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La M

Q u’est-ce
ue la vie ?
Les 2 et 3 novembre 2016
Campus Gérard-Mégie
3, rue Michel-Ange, 75016 Paris
www.cnrs.fr

Auditorium Marie-Curie
La vie c’est la mort
(Claude Bernard)
Anne Fagot-Largeault
(Collège de France
& Académie des sciences,
Paris).

Dans la première de ses Leçons sur Bernard en conclut qu’il faut


les phénomènes de la vie communs renoncer à définir la vie, et « essayer
aux animaux et aux végétaux (1878), simplement de caractériser les êtres
Claude Bernard commence par vivants », par cinq traits : ils sont
énumérer les nombreuses définitions d’une complexité organisée, ils ont la
de la vie trouvées dans la littérature, faculté de se reproduire, ils évoluent
celles d’Aristote, Kant, Lordat, Ehrard, (« l’être vivant apparaît, s’accroît,
Richerand, Tréviranus, Herbert décline et meurt »), ils renouvellent
Spencer, Bichat, etc. Il s’attarde leur substance en conservant leur
un peu sur la célèbre définition de forme (nutrition), et ils sont caduques
Bichat : « La vie est l’ensemble des : ils tombent malades, ils meurent («
fonctions qui résistent à la mort » - où tourbillon vital »). Ce que Cl Bernard
coexistent deux affirmations : propose de synthétiser en disant
1/ il y a une relation nécessaire que coexistent dans le vivant des
entre la vie et la mort [c’est vrai : processus de « synthèse organisatrice
c’est déjà dit dans l’Encyclopédie : » (silencieux) et des processus de «
« la vie est le contraire de la mort » ; destruction organique » (bruyants).
2/ il y a « opposition entre Les deux sont indissociables. D’où les
les phénomènes vitaux et les deux affirmations qu’on trouve chez
phénomènes physico-chimiques Cl. Bernard : « la vie c’est la création
» [c’est faux : le fonctionnement » (Introd., 1865) et « la vie c’est la
résulte de la structure et ne s’y mort » (Revue des deux mondes,
oppose pas]. 1875 ; et Leçon d’ouverture, 1878).

1
Les définitions du vivant :
concepts et contextes
Stéphane Tirard
(centre François-Viète,
université de Nantes).

Définir la vie est sans doute l’un


des exercices les plus difficiles
attendant le philosophe, le biologiste
ou le médecin. Un regard historien
sur les définitions proposées dans
le passé montre qu’elles sont
nécessairement liées au contexte
scientifique et philosophique dans
lequel elles ont été formulées. En
privilégiant des exemples choisis
depuis le XVIIIe siècle, notamment
Buffon, J.-B. Lamarck, C. Darwin ou
J. Monod, nous analyserons comment
les définitions de la vie, loin de se
limiter à la formulation de simples
propositions, sont fondées sur des
concepts éminemment ancrés dans la
complexité d’œuvres scientifiques et
de conceptions philosophiques.

2
Défis chimiques de la vie
Ludovic Jullien
(laboratoire Pasteur,
CNRS, école normale
supérieure, université
Pierre et Marie-Curie,
Paris).

L’émergence de la vie a et des assemblages


toujours constitué un champ de supramoléculaires présentant
questionnement pour les êtres des similarités avec ceux que l’on
humains. En effet, la matière vivante retrouve au sein
est apparue très tôt comme singulière des cellules vivantes. Une perspective
vis-à-vis de la matière inerte, ce de recherche plus récente s’attache
qui a non seulement conduit à des non plus tant à reproduire la
interrogations quant à l’émergence composition et la structure d’une
de la vie, mais a également incité les cellule, mais plutôt à déchiffrer les
chimistes à la reproduire à partir de mécanismes à l’œuvre derrière son
matière abiotique. Les recherches évolution. Le défi ultime pourrait
consacrées à l’émergence de la consister à construire un être « vivant
vie se sont d’abord prioritairement » artificiel qui pourrait se reproduire
attachées à reproduire les objets du et évoluer. Recréer la vie devrait
vivant contemporain. Ces recherches certainement permettre de clarifier
ont non seulement démontré que des questions telles que la façon
les molécules constituant les êtres dont la vie peut démarrer en tant que
vivants peuvent être obtenues dans processus global, la probabilité de sa
des conditions variées, mais qu’elles présence, la diversité qu’elle pourrait
peuvent aussi réagir pour produire présenter dans d’autres mondes et,
des macromolécules en dernier lieu, « ce qu’est » la vie.

3
Auto-organisation
du vivant
Laurent Blanchoin
(CytomorphoLab,
laboratoire de physiologie
cellulaire & végétale,
Grenoble).

L’auto-organisation est un processus des organites, et comment des


par lequel un système (plusieurs cellules s’organisent en tissus reste
composants qui interagissent) un défi scientifique majeur.
devient ordonné dans l’espace et/ Certains principes de l’auto-
ou le temps. L’auto-organisation organisation du vivant seront
permet l’émergence de propriétés présentés. En particulier, il sera
nouvelles. Dans le domaine du montré comment la modélisation
vivant, nous disposons d’un nombre peut être utilisée afin de prédire
important, et en croissance très le comportement des réseaux
rapide, d’informations sur les briques de composants en interaction, et
élémentaires qui constituent les ainsi établir des lois qui régissent
cellules : protéines, ANR, ADN, lipides. l’organisation de systèmes
Mais comprendre comment ces biologiques complexes.
briques s’assemblent pour former

4
Le code du vivant
Jacques van Helden
(Aix-Marseille univ,
INSERM, TAGC, Marseille).

Le décryptage du code du vivant Je discuterai de l’articulation entre


- qui établit la correspondance entre parties codantes et non-codantes du
les séquences d’acides nucléiques génome, du lien entre le « code du
(ADN, ARN) et celles des protéines - vivant » et ce que certains biologistes
a constitué une étape fondamentale qualifient aujourd’hui de « code
de l’histoire de la biologie. Durant épigénétique » et de la façon dont les
la première partie de l’exposé, je éléments génétiques et épigénétiques
rappellerai brièvement les propriétés interagissent au sein de réseaux
de ce code (dégénérescence, quasi- complexes, en montrant l’importance
universalité, arbitraire, transfert des boucles de rétroaction dans la
d’information et « dogme » central) détermination de la morphogenèse.
et discuterai de leurs conséquences
concernant l’organisation, les origines
et l’évolution du vivant. J’élargirai
ensuite le cadre en présentant
les mécanismes génétiques et
épigénétiques qui assurent la
transmission de l’information
permettant aux organismes de se
développer et de s’adapter aux
conditions de l’environnement.

5
La plasticité du vivant
Marc-André Sélosse
(équipe interactions
et évolution végétale
et fongique, institut
de systématique,
évolution, biodiversité,
Muséum national
d’Histoire naturelle, Paris).

On pense souvent au vivant en et par là la notion même d’espèce, ont


termes d’espèces : même si notre été relativisées ces dernières années.
vision et les définitions de la notion D’abord, il y a la réalité ordinaire de
d’espèce ont variées, cela tend l’hybridation et d’un mécanisme lié,
à atomiser la réalité du vivant en la déspéciation. Ensuite, les transferts
entités séparées. Ces entités peuvent, de gènes entre espèces sont moins
au cours du temps, en engendrer rares et moins exclusivement réservés
deux ou plus par le mécanisme de aux bactéries qu’on ne l’a longtemps
spéciation, historiquement introduit cru. Enfin, par des mécanismes
par Darwin. La vision d’un monde d’endosymbiose, une cellule peut
peuplé d’espèces est sous-tendue s’en adjoindre une autre de façon
par le fait (en apparence, du moins) héréditaire, mariant durablement les
que les descendants contiennent génomes associés en une seule unité
les gènes de leurs parents : « les fonctionnelle - bientôt, une « espèce ».
chats ne font pas des chiens ». En La notion d’espèce ne serait-elle
conséquence, les groupes de gènes qu’un avatar peu heuristique du
(ou génomes) semblent se reproduire fixisme ? Du moins n’est-elle qu’une
sans se mélanger aux autres. Mais représentation scientifique du réel, et
aujourd’hui émerge une plus grande non LE réel. La mobilité des gènes et
fluidité. L’idée que l’information la dynamique des génomes revisitent
génétique est irrémédiablement aujourd’hui la plasticité du vivant, et
« emballée » dans des génomes qui suggèrent plutôt des mécanismes
ne se mélangent pas, d’évolution en réseau.

6
Le vivant mis en banque
Florence Bellivier
(centre de droit pénal
et de criminologie,
université Paris-Ouest
Nanterre-La Défense ;
CNDST, université Paris-1
Panthéon-Sorbonne).

Le terme « biobanque » semble A nous en tenir à la matière humaine,


recéler en lui une contradiction on peut s’interroger, d’une part, sur
: comment peut-on mettre en le point de savoir si la régulation
banque le vivant ? Pourtant, dans juridique de ces collections
le domaine du vivant humain, d’un genre particulier prend en
on assiste à un accroissement compte la spécificité de leur objet
continu d’infrastructures privées (le vivant) ou si cette spécificité se
ou publiques, regroupant de façon dissout dans d’autres caractéristiques
organisée et pour un certain temps, des biobanques, d’autre part, au-delà
échantillons biologiques (cellules, du questionnement juridique, sur
tissus, urines, gènes, fragments d’adn les implications sociales et éthiques
ou d’arn...) et données (données de la conservation, dans un temps
cliniques concernant des malades suspendu, de matière humaine
et leur famille, voire toute une vivante.
population, données généalogiques
ou biologiques, données relatives au
mode de vie...), et ce dans un but de
recherche médicale. Et le domaine du
végétal et de l’animal ne sont pas en
reste.

7
De ‘Tara Oceans’
à ‘PlanktonPlanet’:
une relecture
‘large-échelle’
de la biodiversité
océanique
Sebastien Colin et l’espace. Elle se heurte donc
(adaptation et diversité aux contraintes financières des
en milieu marin, CNRS, campagnes océanographiques. Le
université Pierre projet TaraOceans a de ce point de
et Marie-Curie, station vue initié un mode d’échantillonnage
biologique de Roscoff). alliant cohérence et faible impact
environnemental en regard d’un
La biodiversité océanique constitue budget relativement modeste.
un domaine d’étude fondamental Le soutient déterminant dont il a
pour l’exploration du vivant et de ses bénéficié par le mécénat et les
origines. Bien que difficile d’accès, collectivités locales témoigne de
cet environnement aquatique surcroit d’un engagement de la
dissimule un foisonnement de société civile pour les enjeux liés
vie dont l’inventaire bénéficie à à cette biodiversité. Le projet de
plein des dernières méthodes science participative PlanktonPlanet
de séquençage et d’imagerie. (P2) peut être considéré comme
L’expédition TaraOceans a montré un prolongement naturel de cette
que l’on peut désormais prétendre démarche. Le citoyen y est replacé
à un recensement exhaustif, au cœur de ces investigations via
lequel a souligné l’importance des son implication dans la collecte à la
eucaryotes et de leurs réseaux voile d’échantillons et une médiation
d’interactions dans cette diversité. scientifique active. Au-delà de
La compréhension fine de cet l’avancement des connaissances, P2
écosystème mouvant, segmenté et vise à rapprocher science et grand
extrêmement dynamique requiert public, tout en sensibilisant ce dernier
toutefois la multiplication des à la fragile beauté du vivant.
échantillons dans le temps

8
La Terre. Genèse
d’une planète habitée
François Guyot
(IMPMC, Muséum national
d’Histoire naturelle, Paris).

Dans la Terre actuelle, la biosphère


gouverne pratiquement entièrement
certains cycles géochimiques tels
que ceux de CO2, H2 et O2. Que
seraient ces cycles sans la Vie
et quels étaient-ils avant la Vie?
Quelle est l’histoire de l’impact
de la Biosphère sur ces cycles
géochimiques en particulier lors de
l’émergence de la Vie sur Terre?
Dans cet exposé, on fera un point sur
l’accès géologique réel à des traces
de Vie les plus anciennes sur Terre.
Une brève discussion des intérêts et
défauts d’une origine hydrothermale
chaude de la Vie sera proposée. De
plus, pour replacer ces questions
dans un contexte planétologique
général, l’origine sur Terre d’éléments
chimiques tels que le carbone,
l’azote et l’hydrogène sera discutée
ainsi qu’un bilan des donneurs et
accepteurs d’électrons dans la Terre
prébiotique.

9
La matière organique
extraterrestre,
à la frontière entre notre
système solaire
et le milieu interstellaire
Jean Duprat
(CSNSM, université
Paris-Sud / Université
Paris-Saclay).

Depuis la chute de la météorite Après plusieurs décennies d’études,


de Murchison en 1969, l’analyse l’origine de la matière organique
de la composante carbonée de la interplanétaire reste énigmatique :
matière extraterrestre n’a cessé est-elle un héritage du nuage
de progresser. Les petits corps de moléculaire parent de notre système
notre système solaire, astéroïdes et solaire ou s’est-elle formée
comètes, produisent continuellement plus tardivement dans les zones
des fragments et de la poussière froides du disque de gaz et de
dont une fraction est accrétée poussières qui entourait le jeune
par notre planète. Météorites et soleil ? Son origine reste l’une
micrométéorites sont constituées des questions majeures de la
d’un assemblage complexe de cosmochimie moderne.
phases minérales et organiques qui
nous renseignent de façon unique sur
la matière à partir de laquelle se sont
formées notre étoile et ses planètes.

10
Le ribose dans la glace
interstellaire simulée
et la mission
Rosetta-Philae
Uwe Meierhenrich
(université Nice-
Sophia-Antipolis,
institut de chimie de Nice).

La mission Rosetta a fait rêver


des spectateurs du monde entier
: Mercredi 12 novembre 2014, la
mission européenne a tenté de poser
le petit robot Philae sur le noyau
de la comète 67P/Churyumov-
Gerasimenko. 25 Minutes après
l’atterrissage de Philae sur le noyau
cométaire, COSAC a permis l’analyse
chimique de matériaux qui se
trouvent à la surface de la comète et
qui ne peuvent être analysés depuis
la Terre. Les résultats cométaires
in-situ seront interprétés en relation
avec l’identification des acides
aminés et du ribose dans la glace
cométaire simulée au laboratoire.

11
De la matière organique
à la vie
Patrick Forterre
(institut Pasteur,
université Paris-Saclay).

Nous ne savons pas comment la et la formation des trois domaines


vie est apparue, mais nous pouvons du vivant, Archées, Bactéries
proposer quelques grandes étapes et Eukaryotes, à partir d’un ancêtre
qui ont conduit aux organismes sans doute plus simple que les
vivant actuels. La première étape, organismes actuels. Les données de
la plus mystérieuse, correspond la génomique comparée suggèrent
à la formation à partir de matière un LUCA (the Last Universal Common
organique abiotique de proto-cellules Ancestor) dont le génome était peut-
capables de fabriquer de façon être encore à ARN, ne possédant pas
récurrente les substrats de l’ARN, les d’ATP synthase, mais qui était tout
ribonucleotides. La seconde étape de même capable de fabriquer des
correspond au développement d’un protéines sophistiquées. L’apparition
monde à ARN cellulaire qui a conduit de la vie peut sans doute être
à la spécialisation des ARN entre assimilée à celle des premières
ARN-gènes et ARN enzymes et au proto-cellules capables d’évoluer par
contrôle de la synthèse peptidique diversification et sélection (évolution
par les ARN avec l’apparition des Darwinienne). La vie elle-même
ribosomes. L’étape suivante a vu peut être définie comme une forme
le développement du monde des d’organisation de la matière qui se
protéines, jusqu’à l’apparition des déploie sous la forme d’un processus
enzymes nécessaires à la transition historique et dont tous les objets
de l’ARN vers l’ADN. Cette étape a vu fonctionnels peuvent être qualifiés de
l’apparition des virus qui ont pu jouer vivant.
un rôle clef dans cette transition

12
Le vivant :
déstabiliser pour durer
Guillaume Lecointre
(Museum national
Histoire naturelle).

Le niveau d’organisation de la On nous avait enseigné que la


matière étudié par la Biologie est sélection naturelle explique comment
celui qui opère un découplage entre les espèces changent ; mais en
le maintien physique de l’individu et premier lieu elle explique comment,
l’adaptation de son lignage : ce qui malgré le changement incessant
est bon pour la pérennité du lignage de la matière, elle maintient une
ne l’est pas nécessairement pour moyenne des variants que nous
l’individu et vice-versa. Pour qu’un nommons «espèce» par commodité.
lignage du vivant se maintienne, il La généralisation de ce principe
faut des morts. Mais il faut aussi à tous les niveaux d’organisation
–et surtout- de la variation. La de la matière biologique a des
déstabilisation des individus induite conséquences considérables en
par les sources diverses de variations biochimie et en médecine. Loin de
génère les variants sui seront triés tout anthropocentrisme, on peut
par sélection naturelle. Laquelle soutenir cette idée que le vivant est
maintient, dans un milieu donné, une toute matière sujette à variation et
moyenne des variants sur tous les transmission de ce qui a varié à un
traits. Tant que le milieu ne change alter ego –quel que soit le mode de
pas significativement, sur le court transmission. En d’autres termes, le
terme la sélection naturelle génère vivant est ce qui subit la sélection
des régularités, bien avant que de naturelle. Cela fait remonter la vie aux
générer du changement. protéines.

13
La place des virus
dans l’évolution
Chantal Abergel
(information génomique
et structurale,
Aix-Marseille université).

Alors que les virus étaient exclus On peut ainsi envisager comment
du monde cellulaire, la découverte des virus purement cytoplasmiques
des virus géants couplée à la auraient pu contribuer à la création
réalisation de leur abondance dans du noyau cellulaires. Ils sont en
l’environnement a montré qu’ils effet capables, comme le noyau, de
avaient probablement joué un rôle transcrire leurs
crucial au cours de l’évolution. propres gènes et répliquer leur ADN
Les virus, même les plus petits, dans un espace confiné, tout en
présentent des gènes et des fonctions utilisant l’énergie et les ribosomes de
n’existant pas dans le monde la cellule.
cellulaire. Pour les plus complexes
ce sont des milliers de protéines
qui pourraient correspondre à des
voies métaboliques originales. Il est
soudain devenu clair que les virus
sont des microorganismes transitoires
se développant dans les cellules
infectées et ne sont pas réduits aux
particules qui ne sont que le véhicule
de leur génome.

14
L’hérédité épigénétique
oblige-t-elle à repenser
la théorie de l’évolution ?
Francesca Merlin
(institut d’histoire
et de philosophie
des sciences
et des techniques, CNRS,
université Paris-1, ENS).

La prise en compte de formes Cela nous amènera à poser la


d’hérédité non génétique remet en question d’une nouvelle vision
cause la vision traditionnelle d’une de l’évolution à la lumière de
hérédité uniquement génétique, l’épigénétique : quel impact ont ces
au cœur de la Synthèse Moderne, études sur la théorie
cadre théorique actuel de la biologie de l’évolution ? Quels changements
évolutionnaire. Dans quelle mesure faut-il apporter au cadre théorique
une telle remise en cause entraîne-t- traditionnel afin d’y intégrer les
elle un véritable bouleversement des mécanismes épigénétiques et leur
fondements de ce cadre théorique ? rôle dans le processus évolutif ? C’est
Notre intervention se focalisera sur la nature même de la transformation
les mécanismes dits « épigénétiques ». actuelle dans les sciences de
Nous nous interrogerons sur les l’évolution qui est ici en jeu.
changements que la prise en
compte de l’hérédité épigénétique
provoque sur le plan conceptuel,
épistémologique et méthodologique
dans les sciences de l’évolution.

15
L’évolution sous
la contrainte du froid
Yvon Le Maho
(institut pluridisciplinaire
Hubert-Curien - CNRS
et université de Strasbourg
& centre scientifique
de Monaco - Principauté
de Monaco).

L’un des moteurs de l’évolution Le manchot empereur correspond


est la disponibilité de ressources par conséquent au stade le plus
alimentaires et d’importantes avancé dans l’adaptation au froid,
populations d’oiseaux et mammifères le manchot royal représentant un
marins vivent sous les contraintes stade intermédiaire. La comparaison
extrêmes des hautes latitudes, tirant de nos connaissances sur chacune
profit des abondantes ressources des deux espèces permet de
des eaux polaires et démontrant comprendre quelles ont été les
ainsi leur remarquable adaptation adaptations décisives permettant au
à des conditions extrêmes. C’est manchot empereur de vivre et de se
notamment le cas des manchots reproduire dans un froid extrême. Nos
antarctiques et subantarctiques, connaissances permettent également
dont les ancêtres étaient des oiseaux d’envisager quelles pourront être pour
proches des pétrels plongeurs actuels les deux espèces les conséquences
vivant à des latitudes tempérées et du changement climatique s’il suit
subtropicales. Proches parents au les scénarios du Groupe d’experts
plan évolutif, le manchot empereur se intergouvernemental sur l’évolution
reproduit sur la banquise antarctique du climat.
au cours de l’hiver polaire et le
manchot royal sur les plages des îles
subantarctiques.

16
Les représentations
du début de la vie
humaine : perspectives
sociologiques
Séverine Mathieu
(université de Lille 1).

En France, l’accueil d’embryons On s’appuiera ici notamment sur


est une pratique qui reste rare: en des dessins d’embryons faits par les
2012, 143 couples ont donné leurs personnes rencontrées, qui montrent
embryons tandis que 117 couples ont comment imaginer et représenter
bénéficié d’un accueil d’embryons sont deux dimensions distinctes dans
On voudrait ici, à partir d’une enquête les représentations du début de la vie
de terrain de type ethnographique humaine.
menée dans deux centres d’accueil
d’embryons, essayer de voir comment
se représente-t-on l’embryon lorsque
l’on recourt à l’AMP, selon que l’on
est un homme et une femme ? Cette
représentation n’évolue-t-elle pas
au cours des parcours d’AMP ? La
technicisation de la procréation,
l’inscription et la projection dans un
parcours marqué par sa temporalité
et son inscription dans un jeu
de relations (conjugales, avec le
personnel soignant, les biologistes)
nourrissent les questionnements sur
ce qu’est un embryon.

17
Les frontières de la mort
Laura Bossi-Regnier
(laboratoire SPHERE -
Sciences, philosophie,
histoire, université
Paris-Diderot).

C’est au dix-huitième siècle En 1968, la circulaire Jeannenay


(Buffon, Bichat) que la mort est en France et les critères de Harvard
appréhendée comme un processus aux États Unis instituent la mort
: une succession de morts partielles encéphalique, permettant d’avancer
entrainant finalement la mort la déclaration de la mort légale
de l’organisme. Cette entreprise sans enfreindre la loi interdisant
s’accélère dans les années 1950 l’homicide. Mais le besoin croissant
avec les travaux des biologistes d’organes a poussé la communauté
cellulaires, des chirurgiens de greffes à développer de
des greffes, et des médecins nouveaux protocoles dits de «don
réanimateurs. En 1959, Mollaret et à cœur arrêté», pratiqués le plus
Goulon décrivent l’état de «coma souvent dans le cadre d’une «fin
dépassé» et l’équipe de Jouvet de vie médicalisée» avec arrêt
affirme qu’il correspond à la mort programmé des thérapeutiques ;
irréversible du cerveau. En parallèle la mort est déclarée après un arrêt
se développent les greffes d’organes ; circulatoire d’une durée très courte
il faut donc trouver des organes assez (2 à 5 minutes), et l’irréversibilité du
vivants pour être transplantés, chez processus de la mort est définie par
des «donneurs» assez morts pour être la décision de ne pas réanimer.
déclarés légalement morts.

18
Reculer le vieillissement :
mythe ou réalité ?
Fabienne Aujard
(laboratoire MECADEV,
CNRS, Muséum national
d’Histoire naturelle).

La quête de la jeunesse éternelle Nos récents travaux chez le primate


est ancestrale. Si de nos jours on non humain corroborent l’idée
appréhende mieux le vieillissement que des facteurs externes peuvent
dans toute sa complexité, les théories agir efficacement sur la longévité
qui le sous-tendent restent très et les pathologies associées au
débattues. La tendance actuelle vieillissement, mais définissent
est donc de maintenir l’homme en également certaines limites à ces
bonne santé jusqu’à une mort encore démarches. Les pistes à explorer
reconnue comme inéluctable. Relever permettront de clarifier la frontière
le défi de la longévité pour retarder entre le mythe et la réalité de
l’apparition des effets délétères du l’éternelle jeunesse.
vieillissement est devenu une priorité
scientifique et sociétale. La restriction
calorique chronique est une voie
d’action privilégiée car elle agit de
façon bénéfique sur l’organisme dans
une grande partie du règne animal.

19
L’appropriation Biotechnologie, biologie
des processus du vivant synthétique,
par l’être humain xénobiologie :
Michel Morange hier, aujourd’hui et demain
(République des savoirs, Philippe Marlière (équipe
école normale supérieure). Xenome, Genopole évry).

L’objectif sera de présenter un L’ambition de la biologie synthétique,


tableau historique large de la manière à savoir d’imaginer et d’assembler
dont l’être humain a tenté de des génomes, des cellules et des
comprendre le vivant, mais l’a aussi écosystèmes entièrement nouveaux,
utilisé ou mimé, les différents projets demanderait des outils théoriques
étant intimement liés. Le vivant a été et informatiques qui n’existent
à la fois ce qui doit être expliqué, et pas encore. En leur absence, on
ce qui permet d’expliquer. On observe peut diversifier des organismes
au cours de l’histoire une alternance dans leur constitution chimique
entre des explications physiques en ajoutant, en remplaçant ou en
et des explications chimiques du supprimant des éléments chimiques
vivant, et une comparaison récurrente et des composants moléculaires
de l’organisme à une machine. La par évolution dirigée sous sélection.
nature de cette machine a cependant Cette diversification chimique des
changé au fil du temps. L’essor de la formes de vie peut être conçue de
biologie moléculaire dans la seconde façon à empêcher les échanges
moitié du XXe siècle a constitué un métaboliques et génétiques entre
moment décisif dans l’appropriation espèces synthétiques et sauvages et
du vivant. donc protéger les habitats naturels
et la santé humaine par de nouveaux
types de confinement.

20
Processus techniques
et processus vitaux.
Propositions pour
une anthropologie
de la vie
Perig Pitrou (laboratoire
d’anthropologie sociale,
CNRS, Paris ; pépinière
interdisciplinaire CNRS-
PSL « Domestication
et fabrication du vivant »)

Les humains ne sont pas seulement et artefact, qu’il est intéressant


des êtres vivants : ils perçoivent d’examiner que les « configurations
des processus vitaux – tels que la agentives » au sein desquelles
croissance, la reproduction ou la s’imbriquent, selon diverses
sénescence –, et ils développement modalités, les processus vitaux et les
des dispositifs, intellectuels et processus techniques. Cette approche
techniques, pour les rendre d’inspiration pragmatique fournit
intelligibles et les influencer. Plutôt un cadre analytique commun pour
que de définir « la » vie à partir de étudier des pratiques traditionnelles
traits caractéristiques, il s’avère (horticulture, agriculture, élevage) et
donc pertinent de contextualiser les des technologies contemporaines (par
savoirs sur le vivant, en décrivant à ex : biomédecine, biodesign, biologie
la fois l’agentivité (agency) propre de synthèse). Dans le cadre d’une
aux processus vitaux – et les effets anthropologie de la vie qui réfléchit
que ces derniers peuvent avoir sur aux variations, dans le temps et dans
les existences humaines – et les l’espace, des conceptions de la vie et
catégories d’action mises en œuvre du vivant, elle aide donc à comparer
par les humains pour tenter d’exercer des sociétés très dissemblables,
un contrôle sur eux. Ce faisant, c’est occidentales et non occidentales,
moins la distinction entre vivant modernes et non modernes.
et non-vivant, ou entre vivant

21
La robotique bio-inspirée
dans tous ses états
Stéphane Viollet
(institut des sciences
du mouvement, CNRS /
Aix-Marseille université).

Les approches récentes dites bio- La nature nous enseigne souvent qu’il
inspirées ont l’objectif de faire d’une est possible de faire beaucoup avec
pierre deux coups, à savoir: une peu de ressources. D’ailleurs, c’est
meilleure compréhension du vivant bien la force
et le développement de nouvelles d’une approche bio-inspirée
technologies, souvent non-intuitives, d’associer l’étude de mécanismes
issues de données ou de modèles naturels, source inépuisable d’idées
obtenus à partir d’expériences et d’innovations, en prenant appui sur
menées en biologie. Mais comment la compréhension du Vivant.
la nature pourrait-elle inspirer la
robotique de demain ?
Les recherches récentes sur le
comportement et les traitements
sensori-moteurs des animaux nous
révèlent des solutions originales
pour imaginer de nouveaux robots
capables de résoudre en parfaite
autonomie de nombreux problèmes :
locomotion multi-modale, navigation
terrestre, aérienne ou sous-marine,
évitement d’obstacles, suivi
d’objets…

22
Le sens électrique :
source d’inspiration
pour la robotique
sous-marine
Frédéric Boyer (institut
de recherche
en communications
et cybernétique
de Nantes).

Parmi l’immense diversité des Dans cet exposé, nous verrons


poissons, quelques centaines comment l’observation du vivant peut
d’espèces ont développé un sens être exploitée pour la conception de
original, nommé sens électrique, robots et de leurs lois de commande.
puisqu’il consiste à percevoir En particulier, nous verrons que
l’environnement en y mesurant les l’exploitation de la morphologie,
variations des champs électriques qui en conjonction avec l’action (ici
le traversent. Dans sa forme active, la locomotion et l’émission d’un
le sens électrique a été découvert champ électrique), et la perception
par la biologie seulement dans les (la mesure du dit champ), peuvent
années 50. Il permet à ces poissons grandement faciliter la résolution de
de naviguer dans des eaux boueuses problèmes inverses réputés difficiles
saturées d’obstacles. Partant de ce pour l’ingénieur. Sur la base de ces
constat, quelques chercheurs en bio- enseignements, nous ouvrirons
robotique s’attachent aujourd’hui à quelques perspectives sur le concept
reproduire artificiellement ce sixième fécond d’»intelligence incarnée» et
sens afin d’en équiper une nouvelle autre «calcul morphologique».
génération de robots sous-marins
aptes à naviguer dans des conditions
difficiles.

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Robotique : retour au réel
Jean-Paul Laumont
(Laboratoire d’analyse
et d’architecture
des systèmes, CNRS,
Toulouse).

La robotique est aujourd’hui partout, du vingtième siècle à des machines à


mais elle est surtout dans les information, capables de mouvements
kiosques à journaux, sur le rayon des adaptatifs numériquement organisés,
libraires, à la radio et à la télévision. ce qu’il est convenu d’appeler des
Ce n’était pas aussi vrai il y a quinze robots. Dès lors la machine intègre,
ans alors même que la robotique et c’est le fait fondamentalement
manufacturière était déjà bien établie, nouveau, une forme d’homéostasie
ou que le premier robot mobile qui trouve ses développements avec
s’apprêtait à explorer la planète Mars. la révolution informatique. Le champ
Aujourd’hui, la robotique cristallise d’action de la machine s’élargit.
étrangement des attentes et des De la machine à poste fixe et aux
craintes, souvent surdimensionnées. mouvements répétitifs, on passe
Alors qu’en est-il de la robotique ? à des machines capables de se
La maitrise du mouvement constitue déplacer pour effectuer des tâches
son essence même. Le mouvement plus diversifiées. L’exposé dressera
est l’apanage du vivant. C’est lui qui un panorama d’un demi-siècle
distingue un caillou d’une plante et de la recherche en robotique, de
d’un animal. Le mouvement est aussi l’introduction du robot Unimate sur
l’apanage de la machine. C’est lui qui les chaines de montage de General
distingue l’outil de la machine. Des Motors aux derniers résultats en
machines aux mouvements répétitifs matière de robotique humanoïde.
et mécaniquement organisés (métier
Jacquart, machine à vapeur) qui sont
à l’origine de la révolution industrielle,
on passe dans la deuxième moitié

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La biologie, otage
du transhumanisme ?
Jean-Michel Besnier
(pôle de recherche
«Humain augmenté, santé
connectée », institut
des sciences
de la communication
CNRS ; université
Paris-Sorbonne).

Chez les humains, la vie se réduit-


elle au vivant ? N’y a-t-il plus lieu
de distinguer entre vie biologique
et vie humaine ? Que faut-il à un
vivant pour faire un humain ? Une
vie artificielle est-elle appelée à
remplacer la vie biologique, de même
qu’une intelligence artificielle est
annoncée devoir rendre obsolète
l’intelligence biologique ? Que
résulterait pour l’image de soi de
l’humain une naturalisation intégrale
de ses fonctions et comportements
? Telles sont les questions que je
voudrais aborder, en convoquant
certaines des positions soutenues par
les courants transhumanistes.

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© CNRS 2016, réalisation et impression : William Langlois - STL, Secteur de l’imprimé
© Photos : Musée Rodin Jean de Calan - Bruno Klaholz - Izabela Sumara -
Rosetta Tchoury. - Sébastien Motreuil, CNRS Photothèque

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