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Le montant des fonds rendus aux actionnaires ne correspond pas, le plus souvent, à celui des
fonds qui ne trouvent pas à s'investir dans des projets rapportant au moins le coût du capital.
Au-delà de cette pure rationalité, d'autres paramètres interviennent en effet.
Sur les marchés à l'équilibre, la distribution n’a aucun impact sur le patrimoine de
l'actionnaire et celui-ci est indifférent entre recevoir un euro en dividende ou un euro en plus-
value.
En effet, si nous sommes à l'équilibre, l'entreprise dégage par définition le taux de rentabilité
exigé par les actionnaires. Considérons ainsi la société Équilibre SA qui dispose de 100 de
capitaux propres sur lesquels les actionnaires demandent une rentabilité de 10 % et qui
dégage, puisque nous sommes à l'équilibre, un résultat net de 10. Soit ce bénéfice de 10 est
distribué aux actionnaires, soit il est réinvesti dans l'activité d'Equilibre SA à un taux de
rentabilité de 10%, mais comme l'actionnaire demande un taux de rentabilité de 10%, ce 10 va
valoir ni plus ni moins que 10. Les actionnaires auront donc soit touché 10 en liquidités, soit
vu la valeur d'Equilibre SA s'accroître de 10 ; ce qui est équivalent d’un point de vue
patrimonial.
Dans le cadre des marchés à l'équilibre, il ne peut donc pas y avoir de bonnes ou de mauvaises
politiques de distribution.
En définitive, si l’entreprise distribue beaucoup, la valeur de l'action sera plus faible mais
l‘actionnaire aura plus de liquidités. Si l’entreprise distribue moins, sa valeur sera plus forte
(sous réserve qu’elle autofinance des projets suffisamment rentables) et l'actionnaire aura
moins de liquidités, ce qu'il pourra compenser en vendant une partie de ses actions.
Dans un univers de marchés en équilibre, distribuer plus ou moins ne changera donc rien au
Patrimoine de l'actionnaire. Les entreprises ne doivent donc pas se préoccuper de leur
politique de distribution mais considérer le dividende comme un flux d'ajustement. On
retrouve l' approche de Modigliani-Miller en matière de politique financière : il n'existe pas de
moyen durable de créer de la valeur par une simple décision financière.
Dans le cadre des marchés à l'équilibre, il ne peut donc pas y avoir de bonnes ou de mauvaises
politiques de distribution.
En tout cas, s'il est bien une idée fausse fondée sur un abus de langage, c’est celle qui consiste
à présenter le dividende comme une rémunération de l'actionnaire, comme le pendant du
salaire qui rémunère le travailleur.
Si le patrimoine du salarié s'accroît bien du salaire versé, en revanche le patrimoine de
l'actionnaire n'est pas modifié par la perception du dividende : certes, il a bien touché le
montant des dividendes versés, mais au même moment la valeur de ses actions a baissé
d'autant.
Le dividende n'est donc pas une rémunération ou un enrichissement de l'actionnaire, mais une
simple modification de la composition de son patrimoine, comme un transfert de sa poche
gauche à sa poche droite.
Que dire en effet des firmes qui n’ont jamais versé de dividendes comme Facebook ou la
société de Warren Buffett Berkshire Hathaway. N'ontelles jamais rémunéré leurs actionnaires
? Bien sûr que non ! Ces firmes ont été d'excellents investissements pour leurs actionnaires.
La rémunération de l'actionnaire, c'est la variation de la valeur de son patrimoine investi dans
l’entreprise, dividendes compris.
M. Baker et J. Wurgler ont montré qu'il existe des périodes pendant lesquelles les actionnaires
sont demandeurs de dividendes. Ils sont prêts à payer plus cher les actions d'entreprises à
politique de distribution généreuse. Même si encaisser un dividende n'a jamais enrichi un
investissement puisque parallèlement la valeur de l'action s'affaisse du montant du dividende,
l'actionnaire ne peut pas s'empêcher d'être heureux à la réception de son chèque, même s'il lui
suffirait de vendre quelques actions pour toucher le même montant de liquidités. Dans ce
contexte, J. Rockfeller peut déclarer dans les années 1920 : « Vous connaissez la seule chose
qui me fait encore plaisir ? toucher mes dividendes », sans choquer personne !
M. Baker et J. Wurgler ont aussi montré qu'il existe des périodes pendant lesquelles les
actionnaires ne sont pas vraiment demandeurs de dividendes car il leur semble plus intéressant
que l'entreprise réinvestisse dans des opportunités de croissance. Ils valorisent moins cher les
actions à forts dividendes. Ce fut clairement le cas dans la seconde partie des années 1990: fin
1998, le jour où Telefonica annonça la suppression de son dividende afin de contribuer au
financement de son expansion en Amérique latine, son cours de Bourse grimpa de 9 %.
On peut naturellement se demander pourquoi cette succession de phases opposées. Il ne nous
semble pas qu'il y ait d'autres réponses que l'existence de modes en finance. Elles
correspondent à des vagues d'optimisme conduisant à privilégier le réinvestissement du
résultat perçu comme créateur de valeur ou à des vagues de pessimisme conduisant à favoriser
la distribution. La finance est avant tout une activité humaine...
Cette raison est particulièrement vraie pour les sociétés non cotées illiquides par définition.
Elle s'applique aussi aux sociétés cotées de petite taille qui souffrent d'une désaffection des
investisseurs et donc d’un marché faiblement animé, souvent sur des bases de valorisations