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HÉBERT (Louis), « La dissertation », L’Analyse des textes littéraires.

Une méthodologie
complète, p. 235-239

DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3329-0.p.0235

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LA DISSERTATION

DÉFINITION

La dissertation est un genre scolaire où un évaluateur demande, par


le biais d­ ’une c­ onsigne de rédaction plus ou moins ­contraignante, à un
étudiant de traiter d ­ ’une question donnée en respectant des normes
rédactionnelles (nombre de pages, nombre de mots, etc.). Cet exercice
­n’est pas exclusivement littéraire. La dissertation peut aussi porter sur
un sujet en philosophie, en sciences humaines, en fait sur tout sujet,
­qu’il soit plus particulier ou plus général.

SORTES DE DISSERTATIONS

En fonction du type de c­ onsignes, on peut distinguer trois sortes


de dissertations.

(1) Dans la dissertation explicative, la c­ onsigne demande au rédacteur


de défendre une position relativement à une assertion (affirmation ou
négation), position définie par ­l’évaluateur. Voici des exemples : Montrez
que Phèdre dans la pièce de Racine est victime de la vengeance des dieux.
– Montrez que Phèdre est une pièce classique. – Prouvez ­qu’il existe au moins trois
formes ­d’amour dans Phèdre : amour parental, amour filial, amour ­conjugal.
­L’opération analytique caractéristique dans cette forme de dissertation
est évidemment ­l’argumentation pour soutenir une position.

(2) Dans la dissertation critique, la ­consigne demande au rédacteur de


prendre position relativement à une ou plusieurs assertions (affirmation
ou négation). Voici des exemples : Phèdre est-elle victime de la vengeance des

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dieux ?– Phèdre est-elle victime de la vengeance des dieux ou de ses propres erre-


ments ?– Phèdre est-elle une pièce classique ou baroque ? ­L’opération analytique
caractéristique dans cette forme de dissertation est la prise de position.

(3) Dans la dissertation analytique, la ­consigne demande au rédacteur,


explicitement ou implicitement, non pas de défendre une position
imposée ou de choisir une position, mais de procéder à une ou plusieurs
opérations analytiques (approfondir, dégager, lier, classer, ­comparer, etc.).
Voici des exemples : Étudiez les liens entre Phèdre et les dieux. – Analysez les
différentes formes ­d’amour dans Phèdre. – À quel genre appartient Phèdre ?
– Comparez les personnages de Phèdre et ­d’Ophélie. – Comparez ces deux extraits
de Phèdre. ­L’opération analytique caractéristique dans cette forme de
dissertation est évidemment ­l’analyse.

Dans le système éducatif québécois, on distingue entre dissertation


explicative et dissertation critique. La dissertation explicative recouvre
alors ce que nous appelons ici la dissertation explicative (au sens restreint)
et la dissertation analytique.
Peu importe le type de ­consigne, une dissertation peut prendre la
forme ­d’une ­comparaison (intratextuelle, intertextuelle, etc.), ­d’un classe-
ment ou d­ ’une autre opération analytique. Voir les chapitres sur l­ ’analyse
­comparative et sur l­’analyse par classement. Plus précisément, on peut
dire que les dissertions portent sur les questions suivantes : (1) X a-t-il la
propriété Y ou quelles sont les propriétés de X ? (2) X (occurrence) est-il
un Z (type) ou de quel type X est-il une manifestation (occurrence) ? (3) X
est-il un élément de la classe Z ou de quelle classe X est-il un élément ? Une
­comparaison est une version ­complexe de la première sorte de question. En
définitive, les questions 2 et 3 sont des versions de la question 1 puisque
le fait ­d’être de tel type ou de relever de telle classe est une propriété.
­S’il est possible de distinguer plusieurs types de dissertation, elles ont
toutes en c­ ommun une même structure rédactionnelle : une introduc-
tion ; un développement ou corps du devoir ; une c­ onclusion. Le nombre
de plans pour le développement est limité ; le choix du plan dépend à
la fois du libellé du sujet, du texte littéraire sur lequel porte le sujet (le
cas échéant) et du point de vue à défendre. Parfois le libellé du sujet
suggère, recommande ou exige l­’adoption ­d’un plan particulier1. Voir
le chapitre sur les plans.

1 Nous reprenons dans ce paragraphe quelques phrases ­d’un texte inédit de Roxanne Roy,
professeure à ­l’Université du Québec à Rimouski, que nous avons plaisir à remercier.

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Voici un tableau qui décline un même sujet en dissertation analytique,


dissertation explicative et la dissertation critique.

Dissertation analytique Dissertation explicative Dissertation critique


Quel est le genre dont Prouvez que ce poème Peut-on dire que ce
relève ce poème ? relève du genre poème relève du genre
romantique. romantique ?
Analysez les liens entre Montrez ­qu’Hamlet est Hamlet est-il vraiment
Hamlet et le thème de vraiment fou. fou ?
la folie.
Comparez Phèdre et Phèdre et Madame Phèdre et Madame
Madame Bovary Bovary sont des per- Bovary sont-ils des per-
sonnages plus diffé- sonnages plus différents
rents que similaires. que similaires ?
Prouvez-le.

Fig. 22 – Exemples des trois types de ­consignes de dissertation

SORTES DE ­CONSIGNES

En fonction du degré de c­ ontrainte, on peut distinguer des c­ onsignes


plus ouvertes, plus générales (par exemple, Analysez un thème de votre
choix dans Phèdre) et des c­ onsignes plus fermées, plus particulières (par
exemple, Analysez le thème de ­l’amour qui cause la mort dans Phèdre, en
faisant des liens avec le genre de la pièce, le style de ­l’auteur et ­d’autres œuvres
qui exploitent ce motif). Une trop grande ouverture ­contredit le genre même
de la dissertation (par exemple, Analysez un élément de votre choix, sous un
angle de votre choix, dans une œuvre de votre choix) ; on sort alors du genre
de la dissertation pour entrer dans celui de ­l’analyse (non dissertative).
Selon Vital Gadbois (cité dans Lafortune et Cyr, 1996 : VII), pour
ce qui est de leur formulation, il existe deux types de c­ onsignes : (1)
interrogative ( ­Jusqu’à quel point peut-on prétendre que… ? Faut-il penser
que… ? Que pensez-vous de cette affirmation ? Êtes-vous ­d’accord avec une telle
affirmation ?) ; (2) impérative ou critique (Critiquez cette assertion. Commentez
cet argument d­ ’autorité. OU Discuter cette affirmation. Évaluez ce point de vue).
Dans certains cas, une même c­ onsigne peut indifféremment revêtir une

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forme interrogative (par exemple, Hamlet est-il réellement fou ou non ?) ou


impérative (par exemple, Établissez si Hamlet est réellement fou ou non).
Tous les éléments de la ­consigne doivent être, en ce qui a trait au propos
à traiter, abordés ou, en ce qui a trait aux directives, respectés. Pour ce qui
est du propos, aucune digression ­n’est permise dans le développement.
De même ­qu’il existe des analyses (non dissertatives) avec dispositif
­d’analyse et ­d’autres sans, on trouve des dissertations avec dispositif
­d’analyse (imposé dans la c­ onsigne ou non) et d­ ’autres sans un tel dispositif.
Dégagez le modèle actantiel principal du roman est un exemple de c­ onsigne
avec dispositif ­d’analyse imposé. Pour des précisions sur les analyses avec
et sans dispositif, voir le chapitre Objets possibles pour une analyse.

SORTES D
­ ’OBJETS DE DISSERTATION

La dissertation en études littéraires peut prendre c­ omme objet : (1) un


ou plusieurs extraits ­d’une œuvre ou ­d’un texte critique ou théorique ;
(2) un ou plusieurs extraits d­ ’œuvres ou textes critiques ou théoriques
différents (dissertation ­comparative) ; (3) une œuvre, un texte critique ou
théorique c­ omplet ; (4) plusieurs œuvres, textes critiques ou théoriques
­complets (dissertation ­comparative) ; (5) une ou plusieurs formes litté-
raires (tel thème, topos, genre, etc.) ; (6) un ou plusieurs phénomènes
littéraires (événements historiques, etc.) ; (7) un ou plusieurs ­concepts
littéraires (métaphore, intertextualité, etc.) ; (8) une ou plusieurs questions
littéraires autres (utilité, fonctions, natures, buts, avenir de la littérature,
limites de l­’interprétation, etc.).

ÉTAPES DE LA RÉDACTION ­D’UNE DISSERTATION

Distinguons quatre grandes étapes dans la rédaction ­d’une dissertation.

ÉTAPE 1. Comprendre la ­consigne de dissertation dans sa nature


et son sens. Pour ce qui est de sa nature : on définit notamment, d­ ’une
part, ­s’il ­s’agit ­d’une dissertation analytique, explicative ou critique et,

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­ ’autre part, s­’il ­s’agit ­d’une analyse ­comparative, ­d’une analyse par
d
classement (par exemple, classer un texte dans un genre), ­d’un appro-
fondissement thématique ou ­d’un autre type de sujet. Pour ce qui est
de son sens : notamment on dégage le sens des mots. Les c­ onsignes de
dissertation ­contiennent souvent des mots ayant plusieurs sens ou des
mots techniques. Préciser le sens des mots ambigus ou techniques. Il
faut sélectionner le ou les sens pertinents, informer le lecteur de ses
choix de sens et les justifier. Beaucoup d ­ ’étudiants passent trop vite
cette étape et produisent des dissertations au moins partiellement hors
sujet. Soit « Comment représente-t-on le poète dans “­L’albatros” de
Baudelaire ? » La dissertation ­consiste en un approfondissement thé-
matique. L­ ’expression « le poète » peut désigner le poète en général ou
Baudelaire en particulier. Allons-nous parler de ­l’un et/ou de ­l’autre ?

ÉTAPE 2. Reconnaître le type de plan obligatoire imposé par la


­consigne ou choisir le type de plan dans le cas où celui-ci ­n’est pas imposé.
Convertir le plan type (général) en plan occurrence (particulier, adapté
à la dissertation demandée). Par exemple, si le plan type est c­ omparatif,
on se demandera : (1) quelles seront les aspects ­comparées (par exemple,
pour un personnage : les aspects physiques, psychologiques, etc.) ? (2)
quels sont les arguments q ­ u’on peut invoquer pour établir chaque
caractéristique relative à chaque aspect (par exemple, tel personnage est
grand, beau et fort pour ce qui est des caractéristiques physiques) ? (3)
quels sont les ­commentaires interprétatifs que ­l’on peut produire ? (4)
dans quel ordre présentera-t-on les aspects, caractéristiques, arguments
et ­commentaires  ?

ÉTAPE 3 : Présenter les matériaux d ­ ’analyse sous forme de texte


suivi en respectant le plan. Évidemment, on peut changer le plan en
cours de route ­s’il ne fonctionne pas ou si un meilleur plan ­s’impose.

ÉTAPE 4 : Réécriture(s) et révision(s) finales.

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