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ISBN : 978-2-37687-180-4
(versions numériques)
Dirigé par
Françoise CHEVALIER, L. Martin CLOUTIER
et Nathalie MITEV
Les méthodes
de recherche du
Conclusion....................................................................................481
Présentation des auteurs............................................................483
6
AVA N T- P R O P O S
Michel Kalika
Michel Kalika,
Président du Business Science Institute
8
R E ME RCIE ME N TS
Cet ouvrage est le résultat du travail collectif d’une équipe de
35 auteurs, membres d’une entreprise académique étendue ori-
ginale, celle de Business Science Institute. Il témoigne de l’éner-
gie collective des talents individuels, animés par un même projet :
celui de mettre à disposition des étudiants en DBA les éléments
de méthode de recherche indispensables à la réalisation de leur
thèse. Nous les en remercions tous chaleureusement.
Paul Beaulieu
4. Rescher, N. (2012), Pragmatism. The Restoration of its Scientific Roots, New Brunswick,
NJ, Transaction Publishers.
5. Pour reprendre une proposition du philosophe François Julien (1996), Traité de l’ef-
ficacité, Paris, Grasset.
Préface
6. Bruno Latour (2010), Cogitamus. Six lettres sur les humanités scientifiques, Paris, La
Découverte ; ainsi que L’espoir de Pandore. Pour une version réaliste de l’activité scienti-
fique, Paris, La Découverte, 2007.
7. Fonction éminemment dévolue aux MBA (entre autres).
Préface
Paul Beaulieu
Professeur
École des Sciences de la Gestion
Université du Québec à Montréal
14
IN T RODUCT ION
15
OBJECTIF ET VUE D’ENSEMBLE DE L’OUVRAGE
Mener une thèse de Doctorate in Business Administration (DBA)
offre des spécificités toutes particulières (Kalika, 2017). À la dif-
férence de l’étudiant qui entame une thèse de PhD (ou doctorat
traditionnel) et se pose la question de la recherche d’un terrain,
l’étudiant en DBA dispose du ou des terrains d’investigation.
Dans le DBA, le doctorant est sur le terrain, il en a une connais-
sance propre, familière1.
Références citées
Introduction à la partie I
22
CHAPITRE 1.
Le cadre général de la recherche de terrain
Michel Kalika
Résumé
« Le terrain est à la thèse ce que la mère est à l’enfant, elle le nourrit,
le voit grandir, s’émanciper, prendre son envol. »
INTRODUCTION
Dans toute recherche doctorale en management, la recherche
de terrain est centrale dans la mesure où elle contribue à nour-
rir la réflexion sur la question de recherche, la collecte d’infor-
mation et l’analyse des résultats. Par recherche de terrain, on
n’entend pas ici le fait de chercher un terrain, mais l’action qui
consiste à aller sur le terrain et à y collecter de l’information. Les
termes de « recherche de terrain » et de « terrain de recherche »
sont utilisés conjointement dans ce qui suit. On n’imagine pas
de recherche doctorale en management basée uniquement sur
une revue de littérature, des conjectures et sans une recherche
ancrée dans un terrain permettant de collecter des données
empiriques. Quand on parle de terrain, dans le champ de la re-
cherche en management, on fait implicitement référence à deux
dimensions : d’une part, un lieu de recherche et, d’autre part, une
méthodologie de collecte des données. Il peut s’agir de collecte
d’information dans des entreprises, des organisation publiques
24
ou associatives, ou auprès de clients ou consommateurs. Cette
collecte de données peut aussi prendre différentes formes par-
mi lesquelles on distingue traditionnellement les données qua-
litatives (entretiens, compte-rendu, observations, récits, etc.)
et les données quantitatives (enquête en ligne, en face à face,
statistiques diverses, etc.).
4. C’est la méthodologie retenue par Diallo, dans sa thèse de DBA soutenue en 2017,
sur l’intégration des PME africaines au marché international dans lequel cinq cas
de PME sont étudiés.
L e c a d r e g é n é ra l d e l a r e c h e r c h e d e t e r ra i n
27
6. Voir le chapitre 13 dans cet ouvrage rédigé par V. Boko & M. Bonnet sur la re-
cherche-action.
C h o i s i r u n e m é t h o d e d e r e c h e r c h e a d a p t é e à l a qu e s t i o n t e r ra i n
30
32
CONCLUSION
Pour conclure, on peut recommander au doctorant-manager de
veiller à l’alignement du terrain de recherche qu’il envisage de
choisir avec plusieurs facteurs.
33
Références citées
Jean-Pierre Helfer
Résumé
INTRODUCTION
Un parcours doctoral est un processus plutôt long dans la vie
d’une personne, et de manière générale, – sans doute des excep-
tions existent – au cours de ce processus le doctorant connaît
diverses phases psychologiques que l’on pourrait tout simple-
ment qualifier de « moments d’espoir » et « périodes de déses-
poir ». Nous verrons que bien comprendre cette caractéristique,
statistiquement habituelle, pour mieux la maîtriser constitue un
point d’appui pour mener l’opération jusqu’à son terme et, par
là-même, s’attendre à ce que l’étape ultime soit colorée d’espoir
plutôt que de désespoir.
Pierre-Louis Dubois
Résumé
INTRODUCTION
Définir a priori une méthode de recherche est une pratique as-
sez courante dans de nombreuses disciplines. L’économétrie
en est souvent une illustration. Et l’on en trouve de multiples
exemples en sciences de ce qui revient à prendre une « posture »
méthodologique. Sans ouvrir le débat sur le bien-fondé de telles
pratiques, il est légitime de se poser la question du choix des
méthodes de recherche dans l’exercice particulier de la thèse de
Doctorat en sciences de gestion, qui plus est dans le contexte
particulier d’un DBA.
1. Cela ne signifie pas pour autant que des données issues d’un questionnaire ne
puissent pas avoir un intérêt exploratoire grâce par exemple à l’utilisation des mé-
thodes d’analyse de données à cette fin… Tout dépend de l’intention du chercheur
et de sa conscience des limites de son approche.
Choix des méthodes de recherche
thèse. Et, sur ce point, tous les thésards ne sont pas à éga-
lité : l’insertion dans un laboratoire ou dans une entreprise
(par exemple, en convention CIFFRE), l’accès aux données,
l’existence d’une formation ou d’un background préalable,
la disposition de ressources humaines ou financières…
changent la donne. Il importe d’y réfléchir assez tôt…
CONCLUSION
En matière de méthodologie, le choix du tailleur est toujours
préférable à celui du prêt à porter ! Cette conception ouverte ne
remet pas en question l’intérêt de séquences classiques telles que
celles rencontrées fréquemment dans des thèses hypothético-
déductives (données-hypothèses-traitement-résultats) ou de
séquences appropriées à la construction d’échelles ou au
traitement des données textuelles… Ces approches sur des
temps partiels ou plus étendus du déroulement d’une recherche
peuvent constituer des fils conducteurs utiles et pertinents
pour des doctorants ayant besoin de guides méthodologiques
éprouvés ! Mais on ne peut ignorer leurs propres limites.
Références citées
Bachelard, G. (1949), Le Rationalisme Appliqué, PUF, Paris.
63
Churchill Jr, G.A. (1979), A paradigm for developing better measures
of marketing constructs, Journal of Marketing Research, vol. 16,
n°1, p. 64-73.
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Research, Sage Publications, Thousand Oaks.
Dubois, P.-L. (1995), Propos sur les sciences de gestion en général et
sur leur enseignement en particulier, Mélanges en l’Honneur du
Professeur André Page, Presses Universitaires de Grenoble,
Grenoble.
Dubois, P.-L. (2007), Connaissance et gestion, un paradoxe
indépassable, in P.-L. Dubois et Y. Dupuy (dir.), Connaissance et
Management, Economica, Paris.
Evrard, Y., Pras, B. & Roux, E. (2009), Market, fondements et méthodes
des recherches en marketing, 4 e édition, Dunod, Paris.
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Strategies for Qualitative Research, Aldine Transactions, Chicago.
Grawitz, M. (1993), Méthodes en sciences sociales, Dalloz, Paris.
Le Moigne, J.-L. (1990), Épistémologies constructivistes et sciences
de l’organisation, in A.-C. Martinet (dir.), Épistémologies et
sciences de gestion, Economica, Paris, p. 81-140.
C h o i s i r u n e m é t h o d e d e r e c h e r c h e a d a p t é e à l a qu e s t i o n t e r ra i n
65
CHAPITRE 4.
Le portefeuille des méthodes de recherche
terrain : méthodes qualitatives, méthodes
quantitatives et mixtes
Yves-Frédéric Livian
Résumé
INTRODUCTION
Le chercheur se trouve face à un choix délicat : celui de la mé-
thode d’approche de son terrain. Déjà évoquée dans le volume
précédent sur Le projet de thèse de DBA (Beaulieu & Kalika, 2017),
il importe maintenant de s’y attaquer de front. Pour ce faire, il
(elle) doit avoir une vue globale de ce que nous appellerons le
« portefeuille » des méthodes disponibles1.
3. On se référera sur ce thème à l’article « classique » de Brabet (1988) et plus récem-
ment au débat Giordano et Jollibert (2016).
4. Analyse de Données Qualitatives Assistée par Ordinateur (exemple : Tropes,
NVivo…).
L e p o r t e f e u i l l e d e s m é t h o d e s d e r e c h e r c h e t e r ra i n
3. LE PORTEFEUILLE DE MÉTHODES
Notre but est de présenter succinctement les cinq principales
familles de méthodes de recherche de terrain de manière à aider
à un choix. Nous évoquerons pour chacune ses forces et ses li-
mites ou difficultés d’utilisation, sachant qu’une analyse plus dé-
taillée figure dans les chapitres 5 à 14 du présent ouvrage 6. Nous
donnerons ensuite une indication sur les méthodes mixtes.
3.2. L’enquête
Elle consiste à recueillir l’information recherchée de manière
74
systématique par des outils adaptés, principalement le ques-
tionnaire ou l’entretien.
8. En médecine, on fera en sorte que les sujets sur lesquels portent les variables
soient répartis aléatoirement (« essai randomisé ») (Mayo, 1932).
L e p o r t e f e u i l l e d e s m é t h o d e s d e r e c h e r c h e t e r ra i n
3.4. L’observation
Pour décrire et comprendre ou analyser, il faut parfois d’abord
observer. De nombreuses problématiques de gestion pâtissent
d’une base descriptive insuffisante. Des questions essentielles
sont peu documentées : que se passe-t-il réellement dans cette
situation, dans cette unité ? Que fait réellement cette catégorie
de personnel ? Comment la décision est-elle prise ? Quelle est la
véritable utilisation de cet outil ? Etc.
L’observation participante
11. Parmi les exemples récents sur des problématiques du travail, on peut citer
Aubenas (2010) ou Le Guilcher (2017).
L e p o r t e f e u i l l e d e s m é t h o d e s d e r e c h e r c h e t e r ra i n
3.5. La recherche-action
Les sciences de gestion se définissant comme devant produire
des connaissances « actionnables », une des méthodes cor-
respondant à cette vocation consiste à associer directement
connaissance et action (cf. chapitre 13). Cette démarche s’ins-
crit dans la tradition « clinique » en sciences humaines (clinique :
« au chevet de »…). Le médecin faisant de la recherche clinique
utilise ses connaissances pour soigner, mais en soignant il pro-
duit de la connaissance.
4. SYNTHÈSE
Il est possible de comparer toutes ces méthodes sous trois
angles : leur contribution aux opérations de base du projet co-
gnitif, le rapport qu’elles impliquent avec les acteurs humains, la
place qu’y tient le cadre théorique.
82
Tableau 2. Un classement sommaire des méthodes
en fonction des objectifs
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
On aura compris, à la fin de ce panorama du « portefeuille de mé-
thodes », qu’il n’y a pas de méthode parfaite et que l’essentiel pour
C h o i s i r u n e m é t h o d e d e r e c h e r c h e a d a p t é e à l a qu e s t i o n t e r ra i n
12. Si l’usage de certains outils statistiques peut être lié à une expérience profes-
sionnelle antérieure du manager, la maîtrise de la plupart des méthodes vient
avec la pratique et notamment en matière d’enquête. « L’enquête s’apprend en se
faisant, d’une manière sinueuse et chaotique… » (Beaud & Weber, 2010, p. 12). Le
chercheur ne peut donc attendre une maîtrise totale à l’avance…
L e p o r t e f e u i l l e d e s m é t h o d e s d e r e c h e r c h e t e r ra i n
Références citées
Aldebert, B. & Rouzies, A. (2011), L’utilisation des méthodes
85
mixtes dans la recherche française en stratégie : constat et
pistes d’amélioration, XXe colloque de l’AIMS, vol. 6, 6-8 juin,
Nantes. Disponible à : www.strategie-aims.com/conferences/
xxeconference/com1336.
Aubenas, F. (2010), Le Quai de Ouistreham, Paris, Éditions de l’Olivier.
Beaud, S. & Weber, F. (2010), Guide de l’enquête terrain, Paris, La
Découverte.
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Éditions EMS.
Berthelot, J.-M. (1996), Les vertus de l’incertitude, Paris, PUF.
Brabet, J. (1988), Faut-il encore parler d’approche qualitative et
d’approche quantitative ?, Recherches et Applications Marketing,
vol. 3, no 1, p. 75-89.
Creswell, J.W. (2009), Research Design : Qualitative, Quantitative and
Mixed Methods Approches, Thousand Oaks, CA, Sage.
Creswell, J.W., Vicki, L. & Plano, C. (2011), Designing and Conducting
Mixed Methods Research, 2nd edition, Thousand Oaks, CA, Sage
Publications.
Dumez, H. (2013), Méthodologie de la recherche qualitative, Paris,
Vuibert.
C h o i s i r u n e m é t h o d e d e r e c h e r c h e a d a p t é e à l a qu e s t i o n t e r ra i n
Guides pratiques
Quivy, R. & van Campenhoudt, L. (2006), Manuel de recherche en
sciences sociales, 3 e édition, Paris, Dunod.
Un manuel clair, largement utilisé.
Introduction à la partie II
gues. Elle permet d’avoir accès à des données qui ne sont pas
accessibles par des entretiens ou des questionnaires et elle
peut être mobilisée dans les différentes disciplines de la ges-
tion. Le doctorant de DBA a donc de nombreuses raisons, si sa
recherche porte sur l’entreprise dans laquelle il travaille, de re-
courir à l’observation. Les auteurs la définissent d’abord, puis
distinguent ses deux formes principales, l’observation parti-
cipante et l’observation non participante et indiquent qu’elles
peuvent s’insérer dans des designs de recherche variés comme
la recherche-action. Ils en soulignent les avantages : comment
elles peuvent révéler les représentations sociales ou l’existence
de pratiques non officielles ou des rapports de pouvoir et inté-
rêts que les acteurs ne sont pas forcément prêts à aborder dans
des entretiens ; puis les difficultés dont la conscience aide à
s’en prémunir : risque de défaut de distance, risque de la sai-
sie d’artefacts, et risques de biais cognitifs. Enfin, les auteurs
fournissent quelques principes simples afin de tirer le meilleur
parti de la méthode et précisent les tâches à suivre et pratiques
concrètes : comment se positionner, construire une grille d’ob-
servation, cultiver ses facultés d’observation, donner forme aux
information recueillies, et s’autoanalyser.
88
Le chapitre 6 de Françoise Chevalier et Vincent Meyer décrit
la collecte de données qualitatives par entretiens, une des mé-
thodes les plus utilisées en recherche en sciences de gestion
car elle permet de collecter rapidement des données riches de
première main. Les entretiens visent à réunir des discours, des
récits et des matériaux discursifs permettant de comprendre les
représentations mentales et les pratiques des individus au sein
des organisations investiguées. Les auteurs expliquent les ca-
ractéristiques des trois grands types d’entretiens, directifs, se-
mi-directifs et non directifs ainsi que leurs paradigmes épisté-
mologiques et leurs modes de questionnement, et introduisent
brièvement d’autres types d’entretiens – biographiques, entre-
tiens de groupe et entretiens à distance. Puis ils se concentrent
sur la pratique concrète de l’entretien semi-directif : la construc-
tion du guide d’entretien, les types de questions possibles, les
moments-clés, le « principe de l’entonnoir » ; l’attitude de l’inter-
viewer, le positionnement, l’empathie, la compréhension et la re-
formulation ; le lieu, la durée, l’enregistrement et la retranscrip-
tion de l’entretien ; l’échantillonnage et la saturation théorique ;
Re c u e i l l i r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
Résumé
INTRODUCTION
Originaire de l’anthropologie, l’observation est une méthode
scientifique de récolte de données reconnue en particulier
depuis son utilisation dans les enquêtes de terrain des socio-
logues de l’École de Chicago. Certaines de ces observations
sont devenues célèbres, comme l’étude de W.F. Whyte (1993)
sur les jeunes de banlieue Street Corner Society, dans laquelle le
chercheur a observé une bande de jeunes immigrés italiens de
la banlieue de Boston pendant plus de trois ans afin de rendre
compte de leurs pratiques et comportements. L’observation peut
être mobilisée dans les différentes disciplines de la gestion : en
stratégie, en marketing, en finances, en contrôle de gestion, en
ressources humaines, en systèmes d’information…
Observation participante
1. On pourrait ici ajouter un troisième type d’observation lorsque l’observateur ob-
serve, à distance, une situation d’expérimentation construite de toute pièce pour
une recherche spécifique. C’est le cas par exemple de la célèbre expérience de
Milgram.
L’ob s e r v a t i o n
2. AVANTAGES DE L’OBSERVATION 97
3. DIFFICULTÉS DE L’OBSERVATION
On peut identifier trois problèmes liés à l’observation comme ou-
til de recueil des données et qui se posent de manière plus aigüe
pour le doctorant-manager. Il importe d’en avoir conscience
pour pouvoir s’en prémunir.
Les comptages
4.5. L’autoanalyse
Enfin au terme de ce travail, pour convaincre du bien-fondé de
ses observations, l’enquêteur est amené à faire un travail de ré-
flexivité sur lui-même. Il importe d’expliquer pourquoi il fait cette
enquête, quelle est sa position, sa trajectoire et surtout com- 105
ment il pense avoir été perçu par les personnes qu’il a obser-
vées. Cette réflexivité est une condition de scientificité car elle
permet de remettre les données recueillies dans leur contexte
et d’en corriger les éventuels biais. L’enquêteur, tout en s’im-
pliquant à la première personne, s’efforce donc de « se voir à la
deuxième et à la troisième personne ». Autrement dit, il s’agit de
déchiffrer les dispositifs d’identification, de catégorisation et de
classification à travers lesquels les gens observés le perçoivent
et l’apprécient et, réciproquement, à travers lesquels il leur pré-
sente des façades et gère des apparences. Les effets de ces at-
tributs sur le contenu des interactions ne sont pas seulement
des déformations, ce sont des vertus à exploiter car à travers ces
effets, un ordre social se révèle que l’observateur peut analyser.
CONCLUSION
L’observation, et tout particulièrement l’observation partici-
pante, apparaît ainsi comme une méthode d’enquête réclamant
– comme toutes les méthodes d’enquête en sciences sociales –
Re c u e i l l i r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
Références citées
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l’observation directe, Paris, Armand Colin, coll. « 128 ».
Becker, H. (1970), Sociological Work : Method and Substance, Chicago,
Aldine.
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le décorticage d’une démarche de recherche, in P. Beaulieu &
M. Kalika (dir.), Le projet de thèse de DBA, Caen, Éditions EMS,
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Dumez, H. (2016), Méthodologie de la recherche qualitative : les questions
clés de la démarche compréhensive, Paris, Vuibert.
Duneir, M. & Molotch, H. (1999), Talking city trouble: Interactional
106
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Roy, D. (1952/2006), Un sociologue à l’usine, Paris, La Découverte,
coll. « Repères ».
L’ob s e r v a t i o n
Résumé
INTRODUCTION
La conduite d’entretien est l’une des pratiques de collecte de don-
nées parmi les plus répandues en sciences de gestion (Bryman
& Bell, 2015 ; Yin, 1994). Elle est très largement utilisée par les
chercheurs car elle permet de collecter rapidement des données
riches et de première main. En apparence simple, elle repose
cependant sur des partis pris épistémologiques importants et
nécessite de se poser au préalable des questions théoriques et
pratiques pour atteindre le degré de flexibilité nécessaire à son
perfectionnement (Myers & Newman, 2007 ; Thiétart, 2014).
112
1.2. Les autres types d’entretiens
Il existe d’autres types d’entretiens, moins fréquemment utili-
sés, mais qui peuvent s’avérer pertinents dans le cadre d’une re-
cherche de DBA. Ainsi les entretiens biographiques visent-ils
à collecter des informations sur le passé ou certains moments
clés de la vie des individus. Ils sont souvent non directifs : les
chercheurs invitent leurs interlocuteurs à une « plongée dans
leur histoire de vie ». La mémoire étant par nature sélective, les
chercheurs s’aident souvent de visuels ou d’artefacts pour ravi-
ver les souvenirs de leurs interlocuteurs.
2. Cet encadré s’appuie sur les travaux de recherche de Nicolas Paillère, mémoire
de recherche Majeure International Business (CEMS) HEC – Paris, dirigé par
F. Chevalier, 2016.
Re c u e i l l i r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
2.4. L’échantillonnage
Combien faut-il mener d’entretiens ? Si l’on se place dans un
cadre hypothético-déductif, le nombre de personnes à interro-
3.
h ttp://otranscribe.com/
L e s e nt r e t i e n s
CONCLUSION
La conduite d’entretien est à la fois simple et complexe. Comme
toute pratique elle ne se fonde pas uniquement sur une théorie
que l’on peut apprendre mais sur des compétences que l’on per-
fectionne au fur et à mesure du temps. Dans le cadre d’une thèse
de DBA, à cet apprentissage s’ajoutent les contraintes profes-
sionnelles, ce qui peut limiter la disponibilité nécessaire pour
effectuer des tâches chronophages telles que la retranscription
ou pour multiplier les entretiens jusqu’à atteindre la saturation
théorique nécessaire aux recherches qualitatives. Les docto-
rants en DBA sont par ailleurs très souvent doublement immer-
gés dans leur objet de recherche, en tant que chercheur et en
L e s e nt r e t i e n s
Références citées
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Professional Effectiveness, San Francisco, CA, Jossey-Bass.
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Chevalier, F. (1991), Cercles de qualité et changement organisationnel,
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Kvale, S. (1996), Interviews : An Introduction to Qualitative Research
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vol. 54, no 1, p. 11-22.
Re c u e i l l i r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
125
CHAPITRE 7.
Les études de cas
Pierre-Jean Barlatier
Résumé
INTRODUCTION
La méthodologie de l’étude de cas est une méthodologie de re-
cherche mobilisée pour étudier des phénomènes en situation
réelle, qu’ils soient nouveaux et/ou complexes ou bien pour
étendre les connaissances sur des phénomènes déjà investi-
gués. Les études de cas apportent ainsi une analyse détaillée et
en profondeur sur un nombre limité de sujets.
De plus, une étude de cas simple peut être soit holistique (holistic)
et comprendre une seule unité d’analyse, soit comprendre plu- 133
sieurs unités d’analyse encastrées (embedded). Par exemple, une
étude de cas peut s’intéresser à une industrie (comme le secteur
automobile, l’énergie ou l’environnement…), ainsi qu’à une ou
plusieurs entreprises de cette industrie (Renault, Engie, etc.).
Ce type d’étude de cas implique donc deux niveaux d’analyse et
accroît par conséquent la complexité et la quantité de données
à collecter et analyser. L’analyse dans ce design de recherche
peut porter sur les sous-unités étudiées séparément (dans notre
exemple différentes entreprises d’une même industrie), ou en-
core effectuer des comparaisons entre ces sous-unités.
134
CONCLUSION
La méthodologie de l’étude de cas permet d’étudier de manière
scientifique un phénomène singulier ou complexe dans son
contexte réel, en répondant aux questions du type « pourquoi ? »
et « comment ? ». Elle permet de collecter des données variées
et de les faire analytiquement converger pour mettre en valeur
les enseignements du ou des cas. Ce n’est pas une méthode de
recherche uniquement portée sur l’exploration d’un phénomène
mais sur une meilleure compréhension des comportements des
sujets étudiés.
Références citées
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various methodological guidelines for doing rigorous case
studies: a comparison of four epistemological frameworks,
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Lincoln, Y. & Guba, E. (1985), Naturalistic Inquiry, Newbury Park, CA,
Sage Publications.
Merriam, S.B. (2009), Qualitative Research: A Guide to Design and
Implementation, San Francisco, CA, John Wiley & Sons.
Re c u e i l l i r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
Gioia, D.A., Corley, K.G. & Hamilton, A.L. (2012), Seeking qualitative
rigor in inductive research : Notes on the Gioia methodology,
Organizational Research Methods, vol. 1, p. 15-31.
Dans cet article les auteurs proposent une méthodologie de
structure d’analyse de données qualitatives rigoureuse qui per-
met de renforcer la fiabilité de la recherche effectuée selon une
approche inductive.
139
CHAPITRE 8.
La méthode ethnographique
Résumé
INTRODUCTION
Depuis longtemps, les comportements dans les sociétés ont été
un objet de recherche pour les sociologues, les psychologues,
les anthropologues, les historiens. Pour les sociologues comme
Émile Durkheim (1912), il faut comprendre la société dans son
ensemble, considérée comme « une réalité fondamentale » qui
est une abstraction métaphysique, une entité mystique. Alors
que, pour l’ethnologue Marcel Mauss (1947), la société est consi-
dérée comme un groupe social vivant habituellement dans un
lieu déterminé possédant une langue, une structure et des tra-
ditions qui lui sont propres. Pour comprendre la complexité de
cette société, la méthode ethnographique est utilisée comme
outil et démarche d’approche du terrain dans les recherches en
sciences sociales et humaines. Pour Karl Popper (1963), il faut
partir du terrain qui donne une représentation des faits, phéno-
mènes et comportements qu’il qualifie de mondes réels dans sa
141
vision des mondes scientifiques. La méthode ethnographique
est une méthode de la science de l’anthropologie dont l’objet est
l’étude descriptive et analytique, sur le terrain, des mœurs et des
coutumes de populations déterminées. En tant que sciences des
faits, la méthode ethnographique a été pratiquée dans les tra-
vaux portant par exemple sur les études des peuples africains.
La méthode permet de comprendre des phénomènes difficile-
ment quantifiables.
L’observation participante
Elle est une étape élémentaire de l’approche terrain, elle est des-
tinée à collecter des données préliminaires sur le terrain (Evrard
et al., 2000). Elle peut être également comme une source de col-
lecte de données complémentaires (Yin, 1990).
L’introspection
comporte deux objectifs précis qui sont le gain de temps (il n’est
plus nécessaire d’attendre le retour de l’ethnographe pour avoir
les informations) et la possibilité pour l’entreprise d’être inte-
ractive avec le chercheur ethnographe et donc de modifier à son
souhait son discours initial, si nécessaire.
2. L’APPLICATION ET LA DÉMARCHE DE LA
MÉTHODE ETHNOGRAPHIQUE
Dans cette section nous allons commencer par présenter les ap-
titudes du chercheur et la démarche à suivre avant de souligner
la pertinence de la méthode en management et ses implications
managériales.
151
CONCLUSION
Les thèses de DBA doivent avoir un fort ancrage terrain. Une
recherche interprétative et qualitative basée sur la méthode eth-
nographique permet de répondre à l’exigence d’une contribution
managériale en Executive DBA. Le positionnement interpréta-
tif permet au manager-chercheur de comprendre les pratiques
d’individus dans une organisation ou dans une communauté
donnée. La perspective interprétative invite le chercheur « à voir
à travers les yeux de l’observé », il doit se rapprocher au plus
près de sa cible. L’immersion dans le monde des sujets étudiés
devient une condition nécessaire pour le manager-chercheur.
Durant la période d’interactions sociales intenses entre le cher-
cheur et les sujets dans le milieu de ces derniers naîtront des 153
résultats à fortes implications managériales. L’intérêt de la mé-
thode est que le manager-chercheur et le sujet qui fait l’objet de
l’étude sont impliqués dans la collecte de données. Cette col-
lecte de données peut être réalisée en mode synchrone ou asyn-
chrone.
Références citées
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(CCT): Twenty years of research, Journal of Consumer Research,
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Belk, R. W. (1987), The role of the odyssey in consumer behavior and
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profane in consumer behavior: Theodicy on the Odyssey, Journal
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154 Bernard, Y. (2004), La netnographie : une nouvelle méthode
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Blackman, S. (2005), Youth subcultural theory: A critical engagement
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Didry, N. & Giannelloni, J.-L. (2015), 14es Journées Normandes de
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Dion, D. (2008), À la recherche du consommateur : nouvelles techniques
pour mieux comprendre le client, Paris, Dunod.
Dion, D. & Sitz, L. (2013), Enrichir la compréhension des
comportements des consommateurs : pistes opérationnelles et
enjeux organisationnels, Décisions Marketing, vol. 71, p. 45-58.
L a m é t h o d e e t h n o g ra p h i qu e
157
CHAPITRE 9.
Les récits de vie
Résumé
INTRODUCTION
Le récit de vie peut être oral ou écrit, formel ou informel, être le
lieu d’une quête de soi ou d’une interaction sociale : il est protéi-
forme. Mais alors, que peut-il y avoir de commun entre les récits
de vie que sont une autobiographie ou un entretien accordé à
un chercheur en sciences humaines ? Le socle commun à ces
pratiques est la narration, par un sujet, de tout ou partie de son
histoire personnelle. C’est au récit de vie en tant que méthode de
recherche en sciences humaines, utile pour une thèse de DBA,
que ce chapitre est dédié.
1. Bien que des nuances puissent être apportées entre ces expressions, dans un
souci de simplicité nous utiliserons indifféremment dans ce chapitre les expres-
sions « récit de vie », « histoire de vie » ou « approche biographique ».
Re c u e i l l i r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
L’origine des récits de vie, sous leur forme écrite, ce sont les bios
grecques qui, à partir du IVe siècle, sont utilisées par les phi-
losophes socratiques comme moyen d’accéder à la connais-
sance de soi, c’est la célèbre maïeutique socratique (Pineau &
Legrand, 2013 ; Momigliano, 1991, p. 125). Le récit de soi prend
ensuite des formes littéraires : celle de mémoires – où il s’agit
pour les auteurs de raconter leur vie publique en insistant sur
le contexte historique – ou celle de confessions, suivant la lo-
gique chrétienne de l’aveu, comme celles de Saint Augustin au
IVe siècle, ou encore celle de la chanson de geste au Moyen Âge.
Mais l’apogée littéraire du récit de soi se produit au XVIIIe siècle :
la publication, par Jean-Jacques Rousseau de ses Confessions
(1782) marque l’avènement de l’autobiographie comme genre
littéraire, qui reste, jusqu’à aujourd’hui, très répandu dans les
cultures occidentales.
Les récits de vie sont la vie racontée, pas la vie « réelle ». Le récit
vient en quelque sorte faire écran entre le chercheur et la réalité,
et ce, à plusieurs égards. D’abord le récit ordonne : il ordonne
chronologiquement, il présente l’expérience d’une certaine fa-
çon et ce faisant il la structure, il la lisse, la rend cohérente. C’est
ce phénomène que Bourdieu qualifie d’« illusion biographique »
(Bourdieu, 1986). De plus, tout récit est sélection, remaniement
Les récits de vie
163
1.3. La position du chercheur utilisant le récit de vie
comme méthode
Le chercheur, en présentant au sujet sa thématique de recherche,
« précentre » l’entretien (Bertaux, 2010, p. 38) : la présentation agit
ici comme un filtre, et l’acceptation, par le sujet, de participer
à l’étude dans les conditions proposées par le chercheur. Dans
la relation chercheur / sujet, le premier est à l’origine de la rela-
tion, il l’oriente en fonction de ses intérêts de recherche, tandis
que le second apporte le contenu. Dans la mesure où ce que le
sujet raconte, c’est son expérience vécue – expérience à laquelle
le chercheur est initialement étranger – le chercheur peut avoir
du mal à « entrer » dans le récit. À l’inverse, dans la mesure où
les entretiens sont souvent longs et répétés, et où leur contenu
est souvent de l’ordre de l’intime, le chercheur peut risquer de
perdre la distance nécessaire à l’analyse. Un enjeu de la relation
est donc, pour le chercheur, de trouver la bonne distance :
2. Les « Big 4 » (traduction littérale, les « quatre grands ») sont les quatre groupes
d’audit financier : Deloitte Touche Tohmatsu, EY (Ernst & Young), KPMG, et PwC
(PricewaterhouseCoopers).
Les récits de vie
167
Encadré 3. Le rodage de la méthode : recherche sur
les créateurs d’entreprises innovantes
Dans sa recherche sur les créateurs d’entreprises innovantes
Micaelli (2013, p. 177) décrit le rodage de la méthode.
« Pour notre part, nous avons souhaité mener deux entretiens de ro-
dage de la méthode biographique préalablement au démarrage de
l’enquête, ce qui a été l’occasion de tester la formulation de notre
question de recherche.
Ainsi, dans nos premiers échanges, nous avions retenu les formu-
lations suivantes : « Pourquoi êtes-vous devenu créateur d’entreprise ? »,
« Qu’est-ce qui vous a amené à devenir créateur d’entreprise ? », « Avez-
vous toujours souhaité devenir créateur d’entreprise ? », qui ont toutes été
abandonnées car générant un focus trop prégnant sur certains élé-
ments du parcours.
En effet, la personne répondait le plus souvent à la première formu-
lation comme s’il s’agissait d’une question fermée n’appelant qu’une
seule réponse « directe » : « j’ai créé mon entreprise parce que… », « Je
suis entré chez […] car … », il était alors nécessaire de la relancer plu-
sieurs fois pour qu’elle enchaîne ensuite sur d’autres éléments de
son parcours.
La seconde formulation entraînait bizarrement un blocage de l’in-
terviewé qui ne savait pas trop comment répondre, et il devenait né-
Re c u e i l l i r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
3. Il faut noter qu’à mesure que l’enquête avance – et que les données s’accumulent –
le projet de recherche évolue, et le guide d’enquête aussi. Il ne faut pas hésiter à le
modifier au fur et à mesure.
4. Il est normal que l’interlocuteur cherche ses mots par moment, cela ne veut pas
dire que le récit va s’arrêter. Le silence est aussi le temps de la réflexion.
Les récits de vie
CONCLUSION
Le récit de vie, méthode de recherche, permet de recueillir des
informations riches dans un contexte particulier. Faisant dia-
loguer les temporalités, la méthode offre aux doctorants-ma-
nagers la possibilité de creuser un phénomène en explorant
l’épaisseur du vécu des personnes en situation. Cette méthode
qualitative conduit à faire émerger, au travers d’histoires singu-
lières, le sens de phénomènes humains et sociaux plus larges.
Les doctorants en DBA sont tout particulièrement concernés
par cette approche qui fait la part belle à l’expérience cumulée
au fil du temps. Les récits de vie sont ainsi en mesure d’appor-
ter une aide originale et précieuse à la compréhension intime de
phénomènes sociaux et organisationnels et par là même d’éclai-
rer et de faciliter un retour à l’action plus pertinent.
Références citées
Bah, T., Tiercelin A. & Ndione L. C. (2015), Les récits de vie en sciences
de gestion. Orientations épistémologiques et méthodologiques, Caen,
Editions EMS, coll. « Versus ».
Becker, H. S. (ed.) (1966), Social Problems: A Modern Approach. 173
London, J. Wiley and Sons.
Bertaux, D. (2010), Le récit de vie, 3 e édition, Paris, Armand Colin.
Bourdieu, P. (1986), L’illusion biographique, Actes de la Recherche en
Sciences Sociales, vol. 62-63, p. 69-72.
Burrick, D. (2010), Une épistémologie du récit de vie, Recherches
Qualitatives, Numéro Hors-Série n°8, p. 7-36.
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relations entre sociologie et histoire, in L.J. Filion, P. Paillé &
D. Laflamme (dir.), Recherches qualitatives, vol. 17, Université du
Québec à Trois-Rivières, p. 44-56.
Chevalier, F. (2017), La théorisation dans une perspective terrain :
le décorticage d’une démarche de recherche, in P. Baulieu &
M. Kalika (dir.), Le projet de thèse de DBA, Caen, Éditions EMS,
coll. « Business Science Institute », p. 165-176.
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biographiques, L’exemple des récits d’insertion, Paris, Nathan et
Presses Université Laval, coll. « Essais et Recherches ».
Garnier, C. (2014), Qui sont les associés d’audit des cabinets Big 4 ? Une
lecture interactionniste des carrières des auditeurs dans les cabinets
Re c u e i l l i r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
175
CHAPITRE 10.
Recherche historique, narration et documents
d’archives
Résumé
INTRODUCTION
La loi française définit les archives comme « l’ensemble des do-
cuments, quels que soient leur date, leur lieu de conservation,
leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne
physique ou morale et par tout service ou organisme public ou
privé dans l’exercice de leur activité » (Code du patrimoine, ar-
ticle L.211). Par extension, on peut considérer comme archives
toutes traces laissées par les activités humaines, qu’elles soient
gravées sur les marbres anciens ou digitalisées dans les mé-
moires informatiques. C’est grâce aux archives que « les histo-
riens font parler les choses muettes » selon la formule de Lucien
Febvre (1959).
2. Ce qui implique la publication du récit et son analyse critique facilitée par les mé-
thodes de l’analyse de donnée textuelle (Moscarola, 2018).
Re c h e r c h e h i s t o r i qu e , n a r ra t i o n e t d o c u m e nt s d ’a r c h ive s
La codification
186
2.4. Triangulation
On obtient ainsi différents points de vue sur le cas étudié : ce-
lui d’une analyse historique construite comme un récit et celui
d’une analyse de contenu fondée sur un modèle. Analyse qua-
litative d’une part et quantitative d’autre part. La triangulation
consiste à soumettre les données disponibles à différentes ana-
lyses – comme nous l’avons déjà fait pour le récit en exposant les
mots spécifiques de chaque époque.
CONCLUSION
Au-delà de l’exemple particulier du cas étudié, ce chapitre avait
pour visée de promouvoir l’approche historique comme mé- 187
thode de collecte de données fondée sur la collection d’archives
et comme modalité d’analyse des informations ainsi recueil-
lies. C’est une approche intéressante pour des managers-cher-
cheurs. Comme managers, ils bénéficient de l’accès à des do-
cuments souvent plus objectifs et riches que les traditionnels
entretiens. Comme chercheurs, ils peuvent mettre en œuvre
selon leur goût et leur capacité les méthodes illustrées dans ce
chapitre. Les uns pourront s’en tenir à un travail inductif de nar-
ration et d’interprétation guidé par la référence à des théories
existantes ou débouchant sur de nouvelles conjectures (Walsh,
2015). Les autres iront chercher dans les archives les traces de
concepts théoriques pour coder leurs données empiriques et
tester leur modèle (Moscarola & Papatsiba, 2001 ; Boughzala &
Moscarola, 2016). Les méthodes et les outils existent, enrichis
des méthodes d’analyse de données textuelles (Moscarola,
2018) : ils permettent de soumettre à l’analyse statistique les in-
terprétations du chercheur. Les plus ambitieux pourront, comme
dans cet exemple, multiplier les approches et les triangulations ;
ils devront toutefois résister à la tentation de s’intéresser plus
Re c u e i l l i r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
Références citées
Bardin, L. (1977), L’analyse de contenu, Paris, Presses Universitaires
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Le Goff, J. & Nora P. (dir.) (1974), Faire de l’histoire, I. Nouveaux
problèmes, II. Nouvelles approches, III. Nouveaux objets, Paris,
Éditions Gallimard.
Lemarchand, Y. & Nikitin, M. (2013), La méthode en histoire et l’histoire
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d’Économie d’Orléans, Université d’ Orléans.
Marrou, H.I. (1954), De la connaissance historique, Paris, Le Seuil.
Re c h e r c h e h i s t o r i qu e , n a r ra t i o n e t d o c u m e nt s d ’a r c h ive s
Yin, R.K. (2009), Case Study Research: Design and Methods, 4th edition,
Thousand Oaks, CA, Sage.
Ce best-seller offre un panorama complet de la conception et
de l’utilisation de la méthode des études de cas en tant qu’outil
de recherche. Le livre offre une définition claire de la méthode
d’étude de cas ainsi qu’une discussion sur les techniques de
conception et d’analyse.
190
CHAPITRE 11.
La collecte des données sur Internet
Jean-François Lemoine
Résumé
INTRODUCTION
Comment un étudiant en DBA doit-il se comporter face à l’abon-
dance des données mises à sa disposition sur Internet ? La mul-
titude des données consultables sur Internet constitue-t-elle un
avantage pour la réalisation de sa thèse ? Toutes les données
auxquelles ont accès les doctorants se valent-elles d’un point
de vue scientifique ? Comment opérer un tri et une hiérarchi-
sation parmi les données disponibles ? Ces nombreuses ques-
tions se posent inévitablement à tout étudiant de DBA engagé
dans une recherche doctorale tant le recours à Internet semble
représenter aujourd’hui une évidence pour la réalisation de toute
activité professionnelle. Derrière cette apparente facilité d’ac-
cès aux données se cachent pourtant d’importantes difficultés
qui peuvent venir entacher la qualité scientifique de la thèse.
La première est relative à l’évaluation de la qualité scientifique
des informations disponibles. En d’autres termes, les données
consultées ont-elles leur place dans la thèse ? La seconde a trait
à la façon dont il convient d’exploiter les données collectées sur
Internet pour les besoins de l’étude empirique de la thèse. Cela
revient à se demander : quelles sont les précautions à prendre
192 avant d’interpréter, avec la rigueur scientifique qui s’impose
dans un travail doctoral, les informations issues d’une enquête
en ligne ? Le but de ce chapitre est de sensibiliser les étudiants
à ces deux problèmes majeurs et de leur livrer quelques conseils
susceptibles de les éviter.
196
2.1. La prise en compte des risques associés à la
collecte des données sur Internet
L’intérêt des enquêtes par Internet est de pouvoir contacter faci-
lement et rapidement un grand nombre d’individus. Par ailleurs,
les taux de réponse traditionnellement obtenus pour ce genre
d’étude sont beaucoup plus élevés que ceux classiquement as-
sociés aux enquêtes administrées en face à face, par voie postale
ou par téléphone. Ces éléments constituent indéniablement des
avantages pour les étudiants de DBA qui disposent la plupart
du temps d’un temps limité pour mener à bien leur recherche.
Pourtant, derrière cette apparente facilité de mise en œuvre de
l’enquête par Internet se cachent des risques récurrents pouvant
mettre à mal la qualité scientifique de l’étude réalisée. Il est donc
indispensable pour le doctorant de toujours les avoir à l’esprit
de manière à pouvoir prendre du recul par rapport aux résultats
obtenus et à être en mesure de relativiser leur portée.
CONCLUSION
À la question « peut-on mobiliser, dans le cadre d’une thèse de
DBA, toute information disponible sur Internet ? », la réponse
est non. En effet, les données consultables en ligne sont de
qualité inégale sur le plan académique et sont susceptibles de
mettre à mal la rigueur scientifique dont doit faire preuve un tra-
vail doctoral. Dans la mesure où il arrive qu’elles soient parfois
utiles au doctorant dans l’élaboration de sa réflexion, il convient
malgré tout de ne pas les rejeter systématiquement mais plutôt
de les exploiter avec parcimonie, clairvoyance et lucidité. On at-
tendra de l’étudiant de DBA qui utilise des données collectées
sur Internet qu’il en explique précisément les raisons (souci de
contextualisation de la recherche, volonté de démontrer l’impor-
tance du sujet traité par des données économiques, etc.), qu’il
soit en mesure de les relativiser, d’un point de vue scientifique,
par rapport aux données académiques et qu’il les exploite avec
199
prudence afin de mettre à jour des contributions théoriques et
managériales reconnues de manière indiscutable par la commu-
nauté des chercheurs et des praticiens.
Références citées
FNEGE (2016), Classement des revues scientifiques en sciences de
gestion, juin, Paris.
Lancelot-Miltgen, C. & Lemoine, J.-F. (2015), Mieux collecter les
données personnelles sur Internet. Une étude qualitative auprès
d’internautes français, Décisions Marketing, n° 79, p. 35-52.
Paine, C., Reips, U.D., Stieger, S., Joinson, A. & Buchanan, T. (2007),
Internet users’ perceptions of privacy concerns and privacy
actions, International Journal of Human-Computer Studies, vol. 65,
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Wirtz, J., Lwin, M. & Williams, J.D. (2007), Causes and consequences
of consumer online privacy concern, International Journal of Service
Industry Management, vol. 18, n° 4, p. 326-348.
Cet article explique comment la préoccupation pour le respect
de la vie privée sur Internet génère des comportements spéci-
fiques en matière de divulgation des données personnelles.
200
CHAPITRE 12.
Questionnaires et questionnaire en ligne
Jean Moscarola
Résumé
“The rise of online survey is accompanied with the rise of big data. It is of
critical importance to design the online survey to enable survey data to be
related to the other kinds of data.”
Vera Toepoel
INTRODUCTION
Les questionnaires sont utilisés par les organismes publics et
organisations en charge de populations, ils servent aussi dans
les entreprises à enquêter auprès des clients ou des collabo-
rateurs. Dans l’administration ou en informatique on parle de
questionnaire ou de formulaire pour qualifier les documents ou
interfaces destinés à recueillir des informations servant à définir
des droits ou à lancer une application.
1. De l’existence de la réponse à son authenticité les critères sont nombreux et diffi-
ciles à définir. L’absence de réponse peut aussi bien venir de l’incompréhension de
la question que du refus de répondre. Sans parler des réponses « stratégiques ».
Q u e s t i o n n a i r e s e t qu e s t i o n n a i r e e n l i g n e
206
207
8. Un calcul en temps réel permet de situer le répondant en fonction de ses réponses
et de l’interpeller sur cette base.
Re c u e i l l i r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
3. QUELQUES EXEMPLES
Les exemples ci-dessous sont présentés en détail à l’adresse
suivante : https://faireparlerlesdonnees.blog/questionnaire
4.2. La méthode
La disposition d’outil informatique est incontournable mais
cette condition nécessaire n’est pas suffisante. Pour concevoir
un bon questionnaire qu’il soit en ligne ou non, il faut concréti-
ser les concepts et modèles théoriques dans un langage com-
214 pris par les répondants et qui les motive. Bref, articuler théorie
et terrain pour répondre à la question de recherche. Cela néces-
site tout un travail préalable, comportant une phase de test des-
tinée à vérifier le bon fonctionnement des outils et l’adaptation
du questionnaire aux interlocuteurs (Saris & Gallhofer, 2014).
Cette phase de test est cruciale est doit être entreprise le plus
rapidement possible. La flexibilité des questionnaires en ligne
le permet.
Références citées
Bagozzi, R.P. (1981), Evaluating structural equation models with
unobservable variables and measurement error, Journal of
Marketing Research, vol. 18, n° 3, p. 375-381.
Bearden, W. O. & Netemeyer, R. G. (1999), Handbook of Marketing
Scales, Thousand Oaks, CA, Sage.
Boughzala, Y. (2010), Le rôle de la confiance dans l’adoption des systèmes
d’information : Cas de l’E-achat public en France, Thèse de doctorat
en sciences de gestion, Université de Savoie Mont Blanc.
Résumé
INTRODUCTION
Parmi les choix méthodologiques envisageables pour réussir un
DBA (Kalika, 2017), la recherche-action est une option qui per-
met d’obtenir de forts impacts managériaux (Bonnet, 2015), à la
fois sur le développement des compétences du doctorant, sur
les entreprises ou organisations où la recherche est réalisée et
sur la création de connaissances opérationnelles en gestion. Il
faut tout d’abord rappeler que la recherche-action n’est pas une
recherche « sur » les organisations (Coghlan & Brydon-Miller,
2014), mais une recherche « avec » les acteurs des organisations,
ce qui est bien approprié pour un DBA lorsque le doctorant a
déjà une expérience professionnelle et qu’il dispose d’un réseau
dense de relations professionnelles lui permettant de négocier
un accès aux données. Ce n’est pas non plus une recherche sur
l’action, mais en action, au cours de laquelle le doctorant ob-
serve de façon détaillée et longitudinale les processus d’appren-
tissage organisationnel tout en faisant preuve de distanciation
et de réflexivité (Schön, 1983 ; Argyris et al., 1985).
ont donc une bonne excuse pour accuser plus d’un siècle de
retard par rapport à la médecine. Il est malgré tout impératif
de tenter la mise au point de méthodes permettant d’apporter
des améliorations au bénéfice du bien commun et de toutes les
parties prenantes et pour remédier aux souffrances constatées.
CONCLUSION
La pratique de la recherche-action dans le cadre d’un DBA est
particulièrement féconde pour la théorie et la pratique. L’exemple
présenté suscite la réflexion sur les conditions d’un développe-
ment des recherches de ce type :
–– Ne faut-il pas capitaliser les recherches-actions conduites
au travers des DBA en Afrique, afin de construire des
connaissances génériques sur le développement organisa-
tionnel dans les pays en développement, où le besoin d’un
message d’espoir est particulièrement attendu à l’échelle
du continent ?
–– Comment mieux former les doctorants DBA aux méthodes
de recherche-action et comment développer en sciences
de gestion des instituts qui forment à la recherche-action
P ra t i qu e r u n e r e c h e r c h e - i nt e r ve nt i o n qu a l i m é t r i qu e
Références citées
Apitsa, M.S. (2013), L’hybridation des pratiques de GRH à
l’international par le truchement de l’ethnicité en Afrique, Gérer
et Comprendre, vol. 3, no 113, p. 51-61.
Argyris, C., Putnam, R. & McLain Smith, D. (1985), Action Science,
San Francisco, Jossey-Bass.
Atkinson, P. & Hammersley, M. (1994), Ethnography and Participant
Observation, in N. K. Denzin & Y. S. Lincoln (eds.), Handbook of
Qualitative Research, Thousand Oaks, CA, Sage, p. 248-261.
Bhaskar, R. (1989), The Possibility of Naturalism: A Philosophical Critique
of the Contemporary Human Sciences, Hemel Hempstead, England,
Harvester Wheatsheaf.
Boje, D.M. (2001), Narrative Methods for Organizational and 237
Communication Research, London, England, Sage.
Boje, D.M. & Rosile, G.A. (2003), Comparison of socio-economic
and other trans-organizational development methods, Journal of
Organizational Change Management, vol. 16, n° 1, p. 10-20.
Boko, V. (2017), La professionnalisation managériale des responsables
d’établissements scolaires privés au Bénin par le management socio-
économique, Thèse de doctorat sous la direction de M. Bonnet,
Université Jean Moulin Lyon 3.
Bonnet, M. (2015), La recherche-action dans le cadre d’un DBA,
in P. Beaulieu & M. Kalika (dir.), La création de connaissance par
les managers, Caen, Éditions EMS, coll. « Business Science
Institute », Chapitre 13.
Bonnet, M. & Péron, M. (2014), Qualimetrics intervention-research,
in D. Coghlan & M. Brydon-Miller (eds.), The SAGE Encyclopedia of
Action Research, London, Sage, p. 663-666.
Buono, A.F. & Poulfelt, F. (eds.) (2009), Client-Consultant Collaboration:
Coping with Complexity and Change, Charlotte, NC, Information
Age Publishing.
Chrisman, J. J., Chua, J. H., Pearson, A. W. & Barnett, T. (2012),
Family involvement, family influence, and family-centered
Re c u e i l l i r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
240
CHAPITRE 14.
Les designs quasi-expérimentaux
Résumé
INTRODUCTION
Le chercheur en gestion ne saurait démentir Virgile lorsqu’il
écrit, dans Les Géorgiques : « Felix qui potuit rerum cognoscere
causas »1. Sans être une voie exclusive, la démonstration de re-
lations causales entre des phénomènes, conformément à des
hypothèses elles-mêmes issues de théories solides, constitue
le Graal que cherchent nombre de doctorants.
1. LA DÉMARCHE QUASI-EXPÉRIMENTALE
La quasi-expérimentation consiste en une étude empirique per-
mettant d’estimer l’impact causal d’un changement sur une po-
pulation cible. La recherche quasi-expérimentale ressemble à la
recherche expérimentale mais elle se situe in vivo et non in vitro,
ce qui veut dire, pour nous chercheurs en sciences sociales, au
sein des organisations et non dans les laboratoires. Les diffé-
rences entre recherche purement expérimentale et recherche
quasi-expérimentale concernent le design et les participants.
2. Nous avons actualisé cette revue pour la période de 2006 à 2015, portant sur
2 340 articles publiés dans trois revues majeures, Academy of Management Journal,
Journal of Applied Psychology et Personnel Psychology. Sur la totalité des articles re-
censés, seulement 22 articles traitent de quasi-expérimentation soit en moyenne
moins de 1 % des articles publiés.
L e s d e s i g n s qu a s i - ex p é r i m e nt a u x
Références citées
Amabile, T. M., Patterson, C., Mueller, J., Wojcik, T., Kramer, S. J.
& Odomirok, P. W. (2001), Academic-practitioner collaboration
in management research: A case of cross-profession
collaboration, Academy of Management Journal, vol. 44, n° 2, p. 418-
431.
Ancona, D. G., Okhuysen, G. A. & Perlow, L. A. (2001), Taking time
to integrate temporal research, Academy of Management Review,
vol. 26, n° 4, p. 512-529.
L e s d e s i g n s qu a s i - ex p é r i m e nt a u x
261
CHAPITRE 15.
L’analyse des données qualitatives :
voyage au centre du codage
Sébastien Point
Résumé
“Coding is fun isn’t it? You never know what you might discover
in a simple encounter.”
Strauss et Corbin (1990, p. 73)
INTRODUCTION1
Les travaux en recherche qualitative visent à comprendre et inter-
préter un phénomène spécifique étudié. Les extrapolations ou gé-
néralisations sont quasiment impossibles. Ce n’est d’ailleurs pas
le but des recherches qualitatives fortement contextualisées et qui
reposent sur des échantillons beaucoup plus restreints que les re-
cherches quantitatives. Pourtant, avoir de petits échantillons et/ou
des problématiques de recherche fortement contextualisées ne veut
pas dire avoir une petite quantité d’information à devoir gérer : ces
dernières années, nous assistons à une véritable mutation des don-
nées qualitatives, et qualifier la recherche qualitative de nuisance
attractive (Miles, 1979) constitue plus que jamais une tautologie,
et ce, pour trois raisons essentielles. En premier lieu, la taille des
échantillons tend à largement augmenter, puisque pour la plupart
des chercheurs, un échantillon de taille plus importante garantirait
la robustesse et la validité de l’analyse – ce qui n’est pas forcément
263
vrai ! Deuxièmement, les données recueillies sont particulièrement
variées : outre les discours et toutes les observations qui conduisent
le chercheur à manipuler du texte, des images, des fichiers audio ou
même vidéo peuvent aujourd’hui venir enrichir la diversité des don-
nées ainsi recueillies par le chercheur2. Troisièmement, la frontière
entre les approches quantitatives et qualitatives devient de plus en
plus floue et conduit parfois le chercheur à opérer toutes sortes
de comptages qui tendent à quantifier les informations obtenues à
partir de données qualitatives. En conséquence, rigueur et flexibilité
sont aujourd’hui devenus les maîtres mots de la méthodologie en
recherche qualitative (Gioia et al., 2013 ; Saldaña, 2013).
1. Ce chapitre ne se veut pas être un inventaire in extenso des techniques de codage
existantes. Nous proposons plutôt ici aux lecteurs une réflexion sur le processus
de codage et plus généralement de l’analyse des données qualitatives. Les recen-
sements effectués ici ne sont que des résumés de la pensée originelle et nous
incitons fortement les chercheurs, intéressés par une méthode particulière, à se
référer aux travaux sources : chacun des auteurs cités possède effectivement une
interprétation bien particulière des concepts soulignés dans ce chapitre et nous
encourageons également les chercheurs non seulement à en prendre connais-
sance, mais également à se faire leur propre appropriation.
2. Nous nous référons ici au dicton « All is data », cher à Glaser (1978).
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
268
3. Le terme abstraction vient du latin ab trahere qui veut dire « tirer de ». « La catégorie
fait sens, dans la mesure où elle décrit un phénomène d’un certain point de vue,
dans la mesure où elle donne lieu à une définition, elle a des propriétés synthé-
tique, dénominative et explicative d’un concept » (Paillé & Mucchielli, 2005, p. 149).
L’a n a l y s e d e s d o n n é e s qu a l i t a t ive s
4. Le terme in vivo vient du latin « au sens du vivant ». En d’autres termes, il s’agit
d’utiliser au plus près les verbatim des personnes interrogées pour explorer les
différentes dimensions des catégories (voir Saldaña, 2013).
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
5. Le terme « codage théorique » est perçu comme un oxymore par certains auteurs
(Ayache & Dumez, 2011, p. 34). Si le code reste un « label » que le chercheur met sur
un mot – ou groupes de mots – issus d’un verbatim, rappelons que cette étiquette
peut être soit identique au texte, soit provenir des lectures théoriques du chercheur,
ce dernier ayant déjà cheminé sur le sens accordé au code. Nous utilisons le terme
« code théorique » pour montrer que le chercheur est déjà dans une démarche d’abs-
traction au moment où il distribue les étiquettes au sein de ses verbatim.
L’a n a l y s e d e s d o n n é e s qu a l i t a t ive s
Codage par
Caractéristiques de la source
Codage de premier
Méthodes attribut
usuelles Codage d’am- Focus sur la fréquence ou
pleur l’intensité
ordre
CONCLUSION
La qualité d’une recherche qualitative dépend avant tout de la
qualité de son codage. L’analyse des données n’est donc pas
à prendre à la légère et il incombe au chercheur de prendre
conscience de processus comme la catégorisation, l’abstraction
ou encore la production de mémos. Si la phase de codification
permet de générer un grand nombre de codes et/ou de thèmes,
la phase de catégorisation implique de multiples interprétations
de la part du chercheur et favorise inéluctablement l’abstraction.
Le travail du chercheur est donc de rentrer dans un processus
réflexif – notamment à travers la rédaction de mémos – qui lui
permet de prendre progressivement de la distance avec son cor-
pus de données pour arriver à une conceptualisation de sa re-
cherche.
Références citées
Allard-Poesi, F. (2003), Coder les données, in Y. Giordano (dir.),
Conduire un projet de recherche : une perspective qualitative, Caen,
Éditions EMS, coll. « Les essentiels de la gestion », p. 245-290.
Ayache, M. & Dumez, H. (2011), Le codage dans la recherche
qualitative une nouvelle perspective ?, Le Libellio d’Aegis, vol. 7,
no 2, p. 33-46.
Boyatsis R. (1998), Transforming Qualitative Information: Thematic
Analysis and Code Development, Thousand Oaks, CA, Sage
Publications.
L’a n a l y s e d e s d o n n é e s qu a l i t a t ive s
282 Gehman, J., Glaser, V.L., Eisenhardt, K.M., Gioia, D., Langley, A. &
Corley, K. G. (2017), Finding theory-method fit: A comparison
of three qualitative approaches to theory building, Journal of
Management Inquiry, vol. 27, no 3, p. 284-300.
Un article récent issu d’un séminaire à l’Academy of Management
où se confrontent les plus grands experts en recherche qualita-
tive.
CHAPITRE 16.
Logiciels et analyse de données qualitatives
Résumé
INTRODUCTION
S’il est une croyance ancrée dans l’esprit des jeunes chercheurs
en thèse de doctorat ou de DBA, c’est bien celle de la nécessi-
té d’avoir un logiciel de traitement des données puissant pour
analyser des données quantitatives, et seulement l’approxima-
tion et le flair pour traiter des données qualitatives. Dans le meil-
leur des cas, le contenu qualitatif sera transformé en un résultat
quantitatif simpliste pour lequel un traitement basique sera ap-
pliqué. Le but de ce chapitre est de mettre en avant la rigueur et
la scientificité du traitement qualitatif et l’indispensable appui
de logiciels spécifiques pour analyser des données qualitatives.
1. https://atlasti.com/
2. https://www.maxqda.com/
3. http://www.aquad.de/en/
4. https://www.dedoose.com/
5. h ttps://www.ebsco.com/e/fr-fr, leader mondial de la fourniture de bases de don-
nées bibliographiques de recherche, de services de découverte, d’e-books, de re-
vues scientifiques et de ressources documentaires dans tous les domaines.
L o g i c i e l s e t a n a l y s e d e d o n n é e s qu a l i t a t ive s
289
Le premier contact avec ce logiciel se fait généralement par
un « exemple type » qui est livré par NVivo et qui représente
une étude sur la qualité de l’eau dans une région américaine.
Composé d’entretiens sous forme de texte, de vidéos et de pho-
tos, cet exemple permet de mieux saisir les forces et limites de
l’outil. Le point probablement le plus déstabilisant pour un no-
vice est l’absence de « bouton magique » permettant immédia-
tement de traiter toutes les données. Le chercheur devra donc
relire tous ses textes, réexaminer toutes ses images ou vidéos,
selon la nature des données recueillies, et patiemment les coder
« manuellement ». En cela, ce type de méthode renvoie bien à la
notion de personnalisation du qualitatif.
6. http://www.qsrinternational.com/nvivo/support-overview/downloads
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
7. http://www.qsrinternational.com/nvivo/support-overview/faqs/what-is-ncapture
8. h ttps://www.mendeley.com/, un logiciel de gestion bibliographique, destiné à la
gestion et au partage de travaux de recherche.
9. h ttps://endnote.com/, un logiciel de gestion bibliographique, destiné à la gestion
et au partage de travaux de recherche.
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
Une fois ces sources insérées dans le projet, l’analyse peut dé-
buter, même si bien souvent de nouvelles sources sont ajoutées
en cours d’analyse.
10. Voir https://www.irdp.ch/institut/coefficient-kappa-cohen-2039.html
11. R est un langage de programmation et un logiciel libre dédié aux statistiques et à
la science des données, voir https://www.r-project.org/foundation/
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
297
3. LE PROCESSUS DE DÉCONSTRUCTION-
RECONSTRUCTION : UN EXEMPLE D’UTILISATION
DE NVIVO
S’inscrire en DBA sous-entend une volonté de s’ouvrir au monde
de la recherche afin de progresser dans son activité managé-
riale. Aussi, nous présenterons une utilisation de NVivo dans
un cadre particulier, celui de la réalisation d’une Habilitation à
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
300
301
CONCLUSION
Dans ce chapitre, nous avons fait un point sur la recherche
qualitative mettant en lumière le soutien essentiel que procure
l’utilisation d’un logiciel comme NVivo. Nos exemples l’ont bien
illustré. Tout chercheur en DBA doit se questionner sur la nature
des données auxquelles il a accès. Si ce sont des données quali-
tatives, il se devra d’emprunter le chemin de ce type de méthode.
Sa manière de voir le monde est également très importante.
Certains chercheurs estiment, par exemple, qu’il existe une ma-
nière optimale de décider. L’emploi du terme « optimale » n’est
pas neutre. Il sous-entend souvent un certain tropisme pour le
quantitatif. Un tel chercheur se sentira alors plus à l’aise avec
des méthodes quantitatives fondées sur des modèles d’hypo-
L o g i c i e l s e t a n a l y s e d e d o n n é e s qu a l i t a t ive s
303
Références citées
Gioia, D. A., Corley, K. G. & Hamilton, A. L. (2012), Seeking qualitative
rigor in inductive research: Notes on the Gioia methodology,
Organizational Research Methods, vol. 16, no 1, p. 15-31.
Girard, M., Bréart De Boisanger, F. ,Boisvert, I. & Vachon, M. (2015),
Le chercheur et son expérience de la subjectivité : une sensibilité
partagée, Spécificités, vol. 2, no 8, p. 10-20.
Klein, H. K. & Myers, M. D. (1999), A set of principles for conducting
and evaluating interpretive field studies in information systems,
Management Information Systems Quarterly, vol. 23, no 1, p. 67-94.
Lebraty, J.-F. (2001), Comprendre le concept d’information pour
mieux appréhender les Technologies de l’Information et de
la Communication, Actes du colloque regards croisés gestion et
Information-Communication, Nice, La communication d’entreprise-
CRIC, décembre, Nice, France, p. 84-102.
Lebraty, J.-F. & Lobre, K. (2010), Créer de la valeur par le
crowdsourcing : la dyade Innovation-Authenticité, Systèmes
d’Information et Management, vol. 15, no 3, p. 9-40.
12. https://www.ibm.com/analytics/spss-statistics-software
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
Enfin, ajoutons les nombreux tutoriaux sur NVivo que vous trou-
verez sur YouTube notamment. Il est essentiel de comprendre
que pour bien utiliser ce logiciel (ou d’ailleurs tout autre logiciel
de traitement de données), il faut passer de nombreux heures
d’apprentissage.
305
CHAPITRE 17.
L’analyse des données visuelles
Résumé
INTRODUCTION
Que cela soit au travers de photographies, de diagrammes, de
schémas, de dessins, de logos, des monuments architectu-
raux, ou de bien d’autres formes, les organisations produisent
un grand nombre d’éléments visuels. Les visuels peuvent être le
fruit d’un travail scrupuleux et d’un choix délibéré de l’entreprise
comme, par exemple, les photographies illustrant les rapports
d’entreprise ou l’aspect général des bâtiments du siège (comme
en témoigne, par exemple, le souci du détail dans l’aspect visuel
du futur siège The Loop d’Apple à Cupertino en Californie). Les
visuels proposés par l’entreprise peuvent également découler
d’un processus plus informel et plus inconscient. Quoi qu’il en
soit, ils constituent une source de données particulièrement
riche et intéressante pour des recherches en gestion (Maire &
Liarte, 2018).
1.2.2. La déconstruction
non), les sites Internet, les logos, les rapports d’entreprises, les
outils de communication (bulletins, journaux, etc.), les organi-
sations laissent transparaître des éléments de leur culture et de
leur identité. L’apport des visuels est d’autant plus important que
ces éléments sont, a priori, immatériels et difficiles à saisir. Les
visuels permettent d’aller plus loin dans l’appréhension d’élé-
ments conceptuels particulièrement difficiles à saisir tels que
la légitimité, les rapports de force ou le pouvoir. Demeure bien
évidemment une question centrale : Les visuels représentent-ils,
dans une démarche volontariste et instrumentale, les éléments
tels que le souhaite l’organisation ? Où sont-ils le simple reflet
d’une réalité qui émerge indépendamment de toute volonté ? Les
recherches mobilisant les visuels peuvent s’intéresser aux deux
possibilités. Munir et Phillips (2005) ont montré, par exemple,
comme l’entreprise Kodak a cherché au début du XXe siècle à
transformer la photographie, activité jusque-là hautement spé-
cialisée réalisée par des professionnels, en une activité acces-
sible à tous à tout moment. Cette transformation a été réalisée
à travers la mise en place d’une campagne d’affichage montrant
des « Kodak moments », c’est-à-dire des moments forts de la vie
quotidienne du grand public. À l’inverse, il est possible d’avan-
316 cer que le groupe Accord a souhaité véhiculer une image d’en-
treprise attentive à l’égalité des sexes en proposant des publici-
tés tant à destination des hommes que des femmes d’affaires.
Pourtant une déconstruction des deux visuels traduit une forte
stéréotypisation du genre masculin et féminin. Pendant son mo-
ment de repos à l’hôtel, la figure masculine se repose, se restaure
et se détend en jouant de manière décontractée. A contrario, la fi-
gure féminine se livre à des activités en lien avec son apparence
(maquillage) ou téléphone. Il apparaît assez clairement que les
représentations de la figure masculine et féminine ne véhiculent
pas les mêmes représentations.
CONCLUSION
Les organisations produisent une grande quantité de visuels
à partir desquels les chercheurs en gestion en général et les
doctorants en DBA en particulier peuvent obtenir des résul-
tats plutôt riches. En étant très immergés dans les organisa-
tions et les environnements dans lesquels elles évoluent, les
doctorants-managers sont en mesure de collecter une grande
quantité de visuels tout en variant les sources, de plus en plus
nombreuses. En effet, outre les documents papier, les visuels se
multiplient à travers les sites Internet, les réseaux sociaux, les
applications de photographies spécialisées (Instagram, etc.).
322
CHAPITRE 18.
Les analyses statistiques multidimensionnelles
Jean Desmazes
Résumé
INTRODUCTION
Décrire, « … c’est consentir une perte en information afin d’obtenir un
gain en signification » (Volle, 1981, p. 12). Cette citation de Michel
Volle exprime la philosophie générale des méthodes d’analyse
statistique multidimensionnelle que ce chapitre se propose de
présenter aussi simplement que possible à l’attention du mana-
ger-chercheur de DBA. La présentation veut être simple, mais
elle veut également être une invitation à se saisir sans hésitation
et sans crainte de ces méthodes si, dans le cadre de recherches
qui s’y prêtent, elles s’avèrent pertinentes, voire indispensables.
En effet, au-delà de la compréhension de leurs domaines d’ap-
plication et de ce qu’elles permettent, leur mise en œuvre est au-
jourd’hui accessible à tous grâce aux logiciels d’analyses statis-
tiques disponibles.
1. La formulation est osée et permet de rappeler ceci : les tableaux de nombres ne
sont pas dans la nature et ne préexistent pas à la production de l’homme. Ils re-
lèvent d’une réalité construite par lui.
L e s a n a l y s e s s t a t i s t i qu e s m u l t i d i m e n s i o n n e l l e s
2. Catégorie socio-professionnelle.
3. On suppose ici que les modalités des variables nominales sont exclusives (une
observation ne peut en posséder qu’une et une seule).
4. Compte tenu des objectifs visés par ce chapitre, nous ne présentons pas le ta-
bleau de Burt qui prolonge le tableau disjonctif complet et qui peut être utilisé
pour les traitements dont nous allons parler un peu plus loin, comme nous ne pré-
sentons pas plusieurs autres types de tableaux de nombres.
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
Prenons par exemple une liste des 3 867 revenus annuels des
« actifs »5 d’une petite commune donnée. Ce listing de plus de
328 80 pages est insaisissable au cerveau humain et ne permet pas
d’appréhender la moindre facette des réalités économiques, so-
ciales et autres associées à ces 3 867 nombres. La construction
d’un histogramme commence à faire parler les 3 867 revenus. On
y voit immédiatement la forme de la distribution des revenus, sa
concentration au voisinage d’une classe modale, son étalement
en direction des hauts revenus, etc. L’histogramme conduit à
une perte d’information puisque les 3 867 revenus individuels
n’apparaissent plus. Mais il permet un incontestable gain en si-
gnification et en compréhension. Le calcul d’une moyenne, d’une
médiane, d’un écart-type permet également ce gain en signifi-
cation à la faveur d’une perte en information. Offrir les voies de
cette prouesse subtile sont le propre des méthodes statistiques
dites descriptives.
5. … au sens de « personnes actives » telles que définies par les nomenclatures sta-
tistiques en vigueur…
L e s a n a l y s e s s t a t i s t i qu e s m u l t i d i m e n s i o n n e l l e s
6. Nous reprenons ici une image qui compose la première de couverture de l’ouvrage
de Fénelon (1981).
L e s a n a l y s e s s t a t i s t i qu e s m u l t i d i m e n s i o n n e l l e s
fication aux structures mises au jour, que si l’on pose des mots
sur les synthèses que propose l’algorithme. S’il faut encourager
l’analyste à faire parler les données, il faut en même temps com-
prendre et admettre que cet encouragement conduit à la réappa-
rition de la subjectivité de la description finalement proposée. Le
bilan reste néanmoins largement favorable aux méthodes dont il
est question ici. Les descriptions des objets multidimensionnels
qu’elles permettent repoussent loin les frontières de l’entrée
dans la subjectivité et permettent, pour le moins, de l’encadrer
parce qu’elles offrent des bases objectives rigoureuses qu’au-
cune autre méthode ne permet.
7. Attirons l’attention du lecteur sur le fait que parmi les tableaux de mesures aux-
quels l’ACP s’applique utilement, un cas fréquent rencontré dans les études et les
recherches en gestion est celui des échelles de mesures multi-items construites à
partir d’échelles de Likert (type degré de satisfaction, degré d’accord, etc.).
L e s a n a l y s e s s t a t i s t i qu e s m u l t i d i m e n s i o n n e l l e s
Les résultats livrés par une ACM sont riches et subtils. Mais
pour en prendre pleinement connaissance, il est souvent néces-
CONCLUSION
Aucun chercheur ou chargé d’étude dans le domaine du ma-
338 nagement, comme dans bien d’autres domaines, ne devrait au-
jourd’hui ignorer les incomparables propriétés des méthodes
statistiques multidimensionnelles, pour le moins celles qui ap-
partiennent aux méthodes d’analyse des données de première
génération. Il importe d’avoir en tête et de comprendre (1) que
ce sont des méthodes, comme les véhicules 4x4, qui « passent
partout » et que l’on utilise « partout » parce que (2) ce sont des
méthodes descriptives (3) qui permettent de décrire des objets
multidimensionnels « invisibles à l’œil » et (4) de les décrire « ob-
jectivement ». Comprendre ces quatre points est une condition
nécessaire à la mobilisation à bon escient de ces méthodes.
Leur mise en œuvre effective demande un effort complémen-
taire. Mais les progrès de l’ergonomie des logiciels disponibles
pour cette mise en œuvre, et les orientations bibliographiques
conseillées ci-après dans les références pour en savoir plus,
rendent cette mise en œuvre accessible à tous. Le logiciel Le
Sphinx, à la disposition des doctorants de DBA, est l’outil qui
s’impose pour franchir cette dernière étape.
L e s a n a l y s e s s t a t i s t i qu e s m u l t i d i m e n s i o n n e l l e s
Références citées
Fénelon, J.-P. (1981), Qu’est-ce que l’analyse des données ?, Paris,
Éditions Lefonen.
Volle, M. (1981), Analyse des données, 2e édition, Paris, Économica.
Jean Moscarola
Résumé
INTRODUCTION
Les connaissances produites en sciences sociales se situent à
l’articulation entre le monde des idées et celui des faits, entre
théories et observations empiriques. Au cœur de ce proces-
sus, les données fondent les conclusions du chercheur autant
qu’elles l’exposent à la critique de ses pairs. Cette force de la
démarche scientifique peut devenir une faiblesse au moment
d’en communiquer les résultats. En effet, l’exigence de rigueur
dans l’exposé des méthodes utilisées pour faire parler les don-
nées ou réfuter une théorie n’est pas toujours compatible avec
les impératifs d’une communication efficace. Le faible impact
des recherches académiques (Kalika et al., 2016) peut s’expliquer
par cette difficulté.
1. C’est l’expression utilisée dans le jargon technique. On parle aussi « d’une datavi-
sualisation » ou « d’une infographie » pour qualifier les résultats obtenus par ces
techniques.
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
1.1. Infographie
L’infographie définit les techniques informatiques utilisées par
les graphistes. Par extension, une infographie est une infor-
mation présentée grâce à ces techniques. On passe ainsi des
342 techniques aux contenus. De nombreuses études (Borkin et al.,
2013) ont montré l’impact des propriétés infographiques d’un
message sur sa perception, sa mémorisation et sa compréhen-
sion.
1.2. Datavisualisation
La visualisation des données a des origines anciennes que
Friendly (2017) fait remonter aux premiers cartographes. Elle
connaît son âge d’or avec l’essor de la statistique à la fin du XIXe
pour connaître une renaissance avec l’informatique multimé-
dia. Elle se distingue des états comptables, bien plus anciens,
par l’effort de présentation visant à donner du sens en synthéti-
sant, comparant et distinguant. Plus qu’une simple restitution,
Few (2014) la définit comme un art et une science. Elle est une
branche de la statistique descriptive et un outil de stimulation
dans l’esprit de la théorie enracinée (Walsh, 2015). Son but est de
transmettre des idées de manière efficace en associant formes
esthétiques et fonctionnelles pour donner un aperçu de don-
nées éparses ou complexes en faisant percevoir l’essentiel de
leur contenu. Ainsi les infographies doivent trouver l’équilibre
entre la forme et la fonction, pour atteindre l’objectif principal de
la visualisation des données – communiquer des informations.
Des exemples de cet « art statistique » sont produits dans les très
beaux ouvrages2 de Tufte (2001) : comment exposer les données
en une seule vue représentant leur singularité, leur structure ou
343
leur évolution. Ces représentations bénéficient des apports de
la statistique exploratoire et de l’analyse de données multidi-
mensionnelle (Tukey, 1977) qui permettent de réaliser sélections
et synthèses, préalablement à la mise en scène des données.
2. Ces ouvrages ont été écrits comme suite à des cours de statistiques destinés à
des journalistes.
3. Ces notions sont au centre du cours de linguistique générale rédigé par des collè-
gues de Saussure après sa mort.
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
4. Quelle évolution, des tables de loi gravées immuablement dans le marbre, aux
énoncés présents sur le Web modulables au point d’en produire des versions aus-
si diverses que la diversité de ses lecteurs.
Vi s u a l i s a t i o n d e d o n n é e s e t i n f o g ra p h i e dy n a m i qu e
5. On sait montrer les trous noirs sans avoir eu encore l’occasion d’isoler la matière
qui les compose.
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
346
2.1. Présenter des mesures, établir des relations
Sur la base d’un questionnaire, le chercheur (Boughzala, 2010)
calcule les indicateurs d’un modèle classique en système d’in-
formation. L’infographie de la figure 1 présente le niveau de ces
critères7 et leur distribution. Icônes et couleurs ancrent la per-
ception. En cliquant sur les histogrammes, on constate immé-
diatement que tous ces critères sont reliés. Les filtres situés en
haut à gauche permettent de voir comment les résultats varient
selon le statut des répondants (Acheteurs ou Fournisseurs).
347
Figure 2. Expliquer : test du modèle de l’adoption
349
9. Par la méthode des k-means qui permet de regrouper les répondants selon la si-
milarité de leurs profils.
10. Les éléments spécifiques de chaque type d’hébergement sont sélectionnés par
des tests du X 2 (khi-deux).
11. Établie grâce à une analyse factorielle des correspondances multiples.
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
350
351
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
352
16. Lorsque j’ai fait ma thèse il fallait des heures avant d’obtenir le précieux listing et
je me souviens de mon scepticisme lorsque la couleur est apparue sur les écrans
d’ordinateurs. À qui cela pourrait-il servir !
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
CONCLUSION
Il faut se référer au site compagnon de ce chapitre pour faire
354 l’expérience de l’effet de l’interactivité sur la compréhension
des exemples présentés. C’est le principal obstacle pour une
communauté scientifique qui privilégie encore le papier comme
support de la communication. La littérature même sous ses
formes électroniques continue de privilégier les codes de l’écrit
imprimé laissant peu de place aux formes graphiques colorées,
imagées, animées ou interactives. Et pourtant, les pratiques de
recherche ont complètement intégré l’internet et l’ordinateur,
mais la tradition continue d’imposer des normes de communi-
cations d’une autre époque. Il ne s’agit pas ici d’en discuter les
raisons, mais d’inviter les chercheurs à profiter des ressources
que nous avons présentées pour mieux comprendre leurs don-
nées et mieux communiquer ce qu’elles nous apprennent. Plus
que d’autres les managers-chercheurs du DBA devraient pou-
voir trouver le bon compromis entre les impératifs de la connais-
sance scientifique et l’utilité de la communication. Ils peuvent
ainsi contribuer à augmenter l’impact des recherches en gestion
et à faire évoluer les conventions et usages de notre communau-
té scientifique.
Vi s u a l i s a t i o n d e d o n n é e s e t i n f o g ra p h i e dy n a m i qu e
Références citées
Bardin, L. (1996), L’analyse de contenu, 8 e édition, Paris, PUF.
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Kalika, M., Liarte, S. & Moscorola, J. (2016), Enquête FNEGE sur
l’impact de la recherche en management, Paris, FNEGE.
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
357
CHAPITRE 20.
La méta-analyse
Christophe Fournier
Résumé
INTRODUCTION
La citation en exergue est la traduction d’une discussion, que j’ai
eue avec Larry Chonko, professeur, en 2006, à Baylor University,
aujourd’hui en poste à l’Université du Texas à Arlington, titulaire
de la chaire The Thomas McMahon. Le Professeur Chonko, en
plus d’être un chercheur extrêmement prolifique, avait exercé
les fonctions de rédacteur en chef de la revue de référence dans
le domaine du management de la force de vente, à savoir The
Journal of Personal Selling & Sales Mangement.
Corrélation de r
Corrélation de r
confiance de r
confiance de r
observé (95 %)
Intervalle de
Intervalle de
corrigé (95 %)
l’échantillon
Coefficient
Coefficient
Relations
observé
corrigé
362
La méta-analyse
Geyskens, I., Krishnan, R., Steenkamp, J.B. & Cunha, P.V. (2009), A
review and evaluation of meta-analysis practices in management
research, Journal of Management, vol. 35, no 2, p. 393-419.
Les auteurs font un point sur 69 méta-analyses réalisées en se
centrant sur le processus proprement dit de la méta-analyse et
le suivi des différentes étapes ? Cela donne une idée claire sur le
suivi technique du processus.
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
370
CHAPITRE 21.
Outils et méthodes de représentation
conceptuelle et de créativité :
l’apport des neurosciences
Gaëtan Mourmant
Résumé
INTRODUCTION
Quel que soit le type de recueil de données et d’analyse à entre-
prendre, développer ses compétences en conceptualisation est
essentiel pour la réussite d’une recherche ou d’un Doctorate in
Business Administration (DBA). Ces compétences permettent de
faire émerger des données les préoccupations des acteurs du
champ d’étude, les concepts centraux et complémentaires, ain-
si que les propositions et hypothèses permettant d’approfondir
la compréhension des relations entre les concepts. En d’autres
termes, cette conceptualisation permet de faire émerger une
théorie partielle ou complète à partir des données. Cette théo-
rie peut ensuite être utilisée pour comprendre et éclairer des
situations complexes. C’est l’un des objectifs principaux de la
recherche scientifique.
1. L’ouvrage date de 1993 et a plus de 2 400 citations sur Google Scholar. L’ouvrage lié
au logiciel LISREL (1993) a plus de 10 000 citations.
2. À titre anecdotique, lors d’une session de recherche, un doctorant présentait son
travail, et durant cette présentation, il manipulait et restructurait à la volée son mo-
dèle structurel en fonction des questions et discussions du groupe de recherche.
Si cette restructuration est guidée par la théorie, ce type d’approche est assez
pertinent pour faire émerger des concepts et des relations à partir des données
quantitatives. Si cette émergence n’est pas guidée par la théorie, on introduit un
facteur chance qui peut être potentiellement hasardeux ou infondé (le concept ou
la relation n’est là que par chance, sans fondement théorique), mais on peut aussi
« tomber » sur des relations ou concepts insoupçonnés pouvant ensuite aboutir à
de nouvelles hypothèses pouvant être testées pour enrichir les corpus théoriques.
O u t i l s e t m é t h o d e s d e r e p r é s e nt a t i o n c o n c e p t u e l l e e t d e c r é a t iv i t é
2.1. Définitions
La créativité est habituellement définie par ses propriétés de gé-
nérations d’idées à la fois nouvelles et utiles (Stein, 1953). Cette
définition est généralement complétée par un troisième critère
de surprise (Simonton, 2018, p. 10). Une telle définition se prête
particulièrement bien à la conceptualisation en sciences de ges-
tion, où l’utilité du modèle revêt une importance plus pertinente
et immédiate que pour des sciences plus fondamentales.
Beaty et al. (2015) suggèrent que les interactions entre les ré-
seaux dynamiques du cerveau sont différentes en fonction du
stade de la créativité. Les stades les plus connus sont ceux de
Poincaré (1908) (cité dans Jung & Vartanian, 2018, p. 3) et Wallas
(1926) : préparation, incubation, pressentiment ; chez Poincaré :
illumination et vérification.
5. Dixon et al. (2014) proposent : (1) le niveau d’activité mesuré par les ondes alpha
(EEG) est un indicateur de la focalisation interne et (2) ce niveau prédit les résul-
tats du processus mental de création.
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
6.
h ttp://www.rexjung.com/videos/visualizing-creativity-in-the-brain
O u t i l s e t m é t h o d e s d e r e p r é s e nt a t i o n c o n c e p t u e l l e e t d e c r é a t iv i t é
ii) « Elles sont ouvertes aux nouvelles idées, mais sont aussi des
personnes (dés)agréables » (attention externe, mode de pensée
divergent, persévérance)
iii) « Elles sont très bonnes pour faire une seule chose » (atten-
tion concentrée, mode de pensée convergent)
3. IMPLICATIONS PRATIQUES DE
LA NEUROSCIENCE DE LA CRÉATIVITÉ
Dans cette partie, nous allons reprendre les cinq (5) stades de
la créativité, ainsi que les cinq (5) habitudes des personnes très
créatives pour voir comment ces résultats peuvent éclairer et
améliorer la conceptualisation dans le cadre des méthodes de
recherche en sciences de gestion. Les autres facteurs (mode
de pensée divergent/convergent, attention diffuse/concentrée/
flexible, attention interne/externe, pleine conscience) seront in-
tégrés dans la discussion sur les cinq habitudes.
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
i) Préparation
ii) Incubation
iii) Pressentiment
iv) Illumination
v) Vérification
7.
h ttp://www.rexjung.com/videos/visualizing-creativity-in-the-brain
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
ii) « Elles sont ouvertes aux nouvelles idées, mais ce sont aussi
des personnes (dés)agréables »
Cette « habitude » permet de faire sortir des idées qui vont par-
fois à l’encontre du statu quo. Bien sûr, nous ne demandons pas
aux chercheurs de devenir désagréables, mais néanmoins, der-
rière cette idée, on retrouve l’humilité, le discernement et la per-
sévérance indispensables pour faire avancer nos idées, quitte
O u t i l s e t m é t h o d e s d e r e p r é s e nt a t i o n c o n c e p t u e l l e e t d e c r é a t iv i t é
iii) « Elles sont très bonnes pour faire une seule chose »
sur ce point précis, car ils ont déjà une très bonne connaissance
pratique de leurs données.
Parmi d’autres idées mentionnées par Rex Jung, lire des fic-
tions afin de stimuler l’imagination et permettre de mentalement
voyager ou encore sortir de sa zone de confort. On retrouve ce
type d’approche dans la théorie enracinée. Ainsi, Glaser (2002)
recommande de lire des théories dans des domaines différents.
8.
h ttp://www.rexjung.com/videos/visualizing-creativity-in-the-brain
O u t i l s e t m é t h o d e s d e r e p r é s e nt a t i o n c o n c e p t u e l l e e t d e c r é a t iv i t é
DISCUSSION
L’automatisation de l’analyse sémantique de données qualita-
tives ou bien la génération automatisée de modèles statistiques
sont des exemples permettant de libérer le chercheur de cer-
taines tâches répétitives pour refocaliser son attention vers des
tâches à plus haute valeur ajoutée. On peut cependant se de-
mander s’il n’y a pas là un risque de perdre une part du stade
de préparation et d’imprégnation des données. Ainsi, à l’âge de
23 ans, lors de la présentation de mon premier modèle d’équa-
tions structurelles sur les déterminants des performances des 387
PME, un participant ayant plus de 20 ans d’expérience de gestion
d’entreprise fit plusieurs remarques et me posa des questions
précises, pour lesquelles j’avais la réponse statistique, mais ab-
solument pas la maturité nécessaire pour comprendre en pro-
fondeur le sens et l’implication de ces questions et remarques.
Les données statistiques ayant été collectées via un question-
naire basé sur l’analyse de la littérature, il manquait cette com-
préhension fine et ancrée dans la pratique de ces données. C’est
l’une des très grandes forces d’un programme de DBA de capi-
taliser sur cette compréhension, et donc, d’avoir un cerveau déjà
très largement préparé pour la génération de nouvelles idées
pertinentes et utiles.
11.
h ttps://events.technologyreview.com/video/watch/mary-lou-jepsen-openwa-
ter-evolution-of-interfaces/, Novembre 2017, 23 :38
O u t i l s e t m é t h o d e s d e r e p r é s e nt a t i o n c o n c e p t u e l l e e t d e c r é a t iv i t é
CONCLUSION
Références citées
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cognition and imagination, in R. E. Jung & O. Vartanian (eds.),
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York, Cambridge University Press, p. 195-210.
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Benedek, M. (2018), Internally directed attention in creative
cognition, in R. E. Jung & O. Vartanian (eds.), The Cambridge
Handbook of the Neuroscience of Creativity, New York, Cambridge
University Press, p. 180-194.
A n a l y s e r l e s d o n n é e s d u t e r ra i n
394
PARTIE IV
Contextualiser les méthodes
Introduction à la partie IV
399
CHAPITRE 22.
Le « contexte » et la recherche en terre
africaine : implications épistémologiques et
méthodologiques
Marielle A. Payaud
Résumé
INTRODUCTION
La prise en considération de la notion de « contexte » s’applique
notamment lorsque l’objectif des projets de recherche suit non
pas une logique de vérification, mais une logique de découverte
que présuppose une « génération de théorie ». Selon cette lo-
gique, la préexistence de lois scientifiques fondamentales à
vérifier ne peut être postulée, et le projet impose de décrire le
phénomène, et de comprendre l’objet étudié dans son contexte,
dans son idiosyncrasie. Ainsi, la recherche de causalité ou de
relations est nécessaire, mais non suffisante et doit être com- 401
plétée par le « En vue de quoi ? Comment ? Dans quel but ? »,
questions qui permettent l’interprétation de la structure et de
l’évolution d’un phénomène. La connaissance devient un phé-
nomène construit socialement, dans son contexte, le monde un
construit social, l’« objet » est posé comme un construit social.
s’inscrit. C’est le cas pour toutes les thèses, pour toutes les pro-
blématiques, pour toutes les recherches. Toutefois, il est des
contextes peu connus, mal connus ou méconnus, en tout cas
peu défrichés où les similitudes sont peu nombreuses, difficiles,
voire impossibles à imaginer et où l’implicite ne peut être qu’un
ennemi à la compréhension de ceux qui sont hors contexte.
L’explicitation est la priorité.
2. CONTEXTE ET CONTEXTUALISATION :
CONDITIONS DE GÉNÉRALISATION SITUÉE
L’intérêt et la nécessité de la contextualisation des projets de
recherche en management stratégique naissent d’une réflexion
sur le rôle du chercheur en sciences de gestion dans la socié-
té. Nombreux sont les rôles qui lui incombent : la révélation, la
traduction de phénomènes, la mise en problématique, l’explica-
tion, la prescription, etc. Retenons, ici, celui de la prescription,
eu égard aux objectifs de l’Executive DBA, et donc des sciences
de gestion comme de la science de l’aide à la décision. L’on peut
imaginer qu’une problématique contextualisée dans le cadre
d’une recherche à visée ingénierique permet de produire une
connaissance contextualisée à savoir, propre à un contexte.
C o nt ex t u a l i s e r l e s m é t h o d e s
Identifier ces critères peut d’abord paraître trivial, mais les pré-
ciser permet une formalisation du cadre méthodologique de la
recherche et un cadrage pour choisir les entreprises focales.
La stylisation ou l’identification de ces critères de pertinence
ne constitue qu’une étape intermédiaire dans la production de
connaissances, car ils reposent sur un présupposé formel, ils
ont un statut davantage empirique que théorique, s’ils résistent
à l’étude, ils ont vocation à devenir des facteurs de contingence.
La contextualisation consiste donc également à identifier les
facteurs de contingence d’une problématique. Ils n’ont ni un
statut théorique, ni un statut empirique, mais un statut heuris-
tique, ils n’ont donc pas un caractère de validation empirique
au sens de l’épistémologie positiviste. Par exemple, Mintzberg
1. Les deux paragraphes suivants sont issus de notre mémoire de HDR, soutenue en
2010 (Payaud, 2010).
L e « c o nt ex t e » e t l a r e c h e r c h e e n t e r r e a f r i c a i n e
414
3.2.1. Ne pas perdre de vue le design
415
CONCLUSION
Pour conclure, l’épistémologie pragmatiste qui doit conduire
à une approche plus intégratrice, notamment en management
stratégique, davantage liée à l’éthique et aux humanités, qui s’in-
téresse à la satisfaction de projets humains, qui souligne les di-
mensions morales et la valeur pratique de la recherche (Wicks
& Freeman, 1998) a des implications méthodologiques : une re-
418 lation avec le terrain, proche du terrain, et entraîne le chercheur
vers des outils discursifs, de l’échange, des conversations, des
interactions, etc. et a des implications épistémiques : Est vrai ce
qui est utile, opératoire, efficace, adéquat, correcte à une situa-
tion donnée, nommée « vérité-adéquation » par cette épistémo-
logie (Nonaka & Zhu, 2012).
Références citées
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C o nt ex t u a l i s e r l e s m é t h o d e s
421
CHAPITRE 23.
Mener une recherche ancrée sur le terrain :
la dynamique du collier de perles1
Aurélie Dudézert
Résumé
1. Ce texte est dédié à mon collègue et ami Eric Juin, ancien CKO de Bouygues
Construction, trop tôt disparu.
« Les perles composent le collier, mais c’est le fil qui fait le collier. »
Gustave Flaubert (Lettres à Louise Collet, 1853)
INTRODUCTION
Comment accompagner les acteurs d’une entreprise dans leurs
problématiques managériales tout en produisant des savoirs
scientifiques qui pourront être utilisés par d’autres chercheurs
et d’autres entreprises ? C’est la question à laquelle sont
confrontés de nombreux chercheurs en management et tout
particulièrement les doctorants-managers. La réponse peut
se faire en se référant à des protocoles de recherche comme
l’observation participante, la recherche-action ou la recherche-
intervention. Dans leurs présentations de ces méthodes de
recherche en relation avec un terrain, les chercheurs focalisent
souvent sur la manière de collecter les données terrain, de les
analyser et sur les résultats de cette analyse. Si la recherche était
un collier de perles, nous pourrions dire que ces présentations
mettent surtout l’accent sur les « perles » de la recherche.
Toutefois la présentation de ces démarches ne suffit pas toujours
à comprendre dans le détail la pratique de la construction de la 423
recherche en collaboration étroite avec l’entreprise.
Pour aller plus loin, nous décidons de revenir sur le terrain. Nous
présentons l’analyse au nouveau CKO de Bouygues Construction
et à un groupe de praticiens en management des connaissances
(Action). Le cas Bouygues Construction est présenté et l’analyse
du cas avec le mythe d’Astérix est ouverte à la discussion. Le dé-
bat s’enclenche immédiatement. Le recours au mythe d’Astérix
pour comprendre les blocages liés à l’appropriation des techno-
logies de management des connaissances dans les entreprises
françaises est jugé pertinent par les participants à cette réunion.
Chacun évoque une situation qu’il vit ou a vécue et qui lui permet
de comprendre cette analyse. Plusieurs disent que cette analyse
est « très vraie ». Un débat s’enclenche sur les technologies et
M e n e r u n e r e c h e r c h e a n c r é e s u r l e t e r ra i n
429
430
Un des risques d’un travail étroit avec le terrain pour un cher- 433
cheur est d’être « happé » par le terrain, c’est-à-dire de ne
plus parvenir à prendre le recul nécessaire pour produire une
connaissance scientifique. Pour éviter cela, plusieurs disposi-
tifs peuvent vous aider. Tout d’abord, il convient de travailler à
développer votre réflexivité sur la pratique managériale au quo-
tidien. La tenue d’un carnet de bord décrivant ce que vous avez
fait, avec qui vous avez travaillé, ce que vous avez observé, ce qui
vous étonne, ce qui vous intéresse dans le travail avec le terrain,
contribue à une prise de recul régulière, utile pour tirer le fil de
la réflexion. La transcription des entretiens conduits et des ob-
servations que vous aurez notées, à l’instar de comptes-rendus
de réunion auxquelles vous avez participé, vous aideront aussi.
À ces outils du quotidien, il est utile d’associer des « instances
de contrôle » (Girin, 1990) du côté des institutions de recherche.
Dans le cadre d’un DBA, ces instances sont souvent structurées
par la formation. Ainsi, les étapes de présentation des travaux
constituent ces instances de gestion. Elles ont pour objectif de
confronter régulièrement le chercheur à la controverse scienti-
fique. Le travail est discuté et challengé par d’autres chercheurs
C o nt ex t u a l i s e r l e s m é t h o d e s
CONCLUSION
Mener une recherche ancrée est comme tirer un fil entre le terrain
(analyse et résolution de situations par l’intuition et l’action) et
le monde académique (lecture, discussion, écriture). Il ne s’agit
M e n e r u n e r e c h e r c h e a n c r é e s u r l e t e r ra i n
Références citées
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21 mai, Aix-en-Provence, France.
Dudézert, A., Fayard, P. & Oiry, E. (2015), Astérix et la gestion des
connaissances 2.0 : une exploration de l’appropriation des
C o nt ex t u a l i s e r l e s m é t h o d e s
Résumé
“We spend a lot time designing the bridge, but not enough time
thinking about the people who are crossing it.”
Dr. Prabhjot Singh,
Director of Systems Design at the Earth Institute
INTRODUCTION
Le domaine des sciences de la gestion est soumis depuis plu-
sieurs années à une réflexion de fond portant sur la rigueur et la
pertinence des travaux qui y sont menés. Pour assoir la légitimi-
té scientifique de ce domaine, les chercheurs ont eu tendance à
mettre l’emphase sur la rigueur méthodologique afin de produire
des connaissances valides et robustes. En conséquence, le
questionnement sur la pertinence des recherches, menées pour
les milieux de pratiques ou de l’enseignement de la gestion, a
souvent été mis de côté (Benbasat, 1999 ; Davenport & Markus,
438 1999 ; Lee, 1999). Une avenue de réponse à ce questionnement,
consiste à considérer la recherche en gestion selon la pers-
pective des travaux de Herbert Simon consacrés aux sciences
de l’artificiel. En effet, Simon (1996) envisage les organisations
comme des objets artificiels conçus et développés par des indi-
vidus et des groupes pour répondre à des besoins et buts parti-
culiers. À l’intérieur des sciences de l’artificiel que Simon (1996)
distingue des sciences naturelles – essentiellement du point de
vue des paradigmes et méthodes de recherche et non des ob-
jets de recherche propres aux sciences de la gestion – il propose
d’établir une science du design dont l’objectif consiste à pro-
duire des connaissances portant sur la conception d’objets ar-
tificiels. Dans le domaine des sciences de la gestion, des disci-
plines comme le management ou les systèmes d’information se
sont approprié les idées de Simon pour proposer des approches
de recherche en science du design (RSD).
suivis par ceux de Hevner et al. (2004) qui ont été publiés dans la
revue MIS Quarterly. En 2008 et 2013 cette revue publia également
deux numéros thématiques portant précisément sur la RSD. Ces
écrits ont tôt fait de légitimer la RSD et la manière de la position-
ner et d’en communiquer les résultats de recherche (Gregor &
Hevner, 2013) ; voire la manière de la présenter comme une ap-
proche de recherche permettant de produire des connaissances
pertinentes et rigoureuses pour la discipline des systèmes
d’information. Parallèlement à la pénétration de la RSD dans la
discipline des systèmes d’information, des avancées souvent
moins en évidence dans la littérature se sont produites dans la
discipline du management plus généralement (Romme, 2003 ;
van Acken, 2004 ; numéro thématique de la revue Organization
Studies en 2008).
443
CONCLUSION
Au terme de cette présentation de la RSD, on en rappelle les ca-
ractéristiques générales. La RSD est une approche de recherche
C o nt ex t u a l i s e r l e s m é t h o d e s
Références citées
Autissier, D., Vandangeon-Derumez, I., Vas, A. & Johnson, K.
(2018), Conduite du changement : concepts-clés, 60 ans de pratiques
héritées des auteurs fondateurs, 3 e édition, Paris, Dunod.
Benbasat, I. & Zmud, R.W. (1999), Empirical research in information
systems: The practice of relevance, MIS Quarterly, vol. 23, n° 1,
p. 3-16.
Braun, C., Wortmann, F., Hafner, M. & Winter, R. (2005), Method
construction – A core approach to organizational engineering,
The 2005 ACM Symposium, New York, ACM Press, p. 1295-1299.
Carlsson, S. A., Henningsson, S., Hrastinski, S. & Keller, C. (2010),
Socio-technical IS design science research: Developing design
theory for IS integration management, Information Systems and
e-Business Management, vol. 9, no 1, p. 109-131.
Davenport, T.H. & Markus, M.L. (1999), Rigor vs. relevance revisited:
Response to Benbasat and Zmud, MIS Quarterly, vol. 23, n° 1, p. 19.
Denyer, D., Tranfield, D. & van Aken, J.E. (2008), Management
research based on the paradigm of the design sciences: The
C o nt ex t u a l i s e r l e s m é t h o d e s
Simon, H.A. (1996), The Sciences of the Artificial, Cambridge, MA, The
MIT Press.
C o nt ex t u a l i s e r l e s m é t h o d e s
450
CHAPITRE 25.
La cartographie des concepts en groupe (CCG) :
étapes de réalisation et conversations orientées
terrain
Résumé
INTRODUCTION
La cartographie des concepts en groupe (CCG) fut introduite
dans la littérature spécialisée en évaluation de programme par
Trochim et Linton (1986) et Trochim (1989a, 1989b, 1989c), comme
moyen de conceptualisation pour tout groupe intéressé par un
objet ou un enjeu commun. Elle a depuis été employée pour
l’étude de tout problème ou sujet se prêtant à une conceptuali-
sation complexe et systémique, et nécessaire pour améliorer la
performance, dans un sens précis ou large, et l’allocation des
ressources dans les programmes, les entreprises, les organisa-
452 tions et la société en général. Des applications de la CCG sont
possibles dans de nombreuses sphères de l’activité humaine :
santé publique, soins de santé, travail social, technologie,
éducation, entrepreneuriat, politiques publiques, etc. (Kane &
Rosas, 2018).
En l’état, cette carte de points est peu appropriable par les cher-
cheurs ou les participants. Les résultats de la MDS, grâce aux
coordonnées produites, fournissent des informations de dis-
tance euclidienne entre les points de la carte, ce qui permet de
calculer un indice d’ancrage-chevauchement (IAC) selon la fré-
quence de tri ou de classement des items entre eux par les par-
ticipants. Un IAC près de « 0 » signifie un accord élevé entre les
participants sur le fait que certains items soient triés ensemble
pour leur proximité conceptuelle, alors qu’un IAC près de « 1 »
signifie que les participants sont peu d’accord sur le fait que cer-
tains items soient triés ensemble (Kane & Trochim, 2007).
462
463
C o nt ex t u a l i s e r l e s m é t h o d e s
466
Quelles RECHERCHES ont été nécessaires de votre part pour décou- 467
vrir et arrimer les objectifs du projet afin d’en assurer un cadre métho-
dologique optimal ?
471
CONCLUSION
Il convient maintenant de s’intéresser à ce que doit faire un(e)
candidat(e) de DBA qui s’interroge sur la pertinence de choisir
la CCG comme cadre méthodologique dans la réalisation d’une
thèse. Quelques questions ci-après présentées peuvent guider
les candidats dans leurs réflexions :
–– Existe-t-il un enjeu de management pour un collectif, un
groupe, un département dans une organisation, une com-
munauté au sens large, ou des sous-groupes présents
dans les ensembles susmentionnés ?
–– Existe-t-il un « champion » avec qui dialoguer sur la com-
plexité de l’objet, qui comprend la valeur managériale ou
qui a besoin des connaissances de ce que produisent les
extrants de la CCG, et qui est en mesure de mobiliser des
participants aux différentes étapes ?
–– Est-ce que vous détenez des connaissances pointues et
systématiques relativement à l’objet de la recherche ? Êtes-
vous en mesure de rédiger quelques pages documentées et
justifiées à ce sujet ?
476
–– Maîtrisez-vous des rudiments d’analyse qualitative et quan-
titative, les logiciels dédiés, ou avez-vous accès aux logi-
ciels, à de la formation ou de l’enseignement à ce sujet ?
–– Détenez-vous des habiletés communicationnelles vous
permettant d’animer un GD de génération d’idées et de
rencontre-bilan ? Quid de conduire des entretiens semi-di-
rigés ?
–– Êtes-vous capable d’abstractions théorique et concep-
tuelle en contexte complexe ?
–– Êtes-vous capable d’abstraction conceptuelle permettant
d’analyser des rétroactions d’ordre systémique pour en dé-
gager des implications managériales actionnables ?
Références citées
Cloutier, L.M. (2017), Problématiser ou déterminer l’objet de la
recherche en contexte managérial, in P. Beaulieu & M. Kalika
(dir.), Le projet de thèse de DBA, Caen, Editions EMS, coll.
« Business Science Institute », p. 95-110.
L a c a r t o g ra p h i e d e s c o n c e p t s e n g ro u p e (C C G )
480
C O N C LU S I O N
Bien entendu, la conclusion de cet ouvrage collectif, ne vise
pas à le résumer pour reprendre l’ensemble des contributions
de ce livre, car par où faudrait-il commencer ? Il faut souligner
que c’est grâce à la ligne éditoriale établie dès le départ pour
cet ouvrage, que vingt-cinq chapitres, rédigés par trente-cinq
auteurs, ont été produits pour rendre manifeste et intelligible le
potentiel des méthodes et outils méthodologiques offerts aux
doctorants-managers de DBA. Les parties du livre forment un
ensemble cohérent visant à mobiliser les connaissances des 481
membres de la communauté du Business Science Institute pour
entreprendre un certain nombre de conversations d’ordre mé-
thodologique se rapportant à des thématiques fondamentales
vouées à la production de recommandations managériales. En
somme, cet effort collectif a traité du choix d’une méthode de
recherche, et de ses multiples facettes, adaptée à la question du
terrain, au recueil des données du terrain, à l’analyse des don-
nées du terrain, et à la contextualisation des méthodes orientées
terrain.
Il apparaît vivement que cet ouvrage est ancré et cadré pour ses
étendues et profondeurs conceptuelles et appliquées dans les
expériences terrain qu’apportent les doctorants-managers de
DBA à la communauté du Business Science Institute. D’où la
pertinence de réunir des textes pour offrir des rudiments aux
méthodes et à des outils qui incitent à la réflexion et conduisent
les doctorants-managers de DBA à saisir avec quoi et comment
ils peuvent envisager, réaliser et mener à bon port un projet de
thèse avec profondeur, recul et créativité, afin d’en extraire les
recommandations managériales pertinentes pour leurs béné-
fices et ceux des organisations où ils évoluent et évolueront.
493
Dans la même collection
DA N S L A M Ê M E
COLLECTION
La création de
connaissance par
les managers
ISBN: 978-2-84769-818-3
472 p. / 29 €
Dans la même collection
DA N S L A M Ê M E
COLLECTION
Michel KALIKA
L’ouvrage Comment réussir
son DBA ? (Doctorate in
Business Administration)
495
vise à répondre aux questions
que se posent les managers
qui ont envie de prendre du
recul, de soutenir et publier
une thèse ancrée dans leur
expérience managériale, et
de créer de la connaissance.
ISBN: 978-2-84769-860-2
112 p. / 15 €