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PARACELSISME, NÉOPLATONISME ET MÉDECINE

HERMÉTIQUE DANS LA THÉORIE DE LA MATIÈRE


DE JOSEPH DU CHESNE À TRAVERS SON
AD VERITATEM HERMETICJE MEDICINJE (1604) ,',

HIRü HIRAI **

1. Introduction

L'intérêt pour les travaux de Paracelse (v. 1493-1541) s'est revivifié en Europe aux
alentours de 1560, soit vingt ans après sa mort. L'historien 1. Thomdike a qualifié
ce phénomène de "renouveau paracelsien" (paraeelsian revival) 1. La recherche, l'é-
dition et la traduction des manuscrits du médecin suisse ont été menées avec ferveur.
Des personnages tels que Michel Toxites (1514-1581), Adam de Bodenstein (1528-
1577), Jacques Gohory (1520-1576) et Gérard Dom (fI. 1566-1584) ont largement
contribué au développement de ce mouvement. Puis; vers 1570, plusieurs écrits
défendant l'ensemble de la philosophie p~racelsienne oht commencé à apparaître.
Parmi ces ouvrages, le plus important est sans doute celui de Pierre Séverin (peder
Sorensen) (1540142-1602) le Danois 2. L'impact de son chef-d'œuvre Idea medicina:
philosophica: (Bâle, 1571) était si profond qu'il a immédiatement reçu une attaque
sévère de la part du chef des anti-paracelsiens, Thomas Êraste (1524-1583), profes-
seur de médecine de l'Université de Heidelberg, dans le deuxième volume de ses
Disputationes de medicina nova Philippi Paracelsi (Bâle, 1572) 3. Ce débat sur la

* Je voudrais remercier messieurs Robert Halleux, Bernard Joly et Antonio Clericuzio pour avoir lu
la version originale de cet article dans ma thèse de doctorat: Le concept de semence dans les théo-
ries de la matière à la Renaissance: de Mamie Ficin à Pierre Gassendi (Univ. de Lille 3, 1999), qui
sera prochainement publiée danda 'Collection de travaux de l'Académie internationale d'histoire
des sciences' chez Brepols, Turnhout.
1 L. Thorndike, A History o/Magic and Experimental Science (New York, 1941), V, 617-651. Voir
aussi A. G. Debus, The English Paracelsians (London, 1965); Id., The Chemical Philosophy (New
York, 1977); Id., The French Paracelsians (Cambridge, 1991); D. Kahn, Paracelsisme et alchimie en
France à Iq/in de la Renaissance (1567-1625), thèse de doctorat (Univ. de Paris IV, 1998).
2 Sur Séverin, voir Dictionary 0/ Scienti/ic Biography (désormais DSB), 12 (1975), 334-336; Debus
(1977),128-131 et passim; J. R. Shackelford, Paracelsianism in Denmark and Norway in the 16'h and
17,h Centuries, thèse de doctorat (Univ. of Wisconsin, 1989).
) Voir J. R. Shackelford, "Early Reception of Paracelsian Theory: Severinus and Erastus", Sixteenth
Century Journal, 26 (1995),123-135. Sur Éraste, voir C. D. Gunnœ,Jr., "Thomas Erastus and his
Grele of Anti-Paracelsians"',iil J. Telle (éd.), Analecta Paracelsica (Stuttgart, 1994), 127 ·148; Id.,

,'* Centre d'histoire des sciences et des techniques


ParaceIsisme, néoplatonisme et médecine hermétique 11
10

nouvelle médecine paracelsienne appuyée par de nombreux chymistes a tout de l'origine et des causes des métaux (1575). 8 Il est devenu médecin ordinaire et agent
suite pris une ampleur non seulement germanique mais européenne et s'est prolon- diplomatique d'Henri IV (v. 1591) et s'est fixé à Paris (v. 1596).9 Quoiqu'il n'ait pas
gé au moins jusqu'aux premières décennies du dix-septième siècle. La vive tension publié d'écrits médicaux et chymiques depuis son Sclopetarius (1576), il a montré la
entre les Galénistes de la faculté de médecine de Paris et les médecins protestants de continuité de son intérêt pour la philosophie naturelle dans le poème mythologique
la cour d'Henri IV siégeant à la capitale a pris notamment une place centrale. Dans et cosmologique du Grand miroir du monde (Lyon [Genève], 1587; 2e éd. augmen-
le camp de la cour, c'est Joseph Du Chesne (1546-1609), connu sous le nom latinisé tée 1593). 10 Entre temps, il a accumulé des recettes de préparations chymiques de
de Quercetanus, qui a été le porte-parole de la communauté des médecins chymis- médicaments. Cette activité a abouti à la cristallisation de la Préparation des médeci-
tes 4. Pourtant, son paracelsisme était bien modéré, loin du militantisme des pre- nes dogmatiques publiée d'abord avec le De priscorum philosophorum verte medicinte
miers partisans allemands. Son intérêt principal était de défendre la valeur de l'art materia à Saint-Gervais près de Genève en 1603. 11 Elle sera augmentée sous le titre
chymique et son application médicale. Nous pouvons témoigner de son attitude de Pharmacopée des dogmatiques restituée (Paris, 1607) qui deviendra un best-seller
envers le paracelsisme dans la phrase suivante qui est aujourd'hui assez connue: de ce genre durant la première moitié du siècle 12, tandis que le De priscorum a pro-
voqué sa réfutation par un anonyme dans un livret intitulé Apologie pour la médeci-
Quant à Paracelse, mon intention n'est pas d'entreprendre la défense de sa ne d'Hippocrate et de Galien contre le livre de Quercetanus (Paris, 1603). U En réali-
Théologie, aussi n'ai-je donc pensé à le favoriser en toutes choses, comme si je té, son auteur était Jean Riolan, le père (1539-1605) de la faculté de médecine de
m'etais obligé par serm~nt à tenir et suivre tout ce qu'il peut avoir dit. Mais
outre le témoignage qu'Erasme lui rend en quelques Epitres, j'oserai bien dire Paris, qui était menacé par la montée du paracelsisme dans la capitale. Le chymiste
et soutenir que plusieurs des remèdes qu'il a prescrits sont presque divins et gascon lui a répondu immédiatement par l'Ad veritatem hermeticte medicinte (Paris,
tels que la postérité non méconnaissante ne les pourra jamais assez admirer et 1604).
publier, j'ai espérance d'en discourir ailleurs. 5 Nous pouvons trouver dans cet Ad veritatem hermeticte medicinte les fondements
de la philosophie naturelle de Du Chesne qu'il a peu montrés jusque-là, certaine-
Né à Lectoure en Gascogne, le jeune huguenot, fils de médecin, a étudié la chi- ment en raison de so~ principe, celui de ne pas s'impliquer dans les aspects théolo-
rurgie, peut-être durant une courte durée, à l'Université de Montpellier avant de tra- giques du paracelsisme. Bien que ce traité mérite des analyses approfondies dans ses
vailler comme chirurgien militaire. Il s'est installé à Genève en 1574. C'est aux envi- aspects doctrinaux, il a été très peu étudié par les historiens. En fait, les deux analy-
rons de cette époque qu'il a commencé à fréquenter le milieu paracelsien et surtout ses, dont l'une de R. Hooykaas, qui a modestement abordé le texte pour son étude
le cercle de Théodore Zwinger (1533-1588) de l'Université de Bâle 6. Il a reçu en sur l'histoire du concept d'élément, et l'autre d'A. G. Debus, qui a examiné
1575, soit à l'âge de 29 ans, le doctorat en médecine dans une circonstance assez par-
ticulière, c'est-à-dire dans la maison privée de son maître Zwinger, hors des règles
ordinaires de l'Université 7. Puis, il s'est impliqué dans la fameuse polémique sur la
8 Voir Debus (1977), 148-153; 1. Zinguer, "Aubert-Duchesne dans le débat paracelsien", in H.
transmutation des métaux par la publication de la Brève réponse à Jacques Aubert de Schott et 1. Zinguer (éds.), Paracelsus und seine internationale Rezeption in der Irühen Neuzeit
(Leiden, 1998), 131-145, semble contenir des erreurs. Cf. Kahn (1998), 216-237.
9 Sur la cour d'Henri IV et les médecins paracelsiens, voir H. Trevor-Roper, "The Sieur de La
"Erastus and Paracelsianism: Theological Motifs in Thomas Erastus' Rejection of Paracelsian Rivière, Paracelsian Physician of Henry IV", in A. G. Dehus (éd.), Science, Medicine and Society in
Natural Philosophy", in A. G. Dehus et M. T. Walton (éds.), Reading the Book 01 Nature the Renaissance (New York, 1972), II, 227-250; Id., "The Paracelsian Movement", in Renaissance
(Kirksville, 1998),45-65. Essays (London, 1985), 149-199, ici 169-176; Id., "The Court Physician and Paracelsianism", in V.
4 Voir DSB, 4 (1971),208-210; P. Lordez, Joseph Du Chesne, Sieur de la Violette, thèse de doctorat Nutton (éd.), Medicine at the Courts 01 Europe, 1500-1837 (London, 1990), 79-94; Id.,
(Univ. de Paris, 1944);J. R. Partington, A History olChemistry (London, 1961), II, 167-170; Debus "Paracelsianism made Political, 1600-1650", in O. P. Greil (éd.), Paracelsus (Leiden, 1998), 119-
(1965), 87-101; Debus (1977),100-109,148-153 et 160-168; Deblls (1991),33-35 et 51-59; Kahn 133, ici 123 et 126-127; Kahn (1998).
(1998),210-244,291-312,542-555,627-673 et passim. 10 Ce poème comportant bien des intérêts scientifiques a été peu étudié par les historiens. Voir A.-
5 J. Du Chesne, Response à l'Epistre di/lamatoire d'Aubert par laquelle il tache de renverser aucuns M. Schmidt, La poésie scientifique en France au seizième siècle (Paris, 1938),359-369: 1. Gautier,
remedes de ceux qu'il appelle Paracelsistes (Paris: C. Morel, 1630), 94. Nous avons modernisé la "L'activité poétique et diplomatique de Joseph Du Chesne, Sieur de la Violette", Bulletin de la
graphie. Cf. J. Quercetanus, Ad Jacobi Auberti '" brevis responsio, in Theatrum chemicum société d'histoire et d'archéologie de Genève, 3 (1907), 290-311.
(Strasbourg, 1659), II, 151. 11 J. Quercetanus, Liber de priscorum philosophorum verae medicinae materia ". de dogmaticorum

6 Sur Théodore Zwinger et son cercle, voir C. Gilly, "Zwischen Erfahrung und Spekulation: medicorum praeparatione, libri duo (Saint-Gervais, les héritiers d'Eustache Vignon, 1603).
Theodor Zwinger und die religiose und kultureile Krise seiner Zeit", Basler Zeitschri/t lür 12 Pour une analyse, voir G. Devaux, "Quelques aspects de la médecine et de la pharmacie au XVI'

Geschichte und Altertumskunde, 77 (1977),57-137 et 79 (1979), 125-223; Kahn (1998),685-689. siècle à travers la Pharmacopée des dogmatiques de Joseph du Chesne, Sieur de la Violette, con-
7 E, Olivier, "Bernard G[iIIes] Penot (Du Port), médecin et alchimiste (1519-1617)", Chrysopœia, 5 seiller et médecin du Roy", Revue d'histoire de la pharmacie, 19 (1969),271-284.
(1992-1996),571-667, ici 577; Kahn (1998),215-216. 13 [Anonyme], Apologia pro Hippocratis et Galeni medicina adversus Quercetani librum, Paris, 1603.
ParaceIsisme, néoplatonisme et médecine hermétique 11
10

nouvelle médecine paracelsienne appuyée par de nombreux chymistes a tout de l'origine et des causes des métaux (1575). 8 Il est devenu médecin ordinaire et agent
suite pris une ampleur non seulement germanique mais européenne et s'est prolon- diplomatique d'Henri IV (v. 1591) et s'est fixé à Paris (v. 1596).9 Quoiqu'il n'ait pas
gé au moins jusqu'aux premières décennies du dix-septième siècle. La vive tension publié d'écrits médicaux et chymiques depuis son Sclopetarius (1576), il a montré la
entre les Galénistes de la faculté de médecine de Paris et les médecins protestants de continuité de son intérêt pour la philosophie naturelle dans le poème mythologique
la cour d'Henri IV siégeant à la capitale a pris notamment une place centrale. Dans et cosmologique du Grand miroir du monde (Lyon [Genève], 1587; 2e éd. augmen-
le camp de la cour, c'est Joseph Du Chesne (1546-1609), connu sous le nom latinisé tée 1593). 10 Entre temps, il a accumulé des recettes de préparations chymiques de
de Quercetanus, qui a été le porte-parole de la communauté des médecins chymis- médicaments. Cette activité a abouti à la cristallisation de la Préparation des médeci-
tes 4. Pourtant, son paracelsisme était bien modéré, loin du militantisme des pre- nes dogmatiques publiée d'abord avec le De priscorum philosophorum verte medicinte
miers partisans allemands. Son intérêt principal était de défendre la valeur de l'art materia à Saint-Gervais près de Genève en 1603. 11 Elle sera augmentée sous le titre
chymique et son application médicale. Nous pouvons témoigner de son attitude de Pharmacopée des dogmatiques restituée (Paris, 1607) qui deviendra un best-seller
envers le paracelsisme dans la phrase suivante qui est aujourd'hui assez connue: de ce genre durant la première moitié du siècle 12, tandis que le De priscorum a pro-
voqué sa réfutation par un anonyme dans un livret intitulé Apologie pour la médeci-
Quant à Paracelse, mon intention n'est pas d'entreprendre la défense de sa ne d'Hippocrate et de Galien contre le livre de Quercetanus (Paris, 1603). U En réali-
Théologie, aussi n'ai-je donc pensé à le favoriser en toutes choses, comme si je té, son auteur était Jean Riolan, le père (1539-1605) de la faculté de médecine de
m'etais obligé par serm~nt à tenir et suivre tout ce qu'il peut avoir dit. Mais
outre le témoignage qu'Erasme lui rend en quelques Epitres, j'oserai bien dire Paris, qui était menacé par la montée du paracelsisme dans la capitale. Le chymiste
et soutenir que plusieurs des remèdes qu'il a prescrits sont presque divins et gascon lui a répondu immédiatement par l'Ad veritatem hermeticte medicinte (Paris,
tels que la postérité non méconnaissante ne les pourra jamais assez admirer et 1604).
publier, j'ai espérance d'en discourir ailleurs. 5 Nous pouvons trouver dans cet Ad veritatem hermeticte medicinte les fondements
de la philosophie naturelle de Du Chesne qu'il a peu montrés jusque-là, certaine-
Né à Lectoure en Gascogne, le jeune huguenot, fils de médecin, a étudié la chi- ment en raison de so~ principe, celui de ne pas s'impliquer dans les aspects théolo-
rurgie, peut-être durant une courte durée, à l'Université de Montpellier avant de tra- giques du paracelsisme. Bien que ce traité mérite des analyses approfondies dans ses
vailler comme chirurgien militaire. Il s'est installé à Genève en 1574. C'est aux envi- aspects doctrinaux, il a été très peu étudié par les historiens. En fait, les deux analy-
rons de cette époque qu'il a commencé à fréquenter le milieu paracelsien et surtout ses, dont l'une de R. Hooykaas, qui a modestement abordé le texte pour son étude
le cercle de Théodore Zwinger (1533-1588) de l'Université de Bâle 6. Il a reçu en sur l'histoire du concept d'élément, et l'autre d'A. G. Debus, qui a examiné
1575, soit à l'âge de 29 ans, le doctorat en médecine dans une circonstance assez par-
ticulière, c'est-à-dire dans la maison privée de son maître Zwinger, hors des règles
ordinaires de l'Université 7. Puis, il s'est impliqué dans la fameuse polémique sur la
8 Voir Debus (1977), 148-153; 1. Zinguer, "Aubert-Duchesne dans le débat paracelsien", in H.
transmutation des métaux par la publication de la Brève réponse à Jacques Aubert de Schott et 1. Zinguer (éds.), Paracelsus und seine internationale Rezeption in der Irühen Neuzeit
(Leiden, 1998), 131-145, semble contenir des erreurs. Cf. Kahn (1998), 216-237.
9 Sur la cour d'Henri IV et les médecins paracelsiens, voir H. Trevor-Roper, "The Sieur de La
"Erastus and Paracelsianism: Theological Motifs in Thomas Erastus' Rejection of Paracelsian Rivière, Paracelsian Physician of Henry IV", in A. G. Dehus (éd.), Science, Medicine and Society in
Natural Philosophy", in A. G. Dehus et M. T. Walton (éds.), Reading the Book 01 Nature the Renaissance (New York, 1972), II, 227-250; Id., "The Paracelsian Movement", in Renaissance
(Kirksville, 1998),45-65. Essays (London, 1985), 149-199, ici 169-176; Id., "The Court Physician and Paracelsianism", in V.
4 Voir DSB, 4 (1971),208-210; P. Lordez, Joseph Du Chesne, Sieur de la Violette, thèse de doctorat Nutton (éd.), Medicine at the Courts 01 Europe, 1500-1837 (London, 1990), 79-94; Id.,
(Univ. de Paris, 1944);J. R. Partington, A History olChemistry (London, 1961), II, 167-170; Debus "Paracelsianism made Political, 1600-1650", in O. P. Greil (éd.), Paracelsus (Leiden, 1998), 119-
(1965), 87-101; Debus (1977),100-109,148-153 et 160-168; Deblls (1991),33-35 et 51-59; Kahn 133, ici 123 et 126-127; Kahn (1998).
(1998),210-244,291-312,542-555,627-673 et passim. 10 Ce poème comportant bien des intérêts scientifiques a été peu étudié par les historiens. Voir A.-
5 J. Du Chesne, Response à l'Epistre di/lamatoire d'Aubert par laquelle il tache de renverser aucuns M. Schmidt, La poésie scientifique en France au seizième siècle (Paris, 1938),359-369: 1. Gautier,
remedes de ceux qu'il appelle Paracelsistes (Paris: C. Morel, 1630), 94. Nous avons modernisé la "L'activité poétique et diplomatique de Joseph Du Chesne, Sieur de la Violette", Bulletin de la
graphie. Cf. J. Quercetanus, Ad Jacobi Auberti '" brevis responsio, in Theatrum chemicum société d'histoire et d'archéologie de Genève, 3 (1907), 290-311.
(Strasbourg, 1659), II, 151. 11 J. Quercetanus, Liber de priscorum philosophorum verae medicinae materia ". de dogmaticorum

6 Sur Théodore Zwinger et son cercle, voir C. Gilly, "Zwischen Erfahrung und Spekulation: medicorum praeparatione, libri duo (Saint-Gervais, les héritiers d'Eustache Vignon, 1603).
Theodor Zwinger und die religiose und kultureile Krise seiner Zeit", Basler Zeitschri/t lür 12 Pour une analyse, voir G. Devaux, "Quelques aspects de la médecine et de la pharmacie au XVI'

Geschichte und Altertumskunde, 77 (1977),57-137 et 79 (1979), 125-223; Kahn (1998),685-689. siècle à travers la Pharmacopée des dogmatiques de Joseph du Chesne, Sieur de la Violette, con-
7 E, Olivier, "Bernard G[iIIes] Penot (Du Port), médecin et alchimiste (1519-1617)", Chrysopœia, 5 seiller et médecin du Roy", Revue d'histoire de la pharmacie, 19 (1969),271-284.
(1992-1996),571-667, ici 577; Kahn (1998),215-216. 13 [Anonyme], Apologia pro Hippocratis et Galeni medicina adversus Quercetani librum, Paris, 1603.
12 Parace1sisme, néoplatonisme et médecine hermétique 13
quelques doctrines quercétaniennes en se basant largement sur la traduction abré- perspective. Car, selon lui, la connaissance des Anciens n'était pas parfaite mais a été
gée en anglais, semblent faire encore aujourd'hui autorité 14. Mais nous constatons augmentée par des inventions qui ont été accumulées de génération en génération.
que sa théorie de la matière n'a pas été suffisamment éclaircie au sein de sa propre Le meilleur exemple de ce progrès serait l'utilisation des médicaments minéraux et
philosophie naturelle, surtout dans ses rapports avec la philosophie de Paracelse et métalliques qui ont été négligés par Galien. A ce propos, il remarque que les
de son disciple Pierre Séverin. Ce sera donc le but de cet article. Galénistes, eux, acceptent souvent aveuglement les doctrines de leur chef sans
aucune raison en proclamant que la médecine galénique est au dernier degré de la
perfection.
2. L'Ad veritatem hermeticœ medicinœ (1604) Après cet historique général, Du Chesne établit une longue liste des 'Hermétistes'
qui sont en relation avec le cercle médical de Zwinger de Bâle (Academia Basiliensi
En fait, l'Ad veritatem hermeticie medicinie de Du Chesne n'est pas un ouvrage medicinie), ou mieux dire, avec la communauté germanique des chymistes. Ala tête
très bien organisé, probablement en raison de son but polémique 15. D'ailleurs, nous de la liste, il place Théodore Birckmann, qui est son premier inspirateur du paracel-
n'allons pas examiner son entièreté. Mais, nous proposons l'analyse de ses discus- sisme, et puis, Pierre Séverin. Du Chesne avoue qu'il a reçu de "ce grand Pierre
sions, notamment des chapitres XII-XV, qui montrent les fondements de sa philo- Séverin le Danois les premiers éléments très élégants de ses études en cette science"
sophie naturelle, en vue d'évaluer la théorie quercétanienne de la matière et de la (. .. magno illi Petro Severino Dano, prima & elegantiora meorum in hac scientia stu-
situer dans son propre contexte. diorum rudimenta accepta fero) 17. Pour lui, Birckmann et Séverin représentent les
Nous devons d'abord regarder le statut d'Hippocrate dans sa philosophie médi- deux lumières. Nous voyons aussi dans la liste, entre autres, des noms de chymistes
cale, dite "hermétique", parce que son nom figure dans le titre même de l'ouvrage. tels que Oswald Croll, Thomas Moffet et Johann Hartmann. Il est aujourd'hui très
D'après Du Chesne, Hippocrate et beaucoup d'autres philosophes qui l'ont suivi connu que, sur l'invitation de ce dernier, Du Chesne se rendra à Cassel en Hesse en
ont reçu les principaux fondements des sciences des Égyptiens. Il considère que ce 1604 pour démontre~ son art au landgrave Maurice le savant 18. En tout cas, nous
peuple possédait non seulement l'astronomie et les mathématiques les plus avancées pouvons observer l'ampleur de son réseau ou de ses confrères et de leurs protecteurs
mais aussi les connaissances générales de toutes les autres sciences y compris la dans cette liste.
médecine. Suivant Strabon ou Diodore, il nous enseigne que c'est à partir d'Hermès
Trismégiste que les Égyptiens ont appris ces sciences les plus perfectionnées. Tous
les philosophes et médecins sont donc dépendants de cet Hermès. Les éminents 3. La Nature et l'âme du monde
princes et rois des Grecs, Arabes et Latins ont amplement étudié ses doctrines
durant plusieurs siècles. Le chymiste gascon témoigne maintenant du plein épa- Du Chesne nous explique, avant de discuter des trois principes des choses natu-
nouissement de l'art "hermétique". Une telle admiration de la prisca sapientia qui relles, la définition et la division de la "nature" dans les chapitres XII-XIII. IlIa divi-
vénère Hermès se retrouve chez ses précurseurs néoplatoniciens de la se d'abord en deux sortes: la "nature universelle" et la "nature particulière". Selon
Renaissance 16. Nous observons cependant que Du Chesne y ajoute une nouvelle l'opinion de Platon, résume-t-il, le principe, par lequel et à partir duquel toutes les
choses sont faites, est Dieu lui-même. Et à partir de ce premier principe vient le
second qui est proprement appelé "nature". Du Chesne considère qu'elle est infu·
14 Voir R. Hooykaas, The Concept o/Element. trad. de la thèse de doctorat, Univ. d'Utrecht, 1933 (s. sée et implantée dans toutes les choses par la vertu du verbe "Piat" de Dieu.
1.,1983),114-123; Id., "Die Elementenlehre der Iatrochemiker", Janus, 41 (1937), 1-28, ici 7-15; Pourquoi la recherche de la nature est-elle importante? Son utilité est évidente parce
Debus (1977), 161-166; Debus (1991),54-57. que la connaissance de toutes les choses, qui portent le nom de "naturelles", qu'el-
15 J. Quercetanus, Ad veritatem hermeticre medicinre ex Hippocratis veterumque decretis ac les soient accessibles ou non aux sens humains, provient de la nature elle-même.
Therapeusi: nec non vivae rerum anatomiae exegesi, ipsiusque naturae luce stabiliendam, adversus
Beaucoup de philosophes chrétiens et païens avaient la coutume d'appliquer le nom
cujusdam Anonymi phantasmata Responsio (Paris: Abraham Saugrain, 1604); 2' éd. (Francfort:
Wolfgang Richter, 1605). Nous avons utilisé ces deux éditions. Nos références se rapportent à la de "nature" à presque toutes les choses. Même Aristote, dit-il, en divisant la nature
pagination de l'éd. 1604 = celle de 1605. en deux catégories, première et secondaire, a appelé la première "nature naturantè"
16 Ad veritatem, I, 4-6 = 3-5. Cf. Strabon, Géographie, XVII, 1; Diodore de Sicile, Bibliothèque his·
torique, I, 15, 9-16,2. Voir A.-J. Festugière, La révélation d'Hermès Trismégiste, 2' éd. (Paris, 1950),
I; F. A. Yates, Giordano Bruno and the Hermetic Tradition (London, 1964); D. P. Walker, The
Ancient Theology (London, 1972); S. Matton, "L'Égypte chez les 'philosophes chimiques' de Maier 17 Ad veritatem, I, 9 = 7.
à Pernety", Les études philosophiques, avril-sept. (1987),207-226; A. Faivre et F. Tristan (éds.), 18 Voir B. T. Moran, The Alchemical World 0/ the German Court (Stuttgart, 1991), 115-122; Id.,
Présence d'Hermès Trismégiste (Paris, 1988). Chemical Pharmacy Enters the University (Madison, 1991), 13.
12 Parace1sisme, néoplatonisme et médecine hermétique 13
quelques doctrines quercétaniennes en se basant largement sur la traduction abré- perspective. Car, selon lui, la connaissance des Anciens n'était pas parfaite mais a été
gée en anglais, semblent faire encore aujourd'hui autorité 14. Mais nous constatons augmentée par des inventions qui ont été accumulées de génération en génération.
que sa théorie de la matière n'a pas été suffisamment éclaircie au sein de sa propre Le meilleur exemple de ce progrès serait l'utilisation des médicaments minéraux et
philosophie naturelle, surtout dans ses rapports avec la philosophie de Paracelse et métalliques qui ont été négligés par Galien. A ce propos, il remarque que les
de son disciple Pierre Séverin. Ce sera donc le but de cet article. Galénistes, eux, acceptent souvent aveuglement les doctrines de leur chef sans
aucune raison en proclamant que la médecine galénique est au dernier degré de la
perfection.
2. L'Ad veritatem hermeticœ medicinœ (1604) Après cet historique général, Du Chesne établit une longue liste des 'Hermétistes'
qui sont en relation avec le cercle médical de Zwinger de Bâle (Academia Basiliensi
En fait, l'Ad veritatem hermeticie medicinie de Du Chesne n'est pas un ouvrage medicinie), ou mieux dire, avec la communauté germanique des chymistes. Ala tête
très bien organisé, probablement en raison de son but polémique 15. D'ailleurs, nous de la liste, il place Théodore Birckmann, qui est son premier inspirateur du paracel-
n'allons pas examiner son entièreté. Mais, nous proposons l'analyse de ses discus- sisme, et puis, Pierre Séverin. Du Chesne avoue qu'il a reçu de "ce grand Pierre
sions, notamment des chapitres XII-XV, qui montrent les fondements de sa philo- Séverin le Danois les premiers éléments très élégants de ses études en cette science"
sophie naturelle, en vue d'évaluer la théorie quercétanienne de la matière et de la (. .. magno illi Petro Severino Dano, prima & elegantiora meorum in hac scientia stu-
situer dans son propre contexte. diorum rudimenta accepta fero) 17. Pour lui, Birckmann et Séverin représentent les
Nous devons d'abord regarder le statut d'Hippocrate dans sa philosophie médi- deux lumières. Nous voyons aussi dans la liste, entre autres, des noms de chymistes
cale, dite "hermétique", parce que son nom figure dans le titre même de l'ouvrage. tels que Oswald Croll, Thomas Moffet et Johann Hartmann. Il est aujourd'hui très
D'après Du Chesne, Hippocrate et beaucoup d'autres philosophes qui l'ont suivi connu que, sur l'invitation de ce dernier, Du Chesne se rendra à Cassel en Hesse en
ont reçu les principaux fondements des sciences des Égyptiens. Il considère que ce 1604 pour démontre~ son art au landgrave Maurice le savant 18. En tout cas, nous
peuple possédait non seulement l'astronomie et les mathématiques les plus avancées pouvons observer l'ampleur de son réseau ou de ses confrères et de leurs protecteurs
mais aussi les connaissances générales de toutes les autres sciences y compris la dans cette liste.
médecine. Suivant Strabon ou Diodore, il nous enseigne que c'est à partir d'Hermès
Trismégiste que les Égyptiens ont appris ces sciences les plus perfectionnées. Tous
les philosophes et médecins sont donc dépendants de cet Hermès. Les éminents 3. La Nature et l'âme du monde
princes et rois des Grecs, Arabes et Latins ont amplement étudié ses doctrines
durant plusieurs siècles. Le chymiste gascon témoigne maintenant du plein épa- Du Chesne nous explique, avant de discuter des trois principes des choses natu-
nouissement de l'art "hermétique". Une telle admiration de la prisca sapientia qui relles, la définition et la division de la "nature" dans les chapitres XII-XIII. IlIa divi-
vénère Hermès se retrouve chez ses précurseurs néoplatoniciens de la se d'abord en deux sortes: la "nature universelle" et la "nature particulière". Selon
Renaissance 16. Nous observons cependant que Du Chesne y ajoute une nouvelle l'opinion de Platon, résume-t-il, le principe, par lequel et à partir duquel toutes les
choses sont faites, est Dieu lui-même. Et à partir de ce premier principe vient le
second qui est proprement appelé "nature". Du Chesne considère qu'elle est infu·
14 Voir R. Hooykaas, The Concept o/Element. trad. de la thèse de doctorat, Univ. d'Utrecht, 1933 (s. sée et implantée dans toutes les choses par la vertu du verbe "Piat" de Dieu.
1.,1983),114-123; Id., "Die Elementenlehre der Iatrochemiker", Janus, 41 (1937), 1-28, ici 7-15; Pourquoi la recherche de la nature est-elle importante? Son utilité est évidente parce
Debus (1977), 161-166; Debus (1991),54-57. que la connaissance de toutes les choses, qui portent le nom de "naturelles", qu'el-
15 J. Quercetanus, Ad veritatem hermeticre medicinre ex Hippocratis veterumque decretis ac les soient accessibles ou non aux sens humains, provient de la nature elle-même.
Therapeusi: nec non vivae rerum anatomiae exegesi, ipsiusque naturae luce stabiliendam, adversus
Beaucoup de philosophes chrétiens et païens avaient la coutume d'appliquer le nom
cujusdam Anonymi phantasmata Responsio (Paris: Abraham Saugrain, 1604); 2' éd. (Francfort:
Wolfgang Richter, 1605). Nous avons utilisé ces deux éditions. Nos références se rapportent à la de "nature" à presque toutes les choses. Même Aristote, dit-il, en divisant la nature
pagination de l'éd. 1604 = celle de 1605. en deux catégories, première et secondaire, a appelé la première "nature naturantè"
16 Ad veritatem, I, 4-6 = 3-5. Cf. Strabon, Géographie, XVII, 1; Diodore de Sicile, Bibliothèque his·
torique, I, 15, 9-16,2. Voir A.-J. Festugière, La révélation d'Hermès Trismégiste, 2' éd. (Paris, 1950),
I; F. A. Yates, Giordano Bruno and the Hermetic Tradition (London, 1964); D. P. Walker, The
Ancient Theology (London, 1972); S. Matton, "L'Égypte chez les 'philosophes chimiques' de Maier 17 Ad veritatem, I, 9 = 7.
à Pernety", Les études philosophiques, avril-sept. (1987),207-226; A. Faivre et F. Tristan (éds.), 18 Voir B. T. Moran, The Alchemical World 0/ the German Court (Stuttgart, 1991), 115-122; Id.,
Présence d'Hermès Trismégiste (Paris, 1988). Chemical Pharmacy Enters the University (Madison, 1991), 13.
Parace1sisme, néoplatonisme et médecine hermétique 15
14
sublunaire. Comme représentant de cette interprétation, il compte saint TI
(natura naturans) et a signifié par ce nom Dieu lui-même 19. Chez Zénon le chef des
d'Aquin. Cette opinion favorise, bien entendu, une idée plus banale des inflJ
Stoïciens, continue-t-il, la nature n'était rien d'autre que Dieu, bien que Lactance ait
célestes. Enfin, il a recours à l'autorité de Platon et d'Hermès pour montrer l
démoli ce raisonnement. Alors, il affirme:
cordance ultime de leur idée sur la "nature universelle" comme suit:
La première 'nature naturante' est donc Dieu. En fait, la seconde, qui est pro-
prement la nature, se subdivise en 'nature universelle' et en 'nature particuliè- En outre, c'est la 'nature universelle' dont parle Platon dans le Timée lorsqu'il
re'. La 'natu~e universelle' est la puissance ordinaire de Dieu, diffusée à travers dit: 'La Nature est une certaine force infusée dans toutes choses, modératrice et
toute la sphere, par laquelle on dit que la nature subit ceci ou cela et encore nourrice et grâce à elle le principe du mouvement et du repos est en elles'.
fait ceci ou cela comme l'a enseigné saint Augustin dans le De la Cité de Dieu Hermès Trismégiste dit en des mots presque identiques: 'Cette nature est une
liv. II .. ' ' certaine force venue de la première cause et diffusée dans tous les corps, et par
(Prima. igitur .natur~ naturans, Deus est. Secunda, verà, quae propriè natura est, elle le principe du mouvement et du repos est dans ceux-ci'. Les Pythagoriciens
subdzvzdztur zn unzversalem & particularem. Universalis ordinaria est illa Dei ont dit que cette force était Dieu. De plus, Virgile, grand partisan de l'école
potentia~ per totum orbem diffusa, a qua dicitur natura hoc vel illud pati, item pythagoricienne, écrivait ainsi: 'Le spiritus alimente intérieurement etc.' Les
hoc velzllud agere, ut docet Aug. 2 de Civitate Dei ... ) 20 Platoniciens l'ont appelé 'âme du monde'.
(Praeterea ea est natura universalis, de qua Plato loquitur in Timœo, quum ait:
Natura est quœdam vis infusa per omnia corporum moderatrix & nutrix, princi-
De plus, il signale que, chez certains, la "nature universelle" est conçue comme la pium motus & quietis per se in ipsis. Quam naturam Hermes 7'r;smêg;jiits ~~j­
divine vertu que le Créateur a implantée dans toutes les créatures. Pour cette raison, dem met ferè verbis dicit esse vim quandam a prima causa subortam, diffusam
chacune de ces créatures possède ses "signes" particuliers d'une certaine divinité. per omnia corpora, per se, principium motus & quietis in ipsis. Hanc vim
Nous remarquons que cette idée est fondamentale pour la doctrine des "signatures" Pythagorici dicebant esse Deum: Ideoque Virgilius magnus Pythagoricœ discipli-
des choses naturelles telle que le chymiste gascon l'a exposée dansl'un des appen- nae sectator, sic scribebat: Spiritus intus alit, &c. Platonici animam mundi eam
vocarunt.) 2}
dices à son De priscorum (Paris, 1603).21 Ainsi, pour lui, tout comme pour d'autres
Paracelsiens, le monde est plein de "signatures" qui symbolisent le vestige de la divi- Du Chesne souligne pourtant que les Platoniciens n'ont pas établi clairement
nité. Pour se justifier, il nous affirme que c'est pourquoi certains Anciens ont dit comment cette "âme du monde" dirige les choses inférieures et excite leurs généra-
curieusement que "tout est plein de dieux" 22. Ensuite, il ajoute une autre opinion tions. Ainsi, arrivent les Hermétistes plus savants et pénétrants. Selon eux, rappor-
selon laquelle la "nature universelle" est conçue comme une certaine influence et te-t-il, ce monde qui embrasse les quatre éléments et les premiers principes de la
vertu par lesquelles les astres, les planètes et les étoiles fixes agissent sur le monde nature est un grand corps dont les parties sont conjuguées et reliées entre elles,
comme les membres sont attachés ensemble chez un animal, de sorte que les moin-
dres parties du monde sont animées et soutenues par cette âme universelle. Pour
19 La notion des natura naturans et natura naturaZa est d'origine médiévale et non d'Aristote. La dis-
cussion quercétanienne avec son inclination panthéiste précède la fameuse doctrine de Spinoza.
cette raison, les Hermétistes l'appellent" âme du monde". Si le corps animal tire sa
Est·ce que celui-ci a connu l'ouvrage de Du Chesne? Sur l'histoire de la notion, voir Historisches vie et son être de son âme, la même chose se réalise plus admirablement pour le
Worterbuch der Philosophie, 6 (1984), cols. 504-509; H. Siebeck, "Über die Entstehung der monde qui est beaucoup plus noble et plus excellent que de simples bêtes. Il est vrai
Termini natura naturans und natura naturata", Archiv!ür Geschichte der Philosophie, 3 (1890),370- que ce raisonnement quercétanien de l'animation du monde n'est pas du tout nou-
378; H. A. Lucks, "Natura naturans - Natura naturata", New Scholasticism, 9 (1935), 1-24; O.
veau 24. Ce qui est significatif pour nous, c'est que Pinventlon de cette doctrine n:est
Weijers, "Contribution à l'histoire des termes 'natura naturans' et 'natura naturata' jusqu'à
Spinoza", Vivarium, 16 (1978), 70-80. Voir sur la "nature" d'Aristote, Physique, II, 1, 192 b. Cf. A. pas attribuée par Du Chesne aux Platoniciens mais aux Hermétistes. Ils sont plus
Mansion, Introduction à la physique aristotélicienne (Paris, 1913), 39-63; W. D. Ross, Aristote parfaits que les Pythagoriciens et les Platoniciens. Et il confirme que, vu que chaque
(Paris, 1930), 97-99. partie du monde de même que sa totalité sont en possession de vie, ils identifient le
20 Ad veritatem, XII, 148-149; 118. Ciel embrassant tout avec cette âme qui favorise et soutient toutes les choses péris-
21 Voir J. Quercetanus, De signaturis rerum internis speci/icis, ab Hermeticis Philosophis multa cura,
sables. Puis, il ne manque pas d'introduire la théorie ficinienne du spiritus mundi:
singularique industria comparatis, atque introductis, in De priscorum (Paris, 1603), 89-130. Sur la
doctrine des signatures, voir M. L. Bianchi, Signatura rerum, Rome, 1987; W. Kühlmann, "Oswald
Crollius und seine Signaturenlehre: Zum Profil hermetischer Naturphilosophie in der Ara
Rudolphs II'', in A. Buck (éd.), Die okkulten Wissenscha/ten in der Renaissance (Wiesbaden, 1992),
103-123; W. Kühlmann et J. Telle (éds.), Oswaldus Crollius, De signaturis internis rerum: Die 23 Ad veritatem, XII, 149-150; 118-119_
24 Voir mon prochain artiele "Concepts of Seeds and Nature in the Work of Marsilio Fieino", in M.
lateinische Editio princeps (1609) und die deutsche Erstübersetzung (1623) (Stuttgart, 1996), 13-26.
22 Ad veritatem, XII, 149 ; 118. Cf. Aristote, De l'âme, I, 5, 411 a; D. Laërce, Vie et opinions des
J. B. Allen et V. Rees (éds.), Marsilio Ficino: His Theology,
his Philosophy and his Legacy (Leiden:
philosophes, I, 27. BriII, 2001),257-284.
Parace1sisme, néoplatonisme et médecine hermétique 15
14
sublunaire. Comme représentant de cette interprétation, il compte saint TI
(natura naturans) et a signifié par ce nom Dieu lui-même 19. Chez Zénon le chef des
d'Aquin. Cette opinion favorise, bien entendu, une idée plus banale des inflJ
Stoïciens, continue-t-il, la nature n'était rien d'autre que Dieu, bien que Lactance ait
célestes. Enfin, il a recours à l'autorité de Platon et d'Hermès pour montrer l
démoli ce raisonnement. Alors, il affirme:
cordance ultime de leur idée sur la "nature universelle" comme suit:
La première 'nature naturante' est donc Dieu. En fait, la seconde, qui est pro-
prement la nature, se subdivise en 'nature universelle' et en 'nature particuliè- En outre, c'est la 'nature universelle' dont parle Platon dans le Timée lorsqu'il
re'. La 'natu~e universelle' est la puissance ordinaire de Dieu, diffusée à travers dit: 'La Nature est une certaine force infusée dans toutes choses, modératrice et
toute la sphere, par laquelle on dit que la nature subit ceci ou cela et encore nourrice et grâce à elle le principe du mouvement et du repos est en elles'.
fait ceci ou cela comme l'a enseigné saint Augustin dans le De la Cité de Dieu Hermès Trismégiste dit en des mots presque identiques: 'Cette nature est une
liv. II .. ' ' certaine force venue de la première cause et diffusée dans tous les corps, et par
(Prima. igitur .natur~ naturans, Deus est. Secunda, verà, quae propriè natura est, elle le principe du mouvement et du repos est dans ceux-ci'. Les Pythagoriciens
subdzvzdztur zn unzversalem & particularem. Universalis ordinaria est illa Dei ont dit que cette force était Dieu. De plus, Virgile, grand partisan de l'école
potentia~ per totum orbem diffusa, a qua dicitur natura hoc vel illud pati, item pythagoricienne, écrivait ainsi: 'Le spiritus alimente intérieurement etc.' Les
hoc velzllud agere, ut docet Aug. 2 de Civitate Dei ... ) 20 Platoniciens l'ont appelé 'âme du monde'.
(Praeterea ea est natura universalis, de qua Plato loquitur in Timœo, quum ait:
Natura est quœdam vis infusa per omnia corporum moderatrix & nutrix, princi-
De plus, il signale que, chez certains, la "nature universelle" est conçue comme la pium motus & quietis per se in ipsis. Quam naturam Hermes 7'r;smêg;jiits ~~j­
divine vertu que le Créateur a implantée dans toutes les créatures. Pour cette raison, dem met ferè verbis dicit esse vim quandam a prima causa subortam, diffusam
chacune de ces créatures possède ses "signes" particuliers d'une certaine divinité. per omnia corpora, per se, principium motus & quietis in ipsis. Hanc vim
Nous remarquons que cette idée est fondamentale pour la doctrine des "signatures" Pythagorici dicebant esse Deum: Ideoque Virgilius magnus Pythagoricœ discipli-
des choses naturelles telle que le chymiste gascon l'a exposée dansl'un des appen- nae sectator, sic scribebat: Spiritus intus alit, &c. Platonici animam mundi eam
vocarunt.) 2}
dices à son De priscorum (Paris, 1603).21 Ainsi, pour lui, tout comme pour d'autres
Paracelsiens, le monde est plein de "signatures" qui symbolisent le vestige de la divi- Du Chesne souligne pourtant que les Platoniciens n'ont pas établi clairement
nité. Pour se justifier, il nous affirme que c'est pourquoi certains Anciens ont dit comment cette "âme du monde" dirige les choses inférieures et excite leurs généra-
curieusement que "tout est plein de dieux" 22. Ensuite, il ajoute une autre opinion tions. Ainsi, arrivent les Hermétistes plus savants et pénétrants. Selon eux, rappor-
selon laquelle la "nature universelle" est conçue comme une certaine influence et te-t-il, ce monde qui embrasse les quatre éléments et les premiers principes de la
vertu par lesquelles les astres, les planètes et les étoiles fixes agissent sur le monde nature est un grand corps dont les parties sont conjuguées et reliées entre elles,
comme les membres sont attachés ensemble chez un animal, de sorte que les moin-
dres parties du monde sont animées et soutenues par cette âme universelle. Pour
19 La notion des natura naturans et natura naturaZa est d'origine médiévale et non d'Aristote. La dis-
cussion quercétanienne avec son inclination panthéiste précède la fameuse doctrine de Spinoza.
cette raison, les Hermétistes l'appellent" âme du monde". Si le corps animal tire sa
Est·ce que celui-ci a connu l'ouvrage de Du Chesne? Sur l'histoire de la notion, voir Historisches vie et son être de son âme, la même chose se réalise plus admirablement pour le
Worterbuch der Philosophie, 6 (1984), cols. 504-509; H. Siebeck, "Über die Entstehung der monde qui est beaucoup plus noble et plus excellent que de simples bêtes. Il est vrai
Termini natura naturans und natura naturata", Archiv!ür Geschichte der Philosophie, 3 (1890),370- que ce raisonnement quercétanien de l'animation du monde n'est pas du tout nou-
378; H. A. Lucks, "Natura naturans - Natura naturata", New Scholasticism, 9 (1935), 1-24; O.
veau 24. Ce qui est significatif pour nous, c'est que Pinventlon de cette doctrine n:est
Weijers, "Contribution à l'histoire des termes 'natura naturans' et 'natura naturata' jusqu'à
Spinoza", Vivarium, 16 (1978), 70-80. Voir sur la "nature" d'Aristote, Physique, II, 1, 192 b. Cf. A. pas attribuée par Du Chesne aux Platoniciens mais aux Hermétistes. Ils sont plus
Mansion, Introduction à la physique aristotélicienne (Paris, 1913), 39-63; W. D. Ross, Aristote parfaits que les Pythagoriciens et les Platoniciens. Et il confirme que, vu que chaque
(Paris, 1930), 97-99. partie du monde de même que sa totalité sont en possession de vie, ils identifient le
20 Ad veritatem, XII, 148-149; 118. Ciel embrassant tout avec cette âme qui favorise et soutient toutes les choses péris-
21 Voir J. Quercetanus, De signaturis rerum internis speci/icis, ab Hermeticis Philosophis multa cura,
sables. Puis, il ne manque pas d'introduire la théorie ficinienne du spiritus mundi:
singularique industria comparatis, atque introductis, in De priscorum (Paris, 1603), 89-130. Sur la
doctrine des signatures, voir M. L. Bianchi, Signatura rerum, Rome, 1987; W. Kühlmann, "Oswald
Crollius und seine Signaturenlehre: Zum Profil hermetischer Naturphilosophie in der Ara
Rudolphs II'', in A. Buck (éd.), Die okkulten Wissenscha/ten in der Renaissance (Wiesbaden, 1992),
103-123; W. Kühlmann et J. Telle (éds.), Oswaldus Crollius, De signaturis internis rerum: Die 23 Ad veritatem, XII, 149-150; 118-119_
24 Voir mon prochain artiele "Concepts of Seeds and Nature in the Work of Marsilio Fieino", in M.
lateinische Editio princeps (1609) und die deutsche Erstübersetzung (1623) (Stuttgart, 1996), 13-26.
22 Ad veritatem, XII, 149 ; 118. Cf. Aristote, De l'âme, I, 5, 411 a; D. Laërce, Vie et opinions des
J. B. Allen et V. Rees (éds.), Marsilio Ficino: His Theology,
his Philosophy and his Legacy (Leiden:
philosophes, I, 27. BriII, 2001),257-284.
16 Paracelsisme, néoplatonisme et médecine hermétique 17
De plus, ils ajoutent que de cette âme du monde dérivent les formes, les ver- centrale de la tradition de la prisca theologia. En tout cas, grâce à ce spiritus univer-
tus et les propriétés des choses par lesquelles toutes ces choses sont réchauf-
sel infusé partout dans le monde, qu'il soit appelé "âme du monde" ou "nature uni-
fées, sont soutenues et subsistent. Et de même que l'âme et le corps sont reliés
en un, grâce au spiritus ou au lien réunissant les deux unités puisqu'il partage verselle", les choses périssables sont maintenues en leur état, sans subir la destruc-
les deux natures, l'âme et le corps du monde sont unis et s'attachent ensemble tion ou la perturbation, jusqu'à la fin prédestinée, et l'ordre du monde sublunaire
par les spiritus éthérés, médiateurs et interposants ... est conservé. D'après Du Chesne, c'est Dieu le Créateur qui a voulu éviter par sa
(Quin & addunt, ab Anima illa mundi formas rerum, virtutes, potestatesque bonté suprême la destruction du monde en créant cette "nature universeIIe" qui
omnes proficisci, quibus res omnes foventur, sustentantur ac subsistunt. Ac conserve toute l'œuvre divine dans son intégrité. Et c'est surtout par la rotation
quemadmodum anima & corpus in unum colligantur, spiritus tanquam vinculi
utrumque conjungentis beneficio, quod utriusque naturae sit particeps: sic anima continuelle et perpétuelle des cieux et par les influences et vertus célestes que les
& corpus mundi vincta sunt ac cohœrent, mediantibus ac intercedentibus spiriti- choses périssables de ce monde inférieur sont gouvernées.
bus aethereis ... ) 25 Sous cette condition, Du Chesne introduit le concept de semence suivant d'abord
le passage décisif de l'oracle du Créateur exposé dans le Timée de Platon où, comme
Cependant, Du Chesne s'abstient de regarder le monde comme un être automate nous le savons, le Créateur est présenté en tant que "Semeur" des choses à venir. Il dit:
et indépendant. Il ne faut pas, pour lui, croire que ce monde soit un animal sage,
heureux et doué de sensations et d'entendement. C'est l'opinion la plus absurde et Dans le Timée, Platon fait confiance à ce spiritus éthéré ou plutôt à cette divi-
la plus fausse. . ne vertu partout puissante et efficace, quand il en parle ainsi: 'Lors donc que
Quant au spiritus mundi, il avance son identification avec l'âme du monde elle- Dieu éternel avait fondé cet univers, il y a introduit certaines semences des rai-
même: sons et l'a revêtu du commencement de la vie de la divinité de sorte qu'il a engen-
dré aussi la force procréatrice avec le monde'.
(Hujus œtherei spiritus, aut potius divinœ illius virtutis ubique potentis ac effica-
Mais, par l'âme du monde, les Platoniciens nous ont signifié un certain spiri- cis fidem facit Plato in Timœo, cum sic loquitur: 'Quum igitur Deus sempiternus,
tus qui réchauffe, anime, conserve et soutient toutes les choses, comme un cer- hoc universum condidisset, rationum quœdam semina ipsi ind/dit, & vitœ exor-
tain spiritus de cet 'Elohim' qui était porté ou couvait sur les eaux. Platon, dium divinitatis induxit, ut cum mundo vim quoque procreatricem gigneret'.) 27
comme (il n'était) pas ignorant de l'histoire de la Genèse, a pu l'avoir à la pen-
sée et en construire son âme du monde.
(At per mundi animam Platonici potius spiritum quendam nobis signi/icarunt, Nous signalons que ce passage de Platon était fort important chez le médecin
omnia fouentem, animantem, conservantem ac sustentantem, quasi quoddam français Jean Fernel (1497-1558) pour le développement de ses concepts de spiritus
spiritus illius Elohim, qui ferebatur aut incubabat super aquas, vestigium. Cujus et de semence exposés dans le De abditis rerum causis (Paris, 1548) dans la lignée de
etiam Plato, utpote historiœ Genesis non ignarus, meminisse potuit & animam la tradition ficinienne de la prisca theologia 28. Par contre, Séverin n'a pas explicite-
inde suam mundi construere.) 26
ment utilisé ce passage, peut-être par rivalité vis-à-vis de Fernel, quoiqu'il l'ait cer-
tainement connu. Quant à Du Chesne, il n'a pas besoin de cette sorte de réserve. Il
Par ce rapprochement entre le spiritus mundi ficinien et le spiritus Dei biblique
adopte ainsi le même développement que Fernel, sans mentionner son nom, tout en
(Genèse, J, 2), le chymiste gascon met Platon, en tant que Moïse attique, dans la voie
insérant également le fameux vers de David le psalmiste (Psaume, 32 [33 J, 6). Il dit:

25 Ad veritatem, XII, 150-151 = 119. Sur la doctrine du spiritus (pneuma, Geist, esprit) avant Ficin,
voir G. Verbeke, L'évolution de la doctrine du Pneuma du stoïcisme à S. Augustin (Louvain, 1945); 27 Ad veritatem, XII, 152= 120. Cf. Platon, Timée, 41 CoD.
O. Temkin, "On Galen's Pneumatology", Gesnerus, 8 (1951), 180-188; A. 1. Peck, "The Connate 28]. Fernel, De abditis rerum causis, l, ch. ix·x. (Nous avons utilisé l'édition de Leyde, 1644). Voir
Pneuma: An Essential Factor in Aristotle's Solutions to the Problems of Reproduction and aussi Hirai (1999), ch. Fernel, sec. 4. Sur Fernel, voir aussi DSB, 4 (1971),584-586; 1. Figard, Un
Sensation", in E. A. Underwood (éd.), Science, Medicine and History (London, 1953), l, 111-121, médecin philosophe au XVI' siècle: Étude sur la psychologie de Jean Fernel (Paris, 1903): C.
complété par G. Freudenthal, Aristotle's Theory 0/ Material Substance: Heat and Pneuma, Form Sherrington, The Endeavour o/Jean Fernel (Cambridge, 1946); 1. A. Deer, Academie Theories 0/
and Soul (Oxford, 1995): H. CrouzeI, "Geist (Heiliger Geist)", in T. Klauser (éd.), Reallexikon/ür Generation in the Renaissance: The Contemporaries and Successors o/Jean Fernel (1497-1558), thèse
Antike und Christentum (Stuttgart, 1976), IX, cols. 490-545; M. Fattori et M. 1. Bianchi (éds.), de doctorat (Univ. of London, 1980); M. 1. Bianchi, "Occulto e manifesto nella medicina dei
Spiritus (Rome, 1984):].]. Bono, "Medical Spirits and the Medieval Language of Life", Traditio, Rinascimento: Jean Fernel e Pietro Severino", Atti e memorie dell'Accademia Toscana di scienze e
40 (1984),91-130. Chez Ficin, voir surtout C. V. Kaske et]. R. Clark (éds.), Marsilio Ficino, Three lettere 'La Colombaria', 47, n. s. 33 (1982), 183-248; 1. Deer Richardson, "The Generation of
Books on Ltfe (New York, 1989); D. P. WaIker, Spiritual and Demonic Magic /rom Ficino to Disease: Occult Causes and Diseases of the Total Substance", in A. Wear et al. (eds), The Medical
Campanella (London, 1958); S. Matton, "Marsile Fiein et l'alchimie, sa position, son influence", in Renaissance 0/ the Sixteenth Century (Cambridge, 1985), 175-194;J.J. Bono, The Word a/Gad and
].-c. Margolin et S. Matton (éds.), Alchimie et Philosophie (Paris, 1993), 123-192. the Languages o/Man: Interpreting Nature in Barly Modern Science and Medicine (Madison, 1995),
26 Ad veritatem, XII, 151 = 120.
l, 85·122.
16 Paracelsisme, néoplatonisme et médecine hermétique 17
De plus, ils ajoutent que de cette âme du monde dérivent les formes, les ver- centrale de la tradition de la prisca theologia. En tout cas, grâce à ce spiritus univer-
tus et les propriétés des choses par lesquelles toutes ces choses sont réchauf-
sel infusé partout dans le monde, qu'il soit appelé "âme du monde" ou "nature uni-
fées, sont soutenues et subsistent. Et de même que l'âme et le corps sont reliés
en un, grâce au spiritus ou au lien réunissant les deux unités puisqu'il partage verselle", les choses périssables sont maintenues en leur état, sans subir la destruc-
les deux natures, l'âme et le corps du monde sont unis et s'attachent ensemble tion ou la perturbation, jusqu'à la fin prédestinée, et l'ordre du monde sublunaire
par les spiritus éthérés, médiateurs et interposants ... est conservé. D'après Du Chesne, c'est Dieu le Créateur qui a voulu éviter par sa
(Quin & addunt, ab Anima illa mundi formas rerum, virtutes, potestatesque bonté suprême la destruction du monde en créant cette "nature universeIIe" qui
omnes proficisci, quibus res omnes foventur, sustentantur ac subsistunt. Ac conserve toute l'œuvre divine dans son intégrité. Et c'est surtout par la rotation
quemadmodum anima & corpus in unum colligantur, spiritus tanquam vinculi
utrumque conjungentis beneficio, quod utriusque naturae sit particeps: sic anima continuelle et perpétuelle des cieux et par les influences et vertus célestes que les
& corpus mundi vincta sunt ac cohœrent, mediantibus ac intercedentibus spiriti- choses périssables de ce monde inférieur sont gouvernées.
bus aethereis ... ) 25 Sous cette condition, Du Chesne introduit le concept de semence suivant d'abord
le passage décisif de l'oracle du Créateur exposé dans le Timée de Platon où, comme
Cependant, Du Chesne s'abstient de regarder le monde comme un être automate nous le savons, le Créateur est présenté en tant que "Semeur" des choses à venir. Il dit:
et indépendant. Il ne faut pas, pour lui, croire que ce monde soit un animal sage,
heureux et doué de sensations et d'entendement. C'est l'opinion la plus absurde et Dans le Timée, Platon fait confiance à ce spiritus éthéré ou plutôt à cette divi-
la plus fausse. . ne vertu partout puissante et efficace, quand il en parle ainsi: 'Lors donc que
Quant au spiritus mundi, il avance son identification avec l'âme du monde elle- Dieu éternel avait fondé cet univers, il y a introduit certaines semences des rai-
même: sons et l'a revêtu du commencement de la vie de la divinité de sorte qu'il a engen-
dré aussi la force procréatrice avec le monde'.
(Hujus œtherei spiritus, aut potius divinœ illius virtutis ubique potentis ac effica-
Mais, par l'âme du monde, les Platoniciens nous ont signifié un certain spiri- cis fidem facit Plato in Timœo, cum sic loquitur: 'Quum igitur Deus sempiternus,
tus qui réchauffe, anime, conserve et soutient toutes les choses, comme un cer- hoc universum condidisset, rationum quœdam semina ipsi ind/dit, & vitœ exor-
tain spiritus de cet 'Elohim' qui était porté ou couvait sur les eaux. Platon, dium divinitatis induxit, ut cum mundo vim quoque procreatricem gigneret'.) 27
comme (il n'était) pas ignorant de l'histoire de la Genèse, a pu l'avoir à la pen-
sée et en construire son âme du monde.
(At per mundi animam Platonici potius spiritum quendam nobis signi/icarunt, Nous signalons que ce passage de Platon était fort important chez le médecin
omnia fouentem, animantem, conservantem ac sustentantem, quasi quoddam français Jean Fernel (1497-1558) pour le développement de ses concepts de spiritus
spiritus illius Elohim, qui ferebatur aut incubabat super aquas, vestigium. Cujus et de semence exposés dans le De abditis rerum causis (Paris, 1548) dans la lignée de
etiam Plato, utpote historiœ Genesis non ignarus, meminisse potuit & animam la tradition ficinienne de la prisca theologia 28. Par contre, Séverin n'a pas explicite-
inde suam mundi construere.) 26
ment utilisé ce passage, peut-être par rivalité vis-à-vis de Fernel, quoiqu'il l'ait cer-
tainement connu. Quant à Du Chesne, il n'a pas besoin de cette sorte de réserve. Il
Par ce rapprochement entre le spiritus mundi ficinien et le spiritus Dei biblique
adopte ainsi le même développement que Fernel, sans mentionner son nom, tout en
(Genèse, J, 2), le chymiste gascon met Platon, en tant que Moïse attique, dans la voie
insérant également le fameux vers de David le psalmiste (Psaume, 32 [33 J, 6). Il dit:

25 Ad veritatem, XII, 150-151 = 119. Sur la doctrine du spiritus (pneuma, Geist, esprit) avant Ficin,
voir G. Verbeke, L'évolution de la doctrine du Pneuma du stoïcisme à S. Augustin (Louvain, 1945); 27 Ad veritatem, XII, 152= 120. Cf. Platon, Timée, 41 CoD.
O. Temkin, "On Galen's Pneumatology", Gesnerus, 8 (1951), 180-188; A. 1. Peck, "The Connate 28]. Fernel, De abditis rerum causis, l, ch. ix·x. (Nous avons utilisé l'édition de Leyde, 1644). Voir
Pneuma: An Essential Factor in Aristotle's Solutions to the Problems of Reproduction and aussi Hirai (1999), ch. Fernel, sec. 4. Sur Fernel, voir aussi DSB, 4 (1971),584-586; 1. Figard, Un
Sensation", in E. A. Underwood (éd.), Science, Medicine and History (London, 1953), l, 111-121, médecin philosophe au XVI' siècle: Étude sur la psychologie de Jean Fernel (Paris, 1903): C.
complété par G. Freudenthal, Aristotle's Theory 0/ Material Substance: Heat and Pneuma, Form Sherrington, The Endeavour o/Jean Fernel (Cambridge, 1946); 1. A. Deer, Academie Theories 0/
and Soul (Oxford, 1995): H. CrouzeI, "Geist (Heiliger Geist)", in T. Klauser (éd.), Reallexikon/ür Generation in the Renaissance: The Contemporaries and Successors o/Jean Fernel (1497-1558), thèse
Antike und Christentum (Stuttgart, 1976), IX, cols. 490-545; M. Fattori et M. 1. Bianchi (éds.), de doctorat (Univ. of London, 1980); M. 1. Bianchi, "Occulto e manifesto nella medicina dei
Spiritus (Rome, 1984):].]. Bono, "Medical Spirits and the Medieval Language of Life", Traditio, Rinascimento: Jean Fernel e Pietro Severino", Atti e memorie dell'Accademia Toscana di scienze e
40 (1984),91-130. Chez Ficin, voir surtout C. V. Kaske et]. R. Clark (éds.), Marsilio Ficino, Three lettere 'La Colombaria', 47, n. s. 33 (1982), 183-248; 1. Deer Richardson, "The Generation of
Books on Ltfe (New York, 1989); D. P. WaIker, Spiritual and Demonic Magic /rom Ficino to Disease: Occult Causes and Diseases of the Total Substance", in A. Wear et al. (eds), The Medical
Campanella (London, 1958); S. Matton, "Marsile Fiein et l'alchimie, sa position, son influence", in Renaissance 0/ the Sixteenth Century (Cambridge, 1985), 175-194;J.J. Bono, The Word a/Gad and
].-c. Margolin et S. Matton (éds.), Alchimie et Philosophie (Paris, 1993), 123-192. the Languages o/Man: Interpreting Nature in Barly Modern Science and Medicine (Madison, 1995),
26 Ad veritatem, XII, 151 = 120.
l, 85·122.
18 Parace1sisme, néoplatonisme et médecine hermétique 19
Là, notre explication que nous avons rapportée plus haut sur l'âme du monde les définitions du principe dans la Métaphysique d'Aristote: "Le principe est ce d'où
est confirmée. En cela, elle est aussi en accord avec ce que le prophète Moïse
a écrit et David le psalmiste a chanté en ces mots: 'Les cieux ont été établis par naît l'essence des choses naturelles" et "La nature est identifiée au principe et à la
le verbe du Seigneur et toute leur vertu avec le spiritus de sa bouche'. cause du mouvement interne" 31, le chymiste gascon nous apprend que les choses
(Ubi nostra confirmatur explicatio, quam de anima mundi supra attuli. Quod naturelles possèdent en elles un certain principe du mouvement et de la génération.
etiam consentit cum eo quod quo scripsit Propheta Moses, nec non cecinit Pour lui, c'est ce principe de la génération et du mouvement qui doit être appelé "na-
Psalmista David, his verbis: 'Verbo Domini aeli firmati sunt, cum spiritu ejus ture particulière". Mais, quelle relation entretient-elle avec la forme et la matière?
oris omnis virtus eorum'.) 29
Sur la forme, Du Chesne nous enseigne qu'elle est totalement spirituelle et possè-
des les mouvements spirituels. L'âme animale, qui est de cette nature, est le princi-
Il serait donc légitime de considérer qu'il y a une influence manifeste de Fernel
pe pleinement céleste, spirituel et léger. Par contre, la matière est l'autre principe,
dans ce développement.
terrestre, lourd et corporel, du mouvement naturel. En raison de sa grossièreté, ce
De même que pour le cas de Platon, il faut aussi souligner que Du Chesne consi-
genre de mouvement s'incline vers le bas et ne surgit pas de la forme ou de l'âme
dère Hermès comme le philosophe le plus versé dans les écrits de Moïse parmi les
mais par l'intermédiaire de la seule matière corporelle, terrestre et lourde 32. Du
Anciens. Il dit:
Chesne affirme alors que le nom de la "nature particulière" s'attribue en même
De cette vertu du spiritus vivifiant, ce grand Trismégiste, le plus versé et exercé temps à la forme et à la matière mais plus à la forme qu'à la matière. Car la forme
dans les écrits sacrés de Moïse avant tous les autres philosophes, a présenté ces donne son être à la chose et la matière ne peut pas le faire par elle-même. En fait,
divines expressions dans le livre II qui est intitulé Asclépius: 'Tout le spiritus, n'importe quel animal ne peut pas être un animal en acte par la seule substance
dit-il, est mu et gouverné dans la sphère du spiritus. Le spiritus remplit tout. Le matérielle mais par la seule forme spirituelle ou âme qui meut et informe le corps par
monde nourrit les corps et le spiritus les anime. Le spiritus dirige et anime toutes les vertus vitales.
choses dans le monde'. Il ajoute plus bas: '... toutes choses ont besoin de ce spiri-
tus. En effet, il porte toutes choses, les vivifie et les alimente selon la dignité de Ainsi, d'après Du Ch~sne, cette nature possède la puissance d'engendrer et de
chacune. La vie et le spiritus le plus fécond sont produits de la sainte fontaine'. donner l'être à toutes choses et orne la matière des formes pour que rien ne subisse
(Ex qua spiritus vivificantis virtute magnus ille Trismegistus prle omnibus aliis la corruption et pour que toutes les choses puissent conserver leur état. Il dit:
Philosophis in sacris Mosis scriptis versatissimus & exercitatissimus, divina hlec
eloquia protulit libro 2 qui Asclepius vocatur: 'Spiritus (inquit) agitur & guberna- En fait, [la nature particulière] indique assez clairement ses vertus et proprié-
tur omnis in orbe spiritus. Spiritus implet omnia: mundus nutritcorpora, spiritus tés, quand elle façonne tous les êtres à partir des éléments, des semences des
animat. Spiritu ministrantur omnia & vegetantur in mundo'. Postea addit: '...hoc choses et de nos principes hypostatiques et quand elle forme ce genre de cho-
spiritu... omnia indigent. Omnia enim portat, pro cujusque dignitate omnia vivi- ses par une grande variété d'impressions des spiritus vitaux, des couleurs et des
ficat & alit. A fonte sancto producitur vita & spiritus fœcundissimus'.) 3D saveurs et par les propriétés de leurs dynameis, pour attribuer autant qu'il faut
attribuer à chaque chose, selon l'usage et la dignité de sa fonction.
Il conclut de là qu'il ne serait pas absurde de croire que ce spiritus éthéré et vivi- (Quas quidem suas virtutes ac potestates satis apertè indicat, cum ex elementis,
fiant est infusé partout dans toutes les choses naturelles et que leurs actions, leurs rerumque seminibus ac principiis nostris hypostaticis, entia omnia e/fingit, ac
magna impressionum vitalium spirituum varietate, colorum, saporum atque id
vertus et leurs propriétés dérivent des spiritus en tant que causes. genus 8vvapeCùv proprietatibus informat, ut quantum cuique rei ad usum digni-
Quant à la "nature naturée" (natura naturata), c'est-à-dire la "nature particuliè- tatemque officii tribuendum est, tantum tribuat.) 33
re", Du Chesne affirme qu'elle n'est rien d'autre que tout le corps naturel qui résul-
te de la forme et de la matière. Ace propos, nous remarquons d'abord que, chez lui Le chymiste gascon considère alors que la construction des choses naturelles,
comme chez Aristote, le corps corporel est constitué de ces deux piliers (forme et convenablement arrangées au niveau de l'ordre, du nombre et de la mesure, peut
matière) de l'hylémorphisme. Et en se basant notamment sur la Physique, II, 1, 192b, être clairement qualifiée de divine, non terrestre et non corporelle quoiqu'elle soit
d'Aristote, il développe sa propre distinction des deux sortes de choses: 1) les "cho-
ses naturelles", qui sont douées du spiritus efficace et de vertus d'agir per se; 2) les
"choses artificiellement construites"qui ne possèdent nulle force et nulle puissance JI Aristote, Métaphysique, V, 1, 1013 a, et V, 4, 1014 b.
d'agir mais qui sont mortes et dépourvues de sens et de mouvement. Alors,-évoquant J2 (Forma, quae tota spiritualis est, suos motus omnes habet spirituales. Sic anima hujusce naturae est
in animali motus sensusque planè caeleste, spirituale, ac leve principium. Materia vero terrestre,
ponderosum, ac corporale, alterum naturalis motus principium: Cujus pondere & crassitie corpus
deorsum vergit, ira ut hujusmodi lpotus, ab anima aut forma spirituali non prodeat: sed mediante
29 Ad veritatem, XII, 152 =120-121. Cf. J. Fernel, De abditis rerum causis, J, ix, 99-100.
materia corporali, terrestri scilicet, ac gravi suapte naturâ.) Ad veritatem, XIII, 155 = 122.
JO Ad veritatem, XII, 152 =121. Cf. Asclépius, 6 et 16-17.
JJ =
Ad veritatem, XIII, 157 123-124.
18 Parace1sisme, néoplatonisme et médecine hermétique 19
Là, notre explication que nous avons rapportée plus haut sur l'âme du monde les définitions du principe dans la Métaphysique d'Aristote: "Le principe est ce d'où
est confirmée. En cela, elle est aussi en accord avec ce que le prophète Moïse
a écrit et David le psalmiste a chanté en ces mots: 'Les cieux ont été établis par naît l'essence des choses naturelles" et "La nature est identifiée au principe et à la
le verbe du Seigneur et toute leur vertu avec le spiritus de sa bouche'. cause du mouvement interne" 31, le chymiste gascon nous apprend que les choses
(Ubi nostra confirmatur explicatio, quam de anima mundi supra attuli. Quod naturelles possèdent en elles un certain principe du mouvement et de la génération.
etiam consentit cum eo quod quo scripsit Propheta Moses, nec non cecinit Pour lui, c'est ce principe de la génération et du mouvement qui doit être appelé "na-
Psalmista David, his verbis: 'Verbo Domini aeli firmati sunt, cum spiritu ejus ture particulière". Mais, quelle relation entretient-elle avec la forme et la matière?
oris omnis virtus eorum'.) 29
Sur la forme, Du Chesne nous enseigne qu'elle est totalement spirituelle et possè-
des les mouvements spirituels. L'âme animale, qui est de cette nature, est le princi-
Il serait donc légitime de considérer qu'il y a une influence manifeste de Fernel
pe pleinement céleste, spirituel et léger. Par contre, la matière est l'autre principe,
dans ce développement.
terrestre, lourd et corporel, du mouvement naturel. En raison de sa grossièreté, ce
De même que pour le cas de Platon, il faut aussi souligner que Du Chesne consi-
genre de mouvement s'incline vers le bas et ne surgit pas de la forme ou de l'âme
dère Hermès comme le philosophe le plus versé dans les écrits de Moïse parmi les
mais par l'intermédiaire de la seule matière corporelle, terrestre et lourde 32. Du
Anciens. Il dit:
Chesne affirme alors que le nom de la "nature particulière" s'attribue en même
De cette vertu du spiritus vivifiant, ce grand Trismégiste, le plus versé et exercé temps à la forme et à la matière mais plus à la forme qu'à la matière. Car la forme
dans les écrits sacrés de Moïse avant tous les autres philosophes, a présenté ces donne son être à la chose et la matière ne peut pas le faire par elle-même. En fait,
divines expressions dans le livre II qui est intitulé Asclépius: 'Tout le spiritus, n'importe quel animal ne peut pas être un animal en acte par la seule substance
dit-il, est mu et gouverné dans la sphère du spiritus. Le spiritus remplit tout. Le matérielle mais par la seule forme spirituelle ou âme qui meut et informe le corps par
monde nourrit les corps et le spiritus les anime. Le spiritus dirige et anime toutes les vertus vitales.
choses dans le monde'. Il ajoute plus bas: '... toutes choses ont besoin de ce spiri-
tus. En effet, il porte toutes choses, les vivifie et les alimente selon la dignité de Ainsi, d'après Du Ch~sne, cette nature possède la puissance d'engendrer et de
chacune. La vie et le spiritus le plus fécond sont produits de la sainte fontaine'. donner l'être à toutes choses et orne la matière des formes pour que rien ne subisse
(Ex qua spiritus vivificantis virtute magnus ille Trismegistus prle omnibus aliis la corruption et pour que toutes les choses puissent conserver leur état. Il dit:
Philosophis in sacris Mosis scriptis versatissimus & exercitatissimus, divina hlec
eloquia protulit libro 2 qui Asclepius vocatur: 'Spiritus (inquit) agitur & guberna- En fait, [la nature particulière] indique assez clairement ses vertus et proprié-
tur omnis in orbe spiritus. Spiritus implet omnia: mundus nutritcorpora, spiritus tés, quand elle façonne tous les êtres à partir des éléments, des semences des
animat. Spiritu ministrantur omnia & vegetantur in mundo'. Postea addit: '...hoc choses et de nos principes hypostatiques et quand elle forme ce genre de cho-
spiritu... omnia indigent. Omnia enim portat, pro cujusque dignitate omnia vivi- ses par une grande variété d'impressions des spiritus vitaux, des couleurs et des
ficat & alit. A fonte sancto producitur vita & spiritus fœcundissimus'.) 3D saveurs et par les propriétés de leurs dynameis, pour attribuer autant qu'il faut
attribuer à chaque chose, selon l'usage et la dignité de sa fonction.
Il conclut de là qu'il ne serait pas absurde de croire que ce spiritus éthéré et vivi- (Quas quidem suas virtutes ac potestates satis apertè indicat, cum ex elementis,
fiant est infusé partout dans toutes les choses naturelles et que leurs actions, leurs rerumque seminibus ac principiis nostris hypostaticis, entia omnia e/fingit, ac
magna impressionum vitalium spirituum varietate, colorum, saporum atque id
vertus et leurs propriétés dérivent des spiritus en tant que causes. genus 8vvapeCùv proprietatibus informat, ut quantum cuique rei ad usum digni-
Quant à la "nature naturée" (natura naturata), c'est-à-dire la "nature particuliè- tatemque officii tribuendum est, tantum tribuat.) 33
re", Du Chesne affirme qu'elle n'est rien d'autre que tout le corps naturel qui résul-
te de la forme et de la matière. Ace propos, nous remarquons d'abord que, chez lui Le chymiste gascon considère alors que la construction des choses naturelles,
comme chez Aristote, le corps corporel est constitué de ces deux piliers (forme et convenablement arrangées au niveau de l'ordre, du nombre et de la mesure, peut
matière) de l'hylémorphisme. Et en se basant notamment sur la Physique, II, 1, 192b, être clairement qualifiée de divine, non terrestre et non corporelle quoiqu'elle soit
d'Aristote, il développe sa propre distinction des deux sortes de choses: 1) les "cho-
ses naturelles", qui sont douées du spiritus efficace et de vertus d'agir per se; 2) les
"choses artificiellement construites"qui ne possèdent nulle force et nulle puissance JI Aristote, Métaphysique, V, 1, 1013 a, et V, 4, 1014 b.
d'agir mais qui sont mortes et dépourvues de sens et de mouvement. Alors,-évoquant J2 (Forma, quae tota spiritualis est, suos motus omnes habet spirituales. Sic anima hujusce naturae est
in animali motus sensusque planè caeleste, spirituale, ac leve principium. Materia vero terrestre,
ponderosum, ac corporale, alterum naturalis motus principium: Cujus pondere & crassitie corpus
deorsum vergit, ira ut hujusmodi lpotus, ab anima aut forma spirituali non prodeat: sed mediante
29 Ad veritatem, XII, 152 =120-121. Cf. J. Fernel, De abditis rerum causis, J, ix, 99-100.
materia corporali, terrestri scilicet, ac gravi suapte naturâ.) Ad veritatem, XIII, 155 = 122.
JO Ad veritatem, XII, 152 =121. Cf. Asclépius, 6 et 16-17.
JJ =
Ad veritatem, XIII, 157 123-124.
20 Paraceisisme, néoplatonisme et- médecine hermétique 21

naturelle, suivant la puissance que Dieu a implantée à la "nature particulière". il observe une conception corpusculaire des choses. Par contre, il nous enseigne que
Cependant, il émet une réserve. Car il ne nous faut pas croire que Dieu est inutile et Platon a proposé deux solutions en établissant d'une part le système ternaire de
oisif par le fait qu'il y a autant de puissances et d'effets admirables dans la seule natu- principes (Dieu, exemplaire et matière) et d'autre part le binaire (infini et fini). Pour
re, comme l'ont cru d'anciens philosophes athées tels qu'Anaxagore et Épicure qui Du Chesne, l'idée des trois principes d'Aristote (matière, forme et privation) ne s'é-
n'ont admis aucun dieu que la nature elle-même. En fait, les fonctions de la nature loigne pas de la version binaire de Platon. Car, dit-il, Aristote a parlé de presque la
sont attribuées à chacune de ses parties par la prédestination de Dieu. Cela ne .même chose que Platon mais en d'autres termes, c'est-à-dire la matière pour l'infini
contredit pas ce qui est dit: "Dieu opère toutes choses dans toutes les choses" ou et la forme pour le fini en leur ajoutant comme troisième principe la privation qui
"nous vivons, nous mouvons, sommes en lui-même". Quoique ces choses soient n'est que l'aptitude à recevoir la forme. Ainsi, il va essayer de montrer, contre son
vraies, Dieu a établi la nature intermédiaire et enrichie des vertus d'agir par laquel- adversaire Riolan, qu'il existe une concordance harmonieuse entre ces trois princi-
le il achève, couve et perfectionne toutes les choses 34. Pour cette raison, Du Chesne pes des Anciens, surtout de Platon et d'Aristote, et ses "trois principes hyposta-
confirme que la cause secondaire est appelée "nature" puisque Dieu façonne toutes tiques" qui sont les trois principes paracelsiens (Mercure, Soufre et Sel).
les choses à travers celle-ci en tant qu' "instrument vital". Dieu alimente les hommes Du Chesne débute alors par l'explication de sa théorie de la constitution du
par du pain dans lequel il a implanté une force naturelle de nourrir, de sorte que la monde physique. Il divise le monde en deux globes, supérieur et inférieur, dont le
nature du pain est de nourrir. Dieu prédestine donc le pain à nourrir par sa forme premier est composé du firmament et de l'air et dont le second comprend la terre et
naturelle. Dieu est la cause première, qui opère dans toutes les autres causes puis- l'eau. Ces quatre corps sont les éléments matriciels et les "réceptacles" de toutes les
qu'il les a établies et opère avec elles. Il faudrait donc admettre que la nature, par la choses naturelles. Nous remarquons donc qu'il suit très fidèlement sur ce point l'i·
force qui lui a été implantée, excite, dirige et gouverne tous les mouvements des opé- dée de Paracelse, excellemment extraite et accentuée par Séverin le Danois 37.
rations 35. Nous devons alors chercher la cause de toutes les actions dans la nature Rendons la parole à Quercetanus:
rendue puissante par Dieu avec les vertus spirituelles par lesquelles elle agit dans la
matière. Car rien de vital doué de facultés d'agir ne dérive de la matière qui est vide, En fait, toute cette sphère se divise en deux globes. Le supérieur est évidem-
inerte et morte 36. ment du ciel éthéré (qui s'appelle ainsi 'apo tou aithein' parce qu'il brûle, brille
ou éclaire et qui est le ciel igné, élément formel et essentiel) et de l'air ou du
ciel aérien; et le globe inférieur, qui embrasse en fait l'eau et la terre. Or, quel-
les que soient les choses comprises par ces quatre corps, qui sont les éléments
4. Les semences, les principes et les éléments dans le système quercétanien et les réceptacles de toutes les choses, elles sont soit des corps simples soit des
corps composés et mélangés à partir d'eux.
4.1. Les semences et les trois principes hypostatiques (Totus enim hic orbis in duos globos divisus est, superiorem videlicet, ctelum
tethereum (quod ab ardendo, fulgendo vellucendo, t:l7rà LOV aWt:tv sic dictum est:
quodque igneum ctelum, formale & essentiale elementum est) nec non aerem seu
Dans le chapitre XIV, Du Chesne aborde la discussion sur les trois principes, qui aereum caelum constituentem: Et inferiorem globum, qui quidem complectitur
sont dits "hypostatiques", et les éléments des choses naturelles. Il réfute d'abord les aquam & terram. Qutecumque autem quatuor istis corporibus comprehenduntur,
opinions des Anciens comme Démocrite, Épicure, Diodore et Empédocle chez qui quteelementa sunt & receptacula rerum omnium, vel res sunt simplices, vel cor-
pora ex illis mixta & composita.) 38
34 (Nec contra faciunt haec quae de Deo dicuntur: "Deus operatur omnia in omnibus". Item "in ipso
En tant que réceptacles, ces quatre éléments reçoivent les corps naturels qui sont
vivimus, movemur & sumus". Etsi enim haec vera sunt, constituit tamen naturam intermediam,
per quam virtutibus agendiab illo locupletatam omnia inchoat, fovet ac perficit.) Ad veritatem, distingués en corps simples et en corps composés. En fait, chez Du Chesne, les corps
XIII, 158 = 124. simples se subdivisent en deux groupes. Les uns sont les formes simples ou les sim-
35 Ad veritatem, XIII, 158 = 124·125. plement formels et les autres les matières simples ou les simplement matériels. Ainsi,
36 Il est tentant de comparer la discussion de la nature de Du Chesne avec celle de Robert Boyle pour lui, il existe des "corps matériels" et des "corps formels". Dans ce contexte, il
exposée dans A Free Enquiry into the Vulgarly Received Notion of Nature (London, 1686). Mais
introduit la notion de semence:
cela dépasserait le but de la présente étude. Pour une édition critique moderne, voir R. Boyle, A
Free Enquiry into the Vulgarly Received Notion of Nature, éd. par E. B. Davis et M. Hunter
(Cambridge, 1996). Cf. M. Hunter et E. B. Davis, "The Making of Robert Boyle's Free Enquiry into
the Vulgarly Receiv'd Notion of Nature (1686)", Early Science and Medicine, 1 (1996),204·271. 37 Voir Paracelse, Das Buch 'De mineralibus' (éd. Sudhoff, III, 35); Id., De matrice (éd. Sudhoff, IX,
Pour l'histoire de la notion de nature, voir A. N. Whitehead, The Concept of Nature (Cambridge, 194); P. Séverin, Idea medici~ae philosophicae (Bâle, 1571), 40-47. Voir aussi Hirai (1999), ch.
1920); R. G. Collingwood, The Idea of Nature (Oxford, 1945); R. Lenoble, Esquisse d'une histoire Paracelse, sec. 3-2 et 4-4, et ch. Séverin, sec. 5.
de l'idte de Nature (Paris, 1969); J. Torrance (éd.), The Concept of Nature (Oxford, 1992). 38 Ad veritatem, XIV, 162 = 127.
20 Paraceisisme, néoplatonisme et- médecine hermétique 21

naturelle, suivant la puissance que Dieu a implantée à la "nature particulière". il observe une conception corpusculaire des choses. Par contre, il nous enseigne que
Cependant, il émet une réserve. Car il ne nous faut pas croire que Dieu est inutile et Platon a proposé deux solutions en établissant d'une part le système ternaire de
oisif par le fait qu'il y a autant de puissances et d'effets admirables dans la seule natu- principes (Dieu, exemplaire et matière) et d'autre part le binaire (infini et fini). Pour
re, comme l'ont cru d'anciens philosophes athées tels qu'Anaxagore et Épicure qui Du Chesne, l'idée des trois principes d'Aristote (matière, forme et privation) ne s'é-
n'ont admis aucun dieu que la nature elle-même. En fait, les fonctions de la nature loigne pas de la version binaire de Platon. Car, dit-il, Aristote a parlé de presque la
sont attribuées à chacune de ses parties par la prédestination de Dieu. Cela ne .même chose que Platon mais en d'autres termes, c'est-à-dire la matière pour l'infini
contredit pas ce qui est dit: "Dieu opère toutes choses dans toutes les choses" ou et la forme pour le fini en leur ajoutant comme troisième principe la privation qui
"nous vivons, nous mouvons, sommes en lui-même". Quoique ces choses soient n'est que l'aptitude à recevoir la forme. Ainsi, il va essayer de montrer, contre son
vraies, Dieu a établi la nature intermédiaire et enrichie des vertus d'agir par laquel- adversaire Riolan, qu'il existe une concordance harmonieuse entre ces trois princi-
le il achève, couve et perfectionne toutes les choses 34. Pour cette raison, Du Chesne pes des Anciens, surtout de Platon et d'Aristote, et ses "trois principes hyposta-
confirme que la cause secondaire est appelée "nature" puisque Dieu façonne toutes tiques" qui sont les trois principes paracelsiens (Mercure, Soufre et Sel).
les choses à travers celle-ci en tant qu' "instrument vital". Dieu alimente les hommes Du Chesne débute alors par l'explication de sa théorie de la constitution du
par du pain dans lequel il a implanté une force naturelle de nourrir, de sorte que la monde physique. Il divise le monde en deux globes, supérieur et inférieur, dont le
nature du pain est de nourrir. Dieu prédestine donc le pain à nourrir par sa forme premier est composé du firmament et de l'air et dont le second comprend la terre et
naturelle. Dieu est la cause première, qui opère dans toutes les autres causes puis- l'eau. Ces quatre corps sont les éléments matriciels et les "réceptacles" de toutes les
qu'il les a établies et opère avec elles. Il faudrait donc admettre que la nature, par la choses naturelles. Nous remarquons donc qu'il suit très fidèlement sur ce point l'i·
force qui lui a été implantée, excite, dirige et gouverne tous les mouvements des opé- dée de Paracelse, excellemment extraite et accentuée par Séverin le Danois 37.
rations 35. Nous devons alors chercher la cause de toutes les actions dans la nature Rendons la parole à Quercetanus:
rendue puissante par Dieu avec les vertus spirituelles par lesquelles elle agit dans la
matière. Car rien de vital doué de facultés d'agir ne dérive de la matière qui est vide, En fait, toute cette sphère se divise en deux globes. Le supérieur est évidem-
inerte et morte 36. ment du ciel éthéré (qui s'appelle ainsi 'apo tou aithein' parce qu'il brûle, brille
ou éclaire et qui est le ciel igné, élément formel et essentiel) et de l'air ou du
ciel aérien; et le globe inférieur, qui embrasse en fait l'eau et la terre. Or, quel-
les que soient les choses comprises par ces quatre corps, qui sont les éléments
4. Les semences, les principes et les éléments dans le système quercétanien et les réceptacles de toutes les choses, elles sont soit des corps simples soit des
corps composés et mélangés à partir d'eux.
4.1. Les semences et les trois principes hypostatiques (Totus enim hic orbis in duos globos divisus est, superiorem videlicet, ctelum
tethereum (quod ab ardendo, fulgendo vellucendo, t:l7rà LOV aWt:tv sic dictum est:
quodque igneum ctelum, formale & essentiale elementum est) nec non aerem seu
Dans le chapitre XIV, Du Chesne aborde la discussion sur les trois principes, qui aereum caelum constituentem: Et inferiorem globum, qui quidem complectitur
sont dits "hypostatiques", et les éléments des choses naturelles. Il réfute d'abord les aquam & terram. Qutecumque autem quatuor istis corporibus comprehenduntur,
opinions des Anciens comme Démocrite, Épicure, Diodore et Empédocle chez qui quteelementa sunt & receptacula rerum omnium, vel res sunt simplices, vel cor-
pora ex illis mixta & composita.) 38
34 (Nec contra faciunt haec quae de Deo dicuntur: "Deus operatur omnia in omnibus". Item "in ipso
En tant que réceptacles, ces quatre éléments reçoivent les corps naturels qui sont
vivimus, movemur & sumus". Etsi enim haec vera sunt, constituit tamen naturam intermediam,
per quam virtutibus agendiab illo locupletatam omnia inchoat, fovet ac perficit.) Ad veritatem, distingués en corps simples et en corps composés. En fait, chez Du Chesne, les corps
XIII, 158 = 124. simples se subdivisent en deux groupes. Les uns sont les formes simples ou les sim-
35 Ad veritatem, XIII, 158 = 124·125. plement formels et les autres les matières simples ou les simplement matériels. Ainsi,
36 Il est tentant de comparer la discussion de la nature de Du Chesne avec celle de Robert Boyle pour lui, il existe des "corps matériels" et des "corps formels". Dans ce contexte, il
exposée dans A Free Enquiry into the Vulgarly Received Notion of Nature (London, 1686). Mais
introduit la notion de semence:
cela dépasserait le but de la présente étude. Pour une édition critique moderne, voir R. Boyle, A
Free Enquiry into the Vulgarly Received Notion of Nature, éd. par E. B. Davis et M. Hunter
(Cambridge, 1996). Cf. M. Hunter et E. B. Davis, "The Making of Robert Boyle's Free Enquiry into
the Vulgarly Receiv'd Notion of Nature (1686)", Early Science and Medicine, 1 (1996),204·271. 37 Voir Paracelse, Das Buch 'De mineralibus' (éd. Sudhoff, III, 35); Id., De matrice (éd. Sudhoff, IX,
Pour l'histoire de la notion de nature, voir A. N. Whitehead, The Concept of Nature (Cambridge, 194); P. Séverin, Idea medici~ae philosophicae (Bâle, 1571), 40-47. Voir aussi Hirai (1999), ch.
1920); R. G. Collingwood, The Idea of Nature (Oxford, 1945); R. Lenoble, Esquisse d'une histoire Paracelse, sec. 3-2 et 4-4, et ch. Séverin, sec. 5.
de l'idte de Nature (Paris, 1969); J. Torrance (éd.), The Concept of Nature (Oxford, 1992). 38 Ad veritatem, XIV, 162 = 127.
22 Paracelsisme, néoplatonisme et médecine hermétique 23

Ces choses simplement formelles sont astrales et spirituelles. Les éléments sont tons. Nous remarquons que cette explication de la vie circulaire des semences est,
formels, les semences sont formelles et les trois principes sont formels, c'est-à- malgré le développement de termes différents, essentiellement séverinienne 42. Du
dire, si spirituels qu'ils ne se présentent pas à nos sens. Or, des éléments for- Chesne affirme que son explication s'accorde bien avec les opinions des Socratiques
mels dont nous parlons, nous disons qu'en eux sont les semences astrales et les dans le Parménide, des Stoïciens dans le De causa continente, d'Anaxagore dans le
principes formels des choses diffusés et déposés comme dans leurs propres
réceptacles. Et c'est dans ces éléments simples et spirituels que se cachent les De syncrisi atomorum et d'Hippocrate dans le Du régime. Il pousse plus loin le com-
sciences fécondes et vivifiantes des semences et des principes spirituels, les mentaire sur le mouvement circulaire des semences. Il enseigne que, par cette cir-
propriétés et les racines de toutes les choses qui vont se propager. culation perpétuelle, le Ciel se marie avec la Terre et les éléments inférieurs se relient
(Quae simpliciter formalia sunt, astralia & spiritualia: elementa sunt formalia: aux supérieurs 43. C'est notamment par l'échange des "vapeurs souterraines" qu'il
semina formalia, & tria principia formalia: hoc est, quae ita spiritualia sunt, ut visualise ce phénomène circulaire. Il s'inspire sans doute pour cette idée de la doc-
sensibus nostris non occurrant. Elementa autem formalia, de quibus nobis est
sermo, ea nobis dicuntur, in quorum sinu rerum astralia semina & formalia prin- trine des "exhalaisons" d'Aristote. En tout cas, il considère que les vapeurs perpé-
cipia, ut in sua propria receptacula diffusa, & reposita sunt: in quibus simplicibus tuelles sont repoussées du centre de la Terre dans les eaux et que les vapeurs véhi-
& spiritualibus elementis seminum & principiorum spiritualium fœcundae & culées à travers ces eaux sont transportées dans l'air par l'attraction céleste. Grâce à
vivzficae scientiae, proprietates & radices rerum omnium propagandarum deli- la force des éléments inférieurs (terre et eau) d'attirer les semences, elles voyagent
tescunt.) 39 avec les vapeurs. Les éléments remplis et imprégnés des formes célestes retournent
enfin au point de départ (parents). Et ils couvent leurs semences convenablement et
Comme nous le voyons, chez Du Chesne, il y a trois genres de choses simples ou
font sortir leurs fruits 44. Les "trois principes hypostatiques" sont nécessaires dans
simplement formelles: les éléments, les semences et les trois principes. Et ils sont
ce processus du mariage. Du Chesne dit:
tous astraux, spirituels et invisibles. Cependant, leurs statuts ontologiques ne sont
pas tout à fait au même rang car les semences et les trois principes sont dans les élé- Cetteimpregnation ne vient pas d'un autre lieu que de ces semences astrales
ments et sont doués de "sciences fécondes et vivifiantes". Pour le chymiste gascon, et de ces trois principes formels, Mercure, Soufre et Sel, munis de toute la
dans ces éléments réceptacles sont inclus, à travers les semences et les trois princi- science, des propriétés, des vertus et des teintures. Depuis leur corps spirituel,
peshypostatiques, les figures, les manières d'être, les dispositions, les qualités, les ils adaptent la matière à eux, l'animent et l'équipent de leurs propriétés. En
effet, il appartient au Mercure de donner largement la vie aux parties. Le
dimensions, les saveurs, les odeurs et les couleurs des choses naturelles qui se pro- Soufre donne l'augmentation du corps et le Sel rassemble ces deux et les
pagent 40. Ces propriétés s'épanouissent de leur sein élémentaire à la maturité
coagule en un corps ferme. ' . .. .
opportune d'après leurs durées prédéterminées. En fait, c'est par une grande sym- (Quae quidem impraegnatio aliunde non procedit, quam ex astraltbus z!lzssem,t-
pathie et affinité que les semences spirituelles s'unissent aux éléments simples et aux nibus, tribusque formalibus principiis, mercurio, sulphure & sale, omm SCientza,
trois principes. Elles leur donnent une réciprocité mutuelle. Même après être ren- proprietatibus, virtutibus, & tincturis instructis: sibi ex spirituali suo corpore,
dues par leurs parents en certaines espèces ou individus, les semences ne perdent materiale sibi accommodent, ac suis proprietatibus animent ac exornent.
Siquidem mercurii est partibus vitam elargiri: sulphuris incrementum corporis
jamais l'union avec les éléments simples par le "souvenir" (recordatio) de ce lien. En dare: & salis duo illa compingere, & in unum corpus firmum coagulare.) 45
étant achevées à la fin par la prédestination et la "lithurgie" des corps naturels, elles
reviennent chez leurs ancêtres et y reposent. C'est-à-dire, elles retournent au point Ainsi, nous observons chez Du Chesne que les semences ou les trois principes sont
de départ 41. Ce mouvement est visualisé par Du Chesne comme celui des fleuves qui
doués des propriétés, des vertus et des teintures des choses à venir, outre les "scien-
émergent de l'élément de la mer. En coulant çà et là, les fleuves déposent partout les
progénitures de leur ventre et reviennent enfin à leurs matrices. Là, ils se rechargent
de nouvelles forces par l'embrassement mutuel pour propager de nouveau leurs reje- 42 Voir Hirai (1999), ch. Séverin, sec. 6 et 8.
43 Par ce mariage entre le Ciel et la Terre, Du Chesne fait allusion au célèbre thème de la Table
d'émeraude d'Hermès. Voir D. Kahn (éd.), La Table d'émeraude et sa tradition alchimique (Paris,
39 Ad veritatem, XIV, 162-163 = 127-128. Cf. Hooykaas (1937),8-9. 1994); J. Ruska, Tabula Smaragdina: Ein Beitrag zur Geschichte der hermetischen Literatur
40 Ad veritatem, XIV, 163 = 128. (Heidelberg, 1926).
41 (Atque haec simplicia elementa, aut etiam principia tanta sympathia ac amicitia, spiritualia semina 44 (Perpetuis enim vaporibus ex centro terrae in aquas expulsis, & ex aquis in aerem evectis, astro·
amplectuntur, & haec mutuam reddunt elementis & principüs reciprocationem, ut semel a paren- rum caelestium attractione: nec non vi & appetitu elementorum inferiorum, edendae prolis, ac
tibus in speeiem aliquam aut individuum traducta, numquam finem faciant (suae unionis cum sim- concipiendae ex caelo, seminibus hinc inde concurrentibus tandem elementa redeunt ad suos par-
plicibus elementis recordatione) quin tandem denuô, corporum naturalium praedestinatione & entes, gravida & caelestibus forÎnis impraegnata: ibique semina sua fouent, dum tandem oportunè
lithurgia consummata, ad avos suos & proavos retrogrediantur, ibique conquiescant.) Ad veri- parturiant & fœtus suos excludant.) Ad veritatem, XIV, 164 = 128.
tatem, XIV, 163 = 128. 45 Ad veritatem, XIV, 164 = 128-129. Cf. Hooykaas (1937), 9.
22 Paracelsisme, néoplatonisme et médecine hermétique 23

Ces choses simplement formelles sont astrales et spirituelles. Les éléments sont tons. Nous remarquons que cette explication de la vie circulaire des semences est,
formels, les semences sont formelles et les trois principes sont formels, c'est-à- malgré le développement de termes différents, essentiellement séverinienne 42. Du
dire, si spirituels qu'ils ne se présentent pas à nos sens. Or, des éléments for- Chesne affirme que son explication s'accorde bien avec les opinions des Socratiques
mels dont nous parlons, nous disons qu'en eux sont les semences astrales et les dans le Parménide, des Stoïciens dans le De causa continente, d'Anaxagore dans le
principes formels des choses diffusés et déposés comme dans leurs propres
réceptacles. Et c'est dans ces éléments simples et spirituels que se cachent les De syncrisi atomorum et d'Hippocrate dans le Du régime. Il pousse plus loin le com-
sciences fécondes et vivifiantes des semences et des principes spirituels, les mentaire sur le mouvement circulaire des semences. Il enseigne que, par cette cir-
propriétés et les racines de toutes les choses qui vont se propager. culation perpétuelle, le Ciel se marie avec la Terre et les éléments inférieurs se relient
(Quae simpliciter formalia sunt, astralia & spiritualia: elementa sunt formalia: aux supérieurs 43. C'est notamment par l'échange des "vapeurs souterraines" qu'il
semina formalia, & tria principia formalia: hoc est, quae ita spiritualia sunt, ut visualise ce phénomène circulaire. Il s'inspire sans doute pour cette idée de la doc-
sensibus nostris non occurrant. Elementa autem formalia, de quibus nobis est
sermo, ea nobis dicuntur, in quorum sinu rerum astralia semina & formalia prin- trine des "exhalaisons" d'Aristote. En tout cas, il considère que les vapeurs perpé-
cipia, ut in sua propria receptacula diffusa, & reposita sunt: in quibus simplicibus tuelles sont repoussées du centre de la Terre dans les eaux et que les vapeurs véhi-
& spiritualibus elementis seminum & principiorum spiritualium fœcundae & culées à travers ces eaux sont transportées dans l'air par l'attraction céleste. Grâce à
vivzficae scientiae, proprietates & radices rerum omnium propagandarum deli- la force des éléments inférieurs (terre et eau) d'attirer les semences, elles voyagent
tescunt.) 39 avec les vapeurs. Les éléments remplis et imprégnés des formes célestes retournent
enfin au point de départ (parents). Et ils couvent leurs semences convenablement et
Comme nous le voyons, chez Du Chesne, il y a trois genres de choses simples ou
font sortir leurs fruits 44. Les "trois principes hypostatiques" sont nécessaires dans
simplement formelles: les éléments, les semences et les trois principes. Et ils sont
ce processus du mariage. Du Chesne dit:
tous astraux, spirituels et invisibles. Cependant, leurs statuts ontologiques ne sont
pas tout à fait au même rang car les semences et les trois principes sont dans les élé- Cetteimpregnation ne vient pas d'un autre lieu que de ces semences astrales
ments et sont doués de "sciences fécondes et vivifiantes". Pour le chymiste gascon, et de ces trois principes formels, Mercure, Soufre et Sel, munis de toute la
dans ces éléments réceptacles sont inclus, à travers les semences et les trois princi- science, des propriétés, des vertus et des teintures. Depuis leur corps spirituel,
peshypostatiques, les figures, les manières d'être, les dispositions, les qualités, les ils adaptent la matière à eux, l'animent et l'équipent de leurs propriétés. En
effet, il appartient au Mercure de donner largement la vie aux parties. Le
dimensions, les saveurs, les odeurs et les couleurs des choses naturelles qui se pro- Soufre donne l'augmentation du corps et le Sel rassemble ces deux et les
pagent 40. Ces propriétés s'épanouissent de leur sein élémentaire à la maturité
coagule en un corps ferme. ' . .. .
opportune d'après leurs durées prédéterminées. En fait, c'est par une grande sym- (Quae quidem impraegnatio aliunde non procedit, quam ex astraltbus z!lzssem,t-
pathie et affinité que les semences spirituelles s'unissent aux éléments simples et aux nibus, tribusque formalibus principiis, mercurio, sulphure & sale, omm SCientza,
trois principes. Elles leur donnent une réciprocité mutuelle. Même après être ren- proprietatibus, virtutibus, & tincturis instructis: sibi ex spirituali suo corpore,
dues par leurs parents en certaines espèces ou individus, les semences ne perdent materiale sibi accommodent, ac suis proprietatibus animent ac exornent.
Siquidem mercurii est partibus vitam elargiri: sulphuris incrementum corporis
jamais l'union avec les éléments simples par le "souvenir" (recordatio) de ce lien. En dare: & salis duo illa compingere, & in unum corpus firmum coagulare.) 45
étant achevées à la fin par la prédestination et la "lithurgie" des corps naturels, elles
reviennent chez leurs ancêtres et y reposent. C'est-à-dire, elles retournent au point Ainsi, nous observons chez Du Chesne que les semences ou les trois principes sont
de départ 41. Ce mouvement est visualisé par Du Chesne comme celui des fleuves qui
doués des propriétés, des vertus et des teintures des choses à venir, outre les "scien-
émergent de l'élément de la mer. En coulant çà et là, les fleuves déposent partout les
progénitures de leur ventre et reviennent enfin à leurs matrices. Là, ils se rechargent
de nouvelles forces par l'embrassement mutuel pour propager de nouveau leurs reje- 42 Voir Hirai (1999), ch. Séverin, sec. 6 et 8.
43 Par ce mariage entre le Ciel et la Terre, Du Chesne fait allusion au célèbre thème de la Table
d'émeraude d'Hermès. Voir D. Kahn (éd.), La Table d'émeraude et sa tradition alchimique (Paris,
39 Ad veritatem, XIV, 162-163 = 127-128. Cf. Hooykaas (1937),8-9. 1994); J. Ruska, Tabula Smaragdina: Ein Beitrag zur Geschichte der hermetischen Literatur
40 Ad veritatem, XIV, 163 = 128. (Heidelberg, 1926).
41 (Atque haec simplicia elementa, aut etiam principia tanta sympathia ac amicitia, spiritualia semina 44 (Perpetuis enim vaporibus ex centro terrae in aquas expulsis, & ex aquis in aerem evectis, astro·
amplectuntur, & haec mutuam reddunt elementis & principüs reciprocationem, ut semel a paren- rum caelestium attractione: nec non vi & appetitu elementorum inferiorum, edendae prolis, ac
tibus in speeiem aliquam aut individuum traducta, numquam finem faciant (suae unionis cum sim- concipiendae ex caelo, seminibus hinc inde concurrentibus tandem elementa redeunt ad suos par-
plicibus elementis recordatione) quin tandem denuô, corporum naturalium praedestinatione & entes, gravida & caelestibus forÎnis impraegnata: ibique semina sua fouent, dum tandem oportunè
lithurgia consummata, ad avos suos & proavos retrogrediantur, ibique conquiescant.) Ad veri- parturiant & fœtus suos excludant.) Ad veritatem, XIV, 164 = 128.
tatem, XIV, 163 = 128. 45 Ad veritatem, XIV, 164 = 128-129. Cf. Hooykaas (1937), 9.
24 Paracelsisme, néoplatonisme et médecine hermétique 25
ces vitales" que nous venons de voir. Quoique les trois principes soient plus spiri- peut être saisi que par le mouvement, la vie et les fonctions quoiqu'il y réside réelle-
tuels que corporels, étant reliés aux éléments simples, ils établissent, augmentent, ment. Les corps visibles matériels se divisent en trois genres: 1) ceux des semences;
couvent et conservent le corps matériel mixte et composé jusqu'au terme prédesti- 2) ceux des trois principes et 3) ceux des éléments. Ils ne sont pas matériels par natu-
né 46. De même, il nous apprend que les propriétés, les signatures et les puissances re mais sont vêtus de la couverture matérielle. Parmi eux, les uns sont actifs (semen-
des semences sont implantées aux principes et qu'ils possèdent donc des qualités ces et principes) et les autres passifs (éléments). De plus, les corps actifs des semen-
vitales telles que les saveurs, les odeurs et les couleurs. D'où, les trois principes ten· ces se subdivisent en trois groupes qui correspondent aux trois règnes naturels. Ces
dent vers la nature de la forme plutôt que de la matière. Par contre; les éléments se corps acÙfs des trois sortes de semences ont en eux une certaine dynamis. Tous les
rapprochent plutôt de la matière que de la forme bien qu'ils soient dits formels. En corps matériels possèdent aussi les spiritus latents qui sont, à notre avis, les véhicu-
fait, les principes simples et formels sont ornés et enrichis des premières facultés par- les de la dynamis.
ticulières des semences astrales 47. Nous comprenons donc la hiérarchie manifeste Ensuite, Du Chesne nous explique les caractères de chacun des trois principes.
des choses spirituelles et invisibles de Du Chesne. Le premier rang est accordé aux Tout d'abord, le Mercure est le liquide acide, perméable et pénétrant, le corps le plus
semences astrales qui activent, à leur tour, les trois principes hypostatiques. Grâce à pur, éthéré et essentiel, la substance aérienne la plus subtile, vivifiante et spiritueuse,
ces semences et ces principes qui résident inséparablement dans les éléments sim- la "nourriture de vie" (pabulum vitae), "essence" (ousia) et "instrument le plus pro-
ples, ceux-ci semblent plutôt formels et actifs. Mais, ils sont par nature les plus pro- che" de la forme. Le Soufre est le liquide doux, huileux, visqueux, substantiel, pri-
ches de la sphère de la matière parmi les trois genres des choses formelles. Par le fait . mordial, "nourriture (pabulum) du feu ou de la chaleur naturelle", doué de la force
que les principes soient liés aux éléments, les principes réalisent et dirigent les corps d'adoucir et d'agglutiner. Le Sel est le corps sec, salin, purement terreux, représentant
matériels. Pour cette raison, les éléments peuvent également être appelés "principes la nature du sel. Il est doué des vertus admirables de dissoudre, de coaguler, de net-
simples matériels" auxquels ne s'attribuent que les qualités passives tandis que les toyer, d'évacuer et d'autres facultés qu'il exerce dans les individus 49. Ici, le chymiste
"principes formels" possèdent les qualités actives. Cependant, c'est quand ces corps gascon, tout comme Séverin, veut montrer l'ancienneté de cette doctrine plutôt que
formels sont vêtus de la couverture corporelle et matérielle qu'ils sont véritablement mettre l'accent sur l'invention de Paracelse. Ainsi, il a recours à l'autorité d'Hermès
appelés "matériels". De là, Du Chesne conclut: sous l'influence évidente du traité (ps.) paracelsien du De natura rerum. Il dit:

Parmi les principes simples, certains sont formels et spirituels, certains maté- Ces trois principes ont été autrefois appelés par Hermès le plus ancien philo-
riels, corporels et visibles. Les invisibles sont les éléments simples et formels, sophe 'esprit', 'âme' et 'corps' vu que le Mercure est l'esprit, le Soufre est l'âme
les semences astrales et les principes spirituels. Les visibles sont en fait les et le Sel est le corps. Or, le corps est assemblé par le spiritus, lien du Soufre ou
mêmes mais vêtus du corps matériel. âme, qui possède l'affinité avec les deux extrêmes, en tant qu'intermédiaire qui
(Simplicium nempè principiorum, alia esse formalia & spiritualia: alia materia- conjugue les extrêmes. Le Mercure est en fait un liquide, rare et perméable. Le
lia, corporea & visibilia. Invisibilia autem esse elementa simplicia formalia, semi- Soufre ou huile est mou et fluide. Le Sel est sec, dense et stable.
na astralia & principia spiritualia. Visibilia vero eadem esse: sedmateriali corpo- (Haec tria principia, ab Hermete olim antiquissimo Philosopho dicta sunt spiritus,
re induta.) 48 anima, corpus, ut Mercurius sit spiritus, sulphur anima, saI corpus. Corpus autem
spiritufungitur, sulphuris seu animae vinculo, quod affinitatem habet cum utroque
extremo, tanquam medium extrema copulans. Mercurius est enim liquidus, rarus,
Ainsi, il évoque que dans tous les individus sont contenus en même temps deux
permeabilis. Sulphur ceu oleum molle, fluidum. SaI siccus, densus, stabilis.) 50
corps, l'un visible et matériel et l'autre invisible et spirituel. Le corps spirituel ne

46 (Tria igitur haec formalia principia à nobis ex suis officiis ac proprietatibus descripta, etsi magis 49 (Mercurius est liquor ille acidus, permeabilis, penetrabilis: purissimam & aethereum illud corpus
spiritualia sunt, quam corporalia, juncta tamen cum elementis simplicibus, materiale corpus mix- oum<ô8ec;: Aerea, subtilissima, vivifiea, ac spirituosa substantia, pabulum vitae, & ouma seu for-
tumque ac compositum constituunt, augent, fovent, & in statu suo ad praedestinatum usque finem mae proximum instrumentum. Sulphur est humidum illud, dulce, oleaginosum, viscidum, sub·
conservant.) Ad veritatem, XIV, 164-165 = 129. stantificum, primigenium: ignis seu caloris naturalis pabulum, leniendi & agglutinandi vi
47 (Cum autem seminum proprietates, signaturae & potestates insitae sint & inclusae illis principiis, praedieum. Sai, corpus est illud siecum, salsum, purè terreum, salis naturam repraesentans, miran-
vitalesque suas qualitates saporum, odorum, colorum in ipsis quoque occultas habeant, etsi mate- dis virtutibus praeditum, dissoluendi, coagulandi, detergendi, evacuandi, & infinitis aliis facultat-
rialia utcunque sint illa semina: naturam tamen formae potius aemulantur quàm materiae: ele· ibus quas in individuis ... exercet.) Ad veritatem, XIV, 167 = 131.
menta vero contra matetiae magis adhaerent, quàm formae. Idcirco ea vocantur à Philosophis sim- 50 Ad veritatem, XIV, 167 = 131. Cf. (ps.-) Paracelse, De natura rerum, 1 (éd. Sudhoff, XI, 318);
plicia principia formalia propriè ... quûd formalia & priora sint, ornata atque ditata, primis ac prae· Séverin, Idea medicinae philâsophicae, 67; W. Pagel, Paracelsus: An Introduction to Philosophical
cipuis seminum astralium facultatibus.) Ad veritatem, XIV, 165 = 129. Medicine in the Era of the Renaissance (Bâle, 1958/1982),267; Hirai (1999), ch. Paracelse, sec. 4-
4S Ad veritatem, XIV, 166 = 130. 8, et ch. Séverin, sec. 7.
24 Paracelsisme, néoplatonisme et médecine hermétique 25
ces vitales" que nous venons de voir. Quoique les trois principes soient plus spiri- peut être saisi que par le mouvement, la vie et les fonctions quoiqu'il y réside réelle-
tuels que corporels, étant reliés aux éléments simples, ils établissent, augmentent, ment. Les corps visibles matériels se divisent en trois genres: 1) ceux des semences;
couvent et conservent le corps matériel mixte et composé jusqu'au terme prédesti- 2) ceux des trois principes et 3) ceux des éléments. Ils ne sont pas matériels par natu-
né 46. De même, il nous apprend que les propriétés, les signatures et les puissances re mais sont vêtus de la couverture matérielle. Parmi eux, les uns sont actifs (semen-
des semences sont implantées aux principes et qu'ils possèdent donc des qualités ces et principes) et les autres passifs (éléments). De plus, les corps actifs des semen-
vitales telles que les saveurs, les odeurs et les couleurs. D'où, les trois principes ten· ces se subdivisent en trois groupes qui correspondent aux trois règnes naturels. Ces
dent vers la nature de la forme plutôt que de la matière. Par contre; les éléments se corps acÙfs des trois sortes de semences ont en eux une certaine dynamis. Tous les
rapprochent plutôt de la matière que de la forme bien qu'ils soient dits formels. En corps matériels possèdent aussi les spiritus latents qui sont, à notre avis, les véhicu-
fait, les principes simples et formels sont ornés et enrichis des premières facultés par- les de la dynamis.
ticulières des semences astrales 47. Nous comprenons donc la hiérarchie manifeste Ensuite, Du Chesne nous explique les caractères de chacun des trois principes.
des choses spirituelles et invisibles de Du Chesne. Le premier rang est accordé aux Tout d'abord, le Mercure est le liquide acide, perméable et pénétrant, le corps le plus
semences astrales qui activent, à leur tour, les trois principes hypostatiques. Grâce à pur, éthéré et essentiel, la substance aérienne la plus subtile, vivifiante et spiritueuse,
ces semences et ces principes qui résident inséparablement dans les éléments sim- la "nourriture de vie" (pabulum vitae), "essence" (ousia) et "instrument le plus pro-
ples, ceux-ci semblent plutôt formels et actifs. Mais, ils sont par nature les plus pro- che" de la forme. Le Soufre est le liquide doux, huileux, visqueux, substantiel, pri-
ches de la sphère de la matière parmi les trois genres des choses formelles. Par le fait . mordial, "nourriture (pabulum) du feu ou de la chaleur naturelle", doué de la force
que les principes soient liés aux éléments, les principes réalisent et dirigent les corps d'adoucir et d'agglutiner. Le Sel est le corps sec, salin, purement terreux, représentant
matériels. Pour cette raison, les éléments peuvent également être appelés "principes la nature du sel. Il est doué des vertus admirables de dissoudre, de coaguler, de net-
simples matériels" auxquels ne s'attribuent que les qualités passives tandis que les toyer, d'évacuer et d'autres facultés qu'il exerce dans les individus 49. Ici, le chymiste
"principes formels" possèdent les qualités actives. Cependant, c'est quand ces corps gascon, tout comme Séverin, veut montrer l'ancienneté de cette doctrine plutôt que
formels sont vêtus de la couverture corporelle et matérielle qu'ils sont véritablement mettre l'accent sur l'invention de Paracelse. Ainsi, il a recours à l'autorité d'Hermès
appelés "matériels". De là, Du Chesne conclut: sous l'influence évidente du traité (ps.) paracelsien du De natura rerum. Il dit:

Parmi les principes simples, certains sont formels et spirituels, certains maté- Ces trois principes ont été autrefois appelés par Hermès le plus ancien philo-
riels, corporels et visibles. Les invisibles sont les éléments simples et formels, sophe 'esprit', 'âme' et 'corps' vu que le Mercure est l'esprit, le Soufre est l'âme
les semences astrales et les principes spirituels. Les visibles sont en fait les et le Sel est le corps. Or, le corps est assemblé par le spiritus, lien du Soufre ou
mêmes mais vêtus du corps matériel. âme, qui possède l'affinité avec les deux extrêmes, en tant qu'intermédiaire qui
(Simplicium nempè principiorum, alia esse formalia & spiritualia: alia materia- conjugue les extrêmes. Le Mercure est en fait un liquide, rare et perméable. Le
lia, corporea & visibilia. Invisibilia autem esse elementa simplicia formalia, semi- Soufre ou huile est mou et fluide. Le Sel est sec, dense et stable.
na astralia & principia spiritualia. Visibilia vero eadem esse: sedmateriali corpo- (Haec tria principia, ab Hermete olim antiquissimo Philosopho dicta sunt spiritus,
re induta.) 48 anima, corpus, ut Mercurius sit spiritus, sulphur anima, saI corpus. Corpus autem
spiritufungitur, sulphuris seu animae vinculo, quod affinitatem habet cum utroque
extremo, tanquam medium extrema copulans. Mercurius est enim liquidus, rarus,
Ainsi, il évoque que dans tous les individus sont contenus en même temps deux
permeabilis. Sulphur ceu oleum molle, fluidum. SaI siccus, densus, stabilis.) 50
corps, l'un visible et matériel et l'autre invisible et spirituel. Le corps spirituel ne

46 (Tria igitur haec formalia principia à nobis ex suis officiis ac proprietatibus descripta, etsi magis 49 (Mercurius est liquor ille acidus, permeabilis, penetrabilis: purissimam & aethereum illud corpus
spiritualia sunt, quam corporalia, juncta tamen cum elementis simplicibus, materiale corpus mix- oum<ô8ec;: Aerea, subtilissima, vivifiea, ac spirituosa substantia, pabulum vitae, & ouma seu for-
tumque ac compositum constituunt, augent, fovent, & in statu suo ad praedestinatum usque finem mae proximum instrumentum. Sulphur est humidum illud, dulce, oleaginosum, viscidum, sub·
conservant.) Ad veritatem, XIV, 164-165 = 129. stantificum, primigenium: ignis seu caloris naturalis pabulum, leniendi & agglutinandi vi
47 (Cum autem seminum proprietates, signaturae & potestates insitae sint & inclusae illis principiis, praedieum. Sai, corpus est illud siecum, salsum, purè terreum, salis naturam repraesentans, miran-
vitalesque suas qualitates saporum, odorum, colorum in ipsis quoque occultas habeant, etsi mate- dis virtutibus praeditum, dissoluendi, coagulandi, detergendi, evacuandi, & infinitis aliis facultat-
rialia utcunque sint illa semina: naturam tamen formae potius aemulantur quàm materiae: ele· ibus quas in individuis ... exercet.) Ad veritatem, XIV, 167 = 131.
menta vero contra matetiae magis adhaerent, quàm formae. Idcirco ea vocantur à Philosophis sim- 50 Ad veritatem, XIV, 167 = 131. Cf. (ps.-) Paracelse, De natura rerum, 1 (éd. Sudhoff, XI, 318);
plicia principia formalia propriè ... quûd formalia & priora sint, ornata atque ditata, primis ac prae· Séverin, Idea medicinae philâsophicae, 67; W. Pagel, Paracelsus: An Introduction to Philosophical
cipuis seminum astralium facultatibus.) Ad veritatem, XIV, 165 = 129. Medicine in the Era of the Renaissance (Bâle, 1958/1982),267; Hirai (1999), ch. Paracelse, sec. 4-
4S Ad veritatem, XIV, 166 = 130. 8, et ch. Séverin, sec. 7.
26 Paracelsisme, néoplatonisme et médecine hermétique 27

Ces trois principes sont si mutuellement tempérés et proportionnés par l'intermé- retrouver l'origine de la fameuse doctrine des "cinq substances chimiques" qui sera
diaire que chacun ne se distingue pas facilement. Le Soufre ou humide huileux est en vogue notamment dans la tradition des "Cours de chymie" en France au dix·sep-
l'intermédiaire qui touche, par son humidité, par sa mollesse et par sa fluidité, les tième siècle 53. En réalité, Du Chesne développe ce qu'il a déjà mis au jour dans son
deux extrêmes, c'est-à-dire la fixité du Sel et la volatilité du Mercure ou la sécheres- vaste poème mythologique et cosmologique, Grand miroir du monde (Lyon
se du Sel et la liquidité du Mercure. Et il tempère l'acidité du Mercure et l'amertu- [Genève], 1593). Cependant, il nous faudrait surtout souligner que ce que les chy-
me du Sel par sa douceur étonnante 51. mistes postérieurs compteront parmi les cinq principes est expliqué dans cet Ad
veritatem comme les "corps visibles matériels actifs", provenant des trois principes
animales, excitées par l'amour (Vénus) (Mercure, Soufre et Sel), et comme les "corps visibles matériels passifs", dérivés des
des semences végétales, enfermées dans leurs étuis éléments (Terre et Phlegme). Cela ne veut pas dire pour lui qu'il y ait seulement les
trois principes actifs et les deux éléments passifs pour la constitution des corps natu-

actifs
1 minérales, recouvertes par la grande
masse d'entraves rels visibles, comme l'ont cru les partisans du système des cinq. D'ailleurs, le chy-
miste gascon continue la discussion par l'élément "air", qui est pourtant invisible 54.

Les corps visibles


matériels
4.3. L'air et le "sel armoniac des philosophes"

Du Chesne considère que l'air est le troisième élément des choses. Il ne peut pas
être séparé per se mais s'évapore étant assimilé dans les "souffles" (aurae). Il reste lié
au Soufre et au Mercure et adhère surtout au Mercure Qui est si soirituel Qu'il ne
4.2. Les corps visibles des éléments peut pas être séparé isolém~nt par l'artisan mais réside toujours dans les "souffles"
_. _ •• •• • 1 '. _11
avec les parties aériennes des choses. lei, le chymlste gascon introduit une nouvelle
Quant aux corps visibles des éléments (qui sont les corps rendus visibles en rai· idée selon laquelle il existe dans le monde un sel spécial qui s'identifie au Mercure.
son de la couverture matérielle), Du Chesne nous apprend qu'il y en a deux: L'un C'est le "sel armoniac volatil des philosophes". S'agit-il d'un développement pero
est sec et l'autre humide. Le genre sec est la terre sablonneuse et la cendre, dont le sonnel? En tout cas. dans la tradition de l'alchimie arabe. le sel ammoniac- 011 ~rmo­
Sel a été enlevé par les eaux. Les chymistes l'appellent "terre damnée" (terra dam- niac (hammoniac ou harmoniac) est souvent conçu comme un des spiritus minéraux
natal puisqu'il possède seulement la force de dessécher et la force dite "emplas- avec le soufre et le mercure. Sa nature est subtile, pénétrante, fugitive, la plus
tique". Par contre, le genre humide, qui s'appelle "phlegme insipide", est dépourvu noble 55. D'après Du Chesne, l'artisan le plus expérimenté sait que le Mercure ou ce
de Soufre et de Mercure et n'est doué de nulle odeur ni d'autre vertu vitale. "sel armoniac" volatil est tellement lié avec l'air ou la partie aérienne qu'il s'exhale
Cependant, celui·ci peut humecter. Ces deux corps visibles des éléments sont inef·
ficaces et ne possèdent que les qualités passives et inutiles que certains appellent
"rélollaceuses" 52. Ils ne rivalisent jamais avec les trois principe. Ici, il nous semble =
viribus valeant.l Ad veritatem, XIV, 168-169 132. Cf. Hooykaas (1937), 9-10. Sur la notion
paracelsienne des qualités "rélollaceuses", voir Hirai (1999), ch. Séverin, sec. 7.
53 Sur la tradition des "Cours de chymie", voir H. Metzger, Les doctrines chimiques en France (Paris,
51 (Sulphur enim seu humidum ilIud oleaginosum medium est, ut diximus, quod sua humiditate, 1923); Debus (1991), 123-134; B. Joly, "I:édition des 'Cours de chymie' aux XVII' et XVIIIe siè-
mollitie & fluiditate, duo externa, nempè salem fixum, & mercurium volatilem, contingat: siccita- cles: obscurités et lumières d'une nouvelle discipline scientifique", in M.- T. Isaac et C. Sorgeloos
tem salis nimirum & liquiditatem mercurü sua humiditate viscosa: densitatem salis, & permeabili- (éds.), La diffusion du savoir scientifique XVI'-XIX' siècles (Bruxelles, 1996),57-81; "De l'alchimie
tatem mercurii, summè contraria, sua fluiditate: quae medium tenet inter stabile & permeabile. à la chimie: Le développement des 'Cours de chymie' au XVIIe siècle en France", in F. Greiner
Adde quod summa sua dulcedine mercurii aciditatem, & salis amaritudinem contemperat, & sua (éd.), Aspects de la tradition alchimique au XV1I' siècle (Paris, 1998), 85-94; U. Klein, "Nature and
visciditate, mercurii volatilitatem cum salis fixione, conciliat.) Ad veritatem, XIV, 168 = 131-132. Art in Seventeenth-Century French Chemical Textbooks", in Debus et Walton (1998),239-250.
52 (Corpora visibilia elementorum duorum sunt generum alterum: Siccum, quod terra arenosa sive 54 Sur la réintroduction de l'air, une fois éliminé, voir Debus (1991),54-55.
cinis est, omni sale per aquarum lixivia destitutum. Vocaturque à Chimicis terra damnata, quod 55 Voir Ps.-Avicenne, De anima in arte Alchimicae (Bâle, 1572), 102; Ps.-Rasis, De aluminibus et sali-
nullam vim quam exiccantem & emplasticam habet. Humidum. quod insipidum phlegma vocatur, bus, éd. R. Steele, in Isis, 12 (1929), 10-46, ici 16 et 18-19; J. Ruska, SaI ammoniacus, Nusâdir und
omni sulphure & mercurio obrutum, nullo odore, sapore. vitalive alia virtute praeditum, quodque Salmiak (Heidelberg, 1923); J. M. Stillman, The Story 0/ Alchemy and Barly Chemistry (New York,
tantum humectare potest citra ullam energiam. Atque ut haec sunt invalida, sic qualitates tantum 1924/1960),240; D. Wyckoff (éd.), Albertus Magnus: Book a/Minerais (Oxford, 1967),240-241;
passivas ." possident, atque inutiles, quae idcirco relollaceae a nonnullis dicuntur, quod nullis R. P. Multhauf, The Origins ofChemistry (London, 1966), 137-141 et 333-337.
26 Paracelsisme, néoplatonisme et médecine hermétique 27

Ces trois principes sont si mutuellement tempérés et proportionnés par l'intermé- retrouver l'origine de la fameuse doctrine des "cinq substances chimiques" qui sera
diaire que chacun ne se distingue pas facilement. Le Soufre ou humide huileux est en vogue notamment dans la tradition des "Cours de chymie" en France au dix·sep-
l'intermédiaire qui touche, par son humidité, par sa mollesse et par sa fluidité, les tième siècle 53. En réalité, Du Chesne développe ce qu'il a déjà mis au jour dans son
deux extrêmes, c'est-à-dire la fixité du Sel et la volatilité du Mercure ou la sécheres- vaste poème mythologique et cosmologique, Grand miroir du monde (Lyon
se du Sel et la liquidité du Mercure. Et il tempère l'acidité du Mercure et l'amertu- [Genève], 1593). Cependant, il nous faudrait surtout souligner que ce que les chy-
me du Sel par sa douceur étonnante 51. mistes postérieurs compteront parmi les cinq principes est expliqué dans cet Ad
veritatem comme les "corps visibles matériels actifs", provenant des trois principes
animales, excitées par l'amour (Vénus) (Mercure, Soufre et Sel), et comme les "corps visibles matériels passifs", dérivés des
des semences végétales, enfermées dans leurs étuis éléments (Terre et Phlegme). Cela ne veut pas dire pour lui qu'il y ait seulement les
trois principes actifs et les deux éléments passifs pour la constitution des corps natu-

actifs
1 minérales, recouvertes par la grande
masse d'entraves rels visibles, comme l'ont cru les partisans du système des cinq. D'ailleurs, le chy-
miste gascon continue la discussion par l'élément "air", qui est pourtant invisible 54.

Les corps visibles


matériels
4.3. L'air et le "sel armoniac des philosophes"

Du Chesne considère que l'air est le troisième élément des choses. Il ne peut pas
être séparé per se mais s'évapore étant assimilé dans les "souffles" (aurae). Il reste lié
au Soufre et au Mercure et adhère surtout au Mercure Qui est si soirituel Qu'il ne
4.2. Les corps visibles des éléments peut pas être séparé isolém~nt par l'artisan mais réside toujours dans les "souffles"
_. _ •• •• • 1 '. _11
avec les parties aériennes des choses. lei, le chymlste gascon introduit une nouvelle
Quant aux corps visibles des éléments (qui sont les corps rendus visibles en rai· idée selon laquelle il existe dans le monde un sel spécial qui s'identifie au Mercure.
son de la couverture matérielle), Du Chesne nous apprend qu'il y en a deux: L'un C'est le "sel armoniac volatil des philosophes". S'agit-il d'un développement pero
est sec et l'autre humide. Le genre sec est la terre sablonneuse et la cendre, dont le sonnel? En tout cas. dans la tradition de l'alchimie arabe. le sel ammoniac- 011 ~rmo­
Sel a été enlevé par les eaux. Les chymistes l'appellent "terre damnée" (terra dam- niac (hammoniac ou harmoniac) est souvent conçu comme un des spiritus minéraux
natal puisqu'il possède seulement la force de dessécher et la force dite "emplas- avec le soufre et le mercure. Sa nature est subtile, pénétrante, fugitive, la plus
tique". Par contre, le genre humide, qui s'appelle "phlegme insipide", est dépourvu noble 55. D'après Du Chesne, l'artisan le plus expérimenté sait que le Mercure ou ce
de Soufre et de Mercure et n'est doué de nulle odeur ni d'autre vertu vitale. "sel armoniac" volatil est tellement lié avec l'air ou la partie aérienne qu'il s'exhale
Cependant, celui·ci peut humecter. Ces deux corps visibles des éléments sont inef·
ficaces et ne possèdent que les qualités passives et inutiles que certains appellent
"rélollaceuses" 52. Ils ne rivalisent jamais avec les trois principe. Ici, il nous semble =
viribus valeant.l Ad veritatem, XIV, 168-169 132. Cf. Hooykaas (1937), 9-10. Sur la notion
paracelsienne des qualités "rélollaceuses", voir Hirai (1999), ch. Séverin, sec. 7.
53 Sur la tradition des "Cours de chymie", voir H. Metzger, Les doctrines chimiques en France (Paris,
51 (Sulphur enim seu humidum ilIud oleaginosum medium est, ut diximus, quod sua humiditate, 1923); Debus (1991), 123-134; B. Joly, "I:édition des 'Cours de chymie' aux XVII' et XVIIIe siè-
mollitie & fluiditate, duo externa, nempè salem fixum, & mercurium volatilem, contingat: siccita- cles: obscurités et lumières d'une nouvelle discipline scientifique", in M.- T. Isaac et C. Sorgeloos
tem salis nimirum & liquiditatem mercurü sua humiditate viscosa: densitatem salis, & permeabili- (éds.), La diffusion du savoir scientifique XVI'-XIX' siècles (Bruxelles, 1996),57-81; "De l'alchimie
tatem mercurii, summè contraria, sua fluiditate: quae medium tenet inter stabile & permeabile. à la chimie: Le développement des 'Cours de chymie' au XVIIe siècle en France", in F. Greiner
Adde quod summa sua dulcedine mercurii aciditatem, & salis amaritudinem contemperat, & sua (éd.), Aspects de la tradition alchimique au XV1I' siècle (Paris, 1998), 85-94; U. Klein, "Nature and
visciditate, mercurii volatilitatem cum salis fixione, conciliat.) Ad veritatem, XIV, 168 = 131-132. Art in Seventeenth-Century French Chemical Textbooks", in Debus et Walton (1998),239-250.
52 (Corpora visibilia elementorum duorum sunt generum alterum: Siccum, quod terra arenosa sive 54 Sur la réintroduction de l'air, une fois éliminé, voir Debus (1991),54-55.
cinis est, omni sale per aquarum lixivia destitutum. Vocaturque à Chimicis terra damnata, quod 55 Voir Ps.-Avicenne, De anima in arte Alchimicae (Bâle, 1572), 102; Ps.-Rasis, De aluminibus et sali-
nullam vim quam exiccantem & emplasticam habet. Humidum. quod insipidum phlegma vocatur, bus, éd. R. Steele, in Isis, 12 (1929), 10-46, ici 16 et 18-19; J. Ruska, SaI ammoniacus, Nusâdir und
omni sulphure & mercurio obrutum, nullo odore, sapore. vitalive alia virtute praeditum, quodque Salmiak (Heidelberg, 1923); J. M. Stillman, The Story 0/ Alchemy and Barly Chemistry (New York,
tantum humectare potest citra ullam energiam. Atque ut haec sunt invalida, sic qualitates tantum 1924/1960),240; D. Wyckoff (éd.), Albertus Magnus: Book a/Minerais (Oxford, 1967),240-241;
passivas ." possident, atque inutiles, quae idcirco relollaceae a nonnullis dicuntur, quod nullis R. P. Multhauf, The Origins ofChemistry (London, 1966), 137-141 et 333-337.
28 .Paracelsisme, néoplatonisme et médecine hermétique 29

en même temps que l'air. Avec cet air, il est réduit en eau spirituelle reconnue comme L'artisan peut non seulement séparer à part ces corps élémentaires mais aussi
"eau mercurielle" par sa saveur tout à fait aiguë, âpre et violente. Ce goût dérive du les ramener à néant de sorte que, par la séparation d'éléments passifs et maté·
riels, restent ces trois principes hypostatiques formels et actifs qui, contractés
Mercure ou du "sel armoniac" 56, Si l'artisan parvient à séparer ce liquide spirituel, en un seul corps, forment le corps mixte que les philosophes appellent 'quin-
il le joint avec un sel cristallin fixe et dégage par la distillation le reste qui est le liqui- tessence' ou 'quartessence' qui est dépourvue de toute corruption, riche en
de aérien, insipide et dépourvu de force. De cette manière, le spiritus'mercuriel ayant perfection et en spiritus vivifiants, alors que les seuls éléments séparés des trois
la nature du sel volatil se fixe avec son propre sel puisqu'il a une grande affinité avec principes n'amènent au contraire rien d'autre que les impuretés, les corrup-
ce sel. Alors, Du Chesne affirme qu'il faut séparer l'air élémentaire de ce spiritus tions et la mortification,
(Quae quidem elementalia corpora artifex non solum separare seorsim potest, sed
mercuriel en ramenant la partie aérienne en eau insipide et la partie spirituelle en sel & in nihilum redigere: ita ut separatis passivis & materialibus elementis, tria tan·
de sa propre nature. Bien que le mercure aérien, dit-il, semble être l'air lui-même, il tum illa hypostatica formalia & activa principia remaneant, quae in unum corpus
est en réalité quelque chose de plus ample que l'air élémentaire. Comme celui-ci est contracta corpus mixtum efficiunt, quam quintam aut quartam essentiam vocant
privé de spiritus mercuriel, même s'il est condensé, il n'est que le liquide insipide qui Philosoph~ quae omni corruptione caret, perfectione & vivificis spiritibus abun-
ne possède nulle autre force que celle d'humecter et de pénétrer parce qu'il n'y a que dans, cum contrà sola elementa, a tribus principiis separata, nihil nisi impurita-
tes, corruptiones & mortificationem minantur.) 59
des qualités passives dans les éléments. Dans le cas de l'eau de vie ou de l'esprit de
vin, leur force ne se trouve dans nulle autre partie que dans le Mercure ou "sel armo- À notre connaissance, cette proposition de la "quartessence", c'est-à-dire de la
niac philosophique" qui est mélangé dans la partie aérienne du vin. Si l'eau de vie
"quatrième essence", au lieu de la "quintessence", est inventée par Du Chesne,
très aiguë est distillée, elle perdra toute sa vertu et sa saveur et deviendra potable
Nous verrons plus bas la raison de cette modification de la doctrine alchimique tra-
comme l'eau ordinaire. Car elle dépose dans son propre sel fixe le Mercure ou "sel
ditionnelle. La visualisation des corps des trois principes est ici réalisée par l'obten-
armoniac volatil" dans lequel il y a toutes les vertus vitales et actives. Ainsi, le sel fixe
tion de cette essence éthérée. En tout cas, selon lui, tous les corps mixtes contien-
est sublimé et devient volatil. Et le sel volatil se fixe de la même manière. Par la dis-
nent les trois éléments (air, eau et terre) de même que dans n'importe quelle sub-
tillation répétée, confirme le chymiste gascon, toutes les vertus de l'esp'rit de vin se
stance naturelle résident trois sortes de choses naturelles et trois espèces d' ousia, dif·
figent dans le sel fixe qui se dégage dehors. L'artisan obtiendrait alors par la subli-
férentes entre elles, De la même manière, il y a, dans le lait, du petit-lait, du beurre
mation de ce selle véritable "Mercure des philosophes".
et du fromage qui se rapportent respectivement aux trois principes, Mercure, Soufre
et Sel. De même que les trois principes sont conjoints entre eux grâce au Soufre,
liquide huileux qui fait l'intermédiaire entre le Mercure etle Sel, les trois éléments
4.4, La "quintessence" ou la "quartessence"
sont aussi unis par l'intermédiaire de l'eau. En fait, par l'analogia, l'eau partage les
deux natures de l'air et de la terre car elle se convertit facilement tantôt en air tan-
Pour les corps visibles des semences, Du Chesne nie clairement la: possibilité de
tôt en terre. L'air est condensé en eau par le froid et cette eau se transforme en terre
les saisir séparément par la résolution des corps, Cependant, il est facile, affirme+
étant rendue plus grossière, Donc, pour Du Chesne, le nombre de quatre,
il, d'obtenir les parties des corps des trois principes dans lesquelles sont enfermées
qu'Aristote a établi pour les éléments d'après le nombre de ses premières qualités,
les vertus, les puissances et les énergies vitales des semences astrales et spirituelles en
est superflu, ce qui est confirmé par la Genèse. Il dit:
tant que leurs réceptacles 57, Il s'agit de la "quintessence" (quinta essentia) des cho-
ses naturelles 58. Il dit en ces mots:

56 (", [artifex peritissimusJ novit, mercurium, seu salem armonicum volatilem, cum aere seu aërea
parte ita conjunctum esse, ut simul cum aëre etiam expiret, & cum eo in aquam spiritualem redu-
catur, quae agnoscitur mercurialis esse aqua, ex sapore admodum acuto, aeri & vehementi, qui ex Science, Medicine and History (London, 1953), l, 247 -265: P. Moraux, "Quinta essentia", in Pauly-
mercurio aut sale armoniaco naturae spirituali, Iut vocant PhiiosophiJ promanat,) Ad veritatem, Wissowa, Realencyclopà'die, xxiv-1 (Stuttgart, 1963), cols. 1171-1263: R. Halleux, "Les ouvrages
XIV, 169 = 133. alchimiques deJean de Rupescissa", Histoire littéraire de la France, 41 (1981),241·277: M. Pereira,
57 (". etsi in resolutione corporum visibilia seminum corpora non deprehendas seorsim posita. At "Quintessenza alchemica", Kos, 7 (1984), 33-54: C. Priesner et K. Figala (éds.), Alchemie: Lexikon
principiorum trium illorum, nec non elementorum partes, facilè sit secretas intueri, in quibus einer hermetischen Wissenschaft (Munich, 1988),300-302, S. Colnort·Bodet, Le code alchimique
trium principiorum partibus, virtutes & potestates actionum, quibus poilent semina, inclusa sunt dévoilé (Paris, 1989), est trop peu critique.
& immixta. Quo fit, ut eorum corpora, pariter vitalibus viribus, facultatibus ac energiis astralium 59 Ad veritatem, XIV, 172 = 135. Hooykaas (1937),12, remarque l'étrangeté de cette nature "mixte"
& spiritualium seminum referta sint, tanquam illarum virtutum receptacula.) Ad veritatem, XIV, de la "quintessence" qui doit pourtant être la plus pure et la plus simple. Il dit ainsi: "Merkwürdig
172 = 135. ist, dass das formgebende Element aIs ein Mixtum der drei formgebenden, von den gemeinen
58 Sur la "quintessence", voir F. S, Taylor, "The Idea of the Quintessence", in A, E. Underwood (éd.); Elementen befreiten Prinzipien betrachtet wird" ,
28 .Paracelsisme, néoplatonisme et médecine hermétique 29

en même temps que l'air. Avec cet air, il est réduit en eau spirituelle reconnue comme L'artisan peut non seulement séparer à part ces corps élémentaires mais aussi
"eau mercurielle" par sa saveur tout à fait aiguë, âpre et violente. Ce goût dérive du les ramener à néant de sorte que, par la séparation d'éléments passifs et maté·
riels, restent ces trois principes hypostatiques formels et actifs qui, contractés
Mercure ou du "sel armoniac" 56, Si l'artisan parvient à séparer ce liquide spirituel, en un seul corps, forment le corps mixte que les philosophes appellent 'quin-
il le joint avec un sel cristallin fixe et dégage par la distillation le reste qui est le liqui- tessence' ou 'quartessence' qui est dépourvue de toute corruption, riche en
de aérien, insipide et dépourvu de force. De cette manière, le spiritus'mercuriel ayant perfection et en spiritus vivifiants, alors que les seuls éléments séparés des trois
la nature du sel volatil se fixe avec son propre sel puisqu'il a une grande affinité avec principes n'amènent au contraire rien d'autre que les impuretés, les corrup-
ce sel. Alors, Du Chesne affirme qu'il faut séparer l'air élémentaire de ce spiritus tions et la mortification,
(Quae quidem elementalia corpora artifex non solum separare seorsim potest, sed
mercuriel en ramenant la partie aérienne en eau insipide et la partie spirituelle en sel & in nihilum redigere: ita ut separatis passivis & materialibus elementis, tria tan·
de sa propre nature. Bien que le mercure aérien, dit-il, semble être l'air lui-même, il tum illa hypostatica formalia & activa principia remaneant, quae in unum corpus
est en réalité quelque chose de plus ample que l'air élémentaire. Comme celui-ci est contracta corpus mixtum efficiunt, quam quintam aut quartam essentiam vocant
privé de spiritus mercuriel, même s'il est condensé, il n'est que le liquide insipide qui Philosoph~ quae omni corruptione caret, perfectione & vivificis spiritibus abun-
ne possède nulle autre force que celle d'humecter et de pénétrer parce qu'il n'y a que dans, cum contrà sola elementa, a tribus principiis separata, nihil nisi impurita-
tes, corruptiones & mortificationem minantur.) 59
des qualités passives dans les éléments. Dans le cas de l'eau de vie ou de l'esprit de
vin, leur force ne se trouve dans nulle autre partie que dans le Mercure ou "sel armo- À notre connaissance, cette proposition de la "quartessence", c'est-à-dire de la
niac philosophique" qui est mélangé dans la partie aérienne du vin. Si l'eau de vie
"quatrième essence", au lieu de la "quintessence", est inventée par Du Chesne,
très aiguë est distillée, elle perdra toute sa vertu et sa saveur et deviendra potable
Nous verrons plus bas la raison de cette modification de la doctrine alchimique tra-
comme l'eau ordinaire. Car elle dépose dans son propre sel fixe le Mercure ou "sel
ditionnelle. La visualisation des corps des trois principes est ici réalisée par l'obten-
armoniac volatil" dans lequel il y a toutes les vertus vitales et actives. Ainsi, le sel fixe
tion de cette essence éthérée. En tout cas, selon lui, tous les corps mixtes contien-
est sublimé et devient volatil. Et le sel volatil se fixe de la même manière. Par la dis-
nent les trois éléments (air, eau et terre) de même que dans n'importe quelle sub-
tillation répétée, confirme le chymiste gascon, toutes les vertus de l'esp'rit de vin se
stance naturelle résident trois sortes de choses naturelles et trois espèces d' ousia, dif·
figent dans le sel fixe qui se dégage dehors. L'artisan obtiendrait alors par la subli-
férentes entre elles, De la même manière, il y a, dans le lait, du petit-lait, du beurre
mation de ce selle véritable "Mercure des philosophes".
et du fromage qui se rapportent respectivement aux trois principes, Mercure, Soufre
et Sel. De même que les trois principes sont conjoints entre eux grâce au Soufre,
liquide huileux qui fait l'intermédiaire entre le Mercure etle Sel, les trois éléments
4.4, La "quintessence" ou la "quartessence"
sont aussi unis par l'intermédiaire de l'eau. En fait, par l'analogia, l'eau partage les
deux natures de l'air et de la terre car elle se convertit facilement tantôt en air tan-
Pour les corps visibles des semences, Du Chesne nie clairement la: possibilité de
tôt en terre. L'air est condensé en eau par le froid et cette eau se transforme en terre
les saisir séparément par la résolution des corps, Cependant, il est facile, affirme+
étant rendue plus grossière, Donc, pour Du Chesne, le nombre de quatre,
il, d'obtenir les parties des corps des trois principes dans lesquelles sont enfermées
qu'Aristote a établi pour les éléments d'après le nombre de ses premières qualités,
les vertus, les puissances et les énergies vitales des semences astrales et spirituelles en
est superflu, ce qui est confirmé par la Genèse. Il dit:
tant que leurs réceptacles 57, Il s'agit de la "quintessence" (quinta essentia) des cho-
ses naturelles 58. Il dit en ces mots:

56 (", [artifex peritissimusJ novit, mercurium, seu salem armonicum volatilem, cum aere seu aërea
parte ita conjunctum esse, ut simul cum aëre etiam expiret, & cum eo in aquam spiritualem redu-
catur, quae agnoscitur mercurialis esse aqua, ex sapore admodum acuto, aeri & vehementi, qui ex Science, Medicine and History (London, 1953), l, 247 -265: P. Moraux, "Quinta essentia", in Pauly-
mercurio aut sale armoniaco naturae spirituali, Iut vocant PhiiosophiJ promanat,) Ad veritatem, Wissowa, Realencyclopà'die, xxiv-1 (Stuttgart, 1963), cols. 1171-1263: R. Halleux, "Les ouvrages
XIV, 169 = 133. alchimiques deJean de Rupescissa", Histoire littéraire de la France, 41 (1981),241·277: M. Pereira,
57 (". etsi in resolutione corporum visibilia seminum corpora non deprehendas seorsim posita. At "Quintessenza alchemica", Kos, 7 (1984), 33-54: C. Priesner et K. Figala (éds.), Alchemie: Lexikon
principiorum trium illorum, nec non elementorum partes, facilè sit secretas intueri, in quibus einer hermetischen Wissenschaft (Munich, 1988),300-302, S. Colnort·Bodet, Le code alchimique
trium principiorum partibus, virtutes & potestates actionum, quibus poilent semina, inclusa sunt dévoilé (Paris, 1989), est trop peu critique.
& immixta. Quo fit, ut eorum corpora, pariter vitalibus viribus, facultatibus ac energiis astralium 59 Ad veritatem, XIV, 172 = 135. Hooykaas (1937),12, remarque l'étrangeté de cette nature "mixte"
& spiritualium seminum referta sint, tanquam illarum virtutum receptacula.) Ad veritatem, XIV, de la "quintessence" qui doit pourtant être la plus pure et la plus simple. Il dit ainsi: "Merkwürdig
172 = 135. ist, dass das formgebende Element aIs ein Mixtum der drei formgebenden, von den gemeinen
58 Sur la "quintessence", voir F. S, Taylor, "The Idea of the Quintessence", in A, E. Underwood (éd.); Elementen befreiten Prinzipien betrachtet wird" ,
30 Paracelsisme,.néoplatonisme et·médecine hermétique 31
Mais, comme Moïse n'a fait aucune mention du feu dans la Genèse, l, 1 (où il cune d'elles par les formes et les vertus. De cette manière, le Ciel façonne toutes les
enseigne la création de toutes choses), nous confirmons plus volontiers les choses inférieures. C'est lui qui envoie les semences des choses dans les entrailles de
opinions du divin prophète que les raisonnements du Philosophe païen. Pour la Terre. Pour cette raison, ces semences des choses sont dites "astrales". Le chy-
cette raison, nous ne reconnaissons aucun autre feu que le Ciel éthéré ainsi
appelé parce qu'il brûle et est ardent comme nous l'avons déjàindiqué. Ainsi, miste gascon continue en disant:
le Ciel doit être appelé 'quatrième élément formel et essentiel' ou plutôt 'qua-
trième essence' extraite des autres éléments. (En effet, les Hermétistes rejettent Donc, il est établi par Moïse qu'il n'existe nul autre élément igné que le Ciel
la cinquième ou la 'quintessence' puisqu'il n'y a pas quatre éléments, d'où est qui obtient la place du quatrième élément ou qui est plutôt la 'quartessence'
tirée la quintessence, mais seulement les trois desquels la quatrième essence est extraite de la forme et de la matière très subtile des trois élément.s. Elle n'est
retirée). rien d'autre que le feu pur, éthéré et le plus simple, beaucoup plus différent et
(At quum Moses nullam fecerit lib. Genesis cap. 1 (in quo creationem rerum parfait que les trois éléments, pour ainsi dire, imparfaits. Et c'est lui qui est
omnium docet) ignis mentionem: nos libentiusdivini Vatis sententiae,quam l'auteur de toutes les formes, puissances et actions dans les choses inférieures
Ethnici Philosophi ratiocinationibus adstipulamur: necalium idcirco ignem de la Nature en tant que cause première, à l'instar du parent pour les fœtus, et
agnoscimus, quam caelum & aetherem à flagrando, & ardendo dictum,ut iam c'est lui qui apporte ses semences par son vent dans le ventre de la Terre, d'où
docuimus. Itaque caelum quartum formale ac essentiale elementum, aut quarta le fœtus se nourrit, est tenu au chaud, croît et enfin sort du sein des éléments.
potius essentia, ex reliquis elementis extracta: (quintum enitJi esse, seu quintam (Constat igitur ex Mose, nullum aliud elementum igneum existare, praeter cae-
essentiam iam respuunt Hermeticl; quàd quatuor non sint Elementa, unde quin- lum, quod quarti elementi locum obtinet, aut quod potius quarta essentia est, ex
ta educatur essentia, sed tria tantum, ex quibus quarta elicitur essentia) dici trium elementorum subtiliore materia & forma, extracta: quae nihil aliud est,
debet.) 60 quam purus aethereus & simplicissimus ignis, à tribus elementis tanqua711 imper-
fectis longè diversissimus ac perfectissimus: ut qui omnium formarum, potesta-
Chez Du Chesne, tout comme chez Paracelse et Séverin, nous voyons que le feu tum in omnibus naturae rebus inferioribus autor sit, tanquam primaria causa, &
instar parentis erga fœtum se habens, ut qui semina sua in ventrum terrae suo
perd le statut de l'élément et est remplacé par le Ciel 61. Mais en même temps celui- vento importet, unde fœtus nutriatur, foveatur, crescat, & tandem ex elemento-
ci maintient la nature ignée. Ce qui est plus important pour nous, c'est que le chy- rum gremio excludatur.) 64
miste gascon considère que le Ciel est formé des parties extraites des trois autres élé-
ments (air, eau et terre) en tant que "quartessence". La puissance du firmament est De là, Du Chesne établit naturellement le rapprochement des semences avec les
si grande qu'elle meut, excite et anime potentiellement les corps des trois principes planètes et les étoiles dans le Ciel. Selon lui, Dieu a accordé au Ciel les semences les
et des éléments et les ramène à la mixtion la plus parfaite de chaque individu. Les plus simples et parfaites. Les cieux répandent, à leur tour, les facultés vitales de ces
individus tirent leurs forces, facultés et puissances à partir du Ciel 62. Et cette puis- semences dans le giron des éléments inférieurs, les animent et les informent 65. Ces
sance ne résulte nullement de la complexion des quatre qualités aristotéliciennes semences astrales ne s'épuisent pas de leurs vertus et ne subissent aucune altération
(chaud, froid, humide et sec). La quartessence est l'essence la plus pure et la plus ou aucune diminution de facultés. Il n'arrive pas qu'elles cessent de procréer et de
simple qui est extraite des principes et des éléments. Elle constitue le corps du Ciel former quoique leur production varie d'un jour à l'autre. Grâce à la circulation per-
qui est simple, subtil et doué de la force d'engendrer, de réchauffer, d'augmenter et pétuelle du Ciel, affirme le chymiste gascon, les semences des astres se conjuguent
d'achever. Et ce corps tend vers la nature du feu de sorte que le Ciel n'est réellement avec les semences des éléments 66. Lorsque le Ciel agit sur la Terre, les éléments infé-
rien d'autre que le feu pur et éthéré 63. Par sa subtilité et sa pureté Par lesquelles ce rieurs apportent les actions et les mouvements. Mais, il y a une grande différence
corps surpasse les principes et les éléments, il pénètre toutes les choses et orne cha- entre les deux sphères. Le Ciel ne subit aucun changement d'ici-bas car il est incor-
ruptible en raison de sa nature homogène et la plus parfaite. Par contre, les choses
inférieures subissent des changements parce que leurs principes formels sont mélan·
60 Ad veritatem, XIV, 174-175 = 137. Sur le statut du feu, voir Debus (1977),161. gés avec les principes matériels soumis à la mutation et à la corruption.
61 Voir Hirai (1999), ch. Paracelse, sec. 4·6, et ch. Séverin, sec. 5.
62 (Hujus enim tanta est potestas, ut principiorum trium, & crassiorum elementorum corpora, in
mixtionem perfectam alicujus individui moveat, exacuat atque potenter animet, unde omnes vires,
facultates ac potestates, quas exerunt individua, ex caelo non aliundè mutuentur.) Ad veritatem, 64 Ad veritatem, XIV, 176 = 138.
XIV, 175 = 137. 65 (Coelum enim obtinuit à Deo semina simplicissima ac perfectissima, quales sunt stellae, planetae,
63 (Longè enim quid simplicius est, utpote simplicissima ac purissima essentia, ex simplicioribus & atque infinita alia astra, quae vitalibus facultatibus ac complexionibus ... perfusa, eas in gremium
suhtiliorihus tum principiis, tum elementis extracta, quae constituit simplicissimum, purissimum, elementorum inferiorum profundunt, eaque animant, ac informant.) Ad veritatem, XIV, 177 = 139.
tenuissimum, ac velocissimum corpus, summa vi generandi, fouendi, augendi ac perficiendi, 66 (Hinc perpetua illa Circulatio, dè qua supra diximus, cujus beneficio semina elementorum, aut
praeditum: quod naturam ignis usque adeà aemulatur, ut revera caelum nihil aliud sit, quàmpurus materia eorum cum seminibus astrorum copulantur: conceptum suum in gremium maternum ref-
& aethereus ignis: nec purus ignis aliud quàm caelum.) Ad veritatem, XIV, 175 = 137·138. erens, ut perficiat & producat foetum.) Ad veritatem, XIV, 177 = 139.
30 Paracelsisme,.néoplatonisme et·médecine hermétique 31
Mais, comme Moïse n'a fait aucune mention du feu dans la Genèse, l, 1 (où il cune d'elles par les formes et les vertus. De cette manière, le Ciel façonne toutes les
enseigne la création de toutes choses), nous confirmons plus volontiers les choses inférieures. C'est lui qui envoie les semences des choses dans les entrailles de
opinions du divin prophète que les raisonnements du Philosophe païen. Pour la Terre. Pour cette raison, ces semences des choses sont dites "astrales". Le chy-
cette raison, nous ne reconnaissons aucun autre feu que le Ciel éthéré ainsi
appelé parce qu'il brûle et est ardent comme nous l'avons déjàindiqué. Ainsi, miste gascon continue en disant:
le Ciel doit être appelé 'quatrième élément formel et essentiel' ou plutôt 'qua-
trième essence' extraite des autres éléments. (En effet, les Hermétistes rejettent Donc, il est établi par Moïse qu'il n'existe nul autre élément igné que le Ciel
la cinquième ou la 'quintessence' puisqu'il n'y a pas quatre éléments, d'où est qui obtient la place du quatrième élément ou qui est plutôt la 'quartessence'
tirée la quintessence, mais seulement les trois desquels la quatrième essence est extraite de la forme et de la matière très subtile des trois élément.s. Elle n'est
retirée). rien d'autre que le feu pur, éthéré et le plus simple, beaucoup plus différent et
(At quum Moses nullam fecerit lib. Genesis cap. 1 (in quo creationem rerum parfait que les trois éléments, pour ainsi dire, imparfaits. Et c'est lui qui est
omnium docet) ignis mentionem: nos libentiusdivini Vatis sententiae,quam l'auteur de toutes les formes, puissances et actions dans les choses inférieures
Ethnici Philosophi ratiocinationibus adstipulamur: necalium idcirco ignem de la Nature en tant que cause première, à l'instar du parent pour les fœtus, et
agnoscimus, quam caelum & aetherem à flagrando, & ardendo dictum,ut iam c'est lui qui apporte ses semences par son vent dans le ventre de la Terre, d'où
docuimus. Itaque caelum quartum formale ac essentiale elementum, aut quarta le fœtus se nourrit, est tenu au chaud, croît et enfin sort du sein des éléments.
potius essentia, ex reliquis elementis extracta: (quintum enitJi esse, seu quintam (Constat igitur ex Mose, nullum aliud elementum igneum existare, praeter cae-
essentiam iam respuunt Hermeticl; quàd quatuor non sint Elementa, unde quin- lum, quod quarti elementi locum obtinet, aut quod potius quarta essentia est, ex
ta educatur essentia, sed tria tantum, ex quibus quarta elicitur essentia) dici trium elementorum subtiliore materia & forma, extracta: quae nihil aliud est,
debet.) 60 quam purus aethereus & simplicissimus ignis, à tribus elementis tanqua711 imper-
fectis longè diversissimus ac perfectissimus: ut qui omnium formarum, potesta-
Chez Du Chesne, tout comme chez Paracelse et Séverin, nous voyons que le feu tum in omnibus naturae rebus inferioribus autor sit, tanquam primaria causa, &
instar parentis erga fœtum se habens, ut qui semina sua in ventrum terrae suo
perd le statut de l'élément et est remplacé par le Ciel 61. Mais en même temps celui- vento importet, unde fœtus nutriatur, foveatur, crescat, & tandem ex elemento-
ci maintient la nature ignée. Ce qui est plus important pour nous, c'est que le chy- rum gremio excludatur.) 64
miste gascon considère que le Ciel est formé des parties extraites des trois autres élé-
ments (air, eau et terre) en tant que "quartessence". La puissance du firmament est De là, Du Chesne établit naturellement le rapprochement des semences avec les
si grande qu'elle meut, excite et anime potentiellement les corps des trois principes planètes et les étoiles dans le Ciel. Selon lui, Dieu a accordé au Ciel les semences les
et des éléments et les ramène à la mixtion la plus parfaite de chaque individu. Les plus simples et parfaites. Les cieux répandent, à leur tour, les facultés vitales de ces
individus tirent leurs forces, facultés et puissances à partir du Ciel 62. Et cette puis- semences dans le giron des éléments inférieurs, les animent et les informent 65. Ces
sance ne résulte nullement de la complexion des quatre qualités aristotéliciennes semences astrales ne s'épuisent pas de leurs vertus et ne subissent aucune altération
(chaud, froid, humide et sec). La quartessence est l'essence la plus pure et la plus ou aucune diminution de facultés. Il n'arrive pas qu'elles cessent de procréer et de
simple qui est extraite des principes et des éléments. Elle constitue le corps du Ciel former quoique leur production varie d'un jour à l'autre. Grâce à la circulation per-
qui est simple, subtil et doué de la force d'engendrer, de réchauffer, d'augmenter et pétuelle du Ciel, affirme le chymiste gascon, les semences des astres se conjuguent
d'achever. Et ce corps tend vers la nature du feu de sorte que le Ciel n'est réellement avec les semences des éléments 66. Lorsque le Ciel agit sur la Terre, les éléments infé-
rien d'autre que le feu pur et éthéré 63. Par sa subtilité et sa pureté Par lesquelles ce rieurs apportent les actions et les mouvements. Mais, il y a une grande différence
corps surpasse les principes et les éléments, il pénètre toutes les choses et orne cha- entre les deux sphères. Le Ciel ne subit aucun changement d'ici-bas car il est incor-
ruptible en raison de sa nature homogène et la plus parfaite. Par contre, les choses
inférieures subissent des changements parce que leurs principes formels sont mélan·
60 Ad veritatem, XIV, 174-175 = 137. Sur le statut du feu, voir Debus (1977),161. gés avec les principes matériels soumis à la mutation et à la corruption.
61 Voir Hirai (1999), ch. Paracelse, sec. 4·6, et ch. Séverin, sec. 5.
62 (Hujus enim tanta est potestas, ut principiorum trium, & crassiorum elementorum corpora, in
mixtionem perfectam alicujus individui moveat, exacuat atque potenter animet, unde omnes vires,
facultates ac potestates, quas exerunt individua, ex caelo non aliundè mutuentur.) Ad veritatem, 64 Ad veritatem, XIV, 176 = 138.
XIV, 175 = 137. 65 (Coelum enim obtinuit à Deo semina simplicissima ac perfectissima, quales sunt stellae, planetae,
63 (Longè enim quid simplicius est, utpote simplicissima ac purissima essentia, ex simplicioribus & atque infinita alia astra, quae vitalibus facultatibus ac complexionibus ... perfusa, eas in gremium
suhtiliorihus tum principiis, tum elementis extracta, quae constituit simplicissimum, purissimum, elementorum inferiorum profundunt, eaque animant, ac informant.) Ad veritatem, XIV, 177 = 139.
tenuissimum, ac velocissimum corpus, summa vi generandi, fouendi, augendi ac perficiendi, 66 (Hinc perpetua illa Circulatio, dè qua supra diximus, cujus beneficio semina elementorum, aut
praeditum: quod naturam ignis usque adeà aemulatur, ut revera caelum nihil aliud sit, quàmpurus materia eorum cum seminibus astrorum copulantur: conceptum suum in gremium maternum ref-
& aethereus ignis: nec purus ignis aliud quàm caelum.) Ad veritatem, XIV, 175 = 137·138. erens, ut perficiat & producat foetum.) Ad veritatem, XIV, 177 = 139.
32 Parace1sisme. néoplatonisme et médecine hermétique 33

4.5. La médecine balsamiqu~ Puis, Du Chesne met l'accent sur la concordance entre les principes des médecins
chymiques et les principes aristotéliciens, concordance malheureusement ignorée
De la matérialisation de l'essence céleste, "quartessence", nous ne sommes pas parRiolan parce qu'il se basait, en respectant Galien, uniquement sur le "mélange"
très loin de la médecine universelle dite "balsamique';. Du Chesne affirme avec assu- (crasis). Ainsi, il attaque la "méthode géométrique" de Galien. La faute des
rance que le vrai médecin philosophe connaît très bien ces substances nécessaires Galénisres est de se réfugier dans les propriétés occultes quand ils rencontrent des
pour la conservation de la santé et sa restauration et s'efforce avec zèle d'extraire ces difficultés où ils ne savent point attribuer les causes des maladies et de leurs remè-
essences célestes et formelles. Pour obtenir cette médecine, il faut séparer les prin- des au crasis avec ferme raison. Par contre, Du Chesne, suivant Séverin, nous ap-
cipes matériels à partir des trois principes formels et spirituels. Pour lui, èe sont des prend qu'Hippocrate a établi un meilleur fondement de la médecine universelle. Car
substances manifestement chymiques qui sont faites des "parties homogènes les plus celui-ci a enseigné que dans les maladies résidait quelque chose de divin (ta theion)
pures, simples et spirituelles tout à fait séparées des impuretés et qui exercent des que le médecin devrait rechercher. Le chymiste gascon reproduit la discussion expo-
effets admirables au-delà de toute entrave" 67. Et il identifie sans hésitation cette sée dans le traité De l'ancienne médecine d'Hippocrate sur lequel Séverin a basé son
médecine balsamique avec la "Pierre céleste des Philosophes", idée contre laquelle développement du paracelsisme hippocratique 69. Nous suivons ici l'explication de
Jean Riolan le père a violemment réagi dans son Apologie p0u.r la médecine hippo- Du Chesne: Hippocrate, après avoir réfuté l'opinion de certains qui attribuaient les
cratique ... contre Quercetanus. En reprochant l'ignorance totale du maître de la causes des maladies au crasis ou aux qualités des éléments, les a assignées aux goûts
faculté de Paris, le médecin ordinaire d'Henri IV répond en faveur de sa médecine tels que le doux, l'acide, l'amer et l'âpre. Car ce médecin grec a considéré que les
céleste: différences par nature de saveurs ne pouvaient pas dériver des éléments matériels.
Du Chesne en conclut que ce qu'Hippocrate a voulu dire par ces termes de goûts ne
Elle s'appelle 'quintessence' (que nous préférons appeler 'quartessence') et s'attribue pas aux qualités occultes des Galénistes mais aux trois principes hypotas-
'Pierre céleste des philosophes'. Étant donné que l'Anonyme n'en avait enco- tiques des Hermétistes. Il affirme que le médecin grec a manifestement reconnu la
re nulle connaissance, il a pensé à tort, alors que je parlais de la Pierre des phi-
veritéquoiqu'il ait gardé le silence sur les termes exacts des trois principes en les for-
losophes, c'est-à-dire de cette médecine universel1<;:, que j'avais songé à la
transmutation des métaux, comme si la transmutation de cette sorte avait été mulant en d'autres mots 70. Alors, il fournit la correspondance entre les trois princi-
la plus haute médecine du corps humain. Mais, il n'a pas su non plus que dans pes et les qùatre saveurs hippocratiques: "Qu'est-ce qu'Hippocrate nous montre
l'homme microcosmique se cachent les mines de métaux imp'arfaits, d'où tant d'autre par le doux que le Soufre ou le liquide huileux que contiennent abondam-
de maladies se propagent, que le bon médecin fidèle non ignorant doit rédui- ment toutes les semences, comme celles qui se manifestent toujours huileuses?
re en or et en argent, c'est-à-dire en purification parfaite par la vertu d'une
Qu'est-ce que l'acidité représente, sinon le Mercure, dont nous avons dit presque
médecine si remarquable et précieuse, si nous voulons avoir bon sens et bonne
santé. tout le temps qu'il est entouré par cette acidité par laquelle toutes les choses sont fer-
(Quinta essentia dicitur (quam nos malumus quartam essentiam vocare) & lapis mentées et établies? Qu'est-ce que l'âpre et l'amer nous montrent sinon les qualités
cœlestis Philosophorum. Cujus quidem cum nullam adhuc cognitionem habuerit et les propriétés dues aux sels?" 71 Pour Du Chesne, les théorèmes des trois princi-
Anonymus: malè putavit, cum de lapide Philosophorum loquerer, hoc est, uni- pes ne sont pas nouveaux parce que, depuis le temps d'Hippocrate et probablement
versali illa medicina, me de transmutatione metallorum cogitasse, quasi ejusmo- d'une époque plus ancienne, les Hermétistes se sont familiarisés avec ce fondement
di transmutatio summa esset corporis humani Medicina. At nescivit perindein
homine microcosmico latere imperlectorum metallorum lodinas, unde tot morbi de la médecine balsamique. Hippocrate n'est malheureusement pas arrivé au but
enascuntur, ut necesse sit à bono & lideli Medico non ignaro, in aurum & argen- ultime parce qu'il ne disposait pas d'autre moyen que les sens humains. Le moyen
tum reducere, nempè in perlectam purificationem virtute tam insignis & pretio- de parvenir est l'anatomie de la nature interne dont a l'expérience le véritable chy-
sae medicinae, si sanitatem ac prosperam valetudinem consequi velimus.) 68 miste qui s'efforce de rechercher l'origine des choses latentes par l'investigation des

67 (Ad sanitatis conservationem. aut ejusdem deperditae restitutionem, sedulô incumbit [Medicus
verus. ac philosophusJ extractioni coelestium essentiarum ac formarum, ac separationem e1emen- 69 Voir Séverin, Idea medicinae philosophicae, 16-17. Cf. Hirai (1999). ch. Séverin, sec. 3-1.
tarium principiorum ac materialium, à tribus ilIis formalibus & spiritualibus principiis: quibus solis 70 Ad veritatem, XIV, 180-181 = 141-142.
ac ab aliis, quae heterogenea sunt. secretis utitur, ut admirandos effectus dtra ullum impedimen- 71 (Quid enim aliud nobis dulee ilIud Hippocratis exhibet, quam sulphur aut Iiquorem rerum oleagi-
tum exerat. Atque ea est universalis medicina balsamica, in qua omnes partes homogeheae sunt. nosum, quem copiosè semina obtinent omnia, ut quae semper oleosa appareant? Quid represen-
purissimae, simplicissimae ac maximè spirituales. Quae cum sit simplicissima, defaecatissima & tat a~iditas, praeter mercurium, éjùem ferè semper diximus aciditàte illa stipari, à quo fermentatur
=
incorrupta.) Ad veritatem, XIV, 178 139-140. & condiuntur omnia? Quid nobis acerbum & amarum demonstrant, praeter qualitates ac propri-
68 =
Ad veritatem, XIV, 178 140. =
etates salibus debitas?) Ad veritatem, XIV, 181 142. Cf. Hooykaas (1937), 8.
32 Parace1sisme. néoplatonisme et médecine hermétique 33

4.5. La médecine balsamiqu~ Puis, Du Chesne met l'accent sur la concordance entre les principes des médecins
chymiques et les principes aristotéliciens, concordance malheureusement ignorée
De la matérialisation de l'essence céleste, "quartessence", nous ne sommes pas parRiolan parce qu'il se basait, en respectant Galien, uniquement sur le "mélange"
très loin de la médecine universelle dite "balsamique';. Du Chesne affirme avec assu- (crasis). Ainsi, il attaque la "méthode géométrique" de Galien. La faute des
rance que le vrai médecin philosophe connaît très bien ces substances nécessaires Galénisres est de se réfugier dans les propriétés occultes quand ils rencontrent des
pour la conservation de la santé et sa restauration et s'efforce avec zèle d'extraire ces difficultés où ils ne savent point attribuer les causes des maladies et de leurs remè-
essences célestes et formelles. Pour obtenir cette médecine, il faut séparer les prin- des au crasis avec ferme raison. Par contre, Du Chesne, suivant Séverin, nous ap-
cipes matériels à partir des trois principes formels et spirituels. Pour lui, èe sont des prend qu'Hippocrate a établi un meilleur fondement de la médecine universelle. Car
substances manifestement chymiques qui sont faites des "parties homogènes les plus celui-ci a enseigné que dans les maladies résidait quelque chose de divin (ta theion)
pures, simples et spirituelles tout à fait séparées des impuretés et qui exercent des que le médecin devrait rechercher. Le chymiste gascon reproduit la discussion expo-
effets admirables au-delà de toute entrave" 67. Et il identifie sans hésitation cette sée dans le traité De l'ancienne médecine d'Hippocrate sur lequel Séverin a basé son
médecine balsamique avec la "Pierre céleste des Philosophes", idée contre laquelle développement du paracelsisme hippocratique 69. Nous suivons ici l'explication de
Jean Riolan le père a violemment réagi dans son Apologie p0u.r la médecine hippo- Du Chesne: Hippocrate, après avoir réfuté l'opinion de certains qui attribuaient les
cratique ... contre Quercetanus. En reprochant l'ignorance totale du maître de la causes des maladies au crasis ou aux qualités des éléments, les a assignées aux goûts
faculté de Paris, le médecin ordinaire d'Henri IV répond en faveur de sa médecine tels que le doux, l'acide, l'amer et l'âpre. Car ce médecin grec a considéré que les
céleste: différences par nature de saveurs ne pouvaient pas dériver des éléments matériels.
Du Chesne en conclut que ce qu'Hippocrate a voulu dire par ces termes de goûts ne
Elle s'appelle 'quintessence' (que nous préférons appeler 'quartessence') et s'attribue pas aux qualités occultes des Galénistes mais aux trois principes hypotas-
'Pierre céleste des philosophes'. Étant donné que l'Anonyme n'en avait enco- tiques des Hermétistes. Il affirme que le médecin grec a manifestement reconnu la
re nulle connaissance, il a pensé à tort, alors que je parlais de la Pierre des phi-
veritéquoiqu'il ait gardé le silence sur les termes exacts des trois principes en les for-
losophes, c'est-à-dire de cette médecine universel1<;:, que j'avais songé à la
transmutation des métaux, comme si la transmutation de cette sorte avait été mulant en d'autres mots 70. Alors, il fournit la correspondance entre les trois princi-
la plus haute médecine du corps humain. Mais, il n'a pas su non plus que dans pes et les qùatre saveurs hippocratiques: "Qu'est-ce qu'Hippocrate nous montre
l'homme microcosmique se cachent les mines de métaux imp'arfaits, d'où tant d'autre par le doux que le Soufre ou le liquide huileux que contiennent abondam-
de maladies se propagent, que le bon médecin fidèle non ignorant doit rédui- ment toutes les semences, comme celles qui se manifestent toujours huileuses?
re en or et en argent, c'est-à-dire en purification parfaite par la vertu d'une
Qu'est-ce que l'acidité représente, sinon le Mercure, dont nous avons dit presque
médecine si remarquable et précieuse, si nous voulons avoir bon sens et bonne
santé. tout le temps qu'il est entouré par cette acidité par laquelle toutes les choses sont fer-
(Quinta essentia dicitur (quam nos malumus quartam essentiam vocare) & lapis mentées et établies? Qu'est-ce que l'âpre et l'amer nous montrent sinon les qualités
cœlestis Philosophorum. Cujus quidem cum nullam adhuc cognitionem habuerit et les propriétés dues aux sels?" 71 Pour Du Chesne, les théorèmes des trois princi-
Anonymus: malè putavit, cum de lapide Philosophorum loquerer, hoc est, uni- pes ne sont pas nouveaux parce que, depuis le temps d'Hippocrate et probablement
versali illa medicina, me de transmutatione metallorum cogitasse, quasi ejusmo- d'une époque plus ancienne, les Hermétistes se sont familiarisés avec ce fondement
di transmutatio summa esset corporis humani Medicina. At nescivit perindein
homine microcosmico latere imperlectorum metallorum lodinas, unde tot morbi de la médecine balsamique. Hippocrate n'est malheureusement pas arrivé au but
enascuntur, ut necesse sit à bono & lideli Medico non ignaro, in aurum & argen- ultime parce qu'il ne disposait pas d'autre moyen que les sens humains. Le moyen
tum reducere, nempè in perlectam purificationem virtute tam insignis & pretio- de parvenir est l'anatomie de la nature interne dont a l'expérience le véritable chy-
sae medicinae, si sanitatem ac prosperam valetudinem consequi velimus.) 68 miste qui s'efforce de rechercher l'origine des choses latentes par l'investigation des

67 (Ad sanitatis conservationem. aut ejusdem deperditae restitutionem, sedulô incumbit [Medicus
verus. ac philosophusJ extractioni coelestium essentiarum ac formarum, ac separationem e1emen- 69 Voir Séverin, Idea medicinae philosophicae, 16-17. Cf. Hirai (1999). ch. Séverin, sec. 3-1.
tarium principiorum ac materialium, à tribus ilIis formalibus & spiritualibus principiis: quibus solis 70 Ad veritatem, XIV, 180-181 = 141-142.
ac ab aliis, quae heterogenea sunt. secretis utitur, ut admirandos effectus dtra ullum impedimen- 71 (Quid enim aliud nobis dulee ilIud Hippocratis exhibet, quam sulphur aut Iiquorem rerum oleagi-
tum exerat. Atque ea est universalis medicina balsamica, in qua omnes partes homogeheae sunt. nosum, quem copiosè semina obtinent omnia, ut quae semper oleosa appareant? Quid represen-
purissimae, simplicissimae ac maximè spirituales. Quae cum sit simplicissima, defaecatissima & tat a~iditas, praeter mercurium, éjùem ferè semper diximus aciditàte illa stipari, à quo fermentatur
=
incorrupta.) Ad veritatem, XIV, 178 139-140. & condiuntur omnia? Quid nobis acerbum & amarum demonstrant, praeter qualitates ac propri-
68 =
Ad veritatem, XIV, 178 140. =
etates salibus debitas?) Ad veritatem, XIV, 181 142. Cf. Hooykaas (1937), 8.
34 Paracelsisrne, néoplatonisme et médecine hermétique 35

facultés vitales de toutes les choses. C'est l'art spagyrique quiextraides vertus les point-ci que se marquerait la véritable concordance entre la doctrine d'Aristote et
plus efficaces des trois principes en séparant le pur deI'impur. celle des Hermétistes. Cependant, dans quelle direction, se demande Du Chesne,
Or, selon Du Chesne, Aristote disait qu'il fallait chercher trois choses: 1) la sub- faut-il davantage chercher l'accord entre les Aristotéliciens et les Hermétistes? Il
stance elle-même; 2) la puissance essentielle ou dynamis de cette substance; 3) la répond que c'est la concordance de la connaissance des trois principes hyposta-
puissance en acte qui dépend du tempérament des premières qualités ou du crasis. tiques des Hermétistes avec la véritable philosophie du prophète Moïse qui a enten-
Les Hermétistes préconisent également de rechercher trois choses dans tout le corps du la parole de Dieu et l'a enregistrée dans le livre de la Genèse.
composé: 1) L'essence (ousia) elle-même ou la forme de la substance; 2) les princi-
pes formels et actifs; 3) les éléments matériels et passifs. Pour Je chymiste gascon,
cette ousia ne peut être saisie que par la seule intelligence. Elle n'est pas sujette aux 5. Le Ciel dans la philosophie mosaïque hermétisée
actions artificielles puisqu'elle est pleinemerit céleste et spirituelle~ Mais, elle est
communiquée du Ciel et se trouve dans tous les corps naturels. Nous remarquons Pour montrer la concordance entre la philosophie mosaïque et l'hermétique, Du
que Séverin a mis l'accent sur la notion hippocratique de la dynamis qui était la clé Chesne interprète le récit de la Création du monde d'après la Genèse, l, en termes
de sa philosophie des semences. Quant à Du Chesne, il préfère avancer là notion chymiques 74. Selon lui, Dieu a créé du néant un certain chaos qui est identifié avec
d' ousia au-delà de la dynamis comme point central de son système. Pour lui, les l'abîme ~t les eaux primordiales animées par le spiritus Dei (Gen. l, 2) 75. De ce
actions d' ousia se manifestent toujours à travers les trois principes (Soufre, Sel et èhaos, abîme ou eaux primordiales, Dieu, en tant que suprême Créateur et
Mercure), notamment à travers le spiritus mercuriel qui est pour ainsi dire "ousia- Archétype, a séparé d'abord la lumière des ténèbres (Gen. l, 4) et le Ciel éthéré qui
tique" et se rapproche plus de la nature de l'éther que les deux autres principes. En est distingué comme la quintessence, le spiritus pur ou le corps spirituel le plus sim-
réalité, elle est l'instrument le plus proche de l'âme bien qu'elle ne soit pas elle- ple. Puis, Dieu a divisé les eaux des eaux (Gen. l, 7), c'est-à-dire le liquide plus sub-
même l'âme ou ousia 72. Cet instrument mériterait une attention toute particulière. til, aérien et mercuriel, qui est donc le Mercure, du liquide plus grossier, visqueux et
Le chymiste gascon dit: huileux qui est sulfureux. Ensuite, ce Soufre a été séparé de la partie sèche qui se
présentait à l'instar du Sel 76. Cependant, ces parties du chaos ne se sont pas tout à
Et cet instrument occupe la même place et la même fonction dans tout le corps fait isolées mais se retiennent mutuellement. De ce fait, Dieu a exercé la séparation
naturel que la puissance essentielle des Aristotéliciens. Elle n'est pas la sub: du pur et de l'impur lors de la création du monde. En réduisant ces trois parties,
stance elle-même mais l'organe spécial des fonctions de la substance et insé-
parable d'elle. Elle s'appelle proprement 'pathos'. Toutes les facultés des cho- Mercure, Soufre et Sel, en astres et en lumière, il a façonné la substance pure, sim-
ses se rapportent à cette puissance de même qu'à ces trois principes actifs et ple et cristalline du Ciel qui est le suprême quatrième élément formel. C'est à partir
surtout au Mercure. de celui-ci, que les formes ont été répandues en tant que semences dans les trois élé-
(Rocque instrumentum eundem locum retinet ac officium, in omninaturali cor- ments plus grossiers pour la génération de toutes choses 77. Ces derniers éléments
pore, quod potentia essentialis Aristotelicorum: quae neque ipsa substantia est,
sed praecipuum functionum substantiae organum ab ipsa inseparabile, pro-
priumque JrcWoç appellatur. Ad quam potentiam rerum facultates omnes refe- 74 Cf. Debus (1977), 161-162. La récente mise au point sur la tradition de l'interprétation de la
runtur, quemadmodum ad tria illa actualia principia, ac imprimis ad Genèse par les Patacelsiens de M.T. Walton, "Genesis and Chemistry in the Sixteenth Century",
Mercurium.) 73
in Debus et Walton (1998),1-14, ignore complètement Du Chesne malgré sa grande influence.
75 Sur la notion du chaos dans la chymie de la Renaissance, voir l-M. Mandosio, "Il concetto di caos
Selon Du Chesne, Aristote n'a pas accordé les facultés etles propriétés de la puis- nel Rinascimento", in Luisa Secchi Tarugi (éd.), Disarmonia, bruttezza e bizzarria nel Rinascimento
sance essentielle au crasis et aux éléments passifs de même que les Hermétistes refu- (Florence, 1998),405-441; S. Matton, "La figure de Démogorgon dans la littérature alchimique",
sent d'attribuer les vertus des principes actifs aux éléments passifs. Et c'est en ce in D. Kahn et S. Matton (éds.), Alchimie: Art, histoire et mythes (paris, 1995),265-346.
76 ( ... dicimus ipsum Deum ex nihilo, chaos quoddam seu abyssum, seu aquas vocemus, creasse. Ex
quo chaos, abysso, aquis spiritu Dei animatis, Deus ut summus Archetypus & creator, separavit
primo loco lucem à tenebris, & caelum istud aethereum, quod cernimus, tanquam essentiam quin-
72 (Oùma ipsa sola mente comprehenditur, nec subjicitur actionibus artificis, ut sumi ac separari ullo tam, aut spiritum purissimum, sive corpus spirituale simplicissimum. Deinde aquas divisit ab
modo possit, cum tata sit caelestis acspiritualis: quae etiam à caelo nobis communicatur, & in cor- aquis, hoc est Iiquorem subtiliorem aereum & mercurialem, a Iiquore crassiore, viscidiore, oleagi-
pora infunditur. Hujus tamen actiones ac functiones nobis sunt per tria illa principia manifestae: noso seu sulphureo. Sulphur dein, hoc est, aquas crassiores ab arida parte diduxit, quae instar salis
praesertim per spiritum mercurialem, qui prae allis duobus principiis magis ad naturam aetheris ex secretione substitit, & adhuc subsistit seorseim.) Ad veritatem, XV, 184 = 144-145.
accedit, estque... seu animae proximum instrumentum, non ipsa tamen oùdta seu anima.) Ad ve· 77 (Hoc tantum Deus fecit, ut puriora ab impurioribus separaret, hoc est puriorem & aethereum mer-
ritatem, XIV, 182 = 143. curium purius & inextinguibile sulphur, purior & magis fixus sai, in pellucida & inextinguibilia
7) Ad veritatem, XIV, 182-183 = 143. astra ac lumina,in crystallinam ac diamantinam substantiam seu corpus simplicissimum, quod
34 Paracelsisrne, néoplatonisme et médecine hermétique 35

facultés vitales de toutes les choses. C'est l'art spagyrique quiextraides vertus les point-ci que se marquerait la véritable concordance entre la doctrine d'Aristote et
plus efficaces des trois principes en séparant le pur deI'impur. celle des Hermétistes. Cependant, dans quelle direction, se demande Du Chesne,
Or, selon Du Chesne, Aristote disait qu'il fallait chercher trois choses: 1) la sub- faut-il davantage chercher l'accord entre les Aristotéliciens et les Hermétistes? Il
stance elle-même; 2) la puissance essentielle ou dynamis de cette substance; 3) la répond que c'est la concordance de la connaissance des trois principes hyposta-
puissance en acte qui dépend du tempérament des premières qualités ou du crasis. tiques des Hermétistes avec la véritable philosophie du prophète Moïse qui a enten-
Les Hermétistes préconisent également de rechercher trois choses dans tout le corps du la parole de Dieu et l'a enregistrée dans le livre de la Genèse.
composé: 1) L'essence (ousia) elle-même ou la forme de la substance; 2) les princi-
pes formels et actifs; 3) les éléments matériels et passifs. Pour Je chymiste gascon,
cette ousia ne peut être saisie que par la seule intelligence. Elle n'est pas sujette aux 5. Le Ciel dans la philosophie mosaïque hermétisée
actions artificielles puisqu'elle est pleinemerit céleste et spirituelle~ Mais, elle est
communiquée du Ciel et se trouve dans tous les corps naturels. Nous remarquons Pour montrer la concordance entre la philosophie mosaïque et l'hermétique, Du
que Séverin a mis l'accent sur la notion hippocratique de la dynamis qui était la clé Chesne interprète le récit de la Création du monde d'après la Genèse, l, en termes
de sa philosophie des semences. Quant à Du Chesne, il préfère avancer là notion chymiques 74. Selon lui, Dieu a créé du néant un certain chaos qui est identifié avec
d' ousia au-delà de la dynamis comme point central de son système. Pour lui, les l'abîme ~t les eaux primordiales animées par le spiritus Dei (Gen. l, 2) 75. De ce
actions d' ousia se manifestent toujours à travers les trois principes (Soufre, Sel et èhaos, abîme ou eaux primordiales, Dieu, en tant que suprême Créateur et
Mercure), notamment à travers le spiritus mercuriel qui est pour ainsi dire "ousia- Archétype, a séparé d'abord la lumière des ténèbres (Gen. l, 4) et le Ciel éthéré qui
tique" et se rapproche plus de la nature de l'éther que les deux autres principes. En est distingué comme la quintessence, le spiritus pur ou le corps spirituel le plus sim-
réalité, elle est l'instrument le plus proche de l'âme bien qu'elle ne soit pas elle- ple. Puis, Dieu a divisé les eaux des eaux (Gen. l, 7), c'est-à-dire le liquide plus sub-
même l'âme ou ousia 72. Cet instrument mériterait une attention toute particulière. til, aérien et mercuriel, qui est donc le Mercure, du liquide plus grossier, visqueux et
Le chymiste gascon dit: huileux qui est sulfureux. Ensuite, ce Soufre a été séparé de la partie sèche qui se
présentait à l'instar du Sel 76. Cependant, ces parties du chaos ne se sont pas tout à
Et cet instrument occupe la même place et la même fonction dans tout le corps fait isolées mais se retiennent mutuellement. De ce fait, Dieu a exercé la séparation
naturel que la puissance essentielle des Aristotéliciens. Elle n'est pas la sub: du pur et de l'impur lors de la création du monde. En réduisant ces trois parties,
stance elle-même mais l'organe spécial des fonctions de la substance et insé-
parable d'elle. Elle s'appelle proprement 'pathos'. Toutes les facultés des cho- Mercure, Soufre et Sel, en astres et en lumière, il a façonné la substance pure, sim-
ses se rapportent à cette puissance de même qu'à ces trois principes actifs et ple et cristalline du Ciel qui est le suprême quatrième élément formel. C'est à partir
surtout au Mercure. de celui-ci, que les formes ont été répandues en tant que semences dans les trois élé-
(Rocque instrumentum eundem locum retinet ac officium, in omninaturali cor- ments plus grossiers pour la génération de toutes choses 77. Ces derniers éléments
pore, quod potentia essentialis Aristotelicorum: quae neque ipsa substantia est,
sed praecipuum functionum substantiae organum ab ipsa inseparabile, pro-
priumque JrcWoç appellatur. Ad quam potentiam rerum facultates omnes refe- 74 Cf. Debus (1977), 161-162. La récente mise au point sur la tradition de l'interprétation de la
runtur, quemadmodum ad tria illa actualia principia, ac imprimis ad Genèse par les Patacelsiens de M.T. Walton, "Genesis and Chemistry in the Sixteenth Century",
Mercurium.) 73
in Debus et Walton (1998),1-14, ignore complètement Du Chesne malgré sa grande influence.
75 Sur la notion du chaos dans la chymie de la Renaissance, voir l-M. Mandosio, "Il concetto di caos
Selon Du Chesne, Aristote n'a pas accordé les facultés etles propriétés de la puis- nel Rinascimento", in Luisa Secchi Tarugi (éd.), Disarmonia, bruttezza e bizzarria nel Rinascimento
sance essentielle au crasis et aux éléments passifs de même que les Hermétistes refu- (Florence, 1998),405-441; S. Matton, "La figure de Démogorgon dans la littérature alchimique",
sent d'attribuer les vertus des principes actifs aux éléments passifs. Et c'est en ce in D. Kahn et S. Matton (éds.), Alchimie: Art, histoire et mythes (paris, 1995),265-346.
76 ( ... dicimus ipsum Deum ex nihilo, chaos quoddam seu abyssum, seu aquas vocemus, creasse. Ex
quo chaos, abysso, aquis spiritu Dei animatis, Deus ut summus Archetypus & creator, separavit
primo loco lucem à tenebris, & caelum istud aethereum, quod cernimus, tanquam essentiam quin-
72 (Oùma ipsa sola mente comprehenditur, nec subjicitur actionibus artificis, ut sumi ac separari ullo tam, aut spiritum purissimum, sive corpus spirituale simplicissimum. Deinde aquas divisit ab
modo possit, cum tata sit caelestis acspiritualis: quae etiam à caelo nobis communicatur, & in cor- aquis, hoc est Iiquorem subtiliorem aereum & mercurialem, a Iiquore crassiore, viscidiore, oleagi-
pora infunditur. Hujus tamen actiones ac functiones nobis sunt per tria illa principia manifestae: noso seu sulphureo. Sulphur dein, hoc est, aquas crassiores ab arida parte diduxit, quae instar salis
praesertim per spiritum mercurialem, qui prae allis duobus principiis magis ad naturam aetheris ex secretione substitit, & adhuc subsistit seorseim.) Ad veritatem, XV, 184 = 144-145.
accedit, estque... seu animae proximum instrumentum, non ipsa tamen oùdta seu anima.) Ad ve· 77 (Hoc tantum Deus fecit, ut puriora ab impurioribus separaret, hoc est puriorem & aethereum mer-
ritatem, XIV, 182 = 143. curium purius & inextinguibile sulphur, purior & magis fixus sai, in pellucida & inextinguibilia
7) Ad veritatem, XIV, 182-183 = 143. astra ac lumina,in crystallinam ac diamantinam substantiam seu corpus simplicissimum, quod
Paracelsisme, riéoplatonisme et médecine hermétique 37
36
quethéoricien, met beaucoup plus d'accent sur la notion des spiritus et de la "quin-
sont dits "plus grossiers" parce qu'à partir des eaux dans la division du chaos, la par-
tessence" que sur celle des semences elles-mêmes. En fait, il abandonne quasiment
tie la plus pure est extraite et réduite en cieux.
la recherche des semences puisqu'elles sont insaisissables aux sens humains. Par
Parce que le Ciel, quatrième élément pur et simple, résulte des trois principes
contre, ces spiritus et "quintessence" sont conçus comme substances matérielles et
purs, simples et tout à fait formels, ses vertus spirituelles répandent aisément les for-
chimiquement manipulables, notamment sous forme d'acide ou de sel, d'où l'artis-
mes spirituelles dans les éléments inférieurs plus grossiers au-delà de toute entrave.
te expérimenté extrait la médecine universelle balsamique. Nous comprenons la rai-
D'où, les corps naturels obtiennent l'augmentation tant des vertus que des facultés.
son de la supériorité accordée au Mercure parmi les trois principes vu qu'il en parle
Le Ciel communique la substance pure et impérissable du Soufre aux feux lumineux
souvent sous forme de "spiritus mercuriel". Il y a là une influence évidente de la tra-
qui brillent perpétuellement. En essence, le Ciel est tel qu'il procrée des fruits (feux)
qui lui ~ont similaires en substance. Leurs impressions et influences vitales procréent dition alchimique médiévale.
Quant à ses considérations sur la nature 80, dont les thèmes des natura naturans et
dans les éléments grossiers les individus qui sont similaires à ces feux mais beaucoup
natura naturata précèdent les discussions de Spinoza et de Robert Boyle, Du Chesne
plus périssables en raison de leur écorce matérielle.
dévoile la dépendance du même courant de pensée que ses précurseurs néoplatoni.
ciens, notamment autour de l'idée ficinienne de l'âme du monde et de son spiritus.
Une telle inclination contribue à rendre son système beaucoup plus néoplatonisant
6. Conclusion
que celui de Séverin. De cette manière, le chymiste poète de Gascogne nous livre un
développement très séduisant et assez libre quoique nous puissions trouver des
Nous croyons avoir suffisamment montré jusqu'ici une analyse approfondie du
système quercétanien quoique ce ne soit.que le premier pas pour de futures recher- co~tradietions dans les détails. Il lui manque certainement une rigueur philoso·
ches plus complètes de sa philosophie naturelle 78. Il est bien manifeste que Du phtque telle qu'elle se trouve chez Séverin. En effet, sa théorie sur la concordance
Chesne est largement dépendant de l'Idea medicinae philosophicae de Pierre Séverin entre la philosophie mosaïque et la philosophie hermétique ne montre pas de pro·
d'où il puise sa notion de "semence". D'après sa propre version, les semences astra- fondeur théologique. Et c'est chez son ami Oswald Croll Iv. 1560-1608) oue nous
trouvons ce qu'il n'a pas su établir 8t.
les font partie des "corps simples" formels, spirituels et invisibles avec les "trois
principes hypostatiques" (Mercure, Soufre et Sel) et les éléments. Elles possèdent en
elles les sciences, les racines, les vertus, les facultés, les propriétés et les teintures des
La liste des abréviations
choses à venir. Elles ont été accordées au Ciel par Dieu le Créateur. Les cieux répan-
dent ces semences dans le monde sublunaire, notamment dans les entrailles de la DEBUS =
(1965) A. G. DEBus, The EnglishParacelsians, London, 1965.
Terre. Pour cette raison, elles sont infusées et implantées partout dans le monde. Les DEBUS =
(l977) A. G. DEBus, The Chemical Philosophy, New York, 1977.
semences activent les trois principes parmi lesquels le Mercure semble supérieur aux DEBUS (l991) = A. G. DEBUS, The French Paracelsians, Cambridge, 1991.
DEBUS et WALTON (l998) = A. G. DEBUS et M. T. WALTON (éds.), Reading the Book of Nature,
deux autres. Ces corps simples actifs (semences et principes) unis inséparablement
Kirksville, 1998.
avec les corps simples passifs (éléments), qui se comportent en tant que "récepta- =
HIRAI (l999) H. HIRAI, Le concept dé semence dans les théories de la matière à la Renaissance: de
cles", les ornent des propriétés (figures, dispositions, couleurs, saveurs, odeurs, etc.) Marsile Ficin à Pie"eGassendi, thèse de doctorat (Univ. de Lille 3,1999). Ceci sera prochaine·
des choses à venir. D'où les éléments passifs deviennent aussi formels. Grâce à cette ment publié dans la 'Collection de travaux de l'Académie internationale d'histoire des sciences',
union avec les éléments, plus corporels que spirituels, les semences et les trois prin- chez Brepols, T u r n h o u t . . .
HOOYKAAS (l933/1983) = R. HooYKAAs, The Concept ofElement, trad. de la thèse de doctorat, Univ.
cipes, plus spirituels et célestes que matériels, étabiissent et conservent les corps
d'Utrecht, 1933 (s. 1., 1983).
matériel 79. Cependant, à la différence de Séverin, le chymiste gascon;'plus praticien =
HOOYKAAS (1937) R. HOOYKAAs, "Die Elementenlehre der Iatrochemiker", Janus, 41 (193
=
KAHN (l998) D. KAHN, Paracelsisme et akhimie en France à la fin de la Renaissance (l5~
thèse de docrorat (Univ. de Paris IV, 1998).
caelum dicitur, supremum quartumque elementum formale reduceret, ex eoqueJormae in crassio·
ra elementa ad rerum omnium generationem, tanquam semina infunderentur.) Ad veritatem, XV,
184·185 = 145. 80 Nous remarquons surtout que William Davisson (v. 1593·1669) plagiera longuement les discus·
78 D. Kahn prépare une étude détaillée à ce sujet: "L'in~erpretation alchimique de la Genèse chez
sions de Du Chesne sur la nature dans sa Philosophia pyrotechnica seu cursus chymiatricus (paris,
Joseph Du Chesne dans le contexte de ses doctrines alchimiques et cosmologiques": Je remercie D.
1635), Il, xi, 294·295. Comparez.les avec le passage traduit et cité, pourtant sans avoir reconnu ce
Kahn d'avoir bien voulu me. montrer son manuscrit et d'avoir lu et commenté le présent article.
fait, par 5. Matton, "Alchimie et stoïcisme: à propos de récentes recherches", Chrysopoeia, 5 (1992·
79 Comme l'a remarqué Hooykaas (1933/1983), 121·122, son concept des éléments est finalement'
1996),5·144, ici 41 et n. 149.
devenu assez complexe. Par exemple, il ne précise p~s la cause de la matérialité de ces corps
81 Voir Rirai (1999), ch. Croll.
matériels. .
Paracelsisme, riéoplatonisme et médecine hermétique 37
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quethéoricien, met beaucoup plus d'accent sur la notion des spiritus et de la "quin-
sont dits "plus grossiers" parce qu'à partir des eaux dans la division du chaos, la par-
tessence" que sur celle des semences elles-mêmes. En fait, il abandonne quasiment
tie la plus pure est extraite et réduite en cieux.
la recherche des semences puisqu'elles sont insaisissables aux sens humains. Par
Parce que le Ciel, quatrième élément pur et simple, résulte des trois principes
contre, ces spiritus et "quintessence" sont conçus comme substances matérielles et
purs, simples et tout à fait formels, ses vertus spirituelles répandent aisément les for-
chimiquement manipulables, notamment sous forme d'acide ou de sel, d'où l'artis-
mes spirituelles dans les éléments inférieurs plus grossiers au-delà de toute entrave.
te expérimenté extrait la médecine universelle balsamique. Nous comprenons la rai-
D'où, les corps naturels obtiennent l'augmentation tant des vertus que des facultés.
son de la supériorité accordée au Mercure parmi les trois principes vu qu'il en parle
Le Ciel communique la substance pure et impérissable du Soufre aux feux lumineux
souvent sous forme de "spiritus mercuriel". Il y a là une influence évidente de la tra-
qui brillent perpétuellement. En essence, le Ciel est tel qu'il procrée des fruits (feux)
qui lui ~ont similaires en substance. Leurs impressions et influences vitales procréent dition alchimique médiévale.
Quant à ses considérations sur la nature 80, dont les thèmes des natura naturans et
dans les éléments grossiers les individus qui sont similaires à ces feux mais beaucoup
natura naturata précèdent les discussions de Spinoza et de Robert Boyle, Du Chesne
plus périssables en raison de leur écorce matérielle.
dévoile la dépendance du même courant de pensée que ses précurseurs néoplatoni.
ciens, notamment autour de l'idée ficinienne de l'âme du monde et de son spiritus.
Une telle inclination contribue à rendre son système beaucoup plus néoplatonisant
6. Conclusion
que celui de Séverin. De cette manière, le chymiste poète de Gascogne nous livre un
développement très séduisant et assez libre quoique nous puissions trouver des
Nous croyons avoir suffisamment montré jusqu'ici une analyse approfondie du
système quercétanien quoique ce ne soit.que le premier pas pour de futures recher- co~tradietions dans les détails. Il lui manque certainement une rigueur philoso·
ches plus complètes de sa philosophie naturelle 78. Il est bien manifeste que Du phtque telle qu'elle se trouve chez Séverin. En effet, sa théorie sur la concordance
Chesne est largement dépendant de l'Idea medicinae philosophicae de Pierre Séverin entre la philosophie mosaïque et la philosophie hermétique ne montre pas de pro·
d'où il puise sa notion de "semence". D'après sa propre version, les semences astra- fondeur théologique. Et c'est chez son ami Oswald Croll Iv. 1560-1608) oue nous
trouvons ce qu'il n'a pas su établir 8t.
les font partie des "corps simples" formels, spirituels et invisibles avec les "trois
principes hypostatiques" (Mercure, Soufre et Sel) et les éléments. Elles possèdent en
elles les sciences, les racines, les vertus, les facultés, les propriétés et les teintures des
La liste des abréviations
choses à venir. Elles ont été accordées au Ciel par Dieu le Créateur. Les cieux répan-
dent ces semences dans le monde sublunaire, notamment dans les entrailles de la DEBUS =
(1965) A. G. DEBus, The EnglishParacelsians, London, 1965.
Terre. Pour cette raison, elles sont infusées et implantées partout dans le monde. Les DEBUS =
(l977) A. G. DEBus, The Chemical Philosophy, New York, 1977.
semences activent les trois principes parmi lesquels le Mercure semble supérieur aux DEBUS (l991) = A. G. DEBUS, The French Paracelsians, Cambridge, 1991.
DEBUS et WALTON (l998) = A. G. DEBUS et M. T. WALTON (éds.), Reading the Book of Nature,
deux autres. Ces corps simples actifs (semences et principes) unis inséparablement
Kirksville, 1998.
avec les corps simples passifs (éléments), qui se comportent en tant que "récepta- =
HIRAI (l999) H. HIRAI, Le concept dé semence dans les théories de la matière à la Renaissance: de
cles", les ornent des propriétés (figures, dispositions, couleurs, saveurs, odeurs, etc.) Marsile Ficin à Pie"eGassendi, thèse de doctorat (Univ. de Lille 3,1999). Ceci sera prochaine·
des choses à venir. D'où les éléments passifs deviennent aussi formels. Grâce à cette ment publié dans la 'Collection de travaux de l'Académie internationale d'histoire des sciences',
union avec les éléments, plus corporels que spirituels, les semences et les trois prin- chez Brepols, T u r n h o u t . . .
HOOYKAAS (l933/1983) = R. HooYKAAs, The Concept ofElement, trad. de la thèse de doctorat, Univ.
cipes, plus spirituels et célestes que matériels, étabiissent et conservent les corps
d'Utrecht, 1933 (s. 1., 1983).
matériel 79. Cependant, à la différence de Séverin, le chymiste gascon;'plus praticien =
HOOYKAAS (1937) R. HOOYKAAs, "Die Elementenlehre der Iatrochemiker", Janus, 41 (193
=
KAHN (l998) D. KAHN, Paracelsisme et akhimie en France à la fin de la Renaissance (l5~
thèse de docrorat (Univ. de Paris IV, 1998).
caelum dicitur, supremum quartumque elementum formale reduceret, ex eoqueJormae in crassio·
ra elementa ad rerum omnium generationem, tanquam semina infunderentur.) Ad veritatem, XV,
184·185 = 145. 80 Nous remarquons surtout que William Davisson (v. 1593·1669) plagiera longuement les discus·
78 D. Kahn prépare une étude détaillée à ce sujet: "L'in~erpretation alchimique de la Genèse chez
sions de Du Chesne sur la nature dans sa Philosophia pyrotechnica seu cursus chymiatricus (paris,
Joseph Du Chesne dans le contexte de ses doctrines alchimiques et cosmologiques": Je remercie D.
1635), Il, xi, 294·295. Comparez.les avec le passage traduit et cité, pourtant sans avoir reconnu ce
Kahn d'avoir bien voulu me. montrer son manuscrit et d'avoir lu et commenté le présent article.
fait, par 5. Matton, "Alchimie et stoïcisme: à propos de récentes recherches", Chrysopoeia, 5 (1992·
79 Comme l'a remarqué Hooykaas (1933/1983), 121·122, son concept des éléments est finalement'
1996),5·144, ici 41 et n. 149.
devenu assez complexe. Par exemple, il ne précise p~s la cause de la matérialité de ces corps
81 Voir Rirai (1999), ch. Croll.
matériels. .
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DJHISTOIRE DES SCIENCES

ARCHNES
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DES SCIENCES

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n. 146
Vol. 5112001

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