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Mai 2005
La grappe des banques privées á Genève i
Table de matières
1. Introduction ................................................................................................................. 1
4. Conclusion .................................................................................................................... 31
4.1. Résultats de la recherche ........................................................................................................ 31
4.2. Nouvelles voies d’études pour l’avenir ............................................................................... 32
Bibliographie ...................................................................................................................... 33
La grappe des banques privées á Genève ii
Liste de tableaux
Tableau 1 : Différentes tendances (demande) ...................................................................................... 25
Liste de figures
Figure 1 : Employées dans le secteur bancaire en Suisse ................................................................. 7
Figure 2 : Part des multinationales dans l’emploi du secteur privé,
selon l’activité économique, dans le canton de Genève (2001) ................................... 9
Figure 3 : La grappe des banques privées à Genève ......................................................................... 10
Figure 4 : Répartition de l’emploi dans le secteur privé, selon la taille des entreprises,
dans le canton de Genève (2001) ...................................................................................... 12
Figure 5 : Les éléments du « Diamant » .............................................................................................. 26
La grappe des banques privées à Genève 1
1. Introduction
La motivation d’analyser la grappe des banques privées à Genève provient de l’importance que
l’industrie bancaire revêt pour la Suisse en général, et les banques privées pour Genève en
particulier. Voici quelques chiffres qui soulignent ces mots. Le secteur des banques est le plus
aux revenus fiscaux avec seulement 3% de la main d’œuvre disponible. Le cœur du secteur des
banques est le « Private Banking ». Le Private Banking suisse est un leader mondial qui gère
moitié du secteur des banques suisses. Environ 3,4 milliards de francs de fortune privée sont
Mais avant toute considération plus détaillée, on peut tenter de donner une définition du terme
de banque privée ou « Private Banking ». Ce terme souvent utilisé dans le langage courant désigne
des banques dont l’activité principale est la gestion de fortune privée des clients avec des avoirs
« C’est l’ensemble des services qu’un client peut souhaiter obtenir et va donc bien au delà de la
gestion de patrimoine. Le Swiss Private Banking commence avec nos trois aéroports de Genève, Bâle
et Zurich, continue via les stations de train et les hôtels de luxe jusqu’aux portes de la confiserie
Sprüngli. Le Swiss Private Banking comprend nos hôpitaux, nos institutions culturelles, nos
médias, nos avocats, nos magasins, nos écoles, internats, universités et bien sûr, nos banques et
gestionnaires de patrimoine. »
Ce terme s’oppose aux termes de banque de détail (« Retail Banking »), banque d’affaire
Finalement il faut encore distinguer le terme de « banquier privé » qui est une marque collective
« Le banquier privé est un entrepreneur du secteur bancaire privé qui exerce ses activités en utilisant
son propre capital, en tablant sur sa responsabilité illimitée engageant la totalité de son patrimoine et
L’analyse des auteurs de ce travail porte principalement sur les banques privées dans un sens très
large du terme. En suivant la logique de grappe, comme proposé par MICHAEL E. PORTER, une
définition exacte des « banques privées » ou des « banquiers privés » n’est pas nécessaire. Les
« banques privées » et d’autres institutions financières se trouvent dans le même cluster à Genève.
L’importance n’est pas d’identifier exactement une composante du cluster mais plutôt d’analyser
toute la grappe avec la théorie du « Diamant ».3 Les « banques privées » à Genève n’auraient
jamais eu de succès sans les autres éléments de la grappe et les autres forces du « Diamant ».
Notre analyse représente donc une application empirique de la théorie du « Diamant ». Les
cluster des « banques privées » dans la section 3. La section 4 apporte une conclusion ainsi que
2 http://www.swissprivatebankers.com/
3 PORTER (2004)
La grappe des banques privées à Genève 3
il existe un cluster de la discipline dans la cité de Calvin depuis plusieurs siècles. Quels sont les
évènements dans l’Histoire qui ont fait que ce soit Genève et non une autre ville qui a vu se
développer le secteur bancaire ? C’est à cette question que nous tenterons d’apporter des
La place genevoise étant intimement liée aux autres places nationales (Bâle et Zürich) et
dépendante de la politique de la Confédération dès 1814, nous allons à différentes reprises parler
l’Europe, l’Italie à la France. Très tôt elle devient une ville d’échange, de biens et d’idées, ouverte
sur le monde. A la fin du XIVe siècle Genève devient une des premières places économiques de
l’Occident avec ses foires fréquentées par des marchands venus de France, d’Italie, d’Allemagne
et des Pays-Bas. La ville jouit d’un rayonnement bien au-delà de ses frontières. Parallèlement au
Adhémar Fabri accorde à ses concitoyens, le plus souvent riches, cultivés et émancipés des
Franchises. Il leur donne ainsi le droit d’administrer leur ville et facilite le commerce en autorisant
le prêt avec intérêt, privilège unique dans la chrétienté (permission accordée quatre siècles plus
tard en France).
Le XIVe siècle voit la Réforme gagner Genève. Des immigrants de toute l’Europe, persécutés à
cause de leur religion, se réfugient à Genève. Jean Calvin, un des fers de lance du mouvement,
prêche à Genève. Son génie fera la gloire de la ville en l’élevant au rang de Rome protestante. Il
La grappe des banques privées à Genève 4
va lui aussi légitimer le prêt avec intérêt qui permet à l’emprunteur de faire du profit. Une
protestants.
Dès le XVIe siècle une société commerciale et industrielle domine la vie politique et économique
genevoise. A côté des tanneurs, des fabricants de draps, des couteliers et autres épingliers,
l’horlogerie devient la première industrie de la ville. Elle restera longtemps l’industrie noble, celle
autour de laquelle gravite une multitude de corps de métiers différents. C’est à côté d’elle et pour
elle que naît véritablement la banque genevoise qui finira par la dépasser. Notons la relation qu’il
existe entre l’horlogerie et la banque. Tous deux demandent des qualités intellectuelles, l’habitude
de manier des valeurs considérables sous un volume réduit, l’obligation de trouver de nouveaux
La plupart des banques privées et autres institutions bancaires naissent dans le courant du XVIIIe
et XIXe siècle. Citons la Banque de Genève qui émettait les billets ayant cours dans le canton, la
Caisse d’Epargne qui était destinée à faire fructifier les économies des ouvriers, des artisans et des
locales, en particulier à l’horlogerie. N’oublions pas les grands noms de la banque privée comme
Lullin, Mallet, Pictet, Odier ou Hentsch qui fondent leurs institutions dans la même période. Les
Albert Gallatin devient secrétaire d'Etat au Trésor des Etats-Unis et négocie l'achat de la
Louisiane, Georges Prévost est gouverneur général du Canada, Pierre Isaac Tellusson est
directeur de la Banque d'Angleterre, alors que Jacques Necker est ministre des Finances de Louis
Les agents de change connaissent une activité remarquable bien au-delà des frontières de la ville
ou du canton de Genève. Sans qu’ils soient organisés, ils s’occupaient en plus de l’achat et de la
vente d’effets de change de la négociation des premières valeurs mobilières existant sur le marché.
Une cote des changes va être créée et les agents de changes vont se regrouper au sein d’une
La grappe des banques privées à Genève 5
même société. En 1850, un quart de siècle avant Zürich et Bâle, la bourse de Genève voit le jour.
Elle occupe alors le 5e rang des bourses en Europe et participe fortement au rayonnement
international de la place bancaire et financière genevoise. Les banques privées vont étendre leur
influence et devenir plus puissantes en s’associant mutuellement. C’est sous le nom de « quator »
que se sont regroupées les quatre maisons les plus importantes de la place, à savoir Hentsch &
Cie, Lombard Odier & Cie, de Candolle, Mallet & Cie et Louis Pictet.
confrontées les banques. L’industrie horlogère bien que prospère jusqu’en 1870, ne suffit plus à
satisfaire la soif des banquiers genevois. Ils profitent de la révolution industrielle pour financer,
en émettant des emprunts publics, des réseaux de chemins de fer, en Suisse et à l’étranger. Ils
Guerre de Sécession. Les conflits armés qui vont frapper les pays voisins de la Suisse vont
proximité géographique de la Suisse et sa neutralité font du pays un refuge pour les capitaux
étrangers. De plus les pays belligérants ont recours à diverses reprises aux banquiers suisses pour
financer les hostilités. C’est vrai pour la guerre de 1870 qui a vu s’affronter la France et
l’Allemagne, c’est vrai également pour les guerres mondiales. L’industrie suisse a elle aussi profiter
des conflits en exportant massivement ses biens dans les pays où la main-d’œuvre manquait.
A mesure que la place financière de Genève gagne en puissance, diverses banques commerciales
suisses et étrangères, des sociétés financières et des industries connexes sont entraînées à s’y
installer.
aux diverses innovations conduites dans le secteur depuis les débuts. Dans la panoplie des métiers
d’autant plus que Genève ne dispose pas d’une base économique large et diversifiée. Les
banquiers de la cité de Calvin l’ont vite compris et ont perfectionné en permanence leurs outils de
production. Pionniers dans le secteur, ils se sont tournés très tôt vers l’étranger, l’Europe puis
l’Amérique et l’Asie. L’outil informatique a été développé précocement pour les besoins de la
gestion de fortune. Des départements de recherches ont été créés dès le milieu du XXe siècle. La
formation est en effet le moyen d’accroître la qualité des services et des produits et d’en créer de
nouveaux. D’ailleurs la Suisse est le seul pays, avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas à gérer des
fonds de capitalisation, comme les fonds de pension. Les banques suisses excellent également
dans le secteur des fonds de placements. Les exigences liées à la diversification des portefeuilles
ont très vite été prises en compte par les banques suisses par la création de fonds sectoriels
(telecom ou biotechnologie par exemple). Finalement relevons que les banques suisses ont depuis
leurs débuts travaillé dans un environnement multidevise. Le franc suisse n’était pas le seul à
avoir droit de citer sur le territoire national. L’apparition de l’Euro n’a pas prétérité les institutions
bancaires suisses. Au contraire, la place financière suisse est totalement imbriquée dans l’espace
financier européen. La Suisse fait de facto partie de la zone euro, du point de vue financier
s’entend.4
L’expérience qui s’est transmise à des générations successives de banquiers depuis le XIVe siècle
fait aujourd’hui de la place financière genevoise une des plus importantes au monde. On estime
actuellement que 10% de la fortune privée que les étrangers placent à l’étranger sont gérés à
Genève. Cette situation n’est pas acquise et dans un monde toujours plus compétitif, les banques
privées de Genève et de Suisse en général doivent sans cesse innover afin de rester les meilleures.
entreprise, la démarche correcte doit toujours être une analyse de comparaison, soit une analyse
4 Jean. A. Bonna, associé de MM. Lombard Odier & Cie, présentation du 4 juillet 2001, Paris.
La grappe des banques privées à Genève 7
relative. On peut bien trouver des entreprises profitables en termes de rendement du capital total
ou rendement du capital propre et qui sont beaucoup moins rentables que la moyenne des
entreprises dans leur secteur d’activité.5 En conséquence, des chiffres absolus du secteur des
banques privées sont peu représentatifs et il est nécessaire de faire un « benchmarking » avec
d’autres branches.
Figure 1
Employés dans le secteur bancaire en Suisse
180
160
banques privées
140 autres banques
120
en % (base 1990)
100
80
60
40
20
0
0
2
9
0
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
20
20
20
Source : GEIGER, H., HÜRZELER, H. (2004) : « The transformation of the Swiss private banking
market », mimeo, Swiss Banking Institute, University of Zürich
L’application d’une analyse comparative en terme de profit se heurte dans le secteur des banques
privées au problème du manque d’accès à beaucoup de chiffres sur la profitabilité des banquiers
privés. Pour faire face à cette problématique, les auteurs de ce travail n’essayent pas de donner
une évaluation en termes de profitabilité mais plutôt en termes d’emploi et de fortune gérée dans
5 Pour des exemples voir Chapitre « Compétitivité – Session 2 » du scripte de Prof. Michael Porter et
Prof. Philippe Gugler
La grappe des banques privées à Genève 8
le secteur. Cette approche de comparaison peut aussi mener à des résultats de performance
relative du cluster.6
En conséquence, l’analyse repose d’abord sur les employés dans le secteur bancaire. La Figure 1
On voit clairement que les effectifs des banques privées ont augmenté à un rythme plus élevé que
dans le reste du secteur bancaire. Cela est déjà une indication de la forte performance des
banques privées.
Une autre approche pour évaluer la performance relative consiste à comparer le nombre de
dans un secteur donné peut être interprété, ceteris paribus, comme indicateur d’une performance
supérieur de cette branche. Une étude de l’OCSTAT sur les multinationales présentés dans le
canton de Genève - fondée sur les résultats du recensement fédéral des entreprises de 2001 - a
mis clairement en évidence l’importance des multinationales dans l’économie genevoise et leurs
principaux domaines d’activité. Les 569 multinationales et filiales de multinationales actives dans
le canton rassemblent plus de 56’000 emplois, soit 29.5% de l’emploi total dans le secteur privé.
L’industrie chimique, le commerce de gros, les banques et les assurances représentent plus du
50%. La Figure 2 donne un bref aperçu de la position relative des institutions financières à
Finalement, une analyse concernant les fortunes gérées mène à des résultats similaires que
l’évaluation en termes d’emploi. De l’avis des spécialistes de la branche des banques privées, sur
les CHF 3’000 milliards d’actifs gérés en Suisse, 40% le sont par des établissements basés à
Genève. La place financière de Genève est donc considérée comme l’une des plus importantes au
institutionnelle prend à Genève une importance croissante. La grappe est très performante et
Figure 2
Part des multinationales dans l’emploi du secteur privé, selon l’activité économique,
dans le canton de Genève (2001)
Source : Office fédéral de la statistique, Recensement fédéral des entreprises de 2001 (secteurs
secondaire et tertiaire)
forces. Ces sont les « menaces des nouveaux concurrents », le « pouvoir de négociation des
clients », les « menaces des produits ou services de substitution », le « pouvoir de négociation des
fournisseurs » et à l’intérieur de la branche la « lutte pour les premières places entre concurrents
actuels ».
Avant d’analyser les cinq forces les auteurs essaient de donner une représentation graphique de la
grappe des banques privées. L’identification claire des entreprises appartenant à la grappe est un
Comme proposé par PORTER, le point de départ pour déterminer les composantes d’un cluster
peut être une concentration de firmes comparables. Nous cherchons ensuite les entreprises et les
institutions qui s’y rattachent.8 L’analyse de la grappe des banques privées à Genève mène donc à
8 PORTER (2004)
La grappe des banques privées à Genève 10
la représentation donnée par la Figure 3 qui inclut la majorité des entreprises et institutions de la
grappe.
Une telle illustration d’une grappe ne peut jamais représenter tous les éléments liés à la banque
genevoise. Toutefois elle donne un aperçu du cluster. De plus, une telle représentation peut aider
à formuler une stratégie de concurrence claire et unique en mettant l’accent sur les arbitrages
Pour les banques privées on peut identifier l’importance des entreprises et branches liées à la
grappe. Cela peut renforcer l’identification des entreprises participantes en mettant l’accent sur les
Figure 3
La grappe des banques privées à Genève
Tourisme et
Institutions internationales Institutions spéciales (BNS, hôtellerie
associations bancaires, …)
SWX - bourse
Banques
universelles Nouvelles
technologies
Banques
privées
Assurances Entreprises
multinationales
Avocats et
notaires
Organismes d’enseignement Administration du canton et
et de recherche de l’Etat
Auditeurs et
commissaires
Un autre aspect important d’une analyse portant sur les grappes économiques est l’identification
claire de la stratégie suivie par les entreprises. Si on considère la grappe à Genève au sens plutôt
large il est difficile de l’indiquer sans biais. Compte tenu de tous ces problèmes de définition les
auteurs de ce travail ont essayé d’obtenir plus d’informations directes auprès des banques et
d’appliquer les propositions de PORTER pour obtenir un résultat. Les banques privées de Genève
suivent une stratégie globale. Elles profitent de la structure du cluster genevois et essayent
d’atteindre un avantage concurrentiel par un positionnement global et stratégique. Les filiales des
banques privées doivent renforcer cette stratégie claire de la base arrière à Genève. Ces filiales ne
sont pas indépendantes de la société mère et ne suivent pas une stratégie propre mais elles ont
Genève assure plus de 80% de son produit intérieur brut par les services. C’est la réussite d’une
ville sans territoire ni richesses naturelles, qui s’est imposée par la valeur ajoutée de ses idées et de
ses prestations.
Comme centre d’excellence bancaire, Genève a su anticiper et développer toute la gamme des
arbitrage.
Tout le monde s’accorde à dire que la Suisse peut se targuer d’offrir un degré très élevé, voire
inégalé, de sécurité juridique. Cet élément découle en particulier du fait que le système politique,
fondé sur le travail des deux Chambres fédérales et sur les mécanismes de la démocratie directe,
transforme toute modification législative en un processus très transparent où tous les milieux
intéressés sont consultés. Par conséquent, en matière législative, règne une grande prévisibilité.10
Cela est une base pour le fonctionnement de la grappe. Mais il ne s’agit pas d’un critère suffisant
pour le succès.
10 Interview avec Dr. Christian Rahn, Associé, Rahn & Bodmer, http://www.swissprivatebankers.ch
La grappe des banques privées à Genève 12
Le succès durable exige d’abord une analyse des forces concurrentielles à l’intérieur et à l’extérieur
du cluster. Après la présentation de la grappe les auteurs essaient maintenant d’analyser ces
forces.
En ce qui concerne les « menaces de nouveaux concurrents » il faut noter qu’en 2001, les 19’070
entreprises recensées dans le secteur privé occupent, dans le canton de Genève, 192’544
personnes. Parmi ces entreprises, environ 15’800 sont des micro-entreprises (moins de 10
personnes) représentant près de 42’800 emplois (22,2% du total). Les petites (10 à 49 personnes)
l’emploi total. Enfin, 322 grandes entreprises occupent plus de 70’000 personnes, soit 36,5% de
Figure 4
Répartition de l’emploi dans le secteur privé, selon la taille des entreprises, dans le
canton de Genève (2001)
Source : Office fédéral de la statistique, Recensement fédéral des entreprises de 2001 (secteurs
secondaire et tertiaire)
Toutes ces entreprises ne sont pas des banques privées ou liées au secteur financier. On peut dire
que la menace des nouveaux concurrents pour les banques privées elles-mêmes est faible parce
que la fidélité des clients joue un rôle primordial. Toutefois, pour d’autres éléments de la grappe
(voir Figure 3) il existe une menace bien réelle de nouveaux concurrents (par exemple pour les
La grappe des banques privées à Genève 13
développement.11
Le « pouvoir de négociation des clients » représente un élément important pour les banques
Les clients sont le vrai capital pour les banques.12 Comme il s’agit d’un secteur très spécialisé et de
haute gamme, la demande joue le rôle principal.13 De plus, la clientèle des banques privées n’est
pas une masse de personnes homogènes, il s’agit d’un petit nombre d’investisseurs, entrepreneurs
et familles riches ayant construit souvent des liens entre eux. Cela implique que le pouvoir de
négociation est très élevé et que la stratégie concurrentielle des banques privées doit tenir compte
de ce fait.
vont également changer. Pour le moment, la gestion d’actifs des banques privées peut
uniquement être substituée par une gestion personnelle ou par d’autres banques universelles. Mais
ces alternatives ne représentent pas vraiment une menace pour les banquiers privés.
Il en est de même pour les fournisseurs de la grappe à Genève. Leur « pouvoir de négociation »
est plutôt faible. On pourrait revenir ici sur la Figure 3 et la Figure 4. Un grand nombre
d’entreprises du canton de Genève sont de petite taille. De plus, les banques privées ne
dépendent pas fortement des fournisseurs. Toutefois, il existe un lien entre la qualité et le nombre
Les principaux concurrents de Genève dans la « lutte pour les premières places entre concurrents
actuels » dans le domaine des banques privées sont Zurich et le Luxembourg. De plus, le
Luxembourg a déjà des dispositions légales destinées, d’une part, à favoriser la domiciliation de
« hedge funds » sur son territoire et, d’autre part, à permettre le développement de l’activité du
« private equity ». Le Grand Duché conservera donc une longueur d’avance sur la Suisse pour
démontrer sa capacité à faire évoluer rapidement son cadre légal en le mettant en adéquation avec
Finalement, on voit bien qu’une analyse structurelle des cinq forces mentionnées est très
importante pour les entreprises elles-mêmes dans la formulation de leur stratégie mais aussi pour
réponse approfondie est donnée par MICHEAL E. PORTER avec son concept du « Diamant ».
Selon PORTER on peut distinguer quatre déterminants spécifiques basés sur la structure de la
branche. Ces sont pour rappel les conditions des facteurs, le contexte de stratégie et de rivalité
d’entreprise, les branches connexes et d’assistance et les conditions de la demande. Tous les
déterminants de la concurrence peuvent être liés avec les conditions régionales, nationales et
internationales et les stratégies au sein des entreprises. Dans ce chapitre les auteurs de ce travail
vont présenter les fondements du concept du « Diamant » et ils vont l’appliquer sur la grappe des
théorie.15
14 Interview avec Dr. Christian Rahn, Associé, Rahn & Bodmer, http://www.swissprivatebankers.ch
15 PORTER (2004)
La grappe des banques privées à Genève 15
qualité des intrants et surtout des intrants spécialisés tels que l’ensemble de compétences, de
Le placement et l’investissement d’argent sont populaires en Suisse pour diverses raisons. Le site
la stabilité de la monnaie qui sert de monnaie–refuge et évidemment le secret bancaire sont autant
de facteurs positifs qui constituent des atouts indéniables pour la place financière helvétique et
qui ont contribué à l’émergence d’une grappe dans le secteur du Private Banking.
Entourée par la France, l’Allemagne, l’Italie, le Liechtenstein et l’Autriche, la Suisse est un petit
pays au centre de l’Europe. Avec une superficie de 41’285 kilomètres carrés, la Suisse représente
1,5 pour mille de la surface habitée du globe. Avec les Alpes, les Préalpes et le Plateau, elle offre
une diversité rare sur une superficie aussi réduite. Elle a en tout et pour tout la taille d’une ville de
7 millions d’habitants et des ressources très limitées. De ce fait, elle doit opérer des choix et
Sa localisation lui apporte de nombreux avantages. Dans un premier temps, la Suisse recense
plusieurs hauts lieux touristiques très huppés qui attirent de riches clients. De plus, en étant au
centre de l’Europe, la Suisse offre à ses clients aisés un accès facile et des coûts de transport
réduits.
Son système politique neutre est réputé pour sa stabilité. En effet, la Confédération helvétique est
dans sa configuration actuelle depuis 1815. Cet Etat fédéral est gouverné d’après une
indirecte et repose sur les principes de souveraineté du peuple, de séparation des pouvoirs et de
femmes, tous les citoyens âgés d’au moins 18 ans peuvent voter. Cette stabilité est également un
atout pour le secteur bancaire suisse. En outre, la neutralité contribue à attirer en suisse, et à
La grappe des banques privées à Genève 16
Genève en accueille 190, gouvernementales ou non: Organisation des Nations Unies (ONU),
pour les Réfugiés (HCR), etc. Par ailleurs, Genève est l’une des principales villes de conférences
et congrès du monde. Ces échanges, en une riche fertilisation croisée, contribuent à son
caractère très international de Genève et de sa population exerce un fort pouvoir d’attraction sur
au secteur du Private Banking. En effet, le personnel hautement qualifié est habitué à traiter avec
différentes cultures et a de l’aisance dans la maîtrise des langues. En plus des quatre langues
nationales que sont l’allemand, le français, l’italien et le romanche, l’anglais est largement pratiqué
en Suisse. La clientèle internationale est donc assurée de bénéficier d’un service personnalisé.
Le pourcentage de personnes ayant terminées une formation de degré secondaire II, s’élève à
En effet, la main d’œuvre en Suisse est très qualifiée. Cette particularité est due en partie au fait
que la Suisse consacre 5.3% de son PIB à l’éducation. Ce pourcentage est bien plus élevé que la
moyenne des pays de l’OCDE. En 2001, une étude statistique a révélé que la Suisse dépensait
8'800 dollars annuellement par élève/étudiant alors que la moyenne de l’OCDE se situait à 6'200
dollars par tête. La Suisse se situe donc en tête de classement avec les Etats-Unis, la Norvège et le
Danemark.
Outre des compétences, Genève offre des infrastructures de tout premier ordre : Les
centre, jouent un rôle primordial. De plus, Les institutions de la Suisse sont très réputées et aptes
La grappe des banques privées à Genève 17
à former un personnel compétent dans la branche du Private Banking. Des institutions telles que
Financial Asset Management and Engineering » (FAME) ont été créées. FAME a pour but
d’assurer aux meilleurs chercheurs des conditions favorables dans l’arc Lémanique et de former
des spécialistes de la finance. Cette institution est le résultat d’une collaboration entre plusieurs
technologie.
Un autre facteur déterminant dans la réussite du secteur bancaire à Genève est le secret bancaire.
Il doit son origine aux guerres de religion en France, quand les huguenots français ont déposés
leurs capitaux dans des banques privées à Genève. Le secret bancaire est définit comme
« l’obligation de discrétion à laquelle sont soumis les représentants et les employés d’une banque
concernant les affaires de leurs clients ou de tiers, dont ils ont connaissance dans l’exercice de
leur profession. Sont également tenus au secret bancaire les mandataires, experts délégués par
Le secret est détenu par le client. Il peut défaire la banque de son obligation de discrétion en
bancaire découle du droit civil, particulièrement du contrat par lequel le banquier s’engage à
préserver le secret sur la situation personnelle du client. Le client est aussi protégé par le Code
civil suisse, notamment pas les dispositions relatives à la protection de la personne ainsi que par la
législation sur la protection des données. La législation bancaire considère que la violation de la
Afin de se protéger contre les fonds d’origine illégale, la place financière suisse dispose d’un cadre
réglementaire très strict. La loi sur le blanchiment d’argent (LBA) de 1998 constitue la loi-cadre
en ce qui concerne les obligations de précaution que les établissements financiers doivent
16 http://www.efd.admin.ch/f/dok/faktenblaetter/efd-schwerpunkte/205_bankgeheimn.htm
La grappe des banques privées à Genève 18
respecter lorsqu’ils acceptent l’argent d’un client. A cette loi viennent s’ajouter les articles du
d’opérations financières (1990), les dispositions qui concernent les organisations criminelles
(1994) et l’ordonnance de la Commission Fédérale des Banques (CFB) en matière de lutte contre
Les banques doivent identifier leurs clients. Ce principe du « know your customer » est l’une des
obligations de diligence les plus importantes. Des instructions très précises et détaillées doivent
être suivies avant l’acceptation des avoirs de clients exposés politiquement. Les relations d’affaires
complet et détaillé.
bancaires divers. Parmi ces banques, 75 d’entre elles travaillent dans le « Private Banking » et 49
viennent de l’étranger. Même si toutes sortes des transactions bancaires sont achevées à Genève,
le « Private Banking » domine. La ville au bord du Lac Léman est quand même considérée
comme capitale mondiale du « Private Banking », car une grande partie des fortunes administrées
dans le monde sont gérées à Genève. Environ 35% des fortunes globales sont administrées en
Suisse.17 En comparaison, 21% des fortunes mondiales sont gérées aux Etats-Unis et 12% en
Grande-Bretagne. Ces nombres indiquent une forte concurrence régionale du côté des
actifs à Genève et 739 assurances, 998 fiduciaires et 338 études d’avocats et notaires y sont
résidents. Environ 4500 entreprises travaillent ainsi dans le secteur financier à Genève.18 Cette
grande offre d’entreprises dans des branches parentes, favorise une plus grande demande de
17 BARTU (2002)
18 http://www.geneva-finance.ch
La grappe des banques privées à Genève 19
augmente aussi constamment, surtout entre les instituts du pays et les instituts étrangers.
L’inexistence de barrières à l’entrée sur le marché national concernant le secteur bancaire suisse
favorise d’autant plus cela. Toutefois, différents obstacles ont été développés par le syndicat des
grandes banques comme par exemple, une entrée aux opérations d’émission rendue difficile pour
les banques étrangères. L’internationalisation des marchés et l’UE ont rendu ces accords peu
efficaces. Ces mesures protectionnistes ont sûrement eu une influence négative sur la force
concurrentielle des banques suisses. Les diverses entreprises dans le secteur financier à Genève
créé un marché du travail dense et diversifié. Environ 22'000 personnes sont employées dans ce
secteur actuellement. Si Genève excelle dans le « Private Banking », c’est d’une part grâce à une
tradition acquise au fil des générations et au secret bancaire, et d’autre part grâce à l’importante
Le « Private Banking » doit être qualifiée clairement d’activité globale. La grande tradition du
« Private Banking » à Genève est une preuve de la stabilité et du sérieux de l’activité, une tradition
bâtie entre autres sur la stabilité politique que connaît le pays depuis deux siècles et le bon niveau
internationales ainsi qu’un réseau avec des hôtels de haut standard offre aussi le cadre pour attirer
des clients potentiels du monde entier. Surtout durant la « Guerre Froide », Genève représentait
un point de rencontre entre l’Ouest et l’Est. Les relations entre le client et son banquier sont bien
plus étroites dans l’environnement du « Private Banking » que dans celui du « Investment
Banking » par exemple. Grâce à la concurrence des places financières de Londres ou New York
les produits et les services des banques genevoises doivent être compétitifs. Le bon niveau de la
formation et du savoir-faire suisse ne suffit plus à créer un avantage concurrentiel. Ce qui fait
privées traditionnelles à Genève, qui gèrent les fortunes privées de nombreuses familles
renforcent l’image de la place genevoise. Ces banques sont garantes du sérieux et de la continuité
de la place financière. La concurrence croissante des grandes banques internationales, qui par leur
La grappe des banques privées à Genève 20
dimension montrent des avantages d’échelles dans les frais fixes comme la recherche, menace les
« Private Banking » mènent à de nouveaux défis que les banques privées doivent affronter.19
d’une grappe. On comprend par industries connexes des branches de l’économie dont l’activité
est semblable à celle réalisée par la grappe. La proximité entraîne souvent un effet positif sur
l’échange d’informations entre les entreprises et elle augmente les possibilités d’innovation au sein
communication entre les membres de la grappe et à des efforts de recherche. D’autres aspects
positifs au sein des grappes sont liés à l’harmonisation des activités grâce aux branches connexes
et d’assistance. Finalement, il est plus facile pour les entreprises d’exploiter les liens avec les
industries connexes si elles sont intégrées dans la grappe que pour les firmes et producteurs
Le secteur des banques ne peut pas être considéré comme un secteur homogène. Par contre, il
doit être analysé comme un portfolio contenant des produits et services très différents et
diversifiés. Généralement on peut distinguer le secteur de la gestion des fortunes, la gestion et les
services liées aux offres d’achat publiques (IPO - Initial Public Offerings), le secteur d’emprunts
internationales.21 On utilise le terme « banque universelle » pour un institut financier s’il a intégré
toutes ou une majorité des activités mentionnées. Un exemple d’une banque universelle en Suisse
serait l’UBS (Union Bank of Switzerland) ou le Crédit Suisse. Les banques cantonales peuvent
également être considérées comme banques universelles. Par contre, les banques et les banquiers
privés de Genève se sont surtout spécialisés dans la gestion de fortunes et les offres d’achat
l’expertise des banques universelles qui représentent une des nombreuses branches connexes et
d’assistance de la grappe. Les banques universelles suisses figurent elles-mêmes parmi les plus
international ainsi que dans l’échange d’or. Ces liens entre les banques privées et universelles
rendent possible une diminution des coûts de transactions et permettent en même temps d’agir
internationales et la SWX (Swiss Exchange) est un exemple de l’importance des innovations pour
les industries connexes22. La coopération avec d’autres instituts financiers connexes constitue un
Selon la théorie et le concept du « diamant », elle facilite une spécialisation et la création des
avantages durables sur la base de la gestion de fortune sans augmenter considérablement les coûts
La branche des assurances générales et les maisons spécialisées dans l’assurances-vie sont un
autre secteur important lié aux banques privées. Parmi les grandes maisons d’assurance suisses
figurent des noms connus et des entreprises très compétitives au niveau national et international
comme Swiss Re, Zürich, Schweizerische Lebensversicherung- und Rentenanstalt. Les liens forts
s’expliquent premièrement par les investissements considérables des banques dans le secteur des
assurances pour lisser leurs revenus et leurs profits. Généralement, les revenus des assurances
sont stables et permettent donc d’échapper aux temps de crise dans le secteur bancaire.
Deuxièmement, les services des entreprises d’assurance représentent des produits et des services
complémentaires pour les clients d’autres instituts financiers. Finalement, il existe un besoin
fondamental de la part des assureurs d’investir leurs recettes d’une façon adéquate. Les
d’investissement des banques suisses et surtout des banques privées de Genève sont à la base
d’une coopération mutuellement avantageuse. De plus, la bonne réputation des assureurs suisses
(sécurité, sérieux, compétitivité, innovation) a un effet positif sur l’image des banques suisses et
vis-versa. En effet, les banques créent des externalités favorables pour le succès national et
international des assurances et l’image des assureurs entraîne des conséquences avantageuses pour
Les entreprises commerciales intégrées dans l’échange des biens au niveau international peuvent
être également considérées comme une branche connexe. En raison de leurs besoins en
financement adéquat et complexe ainsi que de leurs connaissances des clients étrangers, elles
entretiennent des liens directs avec les banques suisses. De plus, un nombre élevé de gérants de
fortune a travaillé pour les grands exportateurs suisses. On peut bien y identifier les effets des
grappes comme proposés par PORTER. Les rapports avec les exportateurs améliorent les
l’industrie connexe représente une base de recrutement pour les institutions financières.25
Finalement, il existe un réseau très ramifié de services spécialisés à Genève et autour de la grappe
des banques privées à Genève. Environ 1’000 avocats et notaires, 2’400 administrateurs de biens,
600 auditeurs et commissaires aux comptes ainsi que un nombre croissant d’entreprises
aux banques privés. Les entreprises elles-mêmes emploient environ 2’200 ingénieurs qualifiés.26
Bien que ce réseau puisse être identifié comme un élément des conditions de facteurs de la
grappe il est en même temps un élément des industries connexes. De plus, l’industrie hôtelière,
les restaurants, le commerce de détail avec les produits de luxe peuvent profiter de la clientèle des
banques. Ces industries n’ont pas une influence directe sur les banques privées mais elles
de luxe peut augmenter la compétitivité cumulée de la grappe mais l’existence des banques privés
a sans doute une influence considérable et positive sur ces industries. Cependant, une
identification exacte de la causalité n’est pas nécessaire. Il suffit de noter une corrélation entre les
deux branches dans la grappe : il est sûr qu’en créant une image positive de la ville et du canton
L’ensemble des branches connexes et d’assistance fait partie intégrante de la place financière à
Genève comme le stipule la théorie du « Diamant ». Les industries connexes donnent un avantage
concurrentiel unique à la grappe. Une imitation de la structure des banques privées et branches
complémentaires n’est pas facilement réalisable pour les concurrents étrangers. Par conséquent,
les industries connexes représentent pour la grappe de Genève une barrière à l’entrée. Il s’agit
constitue le deuxième élément du diamant. Celle-ci peut jouer un rôle d’indicateur avancé qui va
permettre à une industrie, en combinaison avec les autres pointes du diamant, de devenir
mondialement compétitive.
La clientèle des banques privées est aussi bien suisse qu’étrangère. La réputation du savoir-faire
des banques genevoises en terme de gestion est mondiale. Le respect de la sphère privée et la
discrétion des banquiers suisses ont largement contribué à l’expansion de la place financière
La grappe des banques privées à Genève 24
genevoise. Bénéficiant de conditions-cadres favorables pour le moment, elle profite d’un avantage
concurrentiel important.
La demande domestique concernant les banques privées est sophistiquée. Etant donné que
l’aversion au risque est forte en Suisse, les clients préfèrent prendre peu de risques et avoir un
rendement plus faible. Ceci fut longtemps un avantage dans la mesure où la demande
internationale pour le Private Banking allait dans ce sens. Cependant, la demande est en train
d’évoluer. En effet, les années 90 ont vu les richesses augmenter considérablement et le nombre
les attitudes des clients européens se sont « américanisées » et l’attitude face au risque s’est
modifiée. De ce fait, la demande pour des investissements alternatifs tels que les hedge funds,
private equity et venture financing s’est considérablement accrue. Nous dressons ci-dessous les
caractéristiques propres des deux types de demande auquel le secteur du Private Banking doit
faire face.
En ce qui concerne la demande traditionnelle il faut mentionner que les clients traditionnels du
Private Banking bénéficient souvent d’une fortune héritée et demandent comme services
principaux : discrétion, confidentialité et sécurité dans la gestion de leur portefeuille. Ils ont
établit une relation de confiance avec leur gestionnaire unique et contrôlent peu leurs
investissements.
Un facteur important pour les grappes et le développement durable des clusters sont les
propre fortune et a une demande plus sophistiquée. Ce sont des clients beaucoup plus actifs qui
s’investissent personnellement dans la gestion de leur portefeuille. Ils tendent à avoir un ratio
risque/rendement plus élevé que les clients traditionnels et connaissent les nouvelles technologies
de communication (Internet).
La grappe des banques privées à Genève 25
Tableau 1
Différentes tendances (demande)
banquier privé n’a donc plus d’avantage en terme d’information. Avec ces clients, la valeur
ajoutée se situe sur les compétences d’analyste du banquier et moins sur les coûts de transaction
et la sécurité. En effet, les clients du Private Banking attendent du gestionnaire qu’il anticipe leurs
besoins. Les services offerts doivent être taillés sur mesure pour satisfaire le client et établir une
relation de confiance avec le gestionnaire. Les clients de ce type de demande sont souvent bien
informés, capables et désireux de prendre des risques, plus exigeants et moins loyaux que les
clients traditionnels.
Le Tableau 1 présenté nous permet de mieux comprendre l’évolution de cette demande et les
implications que cela entraîne sur le secteur des banques privées. Comme nous pouvons le voir,
les banquiers privés doivent désormais davantage axer leurs activités sur une gestion financière
Figure 5
Les éléments du « Diamant »
Contexte de la
stratégie et de la
rivalité d’entreprise
• 150 banques
• 3000 milliards de
fortune gérée
• pas beaucoup de
barrières à l’entrée
• Cartel des banques
(point négatif)
Condition des Conditions de la
facteurs demande
(intrants) • Assurances (clients)
• Notaires
• Tourisme compétitif
• Bourse
• Main d’oeuvre très • Banques universelles • Demande domestique
qualifiée • Techniciens et étrangère très
• Système d’éducation • Institutions
sophistiquée
• Plusieurs langues • produits spéciaux
• Infrastructures (hedge funds, …)
(aéroport) • Services taillés sur
• Stabilité politique et Branches mesure
économique connexes et • Fidélité des clients
• Centre d’Europe d’assistance • Discrétion et sécurité
Finalement, on voit bien qu’une la force de la théorie du « Diamant » pour expliquer le succès du
cluster des « banques privées » à Genève. Comme résume, la Figure 5 nous donne une
centraaux de l’économie sont les firmes. Le devoir du gouvernement est de créer des conditions
cadres favorables pour le développement d’un avantage compétitif par les entreprises. Le rôle du
Le rôle le plus fondamental que doit jouer le gouvernement est de garantir la stabilité
En d’autres termes, il doit augmenter l’efficacité et la qualité des inputs fournis par des entreprises
et des institutions. Ces inputs sont ceux que nous avons identifiés dans l’analyse du « Diamant »,
notamment une main d’œuvre avec une bonne formation de base, une infrastructure physique
par exemple des politiques qui renforcent la rivalité, un système d’impôts favorable et une
Toutes les conditions mentionnées sont nécessaires pour la compétitivité d’un pays ou d’une
promouvoir le développement et l’évolution des grappes. Il est important qu’il n’y ait pas de
sélection des grappes à promouvoir. Toutes les grappes doivent être soutenues.
un conflit armé entre d’autres Etats27. Proclamée la première fois officiellement en 1674, la
neutralité perpétuelle de la Suisse a été reconnue en 1815 au congrès de Vienne. Elle a joué un
rôle important dans le vingtième siècle, caractérisé par les deux guerres mondiales et la
La stabilité de la politique intérieure est une conséquence du système politique qui se distingue
d’autres états par plusieurs points. Premièrement la Suisse est un état fédéral basé sur le système
27 http://www.eda.admin.ch/sub_dipl/f/home/thema/intlaw/neutr.html
La grappe des banques privées à Genève 28
de la démocratie directe. Le peuple participe activement dans la prise de décision politique par
des initiatives et des référendums. Deuxièmement le fédéralisme est très prononcé, c’est-à-dire
que les cantons s’occupent de tous les devoirs qui ne sont pas attribués à l’état au niveau de la
Constitution et participent intensivement à la prise de décision (majorité des cantons, Conseil des
Etats). Un troisième facteur important pour la stabilité politique est le principe de la concordance.
Il se caractérise par le fait que les décisions politiques sont prises sur la base d’un consensus entre
Un autre avantage compétitif de la Suisse particulièrement important pour le secteur bancaire est
la stabilité du franc suisse et l’inflation basse. L’institution qui est responsable d’assurer ces deux
facteurs est la Banque nationale Suisse. Elle se distingue dans la comparaison internationale par sa
banque centrale sur l’inflation moyenne dans le pays a été montré empiriquement28. La stabilité de
importance mondiale est reflétée par le fait qu’en 2001 le franc suisse occupait le cinquième rang
au palmarès des monnaies les plus négociées, derrière le dollar américain, l’euro, le yen et la livre
anglaise29.
Un autre avantage compétitif de la Suisse est la protection de la sphère privée du client par le
secret bancaire. Pour rappel il dénote l’obligation des banques de garder le secret sur leurs
relations avec leurs clients. Seul le client peut délier la banque de cette obligation. Cependant la
banque doit lever le secret bancaire en cas de délit comme par exemple le blanchiment d’argent,
le crime organisé et l’usage de faux dans le domaine fiscal30. Depuis que le secret bancaire a été
inscrit formellement dans la loi sur les banques en 1934 une violation est punissable. À côté du
secret bancaire il y a d’autres bases juridiques qui assurent la discrétion dans les affaires bancaires.
Pour assurer la protection de l’intérêt public et l’intégrité de la place financière suisse le secret
28 Alberto Alesina, « Macroeconomics and Politics », NBER Macroeconomics Annual 1998, MIT Press,
1998.
29 http://www.eda.admin.ch/eda/f/home/foreign/ecopo/chfin.html
30 http://www.efd.admin.ch/
La grappe des banques privées à Genève 29
bancaire est accompagné par des règles sévères qui empêchent son utilisation pour l’escroquerie
financiers sont tenus de respecter un large catalogue d’obligations dans le processus d’acceptation
Suisse que ses régulations et ses pratiques sont conformes aux plus hauts standards
Une particularité de la loi suisse est la distinction entre fraude fiscale et évasion fiscale. La fraude
fiscale, qui est souvent liée avec l’usage de titres faux, falsifiés ou inexacts, est considérée comme
un crime et poursuit pénalement. Dans ce cas le secret bancaire peut être levé. L’évasion fiscale,
qui protège les personnes dans le cas ou ils ont simplement oubliés ou omis la déclaration de
certains revenus, fait l’objet d’une procédure conduite par les autorités fiscales et non par des
instances judiciaires. Elle est sanctionnée par une amende et le secret bancaire reste en vigueur.
Pour toutes personnes qui n’ont pas leur résidence en Suisse, le fisc ne peut rien leur reprocher.
Cette distinction fait de la Suisse une option attractive pour l’évasion d’impôts. Plusieurs états,
notamment les membres de l’UE, ont signé des contrats avec la Suisse qui ont pour but de
diminuer l’attractivité de l’évasion fiscale. Dans le cadre des accords bilatéraux II avec l’UE la
Suisse s’est engagée de retenir un certain pourcentage (15% dans un premier temps, ensuite 20%
et enfin 35%) des intérêts versés à toute personne physique ayant son domicile fiscal dans l’UE.
Un autre facteur important pour la compétitivité est l’environnement fiscal. La Suisse appartient,
avec son taux de 24.1% imposé aux personnes morales, au groupe des pays imposant une charge
En plus des avantages mentionnés, la Suisse bénéficie d’un cadre de conditions favorables lié à
l’activité de l’état. Il s’agit d’un bon niveau d’éducation de base, d’une excellente infrastructure
physique, un système légal efficace, un système social évolué et un faible taux de criminalité.
La grappe des banques privées à Genève 30
matières premières puis a vendu ses services à l’étranger. Les foires, l’esprit né des Franchises, et
l’adoption des réfugiés ont contribué à la formation du caractère extraverti du genevois. Ce sens
de l’international est repris bien évidemment par la banque qui s’est tournée rapidement hors des
frontières cantonales et nationales. Le marché intérieur de la Suisse était trop exigu. Les banquiers
privés ont joué un rôle très important dans le financement des grands travaux d’infrastructures
lors de la révolution industrielle. Nous avons cité les chemins de fer français, pensons également
au tramway de Saint-Petersbourg.
Le tempérament même du citoyen genevois explique ses succès dans la finance. « Le goût des
sciences exactes, dominante de l’esprit supérieur genevois, combiné avec une espèce de sens de
l’international et appliqué aux réalités pratiques, voilà qui explique l’ardeur et le succès avec
lesquels les citoyens de la petite république se sont attachés aux travaux financiers. »31. Ce
caractère genevois trouve ses racines dans le protestantisme. La nouvelle doctrine ne condamne
plus la recherche de biens terrestres par le travail. L’individu est propriétaire de son propre corps
et de ses capacités. Ses efforts sont valorisés et sa force de travail peut être vendue. Les
protestants ont ainsi contribué à la création du capitalisme. Ajoutons enfin que l’éducation a joué
un rôle important dans la tradition bancaire genevoise. Sur les bancs d’école on incitait les jeunes
gens à mettre leurs sous de côté. Le minimum des dépôts était fixé à 20 centimes seulement à la
Autre trait caractéristique du banquier genevois est son sens de la discrétion et de la protection de
connaît son client. Ceci est d’autant plus aisé que les banques privées genevoises sont organisées
en société de personnes. Elles peuvent mieux que d’autres gérer des fortunes et conseiller leurs
clients.
Pour terminer citons Voltaire qui résume sous la forme d’une boutade la réputation et confiance
faite aux banquiers de la ville du bout du lac, une confiance gagnée au fil des siècles par une
4. Conclusion
Calvin est parmi les leaders en ce domaine depuis plusieurs générations, ce n’est pas le fruit du
hasard, mais bien celui de la combinaison d’une volonté à la fois politique et économique et de
facteurs favorables. L’élaboration de cette grappe a pris du temps, elle s’est forgée au fil des
concurrence régnant sur le secteur à Genève y a sans doute fortement contribué. Mais pourquoi
la Suisse a-t-elle réussi dans le cluster du Private Banking ? Et pourquoi Genève ? Une partie de la
réponse peut se trouver dans la grandeur du pays. Souvent considérée comme un désavantage de
départ, la taille restreinte de la Suisse a plutôt été bénéfique pour elle. En effet, le manque de
ressources naturelles a obligé la Suisse à importer des matières premières et à exporter des
services. Etant donné ses attributs de départ, elle s’est donc spécialisée dans le domaine des
services et des services de haute qualité. Du fait de la base économique restreinte et peu
diversifiée de Genève, le Private Banking rentrait mieux dans cette optique que tous les autres
métiers de la banques.
Dans notre étude, nous avons pu observer que le cluster du Private Banking bénéficiait d’un
Porter, la demande est la pointe du diamant la plus importante pour expliquer la compétitivité
dans les économies évoluées. Notre travail nous a permis de confirmer cette vision. En effet, en
Suisse, la demande locale est sophistiquée et a le pouvoir d’achat suffisant pour permettre à ce
souffre d’un déficit marqué dans le cluster. Toutefois, il est nécessaire d’ajouter que les conditions
des facteurs ont également joué un rôle très important, du moins pour permettre à cette grappe
Cependant, ce travail nous a également permis de constater qu’un nouveau défi se présente
aujourd’hui aux banquiers privés. Avec l’arrivée des nouvelles technologies, le rôle des banques
privées se modifie et celles-ci doivent faire face à une nouvelle catégorie de clients avec des
attentes différentes. Les banques privées traditionnelles qui ne sauront pas s’adapter seront face à
une crise potentielle dans un futur proche. Des pays comme le Luxembourg ou les Etats-Unis
menacent la suprématie de la place genevoise, qui jouit néanmoins toujours d’une solide
Private Banking de Genève. Il serait possible, par exemple, d’appliquer la grille d’analyse utilisée
dans ce travail, soit le Diamant de Porter, à d’autres industries liées à celle des banques privées. Le
cluster du Private Banking étant très vaste, nous pourrions élargir l’étude à l’hôtellerie, au marché
du travail et examiner le lien exact qu’ont ces secteurs les banques universelles.
Un autre point de départ pour de futurs travaux consacrés aux banques privées à Genève pourrait
être une identification claire des liens de causalité. Ce travail a bien démontré l’importance des
corrélation entre les éléments. Toutefois une analyse encore plus approfondie pourrait mettre
l’accent sur le problème des variables endogènes pour ne pas seulement mettre en évidence la
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