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Annuaire français de droit

international

Chronique du Droit international économique


M. le professeur Dominique Carreau, M. le professeur Thiébaud Flory, Jacqueline
Dutheil de La Rochère

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Carreau Dominique, Flory Thiébaud, Dutheil de La Rochère Jacqueline. Chronique du Droit international économique. In:
Annuaire français de droit international, volume 16, 1970. pp. 633-704;

doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1970.1617

https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1970_num_16_1_1617

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COOPÉRATION TECHNIQUE ET ÉCONOMIQUE

CHRONIQUE DE DROIT INTERNATIONAL ECONOMIQUE

Dominique CARREAU, Jacqueline de la ROCHERE, Thiébatjt FLORY

SOMMAIRE

COMMERCE.
I. — LE DEMANTELEMENT DES OBSTACLES AUX ECHANGES COMMERCIAUX.
IL — COMMERCE ET INTEGRATIONS REGIONALES,
in. — COMMERCE ET PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT.
IV. — COMMERCE ET PAYS DE L'EST.

INVESTISSEMENTS.
I. — CONDITION JURIDIQUE DES INVESTISSEMENTS ETRANGERS : AFFAIRE DE LA
BARCELONA TRACTION.
II. — PROBLEMES ET PERSPECTIVES DES APPORTS FINANCIERS DES PAYS
DEVELOPPES A ECONOMIE DE MARCHE AUX PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT.
III. — FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT PAR LES PAYS SOCIALISTES
INDUSTRIALISES.

MONNAIE.
I. — LE STATUT INTERNATIONAL DE L'OR.
II. — LE RENFORCEMENT DE LA COOPERATION MONETAIRE INTERNATIONALE.
III. — DEVELOPPEMENTS INSTITUTIONNELS : REMARQUES SUR LES CHANGEMENTS
APPORTES A L'ORGANISATION ET AU FONCTIONNEMENT DU F.M.I.

PRODUITS DE BASE.
I. — LA POLITIQUE DES PRODUITS DE BASE DANS LE CADRE DE LA C.N.U.C.E.D.
II. — NEGOCIATION DE NOUVEAUX ACCORDS (étain).
III. — MISE EN ŒUVRE DES ACCORDS EXISTANTS (café).
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COMMERCE

Au cours de l'année 1970, le fait dominant est le renforcement du protectionnisme


dans les relations commerciales internationales. Mais, s'il n'apparaissait que comme
une tendance en 1968 et en 1969, le protectionnisme devient le trait marquant de
l'année 1970; au cours de cette année, il a atteint un tel degré que, pour la première
fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on a pu prononcer le mot de
«guerre commerciale» (1), avec toutes les détériorations juridiques que cet état peut
impliquer, et toutes les influences qui peuvent agir sur le système juridique existant
du commerce international, notamment les menaces de « représailles ».
Cet état de tension internationale résulte essentiellement de l'antagonisme
existant entre les Etats-Unis, la Communauté économique européenne (2) et le
Japon. Un tel antagonisme — qui menace de faire éclater les institutions
internationales du commerce existantes : la C.N.U.C.E.D. et le G.A.T.T. — porte
principalement — dans ses aspects juridiques — sur le problème du démantèlement des
obstacles aux échanges commerciaux, la question des intégrations régionales,
l'instauration d'un système général de préférences en faveur des pays en voie de
développement, et la participation des pays de l'Est au G.A.T.T.

I. — LE DEMANTELEMENT DES OBSTACLES


AUX ECHANGES COMMERCIAUX

Le protocole de Genève de 1967 (3) qui a codifié les résultats du Kennedy


Round avait prévu que l'abaissement des droits de douane et l'échange des
concessions tarifaires devaient être mis en œuvre en cinq tranches égales, au 1er janvier
des années 1968, 1969, 1970, 1971 et 1972. La quatrième tranche de la mise en
œuvre des Négociations Kennedy a pris effet le 1er janvier 1971; la dernière série
de réductions sera mise en application le 1er janvier 1972. Toutefois, il convient de
noter que cinq pays membres du G.A.T.T. ont procédé à une mise en œuvre
anticipée des Négociations Kennedy (4) .
Ainsi, il peut être maintenant établi un premier bilan des résultats des
Négociations Kennedy : cinquante pays appliquent actuellement le protocole de Genève

(1) Voir les travaux de la XXVIe session des Parties Contractantes du G.A.T.T. : Instruments
de base et documents divers du G.A.T.T., supplément n° 17, Genève 1970; Communiqués de
presse du G.A.T.T. : G.A.T.T./1053 et G.A.T.T./1055; Voir aussi le discours de M. Olivier Long
le 26 octobre 1970 à Genève : c Réflexions sur les mutations du commerce international >.
Voir l'article de P. Fabra dans Le Monde du 10 novembre 1970 : « Risques de guerre
commerciale et accords préférentiels mettent en danger l'avenir du G.A.T.T. ».
(2) Voir les « sept doléances des Etats-Unis à rencontre de la politique commerciale du
Marché Commun », Le Monde, 11 mars 1970.
(3) Sur les détails du Protocole de Genève de 1967, voir Th. Flory, Le G.A.T.T., droit
international et commerce mondial, Paris, L.G.D.J., 1968, pp. 226 et s.
(4) Les cinq Etats qui ont procédé à une mise en œuvre anticipée des Négociations
Kennedy sont les suivants : Argentine, Islande, Irlande, Canada et Suisse.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 635

qui codifie les Négociations Kennedy, et se soumettent aux procédures juridiques


qui ont été instituées à cet effet. Les principales nations commerçantes membres
du G.A.T.T. ont été amenées ainsi à réduire d'un tiers environ le niveau de
leurs droits de douane sur les produits industriels (5).
Cependant, si l'on peut dresser un premier bilan global des Négociations
Kennedy, il n'en reste pas moins que de nombreuses difficultés demeurent au niveau
de certains secteurs : il s'agit essentiellement des produits chimiques, du commerce
des textiles, des obstacles non tarifaires, de la lutte antidumping, des ajustements
fiscaux aux frontières, du problème des dépôts à l'importation et de la question
des restrictions résiduelles à l'importation (6) .

A. — L'abolition de VAmerican Selling Price et l'Accord sur les produits chimiques.

Aux termes de l'accord qui avait été conclu au cours des Négociations Kennedy,
un certain nombre de pays européens avaient pris l'engagement d'abaisser leurs
droits sur certains produits chimiques et de modifier leurs régimes d'imposition des
automobiles à la condition que les Etats-Unis abolissent — et c'était là le principal
élément de la contrepartie — le système de l' American Selling Price (7). Cette
mesure — qui relève de la compétence du Congrès américain — n'ayant toujours
pas été abolie, l'entrée en vigueur de l'accord sur les produits chimiques est de
nouveau ajournée : la date d'expiration du délai prévu pour sa mise en application a
été reportée au 1er janvier 1972 (8). La question de l'abolition de l'American Selling
Price constitue l'un des points de cristallisation de l'antagonisme commercial qui
oppose les Etats-Unis et les Etats européens.

B. — Le commerce des textiles de coton

Le problème des textiles constitue un autre point chaud de la «guerre


commerciale » actuellement latente. On est en présence d'un antagonisme qui oppose le
Japon, les Etats-Unis et la C.E.E. Le projet de loi protectionniste en discussion devant
le Congrès américain a essentiellement pour objet de limiter — par un système de
quotas — les importations des textiles japonais sur le territoire américain. De
même, l'accord en cours de négociations entre la C.E.E. et le Japon porte
principalement sur les textiles, de façon à parvenir à des échanges équilibrés entre les
deux partenaires commerciaux, et à éviter que les marchés des six ne soient «
inondés » par les textiles japonais.
A propos des textiles, on voit donc réapparaître des menaces de protectionnisme
qui pourraient revêtir la forme de restrictions quantitatives à l'importation,
contraires à l'article XI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce.
La prorogation de l'Accord concernant les textiles de coton du 1er octobre 1970
au 30 septembre 1973 ne résout que partiellement les problèmes relatifs au commerce

(5) Les concessions consenties entre les Etats en application des Négociations Kennedy
portent sur un volume d'échanges commerciaux évalués à 40 milliards de dollars par an.
(6) Dans les négociations commerciales en cours, ces différentes questions sont —
juridiquement et économiquement — liées les unes aux autres. Toutefois, pour la clarté de
l'exposé, on étudiera ces différents problèmes séparément.
(7) L'American Selling Price est une pratique douanière selon laquelle les droits de
douane sont calculés non pas sur le prix facturé par l'exportateur étranger, mais sur le prix
d'un produit équivalent fabriqué aux Etats-Unis.
(8) Voir communiqué de presse du G.A.T.T. du 23 décembre 1970, G.A.T.T./1072.
636 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

de ce produit (9) . L'accord sur les textiles de coton — qui s'inscrit dans le cadre du
GAT.T. — est signé par trente Etats (10). Pour ce qui est de son objet, cet accord
vise essentiellement à éviter la désorganisation des marchés des pays importateurs.
Plus précisément, tout pays membre dont le marché est désorganisé par des
importations trop abondantes peut demander au pays exportateur de limiter ses
exportations à un certain niveau. Si les deux pays intéressés ne parviennent pas à un
accord, des restrictions quantitatives peuvent être autorisées par le G.A.T.T. pour
veiller à ce que le quantum ne soit pas dépassé. Toutefois, des conditions sont

,
exigées : le volume autorisé doit être accru périodiquement, et les contingents
établis doivent être également périodiquement majorés. Institutionnellement, le Comité
des textiles de coton est chargé de veiller à l'application de l'Accord.

C. — Les obstacles non tarifaires

Alors que l'on assiste depuis ces dernières années à une baisse importante et
régulière des droits de douane, en revanche, on constate une prolifération et une
aggravation des obstacles non tarifaires aux échanges (11). En somme, dans le
mouvement protectionniste actuel, les obstacles non tarifaires tendent à se substituer
aux anciens droits de douane, avec toutefois la différence qu'ils sont plus difficiles
à déceler et à éliminer.
L'identification des obstacles non tarifaires a fait l'objet d'une procédure
juridique spécialement originale et efficace : en effet, les renseignements ont été fournis
au secrétariat du G.A.T.T. non plus par les pays qui appliquent ces restrictions,
mais par ceux qui estiment que leurs exportations en souffrent. En somme, ce sont
les pays lésés qui ont dénoncé les obstacles non tarifaires qui leur causaient un
préjudice, et qui les ont notifié au Comité du commerce des produits industriels du
G.A.T.T. Cet organisme a ensuite examiné ces notifications une à une pour
déterminer la nature juridique exacte de l'obstacle non tarifaire incriminé et les raisons
de son institution.
Ces notifications ont été réunies par le secrétariat du G.A.T.T. sous la forme
d'un catalogue où l'on trouve la liste de 800 obstacles non tarifaires institués par
les Etats membres. Ces obstacles ont été classés en cinq catégories juridiques : (12) :
1) Participation de l'Etat au commerce. Cette catégorie comprend les
subventions à la production et à l'exportation, les méthodes d'achat des pouvoirs publics,
le commerce d'Etat et les investissements qui ont pour effet de détourner certains
courants d'échanges;
2) Formalités douanières et administratives à l'importation. Ces formalités
constituent les obstacles qualifiés de « paratarifaires » : elles comprennent les
méthodes de détermination de la valeur, les questions de classification douanière, les
pratiques antidumping, les redevances et les exigences en matière de documents;

(9) Voir le septième examen annuel de l'accord sur les textiles de coton par le G.A.T.T.,
I.B.D.D., Supplément n° 17, Genève, 1970, p. 18 et s. Voir aussi le Communiqué de presse du
G.A.T.T. du 22 octobre 1970 : G.A.T.T./1069.
(10) République fédérale d'Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Colombie,
Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce, Inde, Israël, Italie, Jamaïque,
Japon, Luxembourg, Mexique, Norvège, Pakistan, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République
arabe unie, République de Chine, République de Corée, Royaume-Uni, Suède, Turquie,
Communauté économique européenne en tant que telle.
(11) Voir sur ce sujet le rapport de la Chambre de Commerce internationale : Les obstacles
non tarifaires au commerce, Paris, 1969, 93 pages.
(12) Voir sur ce sujet : Les activités du G.A.T.T. en 1969-70, G.A.T.T./1970-4, Genève,
p. 14 et s.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 637

3) Normes relatives aux produits d'importation et d'origine nationale. Il s'agit


des règlements sanitaires et des normes de sécurité qui imposent des exigences
techniques ou des contrôles, ainsi que des prescriptions relatives à l'emballage, à
l'étiquetage ou au marquage;
4) Limitations spécifiques des importations ou des exportations, telles que
restrictions quantitatives à l'importation, accords bilatéraux, limitations des
exportations et régimes de licence;
5) Limitations des importations et des exportations par le mécanisme des prix
(dépots préalables, prélèvements variables et ajustements fiscaux) .
A chacune de ces catégories, correspond un groupe de travail du GA.T.T. qui
a pour mission de formuler des conclusions sur les possibilités d'action en vue
d'éliminer ou d'abaisser les obstacles qui ressortissent de sa compétence. Il s'agit
d'un travail juridique exploratoire et préalable à des négociations ultérieures.
Toutefois, les négociations relatives à la suppression des obstacles non tarifaires
seront différentes de celles qui ont eu lieu pour l'abaissement des droits de douane.
En effet, en ce qui concerne les obstacles non tarifaires, il n'existe pas de solution
unique; chaque catégorie d'obstacles constitue un cas particulier et peut exiger —
selon le cas — soit la suppression complète de certaines mesures, soit l'harmonisation
des législations nationales, soit une nouvelle interprétation concertée des règles
internationales existantes, soit l'élaboration d'un code de pratiques, l'institution
d'un système de surveillances, l'aménagement de procédures de consultation.

D. — La lutte contre le dumping

L'article 17 du Code antidumping (13) — qui constituait l'un des instruments


juridiques de l'Acte final des Négociations Kennedy — a prévu l'institution d'un
Comité des pratiques antidumping (14) chargé de veiller à l'application du Code et
à la mise en œuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce.
Le Comité des pratiques antidumping a examiné les lois et règlements
antidumping (15) qui. sont en vigueur dans les différents Etats membres du G.A.T.T.
et ce Comité a fait des recommandations (16) à certains gouvernements pour qu'ils
modifient les dispositions de leurs législations nationales qui seraient incompatibles
avec le Code antidumping.

E. — Les ajustements fiscaux aux frontières

On sait que les régimes fiscaux présentent des différences considérables d'un
pays à l'autre. Pour que les importations et les exportations soient soumises à un
régime équitable et qu'elles soient à égalité avec les produits concurrents, il est
nécessaire d'ajuster ces différences lorsque les marchandises arrivent à la fron-

(13) Le texte du Code antidumping : G.A.T.T./1969-5.


(14) Les parties au Code antidumping sont de plein droit membres du Comité; ces membres
sont les suivants : République fédérale d'Allemagne, Belgique, Canada, Communauté
économique européenne, Danemark, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce, Italie, Japon,
Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Tchécoslovaquie et Yougoslavie.
(15) Les législations antidumping des différents Etats membres du G.A.T.T. ont été
rassemblées sous la forme d'un recueil : Legislation antidumping, Genève, 1970.
(16) Voir le rapport du Comité des pratiques antidumping adopté le 12 février 1970 : L/3333
et I.B.D.D., 17, p. 45 et s.
638 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

tière. Cependant, les règles du G.A.T.T. exigent aussi que les ajustements opérés
pour tenir compte des impositions intérieures n'aillent pas au-delà de ce qui est
équitable pour corriger la différence entre les taux d'imposition, car, s'il en était
autrement, les importations bénéficieraient alors d'une protection supplémentaire
et les exportations d'une marge de subvention.
Aussi, un groupe de travail du G.A.T.T. a-t-il entrepris une étude des systèmes
fiscaux des pays membres et des dispositions de l'Accord général applicable aux
ajustements fiscaux aux frontières. Les travaux qui ont été accomplis ont révélé
les difficultés considérables que soulève toute comparaison juridique des systèmes
fiscaux car, même lorsqu'ils sont identiques en apparence, ils n'ont pas toujours les
mêmes effets. Ces travaux ont également mis en lumière, ainsi qu'il ressort d'un
rapport du groupe de travail (17), des divergences de vue sur les types
d'ajustements fiscaux qui devraient être opérés à la frontière.
Plus précisément, le problème des ajustements fiscaux aux frontières s'est
posé au sujet de la T.V.A. En décembre 1970, les pays de la C.E.E. ont obtenu gain
de cause face aux Etats-Unis : le Conseil du G.A.T.T. a en effet entériné le rapport
du groupe de travail qui reconnaissait la validité des ajustements fiscaux à la
frontière relatifs à la T. VA. (18). Toutefois, il a été décidé que dans l'avenir les pays
membres devront notifier toute nouvelle modification de leur système à la frontière
et engager des consultations multilatérales à ce sujet.

F. — Le régime des dépôts à l'importation

En 1970, le GA.T.T., après avoir consulté le F.M.I., a examiné les régimes de


dépôts à l'importation institués par trois pays dans le cadre des mesures qu'ils
avaient adoptées pour résoudre leurs problèmes de balance des paiements.
C'est principalement au Royaume-Uni que le régime du dépôt a soulevé le
plus de problèmes juridiques (19). Instituée en novembre 1968, cette pratique
s'appliquait au Royaume-Uni à la plupart des importations; en 1968, les fonds, qui
représentaient 50 % de la valeur des marchandises importées, étaient bloqués
pendant six mois. Sur les recommandations conjuguées du G.A.T.T. et du F.M.I., le
Royaume-Uni, en avril 1970, a abaissé le dépôt en le ramenant à 30 % de la valeur
des marchandises, puis l'a annulé à compter du 1er janvier 1971.
Parallèlement, le G.A.T.T. après avoir consulté le F.M.I., a examiné la validité
des régimes de dépôt à l'importation institués en janvier 1970 par Israël et par
l'Espagne.

G. — Les restrictions résiduelles à l'importation

Par une curieuse anomalie juridique, il se trouve que les restrictions


quantitatives « licites ■» au regard de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce
ont toujours fait l'objet d'examens dans le cadre du G.A.T.T., alors que les restric-

(17) Voir le document du G.A.T.T. : L/3290.


(18) L'ajustement des taxes à la frontière consiste en l'adaptation d'une taxe intérieure aux
échanges avec l'étranger. Elle est prélevée sur les importations (pour protéger la production
locale) et restituée aux exportations. Pour la T.V.A., l'ajustement fiscal consiste à la déduire
de la taxe pour les produits exportés et à l'appliquer aux produits importés.
(19) Voir les rapports du groupe de travail adoptés par le G.A.T.T. : L/3193, L/3334 et
I.B.D.D., 17, p. 156 et s.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 639

tions dites « illicites ■» ont échappé aux obligations de consultations et de


contrôle (20).
A partir de 1970 (21), les parties contractantes du G.A.T.T. ont l'obligation de
notifier à un comité spécial toutes les restrictions quantitatives qu'elles appliquent.
Le comité spécial est compétent pour autoriser et contrôler l'application par les
parties contractantes des restrictions quantitatives illicites.

II. — COMMERCE MONDIAL ET INTEGRATIONS REGIONALES

Le développement des intégrations régionales dans le monde tend de plus en


plus à remettre en question le système juridique universaliste du GA.T.T., et l'article
XXIV de l'Accord général. La remise en question — voire «l'éclatement» du
système mondialiste du G.A.T.T. — se manifeste tant en ce qui concerne la
Communauté économique européenne qu'en ce qui concerne les autres intégrations
régionales existantes.

A. — Le G.A.T.T. ET LA C.E.E.

1) Le passage de la période transitoire au stade définitif :

En février 1970, le représentant de la Communauté a informé (22) le Conseil du


G.A.T.T. qu'au 1er janvier 1970, le Marché commun avait passé le cap de sa période
transitoire et était entré dans son stade définitif. Il a déclaré qu'au sens de l'article
XXIV de l'Accord général, l'Union douanière était réalisée et achevée par la
disparition des obstacles tarifaires et autres réglementations restrictives pour l'essentiel
des échanges entre les pays membres et par la mise en place du tarif commun.
L'Union douanière étant achevée, le représentant de la C.E.E. a alors fait observer
que le G.A.T.T. n'était plus compétent pour contrôler l'évolution de la politique de la
Communauté.
Une telle interprétation a été rejetée par les instances du G.A.T.T. qui
réaffirment que les dispositions de l'article XXIV continuent toujours à être applicables
à la Communauté, notamment en matière de politique commerciale et de politique
agricole commune. Se conformant à cette décision du G.A.T.T., le représentant de la
C.E.E. a déclaré (23) que la Communauté entendait continuer à assumer les
obligations résultant des dispositions du GA.T.T. en tant qu'union douanière et en tant
qu'union économique, conformément à la lettre et à l'esprit de l'Accord général,
au même titre que toutes les autres parties contractantes membres d'autres
intégrations régionales.

(20) Sur la distinction entre les restrictions quantitatives c licites » et « illicites », voir
l'article XI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, et voir Th. Floky,
Le G.A.T.T., droit international et commerce mondial, Paris, 1968, p. 23 et s.
(21) Voir les conclusions de la XXVIe session des Parties Contractantes du G.A.T.T.,
G.A.T.T./1055, et Journal of World Trade Law, mai-juin 1970, p. 498 et s.
(22) Voir la déclaration de la C.E.E. au G.A.T.T. : L/3332.
(23) Voir les travaux de la XXVIe session des Parties contractantes du G.A.T.T., Genève,
mars 1970, G.A.T.T./1057.
640 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

2) Les accords préférentiels conclus par la C.E.E. avec l'Espagne et Israël, et la


question des agrumes

Le Conseil du G.A.T.T. a examiné une demande (24) présentée par la


Communauté économique européenne aux fins d'être relevée des obligations de l'article
I de l'Accord général pour lui permettre de réduire de 40 % les droits de douane
applicables à certains agrumes originaires d'Israël et d'Espagne. Devant l'avis
défavorable du G.A.T.T., la C.E.E. a décidé, en février 1970, de retirer sa demande
de dérogation et de suspendre le régime préférentiel qu'elle avait accordé à l'Espagne
et à Israël sur les agrumes.

3) Les accords d'association conclus entre la C.E.E. et la Tunisie, la C.EJ5. et le


Maroc

Le 11 juillet 1969, le Conseil des Communautés européennes a notifié aux Parties


Contractantes du GA.T.T. que des accords (25) créant des associations entre la C.E.E.
et la Tunisie, la C.E.E. et le Maroc avaient été signés respectivement les 28 et 31
mars 1969. Devant le Conseil du GA.T.T., le représentant de la C.E.E. a invoqué
comme base juridique les § 5 à 9 de l'article XXIV de l'Accord général. Un groupe
de travail du G.A.T.T. a été constitué en vue d'examiner les deux accords
d'association; un premier rapport juridique a été publié en avril 1970 (26).
Devant les instances du G.A.T.T., les parties ont déclaré qu'il s'agissait «
d'accords provisoires » (au sens de l'art. XXIV § 5 al. c de l'Accord général) destinés à
conduire à l'établissement d'une zone de libre-échange. Toutefois, les représentants
des parties ont mis l'accent sur un certain nombre de circonstances particulières qui
devaient infléchir les règles de l'article XXIV : la continuité des liens historiques
entre les partenaires, la nécessité d'harmoniser ces liens avec la réalisation de la
libre circulation dans la Communauté, et la situation spéciale découlant de la
différence entre les niveaux respectifs de développement des parties aux accords.
D'une façon générale, le groupe de travail du GA.T.T. a estimé que les deux
accords d'association étaient incompatibles (27) avec les dispositions de l'article
XXIV: en l'absence d'un plan et d'un programme suffisamment précis, il n'est
pas possible de déterminer si les deux accords provisoires sont de nature à conduire
à l'établissement de zones de libre-échange dans un délai raisonnable,
conformément aux prescriptions du § 5 de l'art. XXIV. En outre, certaines délégations ont
exprimé la crainte que ces accords d'association n'entraînent des détournements de
trafic commercial, contrairement au § 4 de l'art. XXIV. Enfin, les pourcentages des
échanges qui doivent être libérés ne constituent pas «l'essentiel des échanges
commerciaux» entre les parties, comme il est prescrit à l'alinéa b) du § 8 de l'art.
XXIV.
Après avoir énuméré ces différentes incompatibilités juridiques, le groupe de
travail du GAT.T. en arrive à la conclusion qu'il s'agit d'accords «préférentiels»
incompatibles avec l'article XXTV de l'Accord général (28). Cependant, le Conseil

(24) Voir chronique de droit international économique, cet annuaire, 1969, p. 630 et s.
(25) Les textes de ces accords, qui sont entrés en vigueur le 1" septembre 1969, est
reproduit dans les documents L/3226/Add. 1 et L/3227/Add. 1.
(26) "Voir le texte du rapport du G.A.T.T. sur les accords d'association entre la C.E.E. et
la Tunisie, la C.E.E. et le Maroc : L/3379.
(27) Cf. L/3379, p. 2-7.
(28) Voir la conclusion du rapport du G.A.T.T. : L/3379, p. 8-9. Au conseil du G.A.T.T. du
30 septembre 1970, le représentant des U.S.A. a vivement critiqué les accords préférentiels
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 641

du GA.T.T. ne s'est pas prononcé définitivement sur la validité - juridique de ces


accords. De leur côté, les représentants de la C.E.E. considèrent comme clos le
dossier ouvert au G.A.T.T. sur ces accords d'association avec la Tunisie et le Maroc.
Ils estiment qu'il appartient maintenant aux instances du GA.T.T. de faire —
conformément à l'article XXIV de l'Accord général — des recommandations concrètes et
de donner la preuve de leur bien-fondé juridique.

4) La deuxième Convention de Yaounde

En 1970, les Etats membres de la Communauté et les gouvernements des Etats


africains et malgache associés ont communiqué aux Parties contractantes du GA.T.T.
le texte de la deuxième Convention d'association signée le 29 juillet 1969 à Yaounde.
Le groupe de travail du G.A.T.T., réuni à partir de février 1970, a principalement
insisté sur l'absence d'un plan et d'un programme suffisamment précis en vue de
parvenir à la réalisation de zones de libre-échange (29).
Toutefois, le 3 décembre 1970, le Conseil du G.A.T.T. a admis la validité
juridique de la deuxième Convention de Yaounde au regard de l'Accord général,
constatant que des progrès avaient été accomplis dans la réalisation de la zone de libre-
échange, et notant qu' « il n'avait relevé aucun cas de préjudice causé au commerce
de pays tiers ».

B. — LE G.A.T.T. ET LES AUTRES INTEGRATIONS RÉGIONALES

A la XXVIe session des Parties Contractantes, en février 1970, le GA.T.T. a


procédé à un examen — conformément aux pouvoirs qu'il détient de l'article XXIV
de l'Accord général — de l'évolution des principales unions douanières ou zones de
libre-échange existant dans le monde (30).

III. — COMMERCE MONDIAL ET PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT

L'année 1970 constitue une étape importante pour ce qui est de l'évolution des
problèmes commerciaux des pays en voie de développement. Cette évolution doit
être étudiée à un double niveau des relations interétatiques : au niveau des rela-

conclus par la C.E.E. avec le Maroc et la Tunisie. Il a notamment déclaré que ces accords
préférentiels < menaçaient l'ensemble du système commercial non discriminatoire édifié au
cours des années par le G.A.T.T. ». Les Etats-Unis ont réservé leurs droits quant à l'application
de l'article XXIII de l'Accord général qui offre la possibilité de recourir à des mesures de
rétorsion. Sur cet aspect de la « guerre commerciale » entre les U.S.A. et la C.E.E., voir l'article
de P. Fabra dans le Monde du 10 novembre 1970 : c Risques de guerre commerciale et accords
préférentiels mettent en danger l'avenir du G.A.T.T. ».
(29) Sur l'examen par le G.A.T.T. de la 2« Convention de Yaounde, voir les documents
suivants : C/M/60, L/3283 et G.A.T.T./1057, p. 11.
(30) Ont notamment été examinées par le G.A.T.T. les unions douanières et zones de
libre-échange suivantes : A.E.L.E. (et en particulier l'association Finlande/ A.E.L.E.) ,
l'Association latino-américaine de libre-échange, le Marché commun arabe, l'Union douanière et
économique de l'Afrique centrale, l'Association de libre-échange des Caraïbes, l'Accord de libre-
échange Nouvelle-Zélande/Australie, l'Accord de libre-échange Royaume-Uni/Irlande. Voir le
document suivant : G.A.T.T./1057, p. 11-12.
642 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

tions commerciales entre pays développés et pays en voie de développement, et


au niveau des rapports entre pays en voie de développement eux-mêmes.

A. — Les relations commerciales entre pays développés


ET PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT

Un accord est intervenu à la C.N.U.C.E.D. sur l'aménagement d'un système


généralisé de préférences (31). Cependant, , juridiquement, il se pose le problème
de la conciliation des préférences généralisées avec l'Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce. Telles sont les deux questions à examiner successivement.

1) L'accord sur l'instauration d'un système généralisé de préférences

Le 12 octobre 1970, un accord a été conclu au Comité spécial des préférences


(32) de la C.N.U.C.E.D. en vue de l'instauration d'un système généralisé de
préférences sans réciprocité ni discrimination en faveur des exportations des pays en
voie de développement (33). Le conseil de la C.N.U.C.E.D., réuni en session
extraordinaire les 12 et 13 octobre 1970 sous la présidence de M. Spinelli (Italie), a adopté
une décision (34) qui entérine les « conclusions concertées » dégagées par le Comité
spécial des préférences.

a) La nature juridique du système institué

Dans le préambule des «conclusions concertées» (35), l'accord reconnaît que


les dispositions préférentielles sont « mutuellement acceptables », et stipule que les
pays donneurs éventuels sont résolus à chercher à obtenir, aussi rapidement que
possible, les autorisations législatives nécessaires afin de mettre les arrangements
préférentiels en œuvre le plus tôt possible en 1971.
Juridiquement, les préférences qui seront octroyées revêtiront un caractère
temporaire et non contraignant. D'autre part, les dispositions de l'accord visent à
éviter que des pays (36) puissent invoquer leurs droits au traitement de la nation
la plus favorisée en vue d'obtenir l'équivalent des préférences généralisées qui
auront été accordées aux pays en voie de développement.
En ce qui concerne la durée d'application du système de préférences généra-

(31) Sur la préparation du système généralisé des préférences, voir chronique de droit
international économique, cet annuaire, 1969, p. 632 et s.
(32) Le Président du Comité spécial des préférences M. Swaminathan (Inde) a déclaré que
cet accord était un c événement historique », et qu'il créait : c une base nouvelle pour les
échanges commerciaux entre les pays industrialisés et le tiers monde ».
(33) Le texte de cet accord : C.N.U.C.E.D. TD/B/330. Voir aussi, sur cet accord, l'article
de R. Krishnamurti, Journal of World Trade Law, janvier-février 1971, p. 45-60.
(34) Décision 75 (S-IV) du Conseil de la C.N.U.C.E.D.
(35) c Conclusions concertées » : ce sont les expressions qui désignent l'accord (CN.U.C.E.D.
TD/B/330) . Ces < conclusions concertées » constituent un compromis entre les différentes
offres des pays donneurs. Les textes complets de ces offres ont été diffusés sous la cote
C.N.U.C.E.D. TD/B/AC.5/34 et Add. 1 à 10. Plus particulièrement, voir le texte et l'offre
révisée de la Communauté : Annexe au doc. S/804/70 (COMER 197) ; voir aussi le document de
la C.E.E. : S/924/70 (COMER 212), et les documents de l'O.CD.E. : TC (70) 23, et C (70) 148.
Voir d'autre part la déclaration commune des pays de l'Est : TD/B/AC. 5/L/14, et les
documents émanant du groupe des 77 : TD/B/AC. 5/L. 12 et TD/B/AC. 5/36 Add. 5.
(36) Ce sont principalement les pays de l'Est qui sont visés dans cette disposition.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 643

lisées, il est prévu une période de dix ans. Une révision du système institué pourra
avoir lieu à la fin de cette période.

b) La question des «préférences spéciales» et des «préférences inverses».

Pour ce qui est des préférences spéciales, un compromis (37) avec les Etats-Unis
a pu aboutir. Tout en déclarant que son pays demeurait opposé au principe des
préférences spéciales, le représentant des Etats-Unis a néanmoins admis la concession
suivante (38) : les Etats-Unis n'exigeaient plus que les préférences spéciales soient
entièrement supprimées au bout de 5 ans pour que les pays jouissant de ces
préférences soient admis à bénéficier de préférences généralisées de la part des Etats-Unis.
Autrement dit, les Etats-Unis ont décidé d'autoriser les pays qui reçoivent
actuellement des préférences spéciales à être mis dès le début au nombre des bénéficiaires
des préférences généralisées accordées par les Etats-Unis.
Pour ce qui est des préférences inverses, la négociation avec les Etats-Unis a
été difficile, et le compromis réalisé se révèle beaucoup plus fragile. Devant la
condition dictée par les Etats-Unis, un grand nombre de pays en voie de
développement — menacés d'être exclus du marché américain — ont refusé de poursuivre
les débats. C'est finalement dans la nuit du 11 au 12 octobre que le Comité des
préférences est parvenu à un accord sur les trois éléments suivants : (39)
— 1er point ; Le Comité constate qu'il y a accord sur l'objectif selon lequel
tous les pays en voie de développement devraient en principe participer dès le
début au système;
— 2' point : La réalisation de cet objectif nécessitera toutefois de nouvelles
consultations entre les parties directement intéressées;
— 3* point : Ces consultations devront se poursuivre de toute urgence en vue
de trouver des solutions avant que le système ne soit appliqué.
La délégation américaine (40) a précisé que les pays en voie de développement
jouissant de préférences inverses pourraient dès le début . bénéficier du système
général s'ils donnaient l'assurance que les préférences inverses seraient éliminées
progressivement dans des délais raisonnables, et s'ils se prêtaient à des
consultations. Ainsi, on voit que le compromis réalisé sur les préférences est fragile, et
qu'il se ramène plutôt à la reconnaissance d'un désaccord que l'on s'efforcera de
réduire ultérieurement dans le cadre de consultations entre les parties directement
intéressées (41).

(37) Voir le texte du Compromis : TD/B/330, la II8 Partie relative aux préférences spéciales
et inverses, § 1.
(38) Voir la Déclaration faite par le représentant des Etats-Unis au Comité spécial de la
C.N.U.C.E.D. sur les préférences le 11 octobre 1970 : S/924/70 (COMER 212), Annexe II/B.
(39) Voir le document TD/B/330, Partie II.
(40) Voir la déclaration faite par le représentant des Etats-Unis au Comité spécial des
préférences, déjà citée : S/924/70 (COMER 212), Annexe II/B.
(41) Sur la position des Etats africains et malgache associés à la C.E.E. (les E.A.M.A.),
voir S/927/70 (COMER 212), p. 11-12. Les E.A.M.A. ont déclaré qu'ils étaient opposés à toute
interférence du problème des préférences inverses avec l'examen des préférences généralisées,
qu'il s'agissait d'une question relevant de la souveraineté de chacun des associés, et que la
solution du problème devait être discutée dans un autre cadre. Pour sa part, la C.E.E. a
déclaré qu'elle se réservait la possibilité de formuler en faveur des E.A.M.A. une « disposition
générale de sauvegarde » pour corriger les situations défavorables qui pourraient résulter,
pour les E.A.M.A., de l'application d'un système de préférences généralisées.
Les pays asiatiques ont rappelé que quelques-uns des arrangements préférentiels qui
existaient depuis la IIe Guerre mondiale étaient reconnus dans l'article I du G.A.T.T. La
solution devait être recherchée dans le cadre du G.A.T.T. ou de l'O.C.D.E.
Enfin, la Jamaïque, ainsi que Trinité et Tobago ont formulé une réserve générale sur
le Rapport final du Comité spécial des préférences.
644 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

c) Les mécanismes de sauvegarde

Les pays donneurs se sont réservés le droit de limiter ou de retirer entièrement


ou partiellement certains avantages tarifaires accordés, au cas où ils le jugeraient
nécessaire. Toutefois, les pays donneurs précisent que de telles mesures de
sauvegarde conserveraient un caractère « exceptionnel », et qu'ils offriraient aux pays
bénéficiaires la possibilité de procéder à des consultations appropriées (42).

d) Les bénéficiaires

Les pays donneurs membres de 1'O.C.D.E. ont rappelé que leur position n'est
pas modifiée par rapport à novembre 1969, à savoir qu'ils détermineraient leur
position en fonction du principe de l'auto-élection (43) . Parallèlement, un certain nombre
d'Etats ou de territoires ont présenté leur candidature comme bénéficiaires du
système de préférences généralisées (44) .

e) Mesures spéciales en faveur des pays en voie de développement les moins avancés

Sur la base de suggestions émanant du groupe des pays d'Amérique latine (45),
le Comité des préférences a longuement débattu sur l'inclusion de mesures spéciales
dans le cadre même du système des préférences généralisées. Faute de pouvoir
dégager des solutions précises, le Comité a dû se limiter à reconnaître que des efforts
devront être entrepris en vue de permettre aux pays les moins avancés de bénéficier
également des préférences généralisées — tant dans le cadre du système des
préférences qu'au sein des autres commissions de la C.N.U.C.E.D. (46).

f) Le dispositif institutionnel

Un accord est intervenu au sujet des fonctions (47) qui incomberont à l'organe
approprié de la C.N.U.C.EJ). A ce sujet, une distinction a été établie entre d'une
part les « examens périodiques » du fonctionnement du système des préférences et
d'autre part les « consultations » entre les pays donneurs et les pays bénéficiaires.
En revanche, il n'a pas été possible de parvenir à un accord quant à la
désignation et à la nature de l'organe approprié qui serait compétent pour les fonctions
énumérées ci-dessus. Si les pays en voie de développement souhaitent la création
— au sein de la C.N.U.C.EJD. — d'une nouvelle commission permanente et .ouverte
à tous les Etats membres, en revanche, les pays donneurs ont refusé une nouvelle
extension du mécanisme institutionnel de la C.N.U.C.E.D. qu'ils estiment déjà trop
lourd. Faute d'accord sur. ce point, le Comité spécial des préférences a renvoyé

(42) Voir document TD/B/330, IIIe Partie.


(43) Sur ce principe de l'auto-élection, voir Chronique de droit international économique,
cet Annuaire, 1969, p. 633.
(44) Les pays candidats sont les suivants :
— les pays appartenant au groupe des « 77 »;
— Surinam, Antilles néerlandaises;
— Cuba, Israël, Chine (Taïwan) ;
— Grèce, Turquie, Espagne, Malte;
,

— Bulgarie, Roumanie;
— Territoires dépendants et pays présentés par le Royaume-Uni (dont Hong-Kong), par la
Nouvelle-Zélande et par l'Australie (Papua, Nouvelle-Guinée) .
(45) TD/B/AC. 5/L 12.
(46) Voir TD/B/330, Partie V : « Mesures spéciales en faveur des pays en voie de
développement les moins avancés ».
(47) Voir TD/B/330. Partie VII : c Dispositions institutionnelles ».
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 645

cette question au Conseil de la C.N.U.C.E.D. qui prendra une décision lors de sa


11e session (48) . En attendant, il a été décidé de prolonger temporairement le mandat
du Comité spécial des préférences.

2) La conciliation du système des préférences généralisées avec l'Accord général


sur les tarifs douaniers et le commerce.

L'instauration d'un système de préférences généralisées est par nature


incompatible avec l'article I de l'Accord général, et d'une façon plus générale, contraire au
système juridique institué par le G.A.T.T. Aussi, sur le plan juridique, doit-on
résoudre le problème de la conciliation du système des préférences généralisées avec
l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, c'est-à-dire le problème
de l'insertion juridique de ce système dans le droit international du commerce
existant.
Sur ce point, les dispositions juridiques des « conclusions concertées » (49) , du
Comité spécial des préférences de la C.N.U.C.E.D., et les dispositions des articles
XXXVI et XXXVII de la Partie IV (50) de l'Accord général sur les tarifs douaniers
et le commerce se révèlent incomplètes et insuffisantes (51). Un nouvel instrument
juridique qui compléterait la Partie IV de l'Accord général et qui permettrait
l'insertion des préférences généralisées dans le système du GA.T.T. apparaît donc
nécessaire.
Cet instrument juridique revêt la forme d'un projet de déclaration (52) des
Parties Contractantes du G.A.T.T., relatif au « régime tarifaire préférentiel en faveur
des pays en voie de développement». Ce projet de déclaration — qui est sur le
point d'être adopté — admet la possibilité d'une dérogation aux obligations résultant
de l'Accord général, sous la réserve toutefois de respecter certaines conditions et de
recourir à certaines procédures.

a) La dérogation à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce.

La Partie IX des « Conclusions concertées ■» (53) du Comité spécial des


préférences de la C.N.U.C.E.D. prévoit que l'octroi des préférences généralisées — en ne
revêtant pas la forme d'un engagement contraignant — n'empêchera pas les parties
de retirer ultérieurement les préférences en tout ou en partie, ou de réduire par la
suite les droits de douane accordés sur la base du traitement de la nation la plus
favorisée unilatéralement ou à la suite des négociations tarifaires internationales (54) .
En outre, la partie IX des « conclusions concertées » stipule formellement que.

(48) La 11e session du Conseil de la C.N.U.C.E.D. est prévue pour août-septembre 1971.
(49) Voir TD/B/330. Partie IX. intitulée « Statut juridique ».
(50) Voir le texte de la Partie IV de l'Accord général : « Commerce et développement »,
in Instruments de base et documents divers du G.A.T.T., vol. IV, Genève; pour l'analyse de
cette partie IV, voir Th. Flory, le G.A.T.T., droit international et commerce mondial, Paris,
1968, p. 177 et s. Sur ce sujet, voir aussi la Conférence de M. Olivier Long prononcée à
New-Delhi le 12 novembre 1970 : « Le commerce des pays en voie de développement,
possibilités et réalisations », Communiqué de Presse du G.A.T.T., G.A.T.T./1070.
(51) Sur ce point, voir le rapport adopté le 25 février 1970 au G.A.T.T. sur les conditions
d'application
n° 17, p. 137 etdess.;dispositions
et voir Les de
activités
la Partie
du G.A.T.T.
IV de l'Accord
en 1969-70,
général,
Genève
L/3335,
1970,voir
p. 26aussi
et s.I.B.D.D.,
(52) Projet de déclaration daté du 14 octobre 1970; voir le texte de ce projet : Spec. (70)
107.
(53) TD/B/330, § 1 et 2.
(54) Négociations tarifaires qui se dérouleront dans le cadre du G.A.T.T.
646 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

l'octroi des préférences sera subordonné (55) à l'existence d'une dérogation aux
obligations qui découlent de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce.
Le projet de déclaration des Parties Contractantes du G.A.T.T. autorise une
telle dérogation: «Nonobstant les dispositions de l'article I de l'Accord général,
les parties contractantes... auront la faculté d'appliquer à titre provisoire un régime
tarifaire préférentiel à leurs importations de marchandises originaires des pays en
voie de développement... » (56) . Toutefois, si le principe de la dérogation est admis,
l'autorisation reste conditionnelle.

b) Les conditions exigées.

Le projet de déclaration des Parties Contractantes du G.A.T.T. subordonne la


dérogation au respect de quatre conditions :
— Premièrement, le régime tarifaire préférentiel qui sera appliqué, doit avoir
pour objet de faciliter le commerce en provenance des pays en voie de
développement, et non de dresser des obstacles nouveaux au commerce d'autres parties
contractantes (57) .
— Deuxièmement, le régime tarifaire préférentiel doit être appliqué aux
marchandises importées en provenance de toutes les parties contractantes en voie
de développement, sans discrimination (58) .
— Troisièmement, le régime tarifaire préférentiel ne devra empêcher aucune
partie contractante qui considérerait que ses intérêts commerciaux sont lésés
d'avoir recours aux procédures de l'article XXIII (59) de l'Accord général.
— Quatrièmement, le régime tarifaire préférentiel ne pourra faire obstacle aux
efforts que les Parties Contractantes du G.A.T.T. pourraient déployer dans l'avenir
pour libéraliser les échanges commerciaux (60) .

c) Les procédures requises.

— Une procédure de notification est d'abord prévue : en effet, toute partie


contractante qui envisagera de mettre en application un régime tarifaire préférentiel
sera tenue de la notifier aux Parties Contractantes du G.A.T.T., et de fournir les
renseignements appropriés.
— Des procédures de consultation sont d'autre part prévues : en effet, dans un
délai d'un mois à compter de la réception de la notification, le GA.T.T. aura la
possibilité d'organiser, à la demande de tout Etat membre, une consultation entre
la partie contractante qui aura adressé la notification, et les parties contractantes qui

(55) Sur ce point, la C.N.U.C.E.D. — en ce qui concerne la mise en vigueur du système


des préférences généralisées — renvoie donc au G.A.T.T. qui demeure juridiquement compétent
pour ce qui est de l'octroi des dérogations.
(56) Voir Spec. (70) 107, § 1, a). La dérogation à l'article I de l'Accord général est donc
expressément énoncée dans le projet de Déclaration. Cette dérogation, lorsqu'elle sera
définitivement adoptée, viendra s'ajouter à la Partie IV et la complétera.
(57) II s'agit en somme de l'obligation juridique de ne pas détourner les trafics
commerciaux existants, obligation énoncée par l'article XXIV § 4 de l'Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce.
(58) Le principe de non-discrimination — qui découle de l'Accord général — sera donc
applicable au système des préférences généralisées.
(59) II s'agit des procédures de conciliation et de règlement des différends fonctionnant
dans le cadre du G.A.T.T. Sur le développement récent de ces procédures, voir R.E. Hudec,
c The G.A.T.T. legal system : a diplomat's jurisprudence », Journal of World Trade Law,
sept-oct. 1970, p. 615 et s.
(60) La mise en vigueur du système des préférences généralisées ne pourra s'opposer à ce
qu'il y ait dans le cadre du G.A.T.T. de nouvelles conférences tarifaires.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 647

considéreraient que l'arrangement envisagé risque de compromettre les avantages


qui découlent pour elles de l'Accord général. Dans un délai d'un mois à la fin de
la consultation engagée, les parties contractantes détermineront — par une
décision (61) — si l'arrangement préférentiel remplit les conditions stipulées par la
Déclaration et s'il ne porte pas préjudice aux intérêts commerciaux d'autres parties
contractantes. On voit donc que le G.A.T.T. sera amené à exercer un véritable
contrôle sur le contenu et l'application des arrangements préférentiels qui seront mis
en vigueur.
Enfin, des procédures de notification, de consultation et de contrôle sont
également prévues en cas de modification (62) de la liste des produits faisant l'objet des
arrangements préférentiels.

B. — Les relations commerciales entre les pays en voie de développement

Depuis 1970, la C.N.U.C.E.D. (63) et le G.A.T.T.(64) mettent l'accent sur la


nécessité de développer et d'intensifier les échanges commerciaux entre pays en
voie de développement. A ce sujet, deux faits majeurs ont marqué l'année 1970 :
l'évolution de l'accord tripartite Inde-Yougoslavie-R.A.U., et le déroulement de
négociations commerciales entre pays en voie de développement.

1) L'évolution de l'accord tripartite Inde-Yougoslavie~R~A.U.

Une décision des Parties Contractantes du G.A.T.T., en date du 20 février


1970 (65) , autorise l'Inde, la Yougoslavie et la R.A.U. à poursuivre la mise en œuvre
de l'Accord tripartite qui prévoit entre les trois participants l'échange mutuel de
concessions tarifaires et de préférences. L'application de l'Accord tripartite est
toutefois subordonnée au respect de procédures de consultation. L'autorisation du
G.A.T.T. (66) — qui sera réexaminée chaque année — expirera le 31 mars 1973.
Les trois Etats participants ont déclaré (67) qu'ils étaient disposés à faire
bénéficier d'autres pays en voie de développement des avantages et des préférences
qu'ils s'étaient mutuellement octroyés. En octobre 1970, l'Inde, la Yougoslavie et

(61) La décision au sein des Parties Contractantes du G.A.T.T. devra être prise dans les
soixante jours à compter de la réception de la notification, et l'arrangement préférentiel sera
approuvé s'il recueille les 2/3 des suffrages exprimés, à la condition que cette majorité
comprenne plus de la moitié des parties contractantes (Spec. (70) 107, § 3) .
(62) Sur ces procédures de modification, voir le texte du projet de déclaration des Parties
Contractantes du G.A.T.T., Spec. (70) 107, § 4.
(63) Voir les rapports du Conseil du commerce et du développement de la C.N.U.C.E.D. :
« Expansion des échanges, coopération économique et intégration régionale entre pays en
voie de développement », TD/B/AC. 10/1 et 2, add. 1 et 2.
(64) Voir le rapport du Comité du commerce et du développement du G.A.T.T., L/3335 et
I.B.D.D., 17, p. 131 et s.
(65) Le texte de la décision : L/3360; le rapport du groupe de travail du G.A.T.T. : L/3341;
et I.B.D.D., 17, p. 150 et s. Sur l'accord tripartite, voir Chronique de droit international
économique, cet annuaire, 1969, p. 629-630.
(66) La décision du G.A.T.T. du 20 février 1970 — qui reprend en partie celle du 14
novembre 1968 — est donc une dérogation à l'article I de l'Accord général et à la clause de la nation
la plus favorisée. Sur cette question, voir H. Gros-Espieix, « The Most-Favoured-Nation
clause, its present significance in G.A.T.T. », the journal of World trade law, janvier-février
1971, p. 29-44.
(67) Voir le rapport du groupe de travail du G.A.T.T., L/3341 et I.B.D.D., 17, p. 150-156.
648 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

la R A.U. ont proposé (68) tout un programme de coopération commerciale qui


serait applicable aux rapports entre pays en voie de développement, mais il reste
à préciser ces formules sur le plan juridique. L'accord tripartite évolue donc dans
le sens de l'extension et de l'élargissement à d'autres pays en voie de développement.

2) Les négociations commerciales entre pays en voie de développement.

Le 19 octobre 1970, à Genève, au sein du G.A.T.T., s'est ouverte une nouvelle


«négociation Kennedy» à laquelle participent trente-quatre pays en voie de
développement (69) . Ces négociations commerciales (70) se déroulent sur une base
sélective, produit par produit, mais les concessions obtenues et échangées seront
applicables sur une base multilatérale pour tous les participants, qu'ils soient ou
non membres du G.A.T.T. D'une façon générale, ces négociations commerciales
entre pays en voie de développement se déroulent selon des procédures juridiques
nouvelles, avec le plus souvent l'abandon de la clause de la nation la plus
favorisée (71) .
A la fin de l'année 1970, des consultations bilatérales et multilatérales ont eu
lieu entre les pays en voie de développement en vue d'identifier les obstacles
tarifaires et non tarifaires qui pourront ultérieurement faire l'objet des
négociations (72) .
'

IV. — LE COMMERCE MONDIAL ET LES PAYS DE L'EST

Le fait dominant à noter au cours de l'année 1970, c'est la volonté, pour les
pays de l'Est, de participer davantage aux institutions commerciales internationales
et de s'insérer davantage dans le système du commerce mondial. C'est ainsi que le
groupe des pays socialistes a proposé, devant les instances de la C.N.U.C.E.D., un
système de préférences généralisées en faveur des pays les moins développés (73) .

(68) Les ministres des trois pays se sont réunis en octobre 1970 à Bled (Slovénie), et ont
rédigé une c Déclaration relative aux arrangements en matière de coopération économique
entre pays en voie de développement ». Un comité permanent chargé de suivre ces questions
a été créé.
(69) Les 34 pays en voie de développement sont les suivants : Afghanistan, Argentine,
Brésil, Cameroun, Ceylan, Chili, Colombie, Cuba, Espagne, Ethiopie, Grèce, Inde, Indonésie,
>

Irak, Iran, Israël, Jamaïque, Liban, Mexique, Nicaragua, Nigeria, Ouganda, Pakistan, Pérou,
Philippines, République Arabe Unie, République de Chine, République de Corée, République
dominicaine, Trinité et Tobago, Turquie, Uruguay, Venezuela, Yougoslavie.
(70) Elles ont pour cadre institutionnel le « Comité des négociations commerciales des
pays en voie de développement > du G.A.T.T.
(71) Voir l'article précité de H. Gros Espiell, J.W.T.L., janv.-fév. 1971, p. 29-44, et le
discours de M. Olivier Long, Directeur général du G.A.T.T., sur Le commerce des pays en
voie de développement, G.A.T.T./1070.
(72) Le rapport Pearson a souligné l'importance des négociations qui se déroulent au
G.A.T.T. entre pays en voie de développement. Sur le détail de ces négociations, voir les
Activités du G.A.T.T. en 1969-70, Genève, 1970. p. 32-33.
<

(73) Voir la Déclaration commune des délégations de TU.R.S.S., de la Bulgarie, de la


Hongrie, de la Pologne et de la Tchécoslovaquie présentée devant le Comité spécial des
préférences de la C.N.U.C.E.D. le 6 octobre 1970 : TD/B/AC. 5/L. 14. Dans cette déclaration

commune, ces 5 pays de l'Est demandent notamment que les préférences tarifaires doivent
également s'appliquer aux pays socialistes qui se trouvent à un degré de développement
intermédiaire et qui connaissent des difficultés analogues à celles des pays en voie de
développement.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 649

Mais c'est principalement par l'accession au G.A.T.T. que se manifeste la


volonté de certains pays de l'Est de s'insérer dans le système juridique du commerce
international. Après la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et la Pologne (74), ce sont
actuellement la Roumanie et la Hongrie qui négocient leur entrée au G.A.T.T.
La négociation relative à l'accession de la Roumanie au G.A.T.T. est
relativement avancée. Il s'agit de trouver une formule juridique qui s'adapte aux rapports
commerciaux existant entre la Roumanie et les autres parties contractantes du
G.A.T.T. Les principaux éléments du Protocole d'accession de la Roumanie au
G.A.T.T. seront les suivants (75) : l'existence d'une période transitoire pour
l'élimination des restrictions quantitatives qui frappent les produits roumains et
l'engagement pour la Roumanie d'augmenter ses importations en provenance des autres
parties contractantes du G.A.T.T. (76) .
Pour ce qui est de la Hongrie, les négociations relatives à son accession au
G.A.T.T. sont moins avancées (77) • Les bases du Protocole d'accession de la Hongrie
auraient tendance à se rapprocher de celles qui avaient été conclues pour la
Yougoslavie. La Hongrie ayant un tarif, son accession au GA.T.T. sera négociée en
partie sur la base des concessions tarifaires — comme c'était le cas pour la
Yougoslavie — et, simultanément, les parties contractantes du GA.T.T. pourront exiger un
certain assouplissement de son système commercial et un accroissement de ses
échanges commerciaux avec les autres parties contractantes du G.A.T.T. A chaque
pays de l'Est, correspond une formule juridique spéciale de participation au GA.T.T.

INVESTISSEMENTS — FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT

Compte tenu des données actuelles des relations économiques internationales,


il n'est pas possible d'examiner les problèmes juridiques liés aux investissements et
aux flux financiers internationaux qui en sont le préalable nécessaire et la
contrepartie comme s'il s'agissait de rapports d'un type particulier entre Etats souverains
et égaux. En effet les questions qui se posent et les solutions adoptées varient
considérablement selon l'identité des partenaires, leur degré de développement et
l'analogie ou bien la différence des systèmes socio-économiques dont ils relèvent.
Au cours de l'année écoulée vouée certes à la préparation de la deuxième décennie
pour le développement, mais dominée également par les questions d'intégration
régionale, les investissements internationaux ont posé des problèmes juridiques
très différents selon qu'ils se situaient dans le cadre de relations établies à
l'intérieur d'un même groupe, ou bien mettant en cause des partenaires relevant de

(74) Sur la participation de la Pologne au G.A.T.T., voir les consultations annuelles entre
les parties contractantes du G.A.T.T. et la Pologne, et le rapport du groupe de travail du
G.A.T.T., adopté le 12 février 1970 : L/3315 et I.B.D.D., 17, p. 103-118. Voir aussi l'article de
B. Laczkowski, « Poland's accession to G.A.T.T. », J.W.T.L., janv.-fév. 1971, p. 110 et s. Les
consultations annuelles portent essentiellement sur les restrictions à l'importation appliquées
aux produits polonais, et sur l'engagement de la Pologne d'augmenter ses importations en
provenance des autres parties contractantes.
(75) Le protocole d'accession de la Roumanie se rapprochera de la formule qui avait été
adoptée pour la Pologne. Voir le texte du projet de Protocole d'accession de la Roumanie
daté du 28 mai 1970 : spec. (70) 56.
(76) En outre, le projet de Protocole d'accession au G.A.T.T. prévoit des consultations
annuelles entre la Roumanie et les parties contractantes du G.A.T.T.
(77) Voir le rapport du Groupe du Travail sur l'accession de la Hongrie au G.A.T.T.,
rapport du 23 septembre 1970 : Spec. (70) 83.
650 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

groupes différents. Faute de pouvoir ici recenser tous les problèmes, nous retiendrons
les faits les plus saillants. La condition juridique des investissements étrangers
réalisés à l'intérieur du groupe des pays développés à économie de marché est la
matière d'un important arrêt de la Cour Internationale de Justice (affaire de la
Barcelona Traction [A]) qui n'a pas tranché la question au fond. Néanmoins les
implications de cet arrêt sont considérables pour le droit des investissements
internationaux. S'agissant des investissements dans les pays en voie de développement
provenant de pays développés, qu'ils soient ou non à économie de marché, il est
très difficile d'isoler pour les besoins de l'analyse ce qui a trait proprement à
l'investissement de ce qui relève globalement de la politique d'aide. Certes l'aide
financière n'est pas destinée dans son intégralité à la réalisation d'investissements
productifs au sens économique du terme — on pense notamment aux crédits à
l'exportation, aux sommes allouées à fonds perdus pour améliorer le fonctionnement
des administrations locales, etc.. — Mais il s'agit quelquefois de véritables
investissements humains à long terme et en tout cas, les problèmes juridiques qui se
posent et les solutions adoptées sont identiques, quelle que soit la destination exacte
des flux financiers. Au cours de l'année 1970, on a pu observer une extraordinaire
floraison d'analyses et d'études entreprises dans les cadres les plus divers —
nationaux et internationaux — afin de mettre en évidence les problèmes et les
perspectives de l'aide financière apportée par les pays développés à économie de marché
aux pays en voie de développement dans la perspective de la deuxième décennie
pour le développement [B]. Il convient également de faire une place à part aux
problèmes juridiques posés par les apports de capitaux aux pays en voie de
développement provenant des pays développés à économie centralement planifiée — pour
reprendre la terminologie désormais classique de la C.N.U.C.E.D. [C].

I. — CONDITION JURIDIQUE DES INVESTISSEMENTS ETRANGERS

Affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company Ltd.


[arrêt C.I.J., 5 février 1970(78) — Belgique cl Espagne (2e partie)]

De cette affaire nous ne retiendrons que les aspects qui intéressent le droit
international économique et notamment la condition juridique des investissements
internationaux. A vrai dire, le problème a été plus nettement abordé dans les
opinions individuelles d'un certain nombre de juges que dans l'arrêt proprement
dit. La Cour s'est en effet tenue à une approche juridique extrêmement abstraite
des conditions de recevabilité de la requête belge pour conclure à l'absence de
droit de la Belgique, en tant qu'Etat national d'un certain nombre d'actionnaires à
exercer à leur égard sa protection diplomatique alors que la société elle-même
n'avait pas disparu et pouvait faire l'objet d'une protection de la part de son Etat
de rattachement, le Canada.
Cet arrêt prend néanmoins les allures d'un arrêt de principe en cette matière
des investissements internationaux où la jurisprudence est rare. Adopté par 15 voix
contre une il reflète l'opinion d'une majorité de juges qui par leur origine nationale
se font plus directement l'écho des thèses des pays socialistes et des pays en voie
de développement. Or la philosophie économique sous-jacente à l'arrêt lui-même

(78) Pour une analyse proprement juridique de cet arrêt cf. cet Annuaire p. 307.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 651

et exprimée avec plus ou moins de bonheur dans un certain nombre d'opinions


individuelles pourrait paradoxalement se révéler désastreuse pour l'avenir des pays
en voie de développement, alors qu'il s'agit à l'origine — comme le souligne le
Pr Jessup dans son opinion individuelle — d'un différend entre deux Etats
appartenant au même groupe occidental, libéral et relativement développé.
Nos observations porteront sur trois points.

1) Critère de rattachement de la société.

La Cour retient le critère formel du lieu de l'incorporation, écartant toute idée


de contrôle effectif dans la ligne de la jurisprudence Nottebohm. La solution ainsi
consacrée n'est pas sans inconvénient compte tenu de la réalité actuelle des relations
économiques internationales. Le problème se pose de façon particulièrement aiguë
pour les sociétés de complaisance. Qui protégera effectivement les actionnaires si
l'Etat d'incorporation de la société refuse de mettre en jeu la protection
diplomatique et si le droit positif — tel que paraît le consacrer le présent arrêt — interdit
la « levée du voile social » ? On reprendrait volontiers, à ce propos, la remarque
critique du Pr. Gros lorsqu'il indique dans son opinion individuelle que « l'actionnaire
n'est pas cet être abstrait et toujours identique à lui-même dont il serait possible
de distinguer les droits et les intérêts pour ne protéger que les premiers et négliger
les seconds ».
D'une façon plus générale, la rigueur du système retenu par la Cour risque de
décourager les sociétés rassemblant des actionnaires de nationalités différentes
d'investir à l'étranger faute pour les actionnaires d'être assurés d'une protection
effective de la part de l'Etat du lieu d'incorporation (ou du siège social) de la
société. Il pourrait en résulter une diminution du volume des investissements dans
les pays en voie de développement qui justement en ont le plus besoin ou encore
un renchérissement de leur coût qui ne serait pas moins fâcheux; par ailleurs les
formules d'investissement multinational se trouveraient découragées alors que les
pays en voie de développement les souhaitent de préférence aux accords bilatéraux
d'investissement qui risquent de les mettre dans une situation de plus grande
dépendance à l'égard d'un investisseur unique.

2) Souveraineté de l'Etat sur les richesses nationales.

La doctrine sous-jacente à l'arrêt, proche de celle des pays socialistes et des


pays en voie de développement, repose sur une conception très exigeante de la
souveraineté de l'Etat sur ses richesses nationales, sans que soient semble-t-il
perçues par les juges de la majorité les implications plus lointaines d'une telle
conception.
L'institution de la protection diplomatique est analysée par la Cour comme
un moyen de pression des Etats forts contre les Etats faibles : il convient donc de
définir le domaine de cette protection sur la base la plus restrictive. Selon l'opinion
de la Cour (§ 87) dès lors qu'un Etat admet sur son territoire des investissements
étrangers, il est tenu de leur accorder la protection de la loi; mais il ne devient pas
pour autant l'assureur des ressources que ces investissements représentent : tous
les placements de cette sorte comportent des risques. C'est donc l'idée de risque-
profit, qui conduit la Cour à ne pas se scandaliser d'une non-protection éventuelle
des intérêts économiques d'un groupe important d'actionnaires : ils ont pris, en
investissant à l'étranger dans l'espoir de gains importants, un risque mesuré dont
il leur appartient de subir les conséquences dommageables.
652 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

Développant cette idée dans leurs opinions individuelles les juges Ammoun et
Padilla Nervo déclarent estimer que « si quelqu'un a besoin de protection ce ne
sont pas les actionnaires des énormes sociétés capitalistes de structure complexe qui
investissent dans les pays en voie de développement; ce sont ces Etats pauvres ou
faibles où les capitaux sont investis qui ont besoin d'être protégés contre l'ingérence
de puissants groupes financiers, contre la pression diplomatique injustifiée de
gouvernements qui paraissent toujours prêts à appuyer à tout prix les actionnaires de
leur nationalité, alors même que ces actionnaires sont juridiquement tenus de
partager les risques de leur société et de suivre son sort». On discerne en somme
chez la majorité des juges le sentiment que l'investissement étranger par les gains
qu'il procure . à l'investisseur constitue une menace pour l'intégrité du
patrimoine de l'Etat d'accueil.
En revanche, l'aspect inverse de l'investissement, considéré comme une
exportation de richesse nationale, est totalement négligé par la Cour. Elle écarte (§ 86)
l'idée avancée par les conseils de la Belgique suivant laquelle il conviendrait
d'assurer une protection particulière des «ressources économiques de la nation».
Suivant la conception belge, les investissements effectués par les ressortissants d'un
Etat à l'étranger faisant partie des ressources économiques de la nation, tout
préjudice qu'ils viennent à subir met directement en jeu les intérêts économiques de
leur Etat national. Les juges Ammoun et Padilla Nervo se sont élevés contre le
caractère vague et mal défini des notions de « richesse nationale » ou de « fortune
nationale » ainsi entendues par les pays investisseurs.
En réalité, il n'y a pas de conciliation possible entre la conception unilatérale
des pays en voie de développement cherchant à utiliser le principe de souveraineté
permanente sur leurs ressources naturelles comme instrument de redistribution des
richesses à l'échelle internationale, et celle des pays développés qui estiment qu'il
n'y a pas d'investissement international possible sans une protection large et
effective des intérêts des investisseurs. L'arrêt de la Cour n'ouvre pas la voie au
développement de cette protection et ainsi constitue une menace pour le
développement à venir des investissements privés.

3) Perspectives d'avenir pour les investissements privés à l'étranger.

Le refus par la Cour d'envisager une protection directe des actionnaires par
leur Etat national oblige à reconsidérer l'ensemble du régime juridique des
investissements internationaux privés.
— Les accords bilatéraux entre l'Etat national de l'investisseur et l'Etat d'accueil
demeurent évidemment possibles. Encore faut-il, si l'investisseur est une société
privée que soit défini de façon indiscutable le critère de rattachement — contrôle
effectif, incorporation, siège social... — Par ailleurs le problème des sociétés «
multinationales» n'est pas résolu; en effet, un accord bilatéral entre Etats ne saurait,
compte tenu de la jurisprudence de la Cour garantir de façon satisfaisante les
intérêts des actionnaires de nationalité différente.
— Le système d'arbitrage prévu par la Convention B.I.R.D. de 1964 assure une
protection effective des investisseurs, mais à la condition que tous les Etats nationaux
desdits investisseurs soient partie à la Convention. Les actionnaires de sociétés
«multinationales» n'échappent donc pas totalement à l'arbitraire d'une décision
étatique unilatérale.
— Reste la négociation directe entre l'Etat d'accueil de l'investissement et le
groupe multinational investisseur. Mais le risque est alors grand pour les Etats
pauvres ou faibles de devoir se plier aux conditions des grands cartels internationaux
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 653

(tel le cartel pétrolier) qui devant investir avec de très gros risques feront payer plus
cher l'incertitude de leurs gains.
On peut vraiment se demander si les juges de La Haye voulant «moraliser»
le régime juridique des investissements privés ont bien servi la cause du
développement économique international.

II. — PROBLEMES ET PERSPECTIVES


DES APPORTS FINANCIERS DES PAYS DEVELOPPES
A ECONOMIE DE MARCHE
AUX PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT

Le financement des investissements publics et privés dans .les pays du tiers-


monde est l'un des aspects importants, mais non unique, du vaste problème de l'aide
financière aux pays en voie de développement, problème qui retient l'attention d'un
grand nombre d'organismes nationaux et internationaux, universels et régionaux au
seuil de la deuxième décennie du développement. Outre cet effort d'analyse et de
définition de nouvelles directives d'action, quelques problèmes particuliers méritent
d'être mentionnés concernant la protection des investissements privés et l'action
des banques régionales de développement.

Protection des investissements privés et étrangers dans les pays du tiers-monde.

Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux


investissements (C J.R.D.I.) a rendu public le 15 septembre 1970 son quatrième rapport annuel
relatif à l'exercice 1969-70(79), document très bref qui illustre la faible activité
du Centre. Selon ce rapport, aucun différend n'a encore été porté devant le Centre;
toutefois, un nombre croissant d'accords d'investissement prévoient la soumission au
Centre des différends juridiques qui pourraient apparaître dans le cadre de la mise
en œuvre desdits accords, les Etats autant que les investisseurs internationaux
paraissant envisager avec faveur l'arbitrage obligatoire dans le cadre de la
convention entrée en vigueur en octobre 1966. Le nombre des Etats signataires et les
ratifications continuent d'ailleurs à augmenter régulièrement (80).
Au cours de l'année écoulée, le Centre a entrepris de rassembler, classer et
diffuser les textes de lois nationales et d'accords internationaux ayant trait aux
investissements étrangers. Le but de ce projet est d'aider les Etats à comparer
valablement les moyens de promotion des investissements utilisés dans les différents
pays, et de familiariser les investisseurs éventuels avec la législation en vigueur
dans divers pays en voie de développement.
En dehors du C.I.R.D.I., dont les perspectives sont exclusivement juridiques, le
problème de la protection des investissements étrangers a, au cours de l'année
écoulée, retenu l'attention de la Banque mondiale : il a été décidé de reprendre le
projet de 1963 visant à instituer un système d'assurance en faveur des investissements

(79) C.I.R.D.I. — Quatrième rapport annuel, 1969-70.


(80) Le 30 juin 1970, le nombre des Etats ayant ratifié s'élevait à 57; en outre, 7 autres
Etats avaient signé la Convention mais ne l'avaient pas encore ratifiée.
654 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

privés dans les pays du tiers-monde, mais la création d'une Agence internationale
d'assurance des investissements soulève des problèmes difficiles dont les
Administrateurs de la Banque devront poursuivre l'examen.

Banques régionales de développement.

Le 22 juillet 1970, la France est devenue membre de la Banque asiatique de


développement. La souscription française s'élève à 25 millions de dollars, ce qui porte
le capital souscrit à la B.A.D. à plus d'un milliard de dollars. A cette occasion, il
convient de rappeler que l'accord créant la Banque asiatique de développement a
été signé à Manille en décembre 1965. La contribution initiale des E.U. et du Japon
— deux cent millions de dollars chacun — a donné à ces deux pays un rôle
prépondérant dans l'orientation de la B.A.D., encore que le règlement de celle-ci
stipule que les contributions des pays non asiatiques ne doivent pas dépasser 40%
du total, ceci est évidemment destiné à limiter l'influence nord-américaine.
Lors de la conférence de 1'E.CAJT.E. (Commission économique de l'O.N.U. pour
l'Asie et l'Extrême-Orient) tenue à New Delhi en mars 1966, le délégué soviétique
avait déclaré que son gouvernement ne participerait pas à la B.A.D. en raison de la
répartition des voix au conseil de direction, les pays ayant apporté les plus grosses
contributions y occupant, selon le porte-parole de Moscou, une place démesurée;
cependant l'U.R.S.S. a marqué à plusieurs reprises son intérêt pour les activités de
la Banque. De son côté, la République populaire de Chine n'a cessé de critiquer
« cet instrument d'infiltration des réactionnaires américains et japonais dans nombre
de pays d'Asie». La France qui, initialement, avait elle aussi dénoncé la Banque
comme un instrument de la politique américaine en Asie, souligne à présent la place
très importante que les règlements de la BA.D. réservent à la participation asiatique;
selon le gouvernement, il serait contraire aux intérêts français de se tenir à l'écart
des marchés et contrats contrôlés par cet organisme au nom d'une fidélité purement
théorique à la politique inaugurée par le général de Gaulle en Asie.

Problèmes et perspectives de l'aide financière au tiers-monde au seuil de la


deuxième décennie pour le développement.

Deux points de vue sont à envisager : d'une part, le diagnostic de la situation


actuelle de l'aide au développement réalisé dans le cadre de divers organismes
internationaux, d'autre part l'effort de mise au point de stratégies nouvelles tant au
niveau national — E.U. notamment — qu'international — C.A.D., O.N.U.

1. — Diagnostic de la situation actuelle de l'aide financière au tiers-monde

Des études ont été entreprises dans des cadres divers dans la perspective de la
préparation de la deuxième décennie du développement, rapport Pearson commandé
par la B.I.R.D. et rendu public en septembre 1969 (81) ; rapport Jackson intitulé

(81) Partners in development — Report of the Commission on international development —


Praeger Publishes Inc. 1969. Traduction française : Vers une action commune pour le
développement du tiers-monde. Rapport de la Commission d'étude du développement international,
Denoël 1969.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 655

« étude de la capacité du système des Nations Unies pour le développement » rendu


public en décembre 1969(82); enfin rapport Tinbergen élaboré par le Comité de
planification du développement du Conseil économique et social en janvier 1970
en vue de la mise au point de directives et propositions relatives à la deuxième
décennie (83) . Ces trois rapports, aux ambitions très vastes, qui visent à analyser les
données politiques institutionnelles et économiques de l'aide au développement, sont
amenés à aborder, sous des angles divers, les problèmes essentiels de l'aide
financière au tiers-monde. Mais ce qui frappe à la lecture de ces rapports, c'est la
disproportion entre l'abondance des pages et la pauvreté des conclusions, au moins
des conclusions nouvelles : de tous ces développements consacrés à l'analyse des
conditions actuelles de l'aide financière au tiers-monde, il ressort une impression de
déjà dit, comme si l'imagination avait fait défaut à leurs auteurs pour renouveler
leur vision du problème; une telle constatation fait mal augurer des chances de la
stratégie qui sera élaborée sur ces bases.
1. — Le rapport Pearson après avoir, dans trois chapitres de synthèse, retracé
l'historique de la coopération internationale au service du développement, posé le
problème de l'avenir et proposé l'esquisse d'une stratégie, développe tout au long des
huit chapitres suivants soixante-huit recommandations concernant la politique
commerciale, l'investissement privé étranger (84), la population, l'éducation et la
recherche, le volume de l'aide, son efficacité et le problème des dettes contractées au titre
du développement. Alors que l'ensemble du rapport de la Commission souffre en
général d'une insuffisance de précision dans l'analyse des données de base et d'une
absence souvent totale de raisonnement logique pour étayer de si nombreuses
recommandations, les chapitres consacrés au problème de l'aide sont meilleurs :
ils reposent sur une information rapportée avec exactitude, encore que les
conclusions soient rarement neuves par rapport à d'autres précédemment avancées dans
le cadre de la B.I.R.D., ou de 1'A.I.D., du Fonds monétaire, ou du Comité d'aide au
développement de l'O.C.D.E.; elles ont toutefois l'avantage d'être présentées de
façon synthétique.
Quelques chiffres globaux donnent une idée des problèmes actuels des pays du
tiers-monde : entre 1960 et 1967, le P.N.B. des pays en voie de développement a
augmenté chaque année de 5 % — 4,8 % dans les pays développés — la population
de 2,5 % — 1,2 % dans les pays développés — la production par habitant de 2,5 %,
taux de croissance auquel elle paraît s'être stabilisée depuis lors, très inégale selon
les pays et, en tout cas, insusceptible de permettre au tiers-monde de «rattraper»
le retard accumulé par rapport à la production par habitant dans les pays développés
— dont le taux de croissance annuel est de l'ordre de 3,6 % (85) .
Contrairement à l'idée communément reçue selon laquelle les pays pauvres
ont trop peu de ressources propres pour épargner, pendant les années 1960, 85 %
des investissements nécessaires à la réalisation d'un taux de croissance annuel brut
de 5 % ont été financés par l'épargne intérieure (86) : cette constatation est d'une
importance fondamentale car elle permet d'envisager pour l'avenir, avec
évidemment des variations considérables selon les pays, la possibilité d'une croissance

(82) Etude dont l'initiative revient au Bureau consultatif inter-organisations commandé


par le Conseil d'administration du P.N.U.D. lors de la sixième session à Sir Robert Jackson
désigné comme Commissaire (Doc. O.N.U. DP/5 décembre 1969, 2 volumes).
(83) Comité de planification du développement. Rapport sur la sixième session (5-15 janvier
1970). Conseil économique et social, Documents officiels, 49e session, supplément n° 7.
(84) Dans notre précédente chronique, il avait été rendu compte avec quelque détail de
ce seul chapitre du rapport Pearson consacré à l'investissement étranger. Cf. A.FJD.I., 1969,
p. 639.
(85) Rapport Pearson, édition française, op. cit., p. 86.
(86) Ibid., p. 54 et s.
656 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

économique autonome. Ceci ne veut pas dire que, au cours des vingt dernières
années, l'assistance financière du monde industrialisé n'ait pas contribué de façon
très sensible au progrès des pays en voie de développement. Cet apport financier
extérieur n'a représenté en fait qu'une faible fraction du revenu total des pays
peu favorisés — environ 1 %; mais à bien des égards, il s'est révélé d'une importance
cruciale, permettant de financer environ 10 % des investissements des pays en voie
de développement, c'est-à-dire la marge nécessaire pour conserver une confortable
avance sur la croissance démographique au lieu de se maintenir tout juste à flot (87) .
Pourtant la corrélation entre le volume de l'aide reçue au cours des dernières
décennies et la croissance enregistrée sont difficiles à mettre en évidence; l'aide
extérieure sert dans une proportion importante au financement des importations
et pas seulement à la réalisation d'investissements productifs; elle n'est, en second
lieu, qu'une des composantes du flux des ressources extérieures, beaucoup surtout
parmi les plus avancés des pays en voie de développement, bénéficiant d'importants
apports de capitaux privés; enfin la croissance du tiers-monde a profondément
souffert des ponctions de devises nécessitées par le service de la dette.
L'ensemble des ressources fournies par les pays industrialisés non communistes
aux pays peu développés et aux institutions multilatérales relève de trois catégories
distinctes (88) :
1°) Aide publique au développement, composée de fonds que les Etats fournissent
à des conditions exceptionnellement favorables pour favoriser le développement
économique et social des pays en voie de développement; c'est cette catégorie
de ressources que l'on qualifie généralement d'«aide»;
2°) Autres apports de fonds publics dont certains peuvent comporter un élément
de don, comprenant les crédits publics à l'exportation, le montant net des
souscriptions par les Etats d'obligations, de titres d'emprunts, les participations
aux institutions mutilatérales;
3°) Apports privés, comprenant des investissements directs, les investissements de
portefeuille et les crédits privés à l'exportation à échéance de plus d'un an.
Les chiffres globaux témoignent d'une augmentation rapide entre 1950 et 1968 du
montant total des ressources financières mises à la disposition des pays pauvres,
toutefois, cette augmentation globale des flux recouvre des tendances bien
différentes selon les catégories de ressources. L'aide publique au développement a
augmenté très rapidement jusqu'en 1961; elle est ensuite demeurée stationnaire et
a même diminué en 1968. Par contre, le courant de ressources privées après être
demeuré relativement stable jusqu'en 1963, a rapidement augmenté depuis. En ce qui
concerne la composition de l'assistance extérieure, la proportion des subventions et
contributions assimilables à des dons a baissé tandis que celle des prêts augmentait;
les conditions auxquelles les prêts sont consentis ont été quelque peu assouplies
s'agissant des prêts au titre de l'aide publique au développement, mais elles sont
devenues plus rigoureuses pour les prêts au titre des autres apports de fonds
publics (89).
Le service de la dette constitue pour l'économie des pays en voie de
développement une charge énorme et en voie de constante aggravation. En juin 1968, la

(87) Ibid., p. 77 et s.
(88) Ibid., p. 189 et s.
(89) A titre indicatif, les conditions de prêts pratiquées par les principaux organismes
multilatéraux ont été les suivantes en 1969 :
Intérêts Echéances Période de grâce
B.I.R.D 7 % 25 ans 5 ans
C.A.D 3 % 25 ans 5 ans
I.D.A 0,75% 50 ans 10 ans
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 657

dette globale inscrite s'élevait à 47,5 milliards de dollars; au cours des années 1960, la
dette publique extérieure des pays en voie de développement s'est accrue d'environ
14 % par an et le montant des paiements — remboursements et intérêts — de 17 %
par an. Les perspectives d'avenir sont fonction de l'évolution des conditions de prêt
et d'une modification éventuelle de la proportion respective de dons et de prêts :
si rien n'est changé à la situation actuelle, on observera aux environs de 1977 un
important transfert net des régions en voie de développement vers les pays
industrialisés; si le montant des prêts nouveaux augmente au rythme de 8 % par an, soit
un peu plus. vite qu'au cours des années 1960, sans que leur composition change,
l'apport d'argent frais ne sera pas complètement absorbé par l'accroissement du
service de la dette qui, en 1977, aura cependant doublé par rapport au chiffre de
1967. En pratique, on observe une stagnation de l'aide publique au développement
depuis 1968, aide publique dont les conditions deviennent de plus en plus rigoureuses
dans la mesure où il ne reste plus que 16 % de l'aide publique à n'être pas liés à
des achats dans les pays apporteurs de capitaux.
Cette inquiétante évolution est longuement soulignée dans le rapport de la
commission qui devient au contraire plus évasif lorsqu'il s'agit d'étayer d'arguments
logiques les solutions qu'il propose et qui, d'ailleurs, sont en général insuffisamment
précises pour servir de directives opérationnelles (90). La Commission recommande,
par exemple, de mettre fin au gaspillage, d'alléger les procédures d'octroi de l'aide;
elle souligne la nécessité d'une certaine continuité de la part du pays apporteur et
d'une programmation plus précise du côté des utilisateurs. Mais les organismes
internationaux et les responsables nationaux des politiques d'aide et de
développement n'ont que faire de ces bonnes paroles. Par ailleurs, la commission paraît
sous-estimer la complexité du problème de la détermination de critères pour
l'allocation de l'aide qu'elle voudrait lier aux « performances » du pays aidé; en
réalité, les choses ne sont pas si simples, les efforts et les résultats difficilement
évaluables dans l'immédiat, ce qui multiplie les politiques alternatives bien au-delà
de ce que paraît envisager le rapport. Enfin, la commission affirme que le coût de
l'aide pour le pays qui l'apporte est souvent « considérablement exagéré »; mais
elle ne fournit aucun ordre de grandeur de cette exagération ni aucun élément
d'explication d'une semblable attitude.
Au niveau des recommandations, le seul point nouveau et précis du rapport
Pearson est l'affirmation que le fameux objectif d'un volume d'aide égal à 1 % du
P.N.B. des pays développés, objectif dont il est question depuis 1960(91), devrait
être atteint à une date précise, de préférence en 1975, et en tout cas pas après 1980;
dans ce 1 %, le montant de l'aide publique au développement devrait, selon l'opinion
de la Commission, atteindre au moins 0,70%, c'est-à-dire plus des deux tiers de
l'aide globale. Cette recommandation du rapport Pearson est devenue, on y
reviendra, l'un des points essentiels et chaudement discuté de la nouvelle stratégie
du développement.
2. — Sir Robert Jackson avait à l'origine un mandat plus clairement défini que
la Commission d'étude du développement international, mandat auquel il est resté
plus rigoureusement fidèle. Le problème posé était celui de l'évaluation de la

(90) Cf. Un point de vue très critique sur le rapport Pearson, exprimé par P.B. W. R.,
« Partners in development — a critique », Journal of World Trade Law, 1970, p. 255 et s.
(91) Cf. Rapport Pearson, édition française, op. cit., p. 200. En 1960, l'Assemblée générale
des Nations Unies a adopté une résolution à cet effet. Lors de sa première réunion en 1964,
la C.N.U.C.E.D. a développé cette idée qui a été appuyée par le C.A.D. L'ironie de la chose
est que le montant total du courant des ressources a été en réalité de plus de 1 % de la
somme des revenus nationaux pendant les cinq années qui ont précédé l'adoption de cet
objectif par le CAD. et que, depuis lors, cet objectif n'a jamais été atteint ».

42
658 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

capacité du système des Nations Unies — Programme des Nations Unies pour le
Développement et autres . institutions spécialisées : F.A.O., U.N.E.S.C.O., O J.T.,
O.M.S., aussi bien que O.N.U.D.I., C.N.U.C.E.D. et commissions économiques
régionales — à mener, dans les pays en voie de développement, des activités
opérationnelles dans le domaine de l'assistance technique et du pré-investissement. Mais
l'assistance multilatérale au développement constitue un tout dans lequel il s'est
avéré très difficile d'isoler le seul aspect institutionnel, si bien que le rapport
Jackson en est arrivé finalement à proposer une stratégie d'ensemble visant à
réaliser, dans le cadre de l'O .N.U. et de ses satellites, une meilleure coordination et
une plus grande efficacité du système multilatéral d'assistance (92).
L'aide multilatérale représente actuellement environ 15 % du total de l'apport
financier des pays développés non communistes aux pays en voie de développement.
Les deux tiers environ de cette aide multilatérale reposent sur une base
conventionnelle. L'apport du système des Nations Unies ne représente donc que 5 % du volume
total des capitaux apportés par les pays membres de TO.CJD.E. aux pays en voie
de développement. Mais si l'apport financier du système des Nations Unies est
médiocre en pourcentage, il a crû régulièrement au cours de la dernière décennie —
de 8 % de l'apport financier global au tiers-monde en 1950 à 10,5 % en 1968 — et
ce qui importe plus que les chiffres du passé, ce sont les perspectives du
développement futur. Sur le plan politique, la préférence des pays en voie de développement
pour l'aide multilatérale est bien connue, et c'est la raison pour laquelle la
Commission Pearson a recommandé que la part de ce type d'aide soit doublée d'ici
1975 afin d'atteindre 20 % du volume global de l'aide. Il reste à se demander si, sur
le plan technique, l'aide multilatérale du type de celle qui distribue le système des
Nations Unies est véritablement la plus efficace, la plus apte à promouvoir dans les
meilleures conditions le développement économique des pays aidés. Tel est le
problème très clairement posé par Sir Robert Jackson en introduction à son rapport :
il envisage de mesurer avec le maximum d'objectivité l'efficacité du système des
Nations Unies en faisant abstraction de toutes considérations politiques a priori en
faveur de l'aide multilatérale. Le résultat est un rapport de 600 pages divisé en deux
volumes et cinq parties; cette présentation n'est pas, parfaite; elle engendre
d'inévitables redites entre la première partie (Vol. I) qui est un résumé souvent par trop
allusif des principales conclusions et recommandations et peut-être considéré
comme trop élémentaire, et les autres parties (Vol. II) dont, au contraire, la
monumentale substance risque de décourager le lecteur; plus court et mieux construit, le
rapport aurait gagné en vigueur. Mais la plus grande qualité de cette étude réside
dans le ton radicalement critique qu'elle adopte à l'égard d'un système dont
beaucoup s'accordent à reconnaître la lourdeur et la faible efficacité que, loin de vouloir
détruire, Sir Robert Jackson entend au contraire rénover.
L'étude sur la capacité commence par un recensement méthodique des défauts du
système, de tout ce qui entrave son efficacité à chacune des phases des programmes
d'assistance technique ou de pré-investissement. Sont ainsi dénoncés : l'absence de
coordination entre les projets, de vision à long terme, d'étude sérieuse des
besoins propres du pays aidé; le défaut d'autorité du représentant résident du
P.N.U.D. au niveau local, son manque de moyens administratifs, les doubles-emplois
avec l'action menée par d'autres organismes multilatéraux d'assistance; la lenteur
dans l'exécution des programmes — jusqu'à dix ans pour un simple projet de
préinvestissement — et l'absence de souplesse d'adaptation pendant cette longue période
d'exécution au cours de laquelle les conditions évoluent nécessairement. Sir Robert

(92) Pour un jugement fort nuancé sur ce rapport, Cf. Dharam P. Ghai, « The United
States capacity study — An evaluation of the Jackson Report », Journal of World Trade Law,
1970, p. 245.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 659

Jackson a pu constater que beaucoup de ceux qui participent au plan national et


international à cette assistance multilatérale des Nations Unies ont conscience des
déficiences du système, mais sont paralysés par la lourdeur de l'institution et la
faiblesse des ressources financières. Ce qui finalement lui paraît faire le plus
gravement défaut, c'est la présence au centre du système d'une tête pensante, d'un
« brain-trust » capable d'élaborer une politique d'ensemble et d'en suivre la mise en
œuvre à tous les niveaux.
A partir de ces constatations, le rapport Jackson propose des remèdes très
raisonnablement pensés. Le nouveau système d'assistance multilatérale comporterait
deux innovations importantes : l'une concernant la réalisation d'une programmation
intégrée, le cycle de la coopération des Nations Unies pour le développement et
l'autre subordonnée à la précédente et conditionnant sa réalisation pratique,
concernant la conception d'un système d'information beaucoup plus étoffé (93),
permettant à tout moment d'évaluer les travaux en cours et de préparer les options
de l'avenir. Le cycle qui engloberait toute l'activité d'assistance depuis la conception
initiale d'un projet jusqu'à l'achèvement de sa réalisation comporterait cinq phases :
1°) L'élaboration de programmes nationaux de développement et leur révision
annuelle;
2°) La formulation au plan national de projets d'assistance et leur examen par
les instances internationales;
3°) La réalisation des projets sous la responsabilité du Directeur du P.N.U.D., mais
avec de larges possibilités de délégation dés activités opérationnelles;
4°) Le contrôle permanent de l'exécution et l'évaluation des résultats;
5°) Le lancement d'activités consécutives, soit mise en œuvre de nouveaux projets
d'assistance, soit développement d'activités nationales autonomes.
Ainsi le cycle serait achevé, avec la constatation concrète, au cours de cette
cinquième phase, du succès ou de l'échec du projet initial.
La mise en œuvre de ce nouveau schéma intégré d'assistance multilatérale
suppose un certain nombre de modifications institutionnelles du système des Nations
Unies : centralisation au niveau des décisions politiques, décentralisation à celui des
responsabilités opérationnelles, développement des compétences du P.N.U.D. à l'égard
des institutions spécialisées et, sur le plan local, renforcement de l'autorité du
représentant résident. Pratiquement, cela suppose la création de bureaux régionaux
communs aux divers organismes internationaux d'assistance, l'unification des
procédures financières, enfin une attention plus marquée au problème du recrutement
d'un personnel qualifié (94) .
Ces diverses recommandations, qui tiennent compte de la pesanteur des
structures existantes, n'entendent pas fournir la clef de la réalisation immédiate d'un
système idéal d'assistance multilatérale; élaborées cependant à partir d'une analyse

(93) En étroite liaison avec le cycle de coopération des Nations Unies pour le
développement, trois grands types d'information sont prévus :
a) information technique et scientifique,
b) information économique et sociale,
c) information opérationnelle et administrative.
Cf. Etude de la capacité du syst. des N.U., Vol. I, p. 35.
(94) Les recommandations du Rapport Jackson ont directement inspiré le Conseil
Economique et Social des Nations Unies qui, lors de sa 49« session tenue à Genève en juillet 1970,
a recommandé la création d'un corps international de volontaires pour le développement dont
le financement serait assuré sur la base de contributions volontaires gérées par le budget
P.N.U.D.
Cf. Doc. ECOSOC E/4790, 14 avril 1970, Possibilité de création d'un corps international de
volontaires pour le développement. Rapport du Secrétaire général.
660 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

intelligente des défaillances actuelles du système des Nations Unies, elles ouvrent
d'utiles perspectives au seuil de la deuxième décennie pour le développement. On
pourrait leur reprocher de ne pas aller assez loin, de se limiter à l'assistance
multilatérale et au système des Nations Unies, alors que la coopération internationale
au service du développement constitue un tout dans lequel justement le système
des Nations Unies ne représente qu'une . faible part, alors que les problèmes de
coordination avec l'action de la Banque mondiale, avec l'assistance bilatérale se
posent, d'une manière cruciale pour l'avenir de la coopération internationale. Mais
,tel était le mandat confié à Sir Robert Jackson et qu'il a effectivement rempli en
proposant des remèdes précis dans un domaine déterminé. Rien n'interdit aux
institutions intéressées de poursuivre ce travail très positif en l'étendant à l'ensemble
du domaine de l'aide au développement.
3. — Dans ce même esprit de révision complète du mécanisme des Nations Unies
afin d'en supprimer les branches mortes et de le mettre à même de collaborer plus
efficacement à la deuxième Décennie du développement qu'à la première, une
importante documentation a été rassemblée à TO.N.U. au cours de l'année écoulée,
notamment par le Conseil Economique et Social. Il convient de signaler
particulièrement le rapport élaboré par le Comité de planification du développement, placé
sous la présidence de M. Jean Tinbergen lors de sa sixième session tenue à New
York du 5 au 15 janvier 1970.
Le Comité devait, à la demande de l'Assemblée générale des Nations Unies et du
Conseil Economique et Social, élaborer à partir d'abondants travaux préparatoires
des directives et des propositions relatives à la deuxième Décennie du développement.
Si l'on a pu juger le rapport Jackson trop limité dans ses perspectives
institutionnelles, le rapport Pearson trop ambitieux par rapport au mandat initial de la
Commission d'étude du développement international, le travail du Comité de
planification du développement représente un moyen terme très concret. La perspective
adoptée est résolument économique, mais tous les aspects, toutes les implications
d'une politique internationale de développement sont successivement abordés. Le
rapport, relativement bref — une cinquantaine de pages au demeurant fort denses —
s'articule en trois parties essentielles :
1°) Examen des objectifs fondamentaux du développement de leur compatibilité et
de leur ordre de priorité;
2°) Moyens et mesures à prendre sur le plan national;
3°) Moyens et mesures de caractère international dans les deux domaines du
commerce international, d'une part, de l'assistance extérieure, financière et
technique, d'autre part.
Au chapitre de l'assistance financière extérieure (95), le rapport du Comité de
planification comporte un certain nombre de recommandations originales, au moins
dans leurs modalités de détail, à l'intention plus particulière des pays développés à
économie de marché, acceptant de réserver le cas des pays à économie planifiée
tout en souhaitant un apport considérable de leur part au cours de la deuxième
décennie. La première proposition concerne l'établissement d'une contribution
mondiale de solidarité qui serait assise sur la consommation d'un nombre limité de
biens dont la possession caractérise l'accès à un niveau de vie relativement élevé :
le taux serait bas — de l'ordre de 0,5 % — , la contribution perçue par
l'administration fiscale de chaque pays et les gouvernements auraient la possibilité d'en
déterminer l'affectation à condition qu'elle serve d'une manière quelconque au
financement du développement international.

(95) Comité de planification du développement. Rapport sur la sixième session, op. cit.,
p. 29 et s.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 661

En ce qui concerne le volume de l'assistance financière extérieure, le Comité de


planification, plus exigeant que la Commission Pearson, recommande la réalisation
en 1972 de l'objectif de 1 % du PJïB.; en outre, dans les limites de cet objectif
de 1 % et dans le même délai, les pays développés devraient envisager de fournir
un minimum de 0,75 % de leur P.NJ3. sous forme de transferts nets de ressources
financières de source publique. Enfin, le Comité estime que les pays en voie de
développement producteurs de pétrole et qui, à ce titre, disposent d'un excédent
d'épargne, devraient fournir des ressources financières aux autres pays en voie de
développement.
A propos des conditions de l'assistance financière, le Comité de planification
formule également des recommandations beaucoup plus précises que la Commission
Pearson pour remédier à l'endettement croissant des pays en voie de
développement. D'une part, pour tenir compte du fait que, dans les années récentes, les
conditions moyennes d'octroi de ressources financières de source publique sont
devenues plus sévères, il faudrait procéder à un réaménagement très général des
dettes. D'autre part, il faudrait que, dans l'immédiat et conformément aux
recommandations du C.A.D., les pays industrialisés s'engagent à fournir 70% au moins
de leurs transferts publics sous forme de dons; cette proportion devrait s'élever
graduellement jusqu'à 50% d'ici 1975. Enfin, à propos de l'aide liée, qui à l'avenir
serait proscrite, le Comité remarque très justement que les pays en voie de
développement devraient pouvoir, s'ils le désirent, lier à leur tour le remboursement de leur
dette à l'exportation de telle production nationale de leur choix.
Enfin, le Comité de planification qui se félicite de la création et de la mise en
application des droits de tirage spéciaux, souhaiterait que les avantages de cette
nouvelle forme de liquidités internationales soient reliés de façon appropriée à l'aide
au développement. Il faudrait faire en sorte qu'une partie du volume des réserves
additionnelles distribuées aux pays en voie de développement soit fonction du
volume de l'aide qu'ils mettent à la disposition des pays en voie de développement;
diverses techniques seraient utilisables à cet effet : l'une d'elles, proposée par le
Comité à titre d'exemple, consisterait à modifier l'accord relatif au Fonds
monétaire international de manière à permettre aux pays développés de verser
directement à l'Association internationale de développement (A.I.D.) et aux banques
régionales de développement une partie des droits de tirage spéciaux qui leur sont
alloués chaque année.
Telles sont les directives et les propositions les plus originales du Comité en
matière d'assistance financière; on verra qu'elles n'ont pas toutes été retenues par
l'Assemblée générale des Nations Unies, dans la déclaration sur la stratégie du
développement pour la deuxième Décennie. Ces recommandations ont néanmoins le
double mérite d'être précises autant que faire se peut en ce domaine encore mal
connu de l'aide internationale au développement, et de reposer sur une connaissance
très sérieuse des données économiques nationales et internationales. C'est ainsi qu'à
propos des critères à retenir pour l'allocation de l'aide financière, question à laquelle
le rapport Pearson apportait une réponse généreusement impraticable, fondée sur les
«performances» du pays aidé, le Comité de planification se contente de souligner
la complexité du problème et l'urgence d'une étude plus approfondie avant qu'il
soit possible d'avancer la moindre proposition. Cette attitude de prudence et de
modestie en présence des difficultés non résolues donne d'autant plus de poids
aux recommandations précises dont on peut penser qu'elles ont été jugées
objectivement réalisables même si elles exigent un effort important de la part des pays
développés à économie de marché. Les directives de l'Assemblée générale des Nations
Unies pour la deuxième décennie restent en deçà de celles du Comité de planification,
mais, grâce à ce rapport, la voie se trouve tracée pour de nouvelles initiatives au
service du développement.
662 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

Afin d'être complet, il faudrait ajouter à ces diverses études menées dans le
cadre d'organismes internationaux les diverses tentatives nationales de réexamen
des politiques d'aide, qui abordent les problèmes de l'assistance financière au
tiers-monde. En France, un «groupe de sages» placé sous la présidence de
M. Georges Gorse, a été officiellement chargé en mai 1970 d'étudier les problèmes
de la coopération internationale et de l'aide au développement dans la perspective
du VIe plan (96). La prise en considération dans la planification nationale des
problèmes et des moyens de l'aide au tiers-monde constitue une innovation
importante par rapport au Vf plan; la Commission Gorse devrait disposer de la
plus large liberté d'action pour travailler en liaison avec toutes les administrations
concernées et entrer en contact avec des personnalités privées. Mais le rapport des
« sages » n'a pas encore été déposé et il reste à savoir le sort qui sera réservé à ses
conclusions.
Aux Etats-Unis, une démarche analogue avait été entreprise quelques mois
plus tôt. Le 24 septembre 1969, le Président Nixon décidait de confier à une
Commission indépendante d'experts, spécialement créée à cet effet, la mission
d'examiner l'ensemble des aspects de la politique américaine d'assistance aux pays en voie
de développement au cours des années 1970. Ce « Comité de développement
international», placé sous la présidence de Rudolph A. Peterson, président de la Bank
of America, et formé à peu près pour moitié d'universitaires et de chercheurs et
pour moitié de personnalités engagées dans la vie des affaires, a déposé son rapport
le 4 mars 1970 (97) . Les conclusions ont très directement inspiré le message du
Président Nixon sur l'aide à l'étranger adressé au Congrès le 15 septembre 1970; ce
message définit une orientation malthusienne fondamentalement nouvelle de la
politique américaine, orientation qui fait peser une menace très grave sur l'ensemble
de la stratégie du développement au seuil de la deuxième décennie.

2. — Mise au point de stratégies nouvelles en matière d'assistance financière

La nouvelle orientation de la politique américaine en ce domaine est évidemment


capitale car les E.U. demeurent, parmi les pays industrialisés à économie de marché,
celui dont l'assistance financière au tiers-monde demeure la plus importante en
volume. Il convient de se demander dans quelle mesure la politique américaine ne
risque pas de contrecarrer la réalisation des perspectives définies par le Comité
d'aide au développement de l'O.C.D.E. lors de sa réunion annuelle tenue à Tokyo
les 14 et 15 septembre 1970. Par ailleurs, l'Assemblée générale des Nations Unies a
adopté le 24 octobre 1970 la charte d'une « Nouvelle stratégie internationale du
développement pour la deuxième décennie ». Cette déclaration, qui concerne tous les pays
membres de l'Organisation à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de celle-ci,
vise cependant plus directement l'action possible des pays développés à économie
de marché qui, en raison de leur haut niveau de développement, demeurent les

(96) Le < groupe des sages » qui a été officiellement installé le 11 mai 1970, comprend,
outre M. George Gorse, président, MM. Pierre Dehaye, Pierre Massé, Robert Marjolin et Jean
Ripert, le général Cazelles chargé des questions militaires; le rapporteur général est M. Jean
Bonnet, conseiller à la Cour des Comptes.
(97) Report to the President of the United States, from the task force an international
development.
« U.S. foreign assistance in the 1970's : a new approach », March 4, 1970. Washington D.C.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 663

principaux artisans possibles d'une aide financière importante aux pays en voie de
développement.
1. — Le message du Président Nixon au Congrès du 15 septembre 1970 promet
une « transformation majeure » des "programmes américains d'aide à l'étranger "pour
les années 1970. A vrai dire, cette « transformation majeure » consiste en un
certain nombre d'options proposées au Congrès, gravement malthusiennes en ce qui
concerne le volume de l'aide, alors que la qualité de l'assistance financière des E.U.
au tiers-monde devrait y gagner; mais on est en droit de se demander quel est le
sens et la portée de cette amélioration qualitative qui ne coïncidera avec aucun
effort pour renverser la tendance, sensible au cours des dernières années, à la
réduction du volume de l'aide américaine (98) .
L'objectif de» la politique américaine est exposé par le Président Nixon avec un
réalisme presque cynique bien différent du style habituellement pratiqué dans les
instances internationales. L'aide à l'étranger constitue, pour les E.U., un moyen
d'aider les autres pays à réaliser leurs aspirations à la justice, à la dignité et à une vie
meilleure, qui sont les conditions d'une paix durable; le Président conclut néanmoins
son message en ces termes : « L'intérêt que nous portons au développement
international à long terme doit être considéré dans le contexte de sa contribution à notre
propre sécurité». Dans cette perspective, le but est de rentabiliser au maximum,
par une politique de qualité, une aide dont le volume ne saurait s'accroître au-delà
de ce qu'autorisent les divers engagements internationaux des E.U. et les difficultés
actuelles de ce pays sur le plan interne.
En ce qui concerne le volume de l'aide, le rapport Pearson proposait des
chiffres précis avec des échéances, afin de renverser, d'ici 1972 ou 1975, la tendance
à la réduction progressive des contributions américaines au processus de
développement. Le message présidentiel au Congrès ne reprend aucun de ces chiffres; il
exclut expressément toute idée de prédétermination d'un niveau annuel d'aide pour
une période donnée et recommande au contraire que la contribution publique des
E.U. soit réévaluée chaque année en fonction, d'une part, .des besoins et des
réalisations de chaque pays en voie de développement et d'autre part, des capacités

(98) Les Etats-Unis ont, dès 1950, adopté une loi sur le développement international qui
définissait en ces termes l'objectif de leur politique d'aide : « soutenir les efforts déployés par
les régions économiquement sous-développées pour mettre leurs ressources en valeur et
améliorer leurs conditions d'existence ». En 1955, les transferts des E.U. aux pays en voie de
développement s'élevaient, au titre des transactions officielles, à environ 2 milliards de dollars
par an, dont près des trois quarts sous forme de dons. La majeure partie de ces apports
consistait en soutien budgétaire pour leurs alliés politiques, en produits alimentaires
excédentaires et en crédits à l'exportation. En 1957, après des débats approfondis, il s'est dégagé une
sorte de doctrine de l'aide selon laquelle l'aide extérieure devait avoir pour rôle primordial de
contribuer à créer dans les pays sous-développés des conditions permettant la croissance
autonome de leur économie dans une société démocratique stable. Cette doctrine s'est traduite
dans les années suivantes par une augmentation importante du nombre des prêts consentis à
des conditions favorables aux fins du développement à long terme, par la réduction des
subventions de caractère politique, par la réorganisation de l'administration de l'aide à l'étranger
et par la création de l'Alliance pour le progrès. Le montant net des ressources transférées au
titre de l'aide publique au développement a augmenté régulièrement pour atteindre 3,6
milliards de dollars en 1963. Depuis lors, le montant des versements est retombé : 3,3 milliards
de dollars en 1968, dont environ 1,1 milliard sous forme de produits alimentaires. Les crédits
ouverts pour l'assistance économique autre que l'aide alimentaire, après avoir atteint un
maximum de 2,6 milliards de dollars en 1961, sont retombés à 1,4 milliard pour l'exercice 1969.
Les E.U. restent malgré tout de loin la source la plus importante d'aide et d'investissements.
A l'apogée du Plan Marshall, l'aide américaine à l'étranger avait dépassé 2 % du P.N.B.;
vers 1955, elle représentait environ 0,84 % ; depuis lors cette proportion n'a cessé de décliner :
0,75 % en 1960, 0,69 % en 1967, 0,65 % en 1968; dans ce pourcentage, l'aide publique au
développement représentait en 1968 0,38 %.
Cf. Rapport Pearson, édition française, op. cit., pp. 191, 201.
664 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

américaines de financement. Il s'agit là d'une position très en retrait par rapport à


celle que les E.U. avaient accepté de prendre à New Delhi en 1968 : il n'est plus
question de l'objectif de 1 % du P.N.B., encore moins d'un sous-objectif de 0,70 %
pour l'aide publique; quant à un calendrier d'échéances, il n'aurait plus aucun sens
faute d'objectifs précis à réaliser. Cette nouvelle orientation de la politique
américaine si, comme il est possible, elle est approuvée par le Congrès, ne manquera pas
de poser des problèmes délicats, aussi bien au CA.D. où se définit l'attitude
commune en matière d'aide au développement de pays membres de TO.C.D.E. que
dans la perspective de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie des Nations Unies
pour le développement.
Selon la formule du Président Nixon, le niveau de l'aide à l'étranger « ne
représente qu'un côté de la médaille, l'autre étant la conviction que ces ressources
doivent être utilisées avec le maximum d'efficacité» d'où les propositions
concernant une politique de qualité de l'aide qui constituent la matière essentielle du
message. Une réforme de l'organisation administrative de l'aide à l'étranger est
proposée qui- intéresse surtout l'ordre interne américain: création d'une Société
américaine de développement international pour administrer les programmes
bilatéraux de prêts qui traiterait les pays en voie de développement selon les principes
de rentabilité en vigueur dans les entreprises; création d'un Institut américain de
développement international qui, s'attaquant aux problèmes démographiques, à
celui de la formation de cadres et techniciens nationaux, mettrait les ressources de
la science et de la technique américaines au service d'une meilleure utilisation par
les pays en voie de développement de l'aide financière fournie par les E.U. Mais
d'autres propositions ont une portée plus vaste sur le plan international : les E.U.
^ont hostiles à toute forme d'aide liée et ils s'engagent à étendre dans l'immédiat à
tous leurs partenaires le bénéfice de la mesure prise en 1968 au bénéfice des seuls
pays d'Amérique latine, consistant à supprimer toutes conditions d'achat inscrites
dans les programmes bilatéraux de prêts. Les E.U. envisagent de faire passer le
plus tôt possible une part croissante de leur aide au développement par le canal
des institutions multilatérales qui ont fait la preuve de leur efficacité et dont les
initiatives sont politiquement mieux acceptées par les pays en voie de
développement. Le Président Nixon propose même que les programmes bilatéraux
américains soient au maximum coordonnés avec les programmes semblables appliqués par
d'autres pays donateurs dans le cadre des institutions multilatérales — consortiums
fonctionnant sous l'égide de la B.I.R.D., ou groupes consultatifs comme la
Commission interaméricaine de l'Alliance pour le progrès (C.I.A.P.) — Sur le problème
de l'endettement croissant des pays en voie de développement, le message
présidentiel est par contre extrêmement évasif, affirmant seulement que «les E.U. sont
décidés à jouer un rôle dans l'effort commun» pour résoudre ce problème (99); ils

(99) Pourtant, en pratique, les E.U. ont joué un rôle important au sein du consortium qui,
fonctionnant sous l'égide de la B.I.R.D. a examiné le problème de l'endettement de l'Indonésie.
A rencontre de la position française d'orthodoxie financière, les E.U. ont fait prévaloir une
solution d'allégement du type de celle préconisée par M. McNamara dans son discours de
septembre 1969 au Conseil des gouverneurs de la B.I.R.D.
En avril 1970, un certain nombre de pays créanciers ont conclu un important accord à
long terme avec l'Indonésie. Il a été de réaménager le calendrier des versements de près
de 900 millions de dollars de la dette extérieure non amortie au 1er juillet 1966. Le principal
sera remboursé en tranches égales pendant trente années à partir de 1970. Aucun nouvel
intérêt ne sera versé pendant la période de moratoire sur les paiements réaménagés du
principal et l'intérêt de la dette ne sera pas payé avant la seconde moitié de la période de
remboursement. Cet accord a été encore assoupli par une clause qui prévoit que l'Indonésie pourra,
si elle le juge utile, différer une partie des remboursements de principal dus pendant les huit
premières années. Un allégement de cette ampleur de la dette multilatérale extérieure devrait
permettre à l'Indonésie de sortir d'une longue période de marasme économique. Il s'agit d'un
accord très particulier tenant compte de la situation indonésienne particulièrement grave et
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 665

n'envisagent pas d'accroître le montant des dons dans l'aide publique, bien au
contraire, puisque l'accent est mis sur l'aptitude croissante des pays en voie de
développement à réaliser des investissements productifs et à rémunérer
correctement les capitaux publics et privés venus de l'extérieur.
Le message présidentiel insiste encore sur la nécessité de favoriser les
investissements privés américains à l'étranger en améliorant le système national de ces
investissements puisque les projets de systèmes internationaux de garantie
périodiquement annoncés par la Banque mondiale ou d'autres organismes financiers
internationaux et qui seraient certainement plus efficaces, paraissent encore fort éloignés
d'aboutir.
Enfin et comme pour compenser la position malthusienne adoptée à propos du
niveau de l'aide américaine, le Président revient sur une idée déjà évoquée par lui
et reprise par le Comité de planification du Conseil Economique et Social des
Nations Unies, celle d'affecter des bénéfices provenant de l'exploitation des
richesses des fonds marins au financement de l'aide au développement. Mais il s'agit là
d'un projet à longue échéance dont les pays en voie de développement ne sauraient
tirer d'avantages immédiats. Il ne suffit pas à diminuer l'inquiétude du tiers-monde
au seuil de la deuxième Décennie.
2. — La réunion annuelle des 14 et 15 septembre 1970 à Tokyo du Comité d'aide
au développement (CAD.) de VO.C.D.E. a coïncidé avec l'ouverture de la 25* session
de l'Assemblée générale des Nations Unies. A ce titre cette réunion de représentants
de pays industrialisés qui fournissent à eux seuls plus de 95 % de l'aide aux pays
en voie de développement revêtait une importance particulière. Les divers aspects
du financement du développement ont été abordés mais sur les deux problèmes qui
ont fait l'objet des discussions les plus serrées — l'objectif de 1 % du P.N.B. et
l'aide liée — les 17 délégations n'ont pas abouti à un véritable accord en vue
d'une politique commune; ils ont simplement défini un certain nombre d'orientations
dont la mise en œuvre effectuée suppose encore de patients ajustements.
En ce qui concerne le volume de l'aide, M. Edwin Martin, président du Comité,
a proposé dans son rapport l'objectif suivant qui avait déjà été avancé l'année
précédente : les pays développés doivent consacrer 1 % de leur P.NJB. à l'aide au
développement; la part de l'aide publique devrait atteindre 0,70% du P.N.B. d'ici
1975, et par aide publique, il faut entendre non pas tous les transferts de source
publique vers les pays en voie de développement mais seulement les transferts qui
sont consentis à des conditions financières généreuses et dont l'objet est de
promouvoir le développement économique du pays destinataire.
Si l'on excepte les E.U., l'objectif de 1% ne représenta pas une norme
inaccessible pour l'ensemble des autres pays membres du CAD. En 1969, il a été atteint
ou dépassé par six pays : la Belgique, la France, l'Italie, les Pays-Bas, la R.F.A. et
le Royaume-Uni (100). A Tokyo, trois autres pays ont déclaré leur intention de
réaliser cet objectif à une date approchée : la Suède en 1972-73, la Norvège en
1974, le Japon en 1975. Mais à part encore une fois les E.U., le total des contributions
publiques et privées des pays membres du C.A.D. a représenté en 1969 0,97 % de
l'ensemble de leur P.N.B.
Les E.U. restent néanmoins la source d'apports financiers la plus impor-

qui ne saurait être considéré comme un précédent susceptible de généralisation à tous les
pays en voie de développement endettés à l'égard de l'extérieur.
(Cf. Banque mondiale — Association internationale de développement — Rapport annuel,
1970, p. 59).
(100) La Suisse qui avait largement dépassé l'objectif de 1 % en 1968, est revenue à 0,64 %
en 1969 par suite d'un fléchissement important du volume des apports du secteur privé.
666 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

tante bien que leur part dans le total du CA.D. ait diminué; sur un montant global
de 13,3 milliards en 1969, ils ont assuré 36 % des apports (44 % en 1968) . Et comme
les E.U., avec un revenu par habitant le plus élevé du monde, et un P.N.B.
représentant 52 % du P.N.B. total des pays membres du C.A.D., consacrent la plus faible
part à l'aide à l'étranger — 0,66 % du P.N.B. en 1968, 0,49 % en 1969 — la moyenne
du C.A.D. s'en ressent nécessairement et s'éloigne d'autant de l'objectif de 1 % :
globalement l'effort financier des pays membres du C.A.D. n'a représenté en 1969
que 0,72 % de leur P.N.B. cumulé, alors qu'il était de 0,89 % en 1960 et les E.U. sont
les principaux responsables de cette régression relative (101). On sait qu'il y a
peu de chances de voir évoluer cette situation au cours des années prochaines,
car l'administration Nixon a clairement manifesté son hostilité à l'égard de tout
engagement quant au volume de l'aide prenant la forme d'un pourcentage préfixé
du P.N.B.
On a également discuté à Tokyo du montant de l'aide publique davantage
appréciée des pays en voie de développement parce que, souvent, assortie de
conditions plus favorables. En ce domaine, l'effort consenti par les divers
membres du C.A.D. varie considérablement : à titre d'exemple, la France a consacré en
1969 0,69 % de son P.N.B. à l'aide publique, suivie de près par le Portugal (0,68 %),
la Suisse seulement 0,16 %, le Japon 0,26 %, les E.U. 0,33 %. Certains pays seraient
favorables à l'objectif de 0,70 % du P.N.B. consacré à l'aide publique en 1975,

d'autres préféreraient un objectif plus modeste (0,60%) réalisé plus tôt (1963). Mais
en ce qui concerne tant ce pourcentage de l'aide publique que l'objectif global de
1 %, la réunion de Tokyo ne pouvait prendre aucune décision définitive alors que,
d'une part, l'Assemblée générale des Nations Unies n'avait pas encore rendu
publique la déclaration sur la stratégie du développement pour la deuxième décennie,
alors, d'autre part, que presque tous les pays membres du C.A.D. ont entrepris,
depuis la fin de 1969, une révision d'ensemble de leur politique à l'égard des pays
en voie de développement : il faut attendre que les examens de conscience
aboutissent en souhaitant qu'ils ne prennent pas tous la tournure malthusienne du rapport
Pearson aux E.U.
La deuxième grande question discutée à Tokyo a été celle de l'aide liée. Les
dix-sept délégations réunies à Tokyo sont arrivées sur ce point à un résultat
plus positif qu'à propos du volume de l'aide, mais il restera encore beaucoup à faire
entre ce premier pas dans la voie du « déliement » et . l'affranchissement complet
des pays aidés à l'égard de toute contrainte d'achat imposée par le pays donateur qui
est, souvent aussi, un ancien colonisateur.
En l'état actuel des choses, l'aide liée des pays membres de l'O.C.D.E., qui est
exclusivement une aide publique, est, pour une part, distribuée par la voie des
institutions multilatérales, pour une autre part, plus importante, elle entre dans le cadre
de l'exécution des accords bilatéraux d'assistance. La pratique de l'aide liée s'est
considérablement développée au cours des années 1960, alors que les pays
industrialisés se heurtaient à des difficultés croissantes pour équilibrer leur balance de
paiements; en corollaire, toute évolution inverse dans la voie du «déliement» se
trouvait abandonnée à une amélioration de la balance des paiements du pays
donateur. Or, en octobre 1969, le Président Nixon prenait l'importante initiative de
déclarer que tous les prêts consentis à l'Amérique latine seraient immédiatement
déliés; le rapport Pearson rendu public en mars 1970, proposait d'étendre cette
décision de «déliement» à tous les prêts bilatéraux américains. Dès lors, un
mouvement effectif dans la voie du déliement se trouvait amorcé, alors justement que

(101) En montant absolu l'aide est passée de 8,1 milliards de dollars en 1960 à 13,3
milliards de dollars en 1969.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 667

toutes les instances internationales qui s'étaient systématiquement penchées sur les
problèmes de l'aide au développement, dénonçaient abondamment dans leurs
rapports la nocivité de cette pratique.
Les membres du C.A.D., lors de leur réunion de septembre 1970, ont accepté
sans difficulté le principe suivant lequel leurs contributions aux institutions
multilatérales ne devaient pas être liées et leur montant devait être augmenté. Mais le
déliement de l'assistance bilatérale a fait l'objet de longues discussions pour aboutir
à un communiqué final dans lequel une large majorité des pays membres du CA.D.
«se sont déclarés pour la première fois prêts à adhérer à un accord de déliement
de leurs prêts financiers bilatéraux au développement». Mais la portée pratique de
cette déclaration se trouve atténuée par le fait qu'aucun accord n'a pu se réaliser
sur une date limite de réalisation effective de ce « déliement ». Aucun membre du
C.A.D., sauf peut-être la Suisse et les E.U., n'est disposé à procéder seul au «
déliement » de son aide.
C'est pourquoi il faudrait mettre au point les modalités précises d'un déliement
effectif. Les délégations réunies à Tokyo ont décidé d'entamer immédiatement au sein
du C.A.D. des études sur les conditions techniques de mise en œuvre de la
résolution, études dont le résultat sera soumis aux gouvernements intéressés. Tous les
membres du C.A.D., y compris la minorité qui refuse de s'engager sur le principe
du déliement, ont accepté ce programme d'étude, cela ne veut pas dire qu'on soit
prêt d'aboutir.
La France, par exemple, a tout lieu de redouter qu'un « déliement » trop rapide
et inconsidéré ne bouleverse tout son système de relation avec ses partenaires
d'Afrique francophone. Son porte-parole à Tokyo s'est vivement élevé contre une
condamnation sans réserve de l'aide liée, insistant sur le fait que pour le pays aidé,
ce qui importe surtout c'est le volume de l'aide et qu'une aide liée peut être gérée
d'excellentes façons dans la mesure où il y a concurrence entre les donateurs et où
les conditions de réemploi sont raisonnablement fixées et révisibles en fonction de
l'évolution des besoins du pays aidé. La France est évidemment bien placée pour
défendre ce point de vue, avec un volume d'aide parmi les plus élevés en
pourcentage du P.N.B. des conditions financières parmi les meilleures et une forte
proportion de dons dans l'aide publique (82 %) . Elle a obtenu finalement dans le
communiqué final des garanties l'assurant que sa situation particulière serait prise
en considération. Elle n'était d'ailleurs pas complètement isolée : un certain nombre
de pays parmi lesquels l'Angleterre, l'Australie, le Canada et l'Italie n'étaient pas
fâchés de voir freiner la hâte américaine alors qu'ils avaient eux-mêmes des
restrictions à apporter à un déliement trop rapide, dangereuse pour l'équilibre de leurs
finances extérieures. Il semble que les E.U., sachant leur dossier fort mauvais quant
au volume de l'aide, aient voulu désarmer la critique en prônant une politique
de qualité et en se faisant les champions du déliement au moment où s'ouvrait à la
fois la réunion annuelle du C.A.D., mais surtout la vingt- cinquième session de
l'Assemblée générale des Nations Unies qui allait définir la stratégie de la deuxième
décennie pour le développement.
3*. — Le 24 octobre 1970, la 25* session de l'Assemblée générale des Nations
Unies a, d'une part, proclamé officiellement la deuxième Décennie des Nations
Unies pour le développement, à dater du 1er janvier 1971, d'autre part adopté une
nouvelle stratégie internationale du développement pour cette décennie. Cette
nouvelle stratégie revêt la forme d'une déclaration d'une trentaine de pages, adoptée
à une séance plénière après examen par la Deuxième Commission (102). Après un

(102) Doc. O.N.U. 1/L. 600, 24 octobre 1970, p. 19 et s.


668 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

Préambule exposant la philosophie générale qui doit inspirer cette deuxième


décennie, les buts et objectifs de développement sont précisés en détail avec mention
des taux de croissance escomptés dans les différents domaines — production,
épargne, commerce extérieur, etc.... — en tenant compte des perspectives
démographiques et des réalisations de la précédente décennie (103). Vient ensuite le
chapitre le plus riche de la déclaration décrivant les mesures à prendre dans le
cadre de la nouvelle stratégie internationale pour le développement. Il s'agit d'un
ensemble de directives à l'intention des Etats et des institutions internationales,
directives qui tiennent compte des résultats et des conclusions des études
préparatoires — notamment rapport Pearson et rapport du Comité de la planification du
développement — mais aussi des points d'accords ou de divergence enregistrés par
exemple à 1'O.C.D.E. ou dans le groupe des pays industrialisés socialistes. Par rapport
aux perspectives généreusement ambitieuses de certains rapports, la nouvelle
stratégie proposée aux Etats membres des Nations Unies se caractérise par un
parti-pris de réalisme et de modération.
Sous le titre «.Ressources financières destinées au développement», un certain
nombre de directives précises sont formulées, avec des chiffres et des échéances.
Reprenant une constatation de la Commission Pearson, la déclaration rappelle tout
d'abord que les pays en voie de développement doivent assumer et assument
effectivement l'essentiel de la responsabilité du financement de leur développement.
Ceci n'empêche pas qu'une aide financière extérieure doit continuer à être envisagée
pour les années 1970. En ce qui concerne le volume de cette aide, chaque pays
économiquement développé devrait s'efforcer d'y consacrer, à partir de 1972 et au plus
tard en 1975, un montant minimum net de 1 % de son PJJJ3.; c'est là le fameux
objectif proposé par la Commission Pearson et accepté par la majorité des membres
du C.A.D. La déclaration de l'Assemblée générale n'impose rien : elle demande
seulement aux pays développés de « s'efforcer » d'atteindre cet objectif dans les délais
indiqués; mais elle ne fait par contre aucune réserve concernant les E.U. — dont
on sait cependant qu'ils sont fort loin de rechercher cet objectif de 1 % pour les
années 1970, ou bien les pays industrialisés à économie planifiée — à l'égard
desquels le Comité de planification du développement s'était montré particulièrement
compréhensif, estimant qu'il fallait tenir compte de leurs caractéristiques
particulières et accepter qu'ils préfèrent fournir une contribution plus importante sur
le plan du commerce que sur celui de la coopération financière (104), Dans la
nouvelle stratégie du développement, l'objectif de 1 % est la norme pour tous les pays
développés, mais une norme seulement indicative.
La seconde directive précise concerne le pourcentage de l'aide publique : chaque
pays économiquement avancé devrait s'efforcer d'atteindre pour ce type d'aide un
montant minimum en valeur nette de 0,70 % de son P.N.B.; au plus tard au milieu
de la décennie. C'est là un pourcentage inférieur à celui préconisé par le Comité de
planification (qui souhaitait 0,80 % du P.N.B.) mais qui correspond à ce qu'envisagent
la majorité des pays membres du C.A.D. ainsi que le rapport Pearson; quant à
l'échéance pour atteindre cet objectif, elle est indiquée sans rigueur.
Sur les autres problèmes que soulève l'aide financière au développement, la
déclaration sur la nouvelle stratégie se montre beaucoup moins précise que ce que
l'on était en droit d'attendre, compte tenu de l'abondance des discussions antérieures
sur les conditions de l'aide, le déliement, le problème de la dette des pays en voie
de développement. L'Assemblée générale déclare qu' « en principe l'aide financière

(103) Le taux de croissance moyen annuel réalisé au cours de la décennie 1960-70 a été
de 5 %; l'objectif de la deuxième Décennie serait un taux de croissance de 6 %.
(104) Rapport du Comité de planification du développement, op. cit., p. 32.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 669

ne sera pas liée », mais elle ajoute immédiatement qu'il ne sera pas possible de
délier l'aide dans tous les cas : les pays développés prendront progressivement les
mesures qu'ils pourront, tant pour réduire la part de leur aide liée que pour
atténuer les effets défavorables de cette pratique. On est bien loin de la
condamnation absolue de l'aide liée prononcée par la Commission Pearson ou le Comité de
planification du développement; l'Assemblée générale abordant ce problème après
la réunion à Tokyo des pays membres du C.A.D., savait qu'une condamnation sans
nuance serait dépourvue d'effectivité, compte tenu des divergences de points de vue
sur le problème du déliement et des difficultés de mise en œuvre (105) . Par ailleurs,
les pays socialistes pratiquent l'aide liée sur une échelle encore plus large que les
pays à économie de marché : une directive condamnant en termes définitifs cet aspect
essentiel de leur politique d'aide au développement serait restée pour eux lettre
morte.
A propos de l'endettement croissant des pays en voie de développement et des
crises que peut engendrer pour leur économie une pareille situation, les
propositions de la nouvelle stratégie sont remarquablement allusives. «Dans le cas où des
difficultés surgiront — déclare l'Assemblée générale — , les pays intéressés seront
prêts à les résoudre raisonnablement, dans le cadre d'une tribune appropriée et
avec la collaboration des institutions internationales intéressées, en ayant recours à
toute la gamme des méthodes possibles, y compris, si nécessaire, des mesures telles
que le réaménagement ou le refinancement des dettes existantes à des conditions
appropriées ». Il est ainsi fait allusion de façon voilée aux discussions non
institutionnalisées qui peuvent être menées sous l'égide de la B.I.R.D., dans le cadre de
consortium d'aide rassemblant les différents apporteurs d'aide bilatérale à un pays
donné (106); mais toute autre solution pouvant aboutir à un allégement ou à un
réaménagement de la dette extérieure d'un pays en voie de développement est
considérée comme également admissible. - Les recommandations de la Commission
Pearson étaient nettement plus exigeantes — éviter les réaménagements répétés, ne
pas dépasser à l'avenir un taux de 2 % sur une durée de 25 à 40 ans, avec délai de
grâce de 7 à 10 ans, etc.. — ; le Comité de planification du développement réclamait
lui aussi de façon beaucoup plus imperative les réaménagements nécessaires, ainsi
qu'une augmentation de la part des dons jusqu'à atteindre 80 % de l'aide publique en
JL975 : la nouvelle stratégie du développement ne fait pas même mention de cet aspect
de l'aide publique.
Reprenant une idée avancée par le Comité de planification, l'Assemblée générale
envisage dans le cadre de la nouvelle stratégie d'examiner sérieusement dès 1972
« la possibilité d'établir un lien entre l'attribution de nouveaux instruments de
réserve conformément au mécanisme des D.T.S. et l'octroi de crédits de
développement supplémentaires aux pays en voie de développement ». Rappelons que le Comité
de planification proposait qu'une partie du volume des réserves additionnelles
ouvertes aux pays développés au titre des D.T.S. soit fonction du volume de l'aide
qu'ils mettraient à la disposition des pays en voie de développement. Il faut donc
s'attendre à de nouveaux développements en ce sens au cours de la prochaine
-

Décennie.
Essentiellement œuvre de compromis, cette nouvelle stratégie du
développement risque de décevoir les pays en voie de développement plutôt que de heurter
les pays riches par d'excessives exigences. Il est encore trop tôt pour juger de ses

(105) Le déliement de l'aide au développement et l'expansion des échanges entre pays en


voie de développement, Rapport au Secrétariat de la C.N.U.C.E.D., Doc. TD/B/AC/10/3, 28 août
1970.
(106) Cf. Les conditions de réaménagement de la dette publique extérieure de l'Indonésie,
supra, p. 664.
670 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

chances de succès; tout au plus peut-on s'interroger sur la véritable utilité d'un
texte aussi général, qui élude les problèmes les plus fondamentaux. Une fois de plus
se trouve confirmée l'observation suivant laquelle l'Assemblée générale constitue un
forum beaucoup trop vaste et beaucoup trop politisé pour qu'on puisse y mener des
discussions constructives dans l'ordre économique comme dans tout autre domaine.

III. — FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT


PAR LES PAYS SOCIALISTES INDUSTRIALISES

Le problème de la contribution des pays socialistes industrialisés au


développement du tiers-monde a cessé d'être considéré par l'ensemble de la communauté
internationale comme un problème marginal. La nouvelle stratégie du développement
définie par l'Assemblée générale des Nations Unies ne réserve plus au monde
socialiste un régime de faveur : la thèse de la non-responsabilité historique dans la
situation de sous-développement du tiers-monde acceptée par la C.N.U.C.E.D à
Genève et à New Delhi ne résiste pas aux nécessités actuelles de mobilisation de
toutes les ressources et de toutes les énergies afin de réaliser les objectifs fixés pour
la deuxième décennie. Dès lors, entre autres problèmes, se pose la question de
savoir dans quelles conditions la structure socio-économique originale des pays
socialistes ainsi que l'orientation traditionnelle de leurs relations économiques leur
permettent de se plier aux directives internationalement admises concernant le
volume et les modalités de l'aide financière aux pays en voie de développement.
Dès 1963, le Conseil de l'assistance économique mutuel (C A.E.M.) dans sa
déclaration sur les «Principes fondamentaux de la division socialiste internationale
du travail» soulignait que le développement continu du commerce extérieur et des
différentes formes de coopération économique, scientifique et technique avec les
pays en voie de développement d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine était le but
recherché en commun par les pays socialistes de l'Europe orientale. Effectivement,
au cours des dix dernières années, les échanges entre les pays socialistes d'Europe
orientale et les pays du tiers-monde ont connu une croissance remarquable, les
accords commerciaux se combinant de plus en plus fréquemment avec des accords
d'assistance financière pour la réalisation d'investissement dans les régions en voie
de développement, notamment pour la réalisation d'industries d'exportation, au point
que, s'agissant de la politique des pays socialistes à l'égard du tiers-monde, il est
actuellement impossible d'isoler du contexte général, et notamment commercial,
le seul aspect de l'assistance financière.
Dans le même temps était entrepris un effort de définition objective des finalités
de la coopération socialiste avec le tiers-monde, hors de toute phraséologie
hypocritement généreuse, considérée comme néo-colonialiste et typiquement capitaliste.
Des économistes socialistes, dans des travaux effectués en 1966 sous l'égide de
l'académie des sciences de l'U.R.S.S. ont proposé une rationalisation de l'aide au
tiers-monde par l'introduction du principe de rentabilité, en tenant compte de
l'intérêt national : selon eux, l'octroi de crédits aux pays en voie de développement
ne se justifie que dans la mesure où ils permettent d'importer des marchandises
qu'il serait moins avantageux de produire sur place et d'accroître de façon
substantielle le volume des échanges; nulle part n'est évoquée la nécessité de dons ou de
subventions à fonds perdus, ni le problème d'un déséquilibre éventuel des échanges
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 671

qui menacerait de rompre la symétrie des avantages (107) . Ce même thème du


caractère mutuellement profitable des relations économiques entre pays socialistes et
pays en voie de développement est repris dans les déclarations les plus récentes,
visant à justifier la pratique socialiste d'une liaison absolue entre l'achat de
produits de base dans un pays donné et l'octroi de crédits à long terme pour le
financement d'investissements productifs. «La coopération avec un pays en voie de
développement — lit-on dans un document récemment publié par la C.N.U.C.E.D.
(108) — qui consiste à organiser une production destinée à être exportée en tout ou
en partie vers un pays socialiste est considérée comme satisfaisante si l'évaluation
de l'efficacité économique s'avère avantageuse pour le pays socialiste et a des effets
positifs, dans l'immédiat et à long terme, pour l'économie nationale du pays en
voie de développement. Une telle conception garantit le respect du principe de
l'avantage mutuel et de l'égalité des deux parties, et elle est conforme à l'esprit des
recommandations de la C.N.U.C.E.D. relatives à l'aide aux pays en voie de
développement pour la création de nouvelles industries d'exportation». Ainsi s'exprime
la bonne conscience du monde socialiste qui, dans sa politique d'aide, comme il est
légitime, poursuit au premier chef la satisfaction de l'intérêt national du pays aidant.
Cependant, on est en droit de se demander dans quelle mesure le calcul effectué
n'est pas à trop court terme. Si l'on se réfère aux statistiques du commerce extérieur
de l'U.R.S.S., on constate que la complémentarité avec des pays en voie de
développement n'est pas évidente. Plus de la moitié des exportations soviétiques sont
constituées de matières premières et de produits énergétiques destinés surtout aux pays
de sa zone d'influence en Europe de l'Est. L'UJl.S.S. ne semble pas disposée à céder
aux pays en voie de développement ce marché, qu'elle considère comme sa « chasse
gardée ». Par ailleurs, grand exportateur de matières premières, on voit mal comment
elle pourrait accroître ses achats dans les pays du tiers-monde au titre de
compensation des livraisons d'équipements et du matériel militaire sans en subir un
préjudice. Enfin quand les industries d'exportation réalisées avec l'aide du monde
socialiste commenceront à fonctionner, elles risquent fort de venir concurrencer en
UJl.S.S. même et dans les autres pays de l'Europe orientale des produits de
l'industrie nationale. Dès lors, le principe de l'équivalence des avantages — achat
de produits de base contre crédits pour l'achat de biens d'équipements — valable à
court terme, risque fort, dans un proche avenir, de ne plus rendre compte de la
réalité. La finalité de l'aide américaine au tiers-monde, qui, en somme, est identique
dans la mesure où sa motivation profonde est la satisfaction de l'intérêt national
des E.U., paraît mieux exprimée dans le message du Président Nixon au Congrès du
15 septembre 1970. Le problème est pris de plus haut : il ne s'agit pas de comparer
des rentabilités économiques immédiates ou à long terme, il s'agit de satisfaire à
l'exigence d'un minimum de justice dans la répartition des richesses entre les nations
afin de garantir la paix du monde, c'est-à-dire la sécurité américaine. Le monde
socialiste devra tôt ou tard accepter la même philosophie ayant à faire face en
matière d'aide aux mêmes problèmes que le monde occidental.
Le premier problème à retenir est celui du volume de l'aide. Les pays socialistes
ont toujours refusé de se voir imposer l'objectif de 1 % du P.NJ3. arguant des
conditions particulières de fonctionnement de leur économie, irréductibles à celles des
pays développés à économie de marché. C'est ainsi que, pour ces derniers, l'objectif

(107) Cf. Vassil Vassilev, L'U.R.S.S. redoute la concurrence des pays du tiers-monde,
Le Monde, 29 novembre 1970.
(108) Nouvelles formes de coopération commerciale et économique entre les pays socialistes
d'Europe orientale et des pays en voie de développement, Etude présentée par l'Institut de
recherche sur l'économie du système socialiste mondial (Moscou), publiée sous l'égide de la
C.N.U.C.E.D., Genève 1970, doc. O.N.U. TD/B 1238/Rev.
672 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

de 1 % du P.N.B. est envisagé pour une aide incluant les transactions commerciales
et les apports de capitaux privés, alors que les transferts financiers des pays à
économie planifiée ne contiennent aucun équivalent de la catégorie des dividendes et
profits : il est donc difficile de trouver une base de comparaison valable. Néanmoins,
le Comité de planification du développement, dans son rapport de janvier 1970(109),
a insisté très justement sur le fait que si les pays à économie planifiée se trouvent
dans des conditions particulières, ils disposent d'une plus grande latitude que les
pays à économie de marché pour décider de la mobilisation et de l'affectation de
leurs ressources en vue de la réalisation d'objectifs acceptés; ils peuvent préférer
fournir une contribution plus importante sur le plan du commerce que sur celui de
la coopération financière, mais ce qui importe, c'est que leur effort soit comparable
à celui demandé aux pays industrialisés à économie de marché dans le cadre de la
deuxième Décennie. Or, le volume de l'aide des pays socialistes au tiers-monde
demeure extrêmement faible même si elle est concentrée sur un nombre limité de
pays principaux bénéficiaires, tels que l'Inde, la R.A.U., la Syrie, l'Algérie, la
Birmanie, l'Afghanistan (109 bis) . Les comparaisons avec l'aide apportée par le monde
occidental sont difficiles à mener dans le détail faute de sources statistiques sûres.
Néanmoins, on connaît la médiocrité de leur participation, 3 % seulement du
financement des programmes d'aide au développement des Nations Unies et encore sous
forme de devises non convertibles, ce qui oblige les pays aidés à utiliser les sommes
distribuées en achats dans les pays socialistes. Quant à l'aide bilatérale elle a
représenté en moyenne annuelle pour la période 1964-1968 un dixième de l'aide extérieure
fournie chaque année par les pays occidentaux (1 milliard de dollars contre 10,8
milliards de dollars) et sur ce montant d'1 milliard de dollars, 300 millions
seulement étaient destinés aux pays en voie de développement non communistes. En 1968,
l'assistance reçue par le tiers-monde fut pour 97 % d'origine occidentale pour 3 %
seulement d'origine communiste. Avec un P.N.B. qui est environ la moitié de celui
des E.U., l'Union Soviétique a apporté en moyenne aux pays en voie de
développement, de 1964 à 1968, une aide inférieure au 1/5 de l'aide américaine et pourtant
parmi les membres du C.A.D., les E.U. ne sont pas et de loin le pays dont le


dossier est le plus brillant en ce qui concerne le volume de l'aide en pourcentage
du P.N.B. Même si les perspectives d'avenir ne sont pas mauvaises — le montant
total des crédits commerciaux et gouvernementaux consentis par les pays membres
du C.A.E.M., s'étant accru de 10 % en 1969 et représentant 4,9 fois le volume des
crédits pour l'année 1962 (110) — les pays socialistes demeurent très loin des normes
définies par la déclaration sur la nouvelle stratégie du développement.
Médiocre en volume, l'aide du monde socialiste est originale dans ses modalités.
Ignorant pratiquement la formule du don, elle est formée à 98 ou 99 % de prêts
étroitement liés à des achats dans le pays donateur. D'un point de vue juridique,
les relations complexes de commerce et d'assistance s'établissent sur une base
strictement bilatérale : un classique traité de commerce et de navigation comportant
généralement la clause de la nation la plus favorisée fixe les principes généraux
des relations réciproques, sans engagement précis d'échange ou d'assistance
financière. Ensuite un accord commercial détermine la liste des produits qui seront
échangés et les modalités de paiement; lorsque l'accord est à long terme, il renvoie
à des protocoles annuels la définition exacte des catégories et des quantités de
marchandises qui seront échangées. Dans le cadre de ces accords, des contrats sont
(109) Rapport du Comité de la planification du développement, op. cit., p. 32-33.
(109 bis) Ainsi encore que le Tchad, voir accord de coopération de décembre 1968,
TD/B/238 rev. 1, cit. p. 20.
(110) Note sur le développement de la production et du commerce des produits de base
dans les pays membres du C.Â.E.M. et sur la contribution de ces pays à l'industrialisation des
pays en voie de développement, Conseil du Commerce et du développement, 5e session Genève,
Juillet 1970. Doc. O.N.U. TD/B CI/97, 9 juillet 1970.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 673

conclus entre les organismes des pays socialistes chargés du commerce extérieur et
les organismes ou sociétés commerciales correspondant dans les pays partenaires;
les prix des produits échangés — produits de base contre matériel d'équipement —
,

sont fixés par référence aux prix mondiaux après élimination des fluctuations à
court terme - et autres variations fortuites : ainsi se trouve garantie une certaine
stabilité des prix à des niveaux relativement proches de ceux des cours mondiaux.
Sur ces accords commerciaux qui, naguère, limitaient ■ les échanges à une stricte
équivalence, avec seulement une certaine souplesse dans le temps — accords à long
terme, octroi de crédits, etc. — viennent à présent se greffer de plus en plus
fréquemment des accords de coopération économique et technique, soit généraux,
portant sur plusieurs secteurs économiques, soit particuliers à un grand - projet

.
déterminé, tel l'accord U.R.S.S.-R.A.U. de 1958 pour la réalisation de la première
section du barrage d' Assouan. Là encore, dans le cadre de ces accords internationaux,
des contrats viennent déterminer au niveau des entreprises et organismes publics
concernés l'ampleur et le calendrier des livraisons de matériel, les travaux à
effectuer pour chaque projet, les conditions de concertation entre les partenaires et
les éventuelles sanctions pour non-exécution. Le cycle d'échange entre les deux pays
concernés s'établit sans aucun transfert de fonds; le pays industrialisé achète des
produits de base au pays en voie de développement pour des quantités, un montant
et une durée fixés par accords et contrats commerciaux; en échange de ses
exportations primaires, ce dernier reçoit des biens d'équipement, des licences, des
techniciens dans des conditions fixées par un accord de coopération technique et
économique. La souplesse nécessaire est assurée par l'octroi de crédits à long terme qui
permettent aux pays en voie de développement d'être assurés d'une réalisation sous
le coup des investissements prévus, même si leur production de biens primaires
destinés à l'exportation accuse certaines variations erratiques — fréquentes dans
le secteur agricole.
Par ailleurs, ces crédits à long terme permettent aux pays en voie de
développement de bénéficier d'investissements d'une valeur supérieure à celle de leurs
exportations actuelles de produits de base : en effet, depuis 1965, les investissements
sont principalement orientés vers la création d'entreprises susceptibles de travailler
pour l'exportation — sucreries, filatures de coton, métallurgie, enrichissement du
minerai de fer, traitement du pétrole, etc. — L'équilibre paraît donc correctement
assuré pour le présent; mais le problème, on l'a dit, se posera lorsque ces diverses
entreprises travaillant pour l'exportation deviendront opérationnelles, de savoir si
les pays socialistes auront besoin de produits élaborés venant concurrencer leur
production nationale. Dans l'hypothèse où la réponse serait négative, on ne voit pas
comment les pays en voie de développement réussiraient à rembourser leurs
emprunts à long terme, sauf réalisation entre-temps d'un système de multilatérali-
sation des paiements et de convertibilité au moins partielle des monnaies des pays
socialistes, ce qui est fort envisageable (111) .
La description de l'articulation d'ensemble du système montre à quel point pour
les pays socialistes industrialisés leur contribution au financement du
développement est liée à la réalisation d'échanges commerciaux déterminés. Par rapport à
l'aide liée occidentale, la marge de liberté laissée au pays assisté est encore plus
étroite; en effet, il n'y a pas de concurrence dans l'offre d'aide entre les pays
donateurs puisque la division internationale socialiste du travail conduit à une

(111) Ce problème de la multilatéralisation des paiements des pays socialistes est


actuellement examiné par diverses instances de la C.N.U.C.E.D. et par ailleurs une Banque
d'Investis ement du COMECON a été créée en juillet 1970; elle doit en principe commencer ses opérations
en janvier 1971, mais ne sera vraiment opérationnelle qu'à une date plus éloignée. Il sera
peut-être possible alors d'envisager un élargissement de ses activités au-delà du cercle des
pays du C.A.E.M., vers les pays en voie de développement.

43
674 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

répartition préalable des tâches entre les pays membres du C.A.E.M. (112) ; il n'y a
pas non plus de concurrence entre les produits d'équipement offerts sur le marché
intérieur du pays donateur puisque le système de planification nationale rigide
combinée avec des contrats d'achat et d'équipement extrêmement détaillés engendre
une prédétermination absolue des qualités, des prix et des quantités. Mais en l'espèce,
il serait irréaliste d'aborder le problème du déliement, dans la mesure où les pays
socialistes industrialisés font de la liaison entre la coopération • financière et
l'échange commercial un concept fondamental de leur politique économique à l'égard
du tiers-monde. Ils se maintiennent ainsi délibérément en marge des directives de
la nouvelle stratégie du développement, sans par ailleurs tirer argument du volume
de leur aide pour justifier l'hétérodoxie d'une semblable attitude.
Enfin, l'aide socialiste pose au même titre que l'aide occidentale le problème
de Yendettement des pays en voie de développement. Contrairement à une idée
très répandue, les conditions faites par les pays socialistes pour leurs crédits à long
terme ne sont pas particulièrement avantageuses pour leurs débiteurs. L'Union
Soviétique prête en moyenne à un taux de 2,8 % pour une durée de l'ordre de
15 années, les autres pays socialistes de l'Europe orientale ont progressivement réduit
leurs taux jusqu'à rejoindre celui de l'U.R.S.S. : ce sont là des conditions plus
généreuses que celles de la B.I.R.D., mais du même ordre de grandeur que la
moyenne des pays membres du CAD. Dans la mesure où les pays en voie de
développement rencontreront des difficultés à écouler des quantités croissantes soit
de produits primaires, soit de produits manufacturés ou semi-finis vers les pays
socialistes, ils auront beaucoup de peine à faire face à leurs emprunts en monnaies
non convertibles. Or, les pays socialistes ne paraissent à l'heure actuelle envisager
aucune solution d'allégement ou de réaménagement; leur hostilité à la pratique du
don supprime d'ailleurs une solution simple de conversion d'emprunts à long terme
devenus trop lourds. .
Bien que les échanges commerciaux entre les pays socialistes et les pays en voie
de développement croissent de façon régulière et importante depuis quelques années,
bien qu'un effort important soit fait dans le domaine du financement des
investissements, ou peut-être à cause de cet essor, il semble que les mécanismes pratiqués
jusqu'à présent par les pays socialistes soient arrivés assez près d'un point de
blocage. Un certain volume d'aide, une certaine intensité de relations commerciales
nord-sud ne pourront pas être dépassés si des solutions ne sont pas trouvées pour
assouplir l'aide, sinon la délier complètement, pour rompre le principe de rigoureuse
équivalence des avantages, pour régler le problème de la dette des pays en voie de
développement, pour multilatéraliser les paiements. La deuxième décennie pourrait
être l'occasion de procéder à une complète révision de la politique socialiste d'aide au
développement, mais l'initiative ne saurait venir ni de la C.N.U.C.E.D., ni des Nations
Unies : c'est aux pays socialistes industrialisés qu'il appartient de prendre conscience
de ce problème.

(112) Depuis 1960, la Chine discrédite l'aide soviétique et la concurrence en sous main en
faisant de la surenchère; elle propose des crédits à long terme sans intérêt, une aide financière
non liée à des achats commerciaux et l'envoi gratuit de techniciens. Cette aide fort avantageuse
est bien accueillie par les pays en voie de développement d'Asie, d'Afrique et d'Amérique
latine qui ne répugnent pas beaucoup plus à accepter l'aide des pays socialistes d'Europe
orientale ou bien des pays membres du C.A.D.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 675

MONNAIE

La période passée en revue — octobre 1969-septembre 1970 — a de nouveau été


fort riche en événements monétaires et financiers qui ont soulevé des problèmes
juridiques de grande importance.
Le « code de bonne conduite » que les Etats doivent respecter en matière
monétaire a subi quelques sérieuses entorses. La première, et la moins grave car elle fut
rapidement sanctionnée, fut le fait de la France qui maintint plus longtemps qu'elle
n'avait été autorisée à le faire, un taux d'escompte préférentiel pour ses exportateurs;
ce qui valut d'ailleurs à notre pays d'être condamné par la Cour de Justice des
Communautés Européennes (113) .
La seconde fut imputable au gouvernement canadien qui décida d'abandonner
toute parité fixe pour sa monnaie à compter du 31 mai 1970 afin de pouvoir mieux
lutter contre la spéculation internationale. Depuis cette date, le dollar canadien est
devenu « flottant » et son taux de change s'établit à un niveau de 3 à 5 % supérieur
à son ancienne parité. Cette expérience est intéressante dans la mesure où,
contrairement à ce qui s'était passé pour le D.M. en 1969 qui était resté flottant quelques
semaines pour permettre aux autorités monétaires allemandes de déterminer au
mieux le niveau souhaitable de la nouvelle parité du mark (114) , le gouvernement
canadien se contenta de qualifier la mesure de « transitoire » mais n'indiqua aucune
date limite pour revenir à un régime de parité fixe. Il s'agit là d'une violation nette
et de la lettre et de l'esprit de l'accord de Bretton-Woods (115) . De son côté, le
F.M.I. s'est contenté de souhaiter que cette situation anormale et illégale prenne fin
le plus tôt possible... Cet épisode a mis un fois encore en lumière tout le débat autour
de la stabilité des taux de change par opposition à une possible flexibilité. Analysant
dans un rapport spécifique les incidences des nouveaux systèmes parfois proposés
(taux de change flottants, glissants (crawling peg) ou accroissement des marges
de fluctuation des monnaies), les administrateurs du F.M.I. concluaient leur étude
en affirmant que le « système des parités conserve sa validité » (116) .
L'or tient une place essentielle dans l'ordre monétaire établi à Bretton- Woods.
Depuis la naissance en mars 1968 d'un double marché de l'or une vive querelle
juridique opposa les Etats-Unis (via le F.M.I.) et l'Afrique du Sud à propos des
ventes d'or de ce pays au Fonds. L'enjeu était d'importance car, à long terme, il ne
s'agissait de rien moins que de la démonétisation de l'or. La solution intervenue en
décembre 1969, si elle constitue un compromis acceptable pour les parties en
présence, laisse cependant de nombreuses questions en suspens.
Durant l'année écoulée les faits les plus marquants ont concerné la coopération
monétaire internationale qui s'est . trouvée sensiblement renforcée. Tout d'abord,
ce fut la décision de renouveler pour une nouvelle période de cinq années, sans
amendement ni modification, des Accords généraux d'Emprunt (ou «accord des

(113) Affaires jointes 6 et 11/69. Rec, Vol. XV-6.523. Voir A.F.D.I., 1968, p. 579 et A.F.D.I.,
pp. 303-304.
(114) Voir sur ce point, A.F.D.I., 1969, pp. 650-651.
(115) Voir A.F.D.I., 1968, pp. 598-599.
(116) The role of exchange rates in the adjustment of international payments, I.M.F.,
Washington, 1970.
676 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

dix ») (117) . Ensuite, les pays membres du F.M.I. décidèrent d'augmenter les
ressources, le capital, du F.M.I., renforçant par là même le pool de devises à la
disposition des pays membres en difficulté. De plus, la première tranche des droits de
tirage spéciaux était allouée, distribuée, aux pays participants à compter du 1er
janvier 1970, ce qui augmentait directement la liquidité internationale de nature
inconditionnelle. Enfin, dans le cadre de la C.E.E., les premiers «volets» du Plan
Barre étaient mis en œuvre.
Enfin, sur le plan institutionnel, des développements marquants sont à signaler
Tout d'abord les statuts de la Banque des Règlements Internationaux étaient
modifiés de façon à permettre, notamment, une participation plus étroite des instituts


d'émission de certains pays socialistes de l'Est européen (118); il y a là un effort
particulièrement intéressant pour «réintégrer» les pays socialistes, au moins
partiellement, dans la communauté financière internationale. En outre, la réforme des
statuts du FJVLI. entrée en vigueur le 28 juillet 1969 eut l'occasion de jouer lors
des diverses décisions prises par les organes dirigeants du F.M.I. lors de l'Assemblée
générale annuelle du Fonds qui se tint à Copenhague en septembre 1970.
En raison de l'importance des problèmes soulevés et de leur actualité, les
questions suivantes seront examinées plus en détail :
— le statut international de l'or et la solution au problème des ventes d'or de
l'Afrique du Sud au F.M.I.;
— le renforcement de la coopération monétaire internationale grâce : i) à
l'augmentation des ressources du FJM.I., ii) à la mise en œuvre des droits de
tirage spéciaux et iii) au début de réalisation du « plan Barre »;
— la réforme des statuts du F.M.I.

I. — LE STATUT INTERNATIONAL DE L'OR :


REFLEXIONS SUR L'ACCORD
RELATIF AUX VENTES D'OR DE L'AFRIQUE DU SUD AU F.M.I.

De tout temps, l'or a exercé une fascination certaine sur les individus. Bien que
dénoncé par Lord Keynes comme «une vieille relique barbare», le métal jaune
garde encore de nos jours tout son prestige. Cet attachement à l'or vient de ses
qualités propres ou supposées telles; le Général de Gaulle les avait résumées en
trois mots: «immutabilité, impartialité, universalité » (119) . La spécificité de l'or
tient à ce qu'il n'est pas une marchandise comme les autres: utilisé à des fins
privées dans l'industrie et l'artisanat, l'or reste l'étalon de valeur par rapport auquel
toutes les monnaies nationales se définissent. Ainsi, à côté de l'or «industriel» il
existe un or « monétaire » (120) . Si l'usage industriel de l'or n'est pas négligeable
(il représente près de la moitié de la production de métal jaune) sa fonction
monétaire est, elle, capitale. Instrument de thésaurisation pour les particuliers, l'or
constitue pour les Etats la réserve monétaire par excellence. De plus le stock d'or

(117) I.M.F. Annual Report, 1970, p. 143. Une prochaine chronique sera consacrée à cet
accord en raison de son grand rôle actuel dans les relations monétaires internationales.
(118) B.R.I., 40' rapport annuel, 1970, pp. 235-238.
(119) Conférence de presse du 28 novembre 1967.
(120) Sur cette délicate distinction, voir l'arbitrage de G. Sauser-Hall dans l'afïaire dite
de « l'or albanais ». Texte in : Int. Law Rep., 1953, p. 441.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 677

actuellement existant représente plus de la moitié des liquidités internationales,


c'est-à-dire des moyens de paiement servant à financer le commerce et les échanges
mondiaux (121). Dans ces conditions, on conçoit aisément que tout ce qui concerne la
production, la détention et les transactions portant sur cette « marchandise » fasse
l'objet de réglementations très strictes tant sur le plan national qu'international.

1) L'or et l'accord de Bretton-Woods (122) .

L'accord de Bretton-Woods relatif au F.M.I. a consacré le statut international


de l'or. Il a en effet institué un système de parité-or (gold parity system) au sein
duquel l'or est pris comme « dénominateur commun » (123) des monnaies des pays
membres; autrement dit, toutes les unités monétaires des Etats membres du Fonds
doivent être définies par un poids d'or déterminé et de la sorte elles se trouvent dans
des rapports ordonnés et fixes. Il existe donc un prix uniforme pour l'or monétaire
calculé en termes des diverses monnaies des pays membres du F.M.I. C'est ainsi que
toutes les transactions portant sur l'or monétaire doivent s'effectuer sur la base des
parités officielles déclarées au F.M.I. (124). Toutefois, les Statuts du F.M.I. ne vont
pas jusqu'à obliger les pays membres à instituer une convertibilité-or pour leur
monnaie (125); seuls les Etats-Unis d'Amérique ont fait savoir qu'ils entendaient
suivre une politique d'achat et de vente libre d'or aux autorités monétaires
étrangères sur la base de 35 dollars l'once fixée le 31 janvier 1934 par le président
Roosevelt; ainsi, en théorie du moins, c'est le trésor américain qui joue le rôle
d'acheteur et de vendeur résiduel d'or monétaire.
L'or ayant deux fonctions, industrielle et monétaire, connaît deux catégories
d'acheteurs : les personnes privées et les autorités monétaires nationales (en général
les banques centrales) .' Afin de maintenir la confiance du public dans la stabilité des
parités-or des diverses monnaies, il apparaît souhaitable que les prix de l'or sur les
deux marchés, libre et officiel,1 coïncident; d'où une coopération entre les instituts
d'émission des «grands» pays pour arriver à un contrôle du marché international
de l'or.

2) L'or et ■ la coopération monétaire internationale : le « pool de l'or » (126) .


'

De 1961 au 17 mars 1968 un «pool de l'or» (gold pool) fonctionna sous la


responsabilité de la Banque d'Angleterre. D'une manière informelle, huit banques
centrales occidentales avaient alors décidé de conjuguer leurs efforts et leurs
ressources pour se porter acheteuses ou vendeuses d'or, selon les cas, sur le marché
libre de Londres afin de maintenir le cours du métal jaune à son prix monétaire
officiel de 35 dollars l'once. Cette coopération sur le marché de l'or, qui fit beaucoup
pour renforcer la stabilité du système monétaire international, dut cesser le 17 mars
1968 devant la pression insoutenable de la spéculation internationale à l'encontre

(121) D'après les estimations du F.M.I. dans son dernier rapport annuel, le montant des
avoirs officiels en or s'élevait à 39,1 milliards de dollars tandis que les réserves monétaires
globales atteignaient 74,1 milliards de dollars. Annual Report, 1970, p. 18.
(122) Pour plus de détails, voir D. Carreau, Souveraineté et coopération monétaire
internationale, Paris, Cujas, 1970, pp. 252-260.
(123) Article IV, section I (a) des Statuts du F.M.I.
(124) Ibid., Article IV section 2.
(125) Ibid., Article IV, section 4 (b) .
(126) Pour de plus amples développements sur le € pool de l'or », voir, D. Carreau, op. cit.,
pp. 388-391.
678 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

des principales monnaies nationales. Les « décisions » prises à Washington les 17 et


18 mars 1968 à la suite de la dissolution du «pool de l'or» allaient créer. de
nombreuses incertitudes quant au rôle monétaire de l'or tel qu'il avait été établi à
Bretton- Woods en 1944.
Dans le communiqué publié à l'issue de cette réunion des gouverneurs des
sept banques centrales intéressées (127) (assistés alors du Directeur général du
F.M.I. et de celui de la B.R.I.) il était tout d'abord précisé que les Etats-Unis
entendaient continuer leur politique d'achat et de vente libre d'or à 35 dollars l'once
au profit des autorités monétaires étrangères (128) . De plus, considérant que le stock
d'or monétaire dans le monde était suffisant (en raison, notamment, de l'ouverture
des droits de tirage spéciaux), les gouverneurs décidèrent de ne plus procéder à des
achats d'or ni sur le marché libre ni aux pays producteurs (et bien entendu en
premier lieu à l'Afrique du Sud) . C'était officialiser un double marché pour l'or :
l'un applicable au seul or monétaire où les transactions publiques entre instituts
d'émission se feraient sur la base de 35 dollars l'once, l'autre « libre » applicable à
toutes les transactions privées et où les prix seraient déterminés en fonction de
l'offre et de la demande.
Très vite, le prix de l'or sur le marché libre s'établit aux alentours de 40 dollars
l'once. Cette situation montrait clairement que le prix de l'or monétaire était
nettement sous-évalué, ou, en d'autres termes, que le dollar américain était sur-évalué.
Il est de fait que les marchés « parallèles » ou libres portent toujours gravement tort
aux marchés officiels et mettent rapidement en lumière leur caractère artificiel.
Aussi, la préoccupation du gouvernement américain fut de forcer les pays
producteurs d'or, essentiellement l'Afrique du Sud, à vendre toute leur production de
métal jaune sur le marché libre de façon à en faire baisser le prix et, si possible,
à l'aligner sur le cours officiel de 35 dollars l'once. Pour ce faire, les autorités
américaines firent pression sur les banques centrales des pays membres du Fonds
pour qu'elles se conforment aux termes du communiqué du 17 mars 1968 et qu'elles
s'abstiennent d'acheter de l'or à l'Afrique du Sud; la plupart acceptèrent nonobstant
le droit inconditionnel reconnu par l'accord de Bretton- Woods aux autorités
monétaires de chaque pays membre du F.M.I. d'acheter et de vendre de l'or, pour peu
que ces transactions s'effectuent sur la base de la parité (129) . Le problème des ventes
d'or de l'Afrique du Sud se trouvait alors posé : privé de la possibilité d'écouler sa
production d'or auprès des banques centrales étrangères, peu disposé à la vendre
massivement sur le marché libre de façon à ne pas en casser les cours, ce pays
voulut se retourner, comme il en avait semble-t-il le droit, vers son ultime débouché,
le Fonds Monétaire International.

3) Les ventes d'or de l'Afrique du Sud au FM.I.

Pour que la politique américaine réussisse un autre obstacle juridique était


encore à franchir. Il leur fallait « bloquer » le droit des pays membres du F.M.I. de

(127) II s'agit des instituts d'émission d'Allemagne, de Belgique, de Grande-Bretagne, de


Hollande, d'Italie, de Suisse ainsi que de la Federal Reserve Bank de New York. La Banque
de France avait cessé de participer au € pool » en juin 1967.
(128) En fait depuis quelques années déjà le dollar américain ne possède plus qu'une
convertibilité or nominale; dès le début des années 60, le gouvernement américain s'est efforcé
de décourager les achats d'or par les autorités monétaires étrangères. C'est ainsi que la décision
du gouvernement français en février 1965 de convertir systématiquement ses dollars en or
auprès de l'U.S. Treasury fut très mal accueillie par Washington. Cette inconvertibilité-or
de fait du dollar américain a profondément changé la nature même du système monétaire
international; d'un étalon de change-or on est passé à un simple étalon-dollar.
U29) Article IV, section 2.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 679

vendre de l'or au Fonds. En d'autres termes, après avoir empêché l'Afrique du Sud
de vendre directement sa production auprès des banques centrales, il s'agissait de
lui refuser le droit d'en faire de même auprès du F.M.I. Toute la querelle qui dura
près de deux ans porta sur une disposition précise des Statuts du Fonds, l'article V
section 6 (a) . Il était stipulé que « tout membre désireux de se procurer, directement
ou indirectement, la monnaie d'un autre membre contre de l'or, devra, pourvu qu'il
y trouve un avantage égal, se procurer cette monnaie contre de l'or au Fonds ».
Cette disposition, qui semble suffisamment claire, reconnaît le droit de chaque pays
membre de vendre de l'or au F.M.I. afin d'acheter des devises de pays tiers;
autrement dit, le F.M.I. est dans l'obligation d'acheter l'or qui lui est présenté par ses
membres. Cette interprétation coïncide d'ailleurs avec une autre règle du Fonds visée
à l'article VII section 2 (ii) et dont elle forme le complément logique; il est en effet
précisé que le F.M.I., pour reconstituer ses avoirs en monnaie rare, peut « exiger
que l'Etat membre intéressé vende sa monnaie au Fonds contre de l'or ». La
complémentarité de ces deux dispositions est frappante : dans le premier cas, les pays
membres ont le droit de vendre, et le Fonds a l'obligation d'acheter, de l'or contre des
devises étrangères; dans le deuxième cas, le Fonds a le droit de vendre, et les pays
membres ont l'obligation d'acheter de l'or contre leur propre monnaie.
En bref, les Statuts du Fonds contiennent tous les mécanismes nécessaires au
bon fonctionnement d'un marché international institutionalise de l'or : le F.M.I. a
reçu la compétence et les moyens pour jouer le rôle d'acheteur et de vendeur résiduel
d'or monétaire. Et cette fonction, le F.M.I. peut la jouer avec plus d'efficacité, de
souplesse et d'impartialité que l'U.S. Treasury. Telle était précisément la grande
question sous-jacente à la querelle relative «aux ventes d'or de l'Afrique du Sud
au F.M.I. ».
Les Etats-Unis d'Amérique soutinrent une interprétation restrictive de l'article
V section 6 (a) au moyen d'une certaine sollicitation des textes. Ils insistèrent, en la
séparant de son contexte, sur l'expression « avantage égal », tout en proclamant que
le F.M.I. n'était aucunement dans l'obligation d'accepter l'or présenté par un pays
membre pour lui permettre d'acheter les devises étrangères dont il aurait besoin;
^elon la thèse américaine, l'achat d'or par le F.M.I. contre des monnaies nationales
serait dans tous les cas discrétionnaire. Dans l'espèce particulière, le gouvernement
américain suggéra que l'Afrique du Sud ne saurait vendre de l'or au F.M.I. contre
des devises étrangères car cette transaction, loin de constituer un «avantage égal»,
apparaîtrait comme - un « avantage particulier », un privilège, dans la mesure où
ce pays se voyait dans l'impossibilité d'écouler sa production d'or auprès des
instituts d'émission à la suite de l'arrangement précité du 17 mars 1968. Il s'agit là
d'un argument particulièrement sérieux. En effet, l'accord du 17 mars 1968 entre
les banques centrales qui décidait de «geler» le stock d'or monétaire international
à son niveau existant à l'époque, d'une part fut adopté à l'instigation des Etats-Unis,
et d'autre part, cet « accord » ne saurait constituer davantage qu'une déclaration
de politique monétaire : il ne peut en aucun cas être considéré comme ayant modifié
ou abrogé le droit inconditionnel de chaque pays membre du Fonds producteur d'or
de vendre sa production de métal jaune au prix officiel de 35 dollars l'once qui
correspond aux parités officielles. De plus, ce membre de phrase — « avantage égal »
— a été introduit dans les Statuts du Fonds dans un tout autre but; il s'agissait
simplement de ne pas obliger un membre du Fonds qui voulait se procurer des
devises étrangères à s'adresser au F.M.I. en lui vendant de l'or alors qu'il pouvait
obtenir cette devise sur le marché des changes dans des conditions plus
avantageuses (130) .

(130) Voir dans le même sens, E. A. Bibnbaum, changing the U.S. commitment to gold,
Essays in international finance, No. 63, 1967, Princeton University Press, p. 12.
680 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

La controverse à propos des « ventes d'or de l'Afrique du • Sud » au F.M.I.


comportait donc un double intérêt. Sur le plan particulier, il s'agissait de savoir si
ce pays allait être obligé de vendre sa production d'or sur le marché « libre » ■ et
ainsi de faire baisser les cours et donc si le stock d'or monétaire à la disposition
de la communauté internationale devait rester stable; n'était-ce pas là un premier
pas vers la « démonétisation de l'or » si ardemment souhaitée par beaucoup aux
E.U. ? Sur un plan plus général, il convenait de savoir si le F.M.I. pouvait prendre
le relais du Trésor Américain en tant qu'acheteur et vendeur résiduel d'or monétaire.
Malheureusement, la solution consacrée dans un échange de lettres entre le ministre
sud-africain des finances et le Directeur général du F.M.I. s'est terminée par un
compromis qui a soigneusement évité de trancher sur la question de fond.
Tout d'abord, il convient de noter que le contexte monétaire international avait
bien changé entre mars 1968 et décembre 1969. En effet, la spéculation internationale
qui jouait contre les monnaies en faveur de l'or avait considérablement diminué;
à cette époque. le cours de l'or à Londres était retombé au niveau de son prix
officiel de 35 dollars l'once. Dès lors, la question des ventes d'or de l'Afrique du
Sud au F.M.I. avait perdu presque toute actualité et donc de son caractère
« explosif ».
La politique de l'Afrique du Sud en ce qui concerne l'écoulement de sa
production d'or telle qu'elle s'exprime dans une lettre en date du 23 décembre 1969 au
Directeur général du FJM.I. a été officiellement acceptée par les administrateurs du
Fonds dans une décision du 30 décembre 1969 (131) . Elle contient les éléments
suivants :
— En principe l'Afrique du Sud s'engage à vendre sur le marché privé (libre),
de façon «méthodique», sa production courante d'or nouvellement extrait mais
seulement « à concurrence des montants nécessaires pour les paiements courants »
(par. 2 a de la Lettre).
— Ceci étant, ce pays se propose de vendre de l'or au F.M.I. dans deux cas bien
précis : d'une part si le cours de l'or sur le marché libre est égal ou inférieur à
35 dollars l'once (art. 2 a) (i) de la décision du Fonds et I a) de la Lettre) ; toutefois,
Je montant des ventes « autorisées » sera limité pour faire face « aux besoins
courants en devises»; d'autre part, quel que soit le cours du marché, l'Afrique du
Sud pourra vendre de l'or au F.M.I. pour financer les déficits éventuels de sa balance
des paiements (article 2a) (ii) de la décision du Fonds, article Ib) de la Lettre).
— Enfin, il est rappelé que l'Afrique du Sud pourra utiliser de l'or dans ses
transactions courantes avec le Fonds, c'est-à-dire, par exemple, pour le rachat
de droits de tirage spéciaux, pour le versement du quart de tout relèvement de sa
quote-part (voir infra, p. 684) ou pour obtenir des monnaies effectivement
convertibles en échange des D.T.S. pour lesquels l'Afrique du Sud aura été désignée par le
Fonds (voir infra, p. 685).
Pour terminer, la décision précitée des Administrateurs rappelait que « en règle
générale, les membres n'avaient pas l'intention d'acheter officiellement de l'or
directement à l'Afrique du Sud (par. 3), ce qui était entériner l'arrangement des
banques centrales en date du 17 mars 1968. Nonobstant toutes ces conditions,
.

l'Afrique du Sud vendit pour 307 millions de dollars contre de l'or au F.M.I. durant
les six premiers mois de 1970 (132) .

(131) On trouvera le texte de la lettre du ministre sud-africain des finances ainsi que la
décision des administrateurs du Fonds en acceptant les termes in, I.M.F., Annual Report,
1970, pp. 184-188.
(132) I.M.F., Annual Report, 1970, p. 35. Depuis lors, cette somme a dépassé les 600 millions
de dollars.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 681

Ce compromis valable pour une durée de cinq ans implique quelques remarques.
Sur le plan économique, le stock d'or monétaire international ne restera pas fixé
à son niveau du 17 mars 1968; il pourra continuer à augmenter chaque année, bien
que pour de faibles montants. Sur le plan politique, il peut s'analyser comme une
« victoire » pour la position américaine. Sur le plan de la stratégie au sein des
organes du F.M.I. il convient de noter que les négociations ont été menées par les
autorités américaines avec l'Afrique du Sud et que le Conseil d'Administration n'a
eu qu'à entériner des décisions prises ailleurs (ici par la trésorerie américaine) (133) ;
il s'agit là d'un nouvel exemple fâcheux qui renforcera la conviction de ceux qui
pensent que le F.M.I. est une institution trop exclusivement dominée par les Etats-
Unis, et ce en dépit de la récente réforme du Fonds qui a donné davantage de
«poids» à la C.E.E. par exemple (voir infra p. 683). Enfin, sur le plan juridique,
cet « accord » est à la fois décevant et troublant; en premier lieu, le problème
juridique fondamental (le F.M.I. est-il dans l'obligation juridique d'acheter de l'or
à ceux de ses membres qui lui en font la demande pour obtenir des devises de pays
tiers, ou, autrement dit, les pays membres ont-ils un droit inconditionnel à vendre
de l'or au F.M.I. ?) n'a pas été tranché et il serait souhaitable que le Fonds procède
à une « interprétation officielle » en vertu de ses pouvoirs propres prévus à l'article
XVIII; en second lieu, cet accord a été qualifié «d'illégal» (134) dans la mesure
où, confirmant ■ la décision de politique • générale adoptée par certaines banques
centrales le 17 mars 1968 de ne plus acheter l'or nouvellement extrait de l'Afrique
du Sud, il va directement à l'encontre du droit accordé par l'accord de Bretton-
Woods à chaque institut d'émission d'acheter directement de l'or auprès des pays
producteurs. Un tel jugement semble quelque peu excessif. Sans doute, un tel
arrangement n'apparaît-il pas conforme à l'esprit des Statuts du F.M.I., en
particulier de l'article IV section 2; cependant, il n'est pas sûr qu'il en viole la lettre.
En effet, il ne s'agit de la part des Etats concernés que d'une « déclaration
d'intention»; ils n'ont jamais fait savoir qu'ils entendaient perdre le bénéfice de ce droit
ou y renoncer définitivement; de plus, l'Afrique du Sud elle-même ne s'est pas
formellement engagée à ne pas vendre d'or nouvellement extrait aux autorités
monétaires étrangères qui lui en feraient la demande : on peut tout au plus soutenir qu'il
y aurait une obligation implicite en ce sens découlant de l'économie générale de
l'accord ainsi conclu; néanmoins il semble difficile de présumer une telle limitation
à la compétence monétaire de cet Etat. Enfin, un certain nombre de pays, dont la
France, ont toujours refusé ce «nouveau cours» dans la politique internationale
visant l'or monétaire (135) ; si l'un de ces pays venait à acheter du métal jaune sur
le marché libre au cours officiel de 35 dollars l'once (et même en-dessous) (136) ou
s'il s'adressait directement à un Etat producteur il ne ferait qu'exercer des droits à
lui reconnus par le droit international applicable (positif). Les pays qui viendraient
à conclure de telles transactions ne pourraient, légalement, pas voir leur
responsabilité internationale mise en jeu, ni faire l'objet de mesures de rétorsion
économique. Mais sans doute encourraient-ils les « foudres de Washington » pour « attitude
inamicale »...

(133) Ceci apparaît clairement à la lecture de la lettre envoyée par le sous-secrétaire


américain du Trésor au Directeur général du F.M.I. Voir, ibid., pp. 188-189. Il est à noter que
le représentant de la France s'est abstenu lors du vote du Conseil d'administration du Fonds
approuvant la politique de l'Afrique du Sud concernant la vente de sa production d'or.
(134) Voir, par exemple, Le Monde des 25 et 30 décembre 1969.
(135) C'est ainsi que dans le courant de l'année 1970 plus de 100 millions de dollars < d'or
monétaire > ont été vendus par l'Afrique du Sud à des banques centrales de pays membres
du F.M.I.
(136) Cette possibilité n'est pas exclue en raison du libellé peu clair de l'article IV, section
2 des Statuts du Fonds. Sur ce point, voir D. Carreau, op. cit., p. 258.
682 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

II. — LE RENFORCEMENT
DE LA COOPERATION MONETAIRE INTERNATIONALE

A. — L'augmentation des ressources du f.m.i. :


LA CINQUIÈME RÉVISION QUINQUENNALE DES QUOTES-PARTS

Les quotes-parts des pays membres, c'est-à-dire leur contribution au capital


du F.M.I., jouent un rôle central dans les mécanismes du Fonds Monétaire
International. L'ensemble des « quotas » des pays membres constituent le capital du F.M.I.,
le pool de ressources, grâce auquel il pourra venir en aide aux Etats qui connaissent
des difficultés de balance des paiements. De plus, les quotes-parts servent à
déterminer le montant et les modalités de l'aide (des droits de tirage) que les
pays membres peuvent demander au F.M.I. Enfin, un quota détermine le
« poids » respectif de chaque Etat au sein du Fonds, les droits de vote des pays
membres étant fonction de l'importance de leur souscription au capital du F.M.I. (137). .
Le montant des quotes-parts des membres du Fonds n'est pas immuable. Les
Statuts du F.M.I. prévoient expressément la possibilité d'ajustements globaux et
sélectifs des quotas : l'article III section 2 dispose d'une part que tous les cinq
ans au plus, le Fonds procédera à un examen général des quotes-parts des membres
et, s'il l'estime justifié, en proposera la révision» et d'autre part que le Fonds
«pourra également, s'il le juge opportun, envisager à tout autre moment, à la
demande d'un membre, la révision de sa quote-part». Si les ajustements
individuels (ou sélectifs) des quotes-parts ont été fort nombreux, il n'en a pas été de
même sur le plan général. C'est ainsi que lors des révisions quinquennales de 1950,
1955, et 1960 il ne fut pas décidé de procéder à une augmentation globale des quotas
(138). Il fallut attendre 1965 et la quatrième révision quinquennale pour assister à
un relèvement général des quotas qui s'éleva, en moyenne, à 33 %. A la suite de la
cinquième révision quinquennale qui eut lieu dans le courant de 1969, il fut proposé,
en février 1970, un accroissement maximum de 35,5 % des ressources globales du
F.M.I.

a) La procédure de la révision quinquennale des quotes-parts.

Tout ce qui concerne la révision des quotes-parts relève de la compétence


exclusive du Conseil des Gouverneurs, c'est-à-dire de l'instance suprême du F.M.I.
(article XII section 2 (b) (ii). C'est à lui qu'il incombe en dernier ressort de décider
de l'augmentation tant individuelle que collective des quotas. Cependant, tout le
travail d'étude et de préparation en la matière est effectué par le Conseil
d'Administration, c'est-à-dire par l'organe compétent pour assurer la gestion des affaires
courantes du F.M.I.

(137) Pour plus de détails sur le rôle des quotas dans les mécanismes du F.M.I., voir
D. Carreau, Le Fonds Monétaire International, Coll. U, Droit international économique, Paris,
A. Colin, 1970. pp. 41 et s.
(138) Un relèvement global de 50 % des quotas fut décidé en 1959. Mais cette décision fut
prise en dehors de la procédure de la révision quinquennale des quotes-parts. Ibid., pp. 37-39.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 683

Par une Résolution N° 24-15 adoptée lors de l'Assemblée générale annuelle du


FJVLI. en septembre 1969, le Conseil des Gouverneurs demanda aux Administrateurs
de lui faire parvenir des propositions aux fins d'ajustement des quotes-parts des
pays membres avant le 31 décembre 1969. Les Administrateurs transmirent leurs
propositions contenant un projet de Résolution et un Rapport le 26 décembre 1969. Us
suggéraient un relèvement global des quotas des pays membres d'environ 7,6
milliards de dollars, ce qui avait pour effet de porter le capital du Fonds à 28,9
milliards de dollars. Ces propositions furent acceptées sans aucun changement par
le Conseil des Gouverneurs dans une Résolution N° 25-3 adoptée le 9 février 1970 à
la suite d'un vote réunissant plus de la majorité requise de 85 % du total des voix
(139). On notera sur ce point qu'il s'agit là d'une des premières décisions prises par
le Conseil des Gouverneurs à la nouvelle majorité qualifiée de 85 % (ce qui donne
un droit de «veto» aux six pays de la C.E.E. pour peu que ceux-ci soient unis)
alors qu'une telle mesure ne nécessitait qu'une majorité des 4/5e des voix avant
l'entrée en vigueur de la réforme du F.M.I. le 28 juillet 1969.
Cette augmentation effective des quotas ne saurait entrer en vigueur avant le
30 octobre 1970. Pour chaque pays membre concerné, l'augmentation effective de
sa quote-part n'entrera en vigueur que, d'une part, lorsqu'il aura notifié au Fonds
qu'il consent à cet accroissement et que, d'autre part, il aura versé la totalité de
l'accroissement de son quota (140). Sauf prolongation du délai décidé par les
Administrateurs, les pays membres auront jusqu'au 15 novembre 1971 au plus tard
pour accomplir ces formalités.
En bref, cette procédure de révision quinquennale des quotes-parts fait
intervenir, au stade de la proposition et de la décision, les principaux organes dirigeants
du F.M.I.. Mais, elle requiert aussi le consentement spécifique de chaque pays
membre en fonction de sa législation propre.

b) La mise en œuvre de l'accroissement des quotes-parts.

L'augmentation totale des ressources du F.M.I. sera de 7,6 milliards de dollars,


pour peu toutefois que tous les pays concernés y consentent dans les proportions qui
leur sont proposées. En effet, l'accroissement des quotes-parts est très variable selon
les pays. C'est ainsi, par exemple, que le quota de la Chine (Formose) restera
inchangé tandis que celui de la Grande-Bretagne n'augmentera que de 15 %. Tous les
autres membres se sont vu offrir des relèvements d'au moins 25 % de leurs quotas;
75 des 115 membres du Fonds pourront augmenter leur quota de plus de 30%, et
pour trente d'entre eux le relèvement pourra dépasser les 50 % : tels sont les cas du
Japon (+ 65,5 %), de l'Italie (+ 60 %), de la Côte d'Ivoire (+ 173,7 %), de la France
(+ 52 %) ... Autrement dit, l'accroissement général proposé est très inégal : il inclut
d'une part un relèvement moyen des quotas de 25 % (sauf pour la Chine et
l'Angleterre) et d'autre part de nombreux accroissements sélectifs.
Ce phénomène d'accroissement inégal des quotes-parts des pays membres, au
demeurant fréquent dans l'histoire du F.M.I., mérite quelques explications.
L'augmentation périodique des quotes-parts des membres du Fonds a pour but de
permettre au F.M.I. d'adapter ses ressources à la « croissance de l'économie mondiale »
(141); tout accroissement du capital du Fonds se traduit par un accroissement
(139) Le texte de ces documents est reproduit in : I.M.F., Annual Report, 1970, pp. 177-184.
(140) C'est ainsi qu'une loi n° 70-1162 du 14 décembre 1970 autorise le gouvernement
à effectuer les versements correspondant au nouveau quota de la France. J.O., 16 décembre
1970, p. 11539.
(141) Expression employée par les Administrateurs dans leur rapport sur le relèvement
des quotes-parts au titre de la cinquième révision quinquennale.
684 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

correspondant de liquidités conditionnelles, c'est-à-dire de possibilités de crédit


que le Fonds peut consentir à ses membres dans le cadre de sa politique
concernant l'utilisation de ses ressources (142). Les ajustements sélectifs des quotas des
pays membres permettent de tenir compte «des changements intervenus dans la
position des membres dans l'économie mondiale » (143) , ou autrement dit, de
l'évolution du « poids » économique et financier comparé des nations. Il s'agit là d'une des
préoccupations essentielles du F.M.I. et ceci constitue l'une des clefs de son succès :
afin d'assurer au mieux l'effectivité de l'ordre monétaire international dont il a la
charge, le F.M.I. s'est constamment efforcé d'assurer une répartition équilibrée des
quotas (et partant des droits de vote) des pays membres en fonction de leur

'
« représentativité économique ». L'une des conséquences de cet accroissement
différentiel des quotes-parts entraînera, comme le notait VEconomist une diminution de
« pouvoir pour les anglo-saxons » dont le « poids » relatif au sein du F.M.I. va se
trouver quelque peu restreint; cette nouvelle situation reflète, somme toute assez
fidèlement, les difficultés économiques qu'ont connu les Etats-Unis et la Grande-
Bretagne au cours de ces dernières années (144) .
Une fois, que chaque pays aura fait savoir au F.M.I. qu'il acceptait la nouvelle
quote-part qui lui était proposée (il a toujours la possibilité de la refuser et d'accepter
une augmentation plus faible, la proposition du Fonds constituant une limite
supérieure), il devra encore effectuer un versement, une souscription additionnelle d'un
montant correspondant à l'accroissement de son quota. En vertu des Statuts du
F.M.I., il est prévu qu'en cas d'augmentation de quote-part chaque pays membre
doit verser 25 % de l'augmentation en or et le reste en monnaie nationale (article
III section 4 (a)); toute dérogation ayant pour «objet d'atténuer les effets de ce
règlement » devra être décidée par le Conseil des Gouverneurs à la nouvelle
majorité qualifiée de 85% des voix (article III section 4 (c)) (145). Dans le passé cette
règle a dû être aménagée, voire tournée, en raison des difficultés qu'elle posait à
certains membres (146). Cependant, le Conseil des Gouverneurs devait adopter
dans sa Résolution précitée du 9 février 1970, un certain nombre de modalités
particulières destinées à atténuer les effets des versements en or sur les réserves
monétaires des pays membres.
Tout d'abord, il a été prévu que les pays membres pourraient effectuer le
versement des sommes dues au fonds au moyen de paiements échelonnés sur une période
de cinq ans; il s'agit là d'une nouvelle technique inaugurée lors du relèvement
général des quotas de 1959 et qui se révèle particulièrement utile pour les membres

(142) Sur cette notion de liquidité « conditionnelle », voir D. Carreau, le Fonds Monétaire
International, op. cit., pp. 199-200; pour un exemple pratique, voir, cette chronique, A.F.D.I.,
1968, pp. 564-566.
(143) Expression employée dans le Rapport précité des Administrateurs. .
(144) 2 mai 1970, pp. 72-73. Il est aussi à noter que la nouvelle répartition des quotas va
entraîner certaines modifications dans l'organisation du F.M.I. C'est ainsi que les cinq pays
dont les quotes-parts sont les plus élevées ont le droit de nommer chacun un «
administrateur » (article XII section 3(b) (i) . Or, dès que l'accroissement des quotas sera effectif, le
Japon deviendra le « cinquième » « Grand » du F.M.I. et aura droit à un administrateur
« permanent » et ce, aux dépens de l'Inde qui c rétrograde » au huitème c rang » après le
Canada et l'Italie.
<

(145) II s'agit là d'une des dispositions nouvelles insérées à la suite du projet d'amendement
des Statuts du Fonds. Auparavant, de telles décisions n'impliquaient aucune majorité
particulière. Beaucoup de pays € créditeurs » — dont la France — critiquèrent vigoureusement le
F.M.I. qui accepta de nombreux € aménagements » lors de la révision générale des quotas
en 1965 afin d'atténuer les effets de l'obligation de versement en or de 25 % de
l'augmentation des quotes-parts. Sur cette affaire, voir, D. Carreau, Le Fonds monétaire
international, op. cit., pp. 34-35; voir aussi, O.L. Altman, les quotes-parts des membres du Fonds sont
portées à 21 milliards, II Fin & dev. N° 4, 1965, 223 et D. Williams, La cinquième révision
générale des quotes-parts, VII, Fin. & Dev., n° 3, 1970, 14.
(146) Idem.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 685

ayant des quotes-parts modestes mais qui obtiennent un fort pourcentage


d'accroissement. En outre, et cela pour la première fois dans l'histoire du Fonds, le Conseil
des Gouverneurs a utilisé le pouvoir que lui confère l'article III section 4 (a) des
Statuts en décidant de réduire la fraction (25 %) de l'accroissement de la quote-
part payable en or pour ceux de ses membres dont le montant des réserves
monétaires serait inférieur au nouveau quota. Un tel pays ne sera tenu de verser en or
« qu'une fraction proportionnelle au rapport de ses réserves monétaires à la nouvelle
quote-part à laquelle il a consenti » (147) ; autrement dit, si le montant des réserves
monétaires d'un membre équivaut, par exemple, à la moitié de son nouveau quota,
il ne devra verser, dans un premier temps, que 12,5 % de l'augmentation en or
(Soit 50 % de 25 %) ; ce membre paiera le solde (87,5 % dans notre exemple) en
monnaie nationale, mais il devra racheter au F.M.I. dans un délai maximum de cinq ans
tout solde en sa monnaie qui viendrait à dépasser 75% de sa quote-part soit" avec
de l'or, soit avec des devises convertibles soit encore avec des droits de tirage
spéciaux.
En bref, dans ces deux cas, les pays membres auront disposé de cinq ans pour
effectuer les versements inhérents à l'augmentation de leurs quotas et les effets
de ces versements auront pu être ainsi dilués; cependant, il reste qu'ils auront dû
régler cette augmentation à concurrence de 75 % en monnaie nationale et de 25 %
en or, ou en monnaie convertible ou en D.T.S.
Enfin, il a été nécessaire, vu l'expérience passée, de prévoir une dernière
«atténuation» dans la mesure où certains membres n'ayant pas assez d'or pour
effectuer les versements dus à l'augmentation de leurs quotas, se trouvent dans
l'obligation d'acheter le métal jaune aux « centres de réserve » (Etats-Unis
essentiellement et Grande-Bretagne). En d'autres termes, l'augmentation des quotas
risquait de se traduire, en dernière instance par une diminution du stock d'or des
Etats-Unis. Afin de parer aux inconvénients psychologiques et politiques d'un tel
.

phénomène, le Conseil des Gouverneurs du F.M.I. décida que le Fonds pourrait


vendre jusqu'à concurrence de 700 millions de dollars en or aux membres qui
auraient dû vendre du métal jaune à d'autres membres pour leur, permettre
d'effectuer le versement de leur souscription-or. En s'efforçant d'atténuer les
effets défavorables sur les réserves de change de ses membres que pourrait avoir
l'accroissement des quotas, le F.M.I. est resté fidèle à sa politique inaugurée en
1965 lors de la quatrième révision quinquennale, politique qui avait été très
critiquée à l'époque....
Ainsi, par l'augmentation des quotas de ses membres, et donc par
l'accroissement de ses ressources, le F.M.I. a développé ses possibilités de crédit et donc la
liquidité conditionnelle. Mais, avec la mise en œuvre des droits de tirage spéciaux
c'est la liquidité inconditionnelle qui va se trouver considérablement augmentée.
Désormais, le F.M.I. apparaît comme le pourvoyeur essentiel de liquidités
internationales; c'est à lui qu'incombe la responsabilité d'ajuster le volume des moyens de
paiements internationaux aux besoins de l'économie mondiale.

B. — La mise en œuvre des droits de tirage spéciaux

Lors de sa réunion annuelle de septembre 1969, le Conseil des Gouverneurs du


F.M.I. décida que le Fonds procéderait à la distribution d'une première tranche de

(147) I.M.F., Annual Report, 1970. p. 34.


686 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

D.T.S. équivalant à 3,414 milliards de dollars à compter du 1er janvier 1970 (148).
Cette somme devait être distribuée aux 104 pays participant au nouveau Compte de
Tirage Spécial institué au sein du Fonds (149); elle représente pour chaque
participant 16,80% de son quota au F.M.I. Les deux autres tranches de la première
« période de base » qui, exceptionnellement, n'aura qu'une durée de trois ans au
lieu de cinq, seront distribuées le 1er janvier 1971 et le 1er janvier 1972 pour un
montant égal à 3 milliards de dollars chacune.
De janvier à juin 1970, 46 participants utilisèrent un total de 549 millions de
D.T.S. 206 millions impliquèrent des transactions avec le F.M.I. (rachats de monnaie,
paiements de commissions) le reste étant utilisé pour se procurer auprès d'autres
participants des « monnaies effectivement convertibles » (150) .
L'institution des droits de tirage spéciaux constitue sans aucun doute
l'événement le plus marquant de l'histoire monétaire internationale de l'après-guerre.
Sans entrer dans le détail de ces nouveaux mécanismes qui ont été analysés
ailleurs (151), il convient cependant d'insister sur les traits les plus marquants de
cette «monnaie» scripturale internationale réservée aux Etats et à quelques
institutions internationales.
a) Le processus de création des droits de tirage spéciaux est riche
d'enseignements. Pour la première fois dans l'histoire, des liquidités internationales nouvelles
de caractère inconditionnel ont été créées par la communauté internationale (à
l'exception toutefois des pays socialistes qui ne sont pas membres du F.M.I.).
L'idée est révolutionnaire; auparavant, le niveau des . liquidités internationales
dépendait de facteurs aussi aléatoires que la production d'or de l'Afrique du Sud,
les ventes d'or de 1'UJl.S.S. ou le déficit de la balance des paiements de certains
pays à monnaie-réserve (Etats-Unis et Grande-Bretagne). Désormais, une partie
appréciable des liquidités internationales pourra être contrôlée et gérée par la
communauté internationale en fonction des besoins de financement des transactions
internationales. L'examen des conditions de mise en œuvre et de fonctionnement des
D.T.S. montre bien que ces nouveaux moyens de paiements internationaux, pour
être acceptés, doivent jouir de la confiance de tous; c'est ainsi que le consentement
le plus large a été recherché en ce qui concerne la création et les allocations
ultérieures de D.T.S. : tous les organes du F.M.I. doivent intervenir tandis que les
décisions doivent être prises à la majorité qualifiée de 85 % des voix attribuées.
On notera que la responsabilité de la gestion des D.T.S. a été confiée au F.M.I.
et non, comme cela avait été sérieusement envisagé pendant un temps, au Groupe
. des Dix. Sans doute les D.T.S. profiteront-ils essentiellement aux pays les plus riches
(les membres du groupe des dix ont reçu 64,2 % de la première tranche) et ne
peuvent-ils pas être considérés comme une aide appréciable aux pays en voie de
développement (80 pays sous-développés ne recevront que 27 % des allocations
totales de D.T.S.) (152). Cependant, il convient de remarquer que dans cette instance

(148) Résolution N° 24-12 du 3 octobre 1969. Texte, In Summary Proceedings, 1969, pp.
326-327. Il est à noter que cette résolution reprend intégralement les propositions du
Directeur Général du F.M.I, qui, elles-mêmes, avaient été approuvées par le Conseil
d'Administration.
(149) 10 des 115 membres que le F.M.I. comprenait à l'époque décidèrent de ne pas
participer au Compte de Tirage Spécial. De son côté, la Chine (Formose) refusa de participer à
l'allocation de la première tranche de D.T.S.
(150) Pour plus de détails, voir, I.M.F., Annual Report, 1970, pp. 27-31.
(151) D. Carreau, Souveraineté et coopération monétaire internationale, op. cit., pp. 422-
440; Le Fonds Monétaire International, Paris, A. Colin, 1970, Collection U, pp. 216-233; J.
Gold, Special Drawing Rights, I.M.F. Pamphlet series, N° 13, 1969.
(152) Les pays du tiers monde furent très critiques du critère retenu pour la distribution
des D.T.S., à savoir les quotas de chaque pays au sein du F.M.I. Cependant des études ont
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 687

les organes dirigeants du F.M.I., à commencer par le Directeur Général, ont fait
bloc avec les pays du tiers-monde pour que les droits de tirage spéciaux rentrent
dans la compétence exclusive du Fonds qui représente l'essentiel de la communauté
monétaire et financière internationale.
b) La nature des droits de tirage spéciaux ne laisse pas d'être ambiguë. Ces
nouveaux moyens de paiements internationaux à l'usage exclusif des Etats et de
certaines institutions internationales possèdent tantôt les caractères d'une
«monnaie » (ils ne sont pas remboursables à concurrence de 70 %) tantôt ceux d'un
« crédit s» (dans la mesure où ils peuvent être remboursables à concurrence de 30 %) .
Comparés aux monnaies nationales, les D.T.S. leur sont tantôt supérieurs (ils ont
une garantie-or totale par exemple) et tantôt inférieurs (leur usage est limité tant
ratione materiae que ratione personae). Par rapport à l'or, les D.T.S. présentent
certaines supériorités (ils sont porteurs d'intérêts) et certaines infirmités (ils ne
peuvent faire l'objet de thésaurisation privée). En fait, les droits de tirage spéciaux
constituent une véritable monnaie scripturale internationale réservée aux Etats et
à quelques institutions internationales et dont de nombreuses caractéristiques sont
empruntées soit aux monnaies nationales soit à l'or soit enfin aux «tranches-or»
du F.M.I.
c) Sur le plan institutionnel, la mise en œuvre des droits de tirage spéciaux
présente quelques dispositions originales par rapport aux règles contenues dans
l'accord de Bretton-Woods. Deux points méritent d'être notés à ce titre. D'une part,
la procédure de règlement des différends en cas de liquidation des D.T.S. ou de
cessation de participation d'un membre n'est plus de caractère interne au F.M.I. : il
est prévu un recours, non à la C.I.J., mais à une procédure d'arbitrage. D'autre part,
le rôle du Directeur Général a été sensiblement accru; alors que dans les Statuts
initiaux du F.M.I. le Directeur Général ne disposait pas de pouvoirs propres étendus
si ce n'est de caractère administratif, en matière de D.T.S. son action est
fondamentale dans la mesure où c'est à lui qu'il incombe l'initiative de proposer à la fois
l'ouverture (l'activation) et les allocations ultérieures de D.T.S. C'est là une
illustration frappante de la tendance générale perceptible dans de nombreuses
institutions internationales qui va vers un renforcement des « exécutifs ».
d) L'accord quasi-unanime des membres du F.M.I. de procéder à « l'ouverture »
des droits de tirage spéciaux à compter du 1er janvier 1970 appelle un certain nombre
de commentaires. Plusieurs conditions assez strictes avaient été introduites dans le
projet d'amendements tel qu'il avait été définitivement mis au point lors de la
réunion du Groupe des Dix à Stockholm en mars 1968. Il était notamment prévu que les
D.T.S. ne seraient mis en œuvre qu'en cas de «meilleur équilibre des balances
des paiements » (article XXIV section I (b) ) ; autrement dit, « l'activation » des
droits de tirage spéciaux ne pouvait avoir lieu qu'à la suite de la disparition, ou du
moins de la forte diminution, du déficit de la balance des paiements des deux pays
à monnaie réserve, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne; si l'amélioration de la

montré que parmi les autres critères possibles (montant des réserves globales, or monétaire),
la clef de répartition des D.T.S. fondée sur les quotes-parts au F.M.I, était la moins défavorable
aux pays en voie de développement (voir R. Triffin, Our international monetary system;
yesterday, to-day and to-morrow, Yale university press, 1968, pp. 124-128 et surtout le
tableau reproduit à la page 128). De plus, ces pays furent unanimes pour réclamer qu'il
existe un lien institutionnel entre la création des DTS et l'aide au développement; pour eux,
ces liquidités nouvelles devraient être exclusivement affectées au capital des institutions
internationales chargées du développement (B.I.R.D., A.I.D.). Les pays riches s'opposèrent
vivement à cette conception dans la mesure où les D.T.S. ne constituent pas des certificats
d'investissement mais des liquidités internationales, c'est-à-dire des instruments monétaires.
En outre, les Statuts du F.M.I. précisent que le Fonds n'a pas pour mission de résoudre les
problèmes du développement (article XIV section I); ce serait empiéter sur les compétences
de la B.I.R.D. et de ses € filiales ».
688 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

balance des paiements de ce dernier pays a été spectaculaire, il n'en a pas été de
même pour les Etats-Unis dont le déficit (calculé sur la base des «liquidités»)
avoisinait 7 milliards de dollars pour 1969. Le non-respect évident de cette condition
particulière (153) ne peut s'expliquer que par des considérations d'ordre politique :
les pays excédentaires (créditeurs) tels que l'Allemagne et le Japon qui prônaient
la prudence en la matière sont devenus de plus en plus isolés tandis que les pays
déficitaires (débiteurs) qui avaient intérêt à obtenir des liquidités internationales
inconditionnelles supplémentaires sont devenus de plus en plus nombreux (la
France (154) et l'Italie rentrent maintenant dans cette catégorie avec les Etats-Unis
et la Grande-Bretagne) et ont pu ainsi faire triompher leur point de vue. En

.
d'autres termes, les conditions économiques spéciales qui devaient être remplies
avant toute mise en œuvre des D.T.S. ont été délibérément écartées pour des motifs
exclusivement politiques.
e) Autre développement important par rapport à l'accord de Bretton-Woods de
1944, la consécration par les récents amendements d'une nouvelle catégorie . de
devises, les monnaies « effectivement convertibles » (ou convertibles en fait,
currencies convertible in fact). Théoriquement, les Statuts du Fonds ne reconnaissaient
que deux catégories de monnaies : celles qui étaient légalement convertibles, c'est-à-
dire les devises des pays membres ayant accepté les obligations de l'article VIII
(155) et les autres (156). Cette distinction entraînait des conséquences juridiques
importantes; c'est ainsi, par exemple, que l'usage de monnaies inconvertibles était
strictement limité dans les transactions entre le F.M.I. et les pays membres. Or, dans
la pratique, de nombreuses devises des pays membres étaient convertibles en fait.
Les dispositions relatives aux D.T.S. ont tenu compte de cette . évolution et ont
préféré adopter un critère économique et non plus juridique de la convertibilité
monétaire (157). C'est ainsi que toute monnaie effectivement convertible pourra être
fournie par un participant au Compte de Tirage Spécial contre remise de D.T.S.
Cette nouvelle stipulation permettra un usage international plus large d'un nombre
accru de monnaies des pays membres du F.M.I.
f) Tout participant au Compte de Tirage Spécial qui aura été désigné par le
Fonds (158) devra fournir de la monnaie effectivement convertible contre des D.T.S.

(153) Deux autres « considérations spéciales » avaient été prévues : l'existence « d'un
besoin global de compléter les réserves ». la « probabilité d'un fonctionnement plus efficace des
mécanismes d'ajustement dans l'avenir ». Là encore, ces conditions préalables ont été
interprétées très largement de façon à mettre en œuvre les D.T.S. le plus rapidement possible.
(154) Le changement d'attitude de la France a été tout à fait remarquable; très réservé à
l'égard des D.T.S. au point qu'il refusa de s'associer pleinement au compromis réalisé à la
conférence de Stockholm en mars 1968, notre pays, devenu depuis lors déficitaire, décidait de
ratifier dans les plus brefs délais le projet d'amendement de façon à pouvoir bénéficier de la
première tranche de D.T.S. à compter du 1er janvier 1970. A ce titre la part de la France
s'élève à 165,4 millions de dollars, soit 4,8 % de l'ensemble. Sur ce revirement de la France,
voir la loi N° 69-1175 du 26 décembre 1969 (J.O. 28 décembre p. 12671) et les rapports des
commissions des finances de l'Assemblée nationale (N° 960) et du Sénat (N° 142).
(155) Au 30 avril 1970, seuls 34 pays membres avaient accepté les obligations de l'article
VIII. Toutefois ces pays sont les plus < représentatifs » : ils comptent pour plus de 80 % des
échanges internationaux.
(156) 81 pays entendent encore se prévaloir du régime de la période transitoire prévu par
l'article XIV des Statuts du F.M.I.
(157) Voir la définition donnée par l'article XXXII(b). Il est à noter que les Accords
Généraux d'Emprunt avaient déjà employé ce concept de c monnaie effectivement
convertible » mais sans le définir.
(158) C'est ainsi que le Fonds a établi des listes de pays susceptibles d'être désignés pour
recevoir des D.T.S. Ces listes ont été établies en fonction du niveau des réserves officielles de
change des participants et de l'évolution de leur balance des paiements; de plus, le F.M.I.
a prévu des montants maxima (plafonds) de D.T.S. que chacun se verrait dans l'obligation

d'accepter. Voir I.M.F., Annual Report, 1970, pp. 29-31. La France, par trois fois déjà, a reçu
des D.T.S. à la demande de pays tiers, mais pour des montants très faibles, voire négligeables.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 689

(article XXTV section 4). Il lui sera juridiquement impossible de refuser. Cette
acceptation obligatoire des D.T.S. pour tout participant désigné par le FJM.1. aura
une conséquence importante pour un tel pays; par ce biais, il aura en effet perdu la
compétence de déterminer comme il l'entendait ses réserves monétaires officielles
(159). Ni les Statuts du Fonds ni aucun accord international n'avait jusqu'à présent
.limité la souveraineté monétaire de l'Etat dans ce domaine. L'accord de Bretton-
Woods reconnaissait implicitement le droit des Etats membres du FJVÏ.I. de choisir
les éléments constitutifs de leurs réserves de change qui pouvaient être l'or, le
dollar ou toute autre devise convertible (article XIX (a) ). L'institution des D.T.S.
implique une renonciation de la part des participants au libre choix de leurs réserves
monétaires. Il s'agit là d'une nouvelle et sensible diminution de la souveraineté
monétaire des Etats.
g) Enfin, il est impossible de passer sous silence les controverses qui n'ont cessé
d'entourer la naissance des droits de tirage spéciaux. Si beaucoup ont été séduits
par le brio et l'ingéniosité des inventeurs du nouveau système, par la nouveauté
des mécanismes juridiques employés, beaucoup ont dénoncé ses dangers. Les D.T.S.
ont été tout à tour décrits comme une «illusion monétaire», de «l'or papier», du
« néant habillé en monnaie » ou comme créant un « système d'inflation généralisée ».
Le général de Gaulle lui-même parla « d'un cautère sur une jambe de bois »...
Désormais, les liquidités internationales - et les réserves monétaires officielles
des Etats comprendront trois éléments principaux : l'or, les dollars et les droits de
tirage spéciaux. Une telle situation est particulièrement propice au jeu de la célèbre
«loi de Gresham». Si elle vient à jouer il sera très instructif de savoir quelle
«mauvaise» monnaie chassera la «bonne» (160).

C. — Coopération monétaire au sein de la c.e.e. : évolution récente

Les auteurs du traité de Rome ont abordé avec beaucoup de « prudence », voire
de « timidité », les problèmes monétaires. Dans une précédente chronique nous avons
insisté sur l'une des insuffisances les plus notoires et qui entraînait des conséquences
fâcheuses, le silence des textes en matière de manipulations monétaires (161). Il nous
faut maintenant insister sur une autre lacune, l'absence de dispositions précises du
traité de Rome en matière de coopération monétaire entre les pays membres. En
raison des faiblesses de l'article 108 relatif au « concours mutuel », la Commission
de la C.E.E. soumit au Conseil le 12 février 1969 un «memorandum» (plus connu
sous le nom de « plan Barre ») visant au renforcement de la coopération monétaire
entre les six. Certaines des propositions contenues dans ce document ont déjà reçu
un commencement d'application. Mais, à la suite de la conférence des chefs d'Etat
et de gouvernement de La Haye des 1er et 2 décembre 1969, il fut décidé d'aller
encore au-delà et d'instituer une véritable «union économique et monétaire»; cette
tâche exploratoire fut confiée à une commission présidée par le premier ministre
du Luxembourg, M. Pierre Werner, commission qui a d'ailleurs récemment fait
connaître ses conclusions et les développements « monétaires » souhaitables dans
lesquels devrait s'engager la C.E.E. dans la prochaine décennie. Si la question
« agricole » avait dominé les débats à l'intérieur de la C J5.E. durant les années 60,

(159) Cette conséquence fondamentale avait été notée par la B.R.I. dans son 39» rapport
annuel. Bâle, 1969, p. 239.
(160) Cette hypothèse était expressément envisagée dans le 39e rapport annuel précité
de la B.R.I., op. cit., p. 239.
(161) Voir, Chronique de droit international économique, A.F.D.I., 1969, pp. 654-660.

44
690 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

il semble bien que la « question monétaire » constituera le problème . central des



années 70. \

a) Les «faiblesses* de l'article 108 du traité de Rome ' concernant le «concours


mutuel » (162)

Depuis l'entrée en vigueur du traité de Rome, l'article 108 n'a été appliqué

qu'une seule fois en juillet 1968 pour permettre à la France de faire face aux suites
de la crise de mai-juin (163). La rareté des recours à cette procédure, sa relative
inadaptation lors de son unique mise en œuvre rendaient nécessaire une réforme.
Les discussions portèrent, notamment, sur l'article 108 (2) (c) prévoyant qu'un pays
connaissant des difficultés de la balance des paiements pourrait -se voir octroyer

.
« des crédits limités de la part d'autres Etats membres, sous réserve de leur accord ».
Cette disposition contenait deux incertitudes qui allaient lourdement peser sur
l'efficacité de cette procédure du «concours mutuel»; d'une part, le montant des crédits
sur lesquels pourraient éventuellement compter les • pays en difficulté n'était pas
fixé; d'autre part, ces • crédits, loin d'être automatiques restaient r « conditionnels »,
c'est-à-dire aléatoires.

Déjà en 1962, le Rapport Van Campen (164) insistait sur ces points et se
demandait si «les Etats membres n'avaient pas intérêt, en prévision d'un état de crise
éventuel, à prendre dès maintenant la précaution de se mettre d'accord sur l'octroi
de crédits » (165) . A l'époque cette suggestion n'avait pas été retenue, en raison sans
doute de la « santé monétaire florissante » de l'ensemble des pays membres (166) .
Il faudra attendre sept années et les premières grandes difficultés affectant la
monnaie et l'économie d'un pays membre (la France en l'occurrence) pour voir les
organes communautaires se préoccuper activement de la coopération monétaire
entre les «Six» et faire des propositions constructives.

b) Le « plan Barre » du 12 février 1969 (167).'

Dans son «mémorandum» au Conseil de la C.E.E., la C.E.E. entendait tirer


toutes les conséquences de l'interdépendance croissante des économies des six
pays membres. Elle tirait argument du fait que les politiques économiques avaient
cessé d'être purement nationales et qu'elles ne pouvaient donc être conçues sans
référence au «phénomène communautaire». Dans cette optique, il s'agissait pour
la commission' de proposer des mécanismes • destinés, d'une part, à prévenir les
crises et d'autre part à y remédier.
En ce qui- concerne la prévention des crises la Commission proposait tout
d'abord une concertation des politiques économiques à moyen terme; c'est ainsi que

(162) Pour plus de détails, voir, D. Carreau, Souveraineté et coopération monétaire


internationale, Paris, Cujas, 1970, pp. 447-454.
(163) Sur ce point, voir, Chronique de droit international économique, A.FJD.I., 1968,
pp. 570-571, et 575-579.
(164) Rapport fait au nom de la Commission économique et financière du Parlement
européen sur la coordination des politiques monétaires dans le cadre de la C.E.E., Doc. 17.
7 avril 1962.
(165) Par. 27.
(166) Voir, par exemple, l'attitude très réservée du Comité monétaire de la C.E.E., in, 4«
rapport annuel, par. 8.
(167) Le titre officiel est : c mémorandum de la Commission au Conseil sur la coordination
des politiques économiques et la coopération monétaire au sein de la Communauté ». Voir
texte in supplément au Bulletin des Communautés européennes, N° 3, 1969.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 691

les principaux objectifs économiques à moyen terme (taux de croissance, évolution de


l'emploi, des prix. et de la balance des paiements) devraient être déterminés en
commun et devraient se révéler compatibles de pays à pays. De plus, pour être
efficace, cette convergence des orientations des politiques nationales à moyen terme
doit s'accompagner d'une coordination des politiques économiques à court terme; la
commission, proposait tout un système de consultations préalables - obligatoires (il
s'agirait là d'obligations juridiques) destinées à harmoniser les diverses politiques
conjoncturelles, notamment dans les domaines budgétaires et fiscaux.
Si malgré de .telles précautions, un pays membre se trouvait en difficulté, la
Commission proposait un ensemble de remèdes consistant en une coopération
monétaire accrue. La Commission proposait un «mécanisme communautaire de
coopération monétaire » qui s'appuierait sur deux piliers : le soutien monétaire à court
terme, le concours financier à moyen terme. Dans le cadre du « soutien monétaire
à court terme » chaque pays membre s'engagerait à ouvrir une ligne de crédit en
faveur de ses partenaires dans la limite toutefois d'un montant de ressources
maximum n'excédant pas un certain plafond. Tout pays participant en difficulté
pourra ainsi puiser dans ce «pool» de ressources communes pour une certaine
somme. Il s'agira ainsi de crédits automatiques (ou de liquidités inconditionnelles)
dont le montant est limité pour les pays prêteurs (plafonds d'engagement) et pour
les pays emprunteurs (plafonds d'utilisation). La durée des crédits ainsi accordés
serait, en principe de trois mois. Cependant, cette aide serait renouvelable s'il en
était ainsi décidé à la suite de consultations entre pays déficitaires et
excédentaires. Si la situation du pays déficitaire nécessitait un soutien de plus longue durée,
la Commission envisageait la mise sur pied d'un « concours financier à moyen terme »
qui lui ne serait pas automatique mais qui serait accordé cas par cas par le Conseil;
dans cette éventualité, la Commission envisageait d'instituer des plafonds
d'engagement pour chaque pays membre, mais de ne pas fixer de plafonds d'utilisation
afin de donner la plus grande souplesse possible au nouveau système.
Ces propositions furent favorablement accueillies et par les organes
communautaires (tel le Comité monétaire qui donna un avis très favorable (168) et par les
pays membres. Cependant, il fallut attendre quelques mois pour que les mesures
suggérées par la Commission fassent l'objet de décisions appropriées du Conseil des
ministres de la C.E.E. et des pays membres.

c) Le début d'application du « plan Barre ».

Le premier volet du « plan Barre » à faire l'objet d'une décision du Conseil des
ministres de la C.EJE. concerna la coordination des politiques économiques à court
terme. Par. une décision en date du 17 juillet 1969, le Conseil décidait d'instituer
tout un ensemble de consultations préalables visant, notamment, les politiques
budgétaires et fiscales (169) . Il fallut attendre le 26 janvier 1970 pour que le Conseil de la
C.E.E. se penche de nouveau sur le plan Barre. Le Conseil accepta alors les
propositions de la Commission concernant l'harmonisation des politiques à moyen terme
(170) . Mais surtout, il approuva l'accord intervenu entre les gouverneurs des banques
centrales sur le mécanisme de soutien monétaire à court terme (171). Le système
mis sur pied comporte deux niveaux dans la mesure où le pool commun de devises

(168) On en trouvera le texte in II* rapport d'activité, 15 mai 1969, Annexe I.


(169) Doc. 69/227/C.E.E. J.O.C.E., N° L. 183 du 25 juillet 1969.
(170) Communiqué de presse du 26 janvier 1970. 126/70/A.G. 32.
(171) Voir le texte in Europe/Documents du 17 février 1970, Doc. N° 561.
692 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

destiné à permettre de faire face aux difficultés temporaires de balance des paiements
de l'un des six et qui s'élève à 2 milliards de dollars est soumis à deux régimes
différents; une première somme d'un 'milliard de dollars servira à accorder des
prêts automatiques à trois mois renouvelables une fois (172); une deuxième somme
d'un milliard de dollars consistera en prêts conditionnels qui pourront être accordés
au pays en difficulté par les gouverneurs des banques centrales après consultation
et en vertu de recommandations ad hoc.
Enfin, le mécanisme de soutien mutuel à moyen terme, qui se monterait semble-
t-il à 2 milliards de dollars, fait encore l'objet de discussions au sein du Conseil à la
suite des propositions de la Commission (173) .
On notera l'importance de cet accord à deux points de vue. D'une part, il
constitue un renforcement appréciable de la coopération monétaire au sein de la C.E.E. en
venant compléter d'une manière heureuse et souple la procédure du concours mutuel
de l'article 108. D'autre part, sur un plan plus général, cet accord montre bien
l'importance croissante du rôle des banques centrales dans les mécanismes de la
coopération monétaire internationale; pour la première fois en effet, les accords de
«troc» (swap) entre instituts d'émission ont été formellement institutionnalisés
dans un accord international. H reste à espérer que ce phénomène
d'institutionnalisation ne nuira en rien à l'efficacité de cette technique.-
Toutefois, la réalisation du « plan Barre », pour importante soit-elle, ne constitue
encore qu'une phase — la première — d'un processus plus large tendant à instituer
une véritable «union économique et monétaire» entre les pays membres de la
C.E.E.

d) Vers la réalisation d'une « union économique et monétaire ».

Le point 8 du communiqué final publié à l'issue de la conférence des chefs


d'Etat et de gouvernement réunis à La Haye les 1er et 2 décembre 1969 estimait
souhaitable la « création d'une union économique et monétaire ». Dans cette optique,
la Commission de la C.E.E. soumettait au Conseil dès le mois de mars 1970 un plan
prévoyant la réalisation d'une union économique et monétaire • en trois étapes la
dernière se situant aux alentours de 1976/1978 (174). De plus, par une décision en
date du 6 mars 1970 le conseil de la CJS.E. décidait de charger un comité spécial
présidé par le premier ministre du Luxembourg, M. Pierre Werner, d'analyser les
diverses suggestions en présence afin de dégager les « options fondamentales » d'une
réalisation par étapes de l'Union économique et monétaire de la communauté (175).
Le comité Werner faisait connaître les conclusions auxquelles il était arrivé dès le
début du mois d'octobre 1970 (176) tandis que la Commission elle-même présentait
des suggestions, analogues mais non identiques, allant dans le même sens, au mois
de novembre (177) .
Sans doute est-il encore trop tôt pour se prononcer sur ces futurs développe-

(172) Ces crédits prendront la forme d'accords de « troc » (swap) entre instituts d'émission.
De plus, des plafonds d'engagement ont été déterminés pour chaque pays. Le « quota » de
l'Allemagne et de la France sera de 300 millions de dollars, celui de l'Italie de 200
millions, enfin celui des Pays-Bas et de l'Union belgo-luxembourgeoise sera de 100 millions de
dollars pour chacun.
(173) Proposition en date du 10 juin 1970. C.O.M. (70) 634 final.
(174) 4 mars 1970. C.O.M./70/300.
(175) J.O.C.E., N° L 59/44 du 14 mars 1970.
(176) J.O.C.E. N° C 136 du 11 novembre 1970.
(177) J.O.C.E. N° C 140 du 26 novembre 1970.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 693

ments de la CEJE., si tant est qu'ils puissent voir le jour. Cependant, dans le domaine
monétaire, on notera que les pays membres auront perdu tous leurs attributs de
souveraineté au profit des organes communautaires. Si une monnaie unique
communautaire est instituée, les pays membres auront perdu toute compétence en ce qui
concerne les manipulations monétaires, la réglementation des paiements
internationaux, la politique du crédit, la composition et la gestion des réserves de change...
Sur le plan monétaire, l'analogie sera grande avec la structure d'un Etat fédéral du
type des Etats-Unis d'Amérique.

III. — DEVELOPPEMENTS INSTITUTIONNELS :


REMARQUES SUR LES CHANGEMENTS APPORTES A L'ORGANISATION
ET AU FONCTIONNEMENT DU F.M.I.

a) Le Fonds Monétaire International a été la première institution internationale


à adopter le principe de la pondération entre les Etats membres. La maxime
classique « un Etat une voix », corollaire normal d'une conception toute formelle, bien que
traditionnelle, de la souveraineté de l'Etat, a été expressément écartée. Lorsque
les organes directeurs du F.M.I. (Conseil des Gouverneurs, Conseil d'Administration)
doivent prendre une décision le vote (178) s'effectue sur la base du nombre de voix
attribué à chaque pays en fonction de son quota, de sa contribution au capital de
l'organisation. C'est ainsi, par exemple, que les Etats-Unis d'Amérique disposent
actuellement de 21,40% des voix, la France de 4,17% et le Lesotho de 0,12%. Si
pour la plupart des décisions la majorité simple est suffisante, en revanche, pour les
plus importantes, des majorités qualifiées — et parfois même l'unanimité — sont
requises. H convient de noter ici que l'accord sur le F.M.I. a joué un rôle de pionnier
qui a été souvent imité par la suite. C'est en effet l'un des traits caractéristiques des
Institutions financières internationales que d'avoir adopté des systèmes de votation
fondés sur la pondération des pays membres (il en va ainsi de la B.I.R.D., des
banques régionales de développement et, à un moindre degré sans doute, de la
Communauté Economique Européenne) .
L'originalité des mécanismes de vote au sein du F.M.I. vient de leur
pragmatisme et de leur adaptation aux réalités économiques et financières. L'idée qui a
présidé à leur établissement peut être ainsi résumée : pour assurer la meilleure
ejjectivité de l'ordre monétaire établi à Bretton-Woods il est nécessaire que les
Etats les plus représentatifs sur le plan économique, financier et commercial aient
la capacité de prendre les décisions qu'ils seront eux-mêmes chargés d'appliquer
pour l'essentiel. En d'autres termes, il s'agissait de placer sous la responsabilité de
ces Etats représentatifs à la fois la prise des décisions et leur exécution. Le réalisme
de cette conception n'échappera à personne, la dissociation entre la prise des
décisions et leur exécution étant la cause majeure de l'impuissance et de la paralysie
de l'Organisation des Nations Unies.
Mais il y a plus dans le système de vote institué par les Statuts du F.M.I. II
a en effet été admis que la pondération entre les Etats membres devait s'adapter

(178) Contrairement à une opinion souvent répandue, les votes formels sont rares au sein
des organes directeurs du Fonds. Le Règlement intérieur du F.M.I. prévoit que, sauf demande
contraire, le président du Conseil des Gouverneurs ou du Conseil d'Administration pourra se
contenter de « dégager le sens général de la réunion » (ascertain the sense of the meeting) .
694 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

à leur rôle effectif dans l'économie internationale et à son évolution. Depuis vingt
cinq ans des ajustements progressif ont eu lieu avec l'entrée de nouveaux membres
et de nombreuses augmentations sélectives (c'est-à-dire non proportionnelles ou


linéaires) des quotes-parts; ainsi le poids relatif d certains pays a diminué (cas de
la Grande-Bretagne, de l'Inde ou des Etats-Unis) tandis que celui d'autres s'est


accru (cas de l'Allemagne, de la France, de l'Italie ou du Japon) (voir aussi supra
p. 683) . La récente réforme des Statuts du Fonds disposant que la majorité qualifiée
de droit commun nécessaire pour l'adoption des décisions les plus importantes serait
désormais de 85 % des voix constitue une bonne illustration de l'adaptation des
mécanismes de vote au sein du F.M.I. en fonction des réalités économiques
internationales. Ce chiffre a en effet été choisi à dessein pour tenir compte du poids sans
cesse grandissant de la C.EJ3. dans l'économie et le commerce mondial; les six
pays membres de la Communauté possédant ensemble 16,19 % des voix (et 18,9 %
des quotas) , cela signifie - que, s'ils restent unis, ils disposeront d'une minorité de
blocage qui leur donnera un droit de veto sur les décisions les plus importantes
que les organes du F.M.I. pourraient être amenés à prendre.
Cette constante adaptation de la pondération des pays membres en raison
de leur puissance économique a été l'une des causes majeures de la réussite du
P.M.I. Elle a permis d'obtenir. une meilleure effectivité du système monétaire
international . établi à Bretton- Woods et dont le Fonds devait assurer • la gestion, la
garantie et le contrôle. .
b) L'accord de Bretton-Woods contient une autre disposition originale, à savoir
le pouvoir donné au F.M.I. de procéder à l'auto-interprétation de sa charte
constitutive. Autrement dit, tout différend relatif à l'interprétation des Statuts du F.MJ.
qui viendrait à s'élever entre un membre et le Fonds ou entre plusieurs membres
est tranché par les organes directeurs du F.M.I., Conseil d'Administration «en
première instance» et Conseil des Gouverneurs «en appel». Cette compétence
inusitée d'auto-interprétation de leurs statuts a été accordée à de nombreuses autres
institutions économiques internationales telles que la B.I.R.D. ou la plupart des
banques régionales de développement. Il est d'ailleurs frappant de noter la méfiance
des rédacteurs (qui furent le plus souvent des économistes) des accords économiques
internationaux à l'égard des organes traditionnels de la justice internationale
(essentiellement de la C.IJT.) pour résoudre ce nouveau type de différends.
La procédure de règlement des différends entre le Fonds monétaire et ses
membres est de nature interne au point que l'on a pu parler d'un pouvoir « quasi-
judiciaire » du FJVÏ.I. Sans doute, certains ont contesté le caractère juridictionnel
de cette procédure en raison de l'absence de garanties judiciaires traditionnelles
concernant le droit et la procédure applicables, les droits de. la défense, le principe
nemo judex in re sua... Quoi qu'il en soit, les amendements aux Statuts du FJVLL,
et sur ce point l'influence de la France a été prépondérante, ont tendu à renforcer
le caractère juridictionnel de cette procédure en établissant un Comité
d'interprétation qui devra fonctionner selon des règles plus strictes à déterminer par le
Conseil des gouverneurs, mais au sein duquel il est déjà prévu que chaque membre
n'aura qu'une voix (article XVIII (b) ).
c) Enfin, il convient de noter que beaucoup des amendements récents apportés
aux Statuts du F.M.I. ne font que consacrer certaines pratiques mises au point par
cette organisation (automaticité juridique des tirages dans la tranche-or, utilisation
des ressources du Fonds pour faire face dans certains cas à des mouvements de
capitaux...). Il y a là un exemple particulièrement intéressant où la pratique d'une
institution internationale a été formellement légalisée par un accord international
subséquent.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 695

PRODUITS DE BASE

L'année 1970 a connu au moins une réalisation importante dans le cadre de la


CJ\f.U.C.E.D. de plus en plus préoccupée par les difficultés de mise en route de
programmes d'action pour la deuxième décennie du développement; il s'agit de
l'adoption par le Conseil du Commerce et du Développement d'une résolution sur la
« politique des prix et la libéralisation' du commerce » en matière de produits de


base (A). Par ailleurs un certain nombre de négociations se sont poursuivies, produit
par produit, aboutissant notamment à l'adoption d'un seul -accord sur l'étain (B)
tandis que les accords existant rencontraient d'habituels problèmes de mise en
œuvre (C).

I. — LA POLITIQUE DES PRODUITS DE BASE


DANS LE CADRE DE LA C.N.U.C.E.D.

Dans la perspective de la deuxième décennie pour le développement la


Commission des produits de base de la C.N.U.CJE.D., sur la base d'un examen de la situation
générale des divers produits sur le marché mondial (179), a tout au long de l'année
recherché un accord entre ses 55 membres sur les mesures correctives possibles.
Parmi les multiples problèmes qui, dans cette perspective, ont été examinés, figurent
notamment des propositions relatives à la libéralisation des échanges, à la fixation
des prix, à l'écoulement des excédents et à l'organisation de consultations entre
pays producteurs. En outre, la pratique ayant démontré depuis une dizaine d'années
l'avantage des négociations globales, la Commission des produits de base a servi de
cadre à un certain nombre de négociations et d'études particulières (180) .

Politique des prix et accès au marché des pays développés.

En ce domaine, l'adoption par le Conseil du commerce et du développement,


le 18 septembre 1970, d'une résolution sur « la politique des prix et la libéralisation
du commerce» constitue une date importante (181). Sur ces deux points essentiels
de son ordre du jour — politique des prix, libéralisation des échanges et accès aux
marchés — la Commission des produits de base n'avait pas réussi à parvenir à un
accord lors de sa cinquième session. Ces deux questions avaient été renvoyées à un
groupe de contact qui, ayant examiné le texte proposé par les pays développés à
économie de marché ainsi que les amendements à ce texte présentés par les pays

(179) Rapport sur la situation internationale des produits de base TD/B/C. 1/94, 29 juin
1970.
(180) Minerai de fer TD/BI/CI/75 16 février 1970
Minerai de manganèse TD/B/C.I/87 1 juin 1970
Phosphates TD/B/C.I/88 2 juin 1970
Tabac TD/B/C.I/91 22 juin 1970
Riz TD/B/C.I/93 9 juin 1970
(181) Doc. TD/B/L. 248
696 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

en voie de développement, se déclarait très proche d'un accord lors de l'ouverture


de la 10e session du Conseil en septembre 1970 sans cependant que cet accord ait pu
se réaliser faute de temps. La résolution finalement adoptée par le Conseil paraît
être très largement le résultat d'un compromis proposé par deux pays développés
à économie de marché, en l'occurrence la France qui a inspiré plus particulièrement
la partie A relative à la «politique des prix» et les Etats-Unis, plus directement
responsables de la partie B: «libéralisation des échanges et accès aux marchés».
Cette résolution en deux points qui paraît épuiser, au moins provisoirement le
mandat de la Commission des produits de base, sur la question des prix et de l'accès
aux marchés se caractérise par son extrême prudence.
Le Préambule, tout d'abord en définit la portée. Tandis que les pays en voie de
développement auraient souhaité que les principes généraux adoptés dans l'un et
l'autre domaine servent de «directives» au cours des consultations
intergouvernementales sur les différents produits, les pays développés proposaient qu'il soit
seulement « tenu compte » de ces principes lors de telles consultations. La résolution
du Conseil constate l'utilité d'un ensemble de principes généraux qui «serviraient
de lignes directrices» pour les consultations intergouvernementales; on est assez
près de l'idée de « directive », avec cependant une nuance de contrainte en moins,
nuance confirmée par le dernier paragraphe du Préambule qui recommande que
les objectifs et les principes figurant sous A et B soient « autant que possible »
considérés comme des lignes directrices générales par les gouvernements et les
institutions compétentes en matière de politique de produits de base.
1) La partie A aborde directement la difficulté essentielle en matière de prix
des produits de base. Toute politique de prix comporte deux objectifs qui peuvent se
révéler contradictoires : 1°) assurer une répartition équitable des revenus entre
producteurs et consommateurs; 2°) mais aussi fixer un niveau de prix tel qu'il
n'encourage pas la surproduction structurelle et au contraire tende à long terme
à favoriser la diversification de l'économie. Ce second objectif d'une politique de
prix, passé sous silence dans le projet des pays en voie de développement, a été
explicité dans le texte de compromis franco-américain et retenu dans la résolution
du Conseil.
En ce qui concerne les directives opérationnelles l'accord s'est fait aisément sur
la nécessité de généraliser des mécanismes susceptibles d'éliminer les fluctuations de
prix à court terme. Mais ce sont les pays développés qui sont responsables de
l'insistance de la résolution du Conseil sur la nécessité, à côté de la coopération
internationale, de l'adoption par les pays en voie de développement de politiques
nationales visant au développement économique et social et à la diversification des
produits. Dans les projets antérieurs, la diversification était envisagée comme un
résultat souhaitable d'une politique de prix sans que l'action complémentaire de
politiques nationales soit présentée comme indispensable. La résolution recommande
par ailleurs l'adoption d'arrangements prévoyant des zones de prix, et non pas la
solution plus radicale, prônée par les pays en voie de développement d'accords, pour
la défense de prix minima; les arrangements envisagés devraient être d'une durée
assez longue pour permettre d'une part une meilleure prévision des recettes
d'exportation des pays en voie de développement, et, d'autre part, la promotion de
programmes concrets destinés à corriger des déséquilibres structurels. Les pays en
voie de développement étaient très attachés à cette idée de correction des
déséquilibres structurels et sur ce point le Conseil a penché en leur faveur; par contre, ils
n'ont pas réussi à faire admettre l'exigence d'une date imperative pour la mise en
œuvre des principes définis : le dernier paragraphe de la partie A se contente
d'indiquer que des consultations intergouvernementales, produit par produit,
devraient être poursuivies et intensifiées conformément à la résolution 16 (II) de
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 697

New Delhi en vue d'obtenir des résultats concrets et significatifs en matière de


politique des prix «au début des années 70».
Ces lignes directrices sur la politique des prix apparaissent ainsi comme un
compromis raisonnable entre les vues divergentes des différents groupes, compromis
qui tient compte des réalités économiques, des formules utilisées par les accords
existant et des résultats déjà atteints. On peut estimer que ce texte servira
désormais de critère de référence à toutes les négociations produit par produit qui
seront menées sous les auspices de la C.N.U.C.ED. et du G.A.T.T.
2) La partie B de la résolution «libéralisation des échanges et accès aux
marchés», plus brève, se révèle par contre assez décevante. L'accord au sein du
Conseil paraît n'avoir été obtenu qu'au prix d'un appauvrissement des projets
initiaux qui réduit considérablement l'intérêt pratique du texte finalement adopté.
Tout d'abord la résolution très inspirée par les E.U., accumule dès la définition
des objectifs les formules qui viennent atténuer la fermeté de l'engagement à
prendre : les gouvernements intéressés et les institutions compétentes « devraient,
dans toute la mesure du possible » intervenir pour améliorer l'accès aux marchés
mondiaux; il faudrait également «tenir dûment compte» de la nécessité d'éviter
des déséquilibres économiques et sociaux internes, aussi bien dans les pays
importateurs que dans les pays exportateurs. L'usage du conditionnel est significatif.
S'agissant des programmes d'action à entreprendre, le maintien du statu quo en
matière d'obstacles tarifaires et non tarifaires, sur lequel pourtant l'accord était très
général, est exprimé non pas comme un impératif, mais comme une ligne de conduite
que les pays développés devraient adopter « dans toute la mesure du possible ».
L'élimination progressive de ces diverses restrictions, notamment de nature fiscale,
est ensuite envisagée, mais sans que soit précisée aucune date ou prévu
l'établissement d'aucune liste de ces pratiques critiquables. Aucune mention n'est faite du
problème du partage des marchés, ni de celui non moins essentiel des préférences.
Et la résolution s'achève par un double souhait : arriver à des résultats concrets en
matière de libéralisation des échanges au début des années 1970 : voir les pays
socialistes d'Europe orientale continuer à favoriser la croissance des exportations de
produits de base des pays en voie de développement.
Il serait peu réaliste d'attendre d'un texte aussi vague qu'il serve de point de
départ à des réalisations concrètes en matière de libéralisation des échanges des
produits de base. Autant la politique de prix peut trouver dans la partie A la charte
de ses développements à venir, autant le compromis de la partie B apparaît léger.
Son mérite essentiel est peut être de faire le point, de mettre en lumière l'ampleur
des divergences et de pouvoir servir de base de départ à de nouveaux travaux
de la Commission des produits de base; mais celle-ci se risquera-t-elle sur un
terrain où le Conseil a tranché ? Il lui faudra des directives précises en ce sens,
émanant du Conseil lui-même ou peut-être d'une nouvelle assemblée si jamais une
telle réunion était décidée.

II. — NEGOCIATION DE NOUVEAUX ACCORDS


RELATIFS AUX PRODUITS DE BASE

Parmi les diverses négociations en cours, seule la Conférence des Nations Unies
sur l'étain a abouti. à un nouvel accord, légèrement modifié par rapport à celui
qu'il est destiné à remplacer à compter du 1er juillet 1971.
698 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

Par ailleurs, l'accord international sur le blé, entré en vigueur le 1er juillet 1968,
devrait venir à expiration le 1er juillet 1971; or, à propos du renouvellement de cet
accord, trois tendances s'affrontent entre lesquelles il sera difficile de découvrir un
compromis (182) ; les E.U. estiment trop compliquées les clauses de prix adoptées
en 1967 et voudraient qu'on en revienne au système plus libéral de l'accord de
1962; le Canada, au contraire, envisage une organisation beaucoup plus élaborée et
contraignante du marché; enfin les six Etats membres de la Communauté
Economique Européenne préconisent prudemment la reconduction pure et simple du

,
mécanisme adopté en 1967.

Quatrième accord international sur Vétain (15 mai 1970).

La conférence des Nations Unies sur l'étain qui s'est réunie à Genève du
13 août au 15 mai 1970, sous la présidence de M. Allen, représentant le Conseil
international de l'étain dont le siège est à Londres, a adopté le texte d'un quatrième
accord international sur l'étain (183). Les délégations ou observateurs de 38 pays
assistaient aux débats; parmi eux étaient représentés quelques grands pays
consommateurs.
Destiné à remplacer l'accord expirant le 30 juin 1971 (184) , après cinq ans
d'existence, l'objectif du nouvel accord reste fondamentalement identique à celui du
précédent: établir un équilibre entre la production et la consommation mondiale
d'étain, empêcher les fluctuations excessives de prix sur le marché international
et augmenter les recettes d'exportation des pays producteurs. Dans la conjoncture
actuelle la production annuelle d'étain n'atteint pas le niveau de la consommation,
d'autant que les Etats-Unis — non partie à l'accord — ont décidé en avril 1969
d'augmenter leur stock stratégique de ce métal, l'un des rares qu'ils ne possèdent
pas en quantité suffisante; dès lors les pays consommateurs craignent une montée
des prix : les pays pauvres en l'espèce ne sont pas les seuls à réclamer des prix
« équitables ».
L'économie générale de l'accord demeure inchangée : elle combine
l'intervention d'un stock régulateur et le contrôle des exportations afin de maintenir les prix
du marché dans une certaine marge. On note seulement une modification de l'ordre
des articles dans un souci de meilleure logique : les dispositions relatives à
l'intervention du stock régulateur (ch. 8) figurent désormais avant les dispositions
relatives au contrôle des exportations (ch. 9), considéré comme un mécanisme moins
essentiel auquel le Conseil n'a recours que dans l'hypothèse où il redoute que
l'intervention du stock régulateur ne suffise pas à maintenir le prix de l'étain
dans la fourchette prévue.
La marge de prix dans laquelle l'accord vise à stabiliser le prix du marché de
l'étain sera au départ identique à celle en vigueur au moment de l'expiration du
3" accord international — 1er juillet 1971 — ; elle pourra ensuite être périodiquement
révisée par le Conseil, de même que les trois tranches établies par le Conseil entre
le prix plancher et le prix plafond (art. 19).
(182) Une Commission réunissant les représentants des douze principaux pays producteurs
de blé a tenu à Genève, en août 1970, une série d'entretiens qui ont été repris en septembre
1970 afin de préparer la Conférence internationale pour le renouvellement de l'accord,
Conférence qui doit être convoquée en janvier 1971 sous les auspices de la C.N.U.C.E.D.
(183) Pour un historique des différents accords sur l'étain et de l'évolution du marché
international de ce produit depuis 50 ans cf. John Edwards c The international tin agreement »
Journal of World trade law, 1969, p. 237. Texte du 4e accord international sur l'étain publié par
la C.N.U.C.E.D. TD/TIN 4/7 13/5/70.
(184) Sur le 3e accord international sur l'étain, cf. Doc. C.N.U.C.E.D. « conférence des
Nations Unies sur l'étain, 1965. Résumé des débats > TD/TIN. 3/5.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 699

L'une des innovations du 4e accord international sur l'étain a consisté en un


léger assouplissement des conditions d'intervention du stock lorsque le prix du
marché se situe dans la tranche supérieure ou dans la tranche inférieure de la
marge définie par le Conseil; dans la tranche médiane, toute intervention du stock
est soumise à une autorisation spéciale du Conseil (art. 25).

.
Le volume du stock régulateur demeure inchangé: l'équivalence en espèce
ou en métal de 20 000 tonnes d'étain. Les contributions obligatoires à ce stock


continuent à n'être exigibles que des pays producteurs (art. 21). La France avait
proposé lors de la Conférence tenue à Genève en avril-mai 1970 la perception d'une
taxe sur le premier acheteur qui aurait contribué au financement du stock
régulateur au-delà du montant des contributions obligatoires. Cette proposition n'a
rencontré aucun écho favorable, notamment de la part des pays consommateurs; on a
seulement un peu étendu la clause relative à la possibilité de contributions
volontaires de la part de « tous pays invités à la conférence de 1970 > (art. 20 et 22) (185).
A l'expiration de l'accord le stock doit être liquidé (art. 30), en tenant compte des
droits des pays membres qui seraient éventuellement passés de la catégorie des
.

producteurs à celle des consommateurs pendant la durée même de l'accord..


Du point de vue des institutions et des mécanismes juridiques, le 4e accord

'
international sur l'étain est quasiment identique au 3e.
Les Etats parties à l'accord, tous représentés au Conseil International de l'étain
(art. 7), sont répartis selon leur propre choix, entre l'un et l'autre des deux groupes
prévus à l'accord (186) : celui des pays producteurs et celui des pays consommateurs
qui disposent chacun de la moitié des voix au Conseil. A l'intérieur de • chaque

groupe les droits de vote sont répartis en fonction du niveau de production ou de


consommation des Etats membres, mais sans rigoureuse proportionnalité (art. 11
et annexes A et B). La majorité requise est variable suivant la nature des questions
abordées : majorité simple ou majorité des deux tiers à l'intérieur de chacun de leurs
groupes (art. 8). Les dépenses administratives du Conseil sont réparties entre tous
les Etats membres, proportionnellement à leurs droits de vote; les dépenses
d'intervention font l'objet d'une répartition spéciale entre les pays producteurs qui seuls
sont tenus de contribuer au financement du stock régulateur (cf. chapitre VI :
Finance) .
Les différends liés à l'interprétation ou l'application de l'accord sont, comme
dans le précédent accord de 1965, soumis à la décision du Conseil qui se fait au
besoin assister par un Comité («panel») de cinq experts indépendants (art. 43);
il existe également une procédure de plaintes qui peuvent être adressées par les
Etats membres au Conseil (art. 44) .
Les clauses finales de l'accord prévu pour une durée de 5 ans sont très
semblables à celles du précédent accord international sur l'étain. Il convient de noter
(185) Dans le précédent • accord, seuls les pays participants pouvaient apporter des
contributions volontaires au stock (art. X) : ils ne l'ont jamais fait. Il est probable que l'art.
28 du nouvel accord restera lui aussi lettre morte.
(186) Dans le groupe des producteurs figurent : l'Australie — qui dans le 3« accord
international était au nombre des consommateurs — la Bolivie, la République démocratique
du Congo, l'Indonésie, la Malaisie, la République fédérale du Nigeria, la Thaïlande.
Le groupe des consommateurs est plus nombreux; il comptait dans le 3e accord :
l'Autriche, la Belgique - et le Luxembourg, le Canada, le Danemark, l'Espagne, la France, la
Hongrie, l'Inde, Israël, l'Italie, le Japon, le Mexique, les Pays-Bas, la Pologne, la République
de Corée, le Royaume-Uni, la Tchécoslovaquie, la Turquie et la Yougoslavie; on envisage
dans le 4» accord qui doit entrer en vigueur le 1er juillet 1971 la participation possible, dans
le groupe des consommateurs, de la Bulgarie, de la Chine (Formose), de la République
Fédérale d'Allemagne, des Philippines, des Etats-Unis et de l'Union Soviétique. Tous Etats qui
se sont fait représenter à la conférence internationale sur l'étain d'avril-mai 1970 n'ont pas
encore manifesté leur intention d'adhérer à l'accord.
700 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

cependant que l'article 50 prévoit la participation possible d'organisations


internationales, mais sans droit de vote; il est toutefois précisé que sur les matières de la
compétence de l'organisation internationale en question, les droits de vote des
Etats membres de l'organisation parties à l'accord, pourront être exercés
collectivement. Cette disposition vise évidemment la communauté économique européenne
dont l'un des 6 membres, la RFA., important consommateur d'étain, n'est pas partie
à l'accord actuellement en vigueur, mais a participé aux débats de la conférence
d'élaboration du 4e accord international sur l'étain et pourrait donc ultérieurement
décider d'en devenir partie, tandis que les cinq autres, membres consommateurs dans
l'accord de 1965, le seront encore certainement dans le prochain accord.
Lors des négociations de Genève, la Commission avait proposé au Conseil de
l'autoriser à négocier, au nom de la Communauté, les parties de l'accord couvertes
par l'art. 113, c'est-à-dire les questions relevant de la politique commerciale
commune après expiration de la période transtoire. Les parties de l'accord non
couvertes par cet article et demeurant, à ce titre, de la compétence des Etats
membres, ont été négociées directement par les délégations nationales qui cependant
n'ont pas manqué de se consulter régulièrement (187) .
A l'avenir, si la R.FA. devenait partie au nouvel accord sur l'étain, un certain
nombre de matières, entrant dans la compétence de la C.E.E., pourraient faire l'objet
d'un vote collectif des six au Conseil international de l'étain. A ce propos, en réponse
à une question écrite de M. Vredeling(188), la commission a précisé que, outre


ce qui entre dans le domaine de la politique commerciale commune, pouvaient être
considérées comme de la compétence de l'organisation communautaire «les
dispositions de l'accord ayant trait à la politique économique et financière des Etats
membres»; la Commission citait, à titre d'exemple, le problème du financement du
stock régulateur par des contributions volontaires des pays consommateurs — tous
les membres de la C.E.E. sont des consommateurs d'étain — ; on pourrait ajouter
comme relevant manifestement de la compétence communautaire le mécanisme de
répartition autoritaire de la production auquel le Conseil peut décider de recourir
en cas de pénurie d'étain (art. 37) .
La participation de la C.E.E. à l'accord international sur l'étain est donc un
problème qui, très probablement, se posera au cours des prochaines années.
Enfin le quatrième accord international sur l'étain apparaît tant par le contenu
juridique que par les perspectives économiques qu'il ouvre au commerce
international de ce métal comme tout à fait conforme aux règles posées par le Fonds
Monétaire International, concernant les accords sur les produits de base, les Etats
parties pourront donc éventuellement prétendre à l'assistance du Fonds pour le
financement de leur participation, obligatoire ou facultative, au stock
régulateur (189).

(187) Le Conseil avait estimé que l'art. 116 ne s'appliquait pas en l'espèce, c'est-à-dire
qu'il ne s'agissait pas d'une < question revêtant un intérêt particulier pour le marché
commun » imposant que « les Etats membres ne mènent plus, à partir de la fin de la
période de transition, qu'une action commune dans le cadre des organisations internationales
de caractère économique >.
(188) J.O.C.E., n» C 109 du 28 août 1970.
(189) Ces conditions ont été précisées dans notre précédente chronique A.F.D.I., 1969, p.
626. Il s'agit d'une part de la présence d'un certain nombre de clauses recommandées par le
Conseil Economique et Social des Nations Unies et qui figuraient dans la Charte de La
Havane : participation à l'accord ' aussi largement ouverte que possible, système de vote
assurant une pondération identique au groupe des pays importateurs et à celui des pays
exportateurs, traitement équitable de tous les pays intéressés par l'accord qu'ils y soient
ou non partie, durée maximum de l'accord fixée à cinq ans. Outre ces conditions d'ordre
juridique, le F.M.I, précisait qu'il n'apporterait son aide financière que dans le cadre
d'accords < économiquement sains », c'est-à-dire non malthusiens.
DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE 701

in. — ACCORDS DE PRODUIT DE BASE EXISTANT


PROBLEMES DE MISE EN ŒUVRE

Une fois encore c'est l'accord international sur le café qui soulève les principales
difficultés d'application, auxquelles vient s'ajouter le problème de la participation de
Ja Communauté économique européenne audit accord. Quant aux autres accords,
celui sur le blé est en voie de renégociation, celui sur l'étain n'est pas encore en
vigueur dans sa forme rénovée, celui sur le sucre a déjà largement fait preuve de sa
faillite. L'accord international sur l'huile d'olive fonctionne bien; mais il s'agit
d'un accord tout à fait spécial par rapport au cas général des produits de base :
il vise une politique de qualité pour une production et des échanges internationaux
limités, il n'a pas à résoudre de problème de fluctuation des cours ou d'écoulement
des excédents.

Difficultés d'application.

Après l'arbitrage intervenu en 1969 entre les Etats-Unis et le Brésil, de nouvelles


difficultés d'application sont apparues liées à l'évolution de la conjoncture sur le
marché international du café. C'est encore une fois le problème du café soluble
qui menace l'existence même de l'accord tandis que la solidarité des producteurs
s'effondre face à une situation de pénurie relative et de hausse des cours.
1. — En ce qui concerne le café soluble les données du conflit entre le Brésil
et les Etats-Unis sont bien connues. Le Brésil possède des réserves de bon café
que certains défauts de présentation font classer dans la catégorie de non
exportables; ils n'en constituent pas moins, pour la fabrication de café soluble, une
matière première de bonne qualité que les industriels brésiliens peuvent se procurer
sur place à un prix inférieur à celui du marché international. Les fabricants
américains de café soluble qui importent d'Afrique une matière première plus chère et de
qualité inférieure ne sont pas en mesure de concurrencer la production brésilienne
qui est exportée dans les même conditions de détaxation que le café vert, mais en
dehors des contingents alloués par l'Organisation internationale du café (190) .'
A la suite de la décision rendue par une commission d'arbitrage américano-
brésilienne le 28 février 1969 et condamnant la pratique brésilienne, on a pu penser
un moment qu'une solution négociée interviendrait entre les deux pays. En effet,
en mai 1970, la très puissante National Coffee Association américaine avait fini
par accepter la position brésilienne, moyennant l'instauration d'une taxe à
l'exportation de 0,13 dollars par livre de café soluble. Mais dans le courant du mois de
juillet le « lobby » du café soluble — essentiellement la General Foods — a exigé
la réouverture du dossier et fait déposer sur le bureau de la Chambre des
Représentants un projet prévoyant le retrait des Etats-Unis de l'accord international sur le
café, projet qui, dans la fièvre préélectorale que connaît la vie parlementaire
américaine, n'était pas dépourvu de toute chance d'aboutir.
La réaction du gouvernement brésilien à cette menace de retrait américain a été
calme mais ferme : pour lui l'affaire est définitivement réglée depuis l'accord de

(190) Cf. Notre précédente chronique, A.F.D.I. 1969, p. 619 et s.


702 DROIT INTERNATIONAL ÉCONOMIQUE

compromis de mai 1970 qui devait permettre à l'industrie brésilienne de prendre un


essor tout à fait conforme aux perspectives ouvertes par le Président Johnson dans
son discours de Punta del Este d'avril 1967.
Un retour en arrière des E.U. sur ce problème de l'industrialisation des pays
en voie de développement serait interprété très sévèrement par la communauté
internationale. En outre, les experts brésiliens estiment que, dans l'hypothèse où
les E.U. mettraient leur menace à exécution, le Brésil n'a pas pour autant à craindre
dans les prochaines années un écroulement des cours sur un marché mondial livré
à l'anarchie. En effet, les grandes gelées des dernières années ont beaucoup affecté
les récoltes brésiliennes et les stocks ont diminué . substantiellement : les dangers
de surproduction du passé auraient plutôt tendance à faire place, dans un avenir
prochain, à une menace de relative pénurie. .
2. — C'est dans cette conjoncture que s'est déroulée à Londres, au mois d'août
1970, la réunion annuelle du Conseil International du Café, qui comprend 62 pays
membres (41 producteurs et 21 consommateurs) .
Après une semaine d'affrontements au cours desquels plusieurs propositions de
compromis ont été re jetées, le Conseil a dû prolonger ses travaux pour parvenir à
un accord sur les prix et les contingents qui devaient régir le commerce mondial du
café à partir du 1er octobre 1970. Le contingent global d'exportation pour l'année
caféière 1970-71 a été fixé à 54 millions de sacs; selon les mouvements de prix de
part et d'autre d'un prix indicateur de 0,52 dollar la livre, ce montant pourra être
augmenté ou diminué de 4 millions de sacs en deux tranches. Le chiffre supérieur
du contingent global (58 millions de sacs) est sensiblement plus élevé que celui du
contingent de • l'année précédente mais correspond ' à - peu près " au volume de la
consommation mondiale. Il représente un compromis entre les exigences de
consommateurs qui en prévision d'une hausse des cours, voulaient s'assurer un large
contingent à un prix garanti et le Brésil qui, en dépit du fléchissement actuel de sa
production, souhaitait maintenir sa position (38% du marché . mondial) dans un
contingent relativement étroit au-delà duquel les ventes au prix du marché libre
en hausse eussent été plus rémunératrices.
La victoire a été obtenue par les consommateurs, appuyés finalement par la
grande majorité des producteurs : cinq pays se sont abstenus lors du vote final
(Brésil, Paraguay, Pérou, Portugal, - Tanzanie) et seul le Salvador a voté contre.
-

On a vu ainsi s'effondrer la traditionnelle solidarité qui unissait les pays producteurs


contre - les prétentions des consommateurs; le Brésil s'est trouvé , pratiquement
,

isolé face aux producteurs d'Amérique latine et d'Afrique qui s'apprêtent à


revendiquer une part plus grande de la tranche énorme que détient le Brésil dans le
contingent global d'exportation depuis le premier accord de 1958. La bataille entre
les producteurs pour une nouvelle répartition des contingents de base est engagée :
elle servira de fonds de tableau à tous les travaux du Conseil jusqu'au
renouvellement de l'accord international en 1973.

Participation éventuelle de la Communauté économique européenne.

Le 26 juillet 1970, la Commission européenne a soumis au Conseil un projet de


décision proposant l'adhésion de la Communauté, en tant que telle, à l'accord
international sur le café. Les raisons de cette proposition sont données dans une
communication qui accompagne le projet (191).

(191) Bruxelles, 30 juillet 1970 — R/1709 f/70 (COMER 314) eg.


DROIT INTERNATIONAL' ÉCONOMIQUE 703

Les six Etats membres de la C.E.E. sont parties, en tant que membres
importateurs, à l'actuel accord international sur le café (192), renouvelé en 1968 et valable
jusqu'au 30 septembre 1970; ils représentent environ 25% du commerce mondial
d'importation de ce produit et ne serait-ce qu'à ce titre, ils ont un rôle important
à jouer dans le fonctionnement de l'accord international sur le café.
Déjà en 1967,' avant la reconduction du premier. accord de 1962, la Commission
avait adressé au Conseil . international du café une communication relative à la
sauvegarde des droits et obligations de la Communauté tels qu'ils se présentaient
alors et tels qu'ils se présenteraient à la fin de la période de transition; la
Commission déclarait en substance qu'elle estimait souhaitable la- participation de la
Communauté en tant que telle à l'accord international sur le café. Pour répondre au
désir ainsi exprimé, le Conseil international du café, lors de ses sessions de 1967
et 1968 consacrées à la renégociation de l'accord de 1962, a fait bénéficier la
Communauté du statut d'observateur, avec la possibilité de participer effectivement aux
débats lorsque les questions abordées relevaient de la compétence communautaire.
Par la suite, dans le cadre du fonctionnement même de l'accord, et non plus de sa
renégociation, la Commision a demandé et obtenu le 17 juin 1970 que la pratique
antérieure soit appliquée de façon systématique à l'égard de son représentant, aussi
bien pour les réunions du Comité exécutif que pour celles des groupes de travail
de l'O.I.C, étant entendu, d'une part, que cette procédure n'était admise qu'à titre
temporaire et dans l'optique de la participation future de la Communauté en tant
que telle à l'accord, étant entendu, d'autre part, que cette faveur ne saurait
constituer un précédent pouvant justifier des demandes analogues de la part d'autres
organisations internationales.
Avec l'entrée de la Communauté dans la phase définitive de son existence, la
participation à l'accord apparaît de plus en plus souhaitable. Pour les six, tous
importateurs de café, de nombreuses dispositions de l'accord ont des effets directs
.

ou indirects sur la politique commerciale et, partant, relèvent de l'art 113 du Traité
de Rome ou parfois même de l'article 116(193). En outre, et indépendemment des
problèmes de politique commerciale commune d'autres dispositions de l'accord

relèvent de la compétence communautaire, telles celles relatives à la coopération


technique et financière (art. 48), compte tenu de l'association de la Communauté
avec les EAMA. et de l'aide que la Communauté accorde ou peut accorder à
l'économie caféière des E.A.M.A. membres de l'Organisation internationale du café.
De même que l'instauration en 1968 d'un Fonds de diversification (art. 54) pose le
problème de la coopération nécessaire entre la Comunauté et ce Fonds en raison de
l'existence du Fonds Européen de Développement.
La participation de la Communauté à l'accord qui apparaît nécessaire pour un
bon fonctionnement de certaines dispositions de l'accord et pour la sécurité juridique
des pays tiers, notamment depuis la fin de la période transitoire, se révèle
juridiquement possible. Lors du renouvellement de 1968, les délégations des 6 ont obtenu
que l'art. 3 de l'accord soit modifié et complété comme suit :
§ 3 — « Si deux ou plusieurs membres importateurs demandent qu'une
modification soit apportée dans la nature de leur participation à l'accord et/ou
de leur représentation au sein de l'Organisation et nonobstant les autres
dispositions de l'accord, le Conseil peut, après avoir consulté les membres intéressés,

(192) L'Italie à titre provisoire dans l'attente du dépôt de ses instruments de ratification.
(193) Parmi les mesures prises dans le cadre du fonctionnement de l'accord il est impossible
de déterminer de façon précise et rigide ce qui relève de la < politique commerciale
commune » (art. 113) et ce qui relève de « questions qui mettent un intérêt particulier pour le
Marché commun, l'article 116 imposant dans ce cas un degré plus élevé d'action commune dans
le cadre des organisations internationales à caractère économique.
704 DROIT IN1ERNATIONAL ÉCONOMIQUE

fixer les conditions de cette participation, . et/ ou de cette représentation


modifiées ».
Par ailleurs, le Conseil international du café, au cours de l'une de ses sessions
consacrées à la renégociation de l'accord a adopté à l'unanimité une résolution
prenant note du fait que les six avaient fait savoir que, à l'avenir, la C.E.E. en tant
que telle aurait la faculté d'accepter l'accord envisagé. Le Conseil international du
café ayant ainsi exprimé son attitude favorable de principe, ce sont à présent les
modalités pratiques de cette acceptation qui doivent être déterminées d'un commun
accord entre la C.E.E. et 1'O.I.C.
Pour ce qui est de la modification de la participation des six à l'accord; afin de
permettre celle de la Communauté en tant que telle la formule de la participation
en groupe prévue par les art. 5 et 6 de l'accord paraît réservée à des pays
exportateurs, ce qui n'est pas le cas; elle aurait en outre l'inconvénient de priver les Etats
membres de toute possibilité de continuer à exercer des compétences propres; or
toutes les dispositions de l'accord n'entrent pas dans la compétence communautaire.
H semble donc que l'on s'orientera plutôt vers la participation parallèle des six
en tant que membres individuels pour l'exercice de leurs compétences propres, et de
la Communauté en tant que telle pour l'exercice des compétences communautaires;
dans cette dernière hypothèse le nombre de voix dévolu à la Communauté serait
égal à la somme des voix attribuées aux six qui, sur les questions relevant de la
compétence communautaire, ne formeraient plus qu'un seul bloc et ne pourraient
fractionner leurs voix.
La question de la participation de la Communauté à l'accord international sur le
café et de sa représentation au Conseil est d'autant plus actuelle que les pays latino-
américains ont déposé une réclamation à l'encontre de la C.E.E. pour infraction à
l'art. 47 de l'accord (obstacles au commerce, tarifs préférentiels) . Devant la
Commission consultative chargée par le C.I.C. en août 1970 d'émettre un avis sur le
différend, la Commission devra assumer le rôle de porte-parole de la Communauté qui
fut déjà le sien avant le 1er janvier 1970, tant au Conseil que lors des consultations
qui eurent lieu avec les latino-américains en 1969 à propos des tarifs préférentiels
C.E.F.-E.A.MA.

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