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N°D’ORDRE
UNIVERSITE DE PARIS-SUD
U.F.R. SCIENTIFIQUE D’ORSAY
Discipline : Écologie
par
Yann MARTINEAU
yann.martineau@m4x.org
Ce travail a bénéficié des financements
I
A mes racines, parents et grands-
parents, qui m’ont transmis leurs semelles
de vent, leur indépendance et une certaine
idée de la liberté ;
II
Remerciements
III
Sommaire
2 Introduction
93 Conclusion
96 Références
A1 Annexes
A2 1 A process-based model of old-field succession linking ecosystem and
community ecology. Martineau Y, Saugier B. Soumis.
A75 3 Uses and abuses of logistic growth: considering turnover to avoid biological
nonsense in ecological modelling. Martineau Y, Deredec A, Genton B, Saugier B.
En projet.
3° Resumen en español
4° Résumé en français
4° Abstract in English
1
Introduction
2
Ce travail a été développé dans le cadre du projet européen TROPANDES dont
l’objectif principal était de comprendre la dynamique de la fertilité du sol, base d’une gestion
durable du système de culture à jachère longue des hautes Andes tropicales. Il a pour but de
modéliser les successions post-culturales.
1
Nous entendons par fertilité l’aptitude du sol à produire.
3
succession secondaire : suite à la perturbation qu’il subit, l’écosystème tend à retourner à
l’état naturel (climax, Clements 1916). Dans les environnements aux conditions climatiques
extrêmes (écosystèmes arctiques et montagnards en particulier), on constate plus de
changements d’abondance que de remplacements stricto sensu d’espèces ; Muller (1952)
parle d’autosuccession et Urbanska (1997) de succession démographique. Les motifs de
succession sont déterminés par de nombreux facteurs parmi lesquels : (1) la composition
initiale de la végétation (Facelli & Pickett 1990) [conditions initiales] ; (2) les conditions
locales du milieu, en particulier la fertilité du sol (Inouye & Tilman 1995) [conditions
environnementales] ; et (3) la disponibilité des graines au sein du paysage (Frelich & Reich
1995) [conditions aux limites]. La structure et la dynamique des communautés végétales
résultent de compromis entre les capacités de dispersion et de compétition des espèces (Aerts
1999, Tilman 1997). De nombreux auteurs ont ainsi proposé de classer les espèces en
différentes stratégies : r-K (e.g. Hastings 1980, Tilman 1988, 1990, Ehrlen & Groenendael
1998) ; C-S-R, espèces compétitives, tolérantes au stress et rudérales (Grime 1974, 1988,
2001). Dans une succession, les espèces pionnières (stratégie r) sont suivies des espèces
compétitives puis d’espèces tolérantes (stratégie K).
Du projet TROPANDES
Le projet européen TROPANDES affiche comme objectif à long terme d’améliorer les
revenus des paysans et le niveau de vie des populations rurales qui pratiquent l’agriculture à
jachère longue dans les hautes Andes tropicales (Carballas et al. 2002a). Il s’est développé sur
une proposition de Lina Sarmiento dans la continuité des études menées à l’Universidad de
los Andes (Mérida, Venezuela) sur le paramo2 de Gavidia. Dans l’optique de définir les bases
agro-écologiques d’une agriculture à jachère durable, il a réuni, de 1998 à 2002, 7 équipes de
chercheurs européens et sud-américains (le Tableau 1 donne la liste des institutions
participantes) autour des trois axes de recherche suivants : (1) le système de culture au niveau
de l’exploitation et à l’échelle régionale ; (2) les interactions plantes/sol au cours de la
jachère ; et (3) les interactions plantes/sol au cours de la culture de pomme de terre. Le
Tableau 2 fournit le détail des études définies dans la proposition du projet. Il montre la
dimension pluridisciplinaire de la problématique et la démarche de développement durable
dans laquelle elle s’inscrit : la question de l’amélioration économique du système de culture
intègre différents aspects qui touchent à la fois l’économie, l’agronomie et l’écologie.
2
Paramo : lande caractéristique des régions humides des Andes du Nord.
4
Tableau 1. Les partenaires du projet européen TROPANDES (1998-2002).
1 – Bases agro-écologiques du système de culture à jachère longue des hautes Andes tropicales.
1.1 – Distribution spatiale de l’agriculture à jachère à l’échelle régionale.
1.2 – Dynamique du système culture/jachère à l’échelle de l’exploitation.
1.3 – Développement et application d’un modèle d’exploitation agricole.
1.4 – Application du modèle intégré à l’évaluation des stratégies de gestion d’exploitation (études de
scénarios).
2 – Interactions plantes/sol au cours de la jachère.
2.1 – Diversité spécifique et production végétale.
2.1.1 – Typologie de la succession.
2.1.2 – Caractérisation qualitative et quantitative de la litière.
2.2 – Décomposition au cours de la jachère.
2.2.1 – Décomposition de la litière.
2.2.2 – Transferts de carbone et d’azote des plantes à la matière organique du sol.
2.3 – Effet de la jachère sur la MOS et sur la biomasse et l’activité microbiennes.
2.4 – Manipulation de la jachère (introduction de légumineuses).
2.5 – Développement et application de modèles.
2.5.1 – FAPROM : modèle de production de la jachère.
2.5.2 – MOMOS : modèle de décomposition de la matière organique du sol.
3 – Interactions plantes/sol pendant la culture.
3.1 – Développement de la pomme de terre à différents stades de succession.
3.2 – Transferts d’azote de la matière organique du sol à la pomme de terre.
3.3 – Décomposition des résidus de culture.
3.4 – Effet de la culture sur la MOS et sur la biomasse et l’activité microbiennes.
3.5 – Développement et application de modèles.
3.5.1 – LINTUL - SAHEL : modèles de culture et de bilan hydrique.
3.5.2 – MOMOS : modèle de décomposition de la matière organique du sol.
5
Trois objectifs concrets ont été définis au niveau de l’écosystème : (1) comprendre les
mécanismes de perte et de restauration de la fertilité du sol au cours d’un cycle
culture/jachère ; (2) tester des scénarios de gestion de la jachère qui permettent d’améliorer
les rendements de la culture de pomme de terre ; et (3) élaborer un modèle du fonctionnement
du système de culture à jachère longue des hautes Andes tropicales. Les études agro-
écologiques à l’échelle de la parcelle sont fondées sur l’hypothèse suivante : la perte rapide de
la fertilité au cours de la culture n’est pas due à un stock trop faible de nutriments mais à leur
faible disponibilité. La restauration de la fertilité résulterait d’une lente et progressive
mobilisation de l’azote par la biomasse microbienne, de la fraction stable à la fraction labile
de la matière organique. La jachère stimulerait l’activité de la biomasse microbienne.
Figure 1. Situation géographique et diagrammes climatiques des sites d’étude du projet TROPANDES.
A gauche : carte d’Amérique du Sud : Copyright © 2001 Yahoo! France & Hachette Multimédia / Hachette Livre.
A droite : diagrammes climatiques. Les barres présentées sous les diagrammes climatiques symbolisent la durée
de la saison sèche (en blanc) et la durée de la saison humide (en noir). Les espaces grisés représentent les
périodes de l’année qui sont sèches ou humide en fonction du régime de précipitation de l’année considérée.
a) Gavidia (Précipitations : 1300 mm par an ; Température moyenne annuelle : 8,4°C ; Amplitude diurne
maximale : 17,3°C)
b) Patarani (Précipitations : 400 mm par an ; Température moyenne annuelle : 10,0°C ; Amplitude diurne
maximale : 29,4°C)
6
Des sites d’étude
L’étage supérieur des Andes tropicales s’étend entre 3200 et 4200 mètres d’altitude du
nord de l’Argentine et du Chili à la cordillère vénézuélienne. Le climat y subit l’influence
conjointe des tropiques et de la haute montagne : il se caractérise par deux saisons marquées,
l’une sèche, l’autre humide ; une température annuelle moyenne relativement basse ; et un fort
rayonnement. Les équipes du projet TROPANDES ont étudié en particulier deux sites aux
situations contrastées (Carballas et al. 2002a et b, Figure 1 p.6) : (1) le village de Gavidia
(8°35’ N, 70°52’ W, Sierra de Mérida, Venezuela) est situé entre 3200 et 3800
mètres d’altitude dans une ancienne vallée glaciaire ; le total annuel de précipitations entre
1990 et 1999 varie de 1100 à 1700 mm avec une moyenne de 1300 mm par an ; le
rayonnement global journalier moyen est de 15,8 MJ m-2 (Fontaine 2000) et la température
moyenne annuelle chute de 10°C à 3200 m à 6°C à 3800 m (8,4°C à la station climatique,
Llambi et al. 2003) ; (2) la communauté de Patarani (17°06’ S, 68°00’ W, Patacamaya,
Bolivie) est localisée sur l’Altiplano à 110 km au sud de La Paz, à 3800 m d’altitude ; le total
annuel de précipitation varie de 300 à 450 mm (en moyenne 409 mm), le rayonnement global
journalier moyen est de 21,6 MJ m-2 (Sarps 2001) et la température moyenne annuelle est de
10,0°C (moyennes des années 1981-1991, Ortuño et al. 2004) mais avec de très fortes
variations journalières en saison sèche (amplitude thermique maximale : 29,4°C) et en
moyenne, 201 jours de gel par an (Migueis et al. 1998). A ces conditions climatiques
extrêmes correspondent deux écosystèmes naturels distincts : (1) le paramo s’étend dans les
régions humides des Andes du Nord (Equateur, Colombie et Venezuela) et se caractérise par
des communautés dominées par des arbustes (tel que Hypericum laricifolium Juss.) et des
rosettes géantes endémiques (comme Espeletia schultzii Wedd., emblématique du paramo de
Gavidia ; Monasterio 1980) ; (2) la puna3, caractéristique des Andes centrales semi-arides
(Pérou et Altiplano bolivien) est une lande dominée par des touffes de graminées pérennes, en
particulier, Stipa ichu. Le Tableau 3 (p.8) résume les caractéristiques géographiques,
climatiques, écologiques et socio-économiques des deux sites étudiés.
3
Puna : lande caractéristique des régions semi-arides des Andes centrales.
7
périodes de culture pendant lesquelles la terre s’épuise rapidement et des périodes de jachère
pendant lesquelles la fertilité du sol est progressivement restaurée.
Tableau 3. Résumé des caractéristiques des sites étudiés. Caractéristiques géographiques (a), climatiques (b),
socio-économiques (c), écologiques (d) et bio-physico-chimiques des sols (e).
b – Caractéristiques climatiques
Précipitations (Total annuel) 1300 mm 409 mm
Saison humide 6 mois : de Mai à Octobre 4 mois : de Décembre à Mars
Température moyenne annuelle 8,4°C 10,0°C
Amplitude thermique maxi.4 17,3°C (en saison sèche) 29,4°C (en saison sèche)
Nombre de jours de gels par an 12 201
Rayonnement journalier moyen 15,8 MJ m-2 j-1 21,6 MJ m-2 j-1
c – Système de culture
Production principale Pomme de terre (PdT) Pomme de terre (PdT)
Rendement 1ère année 18,3 t ha-1
6 t ha-1
2ème année 9,9 t ha-1
Productions secondaires Carotte, Blé, Ail Orge, Avoine, Quinoa
Temps de culture 2 (PdT) + 1 (Céréale) 1 (PdT) + 2 (Céréale)
Fertilisation 1,8 t ha-1 (16:16:08 NPK) 1 à 2 t ha-1 (1,4:0,6:1,7 NPK)
Irrigation Faible -
Temps de jachère Flexible, de 3 à 20 ans Fixé par la communauté, 10 ans
Nombre d’habitants # 350 habitants # 200 habitants
d – Caractéristiques écologiques
Ecosystème naturel Paramo Puna
Espèces caractéristiques Espeletia schultzii
Stipa ichu (chaume)
Hypericum laricifolium
Richesse spécifique > 120 espèces > 60 espèces
Succession secondaire
Espèces pionnières Rumex acetosella Erodium cicutarium
(« mauvaise herbe » introduite) (« mauvaise herbe »)
Espèces intermédiaires Lupinus meridanus (légumineuse) Lupinus buchtienii (légumineuse)
Acaena elongata (arbuste rampant) Aristida asplundii (graminée)
Espèces de fin de succession Espeletia schultzii (rosette géante) Baccharis incarum (arbuste)
Hypericum laricifolium (arbuste) Parastrephia lepidophylla (arbuste)
Baccharis prunifolia (arbuste) Stipa ichu (graminée)
4
Différence des moyennes mensuelles des températures minimales et maximales.
8
La rotation culturale est plus ou moins figée : (1) à Gavidia, les parcelles sont
généralement abandonnées après deux années de pomme de terre, éventuellement suivies par
une troisième année de culture (blé, carotte, ail) ; la durée de la jachère est variable, de deux
ans pour les terres de fond de vallée, proches des maisons, à plusieurs dizaines d’années pour
les terres les plus éloignées ; (2) la gestion communautaire de Patarani fixe les règles
suivantes : un an de pomme de terre, deux ans de céréale (orge et quinoa) puis dix ans de
jachère (Hervé et al. 2003). L’accroissement des populations locales et l’augmentation
consécutive des besoins vivriers poussent les paysans à chercher de meilleurs rendements
(Gutierrez 1996). L’utilisation d’intrants (engrais organique et minéral) est assez répandue au
Venezuela mais son coût en limite l’usage en Bolivie5. Quoiqu’il en soit, les engrais ne
peuvent se substituer à la jachère (Sarmiento 1995). Dans certaines vallées vénézuéliennes
moins élevées (altitude inférieure à 3000 m), la culture intensive est cependant soutenue par la
fertilisation et l’irrigation des parcelles (Sarmiento et al. 1993, 2002). A Gavidia, le temps de
jachère tend aussi à se raccourcir mais la diminution des rendements aboutit finalement à
l’abandon de la terre après plusieurs années (Sarmiento & Bottner 2002). Sur l’Altiplano, on
constate également une tendance au raccourcissement du temps de jachère mais par le biais
d’une diminution des surfaces consacrées à ce système de culture, puisque les règles
communautaires fixent la durée de la jachère (Hervé & Rivière 1988).
En sus de son importance dans la récupération de la fertilité, la jachère joue d’autres
rôles : la période de repos et le travail du sol permettent de limiter les populations des
nématodes à kystes de la pomme de terre, de contrôler les parasites et de lutter contre les
plantes adventices ; les terres en jachère sont pâturées ; la végétation naturelle fournit des
matières premières, bois de feu, graminées pour le chaume des maisons (en Bolivie
notamment, Pestalozzi 2000, Camacho 2001), plantes aux vertus médicinales (les feuilles
d’Espeletia par exemple sont utilisées dans la préparation d’infusion) ; et à l’échelle du
paysage, le système de culture à jachère longue maintient une importante biodiversité (plus de
120 espèces végétales ont été répertoriées dans le paramo de Gavidia, Sarmiento et al. 2002).
5
Sur l’Altiplano, le seul intrant est organique : déjections ovines (guano).
9
encore pour les rotations pomme de terre / pomme de terre que pour les rotations pomme de
terre / céréales (Hervé & Coûteaux, communication personnelle). Les courbes de dilution en
azote (Greenwood et al. 1990) mettent en évidence une carence en azote (Figure 2, Sarmiento
1995). Les situations diffèrent cependant d’un site à l’autre : (1) les sols du paramo sont
grossiers, acides et riches en matière organique mais les nutriments sont paradoxalement peu
disponibles ; les modifications des valeurs de δ15N discriminent mieux les parcelles en
fonction de leur âge et suggèrent une fermeture du cycle de l’azote au cours de la jachère6
(Abadin et al. 2002) ; la biomasse microbienne est largement réduite pendant la culture et
progressivement restaurée au cours de la jachère (Sarmiento & Bottner 2002) ; (2) les sols de
la puna sont sableux, neutres et pauvres en matière organique mais les nutriments
échangeables (en particulier Ca, K, Mg, Na et P) sont relativement abondants ; le contenu en
matière organique du sol est directement lié à la couverture végétale ; la biomasse
microbienne est elle-même corrélée au contenu en matière organique (Carballas et al. 2002b).
Dans les deux sites, les analyses de sol après différentes durées de jachère n’ont pas montré de
différences significatives dans les contenus de carbone et d’azote du sol (du fait en partie
d’une très grande hétérogénéité spatiale). Dans le Tableau 3e (p.8) sont résumées les
caractéristiques bio-physico-chimiques des sols de Gavidia et de Patarani.
Figure 2. Courbes de dilution en azote (Greenwood et al. 1990 ; données de Sarmiento 1995).
Légende : A courbe théorique ; B traitement forte fertilisation ; C traitement basse fertilisation.
6
Les processus qui conduisent à la perte d’azote minéral (volatilisation de l’ammonium, lessivage des nitrates et
dénitrification) discriminent contre l’isotope lourd 15N. Le δ15N du sol est donc lié au temps de résidence de
l’azote dans l’écosystème (il décroît lorsqu’on passe d’un cycle ouvert à un cycle fermé).
10
De la production végétale au cours de la succession post-culturale
Sous la responsabilité de Bernard Saugier, le partenaire numéro 6 du projet
TROPANDES (Université Paris-Sud, Laboratoire d’Ecologie Systématique & Evolution,
Département d’Ecophysiologie Végétale) était chargé de modéliser la production végétale de
la jachère au cours de la succession. La première esquisse de modèle (Saugier, rapport
intermédiaire 1998, communication personnelle) calculait la production primaire de
l’écosystème à partir de l’efficience d’utilisation de la lumière des différentes plantes. Dans ce
but, Magali Fontaine (2000) a mesuré pour les espèces les plus courantes du paramo (site
vénézuélien) la réponse de la photosynthèse à la lumière ainsi que plusieurs traits
écophysiologiques ou morphologiques (masse surfacique des feuilles, répartition de la
biomasse, angle foliaire moyen). Un travail similaire a été effectué en 2001 sur les espèces les
plus courantes de la puna (site bolivien) par Bernard Saugier et Jean-Yves Pontailler (données
de photosynthèse, 2003) et Audrey Sarps (masse surfacique des feuilles, répartition de la
biomasse et angle foliaire moyen, 2001). Mon travail de DEA s’est appuyé sur les travaux de
Magali Fontaine publiés par Llambi et al. (2003) pour construire la première version du
modèle FAPROM (Fallow Production Model, Martineau 2001).
11
facilitation) ; (3) des services rendus par les écosystèmes, en particulier du rôle de la jachère
dans la restauration de la fertilité et dans la dynamique des cycles du carbone et de l’azote
(durée optimale de la jachère, scénario de gestion, jachère améliorée) ; (4) de la réponse des
écosystèmes aux changements globaux et plus spécifiquement aux changements d’utilisation
des terres (écosystème naturel, culture, jachère, pâturage) ; et (5) des liens entre diversité des
communautés et fonctionnement des écosystèmes (productivité, stabilité et risques liés à
l’extinction d’espèces).
12
turn-over de la matière et présente un modèle étendu qui peut être utilisé tant pour ajuster des
données que pour modéliser simplement les mécanismes de la croissance dans des systèmes
plus complexes.
13
1 - Développement d’un modèle mécaniste
de succession végétale (FAPROM)
21 13 - COMMENT MODELISER ?
21 1.3.1 - Le modèle conceptuel repose sur les mécanismes écophysiologiques.
21 Architecture du couvert
26 Compétition pour la lumière et photosynthèse potentielle
26 Respiration des plantes
27 Absorption d’azote et assimilation réalisée
28 Allocation des assimilats
29 Sénescence des organes
29 Matière organique du sol
30 Cycle reproductif
30 Pâturage et cueillette
30 1.3.2 - Le modèle est paramétré à partir d’observations et de mesures de terrain.
31 1.3.3 - Le modèle informatique a été développé en FORTRAN puis VENSIM.
33 1.3.4 - Le modèle est utilisé pour estimer la dynamique de l’écosystème.
34 1.3.5 - Le modèle est couplé à des modèles de sol et de culture.
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Cette première partie a pour objet de présenter le modèle FAPROM (Fallow
Production Model, Martineau & Saugier 2004, annexe 1) que nous avons développé à partir
de février 2001 (stage de DEA). Notre exposé s’articulera autour de trois questions : (1)
pourquoi modéliser ? (2) à partir de quoi modéliser ? et (3) comment modéliser ?
Le travail de modélisation que nous avons mené consistait à intégrer les mesures de
terrain (caractéristiques des sols, écophysiologie et morphologie des espèces) et prédire
quantitativement la production végétale au cours de la jachère, la dynamique de la litière et la
succession secondaire.
Afin de justifier l’approche développée, nous allons faire le point sur les différents
objectifs de l’étude et montrer dans quelle mesure la modélisation est un moyen de répondre
aux questions scientifiques posées. Nous mettrons ici en exergue : (1) les buts de la
modélisation ; et (2) la contribution des modèles aux études de terrain.
On entend généralement par modèle ce qui est donné comme exemple, ce qu’on
reproduit par imitation, ou la représentation elle-même de ce qu’on reproduit. En science, un
modèle est une abstraction qui simplifie la réalité en ignorant de nombreuses caractéristiques
du système réel étudié, pour se concentrer sur les aspects qui intéressent le modélisateur et qui
définissent la problématique du modèle (Coquillard & Hill 1997, Davi et al. 2003). Il existe
différents types de modèles scientifiques : les modèles verbaux, conceptuels ; les modèles
physiques (modèles réduits ou agrandis, par exemple, les modèles de molécules en chimie) ;
les modèles mathématiques, analytiques ou informatiques. Le modèle que nous proposons a
pour objectif d’estimer la production végétale au cours de la succession post-culturale ; il
repose sur des équations codées dans un programme informatique ; il entre dans la catégorie
des modèles de simulations.
15
1.1.2 - Le modèle répond à des objectifs scientifiques généraux.
Sur le terrain, il n’est pas toujours possible de mesurer ce dont on a besoin : (1) La
dynamique de certaines variables d’état est difficile à étudier in situ. L’utilisation de méthodes
destructives dans l’estimation de biomasse empêche d’en suivre la dynamique tandis que les
méthodes non destructives affectent les mesures d’une erreur souvent mal maîtrisée (Sarps
2001). (2) Certains flux ne sont pas directement mesurables ou sont difficilement accessibles.
Par exemple, les méthodes d’estimation de la production primaire nette des écosystèmes
16
uniquement à partir des relevés successifs de végétation dépendent très fortement de la
fréquence des données et de la variance des mesures, et ne sont pas robustes quand la variance
des mesures est trop élevée (cf. Sarmiento et al. 2004, annexe 2). Il est également difficile
d’estimer directement le turn-over des différents organes. La méthode d’analyse inverse
(Savenkoff et al. 2001, Leguerrier et al. 2003) pose un modèle a priori, établit des relations
entre les différents stocks et flux du modèle, et détermine les contraintes du système ; grâce
au principe de parcimonie, elle permet de compenser l’insuffisance des données : le modèle
permet de déduire les flux non mesurés à partir des informations disponibles (flux mesurés et
variables d’état). (3) Les incertitudes de mesure peuvent masquer la dynamique. Comment
déceler les variations temporelles quand la variabilité spatiale est importante ? Dans le cas
particulier de l’étude des variations de stocks de la matière organique du sol, aucune tendance
n’a pu être mise en évidence à cause de la forte hétérogénéité des sols (Sarmiento & Bottner
2002) et du fait que (4) les données de terrains sont coûteuses et partielles. Le suivi de
biomasse de 6 parcelles pendant 2 ans (cf. Sarmiento et al. 2004, annexe 2) aurait occupé une
personne à plein temps pendant 3 ans ! Il est évident qu’on ne peut pas multiplier les mesures
et en cela le modèle peut fournir une aide précieuse pour déterminer sur quelles variables faire
porter les efforts. Un modèle peut également permettre de générer des données utiles au
fonctionnement d’un autre modèle. Au cours des étapes de développement des modèles du
projet TROPANDES, nous avons fourni des données journalières de production de litière au
partenaire Montpelliérain qui développait le modèle de matière organique du sol (Pansu et al.
2004a et b). Réciproquement, nous avons utilisé des données d’évapotranspiration potentielle
fournies par le modèle de bilan hydrique (Metselaar, communication personnelle).
Le modèle constitue un laboratoire in silico. L’augmentation de la vitesse de calcul des
ordinateurs a ouvert un champ d’opportunités aux modélisateurs : (1) Nous sommes capables
d’effectuer un grand nombre de simulations en un temps raisonnable donc on peut tester
théoriquement l’impact de telle variable environnementale sur la production primaire de
l’écosystème, ou bien l’effet de tel paramètre sur la position de telle espèce dans la succession
secondaire. (2) Et nous pouvons évaluer les effets à long terme de nos scénarios (sous les
hypothèses du modèle bien évidemment) ce qui est également infaisable sur le terrain.
Comme système complexe, le modèle peut mettre en évidence des résultats contre intuitifs qui
résultent de combinaisons d’effets : il permet de dépasser les raisonnements conceptuels qui
se limitent à des résultats qualitatifs et principalement aux effets linéaires.
17
1.2 - À PARTIR DE QUOI MODELISER ?
Où nous situons le modèle dans la littérature et considérons le cahier des charges,
les contraintes de réalisation et les hypothèses du modèle.
Modèles
statistiques
Modèles ANOVA
a) b) c)
de trouées
Modèles
Modèles Modèles biogéochimiques Castanea
théoriques mécanistes
Modèles
de compétition DSSAT
type Lotka-Volterra
De nombreux types de modèles sont utilisés en écologie. Lavigne et al. (2004) propose
de classer les modèles sur un triangle dont les sommets représentent trois grandes classes
définies suivant l’objectif principal du modèle (Figure 3a) : (1) les modèles généraux et
théoriques qui donnent un cadre conceptuel au développement d’une question scientifique ;
(2) les modèles statistiques qui permettent de prédire avec précision dans le domaine étudié ;
(3) les modèles mécanistes utilisés pour comprendre les processus afin d’être en mesure
d’extrapoler les résultats au-delà du domaine d’étude et de pouvoir tester des scénarios et
18
évaluer des effets à long terme. Un modèle peut être un compromis entre ces différents
aspects. Appliquée aux modèles de succession, cette classification place près des sommets du
triangle (Figure 3b) : (1) les modèles de compétition purement théoriques (par exemple Blatt
et al. 2001, basé sur les équations de Lotka-Volterra) ; (2) les modèles de trouées purement
statistiques (voir Bugmann 2001 pour une revue des “gap models” utilisés pour simuler les
dynamiques forestières) ; et (3) les modèles biogéochimiques purement mécanistes (dont
s’approchent les modèles de van Oene et al. 1999a et b, Bachelet et al. 2001, voir aussi
Caldwell 1995 pour une revue des modèles agronomiques à deux espèces). Si l’objectif est de
quantifier la production végétale, on trouve près des sommets (Figure 3c) : (1) les modèles
agronomiques génériques mais pas théoriques (Modèles DSSAT, CERES, Matthews &
Stephens 2002) ; (2) les modèles statistiques du type régression linéaire (efficience
photosynthétique) ou ANOVA (lorsque plusieurs variables explicatives sont prises en compte,
telles que l’âge de la jachère, l’espèce dominante, les caractéristiques du sol, etc.) ; et (3) les
modèles mécanistes écophysiologiques (Dufrêne et al. 2004) ou agronomiques (Parton et al.
1983, de Wit 1978). Dans le cadre du projet TROPANDES, on souhaitait (1) tester des
scénarios pour améliorer la gestion du système de culture (semis de lupin en début de jachère,
arrachage des arbustes, exclusion du pâturage) et (2) prédire les effets à long terme du
raccourcissement du temps de jachère. Or pour pouvoir étendre les résultats du modèle au-
delà des observations, le modèle doit être au moins partiellement mécaniste (Reynolds et al.
2001).
19
paramétrées pour chacun des sites étudiés) sont réparties dans le couvert en fonction de leur
taille mais aléatoirement distribuées dans les strates qu’elles occupent. La hauteur des strates
a été fixée à 10 cm dans nos simulations. Les espèces sont en compétition pour la lumière et
l’azote. Chaque espèce est découpée en quatre organes : (1) les feuilles qui déterminent la
photosynthèse brute potentielle ; (2) les tiges qui déterminent la hauteur du couvert ; (3) les
racines qui déterminent l’absorption d’azote ; et (4) les graines qui participent au cycle
reproductif.
Le modèle décrit les cycles du carbone et de l’azote (Figure 4). Il simule au pas de
temps horaire, la photosynthèse ; au pas de temps journalier, les respirations de croissance et
d’entretien, l’allocation des assimilats, l’absorption, la fixation et la remobilisation de l’azote,
la sénescence des tissus et la chute de nécromasse ; et au pas de temps annuel, la dispersion et
la germination des graines. Ce modèle de végétation a été conçu pour être couplé à un modèle
de sol. Dans l’attente du couplage au modèle développé par Pansu et al. (2004a et b), nous
avons développé un petit modèle simplifié du fonctionnement de la matière organique du sol
pour simuler la rétroaction du cycle de l’azote sur la dynamique de la communauté.
a b
Rm Uatm
rg
Usoil S
S F F
B D L B D L
Pd = (1-rg).P g R
Gs Hs Gs Hs
C N
20
1.3 - COMMENT MODELISER ?
Où nous décrivons le modèle et les étapes de développement.
Les Tableaux 4 et 5 sont reproduits pages suivantes et sur un volant cartonné recto-verso.
La Figure 4 (page précédente) schématise les cycles du carbone et de l’azote dans les
plantes et dans le sol tels qu’ils sont pris en compte dans le modèle FAPROM.
Architecture du couvert
Pour calculer la photosynthèse potentielle de chaque espèce, le modèle estime la
surface foliaire, la hauteur du couvert et la distribution de la surface foliaire dans le couvert.
La biomasse de feuilles (simulée par le modèle au pas de temps journalier) est convertie en
surface foliaire en supposant une masse surfacique de feuille constante au cours du temps
(E19). La surface foliaire est ensuite répartie de façon homogène dans les strates occupées par
l’espèce (E20). La hauteur du couvert est déterminée en fonction de la biomasse aérienne par
une régression linéaire (E18).
On peut substituer à ces hypothèses simples un calcul de la hauteur du couvert et des
fonctions de répartition des feuilles plus réalistes. La première version du modèle permettait
de choisir entre trois distributions ‘théoriques’ : en pyramide, homogène, en parapluie. Elle a
été abandonnée en attendant l’intégration complète des données de terrain. Ces données
pourront être directement utilisées pour simuler les distributions. (Suite du texte p.26)
21
Tableau 4. Paramètres du modèle FAPROM, valeurs utilisées pour le site vénézuélien.
4.1 - Caractéristiques des espèces (W : saison humide ; D : saison sèche).
LMA ( i ) Leaf mass per gDM m-2 Fontaine (2000) 54.4 195.9 114.9 182.5 120.9 87.8
area
ω(i ) Mean leaf angle degree Fontaine (2000) 80.0 60.7 20.2 51.8 52.0 34.1
ω(i )
*
k ( i ) = 0.988 ⋅ cos 2.4
2
Symbol Parameters Units References Ru Es Ac Hy Ba Lu
H max ( i ) Maximal height m Saugier (p.c.) 0.4 0.6 0.4 1.0 1.2 0.6
SRL ( i ) Specific root m g-1
Sarmiento
70 300 200 260 280 70
length (p.c., not shown)
C
Biomass distribution g T ( i , j )
g CW ( i , leaf ) Leaf W 0.08 0.39 0.17 0.27 0.25 0.17
C
g W ( i , stem ) Stem W 0.12 0.03 0.40 0.40 0.43 0.44
Berbesi (1990) except for
C
g W ( i , seed ) Seed W gC gC-1 Lupinus 0.17 0.09 0.09 0.06 0.01 0.03
C [Fontaine (2000)]
g W ( i , root ) Root W 0.41 0.05 0.24 0.24 0.23 0.33
C
g W ( i , dead ) Dead mass W 0.22 0.44 0.10 0.03 0.08 0.03
C
g D ( i , leaf ) Leaf D 0.18 0.35 0.06 0.22 0.25 0.17
C
g D ( i , stem ) Stem D 0.01 0.03 0.32 0.37 0.43 0.44
gC gC-1
C
g D ( i , seed ) Seed D Idem 0.02 0.12 0.01 0.01 0.01 0.03
C
g D ( i , root ) Root D 0.53 0.06 0.31 0.25 0.23 0.33
C
g D ( i , dead ) Dead mass D 0.26 0.44 0.30 0.15 0.08 0.03
C
Initial biomass allocation f 0 (i,j)
C
f 0 ( i , leaf ) Leaf 0.16 0.64 0.43 0.48 0.57 0.34
f C
0 ( i , stem ) Stem Martineau (results of a 0.23 0.01 0.15 0.17 0.20 0.23
C
gC gC-1 d-1 compartment model, not
f0 ( i , seed ) Seed shown) 0.23 0.25 0.14 0.13 0.03 0.26
C
f 0 ( i , root ) Root 0.38 0.10 0.28 0.22 0.20 0.17
a-1: per year; Ac: Acaena elongata; Ba: Baccharis prunifolia; d: day; Es: Espeletia schultzii; gC: gram of carbon;
gDM: gram of dry matter; gN: gram of nitrogen; Hy: Hypericum laricifolium; Lu: Lupinus meridanus; m: meter; p.c.:
personal communication; Ru: Rumex acetosella; s: second.
Tableau 5. Equations du modèle FAPROM (voir Tableau 4 pour la signification des paramètres et Figure 4 pour le
schéma global du fonctionnement du modèle). E1, E2, … refer to equation number as quoted in model description.
Description is made for species i, organ j; exponents C and N refer respectively to carbon and nitrogen contents.
∆t represents the time step. ∆t = 1 day for all our simulations.
5.1 - Carbon cycle: daily growth of biomass (B) and standing dead mass (D) [cf. Figure 4-a].
∆B
C
(i,j) / ∆t = f
C
(i ,j) ⋅ Pd ( C
(i ) + Gs
C
(i ) )− R C
m (i,j) −S
C
(i ,j) − H sC ( i , j ) E1
C C C
∆D (i ,j) / ∆t = S (i,j) −F (i,j) E2
C
f (i,j) Fraction of carbon allocated to the compartment (for details see in Appendix I, annexe 1) E3
P C
d (i ) C-uptake: P
C
d (i ) = min U ( C
theo ( i ) ;U C
max ( i ) ) E4
C
G s (i ) Reproductive growth by seed germination
C C N N
R m (i,j) Maintenance respiration: R m (i,j) = m ⋅B (i,j) E5
C C C C
S (i,j) Senescence: S (i,j) =s (i ,j) ⋅B (i,j) E6
C
H s (i,j) Loss by seed dispersion
C C
F (i ,j) Fall of standing dead mass, according to the standing dead/biomass ratio ν ( i ,j ) :
ν C
(i ,j)
F C ( i , j ) = max D C
(i ,j ) − B C (i ,j) ⋅ C
; 0 E7
1− ν (i ,j)
5.2 - Nitrogen cycle: daily growth of biomass (B) and standing dead mass (D) [cf. Figure 4-b].
∆B N ( i , j ) / ∆t = f N ( i , j ) ⋅ G sN ( i ) + U atm ( i ) + U soil ( i ) + ∑ ℜ a ( i , j ' ) − S ( i , j ) − H s ( i , j )
N N N N N
E8
j '
N N N N
∆D (i,j) / ∆t = S (i,j) − ℜa (i,j) −F (i,j) E9
C
N
f (i ,j) ξ (i,j)
f
N
Nitrogen allocation coefficient: f =
∑ (f )
(i,j) (i,j)
C
E10
(i,j') ξ (i ,j' )
j'
ξ (i,j) Carbon / nitrogen ratio: ξ ( i , j ) = χ n ( i , j ) with carbon content χ = 0.45 for all species and organs
n (i,j) Nitrogen concentration in biomass
N N C
G s (i ) Nitrogen supply by seed rains: G s ( i ) = G s ( i ) ξ ( i , seed ) E11
N
U atm ( i ) Symbiotic nitrogen fixation
N
U soil ( i ) Soil nitrogen uptake by plant roots
N
ℜ a (i,j) Actual nitrogen remobilisation:
N
u theo (i )
∑ p (i,j')
N N N N N
ℜa (i,j) = if ℜ < u theo ( i ) , then ℜ p (i,j) , else ℜ p (i,j) ⋅ E12
∑ ℜ p (i,j')
N
j'
j'
C
ξ (i,j) R m (i,j)
Potential nitrogen remobilisation: ℜ p ( i , j ) = S ( i , j ) ⋅ 1 − +
N N
ℜ pN ( i , j ) E13
ξ ( i , necro ) ξ (i,j)
N
S
N
(i,j) Senescence: S (i,j) = s C (i ,j) ⋅ B N (i,j) E14
N
H s (i,j) Loss by seed dispersion
N
D (i,j)
F N (i,j) Fall of standing dead mass: F N ( i , j ) = F C ( i , j ) ⋅ C
E15
D (i,j)
with B ( i , shoot ) = B ( i , leaf ) + B ( i , stem ) and B max ( i , shoot ) the maximal value of B C ( i , shoot )
C C C C
C
B ( i ,leaf )
LAI ( i ) Leaf area index: LAI ( i ) = with carbon content χ = 0.45 E19
χ ⋅ LMA ( i )
LAI l ( i ) Leaf area index in layer l, linearly related to height (for details see in Appendix II, annexe 1) E20
k (i )
l
A h (i ) Light interception: A h ( i ) =
l
⋅ I lh ⋅ 1 − exp − ∑ k ( i ' ) ⋅ LAI l ( i ' ) E21
∑ k ( i ' ) ⋅ LAI l ( i ' ) i'
i'
0 h − 12 ⋅ π ; 0
PAR above the canopy at solar time h: I h = max I max ⋅ cos
0
Ih E22
τ
ΓU ⋅ R g
I max Daily maximal instantaneous radiation: I max = E23
ΓI ⋅ τ
with data inputs ( R g : daily radiation and τ : day length) and constants ( Γ U : unit change and Γ I : integration)
Ih
l +1
Instantaneous PAR above the layer l: I h
l +1
= I lh ⋅ exp − ∑ k ( i ' ) ⋅ LAI l ( i ' ) E24
i'
Nitrogen competition
N
U theo ( i ) Potential nitrogen assimilation: U theo ( i ) = U theo ( i ) ⋅ ∑ f
N C
j
( C
(i,j) ξ (i,j) ) E25
N
Plant nitrogen demand: V theo ( i ) = max U theo ( i ) − ∑ ℜ a ( i , j ) ; 0
N N N
V theo ( i ) E26
j
C
N N SRL ( i ) ⋅ B ( i , root ) ∆N m
U N
soil ( i ) Actual plant uptake: U soil ( i ) = min V theo ( i ) ; ⋅ E27
∑ SRL ( i ' ) ⋅ B ( i ' , root )
C
∆t
i'
Nm Soil mineral nitrogen [ ∆N m = N m in limiting nitrogen]
N
U atm ( i )
N N N
(
N-fixing: U atm ( i ) = (1 − γ ( i ) ) ⋅ V theo ( i ) − U soil ( i ) ) E28
C
U max ( i )
Actual carbon uptake: U Cmax ( i ) = ∑ ℜ aN ( i , j ' ) + U atm
N N
( i ) + U soil ( i ) ⋅ ∑ ξ ( i , j ' ) ⋅ f ( N
(i,j') ) E29
j ' j'
5.5 - Nitrogen cycling through soil (cf. Table 4.2 and Figure 4-c).
∆N m / ∆t = δ + a qd L N + a sd SOM N N
− N leached − U soil E33
∆L N / ∆t = F N − a qd L N − β L N E34
N N N
∆SOM / ∆t = β L − a sd SOM E35
N leached Nitrogen leached: N leached = min λρW , ∆N m ∆t − U ( N
soil ) E36
= ∑U
N N N
U soil Plant uptake: U soil soil ( i ) E37
i
FN Litter fall: F = ∑∑ F ( i , j )
N N
E38
i j
27 ln ( Q 10 )
⋅ exp ⋅ T avec Q10 = 2 et T la température moyenne annuelle du site.
N
7
m =
365 10
26
d’entretien des feuilles de 25% pour tenir compte de l’utilisation directe de l’énergie
lumineuse par les feuilles pendant la journée (Penning de Vries et al. 1989, Cannell &
Thornley 2000).
Dans le modèle que nous avons construit pour estimer la production primaire nette
des parcelles vénézuéliennes dont la biomasse avait été suivie pendant deux ans (cf. annexe
2), nous prélevons d’abord ce qui correspond à la respiration d’entretien, puis 25% du reste
pour la respiration de croissance. Selon Cannell & Thornley 2000, cette méthode alternative
est équivalente à celle employée pour le modèle FAPROM. Une amélioration substantielle de
l’estimation de la respiration prendrait en compte la quantité de structures et de substrats
dans chaque organe et décrirait le détail des besoins énergétiques liés aux différents
processus écophysiologiques.
27
Allocation des assimilats
Mesurée
Simulée Biomass distribution Assimilate allocation
0.29 0.7
Leaf
0.26 0.4
0.44
0.4
Stem
0.40 0.2
0.06 0.20
Seed
0.02 0.05
0.30 0.25
Root
0.26
0.05
L’assimilation réalisée est égale au minimum de (1) ce qui est calculé en supposant
que seules la lumière et l’eau sont limitantes, et de (2) ce qui est calculé en prenant également
en compte la limitation en azote minéral (E27). Les cycles du carbone et de l’azote sont reliés
par les teneurs en azote des différents organes (constantes par saison) et les coefficients
d’allocation (variables au cours du temps) (E3, E10, E25). Les coefficients d’allocation8 sont
ajustés au pas de temps journalier de telle sorte que la distribution résultante de la biomasse
entre les différents organes soit conforme à (ou du moins s’approche autant que possible de)
la distribution mesurée sur le terrain (deux mesures ont été effectuées pour chaque espèce :
l’une en saison sèche et l’autre en saison humide). La Figure 5 présente la dynamique des
coefficients d’allocation simulée pour Hypericum laricifolium, la répartition de biomasse
résultante et la répartition mesurée sur le terrain.
8
Pour plus de détails, l’appendice I de l’article reproduit en annexe 1 donne les équations définies pour calculer
les coefficients d’allocation.
28
La première version du modèle allouait les assimilats avec des coefficients fixes. Cette
hypothèse ne permettait pas de simuler une répartition de biomasse conforme aux mesures de
terrain. Améliorer la prise en compte des processus d’allocation nécessite vraisemblablement
d’étudier la plasticité de l’allocation (réponse de la plante à un déficit en azote minéral ;
croissance en hauteur stimulée par un déficit de lumière).
29
Cycle reproductif
Parallèlement à la croissance végétative, le modèle simule au pas de temps annuel la
reproduction. A chaque pas de temps les différentes espèces allouent de la biomasse à leurs
structures reproductives. A une date donnée (choisie en fonction de la phénologie de
l’espèce), les graines sont dispersées (E32). La banque de graines du sol est alimentée par une
partie de ces graines, par la pluie de graines qui arrive des parcelles voisines, et par les graines
en dormance (E30). Lorsque les conditions climatiques sont réunies (au début de la saison
humide suivante), une partie de ces graines germent (E31). On entend par germination la
germination proprement dite et la phase de recrutement : la biomasse des graines « qui
germent » est directement allouée aux organes de l’espèce.
La modélisation du cycle reproductif reste simpliste. Le modèle ne prend en compte
que la biomasse de graines ; il ne simule ni le nombre de graines ni le nombre de nouveaux
individus recrutés : il n’y a pas de modèle de dynamique de populations sous-jacent. Des
études complémentaires sur le terrain permettraient d’estimer les flux de graines intra- et
inter-parcelles, la banque de graines, les chances de recrutement, et le rapport de biomasses
graines dispersées / parties reproductives sur pied.
Pâturage et cueillette
Le modèle peut prendre en compte le prélèvement d’une partie de la biomasse d’une
ou de plusieurs espèces. Pour des études préparatoires sur l’impact du pâturage sur la
succession secondaire et sur la production primaire de l’écosystème, nous avons fait varier la
pression d’herbivorie (fréquence et intensité des prélèvements). Pour étudier l’impact de la
cueillette (prélèvement des arbustes), nous avons également fait varier la fréquence de la
perturbation.
Pour prendre correctement en compte le pâturage, il faudrait aussi modéliser l’apport
de matière organique par les fèces des animaux et étudier l’impact mécanique du piétinement
du bétail sur le sol et la végétation.
30
la dynamique de la communauté. Bien que nous ayons recherché le meilleur compromis entre
réalisme et simplicité, le nombre de paramètres du modèle est élevé (une cinquantaine par
espèce, cf. Tableau 4). De nombreux auteurs ont publié leur point de vue quant à la
complexité des modèles (notamment Ginzburg & Jensen 2004, Lavigne et al. 2004) mais peu
de ces contributions s’intéressent précisément à ce type de modèle : ici, notre objectif est
clairement de faire le lien entre les processus instantanés (décrits à l’aide de traits spécifiques
mesurables sur le terrain) et la dynamique globale de la communauté (production primaire,
qualité de la litière, succession végétale). Les données interviennent donc à tous les niveaux
du modèle et sont au cœur de notre démarche : (1) les données écophysiologiques et
morphologiques déterminent les paramètres mécanistes de la croissance des différentes
espèces et du fonctionnement de l’écosystème (photosynthèse, distribution de la biomasse,
surface foliaire spécifique, angle foliaire moyen - cf. Tableau 4) ; (2) les données
météorologiques9 (rayonnement journalier, température et précipitations) et les éventuelles
variables exogènes (pluies de graines, flux d’azote minéral) constituent les variables de
forçage du système ; (3) les données écologiques permettent de déterminer les conditions
initiales de nos simulations et de valider le modèle : suivis de parcelle au cours de la jachère
(biovolume des espèces et analyses de sol), expérience de jachère améliorée (semis de
légumineuse), estimation de la production primaire nette de l’écosystème. Malheureusement,
nous n’avons pas encore accès à toutes les données écologiques.
9
Les données climatiques du Venezuela ont été collectées par Lina Sarmiento à Gavidia. Lina Sarmiento et Julia
Smith ont traité ces données et étendu le jeu de données disponible sur 34 ans en utilisant des corrélations entre
plusieurs stations météorologiques voisines (pour plus de détails, se reporter à la partie Application de l’annexe 1
ou au Matériel & Méthodes de l’annexe 2).
Les données climatiques de Bolivie ont été collectées par Jean Vacher à Patacamaya. Pierre Bottner a étendu le
jeu de données disponible sur 20 ans en juxtaposant aléatoirement les années météorologiques complètes (1987-
1991).
10
VENSIM est un logiciel de programmation graphique des systèmes dynamiques qui fonctionne en C
(http://www.vensim.com).
31
modèles à l’échelle de l’écosystème. De nombreuses vérifications sont nécessaires pour
garantir l’adéquation entre le jeu d’équations du modèle conceptuel et le programme
informatique. L’utilisation du modèle sur deux sites différents a permis d’identifier certaines
erreurs et nous espérons qu’après trois années d’utilisation, le programme est complètement
épuré. De nombreuses discussions avec les différents partenaires du projet (en particulier Lina
Sarmiento) et d’autres chercheurs (notamment Frank Berendse, Eric Garnier et Paul Leadley)
ont contribué à l’évolution du modèle. La Figure 6 (ci-dessous) présente les différentes étapes
de développement du modèle : conception, estimation des paramètres, calibration sur les
données manquantes et validation sur des jeux de données indépendants.
32
chaque site, il a fallu adapter le modèle au site particulier. Le modèle a été dans un premier
temps développé sur le site vénézuélien. Il a été par la suite adapté au site bolivien en fonction
des informations disponibles : par exemple, les concentrations en azote des différents organes
ont été supposées constantes sur l’année (pas de variations saisonnières).
Le travail sur la Bolivie date d’octobre 2002 et n’a pas été réactualisé depuis. La
version du modèle qui a été utilisée pour les simulations avec les données du site bolivien ne
tenait pas compte des derniers changements (juillet - août 2004) : les coefficients d’allocation
sont supposés constants ; l’azote minéral disponible est une variable exogène (considérée
comme constante) et est absorbé par les racines au prorata des demandes des plantes
(Martineau 2001).
Tableau 6. Variables d’intérêt et sorties réfutables du modèle FAPROM. Données collectées par les partenaires
vénézuélien et bolivien.
Gavidia, Venezuela Patarani, Bolivie
Fonctionnement global de l’écosystème
Indice de surface foliaire (LAI)
Suivis de 123 parcelles Suivis de 19 parcelles
Couverture végétale
Biomasse aérienne
Expériences de production Expériences de production
Biomasse souterraine
(suivi de 6 parcelles pendant 2 ans) (12 parcelles)
Production primaire
Fixation de l’azote Manipulation de la jachère Manipulation de la jachère
(semis de lupin) (semis de lupin)
Succession végétale
Statut des espèces
Dynamique de la biomasse Suivis de 123 parcelles Suivis de 19 parcelles
Dynamique du LAI
Répartition de la biomasse Expériences de production Expériences de production
Production de litière (suivi de 6 parcelles pendant 2 ans) (12 parcelles)
33
sortie du modèle. Le Tableau 6 (p.33) liste les variables d’intérêt et les sorties « réfutables »
du modèle. Pour garantir l’indépendance des jeux de données qui servent à la calibration et à
la validation du modèle, on calibre sur les paramètres écophysiologiques au niveau des
espèces et on valide sur les conditions initiales au niveau de la communauté. Des études
techniques complémentaires accompagnent l’étude du modèle : (1) test de la robustesse du
modèle ; (2) étude de sensibilité du modèle aux conditions initiales ; (3) étude de sensibilité
du modèle aux différents paramètres.
Climat
SAHEL
LINTUL FAPROM
MOMOS
Plot 1
Plot 2
Plot n
Exploitation 1
Exploitation 2
Exploitation k
Région
Figure 7. Intégration des modèles du projet TROPANDES (légende : cf. Tableau 7 page suivante).
34
quantité de semence, d’engrais, etc.). La Figure 8 présente le chronogramme des activités
agricoles.
Tableau 7. Variables échangées entre les différents sous-modèles du modèle agro-écologique de parcelle du
projet TROPANDES. (pc : communisation personnelle)
MOMOS FAPROM
SAHEL LINTUL
Pansu et al. Martineau &
Metselaar, pc Metselaar, pc
2004a et b Saugier 2004
SAHEL
ETP ETP
Bilan hydrique et eau dans le Humidité du sol
ETR ETR
sol
MOMOS
Azote minéral Azote minéral
Matière organique du sol
LAI Fertilisation
LINTUL
Couverture Résidus de
Culture de pomme de terre
végétale culture
LAI Production de
FAPROM
Couverture litière
Végétation de la jachère
végétale Biomasse
S R L S R L S R
Pâturage Pâturage
Cueillette Cueillette
35
2 - Applications du modèle, de la plante à
l’écosystème
36
Cette deuxième partie présente une synthèse des résultats prédits par le modèle
FAPROM sur trois plans différents : (1) la croissance d’un couvert végétal monospécifique,
(2) la dynamique d’une communauté végétale et (3) le rôle de la jachère dans l’agro-
écosystème. Sauf mention contraire, les simulations ont été effectuées avec les valeurs de
paramètres définies dans le Tableau 4 (données vénézuéliennes).
Nous présentons dans un premier temps les résultats prédits par le modèle FAPROM
pour les différentes monocultures11. Nous analysons le patron de croissance des différentes
espèces étudiées au regard de la place que ces espèces occupent dans la succession et
interprétons leur patron de croissance en fonction de leurs traits. Afin de mieux comprendre
les mécanismes de la croissance végétale, nous dégradons ensuite le modèle FAPROM. Nous
obtenons un modèle mécaniste simplifié dont nous relions par une étude de sensibilité les
paramètres (qui déterminent le patron de croissance) aux traits mesurés (c’est-à-dire aux
paramètres qui servent à modéliser les espèces dans le modèle FAPROM). Nous exposons
enfin les résultats d’une étude préliminaire à la validation du modèle FAPROM : l’estimation
de la production primaire nette de l’écosystème par suivi de biomasse sur six parcelles
vénézuéliennes, assimilées à des monocultures de Rumex acetosella.
Les résultats concernant la dégradation du modèle FAPROM et l’étude du modèle
mécaniste simplifié font l’objet du projet d’article reproduit en annexe 3 ; l’estimation de la
production primaire nette des six parcelles vénézuéliennes fait l’objet de l’annexe 2.
11
Nous utiliserons le terme monoculture pour désigner un couvert végétal monospécifique.
37
courbes de croissance suivent un motif sigmoïde caractéristique des croissances logistiques :
un début de croissance exponentielle et une saturation à la capacité de charge. Comment relier
les deux paramètres du modèle logistique12 aux 55 paramètres et 25 équations du modèle
FAPROM ?
1200
1000
Biomass (gDM m-2)
800
600
400
200
0
0 2 4 6 8 10 0 2 4 6 8 10
Time Time
1200
1000
Biomass (gDM m-2)
800
600
400
200
0
0 5 10 15 20 0 5 10 15 20
Time Time
NB : Les échelles temporelles sont différentes (10 ans pour les espèces vénézuéliennes, en haut ; 20 ans pour les
espèces boliviennes, en bas). Pour chaque espèce, les paramètres utilisés dans ces simulations correspondent à
ceux des Tableaux 4 (Venezuela) et 8 (Bolivie) excepté pour les conditions initiales : 1 gC m-2 de graines en
dormance (sauf pour Stipa ichu : 10 gC m-2) ; pas d’apport de graines en provenance de l’environnement au cours
de la simulation.
dx x
12
L’équation logistique ( = r ⋅ x ⋅ 1 − , Verhulst 1824, Pearl & Reed 1920) est entièrement
dt K
déterminée par 2 paramètres : le taux de croissance intrinsèque de la population (r) et sa capacité de charge (K).
38
Tableau 8. Paramètres utilisés pour les espèces boliviennes (W = saison humide ; D = saison sèche).
Symbol Parameters Units References Er Ar St Pa Ba Lu
Cannell & Thornley 2000
γ (i ) Nitrogen-fixing
─ [Ryle et al. 1979, Phillips 1 1 1 1 1 0.20
cost
1980, Sheehy 1987]
rgGrowth
gC gC-1 d-1 Ruimy 1995 0.25 0.25 0.25 0.25 0.25 0.25
respiration rate
Maintenance
mN gC gN-1 d-1 Martineau 2001 0.10 0.08 0. 08 0. 05 0.05 0.10
respiration rate
LMA ( i ) Leaf mass per gDM m-2 Sarps 2001 42.9 84.2 945.1 131.4 154.8 36.1
area
ω(i ) Mean leaf angle degree Sarps 2001 61 37 77 61 58 60
Sinoquet et al. (2000),
k (i ) Light extinction
─ Bonhomme & Varlet- 0.69 0.87 0.55 0.69 0.72 0.70
coefficient
Grancher (1977)
H max ( i ) Maximal height m Sarps 2001 0.10 0.30 0.50 0.70 0.70 0.25
Photosynthesis
Photosynthetic
P max ( i )
gross rate at µmol m-2 s-1 W 25.6 13.6 17.7 22.2 20.0 21.0
saturating light
Saugier & Pontailler
α (i ) Photochemical 2003
─ W 0.086 0.040 0.057 0.061 0.063 0.045
efficiency
θ(i ) Non-rectangular
─ W 0.345 0.150 0.350 0.353 0.187 0.531
hyperbola curve
Modification factor for
─ D 0.0 0.3 1.0 0.4 0.4 0.0
photosynthesis in dry season
Nitrogen concentrations n ( i , j )
n ( i , leaf ) Leaf 2.18 0.72 0.63 1.18 1.12 2.73
Coûteaux (p.c.) and Martineau
n ( i ,stem ) Stem (estimation) 1.90 0.72 0.63 0.51 0.57 2.73
n ( i ,seed ) / 100
Seed 1.90 0.72 0.63 0.51 1.12 2.73
gN gDM-1 Roots and stems have been
n ( i , root ) Root taken as leaves in the absence 1.90 1.06 0.63 0.51 0.36 2.73
D
of data.
n ( i , shoot ) Dead mass 1.90 0.72 0.63 0.51 0.56 2.73
C
Mortality rate s ( i , j )
s C ( i , leaf ) Leaf W 8.50 2.60 0.20 0.85 0.40 3.00
C
Martineau (calibration)
s ( i , stem ) Stem W / 100 8.56 2.60 0.20 0.80 0.52 3.00
s C
( i , seed ) Seed W gC gC-1 d-1 The high values result from 0.50 2.20 0.20 0.50 0.50 0.50
high values of photosynthesis.
s C ( i , root ) Root W 8.56 2.60 0.20 0.80 0.57 3.00
Legend: Ar: Aristida asplundii; Ba: Baccharis incarum; d: day; Er: Erodium cicutarium; gC: gram of carbon; gDM: gram of dry
matter; gN: gram of nitrogen; Lu: Lupinus buchtienii; m: meter; Pa: Parastrephia lepidophylla; p.c.: personal communication;
St: Stipa ichu; s: second.
Nous allons répondre à cette question par trois méthodes différentes :
(1) Nous analysons d’abord les liens entre traits (Grime 2001, Lavorel & Garnier 2002),
stratégie r-K (Tilman 1988) et statut de succession des espèces (étude des gradients de
succession).
(2) Nous étudions ensuite par simulations la sensibilité des paramètres du modèle logistique
(r, K) aux paramètres du modèle FAPROM (traits des espèces).
(3) Nous dégradons enfin le modèle FAPROM pour obtenir un modèle analytique simple afin
de mieux comprendre les mécanismes qui engendrent le patron de croissance simulé.
40
L’établissement de la végétation est plus lent en Bolivie (de 3 à 15 ans) qu’au
Venezuela (de 2 à 7 ans). Le temps d’établissement de Stipa ichu (Bolivie) est
particulièrement lent ; il est probable que cette espèce ne parvienne jamais à sa capacité de
charge au champ du fait qu’elle soit collectée pour servir de matériau de construction (chaume
pour le toit des maisons). Lupinus meridanus (Venezuela) est l’espèce la plus sensible aux
variations climatiques interannuelles : sa production primaire est fortement dépendante de la
photosynthèse alors que le principal facteur limitant des autres espèces est l’azote (les
variations climatiques interannuelles sont alors tamponnées par la disponibilité en azote
minéral dont les variations sont plus faibles). Lupinus buchtienii et Erodium cicutarium
(Bolivie) sont modélisées comme des annuelles : la biomasse retourne à zéro à la fin de la
saison sèche ; l’espèce survit grâce aux graines. L’efficacité photosynthétique moyenne est
plus forte en Bolivie qu’au Venezuela, et ce, malgré la correction déjà effectuée sur les
données vénézuéliennes13. Cependant la capacité de charge des espèces boliviennes est en
moyenne plus faible que celle des espèces vénézuéliennes. Cela est dû à une saison sèche plus
longue sur les parcelles boliviennes.
4 4
Non légumineuses
Lupinus
3 3
Elasticité de K
Elasticité de r
2 2
1 1
0 0
-1 -1
Figure 10. Elasticité des paramètres de sortie r et K à différents traits des espèces.
Légende : rg respiration de croissance ; rm respiration de maintenance ; LMA masse surfacique des feuilles ; P
facteur d’échelle de la photosynthèse ; S facteur d’échelle de la mortalité ; N facteur d’échelle de la
concentration en azote ; - élasticité négative ; + élasticité positive ; Non légumineuses : moyenne sur les espèces
non légumineuses ; Lupinus : valeurs pour Lupinus meridanus.
NB : la variabilité résulte de la non-linéarité du modèle (6 variations relatives ont été simulées) et des différences
de comportement du modèle en fonction des valeurs de paramètres des espèces. La variabilité de l’élasticité de r
est plus forte que celle de l’élasticité de K. Ceci est également imputable à la sensibilité de l’ajustement
logistique sur le paramètre r.
13
Un facteur multiplicatif de 1,25 a été appliqué sur toutes les données vénézuéliennes suite à la détection d’une
erreur de calibration liée au changement d’altitude entre le laboratoire (Mérida, 1600 m) et le site de mesures
(Gavidia, 3200 m) - cf. annexe 1 pour plus de précision.
41
Nous avons étudié la sensibilité des paramètres de sortie r et K au coefficient de
respiration de croissance (rg), au coefficient de respiration d’entretien (mN), à la masse
surfacique des feuilles (LMA), à la capacité photosynthétique de l’espèce (P, facteur
d’échelle14 du rendement quantique et de l’assimilation foliaire maximale), à la concentration
en azote de l’espèce (N, facteur d’échelle des concentrations en azote des différents organes)
et à la sénescence (S, facteur d’échelle des différents taux de mortalité des organes).
L’élasticité15 des sorties r et K aux paramètres rg, mN, LMA, P, N et S a été estimée avec les
données vénézuéliennes en moyennant l’élasticité obtenue pour 6 variations relatives de
chaque paramètre (-15%, -10%, -5%, +5%, +10% et +15%). Nous présentons d’une part les
résultats obtenus avec Lupinus meridanus, d’autre part la moyenne obtenue en utilisant les
paramètres des espèces non légumineuses (Figure 10 p.41). L’élasticité de r et K aux
paramètres liés à la limitation de la croissance par la ressource lumineuse (paramètres de la
photosynthèse, masse foliaire spécifique, coefficients de respiration de croissance et
d’entretien) est en moyenne 6,6 fois plus forte pour l’espèce légumineuse que pour les autres :
la croissance du lupin est fortement limitée par la lumière. Pour les espèces non légumineuses,
le paramètre qui donne la plus forte élasticité de K est la concentration en azote des organes :
leur croissance est fortement limitée par la disponibilité en azote minéral. Le taux de
croissance intrinsèque (r) est plus sensible que la capacité de charge (K) aux paramètres LMA
et P : la lumière est le principal facteur limitant de la phase de croissance exponentielle.
14
On appelle facteur d’échelle d’un paramètre un coefficient multiplicatif qu’on applique à ce paramètre. Dans
la simulation standard (effectuée avec les valeurs de référence), le facteur d’échelle est égal à 1.
15
L’élasticité de la sortie S au paramètre P est définie par analogie avec l’allongement relatif d’un élastique
∆S ∆P
rapporté à la variation relative de la force qui étire l’élastique, comme étant égale à : e S ( P ) = / .
S P
e S ( P ) > 0 si une variation positive du paramètre P entraîne une variation positive de la sortie S.
e S ( P ) > 1 si la variation du paramètre P est amplifiée dans la sortie S.
42
particulièrement des hauteurs relatives entre les différentes espèces. En ce qui concerne
l’absorption d’azote, le modèle ne simule pas la capacité d’absorption des différentes espèces
mais uniquement leur capacité relative. Une espèce seule peut (dans le modèle) absorber tout
l’azote minéral disponible quelle que soit sa biomasse de racines.
1400
a
1200 Figure 11. Dégradation du modèle
FAPROM :
Flux (gDM m-2 a-1)
0
0 200 400 600 800 1000 1200
43
Dégradation du modèle FAPROM
Nous avons dégradé le modèle FAPROM par simplification des hypothèses (réduction
à un seul compartiment de biomasse, considération d’une unique saison moyenne) et
agrégation de paramètres (production primaire nette / mortalité). Nous discutons dans la suite
les mécanismes et le patron de croissance sur une espèce particulière (Espeletia schultzii). La
Figure 11 (page précédente) décompose le taux de croissance annuel d’Espeletia schultzii
tracé en fonction de sa biomasse moyenne annuelle (11b) en deux composantes : la
production primaire nette annuelle et la production annuelle de litière (11a).
La production primaire nette peut être ajustée par une fonction croissante saturante de
la biomasse (on a choisi une hyperbole, Tableau 10a). La réponse croissante saturante de la
production résulte de l’intégration de la réponse instantanée de la photosynthèse foliaire à la
lumière16. La première partie de la courbe (phase linéaire) résulte de la limitation de la
croissance par le rendement quantique, de la masse surfacique des feuilles et de la fraction de
biomasse consacrée à la surface foliaire. La seconde partie de la courbe (phase de saturation)
résulte de la limitation de la croissance par la ressource la plus limitante : lumière ou azote
minéral (dans l’application à nos sites d’étude, le facteur le plus limitant est l’azote minéral
pour les espèces non légumineuses).
La production de litière peut être ajustée par une fonction linéaire de la biomasse
(Tableau 10a). Le taux de mortalité agrégé au pas de temps annuel, à l’échelle de l’espèce,
résulte des paramètres de sénescence des différents organes et des coefficients d’allocation. Il
intègre les variations saisonnières.
La soustraction de la mortalité à la production donne le taux de croissance en fonction
de la biomasse. La courbe en cloche qui en résulte est responsable du profil logistique obtenu.
La Figure 11b montre également l’ajustement logistique (équation de Verhulst, cf. Tableau
10b, E1). Le caractère asymétrique de la courbe en cloche obtenue avec le modèle FAPROM
diffère de la parfaite symétrie obtenue avec le modèle logistique. Cette asymétrie se traduit
par le glissement du point d’inflexion à une biomasse inférieure à la demi-capacité de charge :
le taux de croissance absolu est maximal pour une biomasse P inférieure à la demi-capacité de
charge. P caractérise le point d’inflexion de la courbe qui représente la biomasse en fonction
du temps. La phase de croissance exponentielle est plus courte que la phase de saturation.
16
Une combinaison linéaire de fonctions hyperboliques saturantes peut être elle-même correctement ajustée par
une fonction hyperbolique saturante (résultat non montré). On a choisi une fonction à deux paramètres
(hyperbole équilatère) par souci de simplicité.
44
Tableau 10a. Dégradation du modèle FAPROM.
dx
= Α(t ) − Β(t )
dt A : maximal assimilation (g d-1)
Α ( t ) : daily assimilation a : marginal rate of assimilation (g g-1 d-1)
Β ( t ) : daily mortality N soil : mineral nitrogen available in soil (gN d-1)
A⋅a⋅x n : average nitrogen concentration (gN g-1)
Α(t ) ≈
A+a⋅x r g : rate of growth respiration (dmnl)
N P : photosynthetic capacity (g m-2 d-1)
A ∝ soil f ( I ) : function of light intensity (dmnl)
n
P ⋅ f (I ) LMA : leaf mass per area (g m-2)
a ∝ (1 − r g ) ⋅
N
−m ⋅n N
m : coefficient of maintenance respiration (g gN-1 d-1)
LMA
q : mortality rate (g g-1 d-1)
Β(t ) ≈ q ⋅ x C
C s : average senescence rate (g g-1 d-1)
q∝s
C
NB : s représente la moyenne des taux de sénescence de l’espèce pondérée par la biomasse relative des
différents organes. dmnl : sans dimension (dimensionless).
= r ⋅ x ⋅ 1 − x
dx
E1 Verhulst 1838, Pearl & Reed 1924
dt K
1 − x
dx K
E2 = r⋅x⋅ Smith 1963
dt
1 + r ⋅ x
q⋅K
dx A⋅a⋅x
E3 = −q⋅x derived from Martineau & Saugier 2004
dt A+a⋅x
E2 equivalent to E3 with the following change in variables:
q ⋅ (r + q )
E2→E3 r = a − q K = A ⋅ 1 − 1 E3→E2 a = r + q A = K⋅
q a r
45
Réécriture du modèle de Smith (1963)
L’équation logistique a produit de nombreux résultats en écologie, tant dans le
domaine des croissances physiologiques qu’en dynamique des populations. Smith (1963)
revisite le modèle de Verhulst (Tableau 10b, E1) lorsqu’il constate des décalages temporels
dans la dynamique de population des Daphnia magna qu’il a étudié en microcosmes. Il
s’aperçoit que le taux de croissance relatif observé est plus faible que le taux de croissance
relatif attendu avec le modèle logistique. Pour expliquer ces différences, il introduit un
troisième paramètre : le taux de remplacement de la matière par unité de masse par unité de
temps dans la phase de saturation (le taux de turn-over à l’équilibre). Le Tableau 10b montre
l’équivalence entre l’équation obtenue par dégradation du modèle FAPROM (E3, écriture
mécaniste du taux de croissance égal à la différence entre les processus de production et les
processus de sénescence) et l’équation que Smith (E2, 1963) a obtenue en introduisant son
troisième paramètre. Le changement de variables effectué permet de passer des paramètres
mécanistes (taux d’assimilation marginal a, assimilation maximale A et taux de sénescence q)
aux paramètres intégrés (taux de croissance initial r, capacité de charge K et turn-over à
l’équilibre, égal à q). Le Tableau 10c donne les mesures d’élasticité des paramètres intégrés
aux paramètres mécanistes. On retrouve ici certains résultats énoncés précédemment dans
l’étude de sensibilité du modèle FAPROM : l’élasticité de la capacité de charge au taux de
−1
q
sénescence est égal à − 1 − qui est proche de -1 lorsque q << a. L’intérêt du modèle
a
analytique tient au fait qu’il formule l’élasticité indépendamment des valeurs particulières
choisies pour l’estimer.
Le modèle de Smith ainsi réécrit peut être étendu (modèle pseudo-logistique). Cette
extension peut être utilisée en dynamique des populations. Comme cette utilisation déborde
du cadre de cette thèse, on trouvera le développement correspondant dans le projet d’article
reproduit en annexe 3.
46
modifier la position du point d’inflexion sans changer le nombre de paramètres (Gompertz17
1825) ou pour la laisser libre an ajoutant un ou plusieurs paramètres supplémentaires (von
Bertalanffy 1938, Zeide 1993, Birch 1999, Tsoularis 2001, Tsoularis & Wallace18 2002). Le
modèle de Smith propose une explication mécaniste aux décalages observés en introduisant le
taux de remplacement de la matière. La réécriture du modèle de Smith permet de séparer de
façon mécaniste les processus de synthèse des processus de destruction.
Nous discutons plus largement dans l’annexe 3 l’intérêt et les limites du modèle
pseudo-logistique, et sa place dans les modèles de dynamique des populations.
17
Le modèle de Gompertz utilise le logarithme népérien pour estimer le taux de croissance de la population :
dx x
= − r ⋅ x ⋅ ln L’abscisse du point d’inflexion se déplace en K/e.
dt K
18
Le modèle logistique généralisé ajoute trois paramètres puissance au modèle logistique de Verhulst :
γ
dx x
β
= r ⋅ xα ⋅ 1 −
L’abscisse du point d’inflexion peut parcourir l’intervalle [0 ; K] suivant les
dt K
valeurs des paramètres α, β et γ.
47
ans de jachère, et 3 de 2 à 4 ans de jachère) ont été suivies régulièrement pendant deux ans
(respectivement, Figures 12 ci-dessous et 13 p.49).
a b
Belowground phytomass
200 200
150 150
g m-2
g m-2
100 100
50 50
0 0
1.4 c d 1.4
Belowground production
Plot 2 Plot 5
1.2 1.2
1.0 1.0
g m-2 d -1
g m-2 d-1
0.8 0.8
0.6 0.6
0.4 0.4
0.2 0.2
0.0 0.0
02/00 08/00 02/01 08/01 02/02 02/00 08/00 02/01 08/01 02/02
Figure 12. Phytomasse de racine (a, b) et production souterraine (c, d) mesurée par la méthode des ‘ingrowth
core’, Lauenroth 2000) de deux parcelles vénézuéliennes (gauche : parcelle de 0 à 2 ans de jachère ; droite : de 2
à 4 ans).
48
l’incertitude des mesures. Supposons par exemple une biomasse constante égale à B sur deux
mesures consécutives. Si l’erreur de mesure est nulle, alors la production estimée par cette
méthode sera nulle. Si maintenant on mesure la biomasse avec une précision δB, supposons
qu’on mesure B – δB au premier coup puis B + δB au second, alors on estimera la production
à 2δB. Aucun de ces résultats n’est évidemment satisfaisant. La méthode s’applique bien dans
les cas où les processus de production et de sénescence sont bien dissociés dans le temps et
que la production est directement mesurable dans l’accumulation de biomasse. Dans les
écosystèmes herbacés tropicaux, les flux de production, sénescence et décomposition ont
souvent lieu simultanément.
12 a b 12
mm d-1
mm d-1
8 8
4 4
0 0
800 800
c Plot 1
Plot 2 d Plot 4
Plot 5
600 Plot 3 Plot 6 600
Biomass
g m-2
g m-2
400 400
200 200
0 0
e Plot 1 f Plot 4
Standing dead mass
g m-2
100 100
0 0
g m-2
Litter
200 200
0 0
02/00 08/00 02/01 08/01 02/02 02/00 08/00 02/01 08/01 02/02
Figure 13. Précipitations (a, b, moyenne journalière sur l’intervalle) et, biomasse aérienne (c, d), nécromasse sur
pied (e, f) et litière (g, h) pour les six parcelles suivies (gauche : parcelles de 0 à 2 ans de jachère ; droite :
parcelles de 2 à 4 ans de jachère).
49
La méthode 1bis a été développée pour appliquer un correctif à la méthode 1, en
prenant également en compte ce qui se décompose au cours de chaque intervalle entre deux
mesures. Mais le taux de décomposition mesuré au champ ne permet pas d’expliquer la
disparition de litière observée sur le terrain. En effet, pour le compartiment aérien, la
décomposition estimée par le taux des sacs à litière (Tableau 11, colonne A) est environ 15
fois plus faible que les décréments observés (Tableau 11, colonne B). La méthode 1bis
n’apporte donc pas le correctif escompté sur la méthode 1. La différence entre la
décomposition estimée avec l’expérience des sacs à litière et la disparition de biomasse
observée au champ peut être expliquée par différents facteurs parmi lesquels : une sous-
estimation du taux de décomposition dans l’expérience des sacs à litière (modification des
conditions d’humidité, perturbation des interactions trophiques), une disparition de la
biomasse par enfouissement (action de la macrofaune du sol) ou par consommation par les
herbivores.
Pour le compartiment souterrain, le taux de décomposition des sacs à litière semble
compatible avec les décréments (les valeurs de la colonne A sont supérieures à celles de la
colonne B). Ceci suggère que la technique des sacs à litière modifie plus fortement les
conditions du milieu pour la litière aérienne que pour les racines mortes.
Légende : A : la décomposition est estimée à partir du taux mesuré avec l’expérience des Sacs à litière
(Coûteaux et al. 2004b). B : la disparition de litière est calculée à partir des décréments de matière (Méthode 1,
Sala & Austin 2002). C : la disparition de litière est calculée avec le modèle dynamique de production basé sur la
photosynthèse, la respiration et l’allocation aux parties souterraines et aériennes (Méthode 2). Young plots :
parcelles de 0 à 2 ans de jachère. Old plots : parcelles de 2 à 4 ans de jachère.
50
et l’intervalle entre deux mesures. Cette méthode est néanmoins plus robuste que la
précédente car on estime la production avec une erreur relative constante (proportionnelle à la
biomasse mesurée). Mais dans l’état actuel de notre travail, nous surestimons
vraisemblablement la production.
Légende : Méthode 1 : la production primaire nette aérienne est estimée à partir des incréments de matière (Sala
& Austin 2002). Méthode 2 : la production primaire nette aérienne est calculée avec le modèle dynamique de
production basé sur la photosynthèse, la respiration et l’allocation aux parties souterraines et aériennes. Young
plots : parcelles de 0 à 2 ans de jachère. Old plots : parcelles de 2 à 4 ans de jachère.
La méthode 2 donne des estimations de la production primaire nette 2,8 fois plus
élevées que la méthode 1 (Tableau 12) : en moyenne sur les six parcelles et les 2 années, la
méthode des décréments donne une production primaire aérienne nette de 900 gMS m-2 contre
2500 avec le modèle de photosynthèse. Néanmoins, si nous ajoutons à la production primaire
estimée par les incréments de biomasse, la disparition observée de litière et la production
souterraine, l’écart entre les estimations de production primaire nette de l’écosystème (aérien
et souterrain) passe d’un facteur 2,8 à un facteur 1,7 : la production primaire totale estimée
passe de 1650 gMS m-2 (ANPP = 900, BNPP = 200, correction disparition de litière = 550) à
2700 gMS m-2 (ANPP = 2500 et BNPP = 200). La Figure 14 (p.52) présente les résultats de la
méthode 2 pour les 6 parcelles suivies : la production primaire estimée et les taux journaliers
de mortalité, de chute et de disparition de litière. La dynamique intra-annuelle est bien
corrélée à la dynamique des précipitations mais les taux calculés sont vraisemblablement
surestimés. Cette surestimation résulte des hypothèses suivantes : on applique à l’ensemble du
couvert les coefficients de photosynthèse estimés sur des feuilles en conditions optimales ; on
néglige l’extinction du rayonnement par les organes pas ou peu photosynthétiques ; on estime
le pourcentage de biomasse foliaire à partir d’un suivi de la concentration en azote des parties
51
aériennes19 (sans contrôle sur le terrain de la répartition de biomasse) ; on ne prend pas
complètement en compte les effets d’une carence en azote ; on utilise un bilan hydrique
simpliste (les paramètres de la saison sèche ont été estimés en début de saison sèche ; l’impact
moyen du stress hydrique sur l’ensemble de la saison sèche est sans doute plus fort). Nous
reviendrons sur ces problèmes dans l’évaluation de la capacité du modèle à reproduire le
patron de succession observé en champ.
12 a Plot 1 b Plot 4 12
Plot 2 Plot 5
10 10
Plot 3 Plot 6
Daily ANPP
8 8
-2 -1
-1
gm d
gm d
6 6
-2
4 4
2 2
0 0
0.06 0.06
-1
-1
d
d
0.04 0.04
0.02 0.02
0.00 0.00
0.8 0.32
Plot 3 Plot 6
0.6 0.24
-1
-1
d
0.4 0.16 d
0.2 0.08
0.0 0.00
g h
Litter disappearance rate
-1
d
0.4 0.06
0.2 0.03
0.0 0.00
02/00 08/00 02/01 08/01 02/02 02/00 08/00 02/01 08/01 02/02
Figure 14. Production primaire nette aérienne journalière (a, b), et taux de mortalité (c, d), de chute de litière (e,
f) et de disparition (g, h) simulés par le modèle utilisé pour la méthode 2. Young plots : parcelles de 0 à 2 ans de
jachère. Old plots : parcelles de 2 à 4 ans de jachère.
19
On suppose constante la teneur en azote des différents organes aériens (tiges et feuilles). On attribue les
variations de la teneur en azote moyenne des parties aériennes à des modifications de la distribution de biomasse
entre les deux compartiments (cf. Table 2, annexe 2).
52
Que nous apprend le suivi de biomasse des parcelles vénézuéliennes (annexe 2) ?
Cette étude met en évidence l’existence de flux cachés de l’écosystème (Tableau 13) :
ces flux correspondent à la part équivalente de production qui passe dans le même intervalle
de temps de la biomasse à la nécromasse sur pied par sénescence, de la nécromasse sur pied à
la litière au sol par chute de litière, et qui disparaît par décomposition et/ou disparition de
litière. La méthode traditionnelle des suivis de biomasse, nécromasse et litière est incapable
de détecter ces flux lorsqu’ils ont lieu simultanément. Il semble que ces flux cachés
représentent une part importante de la production primaire dans les écosystèmes herbacés
tropicaux au turn-over rapide et dont la période de production s’étend plus ou moins sur toute
l’année. Avec les hypothèses du modèle, on ne détecte par le suivi de biomasse qu’un tiers
des flux de carbone. Même si la part des flux cachés est surestimée, on peut considérer que
ces flux simultanés ne sont pas négligeables.
Légende : GPP production primaire brute (Gross Primary Production). NPP production primaire nette (Net
Primary Production). Young plots : parcelles de 0 à 2 ans de jachère. Old plots : parcelles de 2 à 4 ans de
jachère.
NB : La production primaire nette aérienne a été estimée par la méthode 2 (modèle de photosynthèse). Les flux
aériens mesurés sont estimés par la méthode 1 (incréments). Les flux cachés de l’écosystème sont définis comme
la différence entre la production primaire nette aérienne et les flux mesurés.
20
Le biovolume a été estimé à partir de la méthode des points quadrats (Fontaine 2000, Sarmiento et al. 2002). Il
correspond au nombre de contacts entre une tige métallique et l’espèce considérée. Il peut être converti en
biomasse moyennant un étalonnage préalable.
53
estimons en saison sèche. La dynamique qui en résulte (Figure 9a p.38) est beaucoup plus
lisse que la dynamique des données de terrain (Figure 13 p.49) Il faudra donc revoir les
paramètres de mortalité utilisés pour Rumex acetosella.
54
2.2 - DYNAMIQUE DE LA COMMUNAUTE VEGETALE
Après avoir identifié les paramètres caractéristiques des espèces à partir des
simulations de monocultures, nous avons étudié le comportement du modèle à l’échelle de la
communauté végétale. Nous présentons d’abord les résultats obtenus sur le site vénézuélien :
dynamique de la végétation, sensibilité aux conditions initiales (banque de graines) et aux
conditions environnementales (ressources disponibles), et étude de la compétition dans un
mélange de deux espèces. Nous présentons ensuite les résultats de validation du modèle pour
la Bolivie.
Les résultats concernant l’application au site vénézuélien font l’objet de l’article
reproduit en annexe 1.
55
Figure 15. Dynamique de la communauté végétale.
Gauche : biomasse simulée (Simulated biomass) pour chaque espèce en fonction de l’âge de la jachère (données
vénézuéliennes, Tableau 4). Droite : données de biovolume relatif (Measured relative abundance) pour les
espèces correspondantes (Sarmiento et al. 2003).
NB : Il s’agit d’une comparaison qualitative (attention : les échelles d’ordonnées varient suivant les espèces) ;
nous n’avons pas cherché à ajuster la simulation sur les données disponibles. Les paramètres décrivant chaque
espèce ont été mesurés sur le terrain ou estimés indépendamment (Tableau 4) ; ils n’ont pas été modifiés. Le
biovolume relatif n’est pas directement corrélée à la biomasse. Il traduit néanmoins la dynamique de l’espèce
considérée au cours de la jachère. Le traitement ultérieur des données brutes de biovolume (et l’utilisation des
corrélations biovolume / biomasse) devraient permettre d’effectuer un réel travail de validation du modèle sur le
site vénézuélien.
56
Figure 16. Variables du fonctionnement de
l’écosystème.
a) LAI, indice de surface foliaire ;
b) productions journalières brutes potentielle et réelle,
et nette réelle ;
c) biomasse aérienne, nécromasse sur pied et
biomasse souterraine.
57
concentration en azote constante, la demande en azote nécessaire pour satisfaire la croissance
potentielle peut être supérieure à l’offre réelle en azote minéral du sol. Dans ce cas, la
croissance est réduite à celle permise par l’offre en azote. Il y a alors un surplus de carbone
qui n’est pas considéré dans le modèle. Ce surplus de carbone peut être interprété comme une
estimation potentielle de l’exsudation racinaire. La différence entre la production brute et la
production nette correspond à la respiration. En fin de succession, le LAI est environ de 2, la
biomasse totale de l’ordre de 1000 gDM m-2, la production nette journalière moyenne de 0,7 gC
m-2 d-1 et la respiration de 1,4 gC m-2 d-1. Le rapport entre production nette et production brute
est donc faible dans nos simulations (de l’ordre de 30%), mais augmente fortement avec la
disponibilité en azote minéral qui constitue le principal facteur limitant la production.
L’augmentation de la carence azotée conduit à diminuer la part de production brute allouée à
la synthèse de structures et à augmenter la part utilisée pour le turn-over des substrats
(respiration).
(1) Il peut y avoir une surestimation de la photosynthèse : les courbes de réponse instantanée
de la photosynthèse foliaire à la lumière ont été obtenues sur des feuilles pleinement
développées, en conditions optimales, et sont appliquées à l’ensemble des feuilles, quels que
soient leur statut dans la canopée ou leur âge. D’autre part, la photosynthèse en saison sèche a
été mesurée au début de la saison sèche ; elle diminue sans doute au cours de la saison. De
plus, le modèle ne prend pas en compte l’extinction de la lumière par les organes peu ou pas
photosynthétiques (tiges, nécromasse sur pied, parties reproductives) et donc surestime la
quantité de lumière absorbée par les feuilles. Par ailleurs, le rayonnement global journalier
(donnée climatique d’entrée du modèle) est réparti sur les heures à l’aide d’une fonction
sinusoïdale (cf. Tableau 5, équation E22). On remplace donc un rayonnement horaire variable
(entre le plein soleil et un couvert nuageux dense) par un rayonnement moyen qui tend à
surestimer la photosynthèse. Ainsi dans le modèle Castanea (Dufrêne et al. 2004), la
58
distribution sinusoïdale du rayonnement conduit à une surestimation de la photosynthèse de
l’ordre de 10% (Guerric Le Maire, communication personnelle).
(2) Les paramètres de mortalité ont pu être surestimés lors de la calibration. Les paramètres de
mortalité de la saison humide ont été estimés de façon indépendante à partir des durées de vie
des feuilles et de régressions utilisant la teneur en azote des différents organes (Sarmiento,
communication personnelle). Les paramètres de mortalité de la saison sèche ont été calibrés
de façon à obtenir des biomasses de monocultures conformes à celles attendues. Ils dépendent
donc à la fois de la biomasse totale et de la production ; diverses combinaisons de mortalité et
de production conduisent à la même biomasse. Ce problème de sur-paramétrisation se traduit
ici par une surestimation des vitesses de croissance et de mortalité.
(3) Le modèle ne prend pas en compte les positions respectives des plantes ni l’agrégation des
couverts végétaux. Les feuilles sont réparties au hasard ce qui accroît la compétition
interspécifique en mélangeant des espèces qui ne sont pas directement en contact dans la
réalité. Une solution permettant de limiter ce problème consisterait à utiliser un automate
cellulaire : chaque cellule correspondrait à une sous-parcelle dont on prédit l’évolution grâce
au modèle ; les seules informations transmises d’une cellule à l’autre seraient les flux de
graines. Cette solution pourrait d’abord être essayée sur le site vénézuélien où la densité de
pierres21 favorise la ségrégation spatiale et le développement de la végétation en taches.
(4) Le nombre limité d’espèces prises en compte peut aussi conduire à une surestimation de la
croissance. En effet, moins il y a d’espèces, plus chacune d’elles a d’espace et de ressources
pour se développer. De plus, les effets indirects sont souvent imprévisibles : une espèce rare
peut avoir un rôle d’arbitre dans la compétition entre deux autres espèces. En outre, la
validation pose la question du rôle des espèces considérées et de la représentativité des
groupes fonctionnels : pour le Venezuela (Sarmiento et al. 2003), les espèces prises en
compte représentent d’environ 95% du biovolume des espèces présentes en début de jachère
(principalement Rumex acetosella) à 50% après 12 ans (en particulier Espeletia schultzii,
Hypericum laricifolium et Baccharis prunifolia). Pour pouvoir valider le modèle, il faut
assimiler chaque espèce présente au champ à une espèce paramétrée dans le modèle en
fonction de ses caractéristiques fonctionnelles.
21
Les pierres couvrent jusqu’à 40% de la surface du sol dans certaines parcelles.
59
2.2.3 - Etudes de sensibilité II
Sensibilité aux conditions initiales
60
- le contenu en azote de la biomasse (Figure 17a) permet de classer les simulations en trois
groupes distincts qui correspondent à la composition en espèces dominantes en fin de
succession :
o le contenu en azote de la biomasse du premier groupe de simulations se
fixe aux alentours de 7,2 gN m-2 ; ces simulations aboutissent à un mélange
des trois espèces arbustives en coexistence (Hypericum laricifolium,
Baccharis prunifolia et Acaena elongata) ;
o le deuxième groupe (contenu en azote autour de 6,0 gN m-2) réunit les
simulations qui aboutissent à une dominance forte d’Acaena elongata en
coexistence avec Hypericum laricifolium ;
o le troisième groupe (contenu en azote autour de 4,9 gN m-2) correspond à
une dominance forte d’Espeletia schultzii en coexistence avec Acaena
elongata ;
- le contenu en azote de la matière organique du sol (Figure 17c) est très sensible aux
conditions initiales : la dynamique de ce compartiment est beaucoup plus lente ; il
accumule les différences successives et fonctionne comme une mémoire de l’histoire de la
parcelle ; les conditions initiales induisent des parcours de succession très différents et dont
les différences se répercutent fortement dans la teneur en azote de la matière organique du
sol. Toutes les simulations commencent par une diminution du contenu en azote de la
matière organique du sol ; cette diminution correspond à la phase d’établissement de la
végétation ; elle est d’autant plus forte que la banque de graines initiales est pauvre. Les
phases d’augmentation rapide du contenu en azote de la matière organique du sol
correspondent aux pics de biomasse de la légumineuse Lupinus meridanus.
61
pour chacune des deux espèces considérées. Le glissement d’un petit carré au petit carré
adjacent rend compte de la sensibilité du modèle aux conditions initiales. On s’attendrait a
priori à un maintien voire un renforcement de la dominance de l’espèce A lorsqu’on
augmente ses conditions initiales sans toucher à celles de l’espèce B. Il s’agit du cas
majoritaire mais de nombreuses exceptions peuvent être détectées (cas d’un petit carré gris ou
blanc entouré de petits carrés noirs par exemple). Les effets indirects des conditions initiales
(à travers l’histoire de la parcelle) peuvent avoir des répercussions inattendues. On peut parler
de phénomène d’hystérésis : le système garde en mémoire l’histoire de la parcelle. Nous
étudierons plus loin les effets de la hauteur et du SRL.
SRL = 220 (-15%) SRL = 240 (-8%) SRL = 260 SRL = 280 (+8%) SRL = 300 (+15%)
Figure 18. Sensibilité du modèle aux paramètres spécifiques Hmax (hauteur maximale) et SRL (specific root
length, longueur de racine par unité de masse).
Simulations de mélanges d’Hypericum laricifolium et de Baccharis prunifolia avec les paramètres du Tableau 4
sauf pour Hmax et SRL d’Hypericum laricifolium (cf. Figure ou Tableau 4 par défaut) et les conditions initiales
(de 0 à 50 gC m-2 de graines pour chacune des deux espèces, de 2 en 2 ; axes des abscisses : biomasse initiale de
graines d’Hypericum laricifolium ; axes des ordonnées : biomasse initiale de graines de Baccharis prunifolia).
Chaque image (résultant de 676 simulations sur 20 ans de jachère) présente le domaine de conditions initiales sur
lequel Hypericum laricifolium domine (en noir, recouvrement d’Hypericum laricifolium supérieur à 66%), le
domaine de coexistence des deux espèces (en gris, recouvrement d’Hypericum laricifolium entre 33 et 66%) et le
domaine de dominance de Baccharis prunifolia (en blanc, recouvrement d’Hypericum laricifolium inférieur à
33%). Le premier petit carré de chaque image (en bas à gauche) correspond à la simulation ‘sol nu’.
Haut : sensibilité du modèle à la hauteur maximale d’Hypericum laricifolium.
Bas : sensibilité du modèle au SRL d’Hypericum laricifolium.
62
durée de la jachère. La situation d’une parcelle à une date donnée dépend non seulement de la
durée de jachère mais également de son histoire antérieure (stock de matière organique du sol,
disponibilité en azote minéral, banque de graines) et de la période de jachère elle-même
(climat, disponibilité en eau, pluies de graines, compétition interspécifique).
Conditions initiales :
- Banque de graines (gC m-2): Lupinus
meridanus = 2 ; Rumex acetosella = 20 ;
Espeletia schultzii = 4 ; Hypericum
laricifolium = 6 ; Baccharis prunifolia = 10 ;
Acaena elongata = 3 ;
- Pluies de graines de l’environnement (gC m-2
a-1) égales à 1% de la banque de graines.
63
présence et est très sensible aux différences de productivité des différentes espèces (dues
notamment aux caractéristiques photosynthétiques des espèces, aux capacités d’absorption de
l’azote et aux concentrations en azote des différents organes).
2.5
2 2
N1
1.5
1.5 1.5
0.5 1 1.5
1 1
0.5
0.5 0.5
0.5
0 0 0 0 0
0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300
2.5
2 2
N2 0.5
1
1.5 1.5
2
1.5
1 1
0.5 1
0.5 0.5
0.5
0 0 0 0 0
0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300
1 1 2 2.5 3
2.5
2
1.5
N3 0.5 0.5 1
1.5
2
1.5
0.5
0.5
0.5
0 0 0 0 0
0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300
2.5
2
1.5
N4 1 1
1
1.5
2
1.5
0.5 0.5 1
0.5
0.5
0.5
0 0 0 0 0
0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300
2 2
N5
1 1
1.5 1.5
0.5
1 1
0.5 0.5
0.5 0.5
0 0 0 0 0
0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300
2
1.5 1.5
N6
1 1
1.5
1 1
0.5 0.5
0.5 0.5
0.5
0 0 0 0 0
0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300
2 2 2
1.5
N7
1
1 1 1
0.5
0.5
0.5 0.5 0.5
0 0 0 0 0
0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300
3
2 2 2 2
2.5
N8 2
1.5
1.5 1.5 1.5 1.5
1 1 1 1
0.5
0 0 0 0 0
0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300
64
En milieu sec et suffisamment riche en azote, la communauté est dominée par
Espeletia schultzii. Les productions les plus fortes sont atteintes en milieu pauvre en azote et
relativement humide : la légumineuse Lupinus meridanus domine alors la communauté
(Figure 20 p.64) ; elle fixe l’azote dont elle a besoin. Le modèle ne prend pas en compte les
facteurs limitants de la fixation symbiotique tel que le phosphore ; il est donc très
vraisemblable que la production des communautés dominées par le lupin soit surestimée.
1
Figure 21. Sensibilité des biomasses d’Hypericum
laricifolium et de Baccharis prunifolia aux
0 paramètres Hmax et SRL d’Hypericum laricifolium.
Paramètres du Tableau 4 excepté les conditions
Elasticity
SRL Hmax
65
Rôle de la compétition dans le patron de succession
Les simulations effectuées montrent la capacité du modèle à reproduire le patron de
succession observé au champ. La compétition pour la lumière détermine très largement le
statut des espèces dans la succession. Les espèces de fin de succession sont caractérisées par
des traits22 liés à une grande taille et à une capacité d’ombrage importante (forte allocation
aux feuilles, longue durée de vie des feuilles).
La compétition pour l’azote détermine les espèces dominantes de chaque stade de
succession. En milieu très pauvre en azote, ce sont les espèces les plus ‘économes’ qui
dominent, c’est-à-dire les espèces qui sont caractérisées par des traits qui favorisent la
rétention des nutriments (turn-over lent des organes, allocation forte aux organes structuraux).
Dans les milieux riches (humides et peu carencés en azote), ce sont les espèces aux taux de
croissance les plus forts qui dominent.
Conditions de coexistence
Dans la version actuelle du modèle FAPROM, plusieurs espèces peuvent coexister
durablement, ce qui n’était pas le cas dans la première version. Cette modification du
comportement du modèle met en lumière l’importance des hypothèses de modélisation de la
compétition pour l’azote. La première version du modèle répartissait l’azote minéral entre les
espèces au prorata de leur demande en azote (Hypothèse 1). La version actuelle répartit
l’azote entre les espèces au prorata de la longueur (et de l’activité) de leurs racines
(Hypothèse 2). Cette différence est fondamentale : l’hypothèse 1 amplifiait la compétition
pour la lumière en favorisant l’absorption d’azote des espèces déjà favorisées par la lumière
(celles qui avaient la plus forte assimilation potentielle) ; l’hypothèse 2 dissocie plus
largement compétition pour la lumière et compétition pour l’azote. Cette dissociation favorise
la création de niches le long du gradient de ressources et l’existence d’équilibres
(dynamiques) de coexistence entre deux ou trois espèces. La prise en compte d’un plus grand
nombre de facteurs limitants favorisent la coexistence d’un plus grand nombre d’espèces.
D’autre part, les fluctuations climatiques favorisent également la coexistence par
dissociation de niches temporelles (saison sèche, saison humide). L’alternance d’années plutôt
humides et d’années plutôt sèches favorisent tour à tour des espèces différentes et entretient
donc durablement la coexistence. Les changements climatiques (diminution du nombre
d’années humides par décennie par exemple) peuvent entraîner des changements de
22
Traits de vie des espèces, traits de réponse et traits d’effet (Lavorel & Garnier 2002).
66
dominances. La diversité végétale peut jouer un rôle d’assurance (Yachi & Loreau 1999) en
limitant les fluctuations du fonctionnement de l’écosystème (nous rediscutons ultérieurement
cet aspect dans la partie 2.3).
1.0 1.5
a b Annual herbs (simulated)
Perennial grass (simulated)
Shrubs (simulated)
Annual herbs (data)
Biovolume
Biovolume
0.0 0.0
0 1 2 3 4 10 11 12 13 14
Time (years after crop abandonment) Time (years after crop abandonment)
Nous présentons ici quelques résultats obtenus avec le modèle sur le site bolivien. La
Figure 22 présente la dynamique du biovolume simulée pour deux parcelles de Patacamaya
(l’une ‘jeune’ : de 0 à 4 ans de jachère ; l’autre ‘vieille’ : de 10 à 14 ans de jachère). Les
simulations sont confrontées aux données de Teresa Ortuño (communication personnelle) : 4
données en saison humide et deux en saison sèche (1998-2002). Nous avons groupé sur les
données de terrain et les simulations les différentes espèces en 3 groupes fonctionnels : les
67
herbacées annuelles, les graminées pérennes et les arbustes. Le modèle simule assez bien la
dynamique de la communauté de la parcelle ‘jeune’ (voir aussi Figure 23 ci-dessous). Il
simule en revanche assez mal la parcelle ‘vieille’.
Parcelle Variable Er Ar St Pa Ba Lu
a) Parcelle de Banque de graines (gC m-2) 20 5 28 21 13 3
0 à 4 ans Pluie de graines (gC m-2 a-1) 2 0 28 1 3 1
b) Parcelle de Banque de graines (gC m-2) 3 15 18 290 0 5
10 à 14 ans Pluie de graines (gC m-2 a-1) 8 20 10 0 5 3
Légende : Ar: Aristida asplundii; Ba: Baccharis incarum; Er: Erodium cicutarium; Lu: Lupinus buchtienii; Pa:
Parastrephia lepidophylla; St: Stipa ichu.
1.0 1.5
a b Annual herbs
Perennial grass
Biovolume simulé
Biovolume simulé
Shrubs
0.0 0.0
0.0 1.0 0.0 1.5
Figure 23. Comparaison sur deux parcelles boliviennes des biovolumes simulés et mesurés
(voir Figure 22 les dynamiques simulées et Tableau 14 les conditions initiales utilisées).
a) Parcelle de 0 à 4 ans de jachère ;
b) Parcelle de 10 à 14 ans de jachère.
68
dynamique globale de la communauté ; le manque d’information concernant ces ‘aléas’ rend
difficile l’optimisation des simulations.
Nous avons essayé de simuler les 19 parcelles boliviennes suivies pendant 4 ans par
Teresa Ortuño. Sur ces 19 parcelles, seules 14 parcelles sont exploitables. Le modèle
reproduit d’autant mieux la dynamique que la parcelle est jeune. Pour les parcelles en jachère
depuis plus de 10 ans, le modèle est incapable de simuler correctement les herbacées. Aucune
herbacée pérenne non graminée n’a été paramétrée et leur dynamique est assez différente de
celle d’Erodium cicutarium (espèce pionnière rudérale).
69
En Bolivie, aucune herbacée pérenne (excepté les graminées) n’a été modélisée alors
que ce groupe participe pour un bon tiers au biovolume des parcelles de fin de succession. Les
premiers essais de validation du modèle sur les parcelles de Patarani (Bolivie) ont montré
qu’il était difficile de prédire la dynamique observée dans les parcelles âgées : non seulement,
on est incapable d’estimer la quantité d’herbacées, mais en plus, la non prise en compte de ce
groupe modifie les relations de compétition entre les autres groupes fonctionnels (graminées
et arbustes).
Au Venezuela, aucune graminée n’a été modélisée. Dans l’écosystème ouvert,
régulièrement pâturé, elles sont minoritaires et contribuent vraisemblablement assez peu au
fonctionnement de l’écosystème. Mais en champ clos, dans les expériences d’exclusion du
pâturage, elles dominent et modifient à la fois le fonctionnement de l’écosystème et la
dynamique de la communauté (en retardant le développement des espèces de fin de
succession).
La gestion matricielle des équations dans le modèle permet d’ajouter ou d’enlever
facilement des espèces. Il suffit de changer le nombre de modalités de l’indice espèce et de
modifier le fichier des paramètres d’entrée. Le temps de calcul de la version actuelle est de
l’ordre de 0,25 seconde par espèce et par an. Si on veut étudier la dynamique de 60 espèces
sur 100 ans, le temps de calcul devrait rester inférieur à la demi-heure. Le temps de calcul ne
semble donc pas limitant face aux efforts que nécessitent l’identification des paramètres et la
calibration.
70
2.3 - ROLE DE LA JACHERE DANS L’AGRO-ECOSYSTEME
Nous présentons maintenant les résultats prédits par le modèle FAPROM sur le
fonctionnement de l’écosystème. Nous avons étudié en particulier : (1) le rôle de la jachère
dans le système de culture et les possibilités de jachère améliorée, (2) l’impact du pâturage et
de la cueillette sur la dynamique de la communauté et le fonctionnement de la jachère, et (3)
le rôle de la biodiversité sur les services de l’écosystème.
71
azote de la matière organique décroît pour les trois scénarios dans une phase initiale (sol nu
ou couvert végétal peu dense). Puis il se stabilise en présence de végétation et croît en
présence de légumineuses.
Le modèle estime la déposition à partir de données de terrain (Sarmiento 1995).
L’estimation du lessivage pourrait être améliorée en simulant un bilan hydrique détaillé
(drainage de l’eau de pluie en particulier) et en mesurant sur le terrain les concentrations en
azote des eaux de pluies et de l’eau de drainage. Sous les hypothèses du modèle, les
simulations montrent que la déposition ne compense pas les pertes par lessivage (Tableau
15) ; mais la présence de légumineuses (avec un pic de biomasse dans les cinq premières
années de jachère) compense les pertes par lessivage et apportent un supplément d’azote au
système.
Le modèle montre donc l’importance de la fixation symbiotique dans les entrées
d’azote du système. Il sera intéressant d’approfondir la modélisation du processus de fixation
symbiotique et notamment, de prendre en compte les limitations de la fixation (cycle du
phosphore en particulier).
Tableau 15. Bilan d’azote sous différents scénarios. Nous donnons en gN m-2 les variables d’état au bout de 12
années et les flux cumulés sur 12 ans.
72
Quelles sont les fonctions agro-écologiques de la jachère ?
Le premier rôle de la jachère est de constituer un stock de biomasse qui est incorporée
à la terre à la fin de la jachère et qui a la fonction d’engrais vert en se décomposant au cours
de la culture. Ce stock atteint un plateau relativement rapidement dans les simulations (3 ou 4
ans23). Les prédictions du modèle sur la qualité de la litière produite (composition spécifique,
contenus en azote ou rapports C/N) peuvent être utilisées conjointement aux études menées
sur le terrain par Marie-Madeleine Coûteaux (Coûteaux et al. 2004a et b) sur les taux de
décomposition des différentes espèces (et type de litière) pour savoir à quel moment il est le
plus judicieux de rompre la jachère. A priori, les ligneux se décomposent moins vite que les
herbacées ou les graminées et un mélange approprié de ligneux et d’herbacées pourrait
permettre de gérer la fertilité (la mobilisation de l’azote minérale) sur les deux années de
culture.
Le second rôle de la jachère est d’accroître le stock de matière organique du sol, en
particulier, d’alimenter le pool d’azote organique : (1) la végétation naturelle limite les pertes
par lessivage (ce qui est cohérent avec la fermeture progressive du cycle de l’azote mise en
évidence par l’étude du δ15N de la matière organique du sol qui décroît au cours de la jachère
(Abadin et al. 2002, cf. p.10)) ; (2) les légumineuses apportent de l’azote au système par
fixation symbiotique. Le pic de biomasse des légumineuses (et de l’activité fixatrice) a
également lieu en début de jachère (dans les cinq premières années, ce qui est cohérent avec
les observations de terrain, à la fois au Venezuela (Sarmiento et al. 2003) et en Bolivie
(Ortuño et al. 2004)). L’amélioration de la jachère par semis de lupin permet d’augmenter
considérablement le stock d’azote (il s’agit d’une efficacité potentielle de la fixation
symbiotique puisque le modèle ne prend pas en compte pour l’instant la limitation de la
fixation par le phosphore).
Le troisième rôle agro-écologique de la jachère est d’éliminer les adventices. Les
simulations montrent une réduction importante des espèces rudérales au cours des 2 ou 3
premières années. Des études sur le terrain sur la banque de graines, les pluies de graines et la
dormance devraient permettre de déterminer la durée optimale de la jachère au regard de la
lutte contre les mauvaises herbes. Une jachère trop courte ne fait qu’accroître la banque de
graines des espèces rudérales et risque donc d’être néfaste pour la culture.
23
Mais il faut faire attention à la surestimation des vitesses dans le modèle et garder à l’esprit la sensibilité de la
production et de la biomasse aux conditions initiales et environnementales.
73
D’autres rôles agro-écologiques doivent être pris en considération mais ne sont pas
intégrés au modèle : limiter les populations de nématodes à kystes de la pomme de terre et les
autres parasites de la culture ; stimuler l’activité de la biomasse microbienne et de la
microfaune du sol ; modifier la structure du sol.
74
L’utilisation conjointe du modèle FAPROM et des études sur la décomposition des
parties aériennes et souterraines des différentes espèces (Coûteaux et al. 2004a et b) devraient
permettre de définir la composition optimale de la communauté (au moment de rompre la
jachère) pour une régulation du flux d’azote minéral sur la période de culture. Le mélange
idéal de qualités de litière différentes permettrait de prolonger la période cultivable sur trois
années sans chute des rendements. Pour atteindre ce mélange idéal, on peut considérer un
travail de la jachère : arrachage de certaines espèces (ou modification de la pression de
pâturage, cf. paragraphes suivants) ; fertilisation à un certain moment ; irrigations des
parcelles. Ces solutions peuvent paraître surprenante mais il serait intéressant de les tester sur
le terrain.
Une autre modification du système traditionnel consisterait à raccourcir les temps de
culture et les périodes de jachère : l’alternance par exemple de cycles 1 / 4 (1 an de culture,
suivie de 4 ans de jachère). Il faut néanmoins veiller aux conséquences d’une telle pratique,
notamment sur la diversité de l’écosystème : on risque de privilégier à chaque cycle les
espèces rudérales. Peut-être faut-il combiner ces différentes idées (semis de lupin et
raccourcissement du temps de jachère, semis de lupin et fertilisation).
75
D’autre part, les aspects socio-économiques ne doivent pas être négligés et il est
difficile de construire un modèle d’aide à la décision qui ne prenne pas en compte ces aspects.
En effet, les mesures d’amélioration de la jachère présentent un coût qu’il faudrait intégrer.
De plus, nous avons privilégié dans ce travail un aspect particulier de la fertilité (la
disponibilité de l’azote minéral), mais l’aptitude du sol à produire est fonction de quantité
d’autres facteurs (les autres nutriments minéraux, le climat, les intrants d’azote et d’eau, la
pratique culturale, la lutte contre les parasites et cætera).
800 800
a b NPP
Grazed by animals
600 600
gDM m-2 a-1
400 400
200 200
0 0
0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.00 0.01 0.02 0.03 0.04
Grazing pressure Grazing pressure
Nous avons effectué des simulations pour comprendre l’impact du pâturage sur la
production végétale et sur le processus de succession. Les paramètres utilisés dans cette étude
correspondent à ceux du Venezuela (Tableau 4) mais cette étude est purement théorique :
aucune des espèces prises en compte dans le modèle n’est réellement appétante. La Figure 25a
présente l’effet du pâturage sur une monoculture sans prendre en compte l’impact des fèces
du bétail sur la matière organique ni l’impact mécanique du passage des animaux sur le
couvert végétal et la structure du sol. On constate que la productivité primaire est stimulée par
76
le pâturage dans une large gamme d’intensité de pâturage : la consommation d’une partie des
feuilles à intervalles réguliers augmente l’allocation aux feuilles. Les résultats diffèrent pour
les mélanges d’espèces. La réponse de l’écosystème au pâturage dépend très fortement des
effets indirects. On a étudié la réponse de la communauté au pâturage d’une seule espèce : une
espèce dominante en fin de succession en absence de pâturage. La consommation des
animaux est proportionnelle à la biomasse de l’espèce pâturée ; cette biomasse est beaucoup
plus sensible à l’intensité du pâturage dans une communauté plurispécifique (Figure 25b) que
lorsque l’espèce est en monoculture (Figure 25a). La productivité de l’écosystème dépend de
la communauté résultante. Cette étude montre principalement que les espèces pâturées seront
rares du fait que la compétition accélère l’effet d’exclusion du pâturage. Les expériences
menées sur le terrain (Sarmiento, communication personnelle) ont montré que les espèces
dominantes dans les champs clôturés (pâturage exclu) sont en général plus appétantes
(graminées notamment).
La cueillette des arbustes utilisés comme bois de feu et le prélèvement des touffes de
Stipa utilisées comme chaume modifient l’aspect des parcelles et la dynamique de la
communauté. L’espace libéré est recolonisé par les espèces pionnières et les espèces
opportunistes. L’absence de relevé précis de ces pratiques rend parfois difficile
l’interprétation des suivis de biovolumes.
24 On s’intéresse à la biodiversité pour trois types de raisons au moins (Loreau 2002) : (1) elle procure un
certain nombre de biens qui possèdent une valeur économique directe (nourriture, médicaments, gènes d’intérêt
pour l’amélioration variétale, organismes utilisés en contrôle biologique) ; (2) elle est intrinsèquement liée au
bien-être de l’homme pour des raisons éthiques, esthétiques, culturelles et scientifiques ; (3) elle peut contribuer
à des "services" écologiques (production primaire et secondaire, pollinisation des plantes, régulation du climat,
régulation du cycle de l’eau, maintien de la qualité de l’eau, maintien de la fertilité des sols). Au cours de la
dernière décennie, les effets de la biodiversité sur les autres composantes du changement global ont reçu une
attention croissante. En particulier, on a assisté à une croissance explosive des recherches sur les effets potentiels
de la perte de biodiversité sur le fonctionnement des écosystèmes, et, par là, sur les "biens" et "services"
écologiques qu’ils procurent aux sociétés humaines.
77
espèces présentes, on peut étudier la réponse de l’écosystème à la perte d’une espèce (Figure
26). On observe des patrons de réponse très différents suivant l’espèce à laquelle on
s’intéresse.
-1
gDM m a
gDM m a
-2
-2
800 800
400 400
0 0
0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5
x espèces x espèces
La disparition de Lupinus meridanus (Figure 26a, passage des barres grises aux barres
noires précédentes) provoque une diminution de la productivité de l’écosystème. Lupinus
meridanus est l’espèce la plus productive et la seule légumineuse prise en compte. La
communauté perd non seulement la contribution la plus forte à la productivité mais également
la fonction fixatrice d’azote. On peut également noter que l’augmentation de la diversité
réduit la variabilité (même lorsqu’on corrige par le nombre d’assemblages) : la diversité a un
effet ‘tampon’.
La perte de Baccharis prunifolia (Figure 26b, passage des barres grises aux barres
noires précédentes) provoque une augmentation de la productivité de l’écosystème. L’arbuste
Baccharis prunifolia a tendance à fermer la communauté. La perte de cette espèce laisse
l’opportunité à des espèces plus productives de se développer et de participer
significativement à la productivité de l’écosystème. D’autre part, si on ne considère que les
communautés végétales composées d’au moins Baccharis prunifolia (Figure 26b, barres
grises), il y a un net effet positif de la diversité sur la productivité de l’écosystème.
Ces simulations montrent qu’il y a un effet espèce majeur mais qu’on peut aussi mettre
en évidence sous certaines hypothèses sur les fonctions écologiques assurées par les
différentes espèces assemblées, un effet positif de la diversité sur le fonctionnement de
l’écosystème (diminution de la variabilité et augmentation de la productivité).
78
Certains assemblages révèlent des cas de complémentarité de niche par association de
groupes fonctionnels. En particulier, les mélanges Rumex acetosella et Lupinus meridanus
sont plus productifs sur 20 ans (en moyenne, 1705 g m-2 a-1) que les monocultures prises
séparément sur la même durée (respectivement 678 et 1697 g m-2 a-1). Ce type d’expérience
est très sensible à la durée de l’expérience. Dans les cas des assemblages Rumex acetosella et
Lupinus meridanus ils ne sont pas plus productifs que les monocultures sur des périodes de
deux ans. Si on regarde la production sur 2 ans et non plus sur 20 ans, le mélange Rumex
acetosella et Espeletia schultzii (635 g m-2 a-1) est plus productif que les monocultures
associées (respectivement 615 et 587 g m-2 a-1) ; de même, le mélange Acaena elongata et
Hypericum laricifolium (457 g m-2 a-1) produit plus que ses composantes seules
(respectivement 442 et 425 g m-2 a-1).
Pour tester l’hypothèse d’assurance, nous avons fait varier les conditions
environnementales et regardé si les mélanges résistaient mieux que les monocultures
associées aux changements de conditions. Certains mélanges (Espeletia schultzii et Rumex
acetosella par exemple) résistent mieux aux changements de conditions environnementales
(Espeletia schultzii résiste mieux à une carence en azote et au stress hydrique ; Rumex
acetosella est plus productif en milieu riche). Cependant, sur l’étendue des conditions
environnementales que nous avons testées, certaines espèces (telles que Lupinus meridanus)
garantissent la productivité la plus forte quel que soit le milieu.
Il serait intéressant de poursuivre ce type d’études en paramétrant un plus grand
nombre d’espèces.
79
3 - Bilan critique et perspectives
80
Cette troisième partie a pour objectif d’évaluer le travail effectué : (1) nous revenons
d’abord sur le but et les résultats du modèle, et resituons notre étude dans les perspectives
actuelles de l’écologie ; (2) nous analysons ensuite dans quelle mesure les objectifs définis au
départ ont été atteints et quelles difficultés nous avons rencontrées au cours de la thèse ; (3)
nous discutons enfin l’expérience acquise en matière de recherche et l’avenir du modèle
FAPROM.
Nous commençons par résumer le but du modèle et les résultats obtenus puis nous
revenons sur les hypothèses du modèle, en montrons les limites et les possibles dépassements.
But du modèle
Nous avons développé un modèle biogéochimique de succession végétale qui lie
écophysiologie et écologie des communautés. Son originalité est d’assurer le couplage entre
les processus écophysiologiques instantanés et la dynamique de la végétation, et d’intégrer
tous les compartiments mesurés en identifiant des liens mécanistes entre eux. Il permet à la
fois d’établir la réponse des végétaux au cours de la succession (traits de réponse) et d’étudier
l’effet des végétaux sur le fonctionnement des écosystèmes (traits d’effet).
Thèses développées
Le modèle montre l’importance de prendre en compte le turn-over de la matière dans
la modélisation des dynamiques écologiques : (1) à l’échelle d’une espèce, le turn-over est
responsable des décalages temporels observés dans les dynamiques logistiques et se traduit
dans l’asymétrie des courbes de croissance ; (2) à l’échelle de la communauté, le turn-over
des espèces joue un rôle prépondérant dans les processus de compétition, en particulier, dans
les milieux pauvres en azote minéral, où les espèces qui dominent sont caractérisées par des
traits qui conduisent à une forte capacité de rétention des nutriments ; (3) à l’échelle de la
parcelle enfin, le turn-over est impliqué dans la dynamique de la fertilité du sol : la
disponibilité des nutriments est fonction de leur temps de résidence dans les différents
81
compartiments de la matière organique. Par conséquence, dans les écosystèmes herbacés
tropicaux au turn-over relativement rapide, la biomasse aérienne n’est pas une estimation
fiable de la productivité primaire nette de l’écosystème : d’importants flux cachés ne sont pas
détectés par les suivis de biomasse car les processus de production, sénescence, chute de
litière et décomposition ont lieu simultanément.
La durée optimale de la jachère fait l’objet de compromis entre les différentes
fonctions agro-écologiques de la jachère : constitution d’un stock de matière organique,
fixation symbiotique d’azote, qualité de la litière incorporée au sol, lutte contre les adventices,
limitation des parasites, stimulation de l’activité microbienne, modification de la structure du
sol. Elle n’est pas nécessairement très longue au regard des critères testés avec le modèle sur
les données vénézuéliennes : le stock de matière organique n’augmente plus au-delà de 5 ans
et c’est au cours de cette période qu’on a la fixation maximale d’azote avec le pic des
légumineuses. La jachère améliorée par semis de légumineuses offre de fortes potentialités
(qu’il faudrait modérer en incluant une éventuelle limitation pour le phosphore dans le
modèle). Le couplage aux études de décomposition de la matière organique devrait permettre
de définir la composition idéale de la litière et la durée optimale de la jachère pour ce critère.
D’autres idées pourront être testées, comme la fertilisation de la jachère ou la manipulation
par arrachage et prélèvements.
Le développement du modèle et l’analyse des résultats incitent à compléter les études
entreprises sur les sites d’applications, en particulier, ce qui concerne :
(1) le cycle reproductif des espèces considérées (banque et pluies de graines, dispersion,
dormance et recrutement), car la dynamique de la communauté et le fonctionnement de
l’écosystème sont fortement sensibles aux conditions initiales ;
(2) le bilan hydrique et le bilan d’azote pendant la jachère (apports par déposition et fixation,
et départs par lessivage), car la dynamique de la communauté et le fonctionnement de
l’écosystème sont fortement sensibles au niveau de ressources disponibles (eau et azote) ;
(3) le cycle du phosphore et les limitations de la fixation symbiotique, car celle-ci constitue la
principale entrée d’azote dans le système ;
(4) l’estimation de l’activité racinaire, représentée dans le modèle par SRL (Specific root
length, longueur de racines et de mycorhizes par unité de masse), car la compétition en azote
joue un rôle prépondérant dans la structuration de la communauté, notamment dans les
milieux pauvres en nutriments ;
(5) la structure du couvert, car elle détermine la compétition pour la lumière et est un facteur
déterminant dans l’exclusion des espèces pionnières ;
82
(6) la durée de vie des organes, car le taux de turn-over joue un rôle prépondérant dans la
dynamique du système ;
(7) le bilan de carbone à l’échelle de la parcelle (par mesures sous cloches ou par tour à flux),
car il permettra de valider le fonctionnement global du modèle.
Limites du modèle
Dimension spatiale
Nous avons développé le modèle sur la base des mécanismes écophysiologiques et de
ce fait, volontairement réduit les aspects spatiaux du problème à la répartition verticale des
espèces dans le couvert végétal.
Nous négligeons ainsi la répartition des espèces dans le plan horizontal. Des modèles
3D ont été développés pour une plante unique ou pour des couverts réguliers monospécifiques
(vigne) ou bispécifique (herbe et trèfle, Sinoquet 1998). Ces modèles prédisent l’extinction du
rayonnement et l’assimilation photosynthétique du couvert. Mais ils nécessitent la description
complète de la scène (position de toutes les plantes, voire de tous les organes) et ils travaillent
généralement sur une scène fixe (qui n’est pas mise à jour à chaque pas de calcul). Le modèle
FAPROM assimile le couvert à une « soupe végétale » (hypothèse « champ moyen ») mais
prédit la dynamique de la communauté au pas de temps journalier sur plusieurs décennies.
Nous simplifions aussi excessivement la dimension spatiale à l’échelle du paysage en
supposant constant au cours du temps l’apport de graines en provenance des parcelles
voisines. Pour pouvoir simuler la diversité à l’échelle du paysage, il faudrait coupler le
modèle à une base de données géographiques et étudier les flux de graines entre parcelles.
Dans le but de simuler la dynamique de la diversité à l’échelle de l’écorégion, il peut s’avérer
83
intéressant d’utiliser au sein de chaque parcelle un modèle mécaniste simplifié de succession
secondaire, et un échiquier pour décrire les relations entre les différentes parcelles.
84
troisième élément dans la dynamique de la communauté. Cet ajout au modèle nécessiterait
également un complément d’études sur le terrain.
85
3.2 - RETOUR SUR LE PROJET DE THESE
86
sites d’études particuliers ; (3) la validation du modèle ; (4) le couplage des modèles
biogéochimiques à l’échelle de la parcelle ; et (5) la compréhension des mécanismes de
restauration de la fertilité des sols dans le système de culture à jachères longues des hautes
Andes tropicales. Nous n’avons que partiellement rempli notre mission : si les objectifs 1 et 2
sont atteints, les objectifs 3, 4 et 5 restent inachevés.
Notre projet de thèse avait l’ambition d’inclure le modèle de parcelle dans le modèle
d’exploitation agricole développé par Bernardo Paz-Betancourt (1997) et de réunir les aspects
écologiques, agronomiques et socio-économiques du problème. Bien que nous ayons gardé ce
but en vue, nous avons rapidement revu nos objectifs à la baisse et seulement tenté de
modéliser le fonctionnement agro-écologique de la parcelle.
Développement informatique
Nous avons initialement développé le modèle sous FORTRAN puisque tel était le
langage utilisé au laboratoire. Nous avons ensuite traduit le modèle (et poursuivi son
développement) sous VENSIM de façon à le rendre directement compatible aux autres
modèles développés dans le projet. Si c’était à refaire, quelle solution choisirions-nous ? Les
langages de programmation informatique (tels que FORTRAN) présentent l’avantage de ne
pas être limités dans leurs possibilités techniques (encore faut-il que le programmeur ait
suffisamment de dextérité). Mais ils ne sont pas vraiment ergonomiques, et sont difficilement
partageables, difficilement modifiables par un tiers non spécialiste, et nécessitent l’écriture
des fichiers de sorties dont on veut disposer. A contrario, les logiciels de programmation
graphique des systèmes dynamiques (tels que VENSIM) sont ergonomiques, intuitifs (c’est-à-
dire qu’ils fonctionnent comme les produits Microsoft) donc facilement utilisables et
modifiables par d’autres utilisateurs. D’autre part, toutes les sorties de simulation sont
disponibles par défaut, et le logiciel offre un certain nombre d’utilitaires comme une
plateforme de macro simulations (pour des études de sensibilité et des tirages de Monte-
Carlo) et de nombreuses fonctions mathématiques intégrées ( notamment les tirages aléatoires
suivant de multiples lois). Toutefois, il n’est pas possible de faire des boucles imbriquées et
d’appeler des sous-modèles en cours de calcul, ni d’augmenter le nombre de strates ou
d’espèces au cours d’une simulation. Aussi la solution à adopter dépend-elle de l’objectif
87
fixé : VENSIM est un bon compromis pour un modèle didactique permettant l’échange entre
chercheurs non modélisateurs. Pour un modélisateur également, l’interface de VENSIM
permet de visualiser rapidement le fonctionnement d’un modèle et d’en saisir d’un coup
d’oeil l’architecture globale. Mais pour développer des modèles plus complexes, comme le
modèle socio-économique du fonctionnement du système de culture à jachères longues à
l’échelle de la vallée, un langage de programmation sera nettement plus efficace. En effet,
sous VENSIM, pour modéliser l’alternance culture/jachère, nous avons été amenés à
additionner des zéros pour le modèle de jachère pendant la période de culture, et vice versa.
Gestion de projet
Notre travail s’est intégré dans le cadre du projet TROPANDES mais il a commencé
au milieu du projet, alors que les principales orientations avaient été prises, avec leurs
conséquences sur le travail de terrain. Nous avons donc dû pour l’essentiel nous contenter des
mesures effectuées, sans pouvoir réellement interagir avec les expérimentateurs pour
compléter ces mesures dans un sens utile à notre modélisation. Ainsi le modèle FAPROM
nous a révélé l’importance des paramètres de mortalité et de reproduction (production et
dissémination des graines) mais nous avons dû déterminer ces paramètres par calibration du
modèle, faute d’en avoir des mesures sur le terrain. Pour valider notre modèle, il nous aurait
fallu un suivi aussi complet que possible de la biomasse par espèce tout au long de la
succession. Certaines de ces données existent mais n’ont pas encore été dépouillées. Elles
nous sont restées inaccessibles, faute d’avoir réussi, en dépit de nos efforts répétés, à
convaincre les expérimentateurs de l’intérêt de collecter ces mesures ou de les exploiter en
commun pour en tirer le meilleur parti.
Il faut reconnaître que le travail de terrain est lourd et contraignant. Ainsi, un suivi de
biomasse sur 6 parcelles pendant 2 années au Venezuela nécessite trois années complètes de
travail pour une personne (cf. annexe 2). On peut comprendre que les expérimentateurs aient
quelque réticence à ajouter des mesures à leur protocole et à laisser d’autres personnes
88
exploiter leurs données. Mais le projet dans son ensemble aurait gagné à ce que les
discussions entre modélisateurs et expérimentateurs aient lieu assez tôt dans le projet (ce fut
partiellement le cas), et surtout aient continué de façon régulière au fur et à mesure que les
données arrivaient et que les modèles progressaient. Peut-être ce dialogue permanent n’est-t-il
possible que lorsque le modélisateur est intégré dans une équipe d’expérimentateurs ; nos
courrier électroniques, complétés par plusieurs visites, ont permis d’avancer dans l’échange
mais de nombreuses données restent à exploiter.
C’est en couplant les modèles de jachère, de culture et de matière organique du sol que
nous avons réalisé l’importance du bilan d’azote, pour les modèles comme pour les mesures.
La première version du modèle de matière organique du sol donnait des flux d’azote minéral
beaucoup trop élevés qui modifiaient de façon irréaliste la dynamique de succession pendant
la jachère et qui n’étaient pas limitants pour la culture. Nous nous sommes alors tournés vers
les mesures pour valider ce bilan d’azote, ce qui a été possible au Venezuela mais pas en
Bolivie où il manquait les pertes d’azote par lessivage.
89
3.3 - REFLEXIONS PERSONNELLES ET PERSPECTIVES
Ce travail de thèse aurait requis les compétences d’un chercheur, d’un ingénieur, d’un
programmeur, d’un consultant, d’un enseignant, d’un rédacteur, d’un graphiste et d’un
voyageur. La variété des activités du recherche fait sans doute la richesse de ce métier mais
l’aide de « professionnels » aurait souvent amélioré l’efficacité du travail. Une des
compétences acquise au cours de la thèse est de savoir repérer des amateurs plus éclairés
dans les domaines abordés et de tisser parmi eux son réseau de conseillers : un
mathématicien, un statisticien, un programmeur, un informaticien, un physiologiste, un
lecteur critique, un béotien, un assistant conception graphique et un traducteur spécialisé.
Le travail mené relève à la fois de l’ingénierie et de la recherche : le développement
du modèle nécessite de mettre les mains dans le cambouis, de se fixer des objectifs et d’être
pragmatique (tout paramètre se doit d’être identifié) ; la recherche scientifique avance en
posant sans cesse de nouvelles questions, dans un état de remise en cause permanent. Je
regrette de n’avoir pas su me détacher davantage de l’aspect technique du travail et de
n’avoir pas toujours su prendre du recul par rapport au développement du modèle, pour le
considérer réellement comme un outil et l’utiliser pour analyser les questions scientifiques. Il
faut savoir abandonner par moment le développement de l’outil pour pouvoir s’en servir
sereinement. Et il faut s’en servir pour pouvoir améliorer son développement. Quand le
concepteur et l’utilisateur sont bel et bien la même personne, il est difficile de mettre des
frontières entre ces deux activités.
90
Validation complète sur les données vénézuéliennes
Le modèle FAPROM devrait être utilisé par le partenaire vénézuélien qui pourra le
valider avec les séries de données diachroniques de biovolume. Dans ce but, nous animons en
juillet 2004 à l’Universidad de los Andes (Mérida, Venezuela) un atelier de modélisation qui a
pour double objectif de familiariser les participants à la modélisation des systèmes
dynamiques en écologie et de transmettre la dernière version du modèle FAPROM. Nous
espérons que le partenaire vénézuélien utilisera le modèle FAPROM, qu’il en poursuivra le
développement et que notre collaboration se poursuivra longtemps.
91
contrôlées. L’utilisation du modèle en contrepartie peut permettre de faire l’étude exhaustive
de toutes les combinaisons d’assemblages d’espèces pour contrôler l’effet d’échantillonnage.
Le modèle permet en outre d’estimer la production primaire nette et non pas seulement la
biomasse aérienne. Le modèle peut être intéressant pour généraliser les résultats de ces
expériences. Des contacts préliminaires ont été pris avec Nina Buchmann (expérimentations à
l’Institut Max Planck, Jena, Allemagne).
92
Conclusion
93
Nous souhaitons conclure en mettant en exergue les fruits de notre travail, les résultats
de notre recherche et les idées que nous souhaitons faire passer. Ces éléments de conclusion
rassemblent deux types de résultats : des résultats d’ordre méthodologique ou technique (1-4)
et des résultats centrés sur notre problématique, la gestion durable du système de culture à
jachère des hautes Andes tropicales (5-8).
(1) Nous avons développé un modèle biogéochimique de succession végétale qui lie
écophysiologie et écologie des communautés. Son originalité est d’assurer le couplage entre
processus instantanés et dynamique de la végétation et d’intégrer tous les compartiments
mesurés en identifiant des liens mécanistes entre eux. Il permet à la fois d’établir la réponse
des végétaux au cours de la succession et d’étudier l’effet des végétaux sur le fonctionnement
des écosystèmes. Disponible sur demande25, la dernière version est épurée et documentée.
(2) Nous avons mis en évidence l’existence de flux cachés de l’écosystème et montré que la
biomasse aérienne n’est pas une estimation fiable de la productivité primaire nette de
l’écosystème, en particulier, dans les écosystèmes herbacés tropicaux au turn-over rapide.
(4) Nous avons montré l’intérêt des modèles de simulations en complément des modèles
d’analyse mathématique (caractérisant les équilibres) pour comprendre la dynamique des
systèmes complexes. La prise en compte des effets indirects conduit parfois à des résultats
contre intuitifs (comme la baisse de production lorsque les ressources augmentent, cf. p.63).
La modélisation multi-agent des systèmes complexes offre des perspectives intéressantes dans
l’étude des dynamiques écologiques.
25
yann.martineau@m4x.org
94
(5) La durée optimale de la jachère fait l’objet de compromis entre les différentes fonctions de
la jachère : constitution d’un stock de matière organique, fixation symbiotique d’azote, qualité
de la litière incorporée dans le sol, lutte contre les adventices. Elle n’est pas nécessairement
très longue pour son rôle agro-écologique26 mais d’autres usages (comme la production de
bois de feu en Bolivie) peuvent requérir plus de temps.
(6) La jachère améliorée par semis de légumineuses offre de fortes potentialités (mais il
faudrait inclure le cycle du phosphore dans le modèle pour pouvoir prédire l’efficacité réelle
de la fixation).
(7) Le modèle FAPROM est fortement sensible aux conditions initiales ce qui doit encourager
l’étude des cycles reproductifs des espèces considérées (banque de graines, dormance et
pluies de graines).
(8) Le développement du modèle et l’analyse des résultats incitent à compléter les études
entreprises sur les sites d’applications, en particulier, en ce qui concerne les graines, la
mortalité, l’estimation du SRL (longueur de racine par unité de masse), la fixation
symbiotique et le cycle du phosphore, la structure du couvert, le bilan hydrique et le bilan
d’azote pendant la jachère, et le bilan de carbone à l’échelle de l’écosystème.
26
Les simulations montrent une stabilisation de la biomasse totale après 5 ans de jachère. Le modèle requiert
encore néanmoins une validation plus approfondie pour améliorer la confiance dans les prédictions, notamment
sur la vitesse d’établissement de la végétation.
95
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105
Table des illustrations
106
TABLEAUX
FIGURES
107
F12 : Phytomasse de racines et production souterraine (Sarmiento et al. 2004). 48
F13 : Suivis de biomasse aérienne (Sarmiento et al. 2004). 49
F14 : Production primaire nette journalière et flux simulés. 52
F15 : Dynamique de la communauté végétale. 56
F16 : Fonctionnement de l’écosystème. 57
F17 : Sensibilité du modèle aux conditions initiales. 60
F18 : Sensibilité du modèle aux paramètres Hmax et SRL. 62
F19 : Sensibilité du modèle au niveau de ressources (eau et azote). 63
F20 : Réponse de la communauté végétale au niveau de ressources (eau et azote). 64
F21 : Elasticité de la biomasse aux paramètres Hmax et SRL. 65
F22 : Biovolume par groupe fonctionnel sur deux parcelles boliviennes. 67
F23 : Biovolume simulé versus mesuré sur deux parcelles boliviennes. 68
F24 : Dynamique du contenu en azote au cours de la jachère. 71
F25 : Effet du pâturage sur la productivité de l’écosystème. 76
F26 : Effet de la perte de diversité sur le fonctionnement de la communauté. 78
108
Table des matières
109
I Financement du travail
II Dédicace
III Remerciements
1 Sommaire
2 Introduction
21 13 - COMMENT MODELISER ?
21 1.3.1 - Le modèle conceptuel repose sur les mécanismes écophysiologiques.
21 Architecture du couvert
26 Compétition pour la lumière et photosynthèse potentielle
26 Respiration des plantes
27 Absorption d’azote et assimilation réalisée
28 Allocation des assimilats
29 Sénescence des organes
29 Matière organique du sol
30 Cycle reproductif
30 Pâturage et cueillette
30 1.3.2 - Le modèle est paramétré à partir d’observations et de mesures de terrain.
31 1.3.3 - Le modèle informatique a été développé en FORTRAN puis VENSIM.
33 1.3.4 - Le modèle est utilisé pour estimer la dynamique de l’écosystème.
34 1.3.5 - Le modèle est couplé à des modèles de sol et de culture.
110
36 2 - Applications du modèle, de la plante à l’écosystème
111
90 3.3 - REFLEXIONS PERSONNELLES ET PERSPECTIVES
90 3.3.1 - De la multiplicité des métiers du chercheur
90 3.3.2 - Avenir du modèle FAPROM
91 Validation complète sur les données vénézuéliennes
91 Adaptation aux écosystèmes méditerranéens
91 Utilisation du modèle dans les études ‘diversité et fonctionnement’
93 Conclusion
96 Références
A1 Annexes
A75 3 Uses and abuses of logistic growth: considering turnover to avoid biological
nonsense in ecological modelling. Martineau Y, Deredec A, Genton B, Saugier
B. Projet d’article.
3° Resumen en español
4° Résumé en français
4° Abstract in English
112
Resumen
El sistema agrícola tradicional de los altos Andes tropicales alterna cortos períodos de
cultivo y barbechos largos. El crecimiento demográfico induce una intensificación de
consecuencias arriesgadas (pérdida de fertilidad y de biodiversidad). El proyecto europeo
TROPANDES estudió los procesos agro-ecológicos que controlan la fertilidad del suelo para
proponer una alternativa duradera a la intensificación. La vegetación natural que coloniza las
parcelas abandonadas se incorpora a la tierra en el momento de romper el barbecho.
Desarrollamos un modelo biogeoquímico de sucesión vegetal que permite cuantificar la
acumulación de biomasa durante el barbecho. FAPROM (Fallow Production Model) describe
una mezcla con varias capas de seis especies en competencia por la luz y el nitrógeno mineral.
Simula distintos procesos: fotosíntesis en intervalos de una hora; asignación del carbono,
respiración, senecencia, absorción y fijación de nitrógeno en intervalos diarios; y
reproducción en intervalos anuales. El modelo se aplicó a dos lugares particulares: el paramo
húmedo (Venezuela) y la puna semiárida (Bolivia). Se obtuvieron distintos resultados: (1)
Nuestras simulaciones muestran la importancia del turn-over de la materia (respiración,
senescencia) para considerar el crecimiento, la dinámica de la vegetación y la producción
primaria del ecosistema. (2) La dinámica de la vegetación y el funcionamiento del ecosistema
dependen estrechamente de las condiciones iniciales (semillas) y de los recursos (agua,
nitrógeno). (3) El modelo permite cuantificar la importancia relativa de los procesos que
controlan el balance nitrogenado bajo distintas situaciones (con o sin leguminosas).
Le système agricole traditionnel des hautes Andes tropicales alterne courtes périodes
de culture et jachères longues. La croissance démographique des populations locales induit
une intensification aux conséquences risquées (perte de fertilité et de biodiversité). Le projet
européen TROPANDES a étudié les processus agro-écologiques qui contrôlent la fertilité du
sol pour proposer une alternative durable à l’intensification. La végétation naturelle qui
colonise les parcelles abandonnées est incorporée à la terre au moment de rompre la jachère.
Aussi avons-nous développé un modèle biogéochimique de succession végétale qui permet de
quantifier l’accumulation de biomasse pendant la jachère. FAPROM (Fallow Production
Model) décrit un mélange multicouche de six espèces en compétition pour la lumière et
l’azote minéral. Il simule divers processus : photosynthèse au pas de temps horaire ; allocation
du carbone, respiration, sénescence, absorption et fixation d'azote au pas de temps journalier ;
et reproduction au pas de temps annuel. Le modèle a été appliqué à deux sites particuliers : le
paramo humide (Venezuela) et la puna semi-aride (Bolivie). Nos simulations montrent
l’importance du turn-over de la matière (respiration, sénescence) pour estimer la croissance
des plantes, la dynamique de la végétation et la production primaire de l’écosystème. La
dynamique de la végétation et le fonctionnement de l’écosystème dépendent étroitement des
conditions initiales (graines) et des ressources (eau et azote). Le modèle permet en outre de
quantifier l’importance relative des processus qui contrôlent le bilan azoté sous différents
scénarios (avec ou sans légumineuses).
Abstract
The traditional cropping system of the high tropical Andes alternates short cropping
periods and long fallows. Demographic growth induced an intensification with hazardous
consequences (loss of fertility and biodiversity). The European project TROPANDES studied
the agro-ecological processes that control soil fertility to give a basis for a sustainable
alternative. The natural vegetation colonizing fallow plots is incorporated to the ground at
crop start. Therefore we built a biogeochemical model of plant succession to account for the
accumulation of biomass during fallow. FAPROM (Fallow Production Model) describes a
multi-layer mixture of six species in competition for light and mineral nitrogen. It simulates
various processes: photosynthesis at a hourly time step; assimilates allocation, respiration,
tissue mortality, nitrogen absorption and nitrogen fixation at a daily time-step; and
reproduction at a yearly time step. The model was applied to two particular sites: the wet
paramo (Venezuela) and the semi-arid puna (Bolivia). Simulations show the importance of
matter turnover (respiration, senescence) to estimate plant growth, vegetation dynamics and
ecosystem primary production. Vegetation dynamics and ecosystem functioning depend on
initial conditions (seed bank) and on resources (water and nitrogen). The model helps
quantifying the relative importance of the processes that control the nitrogen balance under
several scenarios (with or without legumes).