de gestion (Community Development Corporation) et de financement
(Community Development Foundations). Cette notion de communauté est souvent connotée négativement en France,
comme se rapportant aux communautés ethniques ou religieuses dont la reconnaissance des identités ou des intérêts
particuliers compromettrait leur intégration et l’intérêt général et être source de dissensions et de conflits On se rappellera
qu’en 1789, nos communes remplacèrent des « communautés d’habitants » (J.P. Gutton, La sociabilité villageoise dans
l’ancienne France, Hachette, 1979).
68   //

Développement économique
Il vise à « promouvoir l‘innovation et de la compétitivité des entreprises pour préparer les régions ou les villes américaines à
affronter la mondialisation »1. Selon une autre définition, le développement économique se rapporte « aux processus et aux
actions de restructuration et de croissance d’une économie visant à renforcer le bien-être – mesuré en termes d’emplois
et de revenus et de richesse - des habitants d’un territoire particulier, national ou sub-national » 2. Les finalités des inter-
ventions des acteurs publics de tous niveaux dans ce domaine sont les suivantes: établir les « règles du jeu » (législations
et réglementations), réaliser des investissements (en infrastructures, en technologie et innovation, en ressources humaines
ou en matière sociale) ayant un caractère de « biens publics », que les entreprises privées n’auraient pas d’intérêt à faire et
les inciter à être compétitives et à créer des emplois.

Economie propre
Elle est définie comme générant des emplois, des entreprises et des investissements tout en promouvant une production
économe en énergie réduisant les émissions des gaz à effets de serre, les déchets et les pollutions tout en conservant l’eau
et les autres ressources naturelles. Elle est transversale à 5 domaines : l’énergie propre, l’efficience énergétique, les pro-
ductions respectueuses de l’environnement, la préservation des ressources et la réduction des pollutions ainsi que les for-
mations et les services d’appui à ces transformations. Ces 5 domaines constituent, pour les pouvoirs publics et le secteur
privé, un cadre de croissance pour identifier des investissements en capital risque et créer des entreprises et des emplois.

Source: The clean economy report, op cit.

Economie verte
EDA la définit comme le développement et l’utilisation de produits et de services qui contribuent à la croissance écono-
mique et en atténue les dysfonctionnements en respectant et en revitalisant l’environnement. On parle moins de dévelop-
pement durable que d’économie, d’entrepreneurs ou d’emplois verts (green economy, green entrepreneurs, green jobs),
mais aussi de gouvernement, de culture et de communautés, voire de banques « vertes », de green living et de green
power (énergies renouvelables) et même de green capitalism.

Empowerment
Le terme est traduit au Québec par « pouvoir d’agir » et en Espagne par « capacitation ». Il peut être défini comme la
capacité des personnes et des collectivités à saisir des chances ou des opportunités, à faire valoir et à exercer des droits
tout en acquérant des capacités pour se développer et participer à la décision. Le programme d’initiative communautaire
EQUAL l’avait retenu comme l’un des principes d’action et défini comme « le processus permettant à tous les acteurs,
à tous les niveaux, de s’impliquer et de participer de manière active à une action ou à un projet », en le traduisant par «
participation active ». Il constitue l’un des critères de la participation et du processus d’implication des acteurs de la société
civile, fondement d’une démocratie participative mais aussi du développement local.

Quango
Le sigle de Quango désigne tout organisme quasi public, autonome et non-gouvernemental, pouvant être financé par des
fonds publics mais géré de façon indépendante. Ce statut est souvent celui des agences de développement des États et
des villes.

Programme (fédéral) de développement économique régional


Il est définit officiellement par le General Accounting Office (GAO) comme « contribuant à l’une ou à plusieurs des actions
suivantes : planifier et promouvoir de stratégies de développent, construire et rénover des bâtiments non résidentiels, tels
que des incubateurs d’entreprise, des parcs industriels, mais aussi des routes et rues, des réseaux d’eau et d’égouts, etc.
». L’accent est mis de façon traditionnelle sur les infrastructures. Dans la réalité, certains programmes de formation, d’as-
sistance technique, d’aide aux transferts de technologie et de développement des entreprises, relèvent de ces catégories.
Source: GAO, Multiple federal Programs fund similar Economic Development Activities, 2002)

1 Source : EDA (Economic Development Administration)


2 Source : IEDC (International Economic Development Council)
//  69

Smart growth (croissance intelligente)


Cette notion est définie, dans le « guide pour la croissance et le développement des États » édité par l’Association des
Gouverneurs, comme un ensemble de démarches d’appui à l’économie, aux communautés, à l’environnement et à la
santé publique, telles que la pluralité des usages des sols, la préservation des espaces non bâtis, les déplacements
piétonniers et la promotion des territoires se réclame du développent durable. Le terme est souvent utilisé pour désigner
cette notion et en intégrer les 3 dimensions en s’engageant à en appliquer 10 principes plus concrets : diversification des
moyens de transport et recours aux moyens collectifs et non motorisés, densification de l’habitat des bâtiments, protec-
tion des espaces verts, usage polyvalent des bâtiments et les quartiers multifonctionnels, diversité de l’offre de logements
isolés et abordables , appui aux communautés locales et à la vie de quartier, participation citoyenne, etc. Cette notion est
portée par un réseau-lobby de plus de 120 organisations nationales et régionales. Ce mouvement dénonce l’extension
des surfaces bétonnées ou asphaltées et la disparition des terres arables, les coûts d’un étalement urbain excessif, les
faibles densités et la spécialisation des zones urbaines. Il préconise des villes plus compactes, des quartiers ou zones
multifonctionnelles et des réseaux de transports publics rapides et peu polluants. Certains de ses membres y ajoutent le
souci de justice sociale. Quelques États –tel celui du Maryland - ont adopté des programmes qui incitent à appliquer ces
principes. Des études de cas confirment que cette démarche favorise les valeurs de proximité et de « clustering », multiplie
les connections entre développement économique et qualité de vie et inspire un nouveau modèle de planification urbaine.
EPA, qui finance ce réseau, a évalué les projets d’application de ces principes et souligne les bénéfices environnemen-
taux : réduction des pollutions, dépollution et réutilisation des sols, préservation des espaces verts.). Un Centre national
d’études, de recherche, d’assistance technique et de formation à ce modèle de développement, a été créé par une
université.
Sources: Barnett ed. Smart Growth in a changing world. American Planning Association, Chicago, 2007;
www.smartgrowth.org - www.epa.gov/smartgrowth www.smartgrowth.urnd.eduJ
www.govinstitite.org/policyguide/

Visioning
Outil de prospective utilisé par certaines métropoles (dérivé de to envision = envisager) pour imaginer l’avenir de la ville,
d’un quartier ou de la région. Il consiste à spatialiser les préférences urbanistiques des acteurs et des habitants et à éla-
borer, sur la base de ces préférences et du pluralisme des opinions, des scénarii d’urbanisme qui font l’objet d’évaluations
comparatives. Le visioning repose sur 5 axiomes : sensibilisation, participation, scénarisation, modélisation et évaluation.
Par exemple l’exercice mené sur l’avenir de la métropole de Los Angeles par l’Agence des transports a confronté les
propositions de 1 300 personnes et abouti à 3 scenarii diffusés sur internet et utilisé par les décideurs comme l’un des
instruments de planification urbaine.

Zones métropolitaines
Elles sont définies selon un critère statistique (Standards Metropolitan Statistical Areas) comme des « zones composées
par l’adjonction de noyaux urbains continus, dont l’un est constitué par une ville-centre d’au moins 50 000 habitants ou
des zones d’au moins 100 000 habitants composées d’une ville-centre et de quartiers périphériques ». La Consolidated
Metropolitan Statistical Areas peut aller jusqu’à inclure plusieurs centres et leurs banlieues respective en raison de leur
continuité spatiale. Elles correspondent à des espaces de migrations quotidiennes de travail, couvrant un ou plusieurs
comtés et assez proches de nos « bassins d’emploi ».

Sigles
EDA Economic Development Administration
HUD Department of Housing and Urban Development
EPA Environment Protection Agency
GAO General Accounting Office
ARRA American Recovery and Reinvestment Act
CDBG Community Development Grant
CRA Community Investment Act
RC/EZ/EC Renewal Communities, Empowerment zones et Entreprise Communities
ressources
documentaires
//  71

• Mark Drabenstott., A review of the federal role in Regional Economic Development, Federal Reserve bank of Texas
and Federal Reserve system, 2005.
• http://www.kc.frb.org/PUBLICAT/EconRev/PDF/1q06drab.pdf
• Construction Grants, Program Impact Assessment Report on Investigation and results, Grant Thornton, September
2008.
• Spotlight on Results Capturing Successes in Renewal Communities and Empowerment Zones, HUD, 2004.
• Paul Knox and Helke Mayer, Small Town Sustainability: Economic, social and environmental innovation, Virginia Tech
University, Ed. Birkhaser.
• Using Arts and Culture to Stimulate State Economic Development, NGA and Centre for Best Practices, 2008. www.
nga.org/center
• Getting Current Demographic Trends in metropolitan America, Brookings Institute, 2009. www.brookings.edu/Metro
• Les villes d’Amérique du Nord : un renouvellement exemplaire. Stratégies métropolitaines. Cahier N°181, IAU-IdF,
Juin 009
• E..L Birch and S.M Wachter. Growing Greener Cities Urban sustainability in the XXIst century, University of
Pennsylvania Press 2008.
Ministère de l’agriculture,
de l’alimentation, de la pêche,
de la ruralité et
de l’aménagement du territoire
Créée en 2011, cette collection à caractère scientifique entièrement numérique a pour objectif de rendre ac-
cessibles, certaines des études les plus récentes de la DATAR. L’intérêt est également de pouvoir proposer
ces travaux d’expertise ou de R&D confiés à des laboratoires de recherche ou à des cabinets de consultants
dans une version publique très complète, intégrant notamment le détail de la méthodologique et des annexes
techniques complémentaires. Chaque numéro de cette nouvelle série est disponible en téléchargement sur le
site-portail de l’aménagement du territoire dans une version maquettée facilement imprimable.

Datar • 2011

Vous aimerez peut-être aussi