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interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
ISBN: 978-2-89568-814-3
ISBN EPUB: 978-2-89568-825-9
Distribution au Canada
Messageries ADP inc.
2315, rue de la Province
Longueuil (Québec) J4G 1G4
Tél.: 450 640-1234
Sans frais: 1 800 771-3022
www.messageries-adp.com
SOMMAIRE
Avant-propos
Pourquoi et pour qui ce livre?
La sexualité comme découverte de soi, du plaisir et des autres
«Je suis en rut, la testostérone me sort par les oreilles!»
«Je suis irrésistible… pourquoi l’autre ne s’en aperçoit pas?»
Les clés de la séduction mutuelle
«C’est ma première fois!»
Parlons condoms
«C’est tellement mon fantasme…»
Ta carte érotique
«Mais c’est le coup de foudre!»
«J’ai tant besoin d’affection…»
Sur les ailes du consentement
«L’interdit, le risque, ça m’allume tellement!»
«Son indifférence m’excite»
Y a-t-il encore moyen de draguer?
«Je suis prêt à y mettre le prix»
«Quand je suis jaloux, je perds le contrôle»
L’ABC de l’érection
«Mon pénis me réclame»
«L’autre m’a couru après»
Séduction 101
«Mais son corps disait oui…»
«Si j’insiste davantage, son non va se changer en oui»
Parlons porno…
«C’est une aventure sans conséquence»
«Et si c’était ma dernière chance?»
Le sexe est-il un sport dangereux?
«Mes amis m’ont mis au défi!»
«J’avais beaucoup bu et consommé…»
Les bulles invisibles de l’intimité
«C’était seulement pour blaguer»
«J’avais besoin de me défouler»
En ligne: cyberharcèlement et cyberagression
«L’autre a bien de la chance de m’avoir!»
«La sexualité, c’est animal, et je suis un mâle alpha»
L’autorité, c’est rarement sexy
«Je me mêle de mes affaires»
Quand c’est toi qui dis non
«Rompra bien qui rompra le premier»
«… Et si je veux vraiment que la relation dure?»
Bâtis ton cadre éthique
On n’a pas besoin de permis de conduire pour avoir une vie sexuelle.
Pourtant, conduire sa vie amoureuse sans provoquer d’accidents, sans
blesser personne moralement ou physiquement, ni se retrouver soi-même
dans de mauvais draps ne va pas de soi. D’où l’idée de ce livre apportant
informations, réflexions et même conseils pratiques, en espérant qu’il soit
lu par de nombreux gars, le plus tôt possible dans leur vie sexuelle. Il
intéressera sans doute aussi toute personne cherchant à mieux les
comprendre et mieux les aider: leurs partenaires, leurs parents, leurs
enseignants.
Puisqu’on va parler de sexualité et des problèmes qu’elle peut poser,
commençons par le reconnaître entre nous: il y a plein de bons gars qui font
parfois de mauvaises choses, et de moins bons gars qui en font de très
mauvaises… Comment en sont-ils arrivés à faire des victimes et à se nuire à
eux-mêmes? C’est ce que nous allons essayer de comprendre ensemble. Pas
pour excuser des situations qui seraient inexcusables, bien sûr: parce que les
expliquer, c’est se donner les moyens de les changer, en se demandant
comment agir autrement.
«Les gars réfléchissent avec leur pénis et leurs couilles plutôt qu’avec
leur tête.» Combien de fois n’a-t-on pas lu ou entendu cette phrase-là? A-t-
elle un fond de vérité? Si oui, peut-on entre gars enfin se dire les choses
comme elles sont?
Une grande tolérance à l’égard de comportements sexuels déplacés,
voire inacceptables, a longtemps existé. Elle n’a plus sa place. Le
mouvement #Moiaussi, débuté aux États-Unis il y a quelques années, a été
et demeure un appel au changement. Là-dessus, tout le monde s’entend. En
ce qui concerne les solutions, c’est moins évident. C’est pourquoi il faut en
parler.
«Les gars réfléchissent avec leur pénis et leurs couilles plutôt
qu’avec leur tête.» Combien de fois n’a-t-on pas lu ou entendu
cette phrase-là? A-t-elle un fond de vérité? Si oui, peut-on entre
gars enfin se dire les choses comme elles sont?
Dans ce qu’on appelle malgré tout l’instinct sexuel, il n’y a pas grand-
chose d’automatique chez l’humain. Notre sexualité s’est civilisée à mesure
que notre cerveau a gagné en influence sur notre comportement. Tu me
diras que tout le monde n’a pas évolué à la même vitesse… Possible. Le
projet de ce livre est justement de discuter de ça.
Personne n’a jamais pu établir de liens directs entre les taux d’hormones
sexuelles et le comportement sexuel chez les hommes. Bien sûr, nos
hormones rendent possible la pulsion érotique, mais elles ne commandent
aucune activité que ce soit. Ton taux d’hormones mâles peut influencer la
qualité ou la quantité de tes performances sexuelles, mais en aucun cas
dicter ta conduite. C’est toi, et toi seul, qui es aux commandes, avec ton
cerveau d’en haut.
En fait, nos comportements sexuels ont eux-mêmes un effet sur notre
production d’hormones. Par exemple, ressentir de l’attirance sexuelle
augmente la production d’hormones associées au plaisir, que ce soit la
testostérone, la dopamine ou l’adrénaline. Si ton corps fabrique déjà par lui-
même les hormones permettant d’éprouver du désir et du plaisir sexuel, tes
propres réactions stimulent à leur tour leur production. Tu joues donc un
rôle actif dans ta chimie intérieure.
La montée des hormones à partir de l’adolescence rend l’excitation et
l’éjaculation non seulement possibles, mais la plupart du temps agréables.
Ce n’est évidemment pas une raison pour utiliser ton pénis sans
discernement sous prétexte qu’il est en érection, ou que tu souhaites qu’il le
devienne. Tu as l’impression parfois d’être en rut et de ne plus pouvoir te
contrôler? La masturbation peut aisément y remédier. Ça diminuera la
tension du moment et ça te relaxera, quitte à répéter au besoin la posologie
discrètement autant de fois que nécessaire – à chacun de trouver son rythme
et ses repères.
Ton taux d’hormones mâles peut influencer la qualité ou la
quantité de tes performances sexuelles, mais en aucun cas dicter ta
conduite. C’est toi, et toi seul, qui es aux commandes, avec ton
cerveau d’en haut.
Plusieurs jeunes hommes utilisent ce vieux truc qui peut être pratique
avant de sortir dans les lieux de cruise ou de drague. Étant soulagé du
sentiment d’urgence d’avoir un rapport sexuel, ils peuvent choisir avec plus
de quiétude de quelle façon passer la soirée ou la nuit. Faire relaxer le
cerveau d’en bas laisse plus de place à celui d’en haut. La pression exercée
sur les possibles partenaires risque de ne pas être la même – ce qui peut
aussi faire leur affaire, qui sait? Beaucoup de filles (et aussi des gars) se
plaignent des pressions subies pour avoir des rapports sexuels lors de toutes
premières rencontres. Or, un consentement obtenu sous pression en est-il
vraiment un?
«JE SUIS IRRÉSISTIBLE… POURQUOI
L’AUTRE NE S’EN APERÇOIT PAS?»
En fait, ton attrait dépend surtout des émotions que tu éveilles chez les
autres, mais aussi des circonstances et du contexte dans lesquels vous vous
retrouvez. Tu es inspirant pour certaines personnes, pas du tout pour
d’autres. Tout repose dans la perception qu’on a de toi à ce moment-là.
L’attirance, c’est assez spontané, ça ne se force pas. La même personne peut
te trouver craquant à un moment donné et presque repoussant à un autre,
tout ça en l’espace de quelques jours ou même de quelques heures
seulement. On peut aussi te trouver vraiment craquant sans avoir envie de
baiser avec toi… du moins pas tout de suite.
Ta beauté, elle se trouve en grande partie dans l’œil de qui te regarde.
Cette personne se demande si partager des moments intimes avec toi lui
plairait. Il y a ce qu’elle voit, bien sûr, mais surtout ce qu’elle ressent,
imagine, anticipe. C’est pourquoi de très beaux gars selon les critères à la
mode peuvent laisser impassibles. Alors que des gars très moyens, selon les
mêmes critères, attirent beaucoup. La beauté, c’est dans l’interprétation de
ce que l’on voit et ressent.
Ce n’est pas toi qui attires, c’est l’impression qu’on se fait de toi. C’est
pourquoi même les personnes sensibles à tes charmes n’y réagissent pas
tout le temps avec la même intensité. On a beau avoir un plat favori, on ne
ressent pas le besoin d’en consommer constamment. L’appétit sexuel n’est
pas si différent de l’appétit alimentaire: on a des goûts et des préférences,
mais même ce que l’on apprécie beaucoup ne dit pas grand-chose certains
jours.
Ce n’est pas toi qui attires, c’est l’impression qu’on se fait de toi.
Tu trouves bien triste que les personnes qui t’attirent n’aient pas
toujours le même enthousiasme pour toi? Sois empathique, mets-toi un
instant dans la peau de celles qui te disent non. Parce que, si ce n’est déjà
fait, toi aussi tu te retrouveras dans la même situation, poussé à dire à
quelqu’un: «Tu ne m’intéresses pas.» Ou encore: «Aller plus loin avec toi
ne me dit rien.» Les autres ne font que réagir comme toi en se permettant de
choisir qui leur plaît, quand ça leur plaît.
Qu’Adèle (ou Noah) ne veuille pas de toi, ça ne t’empêche pas de
demeurer irrésistible, non?
LES CLÉS DE LA SÉDUCTION MUTUELLE
Dans une relation amoureuse ou sexuelle, on n’est pas tout seul à subir
les conséquences de nos bévues quand il y en a. On est au moins deux. On
doit par conséquent redoubler de précautions pour ne pas faire de mal à
l’autre ni à soi-même. Qu’on prévoie que la relation pourrait durer, ou pas,
n’y change rien. Une première fois, ça ne s’improvise pas. On a
probablement en tête ce qu’on aimerait bien faire; être disposé à entendre
les envies de l’autre est néanmoins essentiel. Il faudra bien que ses désirs et
les nôtres se rencontrent. C’est une question de sensibilité et de savoir-être.
L’inexpérience a le dos large pour excuser des relations qui tournent
mal. Tu me diras que tu es trop futé pour que ça t’arrive. Tant mieux.
Défaire l’argument des premières fois qui excuseraient tout ou qui sont
définitivement choses du passé s’impose tout de même. Pourquoi? Parce
qu’il y aura beaucoup de premières fois dans ta vie sexuelle et amoureuse!
La première fois que tu t’y prendras comme ci, la première fois que tu feras
comme ça, et avec telle personne en particulier. On est toujours le débutant
de quelqu’un dans quelque chose, surtout dans notre vie sexuelle et
amoureuse.
Bref, des premières fois, il y en aura probablement encore, et ça se
prépare. Que ce soit la toute première fois que tu te retrouves en tête à tête
avec cette personne-là, la première fois que tu passes au lit avec elle, la
première fois que tu as telle ou telle pratique sexuelle, etc.
Presque tous les gars ont des fantasmes. Rien de plus normal. En plus, ça
ne fait de mal à personne tant que ça demeure là, dans ta tête, sauf si ça
devient obsessif ou si tu te crois obligé de les réaliser. Chercher à les
imposer à des partenaires qui ne les partagent pas n’est vraiment pas une
bonne idée.
Un fantasme n’a pas absolument besoin de mettre le pied dans la réalité.
Au contraire, il sert généralement à compenser ce que la réalité ne permet
pas: revivre des expériences passées, les réécrire autrement, faire en
imagination des choses qui seraient impossibles, risquées ou interdites, du
moins ici et maintenant. Souvent le fantasme se suffit à lui-même: on n’a
pas l’intention de le réaliser, on sait que ce serait trop fou.
Presque tous les gars ont des fantasmes. Rien de plus normal. En
plus, ça ne fait de mal à personne tant que ça demeure là, dans ta
tête, sauf si ça devient obsessif ou si tu te crois obligé de les
réaliser. Chercher à les imposer à des partenaires qui ne les
partagent pas n’est vraiment pas une bonne idée.
L’amour exige du temps, denrée rare de nos jours, alors que le désir
peut être impulsif. Donner du plaisir physique peut aussi être valorisant. On
se sent reconnu, apprécié. Séduire sur le plan sexuel est une façon efficace
de retenir rapidement l’attention des autres. Une relation a toutefois besoin
de temps et de complicité pour se déployer et s’enraciner. Cette magie-là,
elle se bricole à deux. Croire que la sexualité est le «Sésame ouvre-toi» de
la vie affective ou amoureuse est erroné: il n’y a pas forcément de lien
automatique entre les deux.
En désir et en amour avec Marie-Jeanne, François est convaincu qu’une
relation avec elle comblera tous ses besoins. Ses espoirs sont déçus quand il
s’aperçoit que l’intensité de son attirance n’est pas partagée. Marie-Jeanne
le considère plutôt comme fuck-friend, un ami avec lequel elle peut avoir
des rapports sexuels, sans plus. Ils ont eu du bon temps, c’est vrai, mais une
relation plus sérieuse, ce n’est pas du tout dans les plans de Marie-Jeanne,
qui ne souhaite pas s’engager davantage. Ce pourrait être l’inverse car ce
sont souvent des gars qui hésitent à s’engager. Dans les deux cas, la
conclusion est la même: ça ne va pas plus loin, ça s’arrête faute de
motivation à développer la relation.
Les grands récits d’amour ou de sexe sont presque tous basés sur
des adversités à surmonter. Pas étonnant que ça puisse influencer
notre imaginaire.
Si jamais c’est ta façon de voir ou d’agir, ce chapitre est pour toi, afin
d’éviter que tu te retrouves un jour accusé de harcèlement ou, pire,
d’agression en raison de ton entêtement. Car la différence entre ce qui est de
l’ordre de la séduction, par définition agréable, et de l’acharnement, par
définition désagréable, n’est pas toujours évidente pour tout le monde. Et
quand il s’agit de ton propre comportement, tu ne te vois pas toujours aller.
Les bons gars qui font parfois de mauvaises choses croient à tort que leurs
bonnes intentions les mettront à l’abri. Ce n’est pas le cas: un acte
répréhensible demeure un acte répréhensible.
Par exemple, Nathan se sent irrésistiblement attiré par Charlotte. Il fait
l’impossible pour attirer son attention, pour la croiser, pour lui parler, pour
faire partie des mêmes équipes de travaux scolaires. Le hic, c’est que
Charlotte ne veut rien savoir de lui. Elle ne le lui a pas encore dit aussi
directement, mais son comportement indifférent le montre bien. Nathan ne
semble cependant pas comprendre. Au contraire, il en rajoute et insiste. Sa
conduite commence à exaspérer Charlotte, qui trouve ça vraiment
désagréable. La cour que lui fait Nathan, de son point de vue à lui, est
devenue une situation très déplaisante pour elle.
Lorsqu’on ressent un fort attrait érotique et qu’on tient à l’exprimer, ça
frise parfois l’obsession et l’acharnement, comme c’est le cas de Nathan. Si
tu rencontres pareille situation, le piège qui te guette, c’est de dépasser,
comme lui, les limites de l’acceptable ou du supportable. Par ton manque de
discernement et de vigilance, tu te retrouveras avec l’étiquette du gars
harcelant qui ne comprend pas, qui n’accepte pas qu’on déçoive ses
attentes.
Si ton désir n’est jamais si intense que lorsqu’il est contrarié, il faut
apprendre à le gérer. Sinon, tu vas poser des problèmes aux personnes qui
t’attirent et, ulti-mement, à toi-même. Tu dois te fixer des limites à ne pas
dépasser quand tu exprimes ton désir si tu veux que ton comportement
puisse encore s’appeler séduction.
«Oui, mais la passion?» diras-tu… Que faire une fois qu’on est
passionné par une personne, qu’on en devient quasi obsédé? Il est malaisé
d’agir avec sagesse et bon sens, arrivé là. Ce n’est pas une raison pour
renoncer à contrôler et à gérer tes émotions. Si une relation à laquelle tu
tiens beaucoup tire de l’aile, tu te sentiras peut-être injustement abandonné,
voire trahi. Ton désarroi ne va pourtant pas convaincre l’être aimé de rester
avec toi ou de te revenir si votre relation n’a plus d’avenir à ses yeux. Il n’y
a aucune méchanceté de la part de la personne qui te quitte ou te dit non;
seulement de l’honnêteté et de l’amour d’elle-même.
Ne mériterais-tu pas une deuxième chance, ou une troisième, quand la
relation dans laquelle tu t’es investi tourne court à ton plus grand désarroi?
L’avenir en décidera, et les décisions de l’autre y joueront un rôle
déterminant. Réagir par la menace, la colère ou même l’apitoiement
n’aidera pas ton cas à court moyen et long terme. Tu veux vraiment être
aimé par crainte ou par pitié, si jamais une telle chose était possible?
Si une relation a achoppé en raison de comportements possessifs que tu
refusais de reconnaître et de changer, la balle est peut-être dans ton camp…
s’il te reste encore une balle. Il est plus aisé de blâmer l’autre pour ce qui
n’a pas fonctionné que de te demander ce que tu peux faire, toi, pour éviter
que ça se termine toujours de la même façon.
Ton pénis n’est pas toi: il est, c’est le cas de le dire, l’appendice de ton
corps. C’est toi le maître de ce corps, y compris de cette partie-là. Au
besoin, un peu de repos lui sera salutaire, lui permettant de reprendre des
forces ou de les décupler. Certains gars se masturbent tous les jours, voire
plus d’une fois par jour, d’autres à peine quelques fois par année. Il y a des
sprinters et des marathoniens. Il y a des adeptes de l’exercice du matin,
parce que ça les déstresse, d’autres qui préfèrent s’y adonner le soir car ça
les endort et ça combat l’insomnie, l’orgasme libérant des substances
endorphines à effet relaxant sur le cerveau. Il n’y a pas de meilleur moment
que celui que toi tu choisis. Chacun entend son propre tambour et vibre à
son rythme. Le bon tempo, ce sera finalement le tien.
«L’AUTRE M’A COURU APRÈS»
Le désir ne se commande pas. Ou bien il est là, ou bien il n’y est pas.
C’est malheureux, diras-tu, mais c’est comme ça. Si on te dit ne pas vouloir
de toi, crois-le. Ton amour-propre en souffrira un peu; nier l’évidence n’y
changera rien. Au contraire, tu étireras ton chagrin en t’y complaisant.
Si une personne n’a vraiment pas le goût de partager son intimité avec
toi, tenter de forcer son consentement ne fera que rendre pénible la
situation. L’acharnement n’est pas du tout séduisant, encore moins érotique.
C’est même très déplaisant pour qui subit ces ardeurs appuyées et
importunes. «Oui, mais des fois ça fonctionne!» diras-tu. Tu as des amis ou
des connaissances qui ont fait ça, affirmes-tu, et ça leur a apparemment
rapporté. C’est du moins ce qu’ils disent. J’ai de mauvaises nouvelles pour
eux. Et pour toi aussi si tu étais tenté de les imiter.
D’abord, les filles ou les gars qui finiront par acquiescer à ta demande
pour se débarrasser de toi ou pour maintenir une relation chancelante le
regretteront très probablement et ne se priveront sans doute pas de le dire à
leur entourage. Les dons Juans insistants ne se font pas une bonne publicité.
Tu ne sais jamais ce qu’il adviendra d’une aventure issue d’un
consentement vicié ou arraché. Ses retombées négatives pourraient te
poursuivre longtemps. Et ce n’est pas parce que la personne n’a pas, ou pas
encore, porté plainte qu’elle a tourné la page sur ce qui s’est passé. Un
rapport sexuel imposé, c’est traumatisant. Et un traumatisme ne s’efface pas
facilement.
Insister, c’est risqué. Une fois que tu es sur cette pente, tu es mal
engagé.
Insister, c’est risqué. Une fois que tu es sur cette pente, tu es mal
engagé. Celui qui n’accepte pas qu’on résiste à ses avances est en train de
se transformer en harceleur ou, pire encore, en agresseur. Personne ne
trouve ça sexy. En plus, ça tombe sous le coup de lois qui entendent
prévenir ou sanctionner les actes de cette nature. Ce n’est pas du tout
anodin.
Si tu tiens vraiment à être charmeur, sois-le jusqu’au bout en sachant
quand rebrousser chemin. Ne deviens pas désagréable par ton entêtement. Il
n’y a pas de bonne façon de harceler! Ça ne peut que se retourner contre toi,
tôt ou tard. Tu peux certainement être attirant pour d’autres personnes que
celles qui te disent non. Tu n’as besoin ni d’implorer, ni d’imposer quoi que
ce soit à qui que ce soit. Et si jamais c’est le cas, il y a du travail à faire sur
toi, il n’est pas trop tard pour commencer. Tu as déjà un bon ouvrage entre
les mains pour t’y aider, c’est un début.
PARLONS PORNO…
Dans la porno hard s’est développé un marché misant sur une sexualité
explicitement violente. Son but est de présenter des scènes dans lesquelles il
y a rabaissement et avilissement d’autrui. C’est du sexe qui fait mal, très
mal même, et de façon volontaire. Plusieurs personnes font remarquer que
la porno hard est déjà en elle-même violente puisque des acteurs et plus
encore des actrices y sont physiquement malmenés. Ce sont leurs vrais
corps, leurs vrais organes génitaux, leurs vrais orifices, après tout. Ce que
les réalisateurs exigent à répétition est psychologiquement et physiquement
éprouvant. Au mieux, ces acteurs et actrices feignent d’aimer ce qu’ils font.
C’est du cinéma, comportant parfois des trucages (par exemple, le sperme
qui coule à flots n’en est généralement pas), mais pas de cascadeurs ou
cascadeuses quand ce qui se passe est risqué ou douloureux. Si la jouissance
peut être feinte, la souffrance infligée et subie est réelle.
Une porno de plus en plus hard et violente repousse les limites de ce qui
peut être visionné, probablement afin de ranimer l’intérêt d’un public blasé,
à la recherche de sensations de nature essentiellement sadique, il faut bien
le reconnaître. Il est possible que cette porno fascine certaines personnes de
la même façon que les récits ou scènes de crime et d’horreur le font: parce
qu’elle provoque des émotions fortes. Chez ceux qui y deviennent accros en
raison de cela, elle peut arriver à créer une certaine désensibilisation,
donnant à penser que sexualité et violence iraient volontiers ensemble.
Tout le monde n’est pas adepte de ce type de scénarios, au contraire. La
porno peut non pas stimuler, mais choquer, provoquer malaise et dégoût.
Cet aspect est trop souvent passé sous silence. Tous les gars n’en sont pas
friands, notamment parce que ce n’est pas forcément beau à voir. Une fois
la curiosité passée, ça devient non seulement lassant, mais affligeant.
Les experts de la question ne s’entendent pas sur le fait que la porno
puisse servir de soupape à ceux qui la consomment, la plupart se doutant
bien que ce n’est pas à reproduire, ou à l’inverse qu’elle incite à passer aux
actes, et aux mêmes actes. Il est vraisemblable que les deux réactions
coexistent, bien que cela varie beaucoup d’un individu à un autre.
La pornographie influence-t-elle à jamais la sexualité de ceux qui la
visionnent? Tant d’éléments entrent en jeu dans le développement de la
sexualité de chacun qu’en isoler un seul semble impossible. On peut avoir
des réactions opposées aux mêmes images à des moments différents de
notre vie.
Affirmer que la pornographie est toujours attrayante, c’est lui faire
une publicité qu’elle ne mérite pas. Prétendre qu’elle incite à l’imitation
fidèle de ce qu’on a vu, c’est sous-estimer la créativité et l’imagination
érotiques des gens, d’autant que tous les gars ne sont pas sadiques, il est
permis de le penser.
On ne s’identifie pas à tout ce qu’on voit. On peut aussi penser que la
porno reproduit davantage qu’elle ne crée par elle-même des types de
rapports, y compris de domination, qui existent déjà dans la société et dont
elle se fait le miroir grossissant. Les rapports qui nous choquent dans la
porno devraient aussi nous choquer quand on les rencontre en dehors de ce
cadre. La porno est un symptôme. Si elle ne répondait pas à certaines
attentes ou besoins, elle n’aurait aucun succès.
Il y a une curiosité légitime à savoir ce que les autres font
sexuellement. C’est ce qui nourrit l’intérêt pour la porno. Sauf que
celle-ci est très peu réaliste: c’est une caricature, quoique sans humour.
La pornographie présente une sexualité extrême. Pas étonnant que le
public amateur de ce matériel soit surtout masculin, comme le public
des sports extrêmes. Par les scénarios qu’elle propose, la porno hard, a
fortiori celle explicitement violente, ne ressemble-t-elle pas à un sport
de combat?
On devrait associer la pornographie à des films de sciencefiction, voire
d’horreur, tellement ce qu’elle nous présente est souvent décroché de la
réalité et de ce que souhaitent vivre la plupart des hommes et des femmes.
Tout est mis en œuvre pour que ça ait l’air excitant à vivre; ça ne l’est pas.
Presque toutes les ex-stars de la porno qui en sont sorties l’admettent: c’est
souffrant parce que très demandant physiquement et corrosif
psychologiquement. Ce matériel devrait porter le même avertissement que
les émissions de type Jackass: «N’essayez surtout pas de faire la même
chose à la maison!»
Développer un sens critique à l’égard de ce que tu pourrais voir dans la
porno est un bon antidote. Elle est si omniprésente qu’il est devenu difficile
d’y échapper. On tombe dessus tôt ou tard – et de plus en plus tôt, semble-t-
il, soit au tout début de l’adolescence chez les gars. Aussi bien réaliser ce
qu’elle est et ce qu’elle n’est pas Sa censure peut parfois avoir des effets
contre-productifs. Par exemple, quand des filtres installés sur des
ordinateurs pour bloquer tout ce qui concerne la sexualité interdisent l’accès
à des sites sur la santé, l’éducation sexuelle, la prévention du harcèlement et
des agressions sexuelles, on y perd ou on y gagne?
La porno n’est pas plus représentative de la sexualité que tes étirements
matinaux le sont des performances olympiques… C’est du sexe fast-food,
bourré d’additifs toxiques: si tu en surconsommes, il se peut que tu finisses
par en faire une indigestion. Or, te dégoûter du sexe est certainement la
dernière chose que tu souhaites.
Enfin, si jamais tu es ou deviens adepte de la porno, évite d’encourager
par procuration et dans la pénombre ce que tu n’encouragerais pas dans la
vie de tous les jours. Rappelle-toi toujours que ce sont des vrais êtres
humains qui tournent dans ces films, qui peuvent donc en souffrir sur le
plan physique et psychologique. Le principe de réduction des méfaits qui
prévaut dans l’intervention auprès des toxicomanes inaptes à arrêter à court
terme leur surconsommation peut très bien s’appliquer ici. Évite ce qui fait
du tort à autrui, en particulier aux actrices et acteurs qui tournent dans ces
films, surtout si ces derniers comportent de la violence non feinte. Garde-toi
aussi de te faire du tort à toi-même, par exemple en devenant accro à des
scénarios que tu n’es pas fier d’entretenir tellement ils sont contraires à tes
valeurs.
Un dernier conseil: ne te fie jamais à la porno pour savoir ce qui
serait bon pour toi et pour tes partenaires. Elle ne le sait pas.
«C’EST UNE AVENTURE SANS
CONSÉQUENCE»
3. Ce chapitre s’inspire d’une chronique réalisée par l’auteur pour l’émission radiophonique Le
Spornographe, à Radio Canada.
Imaginons ce qui suit. Tu as mis la main aux fesses de Camille, qui n’a
pas du tout apprécié. «Oui, mais c’était seulement une blague!» as-tu
répondu. Tu as de l’humour, c’est connu, et tu n’avais aucune intention
cachée, c’était pour rire. C’est tellement évident… à tes yeux à toi. Car tu es
entré dans la bulle de Camille sans du tout y être invité. À sa place, tu
réagirais possiblement de la même façon: tu ne te laisses pas toucher par
n’importe qui.
«Oui, mais comme on se connaît, c’est tout de même moins grave», dis-
tu comme pour te justifier. Est-ce que ça change vraiment quelque chose?
Les gens qu’on connaît peuvent-ils nous tripoter comme bon leur semble?
Le corps des autres, tout comme le tien, n’est pas un terrain de jeu
auquel on peut accéder en tout temps, comme on veut. Une
autorisation est requise.
Les personnes avec qui on est ou voudrait être ami ont, comme toutes
les autres, leur bulle d’intimité. On se doit de respecter ça. Même si tu
n’avais pas forcément une intention malveillante – encore que Dieu seul sait
ce qui peut se passer dans notre inconscient –, ton geste pouvait à
l’évidence avoir une portée sexuelle et par conséquent surprendre ou
choquer. Penses-y davantage la prochaine fois. Le corps des autres, tout
comme le tien, n’est pas un terrain de jeu auquel on peut accéder en tout
temps, comme on veut. Une autorisation est requise. Dans le cas présent,
puisque tu ne peux revenir dans le passé, des excuses sincères seraient
minimalement nécessaires, si ce n’est déjà fait.
Quand j’étais enfant, je détestais le temps des fêtes avec toutes ces
embrassades de grandes personnes qui, malgré leurs belles intentions,
brusquaient ma nature timide et réservée. Je ne savais pas où me cacher
pour passer inaperçu sur le coup de minuit à Noël et au jour de l’An afin
que mes vieilles tantes ne me trouvent pas. On n’a pas tous la même
sensibilité au contact physique avec autrui. Ce qui semble anodin aux uns
peut être pénible pour d’autres. Il est important d’en tenir compte et d’agir
avec précaution. Quand tu n’es pas certain d’avoir le feu vert, agis comme
si c’était un feu rouge. Ça évitera toute collision malheureuse.
«J’AVAIS BESOIN DE ME DÉFOULER»
Plusieurs gars semblent avoir des comptes à régler dans leur vie
sexuelle et amoureuse. Tout se passe comme s’ils voulaient se
prouver qu’ils pourront se sortir vainqueurs de relations
traumatisantes qui les ont jadis marqués, ou du moins des
relations qui aujourd’hui les rappellent.
Certains gars font l’amour comme ils feraient la guerre. Pour avoir un
sentiment de l’emporter sur l’autre. La pénétration elle-même peut leur
donner l’impression de dominer ou de posséder leur partenaire. Le
sentiment d’asservir quelqu’un leur permet d’imaginer qu’ils ont retrouvé
tout pouvoir sur leur vie. Ils ne sont plus du côté des dominés, mais de celui
des dominants. Comme si le monde était ainsi divisé en deux et comme si
une souffrance jadis endurée pouvait justifier celle qu’ils causent
aujourd’hui.
Faire pâtir des filles ou des gars qui sont en amour avec toi pour prouver
que tu existes et que tu as du pouvoir sur ces personnes-là peut, si jamais
c’est ton cas, être valorisant à court terme, mais ça ne mène nulle part. Sauf
à des problèmes supplémentaires: des relations qui ne durent pas, qui ne se
terminent pas bien, qui font mal aux autres. Pas de quoi se bâtir une
réputation extraordinaire, ni être très fier de soi, tu en conviendras. Qui
voudrait être ta prochaine victime?
Si tu te reconnais un peu dans ce portrait, pose-toi des questions.
Comment es-tu arrivé à te servir de la séduction et de la sexualité pour
chercher à te venger des autres? Trouves-tu cette stratégie viable? En sors-
tu vraiment gagnant? Surtout, pourrais-tu trouver d’autres moyens,
constructifs cette fois, pour tenter de faire la paix avec ton passé? Faire
souffrir les autres n’allégera aucune de tes souffrances.
Utiliser leurs relations intimes pour régler des comptes avec le passé, ça
ne rend pas service aux gars qui le font. Leur réputation de gars toxiques les
suit. Ou encore, ils se retrouvent dans un couple dysfonctionnel, dans lequel
leur soif de vengeance et de contrôle jamais rassasiée fait de plus en plus de
dégâts. Parfois jusqu’à la violence, si rien n’est fait pour arrêter ce triste
scénario.
Si un jour tu te retrouves dans une histoire comme celle-là, n’attends
pas que les choses se détériorent, cherche de l’aide. Il y en a pour des gars
de tous âges qui, comme toi, aspirent à être heureux en amour, mais s’y
prennent très mal. Parfois parce qu’ils n’ont jamais appris à faire autrement
ou qu’ils n’y sont pas encore parvenus. Il n’y a pas de honte à vouloir
changer des comportements qui posent problème. Au contraire. Plus tôt tu
le feras, plus aisé ce sera. Il est plus facile de modifier une habitude quand
elle n’est pas enracinée. Si tu es conscient que certains de tes
comportements soulèvent des interrogations, tu as déjà fait un bon pas.
C’est ce qu’a fait Bastien. Quand il a réalisé que ses relations tournaient
toujours au désastre en raison de son agressivité, il s’est questionné. En
surfant sur le Web, il a trouvé un groupe d’entraide pour hommes ayant des
difficultés à gérer leurs émotions. Il est le plus jeune du groupe, ce qui l’a
un peu intimidé au début, mais ces autres gars en cheminement lui
ressemblent. Il voit en consultation l’animateur du groupe, un jeune
psychologue avec lequel il se sent à l’aise de confier ce qu’il n’a pas encore
osé partager avec le groupe. Il commence à comprendre qu’il y a en lui un
fond de colère et de haine qui lui échappe encore, mais qu’il doit apprendre
à maîtriser.
Parler à quelqu’un de tes insatisfactions, de tes souffrances, de tes
frustrations et de tes traumatismes t’aidera toujours à y voir plus clair. Tu
pourras réaliser à quel point tu sabotes tes relations par des réactions
inadaptées. Elles te donnent l’impression de gagner du pouvoir sur les
autres alors que c’est ta peur de perdre le contrôle qui transpire de tes
gestes. Tu plombes tes relations. Donne-toi une chance. Tu n’es pas
condamné à reproduire ton passé, encore moins à le faire subir aux autres.
Ils sont faciles à reconnaître, y compris par leurs amis. Ils sont toujours
centrés sur eux et font peser sur autrui, incluant leurs partenaires, un regard
hautain, si ce n’est méprisant. Ils s’imaginent que finir au lit avec eux, c’est
le nirvana. Leur beauté, quand ils en ont, leur physique, quand il sort
quelque peu de l’ordinaire, leurs facultés intellectuelles ou leur fortune, si
c’est le cas, leur montent à la tête, enflée comme un ballon dirigeable. Ce
qui finit par être insupportable. De l’extérieur, on se dit qu’ils ont du succès.
En fait, on se lasse rapidement d’eux parce qu’ils sont généralement vides à
l’intérieur.
Chaque personne, chaque corps est un univers à explorer. Soucie-
toi de la jouissance de l’autre autant que de la tienne. Vous y avez
droit tous les deux.
Quelles que soient ton apparence et tes qualités, être avec toi pour une
nuit ou plus, ce n’est pas la fin du monde. L’autre aura beau le croire un
moment, ça ne risque guère de durer si tu ne sais capter son attention qu’à
la façon d’un paon, sans accorder la tienne en retour. La séduction mutuelle
exige à la fois de donner et de recevoir, on l’a assez souligné.
Estimer que l’on vaut davantage que l’autre, qui nous fait pourtant le
bonheur de nous désirer, parfois de nous aimer en plus, ça ne peut que saper
toute relation. Quand tu crois que l’autre vaut moins que toi, tu ne l’écoutes
pas, tu négliges ses besoins. Tu penses lui faire l’amour alors que c’est à toi
que tu fais l’amour en te servant de son corps comme d’un accessoire, pour
ne pas dire d’une poupée gonflable.
Il existe des réflexes à cultiver pour ne pas tomber dans ce panneau du
je-me-moi, si jamais ça devenait une tendance chez toi. Intéresse-toi aux
personnes que tu désires, a fortiori si tu les aimes, apprends quels sont leurs
centres d’intérêt, questionne-les sur ce qu’elles préfèrent, pas seulement au
lit mais aussi avant d’y entrer et une fois que vous en êtes sortis. Découvre
aussi ce qu’elles aiment moins, ou pas du tout. Chaque personne, chaque
corps est un univers à explorer. Soucie-toi de la jouissance de l’autre autant
que de la tienne. Vous y avez droit tous les deux.
Les relations les plus sereines sont celles où chaque partenaire se sent
privilégié de bénéficier de la présence de l’autre. L’admiration mutuelle
joue un rôle sous-estimé dans les relations amoureuses, quelle que soit leur
durée. Il n’y a rien de mal à être admiré, au contraire. Le problème survient
quand ce n’est pas réciproque, que c’est à sens unique. Même si tu te prends
pour une voiture rutilante, digne d’attirer tous les regards, évite les sens
uniques. À force de te contempler plutôt que de regarder où tu vas, tu
risques de terminer ta course dans un mur.
«LA SEXUALITÉ, C’EST ANIMAL, ET JE SUIS
UN MÂLE ALPHA»
Il y a des gars qui croient que leur masculinité loge dans leur pénis et
ses prouesses. Leurs performances sexuelles leur servent de thermomètre
pour mesurer combien chaude serait leur virilité. Plus c’est fiévreux, mieux
c’est. Ils se prennent pour des mâles alpha, qui sont chez plusieurs espèces
animales les meneurs et les principaux reproducteurs.
Dans son ouvrage Le Gène égoïste, le biologiste Richard Dawkins
n’hésite pas à écrire que l’homme, comme toute espèce, est condamné à
survivre en se reproduisant et, pour ce faire, en ayant à tout prix des
rapports sexuels, quel qu’en soit le contexte. Pareille idée peut mener à des
dérives inacceptables, comme excuser les viols sous prétexte que leurs
auteurs tentaient seulement de perpétuer leurs gènes dans le but de sauver
l’Homo sapiens…
C’est vite oublier qu’un pourcentage très minime de rapports sexuels
produit des enfants et que l’organe principal des êtres humains, c’est encore
le cerveau. Toute activité sexuelle requiert un raisonnement conscient: dans
quel but, avec qui, quand et où, en faisant quoi, dans quelles circonstances
je suis partant? Il n’y a pas de réponse écrite par avance à cela. Aucun
comportement sexuel humain n’est pur réflexe. Qu’on se prenne pour un
mâle alpha n’y change rien.
Le prétendu caractère animal de la sexualité masculine a le dos aussi
large qu’un gorille. Avoir des relations sexuelles serait une nécessité
permanente, dont aucun vrai mâle ne saurait se passer? D’autres
civilisations enseignaient plutôt l’inverse: dans l’Antiquité grecque et
romaine, le contrôle de ses sens était la marque de l’homme civilisé. En
revanche, il est vrai, l’extrême machisme de l’époque faisait que, lors de
rapports sexuels, toute posture jugée passive ou complaisante était suspecte:
dans ces sociétés guerrières, seule la pénétration était jugée virile.
De nos jours, il n’est pas évident de déterminer si les rôles et pratiques
qu’on adopte dans nos activités sexuelles déterminent qui nous sommes.
Mais cette idée subsiste, surtout chez les hommes soucieux de leur
réputation sexuelle, laquelle découlerait de leur performance. La bonne
réputation sexuelle d’une femme, c’est assez différent, comme chacun sait.
Il n’y a pas d’équivalent féminin à don Juan. L’expérimentation sexuelle à
grande échelle fut longtemps, et demeure encore aujourd’hui, plutôt mal
vue chez les femmes, qui encourent alors des insultes sans aucun équivalent
pour des hommes (comme quoi le sexisme n’est pas mort).
Ce qui se passe au lit indique-t-il vraiment qui nous sommes hors du lit?
Il y a notre sexe biologique, certes, mais aussi notre genre, lequel fait large
place à notre créativité. D’ailleurs, un grand nombre de termes existent
aujourd’hui pour décrire l’appartenance à un genre, voire à plus d’un. Par
exemple, le genre ressenti peut être masculin, neutre, féminin, androgyne,
non binaire, queer (contestant et transgressant les normes de genre), trans
(traversant les genres), fluide (susceptible de passer d’un genre à un autre,
de naviguer ou d’alterner entre plus d’un genre), neutrois (ne s’identifiant à
aucun genre), demi-genre (partiellement d’un genre), agenre (hors de la
binarité des genres), bigenre (exprimant deux genres simultanément) ou
encore maverique (d’un troisième genre, en dehors du continuum masculin
ou féminin).
En somme, les mots ne manquent pas pour se qualifier soi-même sur le
plan du genre et de son expression. Les jeunes générations sont
particulièrement imaginatives sur ce plan. Comme enseignant, j’ai vu des
étudiants utiliser tous les termes ci-dessus mentionnés – pas tous à la fois,
bien sûr – pour se décrire eux-mêmes. C’est dire combien l’identité de
genre est devenue chose complexe, quoique précise.
Si notre sexe, notre genre et notre sexualité tendent à définir notre
identité, l’inverse est tout aussi vrai: nous sommes portés à renforcer
l’identité à laquelle nous adhérons. Par exemple: un homme hétérosexuel
fait ceci, un homme homosexuel fait cela, si l’on croit, bien sûr, que le
monde est ainsi séparé en deux (ce que contestent le nombre grandissant de
personnes se considérant non binaires ou fluides sur le plan de leur genre ou
de leur sexualité).
On apprend la sexualité comme on apprend toute autre chose: par
imitation de nos pairs, par conditionnement du type «Tout le monde le fait»,
par essais et erreurs aussi, que ce soit en solitaire, en couple ou en groupe –
si jamais on est un grand explorateur. Nos gènes et notre corps rendent la
sexualité possible, mais c’est nous qui l’expérimentons, en prenant sans
cesse des décisions sur ce dont on a envie et ce que l’on fait, ou pas.
Aucun gars ne veut être celui qu’on laisse tomber. Ce qui explique
pourquoi beaucoup préfèrent prendre les devants quand ils sentent venir le
danger.
Rompre une relation amoureuse ou même une relation purement
sexuelle qui s’est prolongée n’est pas facile. Il y a plusieurs motifs à cela.
Mettre tous ses œufs dans le même panier sur le plan émotif est une forte
tendance masculine. Peu de gars disposent du réseau de soutien et d’amitié
qu’ont beaucoup de femmes.
Une chose demeure certaine: s’il faut savoir faire des efforts et
parfois des compromis dans une relation, nul ne saurait accepter
ce qui est inacceptable à ses yeux. Beaucoup peut être fait pour
sauver un couple, mais jamais au prix du bien-être de chaque
personne qui le compose.
Une chose demeure certaine: s’il faut savoir faire des efforts et parfois
des compromis dans une relation, nul ne saurait accepter ce qui est
inacceptable à ses yeux. Beaucoup peut être fait pour sauver un couple,
mais jamais au prix du bien-être de chaque personne qui le compose. Être
bien avec soi est la seule façon de pouvoir se retrouver encore mieux dans
les bras de quelqu’un d’autre. Il y a des valeurs auxquelles on tient
beaucoup, au point qu’elles orientent nos choix de vie, ce dont parlera le
prochain et dernier chapitre.
BÂTIS TON CADRE ÉTHIQUE
Presque tout le monde a un cadre éthique. Tous n’en sont pas conscients.
Ton cadre éthique, c’est l’ensemble des obligations et des responsabilités
que tu te donnes sur la base des valeurs auxquelles tu tiens. En clair, il y a
dans la sexualité des choses que tu considères comme souhaitables, d’autres
moins, quoique tout de même acceptables, enfin des choses totalement
inacceptables. Dans certains cas, tu ne sais pas vraiment quoi penser, encore
moins comment tu réagirais devant une situation inattendue. Tu le verras en
temps et lieu.
Ne pas nuire consciemment à soi-même et à autrui est au cœur des
décisions éthiques de la plupart des gens. La sexualité sert en grande
partie à avoir du plaisir, non? Aussi bien s’assurer qu’il soit partagé.
Il y a trop de rapports sexuels qui se terminent mal parce qu’un des
partenaires s’est senti bousculé, lésé, trompé, plus ou moins forcé à subir ou
à faire des choses qu’il n’était pas prêt ou consentant à vivre. Tu es
évidemment le mieux placé pour savoir ce qui est bon pour toi. En ce qui
concerne les autres, il te faut recueillir leur avis, c’est essentiel. Il y a aussi
les règles qui gèrent la vie en société, bien sûr, ou du moins qui tentent de le
faire, afin de contrer les abus et les violences. Ta liberté sexuelle s’arrête là
où commence la liberté des autres.
Il arrive que des gars qui se retrouvent dans le pétrin à la suite de
relations qui ont mal tourné déclarent: «Oui, mais je n’avais pas l’intention
de faire du mal à qui que ce soit!» Ce n’est pas parce que tu n’as pas de
mauvaises intentions que tes actes ne sont pas nuisibles. On porte parfois
préjudice aux autres sans l’avoir souhaité. C’est pourquoi des principes de
prudence et de précaution s’imposent, comme on l’a vu tout au long de cet
ouvrage.
Qu’une personne devienne le sujet de ton désir ne signifie pas qu’elle
soit réduite à cela désormais. Elle demeure évidemment libre de penser par
elle-même et d’agir comme bon lui semble. Elle conserve sa faculté de
ressentir ses propres plaisirs et déplaisirs, quels que soient les tiens. Ni ton
désir ni ton amour ne peuvent impliquer l’asservissement de la personne
que tu aimes ou désires. S’attendre à ce que nos partenaires sacrifient leur
bien-être pour le nôtre est très déraisonnable.
Réfléchir à tes valeurs et à tes limites sur le plan éthique sans
attendre d’être dans le feu de l’action te fera gagner du temps et éviter
des pièges. Une telle réflexion te permettra, par exemple, de décider quand
arrêter d’insister ou encore de consommer de l’alcool ou des substances qui
risquent de te faire perdre ton bon jugement habituel. Tissé à partir des
valeurs auxquelles tu tiens suffisamment pour les appliquer au quotidien,
ton cadre éthique te suivra partout, même quand tu serais porté à le laisser
de côté. C’est la petite voix intérieure qui te chuchote: «Seras-tu encore fier
de te regarder dans la glace si tu fais ça?»
Tu peux en tout temps esquisser ton cadre éthique en t’inspirant des
quatre grandes catégories de conduites décrites en introduction à ce
chapitre. Il y a des attitudes et des comportements que tu valorises, d’autres
qui ne te répugnent pas, sans plus, d’autres qui te semblent tout à fait
inacceptables. Il y a aussi certaines situations devant lesquelles tu te dis que
ça dépendrait du contexte, que ça reste à voir. Sur un petit schéma, voici ce
que ça donnerait.
Remplir ce tableau – que ce soit dans ta tête ou sur une feuille de papier
– est moins aisé qu’il n’y paraît. Il est possible, par exemple, que tes
fantasmes comportent des actes que tu considères comme inacceptables.
Heureusement, tes fantasmes ne sont pas forcément faits pour être réalisés.
Tu le sais. Il se pourrait aussi que des points d’interrogation apparaissent
pour certaines questions. Par exemple, accepterais-tu que la personne que tu
désires désire quelqu’un d’autre? Jusqu’où irais-tu pour avoir un rapport
sexuel quand tu en ressens un grand besoin? Aurais-tu des rapports sexuels
avec plus d’une personne à la fois? Serais-tu prêt à dénoncer des
connaissances ou des amis qui agiraient sans respecter leurs partenaires,
voire avec violence? Serais-tu disposé à reconnaître que tu as pu causer du
tort à une (ou un) partenaire?
Réfléchir aux limites à ne pas franchir et comprendre pourquoi tu
tiens à ces limites est une démarche qui t’appartient. Personne ne peut
le faire à ta place, encore moins t’imposer ses vues. C’est à toi
ultimement de décider de tes choix éthiques puis d’assumer tes actes.
À partir du moment où ta sexualité implique d’autres personnes que toi,
tu devras t’entendre avec elles pour connaître leurs propres attentes et
limites. Elles ont aussi leur cadre éthique, lequel devrait idéalement être
complémentaire au tien dès lors que vous vous retrouvez ensemble. Tout
rapport volontaire entre deux personnes est objet d’une entente, implicite ou
explicite, toutes deux devant se sentir à l’aise et satisfaites de ce qui se
passe entre elles.
Il y a des questions auxquelles tu n’as pas encore de réponse? C’est
normal. L’expérience et les leçons de vie qui ne manqueront pas de surgir
chemin faisant vont te permettre d’y répondre. Donne-toi toujours la
permission et la possibilité de t’interroger. Et surtout, informe-toi,
documente-toi, approfondis tes connaissances, nourris tes réflexions. Ce ne
sont pas les ouvrages, les sites d’information et les vidéos pédagogiques sur
la sexualité qui manquent. Il est rare qu’ils ne nous apprennent rien de
nouveau.
Un dernier truc. Est-ce que tu pourrais un jour regretter certaines
paroles, certains gestes, certains comportements? Si la réponse est oui,
abstiens-toi de les prononcer ou de les poser. On peut toujours orienter
différemment notre avenir, mais jamais effacer le passé. Il peut nous
poursuivre longtemps, à commencer par les traces qu’il laisse dans les
mémoires, que ce soit la nôtre ou celle d’autrui (sans parler de celle du
Web).
Prendre les bonnes décisions est le plus grand défi de l’existence. Ce
n’est pas plus facile dans la sexualité qu’ailleurs. Au contraire, le désir
et la vie sexuelle impliquent des émotions intenses qui peuvent
bouleverser notre jugement et nos repères habituels. Des choix réfléchis
sont néanmoins toujours possibles quand on a décidé que c’est eux qui
l’emporteraient.
Pendant longtemps, les principales préoccupations face à la sexualité
chez les gars ont concerné les grossesses non désirées et les infections
transmises par voie sexuelle. Ce qu’on appelait l’éducation sexuelle,
devenue depuis l’éducation à la sexualité, insistait beaucoup là-dessus. On
sait plus que jamais aujourd’hui que la sexualité comporte bien d’autres
risques et séquelles, qui ne sont pas que physiques. La sexualité peut être un
champ de plaisirs, mais aussi de souffrances, parfois même de
traumatismes.
Tu as beau avoir des modèles auxquels te référer, personne ne vivra ta
vie sexuelle et amoureuse à ta place. C’est à toi de faire tes choix,
d’affirmer et d’assumer les valeurs auxquelles tu tiens vraiment. Ce livre
propose quelques conseils et réflexions, mais il ne contient aucune recette.
C’est un guide pour élaborer ta propre recette tout en apprenant à
développer les bons réflexes, en accord avec qui tu es.
Convenons-en: il n’est pas facile d’être rationnel ou raisonnable
quand on est attiré ou excité. Ce défi ne peut être relevé que lorsqu’on
le reconnaît. Après, c’est une question de choix et de détermination.
Personne d’entre nous n’aura de vie parfaite. Nous pouvons néanmoins
apprendre de nos erreurs et de celles des autres. C’est le début de la
sagesse, dit-on.
ANNEXE POUR PARENTS ET ÉDUCATEURS:
LES DÉFIS DE L’ÉDUCATION À LA
SEXUALITÉ DES GARÇONS
Bien qu’il ait été écrit principalement pour les adolescents et les jeunes
adultes, cet ouvrage peut volontiers être mis entre les mains des
parents, des enseignants ou même des partenaires de ces gars-là.
Comprendre ce qui se passe dans leur tête quand ils éprouvent du désir ou
qu’ils ont des rapports sexuels, ça peut être fort utile pour mieux
sensibiliser, éduquer, prévenir même.
Jamais les jeunes générations (et les moins jeunes!) n’auront eu accès à
autant de représentations de la sexualité, en particulier sur le Web.
Simultanément, jamais elles n’auront été si peu à même de départager le
vrai du faux, la réalité de la fiction, le possible de l’impossible. Transformer
en connaissances la surabondance des informations disponibles, puis les
convertir en attitudes et en comportements appropriés, ce n’est pas simple.
Il faut l’apprendre.
Les gars découvrent en bonne partie la sexualité à travers celle de leurs
pairs, donc en entendant et en voyant ce qui se passe autour d’eux. Ça
débute très tôt, bien avant d’avoir des partenaires. À onze ans, en moyenne,
un adolescent a déjà visionné de la porno. Dès la fin de la puberté, la
plupart des gars en ont plus vu et entendu que leurs ancêtres durant toute
une vie. Sont-ils pour autant mieux préparés ou éduqués à la vie amoureuse
et sexuelle? Pas sûr. Il y a une différence entre voir quelque chose, le
comprendre puis en tirer leçons. Avoir vu des activités sexuelles ne
renseigne aucunement sur leur signification, encore moins sur leur bon ou
leur mauvais usage. La sexualité, on peut en voir à satiété, sans pour autant
savoir ce qui serait souhaitable pour nous et nos partenaires.
À onze ans, en moyenne, un adolescent a déjà visionné de la porno.
Dès la fin de la puberté, la plupart des gars en ont plus vu et
entendu que leurs ancêtres durant toute une vie. Sont-ils pour
autant mieux préparés ou éduqués à la vie amoureuse et sexuelle?
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