Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Édition originale :
© 2015, 2021 by Emily Nagoski, Ph.D.
Tous droits réservés pour la reproduction partielle ou intégrale.
La présente édition a été publiée avec l’accord de l’éditeur original
Simon and Schuster, Inc., New York.
Édition française :
Conseil éditorial : Katharina Loix van Hooff
Édition : Élodie Ther
Illustrations maquette : Erika Moen
Design couverture : Nadine & Roger
Illustration couverture : Shutterstock
Rendez-vous en fin d’ouvrage pour en savoir plus sur les éditions Leduc
À mes étudiantes
INTRODUCTION
« Mon petit ami me disait toujours : “Tu n’es pas prête, tu es toujours sèche.” Mais
j’étais vraiment prête ! Alors pourquoi n’étais-je pas lubrifiée ? »
« J’ai vu un truc sur des femmes qui ne profitent pas des relations sexuelles, car elles
s’inquiètent tout le temps de leur corps. Je suis comme ça. Comment changer ? »
« J’ai lu quelque part que certaines femmes n’ont plus envie de faire l’amour au bout
d’un certain temps dans une relation, même si elles aiment toujours leur partenaire. C’est
mon cas. Comment faire pour avoir de nouveau envie de mon compagnon ? »
« Je crois que j’ai peut-être fait pipi pendant mon orgasme ? »
« Suis-je normale ? »
Le déroulé de ce livre
Le livre est divisé en quatre parties : (1) Les bases (pas si basiques) ; (2) Le
sexe en contexte ; (3) Le sexe en action ; et (4) Extase pour toutes.
Les trois chapitres de la première partie décrivent le dispositif de base
avec lequel vous êtes née : un corps, un cerveau et un contexte.
Dans le premier chapitre, je parle des organes génitaux – leurs parties,
la signification que nous leur donnons, et les données scientifiques qui
prouvent définitivement que oui, vos organes génitaux sont parfaitement
sains et beaux tels qu’ils sont.
Le chapitre 2 détaille le mécanisme de réponse sexuelle dans le cerveau
– le modèle à double contrôle de l’inhibition et de l’excitation,
autrement dit : le frein et l’accélérateur.
Puis, dans le chapitre 3, je présente la manière dont votre accélérateur et
votre frein sexuels interagissent avec les nombreux autres systèmes
dans votre cerveau et votre environnement, pour déterminer si une
sensation ou une personne particulière vous excite, à cet instant précis.
Quelques avertissements
Tout d’abord, quand je parle de ce que le sexologue transsexuel S. Bear
Bergman appelle les « pièces montées en usine » – les détails anatomiques
qui font que les médecins déclarent un bébé « fille » ou « garçon » –, par
souci de clarté et de simplicité, lorsque je parle de ces parties, j’utiliserai les
mots « féminin » ou « masculin », en référence aux catégories biologiques
qui peuvent décrire de nombreuses espèces se reproduisant sexuellement, et
pas seulement les humains. Lorsque je parle d’une personne entière,
j’utiliserai les mots « femme » ou « homme », qui font référence à l’identité
et au rôle social de la personne.
Une autre mise en garde concernant le genre : comme ce livre est fondé
sur la science actuellement disponible, la plupart du temps quand je dis
« femmes » dans ce livre, je veux dire des femmes cisgenres, c’est-à-dire
des personnes qui sont nées dans des corps qui ont fait que les adultes
autour d’elles ont déclaré « C’est une fille », puis qui ont été élevées
comme des filles et qui se sentent maintenant à l’aise dans le rôle social et
l’identité psychologique de « femme ». Il y a beaucoup de femmes qui ne
possèdent pas une ou plusieurs de ces caractéristiques, et il y a beaucoup de
personnes qui ne s’identifient pas comme « femme » qui répondent à une ou
plusieurs de ces caractéristiques. Les personnes trans et non binaires
méritent également une excellente éducation sexuelle, basée sur la science
et tournée vers le plaisir… et il y a encore trop peu (encore aujourd’hui !)
de recherches sur le fonctionnement sexuel des personnes trans pour que je
puisse dire avec certitude si ce qui est vrai pour le bien-être sexuel des
femmes cisgenres l’est également pour les personnes trans. Je pense que
c’est probablement le cas, et à mesure que la recherche progressera au cours
des prochaines décennies, nous le saurons avec certitude, et je suis
totalement sûre que les personnes de tout sexe, y compris les hommes
cisgenres, peuvent apprendre beaucoup des données scientifiques
existantes, même si elles sont incomplètes. En attendant des recherches plus
nombreuses et de meilleure qualité, je tiens à reconnaître que ce livre repose
sur une science qui est presque entièrement basée sur les personnes
cisgenres.
Troisièmement, je suis passionnée par le rôle de la science dans la
promotion du bien-être sexuel des femmes, et j’ai travaillé dur tout au long
de ce livre pour résumer les recherches afin d’apprendre aux femmes à
vivre en confiance et avec joie dans leur corps. Mais j’ai été très
intentionnelle quant aux détails empiriques que j’ai inclus ou exclus. Je me
suis demandé : « Ce fait aide-t-il les femmes à avoir une meilleure vie
sexuelle, ou s’agit-il simplement d’une énigme empirique totalement
fascinante et importante ? »
Et j’ai viré les énigmes.
Je n’ai gardé que la science qui est la plus immédiatement pertinente
dans la vie quotidienne des femmes. Au fil de ces pages, vous ne lirez donc
pas l’histoire exhaustive de la sexualité féminine – je ne suis même pas sûre
qu’elle puisse tenir dans un seul livre. J’ai plutôt intégré les parties de
l’histoire que j’ai trouvées les plus intéressantes dans mon travail de
sexothérapeute, qui consiste à promouvoir le bien-être, l’autonomie et le
plaisir sexuels des femmes.
L’objectif de cet ouvrage est de proposer une nouvelle façon de penser
le bien-être sexuel des femmes, fondée sur la science. Comme toutes les
nouvelles approches, ces pages soulèvent un grand nombre de questions et
bousculent de nombreuses connaissances déjà existantes. Si vous souhaitez
approfondir le sujet, vous trouverez des références dans les notes, ainsi que
des détails sur mon processus de synthèse d’un ensemble complexe et
pluridisciplinaire de recherches pour en obtenir un résultat plus concret.
Si vous vous sentez cassée,
ou connaissez quelqu’un dans
cette situation
Une dernière chose avant de nous lancer dans le chapitre 1. Vous vous
souvenez que j’ai dit qu’on nous a tous menti, mais que ce n’est la faute de
personne ? Je veux prendre un instant pour reconnaître les dommages
causés par ce mensonge.
Tant de femmes viennent à mes ateliers, à mes cours ou à mes
conférences publiques, convaincues qu’elles sont sexuellement brisées.
Elles se sentent dysfonctionnelles. Anormales. Et en plus de cela, elles sont
anxieuses, frustrées et désespérées par le manque d’information et de
soutien de la part des professionnels de santé, des thérapeutes, de leurs
partenaires, proches et amis.
« Détends-toi, leur a-t-on dit. Prends un verre de vin. »
Ou encore : « Les femmes ont simplement moins envie de sexe. Passez
à autre chose. »
Ou : « Parfois, le sexe fait mal, vous ne pouvez pas passer outre ? »
Je comprends la frustration de ces femmes et leur désespoir. Dans la
seconde moitié du livre, je parle du processus neurologique qui piège les
gens dans la frustration et le désespoir, les coupant de l’espoir et de la joie,
et je décris des moyens scientifiques pour sortir de ce piège.
Voici ce que vous devez savoir dès maintenant : les informations
contenues dans ce livre vous montreront que tout ce que vous vivez dans
votre sexualité – qu’il s’agisse de défis liés à l’excitation, au désir, à
l’orgasme, à la douleur, à l’absence de sensations sexuelles, ou autre – est le
résultat d’un mécanisme de réponse sexuelle qui fonctionne de manière
adéquate… dans un monde inadéquat.
« J’ai appris que tout est NORMAL, ce qui permet d’avancer dans ma vie avec
confiance et joie. »
« J’ai appris que je suis normale ! Et j’ai appris que certaines personnes ont un désir
spontané et d’autres un désir réactif, et ça m’a aidée à vraiment comprendre ma vie
sexuelle. »
« Les femmes varient ! Et ce n’est pas parce que je ne vis pas ma sexualité de la même
manière que plein d’autres femmes que je suis anormale. Le désir sexuel, l’excitation, la
réponse, etc. des femmes sont incroyablement variables. »
« La seule chose sûre en matière de sexualité, c’est que les gens sont très différents les
uns des autres. »
« Que tout le monde est différent et que tout est normal, qu’il n’y a pas deux personnes
identiques. Il n’y en a pas deux pareils ! »
Et bien d’autres encore. Plus de la moitié de mes élèves ont écrit une
version personnelle de « Je suis normale ».
Je me suis assise dans mon bureau et j’ai lu ces réponses les larmes aux
yeux. Il était urgent que mes élèves se sentent « normales » et, d’une
certaine manière, mon cours avait ouvert la voie à cette idée.
La science du bien-être sexuel des femmes est récente, et il y a encore
beaucoup à apprendre. Mais cette jeune science a déjà découvert des vérités
sur la sexualité des femmes qui ont transformé la relation de mes élèves à
leur corps – et elle a certainement transformé la mienne.
J’ai écrit ce livre pour partager la science, les histoires et les idées
positives sur la sexualité qui nous prouvent que, malgré tous les
efforts de notre culture pour nous faire sentir cassées,
dysfonctionnelles, mal-aimées et peu dignes d’être aimées, nous
sommes en fait absolument capables d’avoir des relations sexuelles
confiantes et joyeuses.
LES BASES
(PAS SI BASIQUES)
CHAPITRE 1
Anatomie
Pas deux pareilles
Olivia aime se regarder dans la glace quand elle se masturbe.
Comme beaucoup d’autres femmes, Olivia se touche allongée sur le dos, et caresse son
clitoris de la main. Contrairement à beaucoup d’autres femmes, elle se relève sur un coude
devant son miroir en pied et observe ses doigts bouger dans les replis de sa vulve.
« J’ai commencé à l’adolescence, m’a-t-elle confié. J’avais vu du porno sur Internet, et
j’étais curieuse de savoir à quoi je ressemblais, alors j’ai pris un miroir et j’ai écarté mes lèvres
pour pouvoir voir mon clitoris, et comment dire ? Ça m’a fait du bien, alors j’ai commencé à me
masturber. »
Elle ne se masturbe pas seulement ainsi. Elle aime aussi le spray « en jet » du pommeau de
douche, elle a une petite armée de vibromasseurs à sa disposition, et a passé plusieurs mois à
apprendre toute seule à avoir des orgasmes « respiratoires » : jouir sans toucher du tout son
corps.
C’est le genre de choses que les femmes vous racontent quand vous êtes sexothérapeute.
Elle m’a également dit que l’observation de sa vulve l’avait convaincue que sa sexualité
ressemblait davantage à celle d’un homme, parce que son clitoris était relativement gros –
« comme une mini carotte, ou presque » – ce qui, a-t-elle conclu, la rendait plus masculine. S’il
était plus gros, c’est parce qu’elle avait plus de testostérone, ce qui faisait d’elle une femme
excitée.
Je lui ai dit :
« En fait, il n’existe aucune preuve d’un lien entre les niveaux d’hormones d’une femme
adulte, la forme ou la taille de ses organes génitaux et son désir sexuel.
– Tu es sûre de ça ? m’a-t-elle demandé.
– Eh bien, certaines femmes ont un désir “dose-dépendant de la testostérone”, ai-je ajouté
en y réfléchissant, ce qui signifie qu’elles ont besoin d’avoir un minimum de T mais ce n’est pas
la même chose qu’un taux de testostérone élevé. Et la distance entre le clitoris et l’urètre permet
de prédire de manière fiable l’orgasme d’une femme pendant les rapports sexuels, mais c’est
1
une tout autre chose . Je serais fascinée de lire une étude qui poserait directement cette
question, mais les preuves disponibles suggèrent que la variation des formes, tailles et couleurs
des organes génitaux des femmes ne prédit en rien son niveau d’intérêt sexuel.
– Oh », a-t-elle répondu.
Et cette seule syllabe m’a fait comprendre que je n’avais pas compris ce qu’elle voulait
dire.
Olivia est une étudiante diplômée en psychologie – une de mes anciennes étudiantes, une
activiste qui s’intéresse aux questions de santé reproductive des femmes, et qui fait maintenant
ses propres recherches, c’est d’ailleurs ainsi que nous avons commencé cette conversation –
alors je me suis emballée et laissée aller à parler science. Mais avec son « oh » réservé, j’ai
réalisé que, pour Olivia, ce n’était pas une question de science. Pour elle, il s’agissait d’un
combat personnel pour accepter son corps et sa sexualité tels qu’ils sont, alors qu’une immense
partie de sa culture essaie de la convaincre que quelque chose ne va pas chez elle.
Alors je lui ai dit :
« Tu sais, ton clitoris est tout à fait normal. Les parties génitales de chacune sont
composées des mêmes éléments, mais organisées de manière différente. Les différences n’ont
pas forcément un sens quelconque, ce ne sont que des variations du beau et du sain. En fait, ai-
je poursuivi, ça pourrait bien être le point le plus fondamental à apprendre sur la sexualité
humaine.
– Vraiment ? a-t-elle demandé. Pourquoi ? »
Ce chapitre répond à cette question.
Au commencement
Imaginez deux ovules fécondés qui viennent de s’implanter dans un utérus.
L’un est XX (génétiquement féminin) et l’autre est XY (génétiquement
masculin). Des faux jumeaux, une sœur et un frère. Visages, doigts et pieds
– les frères et sœurs développeront tous les mêmes parties du corps, mais
ces parties seront organisées différemment, pour leur donner des corps
individuels qui les distingueront instantanément l’un de l’autre en
grandissant. Et tout comme leurs visages auront chacun deux yeux, un nez
et une bouche, tous disposés plus ou moins aux mêmes endroits, leurs
organes génitaux auront tous les mêmes éléments de base, organisés à peu
près de la même manière. Mais contrairement à leurs visages, leurs doigts et
leurs pieds, leurs organes génitaux se développeront avant la naissance dans
des configurations que leurs parents décriront spontanément comme étant
de sexe masculin ou féminin.
Voici comment ça se passe. Environ six semaines après l’implantation
de l’ovule fécondé dans l’utérus, on assiste à une vague d’hormones
masculinisantes.
Ce sont exactement les mêmes parties, organisées de manière différente. Les parties
génitales de chaque corps sont les mêmes jusqu’à la sixième semaine de gestation, lorsque
le matériel génital universel commence à s’organiser selon une configuration féminine ou
masculine.
Si je vous invite à regarder votre clitoris, c’est pour une raison bien
précise : une étudiante est venue me voir un soir à la fin de mon cours et
m’a dit qu’elle avait fait un Skype avec sa mère, et qu’elles avaient parlé
des cours qu’elle suivait ce semestre-là, parmi lesquels mon cours intitulé
« La sexualité des femmes ». L’étudiante a mentionné à sa mère que mes
diapositives de cours comprenaient des photos réelles de vulves, ainsi que
des diagrammes et des illustrations. Et sa mère lui a confié une chose des
plus étonnantes : « Je ne sais pas où se trouve le clitoris. »
Sa mère avait 54 ans.
Alors mon étudiante a envoyé par e-mail à sa mère mes diapositives de
cours.
C’est pour cette raison que le premier chapitre de ce livre est consacré à
l’anatomie. Cette histoire me donne envie d’imprimer des T-shirts avec le
dessin d’une vulve et une flèche pointant vers le clitoris, en indiquant :
« C’EST JUSTE ICI. » Elle me donne envie de distribuer des brochures aux
coins des rues avec des instructions pour localiser son propre clitoris, à la
fois manuellement et visuellement. Je veux un GIF animé d’une femme
pointant son clitoris et qu’il devienne viral sur Internet. Je veux un panneau
d’affichage à Times Square. Je veux que tout le monde le sache.
Mais plus encore, je veux que toutes les femmes qui lisent ces pages
s’arrêtent immédiatement et regardent directement leur clitoris. Savoir où se
trouve le clitoris est important, mais savoir où se trouve votre clitoris… là
réside le pouvoir. Prenez un miroir et regardez votre clitoris, en l’honneur
de cette étudiante et de sa courageuse et incroyable mère.
Quand j’ai regardé mon clitoris pour la première fois, pendant ma
première formation de sexothérapeute, j’ai pleuré pour de vrai. J’avais
18 ans, j’étais dans une relation difficile et je cherchais des réponses. Et ma
prof m’avait dit : « Quand tu rentreras chez toi ce soir, prends un miroir et
trouve ton clitoris. » Alors c’est ce que j’ai fait. Et j’ai été sidérée jusqu’aux
larmes de découvrir qu’il n’y avait rien de dégoûtant ou de bizarre, c’était
juste… une partie de mon corps. Qui m’appartenait.
Ce moment a préparé le terrain pour une décennie de découvertes et de
redécouvertes d’une simple vérité : ma meilleure source de connaissance
sur ma sexualité, c’était mon propre corps.
Alors, allez voir votre clitoris.
Et tant que vous êtes dans le coin, regardez aussi le reste de votre
vulve !
J’adore avoir des élèves non traditionnels dans ma classe – ceux qui ne sont pas dans cette
tranche d’âge allant de 18 à 22 ans – et Merritt était aussi non traditionnelle que possible : une
lesbienne périménopausée autrice d’un livre érotique gay, mère d’une fille adolescente qu’elle
élevait avec sa partenaire depuis près de vingt ans. J’étais suffisamment mal informée lorsque je
l’ai rencontrée pour être surprise lorsqu’elle m’a avoué que ses parents coréens étaient des
chrétiens fondamentalistes et qu’elle avait grandi dans un milieu social conservateur par
excellence. Ce qui avait rendu d’autant plus remarquable son coming out, son écriture et sa
présence dans ma classe.
À 42 ans, Merritt n’avait jamais songé à examiner son clitoris. Ça ne lui avait même pas
effleuré l’esprit avant que je le lui suggère lors de mon premier cours magistral, comme je le
fais chaque année. Elle est venue me voir après le cours et m’a demandé :
« Est-ce vraiment une bonne idée de suggérer à des enfants aussi jeunes de regarder leur
corps ? Et s’ils… se renferment ?
– C’est une question vraiment importante, lui ai-je répondu. Personne ne m’a jamais parlé
d’une telle expérience, mais ce n’est pas une obligation, alors peut-être que les personnes les
plus susceptibles d’avoir cette expérience ne la tentent pas. C’est quand même une chose que je
recommande, surtout pour les étudiantes qui prévoient de continuer dans le domaine de la santé
publique ou de la médecine, mais c’est à chacune de décider si elle veut essayer ou non. »
Merritt a choisi de ne pas le faire.
Au lieu de cela, elle a demandé à sa partenaire, Carol, de la regarder, ce qui, d’une certaine
manière, est encore plus courageux que de le faire soi-même, et elle a regardé le clitoris de sa
partenaire. Puis elles ont discuté de ce qu’elles avaient vu et du fait qu’elles n’avaient jamais
pris le temps de regarder délibérément leur corps sexuel et d’en parler. Et Merritt a appris un
truc remarquable, qu’elle m’a confié la semaine suivante :
« Carol m’a dit qu’elle avait déjà regardé sa vulve ! Elle faisait partie d’un groupe de
conscientisation féministe dans les années 1980, et elles s’étaient toutes réunies en cercle avec
leur miroir à main.
– Ouah ! » me suis-je écriée, et je le pensais vraiment.
Elle a tendu les mains, les paumes vers le haut, soupesant ses sentiments.
« Je ne sais pas pourquoi ce genre de choses est beaucoup plus difficile pour moi que pour
elle. En matière de sexe, j’ai toujours l’impression d’être au bord d’une falaise, à mouliner dans
le vide avec mes bras. »
L’ambivalence dont Merritt a fait l’expérience est tout à fait normale pour toute personne
dont la famille d’origine lui a appris que le sexe doit s’inscrire dans un certain lieu défini de la
vie et nulle part ailleurs. Mais pour Merritt, cela avait aussi un sens pour d’autres raisons, liées à
la configuration de son cerveau. J’en parlerai au chapitre 2.
Un mot sur les mots
Une dernière chose au sujet des organes génitaux externes : le mot
désignant l’ensemble des organes génitaux externes féminins est « vulve ».
« Vagin » fait référence au canal de reproduction interne qui mène à
l’utérus. Les gens utilisent souvent le terme « vagin » pour désigner la
vulve, mais maintenant vous ne ferez plus cette erreur. Et si vous vous tenez
nue devant un miroir et que vous voyez le triangle classique : c’est votre
mont du pubis ou mont de Vénus.
C’est bon pour tout le monde ?
Vagin = canal de reproduction
Vulve = organes génitaux externes
Mont = zone au-dessus de l’os pubien où poussent les poils
Tout sur les fluides
Les vulves possèdent un ensemble de glandes situées de part et d’autre de
l’orifice du vagin, appelées glandes de Bartholin, qui libèrent des fluides
pendant l’excitation sexuelle – peut-être pour réduire la friction de la
pénétration vaginale, peut-être pour créer une odeur qui communique l’état
de santé et de fertilité. Lorsque les organes génitaux féminins « mouillent »,
c’est ce qui se passe. Et il s’avère que les corps masculins et féminins
« mouillent ». L’homologue masculin, la glande de Cowper, située juste en
dessous de la prostate, produit le liquide pré-éjaculatoire autrement plus
connu sous le nom de liquide préséminal.
Pourquoi dit-on que le pénis « durcit » et le vagin « mouille » (ou se
lubrifie), alors que, d’un point de vue biologique, les organes génitaux
masculins et féminins durcissent et se lubrifient aussi bien l’un que l’autre ?
C’est encore une fois une question de culture. La « dureté » (l’érection) de
l’homme est une condition préalable nécessaire aux rapports sexuels, et la
« lubrification » est considérée comme une indication qu’une femme est
« prête » à avoir des rapports sexuels (même si au chapitre 6, nous verrons à
quel point cela peut être faux). Comme la pénétration est supposée être le
centre de l’univers sexuel, nous avons métaphoriquement défini la dureté
masculine et la lubrification féminine comme les indicateurs ultimes de
l’excitation. Mais comme pour nos anatomies, nos physiologies sont toutes
les deux constituées des mêmes composants : modifications de l’afflux
sanguin, production de sécrétions génitales, etc. Nous mettons l’accent sur
la dureté masculine et sur la lubrification féminine, mais la lubrification
masculine se produit également, tout comme la dureté féminine.
Les vulves possèdent également un ensemble de glandes situées à
l’embouchure de l’urètre, l’orifice par lequel nous urinons, appelé glandes
de Skene (ou para-urétrales). Ce sont les homologues de la prostate
masculine. La prostate a deux fonctions : elle gonfle autour de l’urètre, de
sorte qu’il est difficile, voire impossible, d’uriner pendant l’excitation
sexuelle, et elle produit environ la moitié du liquide séminal qui sert au
transport des spermatozoïdes. En d’autres termes, elle fait éjaculer. Les
glandes de Skene gonflent également autour de l’urètre, ce qui rend difficile
la miction lorsque vous êtes très excitée. Si vous avez déjà essayé de faire
pipi juste après avoir eu un orgasme, vous avez été directement confrontée à
ce problème : vous devez prendre plusieurs respirations profondes et
relaxantes pour donner à vos organes génitaux le temps de se détendre.
Parfois, les glandes de Skene produisent un fluide, qui est probablement
une source d’« éjaculation féminine ». L’éjaculation féminine – on entend
parfois le terme squirt, ou « gicler » – a attiré l’attention ces derniers temps,
en partie parce que des recherches plus poussées ont été menées à ce sujet,
et en partie parce qu’elle a été mise en avant dans les films pornos. Résultat,
on me pose assez régulièrement des questions à ce sujet. En fait, un jour, il
y a quelques années, je me suis rendue dans une résidence étudiante pour
répondre à des questions anonymes, et j’ai découvert qu’une étudiante avait
posé la question « Comment apprendre à gicler ? » et qu’une autre avait
écrit « Comment arrêter de gicler ? » 7.
Il va sans dire que notre culture envoie des messages contradictoires
aux femmes sur leurs fluides génitaux… ou leur manque de fluides
génitaux. D’une part, l’éjaculation est considérée comme un événement
typiquement masculin et les organes génitaux des femmes sont, vous savez,
honteux, de sorte qu’il est inacceptable qu’un corps féminin fasse une chose
aussi impétueuse et mouillée. D’autre part, c’est un phénomène
relativement rare, et la recherche perpétuelle de la nouveauté, associée à
une dynamique de base de l’offre et de la demande, fait que la rareté d’un
corps féminin qui éjacule est prisée et mise en valeur. Ainsi, si elles prêtent
attention aux messages culturels sur l’éjaculation, les femmes se trouvent
naturellement déconcertées.
Le message biologique est simple : l’éjaculation féminine est un
phénomène secondaire, comme les tétons masculins et l’hymen. Peu
importe l’importance que la culture lui accorde, les gens sont différents les
uns des autres. Une femme que je connais n’a jamais éjaculé de sa vie
jusqu’à peu de temps après la ménopause, lorsqu’elle a trouvé un nouveau
partenaire. Tout d’un coup, elle éjaculait 60 ml de liquide à chaque
orgasme. Était-ce le changement de partenaire ? Était-ce le changement
hormonal de la ménopause ? Rien de tout cela ? Je n’en ai aucune idée.
Certaines recherches ont montré que le nombre d’orifices des glandes de
Skene (c’est-à-dire le nombre de trous sortant des glandes de Skene) permet
de prédire si une personne éjacule 8. La présence d’un plus grand nombre
d’orifices augmente-t-elle la probabilité d’éjaculation ? L’éjaculation
entraîne-t-elle le développement d’un plus grand nombre d’orifices ? Là
encore, aucune idée.
Mais cela m’amène à un point important concernant les organes
génitaux : ils sont parfois mouillés et ils ont une odeur. Un parfum. Un
bouquet riche et terreux, rappelant l’herbe et l’ambre, avec un soupçon de
musc boisé. Les parties génitales sont parfois aromatiques et parfois aussi
visqueuses. Ellen Støkken Dahl et Nina Brochmann, autrices du livre sur la
sexualité féminine Les joies d’en bas (Actes Sud), ont introduit l’expression
« minette de discothèque » pour décrire la vulve après une longue journée
de transpiration. Vos sécrétions génitales sont probablement différentes
selon les phases de votre cycle menstruel, et elles changent avec l’âge et
selon l’alimentation – les femmes varient.
Si vous ne trouvez pas que l’odeur ou la sensation de lubrification
génitale soit vraiment belle et envoûtante, cela n’est pas surprenant étant
donné comment nous apprenons aux gens à considérer leurs parties
génitales. Mais on peut apprendre à mieux estimer ses organes génitaux et
leurs sécrétions. Aimer son corps tel qu’il est vous procurera un plaisir et un
désir plus intenses et des orgasmes plus forts et meilleurs. Pour en savoir
plus, rendez-vous au chapitre 5.
Les parties intersexuées
Les personnes intersexuées 9, dont les organes génitaux ne sont pas
explicitement masculins ou féminins à la naissance, ont également toutes
les mêmes parties ; il se trouve juste qu’elles ont une disposition
intermédiaire entre la configuration féminine standard et la configuration
masculine standard. La taille du phallus, l’emplacement de l’ouverture
urétrale ou la division du tissu labioscrotal peuvent « se situer n’importe
où », entre ces deux configurations.
L’homologie explique dans une large mesure comment les organes
génitaux se développent dans un cas d’intersexuation. Les personnes dont
les organes génitaux se situent « quelque part entre les deux » ont connu
une légère variation dans la cascade extrêmement complexe d’événements
biochimiques impliqués dans la croissance d’un fœtus, depuis la
fécondation de l’œuf jusqu’au développement embryonnaire et à la
gestation. Cette petite variation se traduit par des organes génitaux
légèrement différents chez environ un nouveau-né sur soixante 10. Il n’y a
aucun problème avec leurs organes génitaux, pas plus qu’avec une personne
dont les lèvres sont particulièrement grandes ou petites 11. Ce sont toujours
les mêmes parties, mais organisées d’une manière différente. Par exemple,
l’ouverture urétrale masculine peut se trouver n’importe où sur la tête du
pénis ; rarement, elle se trouve quelque part le long du corps du pénis, mais
ça aussi, c’est très bien, tant que cela n’empêche pas d’uriner ou ne
provoque pas d’infection chronique (ce qui n’est généralement pas le cas).
Tant que les organes génitaux ne causent pas de douleur et ne sont pas
sujets à des infections ou autres problèmes médicaux, ils sont en bonne
santé et ne nécessitent aucune intervention médicale. Nous sommes tous
faits des mêmes parties, mais organisées de manière différente.
Et c’est pourquoi je n’ai pas besoin de voir vos organes génitaux pour
vous dire qu’ils sont normaux et en bonne santé. Vous avez toutes les
mêmes parties, mais organisées à votre manière.
Comme beaucoup de sexothérapeutes, j’inclus des photos de diverses vulves dans les
diapositives de mon cours d’anatomie.
Où est-ce que je trouve ces photos ? Sur Internet, évidemment.
La seule difficulté, c’est d’obtenir une collection variée – je trouve surtout des images de
vulves jeunes, minces, blanches, complètement rasées. Je dois faire des recherches minutieuses
pour trouver des images sexuellement positives de vulves plus âgées, de vulves de personnes de
couleur ou en surpoids, de vulves construites par chirurgie et de vulves avec tous leurs poils
pubiens.
Un jour, je me trouvais à une convention de comics très fréquentée et je parlais de ce
problème avec Camilla qui, comme moi, est une intello et une ancienne sexothérapeute de
l’université. Contrairement à moi, elle est diplômée en études sur les genres et en arts
plastiques, elle est afro-américaine et gagne sa vie comme illustratrice – ce qui lui a permis de
comprendre mes recherches.
Elle m’a dit :
« Sérieusement, Emily ? Tu fais des recherches sur Google, tu tapes quoi, “vulve noire” ?
Au travail ? »
J’ai haussé les épaules, un peu honteuse.
« Les saucisses, les lois, et les cours d’éducation sexuelle : trois choses dont tu ne veux pas
connaître les secrets de fabrication. »
Et Camilla a répondu :
« Laisse-moi deviner : tu ne trouves que des images pornos, rien d’artistique, de puissant
ou de positif pour l’image du corps ?
– Des images pornos ou médicales, ai-je admis. J’ai essayé de chercher des “vulves
féministes racisées”, mais tout ce que j’ai trouvé, ce sont des projets de broderie de Pinterest et
Etsy. »
Camilla a ri en entendant ça, mais a repris :
« Bon, imagine que tu sois une jeune femme qui essaie de savoir à quoi ressemble une
vulve normale et saine. Si tu es blanche, pas de souci, Tumblr en est plein. Mais si t’es noire,
asiatique ou latino, qu’est-ce que tu as ? Des photos pornos et médicales. Et qu’est-ce que tu en
déduis ? »
J’ai répliqué :
« Mais je ne peux pas dire : “Hé, femmes racisées, mettez plus de photos de vos vulves sur
le Web, pour que les autres femmes sachent qu’elles sont normales.
– Non, mais quand même, a dit Camilla, les images que nous voyons – ou ne voyons pas –
sont importantes. Tu connais les filles d’Escher ?
– Non, c’est quoi une fille d’Escher ?
– Ce sont les personnages féminins des bandes dessinées avec des abdominaux si plats
qu’il n’y a pas de place pour leurs organes internes, et leurs colonnes vertébrales sont
incroyablement tordues pour qu’on puisse voir les deux seins et les deux fesses en même temps.
Leurs poses sont si anatomiquement absurdes qu’elles portent le nom d’un artiste connu pour
ses illusions impossibles.
– On dirait des mauvais pornos que j’ai vus, ai-je lancé.
– C’est vrai, a affirmé Camilla. J’ai vu ce genre de films quand j’étais ado et j’ai eu
l’impression que ça disait tout ce qu’une “femme” était censée être, et parce que ce n’était pas
ce qu’être une femme signifiait pour moi, j’ai décidé que ma première identité serait “geek”.
Pas femme, pas noire : geek. Joueuse, gameuse. Il m’a fallu beaucoup de temps pour intégrer les
autres parties de mon identité, parce que je ne voyais pas comment elles pouvaient réussir à
s’imbriquer. Les images comptent. Elles nous disent ce qui est possible, ce qui va ensemble, ce
qui a sa place et ce qui ne l’a pas. Et nous essayons tous de trouver notre place quelque part. »
Cette déclaration a été un véritable cadeau pour moi. Je reviens sans cesse sur cette idée, à
mesure que j’écris mes cours. Je passe des heures à chercher sur Internet des images
sexuellement positives d’une grande variété de vulves, parce que mes étudiantes sont toutes
différentes – pas deux pareilles – et je veux qu’elles sachent que leur corps est normal et
qu’elles ont toutes leur place dans ma classe.
Ce que c’est, pas ce que ça signifie
Olivia a utilisé l’idée qu’elle se faisait de ses hormones, ses organes génitaux « masculins » et
de son intérêt sexuel élevé comme d’un bouclier contre les critiques culturelles qui disaient
qu’elle était… eh bien, toutes sortes de choses dont elle « devrait avoir honte ». Une salope.
Une nymphomane. Qu’elle essayait d’« attirer l’attention », « de choper un mec » ou « de
contrôler les gens » avec son corps – ce qui n’était pas vrai, mais qui lui avait été reproché à
différentes étapes de sa vie. Le monde avait essayé de la convaincre que sa sexualité était
toxique, dangereuse pour elle-même et pour son entourage.
Elle a lutté avec acharnement contre ces messages, pour défendre son propre bien-être
sexuel. Son bouclier « Ce sont mes hormones, donc c’est naturel » était un élément majeur de sa
défense.
Mais à mesure qu’elle absorbait l’idée de « exactement les mêmes parties, organisées de
manière différente », elle n’a plus eu besoin de ce bouclier. Elle a alors compris que le bouclier
l’empêchait de voir les autres, tandis que la phrase « exactement les mêmes parties » la reliait
activement aux autres, ce qui signifiait qu’elle n’était ni différente ni séparée. Elle était la même
– unique, mais toujours inscrite dans le continuum de la sexualité humaine.
C’est ce que la science peut faire pour nous, si nous l’autorisons. Elle nous offre une
chance d’abaisser nos défenses et de découvrir les liens qui nous unissent tous.
Les parties génitales que vous voyez dans des pornos soft peuvent
avoir été modifiées numériquement pour apparaître « mieux
rangées » ; ne vous laissez pas berner : n’allez pas croire que toutes
les vulves ressemblent à ça.
Tout au long du livre, je ferai référence aux freins en général, sans faire
de différence entre ces deux types, puisque, jusqu’à ce jour, les stratégies
efficaces pour désactiver les freins ne diffèrent pas selon le frein concerné.
À mesure que la science progresse, nous pourrions développer des
stratégies comportementales ou même des médicaments qui ciblent un
système spécifique, mais en attendant, il n’est pas nécessaire de savoir avec
certitude quel frein est touché pour savoir comment arrêter de l’actionner.
NA = noyau arqué
APOM = aire préoptique médiane
NAcc = noyau accumbens
CPF = cortex préfrontal
PV = pallidum ventral
ATV = aire tegmentale ventrale
Remarquez comme les signaux du NA sont à la fois excitateurs et inhibiteurs.
En effet, une erreur courante commise par les personnes qui ont du mal
à avoir un orgasme ou du désir, c’est de supposer que le problème vient
d’un manque d’accélérateur, quand il est plus probable que le souci vienne
d’un excès de freins (voir les chapitres 7 et 8 pour plus de détails). Une fois
que vous savez si c’est un problème d’accélérateur ou de freins, vous
pouvez alors déterminer comment changer la donne.
Quand Olivia (l’exubérante masturbatrice du chapitre 1) a répondu à mes questions sur les
« excitateurs » [dans les fiches de travail ici] par « je peux me sentir excitée en faisant la
vaisselle », j’ai eu une idée assez précise du fonctionnement de son cerveau sexuel.
Elle m’a dit : « J’aime le sexe. J’aime mon partenaire. J’aime essayer de nouvelles choses,
de nouveaux lieux, de nouvelles positions, de nouveaux jouets, de nouveaux pornos, de
nouvelles choses. Je suis un Grand Oui. »
Et je le voyais sur son visage : la joie, la confiance d’une femme vivant pleinement à
l’intérieur de son corps.
Je lui ai demandé :
« Vous est-il déjà arrivé de faire des choses et de vous demander ensuite : “Pourquoi donc
ai-je fait ça ?” »
Elle a grimacé et hoché la tête.
« Ça m’est arrivé. Pas souvent, mais… quand je suis super stressée, je sors et je me dis
juste : “Allez, on s’en fout, fonce.” J’ai fait des conneries.
– Et y a-t-il des périodes où vous ressentez le besoin de vous masturber plusieurs fois par
jour ? ai-je poursuivi, et elle m’a fixé avec des yeux ronds, comme si elle se demandait si j’avais
placé une caméra dans sa chambre.
– En général, j’arrive à ignorer ce besoin, a-t-elle répondu. Mais de temps en temps, ça me
rend folle. C’est comme une démangeaison qu’aucun grattage ne pourrait calmer. J’ai ce
sentiment de perte de contrôle.
– Je vois bien. Un accélérateur très sensible peut pousser à prendre des risques et à être
impulsif – c’est ce fameux sentiment de “perte de contrôle”.
– C’est à cause de ça ? D’un accélérateur très sensible ? Je n’ai pas un niveau élevé de
testostérone, mais j’ai un système d’excitation sexuelle élevé ?
– Ça expliquerait à la fois votre “Grand Oui” et ce sentiment ponctuel de perte de
contrôle. »
C’est facile de supposer qu’avoir un accélérateur sensible est un plaisir – et ça peut l’être,
dans le bon contexte. Olivia a un partenaire qu’elle apprécie et une grande ouverture d’esprit qui
lui permet d’explorer sa sexualité sans peur ni inquiétude. Elle fonce droit dedans. Et puis
parfois, m’a-t-elle raconté, surtout lorsqu’elle est stressée ou anxieuse : « J’ai l’impression que
mon désir sexuel monopolise toute mon attention et refuse de me laisser tranquille. »
Par ailleurs, un accélérateur sensible peut présenter un autre niveau de risque. Parce qu’elle
a parfois l’impression que sa propre sexualité la gouverne, Olivia s’inquiète de donner à son
tour des ordres à son partenaire, de se montrer trop exigeante, trop sexuelle, juste « trop ».
« Je dois manier ma puissante sexualité avec précaution, pour le bien de l’humanité », m’a-
t-elle confié, sur le ton de la blague.
Enfin… Pas complètement.
Les inhibiteurs
3. Si je ne suis pas sûre de ce que mon partenaire ressent pour moi, il m’est
plus difficile d’être excitée. Ça me ressemble :
0 1 2 3 4
Pas du tout Pas vraiment À peu près Beaucoup Complètement
Les excitateurs
1. Voir un partenaire faire quelque chose qui prouve son talent ou son
intelligence, ou le voir interagir correctement avec les autres est susceptible
de beaucoup m’exciter sexuellement. Ça me ressemble :
0 1 2 3 4
Pas du tout Pas vraiment À peu près Beaucoup Complètement
2. Lorsque je pense à quelqu’un que je trouve sexuellement attirant ou que
je fantasme sur le sexe, je suis facilement excitée sexuellement. Ça me
ressemble :
0 1 2 3 4
Pas du tout Pas vraiment À peu près Beaucoup Complètement
3. S’il y a un risque qu’on nous voie ou qu’on nous entende faire l’amour,
j’ai plus de mal à être excitée. Ça me ressemble :
0 1 2 3 4
Pas du tout Pas vraiment À peu près Beaucoup Complètement
Vos résultats au questionnaire
de tempérament sexuel
Le contexte
Et « l’anneau unique » (pour les gouverner tous)
dans votre cerveau émotionnel
Vous aimeriez bien Henry si vous le rencontriez : il est poli, beau, un peu vieux jeu, avec un joli
sourire et une voix douce. Il se lève lorsqu’une femme entre dans la pièce. Henry est presque
aussi geek que Camilla, sa femme. Leur vendredi soir idéal ? Une partie de Colons de Catane,
de Blanc-Manger Coco ou n’importe quel film de George Lucas – voire les trois.
Et ils ont une bonne vie sexuelle, lui et Camilla. Henry est presque toujours l’initiateur, et
même s’il aimerait certainement être l’objet des avances sexuelles de sa femme, c’est un gars
facile à vivre qui se sent chanceux d’avoir une partenaire de vie qui partage à la fois son sens de
l’humour et son besoin de garder la salle de bains bien rangée en permanence. Ce sont des
amoureux prévenants, attentifs et introvertis.
Lorsqu’ils se sont rencontrés pour la première fois – je veux dire, leur vraie première
rencontre en personne, sans compter les semaines de flirt en ligne – leurs regards se sont croisés
et tous deux ont ressenti tout à coup la même chose : « Oui, te voilà. Tu es pour moi. »
Mais ce sont des gens prudents et réfléchis, et ils ont pris leur temps.
Ils se sont dit : « Je ne suis pas vraiment prêt(e) pour une relation. On devrait juste être
amis. »
Et ils ont partagé un hochement de tête solennel. Et ils sont devenus amis.
Ça a duré un an.
Petit à petit, Henry a commencé à lui faire la cour. Il lui a offert des fleurs… en Lego. Il a
commandé à son dessinateur de webcomics préféré un portrait d’elle. Il lui a écrit des scénarios
de jeux vidéo de rôle. Il a porté des cravates. Il lui a tenu la main.
Quand ils se sont embrassés, ils étaient tous les deux amoureux – bien qu’aucun des deux
ne l’ait jamais dit. Et quand ils ont fait l’amour pour la première fois, ils avaient déjà décidé de
consacrer leur vie l’un à l’autre, et ils se le sont dit encore et encore, comme autant de
murmures urgents dans l’obscurité.
Camilla, vous vous en souvenez, est une femme avec une excitation sexuelle basse – elle
fait partie des 4 à 8 % de femmes, environ, dont la sensibilité aux stimuli liés au sexe est assez
1
faible . Et pourtant, le jour où elle s’est mariée, oh, elle était sensible.
Cinq ans plus tard… plus tant que ça.
Elle m’a dit : « Avant, quand j’étais dans la cuisine et qu’il venait derrière moi et
commençait à m’embrasser dans le cou, je fondais instantanément. Mais maintenant, s’il fait ça
je vais dire : “J’essaie de préparer le dîner.” Je ne comprends pas ce qui ne va pas chez moi
maintenant.
– Tout va bien, le contexte est juste différent, ai-je dit.
– En quoi est-il différent ? Je l’aime toujours autant que le jour de notre mariage ; il semble
que j’ai vidé mon “réservoir de désir”. Est-ce que les gens ont un “réservoir de désir” qui peut
être vide ?
– Non… enfin… en quelque sorte ? Non, pas vraiment. Ce n’est pas tant un réservoir
que… une… une douche. Une douche qui parfois laisse échapper des tonnes d’eau chaude, et la
pression de l’eau et le pommeau sont parfaits, et d’autres fois il n’y a presque pas de pression,
ou le pommeau est entartré. Vous pouvez toujours prendre une douche, mais tous ces facteurs
contextuels feront que cette douche sera soit fantastique, soit frustrante.
– Des facteurs contextuels. Qu’est-ce que ça veut dire, dans la vie réelle ? Des bougies et
des fleurs ? » Elle a grimacé. « Qu’il m’arrache mes vêtements ?
– Ça, ce sont des circonstances. Des situations. Ça en fait partie, mais quand je parle de
“contexte”, je veux aussi dire “états cérébraux”.
– Oh ! s’est-elle exclamée, et son visage s’est éclairé. Ça a l’air bien plus intéressant que
les bougies. »
En effet. Et c’est le sujet de ce chapitre : comment obtenir de l’eau bien chaude et
augmenter la pression de l’eau.
Les signaux explicites/érotiques
Ce sont des signaux tels que regarder un film sexy, lire une histoire
érotique, regarder ou entendre d’autres personnes faire l’amour, anticiper
une relation sexuelle, savoir que votre partenaire vous désire, ou remarquer
votre propre réaction sexuelle ou celle de votre partenaire. Par exemple :
une femme d’une vingtaine d’années m’a raconté qu’elle s’était réveillée au
milieu de la nuit dans l’appartement de son petit ami, au son des voisins du
dessus qui faisaient l’amour. Les grincements et les grognements rythmés
l’ont immédiatement excitée. Elle a embrassé son petit ami pour le réveiller
et ils ont écouté ensemble, puis ont eu des rapports sexuels aussi brefs
qu’intenses.
Les signaux romantiques/implicites
Accélérateur vs freins
Dans une séquence de neuf groupes de discussion réunissant quatre-
vingts femmes, Cynthia Graham, Stephanie Sanders, Robin Milhausen et
Kimberly McBride ont répertorié les réflexions des participantes sur ce qui
les excite et ce qui « garde les freins à fond 3 ». Ces quatre chercheuses ont
découvert des thèmes présentant des parallèles pertinents avec les travaux
de McCall et Meston. Voici ces thèmes, accompagnés chacun d’une citation
des participantes à l’étude, en guise d’illustration :
Les sentiments à l’égard de son propre corps. « C’est beaucoup plus
facile pour moi de me sentir excitée quand je me sens vraiment à l’aise
avec moi-même… Ce n’est pas aussi facile de me sentir excitée quand
je ne me sens pas bien dans ma peau et dans mon corps. »
Les préoccupations relatives à la réputation. « Quand tu es célibataire,
et que tu as envie d’avoir des relations sexuelles avec une autre
personne, tu te demandes “bon, est-ce que je vais en faire trop” ou “est-
ce que je ne vais pas en faire assez” ou “qu’est-ce qu’il va penser de
moi si je fais ça”… »
Appuyer sur les freins. « Je pense que c’est comme si tu avais envie et
que tu te disais alors : “Attends une minute, tu ne peux pas faire ça”, tu
es en couple ou ce type est un raté… et tout d’un coup, tu te dis : “Bon,
d’accord, oublie ça, je ne peux pas. C’est une mauvaise idée” et tu t’en
vas. »
Grossesse non désirée/contraception. « Une grossesse non désirée est
un grand bouleversement et si tu es avec un partenaire qui ne semble
pas s’en inquiéter, alors tu te sens vraiment en danger. »
Se sentir désirée vs se sentir utilisée par son partenaire. « J’aime quand
[les hommes] caressent non seulement les parties de mon corps qui sont
sexuellement excitées, mais aussi mes bras… j’ai l’impression qu’ils
m’entourent et qu’ils apprécient mon corps dans son ensemble. »
Le sentiment d’être « acceptée » par son partenaire. « Même mon
deuxième mari, alors que nous étions ensemble depuis seize ans,
n’acceptait pas mes réactions sexuelles… Je fais beaucoup de bruit ou
[avec] ma façon préférée d’atteindre l’orgasme, il se sentait exclu… Ça
a été le début de notre fin. »
Le style d’approche/comment la personne nous aborde et le timing.
« Son “jeu”. Tu sais, comment l’homme t’a approchée, comment il a
fait pour que tu lui parles plus longtemps que cinq minutes ? Comment
il s’y est pris. »
L’humeur négative. « Si tu es très contrariée par ton partenaire sexuel, à
propos de quelque chose, aucune chance d’être excitée. »
Avoir confiance en soi et être en bonne santé, tant émotionnellement que physiquement.
Se sentir désirées par leur partenaire, être approchées d’une manière qui les fait se sentir
spéciales.
Mais ce que ces réponses nous disent aussi, c’est que ça dépend. Une
femme qui a confiance en elle, et qui entretient une excellente relation avec
un partenaire qu’elle aime, en qui elle a confiance et qui l’attire, peut ne pas
avoir envie de sexe si elle a la grippe, si elle a travaillé soixante-dix heures
dans la semaine, ou si elle préfère que son partenaire et elle soient
fraîchement douchés avant de faire l’amour, et que là, ils viennent juste de
terminer de jardiner ensemble.
Ce que ces réponses nous apprennent aussi, c’est que ce que les femmes
racontent dans les études et les groupes de discussion ne dit pas tout ce qui
se passe dans la vie réelle. Dans The Science of Trust (non traduit en
français), le chercheur John Gottman raconte l’histoire de femmes prises
dans des relations abusives, habituellement des cibles de violences
physiques 4. Ces femmes les ont étonnés, son collègue de recherche et lui,
en leur racontant que certaines des meilleures relations sexuelles qu’elles
avaient eu de leur vie avaient immédiatement suivi des actes de violence. Et
dans Que veulent les femmes ? (Hugo Doc), Daniel Bergner décrit Isabel,
qui n’arrivait pas à s’exciter ou même à s’intéresser sexuellement à son
petit ami respectueux et aimant, alors même qu’elle s’était sentie
magnétiquement attirée par un abruti qui prenait les femmes pour des
objets, qui voulait qu’elle s’habille comme une prostituée et qui, elle le
savait pertinemment, ne voudrait jamais s’engager dans une relation avec
elle 5. J’ai entendu des histoires similaires de la part de nombreuses femmes,
et rien dans cette étude ne l’explique. Rien ne nous dit pourquoi les
relations sexuelles de rupture ou de réconciliation ont gagné la réputation
d’être si intenses.
Alors que se passe-t-il ?
Ce qui se passe, c’est la relation du mécanisme à double contrôle avec
vos nombreux autres systèmes de motivation. Ce qui se passe, c’est le
contexte.
Les sensations en contexte
Supposons que vous flirtiez avec une personne spéciale, et qu’elle
commence à vous chatouiller. Vous pouvez imaginer que ce soit amusant,
non ? Sexy. Du genre à mener à une partie de jambes en l’air.
Maintenant, imaginez que vous soyez en colère contre cette même
personne spéciale et qu’elle essaie de vous chatouiller.
Ça vous agace, n’est-ce pas ? Vous avez peut-être même envie de
frapper cette personne au visage.
C’est la même sensation, mais comme le contexte est différent, votre
perception de cette sensation est différente.
C’est vrai pour tous nos domaines sensoriels. Une odeur qui semble
agréable lorsqu’elle est étiquetée « fromage » sent mauvais lorsqu’elle est
étiquetée « odeur corporelle » 7. Même odeur + contexte différent
= perception différente. L’humeur modifie également votre perception du
goût : quand on se sent triste, comme à la fin d’un film tire-larmes, notre
capacité à sentir le goût gras des aliments diminue 8.
C’est vrai aussi pour tous vos autres sens, et pas seulement les cinq sens
de base qu’on apprend à l’école. Nous l’avons tous vécu avec le phénomène
de thermoception : imaginez que votre voiture tombe en panne d’essence à
un kilomètre de la station-service, par une journée caniculaire, aussi humide
qu’un sauna. Vous parcourez le kilomètre en question, dans un air étouffant.
Vous arrivez à la station-service climatisée, refroidie à 18 °C, et vous
ressentez comme un souffle glacé, un puissant soulagement après la chaleur.
Imaginez maintenant que votre voiture tombe en panne d’essence au même
endroit six mois plus tard, qu’il fait un froid glacial, qu’il y a un vent
mordant et que vous parcourez le même kilomètre jusqu’à la station-
service. Ce même 18 °C vous donne maintenant l’impression de vous
retrouver dans un four bien chaud, et vous ressentez un puissant
soulagement après le froid mordant. C’est le contexte.
C’est également vrai pour l’équilibroception (sens de l’équilibre) :
quiconque a déjà débarqué d’un navire après une semaine de croisière sait
que notre cerveau s’adapte aux mouvements – on passe deux jours à se
demander pourquoi le sol bouge sous nos pieds. La nociception (perception
de la douleur) : les personnes qui ont ressenti une douleur intense
développent une plus grande tolérance à la douleur à venir 9. La
chronoception (perception du temps) : le temps semble en effet s’envoler
quand on s’amuse – ou plutôt, quand on est dans un état de « flow », pris
par l’inspiration, dans sa bulle 10.
Ces changements de perception ne se produisent pas « juste dans votre
tête ». Les personnes à qui l’on donne un médicament relaxant et à qui on
annonce : « C’est un médicament qui va vous détendre », non seulement se
sentent plus détendues que celles qui ont reçu le même produit, mais pas
l’information, mais elles ont aussi une plus grande quantité de cette
substance dans leur plasma sanguin 11. Le contexte change plus que
simplement comment vous vous sentez : il peut modifier la chimie de votre
sang.
C’est le même processus pour les stimuli sexuels. Au chapitre 2, j’ai
décrit comment le mécanisme à double contrôle réagit aux stimuli qui sont
soit associés au sexe, soit perçus comme une menace, et comment nous
apprenons quels stimuli entrent dans quelle catégorie (vous vous souvenez
du rat fétichiste du citron ?). Mais tout comme l’odeur du fromage ou le
goût de la graisse sont influencés par notre état mental et les circonstances
extérieures, le fait qu’un stimulus particulier soit interprété comme étant
associé au sexe ou une menace dépend du contexte dans lequel nous le
percevons.
Les chatouilles en sont un exemple. Regarder son partenaire faire des
tâches ménagères en est un autre. Si vous vous sentez globalement soutenue
et complice dans votre relation, alors voir votre partenaire faire la lessive
peut devenir un signal pour des pensées érotiques. Mais si vous éprouvez du
ressentiment parce que vous faites une part disproportionnée des corvées
ces derniers temps, voir votre partenaire faire la lessive peut vous réjouir –
« Il était temps ! » – sans pour autant vous donner des idées coquines.
Il en va de même pour les phénomènes susceptibles d’activer les freins.
Le degré d’enclenchement des freins d’une personne par crainte d’une IST
change en fonction de la probabilité perçue d’une infection et de l’effet
perçu de cette IST. Vous utilisez un préservatif ? Vous connaissez les
antécédents médicaux et sexuels de votre partenaire ? Vous avez confiance
en votre monogamie mutuelle ? Moins de menaces. Pas de préservatif ?
Vous ne savez rien de ses antécédents ? Risque de tromperie ? Beaucoup
plus de menaces. C’est pareil avec les conséquences sociales : les
préjudices potentiels à votre statut social, à votre réputation ou à votre
relation sont autant de menaces, selon leur probabilité de survenance, et leur
degré de gravité le cas échéant.
DOULOUREUX OU ÉROTIQUE ?
Si votre partenaire vous donne une fessée alors que vous êtes en train d’enfiler les
chaussures de votre enfant, c’est agaçant. Mais s’il le fait en plein milieu d’un rapport
sexuel, ce geste peut être très, très sexy. Le contexte peut rendre érotiques des sensations
qui sont généralement perçues comme douloureuses, comme la fessée ou le fouet. La
« soumission » sexuelle exige de faire suffisamment confiance pour se détendre (relâcher
les freins), et de laisser son partenaire prendre le contrôle. Dans ce contexte explicitement
érotique, hautement complice et consentant, votre cerveau est ouvert et réceptif, prêt à
interpréter toutes les sensations comme étant érotiques. Et dans une culture où les femmes
doivent passer tellement de temps avec les freins serrés, à dire non, il n’est pas étonnant
que nous ayons des fantasmes d’abandon de tout contrôle, de détente en confiance absolue
(relâcher les freins), nous laissant aller à éprouver des sensations.
Appréciation, motivation
et apprentissage
Vous avez probablement entendu parler de ces résultats de recherche
passionnants au sujet des « centres du plaisir dans le cerveau ». Placez un
aliment dans votre bouche, et ces systèmes se mettent au travail. Buvez de
l’eau, ils réagissent. Écoutez de la musique, admirez une œuvre d’art,
prenez de l’héroïne ou lisez un roman, et votre cortex mésolimbique
s’active pour évaluer, apprendre et motiver. Regardez du porno, entendez
vos voisins faire l’amour ou sentez la main de votre partenaire tirer
légèrement sur vos cheveux, et ces systèmes cérébraux réagissent en
évaluant, en planifiant et en vous encourageant à vous rapprocher… ou
vous éloigner.
Pour celles d’entre vous qui ont une carte du mésencéphale accrochée
au mur et voudraient suivre cette explication visuelle à la maison, les
organes impliqués dans ces systèmes sont le pallidum ventral, le corps et
l’enveloppe du noyau accumbens (c’est la région observée dans l’étude
avec Iggy Pop), l’amygdale, et le noyau parabrachial du tronc cérébral,
entre autres. (Super sujet d’approche en soirée : rien de tel que l’expression
« noyau parabrachial du tronc cérébral » pour impressionner de séduisants
célibataires autour d’un dirty martini.)
Mais la vérité, c’est que ces zones-là ne sont pas vraiment des « centres
du plaisir » – ou plutôt, pas seulement des centres du plaisir.
Ce que nous décrivons souvent comme les « centres du plaisir » ou les
« centres de récompense » du cerveau sont en fait beaucoup plus subtils et
fascinants que ça. Réduire leur rôle à la « récompense » ou au « plaisir »,
c’est comme dire « vagin » à la place de « vulve » : le plaisir en fait partie,
certes, mais seulement partie, et nier les autres aspects de leur nom revient à
nier leur signification et à mal comprendre la nature de cette créature aux
multiples facettes.
Il y a en fait trois fonctions imbriquées, mais séparables dans ces aires
profondes et primitives du cerveau : l’appréciation, la motivation et
l’apprentissage. Ces trois mécanismes constituent le matériau physique
universel des mammifères qui forme, comme le disent Kent Berridge et
Morten Kringelbach, avec une petite touche geek, « un système cérébral
hédonique unique pour les concilier tous 15 ».
Cette expression fait référence à l’Anneau Unique dans la mythologie
du Seigneur des Anneaux. Dans le contexte original, l’Anneau Unique a le
pouvoir de contrôler tous les autres Anneaux de Pouvoir. Dans le contexte
de votre cerveau émotionnel, l’Anneau Unique contrôle tous vos systèmes
émotionnels/motivationnels, y compris les réponses au stress (peur,
agression et repli), le dégoût, toutes les formes de plaisir, du plus physique
au plus artistique, l’amour et le lien social, et bien sûr le sexe 16. Toutes ces
émotions fonctionnent en même temps et au même endroit : dans votre
Anneau Unique émotionnel.
Ne soyez donc pas trop impressionnée si vous lisez un article de
vulgarisation scientifique expliquant que « les mêmes parties de votre
cerveau s’activent lorsque vous faites l’amour ou prenez de la cocaïne ».
Bien sûr que c’est le cas. C’est votre Anneau Unique, il les concilie tous.
Quand je parlerai de « l’Anneau Unique » au fil de ce livre, il s’agit
bien de cette zone d’appréciation, de motivation et d’apprentissage, où
toutes vos réponses émotionnelles – sexe, stress, amour, dégoût, etc. –
interagissent, rivalisent et s’influencent les unes les autres.
Comment fonctionnent ces trois systèmes ?
L’appréciation
L’apprentissage
La motivation
Souvenez-vous des études sur ce que les femmes déclarent comme étant
excitant, au tout début du chapitre. Tout ça, et bien plus encore. Grâce à
l’Anneau Unique, qui sert de médiateur entre toutes vos différentes
émotions simultanément, et les lie entre elles.
Olivia et Patrick sont fabuleux ensemble – hilarants, charmants, le genre de couple dont l’amour
est contagieux ; quand on les voit, on tombe un peu amoureux soi-même. Ils se prennent dans
les bras et rient affectueusement, même lorsqu’ils se disputent. Même s’ils n’ont qu’une
vingtaine d’années, on sait déjà que ces deux-là s’embrasseront encore comme des adolescents à
103 ans.
Leur principal sujet de friction est le sexe : Patrick, comme environ 80 à 90 % des gens,
trouve que le stress le freine et l’empêche de s’intéresser au sexe – c’est un flatliner, la courbe
de désir s’aplatit en cas de stress (voir chapitre 4). Pour Olivia, en revanche, c’est le contraire : à
cause de son accélérateur sensible, le stress est source d’énergie. C’est une redliner, elle carbure
au stress. Et comme ils sont tous les deux étudiants, ils sont stressés en même temps pendant le
semestre (en période de partiels), ce qui signifie que juste au moment où Olivia a le plus envie
de sexe, Patrick s’en détourne complètement.
Même contexte – expériences opposées.
Et lorsque vous le placez dans le contexte d’une relation, la situation empire, car leurs deux
modes de fonctionnement différents se renforcent l’un l’autre. Lorsque Patrick est stressé par le
fait qu’Olivia veut avoir des relations sexuelles et lui non, ça augmente son stress, ce qui le
freine encore plus. Et quand Olivia se sent stressée par le fait qu’elle veut des relations sexuelles
et Patrick non, ça augmente son stress, ce qui appuie encore plus sur son accélérateur. J’appelle
cela « la dynamique de poursuite » (plus d’informations à ce sujet au chapitre 7), mais Olivia a
ses propres mots pour en parler : « Un bordel absolu. »
Patrick a ajouté : « Et ça nous arrive à une période dans le semestre où nous sommes à la
fois déjà trop à bout, à peine capables de nous nourrir, et encore moins de parler de ce qu’on
ressent. Comment y remédier ? »
J’ai haussé les épaules.
« Facile. Élaborez un plan quand vous êtes tous les deux calmes, puis mettez ce plan en
application quand vous êtes stressés.
– Oh », a répondu Olivia.
Il était de retour – cet énorme drapeau rouge qui signalait sa déception face à quelque
chose… d’émotionnel. La dernière fois, j’avais raté le coche. Cette fois, je l’ai saisi.
« Tu attendais une autre réponse ? lui ai-je demandé.
– J’espérais qu’on puisse me réparer.
– Te réparer ? Tu es cassée ?
– Je suppose que non, a-t-elle dit. C’est juste que… ce n’est pas très agréable, cette perte de
contrôle. J’espérais réussir à maîtriser cette facette de moi, à la fois pour mon propre bien et
pour ne pas rendre Patrick complètement dingue. »
Ce qui est normal. Le contexte de « stress + sexe » ne se traduit pas par une augmentation
du plaisir. Au contraire, comme Olivia l’a dit, lorsqu’elle est stressée, anxieuse ou débordée :
« Je ressens cette poussée vers l’orgasme, mais c’est une poussée qui me déconnecte de mon
corps et de Patrick. Je déteste ça. C’est comme si j’étais une étrangère dans mon propre corps.
Sans aucun contrôle. »
C’est un exemple typique de motivation sans appréciation.
« Ah, donc c’est difficile pour votre couple, mais aussi gênant pour toi, personnellement,
ai-je dit. C’est assez simple de changer – simple, mais pas toujours facile.
– Comment ? » m’ont-ils demandé en chœur.
Quand vous êtes stressée, votre cerveau interprète à peu près tout
comme une menace potentielle. Quand vous êtes excitée, votre
cerveau peut interpréter à peu près tout comme étant associé au
sexe. Tout simplement parce que… c’est le contexte !
Catégories Description
Bien-être physique et mental
Santé mentale
Image du corps
Humeur
Anxiété
Distractivité
Inquiétude quant au
fonctionnement sexuel
Autre
Caractéristiques du partenaire
Apparence physique
Santé physique
Odeur
État mental
Autre
Caractéristiques de la relation
Confiance
Dynamique de pouvoir
Complicité émotionnelle
Sentiment d’être désirée
Fréquence des rapports sexuels
Conditions extérieures
En public ou en privé (à la maison,
au travail, en vacances, etc.)
Sexe à distance (téléphone,
messages instantanés, etc.)
Voir le partenaire faire quelque
chose de positif, comme une
interaction avec la famille ou du
travail
Autres circonstances de vie
Stress lié au travail
Stress lié à la famille
Vacances, anniversaire de
mariage/rencontre/etc., occasion
spéciale
Autre
Contextes sexy
Rappelez-vous une expérience sexuelle positive de votre passé. Décrivez-la
ici, avec autant de détails pertinents que possible :
Catégories Description
Bien-être physique et mental
Santé mentale
Image du corps
Humeur
Anxiété
Distractivité
Inquiétude quant au
fonctionnement sexuel
Autre
Caractéristiques du partenaire
Apparence physique
Santé physique
Odeur
État mental
Autre
Caractéristiques de la relation
Confiance
Dynamique de pouvoir
Complicité émotionnelle
Sentiment d’être désirée
Fréquence des rapports sexuels
Conditions extérieures
En public ou en privé (à la maison,
au travail, en vacances, etc.)
Sexe à distance (téléphone,
messages instantanés, etc.)
Voir le partenaire faire quelque
chose de positif, comme une
interaction avec la famille ou du
travail
Autre
Contextes sexy
Rappelez-vous une expérience sexuelle positive de votre passé. Décrivez-la
ici, avec autant de détails pertinents que possible :
Caractéristiques du partenaire
Apparence physique
Santé physique
Odeur
État mental
Autre
Caractéristiques de la relation
Confiance
Dynamique de pouvoir
Complicité émotionnelle
Sentiment d’être désirée
Fréquence des rapports sexuels
Conditions extérieures
En public ou en privé (à la maison,
au travail, en vacances, etc.)
Sexe à distance (téléphone,
messages instantanés, etc.)
Voir le partenaire faire quelque
chose de positif, comme une
interaction avec la famille ou du
travail
Autre
Contextes pas-très-sexy
Rappelez-vous une expérience sexuelle pas géniale de votre passé – pas
forcément horrible, juste pas géniale. Décrivez-la ici, avec autant de détails
pertinents que possible :
Catégories Description
Bien-être physique et mental
Santé mentale
Image du corps
Humeur
Anxiété
Distractivité
Inquiétude quant au
fonctionnement sexuel
Autre
Caractéristiques du partenaire
Apparence physique
Santé physique
Odeur
État mental
Autre
Caractéristiques de la relation
Confiance
Dynamique de pouvoir
Complicité émotionnelle
Sentiment d’être désirée
Fréquence des rapports sexuels
Conditions extérieures
En public ou en privé (à la maison,
au travail, en vacances, etc.)
Sexe à distance (téléphone,
messages instantanés, etc.)
Voir le partenaire faire quelque
chose de positif, comme une
interaction avec la famille ou du
travail
Autres circonstances de vie
Stress lié au travail
Stress lié à la famille
Vacances, anniversaire de
mariage/rencontre/etc., occasion
spéciale
Autre
Contextes pas-très-sexy
Rappelez-vous une expérience sexuelle pas géniale de votre passé – pas
forcément horrible, juste pas géniale. Décrivez-la ici, avec autant de détails
pertinents que possible :
Catégories Description
Bien-être physique et mental
Santé mentale
Image du corps
Humeur
Anxiété
Distractivité
Inquiétude quant au
fonctionnement sexuel
Autre
Caractéristiques du partenaire
Apparence physique
Santé physique
Odeur
État mental
Autre
Caractéristiques de la relation
Confiance
Dynamique de pouvoir
Complicité émotionnelle
Sentiment d’être désirée
Fréquence des rapports sexuels
Conditions extérieures
En public ou en privé (à la maison,
au travail, en vacances, etc.)
Sexe à distance (téléphone,
messages instantanés, etc.)
Voir le partenaire faire quelque
chose de positif, comme une
interaction avec la famille ou du
travail
Autre
Contextes pas-très-sexy
Rappelez-vous une expérience sexuelle pas géniale de votre passé – pas
forcément horrible, juste pas géniale. Décrivez-la ici, avec autant de détails
pertinents que possible :
Caractéristiques du partenaire
Apparence physique
Santé physique
Odeur
État mental
Autre
Caractéristiques de la relation
Confiance
Dynamique de pouvoir
Complicité émotionnelle
Sentiment d’être désirée
Fréquence des rapports sexuels
Conditions extérieures
En public ou en privé (à la maison,
au travail, en vacances, etc.)
Sexe à distance (téléphone,
messages instantanés, etc.)
Voir le partenaire faire quelque
chose de positif, comme une
interaction avec la famille ou du
travail
Autre
Évaluation des signaux sexuels
Examinez tous vos contextes sexy et pas-très-sexy. Quels sont, selon vous,
les contextes qui permettent à coup sûr de vivre un rapport sexuel génial ou,
au contraire, à coup sûr un rapport pas si génial ?
Identifiez cinq actions que vous et/ou votre partenaire pourriez entreprendre
si vous décidiez d’avancer vers un recours plus fréquent et plus facile aux
contextes qui améliorent votre fonctionnement sexuel.
Quand au
Actions à Quel degré À quel point plus tôt
entreprendre d’impact ? est-ce facile ? pouvez-vous
le faire ?
1. ……… ……… ……… ………
……… ……… ……… ………
2. ……… ……… ……… ………
……… ……… ……… ………
3. ……… ……… ……… ………
……… ……… ……… ………
4. ……… ……… ……… ………
……… ……… ……… ………
5. ……… ……… ……… ………
……… ……… ……… ………
Sélectionnez maintenant les deux ou trois éléments qui vous semblent être
la bonne combinaison d’impact, de facilité et d’immédiateté, et listez tout
ce qui devrait se passer pour que ce changement se produise. Soyez aussi
CONCRÈTE ET PRÉCISE que possible. Il doit s’agir d’ACTIONS plutôt que de
Changement no 2
Changement no 3
LE SEXE EN CONTEXTE
CHAPITRE 4
Le contexte émotionnel
Le sexe dans notre cerveau de singe
Les femmes me posent des questions, puis me racontent leurs histoires. J’ai une bibliothèque
mentale remplie de ces histoires – des anecdotes hilarantes d’aventures sexuelles qui ont mal
tourné, des témoignages tristes de relations qui n’ont pas pu être réparées, des histoires de
survie et de transcendance qui suscitent l’admiration. Chacune d’entre elles est une histoire de
découverte.
Celle de Merritt parle de survie.
« Pourquoi devrais-je faire confiance à mon corps ? a-t-elle déclaré. Toute ma vie d’adulte,
je n’ai pas pu compter sur mon corps et il s’est cassé. Quand je suis stressée, il arrête de
fonctionner. Je tombe malade, je me blesse, aucun de mes systèmes ne marche plus. Et cela vaut
aussi pour le sexe. »
Il y avait une certaine logique là-dedans, étant donné la sensibilité de ses freins, mais il me
semblait surtout y avoir plus encore en dessous.
« Il semble que ton corps choisisse de “se figer” en réaction au stress, et s’arrête au lieu
d’essayer de fuir ou de combattre, lui ai-je dit. C’est ce qui se passe lorsqu’une personne subit
un stress de longue durée et de forte intensité, ou lorsqu’elle est en train de guérir après un
traumatisme. Est-ce que l’une de ces situations vous semble familière ?
– Les deux, ont répondu Carol et Merritt en chœur.
– Tu penses que le stress explique pourquoi j’ai du mal à faire confiance à mon corps ? »
m’a demandé Merritt.
Je le pense vraiment.
Ce chapitre traite du stress et de l’amour et de la façon dont ils influencent le plaisir sexuel.
Faire confiance à son corps
Faites confiance à votre corps. Écoutez-le – non pas les circonstances
spécifiques du moment, mais les messages profonds et primitifs issus de
votre héritage évolutif :
Si vous êtes déjà capable d’écouter ces messages dans votre corps,
n’hésitez pas à sauter ce chapitre. Mais si, comme la plupart d’entre nous,
vous avez besoin d’aide pour traduire les signaux que votre corps envoie,
vous trouverez ce chapitre très instructif. Car ce ne sont pas seulement les
aspects sexuels d’un contexte qui influencent votre excitation. Ce sont tous
les autres paramètres émotionnels, y compris votre état émotionnel
préexistant.
Le stress et l’amour
Et parmi tous les systèmes émotionnels gérés par votre Anneau Unique
émotionnel, les deux qui peuvent avoir un effet le plus immédiat sur le
plaisir sexuel sont le stress et l’amour.
Le stress est le processus physiologique et neurologique qui vous aide à
faire face aux menaces.
L’amour est le processus physiologique et neurologique qui vous pousse
vers votre tribu.
À RETENIR
Nous ne pouvons comprendre le bien-être sexuel des femmes que si nous prenons en
compte le contexte, et la majeure partie de ce contexte n’a rien à voir avec le sexe
proprement dit. Ce qui signifie que nous pouvons améliorer notre bien-être sexuel et
augmenter notre plaisir sexuel sans changer directement quoi que ce soit à notre vie
sexuelle ! Ce dont je parle dans ce chapitre et le suivant, ce sont les facteurs contextuels
systématiquement associés aux changements dans le bien-être sexuel des femmes, d’après
les études menées. Améliorez votre contexte, et votre plaisir sexuel s’accroîtra de lui-
même.
Pédaler en l’air et crier « Je veux juste courir ! », c’est la fuite. Détester
tout le monde, c’est le combat. L’anesthésie est une paralysie médicalement
induite : les animaux dans la nature qui sont anesthésiés par des chercheurs
vivent la même chose que le fils de mon amie. J’appelle ça « les
Sensations », car c’est juste un truc qui se produit dans le corps sans aucune
cause environnementale évidente. Le gamin n’était pas vraiment en danger,
mais il a éprouvé beaucoup de Sensations qui devaient être réglées. Et sa
mère a fait exactement ce qu’il fallait :
« Je l’ai serré dans mes bras, je suis restée calme, je répétais en boucle que je l’aimais et
que j’étais là pour le protéger, et il a fini par se calmer suffisamment pour pouvoir enfiler
ses vêtements (il les avait littéralement arrachés) et partir avec moi. Au moment où nous
sommes arrivés dans le parking, il m’a dit calmement qu’il m’aimait beaucoup, et quand
nous sommes arrivés à la maison, il s’est endormi profondément. »
Pour résumer…
L’inquiétude, l’anxiété, la peur et la terreur font partie
de la catégorie de stress : « Il y a un lion ! Cours ! »
Pour l’irritation, l’agacement, la frustration, la colère et la rage,
c’est la catégorie : « Il y a un lion ! Tue-le ! »
Enfin, la torpeur émotionnelle, le repli sur soi, la dépression et le
désespoir : « Il y a un lion ! Fais le mort ! »
Et rien de tout ça ne nous porte à croire que c’est le bon moment
pour s’envoyer en l’air.
Bien sûr, beaucoup de ces comportements peuvent survenir dans un contexte sain. C’est
lorsque nous les accomplissons au lieu de nous occuper de ce que nous ressentons, c’est-à-dire
au lieu de laisser le cycle s’achever, qu’ils risquent d’entraîner des conséquences indésirables.
Certaines d’entre elles sont relativement bénignes… et d’autres sont potentiellement
dangereuses. Tous ces comportements n’ont qu’un seul but : gérer les sentiments sous-jacents. Il
nous arrive de faire ce genre de choses lorsque nous ne savons pas comment aller au bout du
cycle ou lorsque les sentiments sont trop douloureux.
Quand elle était adolescente, Olivia a adopté un mécanisme inadapté pour faire face à ce
qu’elle ressentait : les troubles alimentaires. Elle mangeait à l’excès puis faisait du sport, et
répétait ce cycle. Au fil de sa guérison pour sortir de son trouble alimentaire, elle a pris
conscience que son comportement n’était pas vraiment lié à sa silhouette : « J’avais besoin d’un
coupable à blâmer pour mon anxiété, et le lavage de cerveau culturel a juste fait que mon corps
semblait la cible idéale », a-t-elle déclaré. Son comportement compulsif était plutôt une
tentative pour gérer des sentiments qui semblaient trop intenses pour elle.
Elle ne présente plus de symptômes depuis plusieurs années. Pourtant, elle m’a confié :
« Il m’arrive de franchir des portes en me mettant de profil, parce que je crains d’être trop
grosse pour passer autrement. Quand je me surprends à faire ça, je me force à franchir le seuil
de face, parce que ce que j’ai appris, c’est que ce n’est pas la taille de mon corps qui m’inquiète,
mais bien celle de mon anxiété. »
Aujourd’hui, elle court, à la fois pour gérer son stress et comme un exutoire constructif
pour libérer son intensité et son énergie – et elle se limite à un marathon par an car elle le
reconnaît elle-même : « J’ai tendance à en faire trop, et ça m’aide si je me fixe des limites. »
« Je crois que tu fais là quelque chose de plus profond que juste te fixer des limites, lui ai-
je dit. Je pense que tu t’autorises à faire du sport pour t’aider à aller au bout de ton cycle plutôt
que d’appuyer sur les freins. Et tu peux faire pareil avec le sexe.
– C’est vrai ?
– Bien sûr. »
Elle s’est mordu la lèvre et a hoché la tête avant d’ajouter : « Je ne suis pas sûre. »
Elle en sera sûre au chapitre 5.
Celle qui étudiait la danse a opté pour l’activité physique, et celle qui
suivait le cours sur les femmes et le genre a organisé un grand cri primal
collectif.
N’AYEZ PAS PEUR DU NOIR
Au fil des ans, un certain nombre de personnes, et en particulier des jeunes femmes, m’ont
envoyé des courriels ou m’ont approchée durant une pause lors d’un atelier pour me
demander si elles pouvaient me parler en privé. Sans jamais me regarder dans les yeux,
elles m’avouent souffrir d’anxiété depuis l’enfance. Elles me disent suivre une thérapie
depuis le lycée. Et qu’elles n’ont jamais pu parler à un thérapeute des pensées sexuelles
grotesques, dérangeantes et parfois violentes qui envahissent leur esprit. Une jeune femme
m’a confié que ses pensées secrètes avaient perturbé ses relations avec les membres de sa
famille proche, à qui elle estimait devoir les cacher à tout prix – même si pour ça, elle ne
devait plus jamais voir les membres tant aimés de son entourage immédiat.
Les personnes ayant des pensées aussi intrusives espèrent que je puisse leur expliquer que
ces pensées ne font pas d’elles de mauvaises personnes. Et je peux le faire !
De telles pensées intrusives sont généralement considérées comme une sorte de trouble
obsessionnel compulsif, l’anxiété se manifestant non par des comportements répétitifs,
mais par des pensées répétitives. Certaines personnes souffrent de pensées intrusives
violentes, d’autres sexuelles, d’autres encore dégoûtantes, religieuses ou immorales. Elles
ne veulent pas faire dans la réalité les choses auxquelles elles pensent ; au contraire, leur
détresse surgit du fait même qu’elles ne veulent absolument pas faire ces choses, et elles
s’inquiètent que ces pensées puissent se réaliser, ou que celles-ci signifient qu’une partie
cachée, horrible, au fond d’elles, le souhaite.
J’en ai appris beaucoup sur les pensées intrusives grâce à la comédienne Maria Bamford,
qui a produit un spectacle sur Internet avec une chanson intitulée « Don’t Be Afraid of the
Dark » (« N’ayez pas peur du noir », en anglais), une petite chanson joyeuse qui célèbre à
quel point il est normal d’avoir des trucs sombres et non désirés dans notre esprit. En effet,
des recherches ont montré que presque tout le monde a parfois des pensées intrusives ou
non désirées, et qu’environ un tiers des personnes atteintes de TOC ont des pensées
intrusives à caractère sexuel. C’est l’anxiété qui se manifeste par là, déguisée en toutes les
9
choses qu’on nous a apprises à craindre à propos du sexe .
Et il existe des interventions efficaces. Une recherche rapide sur Internet permet de
découvrir un certain nombre d’approches différentes qui consistent généralement à réduire
progressivement le niveau d’anxiété ressenti par les personnes en réaction à ces pensées, ce
qui réduit alors la fréquence, l’intensité et l’importance donnée à ces pensées. Si vous avez
des pensées sexuelles non désirées, intrusives ou obsessionnelles, sachez que vous pouvez
les révéler à un thérapeute qualifié et bénéficier d’un traitement adapté basé sur des
preuves.
Quand le sexe devient lion
Au-delà des facteurs de stress du quotidien, il existe des blessures
profondes que la vie inflige sans leur laisser une chance de guérir. Compte
tenu de la prévalence des traumatismes de toutes sortes, en particulier les
traumatismes sexuels – on estime qu’au moins une femme sur cinq sera
agressée sexuellement au cours de son existence, et ce chiffre pourrait en
réalité être plus proche d’une sur trois 10 –, il est impossible de parler de la
santé sexuelle des femmes sans prendre le temps d’évoquer les
traumatismes. De l’abus sexuel des enfants à l’agression sexuelle, en
passant par toutes les formes de violence interpersonnelle, les femmes sont
systématiquement ciblées, et de manière complètement disproportionnée.
Par conséquent, elles introduisent dans leur fonctionnement sexuel les
caractéristiques émotionnelles, physiques et cognitives des survivantes d’un
traumatisme. En d’autres termes, si les femmes ont plus de « problèmes »
que les hommes en matière de sexualité, eh bien, il y a une bonne raison à
ça.
Le sexe et la survivante
La survivance à un traumatisme sexuel a des conséquences sur le traitement
de l’information, tant pour l’accélérateur que pour les freins. Les sensations,
contextes et idées qui étaient autrefois interprétés comme associés au sexe
peuvent désormais être interprétés par votre cerveau comme des menaces,
de sorte que même les contextes sexy activent les freins. De plus, un niveau
chroniquement élevé d’activité du stress dans le cerveau d’une survivante
en convalescence peut bloquer les stimuli sexuels et les considérer comme
peu prioritaires.
Parfois aussi, les survivantes se retrouvent prisonnières d’un schéma de
comportement sexuel. Leur cerveau a l’envie impérieuse d’effacer le
traumatisme, de le revivre différemment ou simplement de le comprendre.
Comme lorsqu’on mordille une lèvre abîmée, ou qu’on éclate un bouton, le
cerveau est incapable de laisser le traumatisme tranquille, même s’il sait
qu’il guérirait plus vite s’il le faisait. Résultat : la survivante a plusieurs
partenaires, qui suivent souvent un modèle habituel, sans jamais avoir
l’impression de contrôler parfaitement la décision d’avoir ces partenaires.
Si vous avez survécu à un traumatisme, il y a de fortes chances que
vous ayez fait un travail émotionnel pour surmonter ce traumatisme, ou que
vous ayez encore du travail en perspective. Si votre traumatisme est récent
ou semble non résolu (par exemple, si la lecture de la partie précédente a
fait battre votre cœur un peu plus fort), vous aurez probablement besoin de
plus de soutien que ce livre ne peut vous en offrir. Une thérapie serait
certainement très utile. Il existe d’excellents livres sur les traumatismes et la
guérison, dont le meilleur, à mon avis, est Le corps n’oublie rien de Bessel
van der Kolk (Albin Michel). Chaque survivante et chaque personne qui
aime une survivante apprendra quelque chose d’important à la lecture de cet
ouvrage.
Si votre traumatisme n’est pas récent et qu’il est plus ou moins résolu, il
est normal que vous ressentiez des effets résiduels sur votre fonctionnement
sexuel, même si vous êtes globalement guérie. Le traumatisme sexuel a
tendance à enrouler ses tentacules autour de si nombreuses parties de votre
expérience émotionnelle que vous le croisez inopinément, comme une
mauvaise herbe envahissante et persistante qu’il faut arracher encore et
encore.
Il existe trois grandes approches pour faire face à ces fragments
résiduels de traumatisme. On pourrait les appeler « descendante », c’est-à-
dire une approche cognitive basée sur la pensée ; « ascendante », une
approche somatique basée sur le corps ; et « transversale », une approche
basée sur la pleine conscience 13.
Approche descendante : traiter le traumatisme. Il existe plusieurs types
de thérapies cognitives : cognitivo-comportementale (TCC), du
processus cognitif (TPC), comportementale dialectique (TCD), etc.
Elles impliquent toutes un certain degré de reconnaissance du sens que
vous avez créé autour du traumatisme, puis une remise en question des
schémas de croyance à l’intérieur de ce sens, ou la reconnaissance des
habitudes comportementales que vous avez vous-même acquises depuis
le traumatisme et la remise en question de ces comportements.
Quels sont les prérequis à ces thérapies ? Vous devez d’abord
prendre conscience des schémas, qu’il s’agisse de pensées ou de
comportements, et ensuite développer des compétences pour remplacer
ces schémas par de nouveaux. Donnez-vous l’autorisation d’éprouver
ces anciens sentiments, mais à présent, au lieu de recourir aux
mécanismes d’autodéfense habituels, commencez à appliquer de
nouveaux comportements. C’est en changeant les schémas de
fonctionnement que votre traumatisme résiduel apparaîtra. Sachez que
vous pouvez ressentir tous vos sentiments tout en étant en sécurité.
Sachez aussi que vous avez fait tout ce qui était en votre pouvoir à ce
moment-là pour vous protéger ; pardonnez-vous pour ce que vous vous
reprochez peut-être encore, en reconnaissant que le traumatisme est la
responsabilité de l’auteur uniquement. Et imaginez-vous telle que vous
êtes aujourd’hui, en sécurité et entière, installée tranquillement – ou
imaginez que celle que vous êtes maintenant serre dans ses bras celle
que vous étiez alors, vous offrant à vous-même le réconfort et la
sécurité dont vous aviez besoin à l’époque, avec l’assurance que vous
avez survécu, que votre vie s’est améliorée. C’est votre nouveau
schéma : laissez les sentiments vous traverser.
Approche ascendante : traiter le corps. Si l’idée d’analyser vos
schémas de pensée et de comportement ne vous attire pas, vous
préférerez peut-être une thérapie corporelle, comme la thérapie
sensorimotrice ou l’Expérience Somatique 14. Ces approches peuvent
constituer à elles seules un moyen puissant de réparer votre relation
avec votre corps et votre sexualité après un traumatisme, et peuvent
également compléter d’autres approches.
Quand j’ai discuté avec Kristen Chamberlin, praticienne de
l’Expérience Somatique, elle m’a fait remarquer que les thérapies
basées sur le corps se développent peu à peu dans la pratique courante
parce que nous n’avons pas de cadre culturel pour le processus naturel
de gestion du stress physiologique par le corps (ce que j’appelle « aller
au bout du cycle »). Dans notre culture, nous ne faisons pas confiance à
notre corps, alors nous le supplantons, ce qui nous rend vulnérables à
des stratégies d’adaptation inappropriées, comme Olivia l’a constaté.
La question centrale de sa pratique, m’a expliqué Mme Chamberlin,
est la suivante : « Comment travailler avec l’intelligence organique du
corps pour guérir ? Au lieu de gérer ce qui émane du corps, nous
travaillons avec lui, en faisant confiance à son objectif et son
orientation, tout en gardant un cadre de guérison très particulier. Le
résultat, c’est que le stress physiologique peut évoluer et se libérer. »
C’est une bonne nouvelle, car de nombreux obstacles dans nos relations
sexuelles sont les symptômes d’un stress physiologique au processus
inachevé. Lorsque nous libérons ces anciennes réponses au stress,
incomplètes, nous faisons de la place pour bouger à nouveau là où nous
nous sentions autrefois bloquée.
Et quand vous trouvez le blocage, accordez-lui simplement une
attention douce, patiente et gentille. Ce blocage se transformera sous la
douceur de votre attention, et fondra comme neige au soleil. Laissez-le
faire. Les émotions sont des cascades physiologiques qui veulent
achever leurs cycles, et elles iront au bout si vous le leur permettez ;
elles veulent être nomades, pas sédentaires. Elles veulent aller de
l’avant. Laissez-les faire. Vous allez peut-être trembler, vous agiter,
pleurer ou vous recroqueviller sur vous-même. Vous remarquerez peut-
être que votre corps accomplit ces mouvements sans que vous le vouliez
consciemment. Votre corps sait ce qu’il a à faire, et il le fera à condition
que vous restiez calme auprès de lui, comme vous le feriez aux côtés
d’un enfant malade ou en deuil.
Approche transversale : la pleine conscience. Peut-être que l’approche
la plus douce est la plus indirecte. Sans jamais affronter directement le
traumatisme, vous pouvez simplement commencer à pratiquer la pleine
conscience, et progressivement le traumatisme remontera à la surface,
comme un éclat de balle d’une vieille blessure. Il existe des livres
remarquables sur la pratique de la pleine conscience. L’un de mes
préférés est Méditer pour ne plus déprimer, de Mark Williams, John
Teasdale, Zindel Segal et Jon Kabat-Zinn (Odile Jacob). Ne laissez pas
la partie « pour ne plus déprimer » vous décourager : c’est en réalité un
guide pratique pour gérer toute expérience émotionnelle inconfortable.
Comment pratiquer la pleine conscience ?
1. Commencez par des séances de deux minutes. Deux minutes par
jour, portez votre attention sur votre respiration : comment l’air pénètre
dans votre corps, et votre poitrine et votre ventre se dilatent, et comment
l’air quitte votre corps, et votre poitrine et votre ventre se dégonflent.
2. Au début, votre esprit va vagabonder. C’est normal. C’est sain.
C’est en fait le but. Remarquez comme votre esprit s’égare, laissez ces
pensées extérieures passer – vous pourrez y revenir dès que les deux
minutes seront écoulées – et autorisez votre attention à revenir à votre
respiration.
Remarquer comme l’esprit vagabonde puis ramener son attention
sur sa respiration, c’est ça, le vrai travail de la pleine conscience. Il ne
s’agit pas tant de prêter attention à votre respiration que de remarquer ce
à quoi vous prêtez attention sans porter de jugement, et de choisir si
vous souhaitez y prêter attention ou non. Vous êtes « pleinement
consciente » à la fois de votre respiration et de l’attention que vous
portez à votre respiration. En vous entraînant à remarquer ce à quoi
vous faites attention, vous vous apprenez à avoir le contrôle de votre
cerveau, de sorte que celui-ci ne vous contrôle pas.
Peu à peu, cette pratique régulière de deux minutes donnera lieu à
des moments ponctuels tout au long de la journée où vous remarquerez
ce à quoi vous prêtez attention et déciderez alors si c’est à cela que vous
voulez prêter attention en ce moment, ou si vous préférez prêter
attention à autre chose. Ce à quoi vous prêtez attention importe moins
que la manière dont vous y prêtez attention.
Il s’agit d’une stratégie transversale pour arracher les mauvaises
herbes traumatiques de votre jardin : il faut simplement remarquer une
mauvaise herbe et décider ensuite si vous souhaitez ou non l’arroser,
l’arracher, la couvrir d’engrais ou encore l’ignorer. Les mauvaises
herbes du traumatisme disparaîtront progressivement à condition que
vous choisissiez la plupart du temps de ne pas les nourrir. Et plus vous
choisirez de cesser de protéger le traumatisme, plus il fanera et mourra
rapidement.
La pleine conscience est bonne pour tout le monde. C’est
l’équivalent pour votre esprit de l’activité physique et des légumes verts
pour votre corps. Si vous ne deviez changer qu’une seule chose dans
votre vie à la suite de la lecture de ce livre, faites-en sorte que ce soit
cette séance quotidienne de deux minutes. Cette pratique vous permettra
de « cultiver un profond respect pour les émotions », en distinguant
leurs causes de leurs effets et en vous donnant le choix de la réponse
que vous souhaitez leur apporter 15.
L’origine de l’amour
Le personnage nommé Aristophane, dans Le Banquet de Platon (et pour
celles d’entre vous qui viennent tout juste de piquer du nez, et je comprends
très bien, remplacez cela par la chanson « The Origin of Love » de Hedwig
and the Angry Inch de John Cameron Mitchell) propose cette parabole sur
la raison pour laquelle les humains aiment : autrefois, les êtres humains
étaient ronds, avaient deux visages, quatre bras, quatre jambes et deux jeux
d’organes génitaux. Certains d’entre nous étaient deux hommes, d’autres
deux femmes, et d’autres encore un homme et une femme. Mais les dieux
voulaient avoir plus de contrôle sur nous, alors Zeus nous a coupés en deux
à coups d’éclair, et depuis ce jour, nous sommes exposés à une souffrance
qui nous déchire, ou comme le chante Hedwig, « une ligne droite à travers
le cœur » (« a straight line/down through the heart 16 »).
Selon cette parabole, l’amour est la poursuite de notre propre entièreté :
nous errons sur la terre à la recherche de notre moitié perdue. Et lorsque
deux moitiés se retrouvent, comme le dit Aristophane :
« Ainsi, lorsque les amants ont rencontré justement la moitié qui est
la leur, c’est miracle comme ils sont empoignés par la tendresse, le
sentiment de parenté, et l’amour ; ils ne consentent plus à se diviser
l’un de l’autre, pour ainsi dire, même un instant. Et tels sont bien
ceux qui demeurent ensemble jusqu’au terme de leur vie, et qui
ne pourraient même pas définir ce qu’ils attendent l’un de l’autre ! »
Ce n’est pas vraiment pour ça que nous tombons amoureux, mais c’est
plus proche de la vérité que vous ne le pensez. Si nous tombons amoureux,
c’est à cause de l’attachement, une sorte de recherche biologique
d’entièreté.
L’attachement est le mécanisme émotionnel adaptatif issu de
l’évolution, qui lie les nourrissons aux adultes qui s’occupent d’eux. Je
pense que l’accouchement humain correspond parfaitement à la description
d’une douleur qui vous donne l’impression d’être séparée d’une partie de
vous-même. Et puis, comme Christopher Hitchens le dit, quand vous êtes
17
parent, « votre cœur bat dans le corps de quelqu’un d’autre ».
Les bébés s’attachent aussi, cherchant toujours à se rapprocher des
adultes qui s’occupent d’eux. Dès la naissance, l’attachement est la quête de
notre propre entièreté : être en sécurité, et garder en sécurité cette partie de
nous-même qui vit dans le corps d’une autre personne. L’attachement, c’est
l’amour.
Lorsque nous atteignons l’adolescence, notre mécanisme d’attachement
passe de l’attachement parental à l’attachement entre pairs, puis à des
relations romantiques. Certains comportements d’attachement que nous
adoptons activent naturellement le mécanisme d’attachement, que ce soit
entre un nourrisson et une personne qui s’occupe de lui ou entre deux
adultes qui tombent amoureux : contact visuel, sourire, caresse du visage,
câlin, ce genre de choses. Mais avec le passage à l’adolescence, le
comportement sexuel s’ajoute au répertoire des comportements
d’attachement.
Les recherches en imagerie cérébrale ont montré que l’activité des
systèmes mésolimbiques (motivation / appréciation / apprentissage du
chapitre 3) lors d’une expérience d’attachement parental sans souffrance est
extrêmement similaire à celle d’un attachement romantique – et ils sont
particulièrement sensibles à l’activation de l’appréciation, plutôt que sur
celle de la motivation (désir 18). En même temps, c’est à cause de
l’attachement que nous ressentons des « chagrins d’amour ». Quand nous
sommes tout bébés, notre vie dépend littéralement de l’arrivée d’adultes qui
s’occupent de nous quand nous en avons besoin. En tant qu’adultes, ce n’est
plus vrai, mais ça, notre corps ne le sait pas. Notre corps est pratiquement
sûr que si notre objet d’attachement ne revient pas, nous allons mourir.
Alors oui, l’amour fait du bien – « Je suis entière ».
Sauf quand ça fait si mal que vous avez l’impression de mourir – « Je
suis brisée. »
Tout ça à cause de quoi ? De l’attachement.
La quête de proximité
Vous vous sentez liée à l’autre personne, au point de vous sentir bien avec
elle (appréciation) et de désirer (motivation) être aussi proche d’elle que
possible. La plupart des parents ont fait l’expérience de cette recherche de
proximité, notamment sous la forme de petits doigts d’enfant qui glissent
sous la porte des toilettes, alors que vous essayez juste de passer
trente secondes consécutives tranquille à faire pipi. Dans les relations
amoureuses, la proximité peut se traduire par l’utilisation de réseaux
sociaux, de SMS, d’appels téléphoniques et d’e-mails, mais aussi par le fait
de passer devant leur casier six fois par jour pour voir si la personne est là,
ou de quitter le travail plus tôt pour rentrer à la maison très vite.
Un refuge
Quand les choses tournent mal dans votre vie, vous voulez tout raconter à
votre objet d’attachement ; vous le sollicitez pour obtenir un soutien. Dans
les relations entre adultes, c’est le coup de téléphone à votre partenaire
après une longue et dure journée de travail. Lorsque votre réponse au stress
est activée, votre mécanisme d’attachement vous dit : « Apaisez votre stress
en vous liant à votre objet d’attachement. » Il s’agit de la dynamique
« soigne et montre-toi ami », dont je parlerai plus tard.
L’anxiété de séparation
Une base sûre
Où que se trouve cette personne, c’est votre chez-vous émotionnel. Tout
adulte qui est déjà rentré chez lui après un voyage d’affaires et s’est vautré
sur le canapé à côté de son partenaire, pour lui tenir la main et établir un
contact visuel pendant qu’il parle de ce qui s’est passé pendant son absence,
en a fait l’expérience.
Un exemple concret
Attachement sécure
Attachement anxieux
Attachement évitant
Bon, si vous deviez deviner qui mène une vie sexuelle plus épanouie,
parieriez-vous sur les personnes qui ont un style d’attachement sécure, ou
non sécure ? Bien entendu, les personnes ayant un attachement sécure. Et
de loin.
Une étude réalisée en 2012 sur la relation entre le sexe et l’attachement
révèle que l’attachement sécure est associé à toutes les dimensions
imaginables du bien-être sexuel.
Les personnes ayant un attachement sécure éprouvent davantage
d’émotions positives pendant les rapports sexuels, qui sont plus fréquents,
jouissent de niveaux d’excitation et d’orgasme plus élevés et partagent une
meilleure communication au sujet des rapports sexuels 27. Elles sont en outre
plus susceptibles de donner et de recevoir leur consentement et d’adopter
des pratiques sexuelles plus sûres, notamment le recours à la contraception ;
elles apprécient davantage les rapports sexuels, sont plus attentives aux
besoins de leurs partenaires, ressentent un lien entre le sexe et l’amour, sont
plus disposées à avoir des rapports sexuels dans le cadre d’une relation
sérieuse et ont davantage confiance en elles sur le plan sexuel. Les
personnes qui ont un attachement sécure ont la vie sexuelle la plus saine et
la plus agréable qui soit.
Les personnes ayant un style d’attachement anxieux sont les plus
susceptibles d’avoir des relations sexuelles « réconfortantes » (c’est-à-dire
d’utiliser le sexe comme comportement d’attachement), où le sexe peut être
intense sans pour autant être agréable. Les personnes anxieuses se
préoccupent davantage du sexe, mais elles associent également la qualité
des relations sexuelles à la qualité de la relation dans son ensemble. Elles
sont plus susceptibles de ressentir de la douleur lors des rapports sexuels, en
particulier dans les relations les moins intimes. Un tel style d’attachement
se traduit également par des difficultés à adopter des pratiques sexuelles
plus sûres : elles sont moins disposées à utiliser des préservatifs, plus
susceptibles de consommer de l’alcool ou d’autres stupéfiants avant les
rapports sexuels et, sans surprise, présentent des taux plus élevés d’IST et
de grossesses non désirées. Les personnes avec un attachement anxieux
ressentent plus de douleur, d’anxiété et s’exposent à plus de risques pour
leur santé.
Les personnes ayant un style d’attachement non sécure, qu’il soit
anxieux ou évitant, sont plus susceptibles d’être impliquées dans un des
deux rôles d’une relation sexuelle coercitive. Les personnes ayant un
attachement évitant commencent à avoir des relations sexuelles plus tard
dans la vie, ont des relations sexuelles moins fréquentes, avec moins de
comportements non sexuels. Elles ont une attitude plus positive à l’égard du
sexe en dehors des relations sérieuses, multiplient facilement les coups d’un
soir et sont plus susceptibles d’avoir des relations sexuelles uniquement
pour répondre à une attente sociale plutôt que parce qu’elles en ont
vraiment envie. Les personnes qui ont un attachement évitant considèrent le
sexe comme étant moins intégré à leur vie et à leurs relations.
En un mot : un attachement non sécure appuie sur les freins. Nous ne
pouvons pas comprendre le bien-être sexuel sans comprendre l’attachement,
et nous ne pouvons pas maximiser notre propre bien-être sexuel sans
apprendre à gérer l’attachement dans nos relations.
Gestion de l’attachement :
vos sentiments tels un hérisson endormi
Le style d’attachement est un facteur incontournable de la réponse sexuelle
et de la satisfaction au sein de la relation – et il varie non seulement d’une
personne à l’autre, mais aussi d’une relation à l’autre 28. Et il peut évoluer 29.
Toutefois, ces schémas émotionnels profonds ne sont pas toujours bien
malléables, et peuvent nécessiter une thérapie. De nombreuses personnes
peuvent néanmoins faire beaucoup de progrès en prenant mieux conscience,
et sans jugement, de leurs propres réactions émotionnelles et en lisant
d’excellents ouvrages sur le sujet. Par exemple, Love Sense : The
Revolutionary New Science of Romantic Relationships de Sue Johnson (non
traduit à ce jour), qui a développé l’EFT pour les couples, la « thérapie
centrée sur les émotions » (Emotionally Focused Therapy), aborde
ouvertement la relation de l’attachement et au sexe. Mais les couples
semblent avoir du mal à discuter des difficultés sexuelles de manière
concrète. Nous sommes tous si sensibles et susceptibles à ce sujet, si
effrayés à la fois de blesser l’autre et de ne pas répondre à ses attentes, que
nous avons besoin d’un ensemble de compétences particulières pour nous
aider à être aussi tendres et bienveillants l’un envers l’autre que nécessaire
pour surmonter cette susceptibilité.
J’en suis venue à imaginer la communication autour du sexe et de
l’amour comme un modèle de gestion des émotions de type « hérisson
endormi ». Voici comment cela se passe : considérez vos sentiments
difficiles à l’égard du sexe comme des hérissons endormis que vous
découvrez dans des endroits inopportuns de votre maison. Si vous trouvez
un hérisson endormi sur le fauteuil dans lequel vous alliez vous asseoir, il
convient de :
1. Découvrir le nom du hérisson. « En ce moment, je me sens… jalouse
/ en colère / blessée / etc. » C’est simple, même s’il y a en général plusieurs
sentiments simultanément. Ce qui est normal.
2. L’accueillir sereinement. Ne le fuyez pas, ne le jugez pas, ne le
couvrez pas de honte et ne vous fâchez pas contre lui. Restez tranquille
avec lui, comme s’il était un invité bienvenu.
3. Écouter ses besoins. La question à poser est la suivante : « Qu’est-ce
qui va être utile ? » Si vous ressentez de la peur ou de la colère, comment
pourriez-vous gérer la menace perçue ? Si vous ressentez de la tristesse, de
la douleur ou du chagrin, comment pourriez-vous guérir de cette
souffrance ? Il n’y aura pas toujours une action concrète que vous pourrez
entreprendre, mis à part laisser ce sentiment s’exprimer et aller jusqu’au
bout de son cycle. Et n’oubliez pas que ce n’est ni la faute ni l’obligation de
votre partenaire ; son aide est entièrement volontaire et vous donne la
chance d’exprimer votre gratitude pour son soutien.
4. Exprimer le sentiment et le besoin. Présentez ce sentiment à votre
partenaire. « Je ressens x, lui dites-vous, et je pense que ce qui aiderait,
c’est y. » Par exemple : « Je me sens menacée par le temps que tu passes
avec ta collègue, et j’aurais besoin d’une sorte de stratégie qui me
rassurerait. » Ou encore : « Je souffre toujours à cause de cette fois où tu as
fait x, et ce dont j’ai besoin, c’est de temps pour traverser ce tunnel
émotionnel afin de pouvoir parvenir à la lumière tout au bout. »
Se mettre en colère contre le hérisson ou en avoir peur ne vous aidera
pas, ni vous, ni le hérisson, et vous ne pouvez pas vous contenter de le
balancer sur les genoux de votre partenaire en criant « HÉRISSON
ENDORMI ! » et vous attendre à ce qu’il gère toutes ses épines piquantes.
C’est votre hérisson. Plus vous resterez calme lorsque vous le manipulerez,
moins vous risquerez de vous blesser ou de blesser autrui.
L’image du hérisson illustre également l’importance de faire des
difficultés un vrai sujet de partage et de coopération pour votre partenaire et
vous-même, plutôt qu’un problème que l’un de vous doit « régler » seul
afin que l’autre puisse être satisfait. Vous devez faire face ensemble à cette
difficulté partagée avec gentillesse et compassion.
CHOISISSEZ DE GUÉRIR
Une amie à moi a décidé de mettre fin à une relation désastreuse et a déclaré (sur
Facebook) : « Je choisis de ne plus souffrir. [Ex-partenaire] ne peut plus me faire de mal. »
La deuxième phrase est 100 % vraie et mérite d’être célébrée. Mais la première phrase n’a
aucun sens du point de vue de l’attachement et de la résolution complète du cycle. Lorsque
vous quittez une mauvaise relation, vous avez toute cette souffrance, cette rage, ce chagrin
et même cette peur accumulés en vous, et il faut pouvoir les évacuer en toute sécurité.
Il est plus logique de dire : « Je choisis de laisser cette blessure guérir. » La guérison
implique toujours de la douleur : si vous vous cassez le doigt, vous avez mal, mais de
moins en moins à mesure que vous guérissez. Il en va de même pour la guérison d’une
blessure émotionnelle. Vous ne pouvez pas décider que votre cœur brisé ne vous fera pas
mal, pas plus que vous ne pouvez décider qu’un os brisé ne vous fera pas mal. Mais vous
pouvez reconnaître que la douleur fait partie du processus de guérison, et vous pouvez faire
confiance à votre cœur pour guérir, tout comme vous faites confiance à vos os pour guérir,
en sachant qu’il vous fera progressivement de moins en moins mal au fil de votre
rétablissement.
L’eau de la vie
À mesure que vous avancez dans ces processus biologiques, votre état
mental évolue, ce qui, à son tour, modifie la manière dont votre cerveau
réagit ou non à des contextes en les considérant comme liés au sexe ou à
des sensations comme étant sexuellement agréables.
Chez la plupart des gens, le stress appuie sur le frein, mais chez
d’autres, il active l’accélérateur – tout le monde est différent. Mais
pour tout le monde, le stress modifie le contexte dans lequel vous
vivez votre réponse sexuelle, ce qui change votre perception des
sensations sexuelles.
La clé pour gérer le stress de sorte qu’il n’interfère pas avec le plaisir
sexuel, c’est d’apprendre à aller jusqu’au bout du cycle – sortir de sa
paralysie, fuir le prédateur, vaincre l’ennemi. Puis célébrer votre réussite,
comme les paillettes qui retombent doucement au fond d’une boule à neige.
Le sexe est un comportement d’attachement qui renforce le lien social
entre adultes. Il prend parfois la forme d’une relation sexuelle passionnée et
joyeuse entre deux personnes qui tombent amoureuses l’une de l’autre. Il
peut parfois prendre la forme d’une relation sexuelle désespérée et
passionnée entre deux personnes dont l’attachement est menacé. De façon
contre-intuitive, c’est lorsque l’attachement est le plus sécure et le plus
stable – lorsque votre relation n’est que satisfaction sans aucun souci ou
« intrigue » – que votre excitation sexuelle peut être reléguée au second
plan.
Le stress et l’amour (sous forme d’attachement) peuvent être complices
du sexe. Le sexe renforce les liens entre les partenaires, aide chacun à se
sentir protégé, aimé et soutenu dans un monde où nous ne sommes pas
toujours en sécurité, où parfois notre seul bouclier contre le chaos et la
terreur est la famille que nous avons choisie.
Les femmes me racontent leurs histoires, et je garde ces histoires dans une bibliothèque
mentale. Une étagère de cette bibliothèque déborde : celle qui abrite les histoires de violence
sexuelle. Comme toutes les autres, ce sont des histoires de découverte impressionnantes, mais
ce sont les plus sombres, celles qui révèlent à quel point le monde peut être cruellement
indifférent à l’autonomie sexuelle des femmes.
L’histoire de Merritt est l’une d’entre elles. La version courte : elle était présidente de
l’alliance homo-hétéro universitaire, très fière, et lui, elle l’apprendra plus tard, avait parié avec
ses amis qu’il réussirait à la « convertir aux mecs ».
C’est écœurant, je sais. J’aimerais que personne n’ait d’histoires pareilles à raconter. Mais
ça arrive bel et bien.
Pendant l’agression, son corps est passé en mode survie – elle s’est figée. Et jusqu’à ce
qu’elle entende parler de la réaction au stress de ses freins, elle n’avait pas compris pourquoi
elle ne s’était pas battue, ne s’était pas enfuie ou n’avait pas donné un coup de pied dans les
couilles du type. Depuis ce jour, elle peine à faire confiance à son corps, et son corps peine à
fonctionner sainement, privé de sa confiance.
Lorsqu’une personne subit un traumatisme, c’est comme si un individu se glissait dans son
jardin et arrachait toutes les plantes qu’elle avait fait pousser avec tant de soin et d’attention. On
ressent de la rage. Du chagrin pour le jardin tel qu’il était avant. Et la crainte qu’il ne refleurisse
jamais.
Mais il va refleurir. C’est ce que font les jardins.
Cette métaphore du jardin parlait à Merritt. Un jour, elle m’a arrêtée dans la rue, téléphone
à la main, pour me dire :
« Je pensais au jardin, et il fallait que je te lise ce truc que ma compagne a trouvé ! »
Le texte disait :
« L’eau de la vie est ici.
32
Je la bois. Mais il m’a fallu faire ce long chemin pour le savoir ! »
« “L’eau de la vie”, m’a-t-elle dit. C’est un poème de Rûmî sur ce type qui perd tout et part
accomplir une quête et comme pour Dorothy dans Le Magicien d’Oz, il avait le pouvoir depuis
le début. Et tu sais ce qu’est l’eau de la vie ?
– Dis-moi. »
(C’était loin d’être le truc le plus bizarre pour lequel on m’ait jamais arrêtée en pleine rue !)
Elle s’est exclamée :
33
« L’amour est l’eau de la vie ! »
Je pense que c’est vrai. Si la sexualité des femmes est un jardin, je vois
l’amour comme la pluie et le stress comme le soleil, ce qui fait pousser le
jardin, à la fois en le nourrissant et en le stimulant. Il ne serait pas
souhaitable d’avoir trop de l’un ou de l’autre, mais avec le bon équilibre –
quand nous sommes « juste assez en sécurité » –, le jardin s’épanouit.
Certaines plantes ont besoin de beaucoup d’eau, d’autres moins :
certains jardins sont ombragés, d’autres ensoleillés toute la journée.
Olivia, avec son accélérateur sensible, a un jardin baigné de soleil,
rempli de plantes qui se délectent de ses rayons – elle est presque un désert,
avec des arbres de Josué et des melampodium leucanthum, ces petites fleurs
sauvages qui s’épanouissent sous un ciel chaud et sans nuages. Mais même
pour elle, trop de bonnes choses peuvent faire flétrir et faner son jardin.
Camilla, en revanche, avec son accélérateur relativement insensible, a
une forêt montagnarde de fougères à larges feuilles et de mousse qui ont
besoin de moins de lumière et de plus de temps pour pousser en abondance.
Quant à Merritt, ses freins sensibles font flétrir son jardin sous la plus
légère des sécheresses.
Et Laurie a l’impression que son jardin a été soumis au réchauffement
climatique, privé de son climat naturel plus vite que ses plantes et elle-
même ne peuvent s’adapter, et elle craint que tout le jardin ne meure. Et elle
a peur qu’en perdant son jardin, elle perde aussi son partenaire.
Il est essentiel d’écouter et de respecter les messages fondamentaux que
votre corps essaie de vous envoyer – « je suis en danger », « je suis brisée »,
« je suis perdue » – pour créer le contexte favorable à l’épanouissement du
plaisir sexuel. Laisser du temps et de l’espace à votre corps pour qu’il
puisse traverser tout le cycle, évacuer le stress et se connecter entièrement
avec votre partenaire, c’est là une étape primordiale pour créer un contexte
qui vous assure un accès optimal au plaisir.
La culture occidentale ne rend pas ce travail facile, car elle construit des
murs de honte et de doute entre nous et notre moi profond, entre « en
danger » et « en sécurité », entre « brisée » et « entière », entre « perdue » et
« à la maison ».
Dans la métaphore du jardin, les messages culturels sur la sexualité des
femmes sont très souvent les mauvaises herbes, envahissantes contre notre
propre volonté, mais que tout le monde doit affronter.
Et c’est le sujet du chapitre 5.
En résumé
Le contexte culturel
Une vie sexuellement positive dans un monde
sexuellement négatif
Quand Johnny et Laurie ont suivi mon conseil et ont cessé de faire l’amour, une chose
inattendue a éclos en Laurie.
Chaque soir, ils se câlinaient et se pelotonnaient quelques minutes avant de dormir, sans
l’angoisse gênante de se demander s’ils allaient avoir des relations sexuelles ce soir-là.
Un soir, dans ce silence, Laurie a demandé à Johnny pourquoi il aimait faire l’amour avec
elle.
Il a donné une réponse absolument excellente. Il a dit :
« Parce que tu es belle. »
Il n’a pas dit : « Parce que tu me plais » ou « Parce que tu es ma femme » ou « Parce que le
sexe est agréable » ou même « Parce que je t’aime ». Il a dit : « Tu es belle. » C’est une chose
parfaite à dire, notamment parce qu’il le pensait vraiment, complètement.
Laurie étant Laurie, elle a éclaté en sanglots. Jusqu’à ce moment, elle n’avait pas pris
conscience à quel point elle était critique envers elle-même au quotidien, à quel point elle avait
honte de ce corps qui avait changé depuis la naissance du bébé, comme si ces changements
reflétaient une faille morale de sa part, comme si une personne vraiment « bonne » ne laisserait
jamais son corps être altéré par un événement aussi dérisoire que d’avoir un bébé. Elle a
commencé à énumérer tout ce qui la complexait – ses seins tombants, son ventre mou, ses
cuisses couvertes de cellulite, les rides qui se creusaient dans sa bouche – une bouche qui
semblait râler en permanence maintenant. Et Johnny s’est mis à caresser chacune de ces parties
« imparfaites » de son corps, en disant : « J’adore ça, pourtant » et « mais c’est magnifique ».
À la fin, il l’a regardée dans les yeux et lui a dit :
« Tu ne le vois vraiment pas. Tu crois vraiment que ces trucs te rendent moins belle.
Chérie, ton corps devient plus sexy chaque jour, simplement parce que c’est le corps de la
femme avec qui je partage ma vie. Ton ventre est notre ventre. J’en ai un aussi. Est-ce que tu
m’aimes moins pour ça ?
– Bien sûr que non.
– Exactement ! Bien sûr que non. »
Évidemment, ce qui s’est passé ensuite, c’est une relation sexuelle époustouflante – rendue
encore plus époustouflante par ces chuchotements qui répétaient : « On n’est pas censés faire
ça ! » Il s’avère que la pression de ce qu’elle est « censée » faire marche dans les deux sens.
Quand Laurie m’a parlé de ça, elle a commencé par me demander s’il était vrai que les
hommes n’étaient pas aussi gênés par les transformations du corps que les femmes le pensent.
« Oui, j’ai entendu cela à maintes reprises dans la bouche des hommes, lui ai-je répondu,
mais surtout de la part des hommes coparents. Ils ne remarquent pas les changements que nous
remarquons, ou ils les remarquent, mais ça ne change rien à ce qu’ils ressentent, ou ils les
remarquent et ils aiment sincèrement ça. Nous sous-estimons les hommes. »
Elle m’a donc raconté son histoire de « tu es belle », en soulignant que pendant toute la
durée de leur rapport sexuel, elle n’a jamais eu l’impression que c’était lui qui menait la danse.
Elle avait juste l’impression qu’il lui donnait de l’amour à un moment où elle en avait besoin.
Eh oui, être sexothérapeute, c’est vraiment le plus beau métier du monde quand on vous
raconte des histoires comme celle-ci.
Ce chapitre est consacré aux obstacles qui se dressaient sur le chemin de Laurie, sans
qu’elle en soit pleinement consciente, et à comment elle et Johnny ont réussi à les faire tomber.
Rares sont ceux qui adhèrent pleinement à ces messages. Pourtant ils
sont là, empiétant sur nos jardins, et plus nous serons à même de voir ce
qu’ils sont vraiment, plus nous serons capables de les éliminer.
Ensuite, je parlerai de l’autocritique du corps. Cette question est
tellement ancrée dans la culture occidentale que la plupart des femmes
remarquent à peine à quel point elle est omniprésente et toxique. Elle est
tellement bien implantée, en fait, que beaucoup de femmes la jugent
réellement importante et bénéfique. Je vous parlerai des recherches qui
affirment le contraire. Si le seul changement que vous faites après avoir lu
ce livre, c’est de réduire votre autocritique physique, rien que cette mesure
révolutionnera votre bien-être sexuel.
Ensuite, je parlerai d’une autre émotion fondamentale, au même titre
que le stress et l’attachement : le dégoût. Comme l’autocritique corporelle,
le dégoût est tellement ancré dans la culture sexuelle qu’il est difficile de
savoir ce que serait notre bien-être sexuel sans lui. Les études sont
cependant de plus en plus nombreuses à conclure que le dégoût nuit à notre
bien-être sexuel, tout comme la critique de son propre corps, mais il existe
des moyens de l’éliminer, si vous le souhaitez.
Et ce sera le sujet de la dernière partie de ce chapitre. Je décrirai des
stratégies basées sur la recherche scientifique qui visent à créer un
changement positif à la fois en matière d’autocritique et de dégoût :
l’autocompassion, la dissonance cognitive et l’éducation élémentaire aux
médias. L’objectif, c’est de vous aider à reconnaître ce que vous avez
appris, volontairement ou non, afin de vous aider à choisir si vous voulez
continuer à croire en tout cela. Vous pouvez très bien choisir de conserver
une grande partie de ce que vous avez appris – ce qui importe, c’est que
vous le choisissiez, au lieu de laisser ces croyances au sujet de votre corps
et de votre sexe être déterminées à votre place par le hasard de la culture et
de la famille dans lesquelles vous êtes née. Lorsque vous prenez le temps de
prendre conscience de vos croyances non choisies, et de décider si oui ou
non vous voulez garder ces croyances, vous vous donnez le pouvoir de vous
assurer le bien-être sexuel qui vous convient, sur mesure.
Trois messages
Nombre de mes étudiantes pensent s’y connaître pas mal en sexualité,
jusqu’au moment où elles découvrent, à peu près à la moitié du premier
cours, qu’en fait, ce n’est pas franchement le cas…
Le sujet qu’elles maîtrisent – et elles s’y connaissent vraiment à fond –
ce n’est pas la sexualité elle-même, mais plutôt ce que leur culture croit du
sexe. Elles, nous – tout le monde est entouré de ces messages qui illustrent
ces croyances, et ils ne sont pas seulement un peu légers sur les faits
prouvés, mais carrément en contradiction avec eux-mêmes.
Jusqu’à ce que je commence à lire de vieux manuels sur la sexualité, les
fausses croyances que mes élèves rapportaient en cours me laissaient
perplexe. Elles étaient là, noir sur blanc, écrites il y a parfois plus d’un
siècle – ces mêmes idées fausses que mes élèves croyaient. Les élèves ont
intériorisé ces idées dans leurs familles et leurs cultures, sans qu’aucune
n’ait jamais lu ces livres.
Un jour en classe, j’ai lu à haute voix quelques définitions du « sexe ».
D’abord, un extrait de Ideal Marriage : Its Physiology and Technique de
T. H. van de Velde, daté de 1926. Il y écrit que :
« les “rapports sexuels normaux” sont les rapports qui ont lieu entre
deux individus sexuellement mûrs de sexes opposés ; qui excluent la
cruauté et l’utilisation de moyens artificiels pour produire des
sensations voluptueuses ; qui visent directement ou indirectement à
aboutir à la satisfaction sexuelle, et qui, ayant atteint un certain
degré de stimulation, se terminent par l’éjaculation – ou l’émission
– du sperme dans le vagin, à l’apogée presque simultanée de la
sensation – ou de l’orgasme – pour les deux partenaires 1. »
Si vous avez envie ou aimez le sexe, vous êtes une salope. Votre virginité
est votre atout le plus précieux. Si vous avez eu trop de partenaires (« trop »
= plus que votre partenaire masculin), vous devriez avoir honte. Il n’y a
qu’une seule bonne manière de se comporter et une seule bonne manière de
ressentir le sexe : ne rien ressentir du tout, mais satisfaire l’homme à qui
appartient votre corps. Le sexe ne fait pas partie de ce qui rend une femme
digne d’être aimée ; il ne peut être qu’une partie de ce qui rend une femme
indigne d’être aimée. Il peut la rendre « désirable » – et beaucoup de
femmes tentent d’être désirables, mais seulement à défaut d’être digne
d’amour. Si vous êtes sexuellement désirable, vous êtes, par définition,
impossible à aimer.
Et une salope.
C’est le plus vieux message, il n’a changé que superficiellement au
cours des trois derniers siècles. Les exemples sont presque trop nombreux
pour n’en choisir qu’un, mais prenons un paragraphe de questions
rhétoriques tiré des Sermons pour les jeunes dames de James Fordyce,
publiés en 1766 et lus à haute voix par M. Collins aux dames dans le roman
de Jane Austen, Orgueil et préjugés. Le message principal de cet ouvrage
est le suivant : « les femmes sont attirantes quand elles sont douces,
ignorantes et pures ». Dans ce passage, Fordyce parle de « diversions
publiques » impliquant « des serments, des imprécations, des doubles sens,
tout ce qui est obscène » (il parle d’aller au théâtre) :
« N’y a-t-il point de degrés entre l’état de pureté qui convient aux
Vierges, & une prostitution décidée ? N’est-ce rien d’avoir l’âme
fouillée, l’imagination déréglée, les passions en fermentation ? […]
Vous direz en vain qu’il ne peut y avoir, pour le plus grand nombre,
de danger dans le goût des assemblées publiques. »
paru en 1918, intitulé Married Love, dit ceci des relations sexuelles :
L’orgasme simultané peut être très agréable. Mais vous savez aussi bien
que moi que ce n’est pas le signe d’une expérience sexuelle « parfaitement
adaptée ». Et pourtant, près de cent ans plus tard, l’idée de l’orgasme
simultané pendant les rapports sexuels persiste comme un faux marqueur
culturel de « l’excellence sexuelle ».
Le Message Médiatique : « Vous êtes inadaptée. »
La fessée, les jeux avec de la nourriture, les ménages à trois… vous avez
déjà fait tout ça, n’est-ce pas ? Allez, vous avez au moins eu des orgasmes
clitoridiens, vaginaux, utérins, énergétiques, prolongés, multiples ? Et vous
maîtrisez au moins trente-cinq positions sexuelles différentes ? Si vous
n’essayez pas toutes ces trucs, vous êtes frigide. Si vous avez eu trop peu de
partenaires, si vous ne regardez pas de porno et si vous n’avez pas une
collection de vibromasseurs dans votre table de chevet, vous êtes prude.
Aussi : vous êtes trop grosse et trop mince ; vos seins sont trop gros et trop
petits. Votre corps n’est pas comme il faut. Si vous ne faites rien pour le
changer, vous êtes paresseuse. Si vous vous plaisez telle que vous êtes, vous
vous contentez de peu. Et si vous osez vous aimer activement, vous êtes
une pétasse vaniteuse. En bref, vous faites tout n’importe comment. Faites
donc les choses autrement. Non, pas comme ça non plus, essayez autre
chose. Tous les jours, toute la vie.
C’est le message le plus récent, qui suit de près l’arrivée de la télévision
et de la pilule contraceptive, au milieu du XXe siècle environ. Pour en avoir
un exemple, il suffit de regarder derrière le comptoir de la caisse de
n’importe quel kiosque, où des revues annoncent en caractères brillants sans
empattement toutes les choses passionnantes que vous pourriez (et, bien sûr,
devriez) faire au lit.
Vous savez que c’est juste pour rire. Vous n’essayez pas vraiment d’être
à la hauteur des personnages d’une émission de télévision. Mais c’est là,
perturbant votre jardin, que vous le souhaitiez ou non.
Camilla avait dit : « Les images que nous voyons – ou ne voyons pas – sont importantes. Elles
nous disent ce qui est possible. »
Et c’est tout aussi vrai pour les histoires que nous racontons que pour les images qu’ont les
personnages dans ces histoires.
Camilla a passé une grande partie de son adolescence à lire de vieux romans policiers des
années 1970 et 1980. Ces histoires l’ont tellement marquée qu’elle a même écrit son mémoire
de licence sur les politiques de genre et de race dans l’art éphémère.
Mais après avoir compris le principe du contexte et le modèle à double contrôle, elle a relu
une collection de romans d’amour, en analysant les contextes que les récits ont créés autour de
la sexualité des femmes.
Et ces contextes étaient bizarres.
Elle nous a dit, à Henry et à moi :
« Voici donc la trame universelle : l’héroïne est une Fille Bien, qui n’a pas d’accélérateur et
des freins sensibles, qui n’a jamais eu la moindre sensation sexuelle jusqu’à ce qu’elle rencontre
le héros. On sait que c’est le héros parce que soudain, l’accélérateur de Fille Bien s’emballe
complètement. Mais Fille Bien doit garder les freins serrés parce que le sexe est
intrinsèquement mauvais et dangereux, et donc bien sûr le Héros couche quand même avec
elle… »
Henry a haussé un sourcil et secoué la tête en entendant ça. Je me suis passé la main sur le
visage.
« Mais peu à peu, la pureté et la bonté de son vagin immaculé “apprivoise” le héros, ils
tombent amoureux et se marient. »
C’est à la fois hilarant et tragique, car ce n’est pas ainsi que la sexualité des femmes
fonctionne réellement.
Mais elle y a réfléchi encore un peu plus et a ajouté :
« Je me demande donc… et si la représentation du désir sexuel, des émotions et des
relations des femmes dans les médias était tout aussi déformée que la représentation du corps
des femmes ? Et si tout ce qui concerne le fonctionnement du sexe était aussi mal dessiné que
les filles dans les mangas ? Et si tout ce que la culture dit sur le sexe était faux, et que mon
accélérateur très lent était en fait tout à fait normal ? »
Évidemment. Elle est faite des mêmes parties que tout le monde, organisées d’une manière
unique.
« Sale »
Depuis que j’ai mon propre cabinet, je mets à disposition un panier de doses
de lubrifiants à usage unique. De couleurs différentes, elles ressemblent un
peu à des bonbons ou à des brillants à lèvres. Généralement, lors de sa
première visite à mon bureau, une étudiante plongeait son doigt dans le
panier, attirée par les couleurs, et demandait : « Qu’est-ce que c’est ?
– Différentes sortes de lubrifiants, répondais-je à chaque fois. N’hésitez
pas à en prendre autant que vous voulez. »
Environ la moitié des étudiantes répondaient : « Cool ! » et fouillaient
pour en trouver quelques-unes qu’elles aimaient. Et l’autre moitié retirait sa
main comme si je venais de leur dire que c’étaient des sachets de crottes de
nez.
Cette réaction de retrait acquise qui survient face à des choses
« dégoûtantes » est du dégoût sexuel.
25
Voici un exercice qui vous aidera à développer votre autocompassion .
1. Mettez par écrit une description de la situation qui vous tourmente – il peut s’agir d’une
question liée à votre fonctionnement sexuel, votre relation amoureuse (ou manque de
relation amoureuse), votre travail ou votre corps, ou tout autre chose. Veillez à inclure les
pensées autocritiques qui vous minent.
2. Ensuite, écrivez le nom d’une bonne amie en haut de la page et imaginez que c’est cette
personne qui décrit ce problème. Imaginez qu’elle vous demande de l’aide et écrivez ce
que vous lui répondriez. Imaginez que vous êtes dans le meilleur état d’esprit possible, très
empathique, calme et d’un grand soutien, et dites-lui tout ce qu’elle a besoin d’entendre.
La version courte de cet exercice, c’est : « Ne vous dites jamais rien à vous-même que
vous ne voudriez pas dire à votre meilleure amie ou à votre fille. »
Olivia m’a confié cette histoire : la façon dont elle a compris comment arrêter d’appuyer
sur l’accélérateur quand elle était stressée.
Un soir pendant la semaine des partiels, à l’heure du coucher, Olivia a essayé de faire
l’amour avec son petit ami. Patrick, comme on pouvait s’y attendre, était trop fatigué, et l’a dit
tout haut.
Suite à son doux refus, Olivia s’est mise à douter d’elle comme une rivière en crue. Et si sa
libido n’était ni cool, ni sexy, ni amusante, ni puissante ? Et si elle essayait désespérément –
pathétiquement – d’attirer l’attention de la seule façon qu’elle connaissait ? Et si, en fait, elle
essayait simplement de contrôler les gens avec sa sexualité ? Et si… et son cœur battait
tellement la chamade qu’elle avait l’impression de ne pas pouvoir respirer.
Dans l’obscurité, elle a tendu la main à son partenaire. « Patrick ?
– Ouais.
– Je suis en train de craquer complètement.
– C’est la semaine des examens. Ça arrive. Respire profondément.
– Non, je suis en train de craquer à propos du sexe.
– Bébé, je suis vraiment crevé…
– Non, non, je sais, ce n’est pas ce que je veux dire ! »
Elle s’est mise à expliquer, dans une panique haletante, le flot de ses doutes, se souvenant
tout à coup que sa théorie sur la testostérone, ses organes génitaux et sa sexualité était fausse.
« Et si tout ce que je me suis jamais raconté sur ma propre sexualité n’était qu’une invention
pour masquer la vérité, à savoir qu’en fait, je ne suis qu’une brute qui utilise ma sexualité pour
te manipuler ? Et si j’étais hors de contrôle et, en gros, un danger pour moi-même et les
autres ? »
Patrick a allumé la lumière et l’a observée. « Ouah, je ne savais pas que tu subissais encore
autant ce lavage de cerveau culturel au fond de ta tête. C’est comme si la partie anxieuse de ton
cerveau croyait sérieusement à tous ces trucs genre “les femmes qui aiment le sexe sont des
sorcières” et quand tu es stressée, toutes ces croyances remontent avec ton stress – même si la
version calme de ton cerveau sait parfaitement à quel point tu es géniale. Continue de respirer,
bébé, tu retiens ta respiration, là. »
Et voilà.
Lorsqu’elle était heureuse et détendue, elle n’avait qu’une seule opinion d’elle-même : elle
avait confiance en elle, et ressentait de l’autocompassion. Lorsqu’elle était débordée, elle avait
une tout autre opinion d’elle-même : autocritique et même maltraitante envers elle-même.
Et les opinions négatives qu’elle avait lorsqu’elle était stressée ne faisaient qu’ajouter un
niveau de stress supplémentaire et aggraver la situation, ce qui la rendait d’autant plus
autocritique, provoquant en fin de compte l’activation de ses stratégies de gestion les moins
adaptées. C’était comme essayer d’éteindre un feu en versant de l’huile dessus.
La solution ?
Arrêtez de jeter de l’huile sur le feu. Remarquez que vous êtes en train de le faire, et faites
autre chose. Laissez le feu s’éteindre de lui-même.
Olivia avait déjà compris que cet exercice l’aidait à aller jusqu’au bout du cycle de stress
biologique sans avoir à freiner ou à accélérer. Dans le chapitre suivant, elle va apprendre à faire
la même chose avec le sexe.
L’histoire de Laurie et Johnny à propos du « Tu es belle » ressemble à une histoire sur l’image
du corps ou le dégoût, mais en réalité, elle parle d’amour. La honte physique que ressent Laurie
n’est pas seulement due aux modifications de son corps. Elle avait absorbé les croyances
culturelles relatives à la signification de ces altérations pour elle, en tant que personne. Et parce
qu’elle croyait que son corps était la preuve qu’elle était devenue une personne moins bien, elle
s’est cachée derrière un mur émotionnel, afin que personne ne puisse voir les parties d’elle dont
elle avait honte. Mais ce mur se dressait aussi entre elle et l’amour dont elle avait besoin.
Nous construisons des murs pour de nombreuses raisons. Pour protéger les parties
vulnérables de nous-même. Pour cacher ce que nous ne voulons pas que les autres voient. Pour
empêcher les gens d’entrer. Pour nous empêcher de sortir.
Mais un mur, c’est juste un mur : une barrière qui ne fait pas la différence, et s’érige de la
même manière pour tout. Si vous vous cachez derrière un mur pour vous protéger de la douleur
du rejet, alors vous bloquez aussi la joie. Si vous ne laissez jamais les autres voir les parties que
vous voulez cacher, alors ils ne verront jamais les parties que vous voulez qu’ils connaissent.
Quand Laurie a fait tomber son mur, l’amour s’est déversé sans retenue.
À vous de choisir.
Sans blague : votre santé n’est pas déterminée par votre poids.
Vous pouvez être en bonne santé – et belle – quelle que soit la taille
de vos vêtements. Et lorsque vous prenez plaisir à vivre dans votre
corps à l’instant précis, et que vous vous traitez avec bienveillance
et compassion, votre vie sexuelle s’améliore.
LE SEXE EN ACTION
CHAPITRE 6
L’excitation
Lubrification ne veut pas dire excitation
« Je l’ai laissé m’attacher les poignets au-dessus de la tête alors que
j’étais debout, et il m’a positionnée de manière à ce que je
chevauche cette barre qui s’appuie sur ma vulve, tu sais, comme un
manche à balai. Et puis il est parti ! Il est juste parti, et c’était
totalement ennuyeux, et quand il est revenu, je lui ai dit : “Ça ne me
branche pas.” Il a regardé la barre et il m’a regardée et il a dit,
“Alors pourquoi tu mouilles ?” Et j’étais complètement confuse
parce que ça ne me branchait pas du tout, mais mon corps, lui,
réagissait clairement. »
Que se passe-t-il lorsqu’un homme prend un traitement contre les troubles de l’érection ?
Le médicament augmente l’afflux sanguin vers les organes génitaux pendant la stimulation
sexuelle.
Que se passe-t-il lorsqu’une femme prend un traitement contre les troubles de l’érection ?
La même chose.
Et que se passe-t-il lorsque vous augmentez l’afflux sanguin vers les parties génitales d’une
femme ?
Pas grand-chose. Pourquoi ? Parce que : non- concordance.
Olivia et Patrick en ont fait l’expérience : ils ont pris simultanément un comprimé contre
les troubles de l’érection pour tenter de renverser la dynamique de la poursuite – et aussi, parce
que, pourquoi pas ? (À noter : « Pourquoi pas ? » inclut l’absence de bénéfice médical connu et
un risque médical inconnu. Prendre un médicament sur ordonnance sans la surveillance et l’avis
d’un médecin est toujours risqué. Mais soyons réalistes. Les gens le font. Mais ne le faites pas.
Ce médicament ne fait pas ce que vous voudriez qu’il fasse, comme nous allons le voir.)
Les lèvres d’Olivia – celles de son visage – ont viré au rouge foncé, écarlate, de sorte
qu’elle avait l’air de porter du rouge à lèvres. À part ça, elle n’a remarqué aucun effet
particulier. Pour une fois, Olivia a vécu la même expérience que la plupart des femmes.
Patrick, en revanche, avait l’impression d’avoir pris un aphrodisiaque. Olivia lui paraissait
irrésistiblement belle. Il ressentait tellement chaque centimètre de sa peau que c’était comme si
le volume de ses terminaisons nerveuses avait augmenté, de sorte que chaque sensation était
amplifiée, magnifiée. Après avoir pris ce médicament, ils sont sortis manger une glace, pour
s’occuper en attendant qu’il fasse effet, et ils ont dû faire demi-tour parce que Patrick avait hâte
de déshabiller Olivia.
Les traitements contre les troubles de l’érection ne sont pas responsables de ces effets : ils
ne font qu’augmenter le flux sanguin vers les organes génitaux. En revanche, puissant est le
pouvoir du placebo. Le même phénomène se produisait parfois lorsque Patrick buvait un peu
trop lors de mariages et qu’Olivia était la conductrice désignée.
Pour une fois, Olivia était celle qui éprouvait le moins d’intérêt sexuel, et cette rare
expérience fut une révélation. En tant que femme qui s’est toujours sentie portée par son intérêt
sexuel, traînant son partenaire par la main, se trouver enfin dans la position de celle qui ne
bougeait pas et se faisait entraîner, a constitué, pour ainsi dire, une expérience inspirante. Elle
s’est autorisée à recevoir l’attention érotique de Patrick. Elle a laissé son excitation monter aussi
lentement qu’elle le voulait.
Elle a laissé les choses se passer, au lieu d’avoir l’impression de subir son propre intérêt
qui l’entraînait vers l’avant.
Toutes les mêmes parties, organisées
de manière différente :
« c’est un restaurant ici »
La non-concordance renvoie à la relation entre le système périphérique – les
organes génitaux – et le système central – le cerveau : deux systèmes
distincts, mais interconnectés. Et la relation entre ces systèmes varie d’une
personne à l’autre et d’un contexte à l’autre.
Par exemple, imaginez qu’un cerveau et une vulve sont un couple
d’amis en vacances ensemble, déambulant dans la rue en essayant de
décider où dîner.
La vulve remarque tous les restaurants qu’ils croisent, depuis le
thaïlandais jusqu’au pub, en passant par le fast-food ou le restaurant
gastronomique (tout en ignorant tous les musées et les magasins), et
déclare : « C’est un restaurant ici. On pourrait y manger. » Elle n’a pas
d’opinion tranchée, elle est juste douée pour repérer les restaurants. Pendant
ce temps, le cerveau, lui, évalue tous les facteurs contextuels que j’ai décrits
aux chapitres 4 et 5 pour décider s’il veut essayer un établissement. « Cet
endroit ne sent pas assez bon », ou « Cet endroit n’est pas assez propre »,
ou « Je ne suis pas d’humeur à manger une pizza ». La vulve peut même
remarquer une animalerie et dire : « Il y a de la nourriture pour animaux ici,
donc bon… » et le cerveau lève les yeux au ciel et continue à marcher.
Ils passent devant un musée, et le cerveau dit : « J’ai entendu dire qu’il
y avait un super bistrot dans ce musée », et la vulve rétorque : « Ce n’est
pas un restaurant. » Mais le cerveau dispose de bien plus d’informations
que les parties génitales. Supposons donc que les deux amis entrent dans le
musée et que la vulve voie le petit bistrot à côté de la boutique de cadeaux.
Elle dit alors : « Oh, je vois, c’est un restaurant. On pourrait manger ici », et
le cerveau dit : « Oui, ça a l’air super. » À la fois pertinent et attirant !
Mais ça ne se passe pas toujours comme ça. Chez les femmes
lesbiennes, c’est plutôt 11 : les organes génitaux ne remarquent que certains
restaurants (disons, les brasseries), et ne remarquent aucun autre type de
restaurant. Une fois qu’ils ont trouvé un restaurant, le cerveau leur dit :
« Une brasserie ! J’adore les brasseries », et la vulve est d’accord : « C’est
un restaurant ici, on pourrait y manger », à moins qu’il n’y ait une raison
assez valable de ne pas le faire, comme une bande d’ivrognes qui se battent
devant. Et même dans ce cas, si nos amis en vacances tombaient sur cette
brasserie avec la bagarre dehors, les organes génitaux pourraient toujours
dire : « C’est un restaurant », tandis que le cerveau l’entraînerait au loin en
criant : « On se tire d’ici ! Appelez les flics ! »
Vous devriez maintenant être capable de le réciter en dormant : nous
sommes toutes faites des mêmes parties, organisées de manières différentes.
La relation entre le cerveau et les organes génitaux suit le même principe.
Ainsi, les parties génitales peuvent apprendre à associer certains stimuli
à certaines réponses physiologiques qui n’ont parfois aucun rapport avec le
désir ou même le plaisir. La pression exercée sur la vulve de mon amie de
fac – la barre entre ses jambes lorsqu’elle était attachée – a déclenché une
réponse génitale automatique sans déclencher de plaisir ou de désir. « C’est
un restaurant », a dit sa vulve, mais son cerveau, lui, n’était pas intéressé.
La non-concordance dans
les autres émotions
La non-concordance n’est pas réservée aux questions de sexualité. Elle se
manifeste dans toutes sortes d’expériences émotionnelles, et c’est un casse-
tête pour de nombreux chercheurs dans le domaine des émotions 12.
Par exemple, dans une étude menée sur les « frissons » que nous
ressentons lorsque nous entendons de la musique émouvante, les
participants ont écouté « My Heart Will Go On » de Céline Dion. La moitié
d’entre eux ont déclaré avoir eu des frissons – expérience subjective – et
14 % ont présenté une piloérection (la chair de poule) – réaction
physiologique. Parmi ceux qui ont écouté « Bittersweet Symphony », de
The Verve, 60 % ont eu des frissons – expérience subjective – mais aucun
n’a présenté de piloérection – réponse physiologique 13.
D’un point de vue scientifique, c’est une grossière simplification que de
dire que les émotions se décomposent en « trois niveaux », mais dans le
cadre d’une vulgarisation entre personnes ordinaires, c’est un raccourci
utile.
Tout d’abord, on a la réponse physiologique involontaire – le rythme
cardiaque et la pression artérielle, la dilatation des pupilles, la digestion,
la transpiration, le fonctionnement du système immunitaire. La réponse
génitale entre dans cette catégorie, et mon amie de fac qui a mouillé
alors qu’elle s’ennuyait ferme, attachée en attendant le retour de son
partenaire, a connu ce genre de réponse… et rien de plus.
Avec la physiologie vient la réaction expressive involontaire à un
sentiment : le langage corporel, ou, plus précisément, le
« paralangage », des éléments tels que l’inflexion de la voix, la posture
et l’expression du visage, tous les indices que nous utilisons pour
déduire l’état intérieur d’une autre personne. Un dîner romantique réussi
regorgera de changements physiologiques et de postures, de gestes et
d’expressions inconscientes : vous vous surprenez à poser votre main
sur le bras de votre ami, à le regarder dans les yeux et à lui sourire. Ces
altérations sont souvent influencées par la culture, mais ont un caractère
très universel et peuvent être contrôlées intentionnellement dans une
certaine mesure, bien que pas autant que vous pourriez le penser. Avez-
vous choisi l’expression sur votre visage à cet instant ?
Enfin, il y a l’expérience subjective d’un sentiment. Si quelqu’un vous
demande comment vous vous sentez et que vous vous mettez à votre
propre écoute afin de trouver la réponse, ce que vous remarquez est une
expérience subjective. Il s’agit de l’excitation subjective – l’expérience
consciente du « J’ai tellement envie de toi que c’est insupportable » –
qui peut ou non être accompagnée d’une réponse génitale ou d’un
contact visuel.
Il se peut même qu’il existe des différences stables entre les deux sexes
en ce qui concerne la non-concordance entre la réaction physiologique et
l’expérience subjective d’émotions autres que l’excitation sexuelle. Quelle
qu’en soit la raison – culturelle, biologique ou les deux (probablement les
deux) –, les femmes présentent davantage de chevauchements entre leurs
expressions faciales et leur expérience subjective, tandis que les hommes
présentent davantage de chevauchements entre la conductance cutanée
(physiologie) et leur expérience subjective 14. Ce que ces recherches tendent
à montrer, c’est que les expériences émotionnelles des femmes sont plus
susceptibles de correspondre à leurs expressions faciales et leurs inflexions
vocales, tandis que les expériences émotionnelles des hommes sont plus
susceptibles de correspondre à leur rythme cardiaque et leur circulation
sanguine.
Qu’il y ait ou non une différence entre les sexes, il est raisonnable de
penser que ce que vous vivez sur le plan émotionnel ne correspond pas
nécessairement à ce que font votre cerveau et votre corps. Ça ne fait pas de
vous une menteuse ou une folle, et ça ne signifie pas que vous êtes dans le
déni. Ça veut simplement dire que vous êtes un être humain, dont les
réactions émotionnelles et motivationnelles peuvent être plus complexes
que celles de n’importe quelle autre espèce. La non-concordance se
manifeste dans de nombreux types d’expériences émotionnelles, et les
hommes et les femmes vivent la non-concordance différemment dans ces
émotions. Ce n’est pas une question de sexualité, c’est une question
d’humanité.
Il faut pouvoir se détendre avant de pouvoir faire confiance. Mais les femmes qui mettent du
temps à faire confiance, comme Merritt, ne réussissent pas à se détendre tant qu’elles n’ont pas
confiance. C’est un problème.
La solution est venue alors qu’elle tentait de résoudre un autre problème.
Merritt était une femme dans la quarantaine, au seuil de la ménopause, et le manque de
lubrification semblait tout simplement faire partie de son quotidien. Elle se préoccupait
davantage de sa partenaire. Carol était la mère biologique de leur fille adolescente, et souffrait
encore de douleurs génitales intermittentes depuis son accouchement. Je lui ai recommandé
d’utiliser du lubrifiant pour rendre les rapports sexuels manuels plus confortables.
Merritt était partante. Tout ce que j’ai eu à dire, c’était : « Il y a un tas de types de
lubrifiants différents, donc tu pourrais… » et elle était sur son ordinateur, à la recherche d’un
assortiment disponible en ligne.
La boîte est arrivée au courrier. Elles se sont donné rendez-vous – vendredi soir, leur ado
étant alors partie faire du camping – et quand le soir est tombé, elles ont partagé une demi-
bouteille de vin et se sont mises au travail.
Elles ont pris au sérieux l’importance du contexte et ont commencé par un film
15
romantique, puis se sont raconté à tour de rôle leur « Notre histoire » . C’est un truc qu’elles
ont adapté de la recherche sur les relations menée par John Gottman : elles se racontent
comment elles se sont rencontrées et sont tombées amoureuses, pour se rappeler l’une à l’autre
(et à elles-mêmes) le sens de leur vie commune, leur affection et leur admiration l’une pour
l’autre. Cette méthode fonctionne différemment pour chacune : elle active l’accélérateur de
Carol en la faisant se sentir amoureuse, et elle désactive les freins de Merritt en lui faisant sentir
qu’elle fait confiance à sa compagne.
Or le problème de Merritt n’était pas de faire confiance à sa partenaire, mais à elle-même.
Et ce qu’elle a appris ce soir-là, c’est qu’il est plus facile de se faire confiance quand elle est en
mesure de constater que son corps apporte du plaisir à sa compagne.
En essayant les différents types de lubrifiants, le sexe est devenu un jeu, au lieu d’un souci,
ce qui lui a permis de passer de ce qu’elle appelle un « cerveau bruyant », où tout est perçu
comme une menace, à un « cerveau calme », où chaque chose est perçue avec curiosité et
plaisir. (Vous vous souvenez du rat qui n’aimait pas Iggy Pop ?)
Elle a fait très attention à la manière dont Carol percevait chaque type de lubrifiant.
Elle s’est détendue en observant le plaisir de sa partenaire, et a découvert que lorsqu’elle se
connectait à l’expérience de donner du plaisir, son propre plaisir pouvait se répandre en elle,
sans tous les freins, inquiétudes et tracas.
Comme un poisson dans l’eau.
Cette libération a été rendue possible lorsqu’elle s’est détournée de ses propres soucis pour
se concentrer sur une mission : procurer plus de plaisir à sa compagne.
L’étape suivante, bien sûr, a été de pouvoir profiter de son propre plaisir. Mais avant d’y
parvenir, elle a dû abattre un mur dans sa propre tête. Elle le fera au chapitre 7.
Erreur de lubrification no 1 : penser que
réponse génitale = désir
J’ai remarqué trois erreurs au sujet de la non-concordance, et qui perpétuent
de dangereux mythes culturels sur la sexualité des femmes. Finissons-en
avec elles, d’accord ?
La première erreur dangereuse liée à la non-concordance, c’est de ne
pas reconnaître qu’elle existe au départ. Appelons-la : erreur de
lubrification no 1.
La non-concordance n’est pas une nouveauté – ou ne devrait pas l’être.
Depuis une ou deux décennies, les chercheurs dans le domaine du sexe ont
une idée de plus en plus claire de l’existence même du phénomène de non-
concordance. Elle a fait la une des journaux, elle a été décrite dans des
livres sur la sexualité… et pourtant mes étudiantes et les lectrices de mon
blog sont régulièrement surprises de l’apprendre, et tant le porno que la
culture dominante continuent de perpétuer le mythe selon lequel réponse
génitale = désir et plaisir. Maintenant que vous savez ce qu’est la non-
concordance, vous verrez des gens se tromper partout.
Alors, pourquoi une telle erreur ? Pourquoi est-ce que ce concept
semble si nouveau, alors qu’un livre sur le sujet paraît tous les deux ans ?
Quand j’ai posé cette question lors de mon cours, une élève a levé la
main et a dit avec une aigreur assez comique : « Le patriarcat. »
Absolument.
Pendant des siècles, la sexualité des hommes a été la sexualité « par
défaut », « de référence », de sorte que là où les femmes diffèrent des
hommes, les femmes sont étiquetées comme « brisées », « cassées ». Même
les hommes qui diffèrent du scénario traditionnel sont étiquetés comme
« brisés ». Les hommes ont, en moyenne, un chevauchement de 50 % entre
leur réponse génitale et leur excitation subjective, et donc, selon le mythe
patriarcal, tout le monde devrait avoir un chevauchement de 50 %.
Mais les femmes ne sont pas des versions cassées des hommes : ce sont
des femmes.
Si les hommes n’étaient pas toujours le point de référence « par
défaut », nous nous demanderions tout aussi bien : « Qu’est-ce qui se passe
chez les hommes pour qu’ils aient un tel chevauchement ? » et pas
seulement : « Qu’est-ce qui se passe chez les femmes pour qu’elles aient si
peu de chevauchement ? » Mais personne ne se pose la question pour les
hommes. Aucune étudiante, aucune lectrice de blog, aucune collègue
sexothérapeute, personne, nulle part, ne m’a jamais demandé : « Pourquoi
les hommes sont-ils aussi concordants ? Est-ce que ce n’est pas un… ? »
Les seules personnes qui se posent cette question sont les chercheurs en
sexualité.
Quand nous aurons surmonté ce mythe de l’homme par défaut, nous
cesserons de confondre « varier » et « être cassé ». Nous nous souviendrons
que, comme pour la taille à l’âge adulte que j’ai décrit au chapitre 1, les
gens peuvent varier davantage les uns par rapport aux autres dans le même
groupe, que d’un groupe à l’autre.
Mais d’ici là, je vais combattre le patriarcat par le patriarcat. Faisons en
sorte que la non-concordance soit universellement reconnue, en comprenant
les conséquences qu’elle a sur les hommes.
Tous les mecs, à un moment donné de leur vie, font cette expérience :
ils ont envie de sexe, veulent avoir une érection, et l’érection reste tout
simplement absente. À cet instant, l’érection (ou l’absence d’érection) n’est
pas une mesure de son intérêt – il peut même se réveiller le lendemain
matin avec une érection, et à ce moment-là, ce n’est rien d’autre qu’un
désagrément.
Les gars se réveillent parfois avec des érections, non parce qu’ils sont
excités, mais parce qu’ils sortent d’un sommeil paradoxal, phase pendant
laquelle les mouvements oculaires sont rapides (REM), et l’un des
phénomènes qui se produit pendant le sommeil paradoxal, c’est la
« tumescence nocturne du pénis ». Les érections vont et viennent tout au
long du cycle de sommeil, que l’homme rêve de sexe ou non. Ça ne veut
rien dire, c’est juste une érection : c’est non concordant.
La plupart des garçons, vers l’adolescence, font l’expérience d’une
réponse génitale indésirable. Quand ils sont assis au fond du bus, qu’ils
aperçoivent la silhouette d’une prof, que leur propre pantalon est mal ajusté,
ou même quand ils sont excités par des activités non sexuelles (conduire
une voiture, manger un beignet, n’importe quoi) : tout ça peut activer les
voies sexuelles et générer une réaction physiologique chez un adolescent.
Or la réponse génitale n’est pas un désir ; la réponse n’est même pas un
plaisir. Il s’agit simplement d’une réponse. Pour tout le monde,
indépendamment de ses organes génitaux. Ce n’est pas parce qu’un pénis
réagit à une idée, à une scène ou à une histoire particulière que le garçon
propriétaire dudit pénis l’aime ou la désire forcément. Ça veut simplement
dire que cette idée, cette scène ou cette histoire a activé les voies
appropriées – c’est de l’apprentissage. « C’est un restaurant. » (Rappelez-
vous : le chevauchement de 50 % des hommes entre la réponse génitale et
l’excitation est très significatif statistiquement… mais ça reste 50 %
seulement, et les gens varient).
Parfois, les hommes remarquent que leur corps réagit à un truc, même
quand leur cerveau leur dit : « C’est pas bien. » Et ils se sentent déchirés,
parce que d’un côté, c’est clairement sexuel, mais de l’autre, ce n’est Pas
Bien.
Je vais vous donner un exemple (et n’hésitez pas à sauter les deux
paragraphes suivants si les agressions sexuelles sont un sujet sensible pour
vous).
Quand j’étais à la fac, je traînais avec un groupe d’amis garçons, et l’un
d’entre eux – appelons-le Paul – m’a raconté une histoire sur un de ses
potes. À la fin d’une soirée, alors que tous les invités étaient soit endormis,
soit fortement alcoolisés aux quatre coins de la maison, Paul a découvert
son pote en plein rapport sexuel avec une jeune femme évanouie,
passablement ivre, sans aucune réaction, et clairement inconsciente de ce
qui se passait. Je dis « rapport sexuel », mais le terme technique est bien
« viol ». Et le pote lui dit : « Eh, tu veux essayer toi aussi ? » et mon ami
qui raconte l’histoire lui a répliqué : « Non, il faut qu’on y aille. »
Paul nous a expliqué que s’il n’a osé répondre que cette phrase, et pas
un truc comme « Qu’est-ce que tu fous, abruti ? Dégage de là, laisse-la
tranquille ! », c’était parce qu’il était déchiré entre ce que ses tripes lui
disaient, son instinct qui criait que ce que son pote faisait là n’était
Clairement Pas Bien, et la réponse de son corps à la vue de ce rapport
sexuel. Il a eu une érection. Il était horrifié par sa réaction, à l’idée qu’une
quelconque partie de lui puisse interpréter cette scène Clairement Pas Bien
comme érotique.
Lorsque j’ai entendu cette histoire, je n’avais aucune idée de ce qui se
passait. Je pensais que la réponse génitale c’était le désir et le plaisir. C’était
comme dans le cas de mon amie qui disait qu’elle était mouillée même si
elle s’ennuyait – mais dans ce cas, le gars ne s’ennuyait pas, il était au
contraire absolument horrifié !
Que se passait-il ?
Ce qui se passait, c’était l’apprentissage, sans motivation ni
appréciation. Le corps de Paul a reconnu que la scène qui se déroulait
devant lui était liée au sexe et, soit parce qu’il était désinhibé par l’alcool,
soit parce qu’il avait des freins assez faibles, ceux-ci n’ont pas empêché son
corps de réagir à la stimulation liée au sexe. « C’est un restaurant », lui a dit
son pénis, même s’il y avait une bagarre sur le trottoir.
Imaginons une autre histoire, dans un monde où chacun connaît le
concept de non-concordance.
Parce que Paul sait que ce que font ses parties génitales désigne
uniquement ce qui est lié au sexe, et non ce qui est sexuellement attirant,
non seulement il n’a pas honte ou ne se demande pas s’il pourrait lui aussi
être un violeur, mais l’absence de toute honte créée dans son cerveau lui
laisse l’espace nécessaire pour être plus proactif et intervenir ! Il pourrait
dire à son ami d’arrêter parce que ce qu’il fait est un acte de violence, un
crime. Ou appeler les flics et faire arrêter son ami, et emmener la fille aux
urgences pour que des preuves soient recueillies, qu’une thérapie anti-VIH
soit administrée et qu’une contraception d’urgence lui soit proposée. Ou,
tout au moins, aller chercher quelqu’un pour l’aider. Il pourrait être un
héros.
La réponse génitale ne signifie rien d’autre que « lié au sexe » : c’est un
apprentissage, par essence un réflexe conditionné – pas une appréciation.
Elle n’indique ni le désir, ni le plaisir, ni rien d’autre. Et en donnant de la
place, une fois pour toutes, à la non-concordance, nous rendrons ce monde
bien meilleur pour tout le monde.
En fin de compte, l’erreur de lubrification no 1 – penser que réponse
génitale = désir – n’est qu’une métaphorisation vieillotte, comme les
anatomistes médiévaux du chapitre 1 (pudendum, parce que la honte !), sans
le Message Moral peut-être.
Vous savez que la taille du phallus (clitoris ou pénis) d’une personne ne
dit rien de la honte qu’il ou elle a (ou devrait avoir) de ses organes génitaux.
Tout au plus, la taille du phallus permet souvent – et encore, pas toujours –
de prédire si une personne a des ovaires ou des testicules. De même,
l’afflux sanguin vers les parties génitales ne dit rien sur ce que la personne
veut ou aime (ou devrait vouloir ou aimer). Non. Tout au plus, l’afflux
sanguin vers les parties génitales est souvent – et encore, pas toujours – une
simple information indiquant qu’une personne a été exposée à un
phénomène que son cerveau a interprété comme étant lié au sexe – sans rien
dire pour autant de son niveau d’envie.
Erreur de lubrification no 2 : penser que
réponse génitale = plaisir
La deuxième possibilité, un peu plus scientifique, de se tromper
dangereusement sur la non-concordance consiste à prêter attention à la
science puis à en donner une version erronée, à décider que les organes
génitaux des femmes sont « le véritable indicateur » de ce qui les excite
vraiment, et que les femmes mentent, sont dans le déni ou qu’elles refoulent
simplement leurs propres désirs profonds. Appelons ça : erreur de
lubrification no 2.
Cette explication tentante – mais erronée – de la non-concordance est en
parfaite adéquation avec diverses idées culturelles fausses sur la sexualité
des femmes, comme les trois messages (Moral, Médical et Médiatique) que
j’ai décrits au chapitre 5 ou comme le mythe de l’homme comme point de
référence par défaut. Par exemple : « les femmes ont été socialement
programmées pour ne pas admettre qu’elles sont réellement excitées par
certaines choses (comme le sexe violent ou le porno lesbien), donc quand
elles font part de leur excitation perçue, soit elles mentent, soit elles nient
leurs désirs cachés, ou peut-être les deux. Mais ce que font leurs organes
génitaux, ça, c’est la vérité. »
L’ouvrage de Daniel Bergner Que veulent les femmes ? commence par
un état des lieux de la recherche sur la non-concordance, suivi d’un état des
lieux de la recherche sur la détection du mensonge. La conclusion que les
lecteurs sont contraints de tirer est la suivante : les femmes mentent – ou
sont peut-être juste dans le déni – de leur propre excitation. Voici comment
Amanda Hess l’a résumé dans sa chronique parue sur Slate.com : « Les
femmes hétérosexuelles déclaraient réagir aux images de sexualité
hétérosexuelle plus qu’elles ne le faisaient dans la réalité, et les femmes
lesbiennes soutenaient réagir aux images de sexualité hétérosexuelle moins
qu’elles ne le faisaient dans la réalité. Personne n’a admis avoir une
réaction face à la sexualité des bonobos 16. »
Remarquez bien les mots « déclaraient », les « dans la réalité » et le
« admis ».
Bien sûr, vous savez que les organes génitaux des femmes réagissent
automatiquement à un signal lié au sexe – « C’est un restaurant ici » – qui
ne connaît que de très loin ce qu’une femme aime ou veut « vraiment ». Les
lecteurs de Que veulent les femmes ? n’ont toutefois pas eu droit à cette
leçon, mais à l’erreur de lubrification no 2.
Les féministes qui promeuvent une sexualité positive acceptent
pleinement l’idée que le corps des femmes pourrait être en contradiction
avec les récits culturels obsolètes et fondés sur la moralité, selon lesquels
les femmes seraient « moins sexuelles » que les hommes : regardez comme
nos organes génitaux réagissent à tout ça ! Regardez comme nous sommes
vraiment sexuelles ! Pas vrai ? C’est une histoire séduisante – comme si
notre corps nous dévoilait un moi secret, sauvagement sexuel, qui pourrait
être branché par n’importe quoi si seulement nous nous donnions cette
permission que notre culture nous refuse depuis des siècles !
Après tout, les femmes ont été soumises à un système culturel oppressif
qui les a poussées à avoir honte de connaître leur propre sexualité et d’y
accorder une attention affectueuse – sujet traité au chapitre 5. En fait, tout
cet ouvrage est consacré à l’attention que vous portez à votre propre
expérience intérieure et à la confiance envers votre corps. Et qu’est-ce qui
sonne plus « confiance envers son corps » que de dire « Vos organes
génitaux vous disent ce que vous appréciez, même si vous ne le savez
pas » ?
Ah. C’est ce mot « apprécier » qui pose problème. « Apprécier. »
Comme dans « appréciation ».
Car la réaction des organes génitaux, ce n’est pas de l’appréciation :
c’est de l’apprentissage.
Vos organes génitaux vous disent quelque chose, et vous pouvez leur
faire confiance.
Ils vous disent que quelque chose est lié au sexe, sur la base de leur
expérience du conditionnement pavlovien. « C’est un restaurant ici. » Mais
ça ne veut pas dire que c’est sexuellement attirant.
Faites confiance à votre corps, vraiment. Mais interprétez ses signaux
correctement.
Nous voyons ce mythe – selon lequel les organes génitaux d’une femme
peuvent nous en dire plus sur ce qu’elle ressent qu’elle-même – absolument
partout. Par exemple, dans le cadre de mes recherches pour ce livre, j’ai lu
le roman à succès Cinquante nuances de Grey de E. L. James. Et ce mythe
était bien présent. La non-concordance de l’excitation dans la première
scène de fessée. Bon, en tant que lectrice de ce genre de romans, je sais ce
qui est censé se passer dans la première scène de fessée d’un roman
d’amour. Notre héroïne devrait commencer la scène hésitante, mais excitée,
et à la fin elle devrait s’exclamer un truc comme : « Je sais que je ne devrais
pas aimer ça, pourtant j’aime tellement ça ! »
Ce n’est pas ce qui se passe ici. Notre héroïne, Anastasia, consent à la
fessée, mais elle ne la veut pas et ne l’apprécie pas. Pendant la fessée, elle
essaie de se détourner, elle crie de douleur, et elle a « mal au visage,
tellement [elle] le crispe 17 ». Pas un mot sur le fait qu’elle apprécie la fessée
au moment de son administration.
Ensuite, Christian Grey, héros et distributeur de fessées, met ses doigts
dans le vagin d’Ana. Sachant ce que vous savez maintenant sur la non-
concordance, lisez donc ce que Grey lui dit : « Sens ça. Ton corps aime ça,
Anastasia. Tu es trempée, rien que pour moi » (c’est moi qui insiste avec
l’italique) 18.
Et ça devient encore pire : au lieu de croire sa propre expérience
intérieure, qu’elle décrit comme « méprisée, avilie, maltraitée », Ana le
croit, lui 19.
Ce moment semble vrai pour de nombreuses lectrices, car beaucoup
d’entre nous ont été éduquées à donner plus de crédit aux opinions des
autres sur notre propre corps, qu’à nos propres expériences personnelles. Il
y a certainement des femmes qui sont excitées par le fait d’être avilies de
manière consensuelle, mais toute l’intrigue repose sur le fait qu’Ana n’est
pas l’une d’entre elles.
Alors, E. L. James, si vous lisez ceci : la lubrification signifie que le
geste était lié au sexe, mais ne dit absolument pas si c’était sexuellement
attirant ou non. Aussi, je vous prie humblement de faire en sorte que, dans
la prochaine réédition, Christian dise à Ana : « Sens ça. Vois comment ton
corps considère le contact physique avec tes fesses et tes organes génitaux
comme étant lié au sexe, Anastasia. Ça ne me dit pas si tu as apprécié ou
non. As-tu apprécié ? Non ? Bordel de merde, laisse-moi me rattraper en
lisant le livre d’Emily Nagoski sur la science du bien-être sexuel des
femmes, pour que je me débrouille mieux la prochaine fois. »
Je vous remercie.
Si jamais vous doutez que la réponse génitale soit une question
d’apprentissage, sans nécessairement être liée à une motivation ou une
appréciation, souvenez-vous simplement de ceci : l’erreur de lubrification
no 2 prétend que nous pouvons savoir ce qui excite vraiment les femmes en
observant la réaction de leurs organes génitaux. Autrement dit, les femmes
dont les organes génitaux réagissent aux images de bonobos copulant sont,
au fond, presque aussi intéressées par l’observation de primates non
humains copulant qu’elles le sont par le porno.
Vraiment ? Allons ! Un peu de sérieux.
Même mis en face de telles absurdités, ce mythe est incroyablement
tenace. Dans Comment mieux penser au sexe, Alain de Botton va jusqu’à
décrire les vagins lubrifiés et les pénis tumescents comme des « agents de
sincérité sans équivoque », car ils sont automatiques plutôt qu’intentionnels,
ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas être « simulés ».
Si c’est vrai, alors lorsque votre médecin tape sur le tendon rotulien de
votre genou et que votre jambe se met à bouger, ça doit signifier que vous
avez réellement envie de donner un coup de pied à votre médecin.
Ou bien alors, si vous avez une réaction allergique au pollen, c’est que
vous devez détester les fleurs.
Ou quand vous avez l’eau à la bouche devant une pêche moisie et
abîmée, vous devez la trouver délicieuse.
Ne vous méprenez pas : vous pourriez tout à fait avoir envie de donner
un coup de pied à votre médecin, détester les fleurs et apprécier les pêches
moisies et abîmées. Mais ce ne sont pas vos processus physiologiques
automatiques qui nous permettent de le savoir. Non. Les processus
physiologiques automatiques sont… eh bien, automatiques, pas sincères.
Et pensez-y en vous mettant à la place de Céline Dion. A-t-elle envie
que son public ait la chair de poule ou qu’ils s’exclament : « J’ai des
frissons ! » même si leurs poils sont restés aplatis ? L’expérience l’emporte
sur la physiologie à chaque fois.
Mais il y a encore pire : et là, ça devient beaucoup moins drôle et bien
plus dangereux.
Si nous persistons à croire à tort que la réaction des organes génitaux
des femmes reflète ce qu’elles veulent ou aiment « vraiment », alors nous
devons conclure que si leurs organes génitaux réagissent lors d’une
agression sexuelle, ça signifie qu’elles ont « vraiment » voulu ou aimé
l’agression.
Ce n’est pas seulement fou : c’est dangereux.
« Vous avez dit non, mais votre corps a dit oui » est une idée qui
apparaît à la fois dans les paroles des chansons pop et dans les images du
Projet Unbreakable, une galerie en ligne de survivantes d’agressions
sexuelles tenant des pancartes avec des phrases prononcées par leurs
violeurs, leurs familles, ou même par les policiers 20. Mais vous savez
maintenant que les corps ne disent pas oui ou non, ils disent seulement
« C’est lié au sexe », sans aucun commentaire sur l’appréciation de
l’agression, et encore moins sur le fait qu’elle ait été voulue ou consentie.
Un pénis dans un vagin est lié au sexe, bien qu’il puisse être repoussant,
non désiré et inopportun. Aucun désir, plaisir ou consentement n’est
nécessaire pour avoir une réponse génitale. C’est juste une situation qui dit
« C’est un restaurant ici », sans jamais préciser si c’est un bon endroit pour
dîner.
C’est un raisonnement erroné ancien, cette idée que la physiologie peut
prouver qu’une personne aime quelque chose sur le plan sexuel. Jusqu’aux
années 1700, les gens croyaient que la conception était la partie agréable du
sexe pour une femme, et que si une femme tombait enceinte, c’est qu’elle
devait éprouver du plaisir, et si elle éprouvait du plaisir, alors le sexe ne
pouvait pas être non désiré 21. Parce que : « Elle a dit non, mais ses ovaires
ont dit oui. »
Ce mythe se perpétue toujours, apparaissant dans le discours public lors
de la course au Sénat de 2012 dans le Missouri, lorsque le candidat
républicain Todd Akin a déclaré : « Si c’est un véritable viol, le corps
féminin a des moyens d’essayer de mettre fin à cet acte », ce que même le
candidat mormon à la présidence Mitt Romney a décrit comme « insultant,
inexcusable et, franchement, immoral 22. »
La chercheuse en sexualité Meredith Chivers répète souvent : « La
réponse génitale n’est pas un consentement. » Ajoutons à cela : « Et la
grossesse non plus. »
La réponse génitale n’est pas plus l’expression d’un plaisir, d’un désir
ou d’un consentement que ne l’est la fécondation d’un ovule. J’espère que
c’est pour vous une évidence maintenant.
Nous métaphorisons notre corps ; nous utilisons des descriptions de
notre physiologie à la place de descriptions de notre état d’esprit. « Je suis
tellement mouillée » et « Je suis tellement dur » visent à dire « Je suis
partant(e) ». Ces métaphores sont tellement ancrées dans les mentalités
qu’elles sont considérées comme littérales. En effet, certaines personnes
veulent en fait nous faire croire que les femmes mentent – que ce soit
délibérément ou parce que nous avons été culturellement empêchées de
reconnaître nos propres désirs – lorsque nos organes génitaux réagissent,
mais que nous affirmons ne pas être excitées.
J’espère que désormais, au bout de six chapitres de ce livre, vous êtes
plus avisée. Vous savez que la sexualité des hommes et celle des femmes
sont constituées des mêmes parties, mais organisées de manières
différentes, et vous savez qu’il n’y a pas deux personnes pareilles. Vous
savez que ce qui active l’accélérateur ou les freins dépend du contexte.
Vous savez que la sexualité des femmes est encore plus sensible au contexte
que celle des hommes, que les facteurs liés au développement, à la culture
et à l’histoire de vie déterminent tous profondément comment et quand
notre corps réagit. Vous savez que la sexualité et l’attirance sexuelle ne sont
pas la même chose.
Les femmes ne sont pas des menteuses, dans le déni ou cassées d’une
quelconque manière. Ce sont des femmes, et non des hommes, dans un
monde qui veut faire croire aux femmes qu’elles ne sont pas capables de
comprendre leur propre expérience intérieure.
L’afflux sanguin vers les organes génitaux est une réponse à des
stimuli liés au sexe (apprentissage), ce qui n’est pas pareil que
l’appréciation ou la motivation, et encore moins que le
consentement.
Le désir
Spontané, réactif et fantastique
C’est un constat de base de leur relation : Olivia a plus souvent envie de faire l’amour que
Patrick, et c’est donc elle qui prend l’initiative la plupart du temps. Mais ce qu’Olivia a vécu, le
soir où elle a été la cible de la convoitise effrénée de Patrick nourrie par un placebo, lui a fait
prendre conscience qu’elle aimait être ouverte au sexe, sans se sentir animée par une envie
irrépressible. Ça lui a bien plu de laisser le désir sexuel l’attirer progressivement et délicatement
vers le sexe, plutôt que d’avoir l’impression qu’il la pousse. Alors, comme étape suivante de
leur expérience, ils ont essayé d’inverser complètement leur dynamique habituelle. Ils se sont
fixé un « rendez-vous d’un soir » et n’ont rien fait pour s’y préparer ; ils se sont juste présentés
dans leur état d’esprit habituel — Olivia prête à se lancer, Patrick pas désintéressé, mais pas
activement intéressé non plus.
Et ils ont fait en sorte qu’Olivia suive la danse, et que Patrick la mène, en commençant à
explorer ce qui activait son intérêt sexuel. Ils ont passé beaucoup de temps à « préchauffer le
four » : ils se sont embrassés, ont discuté, se sont massés et, fait surprenant, ont même fait une
petite escapade en passant de la chambre à coucher à la cuisine pour se nourrir mutuellement.
Lorsque Patrick était aux commandes avec la pleine permission de faire tout ce qui lui venait à
l’esprit, ils ont essayé de nouvelles choses et joué ensemble. Ils ont beaucoup appris sur le
contexte qui fonctionnait pour Patrick, car il devait créer ce contexte et oser demander ce qui lui
plaisait.
Ils ont aussi appris un détail surprenant à propos d’Olivia : si elle reste assez longtemps
tranquille afin d’avancer au rythme de Patrick plutôt qu’au sien, naturellement plus rapide, la
montée en puissance progressive, l’excitation prolongée et la nécessité de se retenir créent un
contexte qui n’est pas aussi bien que celui qui fonctionnait pour elle. Il est incroyablement
meilleur.
Olivia m’a confié :
« L’une de nos règles stipulait que je devais demander la permission avant d’avoir un
orgasme. Et il ne répondait pas toujours oui. Et, euh, ça on va le refaire.
– Qu’est-ce qui t’a plu là-dedans ? »
Olivia est devenue sérieuse, mais rayonnait en même temps. Elle a expliqué :
« C’était comme… quand on réussissait à se synchroniser et qu’on montait tous les deux
vers l’orgasme au même rythme, délibérément, et qu’on, comme… c’était comme si je pouvais
sentir son plaisir dans mon corps. Je pouvais même sentir mon propre plaisir dans son corps.
Est-ce que ça semble fou ?
– Pas le moins du monde », ai-je déclaré.
Créer un contexte sexuellement positif pour le partenaire qui a un faible désir a donné lieu
à un contexte époustouflant, presque douloureusement érotique pour le partenaire au désir plus
élevé.
Ce chapitre explique pourquoi et comment ça marche.
Et c’est normal. Les personnes qui ont un désir réactif n’ont pas de désir
« faible », elles ne souffrent d’aucun trouble, elles n’ont même pas envie de
prendre les devants, et ont de toute façon l’impression qu’on ne leur en
donne pas le droit. Leur corps a juste besoin d’une raison plus convaincante
que simplement « le sexe est généralement sympa » ou « c’est une personne
attirante juste devant toi » pour avoir envie de sexe. Elles peuvent être
sexuellement satisfaites et avoir des relations saines, mais ne jamais avoir
envie de sexe à l’improviste. Camilla est comme ça. L’absence de désir
sexuel spontané n’est pas, en soi, dysfonctionnelle ou problématique ! Je le
répète : le désir réactif est normal et sain.
Mais, pour être honnête, il s’avère que le désir sexuel de tout le monde
est réactif. Il est juste ressenti comme plus spontané chez certains et plus
réactif chez d’autres, parce que même si nous sommes tous faits des mêmes
parties, l’organisation unique de ces parties donne lieu à des expériences
différentes. Les études sur le sujet semblent indiquer qu’environ la moitié
des femmes pourraient être classées dans l’une ou l’autre catégorie : désir
spontané ou réactif 1. Le style de désir de la plupart des gens est
probablement – roulements de tambour – dépendant du contexte. C’est le
cas de Merritt et Laurie. Et elles sont normales, elles aussi. Ce sont des
femmes qui, dans la phase torride et passionnée d’une relation, vont avoir
envie de sexe n’importe quand, mais qui dix ans et quelques enfants plus
tard, ont besoin d’un effort un peu plus délibéré pour s’intéresser au sexe.
Aussi, dans ce chapitre, j’expliquerai ce qu’est le désir, comment il
fonctionne, comment en profiter au maximum et ce qu’il faut faire si votre
partenaire et vous avez des styles de désir différents.
Nous commencerons par l’origine du désir : le désir, c’est le plaisir en
contexte 2. Nous nous attarderons sur ce qui est le moins susceptible de
causer des problèmes de désir – les hormones et la monogamie – et sur ce
qui est beaucoup plus susceptible d’en provoquer : la culture sexuellement
négative et la dynamique de poursuite. Nous conclurons ce chapitre par un
virage à gauche, en nous éloignant du simple « désir » pour nous diriger
vers ce qui importe vraiment : le sexe qui vaut la peine d’être désiré.
Vous vous sentez très calme, heureuse et en confiance, vous ne faites rien
de particulier et votre partenaire s’approche et vous caresse le bras, très
affectueusement. Cette sensation tactile remonte de votre bras à votre
colonne vertébrale et jusqu’à votre cerveau. Compte tenu de votre état
d’esprit, le trafic dans votre système nerveux central est très tranquille, et la
sensation de la peau de votre partenaire dit : « Alors, ce toucher est en train
de se produire. Qu’en penses-tu ? » et votre cerveau répond : « L’affection,
c’est agréable. »
La stimulation se poursuit, votre partenaire bien-aimé vous touche
affectueusement le bras, et la sensation remonte jusqu’à votre cerveau et
vous dit : « Ça recommence. Qu’en penses-tu ? » Et votre cerveau vous
répond : « L’affection, ça fait vraiment du bien », et il accorde davantage
d’attention à cette sensation. Ensuite, votre partenaire commence à vous
embrasser le cou, et cette sensation fait son chemin jusqu’à votre cerveau
émotionnel et dit : « Maintenant, ça aussi, ça se passe. Qu’est-ce que tu en
penses ? Et à ce moment-là, le cerveau dit : “C’est fantastique ! Essaie d’en
avoir plus !” » Dans ce contexte, le désir sexuel est réactif.
Scénario 2
Vous êtes stressée, épuisée ou débordée, votre cerveau est très bruyant, le
trafic y est dense, vous subissez les nombreux cris et coups de Klaxon liés à
tous les facteurs de stress. La caresse affectueuse de votre partenaire part de
votre bras, remonte votre colonne vertébrale jusqu’au cerveau, et dit :
« Ceci est en train de se produire. Qu’est-ce que tu en penses ? » Et votre
cerveau vous répond : « QUOI ? JE N’ARRIVE PAS À T’ENTENDRE PAR-DESSUS
TOUT CE RAFFUT ! » Et à cet instant, la sensation cesse. (Les sensations sont
un peu comme sur les stories d’Instagram.) Si votre partenaire continue de
vous toucher, la sensation continue de demander à votre cerveau : « Ça
continue de se produire. Qu’est-ce que tu en penses ? » Et ça peut en fin de
compte attirer l’attention de votre cerveau, qui peut alors vous rétorquer :
« TU TE MOQUES DE MOI ? J’AI TOUT CE BRUIT À GÉRER ! » Et si la sensation est
suffisamment remarquée pour sortir de l’Anneau Unique émotionnel de
votre cerveau, elle se manifeste sous la forme « Pas maintenant, chéri ».
Scénario 3
Votre partenaire super sexy est absent depuis deux semaines, mais vous
vous envoyez fréquemment des SMS, juste un peu coquins au début, mais
dont l’intensité et le caractère explicite augmentent à mesure que vous vous
taquinez et vous cherchez l’un l’autre. Au bout de ces deux semaines, le
bruit de votre téléphone à la réception d’un texto suffit à vous faire
tressaillir et retenir votre respiration. Il y a du bruit dans votre cerveau, mais
il est entièrement occupé à scander : « Partenaire sexy, sexy ! » Le temps
que votre partenaire rentre chez vous et vous touche affectueusement le
bras, vous êtes prête à décoller comme une fusée. Dans ce contexte, le désir
sexuel est ressenti comme spontané 3.
Dans les trois scénarios, la stimulation vient en premier, qu’il s’agisse
de la caresse de votre partenaire ou simplement de l’idée de la caresse de
votre partenaire. Si le contexte est favorable, la stimulation procure une
sensation de bien-être et suscite le désir. Ces trois scénarios sont tous trois
normaux, et reflètent une sexualité saine. Parfois, la stimulation peut ne pas
être agréable, mais elle peut quand même conduire au désir – l’envie sans le
plaisir. Ceci aussi peut être signe d’une sexualité normale et saine, mais
comme nous le verrons vers la fin du chapitre, le désir sans plaisir n’illustre
pas la sexualité des personnes qui ont une bonne ou une excellente relation
sexuelle.
Tout ça pour dire que si vous souhaitez élargir votre accès au désir
spontané, il vous suffit de rechercher les contextes qui le facilitent.
Retournez aux fiches de travail du chapitre 3 et examinez quelles sont les
caractéristiques de votre partenaire, de votre relation, du contexte, les
facteurs ludiques et autres circonstances de la vie qui créent un plaisir
menant à un désir ardent. Voyez ensuite lesquelles de ces caractéristiques
vous pouvez modifier dans votre vie pour créer un désir spontané. Et si
votre vie ne permet pas actuellement d’aménager un contexte qui facilite le
désir spontané, vous savez que vous êtes normale. Vous pouvez profiter
d’un désir réactif jusqu’à ce que vous trouviez le chemin d’une vie
quotidienne qui permette le désir spontané.
Ainsi, le désir sexuel émerge en réaction au plaisir.
Quand il fonctionne.
Ce qui n’est pas toujours le cas.
Qu’est-ce qui fait que le désir se comporte mal, et que faites-vous le cas
échéant ? Selon leurs propres déclarations, qui vous sembleront
probablement familières, si les femmes voient leur désir diminuer, c’est à
cause de : l’épuisement, des problèmes de santé mentale et physique, des
changements dans l’image corporelle, le sentiment d’être débordée par leurs
nombreux rôles et obligations, et une anxiété et une inquiétude par rapport
au sexe lui-même – des préoccupations allant d’une grossesse non désirée à
la crainte « de mettre trop de temps » à être excitée, en passant par le fait de
ne pas répondre aux attentes du partenaire 4.
Dans les sections suivantes, je parlerai des coupables peu crédibles des
problèmes de désir (les hormones et la monogamie) et des coupables les
plus vraisemblables : les messages culturels qui activent les freins et le
problème relationnel que j’appelle « la dynamique de poursuite ». Je
parlerai ensuite de la recherche innovante menée sur les personnes qui ont
une vie sexuelle extraordinaire et qui entretiennent des relations sexuelles
pendant de nombreuses années.
Camilla et Henry avaient accepté son « préchauffage érotique lent » et œuvraient ensemble pour
trouver les contextes qui activaient son accélérateur. Mais Henry ressentait toujours un malaise
lancinant, car il avait l’impression d’imposer des choses à Camilla pour l’exciter alors qu’elle
n’était pas encore « d’humeur ». Cela semblait quelque peu contre-nature.
Parfois, vous pouvez voir l’instant précis où la personne en face de vous comprend une
information que vous lui donnez : une lueur s’allume dans son regard. C’est ce qui s’est produit
lorsque j’ai expliqué à Camilla et à Henry qu’en fait, son style de désir était tout à fait normal.
« Le plaisir vient en premier, avant le désir, pour tout le monde, pas seulement pour
Camilla, ai-je déclaré.
– Le plaisir vient en premier ? s’est étonné Henry.
– Oui. Le désir émerge quand le plaisir franchit le seuil individuel de chaque personne.
Camilla, il se trouve que tu as un seuil élevé, mais c’est le même processus de base pour tout le
monde.
– Tu te moques de moi, a dit Camilla. Sérieusement, la culture pop a-t-elle réussi à faire un
truc bien en matière de sexe ? »
Henry ne m’a pas laissé le temps de répondre – pour lui, c’était important pour lui d’avoir
enfin la solution à son dilemme « exciter-ou-pas-Camilla-quand-elle- ne-veut-pas-encore ».
« Tu veux dire que nous avons juste des seuils différents, c’est bien ça ?
– C’est bien ça. »
Pour Henry, parfois, le simple plaisir de voir Camilla se balader nue après la douche
suffisait à faire naître son désir. Il a expliqué :
« Et j’aime ça ! J’aime la voir se promener tout humide et nue. Je ne veux pas qu’elle arrête
de le faire juste parce que je n’étais pas excité avant d’assister à cette scène. Alors… si
l’équivalent est vrai pour toi, a-t-il ajouté en se tournant vers Camilla, je n’ai pas à me sentir
mal à l’aise de créer des contextes similaires pour toi, n’est-ce pas ?
– Je veux que tu le fasses ! s’est exclamée Camilla. Taquine ma veilleuse qui fait tic-tic-
tic ! Augmente la pression de l’eau ! »
C’est donc ce qu’ils ont décidé de faire. Henry a transformé tous leurs échanges en
préliminaires discrets, sans pression et sans attente, comme ses balades après la douche sont en
quelque sorte des préliminaires basiques pour lui. Câlins et caresses. Baisers doux. Fleurs.
Attention affectueuse. Comme quand ils sont tombés amoureux pour la première fois – un flot
constant et régulier de rappels que « Ce type est incroyable ! ».
Henry aime le désir enthousiaste de Camilla, et tout ce qu’il faut pour qu’elle y arrive, c’est
suffisamment de plaisir, accumulé petit à petit.
Ce n’est pas une histoire que l’on voit très souvent dans la culture pop, car il n’y a ici ni
tension ni ambivalence. Mais il s’avère que c’est ainsi que ça se passe pour de nombreux
couples qui entretiennent une relation sexuelle solide sur le long terme.
Bonne nouvelle ! Ce n’est probablement
pas dû à vos hormones
Si vous ressentez des douleurs lors des rapports sexuels, consultez un
médecin. Il se peut que des problèmes hormonaux, ou divers facteurs
neurologiques et physiologiques, en soient à l’origine. Mais si vous
éprouvez un faible désir, les hormones sont les moins susceptibles d’en être
responsables 5. Lori Brotto et ses collègues ont testé six facteurs hormonaux
pour déterminer lequel prédisait plus ou moins de perturbations chez les
femmes ayant un faible désir, et aucun d’entre eux n’était significativement
prédictif de faible désir 6. Donc, si ce ne sont pas vos hormones, qu’est-ce
qui pourrait être un facteur prédictif du manque de désir, selon les
chercheurs ? Pour Brotto : « Les antécédents psychiatrique,
développemental et psychosexuel. » En d’autres termes, tous les éléments
évoqués aux chapitres 4 et 5 – le stress, la dépression, l’anxiété, les
traumatismes, l’attachement, etc.
Les gens sont parfois plus à l’aise avec l’idée que leur désir sexuel est
lié à leur chimie et pas du tout à leur vie. Après tout, de nos jours, il est
facile de modifier sa chimie ! Mais les hormones sont une partie limitée,
souvent négligeable, du contexte qui façonne le bien-être sexuel d’une
femme, de sorte que les changer ne pourrait avoir qu’un effet limité,
souvent négligeable.
Les expériences vécues par ces participants nous montrent que le sexe
génial ne dépend pas de ce que vous faites avec votre partenaire, ni de
quelles parties du corps vont où, combien de fois, ou pendant combien de
temps, mais bien de la façon dont vous partagez des sensations dans un
contexte de confiance et de connexion profondes. Étonnant, n’est-ce pas ?
Ces recherches n’ont pas pour but de fixer une barre impossible à atteindre
pour nous autres, mais de reconnaître la différence entre ce qu’est vraiment
le sexe génial et ce que la plupart d’entre nous estiment être du sexe génial.
Par exemple, avez-vous remarqué qu’il manque un élément à cette
liste ?
Qu’en est-il du désir ?
Il s’avère que le désir n’est pas un aspect important du sexe
extraordinaire. Il n’est pas cité par la majorité des participants, et n’a été
que rarement souligné comme étant nécessaire pour vivre des relations
sexuelles géniales. Ce qu’on appelle « envie sexuelle, désir, alchimie,
attraction » n’était, tout au plus, qu’un élément mineur du sexe optimal.
Même chez les personnes qui ont des rapports sexuels extraordinaires, le
désir réactif est normal.
Et ils ne sont pas seuls. Le sexe « optimal » est remarquablement
analogue au « bon sexe » décrit par les survivants de violences sexuelles
dans l’enfance, y compris concernant les qualités identifiées par les
chercheurs comme tenant de la « communication », de « l’ouverture, de la
vulnérabilité », être « présent dans le moment » et un « participant actif et
assertif 23 ».
Dans une autre étude pour laquelle vingt femmes ont reçu la consigne
de décrire le « bon sexe », seules trois participantes ont mentionné « être
d’humeur » ou « en avoir envie » comme étant typiques du sexe « heureux
et joyeux 24 ». On retrouvait plus fréquemment dans ces témoignages sur le
sexe heureux et réussi les questions de confort et de naturel, de plaisir de
base et, par-dessus tout, de connexion émotionnelle.
Mais le sexe magnifique va plus loin et plus en profondeur. Comme le
disent Kleinplatz et Ménard, « le sexe magnifique exige de dépasser les
scénarios conventionnels que la plupart des gens apprennent dans leur
jeunesse. Une vie sexuelle décevante peut changer. L’objectif ici n’est pas
seulement de se débarrasser de la culpabilité, de la honte et de l’inhibition
sexuelles, mais aussi de l’ensemble des attentes et aspirations liées au sexe
préfabriqué 25 ». Les personnes qui ont des rapports sexuels magnifiques ne
se contentent pas de se pointer et de placer leur corps dans un lit – ce qui est
un exemple du bon sexe. Ils cultivent délibérément un contexte « juste assez
en sécurité » pour oser les sauts dans l’inconnu des contrées sauvages de
leur âme. Ça, c’est du sexe magnifique. Et le désir spontané n’a presque
rien à voir avec ça. Quand les gens qui ont une sexualité magnifique ont
envie de sexe, ils ne veulent pas seulement de sexe tel que nous en voyons
dans les médias grand public ou les pornos. Ils veulent se connaître et
connaître leur partenaire plus entièrement, et ils veulent être vus et connus
plus en détail, ressentis plus profondément, tenus plus serrés. C’est ce que
j’appelle le « désir magnifique ».
Comme l’ont observé Gottman et ses collègues, les couples qui
entretiennent une relation sexuelle forte et durable font du sexe une priorité
– mais il est également normal qu’à certains moments, le sexe ne figure
plus sur la liste des priorités. Lorsque vous venez d’avoir un bébé, que vous
vous occupez d’un parent mourant, que vous êtes tous les deux débordés
par le travail, il arrive parfois que vous n’ayez vraiment pas le temps ou
l’énergie pour faire une pause et vous tourner l’un vers l’autre avec une
intention érotique. Vous pouvez l’admettre, sachant qu’il s’agit d’une phase
de la vie que vous traverserez ensemble, et que vous retrouverez votre
chemin l’un vers l’autre de l’autre côté.
Et il vaut la peine de réfléchir à ce que vous trouverez chacun de l’autre
côté de cette période d’abstinence commune. Du jeu, de la connexion, de
l’exploration ou de la paix ? Ou plutôt une corvée, une obligation ou un
effort à consentir ? Si vous redoutez l’idée de vous pointer et de placer votre
corps dans le lit, le manque de désir n’est pas le problème. C’est le manque
de plaisir qui pose problème.
Avoir envie de sexe, ça peut vouloir dire avoir envie des plaisirs
ordinaires du corps et du jeu. Mais parfois, c’est aussi vouloir quelque
chose de plus. La nature exacte de ce « plus » varie d’une personne à l’autre
et évolue au fil de notre vie, mais les personnes qui ont des relations
sexuelles magnifiques disent que celles-ci leur procurent bien plus que du
plaisir. Elles les mettent en contact avec leur partenaire à un niveau
physiologique profond. Elles leur révèlent leurs propres désirs à elles-
mêmes, et les mettent au défi de révéler ces désirs à un partenaire. Elles les
amènent à pénétrer plus profondément dans leur propre personnalité, voire
dans leur propre divinité, ainsi que dans l’expérience intérieure de leur
partenaire.
Posez-vous la question : quel genre de sexe vaut la peine d’être désiré ?
Et jusqu’où iriez-vous pour le créer dans votre vie ?
De belles choses surviennent lorsque vous créez de l’espace dans votre relation pour un désir
réceptif. Quand Olivia et Patrick ont complètement inversé leurs styles de désir en faisant de
Patrick, avec son style de désir sensible au contexte, l’initiateur des relations, il a été contraint
de trouver quels étaient les éléments excitants qui le feraient basculer de l’indifférence à
l’intérêt. Olivia a patiemment laissé à Patrick l’espace et le temps d’explorer son propre désir, et
elle a été récompensée par une expérience érotique d’une telle intensité que son style spontané à
elle lui permettait rarement de vivre.
Ce niveau d’acceptation de soi et réciproque est en lui-même une caractéristique spécifique
et vitale du contexte le plus exubérant de la sexualité positive. Il faut non seulement être
conscient du fonctionnement de la sexualité de chacun, mais aussi accepter et accueillir ces
sexualités telles qu’elles sont. Ce n’est pas le fonctionnement de votre sexualité qui importe,
mais ce que vous ressentez par rapport à votre sexualité. Ce que votre partenaire ressent par
rapport à la sienne. Et ce que vous ressentez tous les deux par rapport à la sexualité de l’autre.
C’est là que se trouve le contexte sexuel positif ultime. Et c’est ce dont traite le chapitre 9.
EXTASE POUR TOUTES
CHAPITRE 8
L’orgasme
Le plaisir est l’unité de mesure
Être spectateur (ou spectatrice), c’est l’art de se préoccuper de son corps et de son
fonctionnement sexuel pendant qu’on fait l’amour, et Merritt était passée maître en la matière.
Plutôt que de prêter attention aux sensations agréables et excitantes dans son corps, elle avait la
tête remplie de pensées anxieuses : elle songeait aux mouvements de ses seins, se souvenait
qu’elle n’avait pas eu d’orgasme la dernière fois qu’elle avait eu un rapport sexuel ou
s’inquiétait de ce que révélait d’elle son incapacité à se concentrer sur le plaisir, en tant que
personne sexuelle. Elle se souciait de la relation sexuelle qu’elle avait, au lieu de l’apprécier. Et
l’inquiétude est l’ennemie du plaisir. L’inquiétude appuie sur les freins.
Or quand les freins sont enclenchés, l’orgasme ne survient pas.
C’est pourquoi elle pouvait compter sur les doigts d’une main le nombre d’orgasmes
qu’elle avait eus avec Carol au cours de leurs deux décennies de vie commune.
Et c’est aussi pourquoi elle a décidé que l’orgasme était le moyen parfait de pratiquer le
plaisir – et la confiance en elle que ce plaisir exigeait – qu’elle voulait développer dans sa vie.
« OK, alors dis-moi comment, m’a-t-elle demandé. Comment je fais pour que l’orgasme
survienne ?
– Ah, tu ne peux faire en sorte que l’orgasme survienne. Tu dois lui permettre de
survenir », lui ai-je dit.
Elle a hoché la tête, puis elle l’a secouée.
« Je ne sais pas ce que ça veut dire. »
Je lui ai recommandé de lire Becoming Orgasmic de Julia Heiman et Joseph LoPiccolo.
Bien qu’il soit écrit pour les femmes qui n’ont jamais eu d’orgasme, c’est vraiment le guide par
excellence pour toutes les femmes qui luttent pour atteindre l’orgasme. Merritt a reçu le livre,
l’a lu et a fait quelques exercices… puis elle a fait autre chose de remarquable. Elle a décidé de
ne pas essayer d’avoir des orgasmes avec Carol après tout.
« Pour moi, faire l’amour jusqu’à ce que j’aie un orgasme serait comme courir jusqu’à ce
que je perde du poids. Ça ne marche pas comme ça, et ce n’est même pas le but. Alors je vais
arrêter d’essayer. »
Une fois par semaine, elle et Carol échangeaient des massages, des baisers et du sexe oral.
Elles se contentaient de jouer, et elles faisaient attention à ce que chacune ressentait, sans aucun
objectif précis.
Et devinez ce qui s’est passé.
Ouaip.
Ce chapitre traite de l’orgasme, de toute la panoplie des expériences orgasmiques offertes
aux femmes et des obstacles qui se dressent entre les femmes et le plaisir extatique. Les freins
sensibles de Merritt lui rendaient l’orgasme – en particulier l’orgasme avec une autre personne –
inaccessible. Elle s’est servie de la science que je décris dans ce chapitre pour désactiver ses
freins et trouver le chemin d’une expérience de l’orgasme plus profonde qu’elle ne l’aurait
jamais imaginée possible.
Il y a quelques années, j’ai soutenu une amie qui débutait sa première
relation amoureuse et sexuelle, qui ne s’était même jamais masturbée de sa
vie, et avait encore moins joui. Elle me posait de temps en temps des
questions, parmi lesquelles : « Comment saurai-je si j’ai eu un orgasme ? »
Je lui ai répondu que les orgasmes sont différents pour chacune et qu’ils
peuvent varier selon le mode de stimulation, le fait d’avoir un partenaire ou
non, si on a ses règles – bref, ils dépendent d’un certain nombre de facteurs.
Parfois, on ressent une pulsation rythmique du muscle qui entoure le vagin,
parfois non. La plupart du temps, la sensation principale décrite par les
femmes est celle de « l’accomplissement », c’est-à-dire un sentiment
d’avoir franchi un seuil et d’avoir achevé quelque chose. La pression
artérielle atteint souvent un pic quand vos muscles se contractent et que
votre cœur bat à tout rompre.
« Un orgasme, c’est comme une œuvre d’art, lui ai-je dit. On le
reconnaît quand on le voit. Ce n’est peut-être pas ce à quoi tu t’attends,
mais ce sera différent de tout ce que tu connais. »
Elle a acquiescé, enthousiaste, et a répondu :
« Je crois que j’ai compris ! »
Et puis un jour, elle s’est approchée de moi, un immense sourire aux
lèvres, et m’a dit :
« Ce n’est pas ce à quoi je m’attendais, mais tu avais raison. C’était
incomparable. »
Cette grande variété et cette variabilité rendent l’orgasme presque
impossible à définir – quand bien même les scientifiques consacrent des
milliers de mots à ce casse-tête. Mais quand on le résume à son essence
universelle, voici ce que l’on obtient : l’orgasme est la libération soudaine
et involontaire de la tension sexuelle 1.
Remarquez tout ce qui manque à cette définition : les organes génitaux,
les contractions musculaires, le comportement sexuel, le plaisir, ou tout ce
qui indique ce que l’on ressent ou comment ça s’est produit. Les orgasmes
varient d’une personne à l’autre et d’un contexte à l’autre. Ils se produisent
lorsque vous faites l’amour – et parfois non. Ils se produisent lorsque vous
vous masturbez – et parfois non. Ils peuvent se produire lors de la
stimulation du clitoris, du vagin, des cuisses, de l’anus, des seins, du lobe
de l’oreille ou de l’esprit sans aucun contact physique – ou pas du tout. Ils
peuvent se déclencher pendant votre sommeil, une activité sportive ou dans
diverses autres situations totalement non sexuelles. Ils peuvent être
délicieux, monotones, spirituels, agaçants, extatiques, plaisants ou
frustrants. Parfois, ils sont fantastiques. Parfois, ils ne le sont pas. Parfois,
vous en voulez. Parfois, non.
Dans ce chapitre, nous partons à la recherche du panorama complet de
l’expérience orgasmique, afin de trouver notre chemin vers le jardin secret
au cœur de tout ça. Pour commencer, je vais vous dire ce que l’orgasme
n’est pas : une réponse génitale, un « plaisir », un phénomène hiérarchisé.
Je vais vous dérouler un tapis rouge de statistiques et une ribambelle
d’histoires de femmes pour normaliser votre expérience (ou votre absence
d’expérience) de l’orgasme. Je décrirai ensuite ce qu’il faut faire pour
surmonter les obstacles à l’orgasme, qu’il s’agisse d’apprendre à avoir ce
premier orgasme ou à jouir dans différents contextes. Et je vous dirai
comment trouver en vous le type d’orgasme qui fera exploser les étoiles en
arc-en-ciel.
Je veux vous prouver que vos orgasmes, peu importe comment ils sont
(ou ne sont pas), sont normaux, et je veux vous donner les outils nécessaires
pour avoir les orgasmes les plus profonds et les plus intenses dont vous êtes
capable, des orgasmes qui bouleverseront votre univers. C’est possible pour
tout le monde, je crois, mais seulement si vous vous libérez de tout ce que
l’orgasme n’est pas.
QUE FAIRE SI VOUS VOUS SURPRENEZ
À ÊTRE SPECTATRICE ?
Contrairement à toutes les autres espèces, l’humain peut contrôler son cerveau, plutôt
qu’être contrôlé par son cerveau. Nous sommes capables de remarquer nos pensées ou nos
sentiments, et nous pouvons agir en conséquence. C’est la clé de la gestion de toute forme
d’anxiété liée à la performance, y compris celle qui consiste à devenir spectateur :
remarquez ce à quoi vous prêtez attention, puis détournez votre attention vers ce à quoi
vous voulez prêter attention.
C’est plus facile à dire qu’à faire au début, mais avec un peu de pratique, ça devient plus
facile à faire qu’à dire. Voici comment…
Imaginez que vous faites la queue au supermarché ou que vous êtes assise dans le bus.
Laissez-vous aller à remarquer votre respiration. Inspiration. Pause. Expiration. Pause.
Inspiration. Pause. Expiration. Pause. Deux respirations, juste comme ça. Remarquez, et
souriez. Remarquez cinq à dix fois par jour.
Et surtout, remarquez quand votre attention vagabonde pendant ces deux respirations – ce
qui est normal. Quand vous remarquez que votre esprit se met à errer, souriez à ces autres
pensées, laissez-les passer, et ramenez doucement votre attention là où vous voulez qu’elle
soit. Cette compétence, là ? C’est la pleine conscience. Remarquer quand votre attention
s’éloigne de ce que vous essayez de remarquer, c’est la compétence qui vous aidera à
cesser d’être spectatrice, parce que vous apprendrez à remarquer quand vous êtes
spectatrice et à rediriger votre attention vers les sensations de votre corps.
Pas deux pareilles
Ce qui nous amène au deuxième truc que l’orgasme n’est pas : « le
paroxysme du plaisir ».
L’orgasme, c’est un peu comme être chatouillé. Parfois, c’est amusant,
d’autres fois, c’est énervant, et enfin, de temps à autre, on ne ressent
presque rien. Le plaisir est la perception d’une sensation, et cette perception
dépend du contexte. Ce qui est vrai pour les chatouilles l’est pour
l’orgasme. Mais personne ne me demande jamais : « Pourquoi est-ce que la
plupart du temps, lorsque mon partenaire me chatouille, c’est amusant et
agréable, alors que d’autres fois, pas du tout ? » Nous savons tous
intuitivement que la perception des sensations de chatouilles dépend du
contexte. Il y a un temps et un lieu pour les chatouilles.
Et pourtant, les gens me demandent tout le temps : « Comment se fait-il
que parfois mes orgasmes sont géniaux et que d’autres fois, pas du tout ? »
C’est comme si nous pensions que les orgasmes sont en quelque sorte
différents des autres sensations, qu’ils doivent être ressentis d’une certaine
manière, quel que soit le contexte.
Tous les orgasmes sont la libération soudaine d’une tension sexuelle. La
manière dont cette libération est ressentie dépend du contexte. C’est
pourquoi certains orgasmes sont incroyables et d’autres… vraiment,
vraiment pas. Quelques exemples :
Une femme m’a avoué, le visage écarlate, qu’elle avait eu un orgasme
pendant sa séance de sport. Elle était trop gênée pour ressentir un
quelconque plaisir, et elle était troublée à la fois par l’orgasme et le
manque de plaisir 6.
Une amie souffrant de dépression sévère m’a dit qu’elle pouvait avoir
des orgasmes mais qu’elle n’en éprouvait aucun plaisir. Je lui ai dit que
c’était normal, que le plaisir venait du contexte, et que son contexte était
gris et plat. C’est normal pour une personne dépressive.
Une étudiante de premier cycle pâlissait à vue d’œil pendant ma
conférence sur les agressions sexuelles. J’avais mentionné au passage
que parfois les femmes ont des orgasmes pendant le viol et que c’est en
gros juste un réflexe, que ça ne veut pas dire plaisir ou consentement.
Elle est venue me voir après et m’a dit que j’avais changé sa vie avec
cette seule phrase 7.
Une femme avait périodiquement des orgasmes dans son sommeil et se
réveillait en plein orgasme, parfois à la suite d’un rêve, parfois pas, mais
toujours perplexe devant la sensation de chaleur et les pulsations qui
n’étaient pas nécessairement accompagnées d’un plaisir particulier 8.
Les orgasmes fluctuent les uns par rapport aux autres parce que le
contexte de chaque orgasme est unique. La qualité d’un orgasme est
fonction non pas de l’orgasme lui-même, mais du contexte dans lequel il se
produit.
Les mêmes parties…
Le troisième truc que l’orgasme n’est pas : un phénomène hiérarchisé. Tous
les orgasmes sont différents, et il n’y a pas de « bon » type ou de
« meilleur » type d’orgasme. Il est même difficile de dire qu’il existe
différents types d’orgasmes car ils sont tous constitués des mêmes éléments
de base (libération soudaine de la tension sexuelle) organisés de différentes
manières.
Au lieu de penser à des « types » d’orgasme, nous pouvons penser à
différentes façons d’avoir un orgasme. Voici un petit échantillon des
orgasmes très agréables que les femmes m’ont décrits :
orgasme résultant de la stimulation du clitoris ;
orgasme résultant de la stimulation vaginale ;
orgasme résultant d’une simple stimulation des seins ;
orgasme résultant de la succion de ses orteils ;
orgasme consécutif à la pénétration par son partenaire dans son anus
(bien lubrifié) avec un doigt, tout en l’épinglant au lit par les cheveux.
La sensation la plus érotique, précise-t-elle, était sa paume tiède
reposant doucement sur ses fesses ;
orgasme lorsque son partenaire caresse lentement et doucement du bout
des doigts ses grandes lèvres… encore… et encore… et encore. Elle
dit : « Ce qui a commencé comme une mise en bouche s’est transformé
en plat principal ! » ;
orgasme sans aucune stimulation génitale, alors qu’elle faisait une
fellation à son partenaire. Elle était si attentive à son excitation que
lorsqu’il a joui, elle aussi.
Le mot le plus souvent utilisé par les femmes pour décrire leur difficulté
à atteindre l’orgasme est « frustrée » 20.
Comment fonctionne la frustration ?
Imaginez une petite surveillante, comme un arbitre ou une contrôleuse,
assise à côté de votre Anneau Unique émotionnel 21. Elle a deux fonctions :
1. Elle veille à ce que le monde se comporte conformément à ses
attentes (attentes établies par toutes ses expériences antérieures avec le
monde).
2. Elle dirige l’enquête en cas de divergence entre le monde et ses
attentes.
Lorsque le monde répond à ses attentes, la surveillante se sent satisfaite.
Rien ne manque. Mais il y a parfois un décalage entre le monde et ses
attentes : il faut alors résoudre certaines ambiguïtés, explorer certaines
nouveautés pour déterminer leur place dans l’ordre attendu des choses, ou
encore aborder et obtenir un stimulus très attirant 22.
Lorsque cela se produit, elle passe en mode commandante, et fait de la
réduction de l’écart sa raison d’être. Son monde entier est composé de ces
trois choses :
l’objectif de réduction du décalage, ce qui peut signifier résoudre
l’ambiguïté, explorer la nouveauté, aborder ce qui motive, ou
simplement accomplir la tâche ;
l’effort que vous fournissez dans la poursuite de cet objectif, c’est-à-dire
l’attention, les ressources et le temps que vous y consacrez ;
les progrès que vous réalisez en avançant vers cet objectif.
La petite surveillante permet donc de suivre les progrès que vous faites
par rapport à l’effort que vous investissez. Elle calcule votre ratio
effort/progrès, et elle a une opinion bien arrêtée de ce que devrait être ce
ratio. Cette opinion s’appelle « vitesse du critère 23 ». Et c’est là que ça
devient vraiment intéressant.
Lorsque la surveillante estime que vous faites de bons progrès – lorsque
vous atteignez ou dépassez la vitesse du critère –, elle est satisfaite,
motivée, enthousiaste. Mais lorsqu’elle estime que vous ne progressez pas
assez, elle devient frustrée et vous incite à redoubler d’efforts pour vous
rapprocher de votre objectif. Si vous ne faites toujours pas assez de progrès
pour la satisfaire, elle commence à se mettre en colère… puis enrage ! Et
finalement, si vous persistez à ne pas être à la hauteur, à un certain moment,
la petite surveillante abandonne et vous pousse du haut d’une falaise
émotionnelle dans le « gouffre du désespoir », puisqu’elle est convaincue
que l’objectif est inaccessible. Vous laissez tomber, noyée dans une
désolation sans espoir.
Lorsque vous « échouez » continuellement à atteindre l’orgasme, votre
petite surveillante devient frustrée, puis furieuse et finalement désespérée.
Quand je fais mon cours sur la petite surveillante, les yeux de mes
étudiantes s’écarquillent et elles se trouvent bouche bée. La petite
surveillante est un élément crucial de votre bien-être sexuel, mais elle
intervient aussi dans presque tous les domaines de la vie. Si vous avez déjà
ressenti le frisson de gagner une course ou un jeu, c’est parce qu’elle a été
satisfaite de son critère de vitesse – le ratio effort/progrès a été atteint, voire
dépassé ! Si vous avez déjà pété un câble au volant, c’est à cause du critère
de vitesse fixé par votre surveillante et qui n’est pas respecté, elle se
demande combien temps devrait prendre ce trajet : le ratio effort-progrès est
beaucoup trop élevé ! Si vous vous êtes déjà effondrée, désespérée, face à
un échec, c’est votre petite surveillante qui réévalue l’état d’un objectif et le
juge inaccessible, incontrôlable. La petite surveillante et ses opinions sur
l’effort à fournir sont à la base d’un large éventail de frustrations et de
satisfactions, le désir sexuel n’étant qu’un élément parmi d’autres.
Pour les femmes qui ont parfois (ou toujours) des difficultés à atteindre
l’orgasme, j’ai inclus des instructions détaillées pour s’entraîner à prêter
attention au plaisir et à lâcher prise sur l’objectif, et notamment pour
adapter cette compétence à atteindre l’orgasme avec votre partenaire (voir
annexe 1).
LES VIBROMASSEURS
Au moins la moitié des femmes vivant aux États-Unis ont déjà utilisé un vibromasseur, et
ces femmes sont plus susceptibles de faire part d’un meilleur niveau d’excitation, de désir
25
et d’orgasme . Entre 80 et 90 % de ces femmes n’ont rapporté aucun effet secondaire, et
parmi celles qui en ont rapporté, notamment un engourdissement ou une irritation, presque
toutes ont ajouté que le désagrément durait moins d’une journée.
Une étude limitée sur des femmes utilisant des vibromasseurs dans le cadre d’une thérapie
sexuelle a révélé que les femmes réagissaient de manière très variable au vibromasseur et
26
exprimaient un large éventail de ressentis quant à cette expérience . La résistance initiale
(« Je devrais pouvoir atteindre l’orgasme sans avoir à utiliser un “outil” ») et les
préoccupations relatives aux perturbations éventuelles causées par l’utilisation du
vibromasseur dans la connexion sexuelle avec un partenaire (« Est-ce que vibrer, c’est
tromper ? ») ont souvent fait place à un sentiment de liberté et de découverte. Si
l’expérience a été très hétérogène, même au sein d’un échantillon de dix-sept femmes
seulement, elle a néanmoins constitué un nouveau type de plaisir et a ouvert les horizons
des participantes sur l’idée d’autonomie sexuelle.
Vous reconnaîtrez la crainte que ça ne soit pas « naturel » comme le fondement moral de la
« sainteté » décrit au chapitre 5. L’idée qu’il existe une manière pure, bonne et naturelle
d’avoir un orgasme et une manière impropre, malsaine et non naturelle d’avoir un orgasme
est une catégorisation culturelle classique de l’expérience façonnée par les trois messages –
Moral, Médical et Médiatique – du chapitre 5. La peur la plus fréquente dont les gens me
font part au sujet des vibromasseurs, c’est de devenir « accro » à ces appareils, mais ça
n’arrive pas. Voici ce qui se passe : l’orgasme avec un vibromasseur se produit
relativement rapidement pour de nombreuses femmes parce qu’un vibromasseur procure
une stimulation très intense. Et certaines femmes se sentent très à l’aise avec la rapidité de
leur orgasme avec l’appareil, ce qui les amène à oublier le temps nécessaire sans
vibromasseur. Et lorsqu’elles sont frustrées par le temps que ça prend, la frustration fait
que ça prend encore plus de temps. Mais à ce stade du chapitre, vous connaissez
probablement la réponse à ce problème : frustration = petite surveillante impatiente. Alors
changez d’objectif, changez d’effort, changez de critère de vitesse. Le plaisir, et non
l’orgasme, est la finalité. S’il faut cinq minutes, c’est cinq minutes de plaisir. Hourra ! Et si
c’est trente minutes, c’est trente minutes de plaisir ! Hourra aussi !
L’orgasme extatique : vous êtes
une nuée d’oiseaux !
Les orgasmes peuvent certainement se produire dans des contextes pas
exactement idéaux, voire défavorables, mais le type d’orgasme qui fait
fondre le cerveau, serrer les poings, voir des étoiles en arc-en-ciel, ne se
produit que dans un contexte spectaculairement positif.
Et c’est quoi exactement ce contexte ?
La réponse à cette question est la même que la réponse à celle-ci :
pourquoi le port de chaussettes faciliterait-il l’orgasme ?
Certaines étudiantes m’ont posé cette question pendant que je déjeunais
et que je discutais avec elles. Brittany, Tiffany et moi parlions de la science
du sexe, comme d’habitude.
« Hein ? ai-je lancé entre deux bouchées de salade.
– J’ai lu ça sur Internet. Les chaussettes facilitent l’orgasme, a déclaré
Brittany.
– Oh ! Eh bien, si tu as lu ça sur Internet, c’est que ça doit être vrai, ai-
je plaisanté.
– Non, je l’ai lu aussi ! a confirmé Tiffany. Je pense que c’était un
article sérieux. Je vais le trouver et t’envoyer le lien. »
Elle l’a fait, et c’était vrai… d’une certaine manière. Il s’est avéré que le
fait de mettre des chaussettes permettait aux participantes d’atteindre plus
facilement l’orgasme tout en se masturbant dans une machine d’imagerie
cérébrale.
Il faut se demander pourquoi. Toutes les participantes à des recherches
IRM sur le sexe sont-elles des fétichistes des pieds en secret ? Cela a-t-il un
rapport avec la réorientation du flux sanguin ? Rien d’aussi mystérieux.
Gert Holstege, le chercheur en chef de l’étude, a déclaré que les
participantes à la recherche « étaient mal à l’aise, car elles avaient les pieds
froids 27 ».
Mettez des chaussettes, réchauffez vos pieds et jouissez plus facilement.
Même dans le cadre non érotique d’un laboratoire de recherche, un
changement aussi minime peut faire la différence.
Et ce type de glissement est la clé qui permet de passer d’un orgasme
très agréable à un orgasme qui mériterait un trophée. La science vous
explique comment : tous vos états intérieurs, aussi bien votre confort
physique, la faim, la soif, la somnolence, la solitude, la frustration, etc.,
interagissent au plus profond de votre Anneau Émotionnel cérébral, et
s’influencent mutuellement dans le cadre d’un processus appelé
« intégration 28 ». Ainsi, lorsqu’un état – comme les pieds froids – interfère
avec un autre état – comme l’excitation sexuelle –, on appelle ça
« l’intégration soustractive ». Et quand un état renforce activement un autre
état, c’est une « intégration additive ». C’est ce que Laurie et Johnny ont
vécu lorsqu’ils essayaient de ne pas faire l’amour et que Johnny lui a
également dit pourquoi il aimait faire l’amour avec elle. La quête de
proximité de leur mécanisme d’attachement s’est mêlée à leur motivation
sexuelle, et les deux se sont renforcées.
L’intégration additive peut être un atout incontestable dans votre
expérience sexuelle… mais parfois l’intégration additive peut aussi vous
entraîner vers une dynamique malsaine. La tendance d’Olivia à se sentir
« poussée » jusqu’à l’orgasme lorsqu’elle est stressée en est un exemple. Le
stress renforce sa motivation sexuelle mais de manière malsaine. Et les
femmes ayant participé aux recherches de John Gottman, celles qui ont eu
des relations sexuelles intenses après un acte de violence de leur partenaire,
ont aussi connu une intégration additive : la menace qui pèse sur leur
attachement leur fait sentir qu’il est important de se lier avec ce partenaire.
Le sexe est un comportement d’attachement crucial pour les adultes
humains, de sorte que les deux états – l’anxiété de séparation et la
stimulation sexuelle – se sont renforcés l’un l’autre, pour créer une
expérience sexuelle intense mais en définitive dangereuse et malsaine.
Vous pouvez visualiser l’effet de l’intégration si vous imaginez votre
cerveau sous la forme d’une nuée d’oiseaux.
Savez-vous comment fonctionne une nuée ? Il n’y a pas de chef, pas
d’individu qui contrôle le groupe et qui crie : « Hé, tout le monde, volons
dans cette direction ! » Au contraire, chaque oiseau suit individuellement un
ensemble de règles, du genre : « Évitez les prédateurs, volez vers le pôle
magnétique, et restez aussi à proximité de vos voisins. » Lorsque tous les
oiseaux suivent ces règles, la nuée se forme sans qu’aucun de ses membres
n’en soit responsable.
Vous êtes née avec ce droit inné à tout le plaisir que votre corps peut
ressentir. Vous êtes née avec le droit au plaisir, quelle que soit la
façon dont votre corps l’accueille, dans tout contexte qui le favorise,
et selon la quantité que vous souhaitez. Votre plaisir vous appartient,
à partager ou à garder pour vous, à votre convenance, à explorer
ou non à votre convenance, à accepter ou à éviter
à votre convenance.
La pratique la plus importante pour relâcher les freins n’est autre que la
bienveillance envers soi-même. Trop souvent, les femmes sont bloquées
dans leur épanouissement sexuel parce qu’elles n’arrivent pas à dépasser
cette conviction qu’un élément « ne devrait pas » les freiner. La lumière
allumée, ça ne devrait pas les freiner, elles ne devraient pas être aussi
obsédées par leur corps. Le mot « devrait » se rapporte à ce que vous
« faites mal ».
Question surprise : est-ce que croire que vous faites mal un truc pendant
l’amour a un effet sur l’accélérateur… ou sur les freins ?
Eh oui.
Alors, quand un élément appuie sur les freins, que faites-vous ? Vous le
prenez au sérieux. Vous l’écoutez. Vous agissez avec douceur, comme avec
un hérisson endormi. Même si vous aimeriez bien qu’un truc comme les
lumières allumées ne vous freine pas, le fait est que c’est possible, et c’est
normal. Il est également normal de souhaiter que ça ne soit pas le cas. Mais
croire qu’une telle chose « ne devrait pas » freiner ne fait que freiner
davantage. Reconnaître cette vérité, c’est vous autoriser à réagir, comme en
choisissant de faire l’amour avec des bougies éteintes dans la pièce pendant
une semaine ou deux, puis avec une bougie chauffe-plat allumée, puis deux,
puis trois…
Moins d’un tiers des femmes ont un orgasme garanti par la seule
pénétration vaginale. Les 70 % restants au moins ont parfois,
rarement ou jamais un orgasme dû à la seule pénétration vaginale.
La stimulation du clitoris est le moyen le plus fréquent pour les
femmes d’atteindre l’orgasme. Et nous sommes toutes normales.
Tous les orgasmes sont créés égaux. Peu importe la stimulation qui
les déclenche. La qualité d’un orgasme ne peut être déterminée que
par le plaisir que l’on en tire.
Aimez ce qui est vrai
Le contexte sexuellement positif ultime
Laurie et Johnny avaient tout essayé. Mais finalement, ce qui a été déterminant, c’est quand
Laurie a choisi le plaisir – pour elle-même.
Armée de cette décision de commencer à faire attention à ce qu’elle ressentait, Laurie s’est
rendue à une retraite de pleine conscience le temps d’un week-end, avec un nom comme
« L’Éveil du Divin Féminin ». Elle y a pratiqué le yoga et dormi neuf heures par nuit. Elle a
mangé en pleine conscience. Elle a respiré en pleine conscience. Elle a partagé ce qu’elle
éprouvait avec des inconnues, s’est fait de nouvelles amies et a retrouvé le sentiment qu’elle
n’était pas seule à se débattre. Et, laissez-moi juste souligner à nouveau ceci, parce que Laurie
le souhaiterait : elle a dormi neuf heures par nuit.
Pendant vingt et une heures (le temps passé là-bas éveillée), elle s’est concentrée sur ce que
ça lui faisait d’être en vie et de parcourir le monde. Quand elle est revenue, c’était une nouvelle
femme.
« Je ne peux pas être une source de joie dans la vie des gens que j’aime si je n’arrive même
pas à en être une pour moi-même, a-t-elle annoncé. Et ce que je veux, plus que tout, c’est être
une source de joie dans la vie de ceux que j’aime.
– Attends une seconde, Johnny et moi et tous ceux qui t’aiment, nous te répétons ça depuis
des mois, ai-je dit. Qu’est-ce qu’ils t’ont fait à cette retraite ?
– Je me tenais dans le regard divin de Lakshmi, déesse de l’auspiciosité, et j’ai ressenti ma
propre puissance et beauté », a-t-elle récité sérieusement. Puis elle a éclaté de rire et ajouté :
« Vous me direz probablement que ce n’est qu’une métaphore pour activer un truc ou autre dans
mon machin mésolimbique, mais je me fous de la science. Ça a marché, bordel. »
Ce chapitre traite de la science dont Laurie se fout complètement. Et ça marche, bordel.
Nous voici arrivées au dernier chapitre. Jusqu’à présent, nous avons
appris que, à certains égards majeurs, votre réponse sexuelle peut ne pas
suivre le « récit type » du fonctionnement sexuel :
Vous pouvez avoir des freins plus ou moins sensibles et un accélérateur
plus ou moins sensible.
Votre réponse génitale peut ne pas prédire votre expérience subjective
d’être « excitée ».
Votre désir sexuel peut émerger en réponse au plaisir, plutôt qu’en
anticipation du plaisir.
Tout cela peut vous surprendre si vous faites partie des 10 à 20 % de
femmes dont la réponse sexuelle est conforme au « récit type ». (Nous
avons également appris que les gens, en particulier les femmes, sont très
différents les uns des autres et évoluent considérablement au cours de leur
vie.)
Ce qui m’amène à la confiance en soi et à la joie.
« Confiance en soi et joie » est une expression que j’utilise beaucoup
depuis de nombreuses années, mais elle n’est devenue centrale à mon
travail que lorsque, pendant un semestre, une étudiante a levé la main en
plein cours et a demandé : « Attends, Emily. Pourrais-tu définir ces termes ?
Qu’est-ce que la confiance en soi et la joie ?
– Euh… ai-je répondu. Laisse-moi y réfléchir et on en reparle. »
Je suis rentrée chez moi et j’y ai pensé toute une semaine. J’ai lu
beaucoup de littérature scientifique. J’ai relu beaucoup de mes propres
articles de blog. J’ai regardé mes chiens gambader dans la cour. Et quand je
suis arrivée en cours la semaine suivante, voilà en substance ce que j’ai dit à
mes étudiantes :
La confiance en soi, c’est savoir ce qui est vrai au sujet de son propre
corps, de son esprit, de sa sexualité et de sa vie. Savoir que ses organes
génitaux sont constitués des mêmes parties que ceux des autres, organisés
de manière unique. Savoir que les freins et l’accélérateur existent.
Connaître la notion de contexte et la différence entre l’appréciation, la
motivation et l’apprentissage. Connaître le concept de non-concordance de
l’excitation et celui de désir réactif. Savoir ce qui est vraiment vrai, même si
ce n’est pas ce qui a été enseigné comme ce qui « devrait » être vrai. Savoir
ce qui est vrai, même si ce n’est pas ce que l’on souhaite être vrai.
La joie, c’est aimer ce qui est vrai dans son corps, son esprit, sa
sexualité et sa vie. Aimer ses organes génitaux, ses freins et son
accélérateur, et la manière dont son cerveau réagit au contexte. Aimer le
contexte lui-même. Aimer l’excitation, la non-concordance et le désir
réactif. Aimer ce qui est vrai, même si ce n’est pas ce qui a été enseigné
comme ce qui « devrait » être vrai. Aimer ce qui est vrai, même si ce n’est
pas ce que l’on souhaite être vrai.
J’ai déclaré ça devant ma classe, et l’étudiante qui m’avait demandé la
semaine passée de définir mes termes a encore levé la main.
Elle a commenté : « La joie, c’est la partie difficile. »
Depuis ce jour, les étudiantes et les participantes aux ateliers sont toutes
d’accord : la joie est la partie la plus difficile.
Heureusement, la recherche nous révèle une pratique qui peut nous
apprendre, eh bien… à connaître la joie. Ce chapitre traite de cette pratique.
D’abord, j’expliquerai pourquoi la confiance en soi seule ne suffit pas, puis
je décrirai le processus de « confrontation avec la réalité », un véritable
retour à la réalité, qui permet de passer de la confiance en soi à la joie. Nous
conclurons par une exploration de la notion de « non-jugement », la
compétence clé qui permet de passer de la joie… à un accès durable à
l’extase.
Pourquoi la confiance
en soi ne suffit pas
Prenons l’exemple de « Mme B. », dont l’histoire sert d’introduction à un
article du New York Times sur la médecine sexuelle des femmes. L’article
commence ainsi : « Depuis que Mme B. a passé le cap des 45 ans, dit-elle,
le sexe tient davantage de la poudre aux yeux que du septième ciel. Elle est
rarement, voire jamais suffisamment intéressée pour initier un rapport avec
son partenaire d’une décennie, et elle n’atteint pas l’orgasme pendant l’acte.
Elle souhaite qu’il en soit autrement 1. »
Comme vous avez déjà lu une bonne partie de ce livre, vous remarquez
que le style de désir de Mme B. est réactif plutôt que spontané, et il semble
qu’elle n’atteigne pas l’orgasme régulièrement lors de rapports sexuels avec
pénétration. Ces deux éléments la placent clairement dans la majorité.
Pourtant, elle aimerait qu’il en soit autrement.
Ce qui est parfaitement compréhensible. J’imagine qu’elle a appris
(comme la plupart d’entre nous) que le désir spontané et les orgasmes par
pénétration sont normaux, et comme ce n’est pas ce qu’elle vit, elle pense
qu’elle est anormale. Cassée. Si je pensais être cassée, moi aussi je
souhaiterais qu’il en soit autrement.
Mais elle n’est pas cassée, elle est normale – en fait, elle est même
typique, standard. Et quel effet ce rêve d’une autre sexualité a-t-il sur son
bien-être sexuel ? Est-ce que ça active l’accélérateur ou les freins ?
Résultat : elle se décrit elle-même comme « sexuellement morte ». Et il
n’y a rien de pire que ça.
Pour une personne qui se sent si mal dans une sexualité normale, la
connaissance seule (et la confiance en soi qui en découle) est souvent
insuffisante.
J’ai vu la confiance en soi être insuffisante d’au moins trois façons
différentes. Premièrement, vous savez peut-être que quelque chose est vrai,
mais vous croyez quand même que c’est un défaut. Une lectrice de mon
blog a appris ce qu’était le désir réactif, mais a laissé le commentaire
suivant : « Je pense que vous oubliez que le “désir réactif” est un désir
moindre que le désir [spontané]. »
La plupart des femmes ont « un désir moindre » ? Dur.
La construction d’un désir réactif comme « moindre » n’est pas un
« fait », bien sûr : c’est un jugement de valeur, une opinion. « Je ne devrais
pas avoir à faire tous ces efforts, pensez-vous. Le désir devrait juste se
manifester. » Et derrière cette idée, il y a le sentiment : « Je ne devrais pas
être comme ça. Je ne suis pas adaptée. »
Et le sentiment « je suis inadaptée » va-t-il activer l’accélérateur ou
appuyer sur les freins ?
Évidemment.
Un deuxième cas où la confiance en soi seule ne suffit pas : parfois, la
confiance en soi sur le plan sexuel rejoint l’idée d’acceptation du corps. On
l’accueille avec enthousiasme au début, puis on essaie de la mettre en
pratique. Vous regardez votre corps dans le miroir et vous écrivez tout ce
que vous voyez et qui vous plaît… mais ensuite vous vous aventurez dans
le monde et un connard misogyne vous fait une réflexion désobligeante et
vous murmure quelques mots grossiers. Même si vous vous entraînez à
aborder votre corps avec bienveillance et compassion, une partie du monde
continuera de vous dire que vous êtes cassée. Et cette partie du monde, ça
peut être votre partenaire, vos amis, votre famille ou même vos soignants.
C’est difficile de s’accrocher à ce qu’on sait lorsque tout le monde autour
répète que c’est faux.
Et un troisième cas qui prouve que la confiance en soi ne suffit pas : ce
ne sont pas seulement les voix extérieures qui clament que vous êtes
toujours cassée. Vous avez passé des décennies à intérioriser des messages
– Moral, Médiatique et Médical – répétant à quel point vous êtes
défectueuse, inadaptée et malade. Une partie de vous a peut-être acquis la
conviction que vous êtes un lamentable échec qui ne devra jamais montrer
son vrai visage sexuel à personne. Vous « savez » peut-être que ce n’est pas
vrai, mais cette petite voix en vous, qui se cache dans un recoin de votre
psyché, ne se laissera convaincre par aucune information scientifique.
Quand on sait qu’une chose est vraie, mais qu’on éprouve du
ressentiment vis-à-vis de cette vérité, qu’on la juge, qu’on la déteste ou
qu’on en a honte, elle ne peut pas accroître son bien-être sexuel. Si on sait
que c’est vrai, mais que des personnes importantes dans la vie ne sont pas
d’accord, la confiance en soi peut glisser entre les doigts comme un savon
dans le bain. Et si on sait que quelque chose est vrai, mais qu’une partie de
soi a été tellement blessée que la connaissance seule ne peut pas la guérir,
alors la confiance en soi ne peut pas être la porte d’accès à l’extase. Il faut
aussi de la joie. Il faut aimer ce qui est vrai.
La première étape pour passer de la connaissance de la vérité à l’amour
de la vérité consiste à élargir le sens de « savoir la vérité ».
Parce que vous avez lu le chapitre 8, vous savez que vous êtes normale
et vous avez appris d’autres méthodes pour avoir des orgasmes, notamment
par la stimulation du clitoris. C’est la connaissance ! Mais que faire si vous
vous sentez toujours frustrée de ne pas avoir d’orgasmes lors de vos
rapports sexuels ? Ou si vous avez honte ? Ou si vous êtes triste ? Ou si
vous vous jugez ? Une telle approche rendra-t-elle plus facile ou plus
difficile toute tentative d’accéder au plaisir et à l’orgasme autrement ?
Exactement. C’est le moment de vous confronter à la réalité. Quel est votre
objectif ? Quels sont les efforts que vous investissez ? Quelles sont vos
attentes quant à l’effort qu’il faudra fournir pour atteindre cet objectif ?
Pour la plupart d’entre nous, les états cibles que nous avons en tête –
comme le désir spontané ou l’orgasme lors de rapports sexuels – ne sont pas
des objectifs que nous avons choisis consciemment pour nous-mêmes.
Notre culture nous les a transmis sous forme de scénarios sexuels. Ces
scénarios fournissent la structure des croyances par lesquelles nous
interprétons le monde sexuel. Trop souvent, ces scénarios sont des barrières
entre nous et la joie.
Au cours des dernières décennies, des recherches ont suivi l’évolution
des scénarios sexuels dans la culture occidentale. Parmi les scénarios
culturels récents, on peut citer : « La sexualité des hommes est simple et
celle des femmes est complexe », ou « Les femmes n’ont pas une pulsion
sexuelle aussi forte que les hommes », ou encore « L’orgasme est essentiel à
une relation sexuelle réussie 2 ».
Les scénarios sont gravés dans votre cerveau très tôt, par votre famille
et votre culture – souvenez-vous du Message Moral, du Message Médical et
du Message Médiatique du chapitre 5 !
Mais les scénarios ne concernent pas ce que nous tenons pour vrai sur le
plan intellectuel. Ils servent de référence à notre Anneau Unique émotionnel
et à notre petite surveillante pour filtrer et organiser l’information. Vous
pouvez être en désaccord avec un scénario tout en vous y pliant, et en
interprétant votre expérience par rapport à celui-ci.
Le terme technique pour ce processus d’organisation de votre
expérience selon un schéma préexistant est « modèle génératif
probabiliste ». Ça signifie que les informations – tout ce que vous voyez,
entendez, sentez, touchez ou goûtez – parviennent d’abord à votre cerveau
émotionnel, où vos apprentissages antérieurs (éventuellement liés au citron
ou aux petites vestes pour rat, ou à l’image du corps ou au dégoût sexuel) et
votre état cérébral actuel (stress, amour, autocritique, dégoût, etc.) se
combinent pour façonner les décisions initiales que votre cerveau prend
pour se rapprocher ou s’éloigner de ces informations. Cette décision initiale
déclenche une série d’attentes sur ce qui pourrait aussi être vrai, et sur ce
qui pourrait se passer ensuite.
Pour comprendre ce phénomène plus facilement, prenons la métaphore
des cartes et des terrains.
Ça a pris des mois avant que la dissonance entre ce qu’elle s’attendait à vivre et ce qu’elle
vivait réellement ne devienne une évidence pour elle. C’est alors qu’elle est venue me
voir, convaincue qu’elle devait être cassée.
Quand je lui ai dit que les femmes ont plus de chances d’avoir des orgasmes plus tard dans
une relation que lors de leur premier rapport sexuel avec un nouveau partenaire, elle a
refusé de me croire, tant elle était convaincue que la carte était bonne et que le terrain –
c’est-à-dire son corps – était mauvais.
Je lui ai également expliqué que le plaisir dépendait du contexte, de sorte que même la
stimulation du clitoris n’était pas agréable si elle n’est pas réalisée dans le bon contexte.
« C’est comme pour les chatouilles, lui ai-je dit. Si ça ne fait pas du bien, c’est juste que
vous n’avez pas encore le bon contexte. Quand la stimulation du clitoris n’est pas bonne,
ce n’est pas parce que votre clitoris ne fonctionne pas, c’est généralement parce que vous
n’êtes pas encore assez excitée. »
L’absence de jugement 2 :
guérir d’un traumatisme
Lorsqu’une personne subit un traumatisme, c’est comme si un individu
s’était glissé dans son jardin et avait arraché toutes les plantes qu’elle avait
fait pousser avec tant de soin et d’attention. C’est particulièrement terrible
lorsque cet individu n’est pas un étranger, mais quelqu’un en qui le
propriétaire du jardin avait confiance. Il y a alors de la rage et de la
trahison, du chagrin pour le jardin tel qu’il était, et la crainte qu’il ne
repousse jamais.
Mais il va repousser. C’est ce que font les jardins.
Et vous facilitez cette renaissance en laissant le jardin être ce qu’il est,
inachevé et en développement, et non ce qu’il était ou ce que vous
souhaitez qu’il soit. Comment ? Par l’autocompassion : la bienveillance
envers soi-même, l’humanité commune et la pleine conscience. La patience.
Accepter l’idée de ne pas aller bien.
Le processus de guérison est douloureux. Si vous vous cassez la jambe,
à aucun moment pendant la cicatrisation vous ne vous sentirez mieux
qu’après guérison complète.
Il y a la douleur, les démangeaisons et une diminution de la force
musculaire. À partir du moment où votre jambe est cassée, elle fait mal
constamment… jusqu’à ce que, progressivement, elle commence à faire
moins mal. La douleur est normale.
La chose la plus importante que vous puissiez faire pour avoir une
super vie sexuelle, c’est d’accueillir votre sexualité telle qu’elle est,
en ce moment même – même si elle n’est pas celle que vous vouliez
ou attendiez.
Merci, tout d’abord, à toutes les femmes qui m’ont parlé de leur vie
sexuelle, dont les expériences sont entrelacées dans les récits de Camilla,
Olivia, Merritt et Laurie, et tout au long du livre. J’espère que j’ai fait
honneur à vos histoires.
Je remercie les chercheurs, sexologues et les conseillers qui se sont
entretenus avec moi, qui ont lu des extraits du livre, qui m’ont dit que je
n’avais pas l’air complètement folle, qui m’ont dit que j’avais l’air
complètement folle, et/ou qui m’ont fait un petit signe de tête compatissant
quand je me suis excusée du décalage entre écrire de la science et écrire au
sujet de la science pour le grand public. Par ordre alphabétique : Kent
Berridge, Charles Carver, Kristen Chamberlin, Meredith Chivers, Cynthia
Graham, Robin Milhausen, Caroline Pukall, et Kelly Suchinsky. Veuillez
noter que toute erreur scientifique est de ma seule responsabilité, malgré les
commentaires précis et clairs fournis par ces professionnels bienveillants.
Merci à Mme Erika Moen, qui a si bien dessiné les schémas d’appareils
génitaux.
Merci à mes bêta-lecteurs, en particulier Andrew Wilson et Sabrina
Golonka, Patrick Kinsman, Ruth Cohen, Anna Cook et Jan Morris.
Merci aux lectrices de mon blog, qui ont lu les premières ébauches du
livre, ont commenté mes articles pendant quatre ans, m’ont aidée à rester
honnête autant intellectuellement qu’émotionnellement, et m’ont fait
remettre en question ce que je pensais savoir, afin que je puisse devenir une
meilleure écrivaine.
Je remercie mes étudiantes du Smith College, qui m’ont posé des
questions auxquelles je n’avais jamais pensé (« Quelle est l’origine
évolutive de l’hymen ? ») et qui m’ont poussée à comprendre toujours plus
en détail ce que j’enseignais, afin de devenir une meilleure enseignante.
À vous tous et toutes : je vous remercie.
Enfin, vient la gratitude pour laquelle il n’y a plus de mots, mais
seulement une impression de cœur qui va bientôt exploser impossible à
expliquer. Vous connaissez cette sensation ? Celle qui pousse à avancer vers
la personne, à se mettre à genoux, et à se couvrir le visage de ses mains,
reconnaissante, humble, liée.
Je suis presque sûre que chaque personne pour qui j’éprouve ce
sentiment trouverait tout ça très, très gênant si je le faisais pour de vrai.
Alors, je me contenterai d’écrire une liste.
Voici, dans un ordre chronologique approximatif, les personnes qui
m’ont tant aidée que je n’ai pas de mots pour le décrire :
Nancy Nutt-Chase
Cynthia Graham et John Bancroft
Erick Janssen
David Lohrmann
Richard Stevens
Lindsay Edgecombe
Sarah Knight
Julie Ohotnicky
Amelia Nagoski
Stephen Crowley
Reconnaissante. Humble. Liée. Merci.
ANNEXES
ANNEXE 1
La masturbation
thérapeutique
L’orgasme prolongé
Pas de changement
Augmentation (%) Diminution (%)
(%)
Hommes 10 55 35
Dépression
Femmes 9,5 40 50,5
Hommes 25 58 18
Anxiété
Femmes 23 43 34
D’après Lykins, Janssen et Graham, « La relation entre humeur négative et sexualité ». Voir
également Janssen, Macapagal et Mustanski, « Effets de l’humeur sur la sexualité ».
Chapitre 3 : Le contexte
1. 4 % chez Carpenter et al., « Modèle à double contrôle », et 8 % dans mon
expérience beaucoup moins scientifique sur mon blog et dans mes cours.
2. McCall et Meston, « Signaux provoquant le désir » et « Différences entre
les femmes pré- et postménopausées ».
3. Graham et al., « Exciter et inhiber ».
4. Gottman, The Science of Trust, 254 (non traduit).
5. Bergner, Que veulent les femmes ? (Hugo Doc).
6. Graham, Sanders, et Milhausen, « Inventaire de l’excitation/inhibition
sexuelle. »
7. BBC News, « Les mots peuvent changer ce que nous sentons ».
8. Aubrey, « Avoir un peu le cafard ».
9. Ariely, C’est (vraiment ?) moi qui décide : les raisons cachées de nos
choix (La clé des champs).
10. Nakamura et Csikszentmihalyi, « Flow : théorie et recherches », 195–
206.
11. Flaten, Simonsen, et Olsen, « Informations liées aux drogues ». Je lève
mon chapeau à Goldacre pour son intervention à « Nerdstock ».
12. Reynolds et Berridge, « Environnements émotionnels ».
13. Gottman, Science of Trust, 192 (ibid).
14. De plus en plus d’éléments indiquent que, de diverses manières, tant
chez les rats que chez les humains, le contexte modifie la façon dont le
mésencéphale réagit aux stimuli. Des études d’imagerie cérébrale humaine
ont montré que l’incertitude et le risque peuvent influencer la réponse du
NAcc (Abler et al., « Erreur de prédiction ») et que le NAcc des personnes
souffrant de douleurs dorsales chroniques réagit différemment à une
« stimulation thermique nocive » (c’est-à-dire une brûlure) que celui des
personnes qui ne vivent pas avec la douleur (Baliki et al., « Valeur
prédictive de la douleur »). L’étude du fonctionnement du cerveau chez les
personnes souffrant de douleurs dorsales chroniques est particulièrement
intéressante : lorsqu’ils ont porté leur attention sur la sensation de brûlure
sur la peau de leur dos, ils ont indiqué que la chaleur leur faisait mal ;
lorsqu’ils ont porté leur attention sur la douleur dans les muscles de leur
dos, ils ont indiqué que la chaleur leur faisait du bien. Le contexte englobe
aussi ce sur quoi nous portons notre attention.
15. Berridge et Kringelbach, « Neuroscience de l’affect », 295.
16. Jaak Panksepp et Lucy Bevin (Archaeology of Mind) incluent dans leur
taxonomie du cerveau limbique : la recherche, la rage, la peur, la luxure,
l’attention, la panique/le deuil et le jeu. Frederick Toates inclut, outre le
stress et le sexe, le comportement social, l’agressivité et l’exploration
(Biological Psychology). Paul Ekman, à partir de recherches sur les
expressions faciales universelles, théorise les catégories émotionnelles
élémentaires que sont la colère, le dégoût, la peur, le bonheur, la tristesse et
la surprise (Emotions Revealed). Le fait qu’il n’existe pas encore de
système universellement reconnu pour comprendre l’organisation de nos
émotions les plus fondamentales est éloquent. Il n’existe pas non plus de
définition universellement acceptée de ce qu’est une émotion ou une
motivation ni de consensus permettant de statuer sur la similitude ou la
différence entre ces deux notions, bien que mes références révèlent mes
préférences (Berridge and Winkielman, « Qu’est-ce qu’une émotion
inconsciente ? » et Panksepp, « Qu’est-ce qu’un sentiment émotionnel ? »).
17. Berridge, « Mécanismes de maîtrise de soi ». Le psychologue de
Harvard Daniel Gilbert a décrit Berridge comme « l’un des meilleurs
neuroscientifiques du monde » (Berridge et al., Neuroscience of
Happiness), mais je le différencierais ainsi des autres neuroscientifiques : en
tant qu’auteur de l’étude sur les rats et Iggy Pop et créateur de la métaphore
de l’Anneau Unique, il est le seul et unique auteur de recherches sur le
cerveau des rats qui m’a déjà fait éclater de rire.
18. Les auteurs utilisent des guillemets (la « motivation » et
« l’appréciation » de Berridge) et des majuscules (le système de
recherche, etc. de Panksepp et Bevin, dans leur Archaeology of Mind) afin
de renforcer la distinction entre l’appréciation, la motivation et
l’apprentissage conscients et l’appréciation, la motivation et
l’apprentissage mésolimbiques. Pour faire cette distinction dans ce livre,
j’utilise tout au long une métaphore simplifiée : lorsque je parle de
l’expérience d’une personne en matière de motivation, d’apprentissage et de
plaisir ou de souffrance (ce que les gens utilisent pour décrire ce qu’ils
veulent, savent ou ressentent), je dis « tu veux/tu sais/tu ressens ». Lorsque
je parle de la motivation affective, de l’apprentissage et des sentiments
(vouloir/désirer, apprécier, apprendre), je dis « votre cerveau veut
(désire)/connaît/ressent ».
19. Childress et al., « Prélude à la Passion ».
Chapitre 7 : Le désir
1. Quelle proportion de la population a tel ou tel style de désir ? Il est
possible qu’une minorité de personnes – par exemple, environ 6 % des
femmes, dans une étude (Hendrickx, Gijs et Enzlin, « Taux de prévalence
des difficultés sexuelles ») – n’aient pas de désir spontané ou réactif. Au-
delà de ce chiffre, je n’ai pas encore trouvé de statistiques utiles sur le style
de désir selon les personnes. Ce serait une information utile, car les gens
trouvent rassurant d’entendre « X % des gens ont un désir réactif », mais,
malgré de nombreuses études, menées sur de nombreuses populations
différentes, utilisant toute une variété de méthodologies, sur plusieurs
décennies, la science n’a pas de réponse (Garde et Lunde, « Comportement
sexuel féminin » ; Michael et al., Sex in America ; Beck, Bozman et
Qualtrough, « L’expérience du désir sexuel » ; Bancroft, Loftus et Long,
« Détresse quant au sexe » ; Cain et al., « Fonctionnement et pratiques
sexuelles » ; Carvalheira, Brotto et Leal, « Motivations des femmes pour le
sexe » ; Štulhofer, Carvalheira et Træen, « Aperçu d’une étude sur deux
pays »). Sur la base des données disponibles, je ne peux que supposer
qu’environ un tiers des femmes éprouvent un désir principalement ou
exclusivement réactif.
Deux nouveaux axes de recherche dont j’ai entendu parler pourraient
déboucher sur une mesure formelle du désir réactif. Le premier (Velten
et al., « Développement et validation ») est, malheureusement, une révision
d’une échelle mise au point pour étudier les changements dans les
« tactiques » d’accouplement des femmes tout au long du cycle menstruel
(Gangestead, Thornhill et Garver, « Changements dans les intérêts sexuels
des femmes »), un essai qui a été rejeté en primatologie, en faveur d’un
modèle basé sur la proceptivité, la réceptivité et l’attraction sexuelles
(Dixson, Sexual Selection, chapitre 6). Fondée sur une compréhension
erronée du fonctionnement sexuel féminin humain, cette ligne de recherche
semble donc peu susceptible d’aboutir à une compréhension claire.
Le deuxième axe de recherche (Mark et Lasslo, « Conserver le désir
sexuel ») est plus orienté vers l’aspect clinique et propose non pas des
statistiques sur les expériences des personnes qui ont tel ou tel style de
désir, mais plutôt un cadre permettant de comprendre les prédicteurs d’un
désir sexuel satisfaisant dans les relations à long terme. Cela constitue la
base d’une réflexion en cours sur les approches des couples pour faire face
aux différences de désir (Vowels et Mark, « Stratégies pour atténuer le
décalage »).
Mais quelles que soient les lacunes des recherches évaluant le désir réactif,
plus je lis d’études et plus je parle aux gens du désir, plus je pense que le
concept de base du désir devrait être, sinon totalement écarté, du moins
certainement mis de côté en tant que facteur marginal dans la
compréhension et le développement de la confiance et de la joie sexuelles
chez les individus, et dans les relations. Mes objectifs sont de normaliser la
variété des expériences du désir sexuel et d’accroître la motivation des
lectrices à donner la priorité au plaisir, plutôt qu’au désir en tant que tel.
Ces objectifs semblent mieux correspondre à une approche européenne que
nord-américaine du désir sexuel. La déclaration de position de la Société
européenne de médecine sexuelle (ESSM) sur la disparité des désirs sexuels
suggère, entre autres, de normaliser et de dépathologiser la variation du
désir sexuel, de remettre en question le mythe du désir sexuel spontané et
de traiter les problèmes relationnels et les besoins relationnels non satisfaits
(Dewitte et al., « Disparités dans le désir sexuel »).
En résumé : Quelle proportion de personnes possède quel style de désir ?
Qui ça intéresse ? C’est comme demander quelle proportion de femmes a
des petites lèvres qui dépassent les grandes lèvres : ça n’est prédicteur pour
aucun domaine de satisfaction sexuelle, ça montre seulement qui
correspond à l’idéal culturellement construit.
2. Dans cette étude, vous trouverez cette idée décrite comme « l’excitation
d’abord, le désir ensuite », et la première édition de mon livre a utilisé ce
vocabulaire. Mais de nombreux journalistes ont été troublés et déroutés par
l’expression « l’excitation d’abord, le désir ensuite », car ces mots se
rapprochent dangereusement du mythe du viol, qui existe depuis longtemps,
selon lequel si vous commencez à avoir des relations sexuelles avec une
femme, elle ne pourra pas s’empêcher de prendre du plaisir, et du conseil
selon lequel les femmes devraient « simplement se lancer », en partant de
l’hypothèse (erronée) que ça ne sera pas « juste » avoir une relation sexuelle
qu’elle ne veut pas ou n’aime pas. Une lectrice m’a dit que son mari avait
compris le passage « l’excitation d’abord » comme une invitation à glisser
ses mains dans sa culotte à l’improviste, et quand elle a dit « Non, je ne suis
pas excitée », il a répondu « Mais tu le seras ». Ce qui est à l’opposé de ce
que j’essaie d’enseigner.
En raison de ces malentendus, dans les mois qui ont suivi la publication de
la première édition de ce livre, j’ai changé ma façon d’enseigner, passant de
« l’excitation d’abord, le désir ensuite » à « le plaisir d’abord, le désir
ensuite ». Des cliniciens motivés par la recherche m’ont demandé pourquoi
j’utilisais une expression alternative, alors voilà. En fait, c’est plus précis et
c’est moins facile de l’interpréter au travers du prisme de la culture du viol.
3. Bien entendu, cela varie également d’un individu à l’autre. Le scénario 1
peut sembler spontané pour une personne dont le frein est moins sensible au
stress, et le scénario 3 peut sembler réactif pour une personne dont
l’accélérateur nécessite une plus grande stimulation avant que l’excitation
attisée à distance ne produise enfin des étincelles de désir. Mais le processus
général est le même pour tout le monde. Le plaisir + le contexte approprié
(les bonnes circonstances externes et l’état interne) = le désir.
4. Ryan, « Expériences de vie des femmes cherchant et utilisant des
stratégies d’adaptation ».
5. Dans certains cas, les hormones peuvent être impliquées dans des
problèmes de désir, mais ce sont le plus souvent des questions médicales.
Par exemple, certaines femmes qui subissent une double ovariectomie
(ablation des ovaires) avant l’âge de 45 ans peuvent être plus susceptibles
d’éprouver un faible désir. Et il peut y avoir un sous-groupe de femmes –
environ 15 % – chez qui l’excitation sexuelle dépend de la testostérone,
principalement lorsqu’elles prennent des contraceptifs hormonaux ; plus
précisément, leur mécanisme de réponse sexuelle peut être peu sensible à la
testostérone, ce qui fait qu’elles ont besoin d’une plus grande quantité de
cette hormone avant que leur intérêt sexuel ne s’éveille (Bancroft et
Graham, « La nature variée de la sexualité des femmes »). Environ un tiers
des femmes voient leur intérêt sexuel diminuer lorsqu’elles prennent une
pilule contraceptive, environ un cinquième des femmes voient leur intérêt
sexuel augmenter, et la moitié restante ne ressent aucune fluctuation
particulière (Sanders et al., « Une étude prospective »). Ainsi, si votre
intérêt pour le sexe a baissé lorsque vous avez commencé à prendre des
contraceptifs hormonaux et que vous souhaitez le retrouver, passez à une
autre pilule ou essayez l’anneau vaginal, le dispositif intra-utérin, l’implant
ou n’importe quelle autre méthode de contraception hormonale. Le corps de
chaque femme réagit différemment aux différentes combinaisons
d’hormones. On a également constaté que la diminution tant soulignée de
l’intérêt des femmes pour le sexe au fil des années est associée à l’âge lui-
même, et non aux hormones (Erekson et al., « Fonction sexuelle chez les
femmes âgées »). C’est compliqué, et il y a des exceptions bien sûr, mais
voici une bonne règle de base : les hormones peuvent résoudre les
problèmes génitaux/périphériques – douleur, sécheresse, sensation, etc. –
mais pas les problèmes cérébraux/centraux, et le désir est un problème
cérébral (Basson, « Hormones et sexualité »).
6. Basson, « Modèles biopsychosociaux de la réponse sexuelle des
femmes » ; Brotto et al., « Prédicteurs des troubles du désir sexuel ».
7. Beach, « Caractéristiques de la “pulsion sexuelle” masculine » pour une
présentation succincte de l’histoire de la conceptualisation du sexe comme
pulsion, voir Heiman et Pfaff, « Excitation sexuelle et concepts connexes ».
8. Ce n’est pas la pulsion sexuelle qui fait paniquer les gens lorsqu’ils sont
« privés » de sexe. C’est plutôt, au moins en partie, la solitude. La
connexion est une pulsion (Nagoski, « Je suis désolée que tu te sentes
seul »).
9. Toates, How Sexual Desire Works, chapitre 4.
10. Notez que la curiosité et le jeu sont aussi innés chez l’humain (et chez
les autres mammifères sociaux) que la faim ou la soif (Toates, Biological
Psychology). Ce point est important, car la position consistant à dire « vous
n’avez pas besoin de sexe » dans l’éducation sexuelle, avancée dans
l’espoir louable de protéger les femmes contre ce que les hommes
considèrent comment un dû sexuel (voir Manne, Down Girl et Entitled), a
parfois malheureusement basculé dans l’extrême opposé, prônant
l’abstinence absolue (Duffey, Relations of the Sexes ; Foster, Social
Emergency). Le sexe est une motivation innée chez l’humain et, à mon avis,
les seules conditions préalables sont le consentement mutuel et libre et
l’absence de douleur non désirée. C’est plus facile à dire qu’à faire,
précisément en raison de ce droit au sexe que les hommes estiment avoir.
11. Perel, « Le secret du désir dans une relation durable ».
12. Gottman, Science of Trust, 257.
13. Charles Carver a suggéré que le plaisir pourrait être un signal indiquant
que nous pouvons cesser de prêter attention à une chose et porter notre
attention vers une autre plus insatisfaisante (« Le plaisir comme signe »).
Voir la boucle de témoignages sur la réduction des écarts, chapitre 8 de ce
livre, note 21.
14. Dwyer et Sobhan, « Examen statistique et évaluation, » consulté le
11 septembre 2020.
15. Ng, « Évaluation des risques et examen(s) de l’atténuation des risques ».
Le nombre d’« événements sexuels satisfaisants » est le paramètre clé
secondaire et il « n’a pas atteint la signification statistique entre les groupes
de traitement » (p. 8).
16. Filipovic, « Une petite pilule peut-elle sauver le désir féminin ? ».
17. Sole-Smith, « Le plaisir en pilule. » (Remarquez comme le titre de
l’article associe plaisir et désir.)
18. Par exemple, chez Stein, « La pilule pour la libido féminine », et
Adams, « Pour les troubles sexuels, “les hommes prennent un comprimé et
les femmes ont besoin d’une thérapie”. » (Notez que le deuxième titre
associe les difficultés de désir sexuel des femmes aux difficultés
érectiles/d’excitation chez les hommes.)
19. Nagoski, « La Coupe du Monde du désir sexuel féminin ».
20. Meston et Buss, « Pourquoi les humains ont des relations sexuelles ».
21. Par exemple, Clayton et al., « La Société internationale pour l’étude des
processus de soins de santé sexuelle des femmes, », mais pour un contre-
exemple voir Tiefer, « La thérapie sexuelle en tant que démarche
humaniste ».
22. Kleinplatz et al., « Les composantes d’une sexualité optimale ».
23. Rosen, « Comment les femmes survivantes ».
24. Fahs et Plante, « Sur le “bon sexe” et autres idées dangereuses ».
25. Kleinplatz et Ménard, Magnificent Sex, 185.
Agression sexuelle 1
Voir Viol
Akin, Todd 1, 2
Anorgasmie 1, 2
Anticipation 1, 2, 3
Anus 1, 2, 3, 4
Anxiété 1, 2
Aristophane 1
Asexualité 1, 2, 3
Attachement anxieux 1, 2, 3
Attachement évitant 1, 2, 3
Attachement non sécure 1
Attachement sécure 1, 2, 3
Austen, Jane 1
Autocompassion 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Autocomplaisance 1
Bacon, Lindo 1
Bancroft, John 1, 2
Barbarella 1
Bartholin, glandes de 1, 2
Base sûre 1
Beach, Frank 1
Becoming Orgasmic 1
Bergman, S. Bear 1
Bergner, Daniel 1, 2, 3
Berridge, Kent 1, 2, 3, 4
Bienveillance 1, 2
Blastocyste 1
Blum, Deborah 1
Body scan 1
Bonheur 1
Bonobos 1, 2, 3, 4
Bouffées de chaleur 1
Brotto, Lori 1
Bulbe du pénis 1
Canaux séminaux 1
Capuchon clitoridien 1, 2, 3, 4
Centres du plaisir du cerveau 1
Chamberlin, Kristen 1
Chatouilles 1, 2, 3, 4, 5
Chaussettes et orgasme 1, 2, 3
Chivers, Meredith 1, 2
Cinquante nuances de Grey 1, 2, 3
Cisgenre 1
Clitoris 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20
Cocaïne 1, 2
Colère 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21,
22
Colliculus séminal 1
Comment mieux penser au sexe 1
Corps spongieux 1
Cowper, glande de 1
Cri primal 1, 2, 3
Cujo 1
Cycle menstruel 1, 2
Dégoût 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21
Dépression 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Des fleurs dans la tourmente 1
Désir réactif 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24
Désir spontané 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19,
20
Diaphragme pelvien 1
Dickens, Charles 1
Digue dentaire 1
Dissonance cognitive 1, 2, 3
Dopamine 1
Douche, métaphore de la 1, 2, 3
Douleurs 1, 2, 3, 4, 5, 6
Éjaculation féminine 1
Émotions élémentaires 1
Envie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21,
22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34
Enya 1
Estime de soi 1
Être spectatrice 1, 2, 3, 4
Expérience Somatique 1
Fausse couche 1
Fertilité 1
Filles d’Escher 1
Flatliners 1, 2
Fondement moral de la sainteté 1, 2, 3
Fordyce, James 1
Freud, Sigmund 1
Gottman, John 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Graham, Cynthia 1
Grossesse 1, 2, 3, 4
Haidt, Jonathan 1
Harlow, Harry 1
Health at Every Size : The Surprising Truth about Your Weight 1
Heiman, Julia 1
Henderson, Bobby 1
Hite, rapport 1
Humanité commune 1, 2
Hymen 1, 2
Hymen microperforé 1
Incontinence 1
Institut Kinsey 1, 2, 3, 4
Intégration additive 1
Intégration soustractive 1
Intersexué 1, 2
Isolement 1, 2, 3
Jane Eyre 1, 2
Janssen, Erick 1, 2
Jardin, métaphore du 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23
Jauge de déformation 1
Johnson, Sue 1, 2
Johnson, Virginia 1, 2, 3
Kabat-Zinn, Jon 1
Kahneman, Daniel 1
Kegel, muscle de 1
Kinsale, Laura 1
Kringelbach, Morten 1
Kung Fu Panda 1
Laan, Ellen 1
Lactation 1, 2
Le Banquet 1
Lubrifiant 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Ma meilleure ennemie 1
Married Love 1
Masters, William 1, 2, 3
Masturbation 1, 2, 3, 4, 5
McBride, Kimberly 1
McCall, Katie 1, 2
Méditation 1, 2, 3, 4, 5
Mères monstrueuses, étude 1
Meston, Cindy 1, 2
Milhausen, Robin 1, 2
Mont 1
Myotonies 1, 2
Nagoski, Amelia 1, 2, 3, 4
Neff, Kristin 1
Ocytocine 1, 2
Orgasmes de sommeil 1, 2
Orientation sexuelle 1, 2, 3, 4
Ovaires 1, 2, 3
Pallidum ventral 1, 2
Paralangage 1
Pastafarisme 1
Patriarcat 1, 2, 3
Pavloviens, réflexes 1, 2, 3
Pénétration 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21
Pénis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Pensées intrusives 1
Pensées sexuelles 1
Perel, Esther 1, 2
Périnée 1, 2, 3, 4
Pfaus, Jim 1
Plancher pelvien 1
Pleurer 1, 2, 3, 4, 5, 6
Poids et santé 1
Point G 1, 2
Point Y 1
Porges, Stephen 1
Porno 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21,
22, 23, 24
lesbien 1
Première sortie 1
Prépuce 1
Préservatif 1, 2, 3, 4
Prostate 1, 2, 3, 4, 5
Pudendum 1, 2
Pukall, Caroline 1
Pulsion sexuelle 1, 2, 3
Redliners 1, 2
Résolution 1
Résolution à son propre rythme 1
Rûmî 1
Saillance incitative 1, 2, 3
Sanders, Stephanie 1
Scénarios sexuels 1, 2
Scrotum 1, 2, 3
Seeger, Pete 1
Segal, Zindel 1
Sexe oral 1, 2
Sexe réconfortant 1, 2
Sexe scellé 1
Skene, glandes de 1, 2
Solitude 1
Sommeil 1, 2, 3
Sommeil paradoxal 1
Spasmes carpopédiens 1
SSPT 1
Voir Traumatisme
Steinem, Gloria 1
Stopes, Marie 1
Stress chronique 1, 2, 3
Suridentification 1, 2
Surprise 1
Tai-chi 1
Teasdale, John 1
Testicules 1, 2, 3
Testostérone 1, 2, 3
Thérapies cognitives 1, 2
Trans 1, 2
Tristesse 1, 2, 3
Troubles de l’alimentation 1, 2
Tunnel, métaphore du 1, 2, 3, 4, 5
Un conte de Noël 1
Unbreakable, projet 1
Vibromasseur 1, 2, 3, 4, 5
Viol 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Virginité 1, 2
Vitesse du critère 1
Williams, Mark 1
XX (génétiquement femelle) 1
XY (génétiquement mâle) 1
Yoga 1, 2, 3
Des livres pour mieux vivre !
Découvrez les autres titres de la collection Pratique sur notre site. Vous
pourrez également lire des extraits de tous nos livres et acheter
directement ceux qui vous intéressent, en papier et en numérique !
Rendez-vous vite sur le site : www.editionsleduc.com