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Le mur fléchit sous le noir bataillon.

Les Djinns Victor Hugo La maison crie et chancelle penchée,


Et l’on dirait que, du sol arrachée,
Murs, villes, Ainsi qu’il chasse une feuille séchée,
Et port, Le vent la roule avec leur tourbillon !
Asile
De mort, Prophète ! Si ta main me sauve
Mer grise De ces impurs démons des soirs,
Où brise J’irai prosterner mon front chauve
La brise, Devant tes sacrés encensoirs !
Tout dort. Fais que sur ces portes fidèles
Meure leur souffle d’étincelles,
Dans la plaine
Et qu’en vain l’ongle de leurs ailes
Naît un bruit.
Grince et crie à ses vitraux noirs !
C’est l’haleine
De la nuit.
Ils sont passés ! - leur cohorte
Elle brame
S’envole et fuit, et leurs pieds
Comme une âme
Cessent de battre ma porte
Qu’une flamme
De leurs coups multipliés.
Toujours suit !
L’air est plein d’un bruit de chaînes,
La voix plus haute et dans les forêts prochaines
Semble un grelot. Frissonnent tous les grands chênes,
D’un nain qui saute Sous leur vol de feu pliés !
C’est le galop.
Il fuit, s’élance, De leurs ailes lointaines
Puis en cadence Le battement décroît,
Sur un pied danse Si confus dans les plaines,
Au bout d’un flot. Si faible, que l’on croit
Ouïr la sauterelle
La rumeur approche. Crier d’une voix grêle,
L’écho la redit. Ou pétiller la grêle
C’est comme la cloche Sur le plomb d’un vieux toit.
D’un couvent maudit ;
Comme un bruit de foule D’étranges syllabes
Qui tonne et qui roule, Nous viennent encor ;
Et tantôt s’écroule, Ainsi, des Arabes
Et tantôt grandit. Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Dieu ! La voix sépulcrale Par instant s’élève,
Des Djinns !...Quel bruit ils font ! Et l’enfant qui rêve
Fuyons sous la spirale Fait des rêves d’or.
De l’escalier profond.
Déjà s’éteint ma lampe, Les Djinns funèbres,
Et l’ombre de la rampe, Fils du trépas,
Qui le long du mur rampe, Dans les ténèbres
Monte jusqu’au plafond. Pressent leur pas ;
Leur essaim gronde :
C’est l’essaim des Djinns qui passe, Ainsi, profonde,
Et tourbillonne en sifflant ! Murmure une onde
Les ifs, que leur vole fracasse, Qu’on ne voit pas.
Craquent comme un pin brûlant. Ce bruit vague
Leur troupeau lourd et rapide, Qui s’endort,
Volant dans l’espace vide, C’est la vague
Semble un nuage livide Sur le bord ;
Qui porte un éclair au flanc. C’est la plainte
Presque éteinte
Ils sont tout près ! - Tenons fermée D’une sainte
Cette salle, où nous les narguons. Pour un mort.
Quel bruit dehors ! Hideuse armée
De vampires et de dragons ! On doute
La poutre du toit descellée La nuit...
Ploie ainsi qu’une herbe mouillée, J’écoute :
Et la vieille porte rouillée Tout fuit,
Tremble, à déraciner ses gonds ! Tout passe ;
L’espace
Cris de l’enfer ! Voix qui hurle et qui pleure! Efface
L’horrible essaim, poussé par l’aquilon, Le bruit.
Sans doute, ô ciel ! S’abat sur ma demeure.
Demain, dès l'aube...
Victor HUGO (1802-1885)

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,


Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,


Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,


Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

La poésie en bd: http://www.lettres.net/hugo/demain/index.htm

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