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Conception et évaluation de systèmes d’élevage durables

en régions chaudes
Benoit Dedieu, Joël Aubin, Guillaume Duteurtre, Gisèle Alexandre, Jonathan
Vayssieres, Pierre Bommel, Bernard Faye, Maurice Mahieu, Audrey Fanchone,
Alexandre Ickowicz

To cite this version:


Benoit Dedieu, Joël Aubin, Guillaume Duteurtre, Gisèle Alexandre, Jonathan Vayssieres, et al.. Con-
ception et évaluation de systèmes d’élevage durables en régions chaudes. INRA Productions Animales,
2011, 24 (1), pp.113-128. �hal-01189570�

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INRA Prod. Anim.,
2011, 24 (1), 113-128 Conception et évaluation
de systèmes d'élevage durables
en régions chaudes
B. DEDIEU1,2,3,4, J. AUBIN5,6, G. DUTEURTRE7,8,9, G. ALEXANDRE10, J. VAYSSIERES7,8,9,
P. BOMMEL11, B. FAYE7,8,9
Avec la collaboration de M. MAHIEU , A. FANCHONE , J.-F. TOURRAND10, A. ICKOWICZ7,8,9
10 10
1 INRA, UMR1273 Mutations des Activités, des Espaces et des Formes d'Organisation dans les Territoires Ruraux,
F-63122 Saint-Genès-Champanelle, France
2 AgroParisTech, Mutations des Activités, des Espaces et des Formes d'Organisation dans les Territoires Ruraux,
16 rue Claude Bernard, F-75231 Paris, France
3 CEMAGREF, Mutations des Activités, des Espaces et des Formes d'Organisation dans les Territoires Ruraux,
24 avenue des Landais, F-63172 Aubière, France
4 VetAgroSup, Mutations des Activités, des Espaces et des Formes d'Organisation dans les Territoires Ruraux,
Site de Marmilhat, F-63370 Lempdes, France
5 INRA, UMR1069 Sol Agro et hydrosystème Spatialisation, F-35042 Rennes, France
6 Agrocampus-Ouest, Sol Agro et hydrosystème Spatialisation, F-35042 Rennes, France
7 INRA, UMR0868 Systèmes d'Elevage Méditerranéens et Tropicaux, 2 place Viala, F-34060 Montpellier, France
8 CIRAD, Systèmes d'Elevage Méditerranéens et Tropicaux, Campus International de Baillarguet,
F-34398 Montpellier, France
9 Supagro, Systèmes d'Elevage Méditerranéens et Tropicaux, 2 place Viala, F-34060 Montpellier, France
10 INRA, UR0143 Unité de Recherches Zootechniques, Domaine Duclos Prise d'eau,
F- 97170 Petit-Bourg, Guadeloupe
11 CIRAD, UR GREEN, Campus international de Baillarguet, F-34398 Montpellier, France

Courriel : benoit.dedieu@clermont.inra.fr

Les enjeux liés au changement climatique et à la sécurité alimentaire confortent la nécessité de


mettre au point des démarches de conception/évaluation de systèmes durables, qu’il s’agisse
d’améliorer les situations existantes ou d’imaginer de nouvelles voies de développement. En
régions chaudes, l’élevage remplit aussi des fonctions non productives et doit s’adapter aux
aléas et incertitudes.

L’élevage est au cœur des débats sur familles (nucléaires ou élargies), inter- tions, dans un contexte d’urbanisation
la capacité de l’agriculture à répondre venant fortement dans leur rapport à forte, tout en limitant les impacts néga-
aux défis globaux de l’alimentation, de l’environnement, dans leurs capacités tifs sur l’environnement, notamment la
la limitation des gaz à effet de serre d’adaptation, dans l’organisation socia- destruction des forêts tropicales, la fra-
(GES) et de la consommation d’énergie le locale, et dans les mécanismes d’ac- gilisation des biomes sensibles, l’assè-
fossile et enfin de la préservation de la cumulation (Dedieu et al 2008b, chement des ressources en eau, ainsi
biodiversité (Steinfeld et al 2006, Duteurtre et Faye 2009). que l’excès de rejets de nutriments dans
Coulon et Lecomte 2009). Mais l’éleva- des zones à fortes concentrations d’éle-
ge est aussi un acteur essentiel du déve- Les régions chaudes méritent en soi vage (feedlots, élevages industriels de
loppement de nombreux territoires l’attention de la recherche, compte tenu volailles ou de porcs). L’enjeu alimen-
ruraux (Manoli et al 2010), parce qu’il de la spécificité des situations rencon- taire ne porte pas uniquement sur l’ac-
conditionne l’utilisation des espaces trées et ce d’autant plus qu’elles cor- croissement de la fourniture en protéi-
agricoles et les paysages, mais aussi respondent pour l’essentiel à des pays nes animales, mais aussi sur certains
parce qu’il marque les cultures humai- en voie de développement ou émergents produits animaux spécifiques. L’élé-
nes, les dynamiques économiques et ainsi qu’à des territoires «périphé- vation du niveau de vie est un facteur de
sociales par les multiples fonctions riques» de pays développés. Les ques- changement des habitudes alimentaires
(productives ou non) qu’il remplit tions de sécurité alimentaire y sont et avec un déplacement de la consomma-
auprès des sociétés rurales (Kruska et al seront particulièrement aiguës dans les tion vers certains produits animaux à
2003, Gibon et Ickowicz 2010). Enfin, années à venir (INRA-CIRAD 2009). forte charge symbolique (mode alimen-
l’élevage est une activité humaine, qui Les pressions s’accroissent sur la capa- taire plus occidental) ou culturelle (fêtes
demeure dans la très grande majorité cité des sociétés rurales à fournir des religieuses). Ainsi au Vietnam, la
des cas liée aux trajectoires de vie des produits alimentaires pour les popula- consommation de lait par habitant

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augmente rapidement de façon corrélée générale sur les démarches de 1.1 / Multifonctionnalité de
au PIB/habitant (Suzuki et al 2006). conception/évaluation et les questions l’élevage en régions chaudes
Enfin, les modèles climatiques laissent que posent l’application de ces démar-
augurer, d’ici la fin du siècle, une dimi- ches dans les régions chaudes. Dans une La gestion des risques divers et fré-
nution de la pluviométrie dans les troisième partie, nous illustrons des quents auxquels sont soumises les
régions déjà semi-arides ou à climat démarches de conception à partir sociétés rurales dans les régions chau-
méditerranéen (Sciortino 2010). Dans d’exemples issus de travaux récents s’ap- des qui hébergent la plupart des pays
cette perspective, l’élevage en régions puyant sur le développement de modèles les moins avancés, s’appuie en grande
chaudes sera sans doute particulièrement de systèmes d’élevage. Dans une derniè- partie sur l’élevage, faute de disposer
affecté par le changement climatique. re partie, nous mettons en perspective les de services, d’assurances ou d’appuis
Tous ces éléments militent pour une points essentiels pour le développement institutionnels suffisants. L’activité
réflexion de fond sur les modèles d’éle- de démarche de conception/évaluation d’élevage joue ainsi un rôle majeur de
vage, sur la conception de systèmes de systèmes en référence à la durabilité. sécurisation des familles, rôle d’épar-
durables, à la fois pour les agriculteurs, gne, d’assurance sociale, de capital
leurs familles et les sociétés rurales, mais 1 / Spécificités et diversité mobilisable tant sur le plan social
aussi en termes de contribution au déve-
loppement des territoires du Sud. Enfin, des systèmes d'élevage en qu’économique, en même temps qu’il
est pourvoyeur de produits et gestion-
parce qu’elles témoignent de contextes régions chaudes naire d’un milieu incertain et variable
exacerbés vis-à-vis de conditions d’éle-
vage européen, les régions chaudes peu- (Ancey et al 2009). Par ailleurs, dans
vent également nous aider à repenser nos L’élevage en régions tropicales et les régions chaudes, les populations
façons d’analyser et de concevoir des méditerranéennes présente plusieurs sont beaucoup plus nombreuses à
systèmes d’avenir. La phase d’incertitu- spécificités. La plus évidente renvoie à conserver un mode de vie rural que
de politique (réforme de la PAC), d’ins- la nature des contraintes écologiques dans les pays tempérés plus dévelop-
tabilité des prix et des marchés, et de plus qui s’exercent sur ces systèmes. Ainsi, pés. Or, l’élevage qui constitue à la fois
grande fréquence d’évènements clima- les espèces élevées et les conduites un des piliers des économies pastorales
tiques extrêmes, dans laquelle est entré d’élevage constituent des adaptations à et agropastorales, est aussi un élément
l’élevage européen, n’est que le reflet des conditions climatiques et pastora- central des trajectoires d’accumulation,
modéré des conditions incertaines aux- les caractérisées comme «difficiles», de diversification et d’intensification
quelles bon nombre d’éleveurs du Sud qu’il s’agisse de milieu équatoriaux à des systèmes agricoles (Duteurtre et
ont l’habitude de faire face. forte pression sanitaire, de zones Faye 2009). Du coup, ces systèmes
sèches à forte contrainte hydrique, ou d’élevage intègrent d’importants
Nous proposons dans cet article de dis- de zones marquées par des fortes irré- enjeux économiques et sociaux, au-
cuter des démarches de conception et gularités climatiques saisonnières. delà même de ce qui a trait direc-
d’évaluation de systèmes d’élevage tement à la production animale.
durables en régions chaudes, en nous Mais les facteurs écologiques ne sont L’animal, en tant que capital familial,
appuyant sur des travaux réalisés par pas les seuls à prendre en compte : il mais aussi comme source d’épargne,
l’INRA et le CIRAD. La conception de faut aussi considérer les fonctions mul- de revenus, et comme facteur de
systèmes d’élevage durables intègre peu tiples des animaux au sein des sociétés production (animale, de travail, de
ou prou les enjeux généraux présentés ci- d’éleveurs. L’élevage joue un rôle fumure) constitue ainsi un bien pré-
dessus dans des domaines d’application majeur, bien au-delà de sa fonction de cieux, plus précieux souvent que dans
qui prennent en compte les spécificités production de biens, dans des sociétés les contextes intensifs des pays tem-
de systèmes d’élevage locaux. Nous ver- rurales souvent vulnérables, sans filet pérés (voir dans ce même numéro
rons dans la première partie du texte de sécurité. Celles-ci doivent en effet Alary et al 2011).
quels peuvent être les points remarqua- faire face à différents types de risques
bles et les éléments de diversité des sys- et d’incertitudes, de nature climatique Ces caractéristiques générales mas-
tèmes d’élevage des régions chaudes. La mais aussi sanitaire, politique et mar- quent une diversité des situations, à
conception peut être «réglée», c'est-à- chande (Duteurtre et Faye 2009). La l’échelle des grandes régions tropicales
dire qu’elle vise l’amélioration de situa- multifonctionnalité de l’élevage est et méditerranéennes, mais aussi au
tions existantes en vue de satisfaire de ainsi une première caractéristique niveau plus local. Par exemple, Alary
nouveaux objectifs, ou «innovante» essentielle des systèmes des régions et al (2007) différencient ainsi plu-
lorsqu’elle vise des situations nouvelles chaudes, et l’appréciation des fonc- sieurs types d’éleveurs laitiers dans le
vers lesquelles on veut tendre, mais avec tions dominantes constitue une clé de bassin de Mbarara (Ouganda) selon les
des objectifs plus flous, des cadres d’ana- différenciation des systèmes. Nous y fonctions de l’élevage et les stratégies
lyse plus incertains et des connaissances revenons dans la section 1.1. En commerciales associées (encadré 1).
disponibles plus rares (Meynard et al second lieu, les modes d’élevage sont D’autres critères de différenciation ont
2006). L’évaluation participe au proces- très dépendants de la disponibilité des été mis en évidence dans les élevages
sus de conception en fixant des repères à ressources alimentaires. La mobilité Antillais tant porcins que de ruminants
atteindre ou en balisant une direction à est un des leviers de la flexibilité vis-à- (Zebus et al 2005, Diman et al 2006,
suivre. La définition des principes, critè- vis des aléas climatiques et de disponi- Alexandre et al 2008). L’opposition
res et indicateurs d’évaluation de la dura- bilité alimentaire (Noziere et al 2011), entre la filière patrimoniale et la filière
bilité fait appel à une expertise globale mais l’association culture-élevage productiviste structure ainsi la repré-
scientifique (élevage et GES par exem- pourvoie également à l’alimentation sentation de la diversité des systèmes
ple), mais aussi à des débats locaux entre des troupeaux. Il tend aussi à se rap- en Guadeloupe. On différencie ainsi un
acteurs des territoires (ce qu’ils attendent procher des bassins de consommation élevage à fonction sociale (d’emploi de
de l’élevage dans l’avenir, Rey-Valette et contribuant au fort développement main-d’œuvre dans un département à
al 2008) et avec les éleveurs (comment d’un élevage périurbain (Guerin et chômage endémique) ou de valorisa-
améliorer le fonctionnement de leurs Faye 1999). Ce rapport aux ressources tion des sous-produits et de production
exploitations, relativement à leurs constitue une autre clé de différencia- de fumier, d’un élevage construit sur le
attentes). La deuxième partie du texte tion des systèmes techniques que nous modèle européen visant une producti-
propose quelques éléments de réflexion présentons dans la section 1.2. vité élevée.

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bien entendu une variété importante de


Encadré 1. Diversité des stratégies d'élevage bovin laitier dans le bassin de possibilités.
Mbarara (Alary et al 2007).
1) Une stratégie de sécurisation pour laquelle la fonction sociale de l'élevage est prépondé- 1.3 / Conclusion
rante sur sa fonction économique. Les producteurs privilégient la sécurisation de leur sys-
tème de production avant la «rentabilité» économique. On voit bien que les systèmes d’éle-
2) Une stratégie de vente opportuniste des surplus des produits de l'élevage en particulier vage de régions chaudes présentent une
le lait. diversité de caractéristiques qui n’a pas
3) Une stratégie d'épargne lorsque l'élevage est une forme d'investissement servant de seulement trait aux orientations de la
tremplin pour d'autres activités ou pour disposer d'un capital facilement mobilisable à court production animale et au degré d’inten-
ou moyen terme. sification comme en Europe mais aussi
4) Une stratégie de diversification qui se distingue de la précédente par la volonté de tirer plus en amont, aux fonctions même de
parti de toutes les activités agricoles et d'élevage de l'exploitation, instaurant un équilibre l’élevage pour la sécurisation de la
entre les différentes sources de revenus. famille vis-à-vis d’aléas de toute nature
5) Une stratégie d'investissement qui souvent n'est pas l'œuvre de paysans, mais plutôt de et au rapport aux ressources, en lien
commerçants ou de fonctionnaires soucieux d'accroître leurs revenus. avec la localisation (élevage rural et
6) Une stratégie entrepreneuriale, principalement le fait d'éleveurs ayant une vision «tech- périurbain) et la mobilité. Les questions
niciste», ou bien de grandes firmes agroalimentaires. de durabilité à l’échelle de l’exploita-
tion ne sauraient donc se limiter à la
recherche de nouveaux équilibres entre
production/productivités animales et
1.2 / Des modes d’élevage diffé- de, ou encore le choix des génotypes préservation de l’environnement en
renciés selon les ressources et la dans une même filière. L’association explorant de nouvelles pratiques. Elles
localisation (rural/périurbain) agriculture-élevage en régions chaudes nécessitent d’affronter i) la complexité
peut prendre deux formes : celle de l’in- des liens famille-activité d’élevage, ii)
Sur le plan fonctionnel, et pour répon- tégration, mais qui s’appuie sur une
dre aux contraintes ou opportunités le rapport qu’ont les éleveurs aux aléas
synergie permanente entre l’élevage et à l’incertitude (climatique, politique
climatiques, géographiques, sociales et (transfert de fertilité, traction attelée) et
économiques, les éleveurs adoptent des et de marché) qui pèsent tant sur l’acti-
l’agriculture (sous-produits agricoles vité d’élevage, que sur les cycles de vie
modes d’élevage, de gestion de l’espace pour l’alimentation), et celle de la coha-
et des ressources, qui s’adaptent à diffé- des familles (Dedieu et Ingrand 2010),
bitation, compatible avec la mobilité iii) l’insertion de l’élevage dans les
rents types de milieu (agro-écologique des troupeaux. Les activités agricoles
et climatique ainsi que rural/périurbain) dynamiques territoriales notamment
conjointes peuvent être le fait d’éle- démographiques et foncières (Ickowicz
et d’association avec d’autres activités. veurs mobiles ou non et dès lors débou-
Ainsi, la littérature décline plusieurs et al 2010).
cher sur des cohabitations provisoires/
clés d’entrée pour décrire la diversité éphémères ou plus ou moins pérennes
technique des systèmes existants : entre l’élevage et la production agricole 2 / Concevoir et évaluer
1. Le milieu (dans ses dimensions cli- vivrière ou de rente ; des systèmes d'élevage : élé-
matiques et spatiales) conduit à orienter 4. Le mode de conduite du troupeau
le type de production. Ainsi le degré (la divagation ou non des animaux, l’at- ments généraux
d’aridité du milieu délimite la capacité de tache des animaux sur parcours ou sur
charge (systèmes plus ou moins exten- des espaces marginaux, les pratiques
sifs). De même, la proximité urbaine Béguin (2007) analyse l’activité (le
d’allotement ou de complémentation, le processus) de conception de systèmes
module les systèmes d’élevage en fonc- confiage...). Les ressources destinées à
tion de l’accès aux marchés, aux services innovants selon 3 questions : i) qu’est
l’alimentation des animaux, selon qu’el- ce qui est cristallisé dans la conception ?
et surtout en fonction de l’accès au fon- les sont naturelles, cultivées sur l’ex-
cier ; ce dernier point prend une impor- (quelles connaissances scientifiques ou
ploitation ou achetées, déterminent le empiriques sont formalisées ? quel est
tance accrue dans le cas des petites éco- degré de dépendance vis-à-vis du mar-
nomies insulaires à forte pression le statut de l’évaluation, des critères et
ché. C’est aussi le cas pour le choix des indicateurs ?) ; ii) y a-t-il une plasticité
démographique comme dans les DOM génotypes qui renvoie à un schéma
français ; dans la conception ? (plusieurs options
endogène (adapté et intégré) ou exogè- de mise en œuvre sont-elles possi-
2. La mobilité : la capacité qu’ont les ne (externalisé et très soutenu, dans les bles ?) ; iii) comment s’opère le déve-
éleveurs de répondre aux aléas clima- DOM ou à l’occasion de plans de déve- loppement de l’innovation, c'est-à-dire
tiques par la mobilité du cheptel est un loppement comme le très récent plan les échanges, les apprentissages mutuels
facteur-clé de la distinction entre les d’infusion de sang laitier européen dans entre concepteurs et utilisateurs au
modèles nomades/transhumants et les les cheptels du Sénégal). cours du processus ?
modèles sédentaires et représente sans
doute le paramètre le plus discriminant. Ces critères peuvent être hiérarchi- L’interaction entre l’activité humaine
La régularité des déplacements (aléatoires sés dans une perspective de construc- et les processus biotechniques de mobi-
ou pendulaires) est un facteur permettant tion des «grands» systèmes d’élevage lisation de ressources et d’élaboration
de discriminer les systèmes entièrement présents dans les pays tropicaux de la production animale est caractéris-
contraints par les aléas climatiques, et comme dans la figure 1. Cette classifi- tique du «système d’élevage» (Gibon et
ceux soumis à une différenciation spatiale cation basée sur la mobilité, la diversi- al 1999, Dedieu et al 2008a). Pour abor-
et négociée sur le plan du foncier (modèle té des activités, les sources d’aliments der la question de la cristallisation au
nomade vs modèle transhumant) ; et le milieu reprend les principaux cri- cours du processus de conception, il
3. Le degré de spécialisation de l’ac- tères de la classification mondiale des convient d’abord de comprendre et
tivité (principalement abordé au regard systèmes d’élevage (Sere et Steinfeld de formaliser le fonctionnement du sys-
de l’association cultures-élevages) et le 1996) pour mettre en relief les spécifi- tème, c’est-à-dire de considérer les fina-
degré de spécialisation du troupeau qui cités des élevages en régions chaudes. lités des éleveurs et leurs logiques
reflètent le type de spéculation prédo- Au total, on obtient une dizaine de d’action (nous y revenons dans la
minant, en particulier le lait ou la vian- grands systèmes dont chacun recouvre section 2.1), et de caractériser les

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Figure 1. Construction hiérarchisée des grands systèmes d’élevage dans les pays al 2010). Les recherches en zootechnie
tropicaux à partir de 9 critères discriminants. des systèmes d’élevage en régions
chaudes ont abordé les individus et les
groupes humains en priorité à travers
leurs activités d’élevage des animaux,
c’est-à-dire en étudiant les systèmes bio-
techniques d’élaboration des productions
animales (Dedieu et al 2008a). Ces
approches ont privilégié l’analyse des
pratiques des éleveurs et des performan-
ces de l’élevage (Thewis et al 2005). De
tels travaux ont abouti à souligner l’im-
portance des contraintes environnemen-
tales, économiques, et sociales qui carac-
térisent les systèmes d’élevage en
régions chaudes (Lhoste 2002).

Aujourd’hui, les apports croisés de


ces deux courants permettent d’offrir
une vision relativement nouvelle des
systèmes d’élevage tropicaux et médi-
terranéens : ils apparaissent influencés
localement à la fois par leur histoire
socioculturelle, par les changements
environnementaux et les crises sanitai-
res, par les mutations des marchés, par
les réseaux locaux d’acteurs des territoi-
Description de quelques systèmes
res, et par des recompositions sociales
– Systèmes pastoraux : il convient par exemple de distinguer les systèmes transhumants à et politiques plus globales. Dans ce
troupeaux plurispécifiques ou monospécifiques, mobiles par réaction au climat et/ou à objectif cadre, les stratégies des éleveurs et les
de commercialisation de la zone sahélienne (Diop et al 2003), des systèmes s’appuyant sur
une différenciation spatiale du troupeau (Ingrand et Faye 2004), la partie productive (animaux modalités de gestion du troupeau sont
laitiers) étant sédentarisée autour des villes, la partie non-productive demeurant en zone pas- enchâssées dans des systèmes socio-
torale, comme c’est le cas des systèmes camelins en Mauritanie (Faye et al 2003) ou des sys- techniques relativement complexes
tèmes bovins au Niger ; (Lemery 2003). La caractérisation des
– Systèmes laitiers : il existe un fort gradient d’intensification entre des systèmes basés sur des finalités de l’élevage et des logiques
parcours avec des races locales et des systèmes en zones climatiquement plus favorables d’action des éleveurs s’avère donc déli-
(zones d’altitude), où l’adaptation des races exotiques est parfaitement possible, comme on cate. Elle mérite en soi des investiga-
peut l’observer en Ouganda ou au Vietnam (Grimaud et al 2007, Hostiou et al 2010) ; tions spécifiques.
– Systèmes hors-sol : souvent spécialisés, de petite taille et généralement monospécifiques
(porcs, volailles, ruminants laitiers), les systèmes hors-sol peuvent avoir des degrés d’intégra- Une posture négligeant l’analyse fine
tion avec les firmes d’aliments du bétail fort variables. A titre d’exemple, les systèmes bovins des logiques d’actions prendrait le
laitiers de la région de Ba-Vi au Vietnam sont liés par contrat aux laiteries privées ou publiques. risque de considérer les éleveurs du Sud
Ces systèmes sont comme dans le cas de l’élevage porcin aux Antilles (Zebus et al 2004, en référence au seul modèle européen
2005) de pâles représentations d’un modèle exogène suggéré comme fer de lance d’un déve- ou en référence à l’agent rationnel de la
loppement mais souvent voués à l’échec quand ils ne bénéficient pas de forts soutiens institu-
tionnels et de subventions. théorie économique standard. La
famille agricole évoluerait dans un
environnement social et politique rédui-
fonctionnements biotechniques. Sur ce L’analyse des sociétés au sein des- sant les incertitudes radicales, ou offrant
dernier volet, nous invitons le lecteur à quelles est pratiqué l’élevage d’ani- des assurances et des garanties en cas de
se reporter aux publications d’Archi- maux domestiques dans ses différentes coup dur ; l’éleveur serait le chef d’une
mède et al (2011) et Mandonnet et al formes, a permis de mettre en évidence entreprise aux contours précis ; l’atelier
(2011) dans ce numéro spécial. Mais il la grande diversité des communautés d’élevage serait une activité réduite à la
s’agit également de considérer les critè- pratiquant l’élevage. Les chercheurs en seule fonction de production ; enfin, les
res et indicateurs d’évaluation : nous en sciences sociales ont souligné la diffi- pratiques et les décisions des éleveurs
discutons dans la section 2.2. Enfin culté de réduire le rôle des familles à seraient exclusivement orientées vers la
nous reviendrons sur les questions que celui d’«éleveurs» au sens strict. Dans maximisation du profit. Sans évacuer
posent la plasticité et le développement cette optique, le pastoralisme transhu- l’idée que ce type de situation puisse
de l’innovation dans la section 2.3. mant ou nomade, l’agro-pastoralisme, exister dans les régions chaudes, l’enca-
l’agriculture paysanne ou d’autres for- dré 2 montre, au travers d’une double
2.1 / Prendre en compte les mes d’élevage ont été analysés non pas approche sociologique et zootechnique
logiques d’action des éleveurs comme des activités uniquement pro- réalisée dans les systèmes pastoraux du
ductives, mais plutôt comme des Sahel, combien la réalité est certaine-
La connaissance des logiques «modes de production» ou des «systè- ment à la fois plus complexe et plus
d’action des éleveurs de régions chau- mes de vie». Ces études ont souligné les diverse. Notamment, le terme «d’éle-
des a bénéficié de deux dynamiques de cohérences intimes qui existent entre veur» apparaît parfois insuffisant pour
recherche principales : un courant en rationalités individuelles, choix tech- rendre compte des identités des popula-
socio-anthropologie portant sur l’analy- niques, pressions foncières et environ- tions impliquées, de leurs systèmes de
se des sociétés agricoles et pastorales nementales, organisation sociale et rap- pensée et d’activités, et de leur relation
et un courant hérité de l’agronomie et de ports marchands (Bonfiglioli 1984, avec le reste de la société (Wane et al
la zootechnie orienté sur l’étude des Blanc-Parmard et Boutrais 1994, 2010). Il s’agit donc d’être prudent dans
systèmes d’élevage. Scoones 1999, Ancey et al 2007, Bah et l’utilisation des concepts et de la

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dominant) comme l’expression d’un


Encadré 2. Les logiques de gestion de troupeaux dans les systèmes pastoraux retard de technicité et non comme l’ex-
sahéliens (d'après Ancey et al 2007). pression de fonctions différentes de
Dans un milieu aussi marqué par les aléas que le Sahel, la sécurisation des systèmes pas- l’élevage (Zebus et al 2005, Diman et al
toraux passe à la fois par l'entretien de la solidarité familiale ainsi que par une gestion adap- 2006). De ce fait, les systèmes paysans,
tative de l'activité d'élevage. Le troupeau est alors au centre de l'un et de l'autre. Sa com- quoique majoritairement représentés, se
position, notamment l'organisation des filiations entre générations animales reflète les dons, trouvent être marginalisés dans les dis-
des prêts, des alliances au sein de familles élargies et au-delà, le rôle patrimonial essentiel cours sur le développement de l’éleva-
sur lequel se fonde la solidarité familiale. La gestion rend compte de la façon dont le chef
et différents membres de la famille élargie prennent les décisions de réforme ou de vente,
ge, alors même qu’ils sont source d’in-
ainsi que d'alimentation (mobilité, complémentation). A partir d'une étude combinant un novations, réduisent la vulnérabilité des
regard zootechnique (notation de l'état corporel des vaches au sortir de la saison sèche, familles, ou contribuent à des associa-
conduite du troupeau) et sociologique (analyse des relations et représentations sociales), tions durables entre activités agricoles
trois types de gestion ont ainsi été identifiées : (Herero et al 2007, Steinfeld et al
1) La gestion centralisée, qui est le fait d'un chef de famille porteur d'une vision globale du 2010).
troupeau. Cette vision globale est utile pour décider quelles vaches doivent cesser d'être
traites de façon à préserver à la fois les animaux et la satisfaction des besoins familiaux. Pour sortir de ces discours négatifs
Les vaches sont en bon état corporel. vis à vis des «performances» des systè-
2) La gestion est collective et réalisée par plusieurs frères habitant le même campement. mes d’élevage locaux, il convient alors
Ces frères ont une certaine autonomie dans la décision, par exemple dans la décision d'ar- d’analyser les combinaisons techniques
rêt de traite. La multiplication des centres de décision implique une exploitation plus inten- et organisationnelles des systèmes
sive des animaux, sans la vision globale qui caractérise le style de gestion précédent. Les d’élevage tropicaux comme des réponses
vaches sont plus maigres que précédemment
à des environnements risqués, et en
3) La gestion est disjointe : le chef de famille a une activité extérieure et délègue la gestion référence à une activité de nature multi-
quotidienne, en se réservant l'autorité des décisions de vente. Les revenus extérieurs per- fonctionnelle, tant à l’échelle de l'ex-
mettent ces achats et autorisent une mobilité plus réduite. Les bêtes sont également en bon
état, via la pratique d'une complémentation en fin de saison sèche.
ploitation que du territoire (Dedieu et al
2008b, Duteurtre et Faye 2009, Alary et
al 2011). De tels indicateurs d’évalua-
nomenclature zootechnique et écono- résultats quels que soient les contextes tion restent cependant largement à cons-
mique usuelle, pour être capable de et une définition claire et partagée de truire dans chaque contexte, pour tenir
concevoir des systèmes innovants adap- leur contenu. Dans le domaine de l’agri- compte des spécificités locales et des
tés aux réalités locales. culture, ces approches ont conduit au priorités de développement. Les indica-
développement de systèmes d’indica- teurs zootechniques et économiques
teurs de performances ouvrant sur des classiques doivent ainsi être complétés
2.2 / Les objectifs et les outils de par des indicateurs environnementaux,
démarches de certification, ou d’analyse
l’évaluation des systèmes des systèmes, voire d’auto-analyse culturels et sociaux.
La question de l’évaluation des systè- comme c’est le cas dans la méthode
mes est une question complexe qui met IDEA (Vilain et al 2003). Les approches b) Les analyses environnementales
en jeu les finalités (qui débat de son standardisées d’évaluation des systèmes La recherche a développé un certain
champ et de son objectif), les indica- sont donc largement répandues et ont nombre de propositions pour l’évalua-
teurs et critères (quelles variables mobi- donc été appliquées de façon plus ou tion des impacts environnementaux des
liser, construire) et les démarches moins complète aux systèmes d’élevage systèmes, qui s’appliquent aux systèmes
d’agrégation ou d’intégration des critè- en régions chaudes. indépendamment de leur localisation.
res à l’échelle des systèmes. Nous sou- Dans ce domaine des analyses environ-
haitons ici illustrer trois domaines diffé- a) Les performances technico-écono- nementales normatives, l’Analyse du
rents de réflexion sur l’évaluation des miques des systèmes Cycle de Vie (ISO 14040, ISO 1442) est
systèmes d’élevage en régions chau- Compte tenu des caractéristiques de un bon exemple de méthode qui suscite
des : l'un porte sur les performances l’élevage en régions chaudes, briève- des attentes importantes pour la caracté-
technico-économiques des systèmes, ment résumées ci-dessus, ce sont moins risation des systèmes d’élevage et de
l'autre sur l'analyse environnementale, les performances techniques et écono- son utilisation potentielle en certifica-
enfin le dernier sur le domaine des pro- miques des ateliers d’élevage qu’il faut tion ou en éco-conception (Mungkung
cessus de production. Ces exemples discuter (les performances apparaissent et al 2006). Son approche holistique
montrent aussi la grande sensibilité des souvent assez éloignées des référentiels quantifie les impacts environnementaux
méthodologies à leur finalité (commer- des zones tempérées) que la nature des d’un produit ou d’un service tout au
ciale, développement). référentiels de performances qui n’ont long de son cycle de vie «du berceau à
souvent pas de sens vis-à-vis des réali- la tombe» (Guinée et al 2002) en pre-
Il existe maintenant, un grand nombre tés locales. La définition des critères nant en compte toutes les consomma-
de méthodes et de cadres d’analyse du d’évaluation technico-économique d’un tions de ressources et les émissions de
développement durable que l’on peut atelier d’élevage se réfère le plus sou- polluants. En pratique, un certain nom-
juger comme normatifs car reconnus vent à la fonction de production de l’ac- bre de contraintes méthodologiques et
par les institutions et souvent appliqués tivité d’élevage et à la finalité de revenu la nécessité d’alimenter l’analyse avec
de façon standardisée sur les objets et de la famille au détriment des autres des données quantitatives fiables sont
systèmes qu’ils sont censés évaluer. On fonctions et finalités. Or, dans certaines des freins à sa généralisation, notam-
peut par exemple citer le Global régions, les schémas de développement ment dans les pays du Sud. Les pre-
Reporting Initiative, les indicateurs de proposés par les autorités publiques miers essais d’application se sont portés
l’OCDE, certaines méthodes bénéfi- s’appuient sur cette grille d’analyse et sur les filières organisées dans les pays
ciant de normes ISO (voir norme déve- considèrent les faibles résultats de cer- émergents comme sur les filières «porc»
loppement durable ISO 26000 en prépa- tains systèmes «paysans» ou «tradition- et «volaille» au Brésil (Spies 2003).
ration…). La normalisation de ces nels» (comparativement à des unités de Cette méthode appliquée sur des petites
modes d’évaluation garantit la répétabi- production qualifiées de «profession- exploitations utilise des indicateurs
lité des mesures, une comparabilité des nelles modernes» relevant d’un modèle normatifs (changement climatique,

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118 / B. DEDIEU et al

acidification, eutrophisation, utilisation aspects environnementaux ou sociaux. original que sur les apprentissages
d’énergie, écotoxicité…) qui traduisent Ces approches sont basées sur un cahier (Berkes et Turner 2006) permettant
un effet potentiel sur l’environnement. des charges, sous forme de check-lists d’engager l’évolution du système vers
Elle permet de mettre en évidence des d’indicateurs, associé à des systèmes une nouvelle direction, de nouvelles
éléments de risque de pollution et met d’audits. Les indicateurs pris en compte façons de faire. On sait d’expérience en
en regard le niveau des impacts avec la portent notamment sur les systèmes de France qu’un processus de modernisa-
productivité des systèmes, la capacité à traçabilité au sein de l’élevage mais tion à modèle unique tel que celui de
valoriser les intrants et les logiques aussi sur la notion de «rejets, gestion l’intensification des trente glorieuses
d’approvisionnement. De ce fait, elle des pollutions, recyclage» ou «santé, contient un fort pouvoir d’exclusion
pourrait permettre l’amélioration des sécurité, bien-être des travailleurs». En (tous n’y accèdent pas et ne peuvent pas
systèmes et proposer des politiques de pratique, même si ces organes de certi- bénéficier des mesures d’accompagne-
développement plus adaptées. fication s’en défendent, ce type d’ap- ment). Si cette exclusion a pu être
proches s’adresse aux industriels de la absorbée par l’emploi industriel et de
Le développement de méthodes production animale, à des filières très services dans notre pays, la situation a
d’analyse des empreintes carbone (qui organisées, voire à des groupements de de grands risques d’être différente en
évaluent les émissions de gaz à effet de producteurs, essentiellement dans des régions chaudes. Il faut donc pouvoir
serre associées aux productions) est systèmes hors-sols ou apparentés (aqua- questionner la conception de systèmes
patent chez certaines enseignes de la culture), cherchant à s’affranchir au durables relativement à la diversité des
grande distribution (Tesco en Grande maximum des contraintes et des varia- systèmes et des modèles de développe-
Bretagne, ou Casino en France) qui tions de l’environnement, avec une ment (Jollivet 1988).
incitent les filières de production ani- vision très occidentale de l’élevage.
males du Sud (volailles par exemple) à Plusieurs conséquences sont à tirer du Le deuxième versant de la plasticité
s’interroger sur leur capacité à répondre développement de ces schémas d’éva- est celui de la prise en compte des aléas
à des cahiers des charges à venir et à luation. Le premier aspect est celui de et incertitudes dans l’activité de concep-
anticiper les demandes de leurs princi- l’exclusion de fait des petits produc- tion. Ces aléas et incertitudes portent la
paux clients (Mungkung et al 2010). Ce teurs incapables de supporter le coût et plupart du temps sur :
type de pratiques de certifications, pilo- la lourdeur de ce type de certification. – le climat (variations climatiques
té par l’aval n'est pas sans risques pour Par ailleurs, ils conduisent à la générali- mais également occurrence d’évène-
les producteurs, comme le montrent des sation de normes basées sur des sché- ments extrêmes comme les cyclones en
études de vulnérabilité (réalisées en mas de qualité propres aux marchés DOM),
production végétale) qui prennent en mondiaux qui discréditent des pratiques – les prix des produits et des intrants,
compte le transport, l’économie natio- jugées à risque mais qui ont leur logique
nale et les spécificités des systèmes de dans des contextes locaux. Ces schémas – l’occurrence de maladies animales
production (Edwards-Jones et al 2008). de certification, rarement négociés avec (Ingrand et Faye 2004),
les producteurs, se transforment en des – les politiques agricoles et foncières.
c) Evaluation et certification de pro- systèmes de contraintes qui, s’ils orien-
cessus de production tent les systèmes de production animale, Cette prise en compte des aléas doit
peuvent se révéler néfastes à l’échelle retentir sur la production d’indicateurs
Les systèmes d’élevage en régions des petites structures (coût des intrants, d’évaluation de la durabilité des systè-
chaudes alimentent les flux des grands modification des règles sur les marchés mes d’élevage : résilience/flexibilité
échanges économiques internationaux. locaux…). des systèmes d’élevage (Dedieu et al
C’est particulièrement le cas pour les 2008b, Dedieu et Ingrand 2010), stabili-
productions de masse de pays émer- té de la production et du revenu
gents qui font l’objet de demandes
2.3 / Plasticité et développement
(Mosnier et al 2009).
importantes sur des marchés européens La question de la plasticité dans les
et mondiaux, comme la volaille (Brésil, processus de conception revêt deux Le développement renvoie selon
Thaïlande), le porc (Brésil, Vietnam), points de débat : le premier concerne la Béguin (2007) aux interactions entre
les crevettes (Thaïlande, Brésil, capacité de généralisation de l’innova- concepteurs et utilisateurs dans le pro-
Vietnam), le Pangasius (Vietnam). tion au-delà du système d’élevage de cessus de conception-évaluation. Cette
Associés à ces échanges, des systèmes référence ; le second a trait à la prise en interaction, s’appuyant sur des métho-
de contrôle et de normes ont d’abord été compte des aléas et incertitudes. des participatives, peut être mise en
mis en place afin d’évaluer ces élevages œuvre très en amont dans le prototypa-
sur la qualité de leurs produits et de Ainsi qu’il a été évoqué plus haut, les ge d’un système nouveau (Vereijken
garantir des niveaux de sécurité et de critères de diversité des systèmes d’éle- 1997) ou la définition de scénarios à
traçabilité, et ainsi leur permettre d’at- vage en régions chaudes couvrent des explorer (Etienne 2010), notamment en
teindre les marchés recherchés. Avec domaines socio-économiques (les fonc- mettant autour de la table des porteurs
l’avènement du développement durable, tions de l’élevage notamment), biotech- d’enjeux aux intérêts différents. Elle
les systèmes de certification se sont niques, et spatiaux (la mobilité notam- peut également être d’aval, dans la
appropriés de nouveaux concepts et ne ment). On peut alors se poser la matérialisation d’un conseil entre pro-
se contentent plus des pratiques habi- question de la façon dont l’activité de ducteur et conseiller agricole, le premier
tuelles de traçabilité et d’analyse de conception intègre la diversité. ayant à faire valoir ses points de vue et
points critiques (HACCP), mais se sont L’amélioration recherchée (cf. la des connaissances dans la formulation
ouverts aux impacts environnementaux conception réglée) concerne-t-elle tout d’un conseil adapté (Röling et De Jong
et sociaux (notamment via les condi- ou partie de la diversité des systèmes 1998). Le développement couvre en
tions de travail). Ainsi GLOBALGAP, existants ? La voie nouvelle explorée général plusieurs phases d’interaction
un des leaders de la labellisation busi- (cf. la conception innovante) pourrait- (Etienne 2010) entre les chercheurs (et
ness to business en agroalimentaire, elle donner lieu à transition (Lamine et leurs connaissances scientifiques) et les
propose la certification de producteurs Bellon 2009) pour tout ou partie des utilisateurs avec leurs savoir-faire, fina-
dans les filières de production animales, systèmes existants ? Dans ce dernier lités et représentations. Le débat peut
sur la base de critères de bonnes pra- cas, le débat porte en effet moins sur la s’appuyer sur plusieurs types de dispo-
tiques agricoles étendues à quelques mise au point d’un système nouveau et sitifs de recherche comme le diagnostic

INRA Productions Animales, 2011, numéro 1


Conception et évaluation de systèmes d'élevage durables en régions chaudes / 119

de situations réelles, le prototypage, être explicite sur ce qu’elle intègre de présentée au travers de deux exemples.
l’expérimentation-système (Dedieu et al connaissances sur les systèmes réels, Elle se base sur une caractérisation fine
2008c, Benoit et Laignel 2009, Coquil et leurs caractéristiques et leur diversité. des systèmes biotechniques existants à
al 2009) ou de modélisation/simula- La première partie de cet article a mon- travers la cristallisation de nombreuses
tion (par exemple Mar-tin et al 2009). tré combien les systèmes étaient divers connaissances à la fois scientifiques
Dans ce cadre, la question de l’évalua- et surtout que les fonctions dévolues à (expérimentations analytiques et/ou
tion du système joue un rôle central dans l’élevage pouvaient être variables et expérimentations systèmes) et empi-
les échanges entre parties prenantes du pour le moins éloignées du cadre domi- riques (enquêtes de terrains et experti-
processus de conception. En effet, mal- nant d’un élevage à fonction de produc- ses diverses). Elle vise à améliorer les
gré leur nombre élevé, on peut constater tion. Par ailleurs, la gestion de ces systèmes existants au regard des
que l'application des ca-dres normatifs systèmes ne relève pas forcément uni- contraintes liées à l’exiguïté du territoi-
d’évaluation des systèmes échoue géné- quement d’un chef d’exploitation au re en milieu insulaire dans le premier
ralement, dans la mesure où ces cadres style «entrepreneur», (Commandeur et exemple (les études de cas banane et
ne sont pas complètement aptes à faire al 2006) qui n’est d’ailleurs qu’une canne à sucre), et l’élaboration de systè-
évoluer les pratiques dans le sens du figure parmi d’autres y compris en mes d’élevages écologiquement inten-
développement durable, mais seulement Europe, En régions chaudes, il existe sifs dans le second exemple (systèmes
dans le sens de l’amélioration de des farming styles (Commandeur 2006) d’élevage caprins au pâturage).
quelques indicateurs (pour répondre à un plus complexes et hétérogènes dont il La seconde démarche, à la Réunion
cahier des charges par exemple). Ils peu- importe de clarifier les caractéristiques. (CIRAD, Unité Systèmes d'Elevage
vent conduire à une prise de conscience, méditerranéens et tropicaux, SELMET),
mais qui aura du mal à se traduire en Compte tenu des finalités de l’éleva- montre l'intérêt d’introduire des phases
réalisations concrètes, s’il n’y a pas une ge, de ses modalités d’association avec participatives dans l’élaboration du
adhésion forte à la démarche d’évalua- d’autres activités, et de ses modalités modèle de représentation et d’évalua-
tion. Il s'avère en effet qu'une meilleure d’ancrage territorial, le niveau d’échelle tion du système. Ce modèle traite des
compréhension du contexte et un strict du système d’élevage dans l’ex- améliorations à apporter au fonctionne-
meilleur partage des enjeux ainsi que ploitation, est plutôt abordé dans le ment de systèmes d’élevage très inten-
l'appropriation d'une décision améliorent cadre de projets finalisés sur des ques- sifs, construits autour de logiques de
le processus même de la décision et tions concrètes, plutôt que traité de filières, et qui doivent évoluer par une
conduisent à un meilleur engagement des façon générique. Il s’agit là de raisonner meilleure intégration des enjeux envi-
acteurs qui prennent conscience du rôle le développement durable comme une ronnementaux, liés aux excès de nutri-
de chacun et donc d'eux-mêmes. C’est en direction à prendre (Vavra 1996) et ments et aux questions d’autonomie
particulier le cas dans les systèmes d’instrumenter la réflexion relativement énergétique. Cette problématique est
agricoles. à cette direction, plutôt que de produire cruciale dans les milieux insulaires à
des indicateurs à valeur universelle, qui forte densité agricole et humaine, mais
En ce qui concerne l’élevage, la prise gommeraient en partie les effets de également dans l’ensemble des bassins
en compte des logiques d’action des éle- localité et de diversité qui marquent les d’élevage intensif.
veurs, des objectifs multiples et des jeux régions chaudes. Dans ce cadre, l’éva-
de contraintes est nécessaire pour une luation n’est pas une démarche neutre. La troisième démarche, en Amazonie
amélioration majeure qui conduit à mieux La batterie des domaines est large et (CIRAD, Unité Green), consiste en une
comprendre les démarches propres de rarement explorée complètement, mais approche participative de co-construc-
l’éleveur. Les recherches sur l’évaluation finalisée par une réflexion sur le déve- tion du modèle d’évaluation. Elle est le
des systèmes agricoles se tournent donc loppement (dans le sens d’échange et fruit d’un partenariat ancien entre la
vers des approches participatives, où l’ac- d’apprentissage). Différents niveaux recherche agronomique et les popula-
teur participe au processus de recherche, d’échelle (exploitation, territoire, filiè- tions agricoles des fronts pionniers. Elle
et devient à la fois objet et sujet dans ce re, pays et continents) sont à prendre en explore les interactions entre fonction-
processus. Les acteurs ne sont pas seule- compte. Ainsi, l’évolution des pratiques nement des systèmes d’élevage et la
ment les éleveurs, mais aussi les autres d’évaluation tend à impliquer de plus en dynamique des territoires, avec en
personnes concernées par l’activité au plus les acteurs du système de produc- trame de fond, la pression internationa-
travers des bénéfices ou des nuisances tion, dans une co-construction de ses le forte sur le maintien des surfaces
qu’ils supportent. De ce fait, apparaissent modalités, qui permet une appropriation forestières, dans la conception de systè-
des schémas de co-construction de systè- des objectifs de cette évaluation et faci- mes d’élevage.
mes d’évaluation, qui aident les acteurs lite la mise en place de démarches
concernés à définir le cadre le plus perti- d’amélioration des systèmes. Ces trois démarches permettent ainsi
nent et des indicateurs négociés à partir d’illustrer les différents éléments du
desquels les systèmes seront évalués. Ces processus de la conception/évaluation
schémas facilitent aussi la prise en main 3 / Différents exemples de de systèmes durables évoqués (Béguin,
et l’application par les acteurs d’un cadre démarches de conception ibid.), dans un cadre de conception
de développement durable de leur activi- assistée par la modélisation. Nous y
té (souvent dans leur territoire). Par
de systèmes durables en reviendrons dans la discussion.
ailleurs, ils permettent de contourner ou régions chaudes
de faire évoluer les systèmes d’évaluation 3.1 / Conception de systèmes
normatifs et les schémas de certification
Nous présentons dans ce texte plu- de polyculture-élevage intensifs
imposés par exemple par les instances durables aux Antilles
internationales (Rey-Valette et al 2008). sieurs démarches de conception/évalua-
Des exemples de ce type de démarche tion de systèmes d’élevage permettant En Guadeloupe et en Martinique, les
seront présentés dans la section 3. chacune d'éclairer des débats diffé- exploitations de type polyculture-éleva-
rents : ge représentent environ 80% des exploi-
2.4 / Conclusion La première démarche, adoptée aux tations présentes sur le territoire (Stark
Antilles (INRA, Unité de Recherches et al 2010). Généralement de petite
La conception de systèmes durables, Zootechniques, URZ), est l’illustration taille, elles ont pour la plupart comme
qu’elle soit réglée ou innovante, doit d’une démarche de conception «réglée» principal objectif d’optimiser les

INRA Productions Animales, 2011, numéro 1


120 / B. DEDIEU et al

Figure 2. Représentation schématique de l’utilisation de la canne à sucre comme Le second modèle (figure 3) visait à
base de l’alimentation animale (Adaptée de Gourdine et al 2008). étudier, dans un contexte de concurren-
ce mondiale déséquilibrée, les pistes de
conversion d’exploitations de type
monoculture bananière en exploitations
polyculture-élevage valorisant la bana-
ne. Une jachère sanitaire était introduite
pour casser le cycle des parasites inféo-
dés au bananier. Ces modèles étaient
focalisés principalement sur les ateliers
de production animale et considéraient
les flux de matière et d’énergie générés
par l’exploitation depuis la disponibilité
de l’aliment jusqu’à la sortie des
effluents. Compte tenu de l’approche ex
ante retenue, les jeux de données indé-
pendantes permettant une validation
complète de ces modèles n’étaient pas
toujours disponibles. Ainsi, seules les
vitesses de croissance des porcins
(modèle canne à sucre) et des caprins
(modèle banane) ont fait l’objet d’une
validation externe. Cette validation par-
tielle montre que les deux modèles pré-
disent de manière satisfaisante la pro-
duction animale. Les simulations
montrent qu’un hectare de canne à
CB = canne broyée ; JC = Jus de canne ; 1. Feuilles vertes de canne à sucre disponibles pour
sucre permettrait de produire respecti-
l’alimentation bovine ; 2. Feuilles sèches de canne à sucre disponibles pour l’alimentation bovi- vement 1,88 et 0,41 Tonnes de poids vif
ne ; 3. Tiges de canne à sucre disponibles pour l’alimentation bovine ; 4. Tiges de canne à de porcins et de bovins par an. De
sucre disponibles pour l’alimentation porcine en mode CB ou JC ; 5. Utilisation de la bagasse, même, la transformation d’un hectare
obtenue après pressage lors de la préparation du jus de canne pour les porcs, pour l’alimen- de banane en système polyculture-éle-
tation bovine ; 6. Entrée de bovins ; 7. Entrée de porcs ; 8. Entrée de compléments alimentai- vage permettrait des chargements de
res (azotés) pour l’alimentation bovine ; 9. Entrée de compléments alimentaires (azotés) pour 1,12, 0,29 ou 0,42 Tonnes de poids vif
l’alimentation porcine ; 10. Utilisation des composantes de la canne à sucre pour l’alimentation à l’hectare, respectivement pour des
bovine ; 11. Utilisation des tiges de canne à sucre sous forme de CB ou de JC pour l’alimenta-
tion porcine ; 12. Production de viande bovine ; 13. Production de viande porcine.
bovins Créole, des caprins Créole ou
des ovins Martinik. Ces deux modèles
étant statiques, un effort de recherche
productions végétales et animales pré- commercialisées comme ressource prin- est en cours sur l’évolution des ressour-
sentes, en accentuant la complémen- cipale pour l’alimentation animale ces végétales afin de les rendre dyna-
tarité entre ressources végétales et ate- (Gourdine et al 2008). miques et sensibles aux aléas climatiques
liers d’élevages. Ainsi, les résidus des
cultures à destination de l’alimentation
humaine, pouvant être complétés par Figure 3. Représentation schématique de l’utilisation des coproduits d'une exploita-
des cultures exclusivement destinées à tion bananière comme base de l’alimentation des ruminants (adaptée de Archimède
l’alimentation animale, sont valorisés et al 2010).
par des animaux. En retour, le fumier
produit sert d’apport en matière orga-
nique pour les cultures. Dans une pre-
mière phase, les recherches menées à
l’INRA (URZ) ont porté sur la détermi-
nation de la valeur alimentaire des res-
sources végétales (coproduits de diffé-
rentes cultures) ainsi que des niveaux de
performances des animaux. Ces recher-
ches ont permis de constituer des bases
de données conséquentes et de caracté-
riser les relations (flux de matières)
existantes entre les compartiments sols,
végétaux et animaux des systèmes poly-
culture-élevage. Des approches par
modélisation ont ensuite été dévelop-
pées afin de concevoir et d’évaluer des
systèmes représentatifs de ceux présents
dans la zone. Deux modèles, centrés sur
le système biotechnique ont été cons-
truits. Le premier (figure 2) avait pour
objectif de représenter une exploitation
agricole produisant à la fois des porcs,
des ruminants et de la canne à sucre afin
d’optimiser l’utilisation des cannes non

INRA Productions Animales, 2011, numéro 1


Conception et évaluation de systèmes d'élevage durables en régions chaudes / 121

(sécheresse, ouragans…) qui sont rela- plurispécifiques, plus ou moins inten- nismes intrinsèques. Elle devrait aussi
tivement fréquents en zone tropicale. sifs, avec des ovins ou des caprins, ainsi permettre d’évaluer ex ante différents
qu'avec des bovins, à divers stades scénarii en vue d’identifier les freins à
3.2 / Conception de systèmes physiologiques, constituent une base la production de caprins au pâturage en
d’élevage caprins au pâturage informationnelle originale et consé- zone tropicale humide et par là même,
quente (figure 4). Cette base permettra de préciser les besoins spécifiques de
La conduite au pâturage est le mode i) d’analyser différents itinéraires tech- recherche.
de production animale le plus répandu niques de conduite d’ovins et caprins au
dans la Caraïbe. Une méthode basée sur pâturage, ii) de modéliser les systèmes 3.3 / Co-conception réglée de
l’étude i) de la prairie (conduite agrono- de pâturage à base de ruminants, et iii) systèmes laitiers respectueux de
mique des parcelles, structure prairiale, d’élaborer et optimiser de nouveaux
ingestion, valeur alimentaire), ii) de la modes de gestion des ressources prairia- l’environnement à la Réunion
zootechnie des troupeaux (reproduction, les et des troupeaux permettant une pro- A l’image de ce qui risque de se pro-
alimentation, mode de conduite), et iii) duction durable. La modélisation méca- duire d’ici 40 ans dans de nombreux
de leurs interactions, a été développée niste du pâturage par les petits contextes tropicaux, l’île de la Réunion
par Alexandre et al (2002). Cette ruminants a déjà fait l’objet de travaux. présente un espace agricole contraint par
méthode s’inspirait des principaux Ainsi, Baumont et al (2004) ont adapté une densité de population élevée et en
concepts de l’approche biotechnique le modèle mécaniste du mouton à l’au- plein essor. Pour tenter de répondre au
des systèmes d’élevage rappelés par ge (Sauvant et al 1996) au contexte du mieux à la demande locale en produits
Dedieu et al (2008a). Ainsi, des systè- pâturage, puis au troupeau pâturant, en laitiers, l’Elevage Bovin Laitier (EBL)
mes intensifs d’élevage de caprins milieu tempéré. Ce travail constitue une s’est développé par une utilisation
Créole au pâturage ont pu être élaborés base au développement d’un modèle importante d’intrants (concentrés,
et testés en unité expérimentale spécifiquement adapté à la probléma- engrais minéraux…). Portées par des
(Mahieu et al 2008). Toutefois, à l’heu- tique des systèmes pâturés en milieu enjeux régionaux de conservation des
re actuelle, ces systèmes se heurtent à tropical humide (contraintes biotiques milieux naturels et d’autonomie énergé-
des impasses quant à leur durabilité. En et abiotiques). Cette adaptation sera tique, les premières évaluations de l’im-
effet, la gestion du parasitisme, de la innovante par l’intégration dans une pact environnemental en terme d’excé-
pérennité des prairies ou de la variabili- même démarche de modélisation, à la dents azotés et de consommation
té de l’offre fourragère passe encore par fois des dimensions parasitaires et des d’énergies non renouvelables des systè-
un recours important à des intrants associations entre espèces de ruminants mes d’exploitation réels, avaient soulevé
généralement importés (anthelmin- (Mahieu et Aumont 2009). Le principal la question de l’incidence des pratiques
thiques, fertilisants, irrigation, mécani- enjeu interdisciplinaire est de caractéri- d’élevage sur ces critères environnemen-
sation…). Certains de ces freins pour- ser et de quantifier les interactions taux (Vayssières et al 2006, Vigne et al
raient être levés par des innovations dynamiques existantes entre les diffé- 2009). Un modèle de flux de biomasse,
dans la conduite du système, telles que rents compartiments des systèmes pâtu- intitulé GAMEDE, a été construit avec
l’association d'espèces ou de stades rés, ainsi que leurs facteurs de varia- pour objectif initial de concevoir des sys-
physiologiques, en cours d'évaluation. tions. Cette caractérisation doit tèmes d’élevage plus respectueux de
Les nombreuses données collectées permettre d’aboutir à terme à une repré- l’environnement. Il représente, à un pas
durant la phase expérimentale, dans sentation du système permettant une de temps quotidien, l’ensemble des pra-
divers systèmes de pâturage, mono ou meilleure compréhension de ses méca- tiques de l’éleveur et leurs conséquences

Figure 4. Description sommaire de la base de données URZ sur élevage au pâturage des caprins.

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122 / B. DEDIEU et al

Figure 5. Cycle de conception de systèmes d’élevage basés sur une confrontation entre systèmes réels et modélisés.

sur les flux dans l’exploitation, et entre conduite planifiée à la conduite réalisée ment restitués par leur encadrement tech-
l’exploitation et son environnement pour mettre en évidence des règles nique tels que la productivité des prai-
(Vayssières et al 2009b). d’ajustement, ii) l’observation de varia- ries, la productivité laitière et la marge
bles d’état du système de production tel- brute. Les indicateurs sociaux correspon-
a) Démarche de conception assistée les que les stocks de fourrage et la com- dent à la charge de travail générée par le
par simulateur position du troupeau. Ces deux types système de production et la part du tra-
d’enquêtes ont concerné 6 éleveurs vail d’astreinte. Ainsi, partant d’une
Dans une approche de recherche par- choisis pour représenter la diversité des approche très environnementaliste, les
ticipative, GAMEDE a été le support de systèmes d’élevage en référence à un éleveurs ont conduit les chercheurs vers
conception de systèmes d’élevage inno- zonage à dire d’experts et une typologie une évaluation des trois piliers de la
vants. La démarche de conception a fait de pratiques (Vayssières et al 2010). durabilité.
l’objet d’un ensemble de cycles d’échan-
ges de connaissances impliquant des Ces 6 éleveurs ont également étroite- b) Connaissances générées en cours
éleveurs, des techniciens et des cher- ment participé à la conception de de conception
cheurs. Cette démarche de conception GAMEDE dans le cadre de réunions col-
(schématisée en figure 5) est basée sur i) lectives (1/2 journée tous les 3 mois pen- Ce projet de co-conception a égale-
une connaissance profonde des systè- dant 2,5 ans en années 2 à 4). La connais- ment fait l’objet d’apprentissages qui
mes réels, ii) la co-construction d’un sance apportée par les éleveurs lors des diffèrent selon les acteurs impliqués.
modèle de représentation fine de la ges- enquêtes sur leurs systèmes réels a été Alors que la majorité des solutions
tion des systèmes de production, iii) la traduite en règles de décision et en pro- jusque là imaginées par la recherche à la
mise en débat d’indicateurs multiples cessus biotechniques à prendre en comp- Réunion étaient technologiques ou se
d’évaluation des systèmes observés et te dans le modèle. Les réunions collecti- situaient à un niveau stratégique, ces
simulés, iv) la simulation interactive ves étaient basées sur une restitution travaux ont montré qu’il est possible
d’une gamme large de systèmes réels et progressive des avancées du travail de de réduire l’impact environnemental
innovants dans une perspective d’ap- modélisation associant la conception et des systèmes d’élevage par un simple
prentissage et d’aide à la décision. les simulations. Chacune des étapes de changement des pratiques de conduite
modélisation a été discutée et validée par (innovation organisationnelle). Or, ce
Deux types d’enquêtes en exploita- le groupe (Kerdoncuff 2007, Vayssières changement des règles de décision opé-
tions ont été réalisés pour connaître de et Lecomte 2007). Lors de ces réunions, rationnelles est plus facilement adopté
façon approfondie les systèmes réels : les indicateurs calculés par le modèle ont par des éleveurs qu’un bouleversement
des immersions et des suivis d’exploita- été vivement débattus. Alors que les nécessairement plus profond du systè-
tions. Les immersions (une semaine par chercheurs avaient initialement prévus me de production induit par un change-
EBL en année 1), inspirées par les de privilégier les critères environnemen- ment de stratégie et/ou de structure
approches ethnographiques, ont été taux en référence à des approches de type d’exploitation. La place déterminante
conçues pour identifier les stratégies, «bilan de nutriments aux portes de la des dimensions sociales pour la
les plans d’action et les règles de déci- ferme» et «Analyse de Cycle de Vie», les compréhension des systèmes existants
sion quotidiennes des éleveurs éleveurs ont souhaité compléter ces indi- et pour le conseil en élevage a été rete-
(Vayssières 2004). Les suivis d’élevage cateurs par des indicateurs technico-éco- nue par les techniciens d’élevage
(un jour par EBL tous les deux mois nomiques et sociaux plus proches de comme étant un point essentiel révélé
pendant 2,5 ans en années 1 à 3) ont per- leurs systèmes de référence. Les indica- par ce projet de conception. En effet,
mis i) l’analyse des pratiques et plus teurs technico-économiques demandés l’adoption de systèmes d’élevage
particulièrement la confrontation de la correspondent aux indicateurs classique- plus respectueux de l’environnement

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Conception et évaluation de systèmes d'élevage durables en régions chaudes / 123

(Vayssières et al 2009a) et plus large- (Poccard-Chappuis et al 2005). Par Le SMA TransAmazon (Bonaudo et
ment la transmission des exploitations exemple, Nepstad et al (2002) projettent al 2005, Bommel et al 2010) se focalise
sont fortement déterminées par des les déforestations futures en fonction de sur les décisions individuelles des
questions de charge de travail (Seegers probabilités de création de nouvelles rou- agents pilotes de leur système agricole.
et al 2006). tes ou l'asphaltage des pistes. Ces modè- Pour modéliser le fonctionnement d’un
les n’analysent pas les mécanismes fon- tel système, les auteurs identifient les
Quant aux éleveurs, au-delà de leurs damentaux entraînant la déforestation. objectifs des acteurs ainsi que les élé-
objectifs personnels de viabilité écono- Enfin, les acteurs ne sont pas représentés ments déterminants des choix de pro-
mique et de vivabilité sociale, ils se sont à ces échelles, ou au mieux sous forme de duction. Pour cela, ils identifient les
appropriés les enjeux environnemen- densité et de flux de population. De fait, pratiques qui forment la partie apparen-
taux régionaux initialement portés par les connaissances des déterminants de la te de la décision (Yung et Zaslavsky
les chercheurs. Ces enjeux se retrouvent déforestation et des processus décision- 1992). Pratiques et changements de pra-
dans les systèmes aujourd’hui mis en nels des acteurs restent rudimentaires tiques constituent des points de repère
œuvre par les éleveurs du projet, qu’il (Piketty 2003). permettant de reconstituer les stratégies.
s’agisse de systèmes conçus autour du Ce système décisionnel est simplifié et
modèle GAMEDE ou de systèmes plus Ferreira (2001) et Ludovino (2002) implémenté dans le SMA, qui propose
innovants imaginés pas les éleveurs et ont montré grâce à leurs modèles deux modes de pilotage annuel privilé-
non simulables (car basés sur la pluriac- conceptuels que les échecs de colonisa- giant soit les cultures pérennes, soit
tivité agricole ou non agricole). Ces tion sont plus souvent sociaux que tech- l’activité d’élevage (Stratégies Planteur
apprentissages déterminent, déjà niques ou économiques. A partir de là, ou Eleveur) (figure 6). Chaque mode de
aujourd’hui (trois ans après le projet), plusieurs approches sociales et partici- pilotage regroupe et ordonne des
via les trois types d’acteurs impliqués, patives voient le jour et mettent en évi- actions pour implanter des cultures,
la nature et la durabilité des systèmes dence la différence de perception de entretenir le troupeau, conserver une
laitiers innovants. l’écosystème forestier de la société et de réserve forestière ou l’exploiter (coupe
la communauté scientifique. En modéli- de bois), etc. L’agent choisit son pilo-
3.4 / Modélisation et approches sant le processus décisionnel et les pra- tage en fonction d’informations et de
participatives pour la conception tiques d’utilisation des terres, Bonaudo contraintes comme la quantité de main-
de systèmes d’exploitation assu- (2005) a initié l’usage des Systèmes d’œuvre familiale (Hostiou et Dedieu
rant la pérennité de la zone Multi-Agents (SMA) sur ces probléma- 2009), le prix de vente des productions,
tiques. Depuis, ils fleurissent entre les la disponibilité en terres et le bénéfice
forestière en Amazonie mains de diverses équipes. Ils sont per- prévisionnel. Grâce aux actions des
Une tendance forte de la recherche en çus comme des outils en appui aux agents et aux changements de pilotage,
Amazonie est la construction de modèles approches participatives pour partager on retrouve par la simulation des struc-
en vue de comprendre les processus de les connaissances, tant entre acteurs tures d’exploitation semblables à la
déforestation. A partir de données macro- locaux qu'entre recherche et société. Ils typologie observée. Outre une représen-
économiques et d'analyses de télédétec- s’appuient sur les stratégies et les déci- tation spatiale dynamique, elle permet
tion, les chercheurs quantifient ainsi sions des acteurs, à partir d’ateliers par- de suivre l’évolution de nombreux indi-
les corrélations entre des variables ticipatifs ou d’entrevues. Réalistes et cateurs tant individuels (couverture
(Kaimowitz et Angelsen 1998) et partici- parlants, ils permettent de mieux saisir d’un lot, capital d’un agent, ses ven-
pent au débat international sur les moyens les activités des acteurs pour explorer tes…) que globaux (nombre d’exclus,
de préserver la forêt amazonienne des scénarios prospectifs. économie de la communauté, surface en

Figure 6. Diagramme d’un système d’exploitation d’élevage amazonien (priorités des activités : planteur ; éleveur ; sans terre)
(Bommel et al 2010).

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124 / B. DEDIEU et al

forêt). Les résultats des simulations mon- de recherche vise l’amélioration de insuffisamment informés alors qu’ils
trent que, malgré sa faible rentabilité, deux modèles d’élevage bien diffé- participent au pilier social de la durabi-
l’élevage domine. Car, contrairement rents : lité et que le travail est reconnu comme
aux cultures comme le cacao, le trou- – l’un intensif et spécialisé (l’élevage un frein majeur à l’innovation (Mak
peau constitue une épargne rapidement caprin) dont il s’agit de corriger les 2001). Les plates-formes de modélisa-
mobilisable. L’élevage constitue ainsi défauts vis-à-vis des questions environ- tion comme DIESE (Martin Clouaire et
une garantie face aux risques écono- nementales, Rellier 2009) qui représentent le systè-
miques ou de santé. Ces phénomènes, me décisionnel comme le choix et
non formalisés dans le modèle, émer- – l’autre qui vise à remettre en débat, l’ajustement d’un système d’activités de
gent des simulations qui montrent par sous l’angle de la durabilité, des systè- travail ouvrent, de ce point de vue, des
moment des ventes de bétail lors de dif- mes traditionnels de polyculture-éleva- pistes intéressantes pour ne pas laisser
ficultés familiales. ge dans lesquels l’élevage avait comme dans l’ombre le travail, son organisation
fonction essentielle la valorisation de et ses liens avec le domaine biotech-
En se focalisant sur les acteurs, le résidus et de sous-produits. nique.
SMA TransAmazon apporte d’autres
points de vue sur les dynamiques des La question de la diversité des systè- La façon dont les éleveurs eux même
fronts pionniers que les modèles macro- mes que nous avons évoquée dans la sont partie prenante du développement
économiques de corrélation évoqués première partie, est ainsi prise en comp- de l’activité de conception est assez
précédemment (Nepstad et al 2002). te à travers deux projets de modélisation diverse selon les démarches. En
Les facteurs (routes, mode de faire- disjoints. Derrière la notion de plastici- Guadeloupe, la connaissance de la
valoir…) mobilisés par ces modèles té des démarches, il s’agit bien d’expli- diversité de fonctionnement des systè-
standards doivent être révisés afin de citer les cibles potentielles et celles qui mes d’élevage apparaît comme un pré-
mieux prendre en compte les raisons qui sont exclues des retombées opération- alable au formatage des objectifs des
guident les pratiques de déforestation. nelles des modélisations proposées. modèles et des expérimentations bio-
On s’aperçoit alors que la gestion du Notamment, les réflexions sont-elles techniques. Dans le cas des modèles
risque est un facteur prépondérant dans compatibles avec les différentes formes d’Amazonie ou de la Réunion, le déve-
le choix des activités agricoles, l’éleva- que prend la multifonctionnalité locale loppement du modèle lui-même a donné
ge jouant un rôle de sécurité pour la de l’élevage ? S’adressent-elles à des lieu à une participation des éleveurs.
famille. Or, c’est principalement l’éle- formes spécifiques orientées vers la C’est cette participation qui a amené les
vage extensif qui entraîne l’avancée du production ou peuvent-elles aider à modélisateurs à intégrer les cultures
front pionnier. faire évoluer des systèmes pour lesquels vivrières et la main-d’œuvre dans la for-
d’autres fonctions (sécurisation des malisation d’un système traitant d’éle-
Couplés à des approches participati- familles) sont importantes pour la vage et d’espaces en Amazonie, ou d’in-
ves, les SMA s’avèrent être des outils durabilité ? On conçoit ici que la ques- troduire les objectifs sociaux et
pertinents pour révéler et hiérarchiser tion de la formalisation des finalités et économiques et des indicateurs cor-
les facteurs décisifs de la déforestation. des logiques d’action des éleveurs est respondants dans une modélisation
Sans se polariser exclusivement à quan- une question très sensible pour la à vocation environnementale à la
tifier la déforestation, ces modèles obli- recherche : elle implique une pluridisci- Réunion. Le fait que les éleveurs aient
gent à mieux appréhender le contexte et plinarité réelle et des méthodes adap- été progressivement familiarisés avec le
à imaginer des alternatives. tées. La méthodologie d’immersion, de modèle GAMEDE et que ce dernier
suivis réguliers individuels et de rendez- simule de façon réaliste leurs propres
4 / Discussion - Conclusion vous collectifs, pratiquée dans la cadre systèmes de production (grâce entre
de l’étude réalisée à la Réunion apparaît autres à une simulation fine des pra-
alors essentielle pour formaliser les tiques) a, dans ce dernier cas, facilité la
Les illustrations présentées ne cou- règles de décision et discuter d’indica- conduite de simulations interactives.
vrent pas l’ensemble des domaines teurs d’évaluation partagés entre cher-
d’activités de conception/évaluation de cheurs et agriculteurs. 4.2 / La durabilité : une ques-
systèmes d’élevage durables des équi- tion multi-échelle et multi-
pes INRA et CIRAD citées ! Elles Ce type de méthodologie permet aussi
de mettre en évidence le poids du fac- acteur
visent surtout à souligner tant la diversi-
té des enjeux de durabilité en milieu tro- teur «travail» dans le fonctionnement, L’exemple de la démarche adoptée à
pical que des questions à traiter dans la l’amélioration des situations ou la mise la Réunion montre bien que la question
mise en œuvre de démarches de concep- en œuvre de transitions vers des systè- des indicateurs d’évaluation des systè-
tion de systèmes. mes plus durables (Dedieu et Serviere mes demeure complexe, mais ne saurait
2011). Dans des régions où le travail être abordée sans les acteurs eux-
4.1 / Cristallisation, plasticité et manuel demeure très présent, la capaci- mêmes. A l’échelle de l’exploitation,
té à investir dans du matériel (pot c’est sans doute une voie pour formali-
développement trayeur par exemple), les opportunités ser ce que les éleveurs attendent du
Ce qui est cristallisé dans l’activité de de délégation ou de partage du travail fonctionnement de leur système. La
conception de systèmes d’élevage dura- sont déterminants de la possibilité de démarche permet de préciser quels indi-
bles peut être un approfondissement du faire évoluer des conduites d’élevage cateurs pourraient être pertinents
domaine biotechnique (exemple de (Cournut et al 2010, Hostiou et al notamment dans le domaine social,
Guadeloupe), une compréhension fine 2010). TransAmazon et GAMEDE pro- lequel ne se prête pas à des propositions
du fonctionnement des systèmes d’éle- posent quelques éléments de caractéri- normatives extérieures. Les exemples
vage dans leurs dimensions humaines et sation du travail. Mais globalement le développés ici accordent peu de poids
techniques (exemple de la Réunion), ou couplage entre le fonctionnement du aux réflexions planétaires sur la dimi-
la mise en relation des stratégies d’éle- système technique et du système travail nution des gaz à effet de serre ou
veurs et des pratiques techniques (ici et le poids des différents contextes et des enjeux de sécurité alimentaire
d’utilisation de l’espace dans le cas de pressions de travail (liés à la dimension mondiale. Elles sont surtout justifiées
l’Amazonie). Le cas des Antilles est de l’activité agricole, la composition par des problématiques régionales ou
intéressant dans la mesure où l’équipe des familles, à la pluriactivité ) sont très locales de développement durable

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Conception et évaluation de systèmes d'élevage durables en régions chaudes / 125

posées autour d’une double question de développer compte tenu de leurs cultu- bal, cette ligne d’innovation devra tenir
respect de l’environnement et de péren- res de recherches, leurs partenariats plu- compte des fonctions multiples de l’éle-
nisation des formes d’élevage qui ridisciplinaires et la façon dont elles tra- vage, de la nécessité pour les éleveurs
jouent un rôle dans le développement de vaillent avec les acteurs-utilisateurs. de faire avec les aléas et l’incertitude
sociétés rurales ou périurbaines en Les systèmes tropicaux ont de ce point (Lemery et al 2005) des régions chau-
occupant l’espace, en maintenant des de vue, des spécificités fortes à faire des. Ces deux caractéristiques impor-
populations en place. Ces niveaux de valoir : dans les fonctionnements bio- tantes, auquel il faut rajouter la prépon-
réflexion sur la durabilité et le dévelop- techniques (ressources et animaux), dérance d’un travail souvent manuel,
pement de l’élevage doivent être mieux dans la variété des fonctions de l’éleva- amènent à penser l’élevage en référence
reliés entre eux dans la réflexion sur ge pour les exploitants, et dans l’expres- aux familles et à leurs combinaisons
l’évaluation, sur sa composante ex- sion même des enjeux et des critères de d’activités (lesquelles concourent
perte et normative et sa composante durabilité. La «résistance paysanne» à ensemble à la sécurisation) comme le
débattue entre acteurs concernés des des propositions innovantes, orientée proposent Herrero et al (2007). A la
territoires. vers la production est bien moins de lumière de ces exemples, les questions
l’immobilisme qu’une traduction de d’association élevage-autres activités
Au final, la conception/évaluation de logiques d’élevage où le troupeau rem- apparaissent centrales, qu’il s’agisse de
systèmes d’élevage tropicaux durables plit des fonctions non productives la valorisation par l’élevage de toutes
est, comme en milieu tempéré, un for- (autoconsommation, solidarité, épar- les ressources, des coproduits exis-
midable challenge d’intégration des gne) dans un milieu très aléatoire dont il tants (comme en Guadeloupe), de
connaissances tant dans le domaine bio- faut pouvoir tenir compte. Si l’intensifi- l’intégration de cultures et d’élevage
technique que dans le domaine déci- cation écologique (Griffon 2006) est (Guadeloupe, Amazonie), ou enfin
sionnel et du travail. Elle interroge sur bien un challenge technique audacieux de la pluriactivité et de ses implica-
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128 / B. DEDIEU et al

Résumé
Les démarches de conception et d’évaluation de systèmes d’élevage innovants en régions chaudes doivent prendre en compte les spé-
cificités de ces systèmes. Outre les caractéristiques des milieux, ces spécificités tiennent à l’importance des fonctions non productives
des troupeaux et à la complexité des modes de gestion de l’accès aux ressources (mobilité notamment). Nous discutons les démarches
de conception en utilisant les notions de cristallisation, de plasticité et de développement des systèmes innovants et présentons les
bases de l’évaluation (environnementale, filière, technico-économique) et ses fonctions dans le processus de conception. Nous illus-
trons la conception réglée ou innovante appuyée sur de la modélisation à l’aide d’exemples aux Antilles (élevage caprin, polyculture-
élevage, avec une composante biotechnique forte), à la Réunion (élevage laitier avec une démarche participative de construction du
modèle avec les agriculteurs) et en Amazonie (composante décisionnelle incluant les équilibres et interaction entre activités d’élevage
et culture - démarche participative avec les acteurs territoriaux). La diversité des cas souligne les enjeux de la conception et de
l’évaluation : prise en compte de la diversité des systèmes dans leurs composantes techniques et humaines, participation des acteurs
à la démarche, développements biotechniques et clarification des processus décisionnels, réflexion sur des indicateurs adaptés et
pertinents pour les éleveurs et les territoires dans lesquels ils s’insèrent.

Abstract
Design and evaluation of sustainable livestock farming systems in warm regions

The processes for designing and evaluating innovative livestock systems in warm regions must take the specificities of these systems
into account. In addition to the characteristics of the surrounding environment, these specific features are due to the non-productive
functions of the livestock (savings bank on the hoof) and the complexity of management methods (in particular mobility) and are
about who is «at the helm». We discuss approaches to design, with notions of crystallisation, plasticity and development and we
present the bases of the evaluation (environmental, chain, technico-economic) and its functions in the design process. We illustrate
rule-based or innovative design supported by modelling, using examples in the West Indies (goat farming, mixed crop-livestock far-
ming, with a strong biotechnical component), in La Réunion (dairy farming with a participative approach with farmers for building
the model) and in Amazonia (decisional component including balances and interaction between farming and cropping activities-
parti-cipative approach with territorial players). The diversity of cases underlines the stakes involved in design and evaluation:
taking account of the diversity of systems in their technical and human components, participation of players in the approach, bio-
technical developments and clarification of decisional processes, and thought given to indicators that are appropriate and relevant
for livestock farmers.

DEDIEU B., AUBIN J., DUTEURTRE G., ALEXANDRE G., VAYSSIERES J., BOMMEL P., FAYE B. Avec la collabora-
tion de MAHIEU M., FANCHONE A., TOURRAND J.-F., ICKOWICZ A., 2011. Conception et évaluation de systèmes
d'élevage durables en régions chaudes. In : Numéro spécial, Elevage en régions chaudes. Coulon J.B., Lecomte P., Boval M.,
Perez J.M. (Eds). INRA Prod. Anim., 24, 113-128.

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