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Chapitre IV La Détermination des Prix des Terrains urbains

Au terme de ce cours, l’étudiant doit être à mesure de :

● d’énoncer et de s’approprier les lois générales de l’offre et de la demande

● de comprendre la notion de terrain comme bien économique et saisir sa


complexité

● de comprendre les différentes théories et modèles relatifs à la formation


des prix des terrains urbains

IV.1 Généralités sur l’offre et la demande d’un bien ou service

Les lois générales de l’offre et de la demande formulent de manière précise


que :

- Lorsque, au prix courant, la demande excède l’offre, le prix a tendance


à monter. Inversement, lorsque l’offre excède la demande, le prix a
tendance à baisser.
- Une hausse des prix a tendance, tôt ou tard, à restreindre la demande
et à augmenter l’offre. En sens inverse, une baisse des prix a tendance,
tôt ou tard, à restreindre l’offre et à augmenter la demande.
- Le prix a tendance à s’établir à un niveau où la demande est égale à
l’offre.

En d’autres termes, si nous partons de l’hypothèse que la demande est


supérieure à l’offre, le prix aura alors tendance à monter. Après cette
hausse, l’offre sera plus forte, tandis que la demande s’effondrera et
l’excédent de la demande aura ainsi diminué. Toutefois, s’il reste une
partie de cet excédent, les mêmes réactions vont continuer à se produire :
le prix va encore augmenter et pour la même raison, la demande sera de
nouveau freinée et l’offre stimulée.

De manière générale, l’action de ces forces va persister jusqu’à ce que tout


l’excédent de la demande sur l’offre soit éliminé. Si nous prenons l’autre
hypothèse que l’offre est supérieure à la demande, la chaîne inverse de
séquences va se dérouler.

L’illustration graphique de cette situation se présente comme il suit :


Dans la figure1 la courbe DD’ représente la Demande. Si l’on prend un point Q
quelconque sur la courbe concernée et qu’on abaisse la perpendiculaire QN sur
l’abscisse OX, alors ON représentera la quantité qui sera demandée à un prix
figuré par QN ou Oi. Par ailleurs, les distances mesurées le long d’OY
représentent des prix et les distances mesurées le long d’OX représentent des
quantités de produits ou services. Il est donc clair que la courbe de la demande
DD’ doit s’abaisser graduellement de gauche puisque plus le prix requis est bas,
plus le montant demandé est grand.

De même, la courbe SS’ représente l’offre. Si on prend un point q quelconque


sur cette courbe et qu’on abaisse la perpendiculaire qN à l’axe OX, alors ON
représentera le montant qui sera offert à un prix représenté par Qn ou Ok. Il
est aussi clair la courbe d’offre doit s’élever graduellement de gauche à droite
puisque plus le prix à obtenir est élevé, plus la quantité de produits offerts sera
grande.

Prenons maintenant le point le point P ou les deux courbes se coupent et


abaissons la perpendiculaire PM à l’axe OX, alors la troisième loi confirme que
PM ou Om représentera le prix auquel le produit ou le service sera échangé.

En conclusion, on pourra facilement se rendre compte qu’aucun autre prix ne


pourrait être maintenu. Car en supposant que le prix soit inférieur à Om, par
exemple qu’il soit égal à Ok , alors à ce prix, ON ou kq deviendra le montant
offert, et kr la quantité demandée.
La demande excédera ainsi l’offre et le prix aura tendance à monter, c’est-à-
dire à s’élever vers om. De même, si nous supposons si nous supposons que le
prix est de ol, lequel est plus élevé que om, l’offre (lR) excédera la demande et
le prix aura tendance à s’abaisser vers Om.

Notons également que ces courbes ne représentent pas des quantités


déterminées, mais des séries de relations entre quantités et prix ; si le prix est
QN, la quantité demandée est ON et ainsi de suite.

IV.2 Accroissement de l’offre et de la demande

La demande et l’offre, comme nous avons eu à le souligner plus haut sont


subordonnées au prix ; mais dépendent aussi d’autres facteurs. La demande
varie suivant les besoins, les goûts et les habitudes des gens ainsi qu’en
fonction de leurs disponibilités financières.

L’offre, quant à elle dépend entre autres choses, du coût de la production dans
le cas des biens.

Les notions « accroissement » ou « diminution » de la demande ou de l’offre


prêtent souvent à confusion. Aussi pour mieux les saisir, nous les
représenterons également sur un graphique en nous référant à la première
figure.

Fig 2
Dans la figure 2, nous partirons comme précédemment du point d’intersection
de la courbe de demande et de l’offre qui est P. Nous supposons alors qu’une
modification intervient dans les conditions de la demande ; par exemple une
évolution dans le goût du public en faveur de la marchandise ou du service et la
demande a augmenté en proportion. Comment ce fait peut-il être représenté
sur un graphique ?

De toute façon, ce n’est pas en prenant un autre point sur la courbe DD’ à une
distance plus éloignée de OY. Cela indiquerait simplement qu’il y aurait eu une
plus grande quantité de produits à acheter si les conditions de la demande
étaient restées les mêmes, mais que les vendeurs aient réduit leurs prix.

La manière la plus illustrative de ce changement est de tracer une nouvelle


courbe de demande en pointillé ; la courbe dd’ au-dessus de de la première
courbe de demande et parallèlement à elle. Cela signifie que des quantités
plus importantes seront achetées aux anciens prix. Pareillement, si nous
voulons indiquer une modification dans les conditions de l’offre, comme il
pourrait en résulter, dans le cas d’un produit, par suite d’une taxe imposée sur
sa production, nous devons dessiner une nouvelle courbe d’offre ss’, laquelle
dans l’hypothèse envisagée épousera l’ancienne courbe à une ordonnée
supérieure.

En tout état de cause, le fléchissement ou l’accroissement de la demande ou de


l’offre, résultant d’un changement de prix est représenté simplement par un
déplacement de l’équilibre d’un point à un autre sur la même courbe. Le
contraste frappant entre un mouvement d’une courbe à l’autre et un
mouvement le long de la même courbe fonde la distinction essentielle entre un
changement dans les conditions de la demande à la suite d’une évolution des
goûts, d’un accroissement du pouvoir d’achat etc., et une simple modification
de la quantité achetée résultant d’un changement de prix exigé par les
vendeurs.

IV 3 Actions des changements de demande et de l’offre sur les prix


Un accroissement de la demande est représenté dans la figure 2 par un
mouvement de DD’ vers dd’, qui coupe la courbe d’offre SS’ au point p, à la
de demande
droite de P. Puisque la courbe d’offre doit s’abaisser de gauche à droite, le
nouveau prix, pm sera plus élevé que le précédent PM. Inversement, une
diminution de la demande est représentée par un mouvement de dd’ vers DD’
et le nouveau prix est inférieur à l’ancien. Par ailleurs, une diminution de l’offre
qui est représentée par un mouvement de SS’ vers ss’, fait monter le prix et
inversement.

Nous pouvons donc affirmer que de manière générale, l’augmentation de la


demande ou la diminution de l’offre provoque une hausse de prix alors qu’une
diminution de la demande ou une augmentation de l’offre provoque une baisse
des prix.

Nous pouvons donc compléter les autres lois énoncées par celle-ci :

Un accroissement de la demande ou une diminution de l’offre aura tendance à


relever le prix, au moins pour une courte période. Inversement, une diminution
de la demande ou un accroissement de l’offre aura tendance à abaisser le prix,
au moins pour une courte période.

IV.4 Les élasticités demande et offre

3.4.1 Élasticité de la demande

La demande d’un bien répond aux variations du prix de ce bien et nous venons
de le voir plus haut. Mais cette réponse est d’amplitude différente suivant les
biens. Nous allons examiner deux sortes d’élasticité : l’élasticité de la demande
d’un bien par rapport au prix de ce bien et l’élasticité d’un bien par rapport au
prix d’un autre bien que l’appelle élasticité croisée de la demande

- Élasticité de la demande d’un bien par rapport au prix de ce bien (ep)

Elle exprime la réaction de la demande aux variations du prix, les prix des
autres biens et le revenu du consommateur étant donnés.

Elle se définit comme le rapport entre le pourcentage de variation de la


quantité demandée et le pourcentage de variations du prix. Si une baisse
des prix de 1% provoque un accroissement de la demande de 1% on dit
que l’élasticité de la demande est égale à 1.
L’expression mathématique s’écrit :
𝑑𝑞 −𝑑𝑝 𝑝 𝑑𝑞
ep = : = - x
𝑞 𝑝 𝑞 𝑑𝑝

Le signe de l’élasticité est nécessairement négatif puisque prix et quantité


changent dans les directions opposées. Il existe divers cas d’élasticité de la
demande :

• Quand l’élasticité a une valeur numérique inférieure à 1, on dit que la


demande est inélastique ; elle s’accroît moins que proportionnellement lorsque
le prix baisse, elle ne répond guère aux hausses des prix. Les dépenses
diminuent lorsque le prix diminue ou croissent lorsque le prix s’élève.

• Quand l’élasticité a une valeur numérique plus grande que 1, la demande


est élastique : l’accroissement de la demande est plus que proportionnel à la
baisse des prix. Les dépenses s’élèvent lorsque les prix baissent ou diminuent
quand les prix baissent.

• Lorsque l’élasticité est égale à 1, l’accroissement de la demande est


proportionnel à la baisse des prix. Les dépenses sont constantes en dépit en
dépit des changements des prix.

• Lorsque l’élasticité est égale à l’infini, on dit que la demande est


parfaitement élastique.

• Lorsque l’élasticité est égale à 0, on dit que la demande est parfaitement


inélastique ou rigide

De manière synthétique, cette situation se présente sur le tableau ci-après :

Hausse du prix Demande Élasticité- unité Demande


inélastique élastique

Accroissement Dépenses Baisse des


des dépenses constantes dépenses

Baisse du prix Baisse des Dépenses Accroissement


dépenses constantes des dépenses
- L’élasticité de la demande d’un bien par rapport au prix d’un autre bien
ou élasticité croisée de la demande (𝑒𝑐 ).
Elle s’exprime, pour deux biens A et B, par la formule :
𝑑𝑞𝐵 𝑑𝑞𝐴
𝑒𝑐 (B.A) = : il s’agit de 𝑞𝐵 ou 𝑑𝑞𝐵
𝑞𝐵 𝑝𝐴

L’élasticité croisée de la demande mesure la tendance des acheteurs à déplacer


leur demande d’un bien à un autre, quand le prix du premier bien change.

3.4.2 Élasticité offre

L’ampleur de la réaction de l’offre aux variations du prix se mesure par


l’élasticité de l’offre, qui est le rapport du pourcentage de variation de l’offre
au pourcentage de variation du prix. Son expression mathématique est de :
𝑑𝑞 𝑑𝑝 𝑝 𝑑𝑞
𝑒𝑝 = : = x
𝑞 𝑝 𝑞 𝑑𝑝

Les changements dans la quantité et le prix étant de même sens, l’élasticité de


l’offre est toujours positive.

Nous distinguons, comme pour la demande, 5 cas d’élasticité de l’offre.

IV.5 Les caractéristiques particulières de la terre

Nous avons vu précédemment qu’une hausse des prix aura tendance à faire
monter l’offre. Cependant il y a des biens dont l’offre demeure invariable quel
que soit le niveau de la hausse pratiquée sur le marché.

Il en est ainsi de la terre dont l’offre disponible pour des besoins de toute
nature est un facteur spécifique invariable, doté d’une inertie que l’attrait des
variations des prix est impuissant à troubler. Le fait que la terre soit un don
gratuit de la nature la distingue de diverses manières des produits fabriqués
par l’homme.

Ses particularités les plus importantes du point de vue économique sont :

- Que l’offre de la terre est de manière générale, fixe et invariable


- Que sa qualité et sa valeur changent d’un endroit à un autre : ces deux
aspects sont nommés la rareté et la différenciation

IV.5.1 L’aspect rareté


La signification de la fixité de l’offre de la terre peut être la suivante :

Si la demande en terre augmente, le prix tend à augmenter. Cela est vrai


également du moins à court terme, pour un produit ordinaire. Mais dans ce
dernier cas, il se produirait un accroissement de l’offre qui contribuerait à
freiner la hausse du prix, et qui éventuellement, si la production sur une large
échelle entraînait une amélioration des méthodes de production, finirait par
faire abaisser le prix en dessous de son niveau initial.

Dans le cas de la terre, aucune réaction de ce genre n’est possible. Il n’y a


pratiquement rien qui puisse empêcher le prix et le loyer de la terre de monter
indéfiniment et sans limites, si la demande de terre continue à augmenter.

Inversement, si la demande de terre fléchit, il n’y a rien qui puisse freiner la


chute correspondante du prix et du loyer. Dans le cas des produits ordinaires,
l’offre diminuerait car, pour la plupart, s’ils ne sont pas consommés, ils se
dégradent avec le temps ; il faut donc une production annuelle régulière
nécessaire pour maintenir l’offre au niveau existant. Mais la terre subsiste,
qu’elle soit utilisée ou non ; et son offre, d’une manière générale ne peut être
ni réduite ni augmentée. Les variations de demande la terre, dans un sens ou
dans un autre, peuvent donc agir sur son prix dans les proportions beaucoup
plus considérables que ne le ferait un changement correspondant de la
demande dans le cas d’un produit ordinaire.

IV.5.2 L’aspect différenciation

Les produits les plus ordinaires ne sont pas fabriqués sur un modèle unique ou
uniforme. Généralement, il en existe de nombreuses différences de classes et
de qualité et, par conséquent, de prix. Mais ces variations sont en général
destinées à satisfaire les différences de goût entre les acheteurs et il serait
incompréhensible de voir fabriquer une catégorie de produit ordinaire d’une
qualité si inférieure qu’elle n’aura aucune valeur. Mais puisque c’est la nature
qui a créé la terre, sans aucune assistance ni directive de l’homme, il y a de
nombreuses étendues de terrains qui sont si stériles ou impropres, pour
d’autres raisons, à des fins productives, qu’elles sont dépourvues de toute
valeur de point de vue économique. Ce fait permet d’apprécier la notion de
marge. En effet, il faut noter que la valeur d’un terrain ne dépend pas
uniquement de la fertilité intrinsèque de son sol. Le fait que la terre soit un
espace stable confère à sa situation géographique une grande importance.

Ces deux aspects (rareté et différenciation) placent le propriétaire foncier en


situation de monopoleur et lui permettent de récupérer les rentes foncières
élevées.

IV.5.3 Position privilégiée du propriétaire foncier et détermination du prix


d’offre du sol

Le prix d’offre du sol auquel le propriétaire foncier vend le terrain au


promoteur dépend largement des éléments que nous venons d’évoquer. En
premier lieu, lorsqu’un terrain est offert à la vente, dans le cas où aucun
obstacle ne s’oppose à la confrontation des acheteurs éventuels, le promoteur
dont le prix de demande est le plus élevé, réalisera la transaction.

En second lieu, le prix du sol est déterminé par sa localisation elle- même à la
situation du terrain dans l’espace urbain. Dans ce cas, le prix exigé par le
propriétaire foncier est obtenu à peu près dans les mêmes conditions que la
rente foncière chez Marx.

Ce dernier distingue deux sortes de rentes : la rente différentielle et la rente


absolue.

La rente différentielle est celle qui permet, compte tenu de la situation de


certains terrains ou leur fertilité naturelle, au capitaliste qui les exploite, de
dégager un surprofit.

La rente absolue, elle, provient de l’obstacle de la propriété foncière qui peut


attendre avant de permettre l’utilisation de sa terre, que la situation du marché
soit telle qu’elle autorise la possibilité d’obtenir un prix supérieur au prix de
production.

Quoi qu’il en soit, selon Marx, la fixation de la rente sur le terrain à bâtir est
marquée par l’influence prépondérante de la situation sur la rente
différentielle.

IV.5.4 Prix de demande et détermination du prix du sol


En effet, le prix de demande du sol détermine le prix du sol dans la mesure où
le promoteur tendra à aligner son prix sur celui du propriétaire. Généralement,
le promoteur fixe un prix de demande admissible qui est fonction du montant
du loyer du type du logement qu’il veut construire dans le quartier et du taux
d’écoulement des logements existants dans ledit quartier. Pratiquement la
démarche du promoteur est la suivante :

- Il estime d’abord le montant des loyers auquel il s’attend provenant de


sa maison future. Cela suppose qu’au préalable il connaisse à peu près
les montants des loyers qui sont pratiqués dans ces quartiers selon la
structure et la taille des logements.
- Ensuite, il prend en compte le taux d’écoulement des logements c’est-
à-dire le temps qui s’écoule entre le moment où la maison est
construite et celui où elle trouve effectivement un preneur. En d’autres
termes le décalage entre la production du logement et sa localisation
doit être le plus court possible.
Constat nous amène à affirmer que le prix du loyer reste largement
déterminé par les taux de loyers auxquels s’attend le promoteur ; plus
ils sont élevés, plus cher le promoteur est disposé à payer le terrain et
moins élevés ils sont, moins cher le promoteur est disposé à acquérir le
terrain.
Cette situation n’est pas seulement propre aux promoteurs des pays en
développement. En effet dans les pays dits capitalistes et
singulièrement en France, le prix du sol est un élément déterminé par
celui du logement, par le « calcul à rebours » dont le principe a été bien
décrit par TOPALOV.
D’après lui, le principe est le suivant : du chiffre d’affaires global
attendu de la vente du produit final sont déduits du coût de
construction les frais annexes et la marge souhaitée. Ainsi est obtenue
une charge foncière admissible dont sont déduits le coût
d’aménagement du terrain et la participation à verser à la collectivité
locale, pour obtenir un prix maximal d’acquisition du sol ou prix de la
demande. Bien que Topalov raisonne dans le double cadre de la
détermination du prix du logement au lieu du loyer et celui du
logement collectif au lieu du promoteur immobilier capitaliste, les
conclusions restent les mêmes.
La principale réside dans le fait que le prix du sol n’est pas donné à
priori, mais au contraire largement déterminé par les taux de loyer
attendus ou le prix du logement selon l’optique considérée. Il faut
toutefois spécifier que certains économistes font une distinction entre
rente spatiale et la rente foncière.

IV.5 Existence de la rente spatiale immobilière

Le sol est considéré comme un espace constructible. C’est un produit


essentiellement social qui n’existe pas en dehors de l’espace urbain
global.
De même le sol est placé par rapport à une notion plus large, celle
d’espace construit ou espace urbain à trois dimensions. La seule
différence entre un espace construit (tel que le logement) et le sol est
donc la troisième dimension, produite par l’industrie de B.T.P. L’espace
construit est bien le résultat d’un processus de production. Le logement
échangé sur un marché, est un espace construit commercialisé (ce qui
n’est pas le cas de tous : égouts, ponts …). L’aspect commercialisation ou
location met en évidence l’articulation spatiale, autre trait fondamental
des espaces construits : A travers la vente d’un logement, c’est tout un
environnement, un morceau de ville qui est valorisé. Ce qui nous pousse
à poser le problème de la rente urbaine. En particulier on peut se
demander si c’est le sol lui-même qui est générateur de rente, ou si celle-
ci naît au niveau du cadre bâti pour, ensuite être redistribué (en partie
ou totalement) au propriétaire foncier qui n’est autre que le promoteur
immobilier.
La deuxième approche nous semble plus juste, bien que le sol en tant
que tel puisse être aussi à l’origine de certains transferts. Ainsi donc la
valeur du sol urbain est beaucoup plus fonction de l’environnement, des
aménagements de la collectivité et, plus généralement de l’activité
économique qu’il supporte, que de ses qualités propres. En effet,
contrairement à l’agriculture où les possibilités de surprofits sont
étroitement liées aux qualités de la terre, voire du sous-sol, il n’en est
plus de même au niveau urbain. Ce n’est plus le sol en tant que el qui est
générateur de surprofits, mais plus généralement l’espace. Ceci est
valable aussi bien pour les activités de production, de circulation que
pour le logement.
Il semble donc opportun de parler d’une rente spatiale et non d’une
rente foncière pour le promoteur immobilier.
Nous pouvons donc reconstituer ainsi notre démonstration : nous
passons de l’espace constructible (le sol) à l’espace construit, ou cadre
bâti, par la construction qui constitue une amélioration, au regard de son
utilisation économique, en premier lieu. L’espace construit est support
d’activité. La construction apparaît comme un investissement de nature
différente (le bureau, le commerce, le logement), de grandeur différente
(suivant la qualité : logement haut standing, moyen standing…). La rente
urbaine se forme essentiellement au niveau du cadre bâti en fonction de
la rentabilité de ses activités. Ainsi, nous dirons à la suite de Vincent que
la rente spatiale immobilière se définit comme un revenu potentiel lié à
l’appropriation des valeurs d’usage propres à l’espace urbain, produites
socialement, mais valorisées par un capital immobilier à l’occasion de la
production et de la commercialisation d’un espace construit élémentaire
(usine, immeubles de bureaux, logement…)
La rente spatiale immobilière modifie donc sensiblement le loyer en s’y
incorporant. On ne peut cependant confondre les concepts de surprofits
et de rente.
Parmi les revenus du promoteur immobilier, il y a lieu de distinguer ceux
qui sont liés à la rentabilité de son investissement (profits) et ceux qui
résultent de son statut de propriétaire foncier donc de propriétaire
immobilier.
IV.5.5. Approche théorique de la localisation.
Nous venons de mettre en évidence la localisation résidentielle comme
élément déterminant dans la fixation du prix du sol dont prend
généralement en compte le promoteur.
L’analyse que nous avons menée était basée essentiellement sur
l’expérience empirique.
Nous voudrions maintenant confirmer ou infirmer les arguments
avancées par des approches théoriques élaborées ces dernières années
par les spécialistes de l’économie immobilière. Il s’agit pour la plupart de
ces auteurs de tenter par une approche plus théorique d’expliquer les
éléments qui influencent le promoteur dans le choix de la localisation de
sa production. Cette démarche est particulièrement celle de J.F GOUX
qui dans une présentation de modèle de l’université de Caroline du Nord
dans sa version originale élaborée par F.S CHAPIN et S.F WEISS essaie de
démontrer l’importance du phénomène. Nous présenterons d’abord le
modèle ensuite les critiques y afférentes et enfin son application dans la
promotion immobilière capitaliste.
• La formulation du modèle
Les recherches de 1962 ont porté sur quatorze variables explicatives et
trois variables expliquées dont la liste se présente comme suit :
- Variables expliquées

Y1 = Sol urbanisé

Y2 = Densité résidentielle

Y3 = Sol urbanisé utilisé à des fins résidentielles

- Variables explicatives

X1 = Proportion de terrain non utilisé

X2 = Distance par rapport à la plus proche rue importante

X3 = Desserte par le réseau d’égouts

X4 = Proximité d’une école primaire

X5 = Règlement en matière de lotissement

X6 = Agrément résidentiel

X7 = Accessibilité aux zones d’emploi

X8 = Proximité des quartiers de gens de couleur

X9 = Proximité des zones de taudis

X10 = Temps de trajet par rapport au point de la ville où les terrains sont
les plus chers

X11 = Proximité des zones résidentielles


X12 = Distance des terrains de jeux et des aires de loisirs

X13 = Proximité des centres commerciaux

X14 = Valeurs foncières

Les facteurs ainsi mis en évidence ont servi de base pour un modèle visant à
simuler le développement urbain de la ville de GREENSBORO (USA). Ce modèle
est dynamique et simule la « construction d’une ville depuis son ou depuis une
étape intermédiaire donnée, plus précisément il détermine les usages du sol.

Le principe en est le suivant : le sol est divisé en 3980 carrés de 23 acres (19
hectares) environ chacun.

La fonction du modèle est de répartir les ménages dans ces zones en fonction
de leur attractivité et de leur possibilité d’occupation. Le modèle ne part pas
d’une plaine vide

Au contraire, un certain nombre de ces carrés est déjà occupé par ce que nous
pouvons appeler les actions primaires ou structurantes (écoles, rues etc.). Les
zones non constructibles, en fonction du relief ou du plan d’urbanisme, sont
également repérées

Les ménages sont aussi repartis en fonction en fonction d’un indice


d’attractivité déterminé par les équipements structurants (variables
explicatives)

Les actions primaires sont donc exogènes au modèle et les actions secondaires
(localisations résidentielles) endogènes.

En définitive, ces travaux tendent à montrer qu’il existe une relation le


processus de développement résidentiel et un certain nombre de variables qui
correspondent aux caractéristiques socio-économiques des zones étudiées.

Mais les critiques formulées à l’égard de ce modèle à savoir son absence de


densification, des significations des relations constatées entre les
caractéristiques socio-économiques des zones et le développement résidentiel
ont amené F.J. KAISER de la même université à formuler d’autres hypothèses
dans un modèle basé sur la primauté du promoteur immobilier

• Le modèle de F.J KAISER


F.J. KAISER en s’appuyant sur des considérations théoriques accorde au
promoteur immobilier un rôle essentiel en ce qui concerne le développement
urbain. Son modèle simule le comportement économique de ce dernier en
utilisant la théorie néo-classique de la firme. Deux équations permettent d’en
rendre compte : une fonction-objectif, une fonction de contrainte. Le
promoteur est supposé maximiser son profit en tenant compte des contraintes
de production. Dans une notation mathématique simple, le modèle est le
suivant :

Max. P. = R (𝑌1 ,…,𝑌𝑘 ) –c(𝑋1 ,…,Xn)

Sous la contrainte :

F(X1,….,Xn, 𝑌1 ,….𝑌𝑘) ) = 0

P est le profit unitaire

R est le produit des ventes en fonction des caractéristiques 𝑌1 à 𝑌𝑘 des


logements

c’est la fonction du coût en fonction des inputs 𝑋1 à 𝑋𝑛

F est une fonction de production précisant les contraintes techniques entre les
inputs(X) et les outputs(Y).

Le promoteur va avoir le choix entre différentes caractéristiques du logement à


produire (qualité, site, standings, etc..) dans la mesure où beaucoup de ces
caractéristiques dépendent de la localisation résidentielle. Les caractéristiques
du site sont donc un élément essentiel dans la décision du promoteur, en effet
elles interviennent en tant que facteur de production ( topographie,
accessibilité), en tant que paramètre de la fonction de production( technique
de construction imposée) et en tant que contrainte au niveau de l’output(
Zoning, prix).

Kaiser note d’autre part l’influence déterminante d’un autre élément ; le type
de promoteur concerné. Suivant la taille de l’entreprise, ses activités
principales, son ancienneté, etc.. la fonction de production sera différente :

Enfin, il reste à prendre en compte les préférences d’un consommateur repéré


à travers le mécanisme du marché immobilier.
Le niveau de prix est censé rendre compte de ce dernier phénomène

Le modèle prend alors la forme suivante :

Max. d, mP =[ R( 𝑌1 ,…., 𝑌𝑘 ) – sc( s𝑋1 ,….s𝑋𝑒 , 𝑋𝑒 +1,…𝑋𝑛 )]

Sous la contrainte :

d, sF( 𝑌1 ,…, 𝑌𝑘 , s𝑋1 ,…s𝑋𝑒 , 𝑋𝑒 +1,…𝑋𝑛 )

d= influence du promoteur

m= influence du marché

s= site

En définitive, le promoteur immobilier est soumis à deux sortes de contraintes :


celles provenant du propriétaire foncier monopoliste et qu’on peut appeler
contrainte exogène et celles provenant de la localisation et que Kaiser appelle
« contrainte de localisation résidentielle » et qui sont inhérentes l’acte de bâtir.
D’autres modèles méritent d’être examinés.

• Le modèle de L. WINGO

L’idée qui sert de base à cet auteur est la suivante : le centre est un lieu
privilégié avec lequel chacun a de nombreux contacts. Cette préférence a priori
pour le centre étant admise, chaque individu va déterminer, en fonction de son
revenu, une somme totale affectée à la couverture de son logement et de ses
dépenses de transport.

Le coût du logement est le produit du prix de l’unité du sol par la quantité de


sol utilisée, le coût total du logement tient compte du coût monétaire des
déplacements et de la valeur monétaire du temps de trajet.

Ainsi, pour un revenu donné, un individu arbitre à l’intérieur d’une somme


donnée (couvrant le logement et le transport). Pour minimiser les dépenses de
transport et accroître ainsi la surface de son logement, il recherchera une
localisation proche du centre. Mais, chacun agissant ainsi, le prix de l’unité du
sol central s’élèvera, ce qui dissuadera certains de se rapprocher du centre.
Finalement, le prix du sol décroîtra du centre à la périphérie parallèlement à la
croissance des dépenses de transport.
La densité d’occupation sera supérieure au voisinage du centre puisque les
occupants potentiels, arbitrant entre quantités et prix, pour une somme totale
donnée, accepteront un logement plus petit pour bénéficier de la proximité du
centre.

Un double arbitrage intervient donc : entre dépenses de transport et de loge

ment ; entre prix de l’unité d’espace et quantité d’espace.

• Le modèle de R. MAYER

L’originalité de ce modèle est que loin de partir du centre pour montrer que la
décroissance des valeurs foncières vers la périphérie, il prend comme point de
départ le niveau du prix du sol aux limites de l’agglomération. C’est donc
l’évolution du prix du sol péri-urbain qui se transmet en ville : la hausse des prix
fonciers urbains dépend de la hausse du prix du sol aux limites de
l’urbanisation.

Le prix du sol à la périphérie dépend de deux sortes d’éléments :

‒ La valeur du sol agricole et les coûts des équipements urbains

‒ Une rente d’anticipation et une rente de rareté

En deçà des limites de la ville, le prix de base va être majoré en fonction des
économies de temps progressivement réalisées par le rapprochement du
centre.

Il faut cependant préciser un certain nombre de choses : par exemple connaître


le nombre de déplacements effectués vers le centre, déterminer la valeur du
temps de transport, la vitesse des déplacements, et les axes équipés.

On peut également introduire l’existence de plusieurs centres (plusieurs pôles


attirant les déplacements), différencier les catégories sociales selon leurs
schémas de déplacement, affiner l’analyse des vitesses de parcours…

Finalement, le prix du sol urbain est, pour l’essentiel, fonction de la croissance


urbaine (extension des limites de l’agglomération, croissance des dépenses
d’équipements aux franges de l’urbanisation), et aussi de la densité et de la
rapidité des moyens de communication. Ce modèle de prix du sol est aussi un
modèle de localisation des logements : les valeurs foncières étant connues
(d’après les facteurs relevés ci-dessus), chaque ménage arbitrera entre le prix
du logement qui varie dans l’espace urbain en fonction du prix du sol, et la
valeur de ses déplacements.

Celui qui valorise davantage son temps résidera donc près du centre alors que
celui qui lui attache une faible importance s’en éloignera.

Résumé

La demande est une fonction décroissante du prix alors que l’offre est une
fonction croissante du prix. Il est dès lors possible d’apprécier la variation d’un
bien à travers les différentes élasticités. On parlera alors des élasticités
demande ou offre et dont les expressions mathématiques sont connues.

S’agissant du bien terre, il est de par sa nature différent des autres biens
économiques.

Dans ces conditions, le processus de formation des prix de ce bien s’en trouve
fondamentalement modifiée en remettant en cause les lois de l’offre et de la
demande précédemment énoncées.

Les théories et les modèles présentés sommairement plus haut en sont une
belle illustration.

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