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Jean-Pierre Pellegrin
TRAVAUX
EN
LIGNE n°8
Cette publication de la collection Travaux en ligne s’inscrit dans une réflexion plus large menée par la DATAR en 2009-2010 sur « Les
politiques et pratiques d’aménagement du territoire dans 8 pays ».
Ce chantier a permis d’explorer les configurations territoriales et les stratégies de pays innovants ou performants dont la connaissance
fait sens par rapport aux enjeux d’évolution et d’adaptation du modèle français. La réflexion a été concentrée sur trois thèmes prioritaires
(attractivité et compétitivité, métropolisation et développement durable) considérés comme structurants pour l’aménagement du
territoire aujourd’hui, et ce, à des échelles ou dans des contextes extrêmement variables. Chacun de ces thèmes a été analysé à la
lumière des objectifs assignés par les politiques publiques nationales, de l’organisation territoriale et des outils d’aménagement et de
développement mis en œuvre. Pour chaque pays, ont été identifiées in fine des pratiques significatives pour l’aménagement du territoire
français.
On trouvera dans la collection Travaux en ligne, sept des huit monographies réalisées. Celle relative aux « Pratiques d’aménagement du
territoire en Chine » a été publiée à la Documentation française, en février 2011, dans la collection Travaux de la DATAR (N°13).
On notera qu’un séminaire Prospective Info « L’aménagement du territoire à l’international » s’est tenu le 24 novembre 2010 pour
valoriser ces différentes études. Les actes sont disponibles sur le portail de l’aménagement du territoire : www.territoires.gouv.fr
rubrique Prospective Info.
Cette étude ne représente pas nécessairement les positions officielles de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire
et à l’attractivité régionale. Elle n’engage que son ou ses auteur(s).
Délégation interministérielle à l’aménagement
du territoire et à l’attractivité régionale
Coordination éditoriale :
Karine Hurel, Florian Muzard, Camille Rognant
Résumé // 6
1. Le cadre général // 10
1.1 Le contenu des politiques d’aménagement du territoire et les objectifs affichés / 12
1.2 Problématiques et dynamiques, défis et enjeux / 12
1.3 Organisation du territoire / 14
1.4 Les politiques de développement territorial / 15
1.5 Les politiques de développement des États / 16
Annexe 1 - Inventaire succinct des principaux programmes fédéraux de développement territorial / 18
2. Attractivité et compétitivité // 20
2.1 La compétitivité régionale, but du développement / 21
2.2 Le financement des investissements d’infrastructure / 22
2.3 Le financement de la R&D et de l’innovation / 23
2.4 Le rôle clé des universités / 24
2.5 Ressources humaines et développement économique / 25
2.6 Les clusters / 25
2.7 De nouvelles orientations de la politique fédérale / 26
2.8 Remarques conclusives / 27
Annexe 1. Un bilan des réalisations d’EDA (2001-2008) / 29
3. Le développement durable // 32
3.1 Les politiques fédérales : le rôle de l’Agence de Protection de l’Environnement / 34
3.2 Les politiques environnementales des États / 34
3.3 Les initiatives des grandes villes / 36
3.4 Les communautés vertes et le rôle des réseaux / 37
3.5 La nouvelle politique de l’administration Obama / 38
3.6 Remarques conclusives / 40
4. Politiques urbaines et la question métropolitaine // 42
4.1 La question métropolitaine / 43
4.2 La gouvernance des métropoles / 45
4.3 Fiscalité et dépenses des métropoles et crise financière / 46
4.4 Les politiques fédérales de développement urbain et communautaire / 48
4.5 Débats en cours et projets de la nouvelle administration / 49
4.6 Le rôle des États et des villes / 51
4.7 Vers la mégalopolisation ? / 52
4.8 Remarques conclusives / 52
5. Conclusions // 54
6. Pratiques significatives // 60
6.1 La gouvernance de l’aire métropolitaine de Portland (Oregon) / 61
6.2 L’émergence d’un « cluster vert » au Dakota du Nord / 63
6.3 Articulation entre développement des qualifications et développement économique: l’exemple de la
Pennsylvanie / 64
Glossaire // 66
Évoquer les États-Unis, c’est abuser des superlatifs. la compétitivité de ces territoires – on parle d’adaptation à
Puissance économique, politique, militaire et culturelle la mondialisation - en assurant une transition écologique
dominante, ce pays est le plus riche et parmi les et énergétique. S’y ajoute la gestion en cours des crises
plus développés de la planète. Pays aux dimensions financière, immobilière, budgétaire et de l’emploi, dont
continentales, certains de ses États ont la taille et la beaucoup de dirigeants considèrent qu’elles constituent
puissance de ceux de l’UE : la Californie (37 millions de formidables opportunités de changement et de
d’habitants) est, en PIB, la 8ème puissance économique modernisation à saisir.
mondiale. Sa population atteint 305 millions d’habitants.
Elle constitue l’une des sociétés la plus diversifiée du Après une phase de croissance soutenue (le PIB a augmenté
monde sur les plans ethnique et culturel, mais aussi très de 32% entre 2000 et 2008), le pays est frappé depuis
inégalitaire, avec un taux de pauvreté de 17%. septembre-octobre 2007 par une série de chocs « jamais
enregistrés depuis la Grande Dépression des années 30».
Au cours des dernières décennies, une partie de la Le chômage est passé de 5,8% au début de 2008 à 9%
production industrielle et des populations se sont déplacées en octobre 2009 et en 22 mois (décembre 2007 à octobre
de l’ancienne ceinture manufacturière autour des grands 2009), 7,2 millions d’emplois ont été perdus.
lacs, vers la Sun Belt en forte croissance des États du
Sud et de l’Ouest. Les écarts de PIB par habitant entre L’arrivée d’une nouvelle administration confrontée à cette
régions sont très accusés (de 5,17 contre 1,95 en France). gestion d’une récession sévère - mais aussi porteuse de
L’urbanisation s’est poursuivie, faisant des métropoles nombreuses réformes et de nouveaux espoirs- ouvre un
à la fois des moteurs de la croissance et des lieux de nouveau champ aux politiques. Le plan de relance de 825
concentration de problèmes sociaux et environnementaux. milliards $ sur 3 ans prévoit d’affecter aux États et aux villes
une large part de ces ressources pour soutenir la demande,
Les grands défis globaux auxquels le pays est confronté alléger les déficits budgétaires et les problèmes sociaux,
sont assez partagés par les pays européens, même s’ils relancer les investissements, l’emploi et les facteurs de
y semblent décuplés. Dans le domaine du développement compétitivité.
des territoires, le défi central est tant au niveau de l’Union
qu’à celui des États ou des métropoles, de promouvoir Le cadre des politiques : le fédéralisme.
une nouvelle économie (ou croissance) basée sur Les politiques publiques du Gouvernement fédéral, des
l’innovation technologique. Il convient à la fois de renforcer États et des collectivités locales sont aux États-Unis assez
8 //
étrangères à la tradition d’aménagement du territoire ou La curieuse désignation de ces structures mixtes sous le
aux notions de cohésion ou de prospective territoriale. sigle de Quangos*, l’illustre bien.
Les notions de référence sont celles de développement
économique* (voir glossaire) décliné à tous les échelons La compétitivité, but du développement
territoriaux et de développement communautaire*, proche Selon une définition largement partagée, la compétitivité
de notre notion de développement local. En atteste d’un territoire dépend de quatre leviers d’action: (i) les
la dénomination des deux principales administrations infrastructures physiques, (ii) la capacité à innover et à
fédérales en charge de ces questions : l’Administration du diffuser/transférer ces innovations, (iii) la qualité du capital
Développement Économique (EDA) du Département du humain, y compris son esprit d’entreprise et (iv) la qualité
Commerce et le Bureau du Développement Communautaire de l’environnement des entreprises en termes d’aménités
du Département des Affaires urbaines et du Logement ou de services disponibles.
(HUD).
La performance du système d’innovation américain est
Les modes d’intervention publique sont définis par un souvent reconnue et illustrée par les multiples exemples de
système fédéral qui induit une large dispersion des pouvoirs. situations de « proximité des frontières technologiques ».
La Constitution y limite les attributions du gouvernement
fédéral et confère aux 50 États des pouvoirs étendus, Les administrations fédérales (notamment EDA), relayées
notamment en matière de développement. Ils exercent par celles des États, jouent un rôle important dans la
aussi une tutelle sur les collectivités territoriales (3 000 stimulation des investissements d’infrastructures et le plan
comtés et 20 000 municipalités). Le débat sur la nécessité de relance doit, dans ce domaine, permettre de rattraper
d’améliorer les relations et coordinations entre niveaux de les retards. Des agences fédérales telles que la Small
gouvernement est récurrent. Business Administration (SBA) allouent des fonds de R&D à
des programmes qui offrent de fortes incitations publiques
Le gouvernement fédéral soutient le développement à l’amorçage technologique. Les États fédérés cofinancent
économique au sens large (de l’ordre d’un quart de son des fonds ciblés sur des technologies avancées et confient
budget) à partir des départements ministériels porteurs de la gestion des projets à des centres d’excellence le plus
programmes le plus souvent sectoriels mais avec de fortes souvent concentrés dans des clusters. Les universités
retombées géographiques. Au sein de cette enveloppe, une scientifiques et technologiques de qualité commercialisent
quinzaine d’agences ou administrations fédérales centrales leurs brevets et compétences et entretiennent des liens
gère pas moins de 180 programmes territorialisés ou ciblés permanents avec les entreprises. Ce système s’appuie sur
– de façon assez souple - sur certains territoires (zones des réseaux de financements publics et privés du capital
victimes de catastrophes naturelles, régions et quartiers risque (business angels, par exemple) et du capital de
déprimés). Mais du fait de leur gestion décentralisée démarrage (seed capital).
au niveau des États de nombreux autres territoires en
bénéficient. Au cours des trois dernières décennies, Ces systèmes d’innovation sont confortés par des
le « nouveau fédéralisme reaganien » et les politiques politiques actives de formation – notamment dans les
des administrations républicaines ont entraîné un fort collèges communautaires. Des Comités de développement
désengagement du gouvernement fédéral, une réduction des qualifications - partenariats locaux appuyés et parfois
des budgets et subventions ainsi que le recours accru à créés dans le cadre de dispositifs fédéraux ou des États -
des crédits d’impôts. coordonnent les politiques d’emploi et de formation. Ils sont
à l’écoute des besoins des entreprises et des marchés du
Les États fédérés assurent la gestion des programmes travail locaux ou régionaux et articulent leurs actions avec
fédéraux en les abondant et financent des stratégies les projets de développement économique.
de développement et des projets mis en œuvre par des
agences, multiples et souvent très efficaces, le plus Le développement de l’entrepreneuriat et l’incubation
fréquemment en coopération avec des partenaires locaux. de nouvelles entreprises high tech au sein de parcs
scientifiques et d’incubateurs, à proximité ou dans les
Les acteurs publics affichent des politiques dans universités, constituent une composante permanente de
ces domaines et jouent des rôles décisifs mais peu ces stratégies, appuyées par des agences telles que la
connus ou sous estimés en Europe. Ils se désignent SBA. Des orientations récentes tendent à valoriser toutes
cependant comme des acteurs de second rang face aux les initiatives, notamment dans les domaines éducatifs,
entreprises et, le cas échéant, aux communautés locales. culturels et environnementaux, visant à améliorer la
Ces dynamiques territoriales sont presque toujours qualité de vie des espaces urbains où se concentrent les
impulsées par des alliances, coalitions et partenariats aux entreprises et ou vivent leurs salariés.
compositions variées. Elles sont mises en œuvre par des
agences souvent mixtes, aux statuts composites, qui sont Les clusters sont les tremplins de cette compétitivité et les
au cœur de la gouvernance du développement territorial. instruments de développement de leurs régions ou villes. Les
// 9
entreprises, ainsi que activités de support s’y concentrent. modes de développement et de planification urbains et à
L’innovation y est valorisée qui alimente la croissance et préconiser une croissance intelligente (smart growth*).
les capacités des firmes à exporter. D’importants moyens
de formation et de financement y sont mobilisés. Parmi La nouvelle administration fédérale oriente le pays sur la
les quelque 700 clusters identifiés, existe une multiplicité voie d’un développement plus durable. Elle a multiplié les
de modèles selon leur spécialisation, les niveaux de engagements, législations et programmes, notamment
technologie et leur phase d’expansion. Impulsés par les en matière d’économie d’énergie et de prévention du
entreprises, leur succès dépend de leur capacité – et réchauffement climatique. Le plan de reprise et le projet
celle des partenaires qui les animent- à coopérer au sein de budget 2010, affectent à ce secteur d’importants
de réseaux sociaux et à valoriser les qualifications et les investissements tout en cherchant à les concilier avec les
talents. projets de développement économique et à les articuler,
dans le cadre d’expérimentions, avec les initiatives en
Vers une « économie verte » faveur des communautés défavorisées.
Les États-Unis produisent 17% des émissions de gaz à effets
de serre et leur empreinte écologique globale est estimée Des métropoles aux mégalopoles : quelle
à « cinq terres ». Les faibles coûts de l’énergie, la mobilité gouvernance ?
élevée, les modes de consommation, d’habitat et de vie, Dans ce pays très urbanisé et confronté à une croissance
l’étalement urbain et la forte dépendance d’automobiles urbaine rapide, les métropoles polycentriques se
bien peu économes en carburant, ont pérennisé un système transforment en mégalopoles, et en méga-régions urbaines
de sur consommation énergétique, dépendant à 87% des constituées de réseaux de villes interconnectées. Elles
énergies fossiles et défendu par de puissants groupes concentrent aujourd’hui les trois quarts de la population,
d’intérêts industriels et énergétiques. De ce fait, le débat produisent les trois quarts du PIB et concentrent les deux
sur le développement durable se confond largement avec tiers des emplois. Les réponses apportées aux problèmes
celui sur l’énergie et les effets négatifs de la consommation de gouvernance urbaine sont multiples mais dispersées
de ses sources d’origine fossile. Il a été très conflictuel, et spécifiques. Elles opposent ceux qui préconisent des
générant de nombreux litiges juridiques et induisant l’idée gouvernements métropolitains aux « champions de la
d’une incompatibilité entre le développement économique coopération ».
et la protection de l’environnement. On peut identifier trois types d’évolution de la gouvernance
métropolitaine :
Le pays a une longue tradition de protection de la nature, • Un mode formel de fusions de communes ou de
défendue par de puissantes ONG. Il est le premier à avoir communes et du comté et d’annexion des pouvoirs par la
créé des parcs naturels dès les années 1870 et une Agence ville centre.
de Protection de l’Environnement en 1970 et adopté des • Un mode plus fonctionnel, assez courant, qui consiste à
législations et des normes de contrôle de la pollution de confier à des agences des fonctions urbaines communes
l’air et de l’eau. (transports, planification, environnement) ;
• Un mode informel reposant sur des concertations au sein
Les politiques se réfèrent peu à la notion de développement
de conseils intercommunaux, d’organismes intermédiaires
durable et utilisent les termes d’économie verte ou
ou d’agences de développement gérées par des
d’économie d’énergie propre.
partenariats publics-privés.
Si l’administration précédente n’a pas fait sa priorité de la
lutte contre le réchauffement climatique, elle a cependant Les politiques urbaines fédérales se sont concentrées sur
lancé quelques programmes d’appui aux technologies des aides aux communautés ou quartiers en difficultés.
environnementales et aux emplois verts. Bien que très orientées sur des actions économiques
comme préalables et tremplins à des améliorations des
Les États ont été très actifs et plus de la moitié d’entre conditions sociales ou de logement, ces programmes
eux sont engagés dans des programmes importants ont eu des impacts limités ou temporaires. La nouvelle
d’économie d’énergie et de recours aux énergies propres. administration relance cette politique en coordonnant
Certains résultats tels que la stabilisation de la consommation mieux les programmes et en impliquant davantage les
d’énergie par personne en Californie atteste de résultats acteurs locaux pour repenser ces réponses. Elle propose
substantiels, mais isolés. Les États ont donné la priorité au à ces acteurs, d’identifier et de transférer conjointement
développement de la R&D dans cette filière, qui fait des des pratiques significatives d’initiative locale. Des efforts
États-Unis l’un des pays les plus avancés en matière de d’éducation, d’empowerment* et d’engagement massif de
technologie environnementale et de création, par du capital bénévoles sont aussi préconisés pour renforcer les liens
risque, d’entreprises leader et d’emplois verts. sociaux et accroître l’offre de services. Enfin, des pressions
s’exercent pour réactiver des dispositifs d’investissements
Les villes ont été aussi très actives et novatrices. Elles sont des banques dans ces quartiers, recourir davantage au
très nombreuses à avoir aménagé des « communautés microcrédit et renforcer les organismes de financement
vertes » ou éco-quartiers, qui conduisent à repenser les communautaires.
le cadre
général
// 11
Puissance économique, politique et culturelle dominante et gouvernement fédéral et confère aux États des pouvoirs
leader mondial dans de nombreux domaines, les États-Unis étendus, y compris celui de définir les compétences en
sont le plus riche pays de la planète : un PIB de 14.370 matière fiscale et budgétaire des collectivités territoriales
milliards $ en 2008 soit de l’ordre de 20% du PIB planétaire, (3.000 comtés et 20.000 municipalités).
et l’un des plus développés (PIB par tête de 47.000 $ et
un IDH de 0,951). Sa population, qui atteint 305 millions
Après une décennie de croissance économique soutenue
d’habitants en 2008, a augmenté de 40% en 30 ans. Elle
(le PIB a augmenté de 32% entre 2000 et 2008), le pays
devrait atteindre 400 millions en 2050 selon le bureau du
est confronté à la « pire crise économique depuis la Grande
recensement. Elle est l’une des plus diversifiées du monde
Dépression». Un plan de relance et de réinvestissement
sur les plans ethnique et culturel, mais elle enregistre de
(ARRA) de plus de 800 milliards $ sur 3 ans, prévoit
fortes et persistantes inégalités de revenus et un taux de
d’affecter aux États, sous forme d’investissements, une
pauvreté de 17%.
large part de ces ressources pour y renforcer les facteurs de
compétitivité, améliorer les services d’éducation et de santé
Pays aux dimensions continentales de 9,6 millions de km² – et assurer la transition vers une économie plus durable.
17 fois la France – il constitue un vaste marché intérieur ; il est
marqué aussi par des disparités régionales très marquées
et persistantes : les écarts de PIB par tête entre régions
sont de 5,17. Plusieurs grandes évolutions et dynamiques
géographiques ont été enregistrées au cours des dernières
décennies : les grands centres de production industrielle et
des populations se sont déplacés de l’ancienne ceinture
manufacturière autour des grands lacs, vers les États de
la Sun Belt. Sa forte urbanisation (75%) et métropolisation
(75 villes de plus de 200.000 habitants et 13 de plus de
3.000.000) attestent de la puissance de son réseau urbain.
affectés par des dynamiques territoriales qui sont autant de qui y sont apportés ne sont pas en priorité de nature
défis pour les politiques de développement, tels que : redistributive; ils consistent à aider les entreprises, les
• une croissance accélérée des États de la Sun Belt habitants ou les communautés à créer de nouvelles
où se localisent les investissements –notamment activités et des emplois ;
étrangers- et les grands projets industriels (par • l’impact des catastrophes naturelles en termes de
exemple des firmes automobiles), en misant sur une coûts de reconstruction et de redéveloppement, ainsi
concurrence par les coûts à court terme. Certaines de que des dysfonctionnements révélés lors du cyclone
ces localisations ont servi de tremplin à la création de Katrina, qui renvoient aux effets des dérèglements
clusters d’entreprises. climatiques qui interpellent un pays qui est avec la
• des situations de restructuration souvent longues, Chine, le plus fort émetteur de gaz à effets de serre
difficiles et coûteuses, dans les États et villes de la planète ;
industrielles du Middle West et du Nord-Nord Est- • une formidable urbanisation, accélérée par un afflux
comme en attestent celles en cours dans les villes massif de migrants, notamment d’Amérique latine,
d’implantation des trois grandes sociétés automobiles qui accompagne l’émergence de nouveaux pôles de
nationales ; croissance autour de clusters et d’une vaste économie
• la permanence de fortes disparités régionales : les de services (78% de la pop. active). Elle génère des
écarts de PIB per capita entre les régions extrêmes dysfonctionnements environnementaux (occupation
sont de 5,17 (contre 1,95 en France) 3 et des écarts des sols liée à l’étalement urbain et pollution par
de revenu par habitant encore plus forts ; ces fortes les transports) et sociaux (pauvreté, ségrégation,
disparités sont fréquemment constatées par les insécurité chronique et syndrome des émeutes
analystes qui déplorent une « croissance régionale très urbaines passées). Le taux de pauvreté standardisé4
déséquilibrée », décrite comme autant d’« opportunités 4 Source : OCDE - Le taux de pauvreté standardisé est le pourcentage de
économiques perdues ». Les réponses et moyens la population vivant au dessous du seuil de pauvreté (la moitié du revenu
médian) et l’écart de pauvreté entre le revenu moyen des pauvres et ce
3 Source : OCDE - données statistiques, cité dans le document de la seuil qui correspond à la part du revenu qui leur manque pour atteindre ce
conférence des ministres, 2009 seuil.
Croissance démographique par État entre 2000 et 2008 (Source : brookings, 2009)
14 //
atteint 17% (7% en France) et l’écart de pauvreté 38% • aux défis de l’innovation et de la compétitivité dans une
(contre 12% en France). économie globalisée et en récession ;
La concomitance d’une récession d’une ampleur inédite • à la permanence et l’aggravation, à des degrés très
et l’arrivée d’une nouvelle administration porteuse de variables, des problèmes sociaux et environnementaux ;
nombreux projets de réformes de structures bouleversent • à la crise financière des États et des villes qui les confronte
ces enjeux. La priorité est de répondre à la crise financière à de formidables déficits budgétaires, imputables à une
et économique - forte récession et destruction massive forte baisse des ressources fiscales et interdits par le
d’emplois (7, 2 millions en moins de 2 ans) - mais aussi système fédéral.
sociale (saisies immobilières, chômage qui approche les
10%, pauvreté en hausse, etc.) par une injection massive
de fonds publics dans le Plan de relance.
1.3 Organisation du
Le plan de relance et de réinvestissement territoire
(ARRA)
Au cours du premier semestre 2009 le gouvernement La règle générale de répartition des compétences entre
fédéral a décidé d’injecter de l’ordre de 1.850 milliards les niveaux fédéral et fédéré est celle d’une subsidiarité
$ pour contrer la baisse durable de la demande et de descendante : les États ne peuvent exercer que des
l’investissement privé: dont 900 milliards pour relancer le compétences qui ne sont pas attribuées au niveau
marché du crédit, 100 milliards pour empêcher les saisies central. L’État fédéral détient 18 compétences (art 1 de
immobilières et 25 milliards pour soutenir les 3 grosses la Constitution) et les États fédérés exercent les pouvoirs
compagnies automobiles. Le plan fédéral de relance non attribués. Mais il existe de nombreuses interprétations
(ARRA) adopté le 2 mars 2009 5, s’élève à 825 milliards $ et dérogations à ce principe. Ainsi, la constitution
dont 275 en baisses d’impôts et 550 en investissements fédérale ne définit aucune compétence en matière de
devant créer 3 millions d’emplois. Plus de 320 milliards développement régional, mais les gouvernements justifient
doivent être transférés aux États et collectivités locales leurs interventions au nom d’une égalité des opportunités à
afin de stimuler l’investissement et la consommation des promouvoir ou d’une intervention économique d’ensemble.
ménages par des mécanismes divers : allocation à des
fonds –notamment de stabilisation fiscale -, subventions
directes ou « compétitives » (stimulus and competitive Comme dans toute fédération, les États fédérés sont les
grants), exemptions fiscales, etc. Ces fonds doivent acteurs publics clés du développement économique,
leur permettre de compenser des déficits en ressources avec leur gouverneur élu qui est souvent le leader,
fiscales et de financer leurs dépenses, ainsi que des « promoteur et porteur de stratégies ou de grands projets
opportunités » d’investissements à long terme. Le plan de développement, leur double chambre législative et leur
vise aussi des objectifs plus structurels de reconversion, Cour suprême. Les États constituent, selon l’expression
réinvestissement et modernisation d’une économie en courante, les « laboratoires de la démocratie » où s’élaborent
transition vers une économie plus durable. les stratégies, où se conduisent les innovations et les
expérimentations et où se créent les partenariats. Leur rôle
a été renforcé au cours des trois dernières décennies par le
Les premiers résultats « nouveau fédéralisme » du Président Reagan.
Le gouvernement a publié des lignes directrices
d’application et ouvert un site web pour aider les États à
identifier des opérations à financer et mettre en place des Les collectivités territoriales (local governements) sont
instruments de suivi et d’évaluation. La mise en œuvre des « créations des États », qui les régissent selon des
de ce plan doit atteindre « un niveau jamais atteint » de principes divers : certains États, adeptes du « home rule
transparence (accountability). Selon les premiers résultats », leur octroient des pouvoirs assez vastes inscrits dans
rapportés par GAO, de l’ordre de 90 % des premiers des chartes, tandis que ceux qui se réfèrent au principe
fonds fédéraux alloués au cours de 2009 sont affectés Dillon de 1868, restreignent fortement ces délégations de
par les États, sous forme de crédits de fonctionnement et pouvoir et peuvent même décider d’en supprimer ou d’en
d’investissement à trois secteurs : la santé, les transports fusionner certaines. Elles se composent de 3.000 comtés,
et l’éducation. 16.000 townships (proches de nos cantons, mais qui
constituent des unités cadastrales), 19.430 municipalités
Sources : www.nga.org
et des 35.000 districts spéciaux (auxquels il faut ajouter
les 13.500 districts scolaires dont les dirigeants sont élus).
Les États, les villes et métropoles sont confrontés en Leur particularité réside surtout dans l’extrême diversité des
particulier : modes d’administration municipale et de l’origine de leurs
ressources (voir Chapitre 4).
5 Sources : www.staterecovery.org et ARRA Ressource Center - National
Governors Association (NGA) : www.nga.org
// 15
• les programmes d’incitations, de type fiscal, de constituent les unités du développement économique et
certification pour accéder à des programmes prioritaires ou doivent se spécialiser pour créer des avantages compétitifs.
d’exemption fiscales. Leurs stratégies sont centrées sur l’accumulation des
connaissances et la constitution de centres d’innovation
ou d’excellence, souvent regroupés dans des clusters.
On reproche à ces politiques et programmes une très forte
Quant aux entreprises elles sont encouragées à promouvoir
dispersion et fragmentation, une absence de coordination,
une compétitivité hors prix, centrée sur l’innovation
des concurrences et des doubles emplois. Bien que ciblés
technologique.
sur des zones ou des problèmes divers, ces programmes
reposent sur une vision homogène du développement
régional selon laquelle toutes les régions croissent de la Tous les États disposent d’une agence de développement
même façon. Ils tendent à privilégier le secteur industriel économique (State Economic Development Agency). Sur
(et l’agriculture dans les zones rurales) et accordent une le site internet de l’État, le gouverneur y présente le plan
priorité trop marquée aux investissements d’infrastructure stratégique. Les axes, objectifs, projets et montants des
physique. Ils peuvent induire des concurrences entre les crédits à investir y sont à la fois sectoriels –se rapportant
États et un jeu à somme nulle au niveau national. Ces aux secteurs économiques, mais aussi aux secteurs de
politiques devraient - selon le vœu et le pronostic de l’éducation, de la R&D, du social et de l’environnement -
nombreuses personnes interrogées en ce début d’une et territoriaux (sous-régions fonctionnelles sur plusieurs
nouvelle administration très réformiste – être réorientées et comtés).
coordonnées.
Un inventaire des mesures de développement économique
La vision de plus en plus partagée est : des États révèle les catégories suivantes :
• qu’il est urgent d’orienter davantage les politiques • les mesures visant à attirer, conserver et développer les
régionales fédérales sur l’appui à l’innovation, la compétitivité entreprises sont au centre de toutes ces politiques locales
et l’entrepreneuriat et d’adapter les services et programmes et constituent un moyen irremplaçable pour conserver et
fédéraux aux objectifs fixés par les États et régions ; accroître les avantages compétitifs et renforcer les clusters.
• que c’est aux régions à répondre aux défis, à développer Ces mesures reposent sur une bonne connaissance de la
leur propre stratégie centrée sur des investissements dans base économique, de la population des entreprises et des
l’innovation et les ressources humaines, ainsi que sur besoins des clients (en moyenne 70% des commandes
l’amélioration de l’environnement des entreprises (services, viennent de clients fidélisés, 15% de confrères ou relations
cadre résidentiel, etc.) et l’appui à l’entrepreneuriat. et 15% seulement de nouvelles offres). Elles consistent
en des aides et incitations fiscales ciblées afin d’éviter les
délocalisations, de créer de nouveaux emplois, de survivre
d’une bonne cartographie des infrastructures et ressources accords ou contrats inter-États (interstates compacts).
existantes dans l’État, en promouvant les entreprises high
tech dans des parcs et incubateurs technologiques et en
Cette diversité de stratégies et de résultats a incité à produire
s’assurant qu’elles disposent de fonds privés ou publics de
des exercices de Benchmarking ou d’analyses comparées
proximité ou de financement du risque et du démarrage,
des performances des États, qui constituent des outils
en mobilisant les programmes fédéraux, notamment de la
d’orientation des stratégies et des programmes pour les
Small Business Administration (SBA) ;
gouvernements des États et des sources d’inspiration pour
• Mettre en place une large gamme d’instruments d’accès leurs décideurs et partenaires 6.
aux capitaux et au crédit non commercial (prêts divers,
microcrédit, subventions aux zones défavorisées, etc.)
en comblant les manques ou vides sur les marchés de A court et moyen terme, l’action économique des États est
capitaux, identifiés dans la région ; hypothéquée par leurs déficits budgétaires creusés par la
récession. Ceux-ci sont estimés entre 5 et 20%, selon les
• Offrir des crédits d’impôts afin de réduire le coût des
États sur l’année 2008-2009, de -3,6% au dernier trimestre
investissements privés, qui prennent de multiples formes
2008 jusqu’à -10 à –20% au premier trimestre 2009 7.
(employment credits, work opportunities tax credits, tax-
Les budgets 2010 enregistrent à la fois de fortes baisses
increment financing, tax-exempt bond financing, capital
des recettes fiscales et des hausses exceptionnelles des
gain, etc.) ainsi que des prêts ou émettre des obligations
dépenses sociales (Medicaid) et de fonctionnement des
aux revenus détaxées (tax-exempt private bonds), dont le
services publics. Bien que compensés en partie par les
remboursement sera assuré par les revenus futurs des plus
crédits du plan de relance, 41 de 50 États ont annoncé
values foncières ;
des coupures budgétaires. Certaines situations de quasi
• Stimuler et favoriser l’entrepreneuriat, qui constitue un faillite (Californie) contraignent à de fortes réductions des
objectif omni présent ; dépenses d’éducation, de santé et d’aide sociale ainsi que
• Mettre en place des politiques de développement des des licenciements ou la baisse des salaires des employés.
ressources humaines et des qualifications, cordonnées Il en est de même pour les villes (voir Chapitre 4).
avec les initiatives ou stratégies de développement
économique au niveau local (bassin d’emploi) et à celui des 6 Deux exercices annuels de benchmarking ou de mesures et comparaisons
États. des performances des États, publiés par des think thanks privés sont parti-
culièrement commentés. Il s’agit du State New Economy Index: Benchmar-
king Economic Transformation in the States de R.Atkinson et Scott Andes
Si la diversité des stratégies adoptées et les concurrences de l’Information Technology and Innovation Foundation ; basé sur 29 indica-
entre États continuent de jouer, elles n’excluent pas des teurs centrés sur la compétitivité, il est publié chaque année en novembre et
porte sur les résultats de l’année précédente www.innovationpolicy.org. Le
coopérations sur des questions d’intérêts communs tels rapport biannuel Assets and oportunites scorecard publié par la CfED (The
que l’approvisionnement en énergie, la protection sociale, Corporation for Entreprise Development) prend davantage en compte des
l’offre de soins spécialisés, etc., qui donnent lieu à des indicateurs sociaux www.cfed.org
7 NGA, State Economic Review Mars 2009
18 //
Small business administration (SBA) Programmes d’aides aux PME Voir Chapitre 2
(subventions, prêts, garanties
d’emprunts) et aux entrepreneurs
Agence de protection de Assainissement des terrains et sites Décontamination des sols industriels
l’Environnement industriels pollués pollués (browfields), qualité de l’eau
Commission Régionale pour les Agence créée en 1965 dans la 75 (hors Investissements dans les énergies
Appalaches www.arc.gov zone la plus pauvre des États-Unis, autoroutes) renouvelables (priorité)
à cheval sur 13 États, 420 comtés dont 70%
et 23 millions d’habitants) Plan ciblés sur les
stratégique jusqu’en 2012 comtés les
plus pauvres.
Tennessee Valley Authority 3 agences dans ces 3 régions 60 Programmes et services divers
- Commission Denali (Alaska) particulières, considérées comme «
à problèmes »
- Agence régionale du Delta du
Mississipi
NB : Nombreux sont ceux pour lesquels il est difficile d’isoler la composante régionale et dissocier les effets
régionaux d’effets plus globaux
* Budget : ordres de grandeurs et moyennes sur les années 2000-2006, en millions de dollars.
Attractivité et
compétitivité
// 21
2.1 La compétitivité ré- • la qualité du capital humain, y compris son esprit d’en-
treprise et
gionale, but du dévelop-
• la qualité de l’environnement des entreprises en termes
pement d’aménités, de services disponibles, voire de conditions
climatiques.
Au cours des dernières décennies, on a considéré que
la compétitivité des régions dépendait de forces et res- Leurs effets dépendent de la capacité des acteurs à agré-
sources externes (attraction des investissements et recru- ger, relier, coordonner et combiner ces facteurs, en parti-
tement d’entreprises, assortis de subventions et de crédits culier au sein d’alliances et de partenariats publics-privés.
d’impôts) et résultait d’une concurrence par les coûts. On Le développement économique est défini aux États-Unis
adopte aujourd’hui une vision plus endogène selon laquelle comme une affaire d’interactions, de coopération et de ré-
chaque région doit concevoir sa propre voie de dévelop- seaux entre acteurs du territoire, appuyés par des interven-
pement et construire sa propre « machine économique » tions et incitations supra-locales.
en mobilisant et valorisant ses ressources et en exploitant
les opportunités offertes par la mondialisation, les techno- Selon une conviction qui semble largement partagée, un
logies, un dollar faible, etc. volume critique de ressources et une forte propension des
acteurs à coopérer, assortie d’un fort leadership, peuvent
Selon une définition d’usage chez les « développeurs », la générer une nouvelle croissance, le plus souvent concen-
compétitivité d’un territoire dépend des 4 leviers d’action trée dans des clusters d’activités. En découlent des effets
suivants : de diffusion (spillovers) et des synergies dans l’accès aux
• les infrastructures physiques, marchés, dans l’adaptation des technologies, la constitu-
tion de pôles de compétences, ainsi que dans la création et
• la capacité à innover et à diffuser/transférer ces innova- le développement de nouvelles entreprises. En concurrence
tions, qui dépend entre autres des dépenses en R&D entre elles et avec celles d’autres pays, les régions doivent
parvenir pour réussir, à optimiser leurs avantages concu-
22 //
rentiels et assurer la compétitivité de leurs entreprises. déjà 40 000 emplois. Cette stratégie, sous le leadership
d’un gouverneur, a été conçue et mise en œuvre par de
Ces stratégies s’appuient sur des programmes fédéraux multiples organisations fonctionnant sur la base de coo-
et des États, ainsi que sur une profusion d’organisations, pérations étroites ou de partenariats entre universités,
d’agences et de réseaux nationaux et locaux, publics, pri- entreprises, milieux d’affaires et les instances de l’Etat
vés ou mixtes. Le secteur privé et les milieux des affaires et des villes.
constituent des forces majeures de proposition, de mobi-
lisation, de lobbying et de financement d’initiatives natio- L’Etat a mis en place une batterie d’instruments incitatifs
nales et décentralisées. Le Conseil de la Compétitivité est pour la plupart sous forme de crédits d’impôts aux entre-
l’un de ces instruments les plus puissants. Organisme « pri- prises, en matière d’investissement en machines, biens
vé et non partisan », il est animé par des dirigeants (PDG de fonciers, ou nouveaux matériels, de créations d’emplois,
multinationales, présidents des universités les plus presti- de R&D, de formation, de création d’un siège social ou
gieuses et leaders syndicaux). Son objectif est de renforcer administratif. De l’ordre de 1/4 du montant investi (pla-
la compétitivité des entreprises, des régions et du pays. Il fonné à 30 000 $) par des investisseurs privés sont rem-
lance de nombreuses initiatives, telles que Regional com- boursés.
petitiveness, Regional leadership, Innovation clusters. Il est
à l’origine de très nombreuses actions de communication et La formation des qualifications est un axe important de
de promotion, réalise des analyses, diffuse des instruments cette stratégie. Elle est assurée par le système des Com-
d’ingénierie et assure une fonction de catalyse. Il constitue munity Colleges pour le Développement Economique
une force de mobilisation et de proposition relayée dans associé aux Départements du Commerce et de l’Emploi
chaque région et État. Ses préconisations, largement dé- de l’Etat, qui regroupe 58 établissements et propose des
battues, s’adressent à tous les leaders, y compris au Pré- services aux entreprises et à leurs clients.
sident, (à qui il a récemment proposé une stratégie de dé- Sources : www.ncgov.com
veloppement durable), aux membres du Congrès et aux
gouverneurs des États 1.
2.2 Le financement des in-
S’y ajoutent tous les organismes de financement de l’inno-
vation et des entreprises à potentiel (capital risque et capital vestissements d’infras-
d’amorçage) qui mériteraient une étude à part.
tructure
L’exemple de l’Etat de Caroline du Nord
Ancien Etat très agricole (tabac, élevage), de 9 millions Plusieurs agences fédérales assurent ces financements qui
d’habitants, il est devenu sur trois ou quatre décennies sont abondés par les États et des investisseurs privés. Le
l’un des Etas les plus prospères. A partir d’une base in- plan de relance se propose de les stimuler afin de rattraper
dustrielle solide (textile, automobile), l’économie s’est les retards accumulés au cours des dernières décennies.
diversifiée à partir de trois concentrations d’universi-
tés et centres de R&D (Triangle Park, Piedmont Triangle Tel est le cas d’EDA 2. Son principal programme octroie des
Research, et Continental Camp). Il possède le second subventions de financement des infrastructures physiques,
centre financier du pays, les cinq plus grands centres de en vue d’attirer des investisseurs privés, des entreprises et
télécommunication du monde et il est leader de produc- des affaires, de diversifier les activités économiques et de
tion de fibre optique, un secteur de 23 000 entreprises). créer des emplois. Cette administration finance aussi des
Ses universités, qui accueillent près de 80 000 étudiants, programmes d’appui aux ajustements structurels indus-
ont constitué un pôle des sciences de la vie qui offre triels ou commerciaux et à la gestion des changements
sous forme de subventions ou d’assistance technique lo-
1 «Energy Security, Innovation and Sustainable Initiative» (October 2009). cale, pour répondre à des situations de reconversion, de
voir www.compete.org. De nombreuses autres organisations ou réseaux ont
un rôle de préconisations et d’alimentation des débats. Par exemple, IEDC redéveloppement, de définition de nouvelles stratégies et
(International Economic Development Council), organisme de formation et pour aider les entreprises à exporter ou concevoir de nou-
de conseil qui regroupe une cinquantaine d’organismes de développement
les plus divers a publié «Federal Economic Development Agenda Policy re- veaux produits.
commandations for the 44th président and 11th Congrès» (IEDC, December
2008) www.iedconline.org.
L’Institute for Competitive Workforce de la Chambre de Commerce propose
La mise en œuvre de ces programmes se fait, en règle gé-
des politiques de développement des compétences, etc.
2 www.eda.gov
// 23
nérale, par le biais de « subventions par candidatures ou ture) et d’accroître les flux de capitaux en constituant des
appels à projets » (competitive grants), octroyées à des partenariats de cofinancement.
agences ou associations professionnelles en fonction :
• de lignes directrices (policy guidelines) telles que : être Ce plan inclut des programmes de financement et d’ap-
orientés vers le marché et les résultats (market and results pui technique dans de nombreux domaines : construc-
driven), disposer d’un leadership et d’une organisation effi- tion et rénovation de l’habitat, environnement, gestion de
cients, savoir anticiper les changements, chercher à diver- l’eau et assainissement, infrastructures de communica-
sifier les activités, témoigner d’un fort engagement et d’une tion, haut débit, santé et éducation, énergies renouve-
volonté de coopération, s’engager à abonder ces crédits lables et économie d’énergie, aide aux entreprises, etc. A
publics par des fonds privés (matching funds), souvent sur ces dernières – ainsi qu’aux communautés rurales - sont
la base d’un effet de levier ( x $ privés pour 1 $ public) ; proposés des prêts, des subventions et des garanties de
prêts.
• des critères tels que : (i) adopter une démarche straté- Source : www.rurdev.usda.gov
gique et une « approche collaborative » en associant des
partenaires publics et privés, (ii) afficher une composante
d’innovation et de recherche de compétitivité, (iii) attester
d’un esprit d’entreprise, (iv) assurer une durabilité des ef- 2.3 Le financement de la
fets, (v) anticiper des impacts attendus sur l’export, etc.
Des effets directs anticipés sur l’emploi (reconversion de R&D et de l’innovation
main d’œuvre, réinsertion de chômeurs et création d’em-
plois) et sur l’environnement (décontamination de friches Au niveau national, le secteur privé finance de l’ordre des
industrielles ou préservation du patrimoine) permettent 2/3 des dépenses totales de R&D (mais 80% des dépenses
d’obtenir des « bonus ». de développement) et l’Etat fédéral 28% de ce total (mais
80% des dépenses de recherche fondamentale).
EDA dispose de sept bureaux régionaux chargés de définir
les critères d’éligibilité des projets, de les sélectionner, de Plusieurs agences fédérales apportent une assistance
les valider et d’en suivre la mise en œuvre, qui est confiée technique et des appuis à l’innovation, ainsi que des aides
aux agences de développement des États ou des villes aux universités par le biais de partenariats avec des centres
ainsi qu’aux Districts de Développement Economique au d’excellence pour transférer des technologies aux entre-
niveau de comtés ou de sous-régions spécifiques. Ces prises et aux clusters locaux. Le programme des Univer-
programmes font l’objet d’évaluations régulières, dont les sity Centers d’EDA noue des partenariats avec des éta-
résultats conditionnent leur reconduction (voir Chapitre 2 blissements d’enseignement supérieur en vue d’améliorer
- annexe 1). les capacités de développement de leur zone d’influence,
notamment celles qui sont en restructuration ou ont été
La compétitivité des zones rurales sinistrées, mais aussi avec des entreprises en phase de
Le développement rural est l’un des 7 domaines d’ac- démarrage ou de consolidation. Au sein de ces universi-
tion du Département fédéral de l’Agriculture, confié à sa tés, ce programme cofinance, sur des durées de 3 ans,
Direction du Développement rural et communautaire. près de 80 centres dans 45 États. Ces derniers appuient
Cette direction supervise 7.000 employés répartis dans des projets ou des services correspondant à leurs orienta-
800 bureaux locaux et gère 40 programmes d’investis- tions stratégiques : aide au transfert de technologie vers les
sements en infrastructures, ainsi que de prêts ou sub- entreprises, ingénierie, assistance technique aux collecti-
ventions aux entreprises et aux particuliers (logements). vités locales, à des organismes privés et des partenariats
Elle offre aussi une assistance technique et des services locaux, etc. Les rapports d’évaluation des actions menées
d’appui et encourage la coopération et la coordination par ces Centres universitaires attestent de résultats positifs.
des actions entre acteurs publics et privés.
Le rôle particulier de la Small Business Adminis-
Le développement rural fait aussi l’objet d’un plan stra- tration (SBA)
tégique fédéral pour 2005-2010, dont les 2 finalités sont Créée en 1953, cette agence aide les PME (moins de 500
de contribuer à créer des opportunités économiques, salariés) à accéder aux marchés et contrats publics. Elle
d’améliorer les conditions de vie des populations (60 mil- leur apporte des informations et une assistance tech-
lions d’habitants dont 2% seulement vivent de l’agricul- nique et financière. Elle est très active en matière d’édu-
24 //
cation et de promotion de l’entrepreneuriat dans certains patients. D’autres États financent des Centres d’excellence
groupes (femmes, amérindiens, noirs, jeunes, chômeurs, cogérés avec le secteur privé. C’est le cas des Institutes
immigrés, etc.). La crise économique et financière a aug- of Sciences and innovation en Californie qui investissent
menté la demande de crédits et de services aux PME. dans les technologies liées aux changements climatiques,
Leur rôle-clé dans la reprise a conduit le gouvernement à l’énergie et aux transports, sur la base de financements
à accroître les moyens de programmes d’appui à leur fi- croisés de 1$ public pour 2 $ privés. La contribution de
nancement notamment du micro crédit, des aides de dé- l’Etat étant de l’ordre de 400 millions $/an 3.
marrage aux créateurs, chômeurs et personnes à faible
revenu, et à en confier leur gestion à la SBA. Le récent
« Job Creation through Entrepreneurship Act » contient
des dispositions de formation et d’accompagnement 2.4 Le rôle clé des uni-
conformes à cette orientation.
versités
SBA gère aussi des programmes clés dans en matière
d’innovation de l’innovation, tels que : Les universités publiques relèvent de la compétence des
• le dispositif Small Business Innovation Research (SBIR) États. Depuis le 19ème siècle, ces derniers les ont créées
- 2 milliards $ par an – sous forme de contrats commer- par dotation foncière (tradition des Land grant colleges)
ciaux - directs ou de sous-traitance - de R&D, de création et les financent. Le Bayh-Dole Act (1980) qui les a auto-
ou de développement de technologies ou de nouveaux risées à commercialiser la propriété intellectuelle de leurs
produits, avec des PME ; recherches, les a incités à multiplier leurs interventions au-
près des autorités des États, des entreprises et des milieux
• le Small Business Technology Transfer (STTR) qui fi- d’affaires pour agir sur l’innovation et le développement tant
nance des laboratoires universitaires et le Technology technologique que culturel et social et « s’engager au ser-
Innovation Programme (TIP); vice du développement régional »4. La nouvelle économie
basée sur les connaissances, les technologies, la R&D et
• le Small Business Financing Company (SBIC) qui ap- l’innovation a renforcé ce rôle et fait des universités- en tant
porte du capital risque aux entreprises en phase de dé- que ressources et acteurs – un moteur des systèmes d’in-
marrage et d’amorçage. novation régionale et du développement territorial.
SBA collecte des crédits de recherches versés par di- L’engagement des universités
vers ministères et agences, les affecte et accompagne Les modalités sont innombrables. Les Bureaux de liaison
les projets des PME via des Small Business Development industrielle sont très anciens. Ils permettent aux universi-
Centers (SBDC), « guichets uniques » labellisés au niveau tés de commercialiser et d’exploiter inventions et brevets.
local. Ses actions ne sont pas ciblées sur des régions, Le modèle du genre est celui du MIT : contre le paiement
mais sur les entreprises en démarrage ou en phase de d’une cotisation ou le recours à des aides financières
développement de produits. SBA joue de ce fait un rôle externes, les entreprises ont un accès illimité aux ser-
particulier en matière de promotion de la compétitivité vices d’information spécialisés : séminaires, newsletters,
qui a de forts impacts territoriaux. annuaires de recherches, réunions et consultations d’ex-
Source : www.sba.gouv perts, accès aux services de conseil et de recherche, etc.
Quelques États alimentent des fonds de financement de D’autres universités sont membres du Manufacturing
l’innovation, qui sont souvent polyvalents. Par exemple en Extension Partnership (MEP), réseau national de centres
Virginie occidentale, le Research Challenge Fund (4 millions d’assistance technique aux PME industrielles cofinancés
$/an, alimenté par les loteries) finance des projets qui amé- par l’Etat fédéral, les États et les contributions des clients
liorent la compétitivité par abondement des fonds fédéraux. (pour 1/3 du prix). Par exemple, l’Institut de Développe-
D’autres sont ciblés sur des secteurs correspondant aux
3 « Investing in Innovation » National Governors Association and the Pew
priorités de développement de l’Etat : l’Etat de Washington Centre of States, 2007.
alimente un Life Sciences Discovery Fund (biosciences) de 4 Les universités sont d’abord des pôles d’activités en tant qu’employeurs,
350 millions sur 10 ans et celui du Maryland un Fond de ayant des clients, des fournisseurs, des étudiants consommateurs. Elles
génèrent de façon directe ou induites d’importantes dépenses, sources de
recherches sur les cellules souches (Stem Cell Research revenus et d’emplois. L’impact de l’Université de Californie a été estimé à 15
Fund) de 23 millions $/an, ciblé sur des applications à des milliards $ avec un rendement de 3,9 $ pour chaque dollar public dépensé
dans la R&D (2002).
// 25
ment Economique (EDI) de l’Université technique (pu- Workforce Preparation and Economic Development Act qui
blique) de Géorgie a ouvert 13 bureaux régionaux, points a créé un système intégré de développement des qualifica-
d’accès, de contact et de coopération avec les PME à tions, associant les partenaires locaux de l’éducation, de
potentiel ; ils sont devenus des centres d’innovation, do- la formation, de l’emploi et du monde économique, en vue
tés d’une centaine de professionnels ayant tous travaillé de répondre aux besoins des branches, des clusters et des
dans le secteur privé. Ils aident les firmes à « accroître demandeurs d’emplois.
leur productivité et leur compétitivité » et à résoudre leurs
problèmes de tous ordres : TIC, développement de nou- Au niveau des bassins d’emplois ou des microrégions, les
veaux produits, énergie, marketing, normes et de qualité, Workforce Development boards ont pris des formes mul-
passation de marchés, recherche d’investisseurs, etc. tiples. Par exemple dans le Michigan, 13 Alliances Régio-
nales des Qualifications ont été créées. Elles réunissent des
L’Université Purdue (Indiana) gère un bureau de com- représentants des agences publiques de l’emploi et de dé-
mercialisation des technologies, un parc technologique veloppement économique, des entreprises, des syndicats,
comptant une centaine d’entreprises et un parc de dé- des universités et des organismes communautaires. Leur
couvertes virtuel constitué de « centres de recherches in- rôle est d’identifier les besoins de qualifications, d’élabo-
terdisciplinaires » qui aident les entreprises à identifier les rer des plans stratégiques pour y répondre et d’en piloter
technologies susceptibles d’être commercialisées dans la mise en œuvre dans le cadre de programmes d’actions
l’État. Elle propose des services d’expansion technolo- flexibles définissant des objectifs, des cibles, des modalités
gique et délivre des licences aux entreprises de techno- de financement et des critères de performance et d‘éva-
logie avancée. Elle accueille des startups et joue un rôle luation.
croissant dans la création d’entreprises.
nancements à des stratégies régionales visant à stimuler et pour les territoires, le moyen déterminant pour à la fois
les innovations, et à promouvoir l’entreprenariat et la re- s’adapter à la mondialisation, en conjurer les menaces et
cherche dans les universités publiques. en saisir des opportunités. D’autres convictions partagées
On annonce en outre vouloir renforcer les modalités de portent sur les facteurs de la compétitivité régionale, sur
mise en œuvre, de suivi etd ‘évaluation des programmes le rôle central de l’innovation, moteur de la croissance et
fédéraux dans ces régions, en les intégrant aux organismes de l’investissement humain et sur le fait que le dévelop-
d’État ou régionaux de compétitivité. pement est impulsé par les changements technologiques.
En cultivant des « innovations ouvertes » on jette les bases
d’une nouvelle économie, de caractère global et durable,
basée sur la connaissance, les TIC et l’esprit d’entreprise.
2.8 Remarques conclu- Les acteurs sont mus par des conduites ou des impéra-
tifs qui semblent autant de mots d’ordre. Ils consistent à
sives capter les bénéfices de la révolution digitale, à surfer sur la
nouvelle vague d’innovation, à assurer la transition vers des
La compétitivité est l’objectif central poursuivi par les po- énergies à faible contenu de carbone et moins chères, à
litiques et les initiatives de développement économique et tirer parti des nouveaux avantages de la mondialisation tel
en premier lieu par les entreprises. La force et le succès qu’un dollar faible.
des pratiques et politiques tant nationales que régionales
mises en œuvre dans ce domaine, inspirent les remarques • Les résultats sont probants et impressionnants. Ils peu-
suivantes: vent être imputés à des caractéristiques multiples tant cultu-
• Ce thème fait l’objet d’un large consensus. La pour- relles qu’organisationnelles. La forte valorisation de l’esprit
suite de l’objectif de compétitivité est pour les entreprises d’entreprise est ancrée dans une culture de la mobilité et de
28 //
la prise de risque qui, entre autres, incitent les chercheurs à notamment au sein des clusters.
devenir entrepreneurs. L’efficacité bien connue du système
de recherche est probablement liée à l’autonomie ancienne • Les clusters d’entreprises et les pôles de développement
des universités et à leurs liens avec les États, mais aussi à la technologique reposent sur un système de relations et
possibilité de commercialiser leurs brevets et leurs services. d’échanges entre firmes et entre acteurs, qui contribue à
Ces stimulants économiques ont encouragé leurs engage- approfondir les qualifications, encourager et attirer les ta-
ments dans la région, ce dont attestent aussi les actions lents 8, investir dans l’innovation technologique, promouvoir
souvent bénévoles des leaders et des milieux d’affaires. l’entrepreneuriat et « ouvrir des priorités à l’international »
(open global priorities) par l’export, les foires, le marketing,
• Les éléments organisationnels jouent un rôle important. les échanges, etc.
Par des incitations fiscales et autres, ou en intervenant pour
compenser ou sécuriser de financements privés en ma- Bien que le développement économique ne soit pas affiché
tière de R&D, les États - fédéral et fédérés - assument de comme l’une des grandes priorités de la nouvelle adminis-
fonctions de catalyse davantage que de directions. Les or- tration, une « stratégie pour l‘innovation américaine » a été
ganismes de développement, agences ou centres d’excel- publiée et certains de ses objectifs sont inscrits dans le plan
lences, sont souvent gérés par des partenariats entre des de relance et le budget de 2010. Ce retour en force du gou-
représentants des États, du secteur privé et des universités. vernement fédéral visant à coordonner ses interventions et
Nombreuses sont les actions qui résultent de coopérations à mieux les cibler en accroissant les effets de leviers en
entre acteurs ou de réseaux d’interaction qui fonctionnent appui des stratégies des États et des acteurs privés mérite
au sein clusters. d’être suivi avec intérêt.
• la prise en compte d’autres critères d’impacts tels que la protocole précis d’analyse d’un échantillon de 24 projets
part des investissements qui affectent l’entrepreneuriat ou financés par EDA en milieu urbain ont permis d’apprécier
lui sont corollaires (leading edge) ; leur impact et de compléter cette évaluation : en moyenne
2,7 emplois par 10 000$ investis par EDA ont été créés soit
• les bases de données des économies locales (comtés un coût unitaire de 3 800 $.
et bassins d’emplois) et le recours à des méthodes quasi
expérimentales ; Cette étude propose un outil informatique d’évaluation
continue avec plusieurs applications, y compris l’améliora-
• une dissociation des aides « proactives » (visant à pro- tion de la performance des programmes ; elle observe aussi
mouvoir la compétitivité) de celles jugées « réactives » (en que :
réponse à des situations d’ajustement ou de fermetures de • les effets de ces investissements ne se limitent pas à la
sites) et de celles qui répondent à des besoins spécifiques, création d’emplois et à l’abondement par des investisse-
afin de bien isoler les impacts selon les types de projets ments privés, mais ils influent aussi sur les taux de salaires,
et de programmes ou les profils des zones géographiques les valeurs foncières, la baisse des taux de délinquance, le
concernées. capital social ou la fiscalité locale, qui restent non mesurés ;
L’étude du cabinet Grant Thornton 10 (2008) - qui passe en • les agents d’EDA sélectionnent des projets sur la base de
revue toutes les méthodes récentes – préconise une com- connaissances tacites qui sont souvent en conflit avec les
binaison de méthodes quantitatives (analyses de régres- objectifs de performance des programmes, mais qui antici-
sion) et qualitatives de type peer review, en collectant le pent des bénéfices quasi certains bien que non mesurables
point de vue de « parties prenantes externes et critiques » et
en appréhendant des « faisceaux d’impacts ». Cette étude • ces investissements ont un rôle puissant de catalyse pour
mesure les effets des subventions d’investissements en in- attirer d’autres investisseurs sur des projets de développe-
frastructures physiques (pépinières d’entreprises, parcs in- ment local souvent plus vastes.
dustriels, bureaux, commerces, routes, ponts et transports,
équipements publics) hors des zones métropolitaines qui Des représentants d’EDA, rencontrés, sont assez scep-
représentaient au cours de cette dernière année, plus de la tiques quant à la pertinence des résultats de ces évalua-
moitié du budget d’EDA (158 sur 281 millions $). Elle porte tions : les subventions fédérales ne constituent que l’une
sur un échantillon de plus de 2 000 projets, d’une durée de des sources, jugée modeste, de financement (de 250 000
5 années, mis en œuvre au cours de la période 1990-2006. à 1 million $) des projets aidés du fait des apports complé-
En résumé, ces programmes auraient généré en moyenne mentaires des États, d’autres agences fédérales, des com-
de 2,2 à 5 emplois par 10 000 $ investis, soit un coût par tés ou des municipalités, ainsi que d’opérateurs privés, ce
emploi de 2 000 à 4 600 $. Ces résultats varient fortement qui rend difficile d’isoler et de mesurer l’impact des seules
selon les programmes, de 46 à 69 emplois pour 10 000 contributions d’EDA – en particulier en milieu urbain, et en
$ investis dans le financement de pépinières d’entreprises conséquence, d’évaluer de façon précise les programmes
(soit de 144 à 216 $ par emploi) à de 1,5 à 3,4 emplois pour et la stratégie de l’agence.
10 000$ investis dans les équipements collectifs (2.900 à
6 800 $/emploi). Des observations directes basées sur un
Avec 17% (12% pour l’UE) de la production de CO2 et à préserver la nature, même si ceux de la Tennessee Valley
une empreinte écologique estimée à « cinq terres », les Authority, laboratoire et vitrine de la politique régionale,furent
États-Unis sont avec la Chine le principal pays pollueur désastreux pour l’environnement.
de la planète ; ils ont contribué à l’augmentation de 18% Depuis la fin du XIXème siècle, un mouvement de protection
des émissions de gaz à effets de serre depuis 1990. Les de la nature s’oppose à l’exploitation effrénée des
faibles coûts de l’énergie, la mobilité élevée, les modes ressources naturelles par les pionniers et les industriels
de consommation, d’habitat et de vie, l’étalement urbain et les conflits et procès entre ces «conservateurs de la
et la forte dépendance de l’automobile - peu économe en nature » et les «développeurs» furent permanents. Le Sierra
carburant- ont pérennisé un système de surconsommation club, puissant lobby créé en 1892,- qui fut à l’origine de
énergétique, alimenté par les énergies fossiles (87% de la création des parcs naturels est l’un de ces défenseurs
l’énergie consommée avec 51% de la production électrique intraitables de l’environnement. Il compte aujourd’hui
générée par le charbon). 1,3 million de membres. Au début des années 60 3, la
dénonciation des effets des pesticides et de la dégradation
Les derniers rapports annuels du US Global Change des milieux marins et des littoraux - contestés par des
Research et celui de l’Agence fédérale de protection de lobbies industriels - provoqua un vaste débat, d’où naîtra
l’environnement (EPA) 1 font état de quelques améliorations le mouvement écologique moderne (Greenpeace, Amis de
sensibles (sur les émissions de polluants ou les pluies la terre, etc.). Ces associations vont influer sur l’éducation
acides), mais les niveaux de pollution de certaines villes et les comportements des citoyens, incités à pratiquer le
restent alarmants et affectent la santé et la qualité de vie tri sélectif des déchets et à participer à la protection et à
des habitants. 2 l’entretien des espaces verts ; mais peu enclins à remettre
cause leurs comportements de surconsommation d’énergie
Les États-Unis ont cependant une longue tradition de abondante et bon marché et l’American way of life.
protection des espaces naturels. Le premier parc naturel
fut créé en 1872 et le Bureau des parcs - qui surveille et Les États-Unis furent le premier pays à légiférer en 1948
administre les 331 sites protégés - date des années 1910. et 1955 en matière de contrôle de la pollution des eaux et
Une large partie des grands travaux du New Deal a consisté de l’air. En 1963-64, le gouvernement fédéral promulgua
1 Annual Report on the Environment, 2008, EPA 3 Ouvrages de Rachel Carson, « mère » du mouvement écologiste améri-
2 Annual Report on the Environment, 2008, EPA et The clean economy cain moderne, dont le livre manifeste « Printemps silencieux » vient d’être
report The Pew Charitables Trusts, Juillet 2009. republié en français, Ed. Wildproject
34 //
plusieurs lois (clean air, water pollution control, wilderness) novateur est le programme quinquennal de création de
dont s’inspirèrent les pays européens. En 1970, le National Centres de transferts de technologies avancées (Advanced
Environnement Act imposa des normes strictes, des études Technology Transfer Centers) en matière d’usage et
d’impacts et créa un premier marché des droits de pollution. d’économie d’énergie, en lien avec la SBA. L’EPA est aussi
EPA4 , chargée de mettre en œuvre cette politique, fut créée associée au programme « Rural Energy for America » du
pour faire appliquer ces normes et gérer de nombreux Département de l’Agriculture.
programmes.
Des débats et actions permanents impulsés par de
La notion de durabilité (sustainability) est cependant puissantes ONG de protection de l’environnement et
peu utilisée dans le vocabulaire des politiques. On parle relayés par des initiatives de fondations ou de personnalités
d’environnement, d’économie verte* ou d’économie (Clinton Climate Initiative, propositions d’Al Gore, etc.)
propre*. Les débats en cours portent d’abord sur ont fortement incité les États et les villes à accroître leurs
la réduction des émissions, sur les économies et la efforts souvent remarquables et c’est à ce niveau que des
substitution des sources d’énergie. Mais ils sont l’occasion politiques actives en faveur de l’environnement – sinon de
d’envisager la transformation des modes de production et la durabilité - ont été conduites.
de consommation, comme l’illustre le succès de la notion
de smart growth* (croissance intelligente ou futée).
3.2 Les politiques
3.1 Les politiques environnementales des
fédérales : le rôle de États
l’Agence de Protection En dépit d’un manque d’intérêt politique et d’investissements
du gouvernement fédéral, l’économie verte et l’énergie
de l’Environnement propre ont fortement progressé dans plus de la moitié
des 50 États et y révèlent de très fortes potentialités de
Pour défendre les intérêts des États fédérés charbonniers croissance. Entre 1998 et 2007, la seule filière de l’énergie
et pétroliers et des compagnies et lobbies de ces secteurs, propre aurait généré 770 000 emplois, - soit 9% de
l’administration Bush a longtemps refusé de prendre croissance contre 3,7% pour le total des emplois - et 68 000
des mesures nationales pour contrer les changements nouvelles entreprises. Le montant de capital risque investi
climatiques, de signer le Protocole de Tokyo et de valider au cours de années 2006-2008 aurait atteint 12,57 milliards
la loi californienne de réduction des émissions. L’EPA $ 5. Ces évolutions confortent le sentiment que la protection
a assoupli ses normes (par exemple de pollution par les de l’environnement et le développement économique ne
automobiles) à la demande des fabricants et a été assigné sont plus des choix incompatibles et antagonistes. Dans
devant la Cour Suprême par plusieurs États. La hausse des une enquête récente sur les priorités des gouverneurs
prix du pétrole brut a inspiré une loi « d’indépendance et en matière de développement économique, l’option de «
de sécurité énergétique ». Elle visait à la fois à réduire les construire une économie verte » était citée par 40% d’entre
consommations et les dépenses d’énergie, à diminuer les eux.
émissions produites par les sources d’énergie fossiles et à
améliorer l’efficience énergétique dans plusieurs secteurs Les gouverneurs ont donc pris la mesure des enjeux et leur
d’activité. Ses effets sont jugés décevants. Le « green association déclarait en 2007 « que l’ère où nos moteurs
job act » géré par le Département du Travail qui permet économiques étaient alimentés par de l’énergie bon marché
de financer des formations à ces nouveaux métiers fut est révolue et qu’ils sont conscients que la consommation
intégré dans cette loi. La hausse des taux de pollution a d’énergie fossile des américains a de graves impacts sur les
aussi conduit le gouvernement précédent à faire adopter changements climatiques globaux » 6.
en 2008 une loi sur la prévention des effets des brouillards
de pollution. Certaines de leurs initiatives sont collectives au niveau
de grandes régions. C’est le cas de la Regional Green
Avec des moyens financiers réduits, mais 18 000 agents, house Gas Initiative créée en 2003 par le gouverneur du
10 bureaux régionaux et 27 laboratoires d’analyse, l’EPA a Massachussetts et 9 autres gouverneurs d’États du Nord
poursuivi ses missions de réglementation, de contrôle et de Est et Centre Atlantique – 10% des émissions totales de
gestion d’une vingtaine de programmes d’aides financières. carbone - pour stabiliser puis réduire de 2,5%/an celles
Quelques uns ont des impacts territoriaux directs : produites par les centrales thermiques. Des initiatives
dépollution de terrains industriels, appui aux communautés voisines ont été prises par les États du MidWest (Mid
confrontées à de graves problèmes environnementaux, Western Regional Greenhouse gas reduction Agreement)
cofinancement de projets innovants des États, etc. Le plus 5 The Pew Charitable Trust. The clean Energy Economy, Juin 2009.
4 www.epa.gov 6 Idem
// 35
et par ceux de l’ouest (Western Climate Initiative). PME, une base de données des normes ou des logiciels
basés sur un SIG qui permet de suivre les impacts de
Un État pilote : la Californie la consommation d’énergie et de l’occupation des sols.
Il fait figure de pionnier. Il fut le premier État à avoir Ces politiques sont aussi tournées vers les consommateurs
promulgué une loi sur le contrôle de l’air en 1947. Sa qui sont activement informés et peuvent bénéficier
forte dépendance (80%) du pétrole et du gaz, l’a incité de réduction de prix sur des achats d’équipements
depuis trois décennies à réaliser de façon systématique économes en énergie. L’Etat, dans un « blueprint plan
des économies d’énergie en renforçant les normes de », aide les collectivités locales à développer des plans
consommation des véhicules à moteur et des appareils, d’urbanisme à long terme, qui articule le développement
à s’engager dans la production de sources d’énergies des transports et celui des logements.
renouvelables (éolien et solaire) et, dans tous ces
domaines, à investir dans la R&D et les technologies. Les résultats sont probants : la consommation moyenne
d’énergie par habitant est restée stable sur 30 ans alors
Cette politique est été impulsée par la Commission de qu’elle augmentait de 50% en moyenne nationale. Cet
l’énergie en partenariat avec de nombreux acteurs et Etat est pris comme modèle à imiter par le Président
en particulier avec les entreprises et les universités. Un Obama qui soutient que « ce que la Californie a fait, tout
Energy action plan, fut élaboré en 2003, révisé ensuite à le pays peut le faire ». (Discours lors du Jour de la terre,
plusieurs reprises. 2009).
Une abondante législation a été promulguée et de La Californie est aujourd’hui leader dans ces deux
nombreux programmes adoptés pour assurer la mise en segments de « l’économie verte » que sont les économies
œuvre de ces lois et normes. d’énergie et les énergies propres, mais aussi dans les
technologies de purification de l’air, la production de
Dès 1971, des normes de réduction de la consommation matériel économes en énergie – et des technologies
et de la pollution par les moteurs automobiles avaient qui s’y rapportent – ainsi que du financement et de
été définies. Une loi plus récente (Motor Vehicle GHG l’investissement (en particulier en capital risque) dans
Standards) prévoyait une réduction de 36,5% des ce secteur. Six milliards de $ d’investissements ont été
émissions des moteurs des véhicules légers avant 2016, réalisés dans cette filière en 2008. Cet Etat est en tête
et onze autres États étant disposés à adopter la norme pour le nombre de brevets, en majorité dans l’éolien et
californienne. Mais elle fut contestée par le gouvernement les batteries. On y compte aujourd’hui 100.000 emplois
fédéral après le vote d’une loi fédérale, dont l’objectif verts.
n’était que la moitié de ce taux.
Source :The clean energy economy (op cit) - www.energy.ca -
En 1997, un programme de recherche (Public Interest www.consumerenergycentre.ca - www.gosolarcalifornia.ca.gov
Energy - PIER) de 587 millions $ sur 10 ans fut lancé
pour stimuler le développement d’entreprises dans les Les politiques des États consistent dans l’adoption de
technologies de l’environnement, complété en 2006 par réglementations et normes, plus contraignantes que celles
une initiative en faveur du solaire (40 millions $ de R&D d’EPA et dans le vote de lois qui fixent des objectifs de
sur 10 ans). Il consistait à abonder les investissements réduction des émissions ou de pourcentages de recours
privés dans ces domaines et à aider à la création de à des énergies renouvelables (15% en 2015 au lieu de
nouveaux marchés. 2020 ailleurs au Nouveau Mexique par exemple). Les États
se sont engagés dans des campagnes d’information et
En 2006, la loi Global Warning Solution Act – qui inspirera ont inscrit dans leurs budgets des crédits d’impôts aux
le Clean Air Act de juin 2009 – avait fixé la norme – entreprises et aux ménages qui investissent dans les
adoptée par de nombreux autres États- de réduire les économies d’énergie.
émissions de CO2 de 15% du niveau de 2005 avant
2020. Les programmes qu’ils proposent consistent en :
• des investissements élevés en R&D, soit dans des fonds
Un programme de développement des communautés de développement des technologies « vertes » pour les
(California development programme) de 10 millions $, entreprises innovantes (comme le Connecticut Innovation
finance 495 projets gérés par 59 agences portant sur Clean Energy Fund, ou le Power Fund de 100 millions $
l’isolation de bâtiments et notamment des écoles, les de l’Etat d’Iowa), soit dans des Centres d’excellence qui
énergies renouvelables, des équipements de retraitement cofinancent des projets d‘innovation et des transfert de
et le tri sélectif des déchets. technologie mis en œuvre dans le cadre de partenariats
avec les entreprises et universités (programmes Fuel Cell
De nombreux outils ont été conçus pour faciliter la mise en Ohio, Technlogy collaborative au Massachusetts, Next
en œuvre de toutes ces actions, tels qu’un guide pour les Energy center au Michigan, Ben Franklin partnership en
Pennsylvanie, etc.) ;
36 //
• des crédits d’impôts aux entreprises et aux ménages • des incitations pour créer des marchés et accroître la
pour encourager des investissements qui économisent demande.
l’énergie ;
Croissance des emplois dans le secteur des énergies renouvelables, par Etat
Nombreux sont ceux qui étendent à l’environnement à la loi d’indépendance et de sécurité énergétique de 2007.
les dispositifs en faveur de l’innovation et disent « miser
résolument sur les green tech ». Ils le font en alimentant des Les maires de 20 métropoles, dont New-York, avaient
fonds et en lançant de multiples programmes d’aides. De annoncé en 2007 une action commune pour mesurer les
nouveaux clusters se sont créés dans ces filières. émissions de CO2 et rechercher des réponses conjointes
(Carbon disclosure Project). Lors du dernier congrès des
maires (US Conference of mayors), en avril 2009, 30 maires
3.3 Les initiatives des de villes totalisant 80 millions d’habitants se sont engagés
sur un objectif de réduction des niveaux de pollution et de
grandes villes retour au niveau de 1990, soit une baisse moyenne de 7%
avant 2012 (Mayor’s Climate Protection Agreement).
Depuis les années 80, les actions locales en faveur de
l’environnement se sont multipliées à l’initiative souvent De nombreuse métropoles ont élaboré des stratégies
conjointe des élus et des ONG environnementales. Les ambitieuses de développement durable et sont devenues
associations et congrès annuels de maires ont joué un rôle des laboratoires d’innovation. C’est le cas de Los Angeles
de mobilisation et d’annonces suivies d’effets. Par exemple ou de Portland, mais aussi de tant d’autres villes où ces
lors la première conférence de maires de grandes villes à stratégies sont, soit d’initiative municipale et inscrites dans
Irvine (Californie) a en 1989 à été annoncée l’interdiction des plans locaux (cas de Chicago), soit résultent de l’action
des chloro-fluo-carbures (CFC). Un réseau de « Cities for d’acteurs locaux (la Chambre de Commerce et les milieux
climate protection », s’est créé en 1993 qui a animé de d’affaires pour Kansas city). Des fondations en cofinancent
nombreuses campagnes d’information. les projets, telle la Climate Work Foundation qui a reçu un
don de 1 million $ des familles Hewlett et Packard.
Dès le début des années 90, des villes et comtés engagés
dans ces réseaux ont élaboré les premiers « plans climat »
ou des plans d’économie d’énergie, qui se sont largement
diffusés ces dernières années, avec l’appui de subventions
globales octroyées par les programmes fédéraux associés
// 37
L’exemple de Chicago
La ville a adopté en 2001 une stratégie globale de «
3.4 Les communautés
développement et d’urbanisme vert » qui se déploie dans
plusieurs plans d’action. Un plan d’économie d’énergie
vertes et le rôle des
et d’énergie renouvelable basé sur le développement
du solaire, affichait une liste de mesures d’économie
réseaux
(energy efficient retrofits) et un objectif de consommation Le développement durable – dans ses visions, aspirations
de 20% d’énergie renouvelable en 2020. Il prévoyait des et résultats des politiques et des engagements de
changements de consommation dans les transports citoyens - se concrétise dans les réalisations locales d’une
publics (green fleet) et un programme de dépollution multitude de « communautés vertes » ou éco quartiers.
(clean fuel fleet), des actions d‘éducation et de formation Ces réalisations constituent des milieux innovateurs, en
des citoyens en matière de construction et de travaux matière d’environnement et de consommation modérée et
d’économie d’énergie, incluant la définition de nouvelles alternative d’énergie, mais aussi des laboratoires en matière
normes de construction. Pas moins de 31 mesures de construction écologique, d’agriculture biologique et
favorisaient l’utilisation de bicyclettes. Un autre plan sur d’urbanisme, mais aussi de modes de vie et de planification
10 ans de réhabilitation des logements sociaux (public et de gestion urbaine. Portées par des alliances entre
housing) lié à celle des autres logements de leur quartier élus - notamment des villes petites et moyennes - et des
fut mis en œuvre. associations, ces initiatives sont appuyées et diffusées par
de multiples réseaux internationaux ou nationaux de villes,
En 2004, un nouveau plan d’action environnementale tels que :
fut lancé, qui inclut la plantation ou le remplacement de
400 000 arbres, permettant la création de 200 emplois. i) Le réseau « Cities for Climate Protection » est à l’origine
Un service « Greencorp Chicago » offre des formations, du mouvement International Local Governement for
a ouvert des ateliers de distribution de plantes et de Sustainability 7, associé au Programme de l’ONU pour
pousses d’arbres et organise des actions bénévoles. l’environnement, qui est le promoteur des Agenda 21 ; 545
de ses 1.089 membres sont des villes américaines (10 villes
Des mesures d’appui aux entreprises des secteurs de françaises y participent).
l’énergie et de la construction sont aussi proposées. Un
plan climat a été aussi mis en œuvre, présenté comme ii) Le réseau américain des villes en transition (transition
pilote. Toutes ces mesures ont été évaluées et ont permis cities) né au Royaume Uni et en Irlande et qui se diffuse
de préparer un « guide de mise en œuvre d’une stratégie actuellement en Europe ; il vise à promouvoir des formes
de conservation et de gestion efficiente de l’énergie », de développement durable. Comme les adhérents du
paru en février 2009, qui tire les enseignements de ces mouvement Smart growth*, ces villes souhaitent passer
initiatives en formulant à l’intention du prochain plan - d’une économie très dépendante de l’extérieur (en matière
et de ceux d’autres villes - des recommandations pour d’énergie, de production alimentaire ou d’emplois) à
affiner une telle stratégie. Son élaboration est appuyée un développement plus endogène et autocentré en «
par une subvention globale du Département fédéral de relocalisant » des activités et en valorisant les ressources
l’Energie (USDOE). locales et les aménités environnementales.
Sources : www.cityofchicago.org - Chicago Guide to completing iii) Le réseau des Eco-villages des Amériques 8, qui fait partie
an Energy Efficiency and conservation strategy, 2009: www.
d’un réseau international né en Finlande. Il compte une
chicagoclimateaction.org - USDOE : www.eecl.energy.gov et
centaine de membres aux USA qui s’engagent à respecter
www.eere.energy.gov
une «charte de la terre», peuvent obtenir un label du respect
Kansas City : un partenariat local pour la des critères écologiques et – pour les éco-communautés
protection climatique – la norme de certification «energy and environnemental
Coordonné par la Chambre de commerce de design» (LEED) ou le label «neutre en carbone».
l’agglomération, il regroupe 168 membres - entreprises,
organismes publics, universités et associations - qui iv) Le réseau des 40 villes qui se considèrent comme les
s’engagent à promouvoir la réduction des émissions leaders en matière de gestion du changement climatique
de gaz à effet de serre (de 18,7% avant 2020), tout (40 cities climate change leadership)9;
en améliorant la compétitivité des entreprises et de la
métropole, « en exploitant les opportunités et ressources v) Le réseau « Smart Growth *»10 qui anime le débat sur
existantes et «la richesse des relations entre entreprises, ce thème et cherche à combiner la recherche de la qualité
employeurs, consommateurs, fournisseurs et employés 7 www.icleiusa.org et www.iclei.org
». L’ambition est de faire de l’agglomération une « région 8 www.ena.ecovillage.org et www.greenecocommunitird.com
verte ». 9 www.c40cities.org
Source : www.kcchamber.com 10 www.smartgrowth.org
38 //
expérimentations, avant de les diffuser. renouvellement de la flotte de 600 000 véhicules pour
réduire d’ici 2020 de 30% la consommation de carburants,
Sur le premier point le gouvernement a lancé (Directive des économies d’eau, un recyclage renforcé des déchets
du 5 octobre 2009) un vaste programme d’économie et de nouvelles clauses dans les commandes publiques. Il
d’énergie au sein de l’administration fédérale, incluant laisse aux services décentralisés toute possibilité d’innover.
l‘isolation thermique des 50 000 bâtiments fédéraux, un
Intensité des aides HUD par Etat, 2009 (Source : Internet HUD)
En matière d’expérimentation, il est proposé de tester Ces initiatives fédérales sont fortement relayées par
avant de les diffuser, des pratiques de développement des ONG, des fondations ou des réseaux nationaux
durable. Ces actions s’inspirent de pratiques significatives professionnels- tel que le US Building Council pour la
reconnues comme des modèles à analyser et à répliquer qualité environnementale des bâtiments – qui assurent
– et que les ministres concernés vont visiter. La Zone des fonctions d’information, d’éducation, de formation et
d’impact écologique (Green Impact Zone), projet développé de conseil, auprès des entreprises du BTP en matière de
dans des quartiers en difficultés de Kansas City, est l’un consommation et de technologies environnementales.
de ces premiers modèles. Des opérations de rénovation
et de construction de logements associent des formations
aux métiers verts, des mesures d’économie d’énergie et
des actions d’insertion de chômeurs. Cofinancé par des 3.6 Remarques
fonds de l’ARRA, ces initiatives s’efforcent de combiner
les diverses composantes d’un développement durable. conclusives
La consolidation et le développement de partenariats
public privé dans ce domaine comme dans tant d’autres Si les politiques de compétitivité font l’objet d’un large
sont considérés comme une condition de la réussite de consensus, celles en faveur du développement durable
ces innovations, des expérimentations et des transferts ont été marquées jusqu’à une date récente par des
d’expériences. controverses, des litiges et des conflits. La très forte
fragmentation et dispersion du pouvoir (fédéral/fédéré/
// 41
local ; exécutif/législatif) et l’intervention active des On estime que la « révolution verte est déjà en œuvre
groupes d’intérêt opposés et puissants (industriels et dans la moitié des États ». La prise de conscience du
écologistes) ont pesé sur le débat, notamment au cours caractère non durable pour l’environnement des modes
des présidences Bush. Le sentiment a été longtemps de production et de consommation y est affirmée et une «
prégnant que développement économique et protection de économie d’énergie propre » est inscrite dans leurs plans
l’environnement étaient incompatibles. Le constat courant de développement. Elle s’est traduite par l’adoption de
était que les projets d’infrastructures sont dommageables programmes d’économie d’énergie, d’investissements
à l’environnement et que la protection de ce dernier ou dans les énergies propres, de traitement des pollutions
le recours à des énergies moins polluantes induisent des des sources fossiles, de productions d’équipements
taxes et coûts jugés insupportables tant par les entreprises et de biens plus sobres en énergie. En transposant à
craignant de devoir supprimer des emplois que par les ces secteurs d’activités les méthodes de promotion de
contribuables. De ce fait, l’intégration au sein de stratégies l’innovation en usage ailleurs et en y investissant en R&D
ou de politiques des 3 dimensions du développement et en capital risque, de nombreux États en ont fait de
durable semblait problématique et irréaliste. Les débats nouveaux tremplins de la compétitivité régionale. Ils ont
centrés sur la surconsommation d’énergies polluantes ou pris des avances nettes et occupent des positions de
sur les transports induisaient en outre des programmes très leaders en matière de développement des technologies
sectoriels aux effets parfois contradictoires. environnementales dans le cadre de nouveaux clusters et
sont parvenus à enclencher des dynamiques de création
La problématique du développement durable est en fait d’emplois verts. Les États qui ont fait ces choix démontrent
traitée différemment à chacun des trois niveaux fédéral, des que développement économique et préservation de
États et local. l’environnement peuvent être pleinement compatibles.
Au niveau fédéral, le débat se déroule sous le regard de la Au niveau local, des métropoles ont pris des engagements
communauté internationale - et notamment des pays de afin de réduire les niveaux d’émissions. Elles ont élaboré
l’UE - qui attendent un engagement plus fort dans la lutte des plans climat ou d’économie d’énergie, en recourant
contre le réchauffement climatique, du gouvernement d’un à une ingénierie sophistiquée et à des instruments très
pays très pollueur qui n’a pas ratifié le Protocole de Kyoto. variés qui sont largement diffusés sur Internet (guides,
Après une période d’action très limitée par la pression des etc.). Ces démarches sont souvent conduites par des
groupes d’intérêts industriels (charbon, pétrole et gaz, partenariats où les acteurs privés ont parfois un rôle
automobile, chimie), la politique de la nouvelle administration leader. La préoccupation des décideurs locaux est de
prend un « nouvel aiguillage ». Les engagements – dans parvenir à sortir d’une approche séparée des questions
des programmes et budgets fédéraux -, de lutter contre le d’environnement et de les intégrer avec les politiques
réchauffement climatique, d’appuyer les efforts des États de transport et de logement et des mesures sociales en
en matière de technologie environnementale et les initiatives faveur des communautés (voir chapitre 4). Dans les villes
locales décentralisées sont impressionnants. La conversion petites et moyennes, les municipalités, appuyées par
de l’administration à des habitudes de fonctionnement plus des associations locales ou intégrées dans des réseaux
« verts » et les expérimentations annoncées au niveau local de promotion du développement durable, ont réalisé de
sont des signes forts. Mais l’adoption de la loi sur le climat nombreux projets de « communautés vertes » (de type éco-
avec de faibles écarts de votes (du fait de l’opposition quartier). Elles explorent aussi de nouveaux concepts (smart
d’élus démocrates des « États charbonniers ») montre que growth*, transition city, slow city, cool city, relocalisation,
les résistances restent fortes. Le lancement – dans le cadre etc.) qui postulent de nouvelles relations avec les espaces
du plan de relance (ARRA) et du budget 2010 - de très ruraux, de nouveaux modes d’occupation des sols et plans
nombreux programmes environnementaux, dont on attend d’urbanisme, autant de thèmes qui pourraient enrichir le
– selon des critères et hypothèses parfois assez vagues - débat en France.
des effets marqués sur l’emploi est une opportunité unique
offerte aux États de conforter leurs stratégies ou de lancer
de nouveaux programmes.
politiques
urbaines et
la question
métropolitaine
// 43
• une forte hausse attendue des 65 ans et plus, de 30% de Elles sont définies comme « des unités régionales de la
2010 à 2020 ; compétitivité dans une économie globale ». Sur les 27
• un ralentissement de la croissance des banlieues (de métropoles les plus productives (PIB par tête en parité de
1,7% par an en 2000 à 1,1% par an en 2008) et une nette pouvoir d‘achat) des pays de l’OCDE, 23 sont américaines,
reprise de la croissance des villes-centre (de 0,5% avant dont les 12 premières 3. Paris figure à la 18ème place. S’y
2005 à près de 1% en 2008 pour les agglomérations de concentrent notamment les activités de R&D (78% des bre-
plus d’un million d’habitants). Dans plusieurs d’entre elles vets).
(Washington, Atlanta), la croissance de la ville-centre dé-
passe nettement celle de ses banlieues. Les études de la Brookings Institution notent qu’elles ont
été affectées très différemment par la récession en cours,
Ces métropoles constituent les moteurs de la croissance selon la composition de leur base économique : les plus
économique nationale (75% du PNB) ; elles concentrent touchées par le chômage et la baisse de la production et
67% du total des emplois et 81% des emplois high tech.2 des revenus sont celles dont l’économie dépend de l’auto-
mobile, du secteur bancaire, du tourisme et loisirs ; celles
2 Les revues académiques débordent d’études sur les facteurs et les formes
de cette croissance urbaine et notamment des « villes ou métropoles glo- qui ont mieux résisté disposent d’une base plus diversifiée
bales » (Saska Sassen). Elles en analysent les divers facteurs de compétiti- où certaines activités tiennent une large place : santé, édu-
vité et de cohésion : les compétences de la main d’œuvre, l’innovation, les
aménités, les « créatifs », ainsi que des valeurs qui y seraient associées, telles
cation, énergie (pétrole) et activités militaires. Mais dans
que la tolérance, (selon Florida). On y débat du vieux dilemme « les hommes l’ensemble, les métropoles ont mieux résisté que les villes
suivent-ils les emplois ou ces derniers suivent-ils les hommes ? ».D’autres moyennes, plus touchées par la crise immobilière.
questions font l’objet de débats, tels que, par exemple : i) Si chaque ville
suit sa trajectoire de croissance, imputable à des interactions entre entre-
prises, marchés locaux des qualifications ou systèmes régionaux d’innova- Cette croissance a toutefois généré des externalités néga-
tion, quels sont les impacts des choix des décideurs et des organismes de
coordination et de transaction ? ;ii) Quel est l’impact de la division croissante tives et des coûts croissants, constatés et analysés depuis
(deepening divide) au sein de ces métropoles entre des couches sociales « longtemps ; la crise économique tend à les exacerber, ce
privilégiées et tolérantes » et une masse de travailleurs à bas salaires sou-
vent migrants, deux groupes qui s’y concentrent et ont des fonctions com-
qui appelle des solutions urgentes. Ces coûts sont d’abord
plémentaires, mais dont la division et la distance sociale entretiennent des
tensions et génèrent des coûts, qui pourraient contrarier cette croissance ? 3 OCDE 2006
// 45
économiques induits par l’étalement urbain, les besoins - par un conseil et un manager recruté par lui, - modèle
d’investissements en infrastructures de transports souvent dit du « maire faible » (49% des cas),
dégradées, et aggravés par la faible cohésion fiscale ou - par une Commission du Conseil de 3 à 7 commis-
par les liens diffus entre ressources fiscales et dépenses. saires (commissionners) qui se partagent les prin-
Ils sont environnementaux (coûts d’encombrement, pol- cipales fonctions (2% des cas tel que Portland) (voir
lution et émissions, bruits, effets sur la santé, destruction Chap 6)
des espaces naturels, etc.), d’autant que, de 2002 à 2008, - soit enfin, - en Nouvelle Angleterre notamment- par
le boom immobilier avait doublé le nombre de permis de une assemblée des citoyens (démocratie directe) qui
construire délivrés. Ces coûts sont aussi sociaux : ségré- se réunit plusieurs fois par an et désigne un maire ou
gation, insécurité, chômage, pauvreté, faible cohésion, etc. un manager.
Le taux moyen de pauvreté n’y a que légèrement progressé • Les divers modes d’élection des conseillers et du maire,
de 11,6 à 11,7% entre 2000 et 2007, mais il s’est aggravé soit par district (quartier ou ward), soit « at large » par tous
depuis et il reste très concentré sur certains groupes : les les citoyens, soit mixte et le fait que, dans une majorité de
enfants (35%,) les noirs (27%) et les plus de 65 ans (9,5%) cas, les élections sont non partisanes (c’est-à-dire sans
avec une nette croissance de la part des « travailleurs liste de partis politiques) ;
pauvres ». La pauvreté tend aussi à se diffuser des villes-
centre vers les banlieues. De même, les emplois ont ten- • Les fortes variations – d’origine historique – en matière
dance à se décentraliser et à se localiser hors des villes- de sources de revenus et de limites fiscales ou plafonds
centre, ce qui accroît les coûts de transport, la dépendance de dépenses - qui les rendent très dépendantes des États.
vis-à-vis de l’automobile et les émissions de CO2, dont 1/3 Par exemples, la ville de Boston n’a pas le droit de lever de
sont imputables aux transports urbains. taxes locales et dépend des seuls fonds de l’État ; celle de
New York peut le faire si l’État l’y autorise; de même que
celle de Colombus (Ohio), à la condition que les citoyens le
4.2 La gouvernance des confirment par référendum, etc.
rent des services d’entretien, de sécurité, de signalisation, tous les employés, y compris les policiers, à Atlanta, forte
d’éclairage eu d’information et organisent des événements hausse des contributions sociales des employés pour com-
promotionnels ou culturels. penser la hausse des dépenses sociales sur les salaires à
Kansas City5, etc.
4.3 Fiscalité et dépenses Les États-Unis n’ont donc apporté que des réponses par-
tielles à la question de la gouvernance métropolitaine, mais
des métropoles et crise des orientations sont assez nettes. On peut identifier trois
modes - dont certains déjà anciens - d’évolution.
financière
i) Le mode formel
Les sources de revenu des métropoles américaines étaient Les fusions (amalgamation or consolidation) entre la ville-
les suivantes (moyenne, en 2005) : centre et le comté quand ces deux espaces tendent à se
- subventions fédérales : 3,7% ; confondre, afin de supprimer un niveau d’administration.
- subventions des États : 36% ; Elles consistent à cumuler et à fusionner les compétences
- impôts locaux : 55% (dont 26% en taxes foncières) ; de chacun des deux niveaux. Elles sont peu nombreuses
- revenus de services ou redevances (users fees) : 15%. (33 sur 3.070 comtés) mais concernent de très grandes
villes (San Francisco, Kansas City, Bâton Rouge, Denver).
Au cours des années 2000-2007, elles ont été confrontées Le processus de fusion est lent. Il doit être approuvé par
à plusieurs problèmes : une crise des recettes fiscales en referendum (les 3/4 des propositions ayant été rejetés au
2000-2004, une forte croissance des dépenses en infras- cours de la dernière décennie) et confirmé par le vote des
tructures, sécurité et les charges sociales des employés, Conseils d’élus. Les raisons qui les justifient sont la re-
une croissance plus lente des ressources fiscales locales, cherche d’efficacité, l’amélioration et l’élargissement de la
des tensions sur les budgets et sur les subventions dans base fiscale et des plans d’urbanisme, ainsi que les éco-
certains États. nomies budgétaires, ce que confirment – mais dans le
court terme seulement - les évaluations des effets de ces
Des solutions furent préconisées, visant à exercer des fusions6. Quand ces fusions sont rejetées, s’opère sou-
pressions des lobbies pour augmenter les subventions des vent une répartition des compétences entre ces deux col-
États, diversifier les sources de revenus, accroître les re- lectivités territoriales, jusqu’à adopter le nom double (par
devances (fees) et taxer les transactions commerciales par exemple, Miami-Dale County). Un phénomène d’« annexion
internet. Ces orientations restent valables et, pour les deux de pouvoirs » est également observé, aux termes de la-
dernières, assez novatrices. D’autres innovations fiscales quelle la ville-centre est autorisée par l’État à absorber de
ont été introduites pour financer les investissements publics façon formelle ou non, des communes périphériques et à
et les opérations de renouvellement urbain. En complément y exercer des compétences. Sur le dernier demi-siècle, les
du recours aux partenariats publics-privés, des Tax Incre- 4/5 des métropoles (plus de 500 000 habitants) ont aug-
ment Financing (TIF) ont été créées qui consistent à émettre menté leur périmètre de 10% et plus.
des obligations du trésor garanties par l’accroissement de
revenus fiscaux ou autres, espérés de ces investissements ii) Le mode fonctionnel
ou des rentes ainsi créées. Quand ces consolidations s’avèrent impossibles, les élus
s’orientent vers des formes de gouvernance commune, de
Ces innovations sont encore plus à l’ordre du jour dans nature fonctionnelle, dont le prototype est la Metropolitan
le contexte actuel des crises financière et économique. Planning Organisation qui est une agence de planification
Celles-ci ont remis en cause ces équilibres souvent fragiles métropolitaine intercommunale. Au nombre de 384, elles
et ont creusé les déficits. Comme pour les États, ces crises sont créées par la loi et assurent la planification et la ges-
se traduisent par des fortes baisses de revenus et par des tion de services communs à une aire métropolitaine, le plus
coupures spectaculaires dans les dépenses de personnel souvent en matière de transports, de planification urbaine
– qui représentent de 60 à 80% des dépenses publiques ou d’environnement. Elles sont donc spécialisées bien que
locales : 4 000 employés municipaux licenciés à New-York quelques unes évoluent vers des organismes stratégiques
et 1 200 à Los Angeles, 16 jours de congé non payés pour et multifonctionnels, dont Metro Portland (Orégon) offre un
les 3600 employés non syndiqués à Chicago, semaine de
36 heures avec réduction proportionnelle des salaires pour 5 Etude Philadelphia Research Initiative, Pew Charitable Trust
6 www.nlc.org
// 47
bon, mais rare exemple (voir chapitre 6). et de tourisme. Le partenariat n’est pas toujours égal et
certaines de ces agences sont dominées par la « business
Le mode informel community » locale. C’est le cas de Chicago Metropolis
Ce mode consiste à créer des instances de concertation 2020, une alliance de 100 leaders locaux des affaires qui
entre acteurs, sur une base volontaire mais régulière, pour s’engagent à intégrer les stratégies de développement et
débattre, partager des informations et recherches des de localisation de leurs entreprises dans les plans d’utilisa-
accords sur des sujets d’intérêt commun. Ces instances tion des sols, de planification des logements et des voies
prennent les formes de structures de coopération inter- de communication.
communale, de partenariats publics-privés, ou d’instances
ad hoc qui réunissent non des organismes mais des lea- Les organismes intermédiaires de gestion des marchés
ders locaux. régionaux et locaux du travail (local market intermediaries)
sont un autre exemple. De statut public, privé ou mixte,
i) les coopérations intercommunales prennent des formes avec ou sans but lucratif, ils sont gérés par des conseils
multiples : de représentants d’organismes publics et privés et sont
• Les « caucus de maires » qui sont des réunions régulières, financés par les États et les entreprises. Ils assurent les ser-
souvent annuelles, où sont débattues des questions d’inté- vices de l’emploi et de la formation habituels, mais aussi de
rêt commun. Celui du Chicagoland réunit par exemple, de- transports et de garde d’enfants aux demandeurs d’em-
puis 1997, les maires des 272 municipalités des 6 comtés ploi. Ils ont des fonctions d’information, de veille, de coor-
qui composent la métropole. dination et de gestion prévisionnelle des emplois et des
• Les conseils ou associations de gouvernements (locaux) qualifications.
sont des assemblées intercommunales d’une métropole
(15 membres à Washington DC, par exemple) qui débattent On peut citer en exemple
des questions communes, mais n’ont qu’un rôle consul- le Milwaukee (Wisconsin) W2, le Right place programme de
tatif. Par exemple, Minneapolis Metropolitan Council, qui Grand Rapid (Michigan), le Los Angeles County Workforce
regroupe les collectivités locales, a défini trois axes de dis- Preparation and Economic Development Collaborative ou
cussion : la planification commune et la coordination des le dispositif de Pennsylvanie (voir Pratiques significatives,
politiques d’infrastructures de transport et de traitement Chapitre 6.3).
des eaux usées ; une concertation sur l’offre de logements
abordables pour les ménages à faible revenu et une pla- S’y ajoutent les agences régionales du logement (Regional
nification urbaine s’inspirant des principes de la « smart Housing Corporation et Regional Housing Trust). Ces orga-
growth* » permettant une gestion coordonnée des réserves nismes mixtes sans but lucratif construisent, cofinancent
foncières et des parcs et sentiers. et gèrent des logements à des prix abordables et ont des
fonctions d’information et de veille des marchés locaux du
• Les conseils régionaux, créés en 1960, sont des as- logement et du foncier, telle la Bridge House Corporation
sociations de collectivités locales, qui fournissent à leurs California qui gère 11 000 logements sociaux.
membres des services de gestion des programmes fédé-
raux ou des États, de conseil, d’assistance technique et iii). Ces modes de gouvernance informelle incluent aussi
d’ingénierie, de gestion fiscale et de planification. La moitié des initiatives d’acteurs privés qui exercent des fonctions
des 384 Metropolitan Planning Organisation sont intégrés à de conseil et d’expertise. Par exemple l’Alliance pour une
ces Conseils et ont les mêmes périmètres qu’eux. guidance régionale7 (regional stewardship) est un mouve-
ment de leaders régionaux qui apportent des réponses
ii) Les partenariats public-privé sont la forme de gouver- aux problèmes posés par la fragmentation et l’isolement
nance de nombreuses agences de développement écono- des autorités locales, ainsi que par les superpositions ou
mique des « grandes (Greater) villes » (villes-centre et péri- les enchevêtrements des compétences et des limites ad-
phéries) reposant sur des alliances entre les municipalités ministratives. L’alliance vise à multiplier et à faciliter les
et le milieu local des affaires (chambres de commerce ou coopérations entre collectivités locales (comtés et villes no-
associations professionnelles) ; le leader en est souvent le tamment), mais aussi entre domaines d’activités au niveau
maire « fort » de la ville-centre. Ces agences furent souvent régional ou métropolitain; elle définit les principes d’une «
les maîtres d’ouvrage des spectaculaires opérations de gouvernance nouvelle, ouverte, inclusive et basée sur la
renouvellement des centres-villes ou des anciennes zones codécision » qui doivent inspirer les actions des décideurs
portuaires transformées en espaces de loisirs, de culture
7 www.regionalstewardship.org
48 //
banques à négocier des accords avec des associations laires gelés et des services publics – y compris plusieurs
locales et à les inscrire dans leurs plans. Le montant des casernes de pompiers- fermés ou laissés ouverts sous
prêts et des investissements s’est envolé et les résultats réserve de financement par des dons. Mais dès 1980,
sont jugés excellents. De 1996 à 2006, le montant des sous l’impulsion de divers groupes de chefs d’entre-
prêts est passé de 18 à 56 milliards $ et concerne 24 prises, universitaires, responsables communautaires, tel
000 prêts aux personnes pour un montant total de 344 que l’Allegany Conference, une nouvelle stratégie de dé-
milliards, ainsi que 12 millions de prêts aux entreprises veloppement a été élaborée, appuyée par le gouverneur
des quartiers concernés pour un montant de 513 mil- de Pennsylvanie et le maire. Elle a entrepris une complète
liards. Un nouveau marché bancaire s’est ouvert pour les restructuration urbaine et la création d’une économie ba-
clients à faible revenu, permettant de mieux apprécier les sée sur les services de santé, d’éducation et de loisirs,
risques. Il a permis de promouvoir des investissements ainsi que d’autres secteurs liés à la défense tels que le
importants dans les quartiers en difficultés. Enfin, les nucléaire. Le Centre médical de l’Université est au cœur
prêts aux logements ont été octroyés selon des critères d’un cluster médical de 50.000 emplois qui regroupe une
qui ont permis aux emprunteurs d’échapper aux opéra- centaine d’unités de R&D, des laboratoires publics et pri-
tions des prêteurs non bancaires de crédits « subprime » vés (Bayer USA) et des start ups pharmaceutiques. L’État
et aux dérives qui ont suivi. a créé divers instruments, tel que Innovation Works, un
fond de capital risque et d’amorçage, abondés par des
Sources : Kent Hudson, La bancarisation des nouveaux mar- crédits fédéraux.
chés urbains : l’expérience américaine, Ed. Economica, 2004 et
note récente sur la CRA www.khnetonline.com Les friches industrielles ont été transformées en parcs
J Tailor and J Silver : The CRA ct at 30 : looking back and loo- naturels ou récréatifs, les bâtiments industriels des quais
king to the future, Law Review, Vol. 53 N°2 2008-2009, New York en centres de santé et l’ancien siège de la Bethlehem
School of Law. Steel est devenu un casino. Les taux de création d’emploi
NCRC: Community Reinvestment Modernization Act of 2009. et les indices de qualité de vie sont parmi les meilleurs du
Resource Toolbox - www.ncrc.org pays. Le chômage est inférieur de 2 points de % au taux
national. Parce qu’elle a échappé à la crise immobilière,
elle est citée comme l’unique grande ville disposant d’un
excédent budgétaire en 2009. Et elle est devenue « l’une
4.6 Le rôle des États et des villes les plus propres du monde ».
12 Ces travaux se réclament de l’ouvrage publié en 1961 par le géographe Dans ce contexte, toute référence à un modèle unique de
français Jean Gottman, sur la « mégalopolis » de la Côte Est, dont les ana-
lyses ont été actualisées et étendues à l’ensemble du pays. « gouvernement des métropoles », leur conférant un statut
13 Robert Lanf and Dan Dharle, Beyond Megalopolis: Exploring new Mega- législatif standardisé semble exclu. Les évolutions – for-
lopolis Geography, Census Series, Metropolitan Institute Virginia Tech 2005.
// 53
melle, fonctionnelle et informelle- identifiées offrent une - d’organismes intermédiaires auxquels sont associés les
large gamme de réponses susceptibles d’aider les agglo- acteurs privés de concertation , de codécision ou cogestion
mérations à concevoir des formes de gouvernance adap- de fonctions économiques ou environnementales, relatives
tées à leurs caractéristiques propres. Des solutions– sou- au marché du travail ou au logement ainsi qu’en matière de
vent proposées en Europe comme susceptibles de réaliser régénération et de requalification des quartiers en difficulté ;
des économies et de rationaliser l’organisation adminis-
trative- montrent leurs limites. C’est le cas, par exemple, - de dispositifs d’information systématique, de consulta-
des fusions de communes ou de comtés, de la mise en tion, d’implication et de participation des associations de
place d’un gouvernement de l’aire métropolitaine comme citoyens ;
réponse unique aux problèmes de la métropolisation et de
la mégalopolisation et de la propension à recentraliser les - de modes de valorisation et de transfert des innovations,
compétences municipales jugées trop dispersées. de la créativité et des expérimentations sociales comme
source de changement, d’empowerment* et d’inclusion
L’expérience américaine dans ce domaine confirmer la né- des populations.
cessité de disposer à ce niveau :
- de structures –autorités ou agences – assumant des Ces conditions, ainsi que les débats et expériences au
fonctions de planification et de gestion d’équipements et niveau de quartiers ou villes moyennes sur de nouvelles
de services qui sont communes à l’espace métropolitain, formes de croissance plus « smart »* ou de communautés
en matière de transports, d’environnement, de maitrise des vertes, attestent de la grande transformation ou transition
sols, de protection des espaces verts ou de gestion des en cours vers des villes plus durables et plus inclusives.
eaux, en conformité avec le principe de subsidiarité.
- de mécanismes de coopération entre les collectivités ter-
ritoriales existantes ;
Conclusions
// 55
versités, centre de recherches, etc. Celui de l’EDA en four- les performances comparées des politiques de développe-
nit une liste impressionnante2 ment des États fédérés ou des villes est aussi l’occasion
de débattre de la pertinence des stratégies suivies et de
• Des revues spécialisées3 sur le développement territorial questionner les facteurs et dynamiques de développement
assurent une circulation de l’information sur les productions et de compétitivité des territoires, mais aussi l’efficacité et
académiques, les ouvrages, les études de cas ou les ins- les résultats des politiques et stratégies des décideurs.
truments de politique sur les diverses problématiques de Ces exercices qui n’ont rien à voir (sauf quant à leur utilisa-
ce développement. Elles constituent des mines de connais- tion possible en marketing territorial) avec les classements
sances des analyses résultant de travaux de recherches, controversés que réalisent les magazines, concernent au
des débats en cours ou des expériences jugées novatrices premier titre la riche « communauté des développeurs ».
et performantes, qui en facilitent la duplication ou le trans-
fert. • Celle-ci se compose de milliers de professionnels mais
aussi de tous les acteurs publics, privés et d’agences
• De multiples (et coûteux) séminaires, conventions et mixtes du développement à tous les niveaux. Les « déve-
conférences organisés par une profusion d’instances spé- loppeurs » des agences de développement des États et
cialisées, professionnelles ou universitaires, de réseaux des villes viennent souvent du secteur privé ou « circulent
d’institutions, de consultants et de fondations. Ces mani- » entre les deux secteurs. Notamment la catégorie des dé-
festations – telles que celles de l’IEDC International Econo- veloppeurs financiers spécialisés dans le financement des
mic Development Council ou de la CFED Corporation for programmes et la gestion des projets d‘aménagement.
Entreprise Development - sont l’occasion de rencontres
entre experts et praticiens. Ces rencontres permettent de
prendre connaissance de contributions de chercheurs et 2. Une culture de l’entrepreneuriat.
d’experts, d’expériences et de pratiques novatrices, mais L’esprit d’entreprise, la propension à en créer et en déve-
aussi des réalisations, des capacités d’innovation ou de la lopper et à prendre des risques sont fortement valorisés. Un
vision prospective d’organisations ou agences de dévelop- consensus existe pour attribuer aux (et attendre des) seules
pement. La participation à certains de ces séminaires peut entreprises la création de richesses et d’emplois. Cette
donner lieu à une validation des connaissances des prati- culture pénètre toutes les sphères d’activité et le dévelop-
ciens, voire de certification et de professionnalisation des « pement économique est considéré comme résultant des
développeurs » et de labellisation de structures invitées à dynamiques d’entreprises et de la capacité d’innovation
exposer des pratiques significatives. des entrepreneurs. Cet entrepreneuriat est encouragé par
certaines pratiques de financement, telles que le recours
• De récompenses (awards) assurent à leurs gagnants de fréquent à l’épargne des proches, l’existence d’une offre
la notoriété et des ressources financières, mais ils servent élevée de capital-risque ou de démarrage, public et privé.
aussi à repérer les pratiques les plus novatrices. C’est par Le statut juridique de la Limited partnership est un puissant
exemple le cas des 25 awards d’excellence, décernés stimulant, dont on s’étonne qu’il n’ait pas été davantage
chaque année par EDA4 – dans chacune des catégories importé en Europe ; il permet la mobilisation de l’épargne
portant sur le développement rural, urbain, communau- de proximité, sans paiement de taux d’intérêt, avec une
taire, durable et du patrimoine et sur les initiatives (tech- responsabilité limitée au montant des apports et qui auto-
nologiques) d’universités. Ils permettent surtout de donner rise des déductions fiscales en cas de pertes.
une photographie des pratiques transférables du moment
et d’alimenter les universités ou écoles de gestion qui for- La création d’entreprises est omniprésente dans les stra-
ment les professionnels du développement, en études de tégies de développement et de compétitivité des régions,
cas très utilisées dans leur enseignement. dans les appuis aux clusters et dans les politiques de créa-
tion d’emplois, ainsi que dans les projets de type commu-
• La publication d’études annuelles de benchmarking5. sur nautaire ou associatif, de réinvestissement social ou d’in-
2 www.eda.gov ( pages « resources »)
3 Telles qu’Economic Development Quaterly, (plus académique), Economic culièrement commentés. Il s’agit du State New Economy Index :Benchmar-
Development Review, de IEDC et la revue de l’EDA « EDA America : Best king Economic Transformation in the States de R. Atkinson et Scott Andes
practices in Economic Development) et d’autres à vocations plus régionales de l’Information and Technology and Innovation Foundation ; basé sur 29
ou thématiques) indicateurs centrés sur la compétitivité, il est publié chaque année en no-
vembre et porte sur les résultats de l’année précédente www.innovationpo-
4 voir ww.eda.gov (awards of excellence) licy.org . Le rapport bi annuel Assets and Opportunites scorecard publié par
5 Deux exercices annuels de benchmarking ou de mesures et comparaisons la CfED (The Corporation for Entreprise Development) prend davantage en
des performances des États, publiés par des think thanks privés sont parti- compte des indicateurs sociaux www.cfed.org
// 57
sertion portés par des entreprises sociales ou des initiatives ou gèrent des agences mixtes de type Quangos*.
de self help.
Les clusters illustrent ces formes de collaboration ou de
Cette culture imprègne aussi certaines agences fédérales contrats de recherche appliquées, entre entreprises,
et des États. On identifie souvent des profils de « maires centres de R&D et universités ou organismes de formation-
ou de gouverneurs-entrepreneurs ». Des États ou villes se conseil, qui facilitent l’essaimage depuis les laboratoires, la
définissent comme des « communautés entreprenantes au commercialisation des brevets et le financement du risque.
service des entreprises ». Ces collectivités territoriales ont Ces dispositifs résultent de l’institutionnalisation ou de la
été pionnières dans la transposition aux territoires d’outils contractualisation au sein d’alliances informelles entre
de gestion des entreprises (audit et plans stratégiques, des leaders politiques - gouverneurs ou maires - et des
marketing territorial, évaluation, etc.) et dans le recours aux dirigeants de grandes entreprises ou de coalitions d’entre-
méthodes du nouveau management public, - bien qu’au- prises, élargies aux présidents d’universités ou de collèges.
cun bilan n’existe quant à la pertinence et à l’efficience de Ils constituent des vecteurs actifs de diffusion et de trans-
ces thèses et de ces transferts de connaissances. Le gou- fert des innovations tant technologiques que sociales et de
vernement fédéral, intervient par le biais de la SBA qui ne se gestion. Leur constitution semble parfois longue et labo-
limite pas à appuyer les PME mais à promouvoir activement rieuse, mais ce temps permet, selon des témoignages de
en amont, la création, le financement du démarrage et du « développeurs », de bien définir et clarifier les attentes et
risque, la formation et l’information des entrepreneurs nou- les obligations de chacun et de faciliter leur fonctionnement
veaux et potentiels, quel que soit leur profil : chercheurs, ultérieur.
techniciens, femmes, minorités, chômeurs, immigrés, étu-
diants, etc. Les États et les villes appuient aussi la créa- Ces coopérations s’étendent aux organismes sociaux avec
tion d’entreprise et la formation à l’entrepreneuriat –privé et sans but lucratif, qui adoptent des méthodes de gestion
et social-, en mettant en ligne des logiciels d’aide et de venus du monde économique, du fait d’une culture voisine,
conseils aux créateurs, en améliorant les conditions-cadre, de liens créés par les fondations philanthropiques et d’une
en éliminant les obstacles et en rapprochant au sein de ré- volonté partagée d’engagement dans des « communau-
seaux les apporteurs de capital-risque et les entrepreneurs. tés ». Dans les États industriels du Nord Est on repère de
La société civile et les milieux professionnels sont aussi de nombreuses alliances entre dirigeants d’entreprises et syn-
puissants promoteurs de réseaux d’appuis et de finance- dicaux au sein d’agences qui ont stimulé ou géré des stra-
ment des start ups. C’est notamment le cas au sein de cer- tégies de reconversion. Les interférences entre les alliances
taines communautés ethniques et de migrants, mais aussi de personnes (leaders) et des partenariats de structures
de femmes cadres – du secteur bancaire notamment- qui semblent être un élément de leur solidité et de leur capa-
accompagnent, conseillent (ou prennent des participations cité à créer des synergies. Enfin se développent actuelle-
dans) des projets de créatrices d’entreprises. ment des partenariats interentreprises autour de la notion
d’innovation ouverte. Car dans une économie mondialisée
et très concurrentielle, les capacités internes de R&D des
3. Une culture du partenariat public privé et de entreprises, même multinationales, ne sont plus suffisantes
l’implication des acteurs privés comme moteurs de et les firmes doivent coopérer, entrer dans des consortia,
la conception et de la mise en œuvre de projets de dé- mutualiser les coûts, les bénéfices et les risques et conce-
veloppement. On peut identifier une multitude de formes : voir de nouveaux outils d’information technologique.
des partenariats-conseil, pour préparer un plan stratégique
d’un territoire, des partenariats-guide pour conseiller les Cette capacité des acteurs publics et privés à agréger, re-
opérations des fonds d’investissement public, des parte- lier, coordonner et combiner les facteurs du développement
nariats d’information, de services, d’investissement ou de est considérée comme un facteur décisif de réussite. La
R&D, des consortia entre acteurs, des joint-ventures entre compétitivité des entreprises et des territoires est d’abord
agences, etc. La plupart des programmes et des straté- une affaire d’interaction, de coopération et de réseaux entre
gies, ainsi que des projets, associent au niveau régional ou acteurs du territoire, appuyés et accompagnés par des in-
local, des collectivités publiques, des universités publiques terventions et incitations supra-locales.
ou privées, des entreprises, des banques, des chambres
de commerce et des représentants des « communautés En dépit d’une forte incitation de l’UE à promouvoir dans
des affaires ». Selon les contextes, ces acteurs collaborent les programmes qu’elle cofinance des partenariats pu-
en exerçant des fonctions séparées, mais complémentaires blic privé locaux, le développement économique, conçu
58 //
comme une fonction collective, reste perçu en Europe (et Une telle ingénierie financière – dont on pourrait s’inspirer
en France) comme une initiative et une compétence –voire - contribue à expliquer le redéploiement rapide des infras-
un quasi monopole - des autorités publiques. tructures urbaines ou de certaines activités économiques, la
reconversion de certains centres-villes ou le dynamisme de
4. Des interventions publiques déterminantes, certains clusters. Elle consiste aussi dans une large gamme
de nature catalytique, incitative ou « en appui ». d’instruments financiers, tels que le recours fréquent des
Le nouveau fédéralisme et le transfert des compétences aux
pouvoirs publics aux subventions globales, l’existence de
États et aux villes plus à même de concevoir des stratégies
adaptées aux réalités régionales, ont affaibli les capacités structures d’investissement dans les quartiers en crise, tels
d’intervention des agences fédérales, de coordination et que les banques des Community Development Corpora-
d’évaluation des programmes. Mais leur fonction incitative tions ou le mécanisme du Community Reinvestment Act
en a peut-être été renforcée. En matière de financement, ou l’émission par les États et les villes d’obligations dont le
les subventions globales aux États, invités à cofinancer remboursement est assuré par les revenus fiscaux attendus
(matching funds), à mettre en œuvre les programmes des investissements et de la valorisation foncière et com-
et à lever des cofinancements privés constituent un merciale des sites aménagés.
mécanisme jugé performant aux effets multiplicateurs et
synergétiques. Il est significatif que l’un des deux critères
6. Les composantes ou les forces de la compé-
d’évaluation des performances de nombreux programmes
fédéraux soit (avec le nombre d’emplois générés) la titivité régionale ainsi que les interactions et combinai-
capacité à lever des financements privés. De nombreux sons entre des pluralités de facteurs et d’acteurs de l’inno-
États et Villes se caractérisent par un fort interventionnisme vation, sont définies de façon claire et font l’objet d’un large
qui prend la forme de plans stratégiques, de fonds de consensus. Elles contribuent à orienter les politiques et les
financement ou d’amorçage de projets et de programmes initiatives privées, tout en facilitant leur adaptation selon les
d’investissements, d’émissions d’obligations, ainsi que des régions. Par exemple, la compréhension de l’innovation
mesures plus classiques de crédit d’impôts. repose sur l’identification partagée dans tous les États et
clusters de 4 composantes (expertise, interaction, diversité
Sur l’agenda de la nouvelle administration, figurent des et application) qui se déclinent en décisions d’investisse-
questions concernant les modes d’intervention publique ment ou en choix de politique pour agir sur elles.
qui ont un fort écho en Europe (et en France), telles que
par exemple : Sans assurer des garanties de succès, les expériences des
- mieux connaître et comprendre « ce qui fonctionne » ; États-Unis confirment que, pour promouvoir la compétitivité
- promouvoir le changement par l’innovation et l’expérimen- des territoires, il est recommandé de :
tation sociale préalable au transfert organisé des pratiques - Investir dans les ressources humaines ;
significatives - Elargir tous les modes d’accès aux technologies ;
- rechercher de nouveaux investissements dans le social. - Stimuler l’esprit d’entreprise et appuyer fortement les nou-
velles entreprises technologiques
5. Des instruments financiers performants. Si le - Promouvoir des coopérations entre entreprises et
rôle du capital-risque public et privé ou celui des banques agences, au niveau régional mais aussi au-delà des fron-
régionales sont bien connus, d’autres pratiques notamment tières ;
par les agences de développement ou les centres d’excel- - Améliorer la qualité de vie et les aménités locales, comme
lence, le sont moins, tels que : facteur d’attraction et de rétention des activités ;
- le « packaging financier » qui consiste à analyser les be- - S’ouvrir à l’international ;
soins de financement de projets ou de plans de dévelop- - Se doter de dispositifs de suivi et d’évaluation.
pement, identifier des investisseurs potentiels publics ou Parmi les facteurs-clés de succès au sein des clusters les
privés et monter des « tours de table financiers » et des plus remarquables, on relève :
dispositifs de financement très complexes - l’initiative de leaders (souvent des gouverneurs ou diri-
- l’identification – au niveau des États et régions - des vides geants d’entreprises ayant un lien fort avec l’Etat ou la ville)
(gaps) sur les marchés financiers et les dispositifs de finan- qui réunissent une coalition de personnalités, agissant dans
cement public, en vue de les combler par des mesures ad la durée et qui parviennent à mobiliser des institutions et à
hoc les engager dans des démarches stratégiques ;
- la recherche systématique de l’effet de levier pour mobi- - la capacité de ces acteurs, individuels and institutionnels,
liser des fonds d’origine diverse et accroître la mobilité des régionaux ou locaux à construire des partenariats public-
capitaux. privé pourvus d’instances ou d’agences communes de
// 59
gestion disposant d’une capacité à créer et animer des ré- d’intérêt communs (transports publics, lutte contre la pol-
seaux et à offrir des services d’appui et des outils de finan- lution, planification foncière, développement économique,
cement aux entreprises ; planification urbaine) doivent être traitées à un niveau mé-
- un rôle limité, mais incitatif des instances publiques qui in- tropolitain ;
terviennent en infrastructures et en ingénierie et combinent - des réseaux d’acteurs fonctionnent à ce niveau (alliances
des interventions ciblées sur des zones (spatially-aware), d’entreprises, collaboration entre universités, fondations,
selon des critères assez souples, avec des interventions à organismes communautaires ou associatifs etc.) ainsi que
caractère transversal ou sectoriel non localisées (spatially- des partenariats ou des structures intermédiaires mixtes -
blind) et largement déléguées aux États qui exercent des tels que les très performants Labour market intermediaries,
fonctions plus stratégiques. qu’il conviendrait d’activer et de reconnaître ;(voir Chapitre
6)
7. L’économie verte ou propre est utilisée – au delà - la dévolution de compétences à une instance métropoli-
des réponses bien connues aux problèmes écologiques et taine unique et élue n’est pas une excuse pour justifier des
d’énergie - comme un mode de transformation du système désengagements, soit des États, soit des collectivités qui
économique et de transition d’une économie vers une autre. la forment ;
Elle alimente un débat sur une « croissance intelligente » - la gouvernance ne se réduit pas à la question d’une au-
(smart growth*) inscrite dans les politiques de quelques torité publique ou d’un gouvernement à ce niveau. Elle est
États et villes « progressistes ». Elle offre aussi des perspec- aussi une question d’implication des acteurs privés et no-
tives de développement technologique - qui apparaissent tamment des entreprises et des universités, ainsi que de
comme un enjeu central et constituent un nouveau tremplin réseaux d’acteurs et des forces de la société civile et des
de la compétitivité, susceptible de concilier les dimensions « communautés » qui coopèrent pour répondre à des pro-
économique et environnementale de la durabilité. Les mul- blèmes communs ;
tiples initiatives promues par les innombrables réseaux de - certaines grandes décisions publiques, induites par l’État
villes (voir Chapitre 4) au delà de la poursuite des objectifs (par exemple une ligne TGV), si elles sont concertées et
écologiques, constituent des laboratoires d’innovation et acceptées, ont un impact économique et environnemental
d’expérimentation sociale de nouveaux modes de produire, bien plus fort que le choix d’une autorité de gouvernance ;
de consommer et de vivre, de gouvernance participative et - l’un des obstacles invisibles est l’absence d’une identité
de planification urbaine. Ces pratiques pourraient inciter les métropolitaine ou mégalopolitaine, qu’il faut s’attacher à
villes européennes (et françaises) à intensifier leur implica- construire dans le temps.
tions dans de tels réseaux comme des lieux d’apprentis-
sage collectifs et des vecteurs de transferts d’expériences. On pourrait enfin élargir le débat sur la gouvernance mé-
tropolitaine à la question de la mesure des résultats et des
8. La gouvernance des métropoles. Si la diversité performances des structures en place. Ce qui intéresse les
des modes de gouvernance ne permet pas de faire des citoyens ce sont moins les moyens (input), voire les pro-
États-Unis un bon modèle de référence, - et notamment duits (output) que les résultats (outcome). Plutôt que de
celui du gouvernement métropolitain -, elle aide à alimenter concevoir des meilleures pratiques de gouvernance, les
le débat sur ce thème, dont on peut tenter de tirer les en- métropoles seraient invitées à améliorer leurs pratiques
seignements suivants : courantes.
- il existe un consensus sur le fait que les grandes fonctions
pratiques
significatives
// 61
Portland est une ville de 560 000 habitants au sein d’une La métropole est administrée par un Conseil de 7 membres
aire métropolitaine de 1,3 millions, couvrant 3 comtés et composé d’un président élu au niveau de l’aire métropoli-
25 communes divisés en 6 districts électoraux. La ville est taine et d’un 1 conseiller élu dans chacun des 6 districts,
administrée par une commission élue sur une base non - pour 4 ans et sur des listes non partisanes. Ils ne peuvent
partisane de 5 membres, présidée par l’un d’entre eux qui détenir aucun autre mandat électif. Le dispositif comporte
a le titre honorifique de maire. Cette commission cumule les en outre un auditeur élu au niveau de la métropole, chargé
pouvoirs législatifs et exécutifs. Les commissaires se répar- de conduire des audits, superviser les finances, contrôler
tissant les domaines de compétences. les résultats et leur qualité et formuler des recommanda-
tions d’amélioration, ainsi qu’un Directeur et un conseiller
juridique (attorney) recrutés et nommés par le Conseil. Ce-
Une autorité métropolitaine élue lui-ci siège en moyenne 4 fois par mois.
L’aire métropolitaine disposait de deux structures consulta-
tives de coopération intercommunale : une association de Ses attributions se rapportent aux seules activités d’intérêt
municipalités et une Commission de planification. En 1970 supra municipal et général « qui nécessitent des solutions
par référendum, il fut décidé de constituer une autorité collaboratives ». Ce conseil assure des fonctions centrales
métropolitaine intercommunale et multifonctionnelle : Me- de représentation et de leadership, ainsi que de planifi-
tropolitan Service District 1, plus connue sous le terme de cation. Il définit les orientions stratégiques économiques,
Metro Portland. Une Charte qui en définit les attributions et sociales et environnementales à long terme. Il assure les
fonctions de planification urbaine et supervise la gestion
1 www.oregonmetro.gov
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Metro Portland reste à ce jour l’unique métropole améri- fonds privés, montant qui a été en fait quadruplé.
caine disposant d’un gouvernement métropolitain.
Cette université d’État, qui avait une vocation ancienne de
Sources : Community Investment Toolkit. Financial incentives Me- formation aux métiers de l’énergie, en coopération avec les
tro. June 2007. sociétés de production d’électricité et d’extraction pétro-
COO Report. Strategies for a sustainable and prosperous region; lière, a créé en 2004 un Centre International de Recherche
Sept 2009 appliquée sur les énergies et l’environnement. Il se définit
www.oregonmetro.org; www.oegon4biz.com sur son site internet comme « l’un des leaders mondiaux
en matière de développement des technologies propres,
d’efficience énergétique et de protection de l’environne-
6.2 L’émergence d’un « ment ». Il dispose d’une capacité de recherche appliquée
et de développement dans 12 laboratoires relevant de
cluster vert » au Dako- 10 domaines, financés par des crédits publics et par des
contributions privées et des contrats avec les entreprises.
ta du Nord
En mobilisant et abondant des crédits d’EDA et d’autres
L’énergie et l’environnement enregistrent aux USA des dé- agences fédérales, l’État a investi depuis 2005 dans la
veloppements technologiques très rapides. Ils concernent création de 10 centres d’excellence dans le cadre de par-
des filières aussi diverses que les énergies propres et re- tenariats avec le secteur privé. A chacun de ces Centres
nouvelables, les matériaux et techniques de construction est associé un partenariat de gestion composé de repré-
écologique, les technologies propres et les processus sentants des entreprises privées et des banques, ainsi
d’épuration des gaz et des eaux, le stockage de l’énergie, que du Conseil de l’enseignement supérieur de l’État. Une
les bio carburants, etc. Dans certaines filières telles que commission mixte est chargée de collecter et sélectionner
l’énergie éolienne ou le stockage de l’énergie (fuel cells), les projets industriels. Parmi ces 10 unités, on peut citer :
le nombre de brevets a doublé entre 2004 et 2008 et le • Le Centre des technologies de l’hydrogène, leader de
montant annuel de capital risque investi est passé de 360 cette spécialité ; il associe une trentaine d’entreprises natio-
millions à 6 milliards $ entre ces deux années. Si des États nales et multinationales et a mobilisé 34 millions $ de R&D.
comme la Californie ou le Massachussetts sont très avan- • Le Centre national des Énergies de recherches et appli-
cés, on a vu apparaître récemment de nouveaux clusters, cations sur les produits de la combustion du charbon (7, 4
y compris dans des États isolés et peu avancés en matière millions $ mobilisés).
de protection de l’environnement. Celui qui s’est développé • Le Centre de technologie et de sécurité sur le pétrole,
depuis 5 ans auprès de l’université d’État du Nord Dakota à proximité de sites d’extraction ; il associe 17 firmes et
est un exemple de ce processus d’émergence d’un « clus- des projets de développement et de formation (il a investi
ter vert ». 1 million $).
Depuis la fin des années 80, cette université disposait de Ces laboratoires et centres d’excellence « opèrent comme
facilités de R&D et d’une expérience de commercialisa- des entreprises », conduisent des recherches, déposent et
tion des innovations technologiques. En 2000, le gouver- commercialisent des brevets, accueillent des projets de dé-
neur de l’État a proposé d’organiser une table ronde sur veloppement, de démonstration ou de tests de nouveaux
la R&D comme lieu de rencontre et de coopération entre produits. Le Centre affiche de l’ordre de 1 000 clients origi-
chercheurs et industriels et a lancé un programme ambi- naires de 31 pays.
tieux d’investissement dans la recherche. En conséquence,
en 2001, 23 dirigeants des grandes entreprises de l’État Des structures complémentaires et communes ont été mis
ont créé une Fondation du Développement économique. en place telles que :
L’université d’État a développé un plan de promotion de • Un Centre pour l’entreprise technologique et l’innovation
la recherche « orientée vers le marché » (market-driven qui offre des équipements de démonstration, des capacités
research) consistant à enquêter auprès des entreprises de mise au point de matériels de laboratoires et d’élabora-
susceptibles de se diversifier et à les démarcher pour dé- tion de protocoles pour tester les substances et produits ;
velopper de nouveaux projets et produits ou occuper de • Des services d’aide à la commercialisation des brevets
nouvelles niches. 23 Millions de $ de fonds publics ont et des nouveaux produits ou services, après protection de
été investis, avec l’objectif de doubler ce montant par des la propriété intellectuelle, par le biais d’une fondation indé-
64 //
gique d’investissement dans l’éducation et la formation, ar- de développement économique et de promotion sociale.,
ticulé aux priorités du plan de développement économique Ils assument des fonctions d’information et d’analyse du
et aux perspectives de développement des clusters. Une fonctionnement du marché du travail local, qualifications et
Task force du développement de la main d’oeuvre, ratta- carrières, et d’appui et collaboration avec les Industry Par-
chée à un Comité de développement économique de l’État tnerships ; ils définissent des orientations et des priorités
auprès du Cabinet du Gouverneur, assure la coordination stratégiques pour leur bassin ou leur cluster et disposent
des 5 Départements concernés et de leurs programmes ; d’un inventaire précis et à jour des moyens et ressources
elle fut chargée de définir des principes et les 10 critères de de formation ; ils proposent, dans le cadre de « guichets
performance des partenariats locaux. uniques », une large gamme de services d’orientation, for-
mation, conseils, validation des acquis, dont la prestation
La coopération avec le secteur privé est assurée par un est sous-traitée à des opérateurs publics et privés. Ils sont
organisme (Workforce Investment Board) composé de re- invités à utiliser les 10 critères de performance pour auto-
présentants d’agences et d’entreprises des 10 clusters et évaluer leurs résultats.
8 sous clusters de l’État. Il est chargé de formuler des pro-
positions et recommandations dans divers domaines trans- L’évaluation de cette stratégie n’est pas aisée car elle est
versaux (building blocks). L’un de ses Comités de gestion évolutive et combine des interventions de structures an-
des performances est chargé de suivre les réalisations et ciennes et pérennes avec des actions ponctuelles, expé-
résultats des actions conduites au niveau local et de propo- rimentales et souples. Les performances sont notables en
ser des actions correctrices, d’apprécier le fonctionnement matière de réponses aux besoins des entreprises, de ré-
et d’évaluer les réalisations des partenariats locaux. sorption de pénuries de qualification, de mobilisation des
entreprises en faveur de la formation de leurs ressources
La mise en œuvre par des partenariats locaux : les Industry humaines et de croissance de l’emploi dans ces nouvelles
partnerships et les Local Workforce Industry Boards (LWIB) filières d’activités et au sein des clusters. Les actions de
formation ont touché 35 000 entreprises (13% du total) en
Les Industry Partnerships sont au cœur de cette stratégie. 2006, contre 1% seulement en 2003. Une étude compa-
Ils se composent d’une majorité de représentants d’en- rative entre les États des politiques en faveur des qualifi-
treprises et donc de secteurs ou filières spécialisées. Il en cations a sélectionné ce dispositif parmi les 6 meilleurs du
existe 89 dans l’État, où siègent des dirigeants représen- pays. Ses points forts ont été identifiés qui sont:
tant 61 000 entreprises de 20 secteurs. Ils se définissent - une vision claire et une stratégie affirmée ;
comme des organismes intermédiaires, chargés d’identi- - une identification précise des résultats recherchés avant
fier les besoins des entreprises de leur secteur et région d’en définir les moyens;
et de proposer des réponses en matière de formation. Ils - un bon système d’information sur la main d’œuvre, les
sont appuyés par un programme de l’État qui finance leur entreprises et les clusters ;
fonctionnement, la création de réseaux d’entreprises, des - un engagement fort des divers niveaux de leadership et
actions de formation et des initiatives combinant formations au sein des partenariats,
et initiatives de développement local. Par exemple le Life - des financements souples et bien adaptés aux priorités,
Science Career Alliance, association de 28 membres dans - un bon « ajustement » entre les initiatives de formation et
le sud-ouest de l’État, traite des besoins de formation des de développement économique au niveau local.
structures et entreprises du secteur de la santé – une nou-
velle et forte spécialisation de la région. Le Food Manufac- Sources : www.paworkforce.state.pa.us ; www.portal.state.pa.us;
turing Partnership du Comté de Montgomery, qui regroupe www.di.state.pa.us
11 firmes de ce secteur, a des fonctions voisines, etc. R. Eberts. Pennsylvania case study, in OECD A review of local and
employment development policy approaches in OECD countries;
Les LWIB - prévus dans le dispositif fédéral- sont des struc- 2008.
tures de mise en œuvre de ces actions. Y siègent, dans
des proportions très variables selon les bassins d’emplois,
des représentants des entreprises, des syndicats, des éta-
blissement d’éducation et formation –notamment des Col-
lèges communautaires (établissements post secondaire de
cycle court) – mais aussi des instances de formation, des
services de l’emploi, de conseils aux PME et des agences
Glossaire
// 67
Développement communautaire
Il est définit comme une approche globale de revitalisation à la fois économique et sociale de zones urbaines ou rurales
déprimées où vivent des populations pauvres ou à faible revenu, souvent issues de la classe ouvrière et des minorités
ethniques. Les Québécois nous invitent à le traduire par « développement local ». L’adjectif « communautaire » se rap-
porte à la fois à un espace vécu et à des dispositifs participatifs. Aux États-Unis, la communauté est définie comme «
un groupe humain qui partage des intérêts communs » ou « un espace ou des gens vivent, travaillent et entretiennent
des liens sociaux ». Le mouvement des « communautés vertes » définit cette notion sur la base des critères suivants :
une proximité géographique, un usage partagé des infrastructures physiques, l’existence de réseaux sociaux actifs et
des éléments d’une culture communs. Ces communautés peuvent avoir une dimension ethnique en conséquence des
formes fréquentes de ségrégation ou de «non mixité » résidentielle ou une dimension religieuse. L’administration Bush a
fait bénéficier de ces aides les « communautés basées sur la foi religieuse » (faith-based), parce qu’elles assurent des
services éducatifs et sociaux au niveau local. Les programmes de développement communautaires se réfèrent donc le
plus souvent à des communautés locales. Ils appuient des initiatives économiques de création d’activités, de petites en-
treprises et d’emplois, ou des projets offrant des « opportunités économiques individuelles ou collectives » ainsi qu’à des
actions en faveur du logement, de la lutte contre la pauvreté et le chômage ou l’offre de services collectifs, l’amélioration
du cadre de vie et de l’environnement. Ils intègrent des dispositifs de participation et d’empowerment* des populations
résidentes et de leurs associations. Ils prévoient aussi des démarches actives d’animation par des « organisateurs des
communautés » (community organizers) – ce que fut le Président Obama dans les quartiers sud de Chicago. Enfin ces
communautés disposent d’organismes associatifs de gestion (Community Development Corporation) et de financement
(Community Development Foundations). Cette notion de communauté est souvent connotée négativement en France,
comme se rapportant aux communautés ethniques ou religieuses dont la reconnaissance des identités ou des intérêts
particuliers compromettrait leur intégration et l’intérêt général et être source de dissensions et de conflits On se rappellera
qu’en 1789, nos communes remplacèrent des « communautés d’habitants » (J.P. Gutton, La sociabilité villageoise dans
l’ancienne France, Hachette, 1979).
68 //
Développement économique
Il vise à « promouvoir l‘innovation et de la compétitivité des entreprises pour préparer les régions ou les villes américaines à
affronter la mondialisation »1. Selon une autre définition, le développement économique se rapporte « aux processus et aux
actions de restructuration et de croissance d’une économie visant à renforcer le bien-être – mesuré en termes d’emplois
et de revenus et de richesse - des habitants d’un territoire particulier, national ou sub-national » 2. Les finalités des inter-
ventions des acteurs publics de tous niveaux dans ce domaine sont les suivantes: établir les « règles du jeu » (législations
et réglementations), réaliser des investissements (en infrastructures, en technologie et innovation, en ressources humaines
ou en matière sociale) ayant un caractère de « biens publics », que les entreprises privées n’auraient pas d’intérêt à faire et
les inciter à être compétitives et à créer des emplois.
Economie propre
Elle est définie comme générant des emplois, des entreprises et des investissements tout en promouvant une production
économe en énergie réduisant les émissions des gaz à effets de serre, les déchets et les pollutions tout en conservant l’eau
et les autres ressources naturelles. Elle est transversale à 5 domaines : l’énergie propre, l’efficience énergétique, les pro-
ductions respectueuses de l’environnement, la préservation des ressources et la réduction des pollutions ainsi que les for-
mations et les services d’appui à ces transformations. Ces 5 domaines constituent, pour les pouvoirs publics et le secteur
privé, un cadre de croissance pour identifier des investissements en capital risque et créer des entreprises et des emplois.
Economie verte
EDA la définit comme le développement et l’utilisation de produits et de services qui contribuent à la croissance écono-
mique et en atténue les dysfonctionnements en respectant et en revitalisant l’environnement. On parle moins de dévelop-
pement durable que d’économie, d’entrepreneurs ou d’emplois verts (green economy, green entrepreneurs, green jobs),
mais aussi de gouvernement, de culture et de communautés, voire de banques « vertes », de green living et de green
power (énergies renouvelables) et même de green capitalism.
Empowerment
Le terme est traduit au Québec par « pouvoir d’agir » et en Espagne par « capacitation ». Il peut être défini comme la
capacité des personnes et des collectivités à saisir des chances ou des opportunités, à faire valoir et à exercer des droits
tout en acquérant des capacités pour se développer et participer à la décision. Le programme d’initiative communautaire
EQUAL l’avait retenu comme l’un des principes d’action et défini comme « le processus permettant à tous les acteurs,
à tous les niveaux, de s’impliquer et de participer de manière active à une action ou à un projet », en le traduisant par «
participation active ». Il constitue l’un des critères de la participation et du processus d’implication des acteurs de la société
civile, fondement d’une démocratie participative mais aussi du développement local.
Quango
Le sigle de Quango désigne tout organisme quasi public, autonome et non-gouvernemental, pouvant être financé par des
fonds publics mais géré de façon indépendante. Ce statut est souvent celui des agences de développement des États et
des villes.
Visioning
Outil de prospective utilisé par certaines métropoles (dérivé de to envision = envisager) pour imaginer l’avenir de la ville,
d’un quartier ou de la région. Il consiste à spatialiser les préférences urbanistiques des acteurs et des habitants et à éla-
borer, sur la base de ces préférences et du pluralisme des opinions, des scénarii d’urbanisme qui font l’objet d’évaluations
comparatives. Le visioning repose sur 5 axiomes : sensibilisation, participation, scénarisation, modélisation et évaluation.
Par exemple l’exercice mené sur l’avenir de la métropole de Los Angeles par l’Agence des transports a confronté les
propositions de 1 300 personnes et abouti à 3 scenarii diffusés sur internet et utilisé par les décideurs comme l’un des
instruments de planification urbaine.
Zones métropolitaines
Elles sont définies selon un critère statistique (Standards Metropolitan Statistical Areas) comme des « zones composées
par l’adjonction de noyaux urbains continus, dont l’un est constitué par une ville-centre d’au moins 50 000 habitants ou
des zones d’au moins 100 000 habitants composées d’une ville-centre et de quartiers périphériques ». La Consolidated
Metropolitan Statistical Areas peut aller jusqu’à inclure plusieurs centres et leurs banlieues respective en raison de leur
continuité spatiale. Elles correspondent à des espaces de migrations quotidiennes de travail, couvrant un ou plusieurs
comtés et assez proches de nos « bassins d’emploi ».
Sigles
EDA Economic Development Administration
HUD Department of Housing and Urban Development
EPA Environment Protection Agency
GAO General Accounting Office
ARRA American Recovery and Reinvestment Act
CDBG Community Development Grant
CRA Community Investment Act
RC/EZ/EC Renewal Communities, Empowerment zones et Entreprise Communities
ressources
documentaires
// 71
• Mark Drabenstott., A review of the federal role in Regional Economic Development, Federal Reserve bank of Texas
and Federal Reserve system, 2005.
• http://www.kc.frb.org/PUBLICAT/EconRev/PDF/1q06drab.pdf
• Construction Grants, Program Impact Assessment Report on Investigation and results, Grant Thornton, September
2008.
• Spotlight on Results Capturing Successes in Renewal Communities and Empowerment Zones, HUD, 2004.
• Paul Knox and Helke Mayer, Small Town Sustainability: Economic, social and environmental innovation, Virginia Tech
University, Ed. Birkhaser.
• Using Arts and Culture to Stimulate State Economic Development, NGA and Centre for Best Practices, 2008. www.
nga.org/center
• Getting Current Demographic Trends in metropolitan America, Brookings Institute, 2009. www.brookings.edu/Metro
• Les villes d’Amérique du Nord : un renouvellement exemplaire. Stratégies métropolitaines. Cahier N°181, IAU-IdF,
Juin 009
• E..L Birch and S.M Wachter. Growing Greener Cities Urban sustainability in the XXIst century, University of
Pennsylvania Press 2008.
Ministère de l’agriculture,
de l’alimentation, de la pêche,
de la ruralité et
de l’aménagement du territoire
Créée en 2011, cette collection à caractère scientifique entièrement numérique a pour objectif de rendre ac-
cessibles, certaines des études les plus récentes de la DATAR. L’intérêt est également de pouvoir proposer
ces travaux d’expertise ou de R&D confiés à des laboratoires de recherche ou à des cabinets de consultants
dans une version publique très complète, intégrant notamment le détail de la méthodologique et des annexes
techniques complémentaires. Chaque numéro de cette nouvelle série est disponible en téléchargement sur le
site-portail de l’aménagement du territoire dans une version maquettée facilement imprimable.
Datar • 2011