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FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION (FASEG)

MASTER DE RECHERCHE EN ECONOMIE (2021-2022)

TITRE DU COURS : AMENAGEMENT DU TERRITOIRE

Par AMOUSSOU-GUENOU Assiba


Docteur en "Analyse et Politique Economique"
Conseiller-Maître à la Cour des comptes du TOGO.

JANVIER 2022

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PLAN DU COURS
I) OBJECTIFS DU COURS
1.1 Objectifs généraux
1.2 Objectifs spécifiques

ET INTRODUCTION GENERALE
II) DEFINITION DES CONCEPTS
2.1 L’aménagement du territoire
2.2 La décentralisation, la déconcentration et les collectivités locales
2.3 Les disparités régionales
2.4 Autres concepts liés l’aménagement du territoire.
III) LES DIFFERENTS TYPES DE DISPARITES
3.1 Les disparités démographiques et l’inégale répartition de la population
3.2 Les disparités économiques
3.2.1 Sur le plan du revenu
3.2.2 L’inégalité de développement économique
3.3 Les inégalités sociales
3.4 Les facteurs et les conséquences des disparités régionales
IV) LE DEVELOPPEMENT LOCAL

4.1. Le Concept du développement local et ses atouts


4.2. Promotion de l’entrepreneurship local
4.3. Les Limites du développement local (ou efficacité de l’aide locale)
V) LES MODELES DE L’AMENAGEMENT DU TERRITORE DANS CERTAINS
PAYS AFRICAINS ET LA STRATEGIE DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE
AU TOGO

5.1 L’aménagement du territoire en Afrique


5.1.1 Un aménagement à but unique fondé sur le développement agricole :
l’Office du Niger au Mali
5.1.2. Un aménagement intégré à buts multiples centré sur la production
hydro-électrique : le barrage d’Akosombo au Ghana
5.1..3 L’Afrique et le modèle brésilien de création d’une nouvelle capitale
5.1.4. Le Nigeria et la création d’une nouvelle capitale : Abuja
5.1.5. La Tanzanie et l’échec de la création de la nouvelle capitale : Dodoma

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5.1.6. Yamoussoukro, nouvelle capitale de Côte d’Ivoire
5.2. La stratégie de l’aménagement du territoire au Togo
VI) LA DECENTRALISATION, « PIERRE ANGULAIRE » DE
L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE
6.1 La décentralisation et la gestion des collectivités locales
6.2 La décentralisation et le développement local
6.3 Pas de décentralisation sans déconcentration
VII) LES OBSTACLES A L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET A LA
DECENTRALISATION EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE
7.1 La faiblesse des institutions et du cadre juridique et l’absence de
coordination des actions
7.2 Le caractère dérisoire des budgets nationaux et des collectivités locales
7.3 L’instabilité politique
7.4 L’incompatibilité des régimes de dictature avec la décentralisation
7.5 Le refus de collaboration des administrations et services techniques
7.6 Le difficile dialogue entre « aménageurs » et « aménagés »

CONCLUSION GENERALE

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I OBJECTIFS DU COURS
Objectifs généraux

Ce cours sur l’aménagement du territoire vise à faire prendre conscience aux


étudiants-chercheurs en Economie, (que vous êtes) de l’existence
d’importantes inégalités ou disparités de développement régional à travers les
pays africains, afin de contribuer à la recherche de solutions pouvant atténuer
ces inégalités ou disparités régionales.
En outre, le cours vise à initier les futurs cadres que vous constituez, aux
notions de décentralisation, de développement local et de gestion des
collectivités territoriales qui, dans la plupart des cas, présentent des limites ou
obstacles au développement durable et harmonieux des pays d’Afrique où les
capitales macrocéphales tendent à concentrer la presque totalité des
ressources disponibles dans un pays donné.
Objectifs spécifiques
De ces objectifs généraux découlent les objectifs spécifiques ci-après :
- Définir les concepts d’aménagement du territoire, d’inégalités ou de
disparités régionales, de décentralisation et de collectivités locales ;
- Présenter les principales formes de disparités régionales ; en Identifier
les principaux facteurs ; et les conséquences ;
- Décrire quelques politiques d’aménagement du territoire dans des pays
d’Afrique de l’ouest et au Togo en  particulier;
- Étudier la notion de décentralisation et de développement dans l’optique
d’une meilleure répartition des ressources humaines, économiques et
sociales ;
- Montrer les rapports étroits entre décentralisation et aménagement du
territoire.

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INTRODUCTION GENERALE
L’organisation de l’espace a été de tous temps, la préoccupation majeure de
toute société, de toute communauté. Il diffère de l’aménagement du territoire.
1) Selon Pierre Gourou, l’organisation de l’espace signifie contrôle
territorial, encadrement.

Ainsi toute société, par définition, possède des techniques et méthodes


d’organisation de l’espace ou d’encadrement territorial. Les techniques
d’organisation diffèrent suivant les sociétés :
a) Par la vigueur de ces techniques, la population et l’étendue à contrôler ;
b) Par le niveau de développement économique et social ;
c) Par l’existence éventuelle d’administrations territoriales, ayant une assise
spatiale précise ;
d) Par l’existence éventuelle d’encadrements multiples en cas
d’interpénétration de plusieurs groupes ethniques exerçant leurs
influences sur le même espace comme en Afrique subsaharienne.

2) A la différence d’organisation de l’espace, l’aménagement du territoire


implique une action délibérée de l’Etat, pour modifier les rapports des
hommes et de l’espace, dans le sens d’une « réorganisation ».
L’aménagement a pour objectif de structurer l’espace, mais à l’échelle de
tout un pays. C’est donc l’aménagement du territoire au singulier. Il est à
distinguer des aménagements physiques, transformateurs du milieu
naturel. Il y a longtemps que les gouvernements font l’aménagement du
territoire sans le savoir.

L’aménagement du territoire est inséparable de l’Etat, dans le sens moderne du


terme. Selon le géographe Daniel Noin, « L’aménagement du territoire ne
saurait être séparé du gouvernement de la cité ou de la nation, c’est-à-dire de la
politique tout court ».
L’aménagement du territoire (ADT) répond à la nécessité d’atténuer les
disparités de développement plus ou moins profondes qui existent au sein d’un
territoire national, aussi bien en pays industrialisés du Nord que pauvres du Sud.
Il est aujourd’hui pratiqué dans la plupart des pays du monde, dans l’objectif
d’un développement équilibré et durable sur le plan spatial.
3) Sous sa forme moderne, l’aménagement du territoire met en jeu des
pouvoirs administratifs, financiers, fiscaux, techniques, etc. et ne date que
des années 1930. Débuté au sud-est des Etats-Unis, dans la vallée de la

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Tennessee, il sera ensuite pratiqué au sud de l’Italie, au bénéfice du
Mezzogiorno (sous-développé par rapport au nord), en Angleterre pour
les bassins miniers en récession, en France où l’aménagement du territoire
n’est réellement devenu une affaire d’Etat qu’avec la création de la
DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action
Régionale) en 1963.

Ainsi « L’homme ne vit pas seulement dans l’espace : il le façonne. Il y


implante ses villes, ses routes, ses cultures, ses civilisations » (Boudeville,
1970).
L’aménagement et la décentralisation sont des politiques complémentaires de
développement qui s’inscrivent dans l’objectif général d’un développement
équilibré, harmonieux et durable sur le plan spatial, régional et local.
L’aménagement du territoire, qui est une politique de planification spatiale, vise
à réduire les disparités régionales au sein d’un pays donné. La décentralisation
qui vise à réduire la concentration d’activités économiques et socio-culturelles
au profit de zones ou de localités déshéritées d’un pays, est devenue la pièce
maîtresse de l’aménagement du territoire dans de nombreux pays. La création de
ministères et d’institutions à cet effet dans les divers pays, aussi bien du Nord
que du Sud, témoigne de la volonté des gouvernants d’inscrire l’aménagement
du territoire et la décentralisation dans les politiques de développement
équilibré, harmonieux et durable. Il s’agit de l’action volontariste de l’Etat.
En visant le développement équilibré et durable d’un pays, l’aménagement du
territoire a également pour objectif d’éviter la macrocéphalisation des
capitales, en d’autres termes le développement monstrueux des métropoles ou la
métropolisation, frein au développement harmonieux, équilibré et durable. En
d’autres termes, l’aménagement du territoire a pour objectif d’atténuer la
domination d’un espace du territoire sur d’autres.
L’organisation ou la maîtrise de l’espace) est une préoccupation majeure de
toute société, de toute communauté humaine, quel que soit son degré
d’évolution technique pour tirer le meilleur parti de cet espace en le façonnant à
sa manière suivant ses intérêts et ses moyens techniques. « L’homme ne vit pas
seulement dans l’espace : il le façonne. Il y implante ses villes, ses routes, ses
cultures, ses civilisations ». Le niveau supérieur de cette organisation de
l’espace, qui a pris des formes plus ou moins élaborées, est l’aménagement du
territoire, concept apparu dans les années 1930, même s’il était déjà pratiqué
avant la lettre dans certains pays. L’aménagement du territoire répond à la
nécessité d’atténuer les disparités de développement plus ou moins profondes
qui existent au sein d’un territoire national aussi bien dans les pays capitalistes
d’inspiration libérale que dans les pays socialo-communistes.
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Les raisons de cet engouement général tiennent au fait que tous les pays du
monde sont marqués par des disparités ou inégalités régionales plus ou moins
importantes. Mais c’est dans les pays du Sud, notamment d’Afrique, que ces
disparités régionales sont particulièrement fortes (Lacoste 1989). C’est ainsi
qu’au sein de chaque pays, on observe des régions défavorisées ou déshéritées,
et des régions « riches », dotées de ressources naturelles et où les conditions de
vie sont globalement meilleures à celles qui prévalent dans les régions
défavorisées.  Dans plusieurs PED (Pays en développement), des parties entières
du pays semblent condamnées à rester en dehors du processus de
développement. C’est le cas de la Région des Savanes au Togo, longtemps
maintenue à l’écart de tout courant de modernisation et de développement, avec
ses conditions naturelles sévères (faible pluviométrie, pauvreté des sols, faible
épaisseur de la couverture végétale, etc.) (Nyassogbo, 2004). La politique
d’aménagement du territoire a pour objectif fondamental de réduire les
inégalités au sein d’un pays donné en vue du développement équilibré,
harmonieux et durable. Il s’agit de la recherche de « l’équité spatiale », ou
selon un concept inventé par le philosophe américain John Rawls, de
l’instauration de « la justice spatiale » qui doit se traduire par une « politique
de redistribution des richesses nationales » au profit des régions défavorisées
victimes de « l’injustice spatiale ». C’est l’entraide ou « la solidarité » entre
régions. Le principe de solidarité et d’équilibre entre régions d’un pays a été très
bien défini par Jean Fourastié qui compare le territoire d’un pays à un
« organisme de nature biologique » :
« Il faut aboutir à un équilibre tel que la région développée ne vide plus de
son contenu la région défavorisée. Une communauté humaine est un organisme
de nature biologique… ; il doit être considéré essentiellement comme un corps
vivant. Or un corps vivant n’est jamais composé de parties mortes et de parties
vivantes, il doit être entièrement vivant. Bien entendu les différents organes
d’un corps n’ont pas les mêmes rôles, mais ils doivent être tous en état de vie,
ils doivent se vivifier les uns par les autres. Il est indispensable d’arriver à une
circulation de la vie sur l’ensemble du territoire ».
La forte centralisation du pouvoir est également l’une des principales
caractéristiques des pays africains, notamment des pays francophones.
L’héritage a été légué depuis l’époque coloniale par la métropole. La
décentralisation qui vise à réduire la concentration d’activités politiques,
économiques et socio-culturelles au profit de zones ou de localités déshéritées, a
donc des rapports étroits avec la politique et l’administration. On parle de
décentralisation politique, administrative, industrielle, commerciale, etc.
Décentraliser, c’est  rendre plus autonome, ce qui est centralisé. L’étroitesse des
liens entre l’aménagement du territoire et la décentralisation a fait dire au

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français Pierre George (1974), qu’en Europe et en France en particulier, la
décentralisation est « la pierre angulaire de la politique d’aménagement du
territoire ».
Qui parle de décentralisation évoque obligatoirement la notion de collectivités
locales et de leur gestion. La gestion des collectivités locales implique à son tour
la rigueur de la part des élus locaux en associant la population, non seulement à
cette gestion, mais aussi à la conception des projets locaux de développement.
La création de ministères et de services d’aménagement du territoire d’une part,
de la décentralisation d’autre part dans les divers pays, aussi bien du Nord que
du Sud, témoigne de la volonté des gouvernants d’inscrire l’aménagement du
territoire et la décentralisation dans les politiques et les pratiques de
développement équilibré, harmonieux et durable. La politique d’aménagement
du territoire, un outil du développement, et la décentralisation s’inscrivent dans
une action volontariste de l’Etat.

II) DEFINITION DES CONCEPT


2.1 L’aménagement du territoire

D’une définition à une autre, ce qu’il faut retenir, c’est la notion d’ordre et
d’organisation de l’espace que l’on retrouve partout. Selon le Petit Robert,
aménager, c’est « disposer et préparer méthodiquement en vue d’un usage
déterminé », c’est « agencer, arranger ». Il s’agit d’arranger, d’organiser et
de prendre en compte ce qui existe pour l’améliorer. C’est « disposer avec
ordre ». C’est ainsi qu’on aménage une maison, une cour de maison ou
d’école, une salle de classe, un amphithéâtre, etc. dans le sens d’ordonner.
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« Toutes ces questions, jadis ignorées, sauf de rares spécialistes, sont au
premier plan des réflexions et des politiques économiques de la seconde
moitié du 20è siècle » (Boudeville, op. cit.). Il s’agit de l’organisation de
l’espace qui se traduit par ce qu’on appelle « aménagement du territoire ». En
citant encore le Petit Robert, l’aménagement du territoire est « une politique
économique tendant à faire correspondre l’activité et la population locale,
régionale, avec les possibilités et les besoins économiques de chaque
région ». Pour le géographe français Pierre George, il s’agit de « l’action
concertée d’organisation du territoire », et pour le Père Lebret, c’est « la
localisation des efforts de mise en valeur et de développement ». On retrouve
le même souci d’ordre chez Pierre Merlin (2002) qui définit l’aménagement du
territoire comme « l’action et la pratique (plus tôt que la science, la
technique ou l’art) de disposer avec ordre, à travers l’espace d’un pays et
dans une vision prospective, les hommes et leurs activités, les équipements
et les moyens de communication qu’ils peuvent utiliser, en prenant en
compte les contraintes naturelles, humaines et économiques, voire
stratégiques » … « L’aménagement du territoire suppose donc une
démarche volontaire mais réfléchie, bref une planification de l’espace ».
Pour Michel Rochefort (1976), « L’aménagement du territoire peut se définir
comme une politique volontaire de la part des pouvoirs publics, pour tenter
d’agir sur l’organisation de l’espace, c’est-à-dire sur les rapports existant
entre le fonctionnement de l’économie ou la vie des hommes, et la structure
de l’espace dans lequel s’exerce le système économique et social ».
L’aménagement du territoire est une politique de planification spatiale.
Il s’agit de localiser les hommes, leurs activités ainsi que les villes en fonction
des potentialités spatiales.
A ce titre, selon Pierre Merlin (op. cit.), il s’oppose aux doctrines libérales et
néolibérales « qui prônent le laisser-faire ». Selon le libéralisme dominant, « le
libre jeu des forces économiques conduirait spontanément à la situation
optimale ». C’est donc la recherche de la meilleure adéquation possible
d’une société et d’une économie à un espace déterminé ou la recherche dans
un cadre géographique donné, de la répartition rationnelle des hommes en
fonction des ressources et des activités du milieu.
L’aménagement du territoire a pour cadre géographique l’espace national dans
une vision prospective. Il s’identifie à la planification géographique,
territoriale et spatiale, donc à la géographie active, volontaire, tournée vers
l’action. Dans ce contexte, elle est différente de l’ancienne géographie
purement descriptive, contemplative et du laisser-faire.

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Depuis les années 1970, un nouveau concept a fait son apparition pour désigner
les inégalités spatiales : il s’agit d’injustice ou de justice spatiale. Ce nouveau
concept a été forgé par le philosophe américain John Rawls (1970). Il a été
critiqué et enrichi par d’autres chercheurs.
2.2 La décentralisation, la déconcentration et les collectivités locales
La décentralisation est généralement définie comme le transfert de compétences
aux collectivités locales. Selon le géographe français Pierre George (1974), la
décentralisation c’est le « transfert ou la mise en place hors d’un centre urbain
surchargé, d’établissements ou d’entreprises industriels, commerciaux ou de
services ». Il s’agit, selon le même auteur, de « décentralisation industrielle,
décentralisation tertiaire… On range aussi sous l’étiquette de décentralisation les
opérations visant à transférer certains pouvoirs de conception ou de décision
hors du centre où ils sont traditionnellement exercés : c’est dans ce sens qu’on
parle de décentralisation administrative ».
La décentralisation selon la Banque mondiale (1992), c’est « l’art d’orchestrer
l’ensemble des politiques, des programmes et projets qui contribuent à la
régularisation de la demande urbaine globale en infrastructures, services,
logements et emplois, avec l’objectif affiché d’améliorer la productivité
urbaine ».
Pour Sylvy Jaglin et Alain Dubresson (1993), la décentralisation, c’est « la
rupture avec la situation antérieure du principe d’Etat-Nation caractérisé par la
concentration du pouvoir au sommet, et une anémie des pouvoirs locaux
urbains, faiblement impliqués dans la gestion des services aussi bien en Afrique
anglophone pourtant réputée plus décentralisée… qu’en Afrique francophone…
Les pressions politiques et financières exercées par des  bailleurs de fonds
désirant contourner les appareils d’Etat africains, jugés inaptes à promouvoir le
développement, ont sans nul doute pesé sur les options décentralisatrices».
Dans une autre publication, Sylvy Jaglin définit la décentralisation comme «le
système d’encadrement volontariste et organisé des processus d’urbanisation des
territoires (planification, affectation, équipement des sols) et d’intégration des
populations (administration des dispositifs d’accès au logement, aux
équipements, aux services) en conformité avec le projet social et politique
étatique ». 
La décentralisation n’a pas seulement une valeur administrative ; elle a une
portée civique puisqu’elle multiplie les occasions pour les citoyens de
s’intéresser aux affaires publiques ; elle les accoutume à user de la liberté.

En consultant le dictionnaire universel Wikipedia, on peut lire que « La


décentralisation est le fait pour l'État de transférer des compétences à des
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personnes morales qu'il crée (par opposition à la déconcentration, qui est le
transfert de compétences à l'intérieur de l'État ; il n'y a pas alors création de
personne morale). Ces personnes morales peuvent avoir vocation générale
(décentralisation territoriale = les collectivités territoriales qui ont compétence
pour toutes les affaires de leur territoire) ou vocation spécifique (décentralisation
fonctionnelle = les établissements publics, qui n'ont compétence que pour ce que
leurs statuts déterminent).

Décentralisation territoriale

 « La décentralisation territoriale vise à donner aux collectivités


territoriales des compétences propres, distinctes de celles de l’État, à faire
élire leurs autorités par la population et à assurer ainsi un meilleur
équilibre des pouvoirs sur l’ensemble du territoire. La décentralisation
rapproche le processus de décision des citoyens, favorisant l’émergence
d’une démocratie de proximité. Elle prend sa complète signification
quand elle donne à ces collectivités une suffisante maîtrise des ressources
financières qui leur sont nécessaires.
 La déconcentration est une notion bien distincte ; elle vise à améliorer
l’efficacité de l’action de l’État en déléguant certaines attributions de
l’échelon administratif central aux fonctionnaires locaux, c’est-à-dire aux
préfets, aux directeurs départementaux des services de l'État ou à leurs
subordonnés ».

Les modalités de la décentralisation territoriale

La décentralisation territoriale est confiée aux collectivités territoriales qui


disposent d'une personnalité morale, d'un pouvoir de décision, d'une autonomie
administrative, d'un personnel propre et de biens et services propres.

Les autorités des collectivités territoriales (présidents du conseil régional,


municipal etc.) sont des représentants élus sous le contrôle des représentants de
l'État (préfets). C'est l'État qui détermine les compétences de ces collectivités
« Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent
librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour
l'exercice de leurs compétences ».

Une des principales vertus de la décentralisation est d'adapter les politiques


publiques au plus près des besoins de la population. Cela peut toutefois
introduire de nouveaux déséquilibres au sein du territoire, en raison de choix
politiques différents et de l'inégalité des ressources des collectivités territoriales.

2.3 Les disparités régionales

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Les disparités régionales désignent couramment les inégalités de développement
régional au sein d’un pays donné. Selon Mario Polèse et Richard Sheamur (op.
cit.), « L’expression « disparités régionales » est couramment employée pour
désigner les inégalités de bien-être ou de développement entre régions. Les
disparités sont toujours évaluées, explicitement ou implicitement, par rapport à
une situation de référence. Elles sont un écart par rapport à une norme. Parler de
disparités régionales qui existent dans un pays signifie en général qu’on les juge
inacceptables ».
2.4 Autres concepts liés à l’aménagement du territoire
On entend par :
- action publique: toute intervention de l'Etat ou du pouvoir public aux
différents échelons, dans le cadre de la politique nationale de l'aménagement du
territoire
- analyse spatiale: production et analyse des informations sur les dynamiques de
développement des territoires ;
- armature urbaine: répartition des villes sur un territoire donné, l'ensemble
des relations qui existent entre ces villes et le pouvoir d'encadrement qu'elles
exercent les unes sur les autres compte tenu de leur localisation, de leur taille et
de leurs fonctions;
- attractivité du territoire : capacité d'un territoire à attirer et retenir les
activités, les populations et les investissements du fait de sa position
géographique, de ses potentialités, de son niveau d'équipement, de ses
infrastructures et des valeurs qui le représentent;
- compétitivité du territoire: capacité d'un territoire à tenir la concurrence et à
améliorer durablement le niveau de vie des habitants et du bien-être social, en
procurant un haut niveau d'emploi et de cohésion sociale;
- cohérence spatiale: harmonie devant exister entre les divers éléments
constitutifs d'un espace;
- cohérence territoriale: harmonie entre les actions à entreprendre en faveur
d'un territoire et entre celles-ci et les orientations défmies aux différentes
échelles;
- communauté de base: tout groupe d'individus ayant des liens de solidarité
basés sur le sentiment d'appartenance à un territoire, des intérêts et un destin
communs ;

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- développement: processus par lequel une collectivité, une société ou un Etat
s'organise et mobilise les moyens nécessaires pour créer, à sa population, de
meilleures conditions matérielles et morales de vie;
- développement équilibré: recherche de l'équité dans le développement des
portions d'un territoire en vue du renforcement de leur complémentarité, de
leur unité et de leur solidarité;
- développement durable : mode de développement qui vise à satisfaire les
besoins de développement des générations présentes sans compromettre les
capacités des générations futures à satisfaire les leurs ;
- développement local : processus de progrès fondé sur la mobilisation et
l'organisation des acteurs politiques, sociaux et économiques dans le but de
répondre aux besoins des populations au niveau local ;
- développement spatial: programmation dans un espace donné de
l'implantation des infrastructures, des équipements, des activités suivant une
progression prédéfinie, en tenant compte des spécificités de l'espace et en
poursuivant un objectif de développement et de cohésion spatiale;
- environnement: ensemble des éléments physiques, chimiques et biologiques
et des facteurs sociaux, économiques et culturels dont les interactions influent
sur le milieu ambiant, sur les organismes vivants, sur les activités humaines et
conditionnent le bien-être de l'homme;
- équité territoriale: réalisation dans un pays, de bonnes conditions d'accès aux
services publics, à l'emploi et aux divers avantages de la vie en société;
- métropole d'équilibre: grande ville ou centre urbain moteur autour duquel
s'organise et se développe une région. Elle est dotée de fonctions supérieures
administratives, commerciale, financière, sanitaire, socioéducative, universitaire,
etc. En tant que capitale régionale ou métropole régionale, elle est à la fois
distributrice et collectrice de produits ;
- planification économique: rationalisation des projets économiques pour
répondre à l'idéal d'une parfaite coordination des actions devant permettre la
satisfaction des besoins de tous ; - planification régionale: planification sur une
portion de l'espace, réalisée à un niveau multisectoriel et supra-local par
l'administration publique, en étroite coordination avec la politique et la
planification nationale du développement;

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- pôle de développement: espace organisé autour d'un moteur économique
telle qu'une ville importante entourée de villes secondaires et de zones rurales,
reliées entre elles par des réseaux de transports, de services;
- schéma de I ‘aménagement du territoire: outil qui préfigure le territoire de
demain et a pour fonction de fixer, dès à présent, les grandes lignes pour un
avenir viable et maîtrisé. Pour un territoire donné, il fixe, d'une manière
générale, les principales options de développement socioéconomique et
d'aménagement physique et spatial pour le long terme. Il contient les grandes
orientations de développement futur et leur implication spatiale pour assurer
une utilisation rationnelle du sol et de l'espace;
- territoire: espace de pouvoir et de gestion circonscrit dans des limites
intemationalement et nationalement reconnues, dépendant d'une autorité; -
tissu urbain : mode de répartition des villes sur un territoire donné, de
disposition de l'habitat, des activités et d'agencement des quartiers de ces villes.
- sites industrialisés viabilisés : espaces réservés et aménagés en lots dotés d'un
minimum d'équipements (rues, réseaux d'eau potable, d'électricité, téléphone,
écoles, centres de santé, centres commerciaux etc.).

III) LES DIFFERENTS TYPES DE DISPARITES


Les disparités régionales ne revêtent pas les mêmes formes et les mêmes natures
dans tous les pays. Elles sont plus ou moins importantes et varient suivant la
géographie, l’histoire et les différentes formes de mise en valeur adoptées par les
gouvernants. C’est donc en fonction de leur spécificité que les politiques
d’aménagement du territoire sont élaborées.
Il a été déjà souligné que l’Afrique est un continent de fortes inégalités
régionales. Elles sont d’abord d’ordre démographique (inégalités de peuplement,
d’occupation de l’espace, de densité, etc.), économique (inégale répartition des

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différentes activités économiques, agricoles, industrielles, commerciales, sur le
plan du revenu, etc.), social (inégale répartition des équipements socio-
collectifs, des services, des différents personnels…). Il y a aussi l’inégale
distribution des villes avec des taux d’urbanisation différents d’une région à une
autre.
3.1 Les disparités démographiques et l’inégale répartition de la
population
La répartition de la population est généralement très inégalitaire dans l’espace
national. On note la présence de régions ou de zones très densément,
moyennement et faiblement peuplées, ce qui agit sur le développement
équilibré, harmonieux et durable sur le plan national.
Dans les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, les densités de
peuplement diminuent généralement à mesure qu’on s’éloigne de la côte vers
l’intérieur. Dans les pays enclavés sans ouverture maritime, la présence d’un
fleuve ou d’un cours d’eau est source d’inégale répartition de la population. Les
hommes s’installent de préférence le long des cours d’eau qui offrent de bonnes
conditions de développement. C’est le cas du Mali et du Niger où le fleuve
Niger a attiré de nombreuses populations sur ses berges et ses environs. Au
Sénégal qui est un pays côtier, la population est densément peuplée autour de la
capitale et le long du fleuve Sénégal. Au Burkina Faso, la population est
relativement concentrée entre la capitale Ouagadougou et la deuxième ville du
pays, Bobo-Dioulasso. Ce schéma se retrouve un peu partout en Afrique. Au
Togo, les zones les plus densément peuplées sont : la préfecture du Golfe autour
de Lomé, le sud-est en pays mina et ouatchi, et au nord le pays moba et le pays
kabyè où les densités tournent autour de 100-150 habitants/km2 ; d’autres zones
par contre comme la plaine de l’Oti, l’Est-Mono dans sa grande partie et le nord
de l’Adélé sont faiblement peuplées (10-15 habitants/km2). Au Sénégal, la
région de Dakar qui occupe seulement 0,3 % du territoire national (550 km2)
représentait 21,8 % de la population sénégalaise en 1988 (Diop, 1988).
Pour atténuer l’inégale distribution de la population, certains pays ont procédé
au déplacement de population des zones densément peuplées mais à faibles
potentialités naturelles, aux sols pauvres, vers d’autres faiblement peuplées,
mais où la terre est abondante et riche. C’est le cas du Togo où la colonisation
allemande avait commencé à faire le déplacement des Kabyè et des Losso qui
exerçaient une forte pression sur les terres pauvres et rocailleuses des montagnes
autour de Kara, et qui étaient déplacés vers le centre du pays vide d’hommes
mais aux sols riches. La colonisation française a eu à poursuivre cette œuvre
après le départ des Allemands.
3.2 Les disparités économiques

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Les disparités économiques se retrouvent à plusieurs niveaux : agricole,
industriel, commercial, revenu, etc., qui déterminent les différences de
consommation. 
3.2.1 Sur le plan du revenu
Ce sont les activités économiques et sociales qui déterminent le revenu. Les
régions à revenu élevé sont celles où s’exercent les activités génératrices de
revenu. C’est ainsi que selon les potentialités naturelles (climat, sol, végétation),
il y a des régions agricoles plus riches que d’autres. L’économie agricole, basée
sur les cultures de rente comme le café, le cacao, le palmier à huile, l’hévéa, etc.,
est plus prospère dans les régions forestières (Côte d’Ivoire, Ghana, Togo,
Nigeria, Cameroun, Gabon, etc.). Le revenu agricole y est beaucoup plus élevé
que dans les zones sèches, semi-arides ou désertiques. Plus de 80 % des
richesses agricoles sont concentrées dans ces zones de plantation industrielle. Le
niveau de vie et la qualité de l’habitat le montrent aisément. Le niveau de
richesse agricole varie donc en fonction des potentialités naturelles et des types
d’activités économiques.
La même remarque est valable pour les zones industrielles et commerciales où le
revenu est beaucoup plus élevé que dans les zones rurales et non industrialisées.
3.2.2 L’inégalité de développement économique
Les principales activités sont, outre l’agriculture déjà évoquée :
L’industrie : Les activités industrielles sont généralement concentrées dans et
autour des capitales, dans les zones portuaires avec la création de zones franches
industrielles d’exportation. Près de 80 à 90 % des industries se retrouvent dans
les capitales et les ports, par exemple Douala. Au Burkina Faso, plus de 80 %
des activités industrielles sont concentrées à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou,
la capitale. Les régions rurales et les villes non capitales en sont généralement
dépourvues.
Le commerce : Activité essentiellement urbaine, le commerce est également
concentré dans les zones urbaines.
Le transport et les communications: ce sont les activités économiques et sociales
qui sont à l’origine des transports et des communications. Ainsi les
infrastructures de transport et de communication sont denses dans les zones
riches, notamment dans les régions de plantation industrielle (sud de la Côte
d’Ivoire, du Ghana, dans la zone de café-cacao Togo (partie ouest de la Région
des Plateaux), dans le triangle Douala-Yaoundé-Dchang au Cameroun, etc., et
autour des capitales et des ports. Les régions pauvres n’ont pas beaucoup de
produits à faire transporter.

16
La précarité ou l’insuffisance des infrastructures de communications et de
transport est un obstacle à l’intégration nationale.
L’inégalité de développement se fait sentir au niveau de la consommation. La
consommation des produits industriels, des matériaux de construction, des
produits énergétiques (électricité, carburant), etc. est d’un niveau nettement
inférieur dans les zones déshéritées.
3.3 Inégalités sociales
La recherche d’une répartition équitable et harmonieuse des équipements est
l’un des domaines d’intervention privilégiés des spécialistes de l’aménagement
du territoire (équipements scolaires et sanitaires, téléphone, énergie, etc.).
Sur le plan scolaire : les zones riches sont généralement plus dotées en
équipements scolaires que les zones pauvres. Le taux de scolarisation est
également plus élevé, avec un personnel plus nombreux et de meilleure qualité.
Le taux d’analphabétisme est beaucoup plus élevé dans les zones déshéritées où
le revenu est beaucoup plus bas par rapport aux zones riches (villes, plantation
industrielle, etc.).
Il en est de même sur le plan sanitaire : beaucoup d’équipements sanitaires avec
un personnel plus nombreux.
L’eau potable : si l’eau potable constitue un problème général en Afrique noire où
300 000 000 de personnes n’ont pas accès à ce bien vital et précieux, ce problème
est encore plus grave dans les zones rurales. Au Togo par exemple, l’eau potable
est le problème numéro 1 de la Région des Savanes située à la frontière du
Burkina Faso, ainsi que dans les milieux semi-arides et désertiques.
3.4 Les causes et les conséquences des disparités régionales
3.4.1 Les principales causes
3.4.1.1 Les conditions naturelles, premiers facteurs d’inégalités régionales et
de différenciation de l’espace
La répartition des ressources ou des potentialités naturelles est le premier
facteur de l’inégal développement.
Une pluviosité abondante et de bons sols sont au départ des conditions
favorables à l’exercice de nombreuses activités économiques, notamment
agricoles. La présence de l’océan ou d’un cours d’eau navigable favorise
l’agriculture, la pêche, l’élevage, le transport, etc.
Par contre, une région aux conditions climatiques difficiles et avec de mauvais
sols constitue déjà une entrave au développement.

17
En résumé, le climat, la richesse du sol et du sous-sol, l’hydrographie, la
couverture végétale (forêt, savane), le relief (plaines, montagnes, plateaux,
vallées), jouent un rôle très important dans le développement d’une région.
Mais les conditions naturelles seules ne suffisent pas pour rendre compte du
développement ou de la pauvreté d’une région ou d’un pays. Il y a aussi le rôle
de l’homme et tout le poids de l’histoire. Evoquons seulement qu’à sa création
en 1948, Israël n’était qu’un désert. Mais aujourd’hui, grâce au travail, au sens
de l’organisation et à la ténacité de ses habitants, cet ancien désert est en
passe de devenir un véritable verger et constitue, non seulement une
puissance militaire régionale, mais aussi une puissance économique régionale.
3.4.1.2 Le rôle de l’Homme dans l’inégal développement régional
Chaque époque historique et chaque souverain sont caractérisés par des
politiques différentes de développement, car chaque roi, empereur ou
président veut marquer de son empreinte personnelle son règne ou son
passage au pouvoir en privilégiant, parfois au détriment du développement
harmonieux, telle région, tel espace ou tel secteur.
D’abord la colonisation avait procédé à ce qu’on appelle la mise en valeur
coloniale sélective. Cette politique de développement avait consisté à mettre
en valeur ou à exploiter les ressources naturelles des régions à potentialités
riches : forêts, zones côtières, minières et pétrolières, régions traversées par
des cours d’eau ou fleuves importants, etc.
Cette forme de mise en valeur a été poursuivie par les pouvoirs nationaux
après l’accession à l’indépendance et perdure encore jusqu’à ce jour avec la
bénédiction de la métropole dans un cadre néocolonial. C’est ainsi que des
projets irrationnels sont initiés dans des régions où les conditions sont loin
d’être remplies. Ces projets irrationnels aboutissent généralement à ce qu’on
appelle depuis les années 1980 des « éléphants blancs ». Il faut évoquer
également le manque de vision de développement à moyen et long terme de
ceraines autorités politiques et des élites, sans oublier l’instabilité politique et
les changements fréquents de régimes. Chaque nouveau régime balaie d’un
revers de main tous les projets initiés par le régime précédent quelle que soit la
nature du projet.
3.4.2 Les conséquences des disparités
Les disparités régionales sont généralement source de migrations internes et
hors des frontières, de conflits internes, de guerres fratricides et de coups
d’Etat.
18
3.4.2.1 Les migrations des régions déshéritées vers les zones « riches »
La migration a pour fondement l’inégal développement. Dans la recherche des
solutions à leurs problèmes, les hommes migrent spontanément :
- de la campagne vers les villes (exode rural),
- des zones de savane vers les zones de plantation forestière (migrations
inter-rurales) ;
- des régions enclavées vers les régions côtières (Sahéliens dans les pays
côtiers) ;
- toutes les formes de migrations internes et internationales (Spire, 2010).

Même si ces migrations apportent « des bouffées d’oxygène » aux populations


déshéritées des pays de départ, elles ont des conséquences néfastes à moyen
et à long terme sur ces pays. La conséquence la plus importante est le
vieillissement de la population et la rareté de la main-d’œuvre.
3.4.2.2 Les disparités régionales, source de conflits intertribaux et
interethniques et d’instabilité politique
La plupart des conflits intertribaux et inter-ethniques en Afrique ou ailleurs
s’expliquent par des inégalités de développement. Ceux qui sont originaires des
régions pauvres s’organisent, dénoncent les injustices à leur égard, et s’ils n’ont
pas satisfaction, prennent les armes contre le pouvoir central. Dans son
ouvrage intitulé « Les disparités régionales et l’aménagement du territoire en
Afrique », l’économiste Jacques Bugnicourt (1970) cite les cas de Moboutou au
Zaïre, de Gowon au Nigéria, d’Eyadéma au Togo, etc., tous issus de régions
déshéritées. Ces auteurs de coups d’Etat sont tous des militaires, car en
Afrique, l’armée est la seule institution relativement organisée.
La guerre du Biafra au milieu des années 1960 contre le régime du général
Gowon, et qui a donné lieu à la diaspora des Ibo du sud-est du Nigeria, région
productrice de pétrole de ce pays, les enlèvements d’occidentaux et les
troubles fréquents dans cette région, les différents conflits au Zaïre depuis les
années 1960 jusqu’à ce jour, notamment dans la zone minière du Katanga, la
guerre et la partition du Soudan en deux pays, incompatible avec « le principe
de l’intangibilité des frontières » héritées de l’époque coloniale, principe
énoncé par l’OUA en 1964, les troubles et les enlèvements au Niger dans la
zone minière de l’uranium qu’exploite la société française AREVA, etc., ne sont
pas étrangers aux inégalités de développement.

19
Les disparités économiques et sociales expliquent donc dans une large mesure
les changements fréquents de régimes politiques dans ces pays aux régions très
inégalement développées et où règnent la dictature et l’arbitraire.

IV) LE DEVELOPPEMENT LOCAL


4.1. Le Concept du développement local et ses atouts
Peut-on laisser aux collectivités locales et aux organisations du milieu, la
maîtrise des politiques de développement régional ? Peut-on s’appuyer sur leur
dynamisme pour assurer la croissance au niveau local ? Il est depuis peu bien
établi que les collectivités et les organisations locales peuvent efficacement
intervenir dans le développement économique.
Les origines du développement local comme cadre d’analyse et comme
stratégie d’intervention sont récentes. Les premiers écrits datent des années
1970. L’idée s’est forgée en réaction aux modèles d’analyse traditionnels
(modèle de la base économique, pôle et développement …) et aux politiques
régionales axées sur les subventions pour l’implantation d’entreprises. Ne faut-

20
il pas miser plutôt sur les entreprises locales, sur l’esprit d’entreprise et sur la
capacité d’innovation du milieu afin de créer ou renforcer les avantages
compétitifs d’une localité et d’en assurer le développement ?
4.1.1. Le développement local, un idéal
Plus qu’un simple concept, le développement local est un idéal. Il porte la
promesse d’un modèle alternatif de développement, d’une solution de
rechange au développement inégal et à la croissance tributaire des forces
extérieures. Dans cet esprit, le terme est autant un appel à l’action qu’une
invitation à l’analyse.
Le développement régional devrait épouser des formes plus respectueuses des
besoins et désirs des populations locales. Cette revendication est
compréhensible car nous savons que le développement économique national
entraîne obligatoirement des disparités régionales, du moins durant les
premières phases du processus. Le problème n’est pas propre aux économies
de marché. L’échec de l’expérience soviétique a montré que les économies
planifiées n’ont pas mieux réussi à éliminer les disparités régionales. N’est-il
pas normal de continuer de rêver à d’autres modèles ?
Pour désigner ce « modèle alternatif » de développement, on retrouve dans la
littérature des termes comme développement endogène ou développement
par le bas. Certains auteurs parlent de développement communautaire, en
mettant l’accent sur les initiatives populaires. Implicitement, tous ces termes
expriment l’espoir qu’un processus de développement puisse être amorcé par
le milieu et déboucher sur une économie régionale prospère reposant sur les
initiatives et le savoir-faire des habitants et des entreprises locales. Le
développement local s’accompagne idéalement, d’une réduction de la
dépendance de la région à l’égard des gouvernements et des agents
économiques de l’extérieur. Ceci n’implique pas que le développement local
tourne le dos aux acteurs extérieurs et à la possibilité d’en attirer : au
contraire, cette attraction devrait s’exercer à partir de caractéristiques
fondamentales et durables propres à la localité (institutions qui encouragent le
développement, main d’œuvre qualifiée et flexible, réseaux d’entreprises
locales dynamiques, capacité d’innovation …), de telle sorte que les acteurs
extérieurs, une fois sur place, s’imbriquent dans le milieu local. C’est un
développement autonome, où les localités peuvent agir elles-mêmes afin de
générer du développement, sans dépendre d’une manne extérieure, et
affranchies en partie des aléas du système économique.

21
Ce développement passe souvent par la création ou le renforcement
d’avantages compétitifs, qui peuvent servir soit au développement
d’entreprises locales capables d’exporter, soit à attirer des entreprises de
l’extérieur. Ces avantages, analogues aux avantages comparatifs ne sont pas
identiques à ces derniers. Les avantages comparatifs sont des avantages
absolus liés à des caractéristiques locales en principe immuables (climat,
présence de sols fertiles, ou de matière première). Les avantages compétitifs
sont des avantages qui peuvent évoluer avec le temps, mais aussi et surtout en
fonction de politiques publiques et de facteurs locaux. La présence d’un bassin
de main-d’œuvre spécialisé, la circulation facile de l’information, la formation
d’une masse critique d’entreprises dans un secteur particulier (on parle
souvent de « clusters »), ou la présence d’institutions et de manières de faire
bien adaptées aux activités économiques sont tous des facteurs locaux qui
peuvent encourager le développement, et sur lesquels on peut agir. La création
d’avantages compétitifs sous-entend non seulement le renforcement de
certains facteurs, mais aussi et surtout la différentiation entre localités. Un
ensemble de caractéristiques locales devient un avantage si et seulement si cet
ensemble est nécessaire pour un certain type d’activité économique et ne peut
être trouvé facilement ailleurs. Les politiques de développement local peuvent
agir soit sur les caractéristiques susceptibles d’engendrer des avantages
compétitifs, soit sur les coûts d’implantation et de fonctionnement des
entreprises, soit sur les deux facteurs de manière simultanée.
Bien entendu, aucun concept ne peut combler toutes les attentes. Le
développement local comme objectif épouse souvent des contours différents
d’un auteur et d’une situation à l’autre : les partisans du développement
communautaire en particulier, porteraient moins l’emphase sur les aspects
compétitifs du développement local et plus sur le maintien des communautés
au sens large. Aucune définition ne fait l’unanimité. Mais certains thèmes et
arguments reviennent souvent :
- l’échec des politiques nationales et l’insatisfaction provoquée par les
politiques traditionnelles de développement "régional" ;
- la crise de la grande entreprise et des grands espaces et l’importance nouvelle
des petites entreprises dans le processus de décentralisation ;
- la nécessité d’un plus grand respect de l’espace vécu et des besoins du milieu
pour réduire les coûts sociaux du développement ;

22
- la redécouverte de variables non économiques ; l’importance nouvelle des
relations hors-marché, de la solidarité sociale et des cadres institutionnels et
culturels dans lesquels s’insèrent l’activité économique ;
- la nécessité de nouveaux mécanismes locaux d’intervention et d’ajustement
face à la mondialisation croissante du capital et d’autres facteurs de
production.
4.1.2. Un cadre d’analyse
Le développement local est également un cadre d’analyse. L’adjectif local attire
l’attention sur les facteurs de développement économique spécifiques à la
communauté ou à la région, sur les caractéristiques locales et régionales qui
peuvent mener à la création et au maintien d’avantages compétitifs, et sur le
rôle du milieu comme facteur d’innovation et de dynamisme. Par exemple,
quelle place faut-il accorder aux mécanismes locaux de coopération et
d’entraide dans le processus de développement régional ? Des concepts
comme concertation, partenariat, réseaux d’interaction, maillage et synergie
font partie de la grille de l’analyse.
Le rôle des facteurs locaux dans le développement économique régional est
incontestable. Mais est-il possible ou même utile de distinguer entre facteurs
endogènes et facteurs exogènes ? N’a-t-on pas affaire, en réalité, à un
processus d’action, de réaction et de rétroaction où forces externes et forces
internes s’entremêlent ? Même l’initiative la plus authentiquement locale est
prise dans le contexte d’événements dont l’origine se situe à l’extérieur de la
région. Parmi les facteurs non locaux, mentionnons la demande extérieure, les
politiques nationales, les choix de localisation des entreprises multirégionales,
le progrès technologique et surtout l’existence de multiples autres régions,
toutes cherchant par divers moyens à promouvoir le développement. C’est en
se distinguant dans un ou plusieurs domaines susceptibles d’encourager le
développement par rapport à d’autres régions qu’une région peut
éventuellement se développer de manière endogène. La région, en tant
qu’objet d’analyse économique, se caractérise par son ouverture sur
l’extérieur. Il est difficile d’imaginer un espace économique national sans
échanges ou transferts interrégionaux. L’idée d’une dichotomie analytique
n’est pas sans rappeler la distinction établie par le modèle de la base
économique. Elle soulève en tout cas, elle aussi, des problèmes conceptuels
considérables. Mais, dans le modèle du développement local, l’importance
relative des deux éléments est inversée : c’est à l’élément « local » qu’on prête
de qualités motrices.

23
Soulignons que la principale limite du développement local comme cadre
d’analyse est l’absence de relations quantifiables, donc de formulations
rigoureuses du modèle. C’est une approche plus qualitative que quantitative.
Le concept de facteurs locaux peut recouvrir la gamme complète des actions et
caractéristiques locales. Cependant, le développement local ne propose pas de
relations de cause à effet testables et mesurables ; les facteurs qualitatifs ne
sauraient être écartés. Dans ce sens, on peut parler d’analyse portant sur la
partie difficilement explicable du développement, sur ce que nous avons
appelé les facteurs intangibles de production.
4.1.3. Un pari sur le potentiel du milieu
Les politiques de développement local reposent sur un pari : la création ou
l’exploitation d’un potentiel réel, mais demeuré caché, entravé. L’objectif
premier des interventions n’est pas la redistribution des activités économiques
d’une région du pays à l’autre, mais plutôt la mise en valeur des ressources
locales ou la création de celles-ci par le biais d’institutions, de manières de
faire, ou d’action sur des facteurs modifiables (comme sur la main-d’œuvre, par
exemple). Implicitement, on pose l’un des deux postulats suivants : soit que la
situation actuelle est sous- optimale et que la mise en valeur des ressources
locales se traduira par un rapport net au produit national ; soit que la création
d’un avantage compétitif entraînera la redistribution spatiale de certaines
activités au bénéfice de la localité. Ce sont les prémisses de toute stratégie de
développement local. De manière idéale, c’est le premier postulat qui est sous-
jacent au développement local ; mais en réalité, c’est souvent une combinaison
de ces deux objectifs (un rapport net au PIB et une redistribution spatiale des
activités) qui est visée.
La question se pose alors : pourquoi le marché n’assure-t-il pas la mise en
valeur des ressources locales ? Si l’on préconise des politiques de
développement local, c’est que l’on suppose que le marché ne suffit à lui seul à
assurer l’éclosion des talents d’affaires locaux et la mise en valeur des
ressources locales. On postule, en somme, l’existence d’une défaillance du
marché. Le défi consiste donc à trouver les obstacles qui empêchent la région
de se développer normalement.
Mais on peut évoquer l’existence de défaillances du marché si les obstacles
sont des facteurs « naturels » comme la distance ou la géographie.
D’après la théorie économique, les agents économiques (ménages, entreprises,
etc.) réagissent partout de la même façon aux occasions qui s’offrent à eux, en
fonction des signaux que leur envoie le marché. Si vraiment il se trouve dans une

24
région des occasions d’affaires inexploitées, ou des avantages qui rendraient les
entreprises plus compétitives, pourquoi des entreprises n’y investissent-elles
pas ? Á moins que les gens de cette région soient différents, (possibilité à ne pas
exclure), le développement local devrait se faire de façon spontanée. De plus, s’il
existe effectivement dans une région des possibilités d’investissements, des
entreprises de l’extérieur seraient venues en tirer profit elles aussi. Si la région
ne  décolle  pas, de deux choses l’une : ou elle n’a pas de possibilités
inexploitées, du moins pas plus proportionnellement que d’autres régions, ou
elle souffre de problèmes et d’obstacles particuliers qui font que le
développement y est plus difficile qu’ailleurs. Il revient aux politiques de
développement local, une fois décelés les blocages particuliers aux milieux, de
mettre en œuvre les interventions appropriées.

4.2. Promotion de l’entrepreneurship local

L’entreprise, comme unité d’organisation sociale, est à la base des économies


de marché ; il ne saurait être question de développement local ou endogène
sans création locale d’entreprises ou expansion d’entreprises locales. L’idée
que l’entrepreneur, comme acteur, est au cœur du processus de
développement économique n’est pas récente. On attribue à l’économiste
allemand J. Schumpeter (1926), la paternité de cette approche du processus de
développement.
La promotion de l’entrepreneurship local est souvent l’élément clé des
stratégies de développement local. L’entrepreneurship, ou esprit d’entreprise,
est un attribut personnel ; c’est le goût ou le flair pour les affaires. Le terme,
d’origine anglaise, désigne également la propension des membres d’un groupe
(ou des habitants d’une région) à fonder des entreprises et à réussir en affaires.
On dit d’une région dépourvue d’entreprises locales qu’elle manque
d’entrepreneurship.
4.2.1. Quels sont donc les obstacles à l’entrepreneurship ?
Pour une région, le manque d’entrepreneurship peut s’expliquer par les raisons
suivantes :
a) les habitants n’ont pas beaucoup le goût des affaires. Fonder une
entreprise n’est pas, dans ce milieu, une valeur sociale positive, et réussir
en affaires n’est pas forcément bien vu. On parle dans ce cas de blocage
socioculturel ;
b) la proportion des habitants aptes à se lancer en affaires est plutôt faible.
Le pourcentage de la population en âge de travailler est inférieur à la

25
moyenne nationale, le niveau d’instruction également. On parle alors de
blocage sociodémographique. Précisons que les migrations
interrégionales, par leur sélectivité, augmentent le taux de dépendance
des régions périphériques et diminuent leur taux de scolarisation ;
c) à cause de carences institutionnelles, il est plus difficile (plus coûteux) de
lancer une entreprise dans la région. Celle-ci manque d’institutions
financières, de bureaux-conseils et d’autres intermédiaires
indispensables au bon fonctionnement d’une entreprise moderne. On
parle alors de blocage institutionnel ;
d) la présence d’un gros employeur qui domine l’économie locale peut
empêcher l’éclosion de PME. La main-d’œuvre locale, habituée aux
avantages sociaux et aux salaires de la grande entreprise peut avoir des
attentes trop élevées par rapport à ce que peut offrir une PME. Ce
phénomène, que l’on retrouve souvent dans les régions ressources et
dans les régions manufacturières, contribue aux points a, b et c
énumérés ci-dessus ;
e) les avantages comparatifs de la région sont faibles et les occasions
d’affaires y sont donc plus rares. Étant donné sa petite taille, son
éloignement des marchés principaux et ses autres caractéristiques
géographiques, la région n’offre pas beaucoup de possibilités de lancer
des projets rentables. L’accès aux marchés (clients et fournisseurs), aux
conseils et à l’information tacite est difficile.
La plupart des interventions visent à remédier aux blocages institutionnels
(facteurs c), et dans certains cas aux blocages socioculturels (a), par des
activités d’animation. La mauvaise structure démographique (b), à la fois
conséquence et cause du sous- développement, devrait se modifier si les
politiques de développement local ont du succès. Il est en principe difficile de
modifier le facteur (e) par des politiques volontaristes. Le facteur (d) est
paradoxal : c’est souvent la grande entreprise qui fait vivre l’économie locale,
qui en étouffe aussi le développement. C’est une situation à laquelle il est
difficile de remédier pendant que la grande entreprise continue de
fonctionner ; son départ ou sa fermeture entraînerait des problèmes majeurs
de restructuration ou de chômage.
Les cinq éléments sont inter-reliés. Si les occasions sont rares à cause de
facteurs difficiles à modifier (e), peu de gens se lancent en affaires, et ceux qui
le font échouent souvent, ce qui ne manque pas de créer un climat local peu
propice à l’entrepreneurship (a) et de provoquer des mouvements migratoires
et des mouvements de capitaux qui rendent la région encore moins
intéressante pour lancer des projets d’entreprise. La grande entreprise
dominante (d) – cas récurrent et paradoxal – ne fait qu’exacerber le climat peu

26
propice (a), tout en masquant les problèmes. Ce cercle vicieux du sous-
développement rappelle les facteurs de divergence régionale.
Á quel niveau peut-on intervenir ? La réponse est d’autant moins évidente que
les liens de causalité vont dans les deux sens. Un climat socio – culturel peu
propice à l’entreprise (a) peut résulter de la rareté des occasions (e), mais aussi
causer cette rareté, ce qui revient à dire qu’un effort soutenu de développement
local peut transformer même les facteurs difficiles à modifier.

4.3. Les Limites du développement local (ou efficacité de l’aide locale)


L’impact des mesures d’aide dépend de l’importance de l’épargne réelle
qu’elles procurent aux entreprises. Les immobilisations, les taxes et impôts
locaux ne sont généralement pas des éléments de coût importants dans la
fonction globale de production des entreprises, si l’on excepte celles qui ont
besoin de beaucoup d’espace. Les variations du prix des terrains et des
infrastructures influencent surtout les choix de localisation intra régionaux.
L’efficacité économique de l’aide apportée aux entreprises par les collectivités
locales n’est pas toujours évidente. Les élus locaux ne réagissent pas
strictement en fonction d’une rationalité économique ; ils doivent gérer les
tensions sociales et politiques. Pensons, situation typique, aux tensions
consécutives à la fermeture d’une usine. La conservation d’emplois menacés
est un objectif politique légitime. Toutefois, les interventions des collectivités
locales peuvent avoir pour effet de maintenir des structures industrielles
désuètes, au détriment de reconversions douloureuses mais économiquement
rationnelles. On ne peut jamais écarter la possibilité que les mesures d’aide
financière freinent la mutation des structures économiques.
Le principal obstacle à l’efficacité des subventions locales à l’entreprise est
toutefois lié à la concurrence entre les collectivités locales. Il suffit que les
autres collectivités locales du pays accordent des avantages analogues aux
entreprises de leur territoire pour que l’effet réel de la subvention accordée
dans la région B soit nul. Pour procurer un avantage véritable à ses entreprises
par rapport aux autres entreprises du pays, B devra être plus généreuse que les
autres régions. Mais il en résultera une surenchère inutile : les administrations
locales rivaliseront de générosité envers les entreprises, et leurs efforts
respectifs s’annuleront. Au bout du compte, leur impact réel sur la répartition
spatiale des activités économiques sera minimal. De plus, ce manège
désavantage les collectivités locales les plus pauvres, qui ont moins de
ressources à consacrer à la surenchère.

27
Un régime qui laisse aux collectivités locales pleine liberté en matière d’aide à
l’entreprise risque donc de provoquer un gaspillage des ressources. C’est en
partie pour cette raison que la plupart des pays limitent la marge de manœuvre
des collectivités locales dans ce domaine. Des fonds provinciaux ou nationaux
d’aide au PME sont instaurés, sous la forme de sociétés de capital-risque de
fonds de développement des entreprises ou de programme généralisé d’aide
aux PME. Ces programmes, parfois ciblés sur des régions très pauvres, financent
les PME en fonction de la qualité de leurs projets, et ne dépendent donc pas de
la capacité financière de la localité d’accueil : ils ont donc un effet territorial
redistributif. La marge de manœuvre

V) LES MODELES DE L’AMENAGEMENT DU TERRITORE DANS


CERTAINS PAYS AFRICAINS ET LA STRATEGIE DE L’AMENAGEMENT
DU TERRITOIRE AU TOGO
5.1 L’aménagement du territoire en Afrique
5.1.1. Un aménagement à but unique fondé sur le développement agricole :
l’Office du Niger au Mali
L’idée de l’opération « Office du Niger » remonte à 1932 quand le gouverneur
Bélim du Soudan français (actuel Mali) lança la proposition d’aménager le

28
bassin du fleuve Niger qui était très peu exploité sur le plan agricole.
L’opération proprement dite ne débuta qu’au début des années quarante.
Sans entrer dans les détails techniques de l’aménagement, l’objectif était
d’augmenter la production du riz dans cette partie du Soudan français afin de
satisfaire les besoins en riz non seulement du Soudan français, mais aussi de
toute l’Afrique Occidentale Française.
Cette opération suscita beaucoup d’enthousiasme au début de la part des
agriculteurs. Mais au fil des années, l’enthousiasme n’était plus au rendez-
vous. Les résultats n’étaient pas à la hauteur des moyens mis en œuvre. Il y a
eu une grande désaffection de la part des riziculteurs. Malgré ces résultats
mitigés, l’Office du Niger n’est pas mort, il continue encore ses activités.
Cet exemple d’aménagement est centré sur une activité particulière qui
répond à un besoin spécifique du pays à un moment donné.
5.1.2. Un aménagement intégré à buts multiples centré autour d’un barrage
hydro-électrique : le barrage d’Akosombo au Ghana
Juste après l’indépendance, le président Kwami Nkruma du Ghana sortit des
tiroirs un vieux projet colonial dont l’objectif était de produire de l’électricité
en quantité suffisante pour développer l’industrie en Gold Coast et fournir de
l’électricité à la population. Il s’agissait de construire un barrage sur le fleuve
Volta pour produire l’électricité. L’organisation du Bassin de la Volta (Volta
River Authority), une des principales compagnies d’électricité d’utilité
publique, vit ainsi le jour au début des années 1960. C’est ainsi qu’un barrage
hydro-électrique avait été construit à Akossombo, proche de la frontière du
Togo. Le lac artificiel créé à cet effet a entraîné le déplacement d’une
population de 80 000 habitants. Il a une longueur de 400 km du nord au sud.
Outre la production d’énergie électrique destinée à favoriser
l’industrialisation du pays, notamment l’industrie de l’aluminium à travers la
création de la Volta Aluminium Company (VALCO), le projet avait permis
d’autres activités économiques : la pêche, l’agriculture, le transport, etc.
- La pêche

Afin d’accroître la capacité de pêche dans le lac, les pêcheurs ont été initiés
aux techniques modernes de pêche, à la construction et à l’utilisation de
pirogues plus performantes que les pirogues traditionnelles. Près de 50 000

29
tonnes de poisson sont annuellement pêchées dans le lac et vendues dans
tout le Ghana et même dans les villages frontaliers du Togo.
- L’agriculture de décrue

Après la saison des pluies, le retrait des eaux permet de pratiquer des
cultures de décrue sur au moins 80 000 ha. Il s’agit des tomates, de l’oignon,
des patates douces, des légumes et légumineuses, du riz irrigué, etc. Les
berges du lac sont devenues un véritable grenier pour cette partie du Ghana.
- Le transport sur le lac Volta

La construction du barrage a permis la création d’un lac artificiel, entraînant


une voie d’eau navigable d’une longueur de 418 km du sud au nord. Les
matières pondéreuses ainsi que des passagers sont transportés du sud au
nord et de l’ouest à l’est. De nombreuses petites embarcations relient les
villages riverains entre eux.
Au-delà de toutes ces activités économiques, le barrage d’Akossombo est
également un outil d’intégration sous-régionale. Il fournit de l’électricité au
Togo et au Bénin. Par ailleurs le réseau électrique du Ghana est connecté à
celui de la Côte d’Ivoire. Il s’agit d’une « gestion intégrée » de l’
« hydrosystème » et du « sociosystème  » (Poncet) formés par le barrage
d’Akossombo.
5.1.3 L’Afrique et le modèle brésilien de création d’une nouvelle capitale
Le modèle brésilien de déplacement de capitale a exercé beaucoup
d’influence sur les dirigeants africains. Ce modèle sera adopté par trois pays :
la Tanzanie qui a été le premier pays à s’y lancer, suivie du Nigeria et de la
Côte d’Ivoire, mais seul le Nigeria a pu le réaliser effectivement.
5.1.3.1 Le Nigeria et la création d’une nouvelle capitale : Abuja
Pour les mêmes raisons (forte concentration d’activités sur un territoire de
plus en plus exigu, situation excentrique de la capitale, d’ailleurs commune
aux pays côtiers), le Nigeria a pris la décision de déplacer sa capitale située
sur une péninsule en plein centre géographique du pays. A cette raison, il
convient d’en ajouter une autre, d’ordre ethnique. Rappelons que dans ce
grand pays africain, les questions ethniques et religieuses sont très sensibles
et sont régulièrement à l’origine de conflits et de troubles fratricides. La
capitale Lagos est souvent considérée par les Yoruba comme leur propriété,

30
car située en territoire yoruba. Par conséquent ils adoptent des
comportements d’exclusion vis-à-vis des autres groupes ethniques,
notamment, les Haoussa du Nord. C’est pourquoi la capitale a été déplacée
dans une zone géographique peu peuplée, ethniquement neutre.
Seul le Nigeria a effectivement déplacé sa capitale, mais ce déplacement n’a
pas résolu les graves problèmes de congestion et de circulation de Lagos, qui
partage avec Mexico le triste record mondial de congestion urbaine, de
difficultés de circulation malgré les nombreux échangeurs dans cette
métropole ouest-africaine de plus de dix millions d’habitants.
5.1.3.2 La Tanzanie et l’échec de déplacement de capitale : Dodoma
La Tanzanie sous la houlette du président Julius Nyerere était le premier pays
africain à avoir adopté le modèle brésilien. Il s’agissait de créer une nouvelle
capitale à Dodoma, pour les mêmes raisons déjà évoquées ailleurs. La
principale raison de l’échec que le pays a connu dans sa volonté de création
d’une nouvelle capitale est liée aux difficultés économiques et financières du
pays. Disons que les bailleurs de fonds et les pays occidentaux, d’obédience
libérale, ne sont pas étrangers à ce projet dans un pays qui avait adopté « le
socialisme africain » comme mode de gouvernement.
5.1.3.3 Yamoussoukro, vraie ou fausse nouvelle capitale de Côte d’Ivoire ?
Les pouvoirs publics de Côte d’Ivoire avaient également décidé dans les
années 1980 de transférer la capitale d’Abidjan à Yamoussoukro, « le village
natal du Vieux », selon l’expression à la mode dans ce pays, et pour les
mêmes raisons.
A la différence du Nigeria qui a effectivement transféré sa capitale et de la
Tanzanie où les travaux se sont arrêtés, faute de moyens financiers,
Yamoussoukro a été construite et est devenue une ville moderne. Des
ministères et des bâtiments administratifs et techniques y ont été construits,
de grandes écoles bien équipées, loin de la pauvreté habituelle en
infrastructures des universités francophones d’Afrique, sont sorties de terre
comme des champignons et ont effectivement accueilli des milliers
d’étudiants, de larges avenues et boulevards sans circulation y ont été tracés,
éclairés par des lampadaires sous lesquels croassent les crapauds la nuit, etc.,
sans oublier, orgueil de tout un pays, la basilique dédiée au pape !

31
Malgré ces équipements et infrastructures modernes, le gouvernement
« traîne toujours le pas » à Abidjan, en dépit des problèmes de circulation
(Nyassogbo, 1998). Dans la réalité, la capitale est toujours Abidjan, puisqu’une
capitale est définie comme « le siège et le lieu de mise en scène et d’exercice
du pouvoir » (Raffestin, 1993), même si de temps en temps des réunions
politiques y sont organisées, ainsi que l’accueil de chefs d’Etat étrangers tout
comme on le fait en Tanzanie à Dodoma.

5.2. Le Modèle et la stratégie de l’aménagement du territoire au


Togo
Ces deux points sont contenus dans la loi n° 2016-002 du 04 Juin
2016 portant loi-cadre sur l’Aménagement du Territoire au Togo.
La stratégie vise l'atténuation des disparités inter et infrarégionales
d'une part, entre le milieu urbain et le milieu rural, d'autre part. Pour
atténuer ces disparités, l'Etat crée ou renforce les pôles capables de
susciter une dynamique régionale de développement. Il met en
œuvre une politique de valorisation et d'exploitation rationnelle du
territoire et de ses ressources avec un accent particulier sur la
couverture équilibrée des besoins essentiels de la population. Il
favorise la spécialisation des régions, une meilleure complémentarité
entre celles-ci et entre les villes et leurs zones d'influence. L'Etat
entreprend des réformes agro-foncières à l'occasion des opérations
de l'aménagement du territoire et de leur mise en œuvre en vue de
l'exploitation rationnelle des ressources, afin d'assurer un accès
équitable à la terre et à une sécurité foncière aux producteurs ruraux.
Cette politique nationale de l'aménagement du territoire crée les
conditions de fixation des populations rurales à travers, notamment
celles de la mise en place des équipements socio-collectifs de base
susceptibles de renforcer l'attractivité du milieu rural et
l'amélioration de leurs revenus. L'Etat favorise une meilleure
répartition spatiale des activités dans un but d'intégration nationale
et d'utilisation optimale de l'espace et de ses ressources. Il identifie
et suscite la mise en valeur de toutes les potentialités susceptibles de
favoriser l'ancrage des populations dans leurs zones. Il consolide les

32
pôles régionaux de développement en les dotant de fonctions
motrices susceptibles d'accroître leur dynamisme spatial. Il favorise
sous son impulsion, le développement socio-économique de ces
pôles par des actions appropriées. Il veille au suivi et à l'organisation
des migrants, en vue de leur intégration dans leurs milieux d'accueil.
L'Etat procède à la restructuration de l'armature urbaine en vue
d'asseoir un développement harmonieux et équilibré du territoire
national. Les villes sont, dans ce contexte, appelées à jouer un rôle
fondamental. L'Etat définit une politique urbaine claire et appropriée.
Cette politique précise la hiérarchisation des agglomérations et les
fonctions qui leur sont dévolues. L'Etat définit et veille à la mise en
œuvre d'une politique de développement régional et local qui
favorise la modernisation du monde rural. Il prend les mesures
nécessaires pour améliorer le cadre de vie dans les tissus urbains
existants, notamment à travers la restructuration, la réhabilitation et
la rénovation des anciens quartiers et des quartiers spontanés. Il
veille au développement et à l'entretien du réseau d'infrastructures
de transport en vue d'une meilleure desserte du territoire national.
L'accent doit être mis sur :
- le développement du transport routier, ferroviaire, maritime et
aérien;
- la desserte des zones rurales ;
- l'entretien des infrastructures de transport.
L'Etat veille à l'amélioration et à l'extension équitable de la
couverture du pays en matière de télécommunications, de
télévisions, de radios, de réseaux électriques, d'eau potable et
d'assainissement.
De l'intégration sous-régionale et régionale : L'Etat crée les
conditions d'une exploitation optimale des ressources communes
avec les pays voisins en privilégiant les intérêts nationaux. Il favorise
les initiatives conjointes visant à développer les zones frontalières. Il
veille à la cohérence entre les programmes multinationaux et les
options de l'aménagement du territoire. Il suscite les interventions
33
conjointes multilatérales concourant à l'aménagement ou à la mise
en valeur des zones. L'Etat favorise la libre circulation des personnes,
des biens et des services nécessaires à l'intégration par le
renforcement de la capacité des infrastructures de transport
notamment portuaires, aéroportuaires, routières et ferroviaires.
Du développement économique et social :
De la lutte contre la pauvreté : L'Etat met tout en œuvre pour assurer
à tout citoyen où qu'il se trouve, le droit à l'accès équitable à
l'alimentation, à la santé, à l'hygiène, à l'éducation, à l'habitat, à
l'énergie, à l'eau potable et à l'assainissement dans un
environnement sain. Il met en place des mécanismes de
dynamisation économique et sociale orientés vers les zones
défavorisées.
De la gestion des ressources foncières et de la protection de
l'environnement. L'Etat veille à la délimitation systématique des
périmètres des agglomérations urbaines et rurales. Il met en œuvre
une politique d'occupation rationnelle de l'espace en prenant des
mesures susceptibles d'inciter à une plus grande densification des
tissus urbains. Il veille au respect strict de la législation nationale et
des conventions internationales relatives à la protection de
l'environnement et à la lutte contre les changements climatiques
dans la mise en œuvre de la politique de l'aménagement du
territoire.

LES PRINCIPES DIRECTEURS DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE.


L'Etat est l'acteur principal de l'aménagement du territoire. La
politique nationale en la matière, dans son élaboration comme dans
sa mise en œuvre, prend appui sur les principes directeurs suivants:
- Principe d'unité et de solidarité nationales. Les richesses du pays
sont destinées à tous les habitants qui en tirent la satisfaction de
leurs besoins fondamentaux pour des conditions de vie acceptables.
Tout citoyen, dans n'importe quel endroit du territoire national, se
sent appartenir au pays et est considéré comme tel par l'ensemble de

34
la communauté nationale. Le territoire national est un tout et les
interventions des acteurs veillent à son intégrité et à son
développement équilibré. La communauté nationale vient en aide
aux régions et aux populations en difficulté, lutte contre les
exclusions et la discrimination, apporte une attention particulière aux
groupes défavorisés.
- Principe d'anticipation. La politique nationale de l'aménagement du
territoire s'inscrit dans une vision globale et prospective qui vise à
appréhender, par des études et analyses, les mutations socio-
économiques, agro-écologiques et toutes autres évolutions de
l'espace national et sous-régional dans un horizon de 20 à 30 ans, afin
d'accompagner les dynamiques souhaitables et d'infléchir les
évolutions non désirées.
- Principe de cohésion économique et sociale. La politique nationale
de l'aménagement du territoire encourage la collaboration, la
coopération, le partenariat, la complémentarité et le partage
d'expériences entre les communautés des différents territoires. L'Etat
met en œuvre des mesures de solidarité par la redistribution des
moyens publics et la mise en place de structures qui favorisent
l'exercice de cette solidarité.
- Principe de complémentarité. L'aménagement du territoire favorise
une meilleure mise en valeur des potentialités et atouts naturels de
chaque région sur la base des avantages comparatifs.
- Principe de durabilité du développement. La politique nationale de
l'aménagement du territoire vise à concilier les objectifs du
développement des court, moyen et long termes en vue d'assurer
une certaine équité entre les générations présentes et futures et de
sauvegarder l'avenir. Elle vise ainsi une meilleure organisation et
occupation de l'espace, une meilleure utilisation des ressources, de
meilleures répartitions et localisation spatiales des équipements, des
activités socio-économiques et la préservation de l'environnement.
- Principe de participation de tous les acteurs L'aménagement du
territoire est un processus participatif qui implique, aux diverses
étapes de sa conception, de son élaboration et de sa mise en œuvre,
35
l'ensemble des acteurs que sont l'Etat, les organismes
intergouvernementaux, les collectivités territoriales, la société civile,
le secteur privé et les organisations professionnelles. Un partenariat
fort avec les populations, développe un transfert des responsabilités
du sommet à la base.
- Principe de subsidiarité. En matière de l'aménagement du territoire,
les collectivités territoriales ont vocation à exercer les compétences
qui peuvent, le mieux, être mises en œuvre à leur échelon. En
d'autres termes, l'Etat, hors des domaines relevant de sa compétence
exclusive, ne traitera que de ce qui ne peut être traité, de façon
efficace au niveau régional et local.
- Principe d'intégration régionale. La politique nationale de
l'aménagement du territoire prend en compte les perspectives
d'intégration dans les ensembles sous-régionaux, régionaux et
mondiaux.

LES STRATEGIES DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE AU TOGO:


La politique nationale de l'aménagement du territoire repose sur les
choix stratégiques suivants :
- la promotion de pôles de développement;
- l'organisation du développement local fondée sur la solidarité, la
complémentarité des collectivités territoriales et favorisant la
valorisation des potentialités des territoires ;
- l'intégration des actions de l'aménagement du territoire, de la
décentralisation, de la planification régionale et de la promotion du
développement participatif à la base ;
- l'établissement de métropoles d'équilibre ;
- le renforcement de la coopération intercommunale ;
- l'organisation d'agglomérations urbaines par le développement
économique;
- une meilleure assistance aux territoires singuliers, notamment les
zones menacées par l'érosion côtière et les espaces de forte
dégradation.

36
Ces stratégies sont mises en œuvre à travers les instruments
techniques de planification spatiale.

LES INSTITUTIONS DE GESTION DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE.


Des organes de réflexion, d'orientation, d'approbation et de
coordination. Au niveau central, Il est créé un conseil supérieur du
développement et de l'aménagement du territoire (CSDAT). Le CSDAT
est l'organe d'orientation en matière de l'aménagement du territoire.
Il est placé sous l'autorité du Premier ministre. Il est composé des
membres du gouvernement, des représentants du parlement, des
représentants du Conseil économique et social, des gouverneurs des
régions, des représentants de la société civile et des représentants du
secteur privé. Il est créé un secrétariat technique auprès du CSDAT.
Ce secrétariat technique est chargé de l'étude des dossiers transmis
par le comité technique d'élaboration et de mise en œuvre de la
politique nationale de l'aménagement du territoire (CTEMPNAT). Il
prépare les réunions du CSDAT et en assure le secrétariat. En outre, Il
est créé un comité technique d'élaboration et de mise en œuvre de la
politique nationale de l'aménagement du territoire (CTEMPNAT). La
création de beaucoup d’autres comités (qu’on ne peut tous citer ici)
est prévue.

DES OUTILS DE GESTION DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE


Ces outils sont, notamment: le schéma national de l'aménagement
du territoire (SNAT), les schémas régionaux de l'aménagement du
territoire (SRAT), l'atlas du développement régional (ADR) , les
schémas locaux de l'aménagement du territoire (SLAT) et les schémas
directeurs d'aménagement et d'urbanisme (SDAU). Ils sont présentés
sous une forme numérique compatible avec les outils et instruments
numériques existants dans tous les secteurs ayant un impact sur
l'aménagement du territoire. De même, après la mise en place des
outils de l'aménagement du territoire, tous les instruments et outils
sectoriels qui suivront devront être compatibles avec ces outils de

37
l'aménagement du territoire, élaborés en collaboration avec les
ministères techniques.

LES MECANISMES ET INSTRUMENTS FINANCIERS DE


L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE. Il est institué entre l'Etat, les
collectivités territoriales, la société civile, les médias, les
organisations syndicales, le secteur privé, les institutions sous-
régionales et les partenaires au développement, un partenariat sous
forme contractuelle. Des mécanismes financiers d'intervention sont
créés pour assurer la mise en œuvre de la contractualisation entre
l'Etat et les différents territoires concernés. Ils doivent être
conformes aux règles budgétaires et financières en vigueur. Un fonds
national de l'aménagement du territoire (FNAT) est mis en place pour
financer les activités y relatives. Ce fonds est doté de la personnalité
morale et d'une autonomie de gestion financière. Il est placé sous la
tutelle technique du ministère chargé de l'aménagement du territoire
et sous la tutelle financière du ministère chargé des finances. Le
fonds est constitué des crédits consacrés aux interventions de
l'aménagement du territoire.
La mobilisation des ressources financières internes au niveau des
budgets des collectivités nécessite la réalisation effective de certaines
actions telles que:
- l'identification des potentialités de chaque région et les conditions
de leur mise en valeur ;
- le développement des activités économiques spécifiques à chaque
région
- la création des pôles de développement régional;
- le développement des PME locales ;
- la dynamisation des entreprises locales aux fins de leur participation
aux marchés publics ;
- l'incitation à l'épargne locale et au réinvestissement ;
- la simplification du système d'évaluation de l'assiette de l'impôt
foncier et de la taxe professionnelle ;
- la création de nouveaux impôts locaux;

38
- le transfert de certains impôts d'Etat aux collectivités territoriales
conformément à la loi en vigueur sur la décentralisation ;
- l'accès des collectivités territoriales au marché financier avec l'aval
de l'Etat. La réalisation des actions liées à la fiscalité ne peut se faire
que dans le cadre des dispositions légales et réglementaires en
vigueur en la matière.
La mobilisation des ressources financières externes passe par le
renforcement de la coopération bilatérale et multilatérale, et la
promotion de la coopération décentralisée dans le cadre des aides
financières, des projets de développement, des donations et
subventions extérieures des principaux partenaires au
développement.
DES MESURES INCITATIVES : Afin d'inciter les opérateurs
économiques à investir dans les milieux dits défavorisés, pour un
développement équilibré du territoire, des mesures seront prises par
l'Etat allant, entre autres, dans le sens de :
- l'exonération temporaire, en conformité avec les dispositions du
code des investissements, de certains droits et taxes au profit des
investissements effectués dans ces milieux;
- l'octroi d'une prime de l'aménagement du territoire;
- la construction des sites industrialisés viabilisés dans les régions et
préfectures.
LE SUIVI ET LE CONTROLE. Il est créé un observatoire national de la
politique de l'aménagement du territoire (ONPAT) qui est chargé
d'observer les variations des principaux facteurs pouvant avoir des
impacts négatifs sur le territoire et d'émettre des alertes à l'endroit du
gouvernement sur les risques probables. Ses bases de données sont
étoffées avec des procédures d'exécution standardisées et
automatisées qui permettent de surveiller dans le temps et dans
l'espace, au moyen de modèles descriptifs et de traitement statistique,
les indicateurs retenus.
VI. LA DECENTRALISATION, « PIERRE ANGULAIRE » DE
L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DU DEVELOPPEMENT

39
6.1 La décentralisation, instrument du développement local et de la
démocratie à la base
Héritage de la tradition jacobine et centraliste de la France coloniale, la forte
concentration des pouvoirs est de plus en plus perçue comme obstacle au
développement. C’est pour cela que la décentralisation est devenue une
exigence des bailleurs de fonds (Banque mondiale, PNUD, Coopération
française, etc.) en vue de promouvoir la démocratie. Par conséquent presque
toutes les anciennes possessions françaises d’Afrique de l’Ouest l’ont inscrite
dans leurs politiques de développement. Pour Jean-Pierre Elong M’Bassi
(1994), « Dans tous ces pays, la décentralisation est à l’ordre du jour. Elle est
ressentie comme le corollaire obligé du mouvement général de
démocratisation ». Selon l’anthropologue Alain Marie, « La décentralisation »
ne doit pas être « une simple déconcentration de l’appareil d’Etat » … « La
décentralisation implique en effet transfert de compétence et de ressources,
donc la reconnaissance d’un véritable pouvoir local, juridiquement et
constitutionnellement garanti dans ses prérogatives » … « Une décentralisation
authentique ne va donc pas sans une démocratisation de la vie politique et
administrative locale, c’est-à-dire sans procédure de sanction des tenants du
pouvoir par leurs administrés ».
La décentralisation a des exigences, notamment les modalités de désignation
des élus locaux et la gestion des collectivités locales. Les représentants des
collectivités locales doivent être élus par la population devant laquelle ils sont
responsables et à laquelle ils doivent rendre compte de la gestion de la chose
locale. Partout où ces « élus locaux » sont désignés par le pouvoir central, on
ne peut plus parler de décentralisation, ni de collectivité locale.
La gestion de la collectivité locale, comme de la chose ne se fait pas de façon
isolée, solitaire et opaque. La collectivité locale est gérée de façon transparente
avec l’association de la population locale concernée par la vie et le bon
fonctionnement de cette collectivité locale. Cette population doit être non
seulement associée à la gestion, mais aussi à la conception. Les membres des
gouvernements locaux, à savoir les conseillers municipaux, les élus des régions
et des préfectures, départements ou selon d’autres appellations, sont tenus de
rendre régulièrement compte à la population locale de la gestion de la
collectivité à la tête de laquelle ils sont élus.
Or l’une des tares des administrations des pays du Sud et notamment de
l’Afrique subsaharienne est le refus de rendre compte. Tous ceux qui osent
demander des comptes sont considérés comme des récalcitrants et sont mal

40
vus par les élus locaux. Ce manquement à la démocratie locale se retrouve
également au sommet de certains Etats. La décentralisation est comme
l’apprentissage de la démocratie à la base, la démocratie locale ou la
démocratie de proximité tout comme on parle de développement local, de
développement à la base ou de développement de proximité.
Le principe de la bonne gestion des collectivités locales comme de l’Etat, est
d’assurer le bien-être de la population dont les élus locaux ont la charge. Ce
bien-être passe par la fourniture de services (eau potable, électricité, éclairage
public, assainissement, équipements scolaires et sanitaires, etc.). Les
problèmes de logement et d’emploi relèvent aussi en partie des prérogatives
des collectivités locales.
Les secteurs que les collectivités locales telles que les communes urbaines
prennent en charge sont entre autres :
- L’éclairage public : l’éclairage public est une nécessité pour éviter les actes de
banditisme, de vandalisme, etc.
- L’assainissement : il s’agit de rendre l’environnement sain pour le bien-être de
la population en assurant l’entretien et la propreté des rues, des espaces
publics, des espaces verts (balayage, nettoyage, etc.), l’enlèvement et la
gestion des ordures ménagères et des eaux usées, etc.
Cette gestion se heurte malheureusement à la précarité des budgets locaux. La
faiblesse des ressources humaines constitue un autre problème important qui
se pose au bon fonctionnement des collectivités locales. Tous ces problèmes
sont rangés sous le concept forgé par la Banque mondiale en 1991, à savoir « la
gouvernance » qui est définie comme la façon de gérer les ressources
humaines et économiques d’un pays.
6.2 Quelques conditions pour une bonne décentralisation
La décentralisation vise à réduire la concentration des activités administratives,
économiques et socio-culturelles au profit de zones ou de localités déshéritées
et défavorisées. Elle a des rapports étroits avec l’administration.
Elle est fondée sur les collectivités locales dotées de la personnalité morale et
de l’autonomie financière.
Pour une bonne décentralisation, certaines conditions sont indispensables.
6.2.1 La décentralisation est inséparable de la déconcentration

41
Il n’y a pas de décentralisation sans déconcentration. Entre les organes
décentralisés et les organes déconcentrés, il y a des rapports étroits. Ils ne sont
pas déconnectés les uns des autres. Les organes décentralisés sont sous la
tutelle de l’Etat. La tutelle est le contrôle de l’Etat sur les collectivités
territoriales. La tutelle est exercée par le représentant de l’Etat dans la
collectivité locale dans le respect scrupuleux des lois.
6.2.2 Pas de décentralisation sans transfert de pouvoir et de compétence
Définie comme transfert de pouvoir et de compétence aux collectivités locales,
la décentralisation n’a aucun sens sans ce transfert à ces collectivités qui
doivent être dotées de ressources humaines et financières appropriées, en vue
d’assurer leur bon fonctionnement dans le cadre du « développement local »,
du « développement au ras du sol» ou du « développement de proximité ».
Sans les ressources humaines compétentes capables de prendre des décisions
et les ressources financières suffisantes pour faire face aux dépenses de la
collectivité territoriale, la décentralisation n’est qu’une coquille vide.
6.2.3 Pas de décentralisation sans pratiques démocratiques
Le principe de base de la décentralisation est la pratique démocratique. La
décentralisation implique « un gouvernement fort », basé sur « des
institutions également fortes » qui fonctionnent normalement suivant les
règles démocratiques sans entrave aucune, d’où qu’elle vienne. En d’autres
termes, un gouvernement fort veille scrupuleusement au respect des
institutions et des lois dont l’Etat s’est librement doté.
A ce titre la décentralisation est incompatible avec les régimes d’« hommes
forts », peu respectueux des libertés et des droits de l’Homme. Elle est la
traduction concrète de la démocratie locale, de proximité ou à la base. La
reddition régulière et périodique des comptes de la gestion à la population est
un impératif démocratique. La décentralisation est donc apprentissage et
pratique de la démocratie. Elle implique la bonne gestion des collectivités
locales par les gouvernements locaux élus. Elle est synonyme de « bonne
gouvernance ».
Selon Alain Marie (1991), « On ne peut concevoir de décentralisation locale
compatible avec un pouvoir central autocratique ; on ne peut non plus
concevoir que l’expression libre des particularités locales puisse être prise en
compte dans un régime non pluraliste ». La décentralisation est l’expression de
la démocratie locale, dans la mesure où les responsables locaux sont élus par la
population. Cette démocratie locale se traduit par l’association de la population

42
à la conception et à la gestion des projets de la collectivité locale. Des comptes-
rendus réguliers doivent être faits par les élus locaux à cette population qui a le
droit et le devoir de les sanctionner (positivement ou négativement) sur la
gestion de la collectivité locale, en les réélisant ou en élisant d’autres
responsables à leurs places.
6.2.4. La collectivité locale doit avoir un ancrage territorial
La collectivité locale est la traduction spatiale ou géographique de la
décentralisation/déconcentration. A ce titre, elle doit avoir un ancrage
territorial et doit être judicieusement inscrite dans un cadre géographique qui
en est le support. Elle doit être spatialement bien délimitée et cartographiée
sur des critères objectifs et rigoureux à définir par la loi (géographie, histoire
locale, population, ethnie, us et coutumes, langue, communauté de vie et de
destin, etc.).
6.2.5. Un cadre juridique indispensable

Pour lui conférer une force juridique que tout le monde doit respecter, la
décentralisation doit être accompagnée de lois et de textes d’application. Sans
ce dispositif juridique, la décentralisation n’a aucune valeur, comme toute
institution. Généralement les lois sont bien élaborées, mais ce sont les textes
d’application qui font défaut par manque de volonté politique.
6.2.6. Nécessité d’une volonté politique

Aucune loi, décret ou décision administrative ne peut être appliqué sans la


volonté politique. Dans la plupart des pays d’Afrique, les lois sont
généralement bien élaborées, mais c’est l’absence de volonté politique qui
explique leur non application.
Au regard de cette brève analyse, la décentralisation est exigence, respect de la
loi et rigueur dans la gestion de la chose locale en vue de l’épanouissement
individuel et collectif de la population locale.
Les gouvernants des pays de l’Afrique de l’Ouest placent beaucoup d’espoir
dans cette décentralisation, mais en même temps elle suscite des craintes et des
inquiétudes (M’Bassi).

43
VII) LES OBSTACLES A L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET A LA
DECENTRALISATION EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE
7.1 La faiblesse des institutions et du cadre juridique et l’absence de
coordination des actions
D’une façon générale, la faiblesse des institutions dans les pays d’Afrique noire
est lourd handicap pour la mise en application des politiques d’aménagement
du territoire et de la décentralisation. Cette faiblesse se traduit par le non
respect des institutions, à commencer par le sommet de l’Etat. Le cadre
juridique dont l’Etat s’est doté est également peu respecté. Il règne une
ambiance générale d’indiscipline, de désordre, d’impunité vis-à-vis des
contrevenants à la loi.
L’absence de coordination des projets de développement au sein des
collectivités locales, comme d’ailleurs dans l’ensemble des Etats constitue aussi
un handicap sérieux au bon fonctionnement des collectivités locales.
7.2 La faiblesse des ressources humaines et financières
L’un des obstacles importants auxquels sont confrontées les politiques
d’aménagement du territoire et de la décentralisation est la faiblesse des
ressources humaines et financières. Si les agents subalternes d’exécution sont
relativement nombreux (dactylographes ou secrétaires, courtiers, chauffeurs,
agents d’entretien, gardiens ou agents de sécurité, etc.), les cadres de
conception manquent cruellement (gestionnaires, économistes, urbanistes et
architectes, etc.). La précarité des ressources financières se traduit par le
caractère dérisoire des budgets nationaux et des collectivités locales
(Nyassogbo, 1997) ; Nahm-Tchougli, 2007). A titre de comparaison sans aller
dans le détail des données chiffrées, disons simplement que le budget d’une
métropole régionale de pays développés comme Bordeaux, Lille, Marseille,
etc., est bien supérieur au budget d’un pays africain.
7.3 L’instabilité politique
La fréquence des changements de régimes par les coups d’Etat militaire et
l’instabilité politique ne permettent pas le fonctionnement normal des
collectivités locales et même des Etats. Les nouveaux hommes qui arrivent au
pouvoir perturbent très profondément la vie politique, économique, sociale et
culturelle du pays, en remettant en cause toutes les politiques et programmes
de développement en cours. La voie est ouverte à la chasse aux sorcières et aux
arrestations arbitraires des membres du régime renversé et de tous ceux qui

44
sont supposés proches. La constitution et les institutions nationales sont
suspendues, l’assemblée est dissoute. Et des nominations arbitraires de
nouveaux hommes incompétents à la tête des institutions et des services de
l’Etat sont effectuées. Le nouveau régime dissout également les conseils élus
des collectivités locales et nomme les membres des « délégations spéciales » à
la tête des collectivités locales en lieu et place des élus (exemple du Togo en
1963 et 1967), etc. Les programmes et projets de développement en cours
subissent également le contrecoup de ces changements politiques brutaux et
violents. Les bailleurs de fonds respectueux des droits de l’Homme et des
Peuples se retirent et suspendent la coopération (cas du Togo à partir de 1993
pour « déficit démocratique »). L’instabilité politique retarde les pays africains
dans leur processus de développement.
7.4 L’incompatibilité des régimes de dictature avec la décentralisation
En rappel, la décentralisation qui est partage de pouvoir, de compétence et de
ressources est incompatible avec les régimes politiques fondés sur l’autocratie,
l’autoritarisme et la dictature, dont le principe de base est la concentration du
pouvoir dans les mains d’une oligarchie ou d’une minorité, le refus de partage
du pouvoir et de dialogue.
7.5 Le refus de collaboration des administrations et services techniques
Certaines administrations ou services techniques rendent la tâche difficile aux
spécialistes de l’aménagement du territoire en refusant de collaborer. Il y a des
compétitions et des conflits de compétence entre administrations, comme le
rappelle Jérôme Monod (cité par Gilles Sautter) : « On croit que
l’administration est une. En fait, il existe dans chaque service, chaque
ministère, une volonté d’autonomie – de puissance si l’on veut – qui cherche à
se manifester en s’opposant non seulement aux collectivités locales, mais aussi
aux autres ministères ». Or, un tel travail requiert la participation et la
collaboration de toutes les administrations publiques comme privées, ainsi que
de tous les secteurs d’activité.
7.6 Le difficile dialogue entre « aménageurs  » et « aménagés  »
Dans de nombreux cas, le dialogue est difficile, sinon absent entre
« aménageurs » et « aménagés ». Dans un premier cas, c’est le technicien qui
impose ses points de vue « technicistes » à la société bénéficiaire en refusant
tout dialogue. Il s’agit de l’aménagement autoritaire. Dans un autre cas, c’est la
société bénéficiaire qui est hostile à toute innovation ou transformation du

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milieu, en mettant en avant le poids de la tradition, des us et coutumes et des
valeurs ancestrales dont certains aspects freinent le développement.
L’aménagement du territoire est une affaire de compromis entre les différents
acteurs : ministères, administrations publiques et privées, services techniques,
« aménageurs » et « aménagés ». Il est illusoire de parler d’atténuation des
inégalités régionales sans ce compromis à tous les niveaux.

CONCLUSION GENERALE
1°) L’aménagement du territoire est une affaire politique, donc une affaire
d’Etat.
2°) Qui parle d’aménagement du territoire évoque l’idée de « domination »
d’un territoire ou d’un espace sur un autre, par exemple d’une ville sur les
campagnes relevant de sa zone d’influence. Cela implique également l’idée de
« dépendance » d’un espace vis-à-vis d’un autre : une région agricole « riche »
où l’activité agricole est favorisée par des conditions naturelles (climat, sol,
hydrographie, couverture végétale, etc.) par rapport à une autre
« déshéritée », où les conditions naturelles sévères handicapent toute activité
agricole
3°) C’est de ces inégalités régionales qu’est née l’idée d’aménagement du
territoire dont l’objectif fondamental est de les atténuer en offrant à toutes les
régions les mêmes chances de développement, en tenant compte des
potentialités régionales ou locales et de la population. Il s’agit donc, selon John
Rawls, d’« instaurer la justice spatiale » entre différents régions d’un même
pays, entre villes et campagnes, entre la capitale et le reste du territoire
national et enfin entre les villes. Il a également pour objectif de lutter contre la
macrocéphalie urbaine devenue un problème général du Tiers Monde.
4°) L’aménagement du territoire est souvent source de conflits entre
ministères, administrations, entre secteur privé et secteur public. Il est
également source de conflits entre « aménageurs » et « aménagés », d’où la
nécessité d’un dialogue permanent entre tous les acteurs.
5°) Il est devenu aujourd’hui le modèle de développement pratiqué à l’échelle
mondiale. Il s’agit de la planification spatiale du développement. Mais les
techniques, les méthodes et les moyens de la mise en œuvre des opérations
diffèrent d’un pays à un autre suivant la nature du problème d’inégalités
régionales. Dans de nombreux pays, l’aménagement du territoire

46
s’accompagne toujours de politiques de décentralisation/déconcentration (cas
de la France par exemple). C’est un processus long et continu, tout comme la
décentralisation. En Afrique, les difficultés sont encore aggravées par la
faiblesse des institutions, l’insuffisance des ressources humaines et la précarité
des ressources financières.
6°) Les politiques d’aménagement du territoire ne constituent pas une panacée
aux inégalités régionales comme le dit si bien Etienne Juillard:  
« Il apparaît que l’objectif de vouloir équilibrer en poids économique toutes les
régions d’un même Etat est assez vain. On n’effacera pas de sitôt les différences
existant sur ce plan. Par contre, on peut s’assigner comme but le rééquilibrage
des niveaux de vie et des conditions d’existence ».
Ce même problème qui se pose par exemple au Nigeria qui a imité le Brésil en
matière d’aménagement du territoire avec sa nouvelle capitale Abuja. Si la
nouvelle capitale fédérale a connu une croissance rapide pour devenir en
quelques années une métropole multimillionnaire, cela n’a rien changé à la
situation initiale de Lagos qui a motivé son transfert, à savoir les mêmes
problèmes d’engorgement, de difficultés de circulation, de concentration
d’activités économiques, etc., car elle demeure toujours le principal pôle du
pays qui attire les investisseurs et tous ceux qui sont à la recherche d’un
emploi.
7) La politique d’aménagement du territoire et de décentralisation est un
processus à long terme qui évolue constamment en fonction des contextes
politiques, économiques et socio-culturels.

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