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23211-Dans Le Silence de L'insondable
23211-Dans Le Silence de L'insondable
DE L'INSONDABLE
ainsi que de :
Après avoir recueilli ses souvenirs et ses réflexions, sa femme Michèle Michaël a
rédigé sa biographie sous le titre : LE JEU D'UN ÉTRANGE DESTIN (1994)
tredaniel-courrier.corn
info@guytredaniel.fr
ISBN: 2-84445-677-4
Salim Michaël
DANS LE SILENCE
DE L'INSONDABLE
Introduction ... ..... ..... ..... ... .............. ....... .. ..... .. ...... ...... ...... 17
2 - L'appel et le rappel.................................................... 59
Comprendre l'importance de l'appel .................... .. .. . 64
La raison d'être de la Création ................................. 69
L'importance de l'aspect féminin de la Création....... 72
Le Pêcheur Divin...................................................... 75
Comment répondre à l'appel intérieur .. ................... . 80
8- La mémoire.............................................................. 147
L'obstacle de la mémoire ordinaire ............ ........ ... .. . 150
Histoire soufie du lion .............................................. 153
La mémoire de l'Univers en l'être humain .............. 156
Il existe un autre type de mémoire........................... 160
11 - Karma et souffrance ... .. ..... ....... ....... ... .. ..... ... ... ...... 207
La grandeur de Gandhi ... .. ... .. .. ... .. ... .. ... .. .. ........ ... ..... 210
Interdépendance ...... .. ....... ... .. ..... .. ... .. ... .. .. ... ... .. ... .. .. 214
Pourquoi la souffrance?............................................ 219
12 - Le présent ........ ....... ..... .. ..... .. ..... .. ... ... .. .. ... .. ... ... ...... 223
Le don inconditionnel de soi dans le présent ........... 225
Histoire bouddhiste des deux moines....................... 231
Partager les fruits spirituels acquis ........................... 233
13- L'aspirant et le mystère de l'existence
phénoménale.......................................................... 237
Histoire soufie des éléphants volants .................... 242
Le danger de se fier aux sens ... .. .. ..... .. ... .. .. .......... .. 247
Michel Cazenave
INTRODUCTION
de Michèle Michaël
* Dans l'Évangile selon St Matthieu, le Christ dit : << Mon âme est triste à en
mourir », puis : « Mon Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de
moi ! », et encore, dans Saint Luc : « Entré en agonie, il priait de façon plus
instante, et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à
terre. »
20 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
* dans sa biographie écrite par Vickie Mackenzie, parue sous le titre " Un ermitage
dans la neige » aux Éditions Nil.
26 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
est d'un tout autre niveau que ce que le monde leur offre
comme richesses matérielles qui, elles, ne peuvent qu'être
éphémères, les laissant par la suite toujours insatisfaits et
affamés.
Je me dois de préciser, pour les personnes qui ne connais-
sent pas mes ouvrages précédents, que, bien que né en
Angleterre, j'ai passé toute mon enfance en Orient, et que les
continuels déplacements de mon père dans différents pays de
cette région du globe en vue de trouver du travail ne m'ont
pas permis d'aller à l'école, en conséquence de quoi, à l'âge
de dix-neuf ans, je ne savais ni lire ni écrire. De surcroît,
toujours à cause des incessantes pérégrinations subies par ma
famille, je ne possède même pas de langue maternelle ; je
n'ai appris le français que d'oreille. En raison de mon manque
d'instruction, j'éprouve les plus grandes difficultés à lire; en
fait, à part le Dhammapada, la Bhagavad-Gîtâ et les Évangiles,
je n'ai lu que très peu d'ouvrages durant toute ma vie et,
souvent même, sans pouvoir les terminer, ce qui fait que je
n'ai aucune culture livresque. Je ne me considère nullement
comme un écrivain et, comme je ne suis que trop conscient de
mes limites, je prie mes lecteurs de me pardonner toutes les
imperfections qu'ils pourront trouver dans mes textes.
J'aimerais ajouter que le fait que ma grand-mère maternelle
était originaire de l'Inde peut expliquer mon intérêt pour ce
pays et pour le bouddhisme.
Je me trouve dans la nécessité d'expliquer que les répétitions
existant dans les différents chapitres de cet ouvrage sont
malheureusement inévitables. En effet, on est, à notre époque,
tellement conditionné par des influences qui ne cessent d'en-
vahir le monde de partout, et qui se révèlent adverses à toute
quête spirituelle, qu' il est devenu presque impossible pour
des personnes qui abordent ce travail de saisir ce que signifie
une présence à soi-même très particulière et une conscience
30 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
Il était une fois, en des jours très anciens, une belle rivière
dénommée Damma. Elle avait beaucoup voyagé, parcourant
d'énormes distances et luttant souvent contre toutes sortes
d'obstacles qui se dressaient sur sa route et qu'il lui fallait
franchir avec difficulté ou contourner pour pouvoir poursuivre
son chemin.
Ici et là, des ruisseaux qu'elle rencontrait sur son passage
voulaient, en raison de sa beauté, se fondre en elle avec
allégresse, ce qui lui faisait très plaisir, car cela la rendait
encore plus imposante et plus belle. Parfois, elle arrivait face
à d'immenses ravins qui, curieusement, ne 1' effrayaient
nullement ; au contraire, elle éprouvait même une grande joie
à chuter librement dans le vide, ses eaux se jetant en cascade
sur les rochers dans un grand tourbillonnement d'écume
blanche. C'était pour Damma des jeux dont elle ne se lassait
pas, car, outre le plaisir qu'elle prenait dans le surgissement
continu des vagues qui s'élançaient sans cesse les unes contre
les autres, elle était tout à fait consciente de susciter l'admi-
ration de tout le monde, tandis que ses flots se précipitaient
de façon grandiose de ces falaises abruptes.
Elle poursuivait résolument sa route qui, en vertu de
l'implacable loi de la pesanteur, la menait toujours plus bas
jusqu'au jour où elle se trouva, à sa surprise et à sa grande
consternation, face à un immense désert dénué de toute trace
de vie et qui s'étendait à perte de vue !
Devant ce vaste espace inhospitalier qui se présentait à
elle, dont la sécheresse lui paraissait si menaçante, Damma ne
savait pour quelle raison elle éprouvait un étrange sentiment
de malaise, qu'elle ne pouvait écarter.
32 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
*« Dieu est là, présent à qui peut le toucher, absent pour qui en est incapable. »
Plotin
LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE CONSCIENCE DONT... 51
* * *
Il est nécessaire de revenir sur la question des pensées
incontrôlées qui, si le chercheur n'a pas acquis une certaine
maîtrise de son esprit, continueront à le harceler, aussi bien
durant ses séances de méditation que dans sa vie de tous les
jours. S'il veut se donner la peine de s'étudier avec sérieux, il
ne manquera pas d'être consterné en constatant son impuis-
sance face à son mental et à toutes les pensées qui ne cessent
de s'élever et de s'évanouir en lui - des pensées qui sont le
plus souvent sans valeur, et parfois même stupides ! Il verra
56 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
qu'à peine une pensée a-t-elle surgi dans son esprit, qu'elle
se trouve, sans même parvenir au bout de son discours,
renversée par une autre qui règne à sa place un moment
avant d'être, à son tour, éliminée par une autre, et cela,
indéfiniment. S'il veut être réellement sincère avec lui-
même, il ne peut qu'être profondément chagriné en réalisant
le drame de la situation dans laquelle il est placé, une
situation dans laquelle, à moins qu'il ne décide de s'engager
dans la pratique de certains exercices de concentration spéci-
fiques, il passera le reste de sa vie, avec pour conséquence,
de se retrouver non préparé quand il lui faudra affronter
1'événement inévitable de son départ de ce monde et lâcher
tout ce dont - dans son ignorance de quelque chose de plus
élevé qu'il porte en lui - il était devenu dépendant pour
avoir le sentiment de son existence.
Afin que 1' aspirant arrive à mieux saisir ce qui lui est
demandé dans un domaine qui dépasse l'ordinaire, il est
important pour lui de comprendre que l'évolution de la
conscience en 1'être humain, telle qu'on la connaît habituel-
lement, n'est que le résultat d'un processus automatique que
la Grande Nature a mis en œuvre sans participation consciente
de sa part et qui s'avère très limité, car le niveau de conscience
que 1'homme possède ordinairement correspond seulement
au strict nécessaire pour assurer sa survie physique. Or, il a la
possibilité de dépasser cette limite et de rejoindre un état de
conscience au delà du temporel ; toutefois, cette évolution
- qui est en fait une évolution intérieure, tellement différente
de ce que 1' on imagine généralement - nécessite des efforts
conscients et continuels de sa part.
En vue d'éviter toute illusion au sujet d'une matière aussi
délicate et hors du commun, le chercheur doit réaliser que le
but qu'il tente d'atteindre est si immense que, par conséquent,
le prix qu'illui faut payer pour le gagner ne peut qu'être très
LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE CONSCIENCE DONT... 57
Rarement, si rarement,
se présentent à la fois
l'opportunité et les ressources ;
mais, hélas, à ce moment-là,
L'APPEL ET LE RAPPEL
* Dans son journal de voyage, Alexandra David Neel rapporte qu'alors qu'elle
était en Inde, on avait procédé à tant de sacrifices d'animaux qu'elle avait marché
dans une mare de sang qui lui arrrivait à la cheville !
74 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
* * *
Comme les progrès scientifiques que 1'être humain a effec-
tués d'une manière si remarquable n'ont eu aucun effet pour
1'élever à un plan d'être et de conscience tout autre que celui
auquel se déroule habituellement son existence, il a parfois
(et même, dans certains cas, souvent, quand cela lui profitait)
utilisé ses découvertes à des fins peu honorables, voire
destructrices.
L'homme se montre tellement fier de ses exploits - notam-
ment d'avoir trouvé le moyen prodigieux de quitter sa planète,
de voyager dans l'espace, d'atteindre la Lune pour l'explorer,
de fouler son sol dans des conditions extrêmement difficiles et
de revenir sur Terre sain et sauf, muni de quelques échantillons
de roches ramassés à sa surface pour les étudier - que, dans
son extraordinaire orgueil et dans son rêve conscient ou
inconscient de devenir maître de la nature (sans qu'il ne lui
78 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
* «Je T'appelle... non c'est Toi qui m'appelles à Toi ! Comment t'aurais-je
parlé à Toi, si Tu ne m'avais pas parlé à moi... » Ibn Mansour Al-Hallaj
L'APPEL ET LE RAPPEL 81
* A ce propos, il faut souligner que les grands sages qui ont transmis leur
connaissance spirituelle dans le texte hindou de la Bhagavad-Gîtâ, vieux de
plusieurs milliers d'années, savaient déjà ce que les scientifiques n'ont découvert
que très récemment (que l'Univers est en constante évolution et que tout est
impermanent) et encore beaucoup plus comme le démontre le passage suivant :
« Ceux qui connaissent le jour de Brahmâ, qui dure mille âges, et sa nuit, qui ne
prend fin qu'après mille âges, ceux-la connaissent le jour et la nuit.
Avec la venue du jour, toutes les manifestations naissent à l'existence hors du
non-manifesté; à la venue de la nuit, tout se dissipe ou se dissout en lui.
Cette multitude d'êtres, inévitablement, entre sans cesse dans le devenir, se
dissout à la venue de la nuit, ô Partha, et naît à l'existence à la venue du jour.
Mais ce non-manifesté n'est pas la Divinité Originelle de l'être; il y a un autre
état de son existence, un non-manifesté supra-cosmique par delà cette non-
manifestation cosmique, qui n'est pas contraint de périr quand périssent toutes
ces existences. >> (VIII 17-20)
CENTRE DE GRAVITÉ ET OBÉISSANCE 91
* Un astrophysicien anglais très connu s'est même permis de déclarer : " Dieu
n'existe pas, c'est l'homme qui est Dieu !" :
CENTRE DE GRAVITÉ ET OBÉISSANCE 93
* * *
Du fait que les gens passent à leur insu leur existence dans
un état de constant sommeil diurne, ils ne savent pas qu'ils
CENTRE DE GRAVITÉ ET OBÉISSANCE 101
ne font que rêver leur vie et les événements qui leur arrivent.
Ils ne comprennent pas de quoi ils doivent s'éveiller pour
pouvoir vivre consciemment dans le présent.
Afin que l'être humain puisse être en contact avec quel-
que chose de plus élevé en lui, il faut d'abord qu'il s'éveille
au moins un peu pour pouvoir constater que, tel qu'il est
habituellement, il est pareil à une marionnette sans vie, mani-
pulée de 1'extérieur par des fils invisibles qui le font tourner
à droite, à gauche, marcher, parler, se coucher, etc., le tout
passivement, sans aucun choix de sa part. En fait, sans jamais
le réaliser, il ne fait que réagir dans l'existence ; toutes ses
actions sont soutirées de lui soit par nécessité, soit par les
désirs irraisonnés de son moi ordinaire.
L'aspirant peut ainsi comprendre 1' importance capitale
pour lui d'établir son centre de gravité en lui, s'il espère
parvenir de son vivant à découvrir son Être Princier à qui il
devra se soumettre et apprendre à obéir pour être guidé dans
ce monde obscur où ne règnent que l'ignorance et l'incerti-
tude du lendemain, et ainsi arriver, après qu'il ait quitté son
corps, à retrouver l'État Sanctifié qu'il aura été privilégié de
connaître durant sa méditation, et à y demeurer. Il aura alors
remporté la plus grande de toutes les victoires, la victoire sur
lui-même qui, en toute vérité, se révèle être aussi la victoire
sur la mort!
D qu'un
ès qu'on découvre qu'une autre vie est possible,
autre état d'être est possible et qu'on tend
dans cette direction, on voit qu'on n'est pas libre, on
rencontre des obstacles ....
Quiconque a tenté la méditation a rencontré comme
obstacle le cours incessant des associations d'idées,
si difficiles à contrôler.
Quiconque cherche l'unité en lui découvre
immédiatement des forces de dispersion, de
contradiction intérieure.
Quiconque veut aller, non plus seulement vers l'unité
intérieure, mais vers l'unité totale, l'union avec tout
ce qui est, rencontre en lui les forces de distinction,
de séparation, qui le maintiennent dans son ego,
dans sa particularité, qui le privent de l'accès à
l'Universel, à la Totalité.
Dudjom Rimpoche
CHAPITRE4
LA PASSIVITÉ INTÉRIEURE
* et qui, d'ailleurs, est un processus que les scientifiques ne font que décrire sans
en appréhender la cause énigmatique qui se situe au delà du tangible.
LA PASSIVITÉ INTÉRIEURE 105
* * *
Il y a justement un aspect particulier de ce travail sur soi
qui mérite particulièrement l'attention de l'aspirant ; il s'agit
de la tendance à extérioriser aussitôt une pensée qui lui traverse
1'esprit, sans contrôle de sa part. L'histoire bouddhiste
suivante illustre combien ce trait de la nature humaine est
universellement répandu :
Histoire bouddhiste des quatres moines :
Quatre jeunes moines avaient décidé de se rendre dans
une grotte située non loin de leur monastère pour y
faire une retraite silencieuse en commun.
A peine étaient-ils assis depuis quelques minutes que
l'un d'eux s'exclama:
- Qu'est-ce qu'ilfaitfroid et humide ici!
Le deuxième protesta aussitôt :
-Nous avions décidé de ne pas parler!
Le troisième le reprit avec vivacité :
- Mais c'est justement ce que tu viens de faire, de
parler!
Et le quatrième d'ajouter avec satisfaction:
- Moi, je n'ai rien dit !
* * *
LE PROBLÈME DES PENSÉES TENACES QUI HARCÈLENT... 117
*The Tibetan Book of the Dead (3ème édition) dans la traduction de W. Y. Evans-
Wentz et du lama Kazi Dawa Samdup, Oxford University Press. Traduction de
l'anglais p. 91
LE PROBLÈME DES PENSÉES TENACES QUI HARCÈLENT... 119
LE BUT
*C'est bien dans ce même sens qu'il faut comprendre les autres paroles du Christ
dans l'Évangile selon Jean : « Bien que je me rende témoignage à moi-même, mon
témoignage est valable, parce que je sais d'oùje suis venu et où je vais.>> (8, 12-14)
LE BUT 125
chose qui lui fait plaisir, mais qui, par la suite, se transforme
en une source d'attachement supplémentaire qu'il lui faudra
combattre.
Dans la Bhagavad-Gîtâ, le Maître Divin dit à son disciple
Arjuna : « À tout moment, souviens-toi de Moi et lutte. » On
peut, pour aider l'aspirant dans les efforts qu'illui faut fournir
pour s'éveiller spirituellement, transformer cette injonction
de la manière suivante : « À tout moment, souviens-toi de ton
But et lutte. »
Il faut comprendre que tout homme et toute femme qui
habitent un corps fragile, à la merci des menaces qui les
guettent de toutes parts, et qui n'ont pas un but spirituel
pour donner sens à leur existence ne peuvent que rester des
êtres tragiquement incomplets. Ils demeurent enterrés dans
le monde obscur que, dans leur ignorance, ils ont créé pour
eux-mêmes, en conséquence de quoi, leurs potentialités
supérieures resteront à l'état latent. Le Bouddha parle de cette
ignorance spirituelle dans laquelle les êtres non illuminés
sont engloutis en ces termes :
« Les mauvaises actions nous souillent dans ce
monde et dans l'autre. Mais il est une souillure pire
que toutes les autres, l'ignorance est la pire des
souillures.» (Dhammapada, 242-243)
Le Livre des Morts Tibétain comporte un passage des plus
intéressants faisant justement référence à ce but vital qu'il
faut toujours porter en soi-même tandis qu'on est encore
vivant, ainsi qu'à 1' état qui est la Source Originelle d'où
1'on a surgi et dans lequel on doit se tenir si l'on espère être
en mesure d'affronter victorieusement le moment dramatique
de la mort qui attend tout être incarné :
« ... le temps est à présent venu pour toi de chercher
le Sentier. Ton souffle est sur le point de cesser. Dans le
passé, ton Guru t'a placé face à face avec la Claire
LE BUT 127
*The Tibetan Book of the Dead (3ème édition) dans la traduction de W.Y. Evans-
Wentz et du lama Kazi Dawa Samdup, Oxford University Press. Traduction de
l'anglais p. 91
128 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
Il ne faut jamais que 1' aspirant oublie que tous les efforts
qu'il fournit dans le domaine spirituel (ou même dans ses
activités extérieures) doivent être effectués inconditionnelle-
ment. En considérant 1'état ténébreux et végétatif dans lequel
1'homme de ce monde passe si tragiquement son existence,
cherchant toujours la reconnaissance pour ce qu'il fait dans
la vie, les efforts que l'aspirant accomplit sont déjà, sans
peut-être qu'il ne le réalise au commencement, la récompense
la plus haute qu'il puisse souhaiter obtenir - des efforts qui
doivent être exécutés seulement pour 1' amour de les faire et
pour aucun autre mobile. Il faut qu'en se souvenant de ce qui
est en jeu pour lui dans un engagement de cet ordre - où son
destin est en balance -, les efforts qu'il fournit finissent par
devenir son seul plaisir dans l'existence.
Un chercheur réellement sérieux, qui voit 1'importance
capitale pour lui de tenter à tout moment de rester dans le
présent, et qui s'applique de toutes ses forces à demeurer
conscient de lui-même dans tout ce qu'il fait dans la vie
extérieure - parler, manger, se laver, marcher, etc. -,ne
manquera pas de constater, avec la plus profonde tristesse,
que, comme dit précédemment, s'il n'est pas assez vigilant
et suffisamment sur ses gardes, la moindre pensée agréable
ou désagréable qui lui traverse 1'esprit, la moindre image
plaisante ou déplaisante, le moindre souvenir d'un événe-
ment heureux ou malheureux 1' entraîne dans un courant
d'interminables associations d'idées, qui en appellent encore
d'autres dans leur sillage, et cela indéfiniment. Et, lorsqu'il
revient soudainement à lui-même, il ne peut que se rendre
compte que son attention a été captée et emportée par un
fleuve de pensées associatives, au fil duquel elle a continuel-
lement changé de direction, en conséquence de quoi son but
a été oublié !
LE BUT 135
Et, ce n'est que dans cet État d'Être particulier, qui ne lui
est pas habituel, qu'il est possible à 1' aspirant de sentir ce
que pourrait être un véritable amour. A ce propos, un jour
que l'auteur était en train d'écouter une oeuvre musicale
d'une sublime beauté, il fut frappé par l'extraordinaire
sentiment d'amour qui s'en dégageait. Sans qu'il ne l'ait su,
le compositeur, qui devait être plongé dans un profond
silence intérieur au moment où il avait écrit cette musique,
avait capté un amour provenant d'un autre univers, inconnu à
l'homme de ce monde, un amour inconditionné qui, comme
le Soleil, n'attend rien en retour de ce qu'il donne.
Ce don inconditionnel constitue un enseignement sans
paroles pour un chercheur qui doit apprendre à le cultiver
dans sa méditation. Il découvrira alors que, s'il accède à cette
Conscience Lumineuse, il se sent propre et plus vrai en
lui-même. Et, dès qu'il La perd, il se sent sali et son être
redevient mensonge !
Par ailleurs, il lui faut comprendre qu'en dépit du fait qu'il
pourra, à certains moments de ses pratiques, toucher des états
d'élévation spirituelle si élevés qu'il en sera transporté et
émerveillé, tant qu'il habite encore un corps fragile et mortel,
ces états resteront plus ou moins à la merci des conditions
extérieures, des problèmes de santé, des variations climatiques,
etc., et qu'il n'obtiendra sa véritable récompense qu'après la
mort, quand le mouvement du temps, avec tout ce qu'il
entraîne dans son sillage, n'aura plus de pouvoir et ne pourra
plus ni lui voler, ni réduire ce qu'il aura acquis spirituellement.
* * *
Il est nécessaire de revenir sur la question de 1' imperma-
nence qui concerne tout ce qui a pris naissance dans la matière.
Il viendra certainement un moment dans la vie du chercheur
où, avec la vieillesse, il commencera à sentir la faiblesse
physique, le mauvais fonctionnement de certains organes et
LE RAPPEL DE L'IMPERMANENCE COMME... 145
LA MÉMOIRE
POTENTIALITÉS
ET SÉCURITÉ INTÉRIEURE
* Un risque que l'auteur a connu quand il était soldat durant la seconde guerre
mondiale.
170 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
* « Celui qui interrompt le cours de ses exercices spirituels et de ses prières est
pareil à un homme qui laisse échapper un oiseau qu'il tient dans sa main; il ne
peut guère le rattraper. » (Saint Jean de la Croix)
POTENTIALITÉS ET SÉCURITÉ INTÉRIEURE 181
* * *
Il est ordinairement si difficile de comprendre la raison
pour laquelle, dès qu'un être humain s'incarne en ce monde,
la nécessité commence immédiatement à imposer sa loi à son
existence et l'assujettit. Il faut constamment se rappeler que
toute la Création est soumise à une force que l'on ne peut
contourner : la pesanteur - qui, comme dit précédemment,
exerce sur l'homme une emprise quasiment insurmontable,
et qui est la cause de sa tendance à l'inertie. Aussi, s'il n'était
pas contraint de fournir des efforts pour trouver les moyens
indispensables à sa survie, en raison de cet irrésistible penchant
à 1' indolence inhérent à sa nature, il ne ferait rien d'autre que
manger, jouir sexuellement et dormir - ce qui finirait non
seulement par détruire son être, mais, de surcroît, ses
possibilités spirituelles également.
En outre, comme la chute dans la matière provoque en
l'être humain l'oubli de la Source d'où il a originellement
émergé, qui existe indépendamment de tout support tangible,
son corps devient par conséquent extrêmement précieux à
ses yeux. En raison du fait qu'il ne sait plus que sa Véritable
Nature n'a aucun rapport avec son enveloppe corporelle, il ne
ressent son existence qu'à travers les différentes sensations
que son corps planétaire lui procure : sensations de plaisir, de
douleur, de chaleur, de froid, de peur, de fatigue, de bien-être
et, particulièrement, de jouissance sexuelle.
POTENTIALITÉS ET SÉCURITÉ INTÉRIEURE 183
* Il s'agit en fait du "coeur spirituel" auquel se réfèrent les mystiques et qui n'a
pas de rapport avec le coeur physique qui, lui, est légèrement à gauche.
190 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
LA MORT
* * *
LA MORT 195
mort (sans oublier non plus que, tout le temps qu'il tente
de méditer, il est, sans nécessairement le réaliser, en train
d'apprendre à mourir) est considéré par le chercheur comme
une approche pessimiste d'une pratique spirituelle*, cela doit
signifier pour lui qu'il est beaucoup trop attaché à l'existence
physique ainsi qu'aux jouissances qu'elle lui procure - par
le regard, 1'écoute, le goût et, surtout, par le sexe, sur lequel
sa vie (comme celle de tous les autres êtres vivants, y compris
les plantes) est basée. En effet, à moins qu'il n'atteigne l'illu-
mination, il restera sous la domination de l'aspect sexuel de
son être - que la Grande Nature a implanté dans toutes les
créatures et rendu irrésistible afin de s'assurer que la perpé-
tuation des espèces ne s'arrête à aucun moment.
Dès sa naissance dans le monde tangible, en raison du
pouvoir impérieux que tous les plaisirs des sens exercent sur sa
psyché, l'être humain oublie rapidement la Source Primordiale
d'où il a originellement surgi ; aussi, n'a-t-il confiance qu'en
ce que lui transmettent ses organes sensoriels, lesquels, vu
leur extrême limitation, ne peuvent capter qu'unefraction de
la Réalité qui 1'entoure et, par conséquent, lui communiquent
une perception de la vie phénoménale qui est inévitablement
dénaturée et incomplète. Ainsi, le trésor des potentialités
supérieures qu'il porte à son insu dans le tréfonds de lui-même
reste non réalisé ; et, par là même, 1'homme demeure un être
inachevé.
Comme, en raison de l'implacable course du temps, tout
est en constant changement, il n'y a par conséquent rien de
certain dans 1' existence, sauf une chose : la Mort - à laquelle
nul ne peut échapper, pas même le Cosmos !
* Il faut rappeler ici que le Bouddha qui enseignait que les principaux obstacles à
l'Eveil et à la libération de la souffrance sont l'attachement au monde des sens et
l'oubli de l'impermanence de tout chose créée donnait pour pratique à ses
disciples de méditer devant des cadavres à différents stades de décomposition.
198 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
* Afin de ne pas oublier l'urgence de s'appliquer à leur pratique, il était d' usage
chez certains ordres contemplatifs chrétiens du passé de se saluer par ces seuls
mots : "Tu vas mourir" ; et, plus encore, nombre de nonnes et de moines
dormaient, non dans un lit, mais dans leur propre cercueil déjà préparé pour eux.
LA MORT 199
*«Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent, c'est dans l'esprit et la vérité qu'ils
doivent l'adorer. » (St Jean 4,24)
204 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
KARMA ET SOUFFRANCE
laisse pénétrer dans les temples dont 1'accès leur était interdit.
Pendant des années, il lutta de toutes ses forces pour modifier
1'attitude de la société indienne à leur égard ; il refusa
l'appellation, si péjorative, d'intouchable et y substitua le mot
« Harijan » qui signifie «Enfant de Dieu».
La grandeur de Gandhi
Cet être d'exception fit même célébrer à son ashram des
mariages entre intouchables et hindous de caste - brahmanes
(prêtres), kshatriyas (guerriers), vaisyas (marchands), sudras
(serviteurs) -,bravant par là même un interdit absolu de la
société hindoue.
Gandhi était authentiquement religieux ; en tant qu'hindou,
il se référait généralement, pour être soutenu, à la Bhagavad-
Gîtâ, mais cela ne 1'empêchait pas de lire souvent le Coran et
les Évangiles qu'il connaissait bien. Il tomba sous les balles
d'un fanatique hindou, avec le nom de Dieu sur les lèvres.
Qu'il ait pu, à ce moment dramatique et tellement inattendu,
réagir de la sorte signifie que, pour lui, le Divin était une
présence constante qui le soutenait à chaque instant.
Comme les Indiens sont religieux d'une manière unique
au monde, ils pouvaient répondre à 1'exigence spirituelle de
Gandhi qu'ils comprenaient et admiraient. Peut-on imaginer
un autre pays où il aurait été possible de demander aux gens
d'accepter de recevoir de terribles coups sans les rendre
- comme cela s'est produit à plusieurs reprises au cours de
ses luttes ? Parce qu'il était animé d'une exigence extrême
vis-à-vis de lui-même, Gandhi possédait l'extraordinaire
capacité d'éveiller, par son exemple, ce qu'il y a de meilleur
en l'être humain - au contraire des dictateurs sans scrupules
qui stimulent chez celui-ci ce qu'il y a de pire.
Il ressentait l'injustice avec une telle intensité qu'il était
prêt à mourir pour aider ses semblables, mais sans jamais
KARMA ET SOUFFRANCE 211
* « Vous avez entendu qu'il a été dit : Oeil pour oeil et dent pour dent.
Eh bien ! moi je vous dis de ne pas tenir tête au méchant ; au contraire,
quelqu 'un te donne-t-il un soufflet sur la joue droite, tends-lui encore
l'autre (... )Vous avez entendu qu'il a été dit: tu aimeras ton prochain et
tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis et
priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux
cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber
la pluie sur les justes et les injustes. Car si vous aimez ceux qui vous aiment,
quelle récompense aurez-vous ? les pécheurs n'en font-ils pas autant?»
(St Matthieu, 5, 38-45)
«En ce monde, jamais l'inimitié n'est apaisée par la haine; l'inimitié est
toujours apaisée par l'Amour. Ceci est la Loi Éternelle. » (Dhammapada, 5)
212 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
*Jamais un Emissaire Divin (ou comme l'appelle l'Inde: un Avatar) n'a subi un
sort aussi terrible pour apporter la Lumière à une humanité qui en avait un si
dramatique besoin. A cette époque, il n'y avait pas de contrôle aux frontières
comme actuellement ; Il lui aurait donc été si facile de fuir. Mais Il savait qu'illui
fallait accepter de passer par ce supplice afin que ce qu'Il essayait d'apporter au
monde ne soit pas perdu. Le choc de la crucifixion sur ses disciples et sur tous
ceux qui l'ont connu a été si foudroyant qu'ils en ont été transformés au point
d'accepter de risquer continuellement leur vie pour répandre Son précieux
enseignement. D'ailleurs, beaucoup sont morts en martyrs, comme Saint Pierre,
crucifié la tête en bas ou Saint Thomas, assassiné dans le Sud de l'Inde où il avait
fondé une communauté qui existe toujours. Si le Christ n'avait pas consenti à
passer par cette horrible souffrance, Son enseignement n'aurait pas atteint - et
continué d'atteindre - des millions d'hommes et de femmes dont la vie en a été
profondément changée.
KARMA ET SOUFFRANCE 215
* * *
Les hindous ne sont pas les seuls à employer à tort le mot
«karma». Celui-ci est utilisé dans pratiquement toute l'Asie,
notamment dans les milieux bouddhistes, avec la même
connotation morale. Ainsi, dans les différentes traditions
bouddhistes, les femmes s'entendent dire par les moines
qu'elles sont nées femmes en raison d'un "mauvais karma"
qu'elles ont engendré pour elles-mêmes dans des vies anté-
rieures, et que, par conséquent, elles ne peuvent prétendre à
une réalisation spirituelle aussi élevée que celle d'un homme ;
par contre, ajoutent-ils, si elles accumulent des mérites dans
leur vie présente, elles "se créeront un bon karma", qui leur
permettra peut-être de renaître en homme dans une future
existence* ! Ainsi, les femmes sont-elles conditionnées à
douter de leurs possibilités spirituelles, ce qui représente un
obstacle majeur à leur engagement sur la Voie. Par conséquent,
contrairement au christianisme où la tradition monastique
féminine est forte et les grandes mystiques reconnues et
vénérées, les nonnes bouddhistes sont beaucoup moins
nombreuses et moins respectées que les moines.
*doit-on comprendre par cela que le Nirvâna serait réservé au seul sexe masculin ?
KARMA ET SOUFFRANCE 217
* * *
Pour conclure, face à la souffrance d'un autre, on doit
toujours faire preuve de compassion et ne jamais s'autoriser
à condamner quiconque pour le malheur qu'il ou elle est en
train de subir - et cela, même s'il est évident que ce sont ses
propres actes qui sont à 1' origine de sa souffrance, car qui
peut se permettre de juger ? Comme le Christ 1' a déclaré face
222 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
* « Mais eux, entendant cela, s'en allèrent un à un, à commencer par les
plus vieux. »
CHAPITRE 12
LE PRÉSENT
* * *
Malgré sa capacité de réflexion, au fond, l'homme, tel
qu'il est ordinairement, ne se différencie guère de l'animal.
À moins qu'il ne se lance dans la seule chose qui doit compter
232 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
L'ASPIRANT ET LE MYSTÈRE DE
L'EXISTENCE PHÉNOMÉNALE
* * *
Quel étrange mystère que la Vie ! Si un chercheur
pratique l'art d'être présent intérieurement et activement
conscient de lui-même pendant qu'il regarde ce qui se
présente à lui, il ne cessera de découvrir partout des mystères
dont il ne soupçonnait pas l'existence lorsqu'il était perdu dans
son état coutumier d'absence à lui-même, un état brumeux qui
le prive de richesses particulières, indispensables pour sa
croissance à un tout autre plan d'être et de conscience.
N'est-ce pas encore un mystère, le plus grand de tous, que
l'Infini, Immuable et Éternellement Parfait, réside dans cette
insignifiante et éphémère étincelle de vie que représente l'être
humain ? - un mystère que, sans jamais le réaliser, celui-ci
porte en lui tout au long de son bref séjour mouvementé sur
cette planète.
Dans son ignorance d'un autre état d'être et de conscience
auquel il lui est possible d'accéder, à partir duquel il pourrait
avoir une tout autre vision du monde et de l'existence, l'homme
ordinaire n'a, à son insu, qu'une conception extrêmement
étroite et incomplète de la Création et de sa propre vie. En
effet, dans son aveuglement, il accepte tout ce que ses organes
sensoriels lui transmettent comme étant la seule réalité, sans,
à aucun moment, mettre celle-ci en question ; et, du fait qu'il
est coupé de sa Nature Divine, qui n'est pas liée au temps et
246 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
L'EMPÊCHEMENT MAJEUR
À LA LIBÉRATION
CAUSES ET CONDITIONS
DE LA RÉCURRENCE
* * *
Le chercheur doit réaliser que son évolution à un autre plan
d'être et de conscience est, de la manière la plus étrange et
ordinairement incompréhensible, étroitement liée à un mysté-
rieux rappel, libre de toute image, mot ou pensée, qui s'éveille
en lui à un moment donné de son existence et qui provient
d'un passé insaisissable.
Il est important pour lui de comprendre que le sentiment
que suscitent en lui les souvenirs d'un passé trop obscur pour
qu'il puisse les traduire en mots ou en images est extrêmement
nécessaire pour le soutenir et donner force à ses pratiques
spirituelles. Ces souvenirs silencieux qui s'éveillent en lui de
façon si subite et étrange sont le résultat d'un travail sur lui-
même (ou parfois, pour certaines personnes, d'un engagement
sérieux dans un domaine artistique ou scientifique) entrepris
jadis et qui a laissé une mystérieuse trace en son être. Ces
souvenirs silencieux sont non seulement vitaux pour sa quête,
mais aussi pour son évolution à un autre plan de conscience ;
et, plus intense sera le sentiment de ces souvenirs, plus rapide
sera son avancement vers le but désiré. A 1'inverse, plus
grand sera l'oubli, d'autant plus inévitable sera la descente ;
autrement dit, le rappel est indissolublement lié à 1' évolution,
et 1' oubli à 1' involution.
Il faut rappeler que, sur un autre plan, sans jamais s'en
douter d'ordinaire, 1'aspirant porte dans les profondeurs de son
être, comme dit dans des chapitres précédents, les souvenirs
les plus reculés dans le temps, depuis le début même de la
Création et la genèse de l'Univers. Il ne faut pas perdre de
vue le fait que son corps est constitué d'éléments venus de
270 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
Il était une fois une famille très pauvre qui vivait dans un
village en bordure de la jungle. Elle n'avait qu'un seul fils,
nommé Gohar. Il était d'une telle laideur que personne ne
pouvait l'approcher sans être saisi d'un sentiment d'horreur
et de répulsion. Partout où il passait, il inspirait 1'effroi aux
autres enfants qui, non seulement ne voulaient pas jouer avec
lui, mais, pire encore, s'enfuyaient pleins de dégoût aussitôt
qu'ils le voyaient. Étrangement, les animaux que Gohar
aimait tant ne supportaient pas non plus sa présence ; et, pour
mettre un comble à sa détresse, même son père et sa mère
n'éprouvaient qu'aversion à son égard chaque fois qu'il
s'approchait d'eux.
Avec le temps, Gohar devint plus laid encore, si laid que,
lorsqu'il atteignit l'âge de quatorze ans, ses parents ne purent
plus tolérer le fait de posséder un fils aussi hideux. Vint un
jour où ils chassèrent sans pitié le malheureux de leur masure,
lui interdisant de jamais reparaître devant eux.
Le pauvre Gohar ne savait que faire ni où aller. Il ignorait
même comment se procurer de la nourriture pour apaiser la
faim qui le tenaillait. Tandis qu'il errait comme une âme en
peine dans les rues du village, affamé, accablé, pleurant toutes
les larmes de son corps, personne ne s'intéressait à son sort.
Les adultes, tout autant que les enfants, ne cessaient de lui
lancer des pierres pour le tenir à distance, comme s'il était un
lépreux, sans qu'à aucun moment, la pensée de son chagrin
et de sa souffrance ne leur vienne à 1'esprit.
282 DANS LE SILENCE DE L'INSONDABLE
* Il est arrivé à l'auteur d'aider de cette façon l'un de ses élèves qui est mort assez
jeune d'une grave maladie. Il était à l'hôpital, plongé dans le coma. L'auteur, qui
était lui-même très malade, ne pouvait pas se déplacer, mais il demanda à la
personne qui était aux côtés du mourant de placer le combiné du téléphone près de
son oreille afin qu'il puisse lui dire les phrases indiquées ci-dessus. Le mourant
ouvrit alors soudainement les yeux. Par la suite, la personne qui restait près du lit
continua à répéter au mourant les mêmes paroles jusqu'à la fin qui, à l'étonnement
des médecins, fut particulièrement paisible.
"Je le dis humblement, mais avec toute la certitude dont je suis
habité : c'est un privilège dans sa vie que d'avoir rencontré Salim
Michaël. Non que j'ai été de ses élèves, mais parce qu'ayant eu la
chance de pouvoir converser avec lui et de le fréquenter durant de
longs après-midi, j'ai pu me convaincre de l'évidente vérité de ce que
j'avais ressenti devant lui dès la première minute :je me trouvais en
face d'un maître spirituel absolument authentique.
En vérité, si je voulais caractériser Salim Michaël, ce serait par ces
trois mots, ou trois expressions : une rigueur toujours en éveil, une
exigence insatiable, une expérience intérieure indubitable, et sans
doute menée jusqu'aux limites de l'humainement supportable.
Il y a chez lui une force d'évidence : il n'invite à rien qu'il n'ait
d'abord expérimenté lui-même -et quand on le voit assis en lotus
devant soi, tout pétri de concentration et d'une attention soutenue au
plus petit des détails, quand on voit comme il hésite quelquefois sur le
mot qu'il lui faut prononcer tant il a peur de le mal choisir, de trahir
ainsi le fond de son message et de vous induire malgré lui sur la voie
de l'erreur, on ne doute pas un instant de ces moments d'enstase qu'il
rapporte avoir vécu. Moments qui lui créent un devoir, la plus impé-
rieuse des obligations : guider avec rigueur - ce qui ne veut pas dire
sans compassion - chacun de ses élèves sur ce royal chemin qu'il a
lui-même balisé." Michel Cazenave
ISBN : 2-84445-677-4
18 €
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9 782844 456779