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par
J. CARTELIER
John-Maynard KEYNES, né l’année de la mort de Karl MARX en 1883, d’un père professeur de logique
et d’économie à Cambridge, John-Neville, étudie d’abord les mathématiques. Il s’intéresse rapidement à
l’économie politique sous l’égide de maîtres tels que MARSHALL ou PIGOU il entre dans le service
public en 1906. Dès son premier livre, lndian Currency and Finance, publié en 1913, il acquiert une
certaine notoriété. Chargé des relations internationales au Trésor il exposa ses propositions de soutien
financier de l’Allemagne lors du Traité de Versailles dans l’ouvrage Conséquences économiques de la paix,
en 1919. En plus de ses activités d’universitaire et d’économiste, il se lança dans la spéculation en devises
et en matières premières. Après avoir dénoncé un éventuel retour de la livre à sa parité d’avant-guerre en
1925, il publie en 1930; le Traité sur la monnaie, qui marque une rupture avec les théories passées . Ce
n’est cependant qu’avec sa Théorie générale, qu’il devient le fondateur d’un nouveau courant de pensée .
Après avoir essayé lors de la Conférence de Bretton Woods en 1944, d’imposer le ‘Bancor’, il meurt en
1946.
Il est intéressant environ soixante ans après de s’interroger sur la portée du legs de cet auteur. Ainsi
conviendrait-il d’analyser les écrits de Keynes profondément axés sur la macro-économie et souvent en
rupture avec les classiques avant de relever les différentes influences de son œ uvre en économie politique.
Il apparaît cependant que les idées keynésiennes dans leur unité n’ont jamais été modélisées mais ont
plutôt été incorporées dans la théorie économique dominante. De plus, l’héritage keynésien semble avoir
été interprété de bien différentes façons comme en témoigne les qualificatifs des écoles “post-
keynésiennes”, “néo-keynésiennes”, ou “keynésiennes radicales” ... il n’en reste pas moins que l’économie
de Keynes constitue une alternative aux stratégies économiques dominantes malgré les tentatives de
récupération et d’absorption par l’économie néoclassique . La singularité de l’économie de Keynes repose
sur la divergence d’intérêts entre entrepreneurs et non-entrepreneurs, refusant ainsi la loi de Walras, mais
aussi sur une économie monétaire incertaine propice à une trappe à liquidités. L’intérêt dominant des
entrepreneurs associés à la limitation de l’accumulation du capital du fait de la préférence pour la liquidité
justifie la possibilité d’équilibre avec chômage involontaire. Il en reste néanmoins que la pensée
keynésienne a permis l’élargissement du champ théorique de l’économie académique tout en conservant
ses perspectives propres en matière d’analyse économique.
Tout en centrant son analyse sur la détermination des prix monétaires, Keynes insiste tout
particulièrement sur le rôle du pouvoir d’achat de la monnaie
- La monnaie est également plus ou moins administrée par l’Etat, “managed monev”, qui fixe les
règles de l’émission monétaire et joue ainsi sur sa valeur. L’émission des moyens de paiement est alors la
principale et unique tâche monétaire confiée aux autres agents économiques dont la banque centrale sans
contrepartie
- Keynes distingue enfin, les “dépôts de revenus” ou encaisses de transaction des “dépôts
d’épargnes” constitués des encaisses de précaution voire de spéculation, ces motifs étant déterminant
puisque relevant des décisions aléatoires de chaque agent
Selon cette dernière, un lien peut être établi entre la valeur d’un flux de paiement MV et la valeur PT des
transactions réalisées durant l’unité de temps. La valeur de la monnaie est alors inversement
proportionnelle à la quantité de monnaie employée, si V est constant et indépendant de M . On suppose
de plus que les prix relatifs et les quantités échangées sont indépendantes des variations de M , puisqu’ils
sont fixés par les conditions d’équilibre des marchés de biens et de facteurs à l’écart de tout phénomène
monétaire. Il y aurait alors dichotomie entre secteur réel et monétaire. A cela, Keynes oppose une vitesse
de circulation variant selon l’importance des dépôts d’épargne, l’intervention endogène des banques
secondaires sur la masse monétaire et l’indissociation entre prix monétaire et prix relatif. Revenons enfin
sur certaines définitions clefs
- Par revenu, Keynes entend le revenu monétaire social, “community’s monev income”, soit la
somme des revenus des facteurs dont les salaires, les intérêts, les loyers,.., le profit normal de
l’entrepreneur - le profit constituant la différence positive entre les recettes et le coût de production, ce
qui pourrait correspondre à la définition de l’épargne : différence entre revenu et dépenses de
consommation
(1> QQc~Q~
Q : volume de la production
Qc: volume des biens de consommation agrégats à prix constant
Q1 : volume des biens d’investissement
Comme Q = Q0 + Q1
Alors E (E/Q) (Qc + Qi)
Donc PQ0 = (E/O) (Oc + Qi) - 5
Selon cette équation fondamentale, le prix monétaire des biens de consommation est déterminé par le
coût moyen de la production totale (E/O) et par la différence entre le coût de production des biens
d’investissements et l’épargne
De même, l’indice global des prix monétaires P est donné par l’équation fondamentale
P =(PQc + P’Q1) / Q
(3) P=[(E-S)+ Il/Q
(3) P=(E/Q)+(l-S)/Q
Le pouvoir d’achat général de la monnaie (hP) dépend du coût moyen en facteurs (E/O) et de
l’importance relative de la consommation
- 2 Remarques sur les équations fondamentales:
Ces identités comptables doivent servir selon Keynes à des fins d’analyse dynamique du niveau des prix
et de la transition d’une position d’équilibre à une autre, l’équilibre se caractérisant par la formule P =
E/Q , avec 1’ = S et I = S
Les profits des entrepreneurs seraient alors nuls. Si la dépense d’investissement est différente de la
dépense d’épargne alors les profits (I - S) au plan global ne seraient pas nuls et les prix monétaires seraient
en situation de déséquilibre.
Au plan global, les profits des entrepreneurs sont de plus donnés par la relation :1* + (E - S) - E = I - S
En absence de profit S, le pouvoir d’achat général de la monnaie I/P est alors défini par E/Q
Keynes diverge alors de la TOM par le rôle moteur des profits dans la dynamique monétaire. En outre, il
place la théorie monétaire au cœ ur des décisions entrepreneuriales et abandonne un paradigme
dichotomique
Lignes directrices de l’économie de Keynes, ces équations fondamentales seront également largement
présentes dans la Théorie générale.
F0 = ~ a / (1 - i)
(5) F0 (a/j) ((1 — (I /(1 + i)t] Au bout d’une seule période soit t = 1, F0 a / i + i
S’il n’existe pas de terme à la rémunération, soit t —> x , F0 = a / i
En ce qui concerne les actifs financiers négociables sur un marché, le produit total à la période t1 dépend
de la somme du revenu, ou dividende, en t0 et de la plus-value ou de la moins-value escomptée.
L’anticipation est variable selon le comportement des agents, qu’ils soient “baissiers” ou “haussiers”.
Soit “i” le taux de l’intérêt et V1e le prix attendu à la période suivante, alors, V0 a + V1e - V0 Ce qui sous
entend :
(6) Vo=(a+Vie)(1 +i)
La valeur présente sur le marché des titres dépend donc de l’anticipation sur le prix futur ; si l’anticipation
est juste alors V0 = F0
Le taux d’intérêt:
L’attitude générale du système bancaire quant aux conditions de crédit et la politique menée par la Banque
centrale déterminent conjointement avec l’opinion du public sur les prix futurs des titres, la composition
des patrimoines financiers
L’investissement:
Ici le choix d’acquisition ne porte que sur les nouveaux biens d’investissement. Ces derniers étant la
contrepartie d’un certain coût. Le taux de rentabilité économique de l’investissement décroît avec
l’importance du prix de ce dernier. Ainsi, la demande P’(l) décroît avec le montant total de
l’investissement. Pour un coût de production (I/O) croissant, il existe un équilibre au coût 1* et au prix ~
au-delà duquel plus aucun entrepreneur n’est incité à le demander ou à le produire
£ .~v’-~
o Q~ Qmax
De plus, les entrepreneurs doivent prendre en compte le taux de rentabilité financière en vue d’un
éventuel investissement, ne serait - ce que pour vérifier que P~ soit supérieur ou égal au coût de
l’emprunt. Ainsi le prix des biens d’investissement P’ est déterminé bien différemment du prix P des biens
de consommation puisqu’il prend en compte des considérations patrimoniales, mais il ne tient pas compte
du montant du revenu ni de l’arbitrage entre épargne et consommation. Ainsi le prix des biens
d’investissement P’ est déterminé bien différemment du prix P des biens de consommation puisqu’il
prend en compte des considérations patrimoniales, mais il ne tient pas compte du montant du revenu ni
de l’arbitrage entre épargne et consommation
L’activité économique:
Ici, les mouvements du revenu, de la consommation et de l’investissement tiennent une place bien plus
déterminante que les prix monétaires pour une quantité fixée. Il considère comme élément le plus
fréquent et le plus important du processus causal des changements de la vie économique, la création
d’emplois de la part des entrepreneurs, “au taux courant de rémunération” en fonction des profits Keynes
propose ainsi la “parabole de l’économie bannière” : il suppose une économie ne produisant qu’un seul
bien de consommation, la banane, et de surcroît en équilibre. (I = S). La seule alternative à ce cercle
vicieux est un rétablissement de l’équilibre entre épargne et investissement pouvant provenir de trois
hypothèses:
- la production cesse et la population est éliminée par la famine,
- la pauvreté croissante atténue l’incitation à l’épargne,
- l’investissement est stimulé et parvient à rejoindre le niveau de l’épargne.
Dès lors l’indépendance du prix des biens d’investissement signifie k = 0, c’est à dire que les profits sont
intégralement dépensés en biens d’investissement et FI0. 1’ - S. A l’opposé si k = 1, et que les profits sont
intégralement dépensés en biens de consommation H1 = S.- 1’ . Cependant Keynes ne peut accepter la
thèse de Kahn puisqu’il se conformerait alors à la loi de Walras (la somme des valeurs des écarts entre
demandes et offres est toujours nulle quels que soient les prix). Lorsque l’on modélise la somme des
différences entre offre et demande sur chacun des trois marchés (deux de biens et un de titres), on
s’aperçoit que chez Keynes cette somme est égale à H sauf à l’équilibre où elle vaut zéro. La loi de Walras
s’applique néanmoins au modèle de Kahn qui n’envisage pas l’existence de dépenses autonomes non
issues d’un revenu et plus particulièrement l’autonomie des dépenses d’investissements. Kalecki abonde
également dans l’interprétation de Keynes en déclarant que “les capitalistes gagnent ce qu’ils dépensent
tandis que les salariés dépensent ce qu’ils gagnent”.
Cette notion d’équilibre et de point fixe sera largement exploitée dans la Théorie générale. En outre
Keynes adopte, en réponse à une autre omission, la théorie traditionnelle démontrant que les profits
”purs” des entrepreneurs sont nuls, mais que leur seul profit correspond juste à leur productivité
marginale, ce qui les conduit à obtenir la situation de l’équilibre pour laquelle l’activité est maximale. Celle-
ci nécessite des anticipations de la part des entrepreneurs. Les anticipations tiennent de plus une part
capitale de la Théorie générale dans les “paramètres de l’économie monétaire” outre la quantité de
monnaie: la préférence pour la liquidité.
Outre l’affirmation de l’existence d’équilibres avec chômage involontaire en dépit de la flexibilité des prix,
Keynes rentre en rupture avec l’économie néoclassique par l’asymétrie entre entrepreneurs et salariés,
mais aussi par le rôle qu’il confère au taux d’intérêt, simple arbitre entre les formes de détention des actifs
financiers (liquidités/titres...).
Le prix actuel d’un titre dépend ainsi de la précision de sa valeur à la période suivante, prévision
dépendant du sentiment “baissier” ou “haussier” en rapport avec le comportement de l’ensemble des
autres agents, ce qui sous-tend une certaine fragilité de l’économie liée à l’hétérogénéité de fait des agents.
La production est fonction d’un capital K donné avec une quantité de travail N
(2) q=F(N.k)
Selon la loi de Walras, la valeur des demandes totales est toujours identique à la valeur des offres totales
La loi de Walras repose cependant sur l’hypothèse selon laquelle les agents règlent individuellement la
valeur de leur offre en fonction d’une variation éventuelle de la valeur de leur demande et vice versa.
Ainsi, lorsque l’équilibre est établi sur le marché des biens et des titres, il l’est forcément sur le marché du
travail, ce que rejette justement Keynes.
Alors que Keynes admet simplement en situation la LWR de chômage involontaire, on est tenté
d’envisager un ajustement sur le marché du travail (la LWB correspondrait à la loi de Walras), ce que
récuse Keynes par la rigidité du salaire nominal. Cette rigidité est particulière puisque le déséquilibre sur le
marché du travail (non soumis à la LWR) n’est pas compensé par d’autres marchés. Pour Keynes, il ne
peut y avoir une égalité de statut des agents vis-à-vis de l’emploi contrairement au marché des biens et des
actifs. Le niveau de l’emploi est en fait issu de la réaction des entrepreneurs au déroulement économique
(taux de l’intérêt) facteur déterminant les salaires. Contrairement aux classiques, il ne croit pas à la
formation du salaire réel issu d’un consensus.
A partir de cette relation, il est possible de déterminer le prix nominal pA ainsi que le revenu nominal
d’équilibre pAqA. Ainsi, le niveau nominal des prix est fixé à l’origine. Il est possible d’envisager de plus
un ajustement de NAà N~. en supposant la flexibilité du salaire nominal, agissant sur l’offre de travail et
sur la demande effective. Keynes raisonne à partir d’un marché de type séquentiel, du fait de l’absence
apparente de l’ajustement de marché. Néanmoins, le marché selon Keynes, peut répondre à une situation
de déséquilibre par un processus effectif d’ajustement se concluant par l’équilibre, ce qui était
inconcevable sur le marché des néoclassiques.
F0 = Zt [(a/I +j)t]
Soit e, l’efficacité marginale d’un capital ou taux de rendement interactif du projet et 1’ la valeur de
l’investissement envisagé
l’=Zt[(a/(l +e)t]
La demande effective:
“Dans un état donné de la technique, des ressources et du coût de facteur
par unité d’emploi, le volume de l’emploi est gouverné par le montant des recettes que les entrepreneurs
espèrent tirer du volume de production qui lui correspond”(TG p.46)
Afi d’évaluer le montant de ces recettes, l’entrepreneur doit évaluer les dépenses de consommation grâce
à la relation entre revenu et consommation (courbe de la demande globale.
Soit N le niveau de l’emploi
D1 le niveau de l’investissement ~‘ en unités de salaire
D2 le niveau de la consommation j
Au niveau global, la courbe de la demande globale D, (Di +D2) est une fonction de l’emploi (D(N)) et D2
évolue en fonction de la “loi psychologique fondamentale” - la progression de la consommation se
ralentissant avec le revenu..