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Résidente à Montpellier
Terrain d’étude : Wilaya de Djelfa – Algérie
Inscrite en thèse à l’ENSA – Alger
Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie Alger
Ingénieur Agronome (ENSA, d’Alger)
Diplômé du Master Ecologie – Biodiversité
Sp. DAIT : Développement et Aménagement
Intégré du Territoire.
(Chaire Unesco, UM2, AgroParistech)
Montpellier le 20/01/2014
Titre :
Transition des systèmes d’élevage et évolution de leurs mobilités en territoire steppique
algérien : Cas de la Région de Djelfa - Algérie.
Résumé :
La steppe algérienne, connue autrefois pour être un territoire pastorale dédié à l’élevage
de petits ruminants, a subi au cours des quatre dernières décennies d’importants
changements sur le plan socioéconomique (croissance démographique, sédentarisation,
expansion des cultures), politique (réformes foncière, troubles civils de 1989 à 2001,
aménagements territoriales, incitations sectoriels en agriculture) et biophysique (sécheresse
récurrentes, altération de la végétation des parcours steppiques, érosion des sols,
désertification). Ces changements ont induits de profondes mutations dans les systèmes
d’élevage (Bourbouze, 2000). Elles n’ont pas été sans conséquence sur le plan
environnemental et l’organisation des conduites d’élevage. Ces espaces pastoraux sont
soumis actuellement à de sévères processus de régression écologique et de désertification
(Nedjmi et Homida 2006 ; Requier-des jardins et al, 2009 ; Daoudi, 2011 ; Senoussi, 2011).
Dans le passé, les steppes étaient caractérisées par l’exploitation collective des ressources
pastorales, leurs disponibilités fourragères sur les parcours et la solidité des structures
sociales ainsi que leur importante faculté à la mobilité (nomadisme et transhumance :
Achaba au nord sur les chaumes l’été et Azaba au sud l’hiver sur parcours) (Bendir et al.
2008 ; Bourbouze, 2006). Les éleveurs se déplaçaient périodiquement en fonction des
impératifs de sécurité, de recherche de l’herbe (et points d’abreuvements) et de l’accès aux
marchés (Abaad et Genin, 2004, Bourbouze, 2006). Ainsi, l’alimentation des animaux était
presque exclusivement basée sur la valorisation des « Unités Fourragères gratuites »
fournies par les steppes naturelles et un peu des vaines pâtures (Rondia, 2006).
Aujourd’hui, la steppe algérienne a complètement changé de "visage". La société pastorale
a connu un affaissement important des solidarités anciennes et une monté en puissance de
l’appropriation individuelle qui affaiblit les pratiques sociales de régulation du territoire
collectif (Benmoussa, 2008). Le pastoralisme fondé sur les mobilités des animaux et des
hommes connait à présent un resserrement de l’espace avec la rupture des
complémentarités inter-régionales associée à une nouvelle mobilité axée sur l’usage des
véhicules (Abaad et Genin, 2004). Le mode d’élevage pastoral est passé à un système
agropastoral avec un développement de l’agriculture intégré au dépend des terres de
parcours et le recours de plus en plus important aux complémentations alimentaires en orge
ou autres concentrés.
Progressivement des terres de parcours deviennent agricoles et les éleveurs, pour la plupart,
sont devenus dépendants du marché pour l’approvisionnement en aliment de bétail.
Soumettant les éleveurs aux variations des prix du marché mondial des céréales et autres
concentrés alimentaires. Cette dépendance est accentuée avec la dégradation massive des
ressources pastorales (Alary et Boutonnet, 2006). En effet, ces parcours sur-sollicités
régressent, tant en surface (progression des terres agricoles en zones pastorales) qu’en
productivité fourragère (Nedjraoui, 2004 ; Hammouda et al. 2013). Les écologues comme les
éleveurs s’accordent pour signaler la baisse de productivité des parcours et la diminution de
leurs surfaces (Saïdi et Gintzburger 2013). Il en résulte actuellement une déconnexion entre
l’espace steppique et l’activité d’élevage. Au point, qu’apparaît un questionnement sur la
place et le rôle qu’ont actuellement les parcours steppique pour l’élevage dans ces régions ?
Le diagnostic apparaît donc sévère : l’élevage ovin - caprin dans les steppes est aujourd’hui
en pleine métamorphose et passe par des formes diverses et variées dont peu semblent
durables. Conscient de cette situation, l’Etat algérien a déployé et déploie encore
d’importants efforts pour sauvegarder la steppe mais les résultats de ces programmes se
soldent souvent par des échecs. Ces derniers sont dus en particulier à la méconnaissance des
pratiques et usages adoptés par les acteurs locaux. Les agents des services de l’Etat ne sont
pas formés à prendre en compte les connaissances locales et la situation socio-économique
des zones pastorales (Medouni et al. 2004).
Cette thèse a pour but d’étudier l’évolution des systèmes d’élevages en steppe algérienne,
de comprendre les stratégies et les pratiques développées (innovantes) ou délaissées en
termes de mobilité pastorale, dans le contexte actuel très perturbant pour le secteur de
l’élevage. L’approche choisie est celle de l’approche systémique et holistique (Landais,
1985 ; Hubert et Girault, 1988 ; Hubert, 1994, 1988 ; Caron, 1998) en ayant recours aux
démarches de Recherches participative (Napoléone et al., 1997 ; Chevalier et al., 2008). Ces
mutations seront étudiées quant à leurs pratiques en tenant compte des perceptions et
stratégies des éleveurs afin d’élaborer des outils d’aide à la décision pour tous les acteurs du
secteur de l’élevage et des usagers de ce territoire, pour une utilisation plus concertée et
durable des espaces steppiques. Pour notre terrain d’étude nous avons choisi la région de
Djelfa, leader de la production ovine en Algérie (Karoun et al. 2006).
Contexte :
Le territoire des steppes algériennes et sa population a connu une évolution rapide
comprenant de nombreux changements perturbants depuis les années 1970-1980. Sur le
plan humain, la population steppique a connu une importante augmentation en passant de
4 million d’habitant (soit 23,4 % de population national) en 1977 à 12 million d’habitant en
2010. Cela se traduit par une densité de population en région steppique de 12 hab/km² à
30 ha/km² entre 1977 et 2010. Un fort accroissement moyen annuel a été enregistré de
1977 à 1987, il avait atteint les 4,1 %. (ONS, 2011). Cette croissance a concerné aussi bien la
population regroupée (en bourg) que la population éparse (Nedjraoui et Bedrani, 2008).
Le cheptel ovin a aussi augmenté de façon considérable, pour répondre à l’explosion de la
demande d’une population en augmentation rapide, pour la consommation courante et
surtout pour la célébration des fêtes familiales et religieuses (Bencherif, 2011). L’effectif
national total était de 6 millions de têtes en 1968, et de 15 en 2006 (Kanoun et al., 2007). La
croissance des troupeaux a entraîné une concurrence accrue entre les éleveurs pour l'usage
des parcours, suscitant une appropriation privative des superficies de plus en plus
importantes par différents moyens et techniques. La loi portant sur "l'accès à la propriété
foncière agricole" de 1983 vient renforcer cette tendance en ouvrant des possibilités
d'investissement sur les terres Arch (tribales) pour les détenteurs de capitaux urbains
totalement étrangers à la steppe (Bourbouze, 2009). Cette politique de libéralisation du
régime foncier en Algérie semble avoir donné lieu à une course pour l'appropriation et
l'exploitation à titre privé des terres sans que des services techniques puissent assurer le
suivi et l'encadrement nécessaire à ce niveau. En conséquence, les ressources naturelles
(nappes et parcours) des zones steppiques et sahariennes semblent faire les frais de cette
course effrénée (Abaad et Genin, 2004, Benmoussa, 2008).
Parmi les plus importantes évolutions qu’a connues la steppe algérienne, la sédentarisation
fut l’une des évolutions majeures ayant de lourdes conséquences. Ce phénomène a
bouleversé l’ordre ancien de l’utilisation des parcours en effaçant les usages traditionnels au
point de changer le mode de vie de l’homme et de l’animal. La sédentarisation, débutée à
l’époque coloniale pour faciliter le contrôle des populations nomades et semi-nomades.
(Qarro, 1996), a surtout connu une accélération avec l'indépendance. Celle-ci est justifiée
par la volonté de l’état indépendant d'obtenir l'adhésion des populations pastorales au
projet de construction de l'unité nationale et à la consolidation de l'autorité de l'Etat
national moderne (Abbad et Genin, 2006).
Ces évènements ont induit des stratégies d’élevage variées dont certains se sont traduits par
de la sédentarisation. Cette forme d’élevage consiste à maintenir le cheptel toute l’année sur
les mêmes parcours, ce qui a tendance à accentuer la dégradation des sols et l’altération de
la végétation pérenne (Nedjraoui et Bedrani, 2008). Que cela soit par les changements de
pratiques dans la conduite des parcours ou par l’augmentation du chargement, dans un
contexte de sécheresses récurrentes. Le couvert végétal a régressé, déjà fortement dans les
années 1970-80, il était passé en moyenne pour l’ensemble des groupements végétaux de
42 % en 1976 à 12 % en 1989 (Aidoud 1991). Les facteurs climatiques viennent aussi aggraver
cette situation. En effet, les sécheresses sont devenues plus fréquentes et extrêmes depuis
les années 1970 (Le Houerou, 2005), et les disponibilités fourragères se sont
considérablement amoindris. A ce sujet, les éleveurs disent que la “steppe est morte” dans
de nombreux endroits, traduisant ainsi une involution floristique des aires de pâturage et
l’apparition d’espèces non appétées (Kanoun et al., 2007). Selon Boutonnet (1989) les
parcours n’assureraient plus que 20 à 40 % des besoins alimentaires des animaux et ces
pâturages qui se raréfient, supportent de moins en moins le cheptel ovin qui y séjourne
(Medouni et al. 2004).
Problématique :
Ces divers facteurs de perturbations des territoires steppiques ont profondément
transformé les anciens modes d’utilisation et de gestion pastorale de l’espace steppique. La
mobilité des troupeaux qui caractérisait ces territoires s’en est retrouvée limitée. Si certaines
catégories d’élevage sont passées à des formes sédentaires de plus en plus dépendantes de
la complémentation pour l’alimentation de leurs animaux ; d’autres élevages, en revanche,
développement de nouvelles formes de mobilités en prospectant de plus en plus les steppes
présahariennes. Les uns cherchent de nouveaux espaces et circuits, tandis que les autres ont
bouleversé leurs systèmes d’alimentation de leurs troupeaux en ayant recours de plus en
plus à de l’aliment concentré produit sur place (orge) ou le plus souvent acheté. Pour les
compléments produits sur place les pasteurs ont dû modifier leur système de production en
associant cultures céréalières et élevage (Bensouiah, 2004). Une part importante des
parcours sont maintenant cultivés en orge et blé dur (Medouni et al., 2004).
Avant les années 1970-80, les élevages sur parcours se partageaient en trois grands types,
traduisant des modes de vie et des systèmes techniques bien différents : l'élevage semi-
nomade, l'élevage transhumant et l'élevage sédentaire (Bourbouze, 2000). Depuis, d'autres
critères doivent enrichir cette typologie succincte, tels que les déplacements horizontaux ou
verticaux, type d'itinéraires, amplitude du mouvement, types d'animaux exploités, place de
l'agriculture, modes de commercialisation, etc… (Bourbouze, 2000).
La question principale de Recherche que cette thèse aura à étudier est la suivante :
Quelles sont les stratégies et pratiques développées en matière de mobilité (courte ou
longue ; éloignée ou proche ; selon différentes fréquences) pour mener et maintenir encore
actuellement des systèmes d’élevage actuels viables et durable dont l’alimentation reste
principalement basé sur la pâture ?
Terrain et méthode :
Pour notre région d’étude nous avons choisi de travailler sur la région de Djelfa, leader de la
production ovine par excellence en Algérie. En 2002, cette zone regroupait à elle seule
2.002.264 têtes, soit 13,42 % du cheptel steppique total algérien estimé à 15 millions de
têtes. Au total, l’effectif national est de 18,21 millions d’ovins (HCDS, 2002). Au niveau
National cette région est réputée pour être une grande région de production de viande
rouge (Karoun et al. 2006). Elle possède le plus gros marché à bestiaux du pays où se
rencontrent les offreurs et les demandeurs (Atchemdi, 2008). La Production ovine est une
composante indissociable de l’espace steppique de Djelfa. Cette région a connu comme tout
l’ensemble du territoire steppique algérien d’importants changements induisant
d’importantes mutations sur le plan des conduites d’élevages au cours des dernières
décennies.
Pour ce qui est de la méthode de travail, il s’agira en premier lieu d’effectuer des enquêtes
auprès d’une centaine d’éleveurs afin de caractériser les types, les modes et pratiques
d’élevages, les formes de mobilité ainsi que les niveaux de production de chacun afin de
modéliser les principales stratégies de conduites d’élevage dans la région (Hubert, 1994).
Parmi un échantillon de 10 à 15 éleveurs représentant les principaux types retenus, il sera
procédé à des suivis pendant une période d’une année au minimum sur l’utilisation des
différents parcours au cours de l’année avec un regard sur la production des élevages
(Landais et Balent, 1993). Des ateliers de modélisation par réflexions participatives (IAV,
2003) sur la flexibilité spatiale et les modalités d’évolutions permettront de tenir compte de
la perception des éleveurs ainsi que des autres acteurs du secteur de l’élevage pour
apprécier les actuelles règles d’usages en matière de droits d’accès aux parcours. Des
travaux d’accompagnement cartographique sont également envisagés.
Résultats attendus :
Les principaux résultats attendus à travers cette recherche sont les suivants :
- identification les pratiques actuelles de conduite d’élevage (Type de gardiennage et de
conduite, type de berger, déplacement dans le temps, organisation des troupeaux/lots,
systèmes d’alimentation et d’abreuvement) pratiqués dans notre région d’étude,
- Modélisation des pratiques de systèmes d’élevages et de l’utilisation des terres de
parcours (représentations spatio-temporelles),
- Modélisation des flux des charges animal sur les terres de parcours en fonction des
types de pâturage et leur impact selon les types de parcours,
- Modélisation du fonctionnement et diversité des systèmes d’élevages ,
- Reconstitution des trajectoires d’évolution d’élevages selon les principales variations de
conjonctures.
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