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Moudjib Djinadou et son œuvre

RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
*******
UNIVERSITÉ D’ABOMEY-CALAVI
*******
Facultés des Lettres, Arts et Sciences Humaines (FLASH)
*******
Département des Lettres Modernes
*******
Mémoire de maîtrise 

Thème :

Moudjib Djinadou et son œuvre

Présenté et soutenu par : Sous la direction de :

Mohamed A.A.O.E. PHILIPPE Guy Ossito Midiohouan

Professeur à la FLASH

Année académique : 2009-2010

0
Moudjib Djinadou et son œuvre

Dédicace :

À celles et à ceux qui par l’amour


dont ils m’ont entouré, ont été sources
de motivation, de stimulation et de
réarmement.

1
Moudjib Djinadou et son œuvre

Remerciements :
- À mon maître de mémoire, Guy Ossito
Midiohouan, à qui je tiens à exprimer ma vive
reconnaissance pour sa constante disponibilité,
son amour du travail bien fait et ses judicieux
conseils.

- Aux honorables membres du jury qui par leurs


critiques objectives, leurs remarques
pertinentes et leurs appréciations, auront à
authentifier ce travail.

- À Monsieur Parfait Sossou pour toutes les


corrections faites avec justesse et précision.

- À monsieur Mardochée Kilanyossi pour sa


fraternelle et inestimable contribution.

- Au personnel de la Radio Bénin Culture pour


son accueil chaleureux et sa coopération non
marchandée.
2
Moudjib Djinadou et son œuvre

- À tous ceux qui d’une manière ou d’une autre


ont facilité et permis l’aboutissement de ce
travail.

INTRODUCTION

3
Moudjib Djinadou et son œuvre

Née pendant la colonisation, la littérature négro-africaine d’expression


française a exprimé durant toute cette période des pensées et des préoccupations
qui ont justifié amplement toutes les expressions globalisantes – utilisées par des
auteurs comme Jacques Chevrier, Jahn Jahneiz – qui ont servi à la désigner :
« littérature nègre », « littérature néo-africaine »1.

À partir des indépendances, la critique littéraire africaine ou


africaniste se trouve confrontée à une réalité éclatée dont les caractérisations
anciennes, notamment l’affirmation et la défense d’une personnalité nègre, la
lutte anticolonialiste et la communauté de destin face aux puissances coloniales,
ne peuvent plus rendre compte entièrement. Peu à peu la notion de « littératures
nationales » fait son apparition et s’impose comme une donnée désormais
incontournable.

Le Bénin, Dahomey d’antan, participe à cette évolution de la


littérature africaine. Dans une perspective historique, trois grandes périodes
caractérisent la littérature béninoise d’expression française.

Le Bénin a connu un essor littéraire qui a couru de la période


coloniale jusqu’à la fin de la première décennie des indépendances. Ce fut le
fruit des efforts fournis par les tout premiers auteurs béninois qu’on peut

1
Voir Guy Ossito Midiohouan, « La problématique de la désignation » in L’idéologie dans la
littérature négro-africaine d’expression française, Paris, Éditions L’Harmattan, 1986, p. 14.
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Moudjib Djinadou et son œuvre

appeler écrivains pionniers tels que Félix Couchoro, Paul Hazoumè, Abdou


Serpos Tidjani, pour ne citer que les plus connus.

Au rang de ceux qui leur ont emboîté le pas, nous retenons :


Gutemberg Martins Vinankpon alias Agbossahessou, Paulin Joachim, Eustache
Prudencio, Jean Pliya, Olympe Bhêly-Quenum2. Puis la production littéraire
tombe dans une longue période de léthargie.

Mais depuis quelques années, une sorte de renaissance de la littérature


béninoise d’expression française s’observe avec l’éclosion de nouveaux talents
que sont Florent Couao-Zotti, Barnabé Laye, Edgard Okiki Zinsou, Moudjib
Djinadou, etc. Mais malgré l’actualité et la modernité des sujets abordés, ces
nouveaux écrivains restent quasiment inconnus.

Actuellement de nombreuses initiatives sont prises par diverses


structures, tant académiques qu’artistiques, pour rendre leurs ouvrages plus
connus et plus accessibles au grand public. C’est ainsi qu’en novembre 1999,
l’Association des Écrivains et Gens de Lettres du Bénin(AEGLB) organisa une
exposition itinérante dénommée « Le Bénin littéraire 1980-1999 ».

Par ailleurs, un nombre croissant d’étudiants, pour leur mémoire de


maîtrise, par exemple, interrogent ces œuvres et leurs auteurs. Des travaux de
recherches en cours au Département des Lettres Modernes ont déjà traité des
œuvres de la plupart d’entre eux.

Dans la même optique, la présente étude nous mène encore à la


découverte de l’un de ces jeunes auteurs et a pour thème :

« Moudjib Djinadou et son œuvre »

2
Notre classification s’inspire de celle proposée par Guy Ossito Midiohouan dans Le Bénin
littéraire 1980-1999, novembre 1999, « Introduction ».
5
Moudjib Djinadou et son œuvre

C’est sûr, nous sommes animé du désir de faire découvrir tous ces
jeunes auteurs, mais le premier contact avec Moudjib Djinadou, à travers l’un de
ses ouvrages, en l’occurrence MO GBE : Le cri de mauvais augure3 – le sujet
abordé, la simplicité du style, la vraisemblance des faits décrits – a été
déterminant dans le choix du thème.

Cette première impression nous a naturellement poussé à la


découverte des ouvrages restants de l’auteur. Définitivement, par sa sensibilité,
et la réalité des problèmes sociaux abordés, il sait séduire, il sait émouvoir.

Moudjib Djinadou participe à l’enrichissement de la littérature


béninoise d’expression française. C’est pour rendre compte de cela que l’étude
de son œuvre paraît intéressante. Elle va permettre de définir la personnalité
littéraire de Moudjib Djinadou en replaçant ses œuvres dans leur contexte de
publication et de chercher à mesurer leur impact sur le monde littéraire.

Pour atteindre un tel objectif, la méthodologie adoptée consiste à faire


une analyse de contenu couplée avec des enquêtes et évaluations réalisées à
travers la presse, les revues et les ouvrages critiques. Ceci conduit à un
développement qui s’articule autour de trois chapitres.

Le premier chapitre mène à la découverte de l’homme et de l’écrivain.


Il s’agit de découvrir son cadre familial avec les événements marquants de sa
vie, surtout ceux qui l’ont façonné et influencé sa sensibilité et, peut-être, ont
favorisé son épanouissement littéraire. Moudjib Djinadou est un écrivain
polyvalent pour avoir écrit trois romans et une nouvelle. La présentation
analytique de ses ouvrages va permettre de dégager l’originalité de l’auteur par
rapport à l’environnement littéraire qui l’a vu émerger.

3
Moudjib Djinadou, MO GBE : Le cri de mauvais augure (Roman), Paris, L’Harmattan (Encres
noires), 1991.
6
Moudjib Djinadou et son œuvre

Au-delà de ce contexte littéraire, le second chapitre va étudier les


rapports de l’œuvre avec le contexte social, économique et politique. Ce sont des
situations qui ont inspiré l’auteur. L’exercice consiste à montrer qu’il a su
judicieusement les exploiter pour asseoir dans ses écrits une couleur locale et
décrire des faits sociopolitiques réels.

Compte tenu de tout ce qui précède, il est nécessaire, dans un


troisième chapitre, de mesurer la réception de l’œuvre de Moudjib Djinadou par
le public. Ce troisième chapitre va rendre compte des résultats des enquêtes et
évaluations réalisées, et renseigner sur la popularité dont jouit l’auteur.

7
Moudjib Djinadou et son œuvre

Chapitre I :
À la découverte d’un écrivain

8
Moudjib Djinadou et son œuvre

« Je est un autre »4 disait Arthur Rimbaud pour signifier qu’il importe
de faire la différence entre l’individu qu’il est et l’écrivain qui apparait à travers
les poèmes qu’on lui connait.
Donc on ne peut aller à la découverte d’un écrivain sans aller d’abord
à la découverte de l’être social dont l’écrivain n’est qu’une émanation. Dans
cette logique, ce premier chapitre comportera deux points. Le premier permettra
de faire la biographie de Moudjib Djinadou en présentant son cadre familial, son
cursus scolaire et académique, sa conception de la vie. Le second point
consistera en la présentation de l’écrivain c’est-à-dire de ses œuvres.

I-1-Moudjib Djinadou : l’homme.

I-1-1-Un cadre familial favorable

Né le 16 janvier 1965 à Porto-Novo, Moudjib Djinadou est le


troisième enfant d’une famille qui en compte dix. Son père était un inspecteur
d’éducation physique et sportive. Intellectuel, il était suffisamment aisé pour
créer un cadre familial qui facilitera d’une part les études du jeune Moudjib et
développera en lui, d’autre part, le goût de la lecture. Cet amour de la lecture va
4
Arthur Rimbaud, Lettre à Georges Izambard, Charleville, 13 mai 1871. Cette lettre, avec
celle adressée à Paul DEMENY, fait partie des « Lettres dites du Voyant ». Les lettres de
Rimbaud écrites à Londres sont conservées à la Bibliothèque Royale Albert 1 er à Bruxelles.
Elles sont extraites du cahier n° 4 : "RIMBAUD les lettres manuscrites, commentaires,
transcriptions et cheminements des manuscrits" par Claude Jeancolas .
9
Moudjib Djinadou et son œuvre

l’amener à fréquenter assidûment la bibliothèque publique qui était dans


l’enceinte de l’actuelle Maison Internationale de la Culture de Porto-Novo.
À l’âge de dix ans, il perd sa mère, une commerçante, suite à un
accident de la circulation. Bouleversé, il s’isole fréquemment et se réfugie dans
la lecture. Ce comportement accentue son penchant littéraire. Au dire de sa
belle-mère, le père s’étant remarié, il serait un boulimique des livres et, comme
la lecture est un paramètre qui concourt à la formation de l’apprenant, il connut
un parcours scolaire et universitaire sans faille.

I-1-2- Un parcours scolaire et universitaire exemplaire

Moudjib Djinadou va mener ses études en droite ligne du primaire au


supérieur sans jamais connaître l’échec. Après son CEFEB en 1976 au cours
primaire Application de l’École Normale Supérieure Nadjo, il entre au lycée
Béhanzin où il obtient le BEPC en 1980. Ses aptitudes littéraires s’étant
nettement affichées, il poursuit ses études dans le même établissement en
seconde littéraire. Au bout de trois ans, il décroche le Baccalauréat L2 avec la
mention Assez Bien. De 1983 à 1984, il fait le service militaire obligatoire
institué à l’époque par le régime marxiste-léniniste du P.R.P.B. qui consistait à
enseigner dans un établissement public pendant une année scolaire.
À la fin de ce service militaire, il s’inscrit à l’Université Nationale du
Bénin, actuelle Université d’Abomey-Calavi, plus précisément à l’École
Nationale d’Administration (ENA), devenue aujourd’hui École Nationale
d’Administration et de Magistrature (ENAM). Parallèlement, il prend des cours
à la Facultés des Sciences Juridiques Économiques et Politiques.
À partir de 1988, il poursuit ses études à l’Université de Picardie dans
la ville d’Amiens au nord de la France. En 1992, il obtient son DEA en Droit
International à l’Université ParisV-René Descartes. À partir de juillet 1996, il
entame une carrière de fonctionnaire international au Haut Commissariat des
10
Moudjib Djinadou et son œuvre

Réfugiés (H.C.R.) qui l’affecte au Zaïre, actuelle République Démocratique du


Congo. Il y est chargé des questions juridiques relatives à la vie des réfugiés
rwandais dans ce pays. En 1997, il soutient sa thèse de doctorat d’État sur Le
Conseil de Sécurité des Nations Unies et l’action humanitaire, toujours à
l’Université ParisV-René Descartes.
Malgré ses succès scolaires et sa réussite professionnelle, Moudjib
Djinadou, par sa modestie, reste un homme à découvrir.

I-1-3- Sa conception de la vie et de la littérature

Lorsqu’on rencontre Moudjib Djinadou, on est surpris d’avoir en face


de soi quelqu’un de très discret, parlant difficilement de lui-même et de ses
œuvres. Bien qu’il soit fier d’être l’objet de cette étude, il a vivement
recommandé que sa vie privée soit épargnée :
« Je ne me suis pas lancé dans l’écriture pour la
renommée, c’est pourquoi j’ai refusé de donner à mon
éditeur des photos à mettre sur la dernière page de
couverture. Je tiens à être discret sur ma vie privée,
néanmoins je suis disposé à répondre à toutes vos
questions. »5

Ce fut un bref entretien qui a permis de déceler sa conception de la


vie, ses rapports avec la littérature, et plus précisément avec l’écriture.
Moudjib Djinadou pose sur le monde un regard à la fois interrogateur et
moqueur. Pour lui, il est inutile d’avoir des rêves dans ce monde. Sa vision
coïncide exactement avec celui d’un des personnages de son troisième roman,
Blédici : « Les gens riches sont ceux que la vie a dépouillé de leurs illusions »6.

5
Entretien avec l’auteur, à Cotonou, le 28 janvier 2005.
6
DJINADOU (Moudjib), Blédici, chez l’auteur, 1996. Roman, P129.

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Moudjib Djinadou et son œuvre

À la question de savoir quels sont les événements qui l’ont marqué et


l’ont amené à une si grave perception de la vie, il répond qu’il ne s’agit pas du
tout de sa personne. Il en est venu à cette conclusion après avoir longuement
observé son entourage et analysé les faits qui s’y déroulent. Quant à lui-même, il
se considère comme un privilégié par la nature malgré la mort prématurée de sa
mère dont il affirme aussitôt avoir fait le deuil. Pour ce qui est de la littérature, il
confirme son goût pour la lecture avec un petit faible pour les auteurs classiques.
Il explique son fonctionnement d’écrivain en ces termes : « j’écris comme on
satisfait un besoin naturel. Il n’y a pas en moi quelque chose d’indicible qui
m’obligerait à écrire mais il arrive que j’aie des envies pressantes, une
inspiration subite et violente »7.
Ses inspirations l’ont conduit, jusque-là, à produire trois romans et une
nouvelle.

I-2-Moudjib Djinadou : L’écrivain

C’est à l’occasion de l’unique Concours National des Arts et Lettres


du Bénin organisé en 1988, qu’il s’est essayé à écrire une nouvelle intitulée « La
raison du plus fou ». Cette œuvre reçut le Troisième Prix.
Il faut attendre 1991 avec la publication de son premier roman, MO
GBE : Le cri de mauvais augure8, pour le voir intégrer le cercle des écrivains.
Deux ans après, il publie son second roman Mais que font donc les dieux de la
neige ? 9

7
Entretien avec l’auteur, à Cotonou, le 28 janvier 2005.
8
Moudjib Djinadou, MO GBE : Le cri de mauvais augure (Roman), Paris, L’Harmattan (Encres
noires), 1991.
9
Moudjib Djinadou, Mais que font donc les dieux de la neige? (Roman), Paris, L’Harmattan
(Encres noires), 1993.
12
Moudjib Djinadou et son œuvre

Il lui a fallu encore trois ans pour publier une nouvelle intitulée
L’avocat de Vanessa10, suivie quelques mois après d’un autre roman Blédici11,
publié à compte d’auteur. C’est donc un écrivain aux multiples facettes,
romancier et nouvelliste.
Il prépare actuellement une tragédie en cinq actes sur le roi Béhanzin
et un recueil de poèmes.
Avant d’aborder la présentation de ses œuvres, il est opportun de voir
quel est le contexte littéraire qui a prévalu à l’avènement de Moudjib Djinadou
en tant qu’écrivain.

I-2-1- Le contexte littéraire

En dehors de la persistance d’auteurs déjà établis tels que Sembène


Ousmane (Niiwan)12, Mongo Béti (Trop de soleil tue l’amour)13, on assiste à
l’émergence de nouveaux écrivains qui se démarquent de leurs aînés par des
récits plus ou moins déstructurés pour rendre compte de la situation tout à fait
similaire des sociétés africaines dont ils sont contemporains. C’est ce que
Jacques Chevrier appelle « une déconstruction du récit à facture classique »14.
Parmi ces jeunes auteurs, on peut citer : Boubacar Boris Diop (Le cavalier et son
ombre)15, Kossi Éfui (La Polka 16; La fabrique de cérémonie17).

10
Moudjib Djinadou, L’avocat de Vanessa (Nouvelle), Paris, L’Harmattan (Encres noires),
1996.
11
Moudjib Djinadou, Blédici(Roman), Porto-Novo, chez l’auteur, 1996.
12
Sembène Ousmane, Niiwan (Nouvelles), Paris, Présence Africaine, 2001.
13
Mongo Béti, Trop de soleil tue l’amour (Roman), Paris, Julliard, 1999.
14
Jacques Chevrier cité par Maurice NEVIS, Edgard Okiki Zinsou et son œuvre : Du contexte
de publication à la réception, mémoire de maîtrise (Lettres Modernes), Université
d’Abomey-Calavi, Abomey-Calavi, 2006, p. 42.
15
Boubacar Boris Diop, Le Cavalier et son ombre (Roman), Paris, Stock, 1997.
16
Kossi Éfoui, La Polka (Roman), Paris, Seuil, 1998.
17
Kossi Éfoui, La Fabrique de cérémonies (Roman), Paris, Seuil, 2001.
13
Moudjib Djinadou et son œuvre

Par ailleurs, le génocide rwandais et les guerres tribales intéresseront


les écrivains comme Boubacar Boris Diop dans Murambi, le livre des
ossements18, Véronique Tadjo dans L’ombre d’Imana19. La situation des enfants-
soldats engagés dans les différentes guerres civiles qui ravagent le continent
africain est aussi décrite par des auteurs tels que Ahmadou Kourouma dans
Allah n’est pas obligé20 et Tierno Monenembo dans L’Aîné des orphelins21.
Le phénomène de renouvellement dans la continuité qui se note au
plan africain se remarque aussi sur le plan national, au Bénin. Avec le renouveau
démocratique que connaît le pays, on assiste à un nouvel essor de l’activité
littéraire. Les nombreuses actions entreprises par le gouvernement et des
structures privées ou associatives ont favorisé un redéploiement littéraire sans
précédent. Selon Adrien Huannou : « On observe depuis 1986 une accélération
du rythme de parution des œuvres romanesques ; ce phénomène nouveau se
caractérise par la publication d’au moins un roman d’auteur béninois tous les
ans »22. Ce rythme est, à première vue, resté constant jusqu’à nos jours.
Les ouvrages publiés dans cette période abordent des thèmes
nouveaux et variés.
Avec Les tresseurs de corde23 de Jean Pliya, Une femme dans la
lumière de l’aube24, Mangalor25 de Barnabé Laye et Fleur du désert26 de Jérôme
Carlos un courant antirévolutionnaire est constitué. « Du régime

18
Boubacar Boris Diop, Murambi : le livre des ossements (Roman), Paris, Stock, 2000.
19
Véronique Tadjo, L’ombre d’imana - voyages jusqu’au bout du Rwanda (récit), Actes Sud,
Paris, 2000.
20
Ahmadou Kourouma, Allah n'est pas obligé(Roman), Éditions du Seuil, Paris, 2000.
21
Tierno Monenembo, L'Aîné des orphelins(Roman), Éditions du Seuil, Paris, 2000.
22
Adrien HUANNOU, « Douze ans de littérature béninoise (1983-1995) » in Notre Librairie, n°
124, octobre-décembre 1995, p. 23.
23
Jean Pliya, Les tresseurs de corde (Roman), Éditions Hatier, Paris, 1987.
24
Barnabé Laye, Une femme dans la lumière de l’aube(Roman), Paris, Éditions Seghers, 1988.
25
Barnabé Laye, Mangalor(Roman), Paris, Éditions Seghers, 1989.
26
Jérôme Carlos, Fleur du désert(Roman), Abidjan, Éditions CEDA, 1990.
14
Moudjib Djinadou et son œuvre

‟ révolutionnaire” né du coup d’État du 26 octobre 1972, ces quatre romans


présentent une image réaliste, ressemblante, celle d’un régime de terreur »27.

Les enfants de Mandela28 de Jérôme Carlos et Le discours d’un


affamé29 d’Edgar Okiki Zinsou introduisent l’apartheid comme thème dans la
littérature béninoise.
Moudjib Djinadou, dans son roman MO GBE : Le cri de mauvais
augure, développe le thème, jusque-là tabou, du sida.
La nouvelle société découlant des options démocratiques du pays et
ses travers est largement peinte par Florent Couao-Zotti à travers Notre pain de
chaque nuit :
« Jamais élection ne mobilisa tant de candidats,
jamais événement ne provoqua la multiplicité de tant de
partis politiques, brutalement projetés dans les transes et
l’effervescence des meetings. Impressionnés par les
boubous ronflants, les carrosses et autres vernis m’as-tu
vus des députés sortants, nombre des citoyens s’étaient
découvert, l’instant d’un battement de cil, un ‟  destin, un
vrai destin national ”. Et chacun d’eux de sacrifier,
presque aveuglément, à la câline faiblesse de promettre
au peuple le bonheur clé en main  »30.

Le renouveau littéraire qui va coïncider finalement avec le renouveau


démocratique est le fait de jeunes auteurs souvent méconnus du public. Pour
résumer leur situation, Guy Ossito Midiohouan écrit :
« La troisième génération, à laquelle on doit un
nouvel essor de la production, est tout simplement
inconnue, même et surtout des jeunes. On note ici un
déphasage entre l’existence éditoriale des auteurs et leur
27
Adrien HUANNOU, « Douze ans de littérature béninoise (1983-1995) » in Notre Librairie, n°
124, octobre-décembre 1995, p. 27.
28
Jérôme Carlos, Les enfants de Mandela : Hommage aux combattants de la
liberté(Nouvelle), Abidjan, Éditions CEDA, 1988.
29
Edgard Okiki Zinsou, Le discours d’un affamé(Roman), Cotonou, Éditions ONEPI.
30
Florent Couao-Zotti, Notre pain de chaque nuit (Roman), Paris, Ed. Le serpent à plumes,
1998, p. 134.
15
Moudjib Djinadou et son œuvre

reconnaissance littéraire. Ils sont nombreux à avoir gagné


des prix à l’occasion de divers concours nationaux (Prix
littéraire Paul Hazoumè en 1988, Concours Nationaux des
Arts et Lettres en 1988, Concours Révélations 93,
Concours littéraire  «  Regards croisés sur le Bénin » en
1995), ou internationaux (Concours littéraire du C.A.E.C.
au Sénégal, Concours de littérature africaine pour
l’enfance de l’A.C.C.T.) et avoir bénéficié de subvention
pour la publication de leurs œuvres. Mais celles-ci outre
qu’elles sont éditées dans des conditions d’amateurisme et
d’extrême précarité, parviennent rarement à s’imposer. Et
pourtant les auteurs ne manquent pas de talent, ni les
œuvres de qualité.»31

Parmi ces nouveaux auteurs, il y a évidemment Moudjib Djinadou


dont nous allons découvrir et situer chaque œuvre dans ce contexte littéraire en
commençant par son premier roman, MO GBE : Le cri de mauvais augure.

I-2-2- MO GBE : Le cri de mauvais augure

C’est l’histoire d’Ismaël alias Mogbé, un jeune yoruba musulman


beau, séduisant, ambitieux mais noceur et partisan du moindre effort. D’origine
modeste, il veut rapidement se faire une place au soleil et briller de mille feux
comme Aladji, l’un des plus riches yoruba musulmans de Porto-Novo, dont il est
le garçon de course.
Aladji, dès les premières pages, est présenté comme quelqu’un de très
influent qui pouvait rendre service à n’importe qui et en demander à n’importe
qui :
« Il connaissait, et était connu des grands hommes,
des ministres, des préfets. De quelqu’un comme lui, on dit
qu’il a le bras long ; en fait de longueur, ceux d’Aladji
étaient kilométriques, démesurément. Et ses mains ne
devaient pas être moins larges car, comme il aimait à le

31
Guy Ossito MIDIOHOUAN, « Introduction » in Le Bénin littéraire 1980-1999.
16
Moudjib Djinadou et son œuvre

dire lui-même, il avait dans sa main tous les grands


hommes  »32.

En plus des voitures luxueuses, de nombreux appartements à travers la


ville, Aladji possède surtout la belle Bariki, sa jeune et dernière épouse d’à peine
vingt ans.
Pour ressembler à son modèle, Mogbé se fiance à Faïssa, une laide
mais riche fille. Faïssa, consciente de sa laideur et toute aussi consciente des
desseins inavoués de son charmant Mogbé, ne lésine pas sur les moyens à mettre
en œuvre pour se l’approprier réellement :
«  Aussi avait-elle décidé dès le départ de tout mettre en
œuvre pour conserver son fiancé, pour l’empêcher d’aller
voir ailleurs. […] Faïssa vit là une occasion unique de
montrer à son fiancé qu’elle l’aimait et qu’elle tenait à lui.
Un mois à peine après qu’ils se fussent connus – […] – et
une semaine après qu’ils se fissent juré un amour éternel,
immortel et inextinguible, elle lui remettait une
importante somme d’argent pour la location d’un superbe
appartement de trois pièces entièrement carrelé et
climatisé ; en moins de temps qu’il n’en faut pour le
décrire, Faïssa réussit le coup de maître qui consista à
meubler et à équiper le nid de leur amour. […]  Faïssa
paracheva son œuvre en lui remettant un soir à son retour
de Lagos, les clés d’une Volkswagen flambant neuve.  »33

Mais Mogbé est un fêtard, très dépensier qui n’a jamais pris l’habitude
de faire des économies. Ainsi Mogbé use et abuse de la fortune de sa riche et
laide fiancée. Avec la voiture et l’argent fournis par Faïssa, il séduit et entretient
d’autres jeunes filles. Faïssa finit par s’en rendre compte et pour le punir, décide
de rompre et de l’abandonner dans le dénuement total :
« un jour qu’elle le savait parti faire des courses
pour Aladji, Faïssa fit venir deux énormes camions qui
chargèrent tout ce que contenait l’appartement  : depuis le
32
Moudjib DJINADOU, MO GBE : Le cri de mauvais augure (Roman), Paris, L’Harmattan
(Encres noires), 1991, p. 15.
33
Op. cit. , p. 40.
17
Moudjib Djinadou et son œuvre

lit – le fameux lit – au réfrigérateur, en passant par le


salon, la moquette, et même les beaux vêtements et les
superbes chaussures, eaux de toilette et autres produits de
beauté qu’elle ne manquait pas de lui rapporter de ses
nombreux voyages. La veille, elle avait pris soin de
s’assurer de la voiture, prétextant une course urgente en
ville.
Lorsque Mogbé revint, l’appartement était aussi nu
qu’un nouveau-né  ; et de Faïssa, il n’avait plus comme
souvenir que les vêtements qu’il portait»34.

Mogbé se retrouve donc à son point de départ. Après un rêve


prémonitoire où il finit en prison pour avoir volé du pain, il va demander à
Aladji de l’intégrer dans son équipe de contrebandiers. Mogbé espérait ainsi se
refaire. Aladji le convainc de transporter de la drogue en France. Tchinkoumè, le
féticheur attitré d’Aladji, devait rendre la drogue indécelable par la police
française.
Mogbé est arrêté juste à sa descente d’avion à Paris. Il est abandonné à
son sort par son commanditaire et se retrouve condamné à cinq ans
d’emprisonnement. Un an après son arrestation, il est rejoint en prison par Beau-
Gars, un nigérian qu’il a connu à Porto-Novo, qui a aussi essayé d’introduire la
drogue en France. Ensemble les deux amis subissent la discrimination raciale de
la part des prisonniers blancs et de l’administration pénitentiaire. Même le corps
médical participe à cette manifestation de xénophobie en laissant Beau-Gars
mourir de froid.
Mogbé est enfermé dans un cachot pour avoir essayé de réconforter
Beau-Gars. Après son séjour dans le cachot, il est transféré dans une cellule
collective où se trouvaient déjà deux homosexuels.
Mogbé est violé par les deux homosexuels. Pendant deux mois, il
subit les assauts quotidiens des deux pervers. Réfléchissant sur sa situation,

34
Op. cit. , p. 45.
18
Moudjib Djinadou et son œuvre

Mogbé pense subir deux peines au lieu d’une. Il en conclut qu’il n’a jamais aussi
bien porté son surnom :
« Car en langue yoruba, Mogbé signifie
littéralement : ‟ je suis foutu”. Ou plus exactement ‟c’en
est fait de moi…” […] L’appellation de Mogbé venait d’une
exclamation de sa mère au moment où elle l’avait mis au
monde. Une exclamation de frayeur, car le brave ivrogne
qui lui servait de mari l’avait avertie qu’il était hors de
question qu’elle fît une fille. […] Folle de peur, la pauvre
femme avait cru défaillir lorsque, ayant demandé la
nature du sexe du nouveau-né d’une voix tremblante à la
matrone qui l’avait accouchée, elle entendit celle-ci lui
répondre – peut-être par jeu, peut-être par erreur –
qu’elle venait de faire une belle fille qui lui ressemblait  ! ‟
Yé  ! Mogbé !” avait hurlé l’accouchée désespérée.  »35

Les deux homosexuels lui transmettent le sida. La découverte de sa


séropositivité le fait expulser de la France. Malheureusement pour lui, le
certificat médical constatant son état tombe dans les mains d’un monsieur qui le
connaissait et que lui n’avait pas reconnu. Ce dernier va divulguer partout où il
le pouvait la séropositivité de Mogbé.
En plus d’apprendre le décès par chagrin de sa mère, Mogbé vit une
violente stigmatisation de la part de son propre frère, ses anciens amis avec et
pour qui il faisait la fête. Comble de malheur, il est sauvagement jeté hors du
cabinet du médecin chez qui il s’était rendu dans l’espoir d’être soigné :
« il quitta l’hôpital d’un pas traînant, las, désespéré. Son dernier espoir venait de
s’envoler, sous la forme d’un docteur qui, comme tous les autres, n’avait pu
vaincre son horreur, incontrôlée et incompréhensible du sida.»36
Il erre dans la ville de Porto-Novo et finit par sombrer dans la folie.
Ce premier roman de l’auteur est un roman de mœurs qu’on peut
classer dans la catégorie du roman social. Plus que la description d’un drame
individuel, il s’agit d’une analyse de l’intérieur de la communauté yoruba
35
Op. cit. , pp. 152-153.
36
Op. cit. , p. 199.
19
Moudjib Djinadou et son œuvre

musulmane de Porto-Novo dont les us et coutumes sont présentés et surtout


critiqués.
Simultanément avec la description de sa communauté d’origine,
Moudjib Djinadou développe les thèmes actuels du sida et de la drogue. Il
aborde également dans presque tous ses aspects le phénomène de la
dépigmentation qui prend des proportions énormes dans la société béninoise
contemporaine.
Avec autant de thèmes modernes, il apparait comme un écrivain
novateur qui contribue activement au renouvellement thématique du roman
béninois, ce qui ne l’empêche pas d’avoir des points de similitude avec d’autres
écrivains.
Et encore une fois, selon Adrien Huannou :
«  On peut, schématiquement, répartir le roman
béninois en douze types ou espèces  : le roman de mœurs
ou roman social (ainsi appelé parce qu’il étudie les
hommes dans leurs catégories sociales) est illustré par
L’Esclave et MO GBE  : Le cri de mauvais augure … »37

La description faite par Moudjib Djinadou de la communauté yoruba


musulmane rejoint celles faites par Sembène Ousmane et Mariama Bâ de la
société dakaroise des années 60 et 70.
Ousmane Sembène, dans Le Mandat38, peint avec truculence les
personnages types de la nouvelle société dakaroise au lendemain des
indépendances.
Mariama Bâ, avec Une si longue lettre39, fait aussi la critique de la
même société dakaroise mais surtout d’un point de vue féministe. Et tout comme

37
Adrien Huannou (Textes réunis et présentés par), « Panorama du roman béninois » in
Repères pour comprendre la littérature béninoise, Cotonou, CAAREC Éditions (Collection
Études), p. 14.
38
Ousmane Sembène, Le Mandat(Roman), Paris, Éditions Présence africaine, 1965.
39
Mariama Bâ, Une si longue lettre(Roman), Dakar, Les NEA, 1979.
20
Moudjib Djinadou et son œuvre

Moudjib Djinadou, elle condamne la polygamie, le lévirat, et la mauvaise


récupération des préceptes islamiques.
En développant le thème du sida dans son premier roman, Moudjib
Djinadou fait figure de pionnier sur le plan national et intègre le corpus
qu’Alexandre Dauge-Roth appellera « la bibliographie du sida en Afrique
francophone »40. Inauguré en 1988 par le malien Doumbi Fakoly avec son
Certificat de contrôle anti-sida41, ce corpus comprend : Kaso, le migrant
perpétuel42 du malien Dia Moussa, Le sida au village43 du camerounais Kounda
Bepe P., Le défilé des innocents44 de l’ivoirien Koné Doh Fandah, Comme des
flèches45 du tchadien Lamko Koulsy, Sidagamie46 de la sénégalaise Traoré
Abibatou. Cette dernière montre comment en Afrique, la polygamie favorise la
propagation du virus avec la destruction de toute une famille.
Ce qui fait donc l’originalité de Moudjib Djinadou par rapport aux
autres écrivains béninois de sa génération est qu’il innove par le choix de ses
thèmes. Il est bien le premier auteur béninois à traiter explicitement des thèmes
du sida, du trafic de drogue et de la dépigmentation.
Il fait sa critique sociale à travers un style où l’ironie et l’humour se
rejoignent pour donner par endroits un ton sarcastique à ce premier roman. Il
commence par un paradoxe frappant qui a trait au comportement des policiers
béninois par rapport aux prévenus : « des coups de fouet, de bottes et de
matraque contre un écart de langage, le marché est équitable »47. Le sarcasme
transparaît aussi dans la description de certains personnages. Faïssa, par

40
Alexandre Dauge-Roth, « Comment faire capoter les silences de l’épidémie :
Mises en scène francophones du Sida », Bowdoin College, Brunswick, Maine, U.S.A., 2007
41
Doumbi Fakoly, Certificat de contrôle anti-sida(Roman), Paris, Éditions Publisud, 1988.
42
Dia Moussa, Kaso, le Migrant perpétuel(Roman), Paris, Éditions L’esprit frappeur, 1999.
43
Kounda Bepe Pierre, Le SIDA au village(Théâtre), Yaoundé, Éditions Clé, 1995.
44
Koné Doh Fandah, Le défilé des Innocents(Roman), Abidjan, Éditions Edilis, 1996.
45
Lamko Koulsy, Comme des flèches(Théâtre), Paris, Éditions Lansman, 1996.
46
Abibatou Traoré, Sidagamie(Roman), Paris, Présence Africaine, 1998.
47
Moudjib DJINADOU, MO GBE : Le cri de mauvais augure(Roman), Paris, L’Harmattan
(Encres noires), 1991, p. 10.
21
Moudjib Djinadou et son œuvre

exemple, a un « visage grossier, des lèvres qu’elle devait avoir de la peine à


séparer l’une de l’autre quand elle ouvrait la bouche tant elles étaient charnues,
lippues »48.
D’un point de vue structurel, la narration de ce premier roman
commence par une prolepse qui introduit le lecteur en plein milieu du récit :
l’arrestation de Mogbé à l’aéroport de Paris. Dans son ensemble, il s’agit d’un
récit linéaire qui ne présente aucun enchâssement complexe ni imbrication
particulière. Pourtant, la narration est vivante car elle est faite par un narrateur
omniscient qui se fait complice du narrataire dont il réclame fréquemment toute
l’attention. Il cherche aussi à influencer son jugement avec sa connaissance des
personnages et des événements. En effet, il est au courant du passé, du présent,
et du futur de chaque personnage.
Pour Adrien Huannou, MO GBE : Le cri de mauvais augure est :
«  une œuvre intéressante non seulement par son
contenu sociologique, mais aussi et surtout par l’art de
conter mis en œuvre (l’utilisation du rêve prémonitoire
comme technique narrative) et par la coloration
typiquement béninoise de la langue »49.

Cette « coloration béninoise de la langue » est obtenue par des


transpositions en français des constructions phrastiques propres au yoruba. Ainsi
à propos d’Aladji, on apprend qu’il « était ‟plus debout” que jamais, que la
fortune et lui ne faisaient qu’un »50. On note aussi une introduction de termes et
expressions yoruba dont les traductions sont données en notes de bas de page.
Moudjib Djinadou confirme ses talents de conteur créatif avec son
second roman Mais que font donc les dieux de la neige ? Ce roman aborde le
thème de la colonisation de façon très particulière.
48
Op. cit. , p. 36
49
Adrien Huannou (Textes réunis et présentés par), « Panorama du roman béninois » in
Repères pour comprendre la littérature béninoise, Cotonou, CAAREC Éditions (Collection
Études), p. 20.
50
Moudjib Djinadou, MO GBE : Le cri de mauvais augure (Roman), Paris, L’Harmattan (Encres
noires), 1991, p. 32.
22
Moudjib Djinadou et son œuvre

I-2-3- Mais que font donc les dieux de la neige ?

Le roi d’Abomey a décidé de conquérir une partie des contrées


éloignées et habitées par des hommes à peau blanche, aux mœurs bizarres et
barbares afin de les pacifier, les civiliser, leur apporter « la lumière noire »51.
Une administration coloniale est mise en place : Fâdo est chargé d’apprendre
aux « sauvages Blancs   la parole des dieux, de tous les dieux et génies» 52 ;
Wéman, l’instituteur, doit « instruire les petits Blancs de la langue et des mœurs
des Noirs »53 ; Kofi est chargé de la police locale ; ils sont tous dirigés par
Codjo, représentant personnel du roi d’Abomey et administrateur en chef dans la
circonscription coloniale qui lui est échue.
Gouverneur-adjoint, Codjo ambitionne le titre de gouverneur et espère
être anobli par le roi d’Abomey. Aussi fait-il preuve d’une très grande
conscience professionnelle. Il n’est pas question pour lui que l’entreprise
coloniale connaisse la moindre faille. Et quand il se retrouve malade et
grabataire, il ne continue pas moins de donner des ordres, d’exiger des résultats.
Convaincu de la mission divine des colons dont la justification et la nécessité se
trouvent dans la position supérieure que les dieux eux-mêmes ont conférée à
l’homme noir dès la création de l’univers, il raconte un mythe de la création qui
fait de l’homme noir l’être suprême juste après les dieux :

51
Moudjib Djinadou, Mais que font donc les dieux de la neige? (Roman), Paris, L’Harmattan
(Encres noires), 1993, p. 85.
52
Op. cit. , p. 7.
53
Op. cit. , p. 9.
23
Moudjib Djinadou et son œuvre

« Quelle ne fut leur surprise lorsqu’ils retirèrent des


braises incandescentes les statuettes intactes, sans fissures
aucune ! Leur interminable séjour dans le feu n’avait eu
pour résultat que de les foncer, les noircir. Les dieux n’en
revenaient pas.
… Ce sera la race des seigneurs, décidèrent-ils avant
de leur donner le souffle de la vie »54.

Voilà ainsi faite par Codjo, la démonstration de la supériorité


originelle et divine de la race noire. Ce sentiment de supériorité est partagé par
tous les colons dont l’arrivée crée diverses réactions au sein des Blancs. Celle
qui est la plus répandue est de ressembler autant que possible aux maîtres noirs.
À la grande majorité assimilationniste des Blancs s’oppose un petit
groupe d’irréductibles résistants ayant à leur tête Bernard Champreux. Il essaie
en vain de conscientiser ses semblables sur l’ampleur de la domination des Noirs
et la nécessité de réagir : « Les Noirs règnent sur tout chez nous. Ils y dominent
tout ce qui vit et respire. Non contents de nous faire travailler pour eux, pour
trois fois rien, ils nous imposent leurs noms, leur langue, leur culture »55.
Mais Champreux est de plus en plus marginalisé. Lui et ses
compagnons ont de moins en moins la liberté ou simplement la possibilité de se
réunir. Et malgré tous ses discours, il est obligé de constater que la
« sujétion a atteint des proportions excédant
l’imagination la plus féconde. Aujourd’hui c’est à qui sera
le plus proche du maître noir, à qui lui ressemblera le plus,
l’imitera le mieux. Pour l’amour de lui, trahison, délation
et platitude se prélassent complaisamment dans nos
mœurs  ».56

Ce sont la neige et le froid extrême qui finiront par terrasser Codjo et


créer chez les autres colons noirs le désir de retourner chez eux :
«  - Voyons Fâ, renchérit quelqu’un, ne vois-tu pas que
cette atmosphère est devenue mortelle  ? Ce froid qui n’en
54
Op. cit. , p. 22.
55
Op. cit. , p. 27.
56
Op. cit. , p. 107.
24
Moudjib Djinadou et son œuvre

finit pas de sévir aura raison de nous les uns après les
autres. Pourquoi devrions-nous nous contenter d’attendre
une mort certaine quand on peut faire autrement ? […]
J’ai moi-même reçu des nouvelles du royaume récemment.
Peut-être ne le sais-tu pas, mais les plus grands sorciers du
roi, les incontestables détenteurs de la science des dieux
n’ont rien trouvé pour venir à bout de ce temps maudit et
nous soulager  ; ils en ont conclu que c’était l’ouvrage de
dieux inconnus et totalement réfractaires à leurs
injonctions. »57

L’interrogation faisant office de titre pour ce roman est ainsi


explicitée.
Mais que font donc les dieux de la neige  ? est une ironie sur une
situation historique, de ses tenants à ses aboutissants. À travers ce roman
Moudjib Djinadou aborde le thème de la colonisation. C’est un discours critique
qui s’adresse à la fois aux Blancs et aux Noirs. Aux Blancs pour dénoncer
l’impérialisme occidental et la déstructuration méthodique des sociétés
africaines ; mais aussi et surtout aux Noirs pour dénoncer l’abandon des valeurs
traditionnelles africaines, la singerie malheureuse et maladroite de l’Occident et
pour railler l’irrationalité de certains de nos comportements et croyances.
Avec ce roman, l’auteur s’inscrit dans le courant anticolonialiste au
même titre que des écrivains tels que Mongo Béti (Le Pauvre Christ de
Bomba)58, Ferdinand Oyono (Une vie de boy)59, Sembène Ousmane (Les bouts
de bois de Dieu)60.
Le récit de Moudjib Djinadou rappelle en plusieurs points ceux des
aînés cités. Par exemple, Fâ le prêtre ressemble à bien d’égards au Révérend
Père Supérieur Drumont du Pauvre Christ de Bomba. Wéman est l’homologue
de l’instituteur Salvain dans Une vie de boy et les propos des deux éducateurs
sont presque identiques. Salvain affirme à son commandant de cercle : « les
57
Op. cit. , pp. 121-122.
58
Mongo Béti, Le pauvre Christ de Bomba(Roman), Paris, Éditions Robert Laffont, 1956.
59
Ferdinand Oyono, Une vie de boy(Roman), Éditions Julliard, Paris, 1956.
60
Sembène Ousmane, Les bouts de bois de Dieu(Roman), Paris, Le Livre Contemporain, 1960.
25
Moudjib Djinadou et son œuvre

petits Noirs sont aussi intelligents que nos petits »61 ; Wéman annonce à Fâ :
« contrairement à ce que nous pensions, il faut que je te dise que les enfants
blancs sont presque aussi intelligents que nos propres enfants »62.
La colonisation n’étant plus un thème d’actualité, elle n’est plus
directement et explicitement traitée par les écrivains de la jeune littérature. Et il
faut la distinguer de la ségrégation raciale – qui est aussi un fait de domination
d’une race par une autre – thème développé par Edgar Okiki Zinsou dans Le
discours d’un affamé63. Moudjib Djinadou, lui-même, ne traite pas de la
colonisation telle que le Bénin l’a historiquement connue.
Ce qui fait l’originalité de cette œuvre réside dans l’inversion des
rôles qui fait du roi d’Abomey le colonisateur et des Français les colonisés.
C’est ce qui amuse le lecteur et nourrit son intérêt à aller au bout du roman. Le
cinéaste Sylvestre Amoussou use du même procédé à propos de l’immigration
dans son film « Africa paradis »64 . Ce qui distingue fondamentalement Mais que
font donc les dieux de la neige  ? des autres romans du même courant se trouve
dans la fonction narrative conférée à l’espace.
Ici l’espace physique est un espace suggéré aux contours indéfinis
dont la seule caractéristique propre est la quasi-permanence de l’hiver, avec son
cortège de neige et de froid extrême. L’hiver avec sa froidure transforme en un
espace hostile la circonscription dirigée par Codjo et oblige les colons à
envisager sérieusement le retour dans leur pays d’origine. La construction de
l’espace ici se met au service de l’expression des idées que l’auteur veut faire
passer. Ainsi l’hiver est un véritable actant dont les effets obligent les Noirs à
mettre un terme à leur entreprise coloniale :

61
Ferdinand Oyono, Une vie de boy (Roman), Éditions Julliard, Paris, 1956, p. 50
62
Moudjib Djinadou, Mais que font donc les dieux de la neige? (Roman), Paris, L’Harmattan
(Encres noires), 1993, p. 11
63
Edgar Okiki Zinsou, Le discours d’un affamé (Roman), Cotonou, Editions ONEPI, 1995.
64
Dans son film « Africa paradis » réalisé en 2001, le cinéaste béninois Sylvestre Amoussou
représente l’Afrique comme une terre promise envahie par des hordes de clandestins Blancs .
26
Moudjib Djinadou et son œuvre

« Malgré lui, Champreux se surprit à sourire. De


toutes les nouvelles de la routine quotidienne que lui avait
rapportées Félix, le parjure de Marie-France, la quasi
reprise en main de la situation par les colons avec l’aide
de leurs valets locaux, celle-ci était réconfortante qui
venait mettre un peu de baume à son cœur marri  ; le
climat serait peut être plus fort que les Noirs et leur
mépris des gens de sa race ! »65

Lorsqu’on fait son analyse stylistique et structurelle, Mais que font


donc les dieux de la neige ? présente presque les mêmes caractéristiques que le
premier roman de Moudjib Djinadou. On retrouve une écriture classique,
respectueuse des normes syntaxiques. Néanmoins on peut noter quelques
oxymores assez frappants tels que « sombre blanc »66, « lumière noire »67. Au-
delà du caractère antithétique notoire des termes utilisés, il faut y voir
l’expression d’une certaine vision de la colonisation réelle. Il ne serait pas
exagéré de voir à travers l’expression «lumière noire » la dénonciation des
conséquences funestes de la colonisation occidentale subie par les sociétés
africaines. Au lieu que la colonisation apporte aux Africains une vraie lumière
qui rendrait meilleure leur perception du monde, on assiste plutôt à une
destruction des valeurs et autres repères traditionnels qui éclairaient
quotidiennement les Africains. Ainsi la lumière apportée par les colons était une
lumière obscurcissante.
Il faut aussi s’attarder sur un néologisme qui est d’importance dans le
contexte fictionnel de ce second roman. Il s’agit du mot « négromanie »68 forgé

65
Moudjib Djinadou, Mais que font donc les dieux de la neige? (Roman), Paris, L’Harmattan
(Encres noires), 1993, p. 116.
66
Op. cit. , p. 70.
67
Op. cit. , p. 85.
68
Op. cit. , p. 77.
27
Moudjib Djinadou et son œuvre

par l’auteur pour désigner cette attitude des Blancs à singer les Noirs
colonisateurs dans le moindre détail, jusqu’au reniement de leur propre identité.
Par tous ces procédés l’auteur innove et son œuvre est difficile à
classer dans les différentes catégories de roman connues jusque-là. À la fin du
roman, les Noirs prennent soin de se faire remplacer par ceux des « Blancs qui
assureraient la pérennité de l’œuvre entreprise au nom du seigneur
d’Abomey »69 et le néocolonialisme est installé. C’est dans son troisième roman,
Blédici, que Moudjib Djinadou travaille ce thème.

I-2-5- Blédici
Délé, de son vrai nom Bello Oladélé, est un étudiant béninois
poursuivant ses études en France à l’université d’Amiens. Dès le premier cours
il s’intègre à un groupe d’étudiants français dont l’animateur principal est
Renaud Le Garrec. Ce dernier sera, pendant son séjour en France, le meilleur
ami de Délé. En même temps que Renaud, il fait la connaissance d’Ysa Pasco,
« une brune piquante »70, qui tombe éperdument amoureuse de lui. Le nouveau
groupe d’amis évolue régulièrement dans leurs études sauf Renaud qui échoue
par deux fois à l’examen de licence. Il abandonne les études pour travailler dans
une usine pharmaceutique d’où il est bientôt licencié. Pendant ce temps, Délé
décroche son diplôme d’ingénieur. Mais deux handicaps l’empêchent de trouver
un emploi ou un simple stage : les trois millions de chômeurs que compte la
France et son statut d’étranger. Il décide de rentrer au Bénin. Personne dans la
communauté africaine d’Amiens ne comprend cette décision. Seul M. Doucy
comprend Délé et l’encourage dans son désir de rentrer :
« C’est une nouvelle ère, qui fera sans doute le plus
de bien à vos pays pauvres, car elle permettra que soit
faite la démonstration que la misère n’est pas moins
69
Op. cit. , p. 125.
70
Moudjib Djinadou, Blédici(Roman), Porto-Novo, chez l’auteur, 1996, p. 6.
28
Moudjib Djinadou et son œuvre

pénible ailleurs. […] Vous avez pris la meilleure décision


qui soit, M. Bello, celle du courage et de la volonté, celle
qui est recommandée par le refus d’abandonner son
honneur aux épines des fleurs. »71

Une fois revenu au Bénin, Délé prend contact avec l’Université


Nationale du Bénin à Abomey-Calavi où il obtient des heures de vacation
d’enseignement à la Faculté des Sciences et Techniques. Il est aussi reçu par le
chef de cabinet du ministère du développement rural qui lui apprend son
affectation au Département de la Recherche Agricole. Quelques mois après,
Délé est choisi pour conduire un projet expérimental de culture de blé au Bénin,
financé par la Banque Mondiale. Avec son équipe, il travaille avec enthousiasme
à la réussite du projet « Blédici ». Pourtant un matin, M. Adounon, son supérieur
hiérarchique, l’informe de ce que le ministère du développement rural lui retire
le projet pour le confier à « un professionnel de l’agronomie tropicale possédant
d’excellentes connaissances de la culture moderne des céréales »72.
À la grande surprise de Délé, l’expert venu le remplacer à la tête de
Blédici n’est personne d’autre que Renaud Le Garrec, son ami. Pendant deux
semaines, les deux amis sont tout à la joie de se retrouver. Délé lui fait découvrir
sa famille et son cercle d’intimes. Tout se gâte quand Renaud lui annonce qu’il
lui est demandé de produire un rapport établissant l’impossibilité de la culture de
blé en milieu tropical et de mettre un terme au projet :
« - Mais de quoi parles-tu Renaud?
Renaud semblait gêné aux entournures. Il détourne
le regard, fixant devant lui la route mal éclairée par les
réverbères dont personne n’avait songé à remplacer les
ampoules déficientes.
-Je n’en sais pas plus que toi, regrette t-il. J’ai
un contrat de deux mois. On m’a simplement fait savoir
71
Op. cit. , pp. 81-82.
72
Op. cit. , p. 135.
29
Moudjib Djinadou et son œuvre

que le projet Blédici aurait pris fin à ce moment  ; j’attends


les instructions  »73.
À Renaud, déchiré par la situation d’antagonisme qui l’oppose
désormais à Délé, le directeur français des Grands Blés du Bénin, société ayant
le monopole de l’importation du blé, explique que la suspension du projet
Blédici est « une preuve nouvelle de la ‟ bonne santé’’ des rapports séculaires
d’amitié et de coopération entre nos deux pays et nos deux peuples » et qu’en
échange de Blédici, trois ministres réceptionnent « deux hélicoptères Puma,
ainsi qu’une pleine cargaison d’automitrailleuses et d’équipements militaires »74.
Pour évacuer son sentiment de culpabilité envers Délé, Renaud envoie à la
Banque Mondiale deux rapports contradictoires.
Au-delà de la thèse néocolonialiste qui en est le fond, ce troisième
roman est aussi un roman social qui met l’accent sur les plaies qui handicapent
le développement des pays africains en général, du Bénin en particulier : la
corruption, la gabegie, la malversation.
Ce sont des thèmes récurrents déjà développés par les auteurs
constituants le courant de la littérature de « désenchantement » tel qu’Ahmadou
Kourouma (Les Soleils des indépendances)75, William Sassine (Saint Monsieur
Baly)76, Sony Labou Tansi (L’État honteux)77.
Les romanciers béninois de la jeune génération à l’instar de Barnabé
Laye (Mangalor)78, d’Edgar Okiki Zinsou (Les sanglots politiques)79 dénoncent
eux aussi les mêmes travers sociopolitiques. Dans la présentation qu’il fait des
Sanglots politiques, Maurice Nevis souligne bien l’existence de ces thèmes dans

73
Op. cit. , p. 155.
74
Op. cit. , p. 166.
75
Ahmadou Kourouma, Les Soleils des indépendances(Roman), Montréal, Presses de
l’Université, 1968.
76
William Sassine, Saint Monsieur Baly(Roman), Paris, Présence Africaine, 1973.
77
Sony Labou Tansi, L’État honteux(Roman), Paris, Editions du Seuil, 1981.
78
Barnabé Laye, Mangalor(Roman), Paris, Éditions Seghers, 1989.
79
Edgar Okiki Zinsou, Les Sanglots politiques(Roman), Cotonou, ONEPI, 1995.
30
Moudjib Djinadou et son œuvre

le roman d’Edgar Okiki Zinsou : « la gabegie, le désordre et la faillite au


sommet de l’État affament le peuple »80.
Cependant Moudjib Djinadou se démarque de tous ces écrivains.
Encore une fois, il surprend en fondant la trame de son ouvrage sur des relations
individuelles. Deux histoires d’amour, une amitié sincère née pour durer mais
perturbée par les aléas de la vie conduisent le lecteur inexorablement vers le
fond du roman.
Le ton ironique, parfois sarcastique, et la structure linéaire du récit qui
caractérisent Blédici, le rapprochent en plusieurs points des deux autres romans
de l’auteur surtout du premier, MO GBE : Le cri de mauvais augure. Certains
thèmes comme la polygamie, le lévirat et la dépigmentation, traités en filigrane
dans le premier ouvrage se retrouvent ici de la même façon.
En plus de tout ce qui précède, l’auteur semble faire dans Blédici, une
comparaison implicite entre les sociétés béninoise et française. On y lit une
opposition entre deux espaces géographiques, un « ici » et un « là-bas ». Quand
Délé décide de revenir au Bénin, personne dans la communauté des Africains
d’Amiens ne comprend ce qu’il va faire « là-bas » alors qu’une authentique
française le suppliait de rester « ici ». Au Bénin, c’est l’un de ces amis restés au
pays qui interroge Renaud : « pourquoi as-tu laissé Délé revenir ici ? demande
Bakary. Il aurait dû rester en France ; tout est plus facile là-bas»81.
Pour finir, il faut retenir que dans les ouvrages analysés, le narrateur
garde exactement le même statut mais avec une présence plus discrète dans les
deux derniers romans.
Cependant le genre romanesque n’est pas le seul genre que pratique
Moudjib Djinadou. Il est polyvalent. C’est par la nouvelle qu’il s’est fait
remarquer et parmi ses publications L’avocat de Vanessa en est une.

80
Maurice Nevis, Edgard Okiki Zinsou et son œuvre : Du contexte de publication à la
réception, mémoire de maîtrise (Lettres Modernes), Université d’Abomey-Calavi, Abomey-
Calavi, 2006, p. 24.
81
Moudjib Djinadou, Blédici(Roman), Porto-Novo, chez l’auteur, 1996, p. 153.
31
Moudjib Djinadou et son œuvre

I-2-2- L’avocat de Vanessa


Samory Bazin alias Sam est un avocat de droit commun à la cour de
Paris. Pour lui comptent deux choses : sa fille, Vanessa, âgée de quatorze ans et
son métier d’avocat qu’il exerce comme un sacerdoce. Il opte par « idéologie à
la défense tous azimuts »82. Et cette idéologie est vécue comme une religion :
« telle est ma religion : le crime et le délit sont des notions trop relatives pour
supplanter le pardon »83.
À cette conception idéaliste du métier d’avocat s’opposent celles du
procureur Forletti et d’Éric Vidaud, avocat d’affaires et associé de Sam Bazin.
Le procureur Forletti propose que l’on accorde à l’avocat et à tous les autres
professionnels de la justice leur rang d’homme capable de sentiments et de
préférences. Pour lui,
«  il existe des crimes si répugnants au point que
l’on a l’impression d’y participer rien qu’en assurant la
défense de l’auteur. […]Ce n’est pas un déni de justice de
n’avoir nulle envie d’assurer la défense de violeurs et
autres dépravés  »84.

Entre ces deux positions diamétralement opposées, Éric Vidaud


représente une alternative centriste qui, tout en accordant à la déontologie une
importance raisonnable, n’oublie pas de faire cas des considérations matérielles.
Il incarne un réalisme pratique qui ne veut pas s’embarrasser de grandes idées
morales. À Sam qui lui reproche les biais envisagés avec l’avocat de la partie
adverse pour sauvegarder ses honoraires dans une affaire perdue d’avance, il
répond :
«  Et pourquoi, pourquoi ne greffes-tu pas sur la
galaxie une planète où tu transporteras tes révolutions.
Tu n’auras plus à te souiller au contact des pauvres
82
Moudjib Djinadou, L’avocat de Vanessa (nouvelle), Paris, L’Harmattan (Encres noires),
1996, p. 9.
83
Op. cit. , p. 9.
84
Op. cit. , p. 64.
32
Moudjib Djinadou et son œuvre

intéressés et libidineux que nous avons le malheur d’être.


En ce qui me concerne, je n’ai nul besoin d’être un extra-
terrestre au milieu de mes semblables.»85

Cette prise de position conformiste et matérialiste d’Éric Vidaud


marque la rupture entre les deux associés qui ne sont plus sur la même longueur
d’idéal.
C’est dans ces conditions que Sam est réveillé une nuit à quatre heures
du matin par les services du substitut du Procureur de la République pour
assister un chauffeur arrêté pour viol et meurtre sur la personne d’une jeune
passagère. De retour dans son appartement au bout de deux heures après s’être
assuré que tous les droits de son client seront respectés, Sam apprend que sa fille
a été agressée par le chauffeur de taxi qui la ramenait à la maison. On l’attend à
l’hôpital pour une identification du corps. Ainsi Sam Bazin se retrouve être
l’avocat commis d’office du violeur-assassin de sa fille. Dans l’incapacité d’un
choix, c’est par un poème qu’il exprime sa douleur.
À travers ce poème qui clôt la nouvelle, on lit un désenchantement de
Sam Bazin qui semble regretter son combat pour le droit à la défense de tous les
criminels. Quand il affirme redescendre sur terre pour y purger sa peine, on se
demande s’il va tout de même assurer la défense du pervers qui a tué sa fille ou
s’il va se démettre de cette charge et se constituer partie civile pour que justice
lui soit rendue.
La nouvelle apparaît alors comme une réflexion philosophique sur le
nécessaire compromis qu’il faut faire entre les idéaux et les exigences
matérielles de la vie quotidienne.
Le thème qui sert de base à cette réflexion philosophique est le droit
universel de défense qu’il faut accorder à tout criminel sans considération de sa
dangerosité. Ce droit fait partie des droits fondamentaux et inaliénables

85
Op. cit. , p. 70.
33
Moudjib Djinadou et son œuvre

reconnus par la Déclaration universelle des Droits de l’homme et de la personne


humaine des Nations Unies.
La défense des droits fondamentaux de l’homme est l’un des thèmes
les plus développés dans la littérature négro-africaine. En effet des auteurs
comme Alioum Fantouré, Sony Labou Tansi, pour ne citer que ceux-là, ont tous
dénoncé la confiscation de ces droits par des régimes dictatoriaux.
Edgar Okiki Zinsou, dans son Discours d’un affamé, milite aussi pour
la défense des droits de l’homme. Il y attaque le régime inique de l’apartheid qui
était alors en cours en Afrique du Sud.
Ce qui fait l’originalité de la nouvelle est qu’elle focalise l’attention
sur un aspect peu connu des droits de l’homme, le droit à la défense quel que
soit le statut social du prévenu. Ce qui en fait le charme est que Moudjib
Djinadou surprend par les personnages, les lieux et les mœurs décrits. Ils font
presque oublier qu’il s’agit d’une œuvre d’auteur négro-africain.
C’est dans la littérature française qu’on peut retrouver des œuvres
littéraires dont les contenus idéologiques se rapprochent de celui de la présente
nouvelle.
Deux auteurs retiennent particulièrement l’attention car en plus de
faire des avocats et juges les personnages principaux de leurs œuvres, ils sont
eux-mêmes des avocats qui pratiquent l’écriture comme un jeu leur permettant
de se mettre en scène. Il s’agit de Phillip Margolin et du célèbre Jacques
Vergès86.
Phillip Margolin est un avocat d’assise. Il est l’auteur d’une dizaine de
polars. Sa dernière publication est intitulée Le cadavre du lac
86
Jacques Vergès est un avocat français né d'un père réunionnais et d'une mère
vietnamienne le 5 mars 1925 à Ubon Ratchathani au Siam(actuelle Thaïlande). Il est célèbre
pour ses convictions anticolonialistes, pour son passé d'ancien résistant, et pour avoir
défendu des personnes ayant commis des crimes particulièrement graves, telle qu'un auteur
de crimes contre l'humanité, Klaus Barbie lors de son procès à Lyon en 1987, Moussa Traoré,
ancien président malien, trois chefs d'États africains (Omar Bongo, Idriss Déby, Denis Sassou-
Nguesso), qui avaient porté plainte pour offense contre le journaliste François-Xavier
Verschave en 2000.
34
Moudjib Djinadou et son œuvre

Jacques Vergès est devenu auteur dramatique tout récemment. Il vient


juste d’écrire une pièce de théâtre sur sa propre vie d’avocat et dont il est le seul
acteur. Pour lui « défendre est une manière de vivre, un procès est un drame en
train de s’accomplir ».
La pièce intitulée Serial plaideur, née de la dramatisation de la vie
professionnelle de Jacques Vergès par lui-même, a connu sa première
représentation au Théâtre De La Madeleine à Paris le 02 octobre 2009. Nous
donnons ici un extrait de l’avis du critique d’art Julien Barret après la première
représentation de ce drame autobiographique :
«  Personnage aussi célèbre que controversé,
Jacques Vergès monte pour la première fois sur scène et se
livre à un soliloque didactique sans grande mise en scène.
Après avoir dessiné une analogie entre l’œuvre littéraire
et ce qu’il appelle ‟ l’œuvre judiciaire”, le ténor des
barreaux revient sur la naissance de sa ‟stratégie de
rupture”. Le spectacle semble alors décoller mais Vergès
enchaîne sur une série d’anecdotes liées à sa vie d’avocat,
sans qu’on goûte aux frissons de ses plaidoiries. Il y a là,
certes, une profession pour le droit de chaque homme à
être défendu, fût-il un criminel, mais elle emprunte une
pompe un peu figée, finalement assez dénuée d’éloquence.
Reste l’impression d’avoir pénétré le bureau de Vergès en
sa présence, ce qui peut valoir le détour…  »  87

De par sa profession de foi, une similitude se note entre Sam Bazin et


Jacques Vergès. Vu la renommée de ce dernier, on peut soupçonner Moudjib
Djinadou de s’être inspiré de sa personne.
D’un point de vue structurel, L’avocat de Vanessa rompt avec la
linéarité qui caractérise les récits de l’auteur. Compte tenu des exigences mêmes
du genre, la nouvelle évolue par bonds et oppose implicitement le monde idéel
et idéal pour lequel milite le narrateur au monde réel dans lequel il vit.

87
Vu sur internet, sur le site www. Premiere.fr
35
Moudjib Djinadou et son œuvre

Mise à part le fait que la nouvelle constitue un véritable répertoire du


jargon juridique, on retrouve ici encore l’ironie et la fatalité qui parcourent
l’ensemble des œuvres étudiées.

À la fin de l’exploration de sa vie et de la présentation de ses écrits, il


apparaît que le commerce assidu avec les œuvres littéraires va marquer la
scolarité de Moudjib Djinadou avant de le conduire à l’écriture. Il pratique cette
activité avec beaucoup de talent. Ainsi, on a pu voir qu’il est un écrivain à
facettes multiples qui aborde avec bonheur et facilité le roman et la nouvelle.
Dans une écriture classique teintée de sarcasme, il développe des
thèmes novateurs qui contribuent au renouvellement thématique de la littérature
béninoise et, à travers Mais que font donc les dieux de la neige ? par exemple,
des thèmes anciens par des procédés particuliers qui obligent à revoir la
typologie du roman.
Ses ouvrages présentent non pas des espaces fictifs mais des espaces réels,
reconnaissables où évoluent des personnages dont les descriptions sont
saisissantes de vérité. Ils s’inscrivent et décrivent donc des contextes
socioculturels donnés dont l’étude fera l’objet du second chapitre intitulé le
contexte socioculturel et politique de l’œuvre de Moudjib Djinadou.

36
Moudjib Djinadou et son œuvre

Chapitre II :
Le contexte socioculturel et politique de l’œuvre de
Moudjib Djinadou

37
Moudjib Djinadou et son œuvre

Fruit d’une époque et d’une culture, l’écrivain se nourrit des


bouleversements, des questionnements, des errements émanant de la société où
il vit. On ne saurait connaître réellement un auteur sans tenir compte du contexte
socioculturel qui a servi de cadre à la création et la publication de ses œuvres.
Moudjib Djinadou a publié toutes ses œuvres entre 1991 et 1996. Il
puise ses inspirations dans la société béninoise et dans la société française. Il
exploite des faits socioculturels aussi bien historiques que contemporains. Ce
chapitre va essayer de déterminer les rapports qui existent entre les œuvres et
ledit contexte.

II-1- Le contexte socioculturel et politique

Sur le plan international, la décennie qui commence avec 1991 est une
décennie de mutation et de bouleversement pour beaucoup de pays. En effet on
assiste à l’effritement du bloc socialiste. Les anciens pays communistes et
satellites de l’U.R.S.S. connaissent des mouvements sociaux de grande ampleur
qui, dans la plupart des cas, ont abouti à un changement de régime. Malgré la
Pérestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, l’U.R.S.S. n’échappe pas à ce vent de
démocratisation.
Désormais nous passons d’un monde bipolaire, avec deux camps
rivaux et aux différences bien tranchées, à un monde unipolaire dominé par les
États-Unis d’Amérique.
L’Afrique n’est pas épargnée. Des vagues de contestations ébranlent
les régimes dictatoriaux en place dans la plupart des pays africains. Le Bénin
ouvre le bal des conférences nationales. Les travaux de la conférence nationale
des forces vives durent dix jours au bout desquels une véritable révolution
pacifique s’opère et le Bénin passe d’une dictature militaro-marxiste à un régime
démocratique sans effusion de sang. Cet exploit redonne confiance aux Béninois

38
Moudjib Djinadou et son œuvre

qui donnent congé au général Mathieu Kérékou lors des élections pluralistes qui
ont suivi la conférence nationale, après un an de transition.
Très tôt, les populations déchantent par rapport aux espoirs soulevés
par les changements de régime et nous assistons à une sorte de retour en arrière
ou de renversement de tendance. En effet les changements de régime ont vu
dans la plupart des cas, l’arrivée au pouvoir de technocrates dont la mission
principale était de remettre à flot des économies décadentes et restaurer l’ordre
étatique. Les mesures drastiques prises dans ce sens sont mal appréciées par les
populations qui, en l’absence de toute mesure sociale, ne savent plus où donner
de la tête. Cette situation profite à quelques anciens dinosaures de la vie
publique qui voient leur popularité augmentée. C’est le cas de Mathieu Kérékou
qui revient démocratiquement au pouvoir face à Nicéphore Soglo en 1996.
D’autres chefs d’État, par contre, se sont révélés être de véritables
baobabs inamovibles et imperturbables par les différents remous politiques
agitant leurs pays. Il s’agit notamment de Gnassingbé Eyadéma au Togo, de
Paul Biya au Cameroun, d’Omar Bongo au Gabon, de Robert Mugabé au
Zimbabwé pour ne citer que ceux-là.

La France des années 1990, même si elle ne subit pas de profonds


bouleversements sociaux, connaît quelques changements sur le plan politique.
En effet la gauche, au pouvoir depuis 1981 avec l’élection de François
Mitterrand, semble affaiblie par l’effondrement du bloc socialiste de l’Europe de
l’Est et la fin de règne toute proche de son leader emblématique. En 1995,
l’élection de Jacques Chirac face à Lionel Jospin marque le retour au pouvoir de
la droite.
Sur le plan socio-économique, la France est caractérisée par une
augmentation quasi quotidienne du nombre de chômeurs qui dépasse le chiffre
de 3.000.000 pour la première fois en juillet 1989. Et bien que la France ne soit

39
Moudjib Djinadou et son œuvre

pas dans une période de récession économique, la croissance économique peine


à aller au-delà des 2% par an.
Comme tous les autres pays d’Europe, la France renforce alors ses lois
sur l’immigration et le séjour en France. Pour beaucoup d’Africains, obtenir des
titres de séjour officiels devient un véritable parcours du combattant. Et pourtant
l’Europe et en particulier la France reste, pour beaucoup de jeunes africains,
l’unique porte de salut pour s’extirper de la misère ambiante des jeunes
démocraties africaines ; situation de misère dont la littérature africaine reste
largement imprégnée.

II- 2-Rapports entre l’œuvre et le contexte socioculturel et politique

L’étude du contexte de publication d’une œuvre ne se justifie que par


l’établissement de liens entre l’œuvre étudiée et ledit contexte. En ce qui
concerne Moudjib Djinadou, nombreuses sont les correspondances que l’on peut
établir entre ses différents ouvrages et leur contexte de publication.
Les tous premiers rapports qui peuvent s’établir entre un roman et son
contexte de publication sont l’ensemble des traits qui rendent compte d’une
région, d’une société et d’une époque, la couleur locale. À ce paramètre
s’ajoutent les situations sociopolitiques peintes par l’auteur.

II-2-1- La couleur locale 

II-2-1-1- Définition et critères de reconnaissance

La ‟couleur locale” est à l’origine une expression spécifique de la


peinture. Elle traduisait la fidélité du peintre aux couleurs naturelles du milieu
ou du sujet peint. Elle va évoluer avec le temps pour, au-delà de la simple
40
Moudjib Djinadou et son œuvre

fidélité aux couleurs naturelles, désigner tous les éléments graphiques qui
permettront de reconnaître les personnages, les lieux ou les thèmes peints.
Très tôt l’expression ‟couleur locale” est associée à la création
littéraire pour rendre compte de tous les éléments linguistiques, culturels,
géographiques, historiques et sociaux qui permettent d’identifier le milieu réel
dans lequel évolue la fiction littéraire. 
Ainsi la notion de ‟couleur locale” renvoie d’abord à un espace
géographique identifiable, ensuite à un ensemble de mœurs et coutumes qui
prennent place dans le cadre géographique, enfin à des personnages qui
renseignent sur les principaux types sociaux rencontrés dans le milieu décrit 88.
Ici, nous allons nous appesantir sur les faits et les types sociaux relevés dans les
publications de Moudjib Djinadou.

II-2-1-2- Les faits et les types sociaux au Bénin

Dans MO GBE Le cri de mauvais augure et Blédici la société béninoise


est représentée essentiellement par la communauté des Yoruba musulmans de
Porto-Novo dont la caractéristique première est l’attachement à l’argent :
« C’est bien là valeur suprême qui sublime l’individu. À Porto-Novo, il
est presque incongru de dire : tel est sympathique, tel autre est laid ou
querelleur, ou intelligent. Non, il faut raisonner en termes économiques, c’est-à-
dire tel est riche, tel est pauvre ou encore : « il est si riche qu’il peut… » et de
citer un fait que le commun des mortels n’est pas en mesure de réaliser pour
montrer à quel point l’homme dont on parle est fortuné »89.

88
Le rapport entre la couleur locale et la littérature a été largement illustré par S. Michel
CAKPO, avec son mémoire, La couleur locale dans Doguicimi de Paul Hazoumè.
89
Moudjib Djinadou, MO GBE : Le cri de mauvais augure(Roman), Paris, L’Harmattan (Encres
noires), 1991, p. 18.
41
Moudjib Djinadou et son œuvre

Et pour posséder cette « valeur suprême » c’est-à-dire l’argent, les jeunes


yoruba musulmans de Porto-Novo s’adonnent à toutes les activités imaginables,
et même les plus douteuses ou ont recours à des moyens peu orthodoxes.
Parmi les autres faits qui caractérisent les Yoruba musulmans, la
polygamie vient en tête et, sans être un thème explicite, elle est récurrente aussi
bien dans MO GBE Le cri de mauvais augure, que dans Blédici. Avec Mais que
font donc les dieux de la neige ? la polygamie est présentée comme une valeur
distinctive des Noirs en général.
C’est surtout à travers les personnages qui représentent des types sociaux
qu’on peut saisir véritablement les sociétés décrites dans les œuvres étudiées.
Leur présentation se fera, dans la mesure du possible, par des catégories
construites autour des valeurs qui les guident ou des traits qui les caractérisent.
On peut donc distinguer :
 Les types sociaux guidés par l’argent
Le type social le plus emblématique de la communauté yoruba
musulmane de Porto-Novo est celui représenté par Aladji. Dans son premier
roman, l’auteur ne prend pas la peine de particulariser ce type en lui attribuant
une dénomination propre. Il transforme le type social en personnage dans une
construction allégorique où un aladji devient « Aladji » avec des traits
empruntés à plusieurs autres aladjis. Le premier signe distinctif de ce type social
est l’immense richesse. En effet un aladji « se reconnaît par la consistance de
son parc automobile, le nombre d’immeubles qui lui appartiennent à travers le
pays, le nombre de femmes et surtout de maîtresses »90.
Un autre signe distinctif est l’origine toujours mystérieuse de la
fabuleuse fortune qui colle aux aladjis :
« Dans la bouche de certains, l’homme aurait volé
un enfant qu’il avait délesté de son cœur et de ses
testicules qu’il avait remis à un sorcier. Et des oreilles
attentivement indiscrètes l’avaient parfois entendu
90
Op. cit. , p. 16.
42
Moudjib Djinadou et son œuvre

prononcer le nom de l’enfant au milieu d’incantations


magiques, et alors on entendait le tintement de pièces
d’argent : la réponse depuis l’au-delà de l’enfant sacrifié
qui devait faire tomber des pièces une fois tous les ans
jusqu’à ce qu’on ait atteint sa valeur en argent  »91.

L’« Aladji Dollars » de Blédici renvoie au même type social et son


surnom renseigne sur l’immensité de sa richesse.
Autour des aladjis fortunés gravitent plusieurs autres types sociaux
comme celui représenté par Mogbé qui veut briller comme Aladji, « Aladji pour
qui il avait une admiration sans borne, Aladji qui avait été son modèle, auquel il
voulait ressembler à n’importe quel prix »92. Il s’agit du jeune yoruba, fainéant,
démesurément ambitieux, vaniteux, naïf et manipulable. Beau-Gars est un autre
exemple du même genre social. Il se fait nourrir à l’œil en donnant son sang et
se fait appeler « D.S.B. professionnel »93 c’est-à-dire donneur de sang bénévole
professionnel.
Dans Blédici, c’est sous une forme évoquée qu’on retrouve ce type
social. Délé, de retour de la France, veut avoir des nouvelles de ses différents
camarades qu’il a laissés au pays ; Sèm lui apprend que « Salifou, Casanova
devant l’éternel, est en train de purger une peine de prison de deux ans aux
États-Unis pour avoir essayé d’y introduire trois centigrammes de cocaïne »94.
L’homologue féminin de Mogbé, Beau-Gars et Salifou est donné à
travers le personnage de Bariki. Elle est l’image de la courtisane yoruba. De
famille très modeste, elle va utiliser ses avantages physiques pour combler son
déficit matériel et pécuniaire. C’est ainsi qu’elle arrive à avoir Aladji dans son
escarcelle :
« […] Elle tenait l’occasion de se débarrasser du
prétendant gênant et sans le sou tout en se mariant, ce qui
91
Op. cit. , p. 18.
92
Op. cit. , p. 90.
93
Op. cit. , p. 99.
94
Moudjib Djinadou, Blédici(Roman), Porto-Novo, chez l’auteur, 1996, p. 98.
43
Moudjib Djinadou et son œuvre

correspondait aux vœux de ses parents et en faisant un


riche mariage, ce qui correspondait à ses propres
desseins  ; plus que jamais elle pourrait porter de beaux
vêtements, avec en prime le plaisir de circuler en
automobile, habiter une somptueuse demeure, dépenser
sans compter, donner des ordres.»95

Mais comme on ne peut jamais tout avoir, Bariki constate très tôt
après son mariage qu’« Aladji était fort loin de posséder au lit le dynamisme
dont elle rêvait chez un homme »96. Sans scrupule, elle prit un amant pour y
remédier.
Par le personnage de Faïssa, l’auteur persiste et montre que la seule
valeur qui compte pour le yoruba, c’est l’argent qui par son pouvoir efface tout
handicap physique ou moral. Consciente de sa laideur, Faïssa n’a d’autre
argument de séduction que le bon contenu de son porte-monnaie. Aussi n’est-
elle pas surprise et personne autour d’elle, qu’un charmant garçon comme
Mogbé la choisisse comme fiancée. En effet, « elle possède l’atout majeur, la
carte qui gagne : elle est riche, ses parents le sont également, et l’heureux élu de
son cœur est automatiquement et définitivement à l’abri du besoin »97. Et quand
finalement, elle décide de quitter son volage de fiancé, c’est sans grand regret
car « elle savait que plus d’un jeune serait ravi de la prendre pour épouse en
raison de ses arguments sonnants et trébuchants »98.
Un autre type social caractéristique de la communauté yoruba
musulmane et fortement lié à l’argent est celui du musicien-griot. C’est un type
incontournable dans une société amatrice de soirées mondaines qui sont des

95
Moudjib Djinadou, MO GBE : Le cri de mauvais augure(Roman), Paris, L’Harmattan (Encres
noires), 1991, p. 22.
96
Op. cit. , p. 34.
97
Op. cit. , p. 38.
98
Op. cit. , p. 45.
44
Moudjib Djinadou et son œuvre

occasions pour « les nantis de faire la parade en déposant sur le front des
musiciens et des danseurs des billets de banque à n’en pas finir ; c’est à qui aura
dépensé le plus d’argent, fait le plus de dons» 99. Et de ce fait, le musicien-griot
n’a d’autres chansons à proposer à l’assistance que des louanges destinées aux
généreux donateurs. Dans MO GBE : Le cri de mauvais augure, le type est
seulement mentionné. On en voit une présence physique dans Blédici à travers
le personnage de Falilou :
« S’il avait troqué les tam-tams en peau de vache
contre une boîte à rythme et des percussions, Falilou avait
pris grand soin de ne rien modifier de l’art suprême de
flatter et caresser, chanter aussi haut que possible les
louanges d’individus qu’il ne connaissait ni d’Ève ni
d’Adam, […], aussi longtemps que sur son front humide de
sueur et de concentration pleuvaient les billets de
banque»100.

Si Falilou représente l’aspect festif de la société qui l’a engendré, il est


souvent associé à un autre type tout aussi incontournable qui relève du
mysticisme. Il s’agit du type social symbolisé par le féticheur Tchinkoumè.
Dans une société où chacun soupçonne son voisin d’être jaloux de sa chance, de
sa bonne santé ou de sa richesse, il est courant de s’attacher les services d’un
féticheur réputé efficace pour se protéger contre le mauvais œil, le voisin
envieux, l’ennemi à l’affût. Et c’est ce rôle de protecteur que joue Tchinkoumè
auprès d’Aladji qui le présente en ces termes :
« Il est chargé de me protéger contre les ennemis et
les jaloux. Et il y réussit bien…Tu vois bien qu’aucun d’eux
n’a jamais réussi à m’atteindre et pourtant Dieu sait qu’ils
s’acharnent contre moi ! Mais ils n’arriveront jamais à
rien, car j’ai dieu…Dieu et mon brave Tchinkoumè »101.

99
Op. cit. , p. 17.
100
Moudjib Djinadou, Blédici(Roman), Porto-Novo, chez l’auteur, 1996, p. 122.
101
Moudjib Djinadou, MO GBE : Le cri de mauvais augure(Roman), Paris, L’Harmattan (Encres
noires), 1991, p. 73.
45
Moudjib Djinadou et son œuvre

Aladji, comme la plupart de ses semblables, préfère associer à la


protection divine abstraite celle plus concrète de Tchinkoumè.
 En dehors des types sociaux précédents qui ont en commun d’accorder
beaucoup d’importance à l’argent, d’autres catégories rendent compte de la
communauté yoruba.
 Les types sociaux relatifs à la cellule familiale :
Délé, personnage principal de Blédici, représente le type social à l’opposé
de celui de Mogbé. En effet, il est l’image du jeune yoruba travailleur et
déterminé à réussir seulement à la sueur de son front. Il est aussi l’image du fils
très influencé par sa mère.
Délé est la propriété commune d’Aladja Amina et ses sœurs qui sont
décrites comme des « femmes maîtresses, grandes gueules et grand cœur »102.
Elles symbolisent le type même de la mère yoruba qui croit qu’elle a un droit de
regard sur tout ce qui touche sa progéniture surtout lorsqu’il s’agit de mariage.
À la mort de son père, deux oncles paternels de Délé se disputent le droit
de lévirat sur Aladja Amina. À travers ces deux personnages l’auteur veut
dénoncer le comportement de certains yoruba et au-delà, de certains Africains
qui, des coutumes ancestrales, ne retiennent que ce qui les avantage.
À l’opposé des oncles paternels de Délé, Alfa, son oncle maternel apparaît
comme la représentation du sage yoruba qui sait faire la part des choses et pose
sur le monde un regard plein de lucidité.
Dans presque toutes les familles yoruba, il y a toujours un « vidomègon »,
généralement de sexe féminin, qui sert de bonne à tout faire. C’est le rôle que
remplit la petite Sèwa, insultée et terrorisée pour ne pas avoir apporté en temps
voulu un chapelet, auprès d’Aladja Amina.
En plus des types sociaux spécifiques à la communauté yoruba
musulmane, d’autres types caractéristiques de la société béninoise sont présents
dans l’œuvre de Moudjib Djinadou. Il s’agit des personnages suivants :
102
Moudjib Djinadou, Blédici(Roman), Port-Novo, chez l’auteur, 1996, p. 94.
46
Moudjib Djinadou et son œuvre

-M. Adounon, chef hiérarchique de Délé. Il représente le fonctionnaire fataliste


qui se laisse piétiner sans rechigner, se considérant comme « un simple pion aux
mains des chefs »103.
-Zogbogbo, seul athlète béninois à avoir jamais fait un podium africain. Devenu
sélectionneur national, il passe par des moyens détournés pour empêcher
l’émergence de jeunes valeurs capables de battre son record. C’est le type de
béninois jaloux des performances d’autrui. Son comportement est une
illustration de la ‟béninoiserie” tant décriée.
-MM. Servier et Philippe Cousin. Ce sont des Blancs capitalistes, en
particulier des Français, qui viennent en Afrique pour faire des profits colossaux
quitte à tuer les Africains. Ils ont généralement à leurs bottes les plus hautes
autorités du pays où ils s’installent.

II-2-1-3- Les faits et les types sociaux en France

Comme dans toute société blanche, la société française, au contact des


Noirs, secrète du racisme, mais un racisme subtil que dénonce l’auteur à travers
les personnages suivants :
-Félix, prisonnier blanc condamné à perpétuité, dans MO GBE : Le cri de
mauvais augure, ne fait pas la différence entre un Noir et un animal : « je vais te
dire une chose, mon p’tit gars, une seule : pour moi, les négros, c’est comme les
chevaux ; je n’arrive jamais à savoir quand ils sont malades» 104. À Félix, il faut
associer les autres prisonniers blancs, les gardiens qui retirent à Mogbé et à
Beau-Gars les vêtements adéquats pour se protéger contre le froid, le corps
médical de la prison qui laisse mourir Beau-Gars sur un brancard au milieu de
l’infirmerie sans aucun soin.
Op. cit. , p. 158.
103

Moudjib DJINADOU, MO GBE : Le cri de mauvais augure(Roman), Paris, L’Harmattan


104

(Encres noires), 1991, p. 110.


47
Moudjib Djinadou et son œuvre

-Debbie, la meilleure amie d’Ysa, se brouille avec sa copine parce qu’elle s’est
choisie un petit ami africain. Elle change de trottoir chaque fois qu’elle doit
croiser Délé.
-Une dame décrite comme suit :
« Une dame, la cinquantaine chic, les cheveux strictement tirés en arrière
vers un chignon sévère, et l’air un rien hautain, monte et préfère ostensiblement
rester debout plutôt que d’occuper l’une des deux places vacantes.
Heureusement, l’Antillais descend, et elle daigne s’installer »105.
Cependant on découvre des personnages qui font preuve d’humanisme et
d’une bonté de cœur très touchant. C’est le cas de :
-M.Placide, gardien de la prison où sont enfermés Mogbé et Beau-Gars, il
n’hésite pas à mettre en jeu sa sécurité professionnelle pour venir en aide à deux
prisonniers noirs. C’ « était un homme bon et tout son être se révoltait à la seule
pensée que tout près de lui un autre homme souffrait dans l’indifférence et le
mépris des autres »106.
- Hope qui s’est retrouvé en prison pour avoir caché un couple voleur d’un
nourrisson. Quand Mogbé le rejoint au cachot, qui est une prison à l’intérieur de
la prison, il y est déjà depuis cinq mois pour « avoir bousculé un gardien qui
maltraitait un détenu »107.
En plus de ceux précédemment cités, l’auteur fait découvrir d’autres
types sociaux sympathiques de la France à travers :
-M. Doucy, professeur de physique en fin de carrière, qui accueille les étudiants
avec la formule « bienvenus chez Tartuffe »108. Il regrette d’avoir quitté sa
Savoie natale « pour parcourir le monde et faire le plein de désillusions »109.

105
Moudjib DJINADOU, Blédici(Roman), Porto-Novo, chez l’auteur, 1996, p. 44.
106
Moudjib DJINADOU, MO GBE : Le cri de mauvais augure(Roman), Paris, L’Harmattan
(Encres noires), 1991, p. 112.
107
Op. cit. , p. 128.
108
DJINADOU (Moudjib), Blédici(Roman), Porto-Novo, chez l’auteur, 1996, p49.
109
Op. cit. , p. 50.
48
Moudjib Djinadou et son œuvre

C’est donc un désillusionné qui s’est forgé une idéologie personnelle, le


« doucysme »110.
-Renaud Le Garrec représentant le type de français insouciant qui s’applique
seulement à avoir le maximum de plaisir dans la vie. Il dut abandonner ses
études supérieures par son manque de sérieux et de rigueur. Il symbolise le type
de français raté et chômeur envoyé en Afrique sous le couvert de la coopération
pour permettre à la France de régler à la fois un problème social mais aussi et
surtout un problème économique.
-Le couple Le Garrec. Ce sont les parents de Renaud qui font preuve d’une
grande hospitalité en acceptant d’héberger Délé le temps que son école
d’ingénieur résolve son problème de logement. Leur hospitalité ne diffère pas
fondamentalement de celle qu’on pratique en Afrique.
-Mme Saubin, c’est la mère d’un collégien pour lequel Délé fait office de
répétiteur en mathématique et en physique. Elle est l’image de l’Européen qui,
ayant été en Afrique, a un comportement sympathique envers le Noir.
Terre d’accueil pour les immigrants de plusieurs pays, la France abrite
de nombreux ressortissants africains qui sont devenus les Africains de France.
Ils constituent une communauté à part, menant une vie de greffon par rapport au
reste de la population française. Cette communauté essaie de transplanter en
France une partie des us et coutumes africains :
« Ceux qui le désiraient allaient se sustenter dans
l’immense salle aménagée à cet effet où des cuisinières
africaines font cuire pour la vente divers mets ‟du pays”,
comme chacun se plaît à dire. Aucun doute possible  : en
ces lieux, on était plus tout à fait en France  »111.

II-2-2- Les situations sociopolitiques peintes par Moudjib Djinadou

110
Op. cit. , p. 51.
111
Op. cit. , p. 25.
49
Moudjib Djinadou et son œuvre

Les situations sociopolitiques qui ont servi de trame aux écrits de Moudjib
Djinadou se rapportent au Bénin des années 1980, à l’histoire de la colonisation
et au système de la Françafrique.

II-2-2-1- Le Bénin des années 1980 :


MO GBE Le cri de mauvais augure, renvoie au Bénin des années
1980, plus précisément, à la République Populaire du Bénin dans ses dernières
années. En effet, à partir de 1980, la révolution marxiste-léniniste qui a cours
depuis 1975, amorce un déclin économique ; les finances de l’État sont au rouge
et les fonctionnaires sont de plus en plus mal payés ou pas du tout. C’est à cette
époque que dans les villes proches du Nigéria la contrebande prend de
l’ampleur. Pour certains fonctionnaires, loin d’être répréhensible, c’est une
activité d’appoint et une activité à plein temps pour d’autres personnes qui ne
connaissent et ne pratiquent que cette forme de commerce appelé ‟fayawo” :
« Car c’est à Lagos que tous les matins, de bonne
heure, partent les contrebandiers avec leurs chargements
astucieusement camouflés à l’intérieur des voitures
bourrées à craquer. Bien entendu, on évite soigneusement
les postes de douane en passant par la brousse. Et c’est là
tout l’intérêt du fayawo, la contrebande  : car s’il fallait
dédouaner ces marchandises, il n’y aurait plus bien sûr
aucun bénéfice, ou si peu. Alors qu’en s’abstenant de le
faire, on devient millionnaire en quelques voyages
seulement»112.

C’est pour pratiquer le ‟fayawo” qui procure donc d’énormes profits


que Mogbé est allé solliciter l’aide d’Aladji.
C’est à la même période que la Peugeot 504 et la Volkswagen
coccinelle – voiture offerte à Mogbé par Faïssa – sont devenues des voitures à la
mode. Assemblées et montées au Nigéria, leur coût était concurrentiel par

Moudjib Djinadou, MO GBE : Le cri de mauvais augure(Roman), Paris, L’Harmattan (Encres


112

noires), 1991, p. 53.


50
Moudjib Djinadou et son œuvre

rapport aux voitures proposées par les concessionnaires de la place. Et pourtant,


il était courant à Porto-Novo, de se les procurer presque pour rien à travers le
système de ‟soolè” : des voitures volées au Nigéria et revendues
clandestinement au Bénin. Pour Mogbé, c’était une manière naturelle d’acquérir
une voiture :
«  Son plus cher désir était d’acheter une 504
Peugeot, une belle 504 toute blanche, plus blanche encore
que l’ancienne automobile, plus belle aussi  ; il connaissait
des amis qui revendaient des automobiles volées au
Nigeria, presque neuves. »113

II-2-2-2- L’histoire coloniale revisitée :


Mais que font donc les dieux de la neige ? est une analyse ironique des
conséquences malheureuses de la colonisation sur les sociétés africaines qui met
en exergue aussi la responsabilité des Africains eux-mêmes. Car au lieu de se
battre farouchement pour la sauvegarde de leurs identités culturelles, les
Africains se sont empressés de singer l’Occident.
Les Africains en étaient
« venus à dénigrer leur passé, à trancher les liens
qui les attachaient à leur culture, à minimiser leur
littérature, leur art, et leur science, à railler comme
rétrograde, myope ou réactionnaire chaque acte accompli
pour les exalter, ou même rappeler leur existence  »114.

Dans beaucoup de pays africains, en particulier au Bénin, les


autochtones ont francisé leur nom et beaucoup d’enfants nés sous la colonisation
ont eu pour prénom les noms français célèbres tels que Zola, de Gaule, Attali.
Les prénoms traditionnels sont délaissés pour ceux chrétiens si ce ne sont pas
des prénoms musulmans.

Op. cit. , p. 66.


113

Claude Hagège, Combat pour le français. Au nom de la diversité des langues et des
114

cultures(Essai), Paris, Éditions Odile Jacob, 2006, p. 22.


51
Moudjib Djinadou et son œuvre

Le mimétisme a atteint tous les aspects de la vie et l’aliénation


culturelle est si profonde qu’il ne suffit plus d’avoir un nom de Blanc, porter des
vêtements de Blanc mais il faut à tout prix devenir Blanc. C’est le phénomène
de la dépigmentation qui se répand de plus en plus. En effet, il existe une
industrie, chaque jour plus florissante que la veille, qui propose des produits
cosmétiques ayant la vertu de vous rendre plus clair que nature.
Ce détachement de la culture originelle s’exprime dans le roman par la
transformation des patronymes. Ainsi Durand s’africanise et devient « Doulan »,
Stéphane est transformé en « Séfa »115, pour ne citer que ces exemples-là.
Le ridicule du phénomène de dépigmentation est souligné à travers
des jeunes filles blanches en mal de noirceur qui se font passer de la poudre de
charbon de bois sur le visage :
« C’est comme je te le dis, je t’explique  : d’abord, elle
s’est fait tresser les cheveux en nattes fines après les avoir
fait teindre en noir, c’est joli. Et tout son visage et son cou
sont à présent foncés, mais foncés… C’est grâce à une
poudre de charbon de bois que vend sa patronne. Ce ne
sont pas les poudres inconsistantes que nous passons sur
le visage pour l’assombrir et qui s  évaporent en un rien de
temps, non, il s’agit d’une bonne poudre qui adhère et
laisse la peau foncée un bon moment.  »116

II-2-2-3- La dénonciation de la « Françafrique »


La fin de la colonisation et l’octroi de l’indépendance aux pays
africains n’ont pas marqué la fin de la domination occidentale qui s’est faite
insidieuse et plus ravageuse que jamais. C’est le néocolonialisme qui renvoie à
l’ensemble des méthodes et stratégies mises en œuvre pour asseoir et consolider

115
DJINADOU (Moudjib), Mais que font donc les dieux de la neige? (Roman), Paris,
L’Harmattan (Encres noires), 1993, p9.
116
Op. cit. , p. 84.
52
Moudjib Djinadou et son œuvre

la domination des anciennes métropoles européennes sur leurs anciennes


colonies d’Afrique avec la bienveillante complicité des présidents inamovibles.
C’est ce que dénonce Moudjib Djinadou justement dans Blédici. La dissolution
du projet de production de blé localement est un exemple palpable et concret des
manifestations du néocolonialisme français.
Cette complicité coupable et suicidaire entre les dirigeants africains et
ceux de la France est désormais désignée par l’expression « la françafrique »117 à
partir de la publication d’un ouvrage de même titre par l’essayiste français
François-Xavier Verschave, ouvrage dans lequel il dénonce la politique
impérialiste de la France en Afrique.
La « Françafrique » est une
«  nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et
militaires, en France et en Afrique, organisée en réseaux et
lobbies, et polarisée sur l’accaparement de deux rentes  :
les matières premières et l’aide publique au
développement.  »118 

À la fin de Blédici, Djinadou expose les souffrances de deux amis que


le hasard a placés au travers de la marche de la « nébuleuse ».

Le parallèle établi entre les œuvres étudiées et le contexte socioculturel et


politique, fait ressortir la forte vraisemblance qu’elles dégagent. Cette
vraisemblance permet que le lecteur identifie du premier coup les lieux et les
types sociaux décrits.

117
Le titre complet de l’ouvrage de François-Xavier est La françafrique : Le plus long scandale
de la République. Tiken Jah Fakoly, chanteur ivoirien, dénonce lui aussi l’impérialisme et le
néocolonialisme français, dans un album intitulé « La françafrique » en 2002.
118
François-Xavier Verschave, La françafrique : Le plus long scandale de la République(Essai),
Paris, Stock, 1998, p. 5.
53
Moudjib Djinadou et son œuvre

Moudjib Djinadou aborde naturellement et simplement des thèmes


modernes comme le sida ou le phénomène de dépigmentation, et présente sous
un angle nouveau qui les réactualise des thèmes anciens comme la colonisation
et le néocolonialisme.
Malgré toutes ses qualités avérées, l’œuvre de Moudjib Djinadou semble
ne pas bénéficier de l’accueil mérité. L’évaluation de cet accueil fera l’objet du
troisième et dernier chapitre intitulé la réception des œuvres de Moudjib
Djinadou.

54
Moudjib Djinadou et son œuvre

Chapitre III :
La réception de l’œuvre de Moudjib Djinadou

« Une œuvre littéraire ne vit qu’à partir du moment où elle est lue »119
affirme Roland Barthes dans Plaisir du texte. Avant de la lire le lecteur doit
avoir eu connaissance de l’œuvre en question. De nos jours, les mass media

119
Roland Barthes, Le plaisir du texte(Essai), Paris, Éditions du Seuil (Collection Essai), 1973,
p. 6.
55
Moudjib Djinadou et son œuvre

contribuent largement à la première prise de contact avec une publication et font


sa réception journalistique.

III-1- La réception journalistique

Les lieux et les moyens mis en œuvre pour la publication d’un


ouvrage conditionnent, pour une grande part, sa bonne réception. Moudjib
Djinadou étudiant en France, y a fait publier ses trois premiers écrits par la
célèbre maison d’édition L’Harmattan. Aucune des trois publications faites en
France n’a eu dans la presse nationale l’écho qu’elles auraient dû avoir au
moment de leur parution.
Il faut attendre novembre 1997, soit six ans après sa publication, pour
lire dans la presse béninoise, plus précisément dans les Échos du jour n°122 du
jeudi 13 novembre 1997, l’expression des sentiments qu’a suscité chez Bath
Motolari la lecture de MO GBE : Le cri de mauvais augure : « une chose est
sure : après avoir lu Mo gbé, on regarde d’un œil nouveau (suspicieux ?) les gros
riches bardés d’argent et le gaspillant à tour de bras. »
Par contre, il publie Blédici à compte d’auteur, à Cotonou. Julien
Atchadé en fait un compte rendu de lecture dans Le Matin n°666 du Mardi 20
août 1996 dans la rubrique « Lu pour vous ». Dans sa présentation du roman, il
souligne, lui aussi, l’aspect fataliste qui s’en dégage, dénonce la politique
néocoloniale, condamne l’attitude de sujets serviles et complexés des Noirs :
« Est-ce l’œuvre de cette main invisible et maligne à
laquelle nous avons trop souvent recours et que nous
nommons paresseusement la fatalité? Mille embûches sur
l’itinéraire de ‟ Blédici”, obstacles venus d’ici et de nulle
part, comme pour rappeler une vérité première : il n’est
guère facile de se débarrasser de sa propre histoire. Ainsi
Blédici met en lumière des comportements paraissant
indélébilement marqués par le sceau des habitudes
héritées de la colonisation, tant chez les Blancs, habitués à

56
Moudjib Djinadou et son œuvre

évoluer en Afrique en terrain conquis, et à toiser les


Africains du haut du mépris séculaire qui préside à leurs
relations avec ces derniers, que chez nous-mêmes,
toujours incapables de dépasser ce réflexe de servilité,
voire de lâcheté, qui plus que souvent nous empêcha de
prendre les initiatives compatibles avec nos intérêts, et
d’être par-là même les artisans de notre destin. C’est ce
handicap majeur, davantage que les intérêts mercantiles
antagonistes, qui provoque l’échec de ‟ Blédici”.  »

À côté de ce compte rendu de lecture, le journaliste fait dans un


encadré une brève biobibliographie de Moudjib Djinadou.
Sur internet on retrouve aussi des articles de revues électroniques
mentionnant les œuvres de Moudjib Djinadou. Tous ces articles sont produits
par des universitaires animant des revues d’universités. Les plus remarquables
meubleront, entre autres, la critique universitaire.

III-2- La critique universitaire

La critique universitaire, dans un sens strict, est l’ensemble des


productions scientifiques sur l’œuvre d’un écrivain. Elle a pour souci principal
de faciliter la compréhension de l’œuvre par le lecteur en dégageant
objectivement ses portées littéraire, idéologique et sociopolitique. Selon Locha
Mateso, « la critique universitaire va au-delà du simple témoignage sur les
œuvres pour en donner les mécanismes de création »120.
Adrien Huannou, dans son article « Douze ans de littérature béninoise
(1983-1995) » paru dans Notre Librairie n°124, entièrement dédié à la littérature
béninoise, reconnaît qu’« une nouvelle génération de romanciers (Moudjib

Cité par Maurice Nevis, Edgard Okiki Zinsou et son œuvre : Du contexte de publication à la
120

réception, mémoire de maîtrise (Lettres Modernes), Université d’Abomey-Calavi, Abomey-


Calavi, 2006, p. 61.
57
Moudjib Djinadou et son œuvre

Djinadou et Edgard Okiki Zinsou notamment) est désormais prête à prendre la


relève des ‟ aînés”. »
Au-delà d’une simple reconnaissance de son statut de romancier,
Adrien Huannou dévoile dans le même article un pan du contenu de son premier
roman et met en exergue en quoi il est novateur :
«  Le sida, ‟ mal du siècle”, n’est pas seulement
une question d’actualité qui fait couler beaucoup d’encre
et de salive partout dans le monde. Il est aussi, désormais,
un thème de la littérature béninoise. Moudjib Djinadou en
a fait, en effet, l’un des principaux thèmes de son roman
satirique MO GBE Le cri de mauvais augure. Le sida est
perçu et décrit ici moins dans son aspect pathologique que
dans ses dimensions et répercussions sociologiques  : ce
qui est important aux yeux du narrateur, c’est moins la
maladie que la façon dont le malade est vu et traité par
les autres, c’est-à-dire les réactions de méfiance, de peur,
de terreur et de rejet qu’il provoque dans son
entourage. »121

La revue Notre Librairie, dans sa parution n° 129 de janvier-mars


1997 recense les trois premières œuvres (MO GBE Le cri de mauvais augure,
Mais que font donc les dieux de la neige ?, L’avocat de Vanessa) de Moudjib
Djinadou parmi les « 1500 nouveaux titres de littérature d’Afrique noire 1988-
1996 ».
En 1999, Guy Ossito Midiohouan organise une exposition itinérante
dénommée « Le Bénin littéraire 1980-1999 ». Moudjib Djinadou figure parmi
les écrivains mis en vedette par des panneaux individuels. Le panneau offre au
public une photo de Moudjib Djinadou, quelques informations biographiques et
des commentaires relatifs aux œuvres tirés des articles de la presse locale.
Dans Repères pour comprendre la littérature béninoise, un collectif
publié avec d’autres universitaires, Adrien Huannou s’intéresse aux deux
premiers romans de Moudjib Djinadou.
Adrien HUANNOU, « Douze ans de littérature béninoise (1983-1995) » in Notre Librairie,
121

n° 124, octobre-décembre 1995, p. 27.


58
Moudjib Djinadou et son œuvre

De MO GBE : Le cri de mauvais augure, il fait un bref résumé qui


souligne le caractère novateur de l’œuvre : « Moudjib Djinadou a innové en
faisant du SIDA le thème structurateur de son roman pathétique MO GBE : Le
cri de mauvais augure et en le liant intimement à un autre sujet d’actualité : le
trafic de drogue entre l’Afrique noire et l’Europe ».
Quant à Mais que font donc les dieux de la neige ?, Adrien Huannou
trouve que Moudjib Djinadou a plus qu’innové et crée une nouvelle catégorie
dans le genre romanesque :
«  un dernier type retient particulièrement notre
attention par son caractère novateur, original  ; il est
illustré par Mais que font donc les dieux de la neige  ? de
Moudjib Djinadou  ; il consiste à prendre pour ‟  matériau”
une étape de l’histoire nationale du Bénin, mais en la
falsifiant de façon à créer une sorte de ‟contre-histoire”
nationale, […]. Faute d’une terminologie appropriée et
consacrée par l’histoire littéraire, nous avons
provisoirement dénommé ce type : roman ‟d’histoire
fiction” ou ‟de fiction historique”  »122.

Les articles pris sur internet sont publiés par des universitaires
anglophones. Il s’agit notamment des docteurs Philip A. Ojo d’Agnès Scott
College au Canada et Phillip Winn d’ University of Western Australia en
Australie.
Le docteur Philip A. Ojo, dans son article intitulé « (Re)Writing
Identities in Contemporary Beninese Literature » où il fait le point des écrivains
béninois de la troisième génération, estime que :
«  While Moudjib Djinadou’s Mais que font donc
les dieux de la neige  ? (1993) is about the sexual
escapades of postcolonial leaders who use their position
and wealth to abuse vulnerable women, […], Moudjib
Djinadou’s Mo Gbé  : le cri de mauvaise augure (1991)

Adrien Huannou (Textes réunis et présentés par), « Panorama du roman béninois » in


122

Repères pour comprendre la littérature béninoise, Cotonou, CAAREC Éditions (Collection


Études), pp. 15-16.
59
Moudjib Djinadou et son œuvre

focuses on the consequences of such life styles (disease,


loss, and death) through the experiences of its main
character. »123

Il fait ainsi une lecture particulière des deux premiers romans de


Moudjib Djinadou en insistant sur les vices sexuels des hommes riches et
puissants.
Phillip Winn, médecin et passionné de littérature, a été frappé par
l’obsession consciente ou inconsciente des séropositifs et des sidéens à
rechercher des coupables responsables de leur situation. Aussi a-t-il recherché à
travers la littérature comment les personnes infectées par le VIH expliquent leur
situation.
Après avoir exploré les points de vues d’auteurs occidentaux, qui
semblent, pour la plupart, accuser l’Afrique d’avoir généré le virus mortel et les
Africains d’en être les principaux vecteurs de propagation, il cite MO GBE : Le
cri de mauvais augure pour montrer que des Occidentaux peuvent être à
l’origine de l’infection d’un Africain : « alternatively, AIDS may be seen as a
Western plague, the result of depravity and crime ; as hinted, for example, in
Moudjib Djinadou's Mo gbé: Le cri de mauvais augure. »124

123
Pendant que son Mais que font donc les dieux de la neige  ?(1993) développe les
escapades sexuelles des leaders postcoloniaux qui utilisent leur position et leur richesse pour
abuser des femmes vulnérables, […], Mo Gbé, le cri de mauvais augure(1991) de Moudjib
Djinadou insiste sur les conséquences d’un tel style de vie (la maladie, l’aliénation, et la
mort) à travers le vécu du personnage principal. L’article en anglais peut être consulté sur
internet :
http://www.projectponal.com/newsletter/invisible.html.

124
Alternativement, le sida peut être vu comme un fléau occidental, le résultat de la
dépravation et du crime ; c’est ainsi qu’il apparaît, par exemple, dans Mo gbé : Le cri de
mauvais augure de Moudjib Djinadou. L’intégralité de cet article peut être consultée sur
internet : http://www.arts.uwa.edu.au/MotsPluriels/MP397pw.html.

60
Moudjib Djinadou et son œuvre

Après la réception journalistique et la critique universitaire, la


réception profane est la dernière voie à explorer pour juger de la reconnaissance
de l’œuvre de Moudjib Djinadou.

III-3- La réception profane

La réception profane se définit comme l’accueil que réserve à un


auteur, à un ouvrage le public non assujetti à une obligation professionnelle de
lecture. La qualité d’un tel accueil est appréciée le plus souvent à travers les
ventes en librairie ou à travers un sondage.

III-3-1- Les outils d’évaluation

Étant donné la composition de ce grand public formé par diverses


catégories sociales au pouvoir d’achat tout aussi variable et généralement faible,
l’outil d’évaluation qui permettra de toucher le plus grand nombre de personnes
de différentes catégories est le sondage qui peut être direct ou indirect.
Afin d’éliminer au maximum les biais et d’avoir un résultat reflétant
le plus possible la réalité, les deux formes de sondage sont retenues. Le sondage
direct est réalisé à travers un questionnaire d’enquête et un jeu radiophonique
sert de couverture à l’établissement du sondage indirect.

III-3-1-1- Le jeu radiophonique

Le jeu radiophonique a été réalisé avec l’aimable collaboration du


personnel de la Radio Bénin Culture (R.B.C.) sis à Porto-Novo. Le choix de
cette radio ne répond à aucun critère particulier si ce n’est celui de l’amitié qui
nous lie à l’un des animateurs de cette radio.

61
Moudjib Djinadou et son œuvre

Traditionnellement, la R.B.C. dispose d’un jeu d’évaluation de la


culture générale de leurs auditeurs comme c’est le cas sur plusieurs chaînes
radiophoniques. Ce jeu, appelé « Culture Plus », est diffusé en français le lundi,
le mardi, le mercredi et le samedi.
Pour atteindre l’objectif visé, l’animateur de « Culture Plus », Rachidi
Odjo a juste ajouté au format habituel de son émission une rubrique intitulée
« La question de la semaine »
Voici dans l’ordre les quatre questions retenues pour lancer le jeu :
1-« Quel écrivain béninois est l’auteur du roman ayant pour titre Mais que
font donc les dieux de la neige? » ;
2- « Donnez le nom du personnage principal du roman Blédici et le nom
de son auteur » ;
3- « Dans quel roman de Moudjib Djinadou, le personnage principal est
atteint du sida ? » ;
4- « Donnez le titre de la nouvelle de Moudjib Djinadou où un avocat se
retrouve être l’avocat commis d’office de l’assassin de sa propre fille ».

III-3-1-2-Le questionnaire d’enquête

Le questionnaire d’enquête comporte six questions avec un but précis


pour chacune d’elle. La première question est formulée pour savoir si le sondé
est au courant de l’existence d’au moins un des ouvrages de Moudjib Djinadou.
La deuxième l’amène à préciser la source de son information en lui offrant le
62
Moudjib Djinadou et son œuvre

choix entre quatre possibilités de réponse. La troisième question permet d’aller


au-delà de l’information recueillie à la première question pour savoir si le sondé
a lu au moins l’un des ouvrages de l’auteur. Les quatrième et cinquième
questions sont des questions pointues permettant de vérifier la maîtrise que le
sondé a de Moudjib Djinadou et de ses écrits. La sixième et dernière question
constate la particularité ou non de Moudjib Djinadou avec la réception (bonne
ou mauvaise) qui lui est réservée par rapport à trois autres écrivains de la
nouvelle génération. Cinq cents(500) questionnaires seront émis.
Chaque exemplaire se présente comme suit :
Questionnaire
Ceci est un questionnaire d’enquête produit dans le cadre d’un travail
universitaire. Répondez –y en cochant les cases avec une croix ou en remplissant les
pointillés.

Qualité de l’enquêté : …………………………………………………………………………

1°) Avez- vous eu connaissance de l’un au moins de ces titres ?


Titres Oui Non

a- MO GBE : Le cri de mauvais augure

b- Mais que font donc les dieux de la neige ?

c- L’avocat de Vanessa

d- Blédici

2°) Comment en avez – vous eu connaissance ? Préciser svp !

En librairie MO GBE : Le cri de mauvais augure


Mais que font donc les dieux de la neige ?
L’avocat de Vanessa
Blédici
En bibliothèque MO GBE : Le cri de mauvais augure
Mais que font donc les dieux de la neige ?
L’avocat de Vanessa
Blédici

63
Moudjib Djinadou et son œuvre

Par un professeur MO GBE : Le cri de mauvais augure


Mais que font donc les dieux de la neige ?
L’avocat de Vanessa
Blédici
Autres possibilités (presse, MO GBE : Le cri de mauvais augure
ami, etc.) Mais que font donc les dieux de la neige ?
L’avocat de Vanessa
Blédici

3°) Avez-vous lu l’un au moins de ces ouvrages ?


Titres Oui Non

a- MO GBE : Le cri de mauvais augure

b- Mais que font donc les dieux de la neige ?

c- L’avocat de Vanessa

d- Blédici

4°) Si oui, précisez le personnage principal de l’ouvrage lu :


a- MO GBE : Le cri de mauvais augure

………………………………………………………………………

b- Mais que font donc les dieux de la neige ?

………………………………………………………………………..

c- L’avocat de Vanessa

…………………………………………………………………………

d- Blédici

…………………………………………………………………………..

5°) Indiquez l’auteur de chacun des ouvrages ci-après :


a- MO GBE : Le cri de mauvais augure

………………………………………………………………………

b- Mais que font donc les dieux de la neige ?

………………………………………………………………………..

c- L’avocat de Vanessa

64
Moudjib Djinadou et son œuvre

…………………………………………………………………………

d- Blédici

…………………………………………………………………………..
6°) Citez un ouvrage de chacun des trois auteurs béninois suivants :

a- Jérôme Carlos : …………………………………………………………...

b- Florent Couao-Zotti : ……………………………………………………...

c- Edgard Okiki Zinsou : ……………………………………………………..

III-3-2 –L’évaluation proprement dite

Après la présentation des outils d’évaluation, il est ici question du


déroulement même de l’évaluation à travers chacun des deux outils retenus.

III-3-2-1 L’évaluation à travers le jeu radiophonique

Afin d’avoir un nombre important d’intervenants, il a été arrêté que le


jeu s’étale sur 08 semaines, soit 32 jours. La toute première émission a eu lieu le
lundi 06 avril 2009 à partir de 12h30 et a connu 18 intervenants. La dernière
émission s’est faite le samedi 23 mai 2009.
Pour susciter l’engouement des auditeurs, une récompense de 5000f
est offerte au premier auditeur qui aura pour la première fois formulé la bonne
réponse tout au long d’une semaine d’émission. Si un auditeur propose plusieurs
fois la même réponse, cette réponse sera comptée une seule fois. Si par contre un
même auditeur propose deux réponses différentes, c’est la dernière qui est prise
en compte. « La question de la semaine » est posée sans proposition de réponses
parmi lesquelles l’auditeur aurait pu choisir.
À la fin de l’émission inaugurale, la décision a été prise de garder une
question pour deux semaines afin d’augmenter la probabilité de bonnes

65
Moudjib Djinadou et son œuvre

réponses. Le déroulement du jeu ne prend en compte que deux questions. En


effet, divers aléas ont conduit à maintenir pendant trois semaines la première
question. Ensuite, plusieurs auditeurs, ayant estimé la deuxième question
difficile, ont souhaité qu’elle soit maintenue à l’antenne sur une durée double de
celle de la première question. Elle y est restée 05 semaines. Et pourtant seule la
première question a pu faire une gagnante en la personne d’une élève de
première D au C.E.G. Application. Elle a trouvé la bonne réponse le deuxième
jour de jeu en troisième intervention du jour et en vingt-sixième position depuis
le début du jeu.
Avec un nombre de 15 intervenants en moyenne par émission, le jeu a
connu la participation de 480 personnes, soit environ 500 auditeurs.

III-3-2-2- L’évaluation à travers le questionnaire d’enquête.


Le questionnaire d’enquête est adressé à un public cible qui comporte
trois (03) catégories de personnes :
 Catégorie 1 : Professeurs et élèves
Il s’agit, à priori, des professeurs de lettres et des élèves des séries
littéraires (A1, A2, B) de certains lycées et collèges. À défaut de toujours avoir
des professeurs de Lettres, le questionnaire est adressé à d’autres professeurs de
matières littéraires (Anglais, Allemand, Espagnol, philosophie, Histoire-
Géographie). Sauf dans de rares cas, élèves et professeurs ont été sondés
simultanément.
Les établissements sélectionnés l’ont été de manière à couvrir de
façon représentative tout le territoire national. Les facilités d’accès ont conduit à
la liste suivante d’établissements :
- Atacora-Donga : C.EG. I Natitingou
- Atlantique-Littoral : C.E.G. Gbégamey, Collège Catholique Père Aupiais,
C.E.G. Sègbèya
- Borgou-Alibori : Complexe Scolaire Les Hibiscus de Parakou
66
Moudjib Djinadou et son œuvre

- Mono-Couffo : C.E.G. I Comè


- Ouèmé-Plateau : Lycée Béhanzin de Porto-Novo, Collège Protestant de
Porto-Novo, C.E.G. I Sakété
- Zou-Collines : C.E.G. I Bohicon
Quatre cents questionnaires ont été distribués.
 Catégorie 2 : Etudiants
Les sondés de cette catégories sont essentiellement des étudiants du
Département des Lettres Modernes auxquels il a été ajouté quelques étudiants
des autres filières de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines (FLASH)
de l’Université d’Abomey-Calavi. Cinquante questionnaires leur ont été
adressés.
 Catégorie 3 : Adhérents de la bibliothèque du CCF et de la
bibliothèque municipale de Porto-Novo
Les deux bibliothèques ont été choisies pour la diversité des amoureux
de la lecture qui les fréquentent et pour la richesse relative de leurs fonds en
livres. Ainsi le sondage a pu toucher des artistes (musiciens, comédiens, peintre-
plasticien, danseurs), divers cadres des secteurs public et privé (agents
commerciaux, comptables, ingénieurs biomédicaux), des hommes de
communication (journalistes, publicistes). Ils ont eu à remplir cinquante
questionnaires.

III-3-2-3- Les difficultés rencontrées au cours de l’évaluation

Pour ce qui est du jeu radiophonique, la difficulté principale qui a


perturbé le déroulement normal des émissions est constituée par les coupures
intempestives de l’énergie électrique empêchant ainsi la plupart des auditeurs de
suivre le cours du jeu.

67
Moudjib Djinadou et son œuvre

L’autre difficulté rencontrée est la gestion du flux important


d’auditeurs généré par la récompense de 5000F cfa proposée. La R.B.C. ne
disposant que d’une seule ligne téléphonique pour toutes ses émissions
interactives, il arrive fréquemment qu’elle soit saturée et que les intervenants
aient beaucoup de mal à se faire entendre et à faire passer leurs réponses.
Lors de l’évaluation à travers le questionnaire d’enquête, la difficulté
majeure a été d’obtenir le consentement de certaines personnes à remplir séance
tenante le questionnaire. À côté de cette difficulté, d’autres, persuadées de ne
trouver réponse à aucune des six questions ont essayé de banaliser la démarche
ou de s’éclipser avec le questionnaire.
Mais avec beaucoup de patience, de courtoisie et de ténacité, il a été
possible d’obtenir leur participation. Cela a permis d’avoir des réponses
spontanées, sincères et de garantir un taux de recouvrement correct. Malgré tout,
certaines personnes ont pu déjouer notre vigilance et n’ont pas rendu les
questionnaires. Cela n’entache nullement les résultats obtenus dont il faut
maintenant faire l’analyse.

III-3-3- La présentation et l’analyse des résultats

III-3-3-1- La présentation et l’analyse des résultats du jeu radiophonique


Le tableau ci-dessous présente les résultats du jeu radiophonique :

N° Durée Participants Bonnes Réponses Mauvaises Réponses

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Moudjib Djinadou et son œuvre

1 12 jours 110 100% 20 18% 90 82%


2 20jours 370 100% 00 00% 370 100%
Total 32jours 480 100% 20 04% 460 96%

Tableau 1 : Résultats du jeu radiophonique

La question n°1, « quel écrivain béninois est l’auteur du roman ayant pour
titre Mais que font donc les dieux de la neige ? », a obtenu 18% de bonnes
réponses contre 82% de mauvaises réponses. La question 2, « donnez le nom du
personnage principal du roman Blédici et le nom de son auteur », est restée cinq
semaines à l’antenne et a connu trois fois plus d’audience que la première. Et
pourtant elle n’a enregistré aucune bonne réponse.
Au terme du jeu, sur environ 500 auditeurs à intervenir, on se rend compte
qu’à peine 4% connaissent Moudjib Djinadou et seulement à travers le roman
Mais que font donc les dieux de la neige ?

III-3-3-2-La présentation et l’analyse des résultats du questionnaire


d’enquête
Avant l’analyse des résultats du questionnaire d’enquête, il a fallu
procéder à un recouvrement efficace.
 Recouvrement :
Les résultats du recouvrement se présentent comme suit :

Nombre Nombre Taux de


catégories
émis recouvré recouvrement
Catégorie 1 300 300 100%
Catégorie 2 50 46 92%
Catégorie 3 100 95 95%
Catégorie 4 50 48 96%

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Moudjib Djinadou et son œuvre

Total 500 489 98%


Tableau 02 : Tableau de recouvrement des questionnaires d’enquête.

Sur 500 questionnaires émis, 489 ont pu être récupérés. Le taux de


recouvrement est donc de 98%. C’est un taux de recouvrement fort, crédible, qui
va permettre une analyse juste et fiable des résultats de l’enquête.
 Exploitation des résultats :
Pour une exploitation efficace, les résultats seront considérés par
catégorie de personnes, et au sein de chaque catégorie par question. Cela
permettra de réaliser une analyse globale que présente le tableau n°3.

Question n° Nombre de réponses Bonnes Réponses Mauvaises Réponses


1 489 100% 52 11% 437 89%
2 489 100% 52 11% 437 89%
3 489 100% 22 04% 467 96%
4 489 100% 09 02% 480 98%
5 489 100% 17 03% 472 91%
6 489 100% 83 17% 406 82%

Tableau 03 : Tableau récapitulatif des différents résultats

489 personnes ont effectivement rempli les questionnaires. 11% de cet


effectif ont, à travers les questions 1 et 2, eu connaissance d’au moins un
ouvrage dudit auteur. 4% prétendent l’avoir lu et seulement 2% donneront la
preuve de leur lecture en répondant aux questions 3et 4. 3% arrivent à associer
l’un des titres cités à Moudjib Djinadou. 17% enfin arrivent à donner un titre de
l’un des trois auteurs. Toutes catégories confondues, c’est Jérôme Carlos qui
émerge. Il reste à établir les résultats statistiques de toute l’évaluation. Cela va
aider à déterminer le degré de connaissance de l’auteur.

III-3-4-Degré de réception de l’œuvre de Moudjib Djinadou

70
Moudjib Djinadou et son œuvre

Le tableau que voici, Tableau 04, présente les résultats statistiques de


l’évaluation. Il permet de se prononcer sur la réception profane des œuvres
étudiées.

Effectif Bonnes Réponses Mauvaises Réponses

Jeu 480 100% 20 04% 460 96%

Enquête 489 100% 30 06% 459 94%

Total 969 100% 50 05% 919 95%


Tableau 04 : Résultats statistiques de l’évaluation

Sur un échantillon de 969 personnes, environ un millier de personnes,


5% seulement ont, d’une manière ou d’une autre, connaissance de Moudjib
Djinadou en tant qu’écrivain. Les 95% restant ne soupçonnent même pas son
existence. Et pour revenir au vécu du sondage, force est de constater que dans
les lycées et collèges, les élèves n’ont aucune connaissance de l’auteur et de ses
œuvres. Quant aux professeurs, la plupart avouent n’avoir jamais entendu parler
de cet auteur. Il en est de même avec la totalité des adhérents des bibliothèques.
Les étudiants, en particulier ceux de Lettres Modernes, se démarquent
quelque peu des autres par leur connaissance médiocre des œuvres et de l’auteur
étudiés. Ils affirment avoir lu au moins un des romans de l’auteur, sans pouvoir
faire preuve d’une bonne souvenance du contenu.
Les trois autres écrivains concernés par ce sondage, ne bénéficient
guère d’une meilleure réception. Ils ne sont connus que des étudiants, et encore
passablement.
C’est Jérôme Carlos qui focalise l’attention du public grâce à son
dernier ouvrage Je veux le changement qui jouit d’une publicité quotidienne sur
la radio CAPP FM depuis sa parution.

71
Moudjib Djinadou et son œuvre

En dernier ressort, il est aisé de constater que la méconnaissance des


œuvres littéraires par le grand public est un fait social bien établi.

72
Moudjib Djinadou et son œuvre

CONCLUSION

Procéder à l’exploration, quoique sommaire, des œuvres de Moudjib


Djinadou, en analyser le contexte de publication, en évaluer la réception, est un
exercice qui nous amène à retenir qu’au-delà des aspects classiques que présente
cet auteur, il est un subtil novateur dans la littérature béninoise, que ses œuvres

73
Moudjib Djinadou et son œuvre

rendent fidèlement compte du contexte socioculturel qui les a engendrées, mais


qu’il reste cependant inconnu du grand public.
En effet, il est le premier auteur béninois à traiter explicitement des
thèmes modernes tels que le sida et le statut social du séropositif dans
MO GBE : Le cri de mauvais augure, le phénomène de dépigmentation dans ses
trois romans. Et lorsqu’il aborde des thèmes traditionnels comme la colonisation
dans Mais que font donc les dieux de la neige  ?, l’impérialisme et la politique
néocoloniale de la France dans Blédici, il le fait d’une manière tout à fait
originale qui accroche le lecteur.
Les rapports établis entre l’œuvre et son contexte de publication
révèlent que Moudjib Djinadou est un fin observateur de la société dans laquelle
il vit. Ce qui donne un caractère réaliste et actuel à ses écrits.
Autant de qualités avérées devraient conduire l’œuvre à une grande
renommée. Mais à l’instar des auteurs de sa génération, s’il est connu du monde
universitaire, il est totalement méconnu du profane.
Si la création littéraire est un acte individuel et solitaire, la pratique
littéraire est une activité sociale, collective. Cette pratique ne peut se développer
qu’à travers une dynamique institutionnelle où chaque élément joue pleinement
sa partition. Un tel cadre institutionnel, comme l’a constaté Jacques Dubois 125,
devrait comporter quatre maillons : le salon ou la revue, la critique, les
organismes spécialisés, l’école.
Le salon ou la revue permettent et supportent l’émergence de
nouveaux talents. La critique, sous toutes ses formes, apporte la reconnaissance.
Les organismes spécialisés, grâce aux prix et autres sortes de distinctions,
travaillent à la consécration. L’école, à travers les programmes et les manuels,
intègre définitivement à l’institution et garantit la conservation. La faiblesse ou
l’inexistence d’un des maillons entraîne inexorablement le dysfonctionnement
de l’institution littéraire. C’est le cas dans notre pays.
125
Jacques Dubois, L’institution de la littérature(Essai), Paris/Bruxelles, Nathan/Labor, 1978.
74
Moudjib Djinadou et son œuvre

L’État, dans son rôle de catalyseur, devrait, à travers une politique


culturelle adéquate, faciliter l’émergence et la pérennité du système. Car ce ne
sont pas des initiatives qui ont manqué dans l’établissement de salons,
d’expositions et de revues littéraires. Il est difficile de reprocher à la critique,
surtout à la critique universitaire, de ne pas exister et de ne pas s’intéresser à
l’œuvre de Moudjib Djinadou. Des concours et des prix sont organisés mais leur
irrégularité annule l’effet bénéfique qui devrait en découler. Sur le plan scolaire,
les nouveaux écrivains sont comme inexistants, sauf que de rares extraits de
leurs œuvres sont parfois proposés aux examens nationaux. Ce qui a pour
conséquence la méconnaissance des jeunes écrivains tels que Moudjib Djinadou.

Il est évident que de grands efforts restent à fournir pour la dynamisation


de la pratique littéraire. Ceci engage avant tout la responsabilité des écrivains
eux-mêmes et de leurs maisons d’édition. Parmi les tout nouveaux écrivains,
certains l’ont compris et organisent autour de leurs œuvres d’impressionnants
battages médiatiques.

I- Les œuvres de Moudjib Djinadou


DJINADOU, Moudjib :

75
Moudjib Djinadou et son œuvre

 MO GBE : Le cri de mauvais augure, Paris, L’Harmattan (Encres


noires), 1991. Roman.
 Mais que font donc les dieux de la neige? , Paris, L’Harmattan
(Encres noires), 1993. Roman.
 L’avocat de Vanessa, Paris, L’Harmattan (Encres noires), 1996.
Nouvelle
 Blédici, Porto-Novo, chez l’auteur, 1996. Roman.

II- Études, ouvrages, revues et articles sur la littérature béninoise

ATCHADÉ, Julien, « Lu pour vous », Le matin n°666 du mardi 20 août 1996.
BATH, Motolari, « MO GBE de Moudjib Djinadou », Les Échos du jour n° 122
du Jeudi 13 novembre 1997.
CAKPO, S. Michel, La couleur locale dans Doguicimi de Paul Hazoumé,
mémoire de maîtrise (Lettres Modernes), École Normale Supérieure/ Université
Nationale du Bénin, Porto-Novo, 1980.
Collectif, Repères pour comprendre la littérature béninoise, Cotonou, CAAREC
Éditions (Collection Études), 2008.
HUANNOU, Adrien :
 Histoire de la littérature écrite de langue française dans l’ex-Dahomey
(des origines à 1972), thèse de doctorat d’État (Lettres et sciences
humaines), Université Paris-Nord, Paris, 1979.
 « Douze ans de littérature béninoise (1983-1995) », Notre Librairie, n°
124, octobre-décembre 1995.
MIDIOHOUAN, Guy Ossito, (introduction de), Le Bénin littéraire : 1980-
1999(plaquette), Cotonou, Service de Coopération et d’Action Culturelle au
Bénin/A.E.G.L.B.(Association des Écrivains et Gens de Lettres du Bénin),
novembre 1999.

76
Moudjib Djinadou et son œuvre

NEVIS, Maurice, Edgard Okiki Zinsou et son œuvre : Du contexte de


publication à la réception, mémoire de maîtrise (Lettres Modernes), Université
d’Abomey-Calavi, Abomey-Calavi, 2006.
Notre Librairie, « Littérature béninoise », n° 124, octobre-décembre 1995
PHILIP, A. Ojo, « (Re)Writing Identities in Contemporary Beninese
Literature », Gboungboun The Ponal Magazine, Volume 1, Issue 2, November
2007. http://www.projectponal.com/newsletter/invisible.html.
SEIDOU, Rachidatou, Jérôme Carlos : L’homme et l’œuvre, mémoire de
maîtrise (Lettres Modernes), Université Nationale du Bénin, Abomey-Calavi,
2000.
YEBOU, Raphaël, Aspects de l’originalité dans la création romanesque chez
Jérôme Carlos, mémoire de maîtrise (Lettres Modernes), Université Nationale
du Bénin, Abomey-Calavi, 2001.
III- Études, ouvrages, revues et articles sur la littérature africaine
DABLA, Sèwanou, Nouvelles écritures africaines, Paris, L’Harmattan, 1986.
HERZBERGER-FOFANA, Littérature féminine francophone d’Afrique noire,
Paris, L’Harmattan, 2000.
MATESO, Locha, La littérature africaine et sa critique, Paris, ACCT- Karthala,
1986.
MIDIOHOUAN, Guy Ossito, L’idéologie dans la littérature négro-africaine
d’expression africaine, Paris, L’Harmattan, 1986.
NKASHAMA, Pius Ngandu, Écritures et discours littéraires : Études sur le
roman africain, Paris, L’Harmattan, 1989.
Notre Librairie, « Nouveaux paysages littéraires Afrique, Caraïbes, Océan
indien1996-1998 », Tome 2, n°136, janvier-avril 1999.
Notre Librairie, « 1250 nouveaux titres de littérature d’Afrique noire 1997-
2001 », n° 147, janvier-mars 2002.

77
Moudjib Djinadou et son œuvre

PHILLIP, Winn, « Personal Suspects and the Framing of Africa: Who's to blame
for AIDS? », Mots Pluriels, Vol. 1, n° 3, University of Western Australia, 1997.
http://www.arts.uwa.edu.au/MotsPluriels/MP397pw.html.
ROUCH (Alain), CLAVREUIL (Gérard), Littératures nationales d’écriture
française, Paris, Bordas, 1987.
SANOU, Salaka, L’institution littéraire au Burkina –Faso, Rapport de synthèse
en vue de l’Habilitation à Diriger les Recherches, Université de Limoges,
Limoges, 2003.
IV- Ouvrages généraux
ADAM, Jean-Michel, Le texte narratif, Paris, Nathan, 1994.
BACRY, Patrick, Les figures de style et autres procédés stylistiques, Paris,
Belin (Sujets), 2000.
Barthes, Roland, Le plaisir du texte, Paris, Éditions du Seuil (Collection Essai),
1973.
BOURNEUF (R.), OUELLET (R.), L’univers du roman, Paris, Presses
Universitaires de France (Littératures modernes), 1972.
Comité Scientifique International pour la rédaction d’une histoire générale de
l’Afrique (UNESCO), Histoire générale de l’Afrique, Tome VII « L’Afrique
sous domination coloniale », édition abrégée, Paris, Présence
Africaine/Edicef/UNESCO, 1989.
MOLINIÉ, Georges, La stylistique, troisième édition corrigée, Paris, Presses
Universitaires de France (Collection Premier Cycle), 2001.
PATILLON, Michel, Précis d’analyses littéraires : Les structures de la fiction,
Paris, Nathan (Collection Fac), 1995.

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Moudjib Djinadou et son œuvre

Table des matières


Dédicace
Remerciements
Introduction
CHAPITRE I : À LA DECOUVERTE D’UN ÉCRIVAIN
I-1- Moudjib Djinadou : l’homme
I-1-1- Un cadre familial favorable
I-1-2- Un parcours scolaire et universitaire exemplaire
I-1-3- Sa conception de la vie et de la littérature
I-2- Moudjib Djinadou : l’écrivain
I-2-1- Le contexte littéraire
I-2-2- MO GBE Le cri de mauvais augure
I-2-3- Mais que font donc les dieux de la neige?
I-2-4- Blédici
I-2-5- L’avocat de Vanessa
CHAPITRE II : LE CONTEXTE SOCIOCULTUREL ET POLITIQUE DE L’ŒUVRE
DE MOUDJIB DJINADOU
II-1- Le contexte socioculturel et politique
II-2- Rapports entre l’œuvre et le contexte socioculturel et politique
II-2-1- La couleur locale
II-2-1-1- Définition et critères de reconnaissance
II-2-1-2- Les faits et les types sociaux au Bénin
 Les types sociaux guidés par l’argent
 Les types sociaux relevant de la cellule familiale
II-2-1-3- Les faits et les types sociaux en France
II-2-2- Les situations sociopolitiques peintes par Moudjib Djinadou
II-2-2-1- Le Bénin des années 1980
II-2-2-2- L’histoire coloniale revisitée
II-2-2-3- La dénonciation de la « Françafrique »

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Moudjib Djinadou et son œuvre

CHAPITRE III : LA RÉCEPTION DE L’ŒUVRE DE MOUDJIB DJINADOU


III-1- La réception journalistique
III-2- La critique universitaire
III-3- La réception profane
III-3-1- Les outils d’évaluation
III-3-1-1- Le jeu radiophonique
III-3-1-2- Le questionnaire d’enquête
III-3-2- L’évaluation proprement dite
III-3-2-1- L’évaluation à travers le jeu radiophonique
III-3-2-2- L’évaluation à travers le questionnaire d’enquête
III-3-2-3- Les difficultés rencontrées au cours de l’évaluation
III-3-3- La présentation et l’analyse des résultats
III-3-3-1- La présentation et l’analyse des résultats du jeu radiophonique
III-3-3-2- La présentation et l’analyse des résultats du questionnaire d’enquête
III-3-4- Le degré de réception de l’œuvre de Moudjib Djinadou
Conclusion
Bibliographie
Table des matières

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