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La bataille du Guadalete

La bataille du Guadalete (en arabe ‫معركة‬


‫وادي لكة‬, Maʿrakat wādī laka, ou ‫معركة‬
‫شذونة‬, Maʿrakat šiḏūna [Sidonia]) se
déroule le 19 juillet 711 sur les rives
du Guadalete, au sud de la péninsule
Ibérique, et oppose le Califat
omeyyade au royaume wisigoth. de
Hispanie. Les Omeyyades y obtiennent une
victoire décisive qui précipite la chute du
Royaume wisigoth et permet la conquête de
la péninsule Ibérique par les musulmans.
Dans la bataille, le roi Rodéric a perdu la
vie avec de nombreux membres de la noblesse wisigothique, ouvrant la voie à la prise de la
capitale wisigothe, Tolède.
Ou quand al-Andalus s’ouvrit à l’islâm…
Parmi les batailles de ramadân, si Badr changea le cours de l’histoire de l’humanité à tout
jamais, celle du Guadalete (ou Wadi Lakkah) fait sans conteste partie de celles qui imprimèrent
leur marque pour des siècles… La victoire obtenue en ce jour de ramadân par les mujâhidîn du
mythique Tariq ibn Ziyad ouvrira la légende d’al-Andalus pour les huit cents ans à venir.
Nous sommes en l’an 91 (710) de l’Hégire & les musulmans, sous la direction du gouverneur
omeyyade d’Ifriqiyya, Musa ibn Nusayr, viennent d’achever la conquête de l’Afrique du Nord
en atteignant l’Atlantique & en prenant Tanger. Mais déjà, les guerriers d’Arabie & surtout
leurs nouveaux compagnons d’armes berbères rêvent d’aller plus loin… L’occasion ne tarde
pas à se présenter : le comte Julien, gouverneur byzantin de Ceuta (Sebta) dont la fille a été
violée par le roi wisigoth d’Espagne Rodéric, s’allie aux musulmans & leur propose l’aide de
sa flotte pour traverser la Méditerranée & ainsi se venger de l’affront.
De l’autre côté du Détroit, le royaume wisigoth est en pleine guerre civile après le coup d’état
de Rodéric. C’est l’occasion rêvée de s’emparer des riches terres ibériques, de libérer la
population du tyran & d’y étendre la parole d’Allâh… Rapidement, une première expédition
est menée par Tarif ibn Mâlik pour cartographier le terrain & tester la résistance locale. Satisfait
des résultats obtenus, le commandant berbère Tariq ibn Ziyad débarque à Gibraltar (Djebel al-
Tariq) au printemps suivant, l’an 92 de l’Hégire, accompagné de sept mille guerriers
essentiellement berbères également. Alors qu’il traverse le Détroit, il voit en rêve le Prophète
‫ ﷺ‬entouré des muhâjirîn & des ansârs : ‘Ô Tariq! Sois persévérant, accomplis ce que vous êtes
destinés à exécuter & sois doux envers les croyants’, lui ordonne-t-il. Le récit de ce rêve fait
vite le tour de l’armée musulmane, exaltant la foi & la détermination des soldats.
Quand les musulmans posent le pied sur la terre d’al-Andalus, le roi Rodéric est occupé au Nord
à mater une révolte basque; il n’apprend le débarquement que trois semaines plus tard et se
lance alors à marche forcée vers le Sud. Entre temps, Tariq & ses hommes ont facilement pris
possession d’Algésiras, Cadix et se dirigent vers Séville lorsqu’ils reçoivent le renfort d’un
nouveau contingent de cinq mille combattants d’Afrique… À Cordoue, Rodéric met sur pied
une imposante armée de plus de trente mille hommes, encadrée par l’élite de la noblesse
wisigothe, la fine fleur de ces farouches guerriers germaniques.
Les premières escarmouches entre le corps expéditionnaire musulman & l’immense armée de
Rodéric durent une semaine autour du lac La Janda, dans la plaine du Rio Guadalete… C’est là
que les deux armées se fixent finalement, non loin de Cadix. Comme souvent, les musulmans
sont en large infériorité numérique, un contre trois, et le roi adverse les sous-estime : Rodéric,
du haut de son palanquin incrusté de diamants, fait même amener des milliers de cordes pour
enchaîner les futurs captifs musulmans (!). Comme toujours, les musulmans feront plus que
compenser ce désavantage numérique par un “fighting spirit” décisif au moment de la mêlée,
surmotivés par leur foi en Allâh & l’éloquence de leur commandant, Tariq ibn Ziyad, qui
montre l’exemple en chargeant le premier :
‘Soldats ! Rappelez-vous que je me placerai en première ligne de la glorieuse charge que nous
allons mener… Au moment où nos deux armées se rencontreront, vous me verrez, n’en doutez
pas un instant, chercher ce Rodéric, tyran de son peuple, le défiant en duel ! Si je tombe martyr
après l’avoir tué, j’aurai au moins la satisfaction de vous avoir délivré, et vous trouverez
facilement un héros à qui vous pourrez donner avec confiance la tâche de vous diriger. Mais si
je venais à tomber avant d’atteindre Rodéric, redoublez d’ardeur, forcez-vous à l’attaque &
achevez la conquête de ce pays, en le privant de sa vie ! Rodéric mort, ses soldats ne vous
opposeront plus aucune résistance.’
Sur ces mots, la bataille s’engage : elle durera deux jours
entiers. L’armée musulmane utilise la tactique qui a
toujours fait son succès jusqu’ici, le “hit and run” : des
attaques violentes & foudroyantes suivies de retraits
rapides grâce à ses petites unités ultra-rapides & mobiles,
épuisant la lourde armée wisigothe qui, de par sa taille &
son équipement, doit manoeuvrer en masse &
difficilement. La cavalerie berbère fait des ravages dans le
camp de Rodéric; la discipline & l’unité du camp
musulman autour d’une chaîne de commandement efficace
contrastent avec le manque d’organisation des Wisigoths,
qui tourne parfois à la panique générale, et l’ardeur au
combat des guerriers d’Allâh au son des takbirat ne peut
manquer d’effrayer davantage des soldats wisigoths qui ne
savent pas vraiment pourquoi ils se battent, sinon pour un tyran à la légitimité douteuse.
Au deuxième jour a lieu le tournant de la bataille : les fils de Wittiza, l’ancien roi assassiné par
Rodéric, décident de venger leur père en désertant le champ de bataille avec leur corps de
cavalerie qui tenait le flanc droit de l’armée wisigothe. La brèche est ouverte pour le corps
d’élite des mujâhidîn, les légendaires “Mujaffafa” (cavaliers arabes), reconnaissables à leur
cotte de mailles & surtout à leur turban noir, qui s’y engouffrent avec fougue : en quelques
minutes, la route est ouverte pour le reste de la cavalerie & les fantassins berbères qui
anéantissent littéralement l’armée wisigothe, submergée de toutes parts. C’est un véritable
carnage : le roi Rodéric meurt dans la mêlée, la noblesse wisigothe est décimée & seuls quelques
dizaines de chanceux parviennent à s’enfuir pour rejoindre Tolède, la capitale du royaume…
Dans le camp musulman, les pertes sont également importantes : en ce 28 ramadân 92, plus de
trois mille hommes sont tombés martyrs dans les plaines d’al-Andalus, soit un quart de
l’armée… Mais ils n’ont pas combattu en vain : comme l’avait prédit Tariq, le roi Rodéric mort,
son armée & sa noblesse anéanties, toutes les villes du royaume s’ouvrent une à une à l’islâm !
La capitale Tolède est prise quelques semaines après la bataille, consacrant la chute de la
tyrannie wisigothe; surtout, la population ibérique, exaspérée par des années d’épidémies, de
famines, de gestion désastreuse, de guerre civile & de persécutions des minorités, accueille
partout l’armée islamique en libératrice. La magie d’al-Andalus était née, pour ne s’éteindre
que près de huit siècles plus tard…

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