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Claude Lance
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mentale (J. Pelmont) • Mathématiques pour les sciences de la vie, de la nature et de la santé
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tion de la symétrie (J. Sivardière)
Avant-Propos
Grâce aux progrès des sciences, on peut aujourd’hui considérer que la description
des structures anatomiques et cellulaires des êtres vivants, la nature de leurs consti-
tuants biochimiques, de même que la connaissance des principaux mécanismes qui
assurent leur existence, sont actuellement des faits acquis. Beaucoup sans doute reste
encore à découvrir, mais les inconnues ne se situent plus au niveau des éléments ou
de l’organisation de la machinerie vitale, elles résident désormais dans le contrôle et
la régulation de son fonctionnement.
Parmi les fonctions vitales, deux d’entre elles sont particulièrement importantes car
elles concernent l’existence même de la vie au sein de la biosphère : l’une est la
photosynthèse, qui n’est rien moins que la source de toute énergie et de toute matière
organique, l’autre est la respiration, pourvoyeuse de l’énergie nécessaire au fonc-
tionnement de la très grande majorité des êtres vivants. L’une, la respiration, nous
est familière depuis toujours : respirer, c’est vivre ; l’autre, la photosynthèse, ne
nous est connue que depuis un peu plus de deux siècles. Leurs liens sont cependant
indissociables : la respiration n’existe que par la photosynthèse, qui lui fournit son
combustible et son oxygène. Vues de l’extérieur, elles semblent apparemment jouer
des rôles opposés, l’une détruisant ce que l’autre produit, mais de cette confrontation
dépend notre existence.
Inverses l’une de l’autre, elles partagent néanmoins des éléments communs, le plus
simple d’entre eux étant l’air de notre atmosphère : d’ailleurs, c’est grâce à la res-
piration d’un animal, une souris, que la fonction photosynthétique d’une plante, un
pied de menthe, a été découverte. Car s’il est manifeste que les animaux respirent,
ce qui se perçoit facilement par les mouvements du thorax, il n’est par contre pas du
tout évident que les plantes respirent et encore moins qu’elle pratiquent la photosyn-
II Avant-Propos
thèse : aucun signe extérieur ne vient, chez les végétaux, traduire l’exercice de ces
deux fonctions.
Celles-ci sont traditionnellement représentées par deux équations chimiques clas-
siques, que l’on rencontre dans tout traité élémentaire de physiologie animale ou
végétale. L’une :
C6H12O6 + 6 O2 $ 6 CO2 + 6 H2O
exprime la respiration sous la forme de l’oxydation d’une molécule de glucose en
présence d’oxygène atmosphérique, avec libération de dioxyde de carbone et forma-
tion d’eau. L’autre :
6 CO2 + 6 H2O $ C6H12O6 + 6 O2
traduit la photosynthèse, sous la forme de la synthèse d’une molécule de glucose, à
partir d’eau et de dioxyde de carbone, le tout s’accompagnant d’un rejet d’oxygène.
On peut symboliquement, au moyen de deux flèches inversées, regrouper ces deux
équations en une seule :
C6H12O6 + 6 O2 @ 6 CO2 + 6 H2O
concrétisant ainsi de façon évidente la nature opposée des deux phénomènes. En fait,
une telle formulation ne traduit qu’imparfaitement la réalité : tout d’abord, il ne
s’agit pas d’une véritable équation chimique équilibrée au sens où l’entendent les
chimistes ; ensuite, le glucose n’est pas nécessairement le combustible de la respi-
ration ni le produit de la photosynthèse. Pour dire vrai, elle est même un peu fausse.
C’est donc une équation phénoménologique traduisant chez les êtres vivants la syn-
thèse ou la destruction de matière organique, en ne faisant intervenir que des corps
minéraux eux-mêmes très simples : eau, oxygène, dioxyde de carbone. Sa place
se situe au cœur de cet ouvrage. Par empathie, on s’y référera sous le vocable de
La belle Équation.
Son élaboration fut une véritable épopée scientifique. Il fallut plus de deux mille ans,
d’Aristote à Lavoisier et de Saussure – c’est-à-dire la fin du xviiie siècle – pour
aboutir à une définition formelle des deux phénomènes. Il fallut tout le xixe siècle
pour en décrire les manifestations externes et internes et en formuler les équations.
Au début du xxe siècle, respiration et photosynthèse n’apparaissaient encore que
comme des sortes de boîtes noires, dont la connaissance de ce qui se passe à l’inté-
rieur ne reposait que sur le bilan des entrées et des sorties, sans aucune information
sur le fonctionnement de la machinerie. Par vagues successives, la réponse fut appor-
tée au cours du xxe siècle, au fur et à mesure que se développaient des techniques
d’analyse d’une finesse inimaginable. Aujourd’hui respiration et photosynthèse sont
devenues de nouveaux faits acquis, dont on peut suspecter qu’ils ne subiront plus de
42 Première partie - Philosophie
baromètre, est à l’origine du manomètre pour mesurer la pression des gaz. Mais
l’instrument-roi de l’époque, à la source de la Révolution chimique, fut la balance.
D E
2 Les gazomètres de Lavoisier, de même que ses balances et son calorimètre, sont
conservés au Musée du Conservatoire National des Arts et Métiers, à Paris.
64 Première partie - Philosophie
que par leurs manifestations externes, c’est-à-dire par les mouvements des gaz qu’on
venait de découvrir.
Si la synthèse de l’eau n’est pas le fait de Lavoisier, sa décomposition par contre lui
appartient entièrement. Le Suédois Torbern Bergman (1735-1784) avait montré que
la limaille de fer, abandonnée dans l’eau, se transforme lentement en ethiops martial
[oxyde de fer noir, Fe3O4] avec libération de gaz inflammable. Lavoisier eut l’idée
d’accélérer la réaction en la soumettant à une température élevée.
Procédant comme pour l’air, par analyse et synthèse (décomposition et recomposi-
tion), au cours d’une expérience publique réalisée le 28 février 1785 devant trente
savants et huit commissaires de l’Académie, Lavoisier fit passer de la vapeur d’eau
dans un canon de fusil porté au rouge (fig. 4.2(b)). Il recueillit un gaz qu’il montra
être « un gaz inflammable particulier » [hydrogène]. Il le recombina avec de l’air pur
Chapitre 6 - Comment le carbone vient aux plantes 135
Figure 6.4 - Dispositif utilisé par de Saussure pour mesurer l'influence d'une atmo-
sphère enrichie en gaz carbonique sur la croissance pondérale d'une plante
[d’après T. de Saussure. Recherches chimiques sur la végétation. Nyon, Paris, 1804]
L’expérience a duré 10 jours. Un pied de pois cultivé dans l’air atmosphérique s’est
ainsi accru de 425 mg. Les teneurs en gaz carbonique de 100 à 50 % se sont révélées
toxiques. La croissance fut de 265 mg à 25 %, de 371 mg à 12,5 %, mais de 583 mg
à 8,3 %, très supérieure à celle observée dans l’air commun 30 :
intermédiaire entre celui que l’on observe avec le régime de viande et celui
que donne le régime de pain (...)
Le rapport entre l’oxygène contenu dans l’acide carbonique et l’oxygène
total consommé varie, pour le même animal, depuis 0,62 jusqu’à 1,04, suivant
le régime auquel il est soumis. Il est donc bien loin d’être constant. y
Figure 9.4 - Appareil de Regnault et Reiset pour la mesure des échanges gazeux respi-
ratoires d'un animal [d'après Regnault et Reiset. Ann. Chim. Phys., 3e série, 1849, 26, planche III]
Ainsi, selon la nature de l’alimentation : chien nourri de viande (QR = 0,742), lapin
nourri de carottes (QR = 0,918), poule nourrie d’avoine (QR = 0,967), le quotient
respiratoire variait. D’une manière générale, il était proche de l’unité pour une ali-
mentation à base de sucres, et voisin de 0,7 pour une alimentation carnée.
L’interprétation de ces valeurs viendra une quinzaine d’années plus tard à la suite
des travaux de deux physiologistes allemands, Max Pettenkofer (1818-1901) et
Carl von Voit (1831-1908). Un problème avait depuis toujours intrigué et perturbé
tous ceux qui jusque-là avaient étudié la respiration : il s’agissait de l’intervention
ou non de l’azote dans la respiration des animaux. Toujours, dans un sens ou dans
l’autre, les réponses avaient été des plus douteuses, car toujours situées à la limite de
Chapitre 13 - Nouveaux concepts 305
H He
C N O Ne
Figure 13.4 - Distribution des électrons sur différentes couches électroniques (K, L)
Les couches périphériques étant plus ou moins saturées en électrons, c’est de leur
tendance à accepter des électrons supplémentaires de façon à atteindre la saturation
(8 électrons, règle de l’octet) que résulte la liaison chimique, dont le type principal
est la liaison de covalence. Cette liaison repose sur la mise en commun de 2 électrons
(doublet), chaque atome fournissant un électron, lesquels vont alors graviter à la
périphérie de la nouvelle molécule formée.
On voit ainsi (fig. 13.5) que 2 atomes d’hydrogène mettent en commun chacun 1 élec-
tron pour donner la molécule H2, diatomique, forme naturelle du gaz hydrogène
(dihydrogène). De même, deux atomes d’oxygène ou d’azote mettent en commun
2 ou 3 électrons de façon à constituer deux ou trois doublets de liaison. On obtient
alors les molécules naturelles diatomiques O2 et N2 (dioxygène, diazote). Les liai-
sons formées sont ainsi dites simples, doubles ou triples. Plus particulièrement, la
mise en commun de 4, 3 ou 2 électrons entre plusieurs atomes d’hydrogène et des
atomes de carbone, d’azote ou d’oxygène, permet de créer les molécules de méthane
(CH4), d’ammoniac (NH3) ou d’eau (H2O) : chaque atome d’hydrogène possède une
couche K saturée par 2 électrons, et les autres atomes ont leur couche L saturée par
422 Troisième partie - Biochimie
IV) peuvent largement permettre la synthèse d’un ATP, voire de plusieurs. Le com-
plexe III ne peut assurer que la synthèse d’un seul ATP. Quant au complexe II, il est
à l’évidence inapte à la synthèse d’ATP.
malate
citrate
pyruvate
α-cétoglutarate
Site I
ascorbate
–
e
NADH I e–
E°’ = – 0,32 V Site II Site III
∆G°’ = – 19,4 kcal
cyt. c
E°’ = + 0,065 V Q III IV O2
E°’ = + 0,26 V E°’ = + 0,81 V
∆G°’ = – 7,7 kcal ∆G°’ = – 25 kcal
e–
Succinate II
E°’ = – 0,05 V
∆G°’ = – 4,6 kcal
De telles conclusions étaient en harmonie avec les mesures des rapports P/O et en
expliquaient les valeurs. Les électrons provenant du succinate ne produisaient que
2 ATP car seuls deux complexes phosphorylants (III et IV) étaient empruntés. Ceux
provenant de substrats dont les oxydations libéraient du NADH pouvaient produire
3 ATP puisque trois complexes phosphorylants (I, III et IV) intervenaient. Quant au
donneur d’électrons artificiel, l’ascorbate, il ne pouvait produire que 1 ATP puisque
seul le complexe IV était mis en jeu.
Toutes ces observations s’ordonnaient donc selon un schéma de fonctionnement
de la chaîne respiratoire très cohérent : celle-ci était définitivement constituée de
différents complexes (fig. 15.10(b)), chacun d’eux étant spécifiquement sensible à
certaines catégories d’inhibiteurs. On découvrait maintenant que certains d’entre
eux étaient de plus associés à la synthèse de l’ATP. On distingua ainsi trois sites
de phosphorylation : le site I (complexe I), le site II (complexe III) et le site III
(complexe IV).
L’emploi de l’électrode à oxygène et de méthodes spectrophotométriques perfor-
mantes (p. 357) vint conforter ces interprétations. La figure 16.7 représente ainsi
deux tracés d’électrode à oxygène exprimant, en fonction du temps, l’évolution de la
teneur en oxygène du milieu.
Chapitre 16 - Phosphorylations 423
PLWRFKRQGULHV PLWRFKRQGULHV
VXFFLQDWH VXFFLQDWH
&RQFHQWUDWLRQHQ20
&RQFHQWUDWLRQHQ20
$'3 $'3
$'3 ROLJRP\FLQH
$'3 '13
'13
.&1
7HPSVPLQ 7HPSVPLQ
D E
au printemps, pousse sur des sols encore recouverts de neige, la chaleur dégagée est
telle qu’elle fait fondre la neige autour de la plante et permet sans doute à cette fleur
d’assurer sa fécondation dans des conditions extrêmes (fig. 19.6).
En fait, les fonctions de ces protéines découplantes sont encore plus générales, car on
les rencontre dans toutes les mitochondries, animales ou végétales 14. Leurs capacités
découplantes en font vraisemblablement des éléments régulateurs du métabolisme
énergétique. Ainsi, la théorie chimiosmotique de Mitchell offrait non seulement
l’explication du mécanisme de la synthèse de l’ATP, mais, indirectement, en pro-
posant un mécanisme de découplage, elle rend aussi compte des phénomènes de
thermogenèse
14 Il existe même un troisième système pour diminuer la synthèse d’ATP. Chez les végétaux,
la membrane interne mitochondriale, en plus du complexe I, possède deux autres NADH
déshydrogénases localisées sur les faces interne et externe de la membrane interne.
Le NADH cytosolique ou matriciel peut donc être oxydé par ces déshydrogénases en
court-circuitant ainsi le complexe I, site d’une éjection de protons.
15 P.D. Boyer. Annu. Rev. Biochem., 1997, 66, p. 717 (The ATP synthase – A splendid
molecular machine).
Chapitre 19 - Unités et diversité 553
Elle ne s’y est pas arrêtée, d’ailleurs. Le lecteur d’aujourd’hui aurait peine à
reconnaître l’ATP synthase de 1997, comme le montre la figure 19.7, réplique,
à une dizaine d’années d’intervalle de la figure 18.15. On a continué à démonter
la machine et celle-ci n’a certainement pas fini de livrer ses secrets (fig. 19.7(a)).
Les sous-unités γ et ε de F1 sont devenues solidaires des sous-unités c de Fo. Elles
constituent désormais le nouveau rotor de la machine. Les sous-unités a et b de Fo
sont le support de F1 en établissant un contact avec la sous-unité δ de F1. Les protons
n’entrent plus par les sous-unités c, ils le font par la sous-unité a. L’angle de rotation
de 120° a été scindé en deux étapes de 90° et 30°, correspondant à deux phases de
la synthèse de la molécule d’ATP. On a même pu, en greffant une bille métallique
sur le rotor (fig. 19.7(b)) et en plaçant l’ensemble dans un champ magnétique tour-
nant, provoquer la synthèse de l’ATP en faisant tourner le rotor dans un sens, et son
hydrolyse en inversant le sens de rotation 16. Le rendement électromécanique de la
machine est excellent (80-90 %). L’ATP synthase est devenue un système nanoélec-
trochimique, modèle d’un moteur circulaire biologique. La modernité s’est emparée
du sujet : l’ATP synthase est entrée de plain-pied dans la Biorobotique moléculaire.
D E
Figure 19.7 - L'ATP synthase (a) modèle plus récent (2011) (b) l'ATP synthase, machine
moléculaire [(a) d'après J. Farineau, J.F. Morot-Gaudrit La photosynthèse, processus physiques,
moléculaires et physiologiques. Editions Quæ, Paris, 2011. (b) d'après H. Ueno, T. Suzuki, K. Kinosita,
M. Yoshida, Proc. Natl. Acad. Sci. © National Academy of Sciences, U.S.A, 2005, 102, p. 1333]
Tenter de cerner l’actualité au plus près pour mentionner la dernière nouveauté serait
de peu d’intérêt car, comme l’a amplement démontré le récit de cette aventure, la
16 H. Ueno, T. Suzuki, K. Kinosita, M. Yoshida. Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 2005, 102, p. 1333
(ATP-driven stepwise rotation of FoF1-ATP synthase).