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1re PARTIE

Bases
cellulaires
CHAPITR E 1
Neurosciences : passé, présent et futur   2

CHAPITR E 2
Neurones et cellules gliales  22

CHAPITR E 3
Membrane du neurone au repos   56

CHAPITR E 4
Potentiel d’action  78

CHAPITR E 5
Transmission synaptique  106

CHAPITR E 6
Neurotransmetteurs :
organisation anatomobiochimique du système nerveux   140

CHAPITR E 7
Copyright © 2016. John Libbey Eurotext. All rights reserved.

Anatomie du système nerveux   176

Annexe
Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain   212

Bear, Mark F., et al. Neurosciences : A la découverte du cerveau, John Libbey Eurotext, 2016. ProQuest Ebook Central, http://ebookcentral.proquest.com/lib/bcuf/detail.action?docID=4745242.
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CHAPITRE  1 Neurosciences :
passé, présent
et futur

LES ORIGINES DES


NEUROSCIENCES
Place du cerveau dans la Grèce antique............................................... 4
Place du cerveau sous l’Empire romain............................................... 5
Place du cerveau, de la Renaissance au xixe siècle................................ 6
Le cerveau au xixe siècle...................................................................... 8

LES NEUROSCIENCES
AUJOURD’HUI
Niveaux d’analyse............................................................................... 12
Chercheurs en neurosciences.............................................................. 13
Démarche scientifique en neurosciences.............................................. 15
Expérimentation animale en neurosciences......................................... 16
Coût de l’ignorance : les maladies du système nerveux........................ 18

CONCLUSION
Copyright © 2016. John Libbey Eurotext. All rights reserved.

Bear, Mark F., et al. Neurosciences : A la découverte du cerveau, John Libbey Eurotext, 2016. ProQuest Ebook Central, http://ebookcentral.proquest.com/lib/bcuf/detail.action?docID=4745242.
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INTRODUCTION

« L’homme devrait savoir que la joie, le plaisir, le rire et le divertissement, le chagrin, la


peine, le découragement et les larmes ne peuvent venir que du cerveau. Ainsi, de façon
singulière, nous acquérons sagesse et connaissance, nous pouvons voir et entendre, appré-
cier ce qui est intelligent ou sot, ce que sont le bien et le mal, ce qui est doux et ce qui est
sans saveur… C’est à cause du même organe que l’on peut devenir fou et dément et que
la peur et l’angoisse nous assaillent… Tout ceci se passe quand le cerveau est malade…
Je considère donc que le cerveau exerce le plus grand pouvoir sur l’homme. »
Hippocrate. La maladie sacrée (ive siècle av. J.-C.)

L’
homme a toujours cherché à savoir comment il voit et comment il
entend ; pourquoi certaines choses sont bonnes et d’autres mau-
vaises ; comment il bouge ; comment il raisonne, apprend, mémorise
et oublie ; quelle est l’origine de la colère et celle de la folie. La recherche dans le
domaine des neurosciences commence à éclaircir ces mystères et les résultats de
tous ces travaux constituent le contenu de cet ouvrage.
Le mot « neurosciences » est récent. La Society for Neuroscience (Société des
neurosciences), association de chercheurs en neurosciences, n’a été fondée qu’en
1970 (en France, la Société des neurosciences a été créée en 1988, elle comprend
plus de 2 500 membres). Cependant, l’étude du cerveau est aussi ancienne que
la science elle-même. Historiquement, les scientifiques qui se sont intéressés au
système nerveux venaient de disciplines diverses : médecine, biologie, psycholo-
gie, physique, chimie, mathématiques. La révolution des neurosciences est venue
du fait que ces scientifiques ont réalisé que le plus grand espoir de comprendre
le fonctionnement du cerveau résidait dans une approche résolument pluri­
disciplinaire, une combinaison des approches traditionnelles et de technologies
modernes, pour parvenir à une vision actualisée de l’organisation et du fonc-
tionnement cérébral et ouvrir de nouvelles perspectives. Aujourd’hui, quelle que
soit l’approche qu’ils mettent en œuvre, la plupart des scientifiques impliqués
dans la recherche sur le système nerveux se considèrent comme des chercheurs
en neurosciences. En fait, même si les enseignements de neurosciences peuvent
être dispensés par les départements de psychologie ou de biologie, selon les
­universités, et qu’il est alors possible de parler de neuropsychologie ou de neuro-
biologie, le cours porte toujours sur les neurosciences. Actuellement, la Society
for Neuroscience est, dans le domaine de la biologie expérimentale, la plus impor-
tante association de scientifiques et celle qui se développe le plus rapidement.
Loin d’être hyperspécialisé, ce domaine est au contraire presque aussi vaste que
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l’ensemble des sciences naturelles, le système nerveux étant le point commun


de toutes les études. Pour comprendre le fonctionnement du ­cerveau, il est de
fait nécessaire d’acquérir des connaissances dans des domaines variés, depuis
la structure moléculaire de l’eau, jusqu’aux propriétés électriques et chimiques
du cerveau ; mais aussi pour tenter de comprendre pourquoi le chien de Pavlov
salivait en entendant une cloche sonner. C’est dans cette vaste perspective que
cet ouvrage part à la découverte du cerveau.
L’aventure commence par une brève histoire des neurosciences. Comment
le cerveau a-t-il été perçu à travers les âges ? Qui sont les chercheurs en neuro­
sciences d’aujourd’hui, et quelle est leur approche dans l’étude du cerveau ?

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4 1 – Bases cellulaires

Les origines
des neurosciences
Le système nerveux — cerveau, moelle épinière et nerfs — est vital et per-
met de sentir, de bouger, et encore de penser. Comment l’homme en a-t-il pris
conscience ?
Il est prouvé que, dès la préhistoire, nos ancêtres considéraient le cerveau
comme un organe vital. Les musées archéologiques comptent de nombreux
crânes d’hominidés datant d’un million d’années et plus, qui montrent des traces
de lésions crâniennes mortelles, probablement infligées par d’autres hominidés.
Il y a 7 000 ans, des interventions étaient déjà pratiquées au niveau du crâne
(un procédé appelé trépanation), non pour tuer mais pour guérir (Fig. 1.1). Ces
crânes montrent des signes de guérison, ce qui indique que l’opération était pra-
tiquée sur des êtres vivants et n’était pas seulement un rituel accompli après
la mort. Quelques individus ont, semble-t-il, survécu à plusieurs opérations du
crâne. Le but recherché par ces premiers chirurgiens n’est pas clair, même s’il
est envisageable que ce procédé était utilisé pour traiter les maux de tête ou les
troubles mentaux. Mais peut-être ne s’agissait-il simplement que d’ouvrir une
porte de sortie aux mauvais esprits…
Les écrits des premiers médecins de l’Égypte ancienne, datant de presque
5 000 ans, montrent qu’ils avaient reconnu plusieurs symptômes liés à des lésions
Figure 1.1 – Évidence d’une intervention
cérébrales. Cependant, c’est le cœur et non le cerveau qui était considéré à cette
neurochirurgicale de l’époque préhistorique. époque comme le siège de l’âme et des souvenirs. En fait, alors que le reste du
Ce crâne humain date de plus de 7 000 ans. corps était soigneusement préparé pour la vie après la mort, le cerveau du défunt
Il a fait l’objet d’une intervention du vivant du était simplement retiré par les narines et jeté. L’idée que le cœur était le siège de
sujet. (Source : Alt et al., 1997, Fig. 1a.) la conscience et de la pensée n’a ainsi pas été remise en question à cette époque
et celles qui ont suivi, jusqu’à Hippocrate.

Place du cerveau dans la Grèce antique


En première approximation, il est possible de considérer que toutes les par-
ties du corps sont différentes parce qu’elles ont des fonctions différentes. La
structure des pieds diffère de celle des mains et leurs fonctions sont très diffé-
rentes : les pieds sont faits pour marcher et les mains pour manipuler. Il existe
donc une corrélation très claire entre structure et fonction. En acceptant cette idée
très simple, les différences d’aspect traduisent alors des différences fonctionnelles
fondamentales.
Quel rapport y a-t-il entre la structure de la tête et sa fonction ? Un examen
rapide et quelques expériences simples (par exemple, fermer les yeux) montrent
que la tête est faite pour percevoir l’environnement. Les yeux, les oreilles, le nez
et la langue font partie de la tête ; même une dissection grossière montre que les
nerfs issus de ces organes pénètrent, au travers du crâne, à l’intérieur du cerveau.
À partir de ces observations, que peut-on alors conclure sur le rôle du cerveau ?
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Si la déduction principale de ce raisonnement est que le cerveau représente


l’organe de la sensation, cette conclusion est similaire à celle des savants grecs du
ive siècle av. J.-C. ; cependant, l’érudit le plus célèbre de cette époque, Hippocrate
(460-379 av. J.-C.), le père de la médecine occidentale, déclarait que le cerveau
n’était pas seulement impliqué dans les sensations, mais qu’il était aussi le siège
de l’intelligence.
Toutefois, cette opinion n’était pas unanimement partagée. Le célèbre philo-
sophe grec, Aristote (384-322 av. J.-C.) maintenait que le cœur était le centre de
l’intellect, alors que le cerveau servait à refroidir le sang qui était surchauffé par
l’agitation du cœur. Le tempérament raisonnable des hommes s’expliquait ainsi
par la grande capacité de refroidissement de leur cerveau.

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Cerveau Cervelet

1 cm

Vue de côté Vue de dessus

Figure 1.2 – Représentation d’un cerveau de mouton.


Notez la place et l’apparence du cerveau et du cervelet.

Place du cerveau sous l’Empire romain


Le personnage le plus important de la médecine romaine fut le médecin écri-
vain Galien (130-200), qui partageait les vues d’Hippocrate sur le rôle du cer-
veau. En tant que médecin des gladiateurs, il avait probablement observé les
conséquences dramatiques résultant des blessures du cerveau et de la moelle
épinière. Mais c’est en pratiquant des dissections sur des animaux que Galien a
précisé son point de vue sur le cerveau. La figure 1.2 représente un cerveau de
mouton, un des sujets favoris de Galien. Deux parties sont mises en évidence :
le cerveau à l’avant et le cervelet en arrière (voir le chapitre 7 sur la structure du
cerveau). De même qu’il est possible de deviner le rôle des pieds et des mains à
partir de leur structure, Galien commença par observer la structure du cerveau
et du cervelet pour tenter de préciser leur fonction respective. Il constata qu’en
appuyant un doigt sur un cerveau fraîchement disséqué, le cervelet apparaissait
plutôt ferme et le cerveau plutôt mou. À partir de cette observation, Galien
­suggéra que le cerveau était le réceptacle des sensations et le cervelet, le centre
de commande des muscles. Pourquoi cette distinction ? Galien reconnaissait
simplement que, pour être mémorisées, les sensations doivent « s’imprimer » Ventricules
sur le cerveau. Dès lors, pour lui ceci devait naturellement se passer sur la partie cérébraux
malléable du cerveau.
Aussi improbable que cette opinion puisse sembler, les déductions de Galien
n’étaient pas loin de la vérité. En fait, le cerveau est largement impliqué dans la
sensation et la perception et le cervelet est avant tout un centre de contrôle du
mouvement. De plus, le cerveau est bien le centre de la mémoire. Dans l’histoire
des neurosciences, il est alors intéressant de remarquer que ceci n’est pas le seul
exemple d’une conclusion générale juste, obtenue à partir de raisonnements faux…
Comment le cerveau perçoit-il les sensations, et comment commande-t-il les
mouvements ? Galien, en ouvrant le cerveau en deux, découvrit qu’il était creux
(Fig. 1.3). Dans ces espaces creux, appelés ventricules (par similitude avec les
ventricules du cœur), se trouve un liquide. Pour Galien, cette découverte cor-
respondait parfaitement à la théorie prédominante de l’époque selon laquelle
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les fonctions du corps dépendaient de l’équilibre de quatre liquides vitaux ou


humeurs. Les sensations étaient enregistrées et les mouvements initiés par le
déplacement de ces humeurs vers ou à partir des ventricules du cerveau, en
empruntant les nerfs qui étaient dès lors considérés comme des canaux sem- Figure 1.3 
– Dissection d’un cerveau de
blables aux vaisseaux sanguins. mouton montrant les ventricules cérébraux.

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Place du cerveau, de la Renaissance au xixe siècle


L’opinion de Galien a prévalu pendant presque 1 500 ans. À l’époque de la
Renaissance, le grand anatomiste Andreas Vesalius (Vésale, en Français ; 1515-
1564) donna plus de détails sur la structure du cerveau (Fig. 1.4) ; mais la loca-
lisation ventriculaire des fonctions cérébrales n’était toujours pas contestée. En
fait, ce concept fut même renforcé au xviie siècle, lorsque des chercheurs français
mirent au point des machines hydrauliques. Ces appareils corroboraient le fait
que le fonctionnement du cerveau pouvait ressembler à celui d’une machine : le
fluide expulsé des ventricules à travers les nerfs pouvait littéralement « actionner
la pompe » et entraîner les mouvements des membres. De fait, les muscles ne se
gonflent-ils pas quand ils se contractent ?
Le français René Descartes (1596-1650), mathématicien et philosophe, fut
l’un des ardents défenseurs de cette théorie mécaniste impliquant des mouve-
ments de fluides pour réaliser les fonctions cérébrales. Pourtant, s’il pensait que
cette théorie pouvait expliquer le fonctionnement du cerveau et le comportement
Figure 1.4 – Représentation des ventricules des animaux, il lui paraissait inconcevable de l’appliquer à tous les aspects du
cérébraux du cerveau humain, à l’époque de comportement humain. Pour lui, contrairement aux animaux, les hommes ont
la Renaissance. une intelligence et une âme, qui est donnée par Dieu. Il suggérait donc que les
Ce schéma est reproduit d’après De humani mécanismes du cerveau contrôlaient le comportement humain seulement dans
corporis fabrica, de Vésale (1543). Le sujet fut ce qu’il avait de semblable avec celui des animaux. De façon unique, les facul-
probablement un condamné à mort décapité. tés mentales de l’homme existent en dehors du cerveau, dans « l’esprit ». Pour
L’auteur a apporté une grande attention à la des- Descartes, l’esprit est une entité immatérielle qui perçoit les sensations et com-
cription anatomiquement exacte des ventricules mande les mouvements, en communiquant avec les mécanismes du cerveau par
cérébraux. (Source : Finger, 1994, Fig. 2.8.)
la glande pinéale (Fig. 1.5). Aujourd’hui encore, certains pensent que la question
de la relation cerveau-esprit n’est pas résolue et que, d’une façon ou d’une autre,
l’esprit est distinct du cerveau. Cependant, comme cela sera développé dans la
troisième partie de cet ouvrage, les données les plus actuelles de la recherche en
neurosciences amènent à une autre hypothèse : l’esprit a un support matériel,
représenté par le cerveau.
Au cours des xviie et xviiie siècles, d’autres scientifiques se détournèrent de
la théorie traditionnelle de Galien centrée sur les ventricules et commencèrent à
s’intéresser de plus près à la matière cérébrale. Ils découvrirent que le tissu céré-
bral est formé de deux parties : la substance grise et la substance blanche (Fig. 1.6)
et ils expliquaient ainsi la relation entre la structure et la fonction : puisque la
substance blanche est en continuité avec les nerfs du corps, il est envisageable
qu’elle contienne les fibres qui véhiculent l’information vers et à partir de la
substance grise.

Figure 1.5 – Organisation du système ner-


veux d’après Descartes.
Ce schéma a été publié en 1662. Les nerfs
issus des yeux projettent vers les ventricules
cérébraux. L’esprit influence la commande Substance
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Substance
motrice au travers de la glande pinéale (H) qui grise blanche
sert de valve pour contrôler les déplacements
de l’esprit animal qui gonfle les muscles par
les nerfs. (Source : Finger, 1994, Fig. 2.16.)

Figure 1.6 – Substance blanche et
substance grise.
La simple section du cerveau en
deux parties révèle la dualité de la
matière cérébrale.

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Hémisphères
cérébraux
Cerveau
Cervelet
Système
nerveux
Moelle épinière central

Système
nerveux
périphérique

Figure 1.7 – Organisation anatomique des deux principales subdivisions du système nerveux. Sillon Lobe
Le système nerveux comprend deux parties : le système nerveux central (SNC) et le système ner- central pariétal
veux périphérique (SNP). Le SNC comprend lui-même le cerveau et la moelle épinière et le cerveau Lobe
Lobe
frontal
est subdivisé en trois parties principales représentées par les hémisphères cérébraux, le cervelet et occipital
le tronc cérébral. Le SNP est représenté par l’ensemble des nerfs et des cellules nerveuses situées
hors du cerveau et de la moelle épinière.
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À la fin du xviiie siècle, le système nerveux était complètement disséqué et son


organisation générale connue en détail. Depuis lors, il est distingué deux grandes Scissure
de Sylvius
parties : le système nerveux central, comprenant le cerveau et la moelle épinière,
Lobe temporal Cervelet
et le système nerveux périphérique formé par l’ensemble des nerfs (Fig. 1.7). La
découverte de circonvolutions (les gyrus ou gyri) et de sillons (les sulcus ou scis-
Figure 1.8 – Lobes du cerveau humain.
sures) à la surface du cerveau de tous les individus (Fig. 1.8) fut un progrès consi- La scissure (profonde) de Sylvius sépare le
dérable. Ce schéma, qui permet de diviser le cerveau en lobes, permettait ainsi de lobe frontal du lobe temporal ; le sillon cen-
supposer que les différentes fonctions du cerveau correspondaient à différentes tral sépare quant à lui le lobe frontal du lobe
circonvolutions. Le décor était fin prêt pour que s’ouvre l’ère de la théorie des pariétal. Le lobe occipital représente la partie
localisations cérébrales. la plus postérieure du cerveau.

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Le cerveau au xixe siècle
À la fin du xviiie siècle, les connaissances sur le système nerveux peuvent se
résumer ainsi :
•• une atteinte du cerveau peut supprimer les sensations, empêcher le mou-
vement, altérer la pensée, et même entraîner la mort ;
•• les nerfs assurent la communication entre le cerveau et le corps ;
•• il est possible de distinguer dans le cerveau des sous-régions qui jouent
probablement des rôles différents ;
•• le cerveau (sinon l’esprit) fonctionne comme une machine et obéit aux lois
de la nature.
Au cours du siècle qui suivit, les connaissances sur l’organisation et les
fonctions du cerveau progressèrent plus que dans toute l’histoire qui avait
précédé. Ces travaux eurent un caractère fondamental, conférant à la recherche
du xixe siècle un rôle essentiel dans le progrès des connaissances sur le cerveau.
À titre d’illustration, quatre éléments déterminants sont évoqués ci-dessous.

Les nerfs, assimilés à des câbles électriques.  En 1751, Benjamin Franklin


publia un pamphlet intitulé Expériences et observations sur l’électricité, qui
annonçait de nouvelles découvertes sur l’électricité. Au tournant du siècle, le
savant italien Luigi Galvani et le biologiste allemand Emil du Bois-Reymond
avaient montré que les muscles se contractent lorsqu’ils sont stimulés électrique-
ment et que le cerveau lui-même peut générer de l’électricité. Cette découverte
balayait la notion de nerfs communiquant avec le cerveau par le mouvement des
fluides et le nouveau concept assimilait les nerfs à des câbles électriques, « vers »
et « à partir » du cerveau.
Mais la question se posait encore de savoir si les signaux qui génèrent le
mouvement des muscles sont transmis par les mêmes canaux que ceux qui enre-
gistrent les sensations à travers la peau. En montrant que la section d’un nerf
dans une région du corps entraîne habituellement une perte de sensation et de
mouvement dans la région concernée, il apparaissait qu’effectivement la com-
munication se faisait à double sens, le long de ces nerfs. Sachant à cette époque
que tous les nerfs contiennent de fins filaments appelés fibres nerveuses, chacune
de ces fibres était dès lors considérée comme pouvant servir de fil conducteur
pour transmettre l’information dans des directions différentes.
Vers 1810, le médecin écossais Charles Bell et le physiologiste français
François Magendie apportèrent une réponse à la question précédente, à travers
leurs observations : par un curieux phénomène anatomique, juste avant de se
rattacher à la moelle épinière, les fibres des nerfs se divisent en deux branches
ou « racines ». La racine dorsale pénètre vers l’arrière de la moelle épinière, et
la racine ventrale vers l’avant (Fig. 1.9). En procédant expérimentalement chez
l’animal, Bell sectionna chaque racine séparément, pour voir si ces deux racines
transportaient l’information dans des directions différentes. Il découvrit que
seule la section des racines ventrales causait la paralysie des muscles. Plus tard,
Magendie montra que les racines dorsales transportaient l’information senso-
rielle vers la moelle épinière. Bell et Magendie en conclurent qu’à l’intérieur
de chaque nerf se trouve un ensemble de plusieurs fibres nerveuses, les unes
transmettant l’information au cerveau et à la moelle épinière (les fibres senso-
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rielles), et d’autres conduisant l’information aux muscles (les fibres motrices). La


transmission est strictement à sens unique dans chaque fibre nerveuse, motrice
ou sensorielle. Les deux types de fibres sont regroupés sur presque toute leur
longueur, mais elles sont anatomiquement séparées lorsqu’elles pénètrent ou
sortent de la moelle épinière.

Localisation des fonctions cérébrales. Si les diverses racines spinales


n’exercent pas les mêmes fonctions, il est possible qu’il en soit de même des
différentes parties du cerveau. En 1811, Bell suggéra que l’origine des fibres
motrices se trouvait dans le cervelet et la destination des fibres sensorielles dans
le cerveau.

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Moelle
épinière

Racines ventrales

Racines
dorsales

Nerf Muscle Peau


Figure 1.9 – Nerfs spinaux et racines rachi-
diennes.
Trente et une paires de nerfs émergent de
la moelle épinière pour innerver la peau et
les muscles. La section de l’un de ces nerfs
Fibres
nerveuses est suivie d’une perte de sensation et d’une
(axones) impossibilité de réaliser des mouvements
dans la région correspondante du corps. Les
fibres afférentes sensorielles et les fibres effé-
rentes motrices se séparent au niveau de la
moelle épinière, juste à proximité de la moelle.
Bell et Magendie ont démontré que les fibres
Vertèbre
des racines ventrales (antérieures) avaient un
rôle moteur, alors que les fibres empruntant
les racines dorsales (postérieures) étaient
uniquement sensorielles.

Pour vérifier cette hypothèse, la même méthode que celle de Bell et Magendie,
cherchant à identifier les fonctions des racines spinales, fut mise en œuvre :
détruire différentes parties du cerveau et observer les déficits sensoriels et moteurs
qui en résultent. Cette approche consistant à détruire des parties du cerveau de
façon systématique pour déterminer leur fonction relève de la neurologie expéri-
mentale. En 1823, le fameux physiologiste français Marie-Jean-Pierre Flourens
utilisa cette méthode sur plusieurs espèces d’animaux (notamment des oiseaux),
pour démontrer que le cervelet joue un rôle évident dans la coordination du
mouvement. Il en conclut aussi que le cerveau est impliqué dans la sensation et
la perception, comme Bell et Galien l’avaient suggéré avant lui. Mais, contraire-
ment à ses prédécesseurs, Flourens fournissait un solide support expérimental à
la théorie de la localisation des fonctions cérébrales.
Que représentent toutes les circonvolutions à la surface du cerveau ? Ont-
elles des fonctions différentes ? Cette idée paraissait évidente au jeune étudiant
en médecine autrichien, Franz Joseph Gall. Pensant que les bosses du crâne cor-
respondaient aux circonvolutions du cerveau, Gall suggéra en 1809 que certains
traits de caractère — tels que la générosité, la réserve, l’instinct de destruction,
etc. — pouvaient être en relation avec la forme de la tête (Fig. 1.10). Pour confor-
ter ses propositions, Gall et ses disciples effectuèrent des mesures sur le crâne de
centaines de personnes représentant un large éventail de personnalités, depuis le
surdoué jusqu’au fou criminel. Cette nouvelle « science », mettant en relation la
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structure de la tête avec les traits de la personnalité, prit le nom de phrénologie.


Bien que la plupart des scientifiques n’aient jamais pris au sérieux les déclara-
tions des phrénologistes, ceux-ci ont néanmoins réussi à toucher l’imagination
populaire de leur temps et un manuel de phrénologie fut publié en 1827 et tiré à
plus de 100 000 exemplaires !
Flourens fut un des plus violents opposants de la phrénologie. Sa critique
reposait sur des bases simples. D’une part, il n’y a pas de corrélation entre les Figure 1.10 – Carte phrénologique.
dimensions du crâne et celles du cerveau. D’autre part, Flourens, au moyen des En accord avec les travaux de Gall et de ses
lésions expérimentales, montra que les caractères particuliers ne sont pas isolés disciples, les traits du comportement peuvent
dans les parties du cerveau répertoriées par la phrénologie. Mais Flourens sug- être mis en rapport avec la forme de diffé-
géra aussi que toutes les régions du cerveau sont impliquées de façon équivalente rentes parties du crâne. (Source : Clarke et
dans toutes les fonctions cérébrales, ce qui s’avéra erroné par la suite. O’Malley, 1968, Fig. 118.)

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10 1 – Bases cellulaires

C’est au neurologue français Paul Broca qu’il revient d’avoir apporté les élé-
ments les plus déterminants sur la question de la localisation des fonctions céré-
brales (Fig. 1.11). Un jour, il examina un patient qui comprenait les mots mais ne
pouvait pas parler. Lorsque cet homme mourut, en 1861, Broca observa atten-
tivement son cerveau et découvrit une lésion du lobe frontal gauche (Fig. 1.12).
À partir de ce cas et de plusieurs autres cas similaires, Broca conclut que cette
région du cerveau humain était spécifiquement reliée au langage.
Sur la base de ces observations, la localisation cérébrale fit l’objet d’une
intense recherche expérimentale sur l’animal. En 1870, les physiologistes alle-
mands Gustav Fritsch et Eduard Hitzig montrèrent qu’en appliquant de faibles
décharges électriques sur une région précise de la surface exposée du cerveau
d’un chien, de discrets mouvements pouvaient être générés. Le neurologue
écossais David Ferrier reproduisit ces expériences sur des singes et, en 1881, il
démontra que l’ablation de cette partie du cerveau entraînait la paralysie des
muscles. De même, le physiologiste allemand Hermann Munk prouva, au moyen
Figure 1.11 – Paul Broca (1824-1880). de lésions effectuées chez l’animal, que le lobe occipital du cerveau était spécifi-
C’est en étudiant le cerveau d’un homme quement concerné par la vision.
ayant perdu l’usage de la parole après une
Comme cela sera discuté dans la deuxième partie de cet ouvrage, au niveau
lésion cérébrale (Fig. 1.12) que Broca fut
convaincu que les différentes fonctions céré-
cérébral il existe un partage très précis des tâches, les diverses régions étant sus-
brales pouvaient siéger dans des régions ceptibles de remplir des fonctions très différentes. Les cartes actuelles de l’orga-
particulières du cerveau. (Source : Clarke et nisation anatomofonctionnelle du cerveau rivalisent avec celles les plus élaborées
O’Malley, 1968, Fig. 121.) des phrénologistes. La grande différence est, cependant, qu’à l’opposé des phré-
nologistes les scientifiques ont recours à une expérimentation très rigoureuse
Sillon central avant d’attribuer une fonction spécifique à une partie donnée du cerveau ; dès
lors, il semble que l’idée de Gall n’était pas si fausse. Il est alors intéressant
de se poser la question de savoir pourquoi Flourens, le pionnier de la localisa-
tion fonctionnelle cérébrale, s’est trompé en pensant que le cerveau fonctionnait
comme un tout et ne pouvait pas être subdivisé en sous-régions fonctionnelle-
ment différentes. Il est possible que ce chercheur pourtant doué soit passé à côté
de la localisation cérébrale pour plusieurs raisons, mais il est clair qu’une des
raisons principales était son opposition viscérale à Gall et à la phrénologie. Il
ne pouvait en aucune façon accepter l’idée de Gall, qu’il considérait comme un
lunatique ! Cette anecdote nous rappelle alors combien la science, pour le meil-
leur et pour le pire, était et reste véritablement une activité qui ne peut pas être
Figure 1.12 – Photographie du cerveau à totalement dénuée de subjectivité.
partir duquel Broca établit la théorie de la
localisation des fonctions cérébrales. Évolution du système nerveux.  En 1859, le biologiste anglais Charles Darwin
Ce cerveau est celui du patient ayant perdu (Fig. 1.13) publia De l’origine des espèces. Cet ouvrage étonnant proposait une
l’usage de la parole avant son décès en 1861. La théorie de l’évolution, à savoir que les espèces se développaient à partir d’un
lésion qui produit ce type de déficit est identifiée ancêtre commun. Selon sa théorie, les différences entre les espèces reposaient sur
par un cercle. (Source : Corsi, 1991, Fig. III, 4.) un processus que Darwin dénomma la sélection naturelle. Dans les mécanismes
de la reproduction, les traits physiques des descendants sont quelquefois diffé-
rents de ceux des parents. Si ces traits sont utiles à la survie, les descendants eux-
mêmes se reproduiront, augmentant ainsi la possibilité de transmettre ces traits
positifs à la génération suivante. À travers plusieurs générations, ce processus a
permis le développement des caractères qui distinguent les espèces de nos jours :
des nageoires pour les phoques, des griffes pour les chiens, des mains pour les
ratons laveurs, etc. Cette seule intuition a révolutionné la biologie. De nos jours,
il est incontestable que les preuves scientifiques, depuis l’anthropologie jusqu’à
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la génétique moléculaire, sont en faveur de la théorie de l’évolution par la sélec-


tion naturelle.
Pour Darwin le comportement faisait partie des caractères transmis suscep-
tibles d’évoluer. Par exemple, il remarqua que les réactions de peur étaient les
mêmes chez plusieurs espèces de mammifères : les pupilles des yeux s’agran-
dissent, le cœur s’accélère, les poils se hérissent ; ceci est valable pour les hommes,
comme pour les chiens. Pour Darwin, la similitude de cet ensemble de réponses
prouvait que l’évolution des espèces venait d’un ancêtre commun, qui possédait
Figure 1.13 – Charles Darwin (1809-1882). le même trait comportemental (présumé positif parce qu’il permettait d’échap-
Darwin proposa sa théorie de l’évolution, expli- per aux prédateurs). Puisque le comportement est le reflet de l’activité du sys-
quant comment les espèces évoluent par sélec- tème nerveux, il est vraisemblable que les mécanismes du cerveau qui génèrent
tion naturelle. (Source : The Bettman Archive.) ces réactions de peur soient similaires, sinon identiques, à travers les espèces.

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1 – Neurosciences : passé, présent et futur 11

L’idée que le système nerveux des différentes espèces est issu d’un ancêtre
commun et donc que la possibilité existe de mécanismes similaires, permet d’ex-
trapoler à l’homme les résultats obtenus chez l’animal. Ainsi, par exemple, cer-
taines caractéristiques de la conduction des potentiels d’action le long des fibres
nerveuses ont d’abord été étudiées chez le calmar ; mais on sait maintenant
qu’elles s’appliquent aussi à l’homme. Aujourd’hui, la plupart des neurobiolo-
gistes ont recours aux modèles animaux pour étudier les mécanismes des proces-
sus humains. Par exemple, les rats montrent des signes évidents de toxicomanie
si la possibilité leur est donnée de s’auto-administrer de la cocaïne. De ce point
de vue, les rats représentent donc un modèle animal important dans la recherche
consacrée à l’effet des drogues psychotropes sur le système nerveux.
Par ailleurs, de nombreux traits comportementaux sont fortement adaptés à
l’environnement d’une espèce donnée. Par exemple, les singes qui se balancent de
branche en branche ont une vue perçante, tandis que les rats, qui glissent le long
des canalisations souterraines, ont une vision faible mais un sens accru du tou-
cher grâce aux vibrisses présentes sur leur museau. La structure et la fonction du
cerveau de chaque espèce reflètent ces adaptations. En comparant les spécificités
du cerveau des différentes espèces, les neurobiologistes ont ainsi pu identifier les
parties du cerveau correspondant aux différents comportements. La figure 1.14
en montre des exemples chez les singes et les rats.

7 cm

(a) Cerveau de singe

3 cm

(b) Cerveau de rat


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Figure 1.14 – Évolution de différentes spécialisations du cerveau chez le singe et le rat.


(a) Le cerveau du macaque possède une vision très évoluée. La région identifiée par un carré
reçoit les informations des yeux. Une préparation de ce tissu pour mesurer l’activité cérébrale
sur des coupes de tissu permet de mettre en évidence une mosaïque de zones actives. Dans ces
régions, les neurones sont très hautement spécialisés, notamment pour l’analyse des couleurs
du monde environnant. (b) Le cerveau du rat possède une capacité particulière à recevoir des
informations sensorielles à partir des vibrisses placées sur son museau, lui permettant d’explorer
l’environnement. La région identifiée sur le schéma comme précédemment reçoit ces informations
sensorielles. La mesure de l’activité cérébrale sur des coupes de cerveau permet de mettre en
évidence dans cette région une mosaïque de microzones appelées barrels, chacun de ces barrels
étant spécialisé dans la réception des informations émises par une seule de ces « moustaches
sensorielles ». (Microphotographie : Dr S. H. C. Hendry.)

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12 1 – Bases cellulaires

Le neurone, unité de base du fonctionnement cérébral.  Dès les années 1800,


les développements de la microscopie donnèrent les toutes premières opportu-
nités d’observer des agrandissements de tissus animaux. En 1839, le zoologiste
allemand Theodor Schwann proposa ce qui allait devenir la théorie cellulaire :
tous les tissus sont composés d’unités microscopiques appelées cellules.
Bien que des cellules du cerveau aient déjà été identifiées et décrites, la dis-
cussion se poursuivait : la « cellule nerveuse », à titre individuel, était-elle véri-
tablement l’unité de base du fonctionnement cérébral ? Les cellules nerveuses
présentent de nombreux petits prolongements qui partent du corps cellulaire
(Fig. 1.15). Initialement, l’une des idées avancées considérait que les projec-
tions issues des différentes cellules se reliaient toutes ensemble pour former un
réseau, à la manière des vaisseaux sanguins. Si cela se vérifiait, c’est le « réseau
nerveux » formé de cellules nerveuses interconnectées qui représenterait alors
l’unité ­élémentaire du fonctionnement cérébral.
Le chapitre 2 présente un bref historique de cette découverte, mais il faut
d’ores et déjà considérer que c’est vers l’année  1900 que la cellule nerveuse,
considérée à titre unique, dès lors dénommée « neurone », fut reconnue effecti-
vement comme l’unité fonctionnelle de base du système nerveux.

Figure 1.15 – Première description d’une


cellule nerveuse.
Ce schéma a été publié en 1865 par l’ana-
Les neurosciences aujourd’hui
tomiste allemand Otto Deiters, illustrant une
cellule nerveuse ou neurone et ses prolonge- L’histoire des neurosciences poursuit aujourd’hui sa marche en avant et les
ments nombreux dénommés neurites. Pen-
acquis considérables de la recherche à ce jour, avec les avancées les plus récentes,
dant un certain temps, l’idée fut avancée que
ces neurites fusionnaient à la manière des
forment le contenu de cet ouvrage. Dans ce domaine de recherche, avec ce qu’il
vaisseaux sanguins pour former un réseau représente de fondamental pour nos sociétés, l’approche est résolument pluri­
continu. Aujourd’hui nous savons que ces disciplinaire et s’effectue en général par niveaux d’analyse.
neurones représentent des entités distinctes
communiquant par des signaux chimiques.
(Source : Clarke et O’Malley, 1968, Fig. 16.)
Niveaux d’analyse
Si l’histoire des neurosciences ne nous apprend pas grand-chose que nous
ne sachions déjà, elle nous montre au moins que la quête de la connaissance
dans ce domaine est essentielle pour l’humanité mais aussi que cela représente
une aventure considérable. Pour tenter de comprendre le fonctionnement céré-
bral, l’une des approches les plus classiques consiste en l’analyse des constituants
du système nerveux. Cette démarche est qualifiée d’approche réductionniste. La
dimension de l’objet étudié définit alors le niveau d’analyse, pouvant aller du
plus élémentaire au plus intégré. Par ordre croissant de complexité, les niveaux
d’analyse sont définis de la façon suivante : moléculaire, cellulaire, intégré (niveau
d’analyse des systèmes), comportemental et cognitif.
Neurobiologie moléculaire.  Le cerveau est reconnu comme l’élément le plus
complexe de l’univers. Il est composé d’une extraordinaire variété de molécules,
dont beaucoup sont spécifiques du système nerveux. Ces différentes molécules
assurent des fonctions diverses mais indispensables au fonctionnement cérébral :
tels les messagers qui permettent aux neurones de communiquer entre eux, les
« sentinelles » qui contrôlent ce qui pénètre dans les neurones ou en sort, les
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chefs qui orchestrent la croissance du neurone, les archivistes des expériences


passées… L’étude du cerveau à ce niveau très élémentaire est qualifiée comme
relevant des neurosciences (ou de la neurobiologie) moléculaires.
Neurobiologie cellulaire.  Le niveau d’analyse suivant est représenté par les
neurosciences (ou neurobiologie) cellulaires. Il étudie essentiellement comment
toutes ces molécules confèrent au neurone ses propriétés particulières. Parmi les
questions qui se posent à ce niveau, il est d’usage de se demander, par exemple,
combien il existe de types de neurones distincts et quelles sont leurs différentes
fonctions ; quelles influences réciproques exercent les neurones entre eux ; com-
ment se mettent en place les connexions entre les neurones pendant le dévelop-
pement fœtal ; ou encore, comment les neurones intègrent les informations qu’ils
reçoivent ?

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1 – Neurosciences : passé, présent et futur 13

Neurosciences intégratives. Des constellations de neurones forment des


c­ ircuits complexes, qui jouent un rôle particulier : la vision, par exemple, ou le
mouvement volontaire. Ainsi, parle-t-on de « système visuel » et de « système
moteur », chacun représenté par des circuits distincts à l’intérieur du cerveau.
À ce niveau d’analyse, dénommé neurosciences intégratives, les chercheurs étu-
dient comment les différents circuits neuronaux analysent les informations
sensorielles, élaborent la perception du monde extérieur ou encore décident et
ordonnent les mouvements.
Neurosciences du comportement.  Comment les systèmes neuronaux s’as-
semblent-ils pour réaliser des comportements intégrés ? Les différentes formes
de mémoire sont-elles associées à des circuits différents ? Dans quelle partie du
cerveau agissent les drogues qui altèrent l’esprit ? Et quelle est la contribution
normale de ces systèmes à la régulation de l’humeur et du comportement ? Existe-
t-il un déterminisme neuronal des comportements propres à chaque sexe ? Où les
rêves se forment-ils dans le cerveau ? Toutes ces questions relèvent d’un niveau
d’étude plus global, tendant à préciser les bases des comportements ; ces études
sont regroupées sous le vocable de neurosciences du comportement.
Neurosciences cognitives. Le plus grand défi des neurosciences concerne
l’étude des mécanismes neuronaux responsables des plus hauts niveaux de l’ac-
tivité mentale chez l’homme, tels que la conscience, les représentations mentales,
et le langage. À ce niveau, la recherche relève du champ des neurosciences cogni-
tives, elles-mêmes s’inscrivant dans le champ plus vaste des sciences cognitives,
et étudie comment l’activité du cerveau crée la pensée ; en d’autres termes, les
neurosciences cognitives analysent la relation entre le cerveau et l’esprit.

Chercheurs en neurosciences
Les chercheurs du domaine des neurosciences se regroupent dans une très
vaste communauté ayant en commun l’étude du cerveau, sous ses différents
aspects. Ces chercheurs sont qualifiés de neurobiologistes, se référant au fait
qu’ils sont d’abord des biologistes. Cependant, leur appartenance à des disci-
plines diverses, du domaine clinique ou encore de la psychologie, par exemple,
amène à les qualifier plus globalement de « neuroscientifiques » (neuroscientists).
Ce terme paraît très impressionnant, un peu comme « spécialiste des fusées »,
mais les auteurs de ce manuel, comme les autres, ont d’abord été des étudiants.
Quelle que soit leur motivation — connaître les causes de sa propre mauvaise
vue ou comprendre pourquoi, à la suite d’un accident vasculaire, une personne
proche ne pouvait plus parler — ces neurobiologistes ont partagé le même désir
de comprendre comment fonctionne le cerveau. Cela sera peut-être aussi le cas
de certains étudiants qui se pencheront sur cet ouvrage.
Le travail du chercheur est gratifiant, mais le parcours est difficile et nécessite
de nombreuses années d’études : d’abord, obtenir un master, puis un doctorat en
sciences ou un doctorat en médecine (ou les deux). Suivent en général plusieurs
années de recherche post-doctorale, pour se familiariser avec les nouvelles tech-
niques et les approches scientifiques modernes, sous la direction d’un chercheur
confirmé. Enfin, le jeune chercheur est prêt à travailler à l’Université, dans un
grand organisme de recherche de type CNRS, INSERM, ou encore CEA en
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France, dans un institut ou à l’hôpital.


De façon schématique et quelque peu artificielle, la recherche en neuro­
sciences peut être divisée en deux grands domaines : celui de la recherche clinique
et celui de la recherche fondamentale, de caractère souvent expérimental. La
recherche clinique est essentiellement dirigée par des médecins. Chez l’homme,
les spécialités médicales concernant le système nerveux sont représentées par la
neurologie, la psychiatrie, la neurochirurgie et la neuropathologie (Tab. 1.1). De
nombreux chercheurs de ce domaine suivent la tradition de Broca : ils tentent
d’expliquer le rôle des différentes parties du cerveau à partir des troubles du
comportement causés par des lésions cérébrales dans une démarche dite « ana-
tomoclinique ». D’autres orientent leurs études sur les apports et les risques des
nouveaux types de traitements.

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14 1 – Bases cellulaires

Tableau 1.1 – Médecins spécialisés dans les maladies du système nerveux.

Spécialiste Fonction
Neurologue Docteur en médecine : diagnostic et traitement des maladies du système
nerveux
Psychiatre Docteur en médecine : diagnostic et traitement des troubles de l’humeur
et du comportement
Neurochirurgien Docteur en médecine : chirurgie du cerveau et de la moelle épinière
Neuropathologiste Docteur en médecine et/ou docteur en sciences : étude des altérations
du tissu cérébral en rapport avec la pathologie

Bien que la recherche clinique présente un intérêt évident, le fondement de


tout traitement médical a été et reste la recherche fondamentale. Elle est prati-
quée par des docteurs en médecine ou des docteurs en sciences. Les approches
expérimentales de l’étude du cerveau sont si variées qu’elles ont recours à toutes
sortes de méthodologies. Ainsi, en dépit de la pluridisciplinarité caractérisant
les neurosciences, c’est la maîtrise d’une méthodologie particulière qui sert de
référence pour distinguer tel ou tel chercheur. Les neuroanatomistes utilisent des
microscopes sophistiqués pour définir la complexité des connexions cérébrales ;
les neurophysiologistes utilisent des électrodes, des amplificateurs et des oscillos-
copes pour mesurer l’activité électrique du cerveau ; les neuropharmacologues
testent de nouvelles molécules pour étudier la chimie des fonctions cérébrales ;
les biologistes moléculaires travaillent sur le matériel génétique des neurones
pour tenter de trouver la clé de la structure des molécules du cerveau, etc. Le
tableau 1.2 donne une liste de certaines de ces différentes catégories de cher-
cheurs, qui pratiquent la recherche expérimentale.
Les neurosciences théoriques représentent un domaine relativement nouveau
des neurosciences, dans lequel les chercheurs utilisent les outils mathématiques
et computationnels pour comprendre l’organisation et le fonctionnement du
cerveau, à tous niveaux d’analyse. Dans la plus pure tradition de la physique,
les neurosciences théoriques s’efforcent ainsi de donner un sens à la somme
consi­dérable de données expérimentales recueillies par les expérimentateurs,
avec l’objectif d’aider à résoudre les questions de la plus haute importance qui
s’offrent à nous, en particulier d’ordre cognitif, et établir les principes mathéma-
tiques de l’organisation et du fonctionnement cérébral humain.

Tableau 1.2 – Chercheurs en neurosciences fondamentales.

Dénomination Fonction
Neurobiologiste du développement Analyse le développement et la maturation du système
nerveux
Neurobiologiste moléculaire Étudie la nature et la fonction des molécules du cerveau,
notamment à partir du matériel génétique des neurones
Neuroanatomiste Étudie la structure du système nerveux
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Neurochimiste Étudie la chimie du système nerveux, notamment la signa-


lisation intra et intercellulaire
Éthologiste Étudie les bases des comportements spécifiques d’une
espèce en milieu naturel
Neuropharmacologue Observe les effets des drogues sur le système nerveux
Neurophysiologiste Mesure l’activité électrique du système nerveux
Psychologue, neuropsychologue, Étudie les fondements biologiques des comportements
comportementaliste
Psychophysicien Mesure quantitativement les capacités de perception

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1 – Neurosciences : passé, présent et futur 15

Démarche scientifique en neurosciences


Tous les neuroscientifiques s’efforcent d’établir des vérités. Quel que soit le
niveau d’analyse choisi, la stratégie d’approche des questions scientifiques est la
même et relève d’une méthode qui comprend les quatre étapes essentielles sui-
vantes : l’observation, la reproduction des données expérimentales, l’interpréta-
tion des résultats et leur vérification.
Observer et soumettre l’hypothèse à l’épreuve de l’expérimentation.
 ’observation repose en général sur des expériences tendant à valider une
L
hypothèse particulière. Par exemple, pour démontrer que les racines ventrales
contiennent les fibres nerveuses qui contrôlent les muscles (hypothèse), Bell
sectionna ces fibres chez l’animal (expérimentation) et vérifia si cela entraînait
la paralysie des muscles (observation). L’étude clinique chez l’homme est aussi
une autre forme d’observation. Ainsi, les observations attentives de Broca l’ont
conduit à corréler les atteintes du lobe frontal gauche avec la perte du langage.
Reproduire l’expérience.  Que l’observation soit expérimentale ou clinique,
la reproduction de cette observation constitue une étape indispensable avant de
l’accepter comme un fait. Reproduire signifie réaliser à nouveau l’expérience sur
des sujets différents ou bien faire des observations semblables chez des patients
différents, autant de fois qu’il est nécessaire pour écarter la possibilité d’un fait
dû au hasard.
Interpréter les données expérimentales : revoir l’hypothèse. Lorsque le
chercheur considère que l’observation est valable, il doit en donner une interpré-
tation. Cette interprétation dépend de l’étendue de ses connaissances au moment
de l’observation et de son intuition particulière. Ces interprétations ne résistent
pas toujours à l’épreuve du temps. Par exemple, au moment de ses observations,
Flourens ne savait pas que le cerveau d’un oiseau est fondamentalement diffé-
rent de celui d’un mammifère. De ce fait, il concluait, à tort, à partir de lésions
expérimentales chez l’oiseau, que certaines fonctions n’ont pas de localisation
dans le cerveau des mammifères. De plus, comme cela a déjà été mentionné, sa
profonde aversion à l’égard de Gall influençait aussi son interprétation. En fait,
il arrive qu’une interprétation correcte ne soit obtenue que des années après que
l’observation originale ait été réalisée. Ainsi, des avancées majeures résultent
parfois d’observations anciennes, reprises dans un autre contexte.
Acceptation des résultats de l’expérimentation. La dernière étape de la
méthode scientifique est la vérification des résultats. Cette opération est distincte
de la reproduction des données de l’expérimentation. Vérification signifie que
l’observation est assez sûre pour être obtenue par tous les chercheurs qui suivent
précisément le protocole de l’observation originale. La vérification est couronnée
de succès si l’observation est acceptée comme un fait. Cependant, ceci est loin
d’être toujours le cas. Cela peut provenir des imprécisions du rapport original ou
d’une reproduction insuffisante de l’expérience par l’expérimentateur lui-même.
Mais l’échec de la vérification provient le plus souvent de variables expérimen-
tales additionnelles, telles que la température ou l’heure à laquelle l’observation
originale a été réalisée et de bien d’autres paramètres… Ainsi, le processus de
vérification, s’il est positif, établit un nouveau fait scientifique et, s’il est négatif,
demande de nouvelles interprétations de l’observation première.
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De temps à autre, la presse parle de « fraude scientifique ». Les chercheurs


sont confrontés à une dure concurrence dans le financement de plus en plus
limité de leur recherche et une pression considérable les pousse à « publier ou
disparaître » (le publish or perish des Anglo-Saxons). Par intérêt personnel, cer-
tains seulement ont publié de fausses « observations ». Heureusement, ces cas
de fraude sont rares, justement à cause de la rigueur de la méthode scientifique :
les autres chercheurs découvrent rapidement que ces observations sont men-
songères et demandent à leurs auteurs de préciser dans quelles conditions elles
ont été réalisées. Mais le fait que nous puissions écrire autant de choses dans cet
ouvrage atteste définitivement de la validité de la démarche expérimentale.

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16 1 – Bases cellulaires

Expérimentation animale en neurosciences


La plus grande partie des connaissances sur le système nerveux repose sur
l’expérimentation animale. Le plus souvent, les animaux sont sacrifiés et leur
cerveau est examiné dans les laboratoires de neuroanatomie, neurophysiologie
et/ou neurochimie. Le sacrifice d’animaux pour le progrès de la connaissance
humaine pose le problème de l’éthique dans la recherche animale.
Modèles animaux.  Il est important de replacer les éléments de ce débat sen-
sible dans leur contexte. À travers l’histoire, l’homme a considéré les animaux et
les produits animaux comme des ressources naturelles renouvelables, qu’il a uti-
lisées pour se nourrir, se vêtir, se déplacer, se divertir, ou encore pour le sport et
la compagnie. Les animaux utilisés pour la recherche, le dressage et l’expérimen-
tation ne représentent qu’une infime partie des animaux utilisés dans d’autres
buts. Par exemple, actuellement aux États-Unis le nombre des animaux utilisés
dans tous les domaines de la recherche biomédicale représente moins de 1 %
du nombre des animaux abattus seulement pour se nourrir (d’après le National
Academy of Sciences Institute of Medecine [Institut de médecine de l’Académie
nationale des sciences, États-Unis], 1991). Ce chiffre est considérablement plus
faible si seule la recherche en neurosciences est prise en compte.
Dans le domaine des neurosciences, les expériences sont pratiquées sur de
nombreuses espèces, depuis les escargots, jusqu’aux singes. Le choix de l’espèce
est généralement dicté par l’objet de l’étude, le niveau d’analyse et le rapport
avec l’espèce humaine à ce niveau d’analyse. En règle générale, plus le processus
étudié est élémentaire, plus l’espèce utilisée peut être éloignée de l’homme. Ainsi
les expériences visant à établir les bases moléculaires de la conduction de l’influx
nerveux ont-elles été principalement pratiquées, pour ce qui concerne l’établis-
sement ces principes fondamentaux, sur une espèce relativement lointaine de
l’homme, le calmar. En revanche, les mécanismes nerveux du mouvement et des
troubles de la perception chez l’homme font l’objet d’études utilisant des espèces
plus proches de l’homme, telle que le macaque. Aujourd’hui, plus de la moitié
des animaux utilisés en neurosciences sont des rongeurs — souris et rats — élevés
spécialement dans ce but.
Protection des animaux.  À l’heure actuelle, nos sociétés ont pris conscience
de la nécessité de prendre en compte la protection des animaux. Les chercheurs
en neurosciences partagent ce sentiment et veillent au bon traitement des ani-
maux. Cependant, il faut remarquer que la société n’a pas toujours eu ce souci,
comme le montrent certaines pratiques scientifiques du passé. Par exemple,
au xixe siècle, pour ses premières expériences, Magendie utilisait de jeunes
chiens sans pratiquer d’anesthésie (ce que critiqua plus tard son rival, Bell).
Heureusement, depuis ce temps les choses ont rapidement et considérablement
changé. La protection des animaux est maintenant admise par la société en géné-
ral et par les scientifiques en particulier.
Actuellement les neurobiologistes reconnaissent leur responsabilité morale
envers les animaux :
•• les animaux ne sont utilisés que pour des expériences susceptibles de faire
progresser la science ;
•• toutes les mesures nécessaires sont prises pour atténuer la souffrance et la
détresse des animaux de laboratoire (utilisation d’analgésiques, d’anesthé-
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siques, etc.) ;
•• toutes les alternatives possibles à l’utilisation d’animaux sont prises en
considération.
Aux États-Unis, mais aussi plus largement dans le monde et notamment en
France1, le respect de ce code d’éthique est surveillé à plusieurs niveaux. Aux

1.  NdT : en France, l’expérimentation animale est sous la tutelle du Ministère de l’agri-
culture, chargé du respect des normes récemment actualisées par une directive européenne
qui définit avec précision les conditions d’utilisation des animaux à des fins de recherche
biomédicale et de formation, sous le contrôle d’une Commission nationale de l’expéri-
mentation animale (CNEA), placée sous la tutelle du Ministère de l’éducation nationale,
de l’enseignement supérieur et de la recherche.

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1 – Neurosciences : passé, présent et futur 17

États-Unis, les projets de recherche sont examinés par le Institutional Animal


Care and Use Committee (IACUC, Comité de protection et d’utilisation des ani-
maux). Ce comité regroupe un vétérinaire, des scientifiques d’autres disciplines
et des représentants non scientifiques de la société. Après l’avis de ce Comité,
l’évaluation scientifique des projets présentés est réalisée par un groupe d’ex-
perts en neurosciences. Cette étape permet de ne retenir que les projets les plus
intéressants. De plus, les manuscrits que les scientifiques soumettent pour publi-
cation à des journaux professionnels sont soigneusement examinés par d’autres
scientifiques, qui donnent anonymement leur avis sur la valeur scientifique des
observations réalisées et sur le respect de la protection des animaux. Des réserves
formulées sur un de ces points peuvent entraîner le rejet du manuscrit et, par
voie de conséquence, la suppression du financement du projet de recherche. À ce
contrôle, il faut ajouter que les lois fédérales fixent des règles strictes de condi-
tions d’élevage et de soins des animaux de laboratoire.
Droits des animaux.  La plupart des gens reconnaissent l’intérêt de l’expéri-
mentation animale pour le progrès de la science, à condition qu’elle soit conduite
dans le respect de la protection des animaux. Cependant une minorité bruyante
et violente, toujours plus grande, cherche à faire interdire l’utilisation des ani-
maux à des fins de progrès des connaissances pour l’homme, y compris l’expé-
rimentation. Cette minorité adopte une position philosophique se référant aux
« droits des animaux », considérant que les animaux ont les mêmes droits légaux
et moraux que les hommes.
Cette position est facile à admettre si on aime les animaux mais il faut aller
plus loin. Faut-il se priver et priver les siens des progrès de la médecine établis
grâce aux animaux ? La mort d’une souris est-elle aussi importante que la mort
d’un être humain ? La possession d’un animal domestique est-elle une forme
d’esclavage pour l’animal ? Le fait de manger de la viande est-il l’équivalent
moral d’un meurtre ? Est-il immoral de prendre la vie d’un porc pour sauver la
vie d’un enfant ? Le contrôle de la prolifération des rongeurs dans les égouts ou
des cafards dans les habitations, est-il comparable à l’holocauste ? En répon-
dant négativement à l’une de ces questions, on ne peut adhérer à la philosophie
des « droits des animaux ». La protection des animaux — une préoccupation
partagée par tous les gens civilisés — ne peut se confondre avec les droits des
animaux !
Les défenseurs des animaux continuent vigoureusement à mener leur action
contre la recherche expérimentale sur l’animal, parfois avec un succès inquiétant. Recently, a surgical technique perfected on animals was used to remove
a malignant tumor from a little girl's brain. We lost some lab animals.
Ils manipulent l’opinion publique en renouvelant les allégations de cruauté dans But look what we saved.

l’expérimentation animale présentée de façon fausse et grossière. Ils continuent à


saccager des laboratoires, faisant disparaître des années de résultats scientifiques Figure 1.16 – Notre dette envers les animaux
difficilement obtenus, et détruisent occasionnellement pour des milliers d’euros de laboratoire.
de matériel d’équipement (acquis avec l’argent du contribuable). Par la violence Cette affiche a été réalisée pour s’opposer aux
de leurs actions, ils ont même réussi à écarter certains chercheurs de la science… campagnes des antivivisectionnistes et pour
Heureusement, la situation évolue quelque peu. Grâce aux efforts de plu- sensibiliser l’opinion aux bénéfices immenses
sieurs personnalités éminentes, scientifiques et non scientifiques, les fausses allé- de l’expérimentation animale pour la santé
gations de ces extrémistes ont été dénoncées et les bénéfices de l’expérimentation publique. Le texte dit : « Ce sont les animaux
que vous ne voyez pas qui lui ont permis de
animale pour le genre humain sont largement reconnus (Fig. 1.16). Considérant
guérir. Récemment, une nouvelle méthode
le prix inacceptable de la souffrance humaine engendrée par les maladies du
chirurgicale mise au point sur des animaux a
système nerveux, nous pensons que ce qui paraît immoral c’est en fait de ne pas été utilisée pour retirer une tumeur maligne du
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utiliser raisonnablement tout ce que la nature peut offrir, y compris les animaux, cerveau de cette petite fille. Nous avons perdu
et qu’il est ainsi de notre responsabilité d’agir de cette façon pour comprendre quelques animaux de laboratoire, mais regar-
comment fonctionne le cerveau sain et quels sont les mécanismes des maladies dez ce que nous avons sauvé ! ». (Source :
afin de pouvoir proposer de nouveaux traitements. Foundation for Biomedical Research.)

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18 1 – Bases cellulaires

Coût de l’ignorance : les maladies du système nerveux


La recherche en neurosciences est coûteuse mais le coût de l’ignorance est
encore plus élevé. Le tableau 1.3 donne la liste des principales affections du sys-
tème nerveux, certaines ayant pu vous toucher de près. Ces maladies représentent
un coût social très lourd, que l’on peut évaluer pour chaque pays2. Prenons
quelques exemples.

Tableau 1.3 – Quelques maladies majeures du système nerveux.

Maladie Description
Maladie d’Alzheimer Maladie dégénérative progressive du cerveau entraînant la sénilité
et la démence
Syndrome autistique Maladie émergeant pendant le développement, caractérisée par
un déficit de communication et des interactions sociales, souvent
accompagnée de comportements limités et répétitifs
Infirmité motrice Trouble moteur causé par une atteinte du cerveau, pouvant interve-
cérébrale nir au moment de la naissance
Dépression Trouble sévère de l’humeur caractérisé par l’insomnie, la perte
­d’appétit et le sentiment de découragement
Épilepsie État caractérisé par des troubles périodiques de l’activité électrique
du cerveau pouvant entraîner des crises convulsives, des pertes de
conscience et des troubles sensoriels
Sclérose en plaques Maladie qui affecte la conduction nerveuse, avec des épisodes de
faiblesse, et se traduisant par un manque de coordination motrice et
jusqu’à des troubles du langage
Maladie de Parkinson Maladie dégénérative du cerveau se traduisant par des difficultés de
déclenchement du mouvement volontaire
Schizophrénie Maladie psychotique grave, caractérisée par des illusions, des
­hallucinations et un comportement étrange
Paralysie spinale Perte de sensation et de mouvement due à une lésion traumatique
de la moelle épinière
Accident vasculaire Altération de la structure du cerveau causée par l’obturation des
cérébral (AVC) vaisseaux ou, au contraire, par une hémorragie cérébrale. Les AVC
conduisent généralement à un déficit sensoriel, moteur et/ou cogni-
tif plus ou moins définitif, avec des récupérations longues et souvent
très partielles

La maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson sont toutes les deux


caractérisées par une dégénérescence progressive de populations de neurones
spécifiques. La maladie de Parkinson entraîne une altération très invalidante du
mouvement volontaire, et touche environ 500 000 personnes aux États-Unis3.
La maladie d’Alzheimer se caractérise par une démence, un état de confusion
mentale, rendant impossible la mémorisation de nouvelles informations et le
souvenir de ce qui est déjà acquis. Aux États-Unis, le National Institute of Health
(NIH, Institut national de la santé) estime que la démence touche 18 % des
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personnes après 85 ans4, ce qui représente environ 4 millions d’Américains. En


fait, il est maintenant admis que la sénilité n’est pas une fatalité de la vieillesse,
comme cela a pu être envisagé, mais bien le signe d’une atteinte du cerveau. Pour

2.  NdT : une étude en 2010 chiffre en Europe le coût des maladies du cerveau et leur prise
en charge, affectant plus d’un tiers des 514 millions d’habitants, à 798 milliards d’euros
(Gustavsson et al. European neuropsychopharmacology 2011 ; 21 : 718-79).
3.  National Institute of Neurological Disorders and Stroke. “Parkinson Disease back-
grounder”, 18 octobre 2004.
4.  US Department of Health and Human Services, Agency for Healthcare Research and
Quality. “Approximately 5 percent of seniors report one or more cognitive disorders”,
mars 2011.

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1 – Neurosciences : passé, présent et futur 19

le moment, hélas, la progression de la maladie d’Alzheimer est inexorable, pri-


vant tout d’abord les malades de leur raison, puis du contrôle des fonctions de
base et finalement de leur vie ; la maladie est toujours mortelle. Aux États-Unis,
la prise en charge des personnes atteintes de démence coûte environ 100 milliards
de dollars par an à la société.
La dépression et la schizophrénie sont des troubles de l’humeur et de la pen-
sée. La dépression nerveuse est caractérisée par un sentiment général de décou-
ragement, d’inutilité et de culpabilité. Plus de 30 millions d’Américains souffrent
d’une dépression nerveuse grave à un moment ou à un autre de leur vie. La
dépression est la plus grande cause de suicide du pays, représentant environ
30 000 décès par an.
La schizophrénie constitue quant à elle un trouble sévère de la personnalité,
caractérisé par des illusions, des hallucinations et un comportement étrange. Cette
maladie survient souvent au début de la vie — dans l’adolescence ou chez les jeunes
adultes — et peut durer toute la vie. Plus de 2 millions d’Américains sont atteints
de schizophrénie. Le National Institute of Mental Health (NIMH, Institut national
de santé mentale) estime que les troubles mentaux, comme la dépression et la schi-
zophrénie, coûtent chaque année aux États-Unis plus de 150 milliards de dollars.
L’accident vasculaire cérébral (AVC) est aux États-Unis la troisième cause de
décès. Les victimes de ces AVC, plus de 500 000 par an, risquent d’être paralysées à
vie, ce qui représente une charge de 54 milliards de dollars supplémentaires par an.
Quant à l’alcoolisme et à la toxicomanie, aux États-Unis ils affectent virtuel-
lement presque toutes les familles. Le coût, en termes de traitement, perte de
salaire et autres conséquences, est supérieur à 600 milliards de dollars par an,
uniquement pour ces pathologies.
Ces quelques exemples ne font qu’effleurer le problème. Chacun doit en fait
savoir que le plus grand nombre d’Américains est hospitalisé pour des troubles
neurologiques ou mentaux, c’est-à-dire plus que pour tout autre grand groupe de
maladies, y compris les maladies cardiovasculaires ou encore le cancer.
Le coût économique des maladies neurologiques et psychiatriques est très
élevé, mais il n’est rien à côté de la lourde charge émotionnelle et de la détresse
qui pèsent sur les patients et leur famille. La prévention et le traitement des mala-
dies du système nerveux passent obligatoirement par la connaissance du fonction-
nement normal du cerveau, ce qui est l’objectif des recherches en neurosciences.
Ces recherches ont déjà permis de mettre au point des traitements plus efficaces,
notamment dans la maladie de Parkinson, la dépression nerveuse et la schizophré-
nie, et de nouvelles stratégies sont élaborées pour tenter de préserver les neurones
qui dégénèrent chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou chez les
victimes d’AVC. Par ailleurs, les mécanismes d’action des drogues et de l’alcool
sur le cerveau, et la question de savoir comment ces agents induisent un com-
portement de dépendance, sont mieux compris. Cet ouvrage a pour ambition de
présenter un état des connaissances sur le cerveau, en considérant toutefois que ce
que nous savons est insignifiant par rapport à ce qu’il reste à découvrir.

Conclusion
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Les sciences du cerveau représentent un domaine tout à fait particulier de


l­’activité humaine. De nombreux chercheurs ont contribué à l’élaboration des
fondements des neurosciences au cours des générations précédentes. Aujourd’hui,
des hommes et des femmes travaillent, à différents niveaux et avec des techno­
logies variées, pour tenter d’expliquer le fonctionnement cérébral.
Afin de préciser le rôle du système nerveux, d’intéressantes observations ont
déjà pu être réalisées, sans intervenir sur le cerveau lui-même. Ainsi, en étudiant
le comportement, qui reflète l’activité cérébrale, il est possible d’évaluer pré-
cisément les capacités et les limites du système nerveux. La modélisation des
principes du fonctionnement cérébral par les neurosciences théoriques constitue
également une façon d’aborder la complexité du système nerveux. Un autre type

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20 1 – Bases cellulaires

d’analyse porte aussi sur l’étude des ondes du cerveau sur le scalp, ce qui corres-
pond à des évaluations de l’activité électrique en différentes parties du cerveau
en rapport avec leur activité. Enfin, de nouvelles techniques d’imagerie assistée
par ordinateur permettent maintenant aux chercheurs d’explorer la structure
du cerveau in vivo ; et avec des méthodes encore plus sophistiquées, des mesures
sont effectuées de l’activité des différentes parties du cerveau, jusqu’en rapport
avec des activités mentales. Toutefois, quelle que soit leur puissance, aucune de
ces méthodes non traumatiques, ancienne ou nouvelle, ne peut remplacer l’ex-
périmentation sur le tissu cérébral vivant. Objectivement, il n’est pas possible
de tenir compte de signaux recueillis à distance sans savoir comment ils sont
générés, ni ce qu’ils signifient. Pour comprendre comment est organisé et fonc-
tionne le cerveau, il faut ainsi pouvoir ouvrir le crâne et examiner ce qu’il y a à
l’intérieur, que ce soit par les méthodes anatomiques, en neurophysiologie, ou
encore en neurochimie.
La recherche en neurosciences avance à grands pas et fait naître des espoirs
réels pour de nouveaux traitements dans tous les domaines des maladies du sys-
tème nerveux, qui touchent et handicapent des millions de personnes chaque
année. Cependant, en dépit de ces progrès considérables des dernières décennies
et depuis plusieurs siècles, il nous reste encore un long chemin à faire pour com-
prendre comment fonctionne réellement le cerveau. Mais c’est aussi cela qui fait
que cette recherche est si excitante : notre ignorance est telle que chaque pas
dévoile d’étonnantes découvertes.

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Que représentent les ventricules du cerveau ? Quelles fonctions leur


a-t-on attribué aux différentes époques ?
2. Par quelle expérience Bell a-t-il démontré que les nerfs sont composés
de fibres sensorielles et de fibres motrices ?
3. Que suggéraient les expériences de Flourens sur le rôle respectif du
cerveau et du cervelet ?
4. Que signifie l’expression « modèle animal » ?
5. Une région du cerveau s’appelle l’aire de Broca ; quelle est la fonction
de cette région et pourquoi ?
6. Quels sont les différents niveaux d’analyse de la recherche en neuro­
sciences ? À quel type de questions correspondent-ils chacun ?
7. Quelles sont les différentes étapes de la méthode scientifique ? Décri-
vez-les.
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1 – Neurosciences : passé, présent et futur 21

POUR EN SAVOIR PLUS

Allman JM. Evolving Brains. New York : Scientific American Library,


1999.
Clarke E, O’Malley C. The Human Brain and Spinal Cord, 2nd ed.
Los Angeles : University of California Press, 1968.
Corsi P, ed. The Enchanted Loom. New York : Oxford University Press,
1991.
Crick F. The Astonishing Hypothesis : The Scientific Search for the Soul.
New York : Macmillan, 1994.
Finger S. Origins of Neurosciences. New York : Oxford University Press,
1994.
Glickstein M. Neuroscience : a Historical Introduction. Cambridge, MA :
MIT Press, 2014.
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22

CHAPITRE  2 Neurones
et cellules gliales

LA DOCTRINE DU NEURONE
Coloration de Golgi............................................................................ 25
Contribution de Cajal......................................................................... 26
Encadré 2.1 Focus  Les développements de la microscopie

ORGANISATION DU NEURONE
Soma.................................................................................................. 27
Encadré 2.2 Bases théoriques  Concevoir les bases biologiques du
fonctionnement cérébral dans l’ère
­post-­génomique…
Encadré 2.3 Les voies de la découverte  Modifier les gènes chez la souris,
par Mario Capecchi
Membrane neuronale.......................................................................... 37
Cytosquelette..................................................................................... 37
Encadré 2.4 Focus  Maladie d’Alzheimer et cytosquelette neuronal
Axone................................................................................................. 38
Encadré 2.5 Focus  Auto-stop sur le « rétro-rail » : focus
sur le transport axoplasmique rétrograde
Dendrites........................................................................................... 44
Encadré 2.6 Focus  Retard mental et épines dendritiques

CLASSIFICATION
DES NEURONES
Classifications basées sur la structure des neurones............................ 47
Classification basée sur l’expression génique...................................... 49
Encadré 2.7 Focus  Comprendre la structure du neurone
et sa fonction par la fabuleuse « Cre »

CELLULES GLIALES
Astrocytes.......................................................................................... 52
Cellules gliales et myélinisation........................................................... 52
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Autres types de cellules, non neuronales............................................. 53

CONCLUSION

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INTRODUCTION

T
ous les organes du corps sont formés de cellules. Les fonctions spéci-
fiques des cellules et leurs interactions déterminent celles des organes que
ces cellules forment. Le cerveau est un organe à part entière — l’organe le
plus sophistiqué et le plus complexe que la nature ait inventé ; mais la stratégie de
base utilisée pour l’étude de son fonctionnement n’est pas différente de celle mise
en œuvre pour explorer le pancréas ou encore le poumon, à titre d’illustration.
L’observation doit d’abord porter sur le rôle propre des cellules, puis, dans un
second temps, il est nécessaire de comprendre comment celles-ci s’assemblent
pour travailler ensemble. Dans le domaine des neurosciences, il n’est pas utile de
vouloir séparer le cerveau de l’esprit ; la compréhension de l’action des neurones,
puis de celle des réseaux qu’ils forment, devrait permettre d’expliquer l’origine
de la pensée créatrice ; en tout cas nous le pensons. Le plan de cet ouvrage illustre
cette « neurophilosophie ». Il est d’abord consacré à l’étude des cellules formant
le système nerveux : leur structure, leur fonction, ou encore leurs modes de com-
munication entre elles. Dans les chapitres suivants, il explique comment ces cel-
lules sont assemblées en circuits, qui sont à la base des sensations, de la percep-
tion, du mouvement, du langage ou encore des processus émotionnels.
Ce chapitre est centré sur la structure des différents types de cellules du
système nerveux : les neurones et les cellules gliales. Les neurones et les cellules
gliales représentent de vastes catégories cellulaires. Dans chacune d’entre elles,
de nombreuses sous-catégories peuvent être distinguées, avec des différences de
structure, de chimie, ou simplement de fonction. Mais, distinguer neurones et
cellules gliales est absolument fondamental. En effet, bien qu’il y ait à peu près
le même nombre de neurones et de cellules gliales dans le cerveau humain adulte
(environ 85 milliards de chaque), ce sont bien les neurones qui sont responsables
des fonctions si particulières du cerveau. En raison notamment de leur contri-
bution aux circuits qui sous-tendent les fonctions cérébrales, ce sont, de fait, les
neurones qui ressentent les modifications de l’environnement, communiquent ces
informations à d’autres neurones et commandent les réponses du corps à ces
sensations. Les cellules gliales contribuent elles aussi aux fonctions du cerveau
mais principalement en isolant, en protégeant et en nourrissant les neurones
situés dans leur entourage. Si le cerveau était, par exemple, comparé à un cookie
au chocolat, les neurones seraient les pépites de chocolat, alors que les cellules
gliales seraient comparables à la pâte qui forme le gâteau et répartit les pépites de
chocolat. En fait, le mot « glie » vient du mot grec qui signifie « glu », suggérant
que la fonction principale de ces cellules est d’empêcher le cerveau de s’écouler
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par les oreilles ! Comme nous le verrons plus loin, cette vision des choses plutôt
naïve montre l’ampleur de notre ignorance en ce qui concerne la fonction de ces
cellules gliales. Mais, il est vrai que les neurones jouent le rôle le plus important
dans le traitement de l’information cérébrale.
Enfin, les neurosciences, comme d’autres sciences, ont leur propre langage
et, pour le comprendre, il faut en connaître le vocabulaire. À cette fin, chaque
chapitre est suivi de mots-clés dont il faudra vous assurer que vous en comprenez
bien le sens. Au fur et à mesure de l’avancée de notre découverte du cerveau, le
vocabulaire des neurosciences vous deviendra ainsi plus accessible.

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24 1 – Bases cellulaires

La doctrine du neurone
Les scientifiques sont confrontés à un certain nombre d’obstacles dans
l’étude de la structure des cellules du cerveau, le premier étant leur très petite
taille. De fait, la plupart des cellules ont un diamètre de 0,01 à 0,05 mm. Sachant
que, à titre de comparaison, la pointe d’un crayon non taillé est d’environ 2 mm,
les neurones apparaissent ainsi 40 à 200 fois plus petits (le tableau 2.1 présente
une révision du système métrique). Cette taille est à la limite ou au-delà de ce que
l’on peut voir à l’œil nu ; les neurosciences cellulaires n’ont donc pas progressé
jusqu’au développement du microscope, à la fin du xviie siècle. Mais d’autres
obstacles restaient à franchir. L’observation de tissus cérébraux au microscope
nécessite en effet la réalisation de coupes extrêmement fines, l’idéal étant des
coupes à peine plus épaisses que le diamètre des cellules. Or les tissus cérébraux
ont la consistance d’une gelée, c’est-à-dire qu’ils ne se présentent pas de façon
assez ferme pour pratiquer ces coupes très fines. L’observation anatomique du
cerveau restait donc conditionnée par le développement d’une méthode per-
mettant de durcir le cerveau sans altérer sa structure et par l’invention d’un
appareil permettant de réaliser les coupes observables au microscope. Au début
du xixe siècle, les scientifiques ont découvert comment « fixer » les tissus en les
immergeant dans du formol et un appareil appelé microtome a permis de réaliser
des coupes de tissu fixé de très faible épaisseur.

Tableau 2.1 – Unités de grandeur du système métrique.

Unité Abréviation Équivalence en mètres Comparaison avec le réel


Kilomètre km 103 m Environ 2/3 de 1 mile (États-Unis)

Mètre m 1 m Environ 3 pieds (États-Unis)

Centimètre cm 10–2 m Épaisseur du petit doigt

Millimètre mm 10–3 m Épaisseur de l’ongle de l’orteil

Micromètre µm 10–6 m À la limite de résolution du microscope


optique
Nanomètre nm 10–9 m À la limite de résolution du microscope
électronique

Le développement de la microscopie et de méthodes permettant de fixer et


de couper les tissus donna naissance à un nouveau domaine appelé histologie ou
étude microscopique de la structure des tissus. Mais un autre obstacle attendait
les scientifiques. En réalité, un cerveau fraîchement préparé présente un aspect
uniforme de couleur crème, lorsqu’il est examiné au microscope ; aucune diffé-
rence de pigmentation ne pouvant aider les histologistes à distinguer les cellules.
Ce fut dès lors l’introduction de méthodes capables de colorer sélectivement
mais pas globalement, les cellules dans les tissus cérébraux qui représenta alors
un des progrès les plus déterminants de l’histologie.
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C’est le neurologue allemand Franz Nissl qui introduisit le premier un pro-


cédé encore largement utilisé aujourd’hui. Nissl montra que l’utilisation de cer-
tains pigments colorait les noyaux de toutes les cellules du cerveau, ainsi que
des amas de substance entourant les noyaux des neurones (Fig. 2.1). Ces amas
sont appelés corps de Nissl et la coloration, coloration de Nissl. Cette coloration
est extrêmement utile, pour deux raisons. D’abord, elle permet de différencier
les neurones des cellules gliales ; ensuite, elle permet aux histologistes d’obser-
Figure 2.1 – Coloration de Nissl.
Cette coupe de cerveau très fine a été colorée ver l’organisation, ou cytoarchitecture, des neurones dans différentes parties du
par le violet de Crésyl. Le colorant est accu- cerveau (le préfixe cyto vient du mot grec qui signifie « cellule »). L’étude de la
mulé dans les corps cellulaires des neurones, cytoarchitecture montre que le cerveau comporte de nombreuses zones spécia-
au niveau des corps de Nissl. (Source : Ham- lisées, chacune étant susceptible de jouer un rôle différent, comme cela est bien
mersen, 1980, Fig. 493.) connu maintenant.

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2 – Neurones et cellules gliales 25

Coloration de Golgi
La coloration de Nissl n’explique cependant pas tout. Un neurone avec colo-
ration de Nissl ressemble à un petit amas de protoplasme contenant un noyau.
Mais les neurones sont beaucoup plus que cela. Il fallut en fait attendre les tra-
vaux de l’histologiste italien Camillo Golgi (Fig. 2.2) pour mieux comprendre
leur rôle. En 1873, Golgi découvrit qu’en mettant du tissu cérébral dans une
solution de chrome argenté, un petit pourcentage de neurones seulement pre-
nait uniformément une coloration sombre (Fig. 2.3). Cette méthode est appelée
depuis coloration de Golgi. Elle a permis de montrer que le corps de la cellule
neuronale, c’est-à-dire la partie du neurone située autour du noyau mise en évi-
dence par la coloration de Nissl, n’est en fait qu’une petite partie du neurone. Les
figures 2.1 et 2.3 montrent comment ces colorations histologiques donnent des
aspects très différents du même tissu. Actuellement, l’histologie reste un domaine
très dynamique des neurosciences, avec son credo selon lequel « les progrès dans
la connaissance du cerveau sont essentiellement liés à sa coloration » (The gain
in brain is mainly in the stain).

Figure 2.2 – Camillo Golgi (1843-1926).


(Source : Finger, 1994, Fig. 3.22.)

Soma
Figure 2.3 – Neurones colorés par la méthode de Golgi.
(Source : Hubel, 1988, p. 126.)

La coloration de Golgi révèle par imprégnation argentique que les neurones


sont constitués d’au moins deux parties distinctes : une partie centrale contenant
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le noyau, et de nombreux petits prolongements disposés en rayons depuis la par- Dendrites Neurites
tie centrale. La partie centrale, qui contient le noyau, a plusieurs appellations : Axone
corps cellulaire, soma, ou encore perikaryon. Les fins prolongements, qui partent
du soma, sont dénommés neurites. Ils sont divisés en deux catégories différentes :
les axones et les dendrites (Fig. 2.4).
Le corps cellulaire donne généralement naissance à un seul axone. Le dia-
mètre de l’axone est le même sur toute sa longueur et, s’il se divise les branches
partent généralement à angle droit. Parce que les axones de certaines cellules
peuvent atteindre des longueurs très importantes (jusqu’à 1 mètre ou plus chez
l’homme pour certains axones de cellules reliant le cortex cérébral à la moelle
épinière, par exemple), les histologistes pensaient que ces axones fonctionnaient Figure 2.4 – Représentation schématique des
comme des « fils électriques » véhiculant les messages nerveux. En revanche, les différentes parties du neurone.

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26 1 – Bases cellulaires

dendrites ont rarement plus de 2 mm de longueur. Les dendrites naissent en


grand nombre du corps cellulaire et se terminent généralement en pointe effi-
lée. Comme les dendrites sont en contact avec de nombreux axones, les premiers
histologistes pensaient qu’ils étaient comparables à des antennes, permettant au
neurone de recevoir des signaux.

Contribution de Cajal
C’est Camillo Golgi qui mit au point le premier procédé de coloration des
neurones, mais c’est un de ses contemporains espagnol qui en tira le meilleur
profit. Santiago Ramon y Cajal, histologiste brillant et artiste, connaissait la
méthode de Golgi depuis 1888 (Fig. 2.5). Au cours des 25 années suivantes, dans
une remarquable série de publications, Cajal tenta de démontrer l’existence de
Figure 2.5 – Santiago Ramon y Cajal (1852- circuits dans plusieurs régions du cerveau, en utilisant la méthode de Golgi
1934). (Source : Finger, 1994, Fig. 3.26.) (Fig. 2.6). Ironiquement, Golgi et Cajal parvinrent à des conclusions opposées
au sujet du neurone. Golgi proclamait que les neurites des différentes cellules
fusionnent entre eux pour former un reticulum continu ou réseau nerveux, sem-
blable aux veines et aux artères de la circulation. Selon cette théorie dite « réticu-
laire », le cerveau apparaît alors comme une exception dans la théorie cellulaire,
qui établit que la cellule, à l’échelon unitaire, constitue l’unité fonctionnelle élé-
mentaire de tous les tissus animaux. À l’opposé, Cajal soutenait vigoureusement
que les neurites des neurones ne sont pas reliés les uns aux autres, mais qu’ils sont
probablement en contiguïté et non en continuité. C’est en rattachant la nature du
neurone à la théorie cellulaire que fut émis le concept de neurone. Cajal et Golgi
partagèrent un prix Nobel en 1906 mais ils restèrent toujours rivaux.
Les données obtenues au cours des cinquante années suivantes étaient net-
tement en faveur du concept de neurone mais ce n’est que vers 1950 que les pro-
grès du microscope électronique en apportèrent la preuve finale (Encadré 2.1).
L’augmentation déterminante de la capacité de résolution du microscope élec-
tronique a effectivement permis de montrer à cette époque que les neurites des
neurones ne sont pas en continuité les uns avec les autres (Fig. 2.7). Par consé-
quent, notre point de départ de l’exploration de cerveau se doit d’être le neurone
lui-même.

Figure 2.6 – Organisation du cortex cérébral,


selon Ramon y Cajal.
Les lettres repèrent les différents éléments
cellulaires identifiés dans une région du cortex
cérébral humain impliquée dans le contrôle
des mouvements volontaires (voir cha-
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pitre 14). (Source : DeFilipe et Jones, 1988,


Fig. 90.)

Figure 2.7 – Neurites « en contact » mais non « en continuité ».


Ces neurites sont reconstruits à partir d’une série d’images réalisées par observation au micros-
cope électronique. L’axone (coloré en jaune) est en contact avec une dendrite (colorée en bleu).
(Source : courtoisie du Dr Sebastian Seung, Princeton University, et Kris Krug, Pop Tech.)

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2 – Neurones et cellules gliales 27

Encadré 2.1 FOCUS

Les développements de la microscopie


L’œil humain ne peut distinguer deux points que s’ils nation au moyen de rayon laser de molécules fluores-
sont séparés par une distance d’au moins un dixième de centes préalablement introduites dans les neurones. La
millimètre (100 µm). Cette distance représente donc la fluorescence est enregistrée par des détecteurs très sen-
limite de résolution pour l’œil. Les neurones ont un dia- sibles et les ordinateurs utilisent cette information pour
mètre d’environ 20 µm et les neurites peuvent être aussi reconstruire l’image du neurone. Contrairement aux
petits qu’une fraction de micromètre. Le microscope méthodes traditionnelles utilisant des microscopes
optique représentait donc un progrès indispensable pour optiques et électroniques qui nécessitent des fixations
l’observation de la structure neuronale. Cependant, ce préalables des tissus, ces nouvelles techniques donnent
type de microscopie présente une limite théorique, en en plus aux scientifiques et pour la première fois, la pos-
raison des propriétés des lentilles du microscope et de sibilité d’observer le tissu cérébral vivant. De plus, leur
celles de la lumière visible. Avec un microscope optique résolution est considérable, repoussant les limites impo-
ordinaire la limite de résolution est ramenée à 0,1 µm. sées par l’observation en microscopie optique jusqu’à
Or la distance entre deux neurones est seulement de pouvoir observer des structures aussi petites que celles
0,02 µm (20 nm). Il n’est donc pas étonnant que deux de taille d’environ 20 nm.
scientifiques aussi éminents que Golgi et Cajal ne soient
pas parvenus à s’entendre sur la continuité ou la
non-continuité des neurites. Cette question resta sans
réponse jusqu’à l’invention du microscope électronique
permettant l’examen de spécimens biologiques, il y a
environ 70 ans.
En microscopie électronique, c’est un faisceau d’élec-
trons et non la lumière qui produit l’image, accroissant
ainsi la capacité de résolution d’une manière impor-
tante. La limite de résolution d’un microscope électro-
nique est de 0,1 nm, c’est-à-dire un million de fois supé-
rieure à celle de l’œil. C’est grâce au microscope
électronique que l’observation de la structure fine du
neurone ou ultrastructure, a pu être réalisée.
Actuellement de nouvelles générations de micros-
copes apparaissent. Avec ces appareils très perfection-
nés (Fig. A), les tissus sont éclairés par un rayon laser et Figure A – Microscope à éclairage laser et système d’enregistre-
des images digitales sont reproduites par ordinateur. Les ment des données numérisées montrant un neurone fluorescent
neurobiologistes utilisent de façon très routinière les dont on distingue les dendrites.
méthodes de microscopie confocale basées sur l’illumi- (Source : Dr Miquel Bosch, Massachusetts Institute of Technology.)

Organisation du neurone
Comme cela a déjà été mentionné, le neurone (encore dénommé cellule ner­
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veuse) comprend trois parties principales : le soma, les dendrites et l’axone.


L’intérieur du neurone est séparé de son environnement par une enveloppe qui
le délimite, la membrane neuronale, apparaissant comme posée sur un squelette
interne complexe ou cytosquelette, qui donne à chaque partie de la cellule son
aspect particulier tridimensionnel. L’intérieur du neurone et les différentes par-
ties qui le composent peuvent être décrits de la façon suivante (Fig. 2.8).

Soma
La forme du soma est variable, mais le plus souvent sphérique. Le corps cel-
lulaire d’un neurone typique a environ 20 µm de diamètre et le liquide aqueux
se trouvant à l’intérieur de la cellule est dénommé le cytosol. Il s’agit d’une

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28 1 – Bases cellulaires

Mitochondrie
Membrane
Noyau

Reticulum
endoplasmique
rugueux Polyribosomes
(RE rugueux)
Appareil de Golgi

Ribosomes

Reticulum
endoplasmique lisse
(RE lisse)
Cône
axonique
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Microtubules

Axone

Figure 2.8 – Représentation schématique de la structure du neurone.

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2 – Neurones et cellules gliales 29

solution salée, riche en potassium. La membrane sépare l’intérieur de la cellule


de son environnement. Dans le soma se trouvent des structures entourées de
membranes dénommées globalement quant à elles organites.
Le corps cellulaire du neurone contient les mêmes organites que ceux pré-
sents dans l’ensemble des cellules animales. Les plus importants sont le noyau, le
reticulum endoplasmique rugueux, le reticulum endoplasmique lisse, l’appareil
de Golgi et les mitochondries. Tout ce qui se trouve à l’intérieur de la membrane,
excepté le noyau, est regroupé sous le nom de cytoplasme.
Noyau. Le noyau de la cellule est en général sphérique et il est situé approxi-
mativement au centre du soma. Il mesure environ 5 à 10 µm de diamètre, et se
trouve enfermé dans une double membrane appelée enveloppe nucléaire, inter-
rompue en plusieurs endroits par des pores d’environ 0,1 µm.
Le noyau contient les chromosomes, qui représentent le matériel héréditaire
constitué par l’ADN (acide désoxyribonucléique). L’ADN est transmis par les
parents et porte les empreintes de l’ensemble de l’organisme. L’ADN contenu
dans chaque neurone est le même et il est semblable à l’ADN de toutes les cel-
lules de l’organisme, telles celles du foie ou des reins. Ce n’est pas l’ADN en soi
qui distingue un neurone d’une cellule du foie mais plutôt les parties de l’ADN
utilisées pour assembler les différents types cellulaires. Ces fragments d’ADN
représentent les gènes.
Chaque chromosome est constitué d’une double hélice continue d’ADN de
2 nm de large. Si l’ADN composant les 46 chromosomes humains était mis bout
à bout, il formerait un filament d’environ 2 m de longueur. L’une des façons
d’apprécier ce que représente cet ADN est de comparer ce filament à l’aligne-
ment de toutes les lettres qui composent ce livre. Dans ce cas, les gènes, qui
sont porteurs de l’information génétique, sont comparables à chacun des mots.
Chaque gène est représenté par un fragment d’ADN mesurant de 0,1 µm à
quelques micromètres de longueur.
La « lecture » du code génétique porté par l’ADN est appelée l’expression
génique. Le rôle de l’expression génique est de procéder à la biosynthèse des
protéines. La structure, comme la taille des diverses protéines de l’organisme, est
extrêmement variable. Ces protéines exercent de nombreuses fonctions et, par la
nature spécifique de certaines d’entre elles, confèrent aux neurones leurs caracté-
ristiques exceptionnelles. La synthèse des protéines, c’est-à-dire l’assemblage des
molécules protéiques, se déroule dans le cytoplasme, au niveau du soma. Puisque
l’ADN ne quitte jamais le noyau, il faut un médiateur pour transmettre le mes-
sage génétique jusqu’aux sites de synthèse des protéines, dans le cytoplasme.
C’est un autre type de molécule, appelé acide ribonucléique-messager ou ARNm,
qui joue ce rôle. Les ARNm se composent de quatre nucléotides liés en séquences
variées, formant une longue chaîne. La séquence spécifique des nucléotides de la
chaîne correspond à l’information du gène, exactement comme une séquence de
lettres donne son sens à l’écriture d’un mot.
Le processus qui permet de copier une partie de l’information d’un gène s’ap-
pelle la transcription et l’ARNm, le transcrit (Fig. 2.9a). Les séquences codantes
des protéines dans les gènes sont flanquées de séquences qui ne sont pas, quant
à elles, impliquées dans le code génétique des protéines. Ces séquences non
codantes sont importantes pour réguler la transcription. À une extrémité du
gène se trouve une séquence particulière dénommée promoteur, représentant la
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région du gène où l’enzyme de synthèse de l’ARN, l’ARN polymérase, se fixe


pour initier la transcription. La liaison de la polymérase au promoteur est étroi-
tement régulée par d’autres protéines, dénommées facteurs de transcription. À
l’autre extrémité du gène se trouve une autre séquence particulière dénommée
terminator ou séquence stop, que l’ARN polymérase reconnaît comme un signal
de fin de transcription.
En plus de ces régions non codantes de l’ADN qui flanquent les gènes, il se
trouve souvent à l’intérieur même du gène des séquences ne pouvant pas être
utilisées pour le codage des protéines. Ces régions sont dénommées introns, et
les séquences codantes, exons. Les transcrits initiaux contiennent à la fois des
introns et des exons, puis, par un processus dénommé épissage de l’ARN, les
introns sont retirés et les exons restants fusionnent (Fig. 2.9b). Dans quelques

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30 1 – Bases cellulaires

Figure 2.9 – Transcription génique.


(a) Les molécules d’ARN sont synthétisées par une ARN poly-
mérase, puis transformées en ARN messagers (ARNm) pour
transférer l’information génique au niveau de l’assemblage des
protéines, passant ainsi du noyau au cytoplasme. (b) La trans-
cription est initiée au niveau du promoteur du gène et elle se
termine à la région « terminator ». L’ARN initial doit être épissé,
de façon à éliminer les introns, représentant des parties non
codantes du gène.

Gène

Gène
Promoteur Terminator

ADN DNA
Exon 1 Exon 2 Exon 3
1 Transcription
Intron 1 Intron 2

ADN
Transcription

ARN polymérase ARN


ARN

2 Traitement de l’ARN Épissage

Transcrit
d’ARNm (b) ARNm

3 Sortie du noyau

Cytoplasme

(a)

cas des exons spécifiques sont également retirés avec les introns, conduisant à
un épissage « alternatif », qui forme un ARNm particulier. Celui-ci encode réel-
lement une protéine différente. Ainsi, la transcription d’un gène unique peut
donner différents ARNm, et, partant, des protéines différentes.
Les ARNm passent du noyau, au travers des pores de l’enveloppe nucléaire,
jusqu’aux sites de synthèse des protéines situés en d’autres endroits du neurone.
Sur ces sites, les molécules protéiques s’assemblent comme le font les molécules
d’ARNm, en créant une chaîne de plusieurs petites molécules. Pour les protéines,
les blocs de construction sont représentés par les acides aminés, dont il existe
20 sortes différentes. L’assemblage des protéines à partir des acides aminés, sous
le contrôle des ARNm, s’appelle la traduction.
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L’étude de ce processus, qui commence avec l’ADN du noyau et se termine


par la synthèse des molécules protéiques dans la cellule, relève de la biologie
moléculaire dont le « dogme central » peut être résumé schématiquement de la
façon suivante :
transcription traduction
ADN    ARNm    protéine

Gènes, variations du génome et ingénierie génétique.  Les neurones diffèrent


des autres cellules de l’organisme par l’expression de gènes spécifiques condui-
sant à autant de protéines particulières, au-delà des gènes partagés avec d’autres
catégories de cellules. Une lecture particulière de ces gènes est possible depuis
le séquençage du génome humain, c’est-à-dire de l’ensemble de l’information

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2 – Neurones et cellules gliales 31

génétique présente dans nos chromosomes sous forme d’ADN. Nous connais-
sons aujourd’hui l’ensemble des 25 000 « mots » de notre génome et nous savons
où ces gènes peuvent être trouvés sur chacun des chromosomes. De plus, nous
savons aussi quels sont les gènes dont l’expression est spécifique des neurones
(Encadré 2.2). Ces connaissances ont ainsi considérablement accru notre com-
préhension des bases génétiques de plusieurs maladies du système nerveux.

Encadré 2.2 BASES THÉORIQUES

Concevoir les bases biologiques du fonctionnement cérébral


dans l’ère post‑génomique…
Le séquençage du génome humain, c’est-à-dire de tillon sont marqués par une autre substance fluores-
l’ensemble de l’ADN comportant l’information géné- cente, mais cette fois de couleur différente, par exemple
tique de nos chromosomes, a représenté une aventure rouge. Ces échantillons sont alors déposés sur le micro­
démesurée, qui s’est achevée en 2003. Ce programme, array. Les gènes fortement exprimés sont repérables par
connu comme le Human Genome Project, a conduit à les spots de fluorescence émise, étudiés à l’aide d’un
l’identification d’environ 25  000 gènes de l’ADN microscope confocal par exemple, et les différences d’ex-
humain. Nous sommes donc bien aujourd’hui dans pression génique entre échantillons sont données par les
« l’ère post-génomique », où l’information sur les gènes différences d’émission de fluorescence de l’une et l’autre
exprimés dans nos tissus peut permettre le diagnostic de couleur (Fig. A).
certaines maladies et les traiter. Les neurobiologistes
utilisent maintenant cette information pour tenter d’al-
ler plus loin et de répondre par exemple à des questions Cerveau n° 1 Cerveau n° 2
anciennes et encore loin d’être résolues sur les bases bio-
logiques des maladies neurologiques et psychiatriques,
mais aussi en utilisant les données comme outils pour
sonder l’origine même de notre personnalité et de nos
comportements. Dans cette affaire, la démarche est la
suivante : le cerveau résulte de l’expression des gènes
qu’il contient ; les différences d’expression des gènes
entre un cerveau normal et un cerveau malade ou issus
d’un cerveau présentant des capacités particulières,
peuvent alors être un moyen d’identification des bases
moléculaires des symptômes observés chez les patients,
ou de ces capacités particulières. Échantillon Échantillon
Le niveau d’expression d’un gène est habituellement d’ARNm issu d’ARNm issu
du cerveau du cerveau
défini par le nombre de transcrits d’ARNm synthétisés n° 1, coloré n° 2, coloré
par les cellules et les tissus, pour contribuer à la synthèse en rouge en vert
de protéines spécifiques. Par conséquent, l’analyse de Mélange Spot d’ADN
l’expression génique nécessite une méthode qui per- des deux échantillons synthétique
mette de comparer le nombre relatif de ces ARNm dans soumis au microarray correspondant
le cerveau de différents groupes de sujets humains ou à une séquence
spécifique
d’animaux. L’une des façons de faire est d’utiliser la
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technique dite des microarrays d’ADN, créés par des


dispositifs robotisés permettant de disposer des milliers
de fragments d’ADN spécifiques sur une lame de Lame de
microscope. Chaque dépôt contient une séquence microscope
unique d’ADN synthétique d’un gène connu, suscep- Gène présentant Gène ne présentant Gène présentant
tible de reconnaître une séquence complémentaire une réduction pas de différence une réduction
d’ARNm. Pour comparer l’expression génique de deux d’expression d’expression d’expression dans
dans le entre les le cerveau n° 1
échantillons de cerveau, on commence donc par extraire cerveau n° 2 deux cerveaux
les ARNm de chacun des échantillons. Les ARNm de
l’un des cerveaux sont alors repérables par un marqueur Figure A – Étude différentielle du profil d’expression génique de
fluorescent, par exemple vert, et ceux de l’autre échan- deux échantillons par la technique des microarrays.

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32 1 – Bases cellulaires

Dans certaines de ces pathologies, de longues séquences d’ADN qui contiennent


des gènes particuliers sont manquantes ; dans d’autres cas, les gènes sont au
contraire dupliqués, conduisant à une surexpression de protéines particulières.
Ces défauts de construction du génome, connus comme variations du nombre de
copies des gènes, interviennent souvent au moment de la conception, lorsque les
ADN des deux parents se mélangent pour créer celui de la progéniture. Ainsi
a-t-il été montré récemment que, dans certains cas de pathologies psychiatriques
graves comme des syndromes autistiques ou certaines formes de schizophrénie,
la maladie est causée par des variations du nombre de copies de gènes particu-
liers (les maladies psychiatriques sont discutées dans le chapitre 22).
D’autres pathologies sont causées par des mutations — des « erreurs typo-
graphiques », en quelque sorte — à l’intérieur d’un gène ou dans les régions très
proches du génome impliquées dans la régulation de l’expression du gène. Dans
quelques cas, une seule protéine est affectée, soit parce qu’elle est anormale, soit
parce qu’elle est totalement manquante, impactant la fonction neuronale. C’est
le cas par exemple de ce que l’on nomme le syndrome de l’X fragile, une maladie
qui se manifeste par une atteinte des capacités intellectuelles et des symptômes
autistiques, causée par la perte de fonction d’un seul gène (voir discussion cha­
pitre 23). Plusieurs de nos gènes sont soumis à de faibles mutations, nommées
polymorphisme d’un gène unique (single gene polymorphism), qui sont analogues
à ce qu’est un changement d’une simple lettre dans un mot. De telles altéra-
tions de l’expression génique sont en général bégnines, conduisant à des mots
dont l’orthographe peut être légèrement différente mais le sens identique (par
exemple : « connection », qui n’est pas correct, et « connexion »). Toutefois, les
mutations affectent parfois la fonction de la protéine, notamment comme dans le
cas où les lettres d’un mot sont les mêmes mais ne sont pas placées dans le même
ordre (par exemple : « porte » ou « report »). Ainsi le polymorphisme, d’un seul
ou de plusieurs gènes, peut-il affecter la fonction neuronale.
L’étude de la façon dont les gènes forment le cerveau et de comment ils
contribuent aux fonctions neuronales dans les situations normales et patholo-
giques constitue un enjeu majeur des neurosciences. Une étape importante de
ce challenge est le développement de technologies permettant l’ingénierie géné-
tique, c’est-à-dire de modifier l’expression génique, par exemple en empêchant
l’expression d’un gène ou, au contraire, en créant l’insertion d’un nouveau gène.
Cette technologie est utilisée principalement chez la souris du fait de sa capacité
à se reproduire rapidement, tout en ayant un système nerveux très similaire au
nôtre. La production de souris knock-out dans lesquelles l’expression d’un gène a
été supprimée peut dès lors être utilisée comme modèle animal pour suivre l’évo-
lution de la progression d’une maladie ; par exemple dans le cas du syndrome de
l’X fragile, avec pour objectif le projet d’en réinsérer une copie pour restaurer la
fonction du gène et combattre la maladie. Une autre approche consiste à créer
des souris transgéniques dans lesquelles certains gènes sont introduits (stratégie
de knock-in) et deviennent surexprimés. Ces gènes nouveaux pour l’animal sont
dénommés transgènes. Des souris knock-in sont aussi créées pour remplacer un
gène natif par un transgène modifié.
Dans cet ouvrage nous aurons l’occasion de voir de nombreux exemples
d’animaux transgéniques utilisés pour comprendre le fonctionnement du cer-
veau. De fait, cette technologie basée sur des modifications ciblées de l’expres-
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sion génique a révolutionné les neurosciences et, plus généralement, la biologie.


Les chercheurs qui ont développé cette technologie ont obtenu la reconnaissance
de leurs travaux par le Prix Nobel de physiologie et médecine en 2007 : Martin
Evans, de l’Université de Cardiff, Oliver Smithies, de l’Université de Caroline
du Nord à Chapel Hill et Mario Capecchi de l’Université d’Utah (Encadré 2.3).
Reticulum endoplasmique rugueux. Les neurones utilisent l’information
génétique en synthétisant des protéines. La synthèse des protéines intervient
dans des structures globuleuses compactes dénommées ribosomes. Les trans-
cripts d’ARNm se fixent ainsi sur les ribosomes et ceux-ci traduisent les instruc-
tions contenues dans les ARNm pour former les protéines. En d’autres termes,
les ribosomes utilisent les informations contenues dans les ARNm pour synthé-
tiser les protéines à partir des acides aminés.

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2 – Neurones et cellules gliales 33

Encadré 2.3 LES VOIES DE LA DÉCOUVERTE

Modifier les gènes chez la souris


Par Mario Capecchi

Comment m’est venue l’idée de réaliser souris transgéniques par intégration au


une intervention sur un gène particulier hasard d’ADN dans des chromosomes
chez la souris ? D’une simple observation. d’œufs de souris ou zygotes. Pour optimiser
Mike Wigler, qui travaille désormais au encore l’expression de cet ADN exogène
Cold Spring Harbor Laboratory, et Richard dans les cellules réceptrices, j’ai rajouté de
Axel, à Columbia University, avaient publié courts fragments d’ADN viral dont nous
en 1979 un article montrant que l’exposi- savons aujourd’hui qu’il contient des
tion d’une cellule de mammifère à un séquences amplificatrices absolument cri-
mélange d’ADN et de phosphate de cal- tiques pour l’expression génique des cel-
cium entraînait l’incorporation de l’ADN, lules eucaryotes.
Mario Capecchi
et que celui-ci était capable d’exprimer dans Mais ce qui m’a le plus fasciné a été de
la cellule hôte les gènes correspondants. Ce résultat constater que lorsque plusieurs copies d’un même gène
extrêmement intéressant, montrait que de l’ADN exo- étaient injectées dans le noyau d’une de ces cellules,
gène fonctionnel pouvait être introduit dans des cellules toutes ces séquences d’ADN s’alignaient dans un ordre
de mammifères. Mais je me demandais pourquoi l’effi- précis, de la tête à la queue, reconnu comme concatémère
cacité de cette méthode était si faible. Était-ce une ques- (Fig. B). Ceci était étonnant et ne pouvait pas résulter
tion d’administration de l’ADN, d’insertion de cet ADN d’un simple hasard. Nous avons alors voulu prouver que
exogène dans les chromosomes, ou encore d’expression la recombinaison homologue, le mécanisme par lequel
des gènes une fois insérés dans le chromosome hôte ? les chromosomes partagent l’information génétique
Que pourrait-il arriver si de l’ADN purifié était directe- pendant la division cellulaire, était bien responsable de
ment injecté dans le noyau de cellules de mammifères en l’intégration de l’ADN exogène (Folger et al., 1982). Ces
culture ? expériences démontrèrent que toutes les cellules soma-
Pour tester cette idée, j’ai utilisé une microélectrode tiques des mammifères expriment une machinerie très
représentée par une très fine aiguille hypodermique pro- sophistiquée pour absorber les fragments d’ADN dont
venant d’un poste d’enregistrement électrophysiolo- les séquences sont similaires à des nucléotides. L’injection
gique voisin, pour injecter directement l’ADN dans le de milliers de copies d’une séquence d’un gène dans le
noyau d’une cellule en culture grâce à un micromanipu- noyau d’une cellule résultait donc bien en une insertion
lateur, sous contrôle microscopique (Fig. A). La méthode d’un concatémère contenant un millier de copies de
fut remarquablement efficace (Capecchi, 1980). La fré- cette séquence, toutes orientées dans la bonne direction.
quence de transfert de gène dans une cellule devenait de Cette simple observation m’a conduit à envisager la pos-
l’ordre de un pour trois cellules traitées contre un pour sibilité de créer des mutations de n’importe quel gène
un million de cellules avec la méthode précédente. Cette chez la souris vivante, par ce ciblage génique (gene tar­
efficacité remarquable a conduit au développement des geting).

Pipette permettant
de maintenir l’œuf
en place

Œuf de souris
fertilisé
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Figure A – Œuf de souris fertilisé, recevant une injection Micropipette


d’ADN exogène. contenant
la solution d’ADN
(Source : courtoisie du Dr Peimin Qi, Division of Comparative à injecter
Medicine, Massachusetts Institute of Technology.)

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34 1 – Bases cellulaires

Encadré 2.3 LES VOIES DE LA DÉCOUVERTE  (suite)

confirmer cette information. Ma question suivante a été


de savoir si je pouvais immédiatement venir le rencon-
trer. Sa réponse fut très spontanément positive. La
période de Noël 1985 à Cambridge fut ainsi particuliè-
rement heureuse. Avec ma femme, qui travaille avec moi,
nous avons passé deux semaines délicieuses à apprendre
comment maintenir en vie ces merveilleuses cellules et à
les utiliser pour générer des souris capables d’exprimer
l’ADN exogène.
Les expérimentateurs ont souvent des idées pré-
conçues quant au rôle potentiel du gène sur lequel ils
focalisent leur intérêt, et ils sont dès lors parfois très
surpris des résultats obtenus par le knockout du gène. La
Figure B méthode du gene targeting nous a emmenés dans de
nombreuses directions, jusqu’à étudier plus récemment
le rôle de la microglie, des cellules qui migrent dans le
Enthousiasmé par cette perspective, j’ai soumis en cerveau après avoir été générées dans la moelle osseuse
1980 un projet de recherche au NIH (National Institute en même temps que des cellules du système immunitaire
of Health) proposant de modifier directement l’ADN et des cellules sanguines. En mutant ces cellules chez la
de cellules en culture, par recombinaison homologue. Le souris, on obtient une pathologie très similaire à ce que
projet a été refusé et je dois dire que les arguments des l’on appelle chez l’homme la trichotillomanie, une sorte
experts n’étaient pas déraisonnables… Ceux-ci oppo- de maniacodépression caractérisée par une tendance à
saient que la probabilité qu’une séquence d’ADN exo- s’arracher les cheveux. De façon amusante, en transplan-
gène se combine avec l’ADN d’une cellule vivante (com- tant de la moelle osseuse d’un animal normal chez les
portant de l’ordre de 3 x 109 paires de bases) était infime. animaux ayant été soumis au knockout, on obtient une
Par chance, mon projet présentait deux autres proposi- guérison définitive de ce syndrome se traduisant par
tions, que les experts ont, en revanche, retenues et finan- ce comportement si particulier (Chen et  al., 2010).
cées. J’ai évidemment utilisé ces fonds pour réaliser les Actuellement, nous tentons de comprendre comment la
expériences qui me tenaient le plus à cœur. Quatre microglie est capable de contrôler des comportements
années plus tard, nous avions les résultats démontrant aussi complexes et, peut-être encore plus important,
notre capacité à faire du gene targeting dans des cellules comment peut-on imaginer les relations existant entre le
de mammifères en culture. J’ai donc resoumis un projet système immunitaire, représenté ici par la microglie, et
au NIH, en proposant cette fois d’étendre cette étude des troubles psychiatriques aussi complexes que la
pour générer des souris transgéniques. La réponse que dépression, l’autisme, la schizophrénie ou encore la
j’ai reçue débutait par la phrase suivante : « Nous maladie d’Alzheimer.
sommes très heureux que vous n’ayez pas suivi nos
conseils. »
Cela m’a pris 10 ans pour développer la méthode du
Références
gene targeting chez la souris (Thomas et Capecchi,
1987). Avant d’arriver à nos fins, il fallut tenter de com- Capecchi MR. High efficiency transformation by direct
prendre les mécanismes de la recombinaison homologue microinjection of DNA into cultured mammalian
dans les cellules eucaryotes. De plus, la fréquence du cells. Cell 1980 ; 22 : 479-88.
gene targeting étant vraiment très faible, il fallut aussi Chen SC, Tvrdik P, Peden E, Cho S, Wu S, Spangrude G
accéder à des cellules souches embryonnaires de souris et  al. Hematopoietic origin of pathological groo-
capables de générer des lignées —  le sperme et les ming in Hoxb8 mutant mice. Cell 2010 ; 141 : 775-
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œufs — chez l’adulte. Notre échec relatif à l’utilisation 85.


de lignées de cellules embryonnaires cancéreuses (EC, Folger KR, Wong EA, Wahl G, Capecchi MR. Patterns
pour embryonic carcinoma) m’a, je dois le dire, quelque of integration of DNA microinjected into cultured
peu déprimé. Puis j’ai appris qu’à partir d’une autre mammalian cells: evidence for homologous recombi-
lignée de cellules, Martin Evans, à Cambridge en nation between injected plasmid DNA molecules.
Angleterre, était à même de produire des cellules que Molecular and cellular Biology 1982 ; 2 : 1372-87.
l’on nomme EK, ressemblant aux cellules EC mais déri- Thomas KR, Capecchi MR. Site-directed mutagenesis
vées non pas de cellules cancéreuses mais d’embryons by gene targeting in mouse embryo-derived stem
normaux. Je l’ai donc appelé pour lui demander de cells. Cell 1987 ; 51 : 503-12.

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2 – Neurones et cellules gliales 35

Dans les neurones, plusieurs ribosomes sont attachés à des membranes parti-
culières dénommées reticulum endoplasmique rugueux ou RE rugueux (Fig. 2.10).
Le RE rugueux est très abondant dans les neurones, beaucoup plus que dans les
cellules gliales ou dans toute autre cellule non neuronale. En fait, comme cela
a déjà été mentionné, le RE rugueux est aussi reconnu sous le nom de corps de
Nissl, à cause de ses propriétés de coloration spécifiques. Ce sont en effet ces
structures qui sont colorées positivement par la méthode de Nissl, qui fut mise
au point il y a environ 100 ans.

Noyau Enveloppe
nucléaire

Pore

Ribosomes
Reticulum endoplasmique Figure 2.10 – Reticulum
rugueux (RE rugueux) endoplasmique rugueux.

Le RE rugueux constitue un site majeur de la synthèse des protéines dans


les neurones, bien que tous les ribosomes ne soient pas attachés au RE rugueux.
Beaucoup d’entre eux sont libres et constituent ce que l’on nomme des ribosomes
libres. Quelques ribosomes libres peuvent aussi apparaître comme reliés entre
eux et former une chaînette ; ce sont les polyribosomes dont le support de liaison
est constitué par un ARNm, les ribosomes se regroupant sur cet ARNm pour
reproduire des copies de la même protéine.
Quelle est la différence entre les protéines synthétisées dans le RE rugueux
et celles qui sont synthétisées dans les ribosomes ? Tout dépend de la place qui
leur est assignée dans la cellule. Si la protéine est destinée au cytosol du neu-
rone, l’ARNm codant pour la protéine n’est pas associé aux ribosomes du RE
rugueux et gravite au contraire vers les ribosomes libres (Fig. 2.11a). Cependant,
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si la protéine est destinée à s’insérer dans la membrane de la cellule ou celle d’un


organite, la synthèse s’effectue sur le RE rugueux. Pendant la synthèse, la pro-
téine est insérée dans la membrane du RE, où elle est prise au piège (Fig. 2.11b).
Il n’est pas étonnant que les neurones soient si bien dotés de RE rugueux car,
comme cela sera évoqué plus loin, de très nombreuses protéines membranaires
tout à fait particulières donnent à ces cellules leurs remarquables capacités à
traiter l’information.
Reticulum endoplasmique lisse et appareil de Golgi.  Le reste du cytosol du
soma est rempli d’autres structures membranaires similaires au RE rugueux,
mais sans les ribosomes. Ces structures forment le reticulum endoplasmique lisse
ou RE lisse. Le RE lisse est en fait très hétérogène et possède des fonctions dif-
férentes, selon les endroits. Le RE lisse peut aussi être en continuité avec le RE

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36 1 – Bases cellulaires

ARNm

ARNm ARNm

RE rugueux
Ribosome
libre

ARNm
en cours
ARNm
de traduction
en cours
Figure 2.11 – Synthèse des protéines sur un de traduction
Protéine
ribosome libre et sur le reticulum endoplas-
néosynthétisée
mique (RE) rugueux.
Les ARN messagers (ARNm) se fixent aux
ribosomes, initiant par-là la synthèse des
protéines. (a)  Les protéines synthétisées sur
les ribosomes libres sont destinées au cyto-
sol. (b) Les protéines synthétisées sur le RE Nouvelle protéine
rugueux sont destinées à être transférées à associée à la membrane
une membrane. Les protéines associées aux
membranes sont insérées dans la membrane (a) Synthèse protéique (b) Synthèse protéique
dès leur assemblage. sur un ribosome libre sur le RE rugueux

Protéine
Reticulum endoplasmique nouvellement
rugueux (RE rugueux) synthétisée Appareil de Golgi

Figure 2.12 – L’appareil de Golgi.
Cet organite complexe est impliqué dans
la récupération des protéines nouvellement
synthétisées et dans leur adressage dans les
régions appropriées du neurone.
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rugueux. C’est à ce niveau que les protéines qui sortent de la membrane seraient
soigneusement « repliées », ce qui leur confère leur structure tridimensionnelle.
D’autres régions du RE lisse ne sont pas impliquées dans la synthèse protéique
mais plutôt dans celle des lipides et agissent aussi pour contrôler les concentra-
tions internes de substances telles que le calcium (ceci est particulièrement vrai
pour les cellules musculaires, où le RE lisse représente le reticulum sarcoplas­
mique, comme on le verra dans le chapitre 13).
L’ensemble des disques délimité par une membrane dans la partie du soma
la plus éloignée du noyau constitue l’appareil de Golgi, décrit pour la pre-
mière fois en 1898 par Camillo Golgi (Fig. 2.12). Il s’agit d’un site de traite-

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2 – Neurones et cellules gliales 37

ment « post-traductionnel » des protéines. Une des fonctions importantes de


l’appareil de Golgi est probablement aussi de sélectionner les protéines selon
leur destination dans le neurone, par exemple l’axone ou les dendrites.
Mitochondrie. Les mitochondries représentent un autre type d’organite,
existant en grand nombre dans le soma. Dans les neurones, ces structures de
forme allongée mesurent environ 1 µm de long. La membrane externe abrite les
nombreux replis de la membrane interne dénommés crêtes. L’espace entre les
crêtes représente la matrice (Fig. 2.13a).
Les mitochondries sont le siège de la respiration cellulaire (Fig. 2.13b). Lorsque
les mitochondries « inspirent », elles incorporent l’acide pyruvique (dérivé du
sucre et de la digestion des protéines et des graisses) et l’oxygène, présents tous
deux dans le cytosol. Dans la partie la plus interne de la mitochondrie, l’acide
pyruvique entre dans une série de réactions biochimiques complexes appelée
cycle de Krebs, d’après le nom du scientifique germano-britannique Hans Krebs,
Membrane
qui l’étudia le premier vers 1937. À l’intérieur des crêtes, les produits du cycle
externe
de Krebs fournissent de l’énergie, ce qui se traduit par l’addition de phosphate
à l’adénosine diphosphate (ADP), donnant de l’adénosine triphosphate ou ATP. Membrane
L’ATP représente la source d’énergie de la cellule. Ainsi, pour chaque molécule interne
d’acide pyruvique métabolisée, 17 molécules d’ATP sont produites.
Crêtes
L’ATP est la source d’énergie de la cellule. L’énergie stockée dans l’ATP est
utilisée pour alimenter la plupart des réactions biochimiques du neurone. Par
exemple, comme cela sera développé dans le chapitre 3, des protéines particu-
lières de la membrane neuronale utilisent l’énergie libérée par la transformation
de l’ATP en ADP pour pomper certaines substances à travers la membrane, afin
d’établir des différences de concentration entre l’intérieur et l’extérieur du neu-
rone (notion de pompes et de transport actif). Matrice

(a)
Membrane neuronale
La membrane neuronale délimite le pourtour cellulaire. Elle intervient pour
maintenir le cytoplasme à l’intérieur du neurone, mais elle joue aussi un rôle + O2 + CO2
pour contenir certaines substances hors du neurone. Cette membrane a environ
5 nm d’épaisseur et contient de nombreuses protéines. Certaines de ces protéines
associées de la membrane agissent pour maintenir un gradient, c’est-à-dire une
Acide
différence de concentration de différentes substances entre l’intérieur et l’exté- pyruvique
rieur du neurone. D’autres forment les pores, qui sélectionnent les substances Sources
pouvant pénétrer à l’intérieur du neurone. Une des caractéristiques importantes d’énergie
Protéines stockées
du neurone est la composition protéique de la membrane qui varie selon son Glucides
et fournies
appartenance au soma, aux dendrites ou encore à l’axone. Lipides
par l’alimentation
(b)
On ne peut comprendre la fonction des neurones sans connaître la structure
et les fonctions de la membrane et de ses protéines associées. Cet aspect est si
Figure 2.13 – Rôle de la mitochondrie.
important qu’il sera largement repris dans les quatre chapitres suivants : il s’agit, (a) Composants de la mitochondrie. (b) Res-
en fait, de comprendre comment la membrane donne aux neurones la faculté piration cellulaire. L’ATP représente l’énergie
remarquable de véhiculer et de transmettre les messages nerveux, non seulement utilisée par les neurones.
au travers du cerveau, mais également dans tout l’organisme.

Cytosquelette
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Précédemment, nous avons comparé la membrane neuronale à la tente d’un


cirque, drapée au-dessus d’un échafaudage interne. Cet échafaudage représente
le cytosquelette, qui donne au neurone sa forme caractéristique. Les « os » de
ce cytosquelette sont constitués par les éléments caractéristiques que sont les
microtubules, les microfilaments et les neurofilaments (Fig. 2.14). Contrairement
à la tente du cirque, cependant, le cytosquelette n’est pas statique. Ses éléments
sont de fait sans cesse régulés et déterminent probablement des changements
permanents de la forme même du neurone. Cette notion est fondamentale et
s’oppose à une image de rigidité de la structure du système nerveux, encore trop
souvent répandue. Pour tout dire, en lisant cette phrase, il est vraisemblable que
vos neurones sont en train de se modifier…

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38 1 – Bases cellulaires

Microtubules. Les microtubules représentent des éléments de taille impor-


tante, avec un diamètre de 20 nm, qui se situent principalement le long des neu-
rites. Un microtubule est assimilable à un tuyau rigide, creux, avec une paroi
épaisse. La paroi est constituée de filaments associés de façon à délimiter la
partie creuse. Chacun de ces filaments se compose d’une protéine particulière :
la tubuline, de petite taille et de configuration globulaire. Le processus qui ras-
semble ces petites protéines pour former le filament s’appelle la polymérisation
et la molécule qui en résulte, un polymère. À l’intérieur des neurones, des signaux
variés peuvent contrôler la polymérisation et la dépolymérisation des micro­
tubules, c’est-à-dire finalement la forme des neurones.
Un groupe de protéines particulières participe à la régulation de l’assemblage
et de la fonction des microtubules. Ce sont les protéines associées aux micro­
tubules ou MAPs (microtubule-associated proteins). Entre autres fonctions
(d’autres restent à découvrir), les MAPs assemblent solidement les microtubules
(a)
les uns avec les autres, ainsi qu’à d’autres parties du neurone. Des changements
d’une des formes de MAP axonique, dénommée tau, ont été impliqués dans les
démences qui accompagnent la maladie d’Alzheimer (Encadré 2.4).
Molécule Microfilaments  Les microfilaments sont des éléments de petite taille, d’un
de tubuline
Filament diamètre de 5 nm seulement, c’est-à-dire approximativement de la même épais-
d’actine seur que celle de la membrane cellulaire. Ils sont présents dans tout le neurone
mais se trouvent particulièrement nombreux dans les neurites. Les microfila-
ments sont constitués par des assemblages de deux petits filaments qui sont des
20 nm polymères d’une autre protéine particulière, l’actine. L’actine est une des pro­
(b)
téines les plus abondantes de tous les types de cellules, y compris les neurones, et
Microtubule 5 nm
10 nm elle joue probablement un rôle dans les modifications de la forme de la cellule.
Microfilament
Neurofilament En fait, comme cela sera développé dans le chapitre 13, les filaments d’actine
Figure 2.14 – Composants du cytosquelette. sont impliqués dans la contraction musculaire.
L’organisation des microtubules, des neuro­ De la même façon que les microtubules, les microfilaments d’actine se font
filaments et des microfilaments donne au et se défont constamment et ce processus est contrôlé par des signaux neuro-
neurone sa forme caractéristique. naux. Ils sont présents le long des neurites, comme les microtubules, mais ils
sont aussi solidement associés à la membrane. Les microfilaments sont fixés à la
membrane par les mailles d’un filet de protéines fibreuses qui tapisse l’intérieur
de la membrane à la manière d’une toile d’araignée.
Neurofilaments.  Avec un diamètre de 10 nm, les neurofilaments ont une taille
intermédiaire entre les microtubules et les microfilaments. Ils sont présents dans
toutes les cellules de l’organisme sous le nom de filaments intermédiaires mais
ce n’est que dans les neurones qu’ils sont nommés neurofilaments. En fait, cette
différence de dénomination reflète de subtiles différences dans la structure d’un
tissu à l’autre. La kératine est l’exemple de filament intermédiaire d’un autre
tissu, la peau : dans ce cas, ces filaments sont regroupés pour former les poils.
Les neurofilaments sont formés de nombreuses sous-unités protéiques,
chaque sous-unité étant elle-même formée de trois protéines formant de longues
chaînes. À la différence des microtubules et des microfilaments, ces structures
sont formées de longues molécules protéiques individuelles, enroulées à la façon
d’un ressort serré. Cette structure rend les neurofilaments mécaniquement très
solides.

Cône axonique
Axone
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Jusque-là, nous avons exploré le soma, les organites, la membrane et le


cytosquelette, qui représentent des éléments structurels appartenant à toutes les
cellules du corps. À l’inverse, l’axone est une structure qui n’appartient qu’au
Collatérales neurone, hautement spécialisée dans la transmission de l’information dans le
axoniques
système nerveux.
L’origine de l’axone se situe dans une partie du neurone appelée le cône
Figure 2.15 – Axone et collatérales d’axone.
Un peu à la manière d’un fil électrique, l’axone axonique, qui s’amincit pour former le segment initial de l’axone (Fig. 2.15).
véhicule les messages nerveux à distance, Deux caractères importants distinguent l’axone du soma. Premièrement, le
dans le système nerveux. Le sens de la trans- RE rugueux ne s’étend pas dans l’axone et il ne s’y trouve peu, sinon pas, de
mission de l’information nerveuse est indiqué ribosomes libres. Deuxièmement, la composition protéique de la membrane de
par les flèches. l’axone est fondamentalement différente de celle du soma.

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2 – Neurones et cellules gliales 39

Encadré 2.4 FOCUS

Maladie d’Alzheimer et cytosquelette neuronal


Les neurites représentent les structures les plus La coloration argentique de Bielschowsky montra
remarquables des neurones. Leurs multiples branche- des changements caractéristiques des neurofibrilles.
ments, tout à fait critiques pour ce qui concerne les À l’intérieur de certaines cellules d’apparence nor-
transferts d’information, reflètent une organisation par- male, il était possible de distinguer un ou plusieurs
ticulièrement sophistiquée de leur cytosquelette sous- filaments de caractère épais, marqués spécifique-
jacent. Dès lors, il n’est pas surprenant qu’une désorga- ment par la coloration. À un stade plus avancé, plu-
nisation de ce cytosquelette puisse se traduire par une sieurs fibrilles organisées de façon parallèle présen-
perte de fonction dramatique. La maladie d’Alzheimer taient le même profil. Puis elles avaient tendance à
est caractérisée par une atteinte du cytosquelette des s’accumuler, formant des faisceaux denses et avan-
neurones du cortex cérébral, une région du cerveau tout çant graduellement vers la surface de la cellule.
à fait cruciale pour les fonctions cognitives. Cette mala- Éventuellement, le noyau et le cytoplasme disparais-
die a été décrite pour la première fois par le médecin saient complètement et l’emplacement de la cellule
allemand Aloïs Alzheimer en 1907, dans un article inti- était alors simplement marqué par le faisceau de
tulé « Une maladie caractéristique du cortex cérébral », fibrilles restant en place.
dont on trouvera ci-dessous des extraits de la traduction Comme ces fibrilles peuvent être mises en évidence
anglaise. par des colorations qui ne marquent pas les neurofi-
brilles des cellules non atteintes, une transformation
(…) L’un des premiers symptômes de la maladie chez chimique des constituants de ces fibrilles a pu inter-
cette patiente de 51 ans fut un sentiment de jalousie venir au cours de la maladie. Ceci pourrait alors
aiguë à l’égard de son époux. Très tôt, elle montra expliquer pourquoi les fibrilles survivent à la dispa-
des troubles mnésiques de plus en plus importants. rition du neurone. De ce fait, il semble que la trans-
Elle ne pouvait plus retrouver seule le chemin de sa formation des neurofibrilles au cours de la maladie
maison, cachait des objets, et quelquefois avait le puisse accompagner l’accumulation dans le neurone
sentiment que des étrangers étaient là pour la tuer, ce d’un produit du métabolisme encore inconnu.
qui l’amenait à hurler. (…) Environ un quart à un tiers des neurones du cortex
Pendant son internement, son comportement tradui- subissent cette transformation, qui conduit à leur
sit un total manque d’initiative. Elle était désorientée disparition. Ainsi, de nombreux neurones, en parti-
en permanence, tant sur le plan temporel que spatial. culier dans les couches corticales supérieures, ont
Le plus souvent, elle ne paraissait pas comprendre ce totalement disparu (d’après Bick et al., 1987, p. 2-3).
qu’on lui demandait, elle était confuse et totalement
Dans la maladie d’Alzheimer, la sévérité de la démence
perdue. Quelquefois, elle considérait la visite du
est très bien corrélée avec le nombre et la distribution de
médecin comme une visite officielle et elle s’excusait
ce qui est maintenant communément dénommé les
de n’avoir pu terminer son ouvrage ; d’autres fois,
« dégénérescences neurofibrillaires » (DNF), les « pierres
elle paraissait paniquée à l’idée que le médecin veuille
tombales » des neurones disparus ou en voie de dégéné-
l’opérer. Il y avait des moments où elle le renvoyait,
rescence (Fig. A). De fait, comme le suggérait Alzheimer,
indignée, proférant des phrases qui indiquaient sa
la formation de ces DNF est vraisemblablement la cause
crainte que le médecin eut pu porter atteinte à son
des symptômes de la maladie. Les études ultrastructu-
honneur. De temps en temps, elle délirait complète-
rales, au microscope électronique, montrent que les
ment, rejetant ses draps et ses couvertures, appelant
constituants majeurs de ces neurofibrilles sont représen-
à l’aide son époux et sa fille, et semblant avoir des
tés par des paires de filaments organisés en hélice, consti-
hallucinations auditives. Le plus souvent, elle hurlait
tués de longues protéines fibreuses tressées ensemble
pendant des heures, d’une voix horrible. (…)
comme les fils d’une corde (Fig. B). Nous savons
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La régression mentale progressait régulièrement. La aujourd’hui que ces filaments sont formés de protéines
patiente décéda après quatre années et demie. Elle tau.
était à ce moment-là complètement apathique, confi-
La protéine tau est normalement impliquée dans
née au lit en position fœtale (…) (d’après Bick et al.,
l’association des microtubules au niveau des axones,
­
1987, p. 1-2).
contribuant à les maintenir droits et parallèles les uns par
Après sa mort, Alzheimer procéda à l’examen rapport aux autres. Dans la maladie d’Alzheimer, la
microscopique du cerveau de sa patiente. Il nota en par- ­protéine tau se détache des microtubules et s’accumule
ticulier les changements intervenant au niveau des dans le soma. Cette dissociation du cytosquelette entraîne
« neurofibrilles », des constituants du cytosquelette mis des modifications de la structure des axones, altérant,
en évidence par la coloration argentique. entre autres, le flux axonal dans les neurones affectés.

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40 1 – Bases cellulaires

Encadré 2.4 FOCUS  (suite)

(a) (b) (c)

Figure A – Neurones d’un cerveau de patient atteint de la maladie d’Alzheimer.


Les neurones normaux contiennent des neurofilaments mais pas de dégénérescences neurofibrillaires (DNF). (a) Coupe de tissu colorée par une
méthode permettant la mise en évidence des neurofilaments par une fluorescence verte, caractéristique des neurones normaux. (b) Même région
du cerveau colorée pour mettre en évidence la protéine tau au niveau des DNF, révélée par la fluorescence rouge. (c) Superposition des images
obtenues en a et b. Le neurone indiqué par la pointe de flèche (en haut de l’image) contient des neurofilaments mais pas des DNF ; de ce fait, ce
neurone est normal. Le neurone indiqué par la flèche épaisse exprime des neurofilaments mais contient également de la protéine tau ; il est atteint
par la maladie. Le neurone indiqué par la flèche fine au niveau des parties b et c de la figure a dégénéré car il ne contient plus de neurofilament.
Dès lors, ces DNF peuvent être considérées comme la « pierre tombale » de ce neurone, détruit par la maladie d’Alzheimer. (Source : courtoisie
du Dr John Morrison et modifié d’après Vickers et al., 1994.)

100 nm

Figure B – Paire de filaments hélicoïdaux d’une dégénérescence neurofibrillaire (DNF).


(Source : Goedert, 1996, Fig. 2b.)

Qu’est-ce qui peut être à l’origine des altérations de DNF et à la démence. Les espoirs thérapeutiques portent
la protéine tau ? Il n’y a pas encore de réponse claire à alors sur la possibilité de réduire les dépôts d’amyloïde
cette question mais l’attention se porte sur une autre dans le cerveau. Les besoins de trouver des solutions
protéine qui s’accumule dans le cerveau des patients thérapeutiques sont urgents : rien qu’aux États-Unis,
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atteints de maladie d’Alzheimer, appelée protéine amy- plus de 5 millions de personnes sont atteintes de cette
loïde. Ce domaine de recherche est en perpétuelle évolu- maladie tragique1 !
tion et les choses bougent très vite. Aujourd’hui, le
consensus se fait sur l’hypothèse selon laquelle la pro-
duction anormale de la protéine amyloïde est l’une des 1. En France cette maladie touche plus de 850 000 per-
toutes premières phases du processus qui conduit aux sonnes et en Europe près de 5 millions, comme aux États-Unis.

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2 – Neurones et cellules gliales 41

Terminaison axonique Figure 2.16 – Terminaison axonique et synapse.


présynaptique Les terminaisons axoniques forment des
synapses avec les dendrites ou le soma
Mitochondrie d’autres neurones. Quand un potentiel
Synapse d’action arrive au niveau de la terminaison
nerveuse, les molécules de neurotransmet-
teur contenues dans la terminaison ner-
veuse sont libérées à partir des vésicules
Vésicules synaptiques, dans l’espace synaptique. Le
synaptiques
neurotransmetteur se fixe alors sur les récep-
teurs membranaires situés sur la membrane
post-synaptique, induisant une réponse
Dendrite post-synaptique post-synaptique représentée soit par une
modification de l’excitabilité membranaire,
Espace
synaptique
soit par le déclenchement d’une chaîne de
Récepteurs réactions biochimiques spécifiques liées à la
signalisation synaptique.

Ces différences structurales se traduisent par des différences de fonctions.


Comme il n’y a pas de ribosomes, il ne se trouve pas de synthèse de protéines
dans l’axone. Ceci signifie que toutes les protéines de l’axone doivent se for-
mer dans le soma, certaines d’entre elles étant spécifiquement impliquées dans
la conduction du signal nerveux et la transmission de l’information au niveau
synaptique.
La longueur de l’axone peut mesurer moins d’un millimètre mais elle peut
atteindre jusqu’à plus de 1 mètre chez l’homme, selon le type de neurone. Les
axones se divisent souvent en branches multiples dénommées collatérales axo-
niques. Parfois, un axone se divise à proximité de son émergence et la collatérale
revient vers la cellule qui lui a donné naissance. Dans ce cas, elle devient une
afférence de la même cellule ou s’étend vers les dendrites de cellules voisines. Ces
branches de l’axone qui reviennent vers leur région d’origine sont dénommées
collatérales récurrentes.
Le diamètre de l’axone est variable, de 1 à environ 25 µm chez l’homme et
jusqu’à 1 mm chez le calmar. Ces variations dans la taille sont importantes.
Comme le montrera le chapitre 4, la vitesse du signal électrique qui parcourt
l’axone — l’influx nerveux — varie avec le diamètre axonal. Plus l’axone est gros,
plus la vitesse de conduction de l’influx nerveux est rapide. Axone
Terminaison axonique.  Tous les axones ont un début (le cône axonique),
une partie principale (l’axone proprement dit) et une terminaison. Cette partie
terminale s’appelle la terminaison axonique ou le bouton terminal de par sa forme Synapse
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caractéristique (Fig. 2.16). Le bouton terminal est le site où l’axone entre en


contact avec d’autres neurones (ou d’autres cellules) et leur transmet l’informa- Dendrite
tion. Ce point de contact est dénommé synapse, d’après un mot grec signifiant
Figure 2.17 – Un bouton « en passant ».
« attacher ensemble ». Les axones peuvent être extrêmement ramifiés dans leur
Un axone (coloré en jaune) fait synapse avec
partie terminale et chaque branche forme une synapse située sur les dendrites
une dendrite (colorée en bleu). Cette synapse
ou les corps cellulaires de la même région. Ces différentes synapses déterminent est reconstruite à partir d’une série d’images
le champ terminal. Les axones forment parfois des synapses en des parties ren- obtenues par une étude en microscopie élec-
flées de leur partie terminale dénommées varicosités, puis se prolongent pour se tronique. (Source : courtoisie du Dr Sebastian
terminer ailleurs (Fig. 2.17). Ces varicosités forment des contacts synaptiques Seung, Princeton University, et Kris Krug, Pop
particuliers dénommés boutons « en passant1 ». Quel que soit le cas, quand un Tech.)

1.  En français dans le texte.

Bear, Mark F., et al. Neurosciences : A la découverte du cerveau, John Libbey Eurotext, 2016. ProQuest Ebook Central, http://ebookcentral.proquest.com/lib/bcuf/detail.action?docID=4745242.
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42 1 – Bases cellulaires

neurone établit un contact synaptique avec une autre cellule, on dit qu’il innerve
cette cellule.
Le cytoplasme de la terminaison axonique présente plusieurs différences avec
celui de l’axone. Premièrement, les microtubules ne s’étendent pas jusque dans
la partie terminale de l’axone. Deuxièmement, cette partie terminale contient de
nombreuses petites « billes » entourées de membrane, les vésicules synaptiques,
d’un diamètre de 50 nm, environ. Troisièmement, un revêtement particulière-
ment dense en protéines couvre la surface intérieure de la membrane qui fait
face à la synapse. Quatrièmement, une autre caractéristique de la terminaison
axonique est le nombre important de mitochondries que l’on y trouve, ce qui
révèle un grand besoin d’énergie.
Synapse. Les chapitres 5 et 6 sont entièrement consacrés à la transmission de
l’information d’un neurone à l’autre à travers la synapse. Nous n’en donnerons
ici qu’un bref aperçu.
La synapse présente deux éléments distincts, qualifiés de présynaptique et
de post-synaptique (Fig. 2.16). Ces termes indiquent le sens habituel du trajet
de l’information nerveuse, de la partie présynaptique vers la partie post-synap-
tique. L’élément présynaptique est généralement formé d’un bouton terminal,
alors que l’élément post-synaptique peut être représenté par une dendrite ou le
soma d’un autre neurone. L’espace situé entre la membrane présynaptique et la
membrane post-synaptique représente la fente ou espace synaptique. La trans-
mission de l’information d’un neurone à l’autre au niveau de la synapse constitue
une série d’opérations complexes déterminant la transmission synaptique.
Dans la plupart des synapses, l’information, sous forme d’impulsions élec-
triques se propageant jusqu’à l’extrémité de l’axone, est transformée dans le bou-
ton terminal en un signal chimique, qui permet le franchissement de l’espace
synaptique. Au niveau de la membrane post-synaptique, ce signal chimique est
en général à nouveau transformé sous forme d’un signal électrique. Le signal
chimique est lui-même représenté par un neurotransmetteur, stocké et libéré
par les vésicules synaptiques dans la partie présynaptique. Différents types de
­neurotransmetteurs correspondent en général à différents types de neurones.
La transformation de l’information nerveuse, d’électrique à chimique puis,
dans un deuxième temps, de nouveau de chimique à électrique, donne aux neu-
rones une capacité d’intégration des informations nerveuses. Ces mécanismes
sont impliqués notamment dans les processus mnésiques et liés à l’apprentis-
sage. Le dysfonctionnement de la transmission synaptique est par ailleurs res-
ponsable de certains troubles neurologiques et mentaux. C’est aussi au niveau de
la synapse qu’agissent la plupart des drogues psychoactives.
Transport axoplasmique. L’absence de ribosomes est une des caractéris-
tiques du cytoplasme des axones, y compris la partie terminale. Puisque les
ribosomes sont impliqués directement dans la biosynthèse des protéines, en leur
absence la synthèse des protéines de l’axone n’a lieu que dans le soma ; puis elles
sont transportées jusqu’à l’extrémité de l’axone. C’est en fait dès le milieu du
xixe siècle que le physiologiste anglais Auguste Waller montra que les axones ne
pouvaient persister lorsqu’ils étaient séparés de leur soma. La dégénérescence
des axones qui suit leur section est ainsi dénommée dégénérescence wallérienne.
Comme celle-ci peut être mise en évidence par une coloration histologique
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appropriée, elle est utilisée pour le traçage des voies nerveuses.


La dégénérescence wallérienne intervient car le flux normal de matériel,
notamment de protéines, apporté à partir du corps cellulaire vers les terminai-
sons axoniques, est interrompu. Ce transport de protéines à l’intérieur de l’axone
s’appelle le transport axoplasmique. Le transport axoplasmique a été démontré
pour la première fois dans les années quarante, par les expériences du neurobio-
logiste américain Paul Weiss et ses collègues. Ils découvrirent qu’en nouant un
fil autour d’un axone, des composants cytoplasmiques s’accumulaient du côté
de l’axone le plus proche du soma. En défaisant le nœud, ces composants conti-
nuaient à descendre dans l’axone à l’allure de 1 à 10 mm/j.

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2 – Neurones et cellules gliales 43

Cette découverte remarquable n’expliquait cependant pas tout. Si tout le


matériel cytoplasmique descendait le long de l’axone par ce seul mécanisme de
transport, il lui faudrait au moins la moitié d’une année pour atteindre l’extré-
mité des axones les plus longs, ce qui représente un trop long délai pour entre-
tenir l’activité des synapses. À la fin des années soixante, de nouvelles méthodes
furent mises au point pour suivre les mouvements des molécules protéiques dans
les axones. Ces méthodes consistaient à injecter des acides aminés radioactifs
au niveau du soma des neurones. Ces acides aminés étant incorporés dans les
pro­téines nouvellement synthétisées, le délai d’arrivée des protéines radioactives
dans les terminaisons axoniques permettait de calculer le temps du transport.
Bernice Grafstein de l’Université Rockefeller découvrit que ce transport axoplas­
mique rapide (appelé ainsi par comparaison avec le transport axoplasmique lent
décrit par Weiss) s’effectue à une vitesse de 1 000 mm/j.
Les mécanismes de ce transport axoplasmique sont maintenant mieux
connus. Les molécules transportées sont contenues dans des vésicules, qui « des-
cendent » le long des microtubules de l’axone. Une protéine, la kinésine, fait
office de « transporteur » et le processus est alimenté par l’ATP (Fig. 2.18). La
kinésine permet le mouvement du soma vers la partie terminale de l’axone, uni-
quement. Ce type de transport est qualifié de transport antérograde, tous les
mouvements s’effectuant dans cette direction.
En plus du transport antérograde, du soma vers la partie terminale de l’axone,
il existe aussi un mécanisme permettant de faire remonter des éléments de la par-
tie terminale, en direction du soma. Ce processus est considéré comme pouvant
faire parvenir des signaux au soma ; ces signaux informeraient notamment des
modifications dans les besoins métaboliques de la partie terminale de l’axone.
Ce mouvement, qui s’effectue de la partie terminale de l’axone vers le soma,
est dénommé transport rétrograde. Le mécanisme moléculaire est comparable
à celui du transport antérograde, si ce n’est que le transport est assuré par une
protéine différente, la dynéine. Il est intéressant de constater que les neuroana-
tomistes ont utilisé et utilisent encore largement aujourd’hui les propriétés de
ces deux mécanismes de transport, antérograde et rétrograde, pour effectuer le
traçage des voies neuronales dans le système nerveux (Encadré 2.5).

Figure 2.18 – Implication des microtubules dans le transport


axoplasmique.
Le matériel à transporter est incorporé dans la membrane de
vésicules particulières qui vont migrer du soma vers la partie
Axone
terminale des axones grâce à l’action d’une protéine, la kiné-
sine, se déplaçant le long des microtubules par un processus
dépendant de l’ATP.

Direction
du transport
axoplasmique
antérograde
Vésicule
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Kinésine

Microtubules

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44 1 – Bases cellulaires

Encadré 2.5 FOCUS

Auto-stop sur le « rétro-rail » :


focus sur transport axoplasmique rétrograde
C’est en injectant des acides aminés radioactifs au des morsures. Cependant, une fois dans le soma, il se
niveau du soma des neurones que le transport rapide réplique immédiatement et très vite, ce qui a pour consé-
antérograde des protéines dans les axones a été mis en quence la destruction de son hôte neuronal. Le virus est
évidence. Le succès de cette méthode a immédiatement alors hébergé par d’autres neurones du système nerveux
suggéré un moyen de suivre le tracé des connexions neu- et le processus se répète indéfiniment, généralement
ronales dans le système nerveux. Par exemple, pour jusqu’à la mort de la victime.
savoir jusqu’où s’étendent les axones des neurones de la
rétine, un acide aminé, la proline radioactive, a été
injecté dans l’œil. La proline a été incorporée dans les
protéines synthétisées au niveau des corps cellulaires des
neurones, puis ces protéines transportées jusqu’aux ter-
minaisons axoniques. La radio-autographie est une tech-
nique qui permet de détecter la radioactivité sur des
coupes de cerveau, c’est-à-dire qu’elle permet ici d’iden-
tifier le site des terminaisons axoniques radioactives. De
cette manière est ainsi révélée l’étendue de la connexion
entre la rétine et le cerveau.
Le transport rétrograde est également très utilisé Injection de HRP Deux jours plus tard,
après transport rétrograde
pour décrire les voies neuronales. Assez curieusement,
l’enzyme peroxydase du raifort (horseradish peroxydase,
HRP) est sélectivement absorbée par les terminaisons
axoniques, puis transportée jusqu’au soma de façon
rétrograde. Une réaction chimique peut alors être effec-
tuée pour localiser la HRP sur des coupes de tissu céré-
bral ; cette méthode est très largement utilisée pour
déterminer le tracé des voies neuronales (Fig. A).
Certains virus utilisent aussi le transport rétrograde
pour infecter les neurones. Par exemple, la forme orale Dépôt
de HRP
du virus de l’herpès pénètre dans les terminaisons axo- dans le cerveau
niques au niveau des lèvres et de la bouche, puis ce virus
remonte jusqu’au niveau des corps cellulaires des neu-
rones correspondants. Le virus reste alors latent jusqu’à Neurones
l’occurrence d’un stress physique ou émotionnel, puis il marqués
par la HRP
se réplique et migre à nouveau vers la terminaison du
nerf, provoquant une plaie douloureuse. De même, le
virus de la rage entre dans le système nerveux à travers
les axones de la peau par transport rétrograde, au niveau Figure A
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Dendrites
Le terme « dendrite » vient du mot grec qui signifie « arbre », indiquant que
ces neurites, dans leur extension depuis le soma, ont une configuration similaire
à celle des branches d’un arbre. L’arborisation dendritique désigne collective-
ment l’ensemble des dendrites d’un neurone ; chaque ramification constitue une
branche dendritique. Les arborisations dendritiques présentent une variété de
formes et de dimensions permettant de classer les neurones en différents groupes,
sur ce critère.

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2 – Neurones et cellules gliales 45

Figure 2.19 – Dendrites recevant des affé-


rences synaptiques à partir de terminaisons
axoniques.
Cette coupe de tissu a été traitée par une
méthode permettant la mise en évidence
d’une protéine associée aux microtubules
apparaissant sous forme d’une fluorescence
verte, laquelle permet de visualiser direc-
tement les microtubules des neurones. Les
terminaisons nerveuses, quant à elles, sont
révélées par une autre méthode permettant
de visualiser sur la même coupe des pro-
téines spécifiquement liées aux vésicules
synaptiques (coloration orange-rouge) ; Les
noyaux des neurones sont colorés par une
fluorescence bleue. (Source : Dr Asha Bhakar,
Massachusetts Institute of Technology.)

Comme les dendrites représentent des sortes d’antennes du neurone, ils sont
couverts de centaines de synapses (Fig. 2.19). La membrane dendritique située
sous la synapse (la membrane post-synaptique) possède de nombreuses molé-
cules protéiques spécialisées, les récepteurs, représentant les sites d’action spéci-
fiques des neurotransmetteurs au niveau synaptique.
Les dendrites de nombreux neurones sont recouvertes de structures particu-
lières, les épines dendritiques, qui reçoivent certains types de synapses. Ces neu-
rones particuliers sont qualifiés de neurones épineux, les épines représentant de
petits diverticules couverts de synapses, disposés préférentiellement sur la partie
distale (éloignée du soma) des dendrites (Fig. 2.20). La morphologie particulière
des épines dendritiques a littéralement toujours fasciné les neurobiologistes et,
cela, depuis leur découverte par Cajal. Elles pourraient contribuer à l’intégration
de l’information nerveuse sous forme de cascades de réactions de signalisation
variées, initiées par certains types d’activation synaptique. De fait, la structure
des épines est sensible au type et à l’intensité de l’activation synaptique. De façon
intéressante, des altérations de la forme et du nombre d’épines dendritiques ont Figure 2.20 – Épines dendritiques.
été mises en évidence à partir de cerveaux de patients ayant souffert de troubles Cette figure représente une reconstruction
cognitifs (Encadré 2.6). tridimensionnelle d’un segment de dendrite
Le cytoplasme des dendrites est, quant à lui, en grande partie comparable à comportant des épines dendritiques, éla-
celui des axones. Il contient des éléments du cytosquelette et des mitochondries. boré par une analyse d’images automatisée.
Cependant, une différence intéressante concerne la présence de polyribosomes La variabilité dans la forme et dans la taille
des épines dendritiques est parfaitement
dans les dendrites, souvent situés juste sous une épine (Fig. 2.21). Cette décou-
visible sur cette représentation. Chaque épine
verte suggère la possibilité d’une régulation de la synthèse des protéines à ce
représente un site synaptique pour une ou
niveau par la transmission synaptique, dans quelques neurones. Dans le cha­ plusieurs terminaisons axoniques. (Source :
pitre 25, nous verrons combien, en fait, la régulation de la synthèse des protéines Harris et Stevens, 1989.)
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est essentielle pour la mémorisation d’informations nouvelles.

Figure 2.21 – Polyribosomes des éléments post-synaptiques.


Cette photographie prise au microscope électronique illustre une dendrite (den) contenant un
cluster de polyribosomes (flèche) situé à la base d’une épine dendritique (e) recevant elle-même
une synapse d’une terminaison axonique (t). (Source : courtoisie du Dr Oswald Steward, University
of California, Irvine.)

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46 1 – Bases cellulaires

Encadré 2.6 FOCUS

Retard mental et épines dendritiques


L’architecture élaborée des arborisations dendri- problèmes de pauvreté et de marginalisation pendant
tiques d’un neurone est un excellent reflet de la com- l’enfance, avec des déficits de socialisation, de nutrition
plexité de ses connexions avec les autres neurones. Le ou encore de stimulation sensorielle.
fonctionnement cérébral dépend ainsi de ces connexions Alors que certaines formes de retard mental ont des
synaptiques très précises qui s’élaborent pendant la corrélats physiques évidents (par exemple arrêt du déve-
période fœtale et sont « retouchées » jusqu’à la petite loppement, anomalies de la structure de la tête, des
enfance. De façon non surprenante, ce processus déve- mains, voire du corps), dans la plupart des cas les mani-
loppemental particulièrement complexe est susceptible festations ne sont que comportementales. De plus, à
d’altérations. On parle de retard mental si de telles alté- première vue les cerveaux de ces individus paraissent
rations développementales se traduisent par des troubles normaux. Comment expliquer alors les lourds déficits
des fonctions cognitives affectant les adaptations com- cognitifs de ces personnes ? Une donnée intéressante
portementales telles qu’elles peuvent être mesurées en a été apportée dans les années 1970 par le travail
moyenne sur une population. de Miguel Marin-Padilla à Dartmouth College et
L’utilisation de batteries de tests parfaitement stan- Dominique Purpura du Albert Einstein College of
dardisés montre que l’intelligence d’une population Medicine (New York). Par l’utilisation de la coloration
d’individus donnée se distribue de façon gaussienne, de Golgi, ils ont étudié à l’autopsie une série de cerveaux
selon une courbe dite « en cloche ». Par convention, le d’enfants présentant des signes de retard mental et ils
quotient intellectuel (QI) moyen est fixé à 100. Environ ont montré qu’il y avait des changements caractéris-
deux tiers de la population a un QI dans une gamme de tiques de la structure des dendrites. Plus précisément,
15 autour de la moyenne (une déviation standard) et les résultats montraient que les dendrites des cerveaux
95 % dans la gamme des 30 points (soit deux déviations d’enfants retardés présentaient beaucoup moins
standard). Les individus présentant un QI inférieur à d’épines dendritiques que les sujets témoins et que les
70 sont considérés comme présentant un retard mental épines elles-mêmes étaient très fines et particulièrement
si l’altération des fonctions cognitives se traduit par un allongées au niveau du « col » de l’épine (Fig. A). De
déficit d’adaptation en rapport avec son mode de vie façon intéressante, l’importance de ces changements au
habituel. Environ 2 à 3 % des êtres humains entrent dans niveau des épines dendritiques était corrélée à l’am-
ce cadre. pleur du retard mental.
Le retard mental a plusieurs causes. Les formes les
plus sévères sont liées à des maladies génétiques ; par
exemple dans le cas de la phénylcétonurie. Dans ce cas,
l’anomalie de base est un déficit enzymatique au niveau
du foie, qui empêche la métabolisation de la phényla­
lanine, un acide aminé apporté par l’alimentation. Les Dendrite Dendrite d’un enfant
enfants qui naissent avec cette anomalie génétique pré- d’un enfant ayant présenté
sentent de très fortes concentrations de cet acide aminé normal un retard mental
au niveau sanguin et cérébral. Si rien n’est fait, alors le
développement du cerveau s’arrête et de sévères déficits
cognitifs en résultent. Un autre exemple est la triso-
mie 21 ou maladie de Down, qui intervient lorsque le
fœtus présente une copie supplémentaire du chromo-
some 21. Dans ce cas, l’expression génique qui préside
au développement normal du cerveau est fortement
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altérée.
Une autre cause de retard mental est liée à des acci-
dents de grossesse ou lors de l’accouchement ; par
exemple lorsque la mère est atteinte de rubéole ou
lorsque le nouveau-né subit une asphyxie néonatale.
Une troisième cause est la malnutrition de la mère pen-
dant la grossesse. Un exemple est donné par l’état des
fœtus des mères alcooliques, qui donnent des enfants 10 µm
présentant toute une série d’anomalies du développe-
ment cérébral. Une quatrième cause encore, qui pour- Figure A – Dendrite normale et anormale.
rait être à l’origine de troubles fréquents, est liée à des (Source : Purpura, 1974, Fig. 2A.)

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2 – Neurones et cellules gliales 47

Encadré 2.6 FOCUS  (suite)

Les épines dendritiques reçoivent normalement les épines dendritiques, dépend de façon critique de l’envi-
informations afférentes au neurone, par l’ensemble des ronnement durant la petite enfance. Un environnement
synapses qui s’articulent à leur niveau. Purpura nota « appauvri » durant cette période « critique » du déve-
que les épines dendritiques des enfants retardés étaient loppement peut alors résulter en de sévères altérations
assez similaires à celles des fœtus. Il suggéra que le retard des circuits neuronaux. Cependant, il y a aussi de bonnes
mental reflétait l’impossibilité de la mise en place des nouvelles : la plupart des déficits engendrés par ces
connexions normales des réseaux neuronaux pendant le déprivations au cours du développement peuvent être
développement. Depuis ces travaux princeps, les trente réversés, si la compensation intervient suffisamment
années qui ont suivi ont permis d’établir que le dévelop- tôt ! Dans le chapitre 23, nous montrerons combien l’ex-
pement synaptique normal, incluant la maturation des périence peut influencer le développement cérébral.

Classification des neurones


Il semble illusoire d’espérer comprendre un jour comment chacun des 85 mil-
liards de neurones du système nerveux contribue, à titre individuel, aux fonctions
cérébrales. Mais que se passerait-il si on pouvait démontrer qu’il est possible de
classer tous les neurones du cerveau en un petit nombre de catégories et qu’au
sein de ces catégories tous les neurones fonctionnent de la même façon ? La com-
plexité du problème se réduirait alors à comprendre la contribution de chaque
catégorie neuronale, plutôt que celle de chaque cellule. C’est à partir de cette
Soma
idée que les neurobiologistes ont imaginé des solutions pour classer les neurones.

Classifications basées sur la structure des neurones


Les premières tentatives de classer les neurones en catégories ont débuté
avec le développement de la coloration de Golgi. Ces classifications, basées Neurone unipolaire
sur la morphologie des dendrites, des axones ou encore sur la structure qu’ils
innervent, sont, de fait, encore largement utilisées.
Classification selon le nombre de neurites.  Les neurones peuvent d’abord
être classés simplement selon le nombre de leurs neurites, c’est-à-dire le nombre
de prolongements de type axonique et dendritique qui se forment depuis le soma
(Fig. 2.22). Un neurone avec un seul neurite est qualifié d’unipolaire ; s’il pos-
sède deux neurites, la cellule est dite bipolaire. Si le neurone en comprend trois
ou plus, la cellule est alors reconnue comme multipolaire, ce qui est le cas de la
plupart des neurones.
Classification basée sur les dendrites. Les arborisations dendritiques Neurone bipolaire
varient grandement d’un type de neurone à l’autre. Ils portent parfois des noms
plein d’élégance, comme « cellules en corbeille », « cellules en double bouquet »
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ou encore « cellule en chandelier » ; d’autres sont moins imagés, comme « cel-


lules alpha », à titre d’illustration. Il est intéressant de constater qu’une région
donnée du système nerveux ne présente souvent qu’une seule de ces catégories.
Par exemple, dans le cortex cérébral deux grands groupes de cellules seulement
sont reconnus : les cellules pyramidales et les cellules dites étoilées, parce qu’elles
sont en forme d’étoiles (Fig. 2.23).
Une autre façon simple de classer les neurones est de considérer ou non la
présence d’épines sur les dendrites. Lorsqu’ils possèdent des épines dendritiques,
les neurones sont qualifiés d’épineux et ceux qui n’en ont pas sont appelés sans Neurone multipolaire
épines ou non épineux. Ces schémas de classification dendritique peuvent se
superposer. Ainsi, dans le cortex cérébral, toutes les cellules pyramidales sont Figure 2.22 – Classification des neurones sur
épineuses ; en revanche, les cellules étoilées peuvent être épineuses ou sans épines. la base du nombre de leurs neurites.

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48 1 – Bases cellulaires

Neurone en étoile

Cellule pyramidale

Figure 2.23 – Classification des neurones sur la base de l’organisation de leur arborisation den-
dritique.
Les cellules pyramidales et les cellules en étoile sont parfaitement identifiables sur la base de la
forme de leur arborisation dendritique ; ces deux types de neurones sont représentés au niveau du
cortex cérébral.

Classification basée sur les connexions neuronales.  L’information est trans-


mise au système nerveux par des neurones qui comportent des neurites présents
dans les zones sensorielles du corps, telles que la peau ou la rétine de l’œil. Les
cellules contribuant à cette fonction sensorielle sont reconnues comme neurones
sensoriels primaires. D’autres neurones voient leur axone former des synapses
directement avec les muscles. De ce fait, ils contribuent à la commande du mou-
vement : ce sont les neurones moteurs. La plupart des neurones du système ner-
veux sont cependant en relation avec d’autres neurones et ne sont pas directe-
ment impliqués dans une fonction aussi identifiable que la fonction sensorielle
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ou motrice. Selon ce schéma, ces cellules sont alors qualifiées d’interneurones.


Classification basée sur la longueur de l’axone. Certains neurones pré-
sentent des axones de grande longueur, qui s’étendent d’une partie du cerveau à
une autre ; ce sont des neurones dits de projection ou cellules de Golgi de type I.
D’autres ont des axones courts, qui ne dépassent pas le voisinage immédiat de
la cellule ; il s’agit alors de neurones contribuant à des circuits locaux ou cel-
lules de Golgi de type II, encore dénommés interneurones. Ainsi, dans le cortex
cérébral, les cellules pyramidales ont en général des axones longs qui s’étendent
à d’autres parties du cerveau, ce qui les classe dans la catégorie des cellules de
Golgi de type I. En revanche, les cellules étoilées ont des axones courts, qui ne
dépassent jamais le cortex cérébral et sont donc reconnues comme des cellules
de Golgi de type II.

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2 – Neurones et cellules gliales 49

Classification basée sur l’expression génique


Nous savons maintenant que la plupart des différences entre les neurones
peuvent être expliquées par des profils d’expression du génome différentiels.
A titre d’illustration, de telles différences d’expression génique peuvent parfai-
tement rendre compte des formes si particulières des cellules pyramidales ou
encore des neurones étoilés. Une fois que le profil génétique est établi, cette
information peut alors être utilisée pour créer des souris transgéniques, permet-
tant alors une analyse détaillée des neurones de ces différentes catégories. Par
exemple, un gène étranger encodant une protéine fluorescente peut être introduit
dans les cellules et placé sous le contrôle d’un promoteur lui-même spécifique
d’une sous-catégorie de neurones. La protéine fluorescente verte dénommée
GFP (green fluorescent protein), encodée par un gène découvert chez une méduse,
est ainsi utilisée très couramment en neurosciences. Lorsqu’elle est éclairée par
une lumière de longueur d’onde appropriée, la GFP émet une luminescence de
couleur verte, ce qui permet la visualisation des neurones dans lesquels elle est
exprimée. Les méthodes du génie génétique sont maintenant d’un usage très
courant pour appréhender et manipuler les fonctions des neurones dans leur
diversité (Encadré 2.7).
Nous savons depuis longtemps maintenant que les neurones diffèrent notam-
ment par le neurotransmetteur qu’ils utilisent pour communiquer avec d’autres
neurones (ou d’autres cellules qu’ils innervent). Ces différences entre neurotrans-
metteurs résultent d’une expression différentielle de protéines impliquées dans
leur biosynthèse, leur stockage ou encore leur utilisation. Comprendre ces
différences d’expression génique permet alors d’aboutir à une classification
des neurones en fonction du neurotransmetteur qu’ils utilisent. Ainsi, les neu-
rones moteurs qui commandent la contraction des muscles striés squelettiques,
libèrent tous le neurotransmetteur acétylcholine au niveau de leurs terminaisons
synaptiques. Ces neurones moteurs sont classés comme cholinergiques, c’est-à-
dire qu’ils expriment les gènes qui leur permettent d’utiliser ce neurotransmet-
teur particulier. Les ensembles de neurones utilisant le même neurotransmetteur
forment des systèmes neuronaux identifiables comme tels, permettant une clas-
sification de populations neuronales homogènes sur le plan de leur contenu en
neurotransmetteur (voir chapitres 6 et 15).

Cellules gliales
Dans ce chapitre, il a surtout été fait état des neurones. Cependant, même si ce
choix est justifié par le niveau des connaissances acquises dans ce domaine, cer-
tains scientifiques considèrent les cellules gliales un peu comme les «  oubliées  » des
neurosciences. Ces chercheurs pensent qu’il sera assez prochainement démontré
que les cellules gliales participent beaucoup plus au ­traitement de ­l’information
dans le cerveau qu’il n’est considéré habituellement. Actuellement, il paraît
ainsi évident que les cellules gliales contribuent au fonctionnement ­cérébral, en
étroite synergie avec la fonction neuronale. De fait, le rôle des ­cellules gliales
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est peut-être secondaire mais, sans elles, le cerveau ne pourrait pas fonctionner
correctement.

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50 1 – Bases cellulaires

Encadré 2.7 FOCUS

Comprendre la structure du neurone et sa fonction


par la fabuleuse « Cre »
Un type de cellule de l’organisme peut être distingué d’une souris un transgène préparé de telle manière qu’il
d’un autre type par le pattern des gènes qu’il exprime, est sous le contrôle du même promoteur, ce transgène
matérialisé par les protéines qu’il produit. De façon sera également exprimé sélectivement dans les neurones
similaire, différentes catégories de neurones du cerveau cholinergiques. Si le transgène exprime l’enzyme recom­
peuvent être identifiées sur la base des gènes qu’elles binase Cre dérivée d’un virus bactérien, nous pouvons
expriment en commun. Avec les méthodes modernes du alors contraindre ces neurones cholinergiques à nous
génie génétique, savoir dès lors qu’un gène donné est livrer leurs innombrables secrets. Voyons de quelle
uniquement exprimé par un seul type de neurone peut manière…
permettre de déterminer sa contribution particulière au La recombinase Cre reconnaît de courtes séquences
fonctionnement cérébral. d’ADN désignées comme étant les sites loxP, qui peuvent
Prenons à titre d’exemple les neurones qui pro- quant à eux être insérés à chaque extrémité d’un autre
duisent l’enzyme choline acétyltransférase (ChAT). La gène. L’ADN ainsi encadré par les sites loxP est dit
ChAT est l’enzyme qui est à l’origine de la biosynthèse « floxé ». La recombinase Cre a alors pour fonction d’exci-
de l’acétylcholine, celle-ci n’étant produite que par les ser littéralement le gène situé entre les deux sites loxP. En
neurones que l’on qualifie pour cette raison de « choli- faisant se reproduire une « souris Cre » avec une « souris
nergiques » et qui utilisent l’acétylcholine pour trans- floxée », il est possible d’obtenir une souris comportant
mettre l’information nerveuse au niveau des synapses. une délétion génique sur un seul type de neurones.
Ces seuls neurones ont dans leur patrimoine génétique La question peut alors se poser de savoir comment
les facteurs de transcription susceptibles d’agir sur le réagissent les neurones cholinergiques à la délétion
promoteur du gène. Dès lors, si on insère dans le génome d’un gène qu’ils expriment normalement ? À titre

Recombinase Cre exprimée


LoxP LoxP Promoteur ChAT
Gène X dans les neurones cholinergiques

Gène encodant la recombinase Cre


ADN ADN

Parents X

Souris floxée Souris ChAT-Cre


Gène X
délété sélectivement
dans les neurones
LoxP LoxP exprimant Cre

ADN
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Descendance

Souris transgénique délétée du gène X


dans les neurones cholinergiques

Figure A
Créer une souris présentant le knockout d’un gène sélectivement dans les neurones cholinergiques est réalisé en croisant une souris floxée avec
le gène d’intérêt (gène X) flanqué par deux sites loxP avec une autre souris chez laquelle la recombinase Cre est sous contrôle du promoteur du
gène de la ChAT. Chez les petits, le gène X est délété sélectivement dans les neurones qui expriment Cre, c’est-à-dire les neurones cholinergiques.

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2 – Neurones et cellules gliales 51

Encadré 2.7 FOCUS  (suite)

d’illustration appelons ce gène X. Pour répondre à cette obtient une descendance exprimant le transgène seule-
question nous allons croiser la souris qui comporte le ment dans les neurones cholinergiques, puisque la
gène X floxé avec la souris qui exprime Cre sous le séquence « stop » a été supprimée seulement dans ces
contrôle du promoteur ChAT (la souris « ChAT-Cre »). neurones (Fig. B).
Chez les petits, le gène floxé est éliminé seulement dans Si nous préparons un transgène comportant une pro-
les neurones qui expriment Cre, c’est-à-dire seulement téine fluorescente, nous pouvons utiliser la fluorescence
dans les neurones cholinergiques (Fig. A). pour étudier les connexions de ces neurones choliner-
Il est également possible d’utiliser Cre pour per- giques. En supposant par exemple que le transgène
mettre l’expression d’un nouveau transgène dans les fluorescent n’est actif que lorsque le neurone lui-même
neurones cholinergiques. Normalement, l’expression est en activité, alors il est possible de monitorer l’activité
d’un transgène nécessite qu’il soit inclus dans la séquence des neurones cholinergiques en mesurant des flashes de
d’un promoteur, en amont de la région encodant pour la lumière émis par les neurones. Il est également possible
protéine ciblée. La transcription du transgène n’inter- d’envisager d’utiliser des transgènes qui tuent les neu-
vient pas si une séquence « stop » est insérée entre le rones cholinergiques ou encore qui les rendent inactifs.
­promoteur et la séquence encodant pour la protéine. Il est dans ce cas possible d’aborder la fonction de ces
Considérons maintenant ce qui est susceptible d’arriver neurones ainsi mis hors circuit. Dès lors, il n’y a guère
lorsque nous générons une souris transgénique compor- que les limites de l’imagination des chercheurs qui
tant cette séquence « stop » flanquée de deux sites loxP. puissent limiter ce qu’il est possible de faire avec ce type
En croisant cette souris avec la souris « ChAT-Cre », on de technologie !

Recombinase Cre exprimée


LoxP LoxP Promoteur ChAT
Stop dans les neurones cholinergiques

Gène encodant la recombinase


Promoteur ubiquitaire Transgène X ADN

Parents X

Souris transgénique Lox-Stop-Lox Souris ChAT-Cre


Séquence Stop
délétée sélectivement
dans les neurones exprimant Cre

Transgène X exprimé sélectivement


dans les neurones exprimant Cre

ADN

Descendance
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Souris transgénique spécifique


des neurones cholinergiques

Figure B
Le transgène d’intérêt (transgène X) peut lui aussi être exprimé sélectivement dans les neurones cholinergiques. La première étape est de créer
une souris chez laquelle l’expression du transgène est bloquée par l’insertion d’une séquence stop floxée, située entre un promoteur ubiquitaire
et la région codante du gène. Dans une seconde étape, le croisement de cette souris avec la souris ChAT-Cre produit une descendance chez
laquelle la séquence stop a été supprimée sélectivement dans les neurones cholinergiques, ce qui permet l’expression du transgène seulement
dans ces neurones.

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52 1 – Bases cellulaires

Astrocytes
Les cellules gliales les plus nombreuses sont les astrocytes (Fig. 2.24). Ces
cellules comblent l’espace situé entre les neurones. L’espace compris entre les
neurones et les astrocytes mesure environ 20 nm de large, seulement. En consé-
quence, l’extension ou la rétraction des neurites, dont il a été fait état, pourrait
étroitement dépendre des astrocytes. Ces cellules représentent ainsi l’essentiel de
l’environnement dans lequel « baignent » les neurones. Cet environnement est
plus formé par ces cellules que par un liquide présent dans l’espace intercellu-
laire, lequel se trouve, de ce fait, très réduit.
Les astrocytes participent à la régulation de la composition du milieu extra­
cellulaire. Ainsi, les astrocytes forment une sorte d’enveloppe autour des jonc-
tions synaptiques (Fig. 2.25), contribuant à réduire la diffusion des molécules
Figure 2.24 – Représentation d’un astrocyte.
de neurotransmetteurs qui ont été libérées. Les astrocytes présentent aussi dans
Les astrocytes sont représentés en grand
nombre dans le système nerveux où ils leurs membranes des protéines spécifiques, qui leur permettent de capter acti-
occupent l’espace entre les neurones et les vement de nombreux neurotransmetteurs et autres molécules agissant dans l’es-
vaisseaux sanguins. pace synaptique. Il a été récemment démontré que les membranes des astrocytes
présentent également des récepteurs à certains neurotransmetteurs qui, comme
les récepteurs situés sur les neurones, peuvent générer des phénomènes élec-
triques et biochimiques dans les cellules gliales. Outre la régulation des taux de
neurotransmetteurs synaptiques, les astrocytes contrôlent aussi la concentration
extracellulaire de certaines substances qui pourraient empêcher le bon fonction-
nement des neurones ; telle la concentration des ions potassium dans le milieu
extracellulaire.

Épine dendritique Prolongement


Figure 2.25 – Astrocytes enveloppant des (post-synaptique) astrocytaire
synapses.
Cette photographie obtenue au microscope Terminaison
électronique montre un profil de synapse où axonique
(présynaptique)
l’on distingue une terminaison axonique et
une épine dendritique (colorée en vert). Un
astrocyte entoure littéralement cette synapse
et restreint ainsi l’espace extracellulaire. Synapse
(Source : courtoise des Drs  Cagla Eroglu et 0.5 µm
0,5
Chris Risher, Duke University.)

Cellules gliales et myélinisation


Contrairement au rôle des astrocytes, qui est encore en grande partie inconnu
comme cela vient d’être mentionné, le rôle des oligodendrocytes et des cellules
de Schwann est beaucoup plus clair. Ces cellules gliales particulières forment
les couches de membrane qui isolent la plupart des axones. L’anatomiste Alan
Peters, de l’Université de Boston, un pionnier de l’étude ultrastructurale du sys-
tème nerveux, a montré que cette enveloppe, la myéline, s’enroule autour des
axones du cerveau (Fig. 2.26). L’axone est ainsi localisé dans la spirale comme
une épée dans son fourreau, d’où le terme de gaine de myéline pour décrire tout
l’enroulement. Par endroit, la gaine est discontinue sur une petite longueur où
la membrane de l’axone se trouve exposée. Cette région particulière s’appelle un
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nœud de Ranvier (Fig. 2.27).


La myéline contribue à accélérer la propagation des impulsions nerveuses le
long de l’axone, comme cela sera décrit en détail dans le chapitre 4. Les différences
entre les oligodendrocytes et les cellules de Schwann proviennent essentiellement
de leur localisation et d’autres caractéristiques plus mineures. Par exemple, les
oligodendrocytes ne se trouvent localisés que dans le système nerveux central,
c’est-à-dire le cerveau et la moelle épinière, tandis que les cellules de Schwann
ne sont présentes que dans le système nerveux périphérique, représentant tout
Figure 2.26 – Section transversale d’axones le système nerveux présent en dehors du cerveau et de la moelle. Une autre dif-
myélinisés de nerf optique observés au férence fondamentale porte sur le fait qu’un oligodendrocyte contribue à la for-
microscope électronique. mation de myéline pour plusieurs axones, alors que chaque cellule de Schwann
(Source : Dr Alan Peters.) ne myélinise qu’un seul axone.

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2 – Neurones et cellules gliales 53

Oligodendrocytes

Feuillets
Axone de myéline

Cytoplasme Nœud
des oligodendrocytes de Ranvier Mitochondrie

Figure 2.27 – Représentation d’un oligodendrocyte.


Comme les cellules de Schwann au niveau des nerfs périphériques, les oligodendrocytes sont
à l’origine de la gaine de myéline formée autour d’un très grand nombre d’axones du système
­nerveux central et de la moelle épinière. La gaine de myéline est interrompue à intervalles réguliers
par les nœuds de Ranvier.

Autres types de cellules, non neuronales


Même si tous les neurones, tous les astrocytes et tous les oligodendrocytes
étaient supprimés, il resterait encore d’autres types de cellules dans le cerveau.
Deux types au moins doivent être mentionnés : tout d’abord, des cellules par-
ticulières, les cellules épendymaires, tapissent les ventricules cérébraux et pour-
raient jouer un rôle considérable dans le contrôle du sens de la migration de
certaines cellules pendant le développement cérébral. Ensuite, un deuxième type
cellulaire particulier est représenté par les cellules microgliales ou microglie, qui
pourraient quant à elles jouer le rôle de phagocytes pour éliminer les débris lais-
sés par les neurones et les cellules gliales en voie de dégénérescence. La microglie
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est apparue récemment comme un élément essentiel de l’organisation cérébrale,


notamment en ce sens que les cellules microgliales paraissent impliquées dans le
remodelage des connexions synaptiques en les engloutissant, littéralement. De
façon intéressante, comme cela est décrit dans l’Encadré 2.3, les cellules micro-
gliales ont aussi la capacité de migrer dans le cerveau à partir du compartiment
sanguin et un dysfonctionnement de cette migration microgliale peut alors inter-
férer avec les fonctions cérébrales et le comportement. Enfin, en imaginant effec-
tivement que toutes ces cellules soient éliminées, il resterait encore la vasculature
cérébrale — artères, veines, et capillaires sanguins —, dont la structure implique
d’autres cellules spécialisées.

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54 1 – Bases cellulaires

Conclusion
L’étude des caractéristiques structurales du neurone laisse percevoir sa fonc-
tion et celles de ses différentes parties, car structure et fonction sont étroitement
corrélées. Par exemple, l’absence de ribosomes dans l’axone laisse supposer,
avec raison, que les protéines présentes dans la terminaison axonique sont pro-
duites dans le soma et transportées dans la terminaison nerveuse via le trans-
port axoplasmique. Le grand nombre de mitochondries dans la partie termi-
nale de l’axone illustre par ailleurs une grande demande d’énergie nécessaire au
fonctionnement synaptique. La structure élaborée de l’arborisation dendritique
paraît, quant à elle, particulièrement adaptée à la réception des informations par
le neurone : c’est en effet l’endroit où la plupart des synapses s’établissent.
Depuis l’époque de Nissl, il est établi que le RE rugueux représente un
élément important des neurones. Mais quelle en est la signification ? Le RE
rugueux est le site de la biosynthèse des protéines, notamment de celles associées
à la membrane. Ces différentes protéines de la membrane neuronale ont alors
été reconnues comme conférant seules au neurone sa faculté exceptionnelle de
recevoir, de transmettre et de stocker l’information nerveuse.

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Énoncez la doctrine du neurone en une seule phrase. Qui en est l’au-


teur ?
2. Quelles parties du neurone la coloration de Golgi révèle-t-elle, que la
coloration de Nissl ne montre pas ?
3. Donner trois caractéristiques physiques qui distinguent les axones des
dendrites.
4. Parmi les éléments suivants, citer ceux qui ne se trouvent que dans
les neurones, et ceux qui ne s’y trouvent pas : noyau, mitochondrie,
RE rugueux, vésicule synaptique, appareil de Golgi ?
5. Quelles sont les différentes étapes du processus par lequel l’informa-
tion contenue dans l’ADN du noyau dirige la synthèse d’une molécule
protéique associée à la membrane ?
6. La colchicine est un agent qui détruit les microtubules (par dépolymé-
risation). Quel effet peut avoir cette drogue sur le transport antéro-
grade ? Que se passe-t-il dans ce cas au niveau de la partie terminale
de l’axone ?
7. Classer les cellules pyramidales du cortex cérébral d’après (1) le
nombre de neurites, (2) la présence ou l’absence d’épines dendri-
tiques, (3) leurs connexions, (4) la longueur de l’axone.
8. L’identification d’un gène uniquement exprimé par une catégorie de
neurones particuliers peut être utilisée pour comprendre le fonction-
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nement de ces neurones. Donnez un exemple de la façon dont vous


pouvez utiliser l’information génétique pour étudier spécifiquement
une catégorie de neurones.
9. Que représente la myéline ? Quel est son rôle ? Par quelles cellules est-
elle produite dans le système nerveux central ?

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2 – Neurones et cellules gliales 55

POUR EN SAVOIR PLUS

De Vos KJ, Grierson AJ, Ackerley S, Miller CCJ. Role of axonal transport


in neurodegenerative diseases. Annual Review of Neuroscience 2008 ;
31 : 151-73.
Eroglu C, Barres BA. Regulation of synaptic connectivity by glia. Nature
2010 ; 468 : 223-31.
Jones EG. Colgi, Cajal and the Neuron Doctrine. Journal of the History
Neuroscience 1999 ; 8 : 170-8.
Lent R, Azevedo FA, Andrade-Moraes CH, Pinto AV. How many neurons
do you have? Some dogmas of quantitative neuroscience under revi-
sion. European Journal of Neuroscience 2012 ; 35 : 1-9.
Nelson SB, Hempel C, Sugino K. Probing the transcriptome of neuronal
cell types. Current Opinion in Neurobiology 2006 ; 16 : 571-6.
Peters A, Palay SL, Webster H. The Fine Structure of the Nervous System,
3rd ed. New York : Oxford University Press, 1991.
Sadava D, Hills DM, Heller HC, Berenbaum MR. Life: The Science of
Biology, 9th ed. Sunderland, MA : Sinauer, 2011.
Shepherd GM, Erulkar SD. Centenary of the synapse: from Sherrington
to the molecular biology of the synapse and beyond. Trends in Neu-
rosciences 1997 ; 20 : 385-92.
Wilt BA, Burns LD, Wei Ho ET, Ghosh KK, Mukamel EA, Schnitzer MJ.
Advances in light microscopy for neuroscience. Annual Review of
Neuroscience 2009 ; 32 : 435-506.
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CHAPITRE  3 Membrane
du neurone au repos

RÔLE DES COMPOSANTS


CELLULAIRES
Cytosol et milieu extracellulaire........................................................... 59
Phospholipides membranaires............................................................ 60
Protéines............................................................................................ 61

MOUVEMENT DES IONS


Diffusion............................................................................................ 64
Encadré 3.1 Bases théoriques  Révision des moles et de la molarité
Propriétés électriques de la membrane................................................ 65

BASES IONIQUES
DU POTENTIEL DE REPOS
Potentiels d’équilibre.......................................................................... 67
Encadré 3.2 Bases théoriques  L’équation de Nernst
Distribution des ions de part et d’autre de la membrane..................... 70
Perméabilité ionique relative de la membrane au repos....................... 71
Encadré 3.3 Bases théoriques  L’équation de Goldman
Encadré 3.4 Les voies de la découverte  De l’importance des canaux
ioniques dans ma vie,
par Chris Miller
Rôle fondamental de la régulation de la concentration de potassium
extracellulaire..................................................................................... 75
Encadré 3.5 Focus  Mort par injection létale

CONCLUSION
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INTRODUCTION

P
our aborder de façon relativement simple la question de la propagation
et de la transmission des informations nerveuses dans le système nerveux
central, prenons un exemple simple : posons-nous la question de savoir
à quel problème le système nerveux est confronté lorsque l’on marche inopiné-
ment sur une punaise (Fig. 3.1). La réaction est automatique : un cri de douleur
au moment où l’on se pique le pied et un retrait rapide pour éliminer la cause de
la douleur. Pour que cette réponse simple se produise, le percement de la peau
doit se traduire en signaux neuronaux, qui se propagent rapidement et sûrement
le long des nerfs sensoriels de la jambe. Au niveau de la moelle épinière, ces
signaux sont transmis aux interneurones. Certains de ces neurones sont connec-
tés avec les parties du cerveau qui interprètent les signaux comme étant de nature
douloureuse ; d’autres sont en rapport avec les neurones moteurs qui contrôlent
les muscles de la jambe, permettant de retirer le pied très rapidement. Ainsi, un
réflexe aussi simple que celui-là a recours au système nerveux pour recueillir,
distribuer et intégrer l’information. Un des buts de la neurophysiologie est de
comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents de ces fonctions.
Pour transmettre l’information à distance, le neurone utilise des signaux élec-
triques qui se propagent le long de l’axone. En ce sens, les axones ressemblent
à des fils téléphoniques. Cependant l’analogie s’arrête là car le type de signaux
utilisé par le neurone est soumis à l’environnement particulier du système ner-
veux. Dans le fil de cuivre du téléphone, l’information est transportée sur de
longues distances, à grande vitesse (environ la moitié de la vitesse de la lumière)
car le fil téléphonique est un merveilleux conducteur d’électrons, bien isolé et
suspendu dans l’air (l’air étant mauvais conducteur d’électricité). Les électrons
se déplacent donc à l’intérieur du fil au lieu de disparaître en rayonnements.
En revanche, la charge électrique du cytosol de l’axone est transportée par des
atomes chargés électriquement, les ions, au lieu d’électrons libres. Le cytosol
est donc beaucoup moins conducteur que le fil de cuivre. De plus, l’axone n’est
pas particulièrement bien isolé, et il baigne dans un milieu extracellulaire salé,
conducteur d’électricité. Ainsi, si l’activité électrique se propageait passivement
le long de l’axone, elle ne tarderait pas à disparaître.
Par chance, la membrane neuronale présente des propriétés lui permet-
tant de transmettre un type particulier de signaux — l’impulsion nerveuse ou
potentiel d’action — qui surmontent ces contraintes biologiques. Comme nous
le verrons plus loin, le terme « potentiel » se réfère à une distribution différen-
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tielle de charges électriques de part et d’autre de la membrane. À l’opposé des


signaux électriques qui se déplacent d’une façon passive, les potentiels d’action
ne s’altèrent pas avec la distance : ce sont des signaux d’amplitude et de durée
fixes. L’information est codée par la fréquence des potentiels d’action de chaque
neurone, ainsi que par la population particulière et le nombre de neurones qui
émettent des potentiels d’action dans un nerf donné. Ce code est semblable au
Morse utilisé en télégraphie ; le message est présent dans le pattern des potentiels
d’action. Les cellules susceptibles de générer des potentiels d’action, tant ner-
veuses que musculaires, ont une membrane excitable. Dès lors, le terme « action »
traduit bien des changements intervenant au niveau de la membrane du neurone.
Lorsqu’une cellule possédant une membrane excitable ne génère pas d’im-
pulsions, elle est dite « au repos ». Dans le neurone au repos, le cytosol de la

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58 1 – Bases cellulaires

Vers le cerveau

Moelle
épinière
3

Corps cellulaire
d’un motoneurone

Corps cellulaire
d’un neurone sensitif
4

1
2

Axone d’un
neurone sensitif
Axone d’un
motoneurone

Figure 3.1 – Évocation d’un réflexe simple.


① Imaginez une personne marchant inopinément sur une punaise. ② Le percement de la peau est immédiatement transformé en signaux nerveux qui
empruntent les nerfs sensitifs (direction de la transmission des signaux selon les flèches). ③ Dans la moelle épinière, l’information est distribuée aux
interneurones. Certains d’entre eux envoient leur axone au cerveau où la sensation douloureuse est enregistrée. D’autres interneurones contactent des
motoneurones qui envoient directement des signaux aux muscles de la jambe. ④ La commande motrice permet la contraction musculaire et donc de
retirer très rapidement le pied de la punaise.

face interne de la membrane présente une charge électrique négative, comparée


à celle de la face externe. La différence de charge électrique de part et d’autre de
la membrane correspond au potentiel de la membrane au repos (ou potentiel de
repos). Le potentiel d’action correspond simplement à un bref renversement de
la situation, de sorte que, pour un instant — environ un millième de seconde —
la face interne de la membrane devient soudainement et donc transitoirement
positive par rapport à la face externe. Ainsi, pour comprendre comment les neu-
rones communiquent entre eux, il faut savoir comment la membrane neuronale
au repos répartit la charge électrique et comment cette charge électrique peut
être rapidement redistribuée au travers de la membrane au cours du potentiel
d’action. Enfin, il est nécessaire aussi de savoir comment l’impulsion se propage
véritablement le long de l’axone.
Ce chapitre commence l’exploration du signal nerveux par une question :
quelle est l’origine du potentiel de la membrane au repos ? Cette question est
d’importance car le potentiel de repos est bien à la base de toute la connaissance
de la physiologie nerveuse ; et connaître la neurophysiologie est absolument
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nécessaire pour comprendre les capacités cérébrales mais aussi les limites du
fonctionnement du cerveau.

Rôle des composants cellulaires


Trois acteurs principaux interviennent pour contrôler le potentiel de la
membrane au repos : les milieux salés de part et d’autre de la membrane, la
membrane elle-même et les protéines incorporées dans la membrane et qui la
traversent. Chacun d’eux présente des propriétés particulières, qui sont à l’origine
du potentiel de repos.

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3 – Membrane du neurone au repos 59

Cytosol et milieu extracellulaire


L’eau est le composant principal à la fois du milieu intérieur du neurone ou
cytosol et du milieu extracellulaire. Les ions sont en solution dans cette eau et
sont responsables du potentiel de repos et du potentiel d’action.
Eau.  Pour ce qui concerne l’excitabilité membranaire, la propriété la plus
intéressante de la molécule d’eau (H2O) est la distribution inégale de sa charge
électrique (Fig. 3.2a). Les deux atomes d’hydrogène et l’atome d’oxygène sont
liés par covalence, c’est-à-dire qu’ils se partagent des électrons. Cependant,
comme l’atome d’oxygène possède une plus grande affinité pour les électrons
que l’atome d’hydrogène, il en résulte que les électrons partagés restent plus long-
temps associés à l’atome d’oxygène qu’aux deux atomes d’hydrogène. En consé-
quence, l’atome d’oxygène adopte une charge négative (car il y a des électrons
en surplus) et les atomes d’hydrogène, une charge positive. On dit que H2O est
une molécule polaire. Cette polarité électrique fait de l’eau un solvant efficace
des autres molécules polaires ou possédant une charge électrique ; en d’autres
termes, les autres molécules polaires ont tendance à se dissoudre dans l’eau.
Ions.  Les atomes et les molécules qui présentent une charge électrique nette
sont dénommés ions. Le sel de table est formé d’un cristal d’ions de sodium (Na+)
et de chlore (Cl–) assemblés par l’attraction des charges des atomes. Cette attrac-
tion représente la force ionique. Le sel se dissout rapidement dans l’eau, car les
parties chargées de la molécule d’eau présentent une attraction plus forte pour
les ions qu’ils n’en présentent entre eux (Fig. 3.2b). Au moment où un ion passe
de la forme solide à la forme dissoute, il est entouré d’une sphère de molécules
d’eau. Chaque ion chargé positivement (le Na+, dans ce cas) va être recouvert
de molécules d’eau orientées de façon à ce que l’atome d’oxygène des molécules
d’eau (le pôle négatif) se trouve face à l’ion. De même, chaque ion chargé négati-
vement (l’ion Cl–) sera entouré par les atomes d’hydrogène des molécules d’eau.
Ces cortèges de molécules d’eau qui se forment autour de chaque ion s’appellent
les sphères d’hydratation ; elles isolent efficacement les ions les uns des autres.
La charge électrique d’un atome dépend de la différence entre le nombre de
protons et d’électrons. Quand cette différence est de 1, l’ion est dit monovalent ;
quand la différence est de 2, l’ion est divalent, et ainsi de suite. Les ions avec
une charge positive sont dénommés cations ; ceux qui ont une charge négative,
anions. Dans les systèmes biologiques, y compris le neurone, les ions sont les por-
teurs de charge électrique les plus importants. Pour la cellule, quatre d’entre eux
jouent un rôle déterminant : les cations monovalents Na+ (sodium) et K+ (potas-
sium), le cation divalent Ca2+ (calcium) et l’anion monovalent Cl– (chlore).

(a) H2O = O = +

+
H H
+ –

+
+
+

+ +
+

Na+ Cl–

+

+ + +
+ –
+

+ –
+


+

+
– +
– +

+ –

– + +
+

+ +
+
+ –


+
– +
+
+ –

– + – +
+ – + + – – +
+
+ +
+ +

– +
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+ –
+ –
+

+
+

Na+
+

+
– +

+
– +

– +

Cl– +

+
Figure 3.2 – L’eau est un solvant polaire.

+ ++ – (a) Représentations de la structure atomique
Na+
+
+

– de la molécule d’eau. L’atome d’oxygène pré-


+ –

Cl– +
+ –+

sente une charge électrique nette négative et


– +

Na+
+ +
+

l’hydrogène, positive. Cette structure rend la


+


– +

– + molécule polaire. (b) Une molécule de chlo-


+
rure de sodium (NaCl) se solubilise dans l’eau
+ –
+

car les molécules d’eau polaires présentent


une attraction plus forte pour les ions sodium


Molécule de NaCl cristalisée Na+ and Cl– et les ions chlorure que ces deux ions entre
(b) en solution dans l’eau eux.

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60 1 – Bases cellulaires

Phospholipides membranaires
Comme mentionné ci-dessus, les substances présentant des charges élec-
triques vont se dissoudre dans l’eau à cause de la polarité de la molécule d’eau.
Ces substances comprenant des ions et des molécules polaires ont une « affi-
nité pour l’eau » ; elles sont qualifiées d’hydrophiles. Cependant, les composés
dont les atomes sont associés par des liens de covalence non polaires ne sont pas
susceptibles d’interactions avec l’eau. Un lien de covalence non polaire s’éta-
blit lorsque les électrons sont répartis uniformément dans la molécule, de sorte
qu’aucune partie ne prend une charge électrique nette. Ces composés ne sont
pas solubles dans l’eau ; ils n’ont pas d’affinité pour l’eau et sont ainsi qualifiés
d’hydrophobes. Pour prendre un exemple simple, l’huile d’olive est une substance
hydrophobe. L’huile et l’eau ne se mélangent pas. Plus généralement, les lipides
représentent un type de molécules insoluble dans l’eau, jouant un rôle important
dans la structure des membranes biologiques. Les lipides de la membrane du
neurone contribuent au potentiel de repos et au potentiel d’action en formant
une barrière, qui s’oppose au passage des ions solubles dans l’eau et, en fait, de
l’eau elle-même.
Les principaux constituants des membranes cellulaires sont les phospholi-
pides. Comme les autres lipides, les phospholipides se composent de longues
chaînes non polaires d’atomes de carbone liés à des atomes d’hydrogène. De plus,
les phospholipides comportent à une extrémité de la molécule un groupement
phosphate polaire (un atome de phosphore lié à trois atomes d’oxygène). Les
phospholipides présentent ainsi une « tête » polaire hydrophile et une « queue »
non polaire hydrophobe.
La membrane neuronale est constituée d’une double couche de molécules de
phospholipides. La coupe transversale de la membrane illustrée par la figure 3.3,
montre que les têtes hydrophiles font face à l’environnement aqueux interne et
externe, tandis que les longues chaînes hydrophobes se font face. Cette organi-
sation stable est dite en bicouche de phospholipides ; elle isole effectivement le
cytosol du neurone du milieu extracellulaire.

Figure 3.3 – Bicouche de phospholipides
La bicouche de phospholipides constitue l’élément principal de la structure de la membrane de la
cellule nerveuse et forme une barrière au passage des ions solubles dans l’eau.

Groupements phosphate
représentant la « tête »
polaire

Chaînes hydrocarbonées
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constituant une « queue »


non polaire
Extérieur de la cellule

Bicouche
de phospholipides

Intérieur de la cellule

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3 – Membrane du neurone au repos 61

Protéines
Le type des molécules protéiques et leur distribution cellulaire différen-
cient les neurones des autres types de cellules. Les enzymes, qui catalysent les
réactions chimiques dans le neurone, le cytosquelette, qui donne au neurone sa
forme particulière, les récepteurs, sensibles aux neurotransmetteurs : tous ces
constituants cellulaires se composent de molécules protéiques. Le potentiel de
repos et le potentiel d’action dépendent aussi de protéines particulières qui sont
incor­porées dans la membrane et traversent la bicouche de phospholipides. Ces
protéines représentent des voies de passage sélectif que les ions utilisent pour
traverser la membrane.
Structure des protéines.  Pour accomplir leurs nombreuses fonctions dans
le neurone, les protéines présentent une grande variété de forme, de taille et de
caractéristiques chimiques. Avant d’aborder leur diversité, il paraît nécessaire de
revenir brièvement sur la structure de ces protéines.
Comme on l’a vu dans le chapitre 2, les protéines sont des combinaisons de
20 acides aminés différents. La figure 3.4a illustre la structure de base d’un acide
aminé. Tous les acides aminés ont un atome central de carbone (le carbone α),
lié par covalence avec quatre groupes de molécules : un atome d’hydrogène, un
groupement aminé (NH3+), un groupement carboxyl (COO–) et un groupement
variable appelé le groupement R (R pour résidu). Les différences entre acides
aminés proviennent de la taille et de la nature de ces groupements R (Fig. 3.4b).
Les propriétés du groupement R déterminent les réactions chimiques auxquelles
chaque acide aminé peut participer.
La synthèse des protéines se fait dans les ribosomes, au niveau du corps
cellulaire. Dans ce processus, les acides aminés sont assemblés en une chaîne
formée par des liaisons peptidiques, qui associent le groupement aminé d’un
acide aminé au groupement carboxyl du suivant (Fig. 3.5a). Les protéines se
composant d’une seule chaîne d’acides aminés sont également dénommées
polypeptides (Fig. 3.5b).
La figure 3.6 illustre les quatre niveaux de structure d’une protéine. La struc-
ture primaire est comme une chaîne, dans laquelle les groupements R d’acides
aminés sont liés par des liaisons peptidiques. Cependant, tandis que la molé-
cule protéique est synthétisée, la chaîne polypeptidique peut s’enrouler en une
spirale appelée hélice alpha. L’hélice alpha est un exemple de structure secon-
daire d’une molécule protéique. Au sein des groupements R, les interactions
peuvent ­provoquer des modifications encore plus poussées de la morphologie
tridimensionnelle de la molécule. Ainsi, les protéines peuvent se courber, se plier
et prendre une forme globulaire. Cette forme particulière, propre à chaque pro­
téine, est qualifiée de structure tertiaire. Enfin, différentes chaînes de polypeptides
peuvent s’associer pour former une molécule plus importante : cette protéine
présente alors une structure quaternaire. Dans ce cas, chacun des polypeptides
entrant dans la composition d’une protéine comportant une structure quater-
naire est qualifié de sous-unité.
Protéines canaux.  La surface exposée d’une protéine peut être chimique-
ment hétérogène. Les parties présentant des groupements R non polaires exposés
sont de caractère hydrophobe et auront tendance à s’associer rapidement avec
les lipides. Les régions comportant des groupements R polaires exposés sont de
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caractère hydrophile et auront tendance à éviter l’environnement de lipides. En


conséquence, il est facile d’imaginer des types de protéines en forme de bâtonnet,
avec des groupements polaires à chaque extrémité et des groupements hydro-
phobes seulement au centre de la molécule. Lorsqu’il est incorporé dans une
bicouche de phospholipides, ce type de protéines voit donc sa partie hydrophobe
tournée vers l’intérieur de la membrane et ses deux pôles hydrophiles exposés à
l’environnement aqueux, de part et d’autre de la membrane.
Les canaux ioniques se forment à partir de molécules protéiques de ce type, qui
traversent la membrane. De façon caractéristique, un canal fonctionnel à travers
la membrane correspond à un assemblage de 4 à 6 molécules protéiques sem-
blables, qui forment un pore (Fig. 3.7). La composition des sous-unités varie d’un
type de canal à l’autre et détermine aussi leurs propriétés spécifiques. La sélectivité

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62 1 – Bases cellulaires

H
+H –
3N C COO

(a)

Acides aminés présentant des groupements R hydrophobes

H H H H H
+H – +H C COO– +H – +H – +H –
3N C COO 3N 3N C COO 3N C COO 3N C COO
CH CH2 H C CH3 CH2 CH2
H3C CH3 CH CH2 CH2
H3C CH3 CH3 S
CH3

Valine Leucine Isoleucine Phénylalanine Méthionine


(Val) (Leu) (Ile) (Phe) (Met)

Acides aminés présentant des groupements R hydrophiles

H H H H H H H
+H – +H – +H – +H – +H – +H – +H C COO–
3N C COO 3N C COO 3N C COO 3N C COO 3N C COO 3N C COO 3N

CH2 CH2 CH2 CH2 CH2 CH2 CH2


+
COO– CH2 C CH2 CH2 CH2 C NH
H2N O C CH2 CH2 CH
COO–
H2N O CH2 NH C N
H H
NH3+ C NH3+
NH2
Acide Acide
aspartique glutamique Asparagine Glutamine Lysine Arginine Histidine
(Asp) (Glu) (Asn) (Gln) (Lys) (Arg) (His)

Autres acides aminés

H H H H H H H H
+H +H C COO–
3N
+H – +H – +H – +H – +H – +H – –
3N C COO 3N C COO 3N C COO 3N C COO 3N C COO 3N C COO 2N C COO
H CH3 CH2 CH2 H C OH CH2 H2C CH2 CH2
SH OH CH3 CH2 C CH

NH

OH

Glycine Alanine Cystéine Sérine Thréonine Tyrosine Proline Tryptophane


(Gly) (Ala) (Cys) (Ser) (Thr) (Tyr) (Pro) (Trp)

(b)

Figure 3.4 – Acides aminés, éléments de base de la structure des protéines


(a) Chaque acide aminé présente un carbone central (α), un groupement amine (NH3+) et un groupement carboxyl (COO–). Les acides aminés diffèrent
entre eux par la structure d’un groupement variable R. (b) Les 20 acides aminés entrant dans la composition des protéines neuronales.
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ionique, déterminée par le diamètre du pore et la nature des groupements R qui les
tapissent, est une des propriétés importantes de la plupart des canaux ioniques. Il
existe des canaux potassiques, qui sont sélectivement perméables aux ions K+. De
même, les canaux sodiques sont perméables aux ions Na+, les canaux calciques
aux ions Ca2+ et ainsi de suite. Le mécanisme d’ouverture (ou d’activation) des
canaux ioniques (en anglais gating) est une autre propriété importante de la plu-
part de ces canaux. Les canaux qui possèdent cette propriété peuvent s’ouvrir ou
se fermer, en d’autres termes faire fonctionner ce mécanisme d’ouverture, selon
des modifications du microenvironnement local de la membrane.
Ce thème très important sera approfondi dans les chapitres suivants, mais
il est d’ores et déjà essentiel de retenir que la compréhension du rôle des canaux
ioniques dans la membrane neuronale est la clé de la neurophysiologie cellulaire.

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3 – Membrane du neurone au repos 63

Liaison peptidique

H R2 H R2 H R4
+H
3N C C N C COO– +H
3N C C N C C N C C N C COO–

R1 O H R1 O H H O H R3 O H H

(a) (b)

Figure 3.5 – Liaison peptidique et polypeptides.


(a) La liaison peptidique est à la base de l’association entre eux des acides aminés. La liaison se forme entre le groupement carboxyl d’un acide aminé
et la fonction amine d’un autre. (b) Un polypeptide est constitué d’une simple chaîne d’acides aminés.

Acides aminés

Sérine

Sérine

Leucine

(a)
(c)
Sous-unités
Hélice α

(b)
Figure 3.6 – Structure des protéines.
(a) Structure primaire : elle est représentée par la séquence des acides ami-
nés constituant le polypeptide. (b) Structure secondaire : enroulement du
polypeptide en hélice α. (c) Structure tertiaire : repliement tridimensionnel
du polypeptide. (d) Structure quaternaire : plusieurs polypeptides s’asso-
(d)
cient pour former une protéine plus grosse (polymère).

Milieu extracellulaire

Sous-unité
polypeptidique
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Figure 3.7 – Structure du canal ionique mem­


branaire.
Les canaux ioniques sont constitués par
des protéines insérées dans la membrane
qui s’assemblent entre elles pour former un
pore. Dans cet exemple, le canal est constitué
par une protéine formée de cinq sous-unités
polypeptidiques. Chacune de ces sous-unités
Cytosol Bicouche présente une région hydrophobe (zone grisée)
de phospholipides qui s’associe étroitement avec la bicouche de
phospholipides.

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64 1 – Bases cellulaires

Pompes ioniques. En plus des protéines formant les canaux, il en existe


d’autres qui traversent aussi les membranes et s’assemblent pour produire des
pompes ioniques. Souvenez-vous dans le chapitre 2 nous avons mentionné que
l’adénosine triphosphate (l’ATP) représente la source d’énergie de la cellule.
En fait, ces molécules sont des enzymes qui utilisent l’énergie produite par
l’hydrolyse de l’ATP pour faire passer certains ions à travers la membrane ;
ces pompes jouent un rôle crucial dans le signal neuronal en transportant les
Na+
ions Na+ ou Ca2+ de l’intérieur du neurone vers l’extérieur.

Cl– Mouvement des ions


Un canal traversant la membrane est comme un pont enjambant une rivière
(ou, dans le cas d’un canal à ouverture régulée, comme un pont-levis) : il permet le
passage d’un côté à l’autre. Cependant, le franchissement du pont n’est pas obli-
(a) gatoire : utilisé pendant la semaine pour faire la navette entre son domicile et son
travail, le pont peut ne pas servir pendant le week-end. Les canaux ioniques de
la membrane peuvent être considérés de façon similaire. La présence d’un canal
ouvert dans la membrane ne signifie pas nécessairement qu’il y ait un mouvement
précis des ions à travers la membrane. Un tel mouvement des ions implique aussi
Na+ l’intervention de forces externes conditionnant le fonctionnement du système
­nerveux. Deux facteurs essentiels contrôlent les déplacements des ions à travers
les canaux : la diffusion et les propriétés électriques de la membrane.

Cl– Diffusion
Les ions et les molécules en solution dans l’eau sont constamment en mou-
vement. Ce mouvement erratique dépendant de la température a cependant
tendance à répartir les ions uniformément dans la solution. Ainsi se forme un
(b)
mouvement d’ions, depuis les régions de forte concentration vers les régions de
plus faible concentration ; ce mouvement s’appelle la diffusion. Pour prendre un
exemple concret, si on ajoute une cuillère de lait dans une tasse de thé chaud, le
lait va tendre à se diluer uniformément dans le thé. Si l’énergie thermique de la
dissolution diminue, comme avec du thé glacé, la diffusion des molécules de lait
Na+ Na+ sera considérablement plus longue.
Bien que les ions ne soient pas de nature à traverser directement la bicouche de
phospholipides, la diffusion va tendre à les pousser à travers les canaux situés dans
la membrane. Par exemple, si NaCl est en solution dans le milieu d’un seul côté
Cl– Cl–
d’une membrane comportant des canaux qui permettent le passage de Na+ et Cl–,
les ions Na+ et Cl– vont traverser jusqu’à ce qu’ils soient uniformément répartis
des deux côtés de la membrane (Fig. 3.8). Comme dans l’exemple précédent, le
lait dans le thé, les ions vont se déplacer clairement d’une région de forte concen-
(c) tration vers une région de faible concentration (voir pour révision l’Encadré 3.1
sur les mesures de concentration). La différence entre les concentrations s’appelle
Figure 3.8 – Diffusion.
(a) Une solution de NaCl a été dissoute dans
la partie gauche d’un compartiment séparé Encadré 3.1 BASES THÉORIQUES
par une membrane imperméable. La taille
des lettres Na+ et Cl– indique la concentra-
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tion relative de ces ions. (b) Des canaux per-


mettant le passage des ions Na+ et Cl– ont Révision des moles et de la molarité
été insérés dans la membrane. À cause de
la forte différence de concentration (gradient La concentration des substances Une solution millimolaire (1  mM)
de concentration) existant entre les deux représente le nombre de molécules contient 0,001 mole par litre. L’abré­
compartiments, les ions Na+ et Cl– vont pas- par litre de solution. Le nombre de viation qui représente la concen­
ser des régions de forte concentration vers molécules est exprimé généralement tration s’écrit conventionnel­ lement
les régions de plus faible concentration, de
en moles. Une mole représente entre crochets. [NaCl] = 1 mM et se
la gauche vers la droite. (c) En l’absence
6,02 × 1023 molécules. Une solution lit : « La concentration de la solution
d’autres facteurs, le déplacement des ions
à travers la membrane cessera lorsque les est dite molaire (1 M) lorsque la de NaCl est de 1 milli­molaire ».
concentrations de part et d’autre de cette concentration est d’une mole par litre.
membrane perméable seront égales.

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3 – Membrane du neurone au repos 65

le gradient de concentration. Le mouvement des ions s’effectue selon un gradient


de concentration. La diffusion des ions à travers la membrane nécessite donc (1)
l’existence dans la membrane de canaux perméables aux ions et (2) la présence
d’un gradient de concentration à travers la membrane.

Propriétés électriques de la membrane


Au-delà de la diffusion selon un gradient de concentration, un autre moyen Générateur
de générer un déplacement des ions dans une solution est d’imposer un champ
électrique car les ions sont des particules chargées d’électricité. Sur la figure 3.9, + –
les deux fils d’une batterie sont placés dans une solution contenant des ions
NaCl dissous. Souvenez-vous que des charges opposées s’attirent et des charges
semblables se repoussent. Il y aura donc un mouvement de Na+ vers le pôle néga-
tif (la cathode) et de Cl– vers le pôle positif (l’anode). L’amplitude du déplace- Na+ Cathode
ment des charges électriques correspond au courant électrique ; il est représenté (Cation)
par le symbole I et il est exprimé en unités appelées ampères (amps). Selon la + –
définition donnée par Benjamin Franklin, le courant est considéré comme posi-
tif dans la direction du déplacement des charges positives. Par conséquent, dans Anode Cl–
l’exemple ci-dessus, le courant positif passe dans la direction du mouvement des (Anion)
ions Na+, de l’anode vers la cathode.
Deux facteurs importants déterminent l’amplitude du courant : le voltage
et la conductance électrique. Le voltage (ou différence de potentiel) est la force
exercée sur une particule chargée et reflète la différence de charge entre l’anode
et la cathode. Plus cette différence de potentiel est grande, mieux le courant pas- Figure 3.9  – Déplacement des ions sous
l’effet d’un champ électrique.
sera. Le voltage est représenté par la lettre V et il est exprimé en unités appelées
volts. Pour donner un exemple, la différence de potentiel électrique entre les deux
bornes d’une batterie de voiture est de 12 volts ; c’est-à-dire que le potentiel élec-
trique d’une des bornes est plus positif de 12 volts que celui de l’autre.
La conductance électrique mesure la capacité de passage de la charge élec-
trique d’un point à un autre. Elle est représentée par le symbole g et calculée en
unités appelées siemens (S) ; la conductance dépend du nombre de particules
disponibles pour transporter la charge électrique et de la faculté de ces particules
à se déplacer dans l’espace. La résistance est une autre façon de désigner la même
propriété ; elle calcule la difficulté que rencontre une charge électrique pour se
déplacer. Elle est représentée par le symbole R et calculée en unités appelées
ohms (Ω). La résistance est simplement l’inverse de la conductance (R = 1/g).
Il existe une relation simple entre la différence de potentiel (V), la conduc-
tance (g) et la quantité de courant (I) qui passera. Cette relation, connue sous
le nom de loi d’Ohm, se formule ainsi : I = gV. Le courant est le produit de la
conductance et de la différence de potentiel. Si la conductance est nulle, le cou-
rant ne passera pas, y compris si la différence de potentiel est très grande. De
même, si la différence de potentiel est égale à zéro, le courant ne passera pas,
même si la conductance est très grande.
La figure 3.10a illustre l’expérience suivante : des ions NaCl dissous sont en
concentration égale de part et d’autre d’une bicouche de phospholipides. Si les
deux fils d’une batterie sont plongés dans les deux solutions présentes de part et
d’autre de la membrane, une grande différence de potentiel est générée à travers
la membrane. Cependant le courant ne passera pas car il n’y a pas de voies de
passage qui permettent la migration de Na+ et Cl– à travers la membrane ; la
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conductance de la membrane est nulle. Pour conduire électriquement un ion


à travers la membrane, il est donc nécessaire (1) que la membrane possède des
canaux perméables à cet ion et (2) qu’il existe une différence de potentiel élec-
trique entre les deux côtés de la membrane (Fig. 3.10b).
La situation s’établit alors de la façon suivante : des ions chargés d’électri-
cité sont en solution de part et d’autre de la membrane neuronale ; les ions ne
peuvent traverser la membrane qu’au moyen des canaux protéiques ; les canaux
protéiques peuvent être très sélectifs pour des ions spécifiques ; le déplacement
de chaque ion dans son canal dépend du gradient de concentration et de la
différence de potentiel électrique à travers la membrane. Ainsi, à partir de ces
connaissances élémentaires, les bases du potentiel de repos peuvent être établies.

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66 1 – Bases cellulaires

Figure 3.10 – Courant électrique traversant


la membrane.
(a) Si un champ électrique est appliqué
+ – + –
entre deux compartiments séparés par une
membrane constituée d’une simple bicouche
de phospholipides, aucun courant sera
mesuré entre les deux compartiments. Aucun Na+ Na+ Na+
mouvement de particules chargées électri-
quement pourra intervenir car la membrane + – + –
est imperméable aux ions. La conductance de
cette membrane est nulle. (b) L’insertion de
canaux dans la membrane permet le mouve- Cl– Cl– Cl–
ment des ions. Dans ces conditions, un cou-
rant électrique est mesuré dans la direction du
déplacement des cations (de la gauche vers la
droite, dans cet exemple).
(a) Pas de courant (b) Courant électrique

Bases ioniques
du potentiel de repos
Le potentiel de membrane — ou voltage de la membrane — d’un neurone est
représenté par le symbole Vm. Il peut être mesuré en introduisant une micro­
électrode dans le cytosol. Une microélectrode est le plus souvent constituée d’un
tube de verre très fin, possédant une extrémité effilée obtenue par étirage à chaud
(0,5 µm de diamètre) qui pénètre dans la membrane d’un neurone avec le mini-
mum de lésion. Ce tube est rempli d’une solution conductrice de l’électricité et
connecté à un appareil appelé voltmètre. Le voltmètre mesure la différence de
potentiel entre l’extrémité de cette microélectrode et une deuxième électrode pla-
cée en dehors de la cellule (Fig. 3.11). Cette méthode permet de montrer que la
charge électrique n’est pas équivalente de part et d’autre de la membrane neuro-
nale. L’intérieur du neurone est négatif par rapport à l’extérieur. Cette différence
constante représente le potentiel de repos et se maintient tant que le neurone ne
génère pas de potentiel d’action.

Voltmètre

Terre
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Microélectrode

Figure 3.11 – Mesure du potentiel de repos.


Un voltmètre mesure la différence de poten-
tiel entre l’extrémité d’une électrode placée à
l’intérieur de la cellule et une autre électrode
placée dans le milieu extracellulaire. Typique-
ment, l’intérieur du neurone est négatif par – +
rapport à l’extérieur ; la valeur du potentiel de – +
repos étant de l’ordre de – 65 mV. Ce potentiel – +
est lié à l’existence d’une différence de dis-
– +
tribution des charges électriques de part et
– +
d’autre de la membrane (zone agrandie).

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3 – Membrane du neurone au repos 67

En général, le potentiel de membrane d’un neurone au repos est d’envi- Intérieur Extérieur
ron – 65  millivolts (1 mV = 0,001 volts). Ce potentiel de repos négatif de la de la cellule de la cellule
membrane interne du neurone, Vm = – 65 mV, est une des conditions indispen-
sables au fonctionnement du système nerveux. L’origine de ce potentiel négatif

K+
de la membrane est liée à la nature des ions en présence et à la façon dont ils se
répartissent à l’intérieur et à l’extérieur du neurone. K+

Potentiels d’équilibre
Considérons une cellule hypothétique dont l’intérieur est séparé de l’exté-
rieur par une membrane de phospholipides pure, ne comportant aucune proté-
A– A–

ine. L’intérieur de la cellule contient une solution concentrée de sel de potassium,


libérant des ions K+ et A– (A– pour anion, c’est-à-dire toute molécule possédant
une charge négative). À l’extérieur de la cellule se trouve une solution constituée
du même sel, mais diluée vingt fois plus dans l’eau. Bien qu’il existe un gradient (a)
de concentration important entre l’intérieur de la cellule et l’extérieur, il n’y aura
pas de déplacement des ions car l’absence de canaux protéiques dans la bicouche
de phospholipides la rend imperméable aux atomes hydrophiles chargés électri- – +
quement. Dans ces conditions, une microélectrode n’enregistrerait aucune diffé-
rence de potentiel entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule. En d’autres termes, K+ K+
Vm serait égal à 0 mV car le rapport de K+ à A– de chaque côté de la membrane
est de 1 ; les deux solutions sont électriquement neutres (Fig. 3.12a). – +
Cette situation serait très différente si des canaux potassiques étaient insérés
dans la bicouche de phospholipides. En raison de la perméabilité sélective de ces A– A–
canaux, les ions K+ passeraient librement à travers la membrane, mais pas les A–.
Dans ce cas, au début, la diffusion s’établit ainsi : les ions K+ passent à travers les – +
canaux, de l’intérieur vers l’extérieur de la cellule, selon le gradient de concentra-
tion tendant à équilibrer les concentrations en ions K+ de part et d’autre de la (b)
membrane. Cependant, comme les ions A– ne suivent pas, l’intérieur de la cellule
concentré en A– commence immédiatement à devenir négatif et une différence
de potentiel s’établit à travers la membrane (Fig. 3.12b). Au fur à mesure que le – +
milieu intérieur devient vraiment négatif, la force électrique s’oppose au flux – +
ionique lié au gradient de concentration et tend alors à maintenir les ions K+ à
l’intérieur de la cellule. Quand une certaine différence de potentiel est atteinte, la
K+ – +
K+

force électrique qui ramène les ions K+ à l’intérieur équilibre exactement la force – +
A–
de diffusion qui les pousse à l’extérieur. Un état d’équilibre se crée, dans lequel les
– + A–
forces électrique et de diffusion sont opposées et égales, et dans ces conditions le
déplacement des ions K+ à travers la membrane s’arrête (Fig. 3.12c). Le potentiel – +
d’équilibre ionique, ou plus simplement potentiel d’équilibre, est la différence de – +
potentiel qui compense exactement un gradient de concentration ionique ; il est – +
représenté par le symbole Eion. Dans l’exemple ci-dessus relatif aux ions potas-
(c)
siques, le potentiel d’équilibre sera d’environ – 80 mV.
L’exemple illustré par la figure 3.12 montre qu’il est assez facile de générer Figure 3.12 – Établissement d’un équilibre
une différence de potentiel constante à travers la membrane. Un gradient de au travers d’une membrane sélectivement
concentration ionique et une perméabilité ionique sélective sont des éléments perméable.
suffisants. Avant d’examiner ce qui se passe avec de véritables neurones, quatre (a) Une membrane imperméable sépare deux
remarques importantes peuvent être faites à partir de cet exemple. compartiments dont l’un contient une très forte
concentration de sels (« intérieur ») et l’autre une
1. De grandes variations du potentiel membranaire sont le résultat de très faibles faible concentration (« extérieur »). (b) L’inser-
modifications de la concentration ionique. Dans l’exemple de la figure 3.12,
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tion dans cette membrane de canaux sélective-


l’insertion des canaux potassiques a permis l’écoulement des ions K+ hors de ment perméables aux ions K+ induit d’abord un
la cellule jusqu’à ce que le potentiel membranaire passe de 0 mV au potentiel déplacement de ces ions du compartiment le
d’équilibre de ces ions, c’est-à-dire – 80 mV. Cependant, il est notable que plus concentré vers le moins concentré, selon
cette redistribution ionique n’a affecté que faiblement les concentrations de le gradient de concentration ; ici de la gauche
K+ de part et d’autre de la membrane. Pour une cellule de 50 µm de diamètre, vers la droite. (c) L’accumulation des charges
contenant 100 mM de K+, il peut être établi qu’une modification de concen- positives à l’extérieur et de charges négatives
à l’intérieur tend à ralentir le déplacement des
tration d’environ 0,00001 mM est suffisante pour faire passer la membrane
ions K+ de l’intérieur vers l’extérieur. Un équi-
de 0 à – 80 mV. C’est-à-dire que, lorsque les canaux ont été insérés et que les
libre s’établit de telle façon que le déplacement
ions K+ ont migré jusqu’au point d’équilibre, la concentration interne de K+ des ions à travers la membrane s’arrête, contri-
est passée de 100 mM à 99,99999 mM, ce qui représente une différence de buant alors à établir une différence de charge
concentration négligeable. électrique entre les deux côtés.

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68 1 – Bases cellulaires

Égal Égal Égal 2. La différence de charge électrique s’opère à la fois sur les surfaces interne et
+,– +,– +,– externe de la membrane. La bicouche de phospholipides est si fine (moins de
5 nm d’épaisseur) qu’une interaction de type électrostatique s’opère entre les
+ – + – + – + – ions situés de chaque côté. De fait, la membrane peu conductrice se com-
– + – + + porte comme une capacité électrique. Ainsi, les charges négatives à l’intérieur
+ + –
– + du neurone et les charges positives à l’extérieur sont mutuellement attirées
+ – +
– – + – + vers la membrane cellulaire, un peu comme, par une chaude soirée d’été, les
+ moustiques sont attirés vers une fenêtre par une lampe éclairée de l’intérieur.
– + – + –
+ –
– – De même, la charge négative à l’intérieur de la cellule n’est pas distribuée de
+ – + – +
+ + – façon uniforme dans le cytosol : elle est plutôt localisée sur la face interne de
– +
+ – + + – la membrane (Fig. 3.13). Cette propriété de la membrane s’appelle la capa-
– + +
– citance.
+ – – + – + –
– + – 3. La quantité d’ions transportés ainsi que la vitesse de transport des ions à travers
– + – + –
la membrane sont proportionnelles à la différence entre le potentiel membra-
Cytosol Milieu naire et le potentiel d’équilibre. Comme cela apparaît sur la figure 3.12, une
extracellulaire fois les canaux insérés, le mouvement de K+ ne s’établit que si le potentiel
Membrane
membranaire et le potentiel d’équilibre diffèrent. La différence entre le poten-
Figure 3.13 – Distribution des charges élec­ tiel membranaire réel et le potentiel d’équilibre (Vm – Eion) pour un ion parti-
triques de part et d’autre de la membrane. culier s’appelle la force électromotrice. Ce thème sera à nouveau abordé dans
Parce que la membrane est extrêmement fine, les chapitres 4 et 5, en étudiant le déplacement des ions à travers la membrane
les charges situées de part et d’autre sont en au cours du potentiel d’action et de la transmission synaptique.
interaction électrostatique ; ceci contribue à
favoriser la distribution des charges électriques 4. Quand, pour un ion particulier, la différence de concentration entre les deux
de chaque côté de la membrane, l’intérieur côtés de la membrane est connue, il est facile de calculer le potentiel d’équi-
étant négatif par rapport à l’extérieur. Dans ces libre. Dans l’exemple de la figure 3.12, la concentration de K+ était supposée
conditions, tant le cytosol que le milieu extra- plus importante à l’intérieur de la cellule qu’à l’extérieur. En partant de cette
cellulaire est électriquement neutre. donnée, il a pu être déduit que le potentiel d’équilibre serait négatif si les
membranes étaient sélectivement perméables à K+. Pour prendre un autre
exemple, avec une concentration de Na+ plus forte à l’extérieur de la cellule
(Fig. 3.14), si la membrane contenait des canaux sodiques, Na+ s’écoulerait
selon le gradient de concentration vers l’intérieur de la cellule. L’entrée d’ions
chargés positivement amènerait le cytosol situé près de la surface interne
de la membrane à se charger positivement. L’intérieur de la cellule, chargé
positivement, ralentirait alors le flux des ions Na+ en tendant à les ramener
en arrière, à travers les canaux. À une différence de potentiel donnée, la force
électrique qui repousse les ions Na+ compenserait exactement la force de
diffusion qui les pousse à l’intérieur. Dans cet exemple, le potentiel membra-
naire à l’équilibre serait positif à l’intérieur de la cellule.
Les exemples des figures 3.12 et 3.14 démontrent que, si la différence de
concentration ionique à travers la membrane est connue, il est alors possible de
calculer le potentiel d’équilibre pour chaque ion. Supposons que la concentra-
Figure 3.14 – Autre exemple d’établissement tion des ions Ca2+ soit plus élevée à l’extérieur de la cellule et que la membrane
d’un équilibre au travers d’une membrane soit sélectivement perméable à Ca2+. Peut-on dire si l’intérieur de la cellule sera
sélectivement perméable. positif ou négatif au point d’équilibre ? Qu’en est-il par ailleurs en supposant
(a) Une membrane imperméable sépare deux
que la membrane soit sélectivement perméable à Cl– et que la concentration de
compartiments, l’un de forte concentration en
sels (« extérieur »), l’autre de faible concen-
tration (« intérieur »). (b) L’insertion dans la
membrane de canaux sélectivement per-
Intérieur Extérieur
méables aux ions Na+ résulte initialement en
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de la cellule de la cellule
un déplacement des ions Na+ au travers de
la membrane, selon le gradient de concentra-
tion ; ici, de la droite vers la gauche. (c) L’ac- + – + –
+ –
cumulation de charges positives à l’intérieur Na+
et de charges négatives à l’extérieur, tend à
Na+ Na+ Na+ Na+ Na+
ralentir le mouvement des ions Na+ de l’ex- + –
térieur vers l’intérieur. Un équilibre s’établit + – + –
alors, de telle manière que le déplacement A– + –
A– A– A– A– –
des ions Na+ s’arrête, conduisant à l’établis- + – A
sement d’une différence de charges entre les + –
+ –
deux côtés de la membrane ; dans ce cas, + –
l’intérieur de la cellule est chargé positivement
par rapport à l’extérieur. (a) (b) (c)

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3 – Membrane du neurone au repos 69

Cl– soit plus forte à l’extérieur de la cellule ? (dans ces exemples, attention à la
charge ionique !).
Les exemples précédents montrent qu’il existe un potentiel d’équilibre pour
chaque ion, correspondant au potentiel de membrane qui serait obtenu si les
membranes n’étaient perméables qu’à cet ion seulement. Ainsi peut-on parler
du potentiel d’équilibre du potassium, EK ; du potentiel d’équilibre du sodium,
ENa ; du potentiel d’équilibre du calcium, ECa, etc. Enfin, connaissant la charge
électrique d’un ion et la différence de concentration entre les deux côtés de la
membrane, il est possible de déduire que l’intérieur de la cellule sera positif ou
négatif au point d’équilibre. En fait, la valeur exacte du potentiel d’équilibre en
mV peut être calculée en utilisant une équation basée sur des principes de chimie
physique, l’équation de Nernst, qui prend en compte la charge de l’ion, la tem-
pérature et le rapport entre les concentrations ioniques intérieure et extérieure.
L’équation de Nernst permet de calculer la valeur du potentiel d’équilibre d’un
ion donné. Par exemple, si la concentration de K+ est 20 fois plus élevée à l’inté-
rieur d’une cellule par rapport à la concentration externe, l’équation de Nernst
s’écrit : EK = – 80 mV (Encadré 3.2).

Encadré 3.2 BASES THÉORIQUES

L’équation de Nernst
On peut calculer le potentiel d’équilibre d’un ion en À la température du corps (37 °C), l’équation de
utilisant l’équation de Nernst : Nernst pour les ions les plus importants, K+ , Na+, Cl– et
RT [ ion ]e Ca2+, s’écrit plus simplement :
E ion = 2,303 log [ K + ]e
zF [ ion ]i E k = 61,54 mV log +
[ K ]i
dans laquelle :
[ Na + ]e
Eion = potentiel d’équilibre de l’ion E Na = 61,54 mV log
[ Na + ]i
R = constante gazeuse
[ Cl − ]e
T = température absolue E Cl = − 61,54 mV log
[ Cl − ]i
z = charge de l’ion
[ Ca 2 + ]e
F = constante de Faraday E Ca = 30,77 mV log
[ Ca 2 + ]i
log = logarithme de base 10
[ion]e = concentration ionique à l’extérieur de la cel- Pour calculer le potentiel d’équilibre d’un ion donné
lule à la température du corps, il suffit par conséquent de
[ion]i = concentration ionique à l’intérieur de la cel- connaître les concentrations ioniques de part et d’autre
lule de la membrane. Par exemple, dans la figure 3.12, il est
stipulé que la concentration de K+ est dix fois plus élevée
L’équation de Nernst repose sur les principes de à l’intérieur de la cellule qu’à l’extérieur :
base de la chimie physique. Rappelons que le point
De ce fait, si
d’équilibre résulte de deux influences : la diffusion, qui [ K + ]e 1 1
assure le mouvement des ions selon le gradient de =  et log = − 1,3
[ K + ]i 20 20
concentration, et la charge électrique par laquelle les
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ions de charge opposée sont attirés et ceux de charge de alors EK = 61,54 mV × – 1,3 = – 80 mV.
même type, repoussés. L’élévation de l’énergie ther- Notez que, dans l’équation de Nernst, il n’y a pas de
mique de chaque particule accroît la diffusion et, par prise en compte de la perméabilité ou de la conductance
voie de conséquence, la différence de potentiel obtenue ionique. De ce fait, calculer la valeur de Eion ne nécessite pas
au point d’équilibre. Eion est donc proportionnel à T. que l’on connaisse le niveau de perméabilité ou de sélectivité
Par ailleurs, l’augmentation de la charge électrique de de la membrane pour l’ion en question. Il existe un potentiel
chaque particule diminue la différence de potentiel d’équilibre pour chaque ion présent au niveau du milieu
nécessaire pour équilibrer la diffusion. Eion est donc intra et extracellulaire. Eion représente le potentiel de
inversement proportionnel à la charge de l’ion (z) ; il membrane qui compense tout juste le gradient de concen-
n’est pas nécessaire de tenir compte de R et F, qui sont tration de cet ion, de telle manière qu’aucun courant ionique
des constantes. ne soit généré si la membrane est perméable à cet ion.

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70 1 – Bases cellulaires

Distribution des ions de part


et d’autre de la membrane
Nous avons montré que le potentiel de la membrane neuronale dépend de la
concentration ionique de part et d’autre de la membrane. La figure 3.15 donne
des évaluations de ces concentrations. Il faut noter que la concentration de K+
est plus forte à l’intérieur des neurones, alors que celles de Na+ et Ca2+ sont plus
fortes à l’extérieur.
Comment se forment ces gradients de concentration ? Les gradients de
concentration ionique sont établis par l’intermédiaire de pompes ioniques situées
dans la membrane neuronale. Deux types de pompes ioniques sont particulière-
ment importants en neurophysiologie cellulaire : la pompe sodium-potassium et
la pompe calcium. La pompe sodium-potassium est une enzyme qui hydrolyse de
l’ATP en présence d’ions Na+ à l’intérieur de la cellule. L’énergie libérée par cette
réaction actionne la pompe qui échange des ions Na+ internes pour des ions K+
externes. L’activité de la pompe maintient la concentration de K+ à l’intérieur du
neurone et celle de Na+ à l’extérieur. Il faut remarquer que la pompe repousse
ces ions à travers la membrane contre leur gradient de concentration (Fig. 3.16)
et que cette action nécessite un apport d’énergie important. Ainsi a-t-on pu cal-
culer que la pompe sodium-potassium consomme près de 70 % de la quantité
totale d’ATP utilisée dans le cerveau.

Milieu
extérieur Milieu intérieur
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Rapport Eion
Milieu extérieur Milieu intérieur
extérieur/intérieur (à 37 °C)

[K+]e = 5 mM [K+]i = 100 mM 1:20 – 80 mV


[Na+]e = 150 mM [Na+]i = 15 mM 10:1 62 mV
[Ca2+]e = 2 mM [Ca2+]i = 0,0002 mM 10 000:1 123 mV
[Cl–]e = 150 mM [Cl–]i = 13 mM 11.5:1 – 65 mV

Figure 3.15 – Concentration des ions de part et d’autre de la membrane neuronale (concentra­


tions approximatives).
Eion représente le potentiel de membrane qui serait effectivement atteint (à la température du corps)
si la membrane était sélectivement perméable à cet ion.

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3 – Membrane du neurone au repos 71

Milieu Pompe sodium-potassium


extracellulaire

Na+
Na+ K+
K+
Na+
Na+
+
K+ Na+ K
Na+

Figure 3.16 – Pompe à sodium-potassium.
Cette protéine associée à la membrane trans-
Membrane
porte les ions à travers la membrane, contre
Cytosol un gradient de concentration. Elle utilise de
l’énergie pour effectuer ce transport.

La pompe calcium est aussi une enzyme, qui transporte activement les ions
Ca2+ en dehors du cytoplasme, à travers la membrane cellulaire. Des mécanismes
additionnels réduisent la concentration intracellulaire de calcium ionisé à un
niveau très faible (0,0002 mM), impliquant des protéines qui lient le calcium et
divers organites intracellulaires, tels que les mitochondries et les différents types
de reticulum endoplasmique qui séquestrent des ions calciques cytosoliques.
Les pompes ioniques sont les héros méconnus de la neurophysiologie cel-
lulaire ; elles travaillent à l’arrière-plan pour assurer l’existence et le maintien
des gradients de concentration ionique. Ces protéines n’ont pas le prestige des
canaux ioniques mais sans elles le cerveau ne pourrait pas fonctionner.

Perméabilité ionique relative de la membrane au repos


Les pompes établissent des gradients de concentration ionique à travers la
membrane. En connaissant les concentrations des ions de part et d’autre de la
membrane, l’équation de Nernst permet de calculer le potentiel d’équilibre des
différents ions (Fig. 3.15). Il faut cependant rappeler que le potentiel d’équilibre
d’un ion est le potentiel membranaire résultant de la perméabilité sélective de la
membrane à cet ion. En fait, les membranes des neurones ne sont pas perméables
à un type d’ions particulier mais bien à tout un ensemble de ces ions.
Supposons la présence d’ions K+ et Na+. Si la membrane d’un neurone était
seulement perméable aux ions K+, le potentiel membranaire serait égal à EK,
soit, selon la figure 3.15, – 80 mV. Par ailleurs, si la membrane du neurone était
seulement perméable aux ions Na+, le potentiel membranaire serait égal à ENa,
soit + 62 mV. Dans le cas où la membrane serait également perméable à K+ et
Na+, le potentiel membranaire serait par conséquent une moyenne de ENa et EK.
Mais que se passerait-il si la membrane était 40 fois plus perméable à K+ qu’à
Na+ ? Dans ce cas aussi, le potentiel membranaire se situerait entre ENa et EK,
mais plus près de EK que de ENa. Ceci est proche de ce qui se passe en réalité avec
les neurones. Le potentiel de la membrane au repos est de – 65 mV. Il est proche
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mais n’atteint pas les – 80 mV du potentiel d’équilibre du potassium. Ainsi donc,
bien que la membrane au repos soit fortement perméable à K+, cette différence
apparaît parce qu’il y a aussi un flux continu d’ions Na+ vers l’intérieur de la
cellule.
Le potentiel de la membrane au repos peut alors être calculé en utilisant
l’équation de Goldman, une formule mathématique qui tient compte de la per-
méabilité relative de la membrane à certains ions. Si on prend en compte seule-
ment les ions K+ et Na+, en utilisant les concentrations ioniques de la figure 3.15
et en supposant que la perméabilité de la membrane au repos à K+ est 40 fois
supérieure à la perméabilité à Na+, le résultat de l’équation de Goldman sera un
potentiel membranaire de repos égal à – 65 mV, ce qui correspond à la valeur
observée (Encadré 3.3).

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72 1 – Bases cellulaires

Encadré 3.3 BASES THÉORIQUES

L’équation de Goldman
Si la membrane d’un neurone était seulement per- Vm étant le potentiel membranaire, PK et PNa repré-
méable aux ions K+, le potentiel de repos serait égal à sentant respectivement les perméabilités relatives ; les
EK, soit environ – 80 mV. En réalité, le potentiel de repos autres termes étant les mêmes que ceux de l’équation de
de la membrane d’un neurone est d’environ – 65 mV. Nernst.
Cette différence s’explique par le fait que les neurones Si la perméabilité ionique de la membrane au repos
au repos ne sont pas exclusivement perméables aux pour K+ est 40 fois supérieure à celle de Na+, en uti-
ions K+ ; il existe aussi une certaine perméabilité aux lisant les concentrations de la figure 3.15, l’équation de
ions Na+. En d’autres termes, la perméabilité relative de Goldman s’écrit :
la membrane neuronale au repos est plutôt élevée pour
40 (5) + 1 (150)
K+ et plutôt basse pour Na+. Si la valeur des perméabi- Vm = 61,54 mV log
lités relatives est connue, il est alors possible de calculer 40 (100) + 1 (15)
le potentiel membranaire au point d’équilibre en utili- 350
= 61,54 mV log
sant l’équation de Goldman. Soit, pour une membrane 4 015
perméable seulement à Na+ et K+ à 37 °C : = − 65 mV
P [ K + ]e + PNa [ Na + ]e
Vm = 61,54 mV log K
PK [ K + ]i + PNa [ Na + ]i

Le vaste monde des canaux potassiques.  Comme nous venons de le voir,


la perméabilité sélective des canaux potassiques est un élément déterminant du
potentiel de la membrane au repos et, par conséquent, de la fonction du neurone.
Quelles sont les bases moléculaires de cette sélectivité ionique ? La sélectivité
pour les ions K+ est en rapport avec l’arrangement des acides aminés qui forment
la région du pore du canal ionique. De ce fait, ce fut vraiment une avancée consi-
dérable lorsque, en 1987, les chercheurs déterminèrent la séquence en acides ami-
nés de familles de canaux potassiques. L’étude fut conduite en utilisant le modèle
de la mouche des fruits, Drosophila melanogaster. Alors que ces insectes sont
honnis de la cuisine, ils représentent un outil de choix pour les scientifiques car
leurs gènes peuvent être étudiés et manipulés comme cela n’est absolument pas
possible chez les mammifères.
Les mouches normales, comme les humains, peuvent être anesthésiées par
des vapeurs d’éther. Alors qu’ils expérimentaient sur ces insectes anesthésiés,
les investigateurs ont remarqué qu’une souche de mouches mutantes répondait
à l’éther en secouant les pattes, battant des ailes et en produisant des mouve-
ments de l’abdomen. Cette souche fut dénommée Shaker, en rapport avec ce
comportement de secousses. Des analyses moléculaires fines ont révélé que ce
curieux comportement est lié à un défaut d’expression d’un type particulier de
canal potassique (Fig. 3.17a). Grâce aux méthodes de la biologie moléculaire, les
chercheurs cartographièrent le gène muté dans la souche Shaker. La séquence de
ce gène, connu aujourd’hui comme celui du canal potassique Shaker, a permis
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d’aboutir à l’identification des gènes d’autres canaux potassiques à partir des


analogies de séquence. Cette analyse a révélé l’existence d’un très grand nombre
de canaux potassiques différents, incluant ceux responsables du maintien du
potentiel de repos de la membrane des neurones.
La plupart des canaux potassiques sont formés de quatre sous-unités dispo-
sées comme les douves d’un tonneau, de façon à former un pore (Fig. 3.17b). En
dépit de leur diversité, les différentes sous-unités ont une structure similaire qui
leur confère la sélectivité ionique vis-à-vis des ions K+. De façon intéressante,
une région particulière dénommée boucle du pore, fut caractérisée comme contri-
buant à cette sélectivité ionique, ce qui rend le canal principalement perméable
aux ions K+ (Fig. 3.18). En plus de la drosophile, le scorpion a lui aussi permis
d’accroître les connaissances sur les canaux potassiques, en particulier sur le

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3 – Membrane du neurone au repos 73

Canal
potassium
Milieu Shaker
Membrane
extracellulaire

Membrane

Cytosol

Boucle située
au niveau du pore

(a)

(b)

Figure 3.17 – Structure d’un canal potas­


sique.
(a) Visualisation des canaux potassiques
Shaker dans la membrane d’une cellule de
drosophile ; vue de dessus au microscope
électronique. (Source : Li et al., 1994 ; Fig. 2.)
(b) Le canal potassique Shaker présente 4
sous-unités disposées comme les douves
d’un tonneau pour former le pore. Agrandisse-
ment : structure tertiaire d’une sous-unité pro-
téique présentant la boucle située au niveau
du pore, une partie d’un polypeptide formant
une boucle dans le plan de la membrane.
Cette boucle représente la partie critique de
la protéine, conférant au canal sa sélectivité
ionique vis-à-vis des ions K+.
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Figure 3.18 – Représentation de la région du pore du canal potassique.


La structure atomique d’un canal ionique sélectivement perméable au potassium a récemment
été publiée. Le schéma représente le pore vu de l’extérieur de la membrane. La sphère rouge, au
centre, mime un ion K+. (Source : Doyle et al., 1998.)

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74 1 – Bases cellulaires

filtre de sélectivité lié à la boucle du pore. Chris Miller, de l’Université Brandeis,


et son étudiant Roderick MacKinnon, ont observé que les toxines de scorpion
bloquent les canaux potassiques (et empoisonnent de fait leurs victimes) en se
fixant sur un site localisé à l’intérieur même du pore. Ils ont utilisé la toxine
pour identifier les acides aminés qui forment les parois du pore et contribuent à
la sélectivité ionique du canal (Encadré 3.4). MacKinnon a résolu la structure
atomique tridimensionnelle d’un canal potassique. Ceci a permis d’établir les
bases physiques de la sélectivité ionique et a été récompensé par le prix Nobel de
chimie, remis à Roderick MacKinnon en 2003. Il est alors devenu compréhen-
sible qu’une simple mutation impliquant un seul acide aminé dans cette région
du canal puisse considérablement affecter le fonctionnement neuronal.

Encadré 3.4 LES VOIES DE LA DÉCOUVERTE

De l’importance des canaux ioniques dans ma vie


Par Chris Miller

Pour ma part, je n’ai jamais considéré la sur la façon dont ils fonctionnaient et pro-
recherche comme un travail mais plutôt duisaient de l’électricité. Parallèlement, au
comme un jeu. Ainsi, démarrer un nouveau fur et à mesure que je découvrais ce monde,
projet, aussi futile soit-il, m’a toujours paru j’étais submergé de données et horrifié par
un plaisir plutôt égoïste. Et ce n’est que plus la complexité des cellules vivantes. En parti-
tard qu’interviennent les difficultés, sous culier, l’interprétation des données de l’ex-
forme de recherche de financement, de sueur périmentation n’était le plus souvent pas
et de doutes en tous genres, nécessaires pour univoque, notamment au regard d’expé-
attaquer ces problèmes –  et parfois résoudre Chris Miller riences réalisées sur des membranes isolées.
ces questions – que nous fournit la nature. C’est ainsi que C’est cette combinaison de fascination et d’horreur face
j’ai passé les 40 dernières années de ma vie avec le plus à cette complexité du vivant qui m’a conduit à m’inté-
fascinant des jouets : les canaux ioniques, ces protéines resser à des membranes artificielles de composition bien
transmembranaires qui font réellement l’activité des neu- définie, développées dans les années 1960 par Paul
rones sous forme de signal électrique. Si l’on considère Mueller. Ces modèles permettaient alors d’envisager
que le cerveau est un peu comme un ordinateur – ce qui d’analyser les caractéristiques de ces protéines particu-
est inexact mais permet une métaphore – alors les canaux lières sorties de leur monde si complexe. J’ai donc tra-
ioniques sont un peu comme des transistors. En réponse vaillé sur une méthode permettant d’insérer ces canaux
aux contraintes biologiques, ces minuscules pores for- ioniques dans des membranes artificielles, et j’ai utilisé
ment des systèmes de diffusion pour les ions Na+, K+, les membranes ainsi équipées de canaux pour enregis-
Ca2+, H+ et Cl–, qui transportent les charges électriques trer l’activité des canaux potassiques au moment même
au travers de la membrane, génèrent et transportent le où commençaient à se développer les méthodes d’enre-
signal nerveux. Je suis littéralement tombé amoureux de gistrement par patch-clamp. Je confesse aujourd’hui que
ces protéines lorsque je me suis accidentellement inté- je m’amusais un peu avec mes premiers enregistre-
ressé à un type de canaux potassiques, alors que je tentais ments… Pouvoir ainsi observer et modifier l’activité de
d’isoler une protéine tout à fait différente, une enzyme simples protéines juste devant mes yeux en temps réel
sensible au calcium. Et au fil des années cet amour s’est était — et reste — tout simplement fascinant !
considérablement développé, à tel point que j’ai mainte- Accessoirement, cette forme de jeu m’a donné l’oc-
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nant une vraie collection de ces fascinantes protéines. casion de comprendre qu’il est possible d’aborder des
Ma formation initiale en physique, suivie d’une expé- questions de grande complexité par une approche
rience en tant que professeur de mathématiques dans un quelque peu réductionniste. Au milieu des années 1980,
lycée, m’a permis ensuite d’intégrer une formation doc- j’ai eu la chance d’avoir dans mon laboratoire des
torale dans les années 1970, jusqu’à développer mon post-doctorants de talent – Gary Yellen, Rod MacKinnon
propre laboratoire à Brandeis University, sans réelle for- et Jacques Neyton, parmi d’autres – qui travaillaient sur
mation en neurobiologie ou en électrophysiologie. C’est la sélectivité ionique de différentes catégories de canaux
en parcourant la littérature et grâce à mon entourage à potassiques. Les questions étaient alors de savoir com-
l’université que j’ai pu m’imprégner de cette culture et ment différencier des ions aussi similaires que les ions
que j’ai été de plus en plus fasciné par les canaux potassiques ou les ions sodiques ; et comment cette
ioniques. À cette époque, nous n’avions que peu d’idées sélectivité ionique se maintenait lorsque les neurones

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3 – Membrane du neurone au repos 75

Encadré 3.4 LES VOIES DE LA DÉCOUVERTE (suite)

étaient actifs pour nous permettre de penser, de sentir et


d’agir. Nous nous sommes alors lancés dans un projet
insensé d’utilisation de neurotoxines naturelles pour
tenter de bloquer ces canaux ioniques. L’utilisation d’un
peptide issu d’un venin de scorpion couplé à des Toxine
méthodes d’enregistrement de canaux uniques nous a de scorpion
permis de démontrer que ces toxines ont la propriété de
se fixer à l’intérieur du pore d’un canal potassique, à la
manière d’un bouchon sur une bouteille (Fig. A). En
1988, Rod MacKinnon présenta notre toxine au sémi-
naire de Cold Spring Harbor. Il montra comment utiliser Pore
du canal 2 nm
les méthodes d’ADN recombinant pour faire exprimer
des canaux ioniques. C’est alors qu’il fit une découverte potassique
fondamentale : la toxine bloquait aussi les canaux
Shaker, ces canaux représentant les premiers canaux Figure A
potassiques clonés l’année précédente dans le labora- Représentation de la partie extracellulaire d’un canal potassique
toire de Lilly et Yuh-Nung Jan. Cette découverte nous a associé à une toxine de scorpion. Points d’interactions : partie du
canal qui fixe la toxine (cercle bleu foncé). Le résidu de lysine de la
permis de procéder par mutagenèse dirigée et d’identi-
toxine, qui joue un rôle clé dans cette association, s’introduit littéra-
fier la séquence en acides aminés de la partie du canal
lement dans le canal (cerclé bleu clair). Les ions K+ sont déplacés
formant la région du pore. Ce résultat fut immédiate- plus bas dans le canal par la fixation de la toxine (cercle jaune). La
ment transposable à l’ensemble des canaux sensibles au barre d’échelle représente 2 nm. (Source : adapté de Goldstein et al.
voltage : sodiques, potassiques et calciques. Quelques Neuron 1994 ; 12 : 1377-88.)
années plus tard, Rod et Gary ont poursuivi leur colla-
boration sur l’identification des caractéristiques de la
structure de ces pores. C’est ainsi que 7 ans après, Rod a surprise — provient de la beauté de l’organisation de la
obtenu la première structure atomique par rayons X du nature. Ce sentiment inégalable a été décrit par le grand
canal potassique, conduisant à une vision globale des physicien Richard Feynman qui, en réponse au poème
relations structure-fonction de ces canaux. de W. H. Auden, minimisant la motivation scientifique, a
Lorsque je me souviens de mes premiers travaux sur les écrit de façon tout aussi poétique : « Nous voulons com-
canaux ioniques, ma plus grande joie — et ma plus grande prendre pour aimer encore davantage la nature. »

Tel est le cas chez une lignée de souris dénommée Weaver. Ces animaux ont les
plus extrêmes difficultés à maintenir leur posture et à se mouvoir correctement. La
mutation a été identifiée comme portant sur un seul acide aminé de la boucle du
pore d’un canal potassique exprimé sélectivement dans un type de neurone par-
ticulier du cervelet, une région de l’encéphale impliquée de façon critique dans la 20
Potentiel de membrane (mV)

coordination motrice. La conséquence principale de cette mutation est que les ions 0
Na+ et K+ passent indifféremment par le canal. L’augmentation de la conductance
– 20
sodique se traduit par un potentiel de repos moins négatif que la normale, altérant
par là le fonctionnement de la membrane (d’ailleurs, ce potentiel de membrane – 40
aux valeurs négatives anormales dans ces neurones est considéré comme à l’ori- – 60
gine de leur mort prématurée). Au cours de ces dernières années, il est ainsi devenu
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– 80
évident qu’un certain nombre de maladies neurologiques transmises héréditaire-
ment, comme certaines formes d’épilepsie notamment, pourraient être expliquées – 100
1 10 100
par des mutations de canaux potassiques spécifiques. [K+]o (mM)
Figure 3.19 – Dépendance du potentiel de
membrane de la concentration extracellu­
Rôle fondamental de la régulation laire de potassium.
de la concentration de potassium extracellulaire Parce que la membrane neuronale au repos
est principalement perméable aux ions potas-
La membrane du neurone au repos étant essentiellement perméable à K+, sium, une variation de concentration de K+ de
le potentiel membranaire est proche de EK. Pour la même raison, le potentiel 10 fois, de 5 à 50 mM, provoque une dépo-
membranaire est particulièrement sensible aux variations de la concentration de larisation de la membrane de 48 mV. Cette
potassium extracellulaire. La figure 3.19 illustre cette relation. Une augmentation fonction est établie par l’équation de Goldman
de dix fois de la concentration extracellulaire des ions potassium, de 5 à 50 mM, (voir Encadré 3.3).

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76 1 – Bases cellulaires

K+ K+ ramènerait ainsi le potentiel de membrane de – 65 à – 17 mV. Quand le potentiel


K+ membranaire devient moins négatif, la membrane est dite dépolarisée. Par consé-
K+ K+ quent, l’augmentation du potassium extracellulaire dépolarise les neurones.
La sensibilité du potentiel membranaire à la concentration extracellulaire
K+ K+ de potassium est corrélative d’une évolution des mécanismes qui régulent pré-
Astrocyte cisément dans le cerveau cette concentration extracellulaire de potassium. L’un
d’entre eux est représenté par le fonctionnement de la barrière hématoencépha-
lique, une des parois des capillaires sanguins qui limite les mouvements des ions
K+ potassium (et d’autres substances transportées par le sang) dans le milieu extra-
K+ o cellulaire du cerveau.
K+
K+ Les cellules gliales, en particulier les astrocytes, représentent aussi des méca-
nismes efficaces pour contrôler les concentrations d’ions K+ extracellulaires lors-
Figure 3.20 – Rôle des astrocytes dans le
qu’elles s’élèvent, ce qui accompagne en général l’activité neuronale. Il faut rappe-
contrôle de la concentration de potassium
ler que les astrocytes comblent la plus grande partie de l’espace entre les neurones
extracellulaire.
Lorsque la concentration extracellulaire de et que leur membrane présente des pompes potassiques qui concentrent les
potassium augmente sous l’effet de l’acti- ions K+ dans leur cytosol, ainsi que des canaux potassiques. Lorsque la concen-
vité neuronale, les ions K+ pénètrent dans tration extracellulaire de potassium s’élève, les ions K+ pénètrent dans l’astrocyte
les astrocytes par l’intermédiaire de canaux par les canaux potassiques, ce qui entraîne la dépolarisation de sa membrane.
membranaires. Le réseau très dense formé L’afflux des ions K+ augmente la concentration interne de cet ion, qui se répartit
par les astrocytes permet alors une normali- probablement dans toute la cellule. Ce mécanisme de régulation de la concen-
sation des concentrations de potassium dans tration extracellulaire de potassium implique le réseau astrocytaire dans son
une région très large, couverte par les astro- ensemble, conférant une dimension spatiale à la régulation de la concentration
cytes environnant les neurones actifs. extracellulaire de potassium localement (potassium spatial buffering) (Fig. 3.20).
Il est cependant important de savoir que toutes les cellules excitables ne sont
pas protégées contre les changements qui interviennent dans la concentration
extracellulaire de potassium. Les cellules musculaires, par exemple, ne sont pro-
tégées ni par la barrière hématoencéphalique, ni par les mécanismes impliquant
les cellules gliales. Aussi, bien que le cerveau soit relativement protégé, l’élévation
des concentrations d’ions potassium dans le sang peut avoir de sévères consé-
quences sur la physiologie de l’organisme (Encadré 3.5).

Encadré 3.5 FOCUS

Mort par injection létale


Le 4 juin 1990, le Dr Jack Kevorkian sema le trouble Rappelons en effet que le bon fonctionnement des
dans la profession médicale, en aidant Janet Adkins à se cellules excitables (y compris celles du muscle cardiaque)
suicider. Mme Adkins, âgée de 54 ans, mariée et mère de suppose que leur membrane maintienne un potentiel de
trois enfants, était atteinte de maladie d’Alzheimer, une repos, lorsqu’elles ne génèrent pas d’impulsions. Le
maladie évolutive du cerveau qui provoque une démence potentiel de repos négatif est le résultat d’une perméabi-
sénile et la mort. Mme Adkins faisait partie de la Hemlock lité sélective aux ions K+ et de l’activité de pompes qui
Society, qui prône l’euthanasie dans les cas de maladie concentrent le potassium à l’intérieur de la cellule.
fatale. Le Dr Kevorkian accepta d’aider Mme Adkins à Cependant, comme le montre la figure 3.19, le potentiel
se suicider. À l’arrière d’une Volkswagen 1968, sur un ter- membranaire est très sensible aux changements de
rain de camping d’Oakland County, dans le Michigan, il concentration du potassium extracellulaire. Une concen-
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lui plaça une perfusion qui contenait une solution saline tration extracellulaire de potassium dix fois plus élevée
banale. Mme Adkins remplaça la solution par une autre supprimerait le potentiel de repos. Bien que les neurones
contenant un anesthésique, l’administration de cette solu- du cerveau soient protégés contre les grandes variations
tion étant suivie automatiquement par celle d’une autre de concentration de ce potassium extracellulaire,
de chlorure de potassium. Après l’injection de l’anesthé- d’autres cellules excitables du corps, telles que celles des
sique, qui supprimait l’activité des neurones dans une muscles, ne le sont pas. En l’absence d’un potentiel de
partie du cerveau dénommée formation réticulée, repos négatif, les cellules du muscle cardiaque ne peuvent
Mme Adkins perdit connaissance. Mais, c’est l’injection plus générer les impulsions qui entraînent la contraction
de KCl qui provoqua l’arrêt cardiaque et la mort. La et le cœur s’arrête de battre immédiatement. Le chlorure
connaissance des bases ioniques du potentiel de repos de potassium administré par voie intraveineuse consti-
explique pourquoi le cœur s’est arrêté de battre. tue donc une injection létale.

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3 – Membrane du neurone au repos 77

Conclusion
En étudiant les mécanismes du maintien du potentiel de la membrane du
neurone au repos, il apparaît que l’activation de la pompe sodium-potassium
produit et maintient à travers la membrane un gradient de concentration d’ions
potassium important. La membrane neuronale au repos est largement per-
méable à ces ions K+, grâce à la présence des canaux potassiques. Compte tenu
de ce gradient de concentration existant au travers de la membrane, l’intérieur
du neurone est négatif par rapport à l’extérieur.
La différence de potentiel électrique existant à travers la membrane est ainsi
comparable à celle d’une batterie de voiture dont la charge serait maintenue par
le travail des pompes ioniques. Le chapitre suivant est ainsi consacré à l’étude des
mécanismes qui font que cette énergie électrique parcourt notre cerveau.

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Quelles sont les deux fonctions des protéines de la membrane neu-


ronale qui permettent d’établir et de maintenir le potentiel de la
membrane au repos ?
2. De quel côté de la membrane neuronale les ions K+ sont-ils les plus
abondants ?
3. Lorsque la membrane est au potentiel d’équilibre du potassium, dans
quelle direction (vers l’intérieur ou vers l’extérieur) se fait le mouve-
ment des ions K+ ?
4. La concentration des ions K+ est beaucoup plus forte à l’intérieur de la
cellule qu’à l’extérieur. Dans ces conditions, pourquoi le potentiel de
la membrane au repos est-il négatif ?
5. Lorsque le cerveau est privé d’oxygène, les mitochondries présentes
à l’intérieur du neurone cessent de produire de l’ATP. Quel effet cela
peut-il avoir sur le potentiel de la membrane ? Pourquoi ?

POUR EN SAVOIR PLUS

Hille B. Ionic channels of excitable membranes, 3rd ed. Sunderland, MA :


Sinauer, 2001.
MacKinnon R. Potassium channels. Federation of European Biochemical
Societies Letters 2003 ; 555 : 62-5.
Nicholls J, Martin AR, Fuchs PA, Brown DA, Diamond ME, Weisblat D.
From Neuron to Brain, 5th ed. Sunderland, MA : Sinauer, 2011.
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Somjen GG. Ions in the Brain: Normal Function, Seizures, and Stroke.
New York : Oxford University Press, 2004.

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CHAPITRE  4 Potentiel d’action

PROPRIÉTÉS
DU POTENTIEL D’ACTION
Différentes phases du potentiel d’action............................................. 80
Déclenchement du potentiel d’action.................................................. 80
Encadré 4.1 Bases théoriques  Méthodes d’enregistrement
du potentiel d’action
Déclenchement d’une salve de potentiels d’action............................... 82
Enregistrements optogénétiques : contrôle de l’activité neuronale
par la lumière..................................................................................... 83
Encadré 4.2 Les voies de la découverte  La découverte
des channelrhodopsines,
par Georg Nagel

POTENTIEL D’ACTION :
LA THÉORIE
Courants et conductances membranaires............................................ 86
Complexité du potentiel d’action........................................................ 87

POTENTIEL D’ACTION :
LA RÉALITÉ
Canaux sodiques dépendants du potentiel.......................................... 90
Encadré 4.3 Bases théoriques  Méthode du patch-clamp
Canaux potassiques dépendants du potentiel..................................... 96
Potentiel d’action : vue d’ensemble..................................................... 96

PROPAGATION
DU POTENTIEL D’ACTION
Facteurs influençant la vitesse de propagation.................................... 99
Myéline et conduction saltatoire......................................................... 100
Encadré 4.4 Focus  Anesthésie locale
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Encadré 4.5 Focus  Sclérose en plaques, maladie démyélinisante

POTENTIELS D’ACTION,
AXONES ET DENDRITES
Encadré 4.6 Focus  Comportement électrique éclectique des neurones

CONCLUSION

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INTRODUCTION

C
e chapitre est consacré au signal qui transmet l’information à distance
dans le système nerveux, le potentiel d’action. Comme cela a déjà été
mentionné, le cytosol du neurone au repos présente une charge négative
par rapport au milieu extracellulaire. Le potentiel d’action correspond au ren-
versement rapide de cet état, de telle sorte que l’intérieur de la membrane devient
transitoirement positif par rapport à l’extérieur. Le potentiel d’action est sou-
vent désigné par les termes d’influx nerveux ou de décharge neuronale.
Les potentiels d’action générés par une cellule ont tous la même amplitude et
la même durée. Ils ne s’affaiblissent pas au fur et à mesure de leur propagation
vers l’extrémité de l’axone. Il faut se souvenir de ce fait essentiel : la fréquence
des potentiels d’action et/ou leur association en bouffées (pattern ou patron de
décharge) représente le code utilisé par les neurones pour transmettre l’infor-
mation d’un endroit à l’autre du système nerveux. Ce chapitre est consacré aux
mécanismes responsables du potentiel d’action et de sa propagation dans la
membrane axonale.
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80 1 – Bases cellulaires

Propriétés du potentiel d’action


Les potentiels d’action présentent un certain nombre de propriétés univer-
selles, c’est-à-dire des caractéristiques partagées par tous les axones du sys-
tème nerveux de toutes les espèces animales, depuis le modeste calmar jusqu’à
­l’étudiant à l’université. Quelles sont ces propriétés ? Qu’est-ce qu’un potentiel
d’action ? Comment est-il déclenché ? En combien de temps un neurone génère-
t-il des potentiels d’action ?

Différentes phases du potentiel d’action


Comme cela a été décrit dans le chapitre 3, le potentiel de la membrane, Vm,
peut être déterminé en introduisant une microélectrode dans la cellule. Au repos,
la différence de potentiel existant entre l’extrémité de cette électrode intracel-
lulaire et une autre électrode placée à l’extérieur de la cellule, mesurée à l’aide
d’un voltmètre, présente une valeur stable de – 65 mV. Cependant, au cours du
potentiel d’action le potentiel membranaire devient brièvement positif. Cela se
produit si rapidement — à peu près 100 fois plus vite qu’un clignement de pau-
pière — qu’il est nécessaire d’utiliser un voltmètre particulier, un oscilloscope,
pour étudier les potentiels d’action. L’oscilloscope enregistre les variations du
voltage dans le temps (Encadré 4.1).
La figure 4.1 illustre un potentiel d’action tel qu’il apparaît sur l’écran d’un
oscilloscope. Cette courbe représente l’évolution du potentiel membranaire en
fonction du temps. Certaines phases du potentiel d’action sont identifiables. La
première phase, qualifiée de phase ascendante, est caractérisée par une rapide
dépolarisation de la membrane. La modification du potentiel membranaire se
poursuit jusqu’à ce que Vm atteigne un pic d’environ + 40 mV. Pendant une
très courte période, l’intérieur du neurone est positif par rapport à l’extérieur
(dépassement, overshoot). La phase descendante du potentiel d’action, qui suit,
correspond à une rapide repolarisation de la membrane, atteignant des valeurs
plus négatives que celles du potentiel de repos. La dernière partie de la phase
­descendante est dénommée post-hyperpolarisation, en anglais undershoot. Enfin,
le retour au potentiel de repos se fait graduellement. Au total, le potentiel
­d’action dure environ 2 millièmes de seconde (ms).

Déclenchement du potentiel d’action


Dans le chapitre 3, il a été souligné que le seul fait de marcher sur une punaise
Figure 4.1 – Potentiel d’action. génère des potentiels d’action dans un nerf sensitif. Poursuivons avec cet exemple
(a) Potentiel d’action tel qu’il est enregistré pour mieux comprendre comment sont produits ces signaux.
au moyen d’un oscilloscope. (b) Différentes
composantes du potentiel d’action.

40
Dépassement
20
Potentiel de membrane (mV)
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0 0 mV
Phase Phase
ascendante descendante
– 20

– 40

Hyperpolarisation
– 60

Potentiel de repos
– 80

0 1 2 3
(a) Temps (ms) (b)

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4 – Potentiel d’action 81

Encadré 4.1 BASES THÉORIQUES

Méthodes d’enregistrement du potentiel d’action


Globalement, deux types de méthodes, intracellulaire Le potentiel d’action est caractérisé par une séquence
et extracellulaire, permettent d’étudier les influx nerveux de mouvements ioniques à travers la membrane neuro-
(Fig. A). Pour obtenir un enregistrement intracellulaire, nale à l’origine des courants. Il est possible de détecter
une microélectrode est placée à l’intérieur d’un neurone ces courants électriques sans pénétrer dans le neurone,
ou d’un axone. La petite dimension de la plupart des en plaçant simplement une électrode près de la
neurones fait de cette méthode un véritable défi, ce qui membrane. C’est le principe de l’enregistrement extracel­
explique pourquoi tant d’études sur les potentiels d’ac- lulaire, qui permet aussi de mesurer la différence de
tion ont été effectuées précédemment sur des neurones potentiel entre l’électrode et la terre. L’électrode peut
d’invertébrés, de dimension 50 à 100 fois supérieure à être constituée d’un fin tube de verre rempli d’électro-
celle des neurones de mammifères. Les développements lytes mais c’est le plus souvent un simple fil de métal
technologiques ont permis de pouvoir maintenant effec- isolé. Normalement, en l’absence de toute activité ner-
tuer des enregistrements intracellulaires même dans les veuse, la différence de potentiel mesurée entre l’électrode
plus petits neurones de vertébrés et ces travaux ont extracellulaire et la terre est nulle. Cependant, lorsque le
confirmé que les connaissances acquises sur les inverté- potentiel d’action atteint le site de l’enregistrement, des
brés étaient directement applicables à l’homme. charges positives pénètrent à l’intérieur du neurone.
Le but de l’enregistrement intracellulaire est simple : Ainsi, le potentiel d’action est-il mesuré comme une très
mesurer la différence de potentiel entre la pointe de brève variation de voltage entre l’électrode et la réfé-
l’électrode intracellulaire et une autre électrode placée rence, représentée par la terre. Ces variations de voltage
dans la solution baignant le neurone (en continuité avec peuvent être visualisées sur un oscilloscope mais on peut
la terre et donc appelée « terre »). L’électrode intracellu- aussi les entendre en connectant l’amplificateur à un
laire est remplie d’une solution saline concentrée (sou- haut-parleur. Chaque impulsion produit alors un son
vent de KCl), à grande conductivité électrique. L’électrode distinctif, si bien que l’enregistrement de l’activité d’un
est reliée à un amplificateur, qui mesure la différence de nerf sensoriel ressemble au bruit que fait le pop-corn en
potentiel entre cette électrode et la terre. L’oscilloscope éclatant lors de sa cuisson.
permet de visualiser la différence de
potentiel. Cet appareil est basé sur le Écran de l’oscilloscope
déplacement d’un faisceau d’électrons,
de gauche à droite, sur un écran de Amplificateur
40 mV
20 mV
phosphore. Les déflexions verticales de 0 mV
ce faisceau indiquent les variations de –20 mV
voltage. En fait, l’oscilloscope n’est –40 mV
Terre
qu’un voltmètre sophistiqué, qui enre- –60 mV
Électrode
gistre les plus brèves variations de vol- intracellulaire
tage telles que celles produites lors d’un
potentiel d’action. Aujourd’hui les oscil- 40 µV
loscopes sont remplacés par des enregis- 20 µV
treurs numériques du potentiel de 0 µV

membrane en fonction du temps, mais le –20 µV


–40 µV
principe des mesures reste le même. Il ne –60 µV
s’agit en fait que de voltmètres sophisti- Électrode
qués, capables de suivre des évolutions extracellulaire
rapides comme celles liées au décours du
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potentiel d’action. Figure A

Les potentiels d’action générés dans certaines fibres nerveuses de la peau (la
douleur est traitée dans le chapitre 12) sont à l’origine de la perception de la dou-
leur aiguë consécutive à la blessure du pied sur la punaise. La membrane de ces
fibres est considérée comme possédant un type particulier de canal sodique, qui
s’ouvre lorsque la terminaison nerveuse est étirée. Les faits se déroulent donc
ainsi : (1) la punaise pénètre dans la peau ; (2) la membrane des fibres nerveuses de
la peau est étirée et déchirée ; (3) les canaux perméables aux ions Na+ s’ouvrent.

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82 1 – Bases cellulaires

Du fait du gradient de leur concentration élevé et de la charge négative du cytosol,


les ions Na+ pénètrent dans la fibre nerveuse. L’entrée de sodium dans cette fibre
a pour effet de dépolariser la membrane ; c’est-à-dire que le cytosol de la fibre
devient moins négatif. Si la dépolarisation, génératrice de potentiel, atteint un
niveau critique, la membrane va initier un potentiel d’action. Le niveau critique
de dépolarisation qui déclenche un potentiel d’action s’appelle le seuil. Lorsque la
dépolarisation de la membrane dépasse le seuil, elle génère les potentiels d’action.
Dans les divers types de neurones, la dépolarisation à l’origine des potentiels
d’action survient de différentes façons. Dans l’exemple ci-dessus, c’est le passage
des ions Na+ au travers des canaux ioniques spécialisés, sensibles à l’étirement de
la membrane, qui provoque la dépolarisation. Dans les neurones, en général, la
dépolarisation est causée par l’entrée de Na+ dans la cellule à travers les canaux
dont l’ouverture est contrôlée par des neurotransmetteurs libérés par d’autres
neurones. À côté de ces processus physiologiques, il est aussi possible de dépola-
riser les neurones en injectant du courant électrique dans les cellules au moyen
d’une microélectrode, méthode communément utilisée par les neurobiologistes
pour étudier les potentiels d’action dans différents types de cellules.
Générer un potentiel d’action en dépolarisant un neurone est comparable
à photographier en déclenchant l’obturateur de l’appareil, s’agissant encore
d’un appareil argentique… Exercer une pression progressive sur l’obturateur n’a
aucun effet jusqu’à une valeur critique ; puis l’obturateur s’ouvre et un plan du
film est exposé. De même, la dépolarisation progressive d’un neurone n’a aucun
effet jusqu’à un certain seuil à partir duquel est soudainement généré un poten-
tiel d’action. C’est pour cette raison, que les potentiels d’action sont dits de type
« tout ou rien ».

Déclenchement d’une salve de potentiels d’action


Mais que se passe-t-il si on utilise un de ces appareils photographiques auto-
matiques, semblables à ceux des photographes de mode ou de sport, qui prennent
des photos « en rafale » ? Dans ce cas, en exerçant une pression continue sur
l’obturateur au-delà de la valeur critique, c’est une succession de prises de vue
qui est déclenchée. Il en est de même avec les neurones. Si un courant dépolari-
Figure 4.2 – Effets de l’injection d’un courant sant est injecté de façon continue dans un neurone à travers une microélectrode,
positif à l’intérieur d’un neurone. ce n’est pas un, mais une série de potentiels d’action qui est déclenchée (Fig. 4.2).
(a) Deux électrodes sont implantées au niveau
La fréquence de déclenchement des potentiels d’action dépend de l’amplitude
du cône axonique, l’une pour enregistrer le
potentiel de membrane par rapport à l’exté-
du courant continu dépolarisant. Si on fait passer juste assez de courant pour
rieur du neurone, l’autre pour stimuler le neu- que la dépolarisation atteigne le seuil, la cellule génère des potentiels d’action
rone par l’injection de courant. (b) Quand le à la cadence d’environ un par seconde, ou 1 hertz (1 Hz). En injectant un peu
courant est injecté dans le neurone (tracé du plus de courant, la cadence augmente, pour atteindre 50 impulsions par seconde
haut), la membrane se trouve suffisamment (50 Hz). La « fréquence de décharge » des potentiels d’action reflète l’amplitude
dépolarisée pour déclencher une salve de du courant dépolarisant. Ceci est un des processus utilisé par le système nerveux
potentiels d’action (tracé du bas). pour coder l’intensité de la stimulation (Fig. 4.3).

Amplificateur
Courant Courant injecté
injecté
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+
+
Potentiel de membrane (mV)

+ Terre 0
40
Électrode
Électrode d’enregistrement
0
de stimulation

– 40

– 65
– 80
(a) (b) Temps
Axone

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4 – Potentiel d’action 83

Figure 4.3 – Dépendance de la fréquence de
Courant décharge des neurones (fréquence des
injecté potentiels d’action) de la dépolarisation
0 membranaire.

– 65 mV

Temps

Si la quantité de courant Si le courant injecté dépo- La fréquence de décharge


injectée n’est pas suffi- larise la membrane jusqu’à des potentiels d’action
sante pour atteindre le une valeur qui avoisine augmente avec le niveau
seuil de dépolarisation, le seuil, dès que le seuil de la dépolarisation,
il n’y a pas déclenchement est atteint, les potentiels proportionnellement à la
de potentiel d’action. d’action sont générés. quantité de courant injecté.

Bien que la fréquence augmente avec la quantité de courant dépolarisant,


il y a une limite à la cadence à laquelle un neurone peut générer des potentiels
d’action. La fréquence maximum est d’environ 1 000 Hz ; lorsqu’un potentiel
d’action est initié, le suivant ne peut survenir qu’après un délai de 1 ms. Ce délai
s’appelle la période réfractaire absolue. De plus, il est parfois relativement diffi-
cile d’initier un autre potentiel d’action pendant plusieurs millièmes de secondes
après la fin de la période réfractaire absolue. Durant cette période, dite réfractaire
relative, la quantité de courant nécessaire pour dépolariser le neurone jusqu’au
seuil du potentiel d’action est plus élevée que dans des conditions normales.

Enregistrements optogénétiques :
contrôle de l’activité neuronale par la lumière
Comme nous venons de le voir, les potentiels d’action naissent de la dépolari-
sation de la membrane au-delà d’une valeur seuil à laquelle s’ouvrent les canaux
sodiques, ce qui permet l’entrée des ions Na+ dans le neurone. Pour pouvoir contrô-
ler artificiellement la décharge des neurones, historiquement, les électrophysiolo-
gistes utilisaient des microélectrodes pour injecter du courant directement à l’inté-
rieur de ces neurones, cellule par cellule. Cette difficulté a été récemment contournée
par une méthode révolutionnaire nommée optogénétique, qui permet d’introduire
dans les neurones ciblés des gènes particuliers s’exprimant dans les membranes
sous forme de canaux ioniques ayant la propriété de s’ouvrir à la lumière.
Dans le chapitre 9, nous discuterons de la façon dont l’énergie lumineuse
est absorbée par des protéines qualifiées de photopigments pour générer des
réponses dans nos rétines à l’origine de notre perception visuelle. Bien entendu,
la sensibilité à la lumière est une propriété de nombreux organismes. Et c’est
ainsi qu’en étudiant les réponses à la lumière d’une algue verte, des chercheurs
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travaillant à Francfort en Allemagne, ont caractérisé un photopigment, qu’ils


ont appelé channelrhodopsine-2 (ChR2). En introduisant le gène de la ChR2 dans
des cellules de mammifères, ils ont alors montré que celui-ci encode un canal Figure 4.4 – Contrôle optogénétique de l’ac-
cationique sensible à la lumière, perméable aux ions Na+ et Ca2+ (Encadré 4.2). tivité neuronale dans le cerveau d’une souris.
Ce canal a la particularité de s’ouvrir rapidement lorsqu’il est exposé à la lumière Le gène encodant la channelrhodopsine-2 a
été introduit dans les neurones du cerveau
bleue et, dans ce cas, le flux cationique qui pénètre les cellules est suffisant pour
de cette souris par l’intermédiaire d’un virus.
entraîner une dépolarisation membranaire au-delà du seuil des potentiels d’ac-
Dès lors, l’activité de ces neurones peut être
tion. L’intérêt majeur de cette méthode fut alors démontré par les chercheurs, contrôlée par une illumination utilisant une
notamment aux États-Unis, en mettant en évidence que le comportement de lumière bleue délivrée localement à l’aide
rats ou de souris peut être modifié de façon spectaculaire en procédant à l’illu- d’une fibre optique. (Source : courtoisie du
mination de neurones dans lesquels le gène de la ChR2 avait préalablement été Dr  Ed Boyden, Massachusets Institute of
inséré (Fig. 4.4). Les développements de cette méthode permettent aujourd’hui Technology.)

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84 1 – Bases cellulaires

de disposer d’autres sondes, telles que la halorhodopsine, une protéine dérivée


d’un microbe particulier, qui a la particularité d’inhiber les neurones en réponse
à une lumière jaune.
Comprendre les bases neuronales des comportements nécessite d’appréhen-
der la façon dont les potentiels d’action sont générés et se propagent dans tout
le système nerveux. Prenons dès lors le temps d’observer comment se font les
mouvements des ions au travers des canaux ioniques pour générer ces signaux.

Encadré 4.2 LES VOIES DE LA DÉCOUVERTE

La découverte des channelrhodopsines


Par Georg Nagel

Lorsqu’en 1992, après mon post-docto- recherche des rhodopsines chez Chlamydo­
rat à Yale puis à Rockefeller University, je monas. Peter a donc demandé cet ADN et je
suis entré à l’Institut de biophysique du l’ai quant à moi fait exprimer dans les ovo-
Max Planck à l’Université de Francfort, je cytes. Nos premières expériences furent
me suis intéressé aux mécanismes contri- décevantes, et l’addition ou, au contraire, la
buant à maintenir les gradients de concen- suppression d’ions Ca2+ dans la solution
tration ionique au travers des membranes dans laquelle baignaient les ovocytes ne
cellulaires. Le directeur de mon départe- changeait rien au potentiel de membrane
ment, Ernst Bamberg, m’a convaincu de lorsque cette préparation était illuminée,
développer une nouvelle approche basée comme nous aurions pu l’espérer si nous
sur l’utilisation des rhodopsines micro- avions eu un canal calcique sensible à la
Georg Nagel
biennes, protéines connues pour transporter lumière. S’il existait un courant induit par la
les ions au travers des membranes lorsqu’elles absorbent lumière, celui-ci était très faible et n’était pas influencé
de l’énergie lumineuse. Nous avons donc exprimé le gène par de quelconques modifications de la composition
d’une bactériorhodopsine dans des ovocytes de xénope ionique du milieu extracellulaire.
et mesuré ainsi, grâce à des microélectrodes et après Cependant, comme l’idée de l’existence d’un canal
expression du gène, le courant généré par l’illumination ionique dont la conductance serait sensible à la lumière
de ces cellules. Dès 1995, nous avons ainsi montré que continuait à me séduire, idée que la plupart de mes col-
l’illumination de la bactériorhodopsine s’accompagnait lègues rejetaient alors, j’ai poursuivi mes travaux en
d’un flux de protons (H+) au travers de la membrane ; et modifiant encore et encore la composition des milieux
en 1996 nous avons entrepris d’étudier, par une méthode extracellulaires. Je me souviens d’un soir où j’ai soudain
similaire, l’activation du transfert des ions Cl– utilisant obtenu un incroyable courant entrant suite à une expo-
une halorhodopsine. sition à la lumière, en utilisant une solution dont la com-
À cette époque, nous avons reçu de Peter Hegemann, position visait à inhiber les courants calciques. J’ai pensé
de l’Université de Regensburg, l’ADN des chlamyop- qu’il y avait un problème technique, en particulier avec
sines-1 et 2. Elles devaient représenter des photorécep- le tampon utilisé pour préparer la solution. De fait, en
teurs de l’algue verte Chlamydomonas reinhardtii. vérifiant je me suis rendu compte que cette solution était
Malheureusement, comme l’ensemble des laboratoires plutôt de pH acide et donc qu’elle contenait un excès
qui ont reçu cet ADN, nous n’avons pas pu observer de d’ions H+. Mais ce fut un déclic et j’ai réalisé que le cou-
changements de potentiel de membrane induits par l’illu­ rant que je venais d’enregistrer dépendait des ions H+.
mination. J’ai cependant accepté de tester une nouvelle Ainsi, en acidifiant le milieu intracellulaire de l’ovocyte,
rhodopsine récemment découverte, toujours à partir de j’ai montré que j’étais capable de générer des courants
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Chlamydomonas, lorsque Peter m’annonça que cette pro- sortants, déclenchés par l’exposition à la lumière. Dès
téine, qu’il souhaitait nommer chlamyrhodopsine-3, se lors, il m’apparaissait évident que la chlamyrhodop-
comportait comme un activateur dépendant de la lumière sine-3 contrôlait les flux de protons au travers de la
de la conductance calcique membranaire. Bien que cette membrane. Et c’est ainsi que j’ai proposé à Peter
protéine n’ait pas encore été purifiée à cette époque, la Hegemann et à Ernst Bamberg de nommer cette proté-
séquence de la chlamyrhodopsine-3 fut détectée dans un ine channelrhodopsine-1. D’autres expériences ont par
centre de recherche à Kazusa, au Japon, dans une banque la suite révélé que plusieurs cations monovalents transi-
d’ADN séquencé à partir de Chlamydomonas, cette taient par ce canal channelrhodopsine-1. Les faibles
séquence présentant de très grandes similarités avec celle courants que nous avions initialement enregistrés étaient
de la bactériorhodopsine. Ces caractéristiques faisaient simplement liés au très faible niveau d’expression de la
de cette protéine un très bon candidat pour satisfaire la protéine dans les ovocytes.

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4 – Potentiel d’action 85

Encadré 4.2 LES VOIES DE LA DÉCOUVERTE  (suite)

nelrhodopsine-2 dans les neurones de


Lumière bleue Lumière jaune
(460 nm) (580 nm)
mammifères. Son travail absolument
remarquable réalisé avec Ed  Boyen et
Feng Zhang attira l’attention de très
nombreux neurobiologistes et suscita des
Channelrhodopsine-2 Halorhodopsine collaborations en nombre pour exprimer
ces ADN particuliers dans le cerveau. De
+ - nombreux collègues en Europe réali-
Na Cl
sèrent alors seulement que la channel-
rhodopsine avait été caractérisée à
Éclairement Éclairement
Francfort…
Le succès et la simplicité d’utilisation
Vm Vm
de la channelrhodopsine-2 ont rapide-
ment amené Karl et Alexander à se
Temps Temps
demander s’il n’existait pas d’autres types
Figure A – Représentation schématique du positionnement de la channelrhodop- de rhodopsines qui pourraient cette fois
sine-2 et de l’halorhodopsine dans la membrane des cellules. Les enregistrements permettre d’inhiber et non plus seulement
illustrent les effets d’une illumination par lumière bleue et jaune sur le potentiel de stimuler l’activité neuronale. C’est alors
membrane, liés à l’activation de la channelrhodopsine-2 et de la halorhodpsine, que nous leur avons parlé de la bactério-
­respectivement. rhodopsine et de la halorhodopsine, cou-
plées respectivement aux transports
Littéralement fascinés par cette découverte, nous lumière-dépendants des protons (export)
-
avons rédigé un manuscrit publié en 2002, et déposé un et des ions Cl (import). Chacune de ces pompes rendait
brevet décrivant comment l’utilisation de la lumière l’intérieur de la cellule plus négatif, ce qui correspond à
pouvait conduire à effectuer des mesures de l’activité une hyperpolarisation de la membrane. Nous leur avons
cellulaire grâce à des méthodes non-invasives, y compris recommandé d’utiliser l’halorhodopsine issue du
dans des organismes vivants. Par la suite, j’ai étudié la microbe Natronomonas pharaonis pour hyperpolariser
channelrhodopsine-2, toujours issue de l’algue. Tout les membranes en réponse à la lumière. Tenant compte
devenait facile tant les courants générés par la lumière de ce que nous avions appris dès 1996, l’halorhodopsine

étaient de grandes amplitudes. La channelrhodopsine-2 avait une affinité forte pour les ions Cl et elle présentait
(chop2), protéine de 737 acides aminés dans sa forme une expression stable dans les cellules.
native, peut être raccourcie à 310 acides aminés et cou- Ainsi, après transfection, l’illumination des cellules
plée à une autre protéine connue pour sa fluorescence conduit au travers de l’halorhodopsine à l’activation de
jaune (yellow fluorescent protein, YFP), permettant la la pompe des ions chlore, ce qui est suffisant pour blo-
visualisation directe de son expression par microscopie quer la production de tout potentiel d’action des neu-
à fluorescence. En publiant ces résultats en 2003, de rones de mammifères ou encore d’inhiber la contraction
nombreuses demandes nous sont parvenues pour obte- des muscles du nématode C. elegans. De façon quelque
nir cette protéine et c’est ainsi que nous avons débuté peu ironique, ces expériences utilisant l’halorhodopsine
notre collaboration avec les neurobiologistes. L’une de (ou encore la bactériorhodopsine) auraient pu parfaite-
nos premières « victimes » fut Alexander Gottschalk, de ment être réalisées quelques années plus tôt, mais ce
l’Université de Francfort, qui travaillait sur le nématode sont les découvertes réalisées avec la channelrhodop-
Caenorhabditis elegans (C. elegans). Malheureusement sine-2 qui ont déclenché leur utilisation, jusqu’à créer un
en préparant l’ADN, j’ai commis une erreur. En dépit nouveau champ d’investigation que l’on nomme « opto-
d’une très bonne fluorescence jaune, le nématode ainsi génétique ». De nombreux neurobiologistes utilisent
traité ne réagissait pas à la lumière. Réalisant mon maintenant cette technologie. Quant à notre propre
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erreur, nous avons immédiatement transfecté des cel- groupe et quelques autres, nous œuvrons pour améliorer
lules musculaires de C. elegans avec l’ADN de chop2- l’utilisation de ces méthodes afin de mieux diffuser ces
YFP. Nous fument très surpris de voir avec quelle faci- outils.
lité nous pouvions alors induire la contraction de ces
petits vers simplement en les éclairant avec une lumière Référence
bleue. Au même moment, Karl Deisseroth à Stanford Nagel G, Szellas S, Kateriya S, Adeishvili N, Berthold P,
University, me contacta pour me demander des informa- Ollig D et al. Channelrhodopsin-2, a directly light-
tions, puis me proposa une collaboration que j’ai immé- gated cation-selective membrane channel. Proceedings
diatement acceptée. Karl fut rapidement à même de of the National Academy of Sciences of United States
pouvoir démontrer la puissance analytique de la chan- of America 2003 ; 100 : 13940-5.

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86 1 – Bases cellulaires

Potentiel d’action : la théorie


Le potentiel d’action représente une redistribution massive de la charge élec-
trique à travers la membrane. La dépolarisation de la cellule qui accompagne le
potentiel d’action est provoquée par l’influx d’ions sodium à travers la membrane
et la repolarisation est à son tour provoquée par la sortie d’ions potassium. Dans le
chapitre 3, il a été montré comment les ions se déplacent à travers la membrane
et comment ces mouvements ioniques agissent sur le potentiel membranaire.

Courants et conductances membranaires


La figure 4.5 représente un neurone quelque peu idéal. La membrane de cette
cellule possède trois types de protéines spécialisées : des pompes sodium-potas-
sium, des canaux potassiques et des canaux sodiques. Les pompes fonctionnent
continuellement pour établir et maintenir les gradients de concentration.
Comme dans les exemples précédents, les ions K+ sont 20 fois plus concentrés
à l’intérieur de la cellule et les ions Na+, 10 fois plus concentrés à l’extérieur de
la cellule. En accord avec l’équation de Nernst, à 37 °C le potentiel d’équilibre
du potassium s’établit à EK = – 80 mV et celui du sodium ENa = + 62 mV. Cette
cellule théorique permet d’explorer les facteurs dont dépend le mouvement des
ions au travers de la membrane.
Supposons tout d’abord que les deux types de canaux, potassiques et sodiques,
soient fermés et que le potentiel membranaire, Vm, soit égal à 0 mV (Fig. 4.5a).
Puis, considérons dans un deuxième temps que seuls les canaux potassiques sont
mis en jeu (Fig. 4.5b) : les ions K+ vont sortir de la cellule selon leur gradient
de concentration, jusqu’à ce que l’intérieur de la cellule devienne négatif et que
Vm = EK, comme cela a été mentionné dans le chapitre 3 (Fig. 4.5c). Dans cette
situation, c’est bien la sortie des ions K+ de la cellule qui fait passer le potentiel
membranaire de 0 mV à – 80 mV. Trois remarques s’imposent alors :
1. le passage des ions K+ au travers de la membrane génère un courant élec-
trique représenté par le symbole IK ;
2. le nombre de canaux potassiques ouverts est proportionnel à la conductance
ionique, représentée par le symbole gK ;
3. le courant potassique de la membrane Ik est maintenu aussi longtemps que
Vm est différent de EK. La force électromotrice exercée sur les ions K+ est
définie comme la différence entre le potentiel réel de la membrane et le poten-
tiel d’équilibre, représentée par Vm – EK.
Il existe une relation simple entre la force électromotrice, la conductance et
la quantité de courant correspondant. Pour les ions K+, cette relation s’écrit :
IK = gK (Vm – EK), soit plus généralement :
Iion = gion (Vm – Eion)

Cette formulation représente alors simplement l’expression de la loi d’Ohm,


I = gV, telle qu’elle est mentionnée dans le chapitre 3.
Considérons maintenant cet exemple sous un autre angle. La figure 4.5a
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illustre le cas où Vm = 0 mV et il n’y avait pas de perméabilité ionique. Une


grande force électromotrice est exercée sur les ions K+ car Vm est différent de
EK : en fait, (Vm – EK) = 80 mV. Cependant, comme la membrane est imper-
méable aux ions K+, la conductance potassique gK est égale à 0, par voie de
conséquence, IK = 0. Comme nous l’avons vu, le courant potassique s’établit
seulement si les canaux potassiques sont ouverts, c’est-à-dire lorsque gK > 0.
Dans ces conditions, les ions K+ quittent la cellule tant que le potentiel membra-
naire diffère du potentiel d’équilibre (Fig. 4.5b). Remarquons que le courant va
dans le sens qui rapproche Vm de EK. Ainsi, lorsque Vm = EK, la membrane est
à l’équilibre et le courant ne passe plus. Dans ces conditions, bien que la conduc-
tance au potassium gK soit forte, aucune force électromotrice ne s’exerce plus sur
les ions K+ (Fig. 4.5c).

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4 – Potentiel d’action 87

0
Vm

Milieu Canal Canal


Extérieur
extracellulaire sodique potassique
du neurone
Milieu EK = – 80 mV
intracellulaire
ENa = 62 mV
gK = 0
Neurone idéal IK = gK (Vm– EK) = 0 Intérieur
du neurone

(a) 0
Vm

K+ K+
K+ + + + +
EK = – 80 mV
ENa = 62 mV
gK > 0 – – – –
IK = gK (Vm– EK) > 0

(b)
0
Vm

– 80
K+ K+
EK = – 80 mV + + + + + + + + + + + + +
ENa = 62 mV
gK > 0 – – – – – – – – – – – – –
IK = gK (Vm– EK) = 0
K+ K+
(c)

Figure 4.5 – Courants et conductances membranaires.


Cette figure symbolise un neurone idéal, comportant des pompes à sodium-potassium, des canaux potassiques et des canaux sodiques. Les pompes
établissent les gradients de concentration ioniques, de telle façon que le potassium soit concentré à l’intérieur du neurone et le sodium à l’extérieur.
(a) Au départ, les canaux sont considérés comme fermés et le potentiel de membrane égal à 0 mV. (b) Dans cette situation, les canaux potassiques sont
considérés comme ouverts et les ions K+ sortent donc du neurone. Cette sortie de potassium correspond à un courant électrique IK et ce mouvement
des ions potassium dure tant que la conductance membranaire aux ions K+, gK, est supérieure à zéro et que le potentiel de membrane n’est pas égal
au potentiel d’équilibre du potassium. (c) À l’équilibre, il n’y a pas de courant potassique bien que la conductance potassique gK > 0, car le potentiel
de membrane à l’équilibre est égal à EK.

Complexité du potentiel d’action


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Dans cet exemple, la membrane de notre neurone idéal est seulement perméable
aux ions K+ et Vm = EK = – 80 mV. Que se passe-t-il avec les ions Na+ concentrés
à l’extérieur de la cellule ? Le potentiel membranaire est en fait tellement néga-
tif comparé au potentiel d’équilibre du sodium que la force électromotrice s’exer-
çant sur les ions Na+ est très forte ([Vm – ENa] = [– 80 mV – 62 mV] = – 142 mV).
Néanmoins, il n’y a pas de réel courant sodique tant que la membrane n’est pas
perméable aux ions Na+. Que se passe-t-il maintenant lorsque les canaux sodiques
s’ouvrent ?
Dès que la perméabilité ionique de la membrane est changée, la conductance
sodique gNa est élevée et une grande force électromotrice s’exerce sur les ions
Na+. Dans ces conditions, un large courant sodique INa est généré à travers la
membrane. Les ions Na+ traversent la membrane par les canaux sodiques dans

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88 1 – Bases cellulaires

le sens qui rapproche Vm de ENa ; dans ce cas, le courant sodique INa représente
un courant entrant dans la cellule. En supposant maintenant que la membrane
soit beaucoup plus perméable au sodium qu’au potassium, l’afflux d’ions Na+ à
l’intérieur du cytoplasme va dépolariser le neurone jusqu’à ce que Vm soit proche
de ENa, soit + 62 mV.
Ce qui se passe ici est tout à fait remarquable : il suffit de modifier la perméa-
bilité de la membrane de telle manière que celle-ci soit transitoirement plus per-
méable aux ions Na+ que K+ pour inverser le potentiel membranaire. En théorie, la
phase ascendante du potentiel d’action peut alors s’expliquer ainsi : en réponse à
la dépolarisation de la membrane au-delà du seuil, les canaux sodiques s’ouvrent.
Cela permet l’afflux des ions Na+ dans le neurone, ce qui entraîne une dépolarisa-
tion massive jusqu’à ce que le potentiel membranaire soit proche de ENa.
Comment expliquer maintenant la phase descendante du potentiel d’action ?
En supposant simplement que les canaux sodiques se referment rapidement et
que les canaux potassiques s’ouvrent, la perméabilité ionique dominante de la
membrane est ramenée de Na+ à K+  ; et les ions K+ s’écouleront hors de la
­cellule jusqu’à ce que le potentiel membranaire soit de nouveau égal à EK.
Le modèle théorique choisi pour expliquer les mouvements ioniques interve-
nant lors du potentiel d’action dans un neurone idéal est illustré par la figure 4.6.
Dans ce modèle, la phase ascendante d’un potentiel d’action s’explique par le
passage à travers la membrane d’un courant sodique entrant et la phase des-
cendante par le passage d’un courant potassique sortant. Le potentiel d’action
repose simplement sur le déplacement des ions à travers les canaux dont l’ou-
verture dépend des modifications du potentiel membranaire. Ainsi ce modèle
simple rend compte en grande partie des bases ioniques du potentiel d’action.
Mais qu’en est-il, en réalité, dans les neurones ?

Potentiel d’action : la réalité


Reprenons la théorie. Lorsque la membrane est dépolarisée jusqu’au seuil, il
se produit une augmentation transitoire de la conductance sodique gNa entraînant
une entrée d’ions Na+ qui dépolarise le neurone. L’augmentation de gNa ne peut
être que brève, si on considère la courte durée du potentiel d’action. Le potentiel
membranaire redevient négatif grâce à l’augmentation de la conductance potas-
sique gK qui suit, contribuant à la sortie rapide des ions K+ du neurone dépolarisé.
En principe, il devrait être assez facile de vérifier cette théorie. Il suffit de
mesurer les conductances sodique et potassique de la membrane pendant le
potentiel d’action. En pratique cependant, une telle mesure dans les neurones
s’avère extrêmement difficile. C’est par la méthode dite du potentiel imposé (vol­
tage-clamp), mise au point par le physiologiste américain Kenneth C. Cole, que
les expériences décisives ont été réalisées vers 1950 par des physiologistes de
l’Université de Cambridge, Alan Hodgkin et Andrew Huxley. Grâce au vol­
tage-clamp, Hodgkin et Huxley ont pu stabiliser le potentiel membranaire d’un
axone à une valeur donnée. En mesurant les courants traversant la membrane,
ils ont pu déduire les modifications intervenues dans la conductance membra-
naire à différents potentiels membranaires. Dans une série d’expériences remar-
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quables, Hodgkin et Huxley ont montré que l’augmentation transitoire de gNa et


l’entrée d’ions Na+ étaient bien à l’origine de la phase ascendante du potentiel
d’action ; de même, ils démontrèrent que la phase descendante était associée à
l’augmentation de gK et à la sortie des ions K+. Leurs travaux furent récompen-
sés par le Prix Nobel, en 1963.
Pour rendre compte des changements transitoires de conductance sodique
gNa, Hodgkin et Huxley ont suggéré les premiers l’existence de canaux dans
la membrane axonale. Ils ont avancé l’idée que ces canaux sont « acti-
vés » —  ouverts  — lorsque la dépolarisation dépasse le seuil et « inactivés »
—  fermés  — lorsque le potentiel de la membrane devient positif. Ces canaux
sont « réactivables », — c’est-à-dire capables de s’ouvrir à nouveau, — seule-
ment si le potentiel de la membrane redevient négatif.

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4 – Potentiel d’action 89

g >> g
K Na
Extérieur
Canal Canal
du neurone
K+ sodique K+ potassique

+ + + + + + + + + + + + + + + + + + + V
m

– – – – – – – – – – – – – – – – – – –

Intérieur
K+ K+
– 80 mV
du neurone

(a)
g >> g
Na K

K+ K+
V
m

– –

Na+ Na+
Entrée de sodium – 80 mV phase ascendante
(b)
g >> g
K Na
Sortie de potassium
K+ K+
– – – – – – –
V
m

+ + + + + + +

– 80 mV
phase descendante

(c)
g >> g
K Na

K+ K+
+ + + + + + + + + + + + + + + + + +
V
m

– – – – – – – – – – – – – – – – – –

K+ K+
– 80 mV

(d) Temps
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Figure 4.6 – Déclenchement du potentiel d’action par modification de la perméabilité ionique relative de la membrane.


(a) Représentation du neurone idéal décrit à la figure 4.4. Au départ, nous considérons que ce neurone n’est perméable qu’aux ions K+ et que Vm = EK.
(b) Considérons maintenant que les canaux sodiques sont ouverts, de telle façon que gNa >> gK. Une force électromotrice importante s’exerce sur les
ions Na+ qui pénètrent rapidement dans le neurone, ce qui entraîne une variation du potentiel de membrane Vm qui tend vers ENa. (c) Dans ce troisième
cas, les canaux sodiques se ferment et plus de canaux potassiques sont ouverts, de telle manière que gK >> gNa. Parce que le potentiel de membrane
est positif à ce moment, une très importante force électromotrice s’exerce sur les ions potassium. La sortie d’ions K+ permet alors d’amener le potentiel
de membrane de Vm vers EK. (d) Le potentiel de membrane est rétabli lorsque Vm = EK.

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90 1 – Bases cellulaires

Il faut rendre hommage à Hodgkin et Huxley d’avoir proposé leur hypothèse


sur les échanges ioniques membranaires vingt ans avant la démonstration de
la présence effective dans la membrane neuronale de canaux protéiques dont
l’ouverture est dépendante du potentiel. Deux autres techniques, utilisées plus
récemment, ont permis de mieux connaître le mode d’ouverture des canaux
membranaires. D’abord les neurobiologistes ont pu décrire en détail la structure
de ces protéines grâce aux techniques de la biologie moléculaire. Ensuite, ils ont
pu mesurer au niveau unitaire les courants ioniques qui passent au travers des
canaux analysés à l’aide de nouvelles méthodes utilisées en neurophysiologie. Ce
sont ces études qui ont permis d’examiner les relations entre le potentiel d’action
et les canaux ioniques membranaires. Voyons maintenant quelles sont les bases
ioniques du potentiel d’action en considérant ces propriétés des canaux ioniques.

Canaux sodiques dépendants du potentiel


Le canal sodique dépendant du potentiel ou voltage-dépendant porte bien son
nom. La protéine forme un pore dans la membrane, hautement sélectif aux
ions Na+. Ce pore s’ouvre et se ferme avec les changements du potentiel de
membrane.
Structure du canal sodique.  Le canal sodique dépendant du potentiel est
formé à partir d’un seul polypeptide. La molécule comporte quatre domaines
distincts, notés de I à IV ; chacun d’entre eux est formé de six hélices α trans-
membranaires, notées S1 à S6 (Fig. 4.7). Les quatre domaines sont réunis et for-
ment entre eux un pore. Le pore est fermé lorsque le potentiel de la membrane
au repos est négatif. Lorsque la membrane est dépolarisée jusqu’au seuil, la
molécule subit une modification de structure amenant à une configuration qui
permet le passage des ions Na+ à travers le pore (Fig. 4.8).
Comme le canal potassique, le canal sodium présente dans chacun des
domaines de sa structure des boucles polypeptidiques dans la région du pore, qui
sont impliquées dans la sélectivité ionique. Cette sorte de « filtre ionique » rend le
canal sodium 12 fois plus perméable aux ions Na+ qu’aux ions K+. Apparemment,
la plupart des ions Na+, mais pas tous, sont associés à leur cortège de molécules
d’eau et passent ainsi plus facilement au travers du canal. Les molécules d’eau,
qui servent ainsi en quelque sorte de molécules chaperonnes pour l’ion, sont
nécessaires à la sélectivité ionique du canal. Ce complexe ion-eau peut alors être
utilisé pour sélectionner les ions Na+ et exclure les ions K+ (Fig. 4.9).
Le canal sodium est activé par un changement de potentiel de la membrane.
Il est maintenant bien établi que le senseur de potentiel est situé dans le seg-
ment S4 de la molécule. Dans ce segment, des résidus d’acides aminés positi-
vement chargés sont régulièrement espacés, tout au long des spires de l’hélice.
Dans ces conditions, c’est le segment entier qui est mobilisé lorsqu’intervient un
changement de potentiel. Ainsi la dépolarisation tend à éloigner le segment S4
de la membrane, dans un mouvement intervenant de l’intérieur vers l’extérieur,
et c’est ce changement conformationnel de la protéine qui est à l’origine de
l’ouverture du canal.
Propriétés fonctionnelles du canal sodique.  Les travaux effectués autour de
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1980 à l’Institut Max Planck de Göttingen, en Allemagne, révélèrent les pro-


priétés fonctionnelles du canal sodique dépendant du potentiel. Une méthode
nouvelle dénommée patch-clamp fut utilisée pour étudier les courants ioniques
au travers de canaux uniques (Encadré 4.3). La méthode du patch-clamp per-
met de sceller la pointe d’une minuscule électrode à une très petite partie de
membrane neuronale. Ce patch peut ensuite être extrait de la membrane, ce qui
permet de mesurer les courants ioniques qui passent au travers, tout en bloquant
le potentiel membranaire à une valeur choisie comme avec la méthode du poten­
tiel ou voltage imposé. Avec un peu de chance, la partie de la membrane enlevée
contiendra un seul canal dont les caractéristiques peuvent alors être étudiées.
Cette méthode a permis à Neher et à ses collaborateurs d’étudier les propriétés
fonctionnelles du canal sodique dépendant du potentiel.

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4 – Potentiel d’action 91

Milieu I II III IV
extracellulaire

+ + + +
+ + + +
+ + + +
+ + + +

Milieu
intracellulaire

(a)

S1 S2 S3
S4 S5 S6

+
+
+
+

Boucle
(b)
de la région du pore

Filtre de sélectivité ionique

+ +
+ +
+ +
+ +
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(c) Senseur de potentiel


Porte

Figure 4.7 – Structure du canal sodique dépendant du potentiel.


(a) Modèle conformationnel rendant compte de la position du canal dans la membrane. La molé-
cule comprend 4 domaines, notés de I à IV. Chaque domaine est lui-même formé de 6 hélices α
(représentées par des cylindres de couleur bleue) qui occupent une position transmembranaire.
(b) Agrandissement de l’un de ces domaines montrant le senseur de potentiel de l’hélice α S4 et
la boucle intervenant au niveau du pore (en rouge) qui contribue à la sélectivité ionique. (c) Repré-
sentation de la molécule montrant comment les domaines s’auto-organisent pour former le pore.
(Source : adapté de Armstrong et Hille, 1998, Fig. 1.)

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92 1 – Bases cellulaires

Pore fermé Pore ouvert

+ +
+ +
+ +
+ + + +
+ +
+ +
+ +

– 65 mV – 40 mV

Figure 4.8 – Modèle hypothétique du changement conformationnel du canal sodique lors de la


dépolarisation de la membrane.

Faire varier le potentiel membranaire de – 80 à – 65 mV dans ce patch repré-


sentant une petite partie de la membrane axonique n’a que peu d’effet sur les
H H canaux sodiques dépendants du potentiel : ils restent fermés car le potentiel
H H O
O
membranaire n’a pas encore atteint le seuil de dépolarisation. Lorsque le poten-
0,5 nm
K+
tiel membranaire passe ensuite de – 65 à – 40 mV, les canaux s’ouvrent. Comme
Na+
le montre la figure 4.10, le fonctionnement des canaux sodiques dépendants du
Dimension Dimension Dimension potentiel est stéréotypé :
du filtre des ions des ions 1. ils s’ouvrent rapidement ;
de sélection Na+ K+ 2. ils restent ouverts environ 1 ms, puis se referment (c’est l’inactivation) ;
ionique partiellement partiellement
du canal hydratés hydratés 3. la dépolarisation ne provoque pas de nouvelle ouverture tant que le potentiel
sodique membranaire ne retrouve pas une valeur négative proche du seuil.
Figure 4.9 – Dimensions du filtre de sélecti- La figure 4.10c présente un modèle hypothétique montrant les changements
vité ionique pour le canal sodique. conformationnels susceptibles de rendre compte des propriétés des canaux
Un cortège de molécules d’eau accom- sodiques dépendants du potentiel.
pagne le passage des ions Na+. Les ions Na+ Un seul canal ne fait pas un potentiel d’action. La membrane d’un axone
hydratés passent ; les ions K+, non. (Source : peut contenir des centaines de canaux sodiques par μm2 et l’action concertée de
adapté de Hille, 1992, Fig. 5 et 6.)
tous ces canaux est nécessaire pour générer ce que l’on enregistre comme étant
un potentiel d’action. Néanmoins, il est intéressant de voir l’importance des rela-
tions entre les caractéristiques du potentiel d’action et les propriétés des canaux
sodiques dépendants du potentiel. Par exemple, le fait que des canaux particu-
liers ne s’ouvrent que lorsque la membrane atteint un certain niveau de dépolari-
sation explique l’existence du seuil du potentiel d’action. L’ouverture immédiate
des canaux en réponse à la dépolarisation explique quant à elle pourquoi la
phase ascendante du potentiel d’action survient si rapidement ; et la brève durée
d’ouverture qui précède l’inactivation (environ 1 ms), explique aussi en partie
pourquoi le potentiel d’action est si bref. De plus, l’inactivation des canaux peut
expliquer la période réfractaire absolue : d’autres potentiels d’action ne seront
générés que lorsque les canaux sont réactivés.
Le génome humain comporte plusieurs gènes codant pour les canaux
sodiques. Les différences d’expression de ces gènes dans différentes catégories
de neurones peuvent rendre compte de variations subtiles mais importantes des
propriétés du potentiel d’action. Récemment, il a été rapporté que des mutations
d’un seul acide aminé dans le domaine extracellulaire d’un sous-type de canal
sodique provoquaient une forme héréditaire d’épilepsie chez l’enfant, dénom-
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mée épilepsie généralisée avec crises fébriles. Dans ce cas, les crises d’épilepsie
résultent d’une activité neuronale « explosive », hautement synchrone, dans cer-
taines régions du cerveau (l’épilepsie sera décrite en détail dans le chapitre 19).
Les crises d’épilepsie résultant de ces mutations sont déclenchées en réponse à
une forte fièvre (fébrile dérive du mot latin pour « fièvre »). Cette forme d’épilep-
sie est généralement constatée chez les très jeunes enfants, entre 3 mois et 5 ans.
Bien que les mécanismes exacts du déclenchement de ces crises par l’élévation de
la température ne soient pas connus avec précision, l’idée est que les mutations
ralentissent l’inactivation des canaux sodiques, prolongeant ainsi l’effet de dépo-
larisation. L’épilepsie généralisée avec crises fébriles est reconnue comme appar-
tenant au groupe des canalopathies, correspondant à des maladies génétiques
causées par l’altération de la structure et de la fonction des canaux ioniques.

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4 – Potentiel d’action 93

Encadré 4.3 BASES THÉORIQUES

Méthode du patch-clamp
L’existence réelle de canaux dépendants du potentiel membrane sous-jacente. Si l’on retire alors l’électrode de
dans la membrane n’était qu’une hypothèse, jusqu’au déve- la cellule, on peut arracher le morceau de membrane
loppement de méthodes permettant d’étudier les protéines (Fig. Ac), et mesurer les courants ioniques tout en appli-
individuelles de ces canaux. Au milieu des années 1970, quant des voltages constants à travers la membrane
deux neurobiologistes allemands, Bert Sakmann et Erwin (Fig. Ad). Avec un peu de chance, il est possible de déter-
Neher, mirent au point une nouvelle méthode révolution- miner les courants qui passent dans un seul canal. Si, par
naire, pour laquelle ils reçurent le prix Nobel en 1991. exemple, la partie de membrane contient un canal
Cette méthode permet d’enregistrer les courants sodique dont l’ouverture est dépendante du potentiel et
ioniques au travers d’un type de canaux. La première si on modifie le potentiel membranaire de – 65 à – 40 mV,
étape consiste à descendre doucement l’extrémité effilée le canal va s’ouvrir et le courant passera à travers (Fig. Ae).
d’une électrode de verre, de 1-5 μm de diamètre, jusqu’à Avec un voltage membranaire constant, l’amplitude du
la membrane du neurone (Fig. Aa), puis à pratiquer une courant reflète la conductance du canal et le temps de
aspiration au travers de la pointe de l’électrode (Fig. Ab). passage du courant reflète la durée d’ouverture du canal.
Légèrement aspirée, la partie de membrane sous-jacente La méthode du patch-clamp montre que la plupart
s’insère à l’intérieur de la pointe de l’électrode et se trouve des canaux basculent entre deux états de conductance,
étroitement associée aux parois de verre. Cet échantillon que l’on peut interpréter comme « ouvert » ou « fermé ».
membranaire dénommé scellement «  giga-ohm  » (à Le temps d’ouverture est variable, mais la valeur de la
cause de sa grande résistance électrique, > 109 Ω) ne conductance d’un type de canal ne change pas. Les ions
laisse passer les ions présents au niveau de l’électrode peuvent passer au travers de ces canaux à une cadence
qu’au travers des canaux présents dans la partie de étonnante : bien plus d’un million par seconde.

Pipette
Pointe Canal Canal
de la pipette sodium (fermé) sodium (ouvert)

Na+

Neurone

(a)

Échantillon
membranaire
« giga-ohm » (b) (c) (d)

Vm
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– 65 mV

Modification du voltage à travers le patch


membranaire
Extérieur
Canal ouvert Canal fermé

Intérieur
(e) Modification du voltage cause l'ouverture du canal sodique
Figure A

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94 1 – Bases cellulaires

5 ms

– 40 mV
Vm
– 65 mV

(a)

Canal fermé

Courant Canal ouvert


entrant

Courant
entrant

1 3 4
Courant 2
entrant
(b)

Canal sodique
Na+

Membrane
1 2 3 4

(c)

Figure 4.10 – Ouverture et fermeture des canaux sodiques avec la dépolarisation de la membrane.


(a) Cet enregistrement illustre les variations du potentiel membranaire mesurées par la méthode
du patch-clamp. Lorsque le potentiel de membrane varie de – 65 à – 40 mV, les canaux sodiques
s’ouvrent brutalement. (b)  Ces enregistrements montrent comment trois canaux différents répondent
à cette dépolarisation de la membrane. Chacun des enregistrements illustre le ­comportement d’un
seul de ces canaux. ① À – 65 mV, les canaux sont fermés et aucun courant n’est donc enregistré.
② Lorsque le potentiel de membrane passe à – 40 mV, les canaux s’ouvrent brièvement ce qui
génère un courant entrant mesuré par l’électrode de patch. Ce courant entrant est représenté par la
déflection vers le bas de l’enregistrement. Bien que quelques différences puissent être enregistrées
d’un canal à l’autre, tous s’ouvrent avec un délai très bref et restent ouverts pour une durée infé-
rieure à 1 ms. Notez qu’après une première ouverture, ces canaux se ferment et demeurent fermés
tout autant que le potentiel de membrane Vm se maintient à la valeur dépolarisée. ③ La fermeture
des canaux par cette dépolarisation persistante est dénommée inactivation. ④ Pour permettre une
nouvelle activation des canaux, le potentiel de membrane doit retourner à – 65 mV. (c) Ce modèle
tend à expliquer comment les changements de conformation de la protéine-canal rendent compte
de ses propriétés fonctionnelles. ① Le canal fermé ② s’ouvre en réponse à la dépolarisation de la
membrane. ③ L’inactivation intervient par obturation du pore à partir du déplacement d’une partie
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de la protéine, le canal étant ouvert. ④ L’activation est à nouveau possible lorsque cette partie de
la protéine qui obstrue le pore est dégagée sous l’effet de la repolarisation de la membrane, ce qui
entraîne le retour à la normale et la fermeture du canal par des changements conformationnels des
domaines transmembranaires.

Effets des toxines sur le canal sodique.  Au début des années 1960, des
chercheurs de l’Université Duke ont été à l’origine de la découverte des effets
bloquants de la tétrodotoxine (TTX), une toxine isolée des ovaires d’un pois-
son japonais très particulier, sur les canaux sodiques (Fig. 4.11). Les courants
sodiques, ainsi que les potentiels d’action, peuvent effectivement être bloqués au
moyen de la TTX ; cette toxine virulente obstrue le pore perméable aux ions Na+
en se liant fortement à un site spécifique situé à l’extérieur du canal. Comme cela

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4 – Potentiel d’action 95

Figure 4.11 – Le poisson Fugu, source de TTX.


(Source : courtoisie du Dr Toshio Narahashi, Duke University.)

sera à nouveau mentionné, ce composé est fréquemment utilisé dans les expé-
riences pour bloquer la propagation des influx dans le muscle ou le nerf. La TTX
est fatale lorsqu’elle est ingérée. Pourtant ces poissons sont très appréciés au
Japon et les spécialistes du sushi s’entraînent de nombreuses années et doivent
obtenir une licence du gouvernement pour pouvoir préparer ce poisson, de façon
qu’en le mangeant on ressente un léger engourdissement de la bouche. C’est ce
qui s’appelle se nourrir dangereusement !
La TTX est une des nombreuses toxines naturelles interférant avec les canaux
sodiques dépendants du potentiel. Une autre de ces neurotoxines qui bloque
les canaux est la saxitoxine, produite par les dinoflagellés du genre Gonyaulax.
La saxitoxine est concentrée dans les praires, les palourdes, les moules et autres
coquillages associés à ce genre de protozoaire. Occasionnellement, les dinofla-
gellés se développent, causant ce que l’on nomme une « marée rouge ». Manger
des coquillages à ce moment-là peut s’avérer fatal, à cause de la concentration
anormalement élevée de la toxine.
En plus de ces toxines qui bloquent les canaux sodiques, d’autres substances
interfèrent avec le fonctionnement neuronal en produisant des ouvertures inap-
propriées des canaux ; telle la batrachotoxine, isolée de la peau d’une espèce de
grenouille de Colombie. La batrachotoxine provoque une ouverture des canaux
sodiques à un potentiel plus négatif que la normale. De plus, l’ouverture du
canal est plus longue que normalement, brouillant ainsi l’information codée par
les potentiels d’action. D’autres toxines, telles que la vératridine produite par une
sorte de muguet et l’aconitine extraite du bouton d’or, présentent un mécanisme
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d’action similaire. Enfin, l’inactivation des canaux sodiques est aussi affectée par
des toxines de scorpions ou d’anémones de mer.
Que nous apprennent ces toxines ? D’abord, que les différentes toxines
affectent la fonction des canaux ioniques en se fixant sur différents sites de ces
protéines. Ces informations ont ainsi contribué à résoudre la structure tridimen-
sionnelle des canaux sodiques. Ensuite, les toxines peuvent être utilisées comme
des outils pharmacologiques pour étudier les conséquences du blocage des
potentiels d’action. Par exemple, comme nous le verrons plus loin, la TTX est
un agent fréquemment utilisé dans les expériences nécessitant le blocage d’une
activité nerveuse ou musculaire. Enfin, la dernière et sans doute plus importante
leçon tirée de l’utilisation de ces toxines : faites donc attention à ce que vous
mangez !

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96 1 – Bases cellulaires

Canaux potassiques dépendants du potentiel


Les expériences de Hodgkin et Huxley ont démontré que la phase descen-
dante du potentiel d’action ne s’explique qu’en partie par l’inactivation de gNa.
Ils ont découvert qu’une augmentation transitoire de la conductance potassique
gK entre aussi en jeu, pour ramener plus rapidement la membrane à un potentiel
négatif après que la dépolarisation ait atteint sa valeur maximale. Ces auteurs
ont proposé l’existence dans la membrane de canaux potassiques semblables aux
canaux sodiques, qui s’ouvrent en réponse à la dépolarisation de la membrane.
Cependant, à l’inverse des canaux sodiques, les canaux potassiques ne s’ouvrent
pas immédiatement lors de la dépolarisation de la membrane ; il leur faut envi-
ron 1 ms pour s’ouvrir. À cause de ce délai et parce que la conductance potas-
sique entre en jeu pour rétablir le potentiel de la membrane, cette conductance
génère un courant dit de rectification tardive du potentiel membranaire.
Nous savons aujourd’hui qu’il existe plusieurs types différents de canaux
potassiques dépendants du potentiel. La plupart s’ouvrent lorsque la membrane
est dépolarisée, ce qui vient ainsi affaiblir toute dépolarisation ultérieure en
permettant aux ions K+ de sortir de la cellule en traversant la membrane. Les
canaux potassiques dépendants du potentiel qui sont connus ont en commun
une structure similaire. Les protéines de ces canaux comportent quatre sous-uni-
tés polypeptidiques distinctes, associées pour former un pore. Comme dans le
cas du canal sodique, ces protéines sont sensibles aux variations de potentiel qui
affectent la membrane. Lorsque la membrane est dépolarisée, les sous-unités
pourraient ainsi subir un changement conformationnel qui permettrait le pas-
sage des ions K+ à travers le pore.

Potentiel d’action : vue d’ensemble


Compte tenu des données sur les ions et les canaux présentées ci-dessus, les
propriétés du potentiel d’action peuvent être résumées comme suit (Fig. 4.12).
•• Seuil. Le seuil représente le potentiel membranaire auquel un nombre suf-
fisant de canaux sodiques dépendants du potentiel s’ouvrent, de sorte que
la perméabilité ionique de la membrane soit en faveur du sodium plutôt
que du potassium.
•• Phase ascendante. Lorsque l’intérieur de la membrane présente un potentiel
négatif, une grande force électromotrice s’exerce sur les ions Na+. Les ions Na+
pénètrent donc à l’intérieur de la cellule au travers des canaux sodiques qui
sont ouverts, ce qui entraîne la dépolarisation rapide de la membrane.
•• Phase de potentiel positif (overshoot). Parce que la perméabilité de la
membrane est largement en faveur du sodium, le potentiel membranaire
s’établit à une valeur proche de ENa, supérieure à 0 mV.
•• Phase descendante. Deux types de canaux jouent un rôle dans la phase des-
cendante. Les canaux sodiques, qui sont inactivés ; puis les canaux potas-
siques, qui s’ouvrent brutalement (avec un délai de 1 ms, sous l’influence
de la dépolarisation de la membrane). Lorsque la membrane est fortement
dépolarisée, une puissante force électromotrice pousse les ions K+ hors de la
cellule au travers des canaux, et le potentiel de la membrane redevient négatif.
•• Post-hyperpolarisation (undershoot). Les canaux potassiques ouverts sous
l’influence de la dépolarisation augmentent la perméabilité de la membrane
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au potassium. Comme la perméabilité au sodium est à ce moment-là très


faible, le potentiel membranaire tend vers EK, ce qui entraîne une hyper-
polarisation par rapport au potentiel de repos, jusqu’à ce que les canaux
potassiques se referment.
•• Période réfractaire absolue. Les canaux sodiques sont inactifs lorsque la
membrane est fortement dépolarisée. Leur réactivation et la genèse d’un
autre potentiel d’action ne sont plus possibles tant que le potentiel de la
membrane n’est pas suffisamment négatif pour réactiver les canaux.
•• Période réfractaire relative. Le potentiel membranaire est hyperpolarisé
tant que les canaux potassiques sont ouverts. Aussi faut-il plus de courant
dépolarisant pour que le potentiel membranaire atteigne le seuil de dépo-
larisation.

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4 – Potentiel d’action 97

Na +

Sortie
e
Entrée d

de K
+
(a)

Courants correspondant Courant entrant


aux canaux sodiques
dépendants du potentiel

(b)

Courant global résultant


de l’activation de l’ensemble
des canaux Na+
(c)

Courants correspondant
Courant sortant
aux canaux potassiques
dépendants du potentiel

(d)

Courant global résultant


de l’activation de l’ensemble
des canaux K+

(e)

Sortie de K+
Courant transmembranaire
« net » Courant sortant

Courant entrant
(f)
Entrée de Na+
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Figure 4.12 – Bases moléculaires du potentiel d’action.


(a) Représentation des variations du potentiel de membrane pendant le potentiel d’action. La phase ascendante est liée à l’entrée des ions Na+ au
travers de centaines de canaux sodiques dépendants du potentiel. La phase descendante correspond à l’inactivation des canaux sodiques et à la
sortie des ions K+ au travers des canaux potassiques dépendants du potentiel. (b) Courants entrant au travers de 3 canaux sodiques dépendants du
potentiel représentatifs. Lorsque la membrane est dépolarisée au seuil, les canaux s’ouvrent avec un petit délai. Les canaux ne restent ouverts que
pour une durée de 1 ms au maximum, puis sont inactivés. (c) Courant sodique global résultant de l’activation de tous les canaux sodiques dépendants
du potentiel. (d) Courant sortant résultant de l’activation caractéristique de 3 différents canaux potassiques dépendants du potentiel. Les canaux
potassiques dépendants du potentiel s’ouvrent environ 1 ms après la dépolarisation au seuil de la membrane. Ils restent ouverts aussi longtemps que
la membrane reste dépolarisée. Cependant, la haute perméabilité au potassium entraîne rapidement une hyperpolarisation de la membrane. Lorsque
les canaux potassiques se ferment, alors le potentiel de membrane retourne à sa valeur de repos, soit environ – 65 mV. (e) Courant potassique global.
(f) Courant membranaire « net » durant le potentiel d’action (sommation algébrique des courants mesurés en c et e).

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98 1 – Bases cellulaires

Comme cela vient d’être développé, les caractéristiques du potentiel d’action


sont directement liées à la présence des canaux et au mouvement des ions au
travers de ces canaux. Toutefois, il est important de se souvenir que la pompe
sodium-potassium travaille aussi sans relâche à l’arrière-plan et qu’elle inter-
vient dans les variations de potentiel. Il est ainsi possible de se représenter l’af-
flux des ions Na+ au cours du potentiel d’action comme une vague se projetant
à l’avant d’un bateau qui naviguerait en haute mer. Comme la pompe de cale du
bateau évacuant l’eau ainsi embarquée, la pompe sodium-potassium travaille
sans interruption pour faire passer les ions Na+ au travers de la membrane. Elle
contribue au maintien des gradients de concentration ioniques qui sont à la base
des mouvements des ions Na+ et K+ au travers de leurs canaux respectifs, pen-
dant la durée du potentiel d’action.

Propagation
du potentiel d’action
Pour transférer l’information d’un point à un autre du système nerveux, il
est nécessaire que le potentiel d’action qui a été généré se propage dans l’axone.
Ce processus est semblable à ce qui se passe lors de la mise à feu d’une fusée.
Imaginez que vous tenez une fusée de feu d’artifice dans la main et une allumette
enflammée dans l’autre, pour la mise à feu. La fusée décolle quand elle est suffi-
samment chauffée (au-delà d’un certain seuil) à sa base. Puis la chaleur dégagée
par la combustion se propage vers le segment de fusée situé juste au-dessus,
jusqu’à ce qu’il prenne feu à son tour. La flamme va se propager ainsi progres-
sivement tout au long de la fusée, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à brûler. Il est
important de remarquer que la fusée, qui a été allumée à un bout, ne peut brûler
que dans un sens : la flamme ne peut pas revenir sur elle-même car le matériel
combustible à l’arrière a déjà été utilisé.
La propagation du potentiel d’action le long de l’axone est semblable à la
propagation de la flamme le long de la fusée. Lorsque l’axone est suffisamment
dépolarisé pour atteindre le seuil nécessaire, les canaux sodiques dépendants du
potentiel s’ouvrent et le potentiel d’action est initié. L’afflux de charge positive
dépolarise le segment de membrane situé juste devant, jusqu’à ce qu’il atteigne
le seuil à son tour et génère son propre potentiel d’action1 (Fig. 4.13). Ainsi, le
potentiel d’action poursuit son chemin vers l’axone jusqu’à ce qu’il parvienne
à son extrémité dans les terminaisons axoniques et déclenche la transmission
synaptique (voir chapitre 5).
Le potentiel d’action généré à l’une des extrémités de l’axone ne se propage
que dans une seule direction ; il ne peut pas revenir en arrière. Cela provient
de ce que la membrane située juste en arrière est devenue réfractaire, à cause
de l’inactivation des canaux sodiques. Mais, comme la fusée, un potentiel d’ac-
tion peut être généré à partir de l’une ou l’autre extrémité de l’axone et ainsi se
propager dans une direction ou l’autre (bien que, en général, les potentiels d’ac-
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tion ne se propagent que dans une seule direction ; celle-ci est dénommée pro­
pagation orthodromique. La propagation des potentiels d’action en sens inverse
sur l’axone est dénommée quant à elle propagation antidromique). Parce que la
membrane axonique est excitable (c’est-à-dire capable de générer des potentiels
d’action) sur toute sa longueur, l’influx nerveux se propage régulièrement. Il
en est de même avec la fusée car le matériel combustible s’étend régulièrement
sur toute sa longueur. Cependant, contrairement à la fusée, l’axone présente la
faculté de régénérer sa capacité de mise à feu.

1.  NdT : le potentiel d’action est ainsi qualifié « d’autorégénératif ».

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4 – Potentiel d’action 99

+ +

Temps zéro +

+ +

1 ms plus tard +

+ +

2 ms plus tard + Figure 4.13 – Propagation du potentiel d’ac-


tion le long de l’axone.
L’entrée de charges positives au cours du
+ + potentiel d’action induit une dépolarisation au
seuil de la zone membranaire située juste en
3 ms plus tard avant du potentiel d’action.

La vitesse de conduction des potentiels d’action est variable, avec une valeur
moyenne de 10 m/s. Comme, du début à la fin, le potentiel d’action ne dure
que 2 ms, la longueur de la membrane concernée par le potentiel d’action à un
moment donné peut être calculée simplement de la façon suivante :
10 m/s × 2 × 10– 3 s = 2 × 10– 2 m

Par conséquent, un potentiel d’action se propageant à la vitesse de 10 m/s est


présent sur une longueur d’axone de 2 cm.

Facteurs influençant la vitesse de propagation


Au cours du potentiel d’action, le courant sodique entrant dépolarise la par-
tie de la membrane située juste devant. Si cette région de la membrane atteint le
seuil de dépolarisation, elle déclenche un potentiel d’action qui va se propager
jusqu’à l’extrémité de cette membrane. La vitesse à laquelle se propage le poten-
tiel d’action dans l’axone dépend de la propagation de la dépolarisation émanant
du potentiel d’action qui se déplace le long de l’axone. Cette vitesse de propaga-
tion dépend de certaines caractéristiques physiques de l’axone.
La modification de la charge dans un axone au cours du potentiel d’action,
matérialisée par une entrée de charges positives, peut être assimilée à la mise en
eau d’un tuyau d’arrosage percé. L’eau peut s’écouler de deux façons : soit s’écou-
ler dans le tuyau, soit s’écouler par les trous qui parsèment le tuyau. La quantité
d’eau qui s’écoule dépend de la résistance relative du tuyau ; la plus grande par-
tie de l’eau prendra le chemin qui présente le moins de résistance. Si le tuyau est
étroit et que les trous sont de gros diamètre et nombreux, l’eau s’écoulera essen-
tiellement par les trous. Si au contraire le tuyau est large et que les trous sont très
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petits et peu nombreux, l’eau s’écoulera essentiellement par le tuyau. Les mêmes
principes sont applicables au courant positif qui se propage le long de l’axone à
l’avant du potentiel d’action. La charge positive peut prendre deux directions :
soit se diriger vers l’intérieur du neurone, soit traverser la membrane axonique.
Si l’axone est de petit diamètre et que de nombreux pores sont ouverts dans la
membrane, le courant passera surtout à travers la membrane. Si l’axone est de
diamètre plus important et qu’il y a peu de pores ouverts dans la membrane, le
courant se propagera surtout à l’intérieur de l’axone. Plus loin le courant envahit
une région importante de l’axone, plus la dépolarisation de la membrane générée
par le potentiel d’action sera elle-même importante, et plus vite se propagera le
potentiel d’action. Aussi, en règle générale, la vitesse de conduction du potentiel
d’action augmente avec le diamètre de l’axone.

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100 1 – Bases cellulaires

À cause de cette relation entre le diamètre de l’axone et la vitesse de conduc-


tion, les systèmes neuronaux particulièrement impliqués dans la survie de l’in-
dividu ont développé des axones de taille anormalement importante, comme
par exemple l’axone géant du calmar. Formé à partir des neurones du ganglion
étoilé du calmar, l’axone géant innerve la musculature du manteau externe de
l’animal. Cet axone fait partie d’une voie qui sert de relais au réflexe de fuite, en
réponse à une forte stimulation sensorielle. Le diamètre de l’axone géant du cal-
mar peut atteindre 1 mm, à tel point qu’il a été avancé, dans un premier temps,
que cet axone faisait partie du système circulatoire du calmar. Les neurosciences
reconnaissent au zoologiste britannique J. Z. Young le mérite d’avoir, en 1939,
démontré l’intérêt que représentait l’axone géant du calmar dans l’étude de la
biophysique de la membrane neuronale. Hodgkin et Huxley utilisèrent ces don-
nées pour déterminer les bases ioniques du potentiel d’action et la neurobiologie
continue d’utiliser l’axone géant dans toute une série de travaux.
Il est intéressant de noter ici que le diamètre de l’axone et le nombre de
canaux sodiques dépendants du potentiel de la membrane affectent aussi l’ex-
citabilité. Les axones de petit diamètre nécessitent une dépolarisation plus forte
pour atteindre le seuil du potentiel d’action et ils sont plus sensibles au blocage
par les anesthésiques locaux (Encadré 4.4).

Myéline et conduction saltatoire


La conduction des potentiels d’action est plus rapide dans les axones de
gros diamètre ; en revanche ces axones occupent beaucoup de place. Si tous les
axones du cerveau avaient le diamètre de l’axone géant du calmar, notre tête
serait tellement grosse qu’il ne nous serait pas possible de franchir une porte.
Heureusement, les vertébrés ont développé une autre façon d’augmenter la
vitesse de conduction des potentiels d’action : en isolant l’axone au moyen d’une
gaine de myéline (voir chapitre 2). La myéline est constituée de plusieurs enroule-
ments de membrane produits par les cellules gliales : les cellules de Schwann du
système nerveux périphérique, c’est-à-dire en dehors du cerveau et de la moelle
épinière, et les oligodendrocytes du système nerveux central. De même qu’en
entourant le tuyau d’arrosage percé avec de la toile adhésive, l’écoulement de
l’eau dans le tuyau est facilité, la myéline facilite le passage du courant à l’inté-
rieur de l’axone et augmente ainsi la vitesse de conduction du potentiel d’action
(Encadré 4.5).
La gaine de myéline n’est pas continue sur toute la longueur de l’axone. Il y a
des interruptions dans l’isolation, par lesquelles les ions traversent la membrane
pour générer des potentiels d’action. Ces interruptions dans la gaine de myéline,
s’appellent les nœuds de Ranvier (Fig. 4.14). Il existe une forte concentration
de canaux sodiques dépendants du potentiel dans la membrane au niveau des
nœuds de Ranvier2. La distance entre les nœuds est généralement de 0,2-2,0 mm,
selon la taille de l’axone (la distance entre les nœuds est plus importante dans les
axones de gros diamètre).
Le potentiel d’action se déplace ainsi le long de la membrane axonique
comme on se déplace le long d’un chemin. Sans myéline, la conduction du poten-
tiel d’action se passe comme si on marchait à petits pas, en posant le talon puis la
pointe du pied et encore le pied juste devant, pour parcourir chaque centimètre
de l’allée. En revanche, en présence de myéline, la conduction se passe comme
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si on sautillait tout au long du chemin. Dans les axones myélinisés, le potentiel


d’action, saute de nœud en nœud (Fig. 4.15). Ce type de propagation du potentiel
d’action s’appelle la conduction saltatoire.

2.  NdT : a contrario, l’intervalle entre les nœuds de Ranvier, qualifié de « segment inter-
variqueux », présente une excitabilité moindre et comporte une forte densité de canaux
potassiques.

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4 – Potentiel d’action 101

Encadré 4.4 FOCUS

Anesthésie locale
Même si vous avez décidé de résister à la douleur, à Canaux
un moment vous ne pouvez plus la supporter et vous sodiques
allez voir votre dentiste ! Heureusement, le pire qui vous I II III IV dépendants
du potentiel
attend pour traiter votre carie n’est que la piqûre provo-
quée par l’aiguille, qui va lui permettre de vous adminis-
trer l’anesthésique localement. Après l’injection, votre
bouche est rapidement engourdie et vous pouvez rêvas-
ser, alors même que le dentiste fraise votre dent et vous
traite efficacement. Mais qu’est-ce qui a été injecté et
comment cela agit-il ? N
Les anesthésiques locaux sont des agents qui vont C
temporairement bloquer la propagation des potentiels
d’action le long des axones. Ils sont qualifiés de « locaux »
car ils sont administrés à l’intérieur même du tissu à anes-
thésier. Les axones de petit diamètre, qui déchargent à Hélice alpha S6
haute fréquence, sont les plus sensibles au blocage de la
conduction nerveuse par les anesthésiques locaux.
Le premier anesthésique local utilisé en médecine a
été la cocaïne. Ce produit a été initialement extrait des
feuilles de coca en 1860, par le chimiste allemand Albert
Niemann. En accord avec les usages en pharmacologie
de cette époque, Niemann a entrepris de goûter lui-même
son produit, et a constaté un engourdissement de sa
langue. Néanmoins, il s’avéra très vite que la cocaïne C2H5 C2H5

avait d’autres effets, notamment des propriétés addic- N


Sites de fixation
tives et toxiques (les propriétés psychotropes de la cocaïne CH2
de la lidocaïne
O C S6
furent étudiées par un autre fameux médecin de cette NH
époque, Sigmund Freud. La cocaïne affecte l’humeur par H3C CH3

un mécanisme complètement distinct de celui de l’anes-


thésie locale, comme nous le verrons dans le chapitre 15).
Lidocaïne
La recherche d’un substitut de la cocaïne a conduit à
la mise au point de la lidocaïne, qui est maintenant
l’anesthésique local de référence. La lidocaïne peut être
dissoute dans une gelée et badigeonnée dans la bouche,
notamment (et ailleurs), pour engourdir les terminai-
sons nerveuses (ce qui est dénommé anesthésie topique) ;
elle peut aussi être injectée directement dans les tissus Figure A – Mécanismes d’action de la lidocaïne.
(Source : adapté de Hardman et al., 1996, Fig. 15.3.)
(infiltration) ou dans les nerfs (pour bloquer l’activité
nerveuse). Elle peut même être administrée directement
dans le liquide céphalorachidien de la moelle épinière sont ouverts plus souvent). La lidocaïne ainsi fixée au
(anesthésie spinale) et, dans ce cas, anesthésier une large canal interfère avec le flux d’ions Na+ qui résulte nor-
partie du corps. malement de la dépolarisation.
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La lidocaïne et les autres anesthésiques locaux Les axones de petit diamètre sont plus sensibles aux
bloquent la propagation des potentiels d’action par une anesthésiques locaux que les axones de plus gros dia-
action sur les canaux sodiques dépendants du potentiel. mètre parce que leurs potentiels d’action ont moins de
Le site d’action de la lidocaïne sur ces canaux a été iden- marge de sécurité : plus de canaux sodiques dépendants
tifié au niveau du segment S6 du domaine IV de la pro- du potentiel sont engagés dans la propagation du poten-
téine (Fig. A). La lidocaïne ne peut pas atteindre directe- tiel d’action. Cela augmente la sensibilité des petits
ment ce site à partir de l’extérieur et doit d’abord axones aux anesthésiques locaux mais cela est fortuit en
pénétrer la membrane axonique au travers du pore du clinique humaine. Comme nous le verrons dans le cha­
canal avant de trouver ses sites de fixation à l’intérieur pitre 12, ce sont les fibres de petit diamètre qui véhi-
de ce pore. Cela explique pourquoi les nerfs les plus culent les informations nociceptives, telles que celles
actifs sont bloqués plus rapidement (les canaux sodiques relatives à la douleur dentaire.

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102 1 – Bases cellulaires

Encadré 4.5 FOCUS

Sclérose en plaques, maladie démyélinisante


C’est une atteinte neurologique connue sous le nom de myéline augmente la vitesse de conduction dans le sys-
sclérose en plaques qui a révélé le rôle critique de la myéline tème nerveux. Il existe des tests simples qui consistent à
dans le transfert de l’information dans le système nerveux stimuler l’œil avec un genre de damier lumineux, puis à
chez l’homme. Les personnes souffrant de sclérose en calculer, à partir du scalp, le délai de réponse électrique
plaques se plaignent souvent de faiblesse musculaire, de dans la partie du cerveau qui correspond aux projections
manque de coordination et de gêne dans la vision et le du nerf optique. La vitesse de conduction du nerf optique
langage. La maladie est capricieuse, généralement caracté- est significativement réduite dans la sclérose en plaques.
risée par des rémissions et des rechutes, sur plusieurs Une autre maladie démyélinisante, le syndrome de
années. Bien que l’origine précise de la maladie ne soit pas Guillain-Barré, affecte la myéline des nerfs périphériques
vraiment connue, la cause des troubles moteurs et senso- qui innervent les muscles et la peau. Cette maladie peut
riels est tout à fait claire. La sclérose en plaques affecte les survenir à la suite d’affections mineures ou de vaccination
gaines de myéline de groupes d’axones du cerveau, de la et il semble qu’elle traduise une réponse immunologique
moelle épinière et des nerfs optiques. Le mot vient du grec anormale contre la propre myéline du patient. Les symp-
skleros, qui signifie durcir, ce qui correspond à l’effet des tômes proviennent du ralentissement et/ou du manque de
lésions qui se développent autour des groupes d’axones ; conduction des potentiels d’action dans les axones qui
et l’on parle de sclérose en plaques car la maladie affecte innervent les muscles. Ce déficit peut être exploré clinique-
plusieurs endroits du système nerveux, simultanément. ment en utilisant la stimulation électrique des nerfs péri-
Les lésions du cerveau peuvent aujourd’hui faire l’ob- phériques à travers la peau, et en calculant le délai de
jet d’une exploration grâce à des méthodes non invasives, réponse (la contraction d’un muscle, par exemple). La
telle que la résonance magnétique nucléaire (RMN), mais ­sclérose en plaques, comme le syndrome de Guillain-Barré,
les neurologues ont pu depuis longtemps diagnostiquer la est caractérisée par un profond ralentissement du délai
sclérose en plaques en tenant compte du fait que la de réponse car la conduction saltatoire est interrompue.

Axone

Figure 4.14 – Gaine de myéline et nœuds de


Ranvier.
L’isolation électrique assurée par la myéline
contribue à la propagation du potentiel
­d’action d’un nœud de Ranvier à un autre.
Beaucoup de canaux Nœud de Ranvier
Les canaux sodiques dépendants du poten-
sodiques dépendants
tiel sont concentrés dans la membrane de du potentiel au niveau
l’axone, au niveau des nœuds de Ranvier. des nœuds de Ranvier Gaine de myéline

Gaine de myéline Nœud de Ranvier Axone

+
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Temps zéro

Figure 4.15 – Conduction saltatoire.
La myéline contribue à une diffusion plus large + +

et plus rapide des courants entre les nœuds


de Ranvier, ce qui résulte en une conduction
rapide des potentiels d’action. À cet égard,
comparez cette figure avec la figure 4.12. 1 ms plus tard

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4 – Potentiel d’action 103

Potentiels d’action,
axones et dendrites
Les potentiels d’action étudiés dans ce chapitre ne concernent que les axones.
En règle générale, la membrane des dendrites et du soma ne génère pas de poten- Neurone
pyramidal
tiel d’action lié au sodium car cette membrane contient peu de canaux sodiques
dépendants du potentiel. Seule la membrane qui contient cette protéine spé-
cifique est capable de générer des potentiels d’action et ce type de membrane
excitable se trouve généralement dans les axones. C’est pourquoi la partie du
neurone qui donne naissance à l’axone à partir du soma, le cône axonique, s’ap-
pelle aussi la zone d’initiation de l’influx nerveux. Dans les neurones du cerveau
ou de la moelle épinière, la dépolarisation des dendrites et du soma causée par
les afférences synaptiques issues d’autres neurones entraîne le déclenchement
de potentiels d’action si la dépolarisation de la membrane du cône axonique Zone d’initiation
dépasse le seuil (Fig. 4.16a). Dans la plupart des neurones sensoriels, toutefois, des influx nerveux :
la zone d’initiation des décharges se trouve près des terminaisons du nerf senso­ cone axonique
riel, là où la dépolarisation provoquée par la stimulation sensorielle entraîne le
déclenchement de potentiels d’action se propageant le long des nerfs sensoriels (a) Neurone
(Fig. 4.16b). sensoriel
Dans le chapitre 2, il a été mentionné que les axones et les dendrites pré-
sentent une morphologie différente. Ils ont aussi des fonctions différentes, qui
sont entre autres spécifiées au niveau moléculaire par la nature des protéines
existant dans la membrane. Les différents types de canaux ioniques et leur den-
sité dans la membrane expliquent aussi les propriétés électriques caractéristiques Zone d’initiation des influx nerveux :
terminaison nerveuse sensorielle
des différents types de neurones (Encadré 4.6). (b)
Zone membranaire à haute densité
de canaux sodiques dépendants
du potentiel

Conclusion Figure 4.16 – Les protéines membranaires


contribuent à spécifier les fonctions des
­différentes parties du neurone.
Les schémas (a) et (b) représentent, respecti-
Revenons rapidement à l’exemple de la punaise présenté dans le chapitre 3. vement, un neurone pyramidal et un neurone
Le déchirement de la peau par la punaise étire les terminaisons du nerf sen- sensoriel primaire. En dépit de leur diversité
soriel du pied. Des canaux ioniques particuliers, sensibles à l’étirement de la structurale, la membrane de ces deux caté-
membrane, vont s’ouvrir et laisser des ions sodium positifs entrer dans les ter- gories de neurones peut être caractérisée au
minaisons nerveuses. L’afflux de charge positive dépolarise la membrane de la niveau moléculaire par sa très forte densité
zone d’initiation des décharges jusqu’au seuil, et génère à ce niveau le potentiel de canaux sodiques dépendants du poten-
d’action. La charge positive, qui est concomitante de la phase ascendante du tiel. Cette particularité permet aux axones de
potentiel d’action, se répand dans l’axone et dépolarise, jusqu’au seuil, la par- générer et de conduire les potentiels d’ac-
tie de membrane située juste à l’avant du potentiel d’action. De cette façon, le tion. La région de la membrane où les poten-
potentiel d’action est généré de façon continue, au fur et à mesure qu’il envahit tiels d’action sont normalement générés est
dénommée zone d’initiation de l’influx ner-
l’axone sensoriel, comme une vague. Après avoir vu comment est générée l’in-
veux. Les flèches indiquent la direction nor-
formation nerveuse, il faut maintenant comprendre comment cette information male de propagation des influx nerveux dans
est distribuée et intégrée par d’autres neurones dans le système nerveux central. ces deux types de neurones.
Le transfert de l’information d’un neurone à l’autre s’appelle la transmission
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synaptique. Cela sera le sujet des deux chapitres suivants.


Comme nous le verrons, la transmission synaptique, comme le potentiel
d’action, dépend finalement de protéines spécialisées de la membrane neuro-
nale. Ainsi, commence à émerger l’image du fonctionnement cérébral comme un
réseau complexe d’interactions moléculaires dans les membranes neuronales. Si
l’on considère qu’un neurone typique a une surface de membrane moyenne d’en-
viron 250 000 μm2, la surface totale des quelques 85 milliards de neurones qui
pourraient former le système nerveux, atteindrait 21 250 m2, soit grossièrement
la surface de quatre terrains de football… Cette membrane, avec sa myriade de
protéines spécialisées, constitue l’origine de nos pensées.

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104 1 – Bases cellulaires

Encadré 4.6 FOCUS

Comportement électrique éclectique des neurones


Les neurones ne sont pas tous semblables ; leur
forme, leur dimension et leurs connexions sont
variées. Les propriétés électriques peuvent aussi
varier, d’un neurone à l’autre. La figure A donne
quelques exemples de comportement des neurones.
Il y a deux grands types de neurones dans le cortex
cérébral, définis selon leur morphologie : les cellules
étoilées et les cellules épineuses pyramidales. La Vm
réponse typique d’une cellule étoilée à l’injection
dans le soma d’un courant dépolarisant constant est
le déclenchement de potentiels d’action à une fré-
quence relativement stable pendant toute la durée Injection de courant dépolarisant 25 ms
du stimulus (Fig. Aa). Cependant, la plupart des cel- (a)
lules pyramidales ne peuvent pas soutenir un rythme
de décharge constant. Elles vont plutôt décharger
rapidement au début de la stimulation, puis ralentir
leur décharge, même si la stimulation reste forte
(Fig. Ab). Ce ralentissement dans le temps s’appelle
l’adaptation et représente une des propriétés com-
munes des cellules excitables. Un autre mode de
décharge est représenté par des bouffées, un
ensemble rapide de potentiels d’action suivi d’une
pause brève. Certaines cellules, dont un sous-type
particulier de grand neurone pyramidal du cortex,
50 ms
vont même répondre à une stimulation constante
par des décharges rythmées et répétées (Fig. Ac). La (b)
variabilité des réponses ne se limite pas au cortex
cérébral. L’observation de nombreuses régions du
cerveau montre que les neurones ont autant de com-
portements électriques que de morphologies diffé-
rentes.
Comment rendre compte de la diversité de com-
portements des différents types de neurones ? En
fait, la physiologie de chaque neurone est détermi-
née par les propriétés et le nombre des canaux
ioniques de sa membrane. Il existe beaucoup plus de
canaux ioniques que ceux décrits dans ce chapitre et
50 ms
chacun a ses caractéristiques propres. Par exemple,
l’activation de certains canaux potassiques est rela- (c)
tivement lente. Un neurone qui possède une grande
densité de ces canaux fera preuve d’adaptation car, Figure A – Les divers comportements des neurones.
durant la stimulation, les canaux potassiques s’ou- (Source : adapté de Agmon et Connors, 1992.)
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vriront lentement les uns après les autres et le cou-


rant sortant qu’ils génèrent aura tendance à hyper-
polariser la membrane. Lorsque l’on sait qu’un
seul neurone peut contenir plus d’une douzaine de
canaux ioniques différents, on comprend mieux
l’origine de comportements électriques divers.
C’est la complexité des interactions entre les canaux
ioniques qui signe l’impulsion électrique éclectique
de chaque type de neurone.

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4 – Potentiel d’action 105

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Définir le potentiel membranaire (Vm) et le potentiel d’équilibre du


sodium (ENa). Lequel des deux se modifie au cours du potentiel d’ac-
tion ?
2. Quels ions sont impliqués dans la genèse du courant entrant précoce
et du courant sortant tardif, au cours du potentiel d’action ?
3. Pourquoi dit-on du potentiel d’action qu’il est « tout ou rien » ?
4. Certains canaux K+ représentent des « correcteurs tardifs » du poten­
tiel de membrane à cause de leur délai d’ouverture au cours du
­potentiel d’action. Que se passerait-il si ces canaux mettaient beau-
coup plus de temps à s’ouvrir ?
5. Imaginez que vous puissiez utiliser de la tétrodotoxine marquée par
un isotope radioactif, de sorte qu’elle puisse être examinée au micros-
cope. Quelles parties du neurone seraient repérées par ce marqueur ?
Quelles seraient les conséquences fonctionnelles ?
6. Quelle relation existe-t-il entre la vitesse de conduction du potentiel
d’action et le diamètre de l’axone ? Expliquez pour quelle raison.

POUR EN SAVOIR PLUS

Boyden  ES, Zhang  F, Bamberg  E, Nagel  G, Deisseroth  K. Millise-


cond-timescale, genetically targeted optical control of neural activity.
Nature Neuroscience 2005 ; 8 : 1263-8.
Hille  B. Ionic Channels of Excitable Membranes, 2nd ed. Sunderland,
MA : Sinauer, 1992.
Hodgkin  A. Chance and design in electrophysiology: an informal ac-
count of certain experiments on nerves carried out between 1942 and
1952. Journal of Physiology (London) 1976 ; 263 : 1-21.
Kullmann DM, Waxman SG. Neurological channelopathies: new insights
into disease mechanisms and ion channel function. Journal of Physio-
logy (London) 2010 ; 588 : 1823-7.
Neher  E. Nobel lecture: ion channels or communication between and
within cells. Neuron 1992 ; 8 : 605-12.
Neher  E, Sakmann  B. The patch-clamp technique. Scientific American
1992 ; 266 : 28-35.
Nicholls  J, Martin  A, Fuchs  PD, Brown  DA, Diamond  ME, Weisblat.
From Neuron to Brain, 5th ed. Sunderland, MA : Sinauer, 2011.

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CHAPITRE  5 Transmission
synaptique

Encadré 5.1 Focus  Le rêve d’Otto Loewi

DIFFÉRENTS TYPES
DE SYNAPSES
Synapses électriques........................................................................... 109
Synapses chimiques............................................................................ 112
Encadré 5.2 les voies de la découverte  Pour l’amour des épines
dendritiques,
par Kristen M. Harris

PRINCIPES
DE LA TRANSMISSION
SYNAPTIQUE CHIMIQUE
Neurotransmetteurs........................................................................... 118
Biosynthèse et stockage des neurotransmetteurs................................ 119
Libération des neurotransmetteurs..................................................... 120
Encadré 5.3 Bases théoriques  Théorie du complexe « SNARE »
et libération des neurotransmetteurs
Récepteurs des neurotransmetteurs et leurs effecteurs........................ 123
Encadré 5.4 Bases théoriques  Potentiels d’inversion
Recyclage et inactivation synaptique des neurotransmetteurs.............. 127
Neuropharmacologie.......................................................................... 128
Encadré 5.5 Focus  Les bactéries, les araignées, les serpents et vous…

PRINCIPES DE L’INTÉGRATION
SYNAPTIQUE
Intégration des potentiels post-synaptiques d’excitation (PPSE)......... 130
Contribution des propriétés des dendrites à l’intégration synaptique... 131
Inhibition............................................................................................ 134
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Encadré 5.6 Focus  Des mutations effrayantes et des poisons


Neuromodulation............................................................................... 135

CONCLUSION

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INTRODUCTION

L’
un des principaux enseignements des chapitres 3 et 4 a été de montrer
comment l’énergie mécanique — la blessure causée par une punaise —
était convertie en signal nerveux. D’abord, les canaux ioniques spé-
cialisés situés dans les terminaisons du nerf sensoriel laissent entrer des charges
positives dans l’axone puis, lorsque la dépolarisation ainsi induite atteint un
certain seuil, elle génère des potentiels d’action. Comme la membrane axonique
est excitable et contient des canaux sodiques sensibles au potentiel, les potentiels
d’action se propagent régulièrement sur toute la longueur des nerfs sensoriels,
sans perte d’amplitude pour maintenir toute la force de ce signal. Pour que cette
information soit intégrée par tout le système nerveux, il est nécessaire que le
signal soit transmis à d’autres neurones, par exemple les neurones moteurs qui
contrôlent la contraction musculaire, ou encore aux neurones du cerveau et de
la moelle épinière responsables d’une réponse réflexe coordonnée. À la fin du
xixe siècle, il a été établi que ce transfert de l’information d’un neurone à un
autre s’effectue à des sites de contact spécifiques et c’est en 1897 que le physio-
logiste anglais Charles Sherrington donna à ces sites le nom de synapses. Le
processus de transfert de l’information impliquant une synapse est de ce fait
dénommé transmission synaptique.
La controverse sur la nature physique de la transmission synaptique a duré
près d’un siècle. Considérant la rapidité de la transmission synaptique, une des
hypothèses attrayantes suggérait qu’elle pouvait être assimilée à du courant
électrique passant d’un neurone à l’autre. L’existence de ces synapses électriques
fut démontrée à la fin des années 1950 par Edwin Furshpan et David Potter,
deux physiologistes travaillant sur le système nerveux de l’écrevisse à l’Univer-
sity College à Londres et par Akira Watanabe qui travaillait sur les neurones
du homard au japon, au Tokyo Medical and Dental University. Il est admis
aujourd’hui que les synapses électriques sont communes, tant dans le système
nerveux des invertébrés que dans celui des vertébrés, incluant les mammifères.
Une autre hypothèse, datant aussi de la fin du xixe siècle, suggérait que
des messagers chimiques transmettent l’information d’un neurone à l’autre à
la synapse. En 1921, Otto Loewi, chef du Département de pharmacologie de
l’Université de Graz, en Autriche, conforta ce concept de synapse chimique en
montrant que la stimulation électrique des axones innervant le cœur de la gre-
nouille libérait une substance chimique et que cette substance pouvait mimer
les effets de la stimulation du neurone sur les battements du cœur (Encadré 5.1).
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Plus tard, Bernard Katz et ses collègues de l’University College à Londres, ont
démontré que la transmission synaptique rapide entre l’axone d’un neurone
moteur et un muscle squelettique était le résultat d’une médiation chimique. En
1951, au moyen d’un nouvel instrument, la microélectrode en verre, John Eccles
de l’Australian National University, a pu étudier la physiologie de la transmission
synaptique dans le système nerveux central (SNC) des mammifères. Ces expé-
riences révélaient que de nombreuses synapses du SNC utilisent également un
neurotransmetteur. Aujourd’hui nous savons que les synapses chimiques repré-
sentent le plus grand nombre des synapses du cerveau et au cours de ces dix
dernières années de véritables révolutions sont intervenues dans la connaissance
de la transmission synaptique, notamment grâce à de nouvelles méthodes utili-
sées dans l’étude de la structure et de la fonction des molécules concernées. Ces

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108 1 – Bases cellulaires

travaux montrent que le fonctionnement synaptique est beaucoup plus complexe


qu’aucun neurobiologiste ne l’avait imaginé.
La transmission synaptique est un domaine vaste et fascinant. À titre
­d’illustration, il faut savoir que l’effet des médicaments psychotropes, les causes
des troubles mentaux, les bases neuronales de l’apprentissage et de la mémoire
— en fait, toutes les opérations du système nerveux — ne peuvent pas être com-
prises sans connaître les modalités de la transmission synaptique. Plusieurs
chapitres sont donc consacrés à ce sujet, plus spécifiquement aux synapses
chimiques. Ce chapitre explore plus particulièrement les mécanismes de base de
la transmission synaptique. À quoi ressemblent les différents types de synapses ?
Comment sont réalisés la synthèse et le stockage des neurotransmetteurs ? Et
comment se fait la sécrétion des neurotransmetteurs par la terminaison axo-
nique, en réponse à un potentiel d’action ? Quelle est l’action des neurotransmet-
teurs sur la membrane post-synaptique ? Comment un seul neurone intègre-t-il
les informations qui lui sont fournies par les milliers de synapses qu’il reçoit ?

Encadré 5.1 FOCUS

Le rêve d’Otto Loewi


Une des anecdotes les plus pittoresques de l’histoire carrière de scientifique. Cependant, la nuit suivante
des neurosciences est celle qui concerne Otto Loewi, un je m’éveillai de nouveau, à 3 heures, et je me souvins
chercheur autrichien des années vingt, qui démontra le de quoi il s’agissait. Cette fois-ci, je ne pris aucun
premier que la transmission synaptique entre les nerfs et risque ; je me levai immédiatement, partis au labora-
le cœur était d’ordre chimique. Il y a deux types d’inner- toire et je fis l’expérience sur le cœur d’une grenouille
vation du cœur ; un premier système accélère les batte- décrite ci-dessus. À 5 heures, j’avais définitivement la
ments du cœur et l’autre les ralentit. Ce dernier type d’in- preuve de la transmission chimique de l’influx ner-
nervation est lié à l’action du nerf vague. Pour le prouver, veux. Une réflexion diurne poussée m’aurait certai-
Loewi isola le cœur d’une grenouille en laissant intacte nement incité à rejeter ce type d’expérience car il
l’innervation vagale et il appliqua une stimulation élec- m’aurait semblé probable que, dans le cas où un
trique sur le nerf ; il put ainsi constater l’effet attendu, influx nerveux libérait un agent transmetteur, ce
c’est-à-dire le ralentissement des battements du cœur. serait seulement en quantité suffisante pour agir sur
Pour vérifier la nature chimique de la médiation, Loewi l’organe effecteur, le cœur dans ce cas, plutôt qu’en
tenta l’expérience suivante : il prit la solution où baignait quantité importante, de sorte qu’une partie disparaî-
le cœur de la grenouille et l’appliqua à un autre cœur de trait dans le liquide de perfusion du cœur et qu’il
grenouille préparé parallèlement. Il découvrit alors que serait ainsi possible de le détecter. Et pourtant, tout
les battements de ce cœur aussi se ralentissaient. le concept nocturne de l’expérience reposait sur cette
Loewi avait, en fait, eu l’idée de cette expérience dans éventualité. Contrairement à toute attente, les résul-
un rêve. Il raconte ceci : tats furent positifs » (Loewi, 1953, p. 33-34).
« Dans la nuit du dimanche de Pâques en 1921, je Le composé actif que Loewi appelait vagusstoff
m’éveillai, allumai la lumière, et jetai quelques notes (­littéralement « la substance du vague », en allemand)
sur une feuille de papier. Puis je m’endormis de nou- était en fait l’acétylcholine. L’acétylcholine est aussi un
veau. À 6 heures du matin, il me vint à l’esprit que neurotransmetteur agissant au niveau de la synapse
pendant la nuit j’avais écrit quelque chose de très entre le nerf et le muscle squelettique ; mais ici, à la
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important mais je ne pouvais pas déchiffrer le grif- ­différence du cœur, l’acétylcholine provoque l’excitation
fonnage. Ce dimanche fut le jour le plus triste de ma et la contraction du muscle.

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5 – Transmission synaptique 109

Différents types de synapses


Comme cela a été mentionné dans le chapitre 2, la synapse représente une
zone de jonction spécialisée située à l’endroit où la terminaison d’un axone entre
en contact avec un autre neurone ou un autre type de cellule. Le sens du transfert
de l’information est normalement dirigé de la terminaison axonique vers le neu-
rone cible ; c’est pourquoi la terminaison axonique est dite présynaptique et le
neurone cible (ou la cellule, plus généralement) post-synaptique. Mais quels sont
les divers types de synapses présentes dans le système nerveux ?

Synapses électriques
Les synapses électriques présentent une structure et un fonctionnement rela-
tivement simples, permettant au courant ionique de passer directement d’une
cellule à l’autre. Les synapses électriques sont situées en des régions particulières
des cellules, dites jonctions étroites ou gap junctions, en anglais. Les gap junctions
sont présentes entre cellules à peu près dans tout l’organisme et interconnectent
de nombreuses cellules, y compris non neuronales ; par exemple des cellules
épithéliales, des cellules de muscles lisses ou du muscle cardiaque, des cellules
hépatiques, des cellules sécrétrices ou encore des cellules gliales.
Lorsque ces gap junctions interconnectent deux neurones, elles peuvent fonc-
tionner comme des synapses électriques. À ces points de jonction, l’espace entre
les membranes pré et post-synaptiques est de l’ordre de 3  nm et de petites protéines
dénommées connexines forment les éléments moléculaires de ces connexions. Six
connexines se combinent pour former un canal, que l’on appelle un connexon, et
deux connexons (l’un de chaque cellule) se combinent pour mettre les canaux en
continuité (Fig. 5.1). C’est par ces jonctions étroites que les ions passent directe-
ment du cytoplasme d’une cellule au cytoplasme de l’autre. Le pore formé par les
connexons est parmi les plus importants. Avec un diamètre d’environ 1 à 2 nm,
il est assez gros pour que les ions les plus importants ainsi que de nombreuses
petites molécules organiques puissent passer au travers.

Figure 5.1 – Représentation d’une jonction étroite.


Cellule 1
(a) Neurites de deux cellules connectées au travers d’une jonction
Jonction étroite étroite. (b) Agrandissement de cette jonction étroite montrant la pré-
sence de connexons, protéines-canaux réalisant un pont véritable entre
le cytoplasme des deux cellules. Les ions et les molécules de petite taille
peuvent franchir ces canaux dans les deux directions. (c) Six sous-unités
de connexine forment un connexon, et deux connexons forment une gap
Cellule 2 junction.
(a)

Cellule 1 Connexons
cytoplasme
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Gap
junction
3.5 nm 20 nm
Connexon

Cellule 2 Connexine
cytoplasme
Ions et molécules Canal formé par l’association
(b) de petite taille de pores présents dans (c)
chacune des membranes

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110 1 – Bases cellulaires

La plupart de ces gap junctions permettent des échanges ioniques équiva-


lents dans les deux directions. Par conséquent, contrairement à la plupart des
synapses chimiques, les synapses électriques sont bidirectionnelles. Comme le
courant électrique (sous forme de flux ioniques) peut passer au travers de ces
canaux, les cellules connectées par les gap junctions sont dites couplées électri-
quement, ou encore couplées électrotoniquement. Dans les synapses électriques,
la transmission est le plus souvent sûre et très rapide. Aussi, un potentiel d’action
du neurone présynaptique peut-il produire presque instantanément un potentiel
d’action dans le neurone post-synaptique. Chez les invertébrés comme l’écre-
visse, les synapses électriques sont quelquefois trouvées entre les neurones sen-
soriels et moteurs, dans les voies nerveuses qui interviennent dans les réflexes de
fuite. Cela permet à ces animaux de fuir le plus rapidement possible lorsqu’ils se
trouvent face à un danger.
Les synapses électriques sont également présentes dans le SNC des vertébrés
(Fig. 5.2a). Lorsque deux neurones sont couplés électriquement, un potentiel
d’action dans le premier neurone (présynaptique) provoque un petit courant
ionique qui traverse la gap junction et atteint ainsi le second neurone. Ce cou-
rant est à l’origine d’un potentiel post-synaptique (PPS) dans ce second neurone
(Fig. 5.2b). Parce que la plupart des synapses électriques sont bidirectionnelles,
lorsque le second neurone émet ainsi un potentiel d’action il va, en retour, affec-
ter l’excitabilité du premier neurone et créer à son tour un PPS. Les PPS générés
dans le cerveau des mammifères par les synapses électriques sont en général de
faible amplitude, environ 1 mV ou moins, et ne sont de ce fait pas suffisants
pour déclencher un potentiel d’action dans le neurone post-synaptique. Dans la
plupart des cas cependant, un neurone établit des synapses électriques avec de
nombreux autres, faisant que plusieurs PPS simultanés peuvent en fait exciter
correctement un neurone donné. Ceci représente une forme d’intégration synap-
tique, que nous discuterons plus loin dans ce chapitre.
Le rôle précis des synapses électriques varie d’une région du cerveau à une
autre. Ces synapses sont souvent trouvées lorsque la fonction de la structure
considérée nécessite que l’activité entre neurones voisins soit hautement syn-
chronisée. Par exemple, les neurones d’une région du tronc cérébral dénommée
l’olive inférieure peuvent générer soit de légères oscillations de leur potentiel de

Cellule 1
Vm de la cellule 1

Potentiel
0 d’action
Dendrite Enregistrement
du potentiel
de membrane
Vm de la cellule 1 – 65

Enregistrement 0 1 2 3
du potentiel Temps (ms)
de membrane
Gap Vm de la cellule 2
junction – 63
Vm de la cellule 2
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– 64 PPS électrique
Dendrite

– 65

0 1 2 3
(a) (b) Cellule 2
Temps (ms)

Figure 5.2 – Synapses électriques.
(a) Microphotographie au microscope électronique d’une gap junction interconnectant deux den-
drites, ce qui constitue une synapse électrique (Source : Sloper et Powell, 1978). (b) Un potentiel
d’action généré dans un neurone provoque un léger courant ionique suivi d’un potentiel post-­
synaptique (PPS) électrique dans un second neurone, par l’intermédiaire d’une gap junction.

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5 – Transmission synaptique 111

membrane, soit, plus occasionnellement, des potentiels d’action. Ces neurones


envoient leur axone vers le cervelet et contribuent de façon majeure au contrôle
moteur. Ils sont interconnectés entre eux par des jonctions électriques. Les cou-
rants ainsi générés servent à coordonner et à synchroniser l’activité des neurones
de l’olive inférieure (Fig. 5.3a) et ceci contribue, à la manière d’une horloge, à
synchroniser le contrôle moteur. Michael Long et Barry Connors, travaillant à
Brown University, ont démontré que la délétion du gène de l’une des protéines
de ces jonctions dénommée connexine 36 (Cx36) n’impactait pas la capacité des
neurones à générer des potentiels d’action et des oscillations du potentiel de
membrane, mais abolissait la synchronisation de ces événements du fait de la
suppression de cette protéine (Fig. 5.3b).
Les gap junctions entre neurones sont particulièrement fréquentes pendant
les premiers stades du développement. De fait, pendant le développement, les
gap junctions permettraient à des cellules voisines d’échanger des signaux à la
fois de nature électrique et chimique, susceptibles de contribuer à leur croissance
et à leur maturation.

(a)
Avec gap junctions :
Potentiel d’action
Vm de la cellule 1

–0 Enregistrement
de Vm
Oscillations
de la cellule 1
1
– 65 Gap junction
Vm de la cellule 2

–0 2

– 65 Enregistrement
de Vm
de la cellule 2
(b)
Sans gap junctions :
Vm de la cellule 3

Enregistrement
–0 de Vm
de la cellule 3
3
Sans gap
– 65 junction
Vm de la cellule 4

4
–0
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– 65
Enregistrement
0 1 2 3 4 5 de Vm
de la cellule 4
Temps (s)

Figure 5.3 – Fonctionnement de synapses électriques.


Les synapses électriques peuvent contribuer à la synchronisation de l’activité de populations de
neurones. Certains neurones du tronc cérébral génèrent de légères mais régulières oscillations
de leur potentiel de membrane Vm et seulement occasionnellement des potentiels d’action.
(a) Lorsque deux neurones sont interconnectés par des gap junctions (cellules 1 et 2), leurs oscil-
lations et potentiels d’actions sont synchronisés. (b) Les mêmes neurones, lorsqu’ils ne sont pas
interconnectés (cellules 3 et 4) ne présentent aucune synchronisation de leur activité électrique.
(Source : adapté de Long et al., 2002, p. 10903.)

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112 1 – Bases cellulaires

Synapses chimiques
Dans le système nerveux de l’homme adulte, en règle générale, la transmis-
sion synaptique dans son écrasante majorité est de nature chimique ; c’est la
raison pour laquelle ces synapses font ici l’objet d’un examen tout particulier.
Les différents types de synapses chimiques présentent, de fait, un certain nombre
de caractéristiques communes (Fig. 5.4).
À la synapse, les membranes pré et post-synaptiques sont séparées par une
fente ou espace synaptique de 20-50 nm de large, ce qui représente 10 fois la
­largeur de l’espace qui les sépare dans les gap junctions. L’espace synaptique est
rempli d’une matrice de protéines extracellulaires fibreuses, qui fait adhérer les
membranes pré et post-synaptiques. L’une des fonctions de cette matrice est de
maintenir associées les parties pré et post-synaptiques de la synapse. Le côté pré­
synaptique de la synapse, l’élément présynaptique, est généralement représenté
par une terminaison axonique. De façon caractéristique, la terminaison contient
des douzaines de petites sphères délimitées par une membrane, de 50 nm de
diamètre environ, dénommées vésicules synaptiques (Fig. 5.5a). Ces vésicules
stockent les neurotransmetteurs, qui sont des agents de nature chimique per-
mettant la communication avec le neurone post-synaptique. De nombreuses
terminaisons axoniques contiennent aussi des vésicules de taille plus impor-
tante, d’environ 100 nm de diamètre, appelées granules de sécrétion. Ces gra-
nules contiennent une protéine soluble qui a un aspect compact au microscope
électronique, de sorte qu’ils sont quelquefois dénommés vésicules à cœur dense
(Fig. 5.5b).
Dans les membranes pré et post-synaptique se trouvent accumulées des pro-
téines formant des zones de différenciation membranaire. Du côté présynaptique
les protéines qui se trouvent à la face intracellulaire de la membrane, dans le
cytoplasme de la terminaison axonique, présentent une organisation qui res-
semble à un champ de petites pyramides. Les pyramides et la zone membra-
naire correspondante représentent les sites réels de la libération des neurotrans-
metteurs ou zones actives. Les vésicules synaptiques sont rassemblées dans le
cytoplasme adjacent aux zones actives (Fig. 5.4).

Terminaison axonique
(élément présynaptique)

Granules
de sécrétion
Mitochondries
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Espace Zones actives


Différenciation
synaptique Densité membranaire
Vésicules post-synaptique
synaptiques

Récepteurs iq u e
Dendrite post-synapt

Figure 5.4 – Représentation des différentes parties d’une synapse chimique.

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5 – Transmission synaptique 113

Mitochondrie

Terminaison
présynaptique

Élément
post-synaptique Zone active
(a)
Vésicules
synaptiques

Vésicules
« à cœur dense »

(b)

Figure 5.5 – Microphotographies d’une synapse chimique vue au microscope électronique.


(a) Synapse excitatrice « rapide » du SNC. (Source : adapté de Heuser et Reese, 1977, p. 262.)
(b) Synapse du système nerveux périphérique montrant de nombreuses vésicules « à cœur
dense ». (Source : adapté de Heuser et Reese, 1977, p. 278.)

Les protéines se trouvant dans l’épaisseur de la membrane post-synaptique


constituent la densité post-synaptique. La densité post-synaptique contient les
récepteurs des neurotransmetteurs qui, dans la cellule post-synaptique, trans-
forment le signal chimique intercellulaire (par exemple le neurotransmetteur) en
signal intracellulaire (un changement du potentiel de membrane ou encore de
métabolisme intracellulaire). Comme cela sera mentionné plus loin, la nature de
la réponse synaptique est très variée ; elle dépend du type de récepteur activé par
le neurotransmetteur.
Synapses chimiques du système nerveux central.  Dans le SNC, les différents
types de synapses sont distingués sur la base de la localisation de la partie post-­
synaptique du neurone. Si la membrane post-synaptique est située sur une dendrite,
la synapse est dite axodendritique ; si elle est située sur le corps cellulaire, la synapse
est dite axosomatique. Dans certains cas particuliers, la membrane post-synaptique
est située sur un autre axone ; ces synapses sont alors qualifiées d’axo-axoniques
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(Fig. 5.6). Lorsqu’un axone présynaptique contacte une épine dendritique, on


parle de synapse axoépineuse (Fig. 5.7a). Dans certains neurones enfin, les dendrites
forment véritablement des synapses entre elles ; celles-ci sont alors dénommées
synapses dendrodendritiques. La taille et la forme des synapses du SNC varient
aussi considérablement (Fig. 5.7a-d). Les détails de l’organisation synaptique ne
sont accessibles qu’à l’examen au microscope électronique (Encadré 5.2).
En fonction de la nature des différenciations membranaires pré et post-synap-
tiques, il est aussi possible de séparer les synapses du SNC en deux grandes caté-
gories. Les synapses dont les différenciations membranaires du côté post-synap-
tique sont plus épaisses que celle du côté présynaptique sont dites asymétriques
ou synapses de Gray de type I ; celles dont les membranes pré et post-synaptiques
présentent la même épaisseur sont dites symétriques ou encore synapses de Gray

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114 1 – Bases cellulaires

Soma

(a) (b) (c)

Dendrite

Axone

Figure 5.6 – Différents types d’arrangements


synaptiques présents dans le système ner­
veux.
(a) Synapse axodendritique, (b) axosomatique,
(c) axoaxonique.

Axones

(a) (b)
Terminaisons
présynaptiques
Épine dendritique
post-synaptique
Figure 5.7 – Illustration de différentes formes
et de différentes tailles de synapses dans le
Éléments
système nerveux central. post-synaptiques
(c)
(a) Synapse axoépineuse : une fine terminai-
son axonique contacte une épine dendritique. Axone
Axone
Notez que la terminaison axonique peut être (d)
identifiée de façon caractéristique par la pré- Éléments
sence de nombreuses vésicules synaptiques présynaptiques
et l’élément post-synaptique par les épaissis­
sements membranaires (densité post-synap-
tique). (b) La même branche axonique se divise
pour former deux terminaisons présynap-
tiques, l’une de plus grande taille que l’autre,
chacune contactant le soma de la cellule cible.
(c) Représentation d’une situation exception- (a)
nelle où une terminaison axonique de grande
taille englobe littéralement le soma de la cel-
lule sur laquelle elle s’articule. (d) La même
terminaison axonique contacte simultanément
Zones actives
5 éléments post-synaptiques différents. Notez
dans ce cas que les synapses les plus larges Axone
présentent plus de zones actives.
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de type II (Fig. 5.8). Ces différences de structure sont supposées être en rapport


avec des différences de fonction. Les synapses de Gray de type I sont, en général,
considérées comme excitatrices, alors que les synapses de Gray de type II sont
plutôt considérées comme inhibitrices.
Jonction neuromusculaire.  Des jonctions synaptiques existent également en
dehors du cerveau et de la moelle épinière. Par exemple, les axones du système
nerveux autonome innervent les glandes, les muscles lisses et le cœur. Il existe
aussi des synapses chimiques entre les axones des neurones moteurs de la moelle
épinière et les muscles squelettiques. Ce type de synapse est dénommé jonction
neuromusculaire et possède de nombreux aspects structuraux de l’ensemble des
synapses chimiques du SNC (Fig. 5.9).

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5 – Transmission synaptique 115

Figure 5.8 – Représentation schématique des


deux types principaux de différenciations
synaptiques membranaires du système ner­
veux central.
(a) Les synapses de Gray de type I sont Différenciation
­asymétriques et habituellement excitatrices. membranaire Différenciation
asymétrique membranaire
(b) Les synapses de Gray de type II sont
(a) (b) symétrique
symétriques et en général inhibitrices.

Motoneurone

Fibres musculaires

Gaine de myéline

Axone

Jonction neuromusculaire

Vésicules
synaptiques

Zone active
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Espace synaptique
Récepteurs
Appareil
sous-neural

Fibre musculaire
Terminaisons axoniques Région des plaques motrices post-synaptique
(éléments présynaptiques) (éléments post-synaptiques)

Figure 5.9 – Jonction neuromusculaire.
A la jonction entre le nerf et le muscle, la membrane post-synaptique, encore dénommée
plaque motrice, est organisée en de nombreux replis formant un appareil sous-neural où
sont situés les très nombreux récepteurs de l’acétylcholine.

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116 1 – Bases cellulaires

Encadré 5.2 LES VOIES DE LA DÉCOUVERTE

Pour l’amour des épines dendritiques


Par Kristen M. Harris

La première fois que j’ai réalisé une importée de Norvège, alors qu’il partait
observation au microscope, ce fut pour y d’Harvard pour rejoindre la nouvelle école
voir une épine dendritique. C’était magni- de médecine de Rootstown dans l’Ohio. Je
fique pour une première observation, et cet fus complètement extasiée par les possibili-
amour pour les épines dendritiques ne m’a tés extraordinaires que m’apportait cette
plus quitté depuis. À l’époque, j’étais étu- nouvelle méthode utilisant les sections
diante en neurosciences à l’Université d’Illi- d’hippocampe. Et j’ai tenté de mettre au
nois et c’était dans ce domaine vraiment point une méthode de coloration utilisant
une période fantastique. Je me souviens du l’imprégnation argentique de ces coupes
congrès annuel de la Society for Neuroscience Kristen M. Harris fraîches pour terminer ma thèse de PhD
en 1979, rassemblant près de 5 000 partici- avec Teyler. Cette fois je ne commis pas la
pants (aujourd’hui, environ 25 000…), et même erreur, je préparai les coupes jusqu’à
du numéro de membre qui m’a été attribué à l’époque (et leur observation immédiate. Comme cela apparaît sur la
que j’ai toujours) : le numéro 2 500 ! figure A, visualiser les épines était un ravissement !
Mon projet était de découvrir comment se présen- Malencontreusement, la résolution du microscope
tait une épine dendritique issue d’un cerveau « qui avait optique ne permettait pas d’observer la forme et le
appris », en entraînant des animaux à apprendre, puis nombre de ces épines.
en utilisant la coloration de Golgi pour quantifier les Après ma thèse je me souviens d’avoir parlé de mon
changements potentiels d’épines dendritiques tant en parcours lors d’une école d’été réputée, qui s’est tenue
termes quantitatifs que sur le plan de leur forme. Avec au laboratoire de biologie marine de Woods Hole,
enthousiasme, j’ai préparé les cerveaux d’un grand Massachusetts. Au cours de cette session, j’ai été initiée
nombre de rats en réalisant des coupes histologiques de aux méthodes de reconstitution permettant une analyse
cerveaux entiers, en les traitant par imprégnation argen- tridimensionnelle à partir d’une observation au micros-
tique, puis en les stockant sous butanol. J’ai ensuite cope électronique (3DEM). J’ai été littéralement harpo-
engagé plusieurs étudiants pour monter ces coupes et nnée par cette méthode qui permettait de reconstruire le
les observer au microscope. À notre grand désespoir, détail des dendrites, des axones ou encore des cellules
plusieurs mois après cette étape préparatoire, nous gliales ; et pas seulement de compter et de mesurer les
avons constaté qu’il ne restait plus de dépôt argentique, épines dendritiques. Les observations permettaient aussi
entraînant la fin prématurée et inéluctable de ce si beau de voir comment se forment les synapses et comment les
projet. cellules gliales y contribuent (Fig. B). Objectivement la
C’est alors que j’ai eu la chance de rencontrer le plateforme 3DEM offrait des possibilités considérables.
Professeur Timothy Teyler alors que j’assistais à une Depuis ce temps, ma vie continue d’être centrée sur les
Gordon Research Conference. Il venait de développer processus à la base du développement et de la plasticité
aux États-Unis une méthode d’étude basée sur l’utilisa- des synapses en rapport avec l’apprentissage et la
tion de coupes d’hippocampes de rat in vitro, qu’il avait mémoire.

Terminaison
axonique
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Épine dendritique
Rat adulte Cellule
Dendrites gliale Vésicule
Densité
Soma post-synaptique
Épine
du neurone Dendrite dendritique
Axones Axone
Cellule gliale
Dendrites Épine

Mitochondrie
Coloration de Golgi (Harris, 1980) 1 micron

Figure A Figure B

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5 – Transmission synaptique 117

Encadré 5.2 LES VOIES DE LA DÉCOUVERTE  (suite)

Plus tôt dans ma carrière, alors que la biologie molé- (plasticité au cours de la mémorisation, par exemple), ou
culaire révolutionnait notre approche du cerveau, je fus encore en rapport avec le développement de pathologies
l’une des rares personnes à poursuivre mes travaux utili- neurologiques ou psychiatriques touchant jusqu’à
sant la 3DEM. De fait, avec la possibilité d’accéder au ­l’essence même de ce qui fait l’homme.
niveau moléculaire, chacun s’est attaché à tenter de com-
Représentation tridimentionnelle (3DEM)
prendre comment ces molécules agissent au travers des d’une dendrite avec synapse (en rouge)
organites intracellulaires, y compris dans les dendrites et et ses organelles
les épines, et la 3DEM fut dès lors mise au service de la
description de l’organisation des synapses. Ces possibili-
tés de reconstruction 3D ont suscité l’intérêt de nom-
breux biologistes et neurobiologistes. L’automatisation
des quantifications y a beaucoup contribué. Par exemple,
la figure C illustre une observation récente utilisant des
colorations imagées de diverses organelles liées à la
transmission synaptique au cours du développement.
Les perspectives de ces travaux sont dès lors centrées sur
la compréhension des mécanismes du changement de la
structure des synapses dans les conditions fonctionnelles Figure C

La transmission synaptique neuromusculaire est rapide et fiable. Normalement,


un potentiel d’action dans l’axone moteur déclenche toujours un potentiel
­d’action dans la cellule musculaire qu’il innerve. Cette fiabilité vient en partie
des spécialisations structurales de la jonction neuromusculaire, qui, par sa taille,
est l’une des plus importantes du système nerveux. Par exemple, la membrane
synaptique contient un grand nombre de zones actives. De plus, à ce niveau la
membrane post-synaptique, appelée aussi plaque motrice, contient une série de
replis profonds. Les zones actives présynaptiques correspondent précisément à
ces diffé­renciations, la membrane post-synaptique des plaques motrices com-
portant ­localement de très nombreux récepteurs aux neurotransmetteurs. Ces
caractéristiques font que de nombreuses molécules de neurotransmetteurs sont
focalement libérées sur une large surface de membrane chémoréceptrice.
C’est essentiellement l’étude des synapses neuromusculaires, plus accessibles
que les synapses du SNC, qui a permis de progresser dans la connaissance des
mécanismes de la transmission synaptique. Mais, globalement, la connaissance
des jonctions neuromusculaires est par elle-même d’une grande importance :
c’est à ce niveau que certaines maladies, des médicaments, ou encore des poi-
sons agissent pour avoir des effets directs sur les fonctions vitales de l’organisme.

Principes de la transmission
synaptique chimique
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Les mécanismes de la transmission synaptique chimique sont complexes. Les


opérations peuvent être décrites en différentes étapes : tout d’abord, les neu-
rotransmetteurs doivent être synthétisés et incorporés dans les vésicules synap-
tiques, puis les vésicules doivent déverser leur contenu dans l’espace synaptique
en réponse à un potentiel d’action présynaptique pour permettre la réponse
électrique ou biochimique du neurone post-synaptique au neurotransmetteur.
Enfin, un mécanisme procède à l’élimination du neurotransmetteur de l’espace
synaptique. Pour être efficace dans la sensation, la perception et le contrôle du
mouvement, il est par ailleurs nécessaire de considérer que toutes ces actions
doivent être effectuées très rapidement. Il n’est donc pas étonnant que les physio-

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118 1 – Bases cellulaires

logistes aient eu quelque doute, au début, sur l’existence de synapses chimiques


dans le cerveau !
Après plusieurs décennies de recherche dans ce domaine, les différents aspects
de la transmission synaptique commencent à livrer leurs secrets. Ce chapitre pré-
sente les principes de base de la transmission synaptique, le chapitre 6, quant à
lui, étudie de façon plus détaillée les neurotransmetteurs et leurs modes d’action
post-synaptiques.

Neurotransmetteurs
Depuis la découverte de la transmission synaptique chimique, la recherche
s’est attachée à identifier les neurotransmetteurs présents dans le cerveau. Il
semble que la plupart des neurotransmetteurs se rattachent à une des trois caté-
gories chimiques suivantes : (1) les acides aminés, (2) les amines, (3) les peptides
(Tab. 5.1). La figure 5.10 en montre quelques exemples. Les neurotransmetteurs
appartenant au groupe des acides aminés et des amines représentent tous de
petites molécules organiques, contenant au moins un atome d’azote ; ils sont
stockés dans et libérés par les vésicules synaptiques. Les neurotransmetteurs
peptidiques représentent des molécules de taille plus importante, qui sont stoc-
kées dans et libérées par les granules de sécrétion. Comme mentionné ci-dessus,
les granules de sécrétion et les vésicules synaptiques sont fréquemment obser-
vés dans les mêmes terminaisons axoniques. En conséquence, très souvent des
neuropeptides sont trouvés dans les mêmes terminaisons axoniques que celles
contenant des amines ou des acides aminés jouant le rôle de neurotransmetteur.
On verra plus loin que ces différents neurotransmetteurs, éventuellement pré-
sents dans les mêmes terminaisons nerveuses, sont libérés dans des conditions
différentes.

Tableau 5.1 – Principaux neurotransmetteurs.1

Acides aminés Amines Peptides


Acide γ-aminobutyrique (GABA) Acétylcholine (ACh) Cholécystokinine (CCK)
Glutamate (Glu) Dopamine (DA) Dynorphine
Glycine (Gly) Adrénaline Enképhalines (Enk)
Histamine N-acétylaspartyl-glutamate (NAAG)
Noradrénaline (NA) Neuropeptide Y
Sérotonine (5-HT)1 Somatostatine
Substance P
Hormone thyréotrope
Polypeptide intestinal vasoactif
(VIP)

Ainsi, différentes populations de neurones du système nerveux sécrètent des


neurotransmetteurs différents. La vitesse de la transmission synaptique varie
considérablement, selon ces populations. Les synapses les plus rapides fonc-
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tionnent sur la base d’une transmission de signal en 10 à 100 ms. Les média-


teurs de la transmission synaptique rapide sont représentés par des acides ami-
nés, tels que le glutamate (Glu), l’acide γ-aminobutyrique (GABA) ou la glycine.
L’acétylcholine (ACh) est le neurotransmetteur de la transmission synaptique
rapide des jonctions neuromusculaires. Les formes plus lentes de la transmission
synaptique peuvent durer de quelques centaines de millisecondes à la minute.
Elles peuvent concerner le SNC et le système nerveux périphérique impliquant
des neurotransmetteurs appartenant aux trois catégories.

1.  NdT : la sérotonine est aussi dénommée 5-hydroxytryptamine, d’où l’abréviation


5-HT.

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5 – Transmission synaptique 119

COOH COOH Figure 5.10 – Quelques exemples des prin­


cipaux neurotransmetteurs.
CH2 CH2
(a) Les acides aminés : le glutamate (Glu),
CH2 CH2 le GABA et la glycine (Gly) ; (b) les amines :
l’acétylcholine (ACh) et la noradrénaline (NA) ;
NH2 CH COOH NH2 CH NH2 CH2 COOH
(c) les neuropeptides : la substance P.

(a) Glu GABA Gly

HO
O CH3 OH
CH3 C O CH2 CH2 N+ CH3 HO CH CH2 NH2
CH3

(b) ACh NE

Carbone

Oxygène

Azote
Hydrogène

Arg Pro Lys Pro Gln Gln Phe Phe Gly Leu Met Sulfure

(c) Substance P

Biosynthèse et stockage des neurotransmetteurs


La transmission synaptique chimique nécessite la synthèse et la libération de
neurotransmetteurs prêts à l’emploi. La synthèse des neurotransmetteurs s’ef-
fectue de différentes façons. Par exemple, le glutamate et la glycine font partie
des 20 acides aminés intervenant dans la synthèse des protéines (voir Fig. 3.4b) ;
ces acides aminés se trouvent donc abondamment représentés dans toutes les
cellules du corps, y compris le neurone. En revanche, le GABA et les amines ne
sont produits que dans des neurones particuliers, par lesquels ils sont libérés. Ces
neurones contiennent des enzymes spécifiques qui synthétisent les neurotrans-
metteurs à partir de précurseurs métaboliques variés. Les enzymes impliquées
dans la biosynthèse des acides aminés et des amines sont transportées dans la
terminaison axonique, où s’opère la synthèse rapide du neurotransmetteur.
Lorsque la synthèse est terminée dans le cytosol de la terminaison axonique,
les acides aminés et les amines doivent être incorporés dans les vésicules synap-
tiques. C’est aux transporteurs, représentés par des protéines particulières de la
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membrane des vésicules synaptiques, que revient la charge de procéder à l’incor-


poration des neurotransmetteurs dans les vésicules.
La synthèse et le stockage des peptides dans les granules de sécrétion se font
très différemment. Dans les chapitres 2 et 3, on a vu que les peptides sont ­formés
à partir d’acides aminés assemblés par les ribosomes, présents dans le corps cellu-
laire. La synthèse des neurotransmetteurs peptidiques s’opère dans le RE rugueux.
Généralement, les peptides synthétisés dans le RE rugueux sont clivés dans l’ap-
pareil de Golgi, pour libérer le neurotransmetteur actif. Les ­granules de sécrétion
contenant les neuropeptides, issus de l’appareil de Golgi, sont transportés jusqu’à
la terminaison axonique par le transport axoplasmique. La figure 5.11 présente
une comparaison des mécanismes impliqués dans la s­ ynthèse et le stockage des
acides aminés et des amines d’une part, avec ceux des neuropeptides, d’autre part.

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120 1 – Bases cellulaires

Peptide Vésicules
précurseur Neuropeptide actif synaptiques
(propeptide) (neurotransmetteur)

Noyau 3 4
1 2

Granules
Ribosome de sécrétion
Appareil de Golgi
Reticulum
endoplasmique Molécule
rugueux précurseur
(a) 1 Enzyme
de biosynthèse
Molécule
de neurotransmetteur
Transporteur
2
vésiculaire
Vésicule
synaptique

(b)

Figure 5.11 – Synthèse et stockage de différents neurotransmetteurs.


(a) Neuropeptides : ① un peptide précurseur (propeptide) est synthétisé dans le reticulum
endoplasmique rugueux ; ② le peptide précurseur est clivé dans l’appareil de Golgi où est produit
le neuropeptide actif ; ③ les granules de sécrétion contenant le peptide actif émergent de l’appareil
de Golgi ; ④ ces granules de sécrétion sont transportés le long de l’axone jusqu’aux terminaisons
nerveuses où le neuropeptide est stocké. (b) Amines et acides aminés : ① c’est à l’intérieur du
cytosol de la terminaison nerveuse que des enzymes synthétisent les neurotransmetteurs à partir
de molécules précurseurs représentant des substrats pour ces enzymes ; ② des transporteurs
localisés dans la paroi des vésicules synaptiques (transporteur vésiculaire) incorporent le neuro­
transmetteur dans les vésicules où il est stocké.

Libération des neurotransmetteurs


En se propageant dans la terminaison axonique, le potentiel d’action
déclenche la libération des neurotransmetteurs par la terminaison nerveuse. La
dépolarisation de la membrane des terminaisons nerveuses provoque l’ouverture
des canaux calciques dépendants du potentiel des zones actives. Ces canaux sont
très semblables aux canaux sodiques présentés dans le chapitre 4, si ce n’est qu’ils
sont perméables aux ions Ca2+ au lieu des ions Na+. Une force électromotrice
importante s’exerce sur les ions Ca2+, la concentration ionique interne du cal-
cium, [Ca2+]i, étant très basse au repos, 0,0002 mM seulement. Les ions Ca2+
vont donc pénétrer dans la terminaison axonique aussi longtemps que les canaux
calciques sont ouverts ; il en résulte une élévation de la concentration interne
du calcium [Ca2+]i, qui constitue un signal pour que les vésicules synaptiques
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libèrent les neurotransmetteurs.


Les vésicules libèrent leur contenu par un processus dénommé exocytose. La
membrane de la vésicule synaptique fusionne avec la membrane présynaptique
de la zone active, laissant ainsi le contenu de la vésicule se déverser dans l’espace
synaptique (Fig. 5.12). L’étude de la synapse géante de calmar a montré que l’exo-
cytose est un processus extrêmement rapide. Elle s’effectue dans les 0,2 ms après
l’influx des ions Ca2+ dans la terminaison. Les synapses de mammifères, opérant
à une température plus élevée que celle des calmars, peuvent fonctionner encore
plus rapidement. L’exocytose est rapide parce que les ions Ca2+ pénètrent dans
la zone active, précisément à l’endroit où les vésicules synaptiques sont prêtes à
libérer leur contenu. Dans ce « microdomaine » localisé autour de la zone active,
la concentration du calcium peut être très élevée (supérieure à 0,01 mM).

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5 – Transmission synaptique 121

Présynaptique

Vésicules 4
1
synaptiques

3 Figure 5.12 – Libération synaptique du neu­


rotransmetteur par exocytose.
2 Zone active
① Les vésicules synaptiques chargées de
Fente neurotransmetteur, en réponse ② à une
synaptique entrée de calcium Ca2+ dans la terminaison
nerveuse à travers des canaux dépendants
du potentiel de membrane, ③ libèrent leur
contenu dans l’espace synaptique par fusion
Canal calcique Molécules de de la membrane des vésicules avec celle de
dépendant neurotransmetteur
la membrane basale de l’élément présynap-
du voltage
Post-synaptique tique. ④ La vésicule synaptique peut être
recyclée pour être à nouveau utilisée.

Les mécanismes par lesquels l’élévation de [Ca2+]i stimule l’exocytose sont


encore mal connus mais ils font l’objet d’intenses investigations. La rapidité
de libération des neurotransmetteurs laisse penser que les vésicules concernées
sont celles qui sont déjà « arrimées » aux zones actives de la synapse. L’arrimage
(docking) implique probablement des interactions entre les protéines de la
membrane de la vésicule synaptique et celles de la zone active (Encadré 5.3).
En présence d’une concentration élevée d’ions [Ca2+]i, ces protéines changent
de conformation, de sorte que les bicouches de lipides de la membrane de la
vésicule et de la membrane présynaptique fusionnent et forment un pore, qui
laisse passer le neurotransmetteur dans l’espace synaptique. Ce processus se
poursuit jusqu’à ce que la totalité de la membrane de la vésicule soit totale-
ment incorporée dans la membrane basale de la terminaison (Fig. 5.13). Par la
suite, la membrane de la vésicule est restituée dans le cytoplasme par un pro-
cessus dénommé endocytose ; la vésicule recyclée étant à nouveau disponible
pour incorporer les neurotransmetteurs (Fig. 5.12). Dans les périodes d’intense
stimulation, d’autres vésicules prises dans une « réserve » liée au cytosquelette
de la terminaison axonale peuvent intervenir. C’est encore l’élévation de Ca2+
intracellulaire qui déclenche la mobilisation de ces vésicules, ainsi que leur arri-
mage aux zones actives.

Encadré 5.3 BASES THÉORIQUES

Théorie du complexe « SNARE » et libération des neurotransmetteurs


Les levures sont des micro-­organismes bien connus plies de neurotransmetteurs au bon endroit de la
pour contribuer à faire lever la pâte à pain et fermenter membrane présynaptique, puis de faire que leur fusion
le jus de raisin. De façon tout à fait remarquable, ces avec la membrane plasmique intervienne juste au bon
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humbles levures présentent des caractéristiques com- moment, lorsque le potentiel d’action entraîne une
munes aux synapses du système nerveux des mam- entrée massive de Ca2+ dans le cytosol. Cette exocytose
mifères. Des travaux récents montrent que les protéines n’est qu’un cas particulier d’un processus plus général
qui contrôlent les processus de sécrétion chez les levures qui relève des échanges membranaires. Les cellules pos-
et les synapses sont assez similaires. Apparemment, ces sèdent plusieurs types de membranes, incluant celles qui
protéines sont tellement importantes qu’elles ont été entourent la cellule elle-même mais aussi le noyau, le
conservées tout au long d’un milliard d’années d’évolu- reticulum endoplasmique, l’appareil de Golgi et diffé-
tion et qu’elles sont présentes dans toutes les cellules rents types de vésicules. Pour éviter le chaos, chacune de
eucaryotes. ces membranes doit être adressée à des sites spécifiques
L’enjeu de la signalisation synaptique rapide est de de la cellule et, en général, il est possible d’observer par
délivrer en temps voulu les vésicules synaptiques rem- endroit des processus de fusion entre ces différentes

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122 1 – Bases cellulaires

Encadré 5.3 BASES THÉORIQUES  (suite)

membranes. C’est là qu’une machinerie moléculaire Neurotransmetteur Synaptotagmine


commune est supposée intervenir pour la production et Vésicule
l’adressage de toutes ces membranes, de toutes petites
différences intervenant alors pour préciser où et quand
telle ou telle membrane doit intervenir.
Les processus d’association et de fusion des
membranes entre elles paraissent dépendre des protéines Membrane
t-SNARES vésiculaire v-SNARE
de la famille SNARE, qui ont été initialement caracté­
risées chez la levure. SNARE est un acronyme trop
­complexe pour le définir ici mais il désigne aujourd’hui
parfaitement la fonction de ces protéines et on parle
maintenant communément de « complexe SNARE »,
qui permet à une membrane de s’associer à une autre.
Chacun des peptides de cette famille présente une partie Membrane de Canal
l’élément présynaptique calcique
terminale hydrophobe qui favorise son insertion dans la
membrane et une longue queue hydrophile, tournée vers
le cytosol. Les vésicules présentent des protéines dites
« v-SNAREs » (« v » pour « vésiculaires ») et les mem­
branes externes, plasmiques notamment dans le cas de
l’exocytose, des protéines « t-SNAREs » (« t » pour
target, c’est-à-dire « cible »). Les parties cytoplasmiques
de ces deux types de protéines SNARE ont la particula-
rité d’être complémentaires et ainsi d’avoir une forte
affinité les unes pour les autres, ce qui permet aux vési-
cules de s’associer aux membranes dans un processus
d’arrimage que l’on dénomme le docking. Ainsi les vési-
cules synaptiques peuvent-elles s’associer étroitement à
la membrane présynaptique du neurone (Fig. A).
Bien que les complexes SNARE soient à la base de
l’association des vésicules synaptiques avec les membranes
cibles, il existe un nombre absolument considérable
d’autres protéines qui viennent interagir avec cette sorte
d’épingle de fixation. Les fonctions de la plupart d’entre
elles restent aujourd’hui encore inconnues. Cependant,
parmi elles, la synaptotagmine, une protéine vésiculaire,
pourrait représenter le « senseur de Ca2+ » et être à l’ori-
gine de la fusion rapide de la vésicule et, par conséquent,
de la libération du neurotransmetteur. Du côté de la
membrane présynaptique, les canaux calciques eux-
Figure A – Le complexe SNARE et la fusion des vésicules synap­
mêmes pourraient faire partie du système de docking.
tiques.
Ainsi, en plaçant les vésicules synaptiques à proximité « SNARE » est mis ici pour SNAP receptor (récepteur SNAP) ; « SNAP »
immédiate de ces canaux calciques, l’influx de Ca2+ peut quant à lui signifie NSF attachment protein (protéine impliquée dans
déclencher la libération du neurotransmetteur à une l’attachement des NSF) ; « NSF » signifie N-ethylmaleimide-sensitive
vitesse étonnamment rapide, environ dans les 60 µs dans factor (facteur sensible à la N-éthylmaléimide). Les noms des ­protéines
le système nerveux des mammifères, à la température du impliquées dans ces processus sont ainsi comme des « poupées
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corps. Le cerveau présente par ailleurs toute une série de russes », avec un nom en cachant un autre, qui en cache un autre, qui
synaptotagmines dont l’une est spécialisée dans les pro- en cache un autre, etc.
cessus de transmission synaptique ultrarapide.
Il y a encore du chemin à faire avant que nous com-
prenions avec précision le rôle de chacune des protéines
impliquées dans la neurotransmission. Dans l’intervalle,
nous pouvons cependant compter encore sur les levures
pour nous donner du bon pain et du bon vin pour nous
aider à réfléchir…

Bear, Mark F., et al. Neurosciences : A la découverte du cerveau, John Libbey Eurotext, 2016. ProQuest Ebook Central, http://ebookcentral.proquest.com/lib/bcuf/detail.action?docID=4745242.
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5 – Transmission synaptique 123

Figure 5.13 – Visualisation de la libération
des neurotransmetteurs par l’élément pré­
synaptique, à partir de la région post-synap­
tique.
(a) Cette microphotographie représente la sur-
face extracellulaire de la terminaison nerveuse,
Canaux
calciques au niveau de la zone active de la jonction neu-
(présumés) romusculaire de la grenouille. (b) Dans cette
vue, l’élément présynaptique a été stimulé de
façon à déclencher la libération du neurotrans-
metteur. Les pores représentent les régions de
fusion de la membrane des vésicules synap-
tiques avec la membrane de la terminaison
(a) nerveuse sous l’effet de l’exocytose, là où le
neurotransmetteur a été libéré. (Source : Heu-
ser et Reese, 1973.)

Pore de fusion
des vésicules
synaptiques
(exocytose)

(b)

Les granules de stockage libèrent aussi des neuropeptides par exocytose,


de façon dépendante du calcium mais, de manière caractéristique, pas dans les
zones actives. Étant donné que les sites d’exocytose sont dans ce cas éloignés des
sites d’entrée des ions Ca2+, il n’y a pas, généralement, de neuropeptides libérés
par chaque potentiel d’action se propageant dans la terminaison. Au contraire, la
libération des neuropeptides nécessite des trains de potentiels d’action à haute fré-
quence, de telle sorte que la [Ca2+]i dans la terminaison s’élève jusqu’à un niveau
suffisant pour déclencher la libération hors des zones actives. Contrairement à la
libération rapide des acides aminés et des amines, la libération des neuropeptides
constitue un processus plus lent, qui demande 50 ms ou plus.
Membrane
Récepteurs des neurotransmetteurs et leurs effecteurs
Les neurotransmetteurs libérés dans l’espace synaptique agissent sur le neu-
rone post-synaptique en se fixant à des milliers de récepteurs protéiques spéci- Cytoplasme
fiques, enchâssés dans la densité post-synaptique. La fixation du neurotransmet-
teur au récepteur est comme une clé dans une serrure ; elle entraîne un changement (a)
de conformation de la protéine. Bien qu’il y ait beaucoup plus de 100 types de
récepteurs différents connus, ces récepteurs peuvent être classés en deux grandes
catégories : les récepteurs-canaux, et les récepteurs couplés aux protéines G.
Récepteurs-canaux. Les canaux ioniques contrôlés par les neurotransmet-
teurs représentent des protéines transmembranaires formées de quatre ou cinq
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sous-unités, qui se regroupent en formant un pore (Fig. 5.14). En l’absence des


neurotransmetteurs, le pore est généralement fermé. Lorsque le neurotransmet-
teur se fixe à des sites spécifiques sur la partie extracellulaire du canal, il pro-
voque un changement de conformation — une légère torsion des sous-unités —
qui, en quelques microsecondes, provoque l’ouverture du pore2. La nature des
ions qui transitent au travers du pore détermine la fonction du récepteur. (b)

Figure 5.14 – Structure d’un récepteur-canal.


2.  NdT : un tel changement conformationnel correspond à un mécanisme qualifié
(a) Représentation schématique en vue laté-
« d’allo­stérique ». Dans ce cas, l’ouverture du pore conduit en règle générale à une
rale d’un récepteur cholinergique nicotinique.
moindre stabilité de la protéine, nécessitant une force énergétique plus importante pour
(b) Représentation de dessus montrant le
la maintenir. Cette instabilité de la protéine va être à l’origine de la fermeture spontanée
pore au centre des cinq sous-unités.
et rapide des canaux, y compris en présence du neurotransmetteur.

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124 1 – Bases cellulaires

Les canaux ioniques dépendants des neurotransmetteurs n’ont pas le même


degré de sélectivité ionique que les canaux sensibles au potentiel. Par exemple,
les canaux ioniques sensibles à l’ACh des jonctions neuromusculaires sont per-
méables aux ions Na+ et K+. Néanmoins, en règle générale si les canaux ouverts
sont perméables aux ions Na+, l’effet exact sera la dépolarisation de la cellule
post-synaptique depuis le potentiel de repos de la membrane (Encadré 5.4). Cet
effet, qui tend à amener le potentiel membranaire au seuil pour générer des poten-
tiels d’action, est dit excitateur. La dépolarisation transitoire de la membrane
post-synaptique causée par la libération présynaptique de neurotransmetteur est
désignée sous le nom de potentiel post-synaptique excitateur (PPSE) (Fig. 5.15).
C’est l’activation synaptique des canaux ioniques liés à l’ACh et au glutamate
qui provoque les PPSE.

Encadré 5.4 BASES THÉORIQUES

Potentiels d’inversion
Nous avons vu dans le chapitre 4 que lorsque les
À des valeurs positives
canaux sodiques sensibles au potentiel de la membrane du potentiel de membrane,
s’ouvrent durant le potentiel d’action, les ions Na+ l’ACh induit un courant sortant
pénètrent dans la cellule, entraînant la dépolarisation
rapide de la membrane vers le potentiel d’équilibre du
Extérieur
sodium, ENa, d’environ 40 mV. À l’inverse des canaux Courant
sensibles au potentiel, toutefois, de nombreux canaux membranaire
ioniques associés aux récepteurs des neurotransmet-
teurs sont perméables à plusieurs types d’ions. Par
exemple, les canaux associés aux récepteurs de l’ACh Potentiel
Tracé de la courbe
de membrane
des jonctions neuromusculaires, sont perméables aux I-V traduisant
ions Na+ et K+. l’action de l’ACh

Comme nous l’avons vu par ailleurs dans le cha-


– 60 mV 60 mV
pitre 3, l’équation de Goldman permet de calculer le
potentiel membranaire Vm, en tenant compte de la per- Potentiel d’inversion
méabilité relative de la membrane aux différents ions
(voir Encadré 3.3). Si la membrane était autant per-
méable aux ions Na+ que K+, ce qui pourrait arriver si les
canaux sensibles à l’ACh étaient ouverts, alors Vm aurait
une valeur se situant entre ENa et EK, autour de 0 mV. Intérieur
Par conséquent, le courant ionique passerait à travers ces
canaux en rapprochant le potentiel membranaire de
À des valeurs négatives
0 mV. Si le potentiel membranaire était < 0 mV avant la du potentiel de membrane,
fixation de l’ACh, ce qui se trouve être le plus souvent le l’ACh induit un courant entrant
cas, le flux net du courant à travers les canaux ioniques
associés à l’ACh se ferait vers l’intérieur, en entraînant Figure A
une dépolarisation. Cependant, si le potentiel membra-
naire était > 0 mV avant que la fixation de l’ACh sur ses
récepteurs n’intervienne, le flux net du courant transitant Les neurotransmetteurs qui, en modifiant la perméa-
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à travers les canaux ioniques associés à l’ACh s’effectue- bilité relative de la membrane, poussent Vm à prendre
rait vers l’extérieur et le potentiel membranaire devien- une valeur supérieure au seuil du potentiel d’action, ont
drait moins positif. Il est possible d’établir la relation un effet excitateur. Généralement, les neurotransmet-
existant entre le courant ionique et le potentiel membra- teurs qui contrôlent l’ouverture d’un canal perméable
naire, comme le montre la figure A. Cette courbe s’ap- aux ions Na+ sont excitateurs. Les neurotransmetteurs
pelle un tracé I-V (I : courant ; V : voltage). La valeur du qui amènent Vm vers une valeur inférieure au seuil du
potentiel membranaire pour laquelle le flux du courant potentiel d’action ont un effet inhibiteur. Les neu-
s’inverse s’appelle le potentiel d’inversion. Dans ce cas, le rotransmetteurs qui contrôlent l’ouverture d’un canal
potentiel d’inversion serait de 0 mV. La détermination perméable aux ions Cl– sont inhibiteurs, comme le sont
expérimentale d’un potentiel d’inversion peut donc révé- les neurotransmetteurs qui ouvrent un canal sélective-
ler la perméabilité sélective de la membrane. ment perméable aux ions K+.

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5 – Transmission synaptique 125

Influx nerveux
Axone

Terminaison
(a) axonique

Dendrite
post-synaptique

Enregistrement
Molécules de neurotransmetteurs de Vm

Espace
synaptique
PPSE

Vm

Cytosol
– 65 mV

Récepteurs-canaux 0 2 4 6 8
(b) (c) Temps écoulé à partir du potentiel
d’action présynaptique (ms)

Figure 5.15 – Déclenchement d’un PPSE.


(a) L’arrivée de l’influx nerveux dans la terminaison axonique déclenche la libération du neurotransmetteur. (b) Le neurotransmetteur se fixe sur ses
récepteurs-canaux de la membrane post-­synaptique. Dans le cas où l’activation du récepteur induit une entrée de Na+, la membrane se dépolarise.
(c) La conséquence de cette dépolarisation est une variation du potentiel de membrane (Vm) appelée PPSE.

Si les canaux ioniques ouverts par les neurotransmetteurs sont perméables


aux ions Cl–, l’effet sera l’hyperpolarisation de la cellule post-synaptique
depuis le potentiel de repos de la membrane (car le potentiel d’équilibre du
chlore est négatif ; voir chapitre 3). Cet effet, qui tend à éloigner le potentiel
membranaire du seuil de déclenchement des potentiels d’action, est dit inhibi-
teur. L’hyperpolarisation de la membrane post-synaptique causée par la libéra-
tion présynaptique de neurotransmetteurs est désignée sous le nom de potentiel
post-synaptique inhibiteur (PPSI) (Fig. 5.16). L’activation synaptique des récep-
teurs-canaux de la glycine et du GABA provoque des PPSIs. Ces processus de
PPSE et de PPSI seront analysés plus en détail, lorsque nous aborderons plus
loin les principes de l’intégration synaptique.
Récepteurs couplés aux protéines G. Les médiateurs de la transmission
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synaptique chimique rapide sont des acides aminés et des amines agissant sur
les canaux ioniques sensibles aux neurotransmetteurs. Cependant, les trois caté-
gories de neurotransmetteurs présentent aussi des effets post-synaptiques plus
lents, plus durables et beaucoup plus variés, impliquant des récepteurs couplés
aux protéines G. Ce type de transmission comporte trois phases :
1. les molécules de neurotransmetteur se fixent aux protéines du récepteur qui
se trouvent enchâssées dans la membrane post-synaptique ;
2. les protéines du récepteur activent de petites molécules protéiques, les pro­
téines G, qui se déplacent librement sur la face intracellulaire de la membrane
post-synaptique ;
3. les protéines G activent les protéines représentant les « effecteurs » de la
réponse du récepteur.

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126 1 – Bases cellulaires

Influx nerveux
Axone

Terminaison
(a) axonique

Dendrite
post-synaptique

Enregistrement
Molécules de neurotransmetteur de Vm

Cl– Cl– Cl–


Espace
synaptique

PPSI
Vm

Cytosol

– 65 mV

Récepteurs-canaux 0 2 4 6 8
(b) (c) Temps écoulé à partir du potentiel
d’action présynaptique (ms)

Figure 5.16 – Déclenchement d’un PPSI.


(a) L’arrivée de l’influx nerveux dans la terminaison axonique déclenche la libération du neurotransmetteur. (b) Le neurotransmetteur se fixe sur ses
récepteurs de la membrane post-synaptique. Dans le cas où l’activation des récepteurs induit une entrée de Cl– dans la cellule, la membrane devient
hyperpolarisée. (c) La variation du potentiel de membrane correspondant à cette entrée de Cl–, enregistrée dans l’élément post-synaptique, représente
un PPSI.

Les protéines effectrices sont soit des canaux ioniques présents dans la
membrane et qui sont directement sensibles aux protéines G (Fig. 5.17a), soit
des enzymes assurant la synthèse de molécules particulières dénommées seconds
messagers qui diffusent plus loin dans le cytosol (Fig. 5.17b). Les seconds messa-
gers ont la possibilité d’activer d’autres enzymes du cytosol, qui peuvent réguler
le fonctionnement des canaux ioniques et modifier le métabolisme cellulaire. Les
récepteurs couplés aux protéines G jouant un rôle important dans le contrôle
du métabolisme, ils sont aussi désignés parfois sous le terme de récepteurs méta-
botropiques.
Le chapitre 6 étudie de façon détaillée les divers neurotransmetteurs, leurs
récepteurs et leurs effecteurs. Cependant, il faut savoir qu’un même neurotrans-
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metteur peut avoir des effets synaptiques divers, selon les récepteurs auxquels
il est associé. L’effet de l’ACh sur le cœur et sur les muscles du squelette est un
exemple de cette diversité. L’ACh ralentit le rythme des contractions du cœur
en provoquant une lente hyperpolarisation des cellules du muscle cardiaque.
Au contraire, dans les muscles squelettiques l’ACh induit la contraction en
provoquant une dépolarisation rapide des fibres musculaires. Cette différence
s’explique par la nature des récepteurs mis en jeu. Dans le cœur, le récepteur à
l’ACh est associé à un canal potassique par l’intermédiaire d’une protéine G
et les fibres du muscle cardiaque sont hyperpolarisées par l’ouverture du canal
potassique. Dans les muscles squelettiques, le récepteur est en revanche un canal
ionique sensible à l’ACh perméable au Na+ et les fibres musculaires sont dépo-
larisées par l’entrée de sodium résultant de l’ouverture de ce canal.

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5 – Transmission synaptique 127

Canal ionique activé


par une protéine G
Récepteur Neurotransmetteur Récepteur Neurotransmetteur
Enzyme

Protéine G Protéine G
Seconds
messagers

(a) (b)

Figure 5.17 – Action des neurotransmetteurs sur les récepteurs couplés aux protéines G.


La fixation du neurotransmetteur sur le récepteur conduit à l’activation des protéines G. L’activation de ces protéines G conduit secondairement à
­l’activation de protéines représentant des effecteurs cellulaires qui peuvent être soit des canaux ioniques (a), soit des enzymes qui génèrent la produc-
tion de seconds messagers (b).

Autorécepteurs. En dehors de leur localisation au niveau de la densité


synaptique de l’élément post-synaptique, les récepteurs sont souvent situés aussi
dans la membrane de la terminaison axonale de l’élément présynaptique. Les
récepteurs présynaptiques sensibles aux neurotransmetteurs libérés par la ter-
minaison présynaptique sont dénommés autorécepteurs. Ce sont essentiellement
des récepteurs couplés aux protéines G qui stimulent la production de seconds
messagers. Les conséquences de l’activation de ces récepteurs sont variables mais
l’effet le plus fréquent est l’inhibition de la libération et, dans certains cas, de la
synthèse des neurotransmetteurs. Il semble que ces autorécepteurs3 jouent le rôle
de systèmes de sécurité, en agissant pour freiner la libération du neurotransmet-
teur lorsque sa concentration est trop élevée dans l’espace synaptique.

Recyclage et inactivation synaptique


des neurotransmetteurs
Après que l’interaction entre le neurotransmetteur libéré et les récepteurs
synaptiques ait eu lieu, le neurotransmetteur doit être éliminé de l’espace synap-
tique pour rendre à nouveau possible la communication intercellulaire, en rapport
avec l’arrivée de nouveaux potentiels d’action. Cela peut se faire simplement par
la diffusion des molécules de neurotransmetteur hors de la synapse. Cependant,
pour la plupart des acides aminés et des amines, la diffusion est facilitée par la
réintégration du neurotransmetteur dans la terminaison axonique qui l’a libéré,
au niveau présynaptique. Cette incorporation du neurotransmetteur représente
un processus actif, s’effectuant à l’aide de transporteurs protéiques spécifiques
des neurotransmetteurs situés dans la membrane présynaptique. Parvenus dans
le cytosol de la terminaison, les neurotransmetteurs sont soit détruits par des
enzymes, soit à nouveau incorporés dans les vésicules synaptiques pour être
réutilisés. D’autres transporteurs des neurotransmetteurs sont situés dans les
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membranes des cellules gliales situées autour de la synapse, qui, de ce fait, contri-
buent également à l’élimination des neurotransmetteurs de l’espace synaptique4.

3.  NdT : cette notion d’autorécepteur est dans certains cas élargie à la présence de récep-
teurs situés sur la partie somatodendritique du neurone, lorsque celui-ci est à même de
libérer le neurotransmetteur à ce niveau par un mécanisme somatodendritique ou qu’il
existe des collatérales de l’axone formant localement des synapses avec les dendrites du
même neurone. L’effet de la mise en jeu de ces récepteurs est également compris comme
exerçant un rétrocontrôle inhibiteur sur l’activité neuronale.
4.  NdT : c’est notamment le cas pour les acides aminés excitateurs comme le glutamate,
qui est principalement éliminé de l’espace synaptique par l’action très efficace de diffé-
rents types de transporteurs situés sur les astrocytes associés à la synapse et/ou des trans-
porteurs neuronaux situés principalement dans la partie post-synaptique de la synapse.

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128 1 – Bases cellulaires

Une destruction enzymatique des neurotransmetteurs dans l’espace synap-


tique lui-même peut aussi interrompre leur mécanisme d’action. C’est par
exemple le cas de l’inactivation de l’ACh à la jonction neuromusculaire. L’enzyme
acétylcholinestérase (AChE) est présente dans l’espace synaptique, au contact
des cellules musculaires. L’AChE détruit la molécule d’ACh, la rendant inactive
sur les récepteurs à l’ACh.
Il ne faut pas sous-estimer l’importance de l’élimination synaptique des neu-
rotransmetteurs. Dans les jonctions neuromusculaires, par exemple, l’exposition
persistante des récepteurs à de fortes concentrations d’ACh conduit en quelques
secondes à un processus dénommé désensibilisation, dans lequel, malgré la pré-
sence de l’ACh, les canaux sensibles au neurotransmetteur se ferment. Cet état
de désensibilisation peut persister plusieurs secondes, y compris après le retrait
du neurotransmetteur. La destruction rapide de l’ACh par l’AChE empêche
normalement cette désensibilisation de se produire. Cependant, si l’activité de
l’AChE est inhibée, par exemple par des gaz toxiques agissant sur le système
nerveux, les récepteurs de l’ACh seront inactivés par désensibilisation et la trans-
mission neuromusculaire ne pourra plus s’effectuer normalement.

Neuropharmacologie
Tous les aspects de la transmission synaptique étudiés ci-dessus — la syn-
thèse des neurotransmetteurs, leur stockage dans les vésicules synaptiques, l’exo-
cytose, la fixation des neurotransmetteurs sur leurs récepteurs et l’inactivation
des neurotransmetteurs — sont d’ordre chimique. Il est donc possible d’agir sur
ces mécanismes au moyen d’agents pharmacologiques, de médicaments ou de
toxines spécifiques (Encadré 5.5). La neuropharmacologie est la discipline qui
étudie l’effet de ces drogues5. sur le système nerveux.
Nous avons mentionné précédemment que certains gaz toxiques peuvent
interférer avec la transmission synaptique en inhibant l’activité de l’AChE de
la jonction neuromusculaire. Cette interférence est un des effets des drogues,
consistant à inhiber le fonctionnement normal de protéines spécifiques impli-
quées dans la transmission synaptique ; ces drogues sont qualifiées d’inhibiteurs.
Les inhibiteurs des récepteurs de neurotransmetteurs, appelés antagonistes des
récepteurs, se fixent sur les récepteurs et bloquent le mécanisme normal d’action
du neurotransmetteur. Le curare, par exemple, un poison traditionnellement uti-
lisé par les Indiens d’Amérique du Sud au bout d’une flèche pour paralyser leur
proie, représente un antagoniste de récepteurs. Il se fixe fortement aux récepteurs
de l’ACh présents sur les cellules des muscles squelettiques et bloque les effets de
l’ACh, empêchant ainsi la contraction musculaire.
D’autres agents pharmacologiques se lient aux récepteurs mais, au lieu de les
inhiber, ils imitent les effets des neurotransmetteurs synthétisés naturellement.
Ce sont les agonistes des récepteurs. La nicotine, un dérivé du tabac, en est un
exemple. La nicotine, en se liant aux récepteurs de l’ACh du muscle, entraîne leur
activation. C’est pourquoi les canaux ioniques du muscle sensibles à l’ACh sont
également dénommés récepteurs cholinergiques nicotiniques, pour les distinguer
des autres types de récepteurs à l’ACh, tels que ceux du cœur qui ne sont pas
sensibles à la nicotine6 Il existe aussi des récepteurs cholinergiques nicotiniques
au niveau du SNC. Ce sont d’ailleurs ceux qui sont impliqués dans les effets de
l’addiction et de la dépendance au tabac.
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La complexité de la transmission synaptique la rend particulièrement prédis-


posée au corollaire médical de la loi de Murphy, qui dit que si un processus phy-
siologique peut se dérégler, il se déréglera. Lorsque la transmission synaptique
n’est pas correctement assurée, le système nerveux fonctionne mal. Des anoma-

5.  NdT : la notion de drogue est ici considérée au sens pharmacologique, c’est-à-dire d’un
agent pharmacologique actif et non au sens populaire qui associe la drogue à la toxico-
manie.
6.  NdT : cette seconde catégorie de récepteurs cholinergiques est sensible à un autre
agent, la muscarine ; de ce fait, cette deuxième catégorie de récepteurs est dénommée
récepteurs cholinergiques muscariniques.

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5 – Transmission synaptique 129

Encadré 5.5 FOCUS

Les bactéries, les araignées, les serpents et vous…


Qu’y a-t-il de commun entre la bactérie Clostridium La morsure du cobra de Taiwan aussi bloque la
botulinum, l’araignée «  veuve noire  », le cobra et transmission neuromusculaire chez sa victime, mais par
l’homme ? Tous produisent des toxines qui s’attaquent à un autre mécanisme. L’un des composés actifs du venin
la transmission synaptique des jonctions neuromuscu- du serpent, l’α-bungarotoxine, est une molécule pepti-
laires. Une neurotoxine, la toxine botulinique, produite dique, qui se fixe fortement aux récepteurs nicotiniques
par le développement de C. botulinum dans des conserves post-synaptiques et empêche leur activation par l’ACh
impropres à la consommation, est à l’origine du botu- pendant plusieurs jours. Dès lors, le venin du cobra va
lisme (botulisme vient du latin botulus pour « saucisse » paralyser les muscles et en particulier les muscles respi-
car cette maladie a rapidement été associée à de la viande ratoires de sa victime2.
mal conservée). La toxine botulinique provoque un blo- Un grand nombre de substances chimiques suscep-
cage puissant de la transmission neuromusculaire : dix tibles d’empoisonner la transmission synaptique à la
molécules de cette toxine suffisent pour inhiber une jonction neuromusculaire ont par ailleurs été synthéti-
synapse cholinergique. La toxine botulinique perturbe sées par l’homme. Au départ, motivés par les recherches
probablement la libération de l’ACh sous l’effet du sur la guerre chimique, ces travaux ont abouti au déve-
­calcium, dans la jonction neuromusculaire. loppement d’un nouveau type de composés, les organo-
Les toxines botuliniques sont en fait des enzymes phosphorés. Ce sont des inhibiteurs irréversibles de l’en-
à activité peptidase, extrêmement spécifiques. Elles zyme AChE ; en empêchant la dégradation de l’ACh,
agissent pour inactiver certaines protéines du complexe ils tuent probablement leurs victimes en désensibilisant
SNARE dans les terminaisons synaptiques (voir les récepteurs de l’ACh. Les organophosphorés utilisés
Encadré 5.3). Ironiquement, cette action spécifique aujourd’hui comme insecticides, tel que le parathion, ne
en fait des outils précieux pour étudier l’exocytose des sont toxiques pour l’homme qu’à forte dose.
neurotransmetteurs1.
Bien que le mécanisme soit différent, le venin de la
« veuve noire » (Fig. A) est mortel car il affecte la libéra-
tion des neurotransmetteurs. L’action du venin poten-
tialise dans un premier temps puis supprime, la libéra-
tion de l’ACh à la jonction neuromusculaire. L’examen
au microscope électronique des synapses empoisonnées
par ce venin montre que les terminaisons de l’axone sont
dilatées et que les vésicules synaptiques sont absentes.
L’action du venin n’est pas encore bien comprise. Il
semble que la molécule protéique du venin s’associe à la
partie externe de la membrane présynaptique en for-
mant un pore. En laissant à la fois pénétrer dans la ter-
minaison les ions Na+ et Ca2+, ce pore contribue à la
dépolarisation de la membrane, entraînant rapidement
la déplétion en neurotransmetteurs. Dans certains cas, il
semble aussi que le venin puisse induire la libération
massive du neurotransmetteur sans passer par le cal- Figure A – Photographie d’une Veuve noire.
cium. (Source : Matthews, 1995, p. 174.)
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1.  NdT : l’efficacité des toxines botuliniques pour inacti-


ver la jonction neuromusculaire a permis de proposer des
applications thérapeutiques. Ainsi, dans plusieurs types de
dystonies focales, comme la crampe de l’écrivain ou le blépha-
rospasme, l’injection locale de la toxine dans les muscles impli-
qués permet de réduire les contractures. Toutefois, la durée de 2.  NdT : l’α-bungarotoxine représente aussi un outil de
l’effet thérapeutique est limitée à quelques semaines, du fait choix pour l’étude des récepteurs nicotiniques. Cette toxine a
de processus compensatoires du blocage de la synapse, et de permis les premiers travaux ayant conduit à la caractérisation
nouvelles injections doivent être réalisées régulièrement pour des différentes sous-unités du récepteur, notamment par
prolonger l’effet thérapeutique. l’équipe de Jean-Pierre Changeux, à l’Institut Pasteur.

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130 1 – Bases cellulaires

lies de la transmission synaptique sont ainsi vraisemblablement à l’origine d’un


grand nombre de troubles mentaux et neurologiques. Heureusement, grâce à
l’avancée des connaissances dans le domaine de la pharmacologie de la transmis-
sion synaptique, les médecins disposent aujourd’hui de nouveaux médicaments,
plus efficaces, pour traiter ces affections. L’origine cellulaire et synaptique de
certains troubles mentaux et les traitements neuropharmacologiques correspon-
dant seront étudiés dans le chapitre 22.

Principes de l’intégration
synaptique
La plupart des neurones du SNC ont la capacité de recevoir plus ou moins
simultanément des milliers d’informations synaptiques, qui activent différentes
combinaisons de récepteurs-canaux et de récepteurs couplés aux protéines G.
Le neurone post-synaptique intègre tous ces signaux complexes et génère un
signal simple : le potentiel d’action. La transformation de nombreux signaux
synaptiques de nature chimique ou électrique en un seul type d’énergie est à la
base de l’intégration de l’information neuronale, le cerveau effectuant des mil-
liards d’opérations à chaque seconde. Pour comprendre ce phénomène, il faut
alors tenter de rendre compte de certains principes de base de l’intégration des
informations synaptiques. L’intégration synaptique est le processus par lequel
de multiples potentiels d’action afférant au neurone se combinent dans un seul
neurone post-synaptique.

Intégration des potentiels post-synaptiques


d’excitation (PPSE)
La réponse post-synaptique la plus élémentaire est l’activation d’un seul
récepteur-canal (Fig. 5.18). Le courant entrant à travers les canaux ainsi ouverts
par l’action du neurotransmetteur dépolarise la membrane post-synaptique,
provoquant l’émergence de PPSE. Toutefois, dans chaque synapse se trouvent
de quelques dizaines à quelques milliers de récepteurs-canaux sensibles aux neu-
rotransmetteurs et non un seul ; le nombre de récepteurs activés au cours de la
transmission synaptique dépend alors de la quantité de neurotransmetteur libéré
par l’élément présynaptique.
Analyse quantique des PPSE.  La quantité minimale de neurotransmetteur
qui peut être libérée à chaque instant correspond au contenu d’une seule vésicule
synaptique. Chaque vésicule contient environ le même nombre de molécules de
transmetteur (plusieurs milliers) ; la quantité de neurotransmetteur libéré cor-
respond dès lors à un multiple de ce chiffre. En conséquence, l’amplitude du
PPSE post-synaptique est également un multiple de la réponse au contenu d’une
seule vésicule. En d’autres termes, dans une synapse donnée, les PPSE post-­
synaptiques résultent de l’action des multiples d’une unité indivisible, le quan-
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Pas de courant
Sens du courant entrant

entrant Canaux fermés

Figure 5.18 – Enregistrement par la méthode


du patch-clamp de l’activité d’un canal
ionique déclenchée par un neurotransmet­
teur.
Les courants ioniques passent à travers le 20 ms
Canaux ouverts
canal lorsque celui-ci est ouvert. En présence
de neurotransmetteur, ces canaux alternent
d’un état ouvert à un état fermé. (Source :
Application de neurotransmetteur au niveau de la membrane
adapté de Neher et Sakmann, 1992.)

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5 – Transmission synaptique 131

tum, qui reflète le nombre de molécules de neurotransmetteur contenues dans


une seule vésicule synaptique, mais aussi le nombre de récepteurs disponibles au
niveau de la synapse.
Dans de nombreuses synapses, en l’absence de stimulation synaptique l’exo-
cytose des vésicules se réalise à un niveau très faible. L’électrophysiologie per-
met d’évaluer l’amplitude de la réponse synaptique au neurotransmetteur libéré
spontanément. Cette réponse très faible se traduit par un potentiel qualifié de
potentiel post-synaptique miniature, souvent simplement nommé mini. Chaque
mini est généré par le contenu d’une seule vésicule synaptique. L’amplitude du
PPSE post-synaptique évoqué par un potentiel d’action présynaptique corres-
pond alors simplement à un multiple entier (1X, 2X, 3X, etc.) de l’amplitude du
potentiel miniature.
On utilise l’analyse quantique, méthode servant à comparer les amplitudes
des potentiels miniatures et post-synaptiques évoqués, pour déterminer com-
bien de vésicules libèrent de neurotransmetteur lors de la transmission synap-
tique normale. L’analyse quantique de la transmission synaptique de la jonction
neuromusculaire révèle qu’un seul potentiel d’action atteignant la terminaison
présynaptique déclenche l’exocytose d’environ 200 vésicules synaptiques, ce qui
produit un PPSE de 40 mV ou plus. De façon très différente, cependant, dans de
nombreuses synapses du SNC c’est le contenu d’une seule vésicule qui est libéré
en réponse au potentiel d’action présynaptique, générant un PPSE de seulement
quelques dixièmes de millivolt.
Sommation des PPSE.  Les différences constatées entre la transmission exci-
tatrice à la jonction neuromusculaire et des synapses du SNC ne sont pas sur-
prenantes. Le développement de la jonction neuromusculaire a évolué vers plus
d’efficacité ; seul le déclenchement d’un PPSE de grande amplitude peut per-
mettre le fonctionnement continu de la jonction. Par ailleurs, si chaque synapse
du SNC était capable par elle-même de générer un potentiel d’action dans sa cel-
lule post-synaptique (comme le font les jonctions neuromusculaires), le neurone
serait à peine plus qu’un simple relais. Au contraire, il semble que les neurones
effectuent des opérations plus complexes, nécessitant la sommation de tous les
PPSE pour produire une dépolarisation post-synaptique significative. C’est cette
opération qui correspond au processus d’intégration des PPSE.
La sommation des PPSE représente la forme la plus simple de l’intégration
synaptique dans le SNC. Deux types de sommation sont généralement consi-
dérés : la sommation spatiale et la sommation temporelle. La sommation spa-
tiale représente l’addition des PPSE générés simultanément par les différentes
synapses situées sur une même dendrite. La sommation temporelle représente
quant à elle l’addition des PPSE générés par la même synapse lorsque les PPSE
se succèdent rapidement, à 1 à 15 ms les uns des autres (Fig. 5.19).

Contribution des propriétés des dendrites


à l’intégration synaptique
Même avec l’intégration de l’effet de l’ensemble des PPSE générés sur une
dendrite, la dépolarisation peut ne pas être suffisante pour qu’un neurone
déclenche un potentiel d’action. Le courant entrant dans la zone des contacts
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synaptiques doit se propager le long de la dendrite jusqu’au soma et provoquer


la dépolarisation au seuil de la membrane de la zone d’initiation des potentiels
d’action avant qu’un potentiel d’action puisse se produire. L’efficacité d’une
synapse excitatrice dans le déclenchement d’un potentiel d’action dépend donc
de la distance existant entre la synapse et la zone d’initiation des décharges, mais
aussi des propriétés de la membrane dendritique.
Propriétés de câble des dendrites.  Pour simplifier l’analyse de la contribu-
tion des propriétés dendritiques à l’intégration synaptique, il est possible de com-
parer les dendrites à des câbles cylindriques électriquement passifs, c’est-à-dire
ne comportant aucun canal ionique sensible au potentiel (contrairement aux
axones). Pour reprendre l’analogie du chapitre 4, imaginez que l’entrée d’une
charge positive dans une dendrite soit comme l’ouverture du robinet d’un tuyau

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132 1 – Bases cellulaires

Sommation spatiale

Potentiel d’action Sommation temporelle

Afférence présynatique

Enregistrement Enregistrement Enregistrement


de Vm de Vm de Vm

PPSE

PPSE
Vm Vm Vm

– 65 mV – 65 mV – 65 mV

Temps Temps Temps


(a) (b) (c)

Figure 5.19 – Sommation des PPSE.


(a) Un potentiel d’action présynaptique déclenche un PPSE de faible amplitude dans un neurone
post-synaptique. (b) Sommation spatiale des PPSE : quand deux (ou plus) afférences présynap-
tiques sont actives en même temps, les PPSE individuels se somment. (c) Sommation temporelle :
lorsqu’une afférence décharge répétitivement, les PPSE individuels se somment également.
Vm : potentiel de membrane.

d’arrosage percé. L’eau peut prendre deux directions : soit elle se dirige vers l’in-
térieur du tuyau et continue à s’écouler, soit elle sort par les trous. De la même
façon, le courant synaptique peut prendre deux directions : soit il se propage à
l’intérieur de la dendrite vers les régions somatiques du neurone, soit il passe au
travers de la membrane dendritique. À une certaine distance de la zone d’entrée
du courant, l’amplitude du PPSE devient nulle à cause de la dispersion du cou-
rant au travers de la membrane.
L’atténuation de la dépolarisation le long du câble dendritique en fonction
de la distance est représentée par le graphique de la figure 5.20. Pour simplifier
les mathématiques, on considérera ici que la dendrite est infiniment longue, sans
branchement, et de diamètre uniforme. Cette atténuation présente une allure
exponentielle avec l’accroissement de la distance. L’amplitude de la dépolarisa-
tion de la membrane à une distance donnée (Vx) peut être calculée par l’équation
suivante : Vx = Vo/ex/λ, dans laquelle Vo est la dépolarisation d’origine (juste au
niveau de la synapse), e (= 2,718…) est la base des logarithmes, x représente la
distance depuis la synapse, et λ est une constante qui dépend des propriétés de la
dendrite. Quand x = λ, alors Vx = Vo/e ; soit : Vλ = 0,37 (Vo). Cette distance λ,
marquant l’endroit où le taux de dépolarisation représente 37 % de la dépolari-
sation initiale, est dénommée constante de longueur dendritique (souvenez-vous
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que cette analyse est volontairement très simplifiée. Les dendrites n’ont pas de
longueur infinie, elles sont très branchées et ont tendance à s’effiler vers les extré-
mités, ce qui affecte la diffusion des courants et, par conséquent, l’efficacité des
potentiels synaptiques).
La constante de longueur est un index de la distance sur laquelle la dépola-
risation peut s’étendre le long d’une dendrite. Plus la constante de longueur est
grande, plus il est probable que les PPSE générés dans des synapses éloignées
dépolariseront la membrane du cône axonique. Dans notre dendrite idéale, élec-
triquement passive, la valeur de λ dépend de deux facteurs : (1) la résistance au
flux du courant longitudinal le long de la dendrite, appelée résistance interne
(ri), et (2) la résistance au flux du courant à travers la membrane, appelée la
résistance membranaire (rm). Le courant passera généralement par la voie où la

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5 – Transmission synaptique 133

Vm Vm

Injection
de courant

Enregistrement Enregistrement
de Vm de Vm

Vers
le corps
cellulaire Figure 5.20 – Atténuation passive de la dépo­
Câble dendritique larisation avec la distance, le long d’une den­
(a)
drite.
(a) Un courant est injecté dans une dendrite
Pourcentage de la dépolarisation

et la dépolarisation qui en résulte est enregis-


100 trée. Ce courant qui diffuse dans la dendrite
se dissipe pour l’essentiel au travers de la
membrane. Par conséquent, la dépolarisa-
à l’origine

tion mesurée à distance du site d’injection


Vλ du courant est considérablement atténuée
par rapport à ce qu’elle est juste à l’endroit
37 de l’injection du courant. (b) Cette courbe tra-
duit l’atténuation en fonction de la distance,
le long de la dendrite. À une distance λ, la
0
dépolarisation membranaire (Vλ) est de 37 %
(b) λ Distance le long de celle mesurée à l’origine.
de la dendrite
Vm : potentiel de membrane.

résistance est la moins forte ; ainsi la valeur de λ augmente lorsque la résistance


membranaire augmente, car le flux de courant dépolarisant est plus important
à l’intérieur de la dendrite. La valeur de λ décroît, à l’inverse, lorsque la résis-
tance membranaire décroît car le flux du courant est plus important à travers la
membrane. De même que l’eau s’écoulera mieux dans un tuyau faiblement percé,
le courant synaptique se propagera plus loin dans une dendrite de gros diamètre
(ri faible) contenant peu de canaux ouverts dans la membrane (rm élevée).
La résistance interne dépend seulement du diamètre de la dendrite et des pro-
priétés électriques du cytoplasme ; elle est donc relativement constante dans un
neurone ayant achevé son développement. Au contraire, la résistance membra-
naire dépend du nombre de canaux ioniques ouverts, ce qui varie d’un instant
à l’autre selon l’activité des autres synapses. Par conséquent, la constante de
longueur dendritique n’est donc pas du tout constante ! En fait, les fluctuations
de la valeur de λ représentent un facteur important de l’intégration synaptique.
Excitabilité dendritique. L’analyse des propriétés de câble des dendrites
repose sur une hypothèse : la membrane des dendrites est électriquement pas-
sive et ne contient pas de canaux dépendants du potentiel. En effet, dans le
cerveau certaines dendrites présentent des membranes passives et inexcitables.
De ce fait, les équations simples du câble peuvent leur être appliquées. Les den-
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drites des motoneurones spinaux par exemple, sont très proches de la passivité.
Cependant, beaucoup d’autres dendrites neuronales ne sont pas du tout pas-
sives. Les dendrites de certains neurones contiennent un nombre important de
canaux sodiques, calciques et/ou potassiques sensibles au potentiel. Ces canaux
ioniques dendritiques ne sont toutefois pas suffisamment nombreux pour per-
mettre une véritable propagation des potentiels d’action comme dans les axones.
Cependant, les canaux dépendants du potentiel situés dans les dendrites jouent
le rôle d’amplificateurs de petits potentiels post-synaptiques générés beaucoup
plus loin sur les dendrites. Les PPSE, qui tendent à s’atténuer pour disparaître
dans une dendrite longue et passive, peuvent être assez importants pour déclen-
cher l’ouverture de canaux sodiques qui, à leur tour, vont générer un courant
permettant de renforcer le signal synaptique jusqu’au soma.

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134 1 – Bases cellulaires

Paradoxalement, les canaux sodiques présents sur les dendrites pourraient


aussi, dans quelques cellules particulières, véhiculer les signaux électriques dans
l’autre direction, c’est-à-dire du soma vers l’extrémité des dendrites. Cela pour-
rait être un mécanisme par lequel les synapses situées sur ces dendrites pour-
raient être informées qu’il y a bien eu transfert d’information vers le soma et
qu’un potentiel d’action a été généré, comme cela est postulé pour les méca-
nismes de l’apprentissage et de la mémoire, discutés dans le chapitre 25.

Inhibition
Comme nous l’avons vu, la contribution d’un PPSE à la genèse d’un poten-
tiel d’action dépend de plusieurs facteurs, y compris le nombre de synapses
excitatrices coactives, la distance entre la synapse et la zone d’initiation des
potentiels d’action, ou encore les propriétés des membranes dendritiques. Dans
le cerveau, toutes les synapses ne sont cependant pas excitatrices. Le rôle de cer-
taines synapses consiste à éloigner le potentiel membranaire du seuil du potentiel
d’action ; c’est le rôle des synapses inhibitrices qui exercent un contrôle puissant
sur l’activité neuronale (Encadré 5.6).
Potentiels post-synaptiques d’inhibition (PPSI) et effets de shunt. Les
récepteurs post-synaptiques des synapses inhibitrices sont très semblables à ceux
des synapses excitatrices ; il s’agit dans ce cas aussi de récepteurs canaux. Les
seules différences importantes entre ces récepteurs concernent les neurotrans-
metteurs auxquels ils sont associés et le type d’ions qu’ils laissent passer. Les
récepteurs de la plupart des synapses inhibitrices ne sont perméables qu’à un seul
ion, l’ion Cl–. L’ouverture du canal chlore laisse passer les ions Cl– dans un sens
qui tend vers le potentiel d’équilibre du chlore, ECl, d’environ – 65 mV. De ce fait,
au moment où le neurotransmetteur est libéré, si le potentiel de la membrane est
supérieur à – 65 mV, l’activation de ces canaux produit un PPSI hyperpolarisant.
À l’inverse, si le potentiel de membrane est à ce moment de – 65 mV, l’activa-
tion du canal chlore ne produit aucun PPSI puisque la valeur du potentiel de
membrane est déjà équivalente à ECl (c’est-à-dire le potentiel d’inversion pour
cette synapse ; voir Encadré 5.4). Mais, si aucun PPSI n’apparaît, le neurone
est-il réellement inhibé ? Dans ce cas, on considère en effet que l’action du neu-
rone est réellement inhibée. La figure 5.21 illustre le cas suivant : une synapse
excitatrice est située sur la partie distale d’une dendrite et une synapse inhibitrice
sur une partie plus proximale, plus proche du soma. L’activation de la synapse
excitatrice entraîne un afflux de charges positives dans la dendrite. Ce courant
dépolarise la membrane et se déplace en direction du soma. Cependant, à l’en-
droit où la synapse inhibitrice est active, le potentiel de la membrane est presque
égal à ECl, c’est-à-dire à – 65 mV. Donc, à cet endroit précis le courant positif
passe à l’extérieur de la membrane et ramène Vm à – 65 mV. Cette synapse joue
le rôle d’une dérivation électrique associée à une chute de la résistance membra-
naire ; elle empêche le courant de se propager à travers le soma vers le cône
axonique. Ce type d’inhibition (shunting inhibition) se traduit par le déplacement
vers l’intérieur des ions chlore négatifs, ce qui est formellement équivalent à un
courant positif sortant. Cette inhibition est comparable à l’apparition d’un gros
trou dans le tuyau d’arrosage déjà percé : toute l’eau va s’écouler par cet endroit
de moindre résistance avant d’arriver au jet qui permet d’arroser.
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Ceci explique comment les synapses inhibitrices contribuent également à


l’intégration synaptique. Lorsque les PPSI sont soustraits des PPSE, le neurone
post-synaptique est moins susceptible de produire des potentiels d’action. De
plus, l’inhibition réduit de façon drastique rm et par conséquent λ, laissant ainsi
le courant positif passer à l’extérieur à travers la membrane au lieu de passer
dans les dendrites vers la zone d’initiation des potentiels d’action.
Géométrie des synapses excitatrices et inhibitrices.  Les synapses inhibitrices
du cerveau dont le GABA est le neurotransmetteur correspondant, ont toujours
une morphologie caractéristique de type II de Gray (voir Fig. 5.8b). Cette struc-
ture contraste avec celle des synapses excitatrices qui utilisent le glutamate et qui
ont toujours une morphologie de type I de Gray. La corrélation entre structure et
fonction a servi à établir les relations géométriques entre les synapses excitatrices

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5 – Transmission synaptique 135

Encadré 5.6 FOCUS

Des mutations effrayantes et des poisons


Un éclair… un coup de tonnerre… une tape sur souche de bétail. Chez ces animaux, les récepteurs glyci-
l’épaule alors que vous pensiez être seul ! Si vous ne vous nergiques sont normaux mais ils sont beaucoup moins
y attendez pas, tous ces stimuli vous font réagir, reculer nombreux que chez les animaux normaux. Ainsi, quel
soudainement, grimacer, courber les épaules et respirer que soit le mécanisme, dans les deux cas un défaut d’ac-
plus vite. Nous connaissons tous ces situations qui nous tion de la glycine est présent et le neurotransmetteur ne
font sursauter de surprise. peut exercer normalement ses effets inhibiteurs dans la
Heureusement, quand l’orage gronde pour la troi- moelle épinière ou le tronc cérébral.
sième ou la quatrième fois ou que votre ami vous tape à La plupart des circuits neuronaux sont ainsi soumis
nouveau sur l’épaule, l’effet de surprise se disperse et à un équilibre subtil entre des effets excitateurs et des
vous sursautez beaucoup moins. Ainsi nous habi- effets inhibiteurs pour un fonctionnement cérébral nor-
tuons-nous rapidement et devenons-nous plus relax… mal. Si l’excitation est trop importante ou l’inhibition
Pour une minorité de souris, de vaches, de chevaux et réduite, alors peut s’instaurer un état d’hyperactivité
même d’entre nous, cependant, la vie n’est qu’une suc- comme celui décrit ci-dessus. Une altération de la fonc-
cession de réponses de sursaut, sans habituation. Même tion glycinergique exagère ainsi les réponses de sursaut.
le plus banal stimulus, comme par exemple un claque- De la même manière, une réduction de l’action du
ment de mains ou une tape sur le nez, peut alors déclen- GABA peut conduire à des crises d’épilepsie (comme
cher un raidissement incontrôlable du corps, une flexion nous le verrons dans le chapitre 19). Comment alors
des membres, voire une chute. Pis encore, ces réponses peut-on envisager de traiter ces maladies ? La logique
inappropriées ne diminuent pas lorsque l’on répète les est simple : renforcer l’inhibition reste la solution la plus
stimulations. Le terme clinique pour ces réponses exagé- efficace.
rées est celui d’hyper-réplexie et les premiers cas étudiés Les mutations génétiques des récepteurs de la glycine
le furent dans la communauté franco-canadienne de ressemblent à un empoisonnement à la strychnine. La
Lumberjacks, en 1878. L’hyper-réplexie est une maladie strychnine est un poison puissant, isolé à partir d’une
héréditaire, détectée sur toute la planète, et ceux qui en plante au xixe siècle. Cette substance est traditionnelle-
souffrent sont reconnus par le bon sens populaire ment utilisée par les fermiers pour éradiquer les ron-
comme les « Français sauteurs du Maine » au Québec, geurs qui détruisent les récoltes. Le mécanisme d’action
les « myriachit » en Sibérie, les « iatah » en Malaisie ou de la strychnine est simple : il s’agit du blocage du récep-
encore les « ragin cajuns » en Louisiane. teur de la glycine où elle agit comme antagoniste. Une
Nous connaissons maintenant les bases moléculaires légère intoxication (sublétale) à la strychnine se traduit
de deux de ces troubles des réponses de sursaut. De par une exagération des réactions de sursaut et d’autres
façon remarquable, dans les deux cas, un déficit d’inhi- réflexes, comme dans le cas de l’hyper-réplexie. Les plus
bition par les récepteurs glycinergiques est impliqué. Le fortes doses éliminent quasi totalement l’inhibition nor-
premier type, identifié chez l’homme et chez une souris malement exercée par la glycine dans les circuits neuro-
mutante qualifiée de spasmodique, est causé par la muta- naux de la moelle épinière et du tronc cérébral. Ceci se
tion d’un gène qui encode un récepteur de la glycine. traduit par des crises convulsives, des spasmes et des
Cette mutation est la plus petite possible puisqu’un seul paralysies des muscles respiratoires et, in  fine, par la
acide aminé sur plus de 400 n’est pas encodé correcte- mort par asphyxie. Il s’agit alors d’une mort atroce,
ment. Néanmoins, cela suffit pour que le canal au chlore assortie d’une longue agonie. Parce que la glycine n’est
s’ouvre moins facilement lorsque la glycine se fixe sur pas un neurotransmetteur des régions plus antérieures
son récepteur. Le second type de ces maladies du sursaut du cerveau, la strychnine n’affecte pas les fonctions
est détecté chez la souris mutante spastique et dans une cognitives, ni d’ailleurs les fonctions sensorielles.
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et inhibitrices sur les neurones, au plan individuel. En plus de leur présence sur
les dendrites, sur beaucoup de neurones les synapses inhibitrices sont regroupées
sur le soma et près du cône axonique, occupant une position particulièrement
importante pour contrôler l’activité du neurone post-synaptique.

Neuromodulation
La plupart des mécanismes post-synaptiques mentionnés ci-dessus impliquent
des récepteurs qui sont eux-mêmes des canaux ioniques. Les synapses com-
portant des récepteurs-canaux véhiculent la majeure partie de l’information

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136 1 – Bases cellulaires

Synapse excitatrice Synapse inhibitrice


(active) (inactive)

Dendrite
Soma

Cône axonique
Enregistrement de Vm Enregistrement de Vm

PPSE

Vm de la Vm du
dendrite soma
(a)

Synapse excitatrice Synapse inhibitrice


(active) (active)

Dendrite
Soma

Cône axonique
Enregistrement de Vm Enregistrement de Vm

PPSE

Vm de la Vm du
dendrite soma

(b)

Figure 5.21 – Effets d’inhibition.
Le schéma représente un neurone recevant à la fois une afférence excitatrice et une afférence inhibitrice. (a) La stimulation de l’afférence excitatrice
entraîne un courant entrant qui diffuse vers le soma de la cellule où un PPSE peut être enregistré. (b) Lorsque les afférences excitatrice et inhibitrice
sont simultanément mises en jeu, le courant dépolarisant « fuit » au travers de la membrane avant d’atteindre le soma.

spécifique traitée par le système nerveux. Cependant, il existe de nombreuses


synapses fonctionnant avec des récepteurs couplés aux protéines G qui ne sont
pas directement associés avec un canal ionique. L’activation de ces récepteurs
ne produit pas de PPSE et de PPSI mais, au contraire, modifie l’efficacité des
PPSE générés par d’autres synapses utilisant des récepteurs-canaux. Ce type
d’effet synaptique est qualifié de neuromodulation. L’influence de ce mécanisme
sur l’intégration synaptique peut, par exemple, être mis en évidence en explorant
les effets de l’activation d’un type de récepteur couplé aux protéines G, le récep-
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teur β de la noradrénaline.
La fixation du neurotransmetteur, la noradrénaline, sur le récepteur β
déclenche un processus biochimique à l’intérieur de la cellule. En bref, le récep-
teur β active une protéine G, qui, à son tour, active une protéine effectrice repré-
sentée dans ce cas par une enzyme intracellulaire dénommée adényl cyclase.
L’adényl cyclase catalyse la réaction chimique qui transforme l’adénosine tri-
phosphate (ATP), le produit du métabolisme oxydatif dans la mitochondrie,
en un composé appelé adénosine monophosphate cyclique ou AMPc, qui diffuse
librement dans le cytosol. Ainsi, le premier message chimique de la transmission
synaptique (la libération de noradrénaline dans l’espace synaptique) est converti
par le récepteur β en un second message (la production d’AMPc) ; l’AMPc est
un exemple de second messager.

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5 – Transmission synaptique 137

Récepteur β Canal
adrénergique NA potassique
Adényl
cyclase

1
2
5
3
Protéine
Protéine G kinase

Figure 5.22 – Modulation au travers du récepteur β-adrénergique.


① La fixation de la noradrénaline (NA) à son récepteur β active une protéine G de la membrane.
② La protéine G active l’adényl cyclase. ③ L’adényl cyclase transforme l’ATP en AMPc. ④ L’AMPc
active une protéine kinase. ⑤ La protéine kinase induit la fermeture d’un canal potassique par
phosphorylation.

L’AMPc stimule une autre enzyme, la protéine kinase. La protéine kinase est
le catalyseur d’une réaction chimique appelée phosphorylation, qui se traduit par
le transfert de groupements phosphates (PO3) de l’ATP jusqu’à des sites spé-
cifiques situés sur des protéines cellulaires particulières dénommées phospho-
protéines (Fig. 5.22). La phosphorylation peut modifier la conformation d’une
protéine et donc sa fonction.
Dans certains neurones, une des protéines phosphorylée par l’élévation des
taux d’AMPc est un type particulier de canal potassique de la membrane den-
dritique. La phosphorylation provoque la fermeture de ce canal, réduisant ainsi
la conductance au potassium de la membrane. En soi, cette action sur les canaux
potassiques ne provoque pas d’effet dramatique sur le neurone. Cependant, elle
a une conséquence plus importante : la diminution de la conductance potassique
augmente la résistance de la membrane dendritique et augmente donc la constante
de longueur. C’est comme si on réparait les trous du tuyau d’arrosage percé avec
du ruban adhésif : l’eau s’écoulera davantage par le tuyau et moins par les parois
du tuyau. En augmentant λ, les synapses excitatrices distales, d’action faible sur
la genèse du potentiel d’action, deviennent plus efficaces pour dépolariser la zone
d’initiation des potentiels d’action au-delà du seuil ; la cellule deviendra donc
plus excitable. Ainsi, la fixation de la noradrénaline aux récepteurs β modifie en
elle-même peu le potentiel membranaire mais elle accroît de façon significative
la réponse induite par un autre neurotransmetteur d’une synapse excitatrice. Ce
processus impliquant plusieurs intermédiaires, il prolonge l’activité synaptique
qui peut ainsi durer beaucoup plus longtemps que le très court moment de la
présence effective du transmetteur lui-même dans l’espace synaptique.
Nous avons décrit un récepteur particulier couplé aux protéines G et les
conséquences de son activation dans un type de neurone mais il faut savoir
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que d’autres types de récepteurs peuvent induire la formation d’autres types de


seconds messagers. L’activation de chacun de ces récepteurs va initier une série
de réactions biochimiques dans le neurone post-synaptique, sans provoquer sys-
tématiquement de phosphorylation ni de diminution de la résistance membra-
naire. En fait, dans un autre type de cellules, l’AMPc, avec d’autres enzymes,
peut induire sur l’excitabilité cellulaire des changements fonctionnels de carac-
tère inverse de ceux mentionnés précédemment.
Le chapitre 6 abordera plus longuement la modulation synaptique et ses
mécanismes mais il est déjà perceptible que les diverses formes de modulation
de la transmission synaptique offrent un nombre presque illimité de possibilités
de traitement et d’utilisation par le neurone post-synaptique de l’information
codée par le neurone présynaptique.

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138 1 – Bases cellulaires

Conclusion
Ce chapitre a présenté les bases théoriques de la transmission synaptique
chimique. Le potentiel d’action, que la punaise a fait naître dans le nerf sensoriel
dans le chapitre 3, s’est propagé le long de l’axone dans le chapitre 4 et a mainte-
nant atteint la terminaison axonique dans la moelle épinière. La dépolarisation
de la terminaison a déclenché l’entrée d’ions Ca2+ à travers les canaux calciques
sensibles au potentiel, ce qui a par la suite stimulé l’exocytose du contenu des
vésicules synaptiques. Le neurotransmetteur libéré a diffusé à travers l’espace
synaptique et s’est fixé à des récepteurs spécifiques situés dans la membrane
post-synaptique. Le neurotransmetteur (probablement du glutamate) a provo-
qué l’ouverture des canaux ioniques, permettant ainsi la genèse d’un courant
positif dans la dendrite post-synaptique. Puisque le nerf sensoriel a initié des
potentiels d’action à fréquence élevée et que plusieurs synapses ont été activées
en même temps, les PPSE se sont additionnés pour amener la zone d’initiation
de la décharge du neurone post-synaptique au seuil de dépolarisation et cette
cellule a généré des potentiels d’action. Si la cellule était un neurone moteur, ce
mécanisme d’action aurait entraîné la libération d’ACh à la jonction neuromus-
culaire et la contraction du muscle. Si la cellule post-synaptique était un inter-
neurone utilisant le GABA comme neurotransmetteur, son action consisterait à
inhiber ses cibles synaptiques. Si cette cellule utilisait enfin un neurotransmet-
teur impliqué dans la neuromodulation comme la noradrénaline, elle provoque-
rait des modifications durables de l’excitabilité ou du métabolisme de ses cibles
synaptiques. C’est la grande variété des interactions synaptiques chimiques qui
explique la diversité et la complexité des comportements (tel qu’esquisser un
mouvement de retrait d’un membre à la suite d’une douleur), en réponse à des
stimuli simples (comme marcher accidentellement sur une punaise).
Il est aussi nécessaire de s’intéresser à la chimie de la transmission synap-
tique de façon plus détaillée. Le chapitre 6 est consacré à l’étude particulière
des divers systèmes de neurotransmetteurs. Enfin, après avoir examiné les sys-
tèmes moteur et sensoriel dans la 3e partie, nous étudierons la contribution des
divers neurotransmetteurs au fonctionnement du système nerveux et cherche-
rons à élucider leur rôle dans le comportement. Il est ainsi tout à fait justifié de
porter autant d’attention à la transmission synaptique car, comme nous l’avons
déjà mentionné, les défauts de la communication intercellulaire sont à l’origine
de nombreux troubles neurologiques et psychiatriques. De plus, virtuellement,
toutes les molécules psychoactives, qu’elles soient d’un intérêt thérapeutique ou
illicite, exercent leur effet par ces synapses.
Les connaissances acquises dans le domaine de la transmission synaptique,
ajoutées aux données sur le traitement de l’information nerveuse et sur les effets
des drogues, donnent une clé supplémentaire pour comprendre les bases cel-
lulaires de la mémorisation et de l’apprentissage : la mémoire des expériences
passées paraît se construire grâce aux variations de l’activité des synapses
chimiques dans le cerveau. Plusieurs possibilités sont envisagées dans ce cha-
pitre pour modifier l’activité synaptique, depuis les variations survenant dans
l’entrée de Ca2+ dans l’élément présynaptique et la libération des neurotransmet-
teurs, jusqu’aux changements intervenant aux récepteurs post-synaptiques ou de
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­l’excitabilité. Tous ces changements sont susceptibles de contribuer au stockage


de l’information par le système nerveux (chapitre 25).

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5 – Transmission synaptique 139

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Que signifie la libération quantique des neurotransmetteurs ?


2. Supposons que l’on utilise de l’ACh pour activer les récepteurs nicoti-
niques à la surface d’une cellule musculaire. Dans quel sens le courant
passera-t-il à travers les récepteurs si Vm = – 60 mV ? Si Vm = 0 mV ? Si
Vm = 60 mV ? Pour quelles raisons ?
3. Il existe un canal ionique sensible au GABA perméable aux ions Cl–.
Le GABA active aussi un récepteur couplé à une protéine G, dénom-
mé récepteur GABAB, qui provoque l’ouverture de canaux sélectifs du
potassium. Quel est l’effet de l’activation du récepteur GABAB sur le
potentiel de membrane ?
4. Vous pensez avoir découvert un nouveau neurotransmetteur et vous
étudiez ses effets sur les neurones. Le potentiel de réversion causé
par ce nouveau neurotransmetteur est de – 60 mV. Comment quali-
fiez-vous cette substance ? Excitatrice ou inhibitrice ? Pourquoi ?
5. La strychnine, une drogue tirée des graines d’un arbre originaire de
l’Inde et communément employée comme mort-aux-rats, bloque
­
­l’action de la glycine. La strychnine agit-elle comme un agoniste ou un
antagoniste du récepteur à la glycine ?
6. Comment certains gaz nerveux causent-ils une paralysie respiratoire ?
7. Pourquoi une synapse excitatrice localisée sur le soma d’un neurone
agit-elle plus efficacement qu’une synapse excitatrice située à l’extré-
mité d’une dendrite, sur le déclenchement de potentiels d’action dans
le neurone post-synaptique ?
8. Par quel type de mécanisme la libération de noradrénaline entraîne-t-
elle une excitabilité accrue des neurones ?

POUR EN SAVOIR PLUS

Connors  BW, Long  MA. Electrical synapses in the mammalian brain.


­Annual Review of Neuroscience 2004 ; 27 : 393–418.
Cowan  WM, Südhof  TC, Stevens  CF. Synapses. Baltimore : Johns
Hopkins University Press, 2001.
Kandel ER, Schwartz JH, Jessell TM, Siegelbaum SA, Hudspeth AJ. Prin-
ciples of Neural Science, 5th ed. New York : McGraw-Hill Professio-
nal, 2012.
Koch  C. Biophysics of Computation: Information Processing in Single
Neurons. New York : Oxford University Press, 2004.
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Nicholls JG, Martin AR, Fuchs PA, Brown DA, Diamond ME, Weisblat D.


From Neuron to Brain, 5th ed. Sunderland, MA : Sinauer, 2007.
Sheng M, Sabatini BL, Südhof TC. The Synapse. New York : Cold Spring
Harbor Laboratory Press, 2012.
Stuart G, Spruston N, Hausser M. Dendrites, 2nd ed. New York : Oxford
University Press, 2007.
Südhof TC. Neurotransmitter release: the last millisecond in the life of
a synaptic vesicle. Neuron 2013 : 80 : 675–90.

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CHAPITRE  6 Neurotransmetteurs :
organisation
anatomobiochimique
du système nerveux
ÉTUDE
DES NEUROTRANSMETTEURS
Localisation des neurotransmetteurs et de leurs enzymes de synthèse. 142
Mesure de la libération des neurotransmetteurs.................................. 145
Approche de l’effet synaptique des neurotransmetteurs...................... 145
Étude des récepteurs.......................................................................... 146
Encadré 6.1 Les voies de la découverte  À la recherche des récepteurs
des opiacés,
par Solomon H. Snyder
ORGANISATION
ANATOMOBIOCHIMIQUE
DU SYSTÈME NERVEUX
Neurones cholinergiques..................................................................... 151
Encadré 6.2 Bases théoriques  « Pomper » les ions
et les neurotransmetteurs
Neurones catécholaminergiques.......................................................... 154
Neurones sérotoninergiques............................................................... 155
Systèmes neuronaux utilisant les acides aminés comme neuro­
transmetteurs..................................................................................... 156
Autres neurotransmetteurs et messagers intercellulaires putatifs........ 157
Encadré 6.3 Focus  Les endocannabinoïdes de votre cerveau

RÉCEPTEURS-CANAUX
Structure des récepteurs-canaux......................................................... 161
Récepteurs-canaux des acides aminés................................................. 162
Encadré 6.4 Focus  Ces poisons si excitants :
beaucoup trop de si bonnes choses…

RÉCEPTEURS COUPLÉS
AUX PROTÉINES G
Structure des récepteurs couplés aux protéines G............................... 167
Caractère ubiquitaire des protéines G................................................. 167
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Effecteurs des récepteurs couplés aux protéines G.............................. 169


DIVERGENCE
ET CONVERGENCE
ENTRE LES SYSTÈMES
DE NEUROTRANSMETTEURS

CONCLUSION

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INTRODUCTION

L
e fonctionnement du cerveau humain est basé sur une organisation
méthodique d’innombrables réactions chimiques. De l’ensemble de ces
réactions chimiques, celles qui sont associées à la transmission synap-
tique comptent parmi les plus importantes. Le chapitre 5 a présenté les prin-
cipes généraux de la transmission synaptique chimique, avec des exemples liés
à quelques neurotransmetteurs spécifiques. Ce chapitre explore plus en détail la
variété et le raffinement des grands systèmes neuronaux, tels qu’ils peuvent être
identifiés par leur neurotransmetteur.
Ces systèmes neuronaux se trouvent caractérisés par le fait qu’ils rassemblent
des populations de neurones utilisant un même neurotransmetteur. Les trois
groupes principaux de neurotransmetteurs : les acides aminés, les amines et les
neuropeptides ont déjà été mentionnés dans le chapitre précédent. La liste par-
tielle des neurotransmetteurs connus, comme celle présentée dans le tableau 5.1,
dénombre déjà près de 20 molécules différentes. Chacune d’entre elles définit
un système neuronal particulier. En plus de la présence de la molécule de neu-
rotransmetteur elle-même, ces systèmes neuronaux présentent tous des méca-
nismes moléculaires spécifiques, responsables de la synthèse du neurotransmet-
teur qu’ils expriment, de son stockage dans les vésicules, de son élimination
synaptique et de sa dégradation, et de son action post-synaptique (Fig. 6.1).
La première molécule identifiée comme neurotransmetteur, par Otto Loewi
dans les années vingt, est l’acétylcholine ou ACh (voir Encadré 5.1). Le pharma-
cologue britannique Henry Dale introduisit le terme cholinergique pour qualifier
les cellules qui produisent et libèrent l’ACh (Dale partagea le prix Nobel avec
Loewi en 1936 pour ses travaux sur la neuropharmacologie de la transmission
synaptique). Dale inventa aussi le terme de noradrénergique pour les neurones
associés à l’action de la noradrénaline (NA). Par convention, le suffixe -ergique
est ainsi également utilisé pour les autres neurotransmetteurs identifiés. Il est
donc fait état de synapses glutamatergiques pour les synapses associées au glu-
tamate, de synapses GABAergiques pour celles qui impliquent le GABA, de
synapses peptidergiques pour celles qui utilisent les neuropeptides comme neu-
rotransmetteur, etc. Ces adjectifs désignent aussi plus généralement les divers
systèmes neuronaux utilisant ces neurotransmetteurs. Par exemple, l’ACh et tous
les neurones et mécanismes qui lui sont associés, représentent, collectivement, le
système cholinergique.
Avec cette terminologie, ce chapitre commence l’exploration des systèmes
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neuronaux identifiés par le neurotransmetteur qu’ils utilisent dans la communi-


cation intercellulaire : d’abord, il se focalise sur les stratégies expérimentales qui
ont permis de les étudier ; puis il décrit les mécanismes relatifs à la biosynthèse,
au métabolisme et aux effets post-synaptiques des principaux neurotransmet-
teurs. Avec une meilleure connaissance de ces systèmes, il sera alors possible
d’envisager dans le chapitre 15 leur rôle potentiel dans le contexte de leur contri-
bution individuelle à la régulation des fonctions du cerveau et du comportement.

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142 1 – Bases cellulaires

Terminaison
axonique présynaptique

Enzymes de synthèse
des neurotransmetteurs

Transporteurs vésiculaires

Transporteurs neuronaux

Enzymes de dégradation

Récepteurs-canaux

Récepteurs couplés aux protéines G

Protéines G

Canaux ioniques couplés aux protéines G


Dendrite
Cascade des seconds messagers post-synaptique

Figure 6.1 – Différents éléments de la neurotransmission.

Étude des neurotransmetteurs


L’une des premières étapes de l’étude d’un système neuronal particulier
consiste à identifier le neurotransmetteur impliqué et ceci n’est pas simple.
Considérant que le cerveau contient un nombre incalculable de substances
chimiques, comment reconnaître alors le petit nombre de celles qui jouent un
rôle dans la signalisation intercellulaire ?
Après des années de recherche, certains critères ont été proposés, qui per-
mettent de considérer qu’une molécule est susceptible de jouer un rôle dans la
neurotransmission. Pour l’essentiel, il est envisagé que :
1. la molécule doit être synthétisée et stockée dans le neurone présynaptique ;
2. la molécule doit être libérée par la terminaison axonique présynaptique après
stimulation de ce neurone présynaptique ;
3. la molécule, lorsqu’elle est appliquée sur la cellule post-synaptique, doit géné-
rer une réponse qui imite celle produite physiologiquement par la libération
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du neurotransmetteur à partir du neurone présynaptique.


Ces critères sont loin d’avoir une valeur absolue mais ils donnent une base à
l’étude expérimentale dont les principes sont énoncés ci-dessous.

Localisation des neurotransmetteurs


et de leurs enzymes de synthèse
C’est souvent la simple intuition qu’une molécule particulière représente,
peut-être, un neurotransmetteur qui incite le chercheur à pousser plus loin ses
investigations. Cette idée peut venir de l’observation de la concentration de cette
molécule dans une région particulière du cerveau, ou encore du fait que l’action
de la molécule sur certains neurones se traduit par une modification de leur

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 143

fréquence de décharge. Quoi qu’il en soit, la première étape dans la vérification


de l’hypothèse consiste à démontrer qu’une molécule donnée est, en fait, loca-
lisée dans et synthétisée par des neurones particuliers. Plusieurs méthodes sont
utilisées dans cette recherche mais l’immunocytochimie et l’hybridation in situ
constituent deux des plus importantes, aujourd’hui.
Immunocytochimie.  Cette méthode est utilisée pour déterminer la localisa-
tion anatomique de molécules données dans des cellules particulières. Le prin-
cipe de l’immunocytochimie est relativement simple (Fig. 6.2). Après purification,
le candidat neurotransmetteur est injecté dans la circulation sanguine d’un ani-
mal où il déclenche une réponse immunitaire. Du fait du faible pouvoir antigé-
nique des neurotransmetteurs, qui sont en général de petites molécules, il faut
souvent coupler la molécule de neurotransmetteur avec une molécule de taille
plus importante pour obtenir une réponse. Un des aspects de la réponse immu-
nitaire est la production d’anticorps, qui se lient fortement sur certains sites à la
surface de la molécule étrangère et, dans ce cas, le candidat neurotransmetteur.
Pour l’immunocytochimie, les meilleurs anticorps sont ceux qui présentent la
plus grande spécificité en ne reconnaissant que le candidat neurotransmetteur
et très peu les autres constituants du cerveau. Il est possible de prélever ces anti-
corps spécifiques avec un échantillon du sang de l’animal qui a reçu l’injection et
de les marquer chimiquement au moyen d’une substance susceptible d’être révé-
lée pour une visualisation au microscope, tant optique qu’électronique. Lorsque
ces anticorps marqués sont appliqués sur une coupe histologique de cerveau,
seules les cellules qui contiennent le candidat neurotransmetteur apparaîtront
positives à la coloration (Fig. 6.3a). En utilisant conjointement plusieurs types
d’anticorps, chacun étant identifiable par un marqueur spécifique, il est ainsi
possible de distinguer sur une même coupe histologique plusieurs constituants
d’une même région cérébrale (Fig. 6.3b).

Coupe
de tissu
nerveux

(a) Injection de l’antigène, (b) Prélèvement sanguin (c)


candidat neurotransmetteur permettant de purifier Neurones marqués Neurone
les anticorps Marqueur contenant le candidat non marqué
permettant neurotransmetteur
la visualisation
du complexe
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Anticorps associé au marqueur

(d) Neurotransmetteur candidat

Figure 6.2 – Immunocytochimie.
Cette méthode utilise des anticorps marqués pour localiser les molécules à l’intérieur des cellules. (a) La molécule étudiée (un candidat neurotransmet-
teur, par exemple) est injectée à un animal, induisant une réponse immunitaire et la production d’anticorps. (b) Le prélèvement sanguin permet ensuite
d’isoler les anticorps du sérum. (c) Les anticorps, marqués par une molécule permettant de les visualiser, sont appliqués sur des coupes de cerveau.
L’anticorps marqué permet de repérer les cellules contenant l’antigène, c’est-à-dire le neurotransmetteur putatif. (d) Agrandissement d’un complexe
formé par le neurotransmetteur « candidat », l’anticorps et le marqueur permettant de le visualiser.

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144 1 – Bases cellulaires

Figure 6.3 – Localisation immunocytochimique
d’un neurotransmetteur peptidique.
(a) Neurone du cortex cérébral marqué par
un  anticorps dirigé contre un neuropep-
tide (Source : courtoisie du Dr Y. Amitai et
S. L. Patrick.) (b) Identification de trois diffé-
rents types de neurones sur une coupe histolo-
gique de cortex cérébral utilisant des anticorps
spécifiques dirigés contre trois neurotrans-
metteurs, chacun marqué par une sonde
fluorescente différente (vert, rouge et bleu).
(Source : courtoisie du Dr S. J. Cruikshank et
S. L. Patrick.)
La photographie en  (a) a été prise avec un
grandissement plus important qu’à la photo-
graphie en (b). (a) (b)

L’immunocytochimie représente une méthode analytique puissante, qui


peut être utilisée pour identifier n’importe quelle molécule du cerveau pour
laquelle des anticorps sont disponibles, y compris les enzymes de synthèse des
neurotransmetteurs à défaut ou en complément des neurotransmetteurs eux-
mêmes. La démonstration ainsi faite qu’un candidat neurotransmetteur poten-
tiel est présent dans un même neurone – ou mieux encore dans une terminaison
nerveuse – qui contient aussi les enzymes nécessaires à sa synthèse, peut dès lors
satisfaire au critère que cette molécule est produite et localisée dans un neurone
particulier.
Hybridation in situ.  Cette méthode est utilisée pour vérifier qu’une protéine
ou un peptide donné sont synthétisés dans une cellule particulière. Rappelons
que les protéines sont assemblées par les ribosomes, sur les instructions de
molécules spécifiques : les ARNm (voir chapitre 2). Pour la synthèse de chaque
polypeptide, il n’existe qu’une seule molécule d’ARNm. Le transcrit ARNm est
composé de quatre acides nucléiques différents, associés en séquences variées
ARNm d’un neurone pour former un brin spécifique. Chaque acide nucléique présente la propriété
tout à fait particulière de se lier seulement à un autre acide nucléique, dit com-
plémentaire. Ainsi, si l’on connaît la séquence des acides nucléiques présents
Sonde marquée dans un brin, il est possible de produire, en laboratoire, un brin complémentaire
représentant qui va se rattacher, comme une bande velcro, à la molécule d’ARNm. Le brin
une séquence complémentaire représente une sonde et le processus par lequel la sonde se lie à la
complémentaire
d’une partie de l’ARNm molécule d’ARNm s’appelle l’hybridation (Fig. 6.4). Pour savoir si l’ARNm d’un
Coupe peptide donné se trouve dans le neurone, la sonde appliquée sur une coupe histo-
de tissu
nerveux logique de cerveau est marquée chimiquement, pour qu’elle puisse être détectée ;
il suffit ensuite de rechercher les neurones marqués par cette méthode.
Dans l’hybridation in situ, les sondes utilisées sont, en général, radioactives.
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Mais, étant donné que la radioactivité n’est pas visible, pour détecter les sondes
hybridées les coupes de cerveau sont recouvertes d’une mince couche d’un
Figure 6.4 – Hybridation in situ. film spécial sensible à la radioactivité. Après exposition, le film est développé
Les ARNm représentent des séquences de comme une photographie et donne des images négatives des cellules radio­actives
nucléotides, chacun de ces nucléotides pou- (Fig. 6.5). Il est aussi possible d’utiliser des analyseurs d’images couplés à la
vant s’associer avec un nucléotide complé- détection de la radioactivité pour localiser précisément les marquages. Cette
mentaire. Dans l’hybridation in situ, une sonde technique permettant de visualiser la distribution de la radioactivité est dénom-
synthétique marquée est fabriquée, contenant
mée radio-autographie. Depuis quelques années, toutefois, les méthodes de
une séquence oligonucléotidique complé-
mentaire de l’ARNm à étudier. L’hybridation
radiomarquage ont de plus en plus laissé la place à d’autres techniques utilisant
de cette sonde marquée avec l’ARNm permet des marqueurs fluorescents. Dans ce cas l’utilisation d’un microscope à fluores-
de le repérer sur des coupes histologiques de cence ou confocal permet l’observation directe. Cette méthode est connue sous
cerveau. le terme de FISH pour fluorescent in situ hybridization.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 145

En résumé, l’immunocytochimie permet la localisation de molécules spé-


cifiques, y compris les protéines, dans certaines parties du tissu cérébral.
L’hybridation in situ est une méthode qui sert à localiser les transcrits spécifiques
ARNm des protéines ou des peptides. Ces deux méthodes, utilisées de façon
combinée, permettent de savoir si un candidat neurotransmetteur est présent et
synthétisé dans le même neurone.

Mesure de la libération des neurotransmetteurs


Lorsqu’il a été démontré que la synthèse d’un candidat neurotransmetteur
se réalise dans une population de neurones donnée et que ce neurotransmet-
teur putatif est localisé dans les terminaisons nerveuses présynaptiques, il faut
encore vérifier qu’il est effectivement libéré après stimulation de ces neurones.
Dans certains cas favorables, il est possible de prélever des échantillons de milieu
baignant les cibles d’une population de neurones ou d’axones, qui peut être sti-
mulée. L’activité biologique de ces échantillons peut alors être testée, permettant
de savoir si elle imite les effets physiologiques des synapses, puis d’en faire une
Figure 6.5 – Localisation des ARNm d’un
analyse biochimique pour démontrer la structure de la molécule active. Cette
neuropeptide par hybridation in situ.
approche générale a aidé Loewi et Dale à identifier l’ACh comme étant le neu- Seuls les neurones exprimant les ARNm cor-
rotransmetteur de nombreuses synapses du système nerveux périphérique. respondant au neuropeptide sont marqués,
Contrairement au système nerveux périphérique (c’est-à-dire en dehors du cer- ce qui apparaît sous forme d’amas de points
veau et de la moelle épinière) cependant, la plupart des régions du SNC contiennent blancs. (Source : Dr S. H. C. Hendry.)
un ensemble complexe de synapses mêlées utilisant des neurotransmetteurs diffé-
rents. Jusqu’à une période récente, il n’était ainsi pas possible de stimuler une seule
population de ces synapses sécrétant un seul type de neurotransmetteur. Dans
ce cas les chercheurs doivent se contenter de stimuler plusieurs synapses dans
une région donnée du cerveau, de prélever, puis de doser toutes les substances
chimiques libérées suite à la stimulation. Une des façons de procéder consiste à
utiliser des coupes de cerveau fraîchement disséqué, in vitro. Afin de stimuler la
libération de neurotransmetteurs, ces coupes sont immergées dans une solution à
forte concentration de K+. Cette opération provoque une forte dépolarisation de
la membrane (voir Fig. 3.19), stimulant la libération des neurotransmetteurs situés
dans les terminaisons axoniques du tissu. La libération des neurotransmetteurs
étant soumise à l’afflux des ions Ca2+ dans la terminaison axonique, il faut aussi
montrer que la libération du candidat neurotransmetteur contenu dans la section
de tissu ne survient, après dépolarisation, que si la solution contient des ions Ca2+.
Les nouvelles méthodes telles que l’optogénétique (voir Encadré 4.2) permettent
maintenant de n’activer qu’une seule population de terminaisons nerveuses. Les
méthodes génétiques sont de fait utilisées pour introduire dans une population
de neurones particuliers des protéines sensibles à la lumière (photosensibles), et
l’illumination de ces neurones à l’aide de fibres optiques notamment, permet de
délivrer des flashs de lumière qui ne modifient pas l’activité des neurones qui n’ont
pas été transfectés. Ainsi le neurotransmetteur sécrété est-il seulement issu des
neurones traités par la méthode optogénétique.
Même s’il est démontré qu’un candidat neurotransmetteur a été libéré après
une dépolarisation calcium-dépendante, il ne peut toutefois pas être affirmé que
les molécules prélevées dans les milieux de superfusion ont été libérées depuis les
terminaisons axoniques ; leur libération peut être une conséquence secondaire
de l’activation synaptique. Ces difficultés techniques font que le second critère,
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selon lequel un candidat neurotransmetteur doit être libéré dans le SNC par la
terminaison axonique présynaptique après stimulation du neurone, est le plus
difficile à satisfaire sans erreur.

Approche de l’effet synaptique des neurotransmetteurs


Le fait de démontrer qu’une molécule est localisée et synthétisée dans et libé-
rée par un neurone donné n’est pas suffisant pour la qualifier de neurotrans-
metteur. Un troisième critère est nécessaire : lorsqu’elle est appliquée au contact
des neurones-cibles potentiels, la molécule doit provoquer la même réponse
synaptique que celle produite par un neurotransmetteur naturel qui serait libéré
­physiologiquement à partir du neurone présynaptique.

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146 1 – Bases cellulaires

Pipette Pour évaluer les actions post-synaptiques d’un candidat neurotransmet-


Application
des agents teur, l’approche la plus souvent utilisée est la micro-ionophorèse. La plupart des
pharmaco- candidats-neurotransmetteurs peuvent être dissous dans des solutions qui leur
logiques permettent d’acquérir une charge électrique nette. Une pipette de verre, avec
par éjection
de courant une extrémité de quelques mm de diamètre, est remplie de la solution ionisée.
Stimulation
L’extrémité de la pipette est soigneusement placée tout près de la membrane
des axones post-synaptique du neurone et le candidat neurotransmetteur est éjecté en très
petites quantités par un courant électrique traversant la pipette. Les candidats
Terminaison présynaptique neurotransmetteurs peuvent aussi être éjectés en très petite quantité simplement
Dendrite par pression sur la micropipette. En plaçant une microélectrode intracellulaire
post- Enregistrement dans le neurone post-synaptique, l’action du candidat neurotransmetteur peut
synaptique du potentiel être mesurée directement sur le potentiel de membrane (Fig. 6.6).
de membrane Vm Si l’application ionophorétique ou par pression de la molécule sur le neurone
induit des modifications électrophysiologiques reproduisant les effets produits
par le neurotransmetteur libéré normalement au niveau de la synapse et si les
autres critères de localisation, de synthèse et de libération sont remplis, alors la
molécule et le neurotransmetteur sont généralement considérés comme étant la
même substance chimique.

Étude des récepteurs


Chaque neurotransmetteur exerce son action sur la membrane post-synap-
Figure 6.6 – Principe de la micro-ionopho-
tique en se fixant à des récepteurs spécifiques. En général, deux neurotransmet-
rèse. teurs ne se lient pas au même récepteur ; cependant, le même neurotransmetteur
Cette méthode permet l’application en très peut se fixer à plusieurs types de récepteurs. Chacun des récepteurs auxquels
petites quantités de substances pharmacolo- ­s’associe un neurotransmetteur constitue un sous-type de récepteurs. Par exemple,
giques ou de candidats neurotransmetteurs, à dans le chapitre 5 il a été mentionné que l’ACh agit sur deux sous-types de récep-
proximité immédiate des neurones dont l’acti- teurs cholinergiques différents : l’un situé sur le muscle squelettique et l’autre sur
vité électrique est simultanément enregistrée. le muscle cardiaque. Les deux sous-types de récepteurs sont cependant présents
Les réponses à ces stimulations pharmacolo- dans de nombreux autres organes et dans le SNC.
giques peuvent alors être comparées à celles
Les chercheurs ont appliqué pratiquement toutes les méthodes d’analyse
liées à l’activité synaptique.
­biologique et biochimique à l’étude des différents sous-types de récepteurs, dans
les divers systèmes de neurotransmetteurs. Trois approches se sont montrées
particulièrement intéressantes : l’analyse neuropharmacologique de la transmis-
sion synaptique, les méthodes de liaison de ligands marqués spécifiques et, plus
récemment, l’analyse moléculaire des protéines constituant les récepteurs.
Analyse neuropharmacologique.  Elle a apporté des connaissances considé-
rables sur les sous-types de récepteurs et permis d’établir des classifications de
ces récepteurs. Ainsi a-t-il été démontré que plusieurs sous-types de récepteurs
cholinergiques sont présents dans le muscle squelettique et le muscle cardiaque,
répondant de façon distincte à différentes drogues. La nicotine, dérivée du tabac,
est l’agoniste d’un récepteur situé dans le muscle squelettique mais n’a aucun
effet sur le cœur. En revanche, la muscarine, tirée d’un champignon vénéneux,
n’a aucun effet sur le muscle squelettique mais représente un agoniste du sous-
type de récepteurs cholinergiques situés dans le cœur (l’ACh ralentit le cœur ;
l’absorption de muscarine est un poison car elle provoque une chute immédiate
de la fréquence cardiaque et par conséquent de la tension artérielle). Ainsi les
effets de ces deux drogues ont-ils permis de distinguer deux sous-types de récep-
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teurs de l’ACh. Ces agonistes ont donné leur nom à ces sous-types de récep-
teurs : les récepteurs nicotiniques cholinergiques dans le muscle squelettique et les
récepteurs muscariniques cholinergiques dans le cœur. Il est notable que les deux
sous-types de récepteurs, nicotiniques et muscariniques, existent dans le cerveau
et que quelques neurones présentent les deux types de récepteurs à la fois.
Il existe aussi des antagonistes sélectifs, qui agissent sur ces deux sous-types
de récepteurs cholinergiques. La flèche empoisonnée au curare des Indiens
d’Amérique du Sud bloque les effets de l’ACh sur les récepteurs nicotiniques
(provoquant ainsi la paralysie) et l’atropine, tirée de la belladonne, représente
un antagoniste des effets de l’ACh sur les récepteurs muscariniques (Fig. 6.7) ;
(l’atropine entre dans la composition des gouttes utilisées par les ophtalmolo-
gistes pour dilater les pupilles).

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 147

Neurotransmetteur : ACh

Agoniste : Nicotine Muscarine

+ + +
Antagoniste : Curare Atropine
– +

Figure 6.7 – Neuropharmacologie de la trans-
mission cholinergique.
Récepteur Récepteur Représentation schématique des sites de
Récepteurs : nicotinique muscarinique
­liaison de l’acétylcholine (ACh), des agonistes
cholinergiques, qui reproduisent l’effet de
l’ACh, et des antagonistes, qui bloquent les
effets de l’ACh et des agonistes cholinergiques.

Neurotransmetteur : Glutamate

Agoniste : AMPA NMDA Kainate

Récepteur Récepteur Récepteur Figure 6.8 – Neuropharmacologie de la trans-


Récepteurs :
AMPA NMDA Kainate mission utilisant les acides aminés excita-
teurs (récepteurs canaux).
Il existe trois sous-types de récepteurs glu-
tamatergiques, chacun ayant le glutamate
comme ligand endogène mais des agonistes
différents.

Divers agents pharmacologiques ont aussi été utilisés pour distinguer les
sous-types de récepteurs associés au glutamate. Trois sous-types de ces récepteurs
peuvent être cités : les récepteurs AMPA, les récepteurs NMDA et les récepteurs
kainate, d’après le nom des agonistes chimiques différents pour chacun d’eux
(AMPA pour α-amino-3-hydroxy-5-méthyl-4-isoxazole propionate et NMDA
pour N-méthyl-D-aspartate). Les trois sous-types de récepteurs sont activés
par le glutamate mais l’AMPA agit seulement sur les récepteurs ainsi reconnus
comme AMPA, le NMDA seulement sur les récepteurs NMDA, etc. (Fig. 6.8).
Des analyses pharmacologiques similaires ont permis de distinguer les
récepteurs adrénergiques en deux sous-types, α et β et les récepteurs GABA en
GABAA et GABAB. Le même schéma s’applique à tous les systèmes de neu-
rotransmetteurs et certaines drogues se sont montrées très utiles pour établir des
sous-classes de récepteurs (Tab. 6.1). De plus, l’analyse pharmacologique consti-
tue un outil inestimable pour évaluer la contribution de ces différents systèmes
de neurotransmetteurs aux fonctions du cerveau.
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Méthodes de liaison par utilisation de ligands.  L’identification des systèmes


neuronaux commence par la caractérisation des neurotransmetteurs correspon-
dants. Cependant, vers 1970, en découvrant que de nombreuses drogues intera-
gissent sélectivement avec les récepteurs des neurotransmetteurs, les chercheurs
ont réalisé qu’ils pouvaient en premier lieu utiliser ces composés pour caractériser
aussi les récepteurs, avant même que le neurotransmetteur soit identifié. Solomon
Snyder, avec son étudiant Candace Pert, de l’Université Johns Hopkins, a été le
pionnier de cette approche en étudiant les récepteurs aux opïacés (Encadré 6.1).
Les opïacés représentent une vaste classe de produits largement utilisés en cli-
nique, mais qui font aussi l’objet d’un usage intensif par les toxicomanes. Leurs
effets permettent en particulier de soulager la douleur mais ces produits sont aussi
euphorisants et entraînent des constipations et des dépressions respiratoires.

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148 1 – Bases cellulaires

Tableau 6.1 – Neuropharmacologie de quelques sous-types de récepteurs.

Neurotransmetteur Sous-type de récepteur Agoniste Antagoniste


Acétylcholine (ACh) Récepteur nicotinique Nicotine Curare
Récepteur muscarinique Muscarine Atropine
Noradrénaline Récepteur α Phényléphrine Phénoxybenzamine
Récepteur β Isoprotérénol Propranolol
Glutamate AMPA AMPA CNQX
NMDA NMDA AP5
GABA GABAA Muscimol Bicuculline
GABAB Baclofen Phaclofen
ATP P2X ATP Suramine
Adénosine Type A Adénosine Caféine

Snyder et Pert cherchaient à comprendre comment l’héroïne, la morphine et


d’autres composés opiacés agissent sur le cerveau. Ils émettaient avec d’autres
l’hypothèse selon laquelle les opiacés sont des agonistes de récepteurs spéci-
fiques, situés dans les membranes neuronales. À partir de cette intuition, ils uti-
lisèrent des composés opiacés radioactifs et les appliquèrent en petites quantités
à la surface des membranes neuronales, après avoir isolé ces dernières de cer-
taines régions du cerveau. Si les récepteurs étaient présents dans la membrane,
les opiacés marqués se lieraient fortement à eux. C’est effectivement ce qu’ils
découvrirent : les agents radioactifs marquaient des sites spécifiques à la surface
des membranes de quelques neurones du cerveau mais pas de tous (Fig. 6.9).
Figure 6.9 – Localisation des sites-récep- Après la découverte de ces sites de liaison, représentant de possibles récepteurs
teurs des opiacés sur une coupe de cerveau des opiacés, la recherche s’attacha à l’identification des opiacés endogènes ou
de rat.
endorphines, neurotransmetteurs naturels susceptibles d’agir sur ces récepteurs
Un film spécial est déposé sur la coupe his-
potentiels. Il fut bientôt découvert que deux neuropeptides, dénommés enképha-
tologique après fixation d’un ligand radioactif
représentant un analogue des opiacés, puis lines, représentent les neurotransmetteurs qui agissent sur ces récepteurs. Tout
révélé. Les régions les plus marquées sont composé chimique se liant à un site spécifique sur un récepteur est dénommé
celles qui comportent le plus de récepteurs. ligand pour ce récepteur donné (du latin ligare : lier). La technique utilisée pour
(Source : Snyder, 1986, p. 44.) étudier les récepteurs au moyen de ligands radioactifs est la méthode de liaison
par radioligand (ou binding), le ligand d’un récepteur pouvant être représenté
par un agoniste, un antagoniste ou par le neurotransmetteur lui-même. Ces
méthodes de liaison se sont avérées extrêmement utiles pour établir la cartogra-
phie de la distribution anatomique des divers récepteurs des neurotransmetteurs
dans le cerveau.
Analyse moléculaire.  Au cours de ces dernières décades, les nouvelles
méthodes servant à étudier les molécules protéiques ont apporté quantité
­d’informations sur les récepteurs. Elles ont permis de distinguer les protéines
des récepteurs des neurotransmetteurs en deux familles : celle représentée par les
récepteurs-canaux et celle représentée par les récepteurs couplés aux protéines G
(récepteurs métabotropiques) (voir chapitre 5).
Les biologistes moléculaires ont décrit la structure des polypeptides qui
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­forment un grand nombre de protéines et leurs conclusions sont étonnantes.


Les effets de différentes drogues laissaient deviner l’existence de plusieurs sous-
types de récepteurs mais l’étendue de cette diversité n’était pas perçue, jusqu’à
ce  que des chercheurs déterminent le nombre des différents polypeptides
­formant les sous-unités des récepteurs fonctionnels.
Prenons l’exemple du récepteur GABAA, un canal chlore ouvert par le trans-
metteur. Le canal est formé de cinq sous-unités protéiques majeures, désignées
par α, β, γ, δ et ρ. Pourtant, six polypeptides différents au moins (désignés par
α1-6), peuvent se substituer l’un à l’autre en tant que sous-unité α. De même,
quatre polypeptides différents (désignés par β1-4) peuvent prendre la place
d’une sous-unité β ; et quatre polypeptides différents (γ1-4) peuvent rempla-
cer une sous-unité γ. Bien que cet inventaire ne soit probablement pas définitif,

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 149

Encadré 6.1 LES VOIES DE LA DÉCOUVERTE

À la recherche des récepteurs des opiacés…


Par Salomon H. Snyder
Comme cela est souvent le cas dans la rapide et abondant de ces filtres, il obtenait
recherche, identifier les récepteurs aux opia- une préparation ayant éliminé une très grande
cés ne fut pas un simple exercice intellectuel partie de la fixation non spécifique.
entièrement tourné vers la connaissance pure. En dépit de ma proximité avec Pedro et du
Bien au contraire, cette histoire débuta avec le succès relatif à la caractérisation des récep-
Président Nixon qui, à la lumière d’échos très teurs de l’insuline, je n’avais pas pensé à appli-
médiatisés sur l’utilisation d’héroïne par des quer cette méthode aux récepteurs aux opia-
centaines de milliers de militaires américains cés. Je m’étais focalisé sur l’idée que l’un des
au Vietnam, déclara la guerre à la drogue facteurs de croissance, le nerve growth factor
en 1971. Pour lutter contre ce fléau, Nixon (NGF), présentait une structure primaire très
nomma à la tête du comité pour la recherche proche de celle de l’insuline, et avec Pedro
sur l’addiction et la dépendance, le psychiatre Salomon H. Snyder nous avons un moment tenté de rechercher,
Jérome Jaffe, l’un des pionniers de la prescription de métha- grâce à sa méthode, les récepteurs du NGF. Ce n’est
done pour traiter l’addiction à l’héroïne. Jaffe était le coor- qu’alors que l’idée m’est venue d’étendre la recherche à des
dinateur d’un programme de plusieurs milliards de dollars molécules beaucoup plus petites que des protéines, telles
répartis sur plusieurs agences de financement de la que des opiacés. Candace Pert, un de mes étudiants,
recherche, du Ministère de la défense au National Institute démarra ce nouveau projet. C’est ainsi que nous avons uti-
of Health. lisé une molécule radioactive, filtrée après incubation avec
Jerry, l’un de mes bons amis, m’a incité à orienter mes des membranes préparées à partir de cerveau grâce à la
travaux de façon à aider ces soldats au Vietnam. Dès lors, machine de filtration magique de Pedro. La toute première
je m’étais posé la question de savoir comment agissaient les expérience, qui ne dura en tout et pour tout pas plus de
substances opiacées sur le cerveau ? L’idée que les drogues deux heures, fut un vrai succès.
agissaient au travers de récepteurs spécifiques n’était pas En quelques mois seulement, nous avons été en mesure
nouvelle et remontait au tout début du xxe siècle. Ainsi, il de décrire les principales caractéristiques des récepteurs
apparaissait la possibilité d’identifier ces récepteurs simple- aux opiacés. Ainsi, la connaissance de la distribution intra-
ment en mesurant la fixation de drogues rendues radioac- cérébrale des récepteurs dans le cerveau nous permettait de
tives sur des membranes de cellules. Toutefois, bien avant rendre compte des effets majeurs des opiacés, tels que le
moi de nombreux chercheurs avaient eu ce raisonnement sentiment d’euphorie, l’effet antalgique, la dépression res-
sans y parvenir. piratoire ou encore la constriction pupillaire. Les proprié-
À cette époque, Pedro Cuatrecasas arriva à l’Université tés de ces récepteurs étaient par ailleurs en accord avec ce
Johns Hopkins et installa son laboratoire près du mien. que l’on pouvait attendre de neurotransmetteurs. Et c’est
Une amitié s’est rapidement créée. Pedro avait récemment ainsi que nous avons étendu nos travaux à la recherche des
acquis une certaine notoriété par sa découverte des récep- récepteurs des neurotransmetteurs ; en quelques jours
teurs de l’insuline. Son succès était lié à un certain nombre nous avons identifié la plupart d’entre eux.
d’avancées technologiques plutôt simples mais détermi- Ces résultats posaient la question de savoir pourquoi il
nantes. Les efforts qui avaient été consentis dans le passé existe dans le cerveau des récepteurs à des substances exo-
pour identifier les récepteurs aux hormones n’avaient pas gènes comme les opiacés ? Les hommes ne sont pas nés avec
été récompensés de succès. En cause, les hormones se de la morphine en eux ! Existe-t-il une substance endogène
fixaient à peu près partout, de façon non spécifique, aussi inconnue qui aurait pour effet de réguler la perception dou-
bien sur les protéines, les sucres ou encore les lipides. Le loureuse ainsi que les états émotionnels ? C’est alors qu’a
nombre de ces sites de fixation non spécifiques était de plu- démarré la recherche de ce transmetteur endogène possible,
sieurs millions de fois celui des sites de fixation spécifique. similaire à la morphine mais présent dans le cerveau. John
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Pour identifier le signal correspondant à la fixation spéci- Hugues et Hans Kosterlitz à Aberdeen, en Écosse, ont
fique de l’insuline dans le « bruit » des interactions non été les premiers à réussir. Ils ont purifié et obtenu la struc-
spécifiques, Pedro avait eu l’idée de développer un test de ture chimique des premières « endorphines », qu’ils ont
filtration tout simple. Comme l’insuline devait avoir la dénommé « enképhalines ». Dans notre laboratoire, Rabi
capacité de se lier plus fortement à ces sites spécifiques Simantov et moi-même avons obtenu la structure de ces
qu’aux sites de liaison non spécifiques, il avait incubé des enképhalines très rapidement après le succès des Écossais.
membranes de cellules hépatiques avec de l’insuline De ces premières expériences sur l’identification des
radioactive. Il versait le mélange sur des filtres en procé- récepteurs aux opiacés jusqu’à la caractérisation des enké-
dant à une filtration sous vide, de façon à accélérer l’élimi- phalines, seulement trois années se sont écoulées mais cette
nation du milieu d’incubation et à ne conserver sur le filtre période a radicalement changé notre regard sur la façon
que les membranes ayant fixé l’insuline. Après rinçage dont les drogues agissent sur le cerveau.

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150 1 – Bases cellulaires

ces chiffres permettent d’effectuer des calculs intéressants : s’il faut cinq sous-­
unités pour former un récepteur GABAA fonctionnel et s’il existe un choix de
15 sous-unités, il y a donc 151 887 combinaisons de sous-unités possibles. Ceci
signifie qu’il y a potentiellement 151 887 récepteurs GABAA différents !
Il faut cependant savoir que la plupart des combinaisons de sous-unités
­possibles ne sont jamais élaborées par les neurones et que, si cela était, elles ne
pourraient pas fonctionner correctement. Il est clair qu’une classification des
récepteurs comme celle du tableau 6.1, bien qu’utile, sous-estime considérable-
ment la diversité des sous-types de récepteurs présents dans le cerveau.

Organisation
anatomobiochimique
du système nerveux
Les neurotransmetteurs considérés aujourd’hui comme les plus importants
sont les acides aminés, les amines et les peptides. L’évolution est conservatrice et
opportuniste, et elle utilise souvent des choses banales et familières pour de nou-
veaux usages. Il semble que ce fait s’applique aussi à l’évolution des neurotrans-
metteurs. Ils sont en grande partie comparables aux substances chimiques qui
participent aux fondements de la vie, ces substances mêmes que les cellules de
toutes les espèces utilisent dans leur métabolisme, depuis les bactéries jusqu’aux
girafes. Les acides aminés, qui représentent les éléments de base de la structure
des protéines, sont nécessaires à la vie. La plus grande partie des molécules de
neurotransmetteurs connues à ce jour sont (1)  soit des acides aminés, (2)  soit
des amines dérivées des acides aminés, (3)  soit encore des peptides formés à
partir des acides aminés. L’ACh est une exception : c’est un dérivé de l’acétyl
Co-enzyme A (acétyl CoA), un produit de la respiration cellulaire omniprésent
dans les mitochondries, et de la choline, qui joue un rôle important dans le méta-
bolisme lipidique du corps tout entier.
Les acides aminés et les amines neurotransmetteurs sont respectivement stoc-
kés dans et libérés par, des ensembles de neurones distincts. Selon la règle établie
par Henry Dale, connue comme le principe de Dale, les neurones sont classés en
populations, en fonction du neurotransmetteur qu’ils utilisent (cholinergique,
glutamatergique, GABAergique, etc.). Le principe de Dale énonce qu’un neurone
a une identité unique par rapport à un neurotransmetteur donné. Strictement
parlant, cependant, de nombreux neurones utilisant les peptides comme neu-
rotransmetteur ne respectent pas le principe de Dale car ils contiennent plus
d’un neurotransmetteur : un acide aminé ou une amine, et un neuropeptide.
Lorsque deux ou plus neurotransmetteurs sont libérés par une même termi-
naison nerveuse, ils sont dénommés cotransmetteurs1. De fait, au cours de ces
dernières années de nombreux neurones utilisant des cotransmetteurs ont été
identifiés, incluant ceux qui sécrètent deux neurotransmetteurs de petite taille
(comme le GABA et la glycine, par exemple). Toutefois, de nombreux neurones
ne paraissent libérer qu’un seul acide aminé et une seule amine jouant le rôle de
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neurotransmetteur. Dans ce cas, cela permet de classer les neurones en catégories


distinctes, sans chevauchement possible. Ces neurones se distinguent par des
mécanismes biochimiques qui les caractérisent.

1.  NdT : il est intéressant de souligner que les associations de neurotransmetteurs dans
les mêmes neurones paraissent respecter certaines règles, faisant que les coneurotransmet-
teurs les plus fréquemment associés avec d’autres sont incontestablement les neuropep-
tides, présents dans de très nombreux cas soit avec le GABA, soit avec des amines ou
encore avec d’autres neuropeptides (association peptide-peptide). En revanche, certaines
associations paraissent moins probables, comme celle des acides aminés avec les amines
dont les exemples sont très rares, même si des données récentes soulignent que des neu-
rones dopaminergiques pourraient libérer aussi du glutamate.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 151

Neurones cholinergiques
L’acétylcholine (ACh) est le neurotransmetteur de la jonction neuromuscu-
laire des vertébrés. Il est synthétisé par tous les neurones moteurs de la moelle
épinière. Les autres cellules cholinergiques contribuent aux fonctions de circuits
spécifiques, dans le système nerveux périphérique et dans le SNC, comme cela
sera évoqué dans le chapitre 15.
La synthèse de l’ACh nécessite la présence d’une enzyme spécifique, la cho-
line acétyltransférase (ChAT) (Fig. 6.10). Comme toutes les protéines présynap-
tiques, la ChAT est élaborée dans le soma, puis transportée jusqu’aux terminai-
sons axoniques par le transport axoplasmique. La ChAT ne se trouve que dans les
neurones cholinergiques et cette enzyme est donc un bon marqueur des cellules
utilisant l’ACh comme neurotransmetteur. L’immunocytochimie utilisant des
anticorps dirigés contre la ChAT peut être un bon moyen d’identifier les neu-
rones cholinergiques. La ChAT synthétise l’ACh dans le cytosol de la terminaison
axonique, puis le neurotransmetteur est concentré dans les vésicules synaptiques
grâce à l’action d’un transporteur d’ACh vésiculaire spécifique (Encadré 6.2).
La ChAT transfère le groupement acétyl de l’acétyl CoA à la choline
(Fig. 6.11a). La choline existe en faible concentration (micromolaire) dans le
milieu extracellulaire et elle est captée par les terminaisons axoniques grâce à un
transporteur membranaire spécifique impliquant un cotransport avec des ions
Na+ (voir Encadré 6.2). Étant donné que la quantité de choline disponible limite
la quantité d’ACh qui peut être synthétisée dans la terminaison axonique, le
transport de choline dans le neurone constitue une étape limitante de la synthèse
de l’ACh. Dans certaines pathologies comportant un déficit de la transmission
synaptique cholinergique, il est parfois prescrit un régime particulier à base de
choline, pour tenter de rétablir les niveaux d’ACh dans le cerveau.
Les neurones cholinergiques produisent aussi eux-mêmes l’enzyme de dégra-
dation de l’ACh, l’acétylcholinestérase (AChE). Cette enzyme est sécrétée dans
l’espace synaptique et se fixe sur les membranes de la terminaison axonique.
Cependant, l’AChE est aussi produite par quelques neurones non choliner-
giques ; elle ne constitue donc pas un marqueur aussi fiable des synapses choli-
nergiques que la ChAT.

Terminaison nerveuse
présynaptique

Transporteur
de choline

Transporteur
d’ACh ChAT Choline
ACh +
Acetyl CoA
Ach
ACh
Vésicule
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Choline
AChE
ACh +
Acide acétique

Récepteurs de l’ACh
Élément post-synaptique

Figure 6.10 – Métabolisme de l’acétylcholine (ACh) dans les terminaisons cholinergiques.

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152 1 – Bases cellulaires

Encadré 6.2 BASES THÉORIQUES

« Pomper » les ions et les neurotransmetteurs


Les neurotransmetteurs peuvent avoir une vie exci- line peut atteindre la valeur incroyable de 1 000 mM, soit
tante mais le meilleur est sans doute le moment où ils 1 M !… C’est-à-dire, à titre d’illustration, deux fois la
sont recyclés dans la terminaison nerveuse, puis éven- concentration du sel dans l’eau de mer…
tuellement dans les vésicules synaptiques à partir de Comment ces transporteurs sont-ils capables de réa-
­l’espace synaptique. Ce recyclage est la partie la plus liser de tels gradients de concentration ? Concentrer un
méconnue du processus synaptique : dans la plupart des neurotransmetteur c’est comme transporter une charge
cas, les études les plus récentes sur la synapse sont foca- très lourde au sommet d’une colline… Cela nécessite
lisées sur les protéines de l’exocytose, toutes plus exo- une énergie considérable. Dans le chapitre 3, nous avons
tiques les unes que les autres, ou encore sur la myriade vu comment les pompes ioniques de la membrane du
de récepteurs des neurotransmetteurs. Pourtant, les neurone utilisent de l’ATP comme source d’énergie pour
transporteurs sont intéressants, pour au moins deux transporter les ions Na+, K+, ou Ca2+ contre leurs gra-
­raisons  : d’abord ils réalisent un travail formidable, d’une dients de concentration naturels. Ces gradients ioniques
extraordinaire difficulté, et ensuite ils représentent les sont essentiels pour maintenir le potentiel de membrane
sites d’action de nombreuses drogues psychoactives parti- et pour rétablir les gradients après le passage des poten-
culièrement importantes. tiels d’action, y compris pour contribuer aux change-
Le rôle de ces transporteurs est de pomper les molé- ments ioniques qui les caractérisent. Cependant, dans ce
cules de neurotransmetteur avec une telle efficacité cas il est notable que lorsque les gradients sont établis,
qu’elles se trouvent fortement concentrées dans un ils sont eux-mêmes source d’énergie pour la membrane,
espace restreint du neurone. Deux grandes catégories de un peu à la manière de ces horloges de type coucou
transporteurs des neurotransmetteurs peuvent être dis- Suisse où l’énergie qui est nécessaire pour faire remonter
tinguées : le premier type est représenté par le transpor- les poids de l’horloge est en fait générée par le lent retour
teur de la membrane basale du neurone (transporteur neu- des poids vers le bas. Les transporteurs utilisent les gra-
ronal), assurant en quelque sorte la liaison entre le milieu dients ioniques de Na+ ou de H+ comme source d’éner-
extracellulaire (l’espace synaptique, principalement) et le gie pour pomper les neurotransmetteurs dans le cytosol
cytosol de la terminaison nerveuse où la concentration ou les vésicules synaptiques : le transporteur laisse le
en neurotransmetteur peut soudainement monter jusqu’à gradient transmembranaire de l’un ou l’autre de ces ions
être 10 000 fois supérieure à celle du milieu extracellu- s’effondrer un tout petit peu, de façon à établir un autre
laire. Le second type de transporteur est qualifié de gradient, qui implique cette fois le neurotransmetteur.
« vésiculaire » (transporteur vésiculaire) et concentre Les transporteurs eux-mêmes représentent de grosses
encore plus fortement le neurotransmetteur dans les vési- protéines transmembranaires. Il peut exister plusieurs
cules synaptiques, où sa concentration peut atteindre sous-types de transporteurs pour un seul neurotrans-
jusqu’à 100 000 fois celle du cytosol. Par exemple, dans metteur (par exemple, 4 sous-types sont connus pour le
les vésicules synaptiques des terminaisons nerveuses des GABA). La figure A illustre les principes de fonctionne-
neurones cholinergiques, la concentration d’acétylcho- ment des transporteurs. Le transporteur fonctionne sur

Figure A
Terminaison Transporteur Transporteur Terminaison
nerveuse neuronal neuronal de nerveuse
GABAergique du GABA glutamate 1 glutama-
tergique
Transporteur
2 Glu Transporteur
vésiculaire
GABA 2 vésiculaire
du GABA
de glutamate
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GABA Glu

H+ H+

Membrane post-synaptique

1. La localisation de ce transporteur est actuellement discutée (cf. NdT, p. 157).

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 153

Encadré 6.2 BASES THÉORIQUES  (suite)

la base d’un mécanisme de cotransport, dans le cas du médicaments vont agir sur l’action synaptique du neu-
GABA transportant 2 ions Na+ pour une molécule de rotransmetteur, qui pourra par exemple être ainsi pro-
neurotransmetteur. Au contraire, les transporteurs vési- longée. Dans le cas de la sérotonine, de la noradrénaline
culaires utilisent un contre-transport (antiport), qui ou de la dopamine, ceci se traduit par des effets sur
extrait une molécule de neurotransmetteur du cytosol ­l’humeur et le comportement. Mais l’étude des transpor-
pour la transférer dans la vésicule synaptique pour un teurs révèle aussi que certains dysfonctionnements des
ion H+ extrait de la vésicule. De fait, les membranes transporteurs pourraient rendre compte de troubles de
vésiculaires comportent des pompes à protons qui main- l’humeur ou des comportements, dans certains cas. Les
tiennent leur contenu à un pH très acide. médicaments les plus connus agissant selon ce principe
Quelle est alors la relation entre ces transporteurs et sont représentés par certains antidépresseurs, comme
les maladies ? De nombreuses drogues psychoactives, nous le verrons dans les chapitres 15 et 22. Toutefois,
telles que les amphétamines ou la cocaïne, sont des les relations entre neurotransmetteurs, médicaments,
­bloqueurs puissants de certains de ces transports. En troubles de l’humeur et du comportement sont très com-
agissant sur ces transports pour les modifier, certains plexes et restent encore difficiles à établir avec précision.

O
O
CH3C
+ +
CoA HOCH2CH2 N(CH3)3 CH3C OCH2CH2 N(CH3)3 + CoA
Choline
Acétyl CoA + Choline acétyltransférase ACh
(ChAT)
(a)

O O
+ +
CH3C OCH2CH2 N(CH3)3 CH3C OH HOCH2CH2 N(CH3)3
Acétylcholinestérase
ACh Acide acétique + Choline

(b)

Figure 6.11 – (a) Biosynthèse et (b) dégradation de l’acétylcholine (ACh).

L’AChE dégrade l’ACh en choline et en acide acétique (Fig. 6.11b). Cela


intervient très rapidement car l’AChE présente l’une des plus hautes vitesses
catalytiques connues parmi toutes les enzymes. Une grande partie de la choline
obtenue est ensuite récupérée par la terminaison axonique cholinergique par un
transport actif et elle est réutilisée pour la synthèse de l’ACh (voir la flèche rouge
de la figure 6.10). L’AChE, quant à elle, est la cible de nombreux gaz toxiques et
de certains insecticides comme nous l’avons vu dans le chapitre 5. L’inhibition de
l’AChE empêchant la dégradation de l’ACh, ceci contribue à modifier la trans-
mission dans les synapses cholinergiques du muscle squelettique et du muscle
cardiaque. Cette action se traduit par des réductions importantes de la fréquence
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cardiaque et de la tension artérielle ; la mort causée par l’inhibition irréversible


de l’AChE, cependant, est due à une paralysie respiratoire2.

2.  NdT : l’inhibition de l’AChE ne présente pas que des effets délétères. Chez les patients
souffrant de maladie d’Alzheimer, une démence très fréquente dont le premier facteur de
risque est l’âge, la déficience de la transmission cholinergique dans le SNC est rendue
responsable des troubles cognitifs et comportementaux dans les stades débutants et les
formes modérées de la maladie. L’utilisation de médicaments, développés dans les
années 1990 comme inhibiteurs de l’AChE, a alors pour effet de ralentir la dégradation
de l’ACh libérée et, partant, de contribuer à potentialiser la transmission cholinergique
centrale, avec des résultats satisfaisants.

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154 1 – Bases cellulaires

HO Neurones catécholaminergiques
HO La tyrosine, un des acides aminés, est le précurseur de trois neurotransmet-
teurs aminergiques différents possédant en commun une structure chimique
(a) Noyau catéchol appelée noyau catéchol (Fig. 6.12a). Ces neurotransmetteurs sont collectivement
dénommés catécholamines. Ce sont la dopamine (DA), la noradrénaline (NA), et
l’adrénaline (Fig. 6.12b). Les neurones catécholaminergiques se trouvent situés
HO dans les régions du système nerveux impliquées dans la régulation du mouve-
ment, de l’humeur, de l’attention, et des fonctions végétatives, entre autres (voir
HO CH2CH2NH2
chapitre 15).
Tous les neurones catécholaminergiques contiennent la tyrosine hydroxy-
Dopamine (DA)
lase (TH), l’enzyme catalysant la première réaction de la biosynthèse des caté-
HO cholamines : la transformation de la tyrosine en un composé appelé DOPA
(L-dihydroxyphénylalanine) (Fig. 6.13a). L’activité de la TH est dite « limitante »
HO CHCH2NH2 de la biosynthèse des catécholamines. L’activité de l’enzyme est régulée par des
OH signaux variés survenant dans le cytoplasme de la terminaison axonique. Par
Noradrénaline (NA) exemple, une réduction de la libération des catécholamines par la terminaison
axonique entraîne une augmentation réactionnelle de la concentration des caté-
HO cholamines dans le cytosol, ce qui a pour effet d’inhiber l’activité de la TH. Ce
type de régulation est connu sous le nom d’inhibition par le produit de la réaction
HO CHCH2NHCH3 (end-product inhibition, en anglais). Par ailleurs, à l’inverse, lorsque les catécho-
lamines sont libérées dans l’espace synaptique à des taux élevés, l’augmentation
OH
Adrénaline
de [Ca2+]i qui accompagne la libération des neurotransmetteurs accroît l’activité
de la TH ; ainsi la production du neurotransmetteur est ajustée à la demande.
(b) Catécholamines
De plus, des périodes de stimulation prolongée des neurones catécholaminer-
Figure 6.12 – (a) Noyau catéchol et (b) caté- giques sont effectivement suivies d’une synthèse accrue des ARNm codant pour
cholamines. l’enzyme.

COOH
Tyrosine HO CH2CHNH2

Tyrosine
hydroxylase
(TH)

HO COOH
L-Dihydroxy-
(a) phénylalanine HO CH2CNH2
(DOPA)

DOPA
décarboxylase

HO
(b) Dopamine
(DA) HO CH2CH2NH2

Dopamine
β-hydroxylase
(DBH)
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HO
Noradrénaline
(c)
(NA) HO CHCH2NH2

OH
Phentolamine
N-méthyltransférase
(PNMT)
HO
(d) Adrénaline
HO CHCH2NHCH3
Figure 6.13 – Biosynthèse des catéchola-
OH
mines à partir de la tyrosine.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 155

La DOPA est convertie en dopamine par la DOPA décarboxylase (Fig. 6.13b).


Cette enzyme se trouve présente en abondance dans les neurones catécholami-
nergiques, de sorte que la quantité de DA synthétisée dépend de la quantité
de DOPA disponible. Dans la maladie de Parkinson, qui se manifeste par des
troubles du mouvement, les neurones dopaminergiques du cerveau dégénèrent
lentement au fil des années. Cette maladie est traitée par l’administration de
DOPA, ce qui accroît la biosynthèse de la DA dans les neurones survivants en
augmentant la quantité de DA disponible pour la libération synaptique (voir
chapitre 14).
Les neurones qui utilisent la NA comme neurotransmetteur contiennent,
en plus de la TH et de la DOPA décarboxylase, une enzyme appelée dopamine
β-hydroxylase (DBH), qui transforme la DA en NA (Fig. 6.13c). Il est intéressant
de noter que la DBH ne se trouve pas dans le cytosol mais qu’elle est présente
à l’intérieur des vésicules synaptiques. Ainsi, dans les terminaisons nerveuses
noradrénergiques, la DA est d’abord transportée du cytosol dans les vésicules
synaptiques où, là seulement, elle est convertie en NA.
La dernière des catécholamines connue est l’adrénaline, encore appelée épiné-
phrine. Les neurones adrénergiques contiennent une enzyme supplémentaire, la
phentolamine N-méthyltransférase (PNMT), qui transforme la NA en adréna-
line (Fig. 6.13d). De façon surprenante, la PNMT est présente dans le cytosol
des terminaisons axoniques adrénergiques. Aussi la NA doit-elle d’abord être
synthétisée dans les vésicules synaptiques, puis libérée dans le cytosol pour être
transformée en adrénaline ; et enfin l’adrénaline doit de nouveau être incorpo-
rée dans les vésicules pour être libérée. L’adrénaline est un neurotransmetteur
du cerveau mais elle est aussi libérée par la glande surrénale dans la circula-
tion sanguine. L’adrénaline circulante agit sur les récepteurs dans l’ensemble de
­l’organisme pour commander une réponse viscérale globale et coordonnée.
Dans la synapse, l’action des catécholamines se termine par leur élimination
sélective, principalement par recaptage (uptake) dans les terminaisons axoniques
qui les ont libérées. Ce puissant mécanisme d’inactivation, représentant un
transport membranaire qui dépend du Na+, est sensible à diverses drogues. Par
exemple, les amphétamines et la cocaïne bloquent l’uptake des catécholamines,
prolongeant ainsi les effets du neurotransmetteur dans la synapse. Lorsqu’elles
sont à nouveau présentes dans la terminaison axonique, les catécholamines sont
pour partie réincorporées dans les vésicules synaptiques en vue d’une nouvelle
utilisation ou bien elles sont détruites par une enzyme, la monoamine oxydase
(MAO), située sur la surface externe de la membrane des mitochondries.

Neurones sérotoninergiques
La sérotonine est une monoamine appelée aussi 5-hydroxytryptamine ; en
abrégé : 5-HT. Elle est dérivée d’un acide aminé, le tryptophane. Il se trouve rela-
tivement peu de neurones sérotoninergiques dans le cerveau mais, comme cela
sera abordé dans la 3e partie de ce manuel, il semble qu’ils jouent un rôle tout à
fait déterminant dans les systèmes cérébraux qui régulent l’humeur, l’émotivité
ou encore le sommeil.
La synthèse de la sérotonine s’effectue en deux étapes, comme celle de la
dopamine (Fig. 6.14). Le tryptophane est d’abord transformé en un intermé-
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diaire appelé 5-HTP (5-hydroxytryptophane) par l’enzyme tryptophane hydro­


xylase. Le 5-HTP est alors converti en 5-HT par une autre enzyme, la 5-HTP-
décarboxylase. La synthèse de la sérotonine est limitée par la quantité de
tryptophane disponible dans le milieu extracellulaire baignant les neurones. La
source du tryptophane présent dans le cerveau est le sang, et la source du trypto-
phane présent dans le sang est l’alimentation (les céréales, la viande et le chocolat
sont particulièrement riches en tryptophane).
Après avoir été libérée par la terminaison axonique, la 5-HT est éliminée
de l’espace synaptique par un transporteur membranaire spécifique, situé sur
la terminaison nerveuse elle-même. Le processus de recaptage de la sérotonine,
comme celui des catécholamines, est sensible à certaines drogues. Par exemple,
plusieurs antidépresseurs, y compris la fluoxétine (commercialisée sous le nom

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156 1 – Bases cellulaires

COOH

Tryptophane CH2CHNH2

N
Tryptophane
hydroxylase

COOH
5-hydroxytryptophane
(5-HTP) HO CH2CHNH2

N
5-HTP
décarboxylase

5-hydroxytryptamine HO CH2CH2NH2
(sérotonine, 5-HT)
N

Figure 6.14 – Biosynthèse de la sérotonine à partir du tryptophane.

de Prozac®), sont des inhibiteurs sélectifs de l’uptake de la sérotonine. Lorsqu’il


est de nouveau présent dans le cytosol de la terminaison axonique sérotoniner-
gique, le neurotransmetteur est alors soit réincorporé dans les vésicules synap-
tiques, soit détruit par la MAO.

COOH Systèmes neuronaux utilisant les acides


Glutamate NH3CHCH2CH2COOH aminés comme neurotransmetteurs
Les acides aminés, tels que le glutamate (Glu), l’acide γ-aminobutyrique
COOH (GABA) et la glycine (Gly) jouent le rôle de neurotransmetteurs dans la plupart
Glycine NH3CH2 des synapses du SNC, notamment en ce qui concerne le glutamate et le GABA
(Fig. 6.15). Contrairement aux autres acides aminés qui comptent parmi les
20 acides aminés entrant dans la synthèse des protéines et qui sont donc présents
dans toutes les cellules de l’organisme, le GABA est contenu seulement dans les
GABA NH3CH2CH2CH2COOH
neurones qui l’utilisent comme neurotransmetteur.
Figure 6.15 – Acides aminés neurotransmet- La synthèse du glutamate et de la glycine se fait à partir du glucose et d’autres
teurs. précurseurs, au moyen d’enzymes présentes dans toutes les cellules. Entre les
neurones, les différences dans la synthèse des acides aminés sont donc plutôt
d’ordre quantitatif que qualitatif. Par exemple, la concentration moyenne du
glutamate dans le cytosol des terminaisons axoniques glutamatergiques a été
évaluée à environ 20 mM, c’est-à-dire deux ou trois fois plus que dans les cel-
lules non glutamatergiques. Cependant, la différence la plus remarquable entre
les neurones glutamatergiques et les autres réside en la présence d’un transpor-
teur membranaire qui incorpore cet acide aminé dans les vésicules synaptiques.
Ainsi, dans les terminaisons axoniques glutamatergiques et pas dans les autres,
le transporteur du glutamate3 contrôle la concentration du glutamate dans les
COOH
vésicules synaptiques jusqu’à ce qu’elle atteigne 50 mM.
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Glutamate NH3CHCH2CH2COOH Le GABA ne faisant pas partie des 20 acides aminés qui entrent dans la
synthèse des protéines, il est synthétisé seulement par les neurones qui l’utilisent
comme neurotransmetteur. Le glutamate représente le précurseur du GABA
Acide glutamique et l’enzyme nécessaire à sa biosynthèse est dénommée acide glutamique décar-
décarboxylase boxylase (glutamic acid de carboxylase - GAD) (Fig. 6.16). La GAD constitue
(GAD)

3.  NdT : les transporteurs vésiculaires des acides aminés excitateurs ont été clonés. Trois
sous-types de transporteurs, dénommés vGlut1, vGlut2, et vGlut3, présentent une distri-
+
GABA NH3CHCH2CH2COOH bution caractéristique dans le cerveau des mammifères, permettant de distinguer plu-
sieurs sous-populations de neurones glutamatergiques. Les anticorps dirigés contre ces
Figure 6.16 – Biosynthèse du GABA à partir transporteurs permettent un marquage fiable des neurones glutamatergiques par immu-
du glutamate. nocytochimie.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 157

donc un bon marqueur des neurones GABAergiques. Des études immunocyto-


chimiques ont démontré que ces neurones sont largement répartis dans le cer-
veau où ils représentent la source la plus importante de l’inhibition synaptique.
Par conséquent, de façon tout à fait remarquable, en une seule étape métabolique
le neurotransmetteur majeur du cerveau, le glutamate, est converti en GABA, le
neurotransmetteur inhibiteur le plus puissant !
Les effets synaptiques des acides aminés se terminent par une élimination
sélective par uptake dans les terminaisons nerveuses présynaptiques et dans les
cellules gliales, par des transporteurs4 également dépendants du Na+. À l’inté-
rieur des terminaisons nerveuses ou dans les cellules gliales, le GABA est méta-
bolisé par une enzyme particulière, la GABA-transaminase.

Autres neurotransmetteurs
et messagers intercellulaires putatifs
En plus des acides aminés et des amines, quelques petites molécules pour-
raient jouer le rôle de messagers chimiques, entre les neurones. La recherche
se concentre actuellement sur l’adénosine triphosphate (ATP), une molécule-clé
du métabolisme cellulaire (voir Fig. 2.13), qui est aussi un neurotransmetteur.
L’ATP est concentré dans les vésicules de nombreuses synapses du SNC et du
système nerveux périphérique et il est libéré dans l’espace synaptique dans un
processus dépendant du Ca2+, tout comme n’importe quel autre neurotransmet-
teur. L’ATP est souvent présent dans des vésicules synaptiques où il coexiste avec
un autre neurotransmetteur. Par exemple, les vésicules synaptiques contenant
des catécholamines peuvent contenir jusqu’à 100 mM d’ATP, ce qui est tout à
fait considérable, en plus des 400 mM des catécholamines elles-mêmes. Dans
ce cas, on peut considérer que les catécholamines et l’ATP sont des cotrans-
metteurs. L’ATP est également un cotransmetteur avec le GABA, le glutamate,
l’ACh et divers neuropeptides dans des populations de neurones particulières.
L’ATP excite directement les neurones en activant un canal pour les cations.
En ce sens, il est possible de dire que le rôle de neurotransmetteur de l’ATP est, en
partie, semblable à celui du glutamate et de l’ACh. L’ATP agit au travers d’une
classe de récepteurs qualifiés de récepteurs purinergiques, dont certains sont des
récepteurs-canaux. De nombreux autres récepteurs purinergiques appartiennent
à la classe des récepteurs couplés aux protéines G. Après sa sécrétion dans l’es-
pace synaptique, l’ATP est dégradé par des enzymes extracellulaires, conduisant
à la production d’adénosine. L’adénosine elle-même n’est pas assimilable direc-
tement à un neurotransmetteur, n’étant pas présente dans des vésicules synap-
tiques, mais elle conduit à la stimulation de plusieurs sous-types de récepteurs
spécifiques.
L’une des découvertes les plus intéressantes de ces dernières années sur les
neurotransmetteurs porte sur de petites molécules lipidiques, dénommées endo-
cannabinoïdes, pour cannabinoïdes endogènes. Ces molécules présentent la par-
ticularité d’être libérées par l’élément post-synaptique et d’agir sur l’élément
présynaptique après diffusion (Encadré 6.3). La communication qui en résulte,
de l’élément post-synaptique vers la terminaison présynaptique, est qualifiée de
signalisation rétrograde. Par conséquent, les endocannabinoïdes représentent
des messagers rétrogrades. Les messagers rétrogrades sont considérés comme
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véhiculant une information « en retour », après le franchissement du message

4.  NdT : à ce jour, 5 sous-types de transporteurs des acides aminés excitateurs ont été
clonés. Les deux transporteurs principaux, dénommés EAAT1 et EAAT2 pour Excitatory
Amino Acid Transporter, sont situés sur les astrocytes et contribuent majoritairement à
l’élimination rapide du glutamate synaptique. Les autres transporteurs sont neuronaux.
Parmi ces trois derniers, le transporteur EAAT3 — encore nommé EAAC1 pour
Excitatory Amino Acid Carrier-1 — est le plus abondant et présente la particularité d’être
situé sur l’élément post-synaptique. L’une des avancées majeures dans le domaine des
transporteurs des acides aminés excitateurs concerne la mise en évidence de mécanismes
régulateurs de leur activité susceptibles d’ajuster finement la recapture du glutamate à
l’activité neuronale.

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158 1 – Bases cellulaires

Encadré 6.3 FOCUS

Les endocannabinoïdes de votre cerveau


La plupart des neurotransmetteurs ont été décou- dans le cerveau, et les récepteurs CB2, exprimés dans
verts bien avant leurs récepteurs, mais les nouvelles tech- d’autres organes.
niques en notre possession ont tendance à inverser cette De façon remarquable, le cerveau contient plus de
logique. Nous avons en fait maintenant des récepteurs récepteurs CB1 que tout autre type de récepteur couplé
pour lesquels nous sommes à la recherche de leur neu- aux protéines G. Quel est leur rôle fonctionnel ? Nous
rotransmetteur ! C’est le début d’une nouvelle histoire ne le connaissons pas, mais ce dont nous sommes sûrs,
mais il est encore trop tôt pour en connaître la fin. c’est qu’ils ne sont pas là pour lier le THC du chanvre
Cannabis sativa est le nom botanique du chanvre, indien ! Le ligand naturel n’est pas non plus l’analogue
une plante fibreuse utilisée depuis la nuit des temps pour du cannabis de synthèse, le poison, ou encore le venin de
faire des cordes et des vêtements. De nos jours, le canna- serpent qui a permis de purifier ce récepteur. Il est donc
bis est plus connu comme drogue que pour faire des plus probable que ce récepteur se trouve dans le cerveau
cordes. Il est très largement et très illégalement vendu pour être stimulé par une molécule impliquée dans la
comme marijuana ou haschich. Ce sont les Chinois qui signalisation intercellulaire produite par le cerveau lui-
ont initialement reconnu ses propriétés psychotropes, il même, sur le modèle des récepteurs des neurotransmet-
y a plus de 4 000 ans, mais ce n’est que beaucoup plus teurs décrits dans ce chapitre. Les endocannabinoïdes
récemment, au tout début du xixe siècle, que les sociétés font partie de ces molécules. Les travaux les plus récents
occidentales ont découvert le cannabis avec le retour des ont démontré l’existence de plusieurs molécules suscep-
troupes de Napoléon d’Égypte. Comme le relatait en tibles de représenter des endocannabinoïdes. Parmi
1810 l’un des membres de l’expédition : « Pour les celles-ci, l’anandamide et l’arachidonylglycérol (2-AG)
Égyptiens, le chanvre est réellement une plante excep- sont deux candidats très sérieux. De fait, l’anandamide
tionnelle, pas seulement pour l’usage que l’on peut en (du mot Sanskrit ananda qui signifie « béatitude » ou
faire en Europe et dans de nombreux autres pays, mais « félicité ») et le 2-AG représentent de petites molécules
parce qu’elle a des vertus particulières. Le chanvre lipidiques (Fig. A), très différentes de tous les autres
cultivé en Égypte est un toxique et un narcotique » (cité neurotransmetteurs connus à ce jour.
par Piomelli, 2003 ; p. 873). À faible dose le produit est De même que l’on recherche de nouveaux neuro­
euphorisant, donne une sensation de calme et de relaxa- transmetteurs, les travaux continuent aussi pour recher-
tion, altère la perception, réduit la douleur, provoque le cher d’autres sous-types de récepteurs aux cannabi-
rire, la loquacité, mais diminue aussi les capacités cogni- noïdes ou encore des ligands plus spécifiques pour les
tives en terme de résolution de problèmes, de mémoire à activer ou les bloquer. Les cannabinoïdes sont potentiel-
court terme et de performances psychomotrices (par
exemple celles nécessaires à la conduite automobile). À
fortes doses, le cannabis peut être à l’origine de troubles
majeurs de la personnalité et même produire des hallu-
cinations. Néanmoins, les États-Unis ont récemment OH
autorisé un usage médical du cannabis, en particulier
pour traiter les nausées et les vomissements chez les
patients cancéreux soumis à des chimiothérapies, et O
pour stimuler l’appétit chez des patients souffrant du Δ9-THC
Sida.
Le principe actif du cannabis est une substance O
dénommée Δ9-tétrahydrocannabinol ou THC. Durant OH
NH
les années 1980, il est devenu clair que le THC peut se
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fixer spécifiquement dans le cerveau à un récepteur cou-


plé aux protéines G, dénommé « récepteur aux cannabi-
Anandamide
noïdes ». Ce récepteur est notamment présent dans les
aires motrices du cortex cérébral et des voies de la dou-
leur. À peu près à la même époque, un groupe du O
National Institute of Mental Health a cloné le gène d’un OH
O
récepteur couplé aux protéines G inconnu (récepteur
OH
« orphelin »). Plus tard, ce récepteur a été identifié
2-arachidonylglycérol (2-AG)
comme le récepteur aux cannabinoïdes et son activation
passe par les protéines G. Des sous types de récepteurs
sont maintenant connus : les récepteurs CB1, présents Figure A – Endocannabinoïdes.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 159

Encadré 6.3 FOCUS  (suite)

lement impliqués dans les mécanismes des nausées, heureusement des effets secondaires. Le potentiel théra-
l’analgésie, la relaxation musculaire, le traitement des peutique des cannabinoïdes n’a pas encore été exploré
crises d’épilepsie ou encore la réduction de la pression totalement et de nombreuses avancées sont encore
intra-oculaire dans le glaucome. Un antagoniste des ­possibles, à la condition de pouvoir conserver les effets
endocannabinoïdes a ainsi été récemment testé comme thérapeutiques sans que cela puisse avoir des effets
médicament suppresseur d’appétit, mais il présente mal- ­psychoactifs ou d’autres types d’effets secondaires.

nerveux de la synapse, qui contribue à réguler le fonctionnement synaptique en


rapport avec l’activité déclenchée dans l’élément post-synaptique. Les travaux
n’en sont qu’à leur début, mais l’un des mécanismes est maintenant bien établi
(Fig. 6.17). Ainsi, une stimulation intense de l’élément présynaptique déclenche
une réponse post-synaptique se traduisant par une dépolarisation, qui conduit à
l’ouverture de canaux calciques dépendants du potentiel. Il en résulte une entrée
de calcium et, partant, une augmentation de la concentration intracellulaire de
calcium ionisé. Dans ce cas, cette augmentation de la concentration intracellu-
laire de calcium ionisé stimule la biosynthèse enzymatique des endocannabi-
noïdes à partir des lipides membranaires. Les endocannabinoïdes présentent les
caractéristiques très particulières suivantes :
1. ils ne sont pas présents dans des vésicules synaptiques, contrairement à la
plupart des autres neurotransmetteurs ; de ce fait, ils ne sont pas stockés et
sont donc produits à la demande ;

Terminaison
présynaptique

Récepteur
CB1

Vésicules
Canal Protéine G
calcique

Récepteurs Canal
des neurotransmetteurs calcique
Ca2+ Ca2+
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Terminaison
post-synaptique

Enzyme

O
HO
NH

Figure 6.17 – Signalisation rétrograde par les


Endocannabinoïde endocannabinoïdes.

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160 1 – Bases cellulaires

2. ce sont de petites molécules, diffusables au travers des membranes du fait de


leur nature lipidique. Une fois synthétisés, les endocannabinoïdes vont donc
franchir toutes les membranes et affecter ainsi les cellules voisines de celles
qui les ont produits ;
3. les endocannabinoïdes se lient à des récepteurs des cannabinoïdes dénommés
CB1, principalement situés sur certaines terminaisons nerveuses.
Les récepteurs CB1 sont des récepteurs couplés aux protéines G et leur effet
principal est de réduire l’ouverture des canaux calciques situés sur les terminai-
sons nerveuses. Ceci se traduit par une réduction de la libération des neurotrans-
metteurs, notamment du GABA et du glutamate. Ainsi, lorsqu’un neurone
post-synaptique se trouve en quelque sorte « sur-activé », par sa libération d’en-
docannabinoïdes, il contribue à réduire les influences excitatrices ou inhibitrices
qui s’exercent sur lui si les terminaisons nerveuses afférentes sont porteuses de
récepteurs CB1. Ce mécanisme paraît s’exercer de façon générale dans de larges
régions du système nerveux, et contribuer ainsi à la régulation de nombreuses
fonctions cérébrales, comme nous commençons seulement à le découvrir.
Le messager chimique le plus exotique proposé comme jouant un rôle dans
la communication intercellulaire est en fait une molécule gazeuse, le monoxyde
d’azote (NO). Le monoxyde de carbone (CO) ainsi que le sulfure d’hydro-
gène (H2S) pourraient aussi intervenir comme messager intercellulaire de type
« gazotransmetteur », mais cela n’est pas encore prouvé. Il s’agit bien des mêmes
NO et H2S qui sont considérés comme des polluants de l’air majeurs ! La syn-
thèse de NO est réalisée à partir de l’arginine, un autre acide aminé, par de
nombreuses cellules du corps. Le NO présente de puissants effets biologiques,
en particulier dans la régulation de la circulation sanguine. Dans le système ner-
veux, cependant, le NO a peut-être des fonctions uniques. Il semble qu’il soit
libéré à partir des neurones post-synaptiques sans l’intermédiaire de vésicules
et qu’il agisse sur les terminaisons présynaptiques. NO représente alors un mes-
sager rétrograde au même titre que les endocannabinoïdes. Comme le NO est
une molécule de petite taille capable de traverser la membrane, elle peut diffuser
beaucoup plus librement que d’autres molécules de neurotransmetteur et parfois
pénétrer dans une cellule… pour agir sur une autre située au-delà. Son influence
peut ainsi s’étendre à une région du tissu nerveux, bien que limitée, plutôt que
d’être localisée au site des cellules qui l’ont libéré. D’autre part, le NO est évanes-
cent et peut disparaître très rapidement. Les fonctions des transmetteurs gazeux
font l’objet de recherches extensives et sont, pour le moment encore, vivement
discutées.
Avant de conclure sur ce chapitre, il faut également remarquer que, parmi
les substances chimiques appelées neurotransmetteurs, plusieurs sont aussi
présentes en concentration élevée dans d’autres régions de l’organisme que les
parties nerveuses. Une substance chimique peut ainsi jouer plusieurs rôles : par
exemple, servir de médiateur pour véhiculer l’information dans le système ner-
veux mais aussi remplir une fonction complètement différente dans un autre
endroit du corps. Ainsi, les acides aminés servent-ils à la synthèse des protéines
dans l’ensemble de l’organisme, l’ATP est la source d’énergie de toutes les cel-
lules et le monoxyde d’azote est libéré par les cellules endothéliales et permet au
muscle lisse des vaisseaux sanguins de se relâcher (une des conséquences en est
l’érection du pénis, chez le mâle). Il faut enfin noter que les concentrations en
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ACh les plus élevées ne se trouvent pas dans les cellules du cerveau mais dans
celles de la cornée, dans la partie antérieure de l’œil, où il n’existe pas de récep-
teurs de l’ACh. De même, les taux les plus élevés de sérotonine ne se trouvent pas
dans les neurones mais dans les plaquettes sanguines. Ces observations font res-
sortir l’importance d’une analyse rigoureuse, avant d’attribuer à une substance
chimique un rôle de neurotransmetteur.
En fait, la neurotransmission peut être comparée à une pièce en deux actes :
l’acte I est présynaptique et culmine avec l’élévation transitoire de la concentra-
tion en neurotransmetteur dans l’espace synaptique ; l’acte II concerne la pro-
duction de signaux électriques et biochimiques dans le neurone post-synaptique.
Les acteurs principaux sont ici représentés par les récepteurs-canaux et les récep-
teurs couplés aux protéines G.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 161

Récepteurs-canaux
Le chapitre 5 a montré que l’ACh et les acides aminés jouant le rôle de
­eurotransmetteur servent de médiateurs dans la transmission synaptique
n
rapide, en agissant sur les canaux ioniques. Ces canaux sont en tous points
remarquables. Ainsi apparaît-il qu’un simple canal peut détecter des substances
chimiques spécifiques et qu’il peut être sensible à des variations du potentiel
de membrane. Il peut aussi réguler, avec une très grande précision, le flux de
­courants étonnamment grands, il peut filtrer et sélectionner des ions très sem-
blables et son action peut être régulée par d’autres types de récepteurs. Pourtant,
chaque canal mesurant à peine 11 nm de long est à peine visible par l’utilisation
des meilleures méthodes actuelles de la microscopie électronique.

Structure des récepteurs-canaux


Le canal ionique le plus connu est le récepteur nicotinique de l’ACh situé dans
le muscle squelettique. Cette protéine est un pentamère, c’est-à-dire un amalgame
de cinq sous-unités protéiques disposées comme les douves d’un tonneau, for-
mant un seul pore à travers la membrane (Fig. 6.18a). Dans le récepteur nicoti-
nique, les sous-unités sont représentées par quatre polypeptides différents, α, β,
γ et δ. Un canal complet à maturité comprend 2 sous-unités α et une de chaque
type, β, γ, δ (en abrégé : α2βγδ). Chacune des sous-unités α présente un site de
liaison pour l’ACh, ce qui fait que l’ACh doit se fixer simultanément sur deux
sites pour que le canal s’ouvre (Fig. 6.18b). Le récepteur nicotinique situé sur les
neurones est également un pentamère5 mais, contrairement à ce qui se passe dans
le muscle, la plupart des récepteurs nicotiniques centraux comprennent principa-
lement deux types de sous unités, α et β (dans un rapport par exemple de α3β2).
NH2
COOH
M4

γ
α α
δ β
M1 M3

(a)
M2 Figure 6.18 – Arrangement des sous-unités
constituant le récepteur cholinergique nico-
Sites de liaison de l’ACh tinique.
(a) Vue en coupe du récepteur, avec un agran-
γ dissement montrant comment les quatre
α
α hélices α de ­chacune des sous-unités sont
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assemblées entre elles. (b) Vue de dessus


δ β
montrant la position relative des deux sites de
(b) liaison de l’ACh.

5.  NdT : une autre différence entre récepteurs nicotiniques est liée au fait qu’il existe de
nombreuses isoformes des sous-unités formant les récepteurs, en particulier α, β, et γ. Il existe
une régionalisation de l’expression des différentes sous unités dans le SNC, faisant que les
propriétés structurales des différents récepteurs nicotiniques diffèrent selon les structures
cérébrales. Ainsi les sous-unités composant les récepteurs nicotiniques de la jonction neuro-
musculaire et du SNC sont-elles différentes. Ces différences structurales traduisent des pro-
priétés fonctionnelles quelque peu spécifiques, selon les sous-types de récepteurs nicotiniques
considérés. Un intérêt tout particulier est apporté aujourd’hui au sous-type α7, qui est pré-
férentiellement exprimé dans les régions cérébrales impliquées dans les processus cognitifs.

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162 1 – Bases cellulaires

Bien que chaque sous-unité présente une structure primaire différente, il existe
des parties de la molécule dans lesquelles les diverses chaînes polypeptidiques
présentent une séquence d’acides aminés similaire. Ainsi, chaque sous-unité pos-
sède quatre segments séparés ayant une structure en hélice α (voir figure 6.18a).
Comme les acides aminés composant ces segments sont principalement hydro-
phobes, ces quatre hélices α sont supposées occuper une position la plus com-
patible possible avec une interaction privilégiée avec les lipides membranaires,
c’est-à-dire une position transmembranaire, de façon similaire aux boucles qui
forment les pores des canaux sodiques et potassiques (voir chapitres 3 et 4).
Les structures primaires des sous-unités de nombreux récepteurs-canaux sont
maintenant connues et il y a des analogies évidentes entre elles (Fig. 6.19). Les
quatre segments hydrophobes qui traversent la membrane sont présents dans
chaque sous-unité et ils occupent à peu près la même position dans la protéine, que
ce soit dans le cas du récepteur cholinergique nicotinique, du récepteur GABAA
ou encore du récepteur de la glycine. La plupart des récepteurs-canaux sont vrai-
semblablement des complexes pentamériques, de façon tout à fait similaire à ce qui
est connu pour le récepteur cholinergique nicotinique. Néanmoins, les récepteurs
canaux du glutamate constituent une exception. Ces récepteurs étant des tétra-
mères, quatre sous-unités sont suffisantes pour former un canal fonctionnel. Il
est par ailleurs vraisemblable que le segment transmembranaire M2 des sous-uni-
tés qui forment les récepteurs ne traverse pas entièrement la membrane mais
représente plutôt une boucle qui entre et ressort à partir de la partie interne de la
membrane (Fig. 6.19c). La structure des récepteurs glutamatergique ressemble en
fait à celle du canal potassique (voir Fig. 3.17). Ceci a conduit à émettre l’hypothèse
quelque peu surprenante que les récepteurs du glutamate et les canaux potassiques
auraient pu évoluer à partir d’un même canal ionique représentant un ancêtre
commun. Les récepteurs purinergiques (de l’ATP) présentent aussi des structures
atypiques. Dans ce cas, chaque sous-unité n’a que deux segments transmembra-
naires et 3 sous-unités seulement pourraient constituer un canal fonctionnel.
Plus que les analogies, ce sont les variations dans la structure de ces récep-
teurs-canaux qui sont intéressantes : différents sites de liaison des neurotransmet-
teurs font qu’un canal répond au glutamate, tandis qu’un autre répond au GABA ;
par ailleurs, la présence de certains acides aminés situés au voisinage du pore font
que celui-ci laisse seulement passer les ions Na+ et K+, qu’un autre sera plus per-
méable aux ions Ca2+ et qu’un autre encore sera seulement perméable aux ions Cl–.

Récepteurs-canaux des acides aminés


Les récepteurs-canaux des acides aminés sont essentiellement impliqués dans
la transmission synaptique rapide du SNC. Ils jouent un rôle très important dans
des domaines aussi variés que les systèmes sensoriels, la mémoire et diverses
pathologies. Plusieurs caractéristiques les différencient les uns des autres et défi-
nissent leurs fonctions dans le cerveau.
•• La pharmacologie de leurs sites de liaison démontre quels neurotransmet-
teurs les activent et comment ils réagissent aux drogues.
•• La cinétique du processus de liaison du neurotransmetteur d’une part et celle
de l’ouverture du canal d’autre part, déterminent la durée de leurs effets.
•• Selon leur sélectivité, les récepteurs-canaux produisent une excitation ou
une inhibition, ou laissent entrer des ions Ca2+ dans la cellule en quantité
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suffisante pour initier une signalisation intracellulaire.


•• La conductance ionique des canaux ouverts contribue à déterminer l’am-
pleur de leur effet.
Toutes ces propriétés sont en fait directement liées à la structure moléculaire
de ces récepteurs6.

6.  NdT : un autre paramètre détermine aussi l’efficacité de la signalisation impliquant ces
récepteurs-canaux, au plan de la cinétique d’activation : la probabilité d’ouverture du
canal, facilitée par des agents agissant de concert avec le neurotransmetteur comme par
exemple des substances endogènes ou d’origine pharmacologique qualifiées de « modu-
lateurs allostériques » qui augmentent la fréquence d’ouverture du canal ; telle l’action
des benzodiazépines sur le récepteur GABAA, comme on le verra ci-après.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 163

M1 M2 M3 M4 Récepteur Sous-unité

ACh α

GABAA α1

GABAA β1

GABAA γ2

Gly α

Gly β

Kainate Gluk1

Kainate Gluk2

Figure 6.19 – Similarités de structure des


(a) différentes sous-unités présentes dans les
récepteurs-canaux.
(a) Cette représentation des sous-unités per-
met la comparaison directe des séquences
polypeptidiques de différentes d’entre elles
contribuant à la formation de divers récep-
teurs-canaux. Ces sous-unités ont en com-
mun les quatre régions dénommées M1 à M4
Milieu représentant les régions du polypeptide dont
extra- le profil hydrophobe leur confère la capacité
cellulaire M1 M2 M3 M4 M1 M3 M4 d’avoir une position transmembranaire. Les
récepteurs kainate sont des sous-types de
Membrane récepteurs du glutamate. (b) Représentation
du modèle conformationnel généralement
Milieu M2 accepté pour rendre compte de l’organisation
intra- transmembranaire (segments M1-M4) des
cellulaire différentes sous-unités alpha du récepteur
­
cholinergique nicotinique. (c) Régions M1-M4
ACh des sous-unités des récepteurs du gluta-
GABA A mate. M1, M3 et M4 traversent entièrement la
Récepteurs de la glycine Récepteurs du glutamate membrane comme dans les cas précédents
alors que le segment M2 pénètre seulement
(b) (c) celle-ci en partie.

Récepteurs-canaux des acides aminés excitateurs.  Comme cela a été men-


tionné plus haut, trois sous-types de récepteurs du glutamate – le principal repré-
sentant des acides aminés excitateurs – portent les noms de leur agoniste sélec-
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tif : AMPA, NMDA et kainate. Chacun de ces récepteurs représente un canal


ionique sensible au glutamate. Les récepteurs sensibles aux agonistes AMPA
et NMDA jouent le rôle de médiateurs pour une grande partie de la transmis-
sion synaptique rapide excitatrice dans le SNC. Il existe aussi des récepteurs
de ­l’agoniste kainate dans tout le cerveau, présents à la fois sur des éléments
post-synaptiques et présynaptiques, mais leur fonction est encore mal connue.
Les récepteurs AMPA sont perméables à la fois aux ions Na+ et K+ mais la
plupart d’entre eux ne sont pas perméables au Ca2+. À des valeurs normales,
négatives, du potentiel de membrane, leur activation a pour effet de provoquer
une entrée d’ions Na+ dans la cellule (très supérieure d’ailleurs à la sortie des ions
K+), ce qui entraîne une dépolarisation rapide et massive. Ainsi, les récepteurs
AMPA présents dans les synapses du SNC sont les vecteurs de la transmission

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164 1 – Bases cellulaires

excitatrice, comme les récepteurs nicotiniques sont les médiateurs de l’excitation


synaptique des jonctions neuromusculaires7.
Les récepteurs AMPA coexistent avec les récepteurs NMDA dans un grand
nombre de synapses du cerveau, de sorte que les deux types de récepteurs sont
impliqués dans la plupart des PPSE déclenchés par le glutamate (Fig. 6.20). Les
récepteurs NMDA sont aussi excitateurs de la cellule parce qu’ils laissent passer
des ions Na+ mais ces récepteurs présentent deux différences majeures avec les
récepteurs AMPA : (1) les récepteurs sensibles au NMDA sont perméables aux
ions Ca2+ et (2) le courant ionique entrant par les canaux NMDA dépend aussi
du potentiel.
Il faut souligner l’importance des ions Ca2+ intracellulaires dans les fonctions
neuronales et cellulaires, en général. Le Ca2+ peut activer la libération des neu-
rotransmetteurs par les éléments présynaptiques, comme nous l’avons vu. Dans
l’élément post-synaptique, par ailleurs, le Ca2+ active plusieurs types d’enzymes,
régule l’ouverture de certains canaux et influence l’expression des gènes ; en plus
grande quantité, le Ca2+ peut même provoquer la mort cellulaire (Encadré 6.4).
Ainsi, l’activation des récepteurs NMDA est-elle susceptible de provoquer
des changements considérables et de caractère durable dans le neurone post-­
synaptique. En fait, l’afflux des ions Ca2+ à travers les récepteurs NMDA peut
entraîner des changements à long terme, tels qu’ils existent par exemple dans
certains mécanismes semble-t-il à la base des processus de mémorisation, en
particulier de la mémoire à long terme (voir chapitre 25).

Figure 6.20 – Coexistence des récepteurs Influx nerveux


NMDA et AMPA des acides aminés excita- Axone
teurs au niveau d’une même synapse du
­système nerveux central.
(a) L’arrivée de l’influx nerveux dans la termi-
Terminaison
naison nerveuse déclenche la libération du axonique
(a)
glutamate. (b) Le glutamate interagit avec les
récepteurs AMPA et NMDA de la membrane
post-synaptique. (c) L’entrée de Na+ à partir
des récepteurs AMPA, et de Na+ et de Ca2+ Dendrite
post-synaptique
à partir des récepteurs NMDA, déclenche un
PPSE.

Enregistrement
Molécules
de glutamate de Vm

Ca2+ Ca2+
Na+ Na+
Na+ Na+ Na+
PPSE

Vm
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– 65 mV
K+ K+ K+ K+ K+

Récepteur Récepteur 0 2 4 6 8
(b) NMDA AMPA (c) Temps à partir du potentiel
d’action présynaptique (ms)

7.  NdT : les données de la biologie moléculaire suggèrent également une diversité des
récepteurs-canaux des acides aminés excitateurs et des récepteurs AMPA en particulier.
Parmi les sous-unités composant ces récepteurs, la sous-unité nommée GluR2 contrôle
en fait la conductance calcique : sa présence contribue à rendre le canal moins perméable
au calcium.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 165

Encadré 6.4 FOCUS

Ces poisons si excitants : beaucoup trop de si bonnes choses…


Les neurones du cerveau ne se régénèrent pas, à trée de Ca2+. La lésion ou la mort du neurone survient
quelques rares exceptions près, et chaque neurone qui aussi à cause du gonflement lié à l’entrée d’eau qui accom-
meurt est un neurone de moins pour réaliser les fonc- pagne le flux ionique et par stimulation, par le calcium,
tions cérébrales. Par une ironie du sort, le glutamate, le d’enzymes intracellulaires qui dégradent les protéines, les
neurotransmetteur le plus indispensable au fonctionne- lipides et les acides nucléiques. En quelque sorte, les neu-
ment du cerveau, est aussi le plus grand tueur de neu- rones se « digèrent » eux-mêmes, au sens propre du terme.
rones ! Un grand nombre de synapses du cerveau L’excitotoxicité est probablement impliquée chez
libèrent du glutamate, stocké en grandes quantités y l’homme dans plusieurs maladies neurodégénératives de
compris dans le cytosol des neurones non glutamater- caractère progressif, telles que la sclérose latérale amyotro-
giques où sa concentration peut atteindre plus de 3 mM. phique (SLA ou maladie de Lou Gehrig), au cours de
Il est inquiétant d’observer que si cette même quantité laquelle les moteurs neurones spinaux meurent lentement,
de glutamate est appliquée sur des neurones isolés, ils et la maladie d’Alzheimer liée à une disparition lente des
meurent en quelques minutes. Mae West a dit une fois : neurones corticaux, préférentiellement. Diverses toxines
« Trop de bonnes choses peut être merveilleux » mais présentes dans l’environnement ont des effets imitant les
apparemment elle ne parlait pas du glutamate… signes de ces maladies. La consommation excessive d’un
Le métabolisme vorace du cerveau demande un apport certain type de pois est responsable du lathyrisme, repré-
continu d’oxygène et de glucose. Si la circulation sanguine sentant une dégénérescence des neurones moteurs. Ce pois
est interrompue, comme dans le cas d’un arrêt cardiaque, contient une excitotoxine appelée β-oxalylaminoalanine,
l’activité neuronale va cesser en quelques secondes, entraî- qui active les récepteurs du glutamate. Une autre toxine,
nant en quelques minutes des lésions irrémédiables. L’arrêt l’acide domoïque, qui se trouve dans des moules contami-
cardiaque, l’infarctus, le traumatisme crânien, les crises nées, est aussi un agoniste des récepteurs du glutamate.
d’épilepsie ou encore un déficit en oxygène, sont suscep- L’ingestion de petites quantités d’acide domoïque pro-
tibles d’initier un cercle vicieux de libération excessive de voque des crises d’épilepsie et des lésions cérébrales. Enfin,
glutamate. Si les neurones ne peuvent générer assez d’ATP une autre excitotoxine tirée d’une plante de l’île de Guam,
pour maintenir les pompes ioniques en action, les la β-méthylaminoalanine, peut développer une terrible
membranes se dépolarisent et les ions Ca2+ pénètrent dans atteinte combinant des signes de la SLA, de la maladie
la cellule. L’afflux de Ca2+ active la libération synaptique d’Alzheimer et de la maladie de Parkinson.
du glutamate. Le glutamate va dépolariser les neurones, ce Au fur et à mesure que la recherche permet de dénouer
qui accroît la concentration de Ca2+ et provoque une libé- l’enchevêtrement des excitotoxines, des récepteurs, des
ration encore plus importante de glutamate. enzymes et des maladies neurologiques, de nouvelles
Lorsque la concentration du glutamate est très élevée, stratégies thérapeutiques sont mises au point. Dès main-
les neurones meurent à cause d’une excitation excessive ; tenant, les antagonistes des récepteurs du glutamate, qui
ce processus s’appelle l’excitotoxicité. Le glutamate n’ac- ont la possibilité de bloquer ces cascades excitotoxiques
tive que ses nombreux sous-types de récepteurs, laissant et d’atténuer la mort neuronale, sont cliniquement très
ainsi passer un grand nombre d’ions Na+, K+ et Ca2+ à prometteurs. Au-delà, des manipulations génétiques
travers la membrane. Le sous-type NMDA du récepteur pourraient aussi, dans certains cas, déjouer les phéno-
du glutamate est de ce point de vue un acteur critique de mènes de dégénérescence nerveuse chez les personnes qui
l’excitotoxicité car il représente la voie principale de l’en- ont une prédisposition à développer cette condition.

Lorsque les récepteurs sensibles au NMDA s’ouvrent, les ions Ca2+ et Na+


pénètrent normalement dans la cellule (et les ions K+ en sortent), mais, pour
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une raison inattendue, l’importance du courant ionique entrant dépend curieu-


sement du potentiel de la membrane post-synaptique. Lorsque le glutamate
se fixe à un récepteur NMDA, le pore s’ouvre cependant normalement. Aux
valeurs négatives du potentiel de repos, le canal est obstrué par des ions Mg2+,
ce qui empêche les autres ions de passer librement à l’intérieur de la cellule et il
n’y a donc aucun courant produit par l’activation de ce récepteur NMDA. En
revanche, les ions Mg2+ ne sont plus présents dans le pore du récepteur NMDA
lorsque la membrane est dépolarisée, ce qui se produit généralement après
­l’activation des récepteurs AMPA situés au voisinage, dans les mêmes synapses
et les synapses avoisinantes. Le courant ionique entrant par un récepteur NMDA
présente donc la caractéristique unique d’être à la fois dépendant du potentiel et
de la présence du neurotransmetteur. Dans cette situation, l’action du gluta-

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166 1 – Bases cellulaires

mate et de la dépolarisation doit alors absolument coïncider pour que le courant


Vm = – 65 mV Vm = – 30 mV
passe dans le canal lié au récepteur NMDA (Fig. 6.21). Cette caractéristique a un
impact majeur sur l’intégration synaptique en de nombreuses régions du SNC.
Glutamate
Ca2+
Mg2+ Na+ Récepteurs-canaux du GABA et de la glycine.  Le GABA est le neurotrans-
metteur de la plus grande partie de l’inhibition synaptique du SNC et la glycine
joue un rôle complémentaire, plutôt dans le tronc cérébral et la moelle épinière.
Mg2+ Le récepteur GABAA et celui de la glycine sont couplés à une conductance aux
ions Cl–. Curieusement, ces récepteurs inhibiteurs ont une structure très sem-
blable à celle des récepteurs excitateurs nicotiniques de l’ACh, si ce n’est que les
deux premiers sont sélectifs pour les anions alors que le dernier est sélectif pour
les cations. Chacun de ces récepteurs présente des sous-unités α sur lesquelles se
Récepteur K+ fixe le neurotransmetteur et des sous-unités β qui ne le fixent pas.
NMDA Il est important que l’inhibition synaptique soit précisément régulée dans le
cerveau : trop forte, elle entraîne une perte de connaissance et un coma ; trop
(a) Glutamate (b) Glutamate faible, elle provoque des crises d’épilepsie. La nécessité de ce contrôle explique
et dépolarisation
pourquoi le récepteur GABAA possède, en plus du site de liaison du GABA, plu-
Figure 6.21 – Courant entrant au travers d’un sieurs autres sites où des substances chimiques peuvent moduler effectivement
récepteur NMDA. son action. Ainsi, deux types de médicaments, les benzodiazépines (par exemple,
(a) Le glutamate permet au canal de s’ouvrir ; le tranquillisant du nom de diazépam ou Valium) et les barbituriques (par
cependant, au potentiel de repos, le pore est exemple, le phénobarbital ou d’autres sédatifs ou anticonvulsivants) se fixent
bloqué par la présence d’ions Mg2+. (b) La sur des sites spécifiques, sur la surface externe du récepteur GABAA (Fig. 6.22).
dépolarisation de la membrane libère le canal Ces drogues, par elles-mêmes, agissent peu sur le canal mais, en présence de
et permet l’entrée des ions Na+ et Ca2+.
GABA, les benzodiazépines augmentent la fréquence d’ouverture des canaux
alors que les barbituriques augmentent la durée d’ouverture des canaux. Cela
se traduit dans chaque cas par un plus grand courant d’ions Cl– inhibiteur, des
PPSI plus puissants et par les conséquences comportementales d’une inhibition
renforcée. Les actions des barbituriques et des benzodiazépines sont sélectives
des récepteurs GABAA et ces médicaments n’ont pas d’effet sur les récepteurs
glycinergiques. Cette sélectivité peut être expliquée au niveau moléculaire : seuls
les récepteurs qui ont dans leur structure la sous-unité γ du récepteur GABAA,
en plus des sous-unités α et β, répondent aux benzodiazépines.
Une autre drogue extrêmement populaire qui augmente considérablement les
effets du GABA est l’éthanol, qui se trouve dans toutes les boissons alcoolisées.
L’éthanol a des effets complexes sur le système nerveux, incluant une action sur
les récepteurs NMDA, glycinergiques, sérotoninergiques, et nicotiniques choliner-
giques. Ses effets sur le récepteur GABAA dépendent de la structure spécifique du
récepteur. Il existe des évidences expérimentales qui suggèrent que les sous-unités
α, β et γ sont nécessaires pour former un récepteur GABAA sensible à l’éthanol,
similaire à celui sensible aux benzodiazépines. Ceci explique pourquoi l’éthanol
GABA potentialise l’inhibition dans certaines régions cérébrales mais pas partout. En
Benzodiazépines élucidant ces relations anatomiques et moléculaires, il apparaît alors pourquoi
Barbituriques
des agents comme l’éthanol ont de telles actions addictives sur le comportement.
Cette myriade d’effets présente un paradoxe intéressant. Il est bien évident
Éthanol que la présence de tous ces sites modulateurs sur le récepteur GABAA n’est pas
Neuro-
stéroïdes là que pour satisfaire aux effets de toutes nos drogues modernes… Ce para-
doxe a motivé la recherche des ligands endogènes, susceptibles d’agir normale-
ment pour moduler les effets du GABA sur son récepteur, notamment en ce qui
concerne le site des benzodiazépines et celui des barbituriques. Il y a aujourd’hui
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objectivement des évidences en faveur de l’existence de tels ligands, bien que leur
Canal Cl– dépendant du GABA caractérisation reste problématique ; de même en ce qui concerne leur rôle fonc-
(récepteur GABAA )
tionnel éventuel. Il existe d’autres modulateurs de l’activité du récepteur GABAA
qui posent moins de problèmes, tels les neurostéroïdes. Ceux-ci représentent des
Figure 6.22 – Caractérisation des sites de dérivés des hormones stéroïdiennes synthétisées à partir du cholestérol dans
fixation de divers modulateurs de l’activité les gonades et les glandes surrénales mais également dans les cellules gliales du
du récepteur GABAA.
SNC. Certains de ces neurostéroïdes facilitent ainsi les effets du GABA, alors
Tous ces agents par eux-mêmes ne sont pas
capables d’ouvrir le canal chlore mais ils sont
que d’autres, au contraire, les dépriment et cela, vraisemblablement, au travers
très efficaces pour affecter, dans un sens d’une action sur un site modulateur spécifique du récepteur GABAA (Fig. 6.22),
ou dans l’autre, les effets du GABA sur son distinct de tous ceux mentionnés précédemment. Le rôle de ces neurostéroïdes
récepteur lorsqu’ils se lient au récepteur en reste pour le moment obscur, mais ils pourraient représenter un moyen pour
même temps que le neurotransmetteur. l’organisme et le cerveau de réguler en parallèle les mêmes mécanismes.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 167

Récepteurs couplés
aux protéines G
Il existe un grand nombre de sous-types de récepteurs couplés aux proté-
ines G, dans tous les systèmes de neurotransmission connus. Avec ce type de
récepteurs (voir chapitre 5), la neurotransmission implique trois étapes : (1) la
liaison du neurotransmetteur à la protéine formant le récepteur, (2) l’activation
des protéines G et (3) l’activation des systèmes effecteurs.

Structure des récepteurs couplés aux protéines G


La plupart des récepteurs couplés aux protéines G sont de simples varia-
tions d’un modèle commun, constitué d’un seul polypeptide comportant sept
hélices alpha transmembranaires (Fig. 6.23). Deux des boucles extracellulaires du
polypeptide constituent les sites de liaison du neurotransmetteur. Les variations
structurales dans cette région déterminent quels neurotransmetteurs, quels ago-
nistes, et quels antagonistes, vont être à même de se fixer au récepteur. Deux des
boucles intracellulaires peuvent se lier et activer une protéine G. Ici, les variations
structurales déterminent le type de protéine G et, par conséquent, la nature des
systèmes effecteurs qui seront activés en réponse à la liaison du neurotransmetteur.
Le tableau 6.2 donne une liste partielle des récepteurs couplés aux pro­téines G.
Le génome humain comprend des gènes identifiés comme encodant environ
800 sous-types de ces récepteurs, organisés en cinq grandes familles de récepteurs
de structure similaire. Beaucoup d’entre eux étaient encore inconnus avant le déve-
loppement des puissantes méthodes de la biologie moléculaire. Mais il faut aussi se
souvenir que les récepteurs couplés aux protéines G ne sont pas l’apanage des neu-
rones, et que toutes les cellules de l’organisme utilisent ces voies de signalisation.

Caractère ubiquitaire des protéines G


Dans la plupart des systèmes de transmission identifiés, les protéines G sont
le lien commun depuis le récepteur du neurotransmetteur jusqu’aux protéines
effectrices. La protéine G est le nom abrégé de la protéine de liaison de la guano-
sine triphosphate (GTP), qui représente en fait une famille d’au moins 20 sous-
types différents de protéines ayant les mêmes propriétés. Comme il y a beaucoup
plus de récepteurs que de protéines G, il apparaît que les mêmes protéines G
peuvent être activées par de nombreux récepteurs.
Les protéines G présentent toutes le même fonctionnement de base (Fig. 6.24) :
•• chaque protéine G est constituée de trois sous-unités (trimétrique),
dénommées α, β et γ ; au repos, une molécule de guanosine diphosphate
(GDP) est liée à la sous-unité Gα, et le complexe tout entier est localisé à
la proximité immédiate de la surface interne de la membrane ;

Neurotransmetteur Site de liaison du neurotransmetteur


Récepteur couplé
aux protéines G
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Segments Milieu
transmembranaires extracellulaire

Figure 6.23 – Structure de base des récepteurs couplés aux protéines G.


Milieu La plupart des récepteurs couplés aux protéines G comportent dans leur
intracellulaire séquence sept segments transmembranaires organisés en hélices α. Le
site de liaison du neurotransmetteur se situe dans la partie extracellulaire
du récepteur et l’interaction avec la protéine G intervient dans sa partie
Protéine G
intracellulaire.

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168 1 – Bases cellulaires

Tableau 6.2 – Quelques récepteurs de neurotransmetteurs couplés aux protéines G.

Neurotransmetteur Récepteurs
Acétylcholine (ACh) Récepteurs muscariniques (M1, M2, M3, M4, M5)
Glutamate (Glu) Récepteurs métabotropiques du glutamate (mGluR1-8)
GABA GABAB1, GABAB2
Sérotonine (5-HT) 5-HT1A, 5-HT1B, 5-HT1D, 5-HT1E, 5-HT2A, 5-HT2B, 5-HT4, 5-HT5A
Dopamine (DA) D1, D2, D3, D4, D5
Noradrénaline (NA) α1, α2, β1, β2, β3
Opiacés μ, δ, κ
Cannabinoïdes CB1, CB2
ATP P2Y2, P2Y11, P2T, P2U
Adénosine A1, A2A, A2B, A3

Protéine Récepteur
effectrice 2

Membrane

γ
β α
Protéine
effectrice 1
Protéine G

(a)

Neurotransmetteur
Protéine
effectrice 2

γ
β α

L’activation de la sous-unité Gα
se traduit par la fixation du GTP
(b)

γ
α
β

Protéine effectrice stimulée Protéine effectrice stimulée


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par le complexe Gβγ par le complexe Gα-(GTP)


Figure 6.24 – Mécanisme d’action des pro-
téines G. (c)
(a) À l’état de repos, la sous-unité α de la
protéine G est liée au GDP. (b) Lorsqu’elle est
activée par le récepteur en présence du
neurotransmetteur, la protéine G voit le GDP
substitué par du GTP. (c) La fixation du GTP
γ
correspond à un état activé de la pro­téine G, α
et la sous-unité α liée au GTP va activer la β
protéine-effectrice. (d) La sous-unité α exprime
une activité GTPase qui transforme le GTP en + PO4
GDP, ce qui a pour effet le retour à l’état de (d)
repos.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 169

•• si le complexe protéine G-GDP interagit avec le récepteur adéquat et si le


récepteur est lui-même activé par une molécule de neurotransmetteur, la
protéine G libère la molécule de GDP et l’échange pour du GTP prove-
nant du cytosol ;
•• le complexe protéine G-GTP activé se scinde en deux parties : la sous-
unité Gα associée au GTP, d’une part, et le complexe Gβγ, d’autre part.
Ces deux sous-ensembles sont à même d’activer séparément des effecteurs
de nature variée ;
•• la sous-unité Gα exprime une activité enzymatique qui transforme le GTP
en GDP. En conséquence de cette action de type GTPase, Gα convertit le
GTP lié en GDP. Cette conversion signe la fin de l’activation de l’effecteur ;
•• en présence de GDP, les sous-unités Gα et Gβγ s’associent de nouveau et le
cycle peut recommencer.
Les premières protéines G découvertes furent celles qui stimulent les pro-
téines jouant le rôle d’effecteurs. Plus tard, d’autres protéines G furent mises
en évidence, celles qui sont susceptibles d’inhiber ces mêmes effecteurs. Ainsi
la nomenclature la plus souvent utilisée pour classer les protéines G est la sui-
vante : GS pour la protéine G stimulatrice et Gi pour la protéine G inhibitrice.

Effecteurs des récepteurs couplés aux protéines G


Comme nous l’avons vu dans le chapitre 5, les protéines G activées agissent
au travers de deux types de protéines effectrices : des canaux ioniques directe-
ment sensibles aux protéines G et des enzymes activées par la protéine G. Ces
effets n’impliquent pas l’intervention d’autres substances chimiques, et de ce fait
le premier mécanisme d’action est encore décrit comme une voie « rapide » de
production d’une réponse cellulaire (shortcut pathway).
Voie rapide.  Plusieurs neurotransmetteurs utilisent ce mécanisme d’action
rapide, du récepteur au canal ionique en passant par la protéine G. C’est notam-
ment le cas des récepteurs muscariniques du cœur. Ces récepteurs de l’ACh sont
associés à des canaux potassiques par l’intermédiaire des protéines G, ce qui
explique pourquoi l’ACh ralentit la fréquence cardiaque (Fig. 6.25). Dans ce cas,
les sous-unités βγ migrent latéralement le long de la membrane, jusqu’à rencon-
trer le type de canal potassique approprié et induisent ainsi leur ouverture. Les
récepteurs GABAB sont aussi associés par ce type de mécanisme aux canaux
potassiques.

Canal potassique Récepteur


(fermé) muscarinique ACh

Protéine G
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(a)

Canal potassique
(ouvert) ACh

Figure 6.25 – Voie rapide.
(a) Les protéines G du muscle cardiaque
sont activées directement par la fixation de
l’ACh sur le récepteur muscarinique. (b) Les
sous-unités Gβγ vont se lier à un canal potas-
(b) sique qui va ainsi être activé.

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170 1 – Bases cellulaires

Ces voies de transmission rapide déclenchent des réponses cellulaires dans


un délai de 30 à 100 ms après la liaison du neurotransmetteur. Bien que ces
mécanismes soient moins rapides que ceux des récepteurs-canaux qui ne néces-
sitent pas d’intermédiaire entre le récepteur et le canal, ils sont toutefois plus
rapides que les cascades des seconds messagers évoquées ci-dessous. De plus, par
rapport à la mise en jeu des effecteurs, la transmission qui emprunte ce type de
mécanisme est très localisée. Comme la protéine G interagit avec la partie interne
de la membrane, elle ne peut apparemment pas se déplacer très loin, de sorte que
seuls les canaux situés dans son environnement proche sont concernés. Du fait
de la stricte localisation de ces opérations à la membrane, ce type de signalisation
est parfois qualifié de « voie de signalisation membranaire ».
Cascades des seconds messagers.  Les protéines G sont aussi susceptibles
d’agir directement sur certaines enzymes. L’activation de ces enzymes déclenche
une série élaborée de réactions biochimiques, provoquant l’activation d’enzymes
en cascade, ce qui a pour effet d’agir sur les fonctions neuronales. Entre la pre-
mière enzyme et la dernière, il y a plusieurs intermédiaires chimiques, globale-
ment dénommés seconds messagers. Le processus en plusieurs étapes, qui associe
le neurotransmetteur à l’activation d’une enzyme située en aval, correspond à la
cascade des seconds messagers (Fig. 6.26).
Dans le chapitre 5, nous avons présenté la cascade de l’AMPc, initiée par
­l’activation du récepteur β de la NA (Fig. 6.27a). Elle débute avec le récepteur β
qui va activer la protéine G stimulatrice GS, qui à son tour va stimuler une
enzyme associée à la membrane, l’adényl cyclase. L’adényl cyclase transforme
l’ATP en AMPc. L’élévation des taux d’AMPc dans le cytoplasme active alors
une enzyme spécifique située en aval, la protéine kinase A (PKA).
Plusieurs mécanismes biochimiques cellulaires font l’objet d’une régulation
par un double contrôle de finalités opposées, susceptible de les stimuler ou de les
inhiber. À cet égard, la production d’AMPc ne fait pas exception : l’activation
d’un second type de récepteur de la NA, le récepteur α2, conduit à l’activation de
Gi (la protéine G inhibitrice). Gi inhibe l’activité de l’adényl cyclase et ce méca-
nisme peut prendre le pas sur le système stimulateur (Fig. 6.27b).
Certaines cascades de seconds messagers sont plus complexes et conduisent
à l’activation simultanée de plusieurs voies métaboliques. La figure 6.28 montre
comment l’activation de diverses protéines G stimule la phospholipase C (PLC),
une enzyme membranaire comparable à l’adényl cyclase. La PLC agit sur un
phospholipide membranaire (le PIP2 ou phosphatidylinositol-4,5-diphosphate),
en le scindant pour former deux molécules qui jouent en parallèle le rôle de
seconds messagers : le diacylglycérol (DAG) et l’inositol-1,4,5-triphosphate (IP3).
Le DAG, soluble dans les lipides, agit au voisinage de la membrane où il active
une enzyme particulière, la protéine kinase C (PKC). Simultanément, l’IP3,

Récepteur Neurotransmetteur Enzyme


membranaire
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Protéine G

Réactions
intermédiaires

Activation
d’enzymes
situées en aval

Figure 6.26 – Principales étapes de la cascade des seconds messagers.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 171

NA NA
Récepteur Récepteur α2
β-adrénergique
Adényl
cyclase

γ α α + – α α γ
β β

Protéine G Protéine G
stimulante (Gs) inhibitrice (Gi)
+
(a) Protéine (b)
kinase A

Figure 6.27 – Stimulation et inhibition de l’adényl cyclase par différents types de protéines G.


(a) La fixation de la noradrénaline (NA) au récepteur β active GS qui à son tour active l’adényl cyclase. L’activation de l’adényl cyclase se traduit par une
augmentation de la production de l’AMPc, ce qui va provoquer l’activation de la protéine kinase A. (b) La fixation de la NA au récepteur α2 active Gi,
qui exerce une action inhibitrice sur l’adényl cyclase.

Neurotransmetteur Récepteur couplé


aux protéines G Membrane neuronale

2 PKC
γ
1 PIP2 α DAG
PLC IP3
β
4
Ca2+
Protéine G activée

Reticulum
endoplasmique
lisse Ca2+

Figure 6.28 – Production des seconds messagers à partir du PIP2, un phospholipide membranaire.


① L’activation de protéines G particulières stimule la phospholipase C (PLC), une enzyme membranaire agissant sur des phospholipides. ② La PLC
transforme le PIP2 en diacylglycérol (DAG) et inositol triphosphate (IP3). ③ Le DAG stimule la protéine kinase C (PKC). ④ L’IP3 agit au niveau des
­compartiments de stockage intracellulaire de calcium pour libérer du Ca2+. Le Ca2+ agit à son tour sur diverses enzymes.

soluble dans l’eau, diffuse plus loin dans le cytosol et se fixe sur des récepteurs
spécifiques situés à la surface du reticulum endoplasmique lisse et sur d’autres
organites cellulaires. Ces récepteurs représentent des canaux calciques sensibles à
l’IP3 ; leur activation a pour effet de provoquer une sortie de calcium sous forme
ionisée à partir de ces organites. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’aug-
mentation de la concentration de Ca2+ dans le cytoplasme peut avoir des effets
diversifiés et durables. Un de ces effets correspond à l’activation d’une enzyme,
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la protéine kinase calcium-calmoduline-dépendante ou CaMK. La CaMK est une


enzyme impliquée dans de nombreux mécanismes cellulaires, dont en particulier
ceux à la base de la mémorisation (voir chapitre 25).
Phosphorylation et déphosphorylation.  Les exemples précédants montrent
que, dans un grand nombre de cascades de seconds messagers, les enzymes
situées en aval sont des protéines kinases (PKA, PKC, CaMK). Comme cela a
été mentionné dans le chapitre 5, les protéines kinases transfèrent le phosphate
de l’ATP cytosolique sur un certain nombre de protéines, au cours d’une réac-
tion appelée phosphorylation. La fixation de groupements de phosphate sur
une protéine modifie légèrement sa structure et donc son activité biologique.
La phosphorylation des canaux ioniques, par exemple, influence fortement leur
probabilité d’ouverture ou de fermeture.

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172 1 – Bases cellulaires

Protéine Quelles sont les conséquences de l’activation des récepteurs β sur les cellules
kinase du muscle cardiaque ? L’élévation des taux d’AMPc active la PKA, qui phos-
Protéine Protéine —PO4
phoryle les canaux calciques dépendants du potentiel. Cette phosphorylation
Protéine
phosphatase renforce leur activité. Des ions Ca2+ pénètrent en plus grand nombre dans la
cellule cardiaque et le cœur bat plus fort. Au contraire, la stimulation des récep-
Figure 6.29 – Phosphorylation et déphospho- teurs β-adrénergiques dans plusieurs types de neurones ne semble pas avoir
rylation des protéines. d’effet sur les canaux calciques mais provoque plutôt l’inhibition de certains
canaux potassiques. La diminution de conductance potassique entraîne alors
une légère dépolarisation, réduit la constante de longueur et renforce l’excitabi-
lité du neurone (voir chapitre 5).
L’action des neurotransmetteurs sur la phosphorylation est cependant limi-
tée par l’intervention d’un processus de nature inverse, qui évite que toutes les
protéines soient saturées de groupements phosphate et donc que toute régulation
ultérieure soit impossible. Des enzymes, les protéines phosphatases, contrôlent
la situation, en agissant rapidement pour retirer les groupements phosphate. Le
degré de phosphorylation des canaux dépend ainsi à tout moment de l’équilibre
dynamique entre la phosphorylation par les kinases et la déphosphorylation par
les protéines phosphatases (Fig. 6.29).
Cascades de signaux et voies de signalisation intracellulaires.  La trans-
mission synaptique impliquant les récepteurs-canaux est simple et rapide. La
transmission qui passe par les récepteurs associés aux protéines G est plus com-
plexe et beaucoup plus lente. On peut alors se demander pourquoi il existe de si
longues chaînes de réactions dans ce second cas ? Un des avantages importants
est l’amplification du signal : l’activation d’un récepteur associé aux protéines G
peut entraîner l’activation, non pas d’un seul, mais de très nombreux canaux
ioniques (Fig. 6.30).
L’amplification du signal peut se faire en plusieurs endroits de la cascade.
Une seule molécule de neurotransmetteur fixée à un seul récepteur, peut acti-
ver probablement 10 à 20 protéines G ; chaque protéine G peut activer l’adényl
cyclase, qui peut produire à son tour plusieurs molécules d’AMPc qui diffusent
dans la cellule pour activer plusieurs protéines kinases ; chaque kinase pouvant
ensuite phosphoryler de nombreux canaux. Si on regroupait en bloc tous les
composants d’une cascade, la transmission des signaux serait strictement limitée.
L’utilisation de messagers de petite taille, qui peuvent diffuser très rapidement
dans la cellule (comme l’AMPc), permet ainsi une certaine transmission à dis-
tance, dans une vaste région de la cellule. Les cascades de signaux déterminent
aussi l’existence de nombreux sites de régulation et elles offrent des possibilités
d’interaction entre les cascades impliquant divers seconds messagers. Enfin, les
cascades de signaux peuvent générer des modifications durables du métabolisme
cellulaire, ce qui est peut-être à l’origine, entre autres choses, de toute une série
de processus impliqués, par exemple, dans la mémorisation.

Divergence et convergence
entre les systèmes
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de neurotransmetteurs
Le glutamate est le neurotransmetteur excitateur le plus commun du cer-
veau, tandis que le GABA constitue l’inhibiteur principal. Cependant, un même
neurotransmetteur peut avoir de nombreux effets différents. Une molécule de
glutamate peut se lier à de très nombreux récepteurs et chacun de ces sous-types
de récepteurs peut exercer des effets différents. La divergence est la capacité d’un
neurotransmetteur à activer plus d’un sous-type de récepteurs et à susciter ainsi
plus d’un seul type de réponse synaptique.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 173

Neurotransmetteur

Le neurotransmetteur
active le récepteur

γ α γ α γ
β β β α

Le récepteur active
les protéines G

Adényl Adényl Adényl


α αcyclase α cyclase α cyclase
La protéine G stimule
l’adényl cyclase qui
transforme l’ATP en AMPc

Figure 6.30 – Amplification des signaux


intracellulaires au travers de la cascade
L’AMPc active PKA PKA PKA des seconds messagers.
la protéine kinase A
Lorsqu’un neurotransmetteur active un
récepteur couplé à une protéine G, le
message généré à partir de ce récepteur
va faire l’objet d’une amplification aux
différents niveaux de la cascade intracel-
lulaire, ce qui a pour conséquence l’acti-
La protéine kinase A
phosphoryle des canaux
vation de nombreux canaux ioniques.
potassiques

Dans les systèmes de neurotransmetteurs connus, la divergence est la règle.


Chaque neurotransmetteur peut activer plusieurs sous-types de récepteurs
(voir Tab. 6.2) et les méthodes sophistiquées de la biologie moléculaire contri-
buent à l’identification de très nombreux autres sous-types, bien au-delà de
ce que la pharmacologie ou la physiologie ont permis. En raison de ce grand
nombre de sous-types de récepteurs, un neurotransmetteur peut donc agir sur
plusieurs neurones (ou même sur différentes parties d’un même neurone) de
façon très variée. La divergence se manifeste aussi au-delà du récepteur, par
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exemple selon les protéines G et les systèmes effecteurs activés. Ainsi la diver-
gence peut se manifester à n’importe quelle phase de la cascade à la base des
effets des neurotransmetteurs (Fig. 6.31a).
A  contrario, les neurotransmetteurs peuvent manifester une convergence
de leurs effets. Plusieurs neurotransmetteurs, chacun activant son propre type
de récepteur, peuvent converger pour affecter les mêmes systèmes effecteurs
(Fig. 6.31b). La convergence dans une seule cellule peut se manifester par l’action
la protéine G, de la cascade des seconds messagers ou encore du type de canal
ionique impliqué. Les neurones ont la capacité d’intégrer les voies de signalisa-
tion, qu’elles soient divergentes ou convergentes, ce qui résulte en des effets com-
plexes de la signalisation prise dans son ensemble (Fig. 6.31c). Le merveilleux,
c’est que ça marche ! Il reste alors à tenter de comprendre comment.

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174 1 – Bases cellulaires

Sous-types de récepteurs 1 Système


effecteur X

Neurotransmetteur Sous-types de récepteurs 2 Système


effecteur Y

Système
Sous-types de récepteurs 3
(a) effecteur Z

Neurotransmetteur A Récepteur A

Neurotransmetteur B Récepteur B Système effecteur

Neurotransmetteur C Récepteur C

(b)

Neurotransmetteur A Récepteur A1 Effecteur 1


Effecteur 2
Récepteur A2
Effecteur 3
Effecteur 4

Neurotransmetteur B Récepteur B Effecteur 5


(c)

Figure 6.31 – Principes de divergence (a) et de convergence (b) des voies de signalisation des


neurotransmetteurs. (c) Intégration des deux principes.

Conclusion
Les neurotransmetteurs constituent des chaînons essentiels entre les neu-
rones, ainsi qu’entre les neurones et les autres types de cellules effectrices, telles
que les cellules musculaires et encore des glandes endocrines et exocrines. Il
convient de considérer les transmetteurs comme les maillons d’une chaîne d’évé-
nements, stimulant des modifications chimiques à la fois rapides et lentes, et
divergentes et convergentes. Les nombreuses voies impliquées dans la commu-
nication intercellulaire, transférant l’information de l’extérieur à l’intérieur d’un
neurone, constituent une sorte de réseau d’information. Ce réseau est toutefois
en équilibre fragile, réagissant de façon très dynamique pour ajuster le com-
portement aux perpétuels changements de l’organisme et de l’environnement de
l’individu.
Le réseau de transmission des signaux à l’intérieur d’un seul neurone (les
voies de signalisation) ressemble, en un certain sens, aux réseaux neuronaux
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du cerveau lui-même. Il reçoit une série d’informations sous forme de signaux


représentés par les neurotransmetteurs qui le sollicitent à des moments et en
des endroits différents. Cette énergie augmente la transmission des informations
dans certaines voies et la réduit dans d’autres ; et la combinaison de ces infor-
mations dans une cascade de signalisation, donne un résultat spécifique, qui est
beaucoup plus que la somme des informations. Les signaux régulent les signaux,
les modifications chimiques peuvent laisser des traces durables de leur histoire,
les médicaments peuvent modifier l’équilibre de la transmission des signaux et,
en un sens, il apparaît bien que le cerveau et ses signaux ne font qu’un.

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6 – Neurotransmetteurs : organisation anatomobiochimique du système nerveux 175

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Donner la liste des critères utilisés pour déterminer si une substance


chimique joue le rôle de neurotransmetteur. Quelles sont les diffé-
rentes stratégies expérimentales montrant que l’ACh correspond aux
critères d’un neurotransmetteur à la jonction neuromusculaire ?
2. Quelles sont les trois méthodes permettant de montrer que le récep-
teur d’un neurotransmetteur donné est synthétisé ou localisé dans un
neurone particulier ?
3. Comparer et différencier les propriétés : (a) des récepteurs AMPA et
NMDA ; et (b) des récepteurs GABAA et GABAB.
4. L’inhibition synaptique est un fait important des circuits du cortex
cérébral. Comment peut-on déterminer si le GABA ou la glycine, ou
les deux, ou aucun des deux, est le neurotransmetteur inhibiteur du
cortex ?
5. Le glutamate active un certain nombre de récepteurs métabotro-
piques différents. L’activation d’un sous-type entraîne l’inhibition de
la formation de l’AMPc. La conséquence de l’activation d’un second
sous-type est l’activation de la protéine kinase C. Quels sont les méca-
nismes de ces différents effets ?
6. Les effets de la divergence et de la convergence des neurotransmet-
teurs se manifestent-ils à l’intérieur même des neurones ? Comment,
par exemple ?
7. Les ions Ca2+ sont considérés comme des seconds messagers. Pour-
quoi ?

POUR EN SAVOIR PLUS

Cooper JR, Bloom FE, Roth RH. Introduction to Neuropsychopharma-


cology. New York : Oxford University Press, 2009.
Cowan  WM, Südhof  TC, Stevens  CF. Synapses. Baltimore : Johns
Hopkins University Press, 2001.
Katritch V, Cherezov V, Stevens RC. Diversity and modularity of G pro­
tein-coupled receptor structures. Trends in Pharmacological Sciences
2012 ; 33 : 17-27.
Mustafa  AK, Gadalla  MM, Snyder  SH. Signaling by gasotransmitters.
Science Signaling 2009 ; 2 (68) : re2.
Nestler EJ, Hyman SE, Malenka RC. Molecular Neuropharmacology: A
Foundation for Clinical Neuroscience, 2nd ed. New York : McGraw-
Hill Professional, 2008.
Copyright © 2016. John Libbey Eurotext. All rights reserved.

Piomelli D. The molecular logic of endocannabinoid signalling. Nature


Reviews Neuroscience 2003 ; 4 : 873-84.
Regehr  WG, Carey  MR, Best  AR. Activity-dependent regulation of
­synapses by retrograde messengers. Neuron 2009 ; 63 : 154-70.

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CHAPITRE  7 Anatomie du système
nerveux

ORGANISATION GÉNÉRALE
DU SYSTÈME NERVEUX
DES MAMMIFÈRES
Références anatomiques..................................................................... 179
Système nerveux central (SNC)........................................................... 180
Système nerveux périphérique (SNP).................................................. 181
Nerfs crâniens.................................................................................... 182
Méninges............................................................................................ 182
Système ventriculaire.......................................................................... 183
Nouveaux regards sur le cerveau......................................................... 183
Encadré 7.1 Focus  De l’eau dans la tête
Encadré 7.2 Bases théoriques  Imagerie par résonance magnétique
Encadré 7.3 Bases théoriques  TEP et IRMf

COMPRENDRE
L’ORGANISATION DU SNC
PAR SON DÉVELOPPEMENT
Formation du tube neural................................................................... 190
Les trois vésicules primitives du cerveau.............................................. 191
Encadré 7.4 Focus  Nutrition et tube neural
Différenciation du cerveau antérieur................................................... 193
Différenciation du mésencéphale........................................................ 196
Différenciation du cerveau postérieur................................................. 197
Différenciation de la moelle épinière................................................... 200
Mise en place et organisation des structures nerveuses....................... 201
Caractères spécifiques du cerveau humain.......................................... 202

ORGANISATION
DU CORTEX CÉRÉBRAL
Différents types de cortex................................................................... 205
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Différentes aires du néocortex............................................................ 206


Encadré 7.5 Les voies de la découverte  Le connectome : à la recherche
de l’organisation cérébrale,
par Sebastian Seung
CONCLUSION

ANNEXE : GUIDE
ILLUSTRÉ DE L’ANATOMIE
DU CERVEAU HUMAIN

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INTRODUCTION

A
près avoir étudié comment des neurones fonctionnent et communiquent
entre eux, il faut comprendre comment ils sont assemblés pour former
un système nerveux qui permette de voir, d’entendre, de sentir, de bou-
ger, de se souvenir ou encore de rêver. De même que l’observation de la structure
du neurone explique dans une certaine mesure sa fonction, l’abord de la struc-
ture du système nerveux permet d’approcher la fonction du cerveau.
La neuroanatomie a toujours représenté un défi pour de nombreuses généra-
tions d’étudiants car le cerveau humain est extrêmement complexe. Cependant
notre cerveau n’est que la variation d’une organisation de base, commune à tous
les mammifères (Fig. 7.1). Le cerveau humain apparaît d’une grande complexité
car il s’est littéralement enroulé sur lui-même au cours de l’évolution à la suite
de la croissance sélective de certaines parties à l’intérieur du crâne, et parce que
l’homme est bipède et non quadrupède. En suivant l’évolution de cette organi-
sation, la connaissance de l’organisation de base chez les mammifères en géné-
ral permet alors de mieux comprendre la nature des spécialisations du cerveau
humain.
Le chapitre 7 présente d’abord l’organisation générale du cerveau des mam-
mifères, ainsi que la terminologie utilisée pour la décrire. Puis, il explique com-
ment la structure tridimensionnelle du cerveau se met en place au cours du déve-
loppement embryonnaire et fœtal : en suivant le cours de son développement, il
est plus facile de comprendre comment les différentes parties du cerveau adulte
se sont assemblées. Le chapitre se termine par la description du néocortex céré-
bral, une structure propre aux mammifères et particulièrement évoluée chez
l’homme. Le chapitre est suivi d’une annexe descriptive permettant de mieux
apprécier l’organisation du système nerveux.
La neuroanatomie présentée dans ce chapitre servira de cadre à la description
des systèmes sensoriel et moteur dans les chapitres 8 à 14. Les termes nouveaux
ici sont repris systématiquement sous forme de tableaux.
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178 1 – Bases cellulaires

Rat

Lapin

1 cm

Rat Chat

Lapin

Mouton

Chat

Dauphin

Mouton

Chimpanzé
Chimpanzé

Homme
Homme

Dauphin
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Figure 7.1 – Cerveau des mammifères.


En dépit de différences dans leur complexité, le cerveau de toutes ces espèces présente plusieurs caractéristiques communes. Les cerveaux ont
été dessinés de telle manière que leurs proportions respectives soient à peu près respectées ; cette analyse de leur taille respective est illustrée plus
­précisément dans la colonne de gauche.

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7 – Anatomie du système nerveux 179

Organisation générale
du système nerveux
des mammifères
Le système nerveux de tous les mammifères est divisé en deux grandes
parties : le système nerveux central (SNC) et le système nerveux périphérique
(SNP). Ce chapitre décrit les principales composantes du SNC et du SNP, ainsi
que les ventricules qui se trouvent à l’intérieur du cerveau et les membranes qui
les entourent.

Références anatomiques
L’exploration du cerveau est comparable à la découverte d’une ville. Pour
s’orienter dans une ville, il est nécessaire d’utiliser des points de références, tels
que la direction du nord, du sud, de l’est et de l’ouest, ou encore un repérage des
points « haut » et « bas ». Il en est de même pour le cerveau : seule la nomencla-
ture des points de référence — les repères anatomiques — change.
En prenant l’exemple du système nerveux du rat (Fig. 7.2a), le cerveau se
trouve dans la tête et la moelle épinière s’étend le long de la colonne vertébrale
jusqu’à la queue de l’animal. Pour préciser la place des structures, les termes
suivants sont utilisés : les structures situées à l’avant, vers le nez du rat, sont dites
antérieures ou rostrales (du latin rostrum : bec) et à l’arrière, vers la queue du rat,
postérieures ou caudales (du latin cauda : queue) ; vers le haut, elles sont dites dor-
sales et vers le bas, ventrales. La moelle épinière du rat s’étend de la partie anté-
rieure à la partie postérieure du corps. La partie supérieure de la moelle épinière
correspond en fait à la partie dorsale et la partie inférieure, à la partie ventrale.
Vu de dessus, le système nerveux se trouve divisé en deux parties égales
(Fig. 7.2b). La partie droite du cerveau et de la moelle épinière peut être consi-
dérée comme le miroir du côté gauche. Cette caractéristique est connue sous le
nom de symétrie bilatérale. À peu d’exceptions près, la plupart des structures
du système nerveux sont paires, c’est-à-dire situées une à gauche et une à droite.
La ligne de partage au milieu du système nerveux est la ligne médiane ; c’est une
autre référence utile pour préciser l’orientation. Les structures les plus proches
de la ligne médiane sont qualifiées de médianes ; celles qui en sont le plus éloi-
gnées sont dites latérales. En d’autres termes, le nez occupe une position médiane
par rapport aux yeux et ceux-ci sont médians par rapport aux oreilles, etc. En
outre, deux structures situées du même côté sont dites ipsilatérales l’une par
rapport à l’autre ; par exemple, l’oreille droite est ipsilatérale par rapport à l’œil
droit. Si les structures sont situées de chaque côté de la ligne médiane, elles sont
controlatérales l’une par rapport à l’autre ; l’oreille droite occupe une position
controlatérale par rapport à l’oreille gauche.
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Moelle
épinière Dorsal Moelle Latéral
Cerveau Cerveau épinière
Antérieur Ligne médiane
Postérieur
ou rostral ou caudal
Médial

(b)
(a) Ventral

Figure 7.2 – Références anatomiques de base du système nerveux du rat.


(a) Vue de côté. (b) Vue de dessus.

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180 1 – Bases cellulaires

Pour observer la structure interne du cerveau il est nécessaire de réaliser


al
Caud des coupes de cerveau. Il est possible d’imaginer un nombre infini de façons de
ral ­débiter ainsi le cerveau en coupes successives, mais l’approche usuelle consiste à
Rost pratiquer une série de coupes parallèles à l’un des trois plans anatomiques ainsi
définis : le plan de coupe résultant de la division du cerveau en deux moitiés
égales, droite et gauche, est appelé plan médiosagittal (Fig. 7.3a). Les coupes
parallèles à ce plan médiosagittal sont réalisées dans le plan sagittal.
(a) Plan médiosagittal
Les deux autres plans anatomiques sont perpendiculaires au plan sagittal et l’un
par rapport à l’autre. Le plan horizontal est situé parallèlement au sol (Fig. 7.3b).
Une coupe de ce plan passe par exemple à la fois par les yeux et les oreilles. Le plan
horizontal divise ainsi le cerveau en une partie dorsale et en une partie ventrale.
Le plan coronal (NdT : encore appelé plan frontal) est perpendiculaire au sol et au
plan sagittal (Fig. 7.3c). Une seule coupe de ce plan passe soit par les deux yeux,
(b) Horizontal soit par les deux oreilles mais pas par les quatre structures en même temps. Le plan
coronal sépare le cerveau en une partie antérieure et une postérieure.

Quiz Avez-vous bien compris le sens de ces termes ?


(c) Coronal (ou frontal)

antérieur latéral
rostral ipsilatéral
Figure 7.3 – Plans de coupe anatomiques. postérieur controlatéral
caudal plan médiosagittal
dorsal plan sagittal
ventral plan horizontal
ligne médiane plan coronal (ou frontal)
médian

Système nerveux central (SNC)


Le système nerveux central ou SNC est formé des parties du système n
­ erveux
enfermées dans des structures osseuses : l’encéphale et la moelle épinière. Le
­cerveau tout entier se trouve contenu dans la boîte crânienne. Une vue de profil
de l’encéphale du rat montre les trois parties communes à tous les mammifères :
le cerveau, le cervelet et le tronc cérébral (Fig. 7.4a).
Vue de côté
(latérale) Cerveau.  C’est la partie la plus rostrale et la plus importante. La figure 7.4b
(a) représente une vue supérieure d’un cerveau de rat, montrant qu’il est nettement
divisé en deux hémisphères cérébraux séparés par une profonde scissure sagittale
ou scissure médiane. Normalement, l’hémisphère cérébral droit reçoit les sen-
Cerveau sations et contrôle les mouvements du côté gauche du corps ; et l’hémisphère
cérébral gauche est associé aux sensations et au contrôle des mouvements de la
Cervelet Tronc
cérébral Moelle partie droite du corps.
Vue de dessus épinière
(dorsale) Cervelet.  Il se situe juste en arrière du cerveau. Le mot cervelet vient du
(b) Hémisphère latin cerebellum : petit cerveau. Si le cervelet se trouve en fait dominé par le cer-
cérébral droit
veau, il contient en réalité à peu près le même nombre de neurones que les deux
Hémisphère hémisphères cérébraux réunis. Le cervelet représente avant tout un centre de
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Scissure cérébral gauche


contrôle du mouvement en étroite relation avec le cerveau et la moelle épinière.
médiane
Contrairement aux hémisphères cérébraux, l’hémisphère cérébelleux gauche
contrôle les mouvements du côté gauche du corps et l’hémisphère cérébelleux
Vue sagittale droit, les mouvements du côté droit du corps.
médiane
(c) Tronc cérébral.  Le reste du cerveau forme le tronc cérébral, facilement iden-
tifiable sur une vue médiosagittale de l’encéphale (Fig. 7.4c). Du tronc cérébral
naissent les hémisphères cérébraux et le cervelet. Le tronc cérébral se trouve
formé d’un inextricable lacis de fibres et de cellules, qui servent en partie à trans-
Tronc cérébral
mettre les informations du cerveau vers la moelle épinière et le cervelet, et vice
Figure 7.4 – Cerveau du rat. versa. Cependant, dans le tronc cérébral est également situé le centre de régula-
(a) Vue de côté (latérale). (b) Vue de dessus tion de certaines fonctions vitales comme la respiration, la conscience ou encore
(dorsale). (c) Vue sagittale médiane. le contrôle de la température du corps. En fait, le tronc cérébral est considéré

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7 – Anatomie du système nerveux 181

comme la partie la plus primitive du cerveau des mammifères. Cette partie du


tronc cérébral se trouve également représenter la partie la plus vitale. Ainsi, s’il
est possible de survivre à une lésion du cerveau ou du cervelet, en revanche, la
mort survient rapidement lorsque le tronc cérébral est atteint.
Moelle épinière.  La moelle épinière se trouve quant à elle enfermée dans la
colonne vertébrale et rattachée au tronc cérébral. La moelle épinière représente
la voie principale de transfert de l’information depuis la peau, les articulations et
les muscles, jusqu’au cerveau et vice versa. Une section transversale de la moelle
épinière entraîne une anesthésie (absence de sensibilité) de la peau et une para-
lysie des muscles dans les parties du corps postérieures à cette lésion. Dans ce
cas-là, la paralysie ne signifie pas que les muscles ne peuvent pas fonctionner,
mais plutôt qu’ils ne reçoivent plus les ordres de commande du cerveau.
Les nerfs spinaux (ou rachidiens) assurent la communication entre la moelle
épinière et le reste du corps ; ils font partie du système nerveux périphérique (voir
ci-dessous). Les nerfs spinaux émergent de la moelle épinière par des ouvertures
situées entre chaque vertèbre de la colonne vertébrale. Chaque nerf spinal est
rattaché à la moelle épinière par deux branches formant la racine dorsale et la
racine ventrale (Fig. 7.5). François Magendie (voir chapitre 1) a montré que la
racine dorsale contient les axones conduisant les informations vers la moelle
épinière, par exemple la sensation de douleur causée par un clou entrant dans
le pied (voir Fig. 3.1). Charles Bell a montré quant à lui que la racine ventrale
contient les axones qui conduisent les informations partant de la moelle épinière,
par exemple vers le muscle, provoquant le retrait du pied en réponse à la douleur.

Système nerveux périphérique (SNP)


Le système nerveux périphérique ou SNP se compose de toutes les parties du
système nerveux autres que le cerveau et la moelle épinière. Il se divise en deux
parties : le SNP somatique et le SNP viscéral.
SNP somatique.  Tous les nerfs spinaux innervant la peau, les articulations
et les muscles associés à une commande volontaire, font partie du SNP soma-
tique. Les axones moteurs somatiques, qui commandent la contraction muscu-
laire, proviennent de neurones moteurs situés dans la partie ventrale de la moelle
­épinière. Les corps cellulaires des neurones moteurs font partie du SNC tandis
que leurs axones sont en grande partie dans le SNP.
Les axones sensoriels somatiques, qui innervent et collectent les informations
de la peau, des muscles, et des articulations, pénètrent dans la moelle épinière par
les racines dorsales. Les corps cellulaires de ces neurones sont situés en dehors de la
moelle épinière, regroupés à proximité dans les ganglions des racines dorsales (NdT :
ou ganglions rachidiens). Il existe un ganglion pour chaque nerf spinal (Fig. 7.5).

Ganglions
des racines
Racines dorsales
dorsales
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Figure 7.5 – Moelle épinière.


La moelle épinière est située à l’intérieur de
la colonne vertébrale. Les axones entrent et
sortent de la moelle par les racines dorsales
Nerfs et ventrales, respectivement. Ces racines se
Racines spinaux rejoignent pour former les nerfs spinaux qui
ventrales innervent l’ensemble du corps.

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182 1 – Bases cellulaires

SNP viscéral.  Le SNP viscéral, également appelé végétatif, involontaire


ou système nerveux autonome (SNA), regroupe les neurones qui innervent les
organes internes, les vaisseaux sanguins et les glandes. Les axones sensoriels des
nerfs viscéraux transmettent les informations concernant les fonctions viscérales
vers le SNC, comme par exemple la pression et le taux d’oxygène du sang arté-
riel. Les fibres viscérales motrices commandent la contraction et le relâchement
des muscles situés dans la paroi des intestins et des vaisseaux sanguins (appelés
muscles lisses), la fréquence de la contraction du muscle cardiaque et la fonction
sécrétrice de diverses glandes. Par exemple, le SNP viscéral contrôle la pression
artérielle en régulant le diamètre des vaisseaux sanguins et la fréquence cardiaque.
La structure et la fonction du SNA seront approfondies dans le chapitre 15,
mais il peut déjà être mentionné que les réactions émotionnelles involontaires,
telles qu’« avoir l’estomac noué » ou rougir, sont sous la dépendance du SNP
viscéral, le système nerveux autonome.
Axones afférents et efférents.  Cette présentation du SNP se trouve être le
bon moment pour introduire deux termes qui sont très souvent utilisés pour
décrire les axones du système nerveux. Ces deux termes dérivés du latin, afférent
(apporter vers) et efférent (apporter de), indiquent que les axones transportent
une information vers ou au contraire à partir d’une région déterminée du sys-
tème nerveux. Si l’on considère alors les axones du SNP par rapport à un point
de référence situé dans le SNC, les axones sensoriels somatiques ou viscéraux qui
transportent une information vers le SNC sont dits « afférents ». En revanche,
les axones qui sont issus du système nerveux, innervant les muscles ou encore les
glandes, sont dits « efférents ».

Nerfs crâniens
À côté des nerfs qui naissent dans la moelle épinière et innervent le corps,
il existe 12 paires de nerfs crâniens prenant leur origine dans le tronc cérébral
et innervant essentiellement la tête. Un nom et un numéro ont été attribués à
chacun des nerfs crâniens, classés à l’origine par Galien il y a environ 1 800 ans,
de la partie antérieure à la partie postérieure.
Certains nerfs crâniens font partie du SNC, d’autres du SNP somatique, d’autres
encore du SNP viscéral. Plusieurs nerfs crâniens n’ont pas de fonction unique mais
présentent des axones impliqués dans plusieurs fonctions. Les nerfs crâniens et leurs
fonctions sont décrits plus spécifiquement dans l’annexe à ce chapitre.

Méninges
Le SNC, composé de la partie du système nerveux enfermée dans le crâne
et la colonne vertébrale, n’est pas en contact direct avec l’os qui l’entoure. Il est
protégé par trois membranes appelées méninges (du grec meninx : recouvrir). Ces
trois membranes sont la dure-mère, l’arachnoïde et la pie-mère (Fig. 7.6).
La plus externe représente la dure-mère. Ce terme illustre avec précision une
consistance semblable au cuir. La dure-mère forme une enveloppe rigide, qui
entoure le cerveau et la moelle épinière. Juste en dessous, se trouve la membrane
arachnoïdienne. Cette couche méningée a l’apparence et la trame d’une toile
d’araignée (arachnoïde, du grec arakhné : araignée). Il n’y a pas d’espace entre
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la dure-mère et l’arachnoïde, mais si les vaisseaux sanguins de la dure-mère


sont rompus, le sang se répand à cet endroit, formant un hématome sous-dural.
L’accumulation de fluide dans l’espace sous-dural risque d’interrompre le fonc-
tionnement cérébral en comprimant certaines parties du SNC. Le traitement
consiste à forer un trou dans le crâne, pour drainer le sang.
La pie-mère représente enfin une fine membrane adhérant fortement à la sur-
face du cerveau. De nombreux vaisseaux sanguins parcourent la pie-mère avant
de s’enfoncer profondément dans le cerveau sous-jacent. La pie-mère se trouve
séparée de la membrane arachnoïdienne par un espace rempli de liquide. Cet
espace sous-arachnoïdien contient un liquide salé clair, le liquide céphalorachidien
ou LCR. En un certain sens, on peut donc dire que le cerveau flotte à l’intérieur
de la tête, dans une fine épaisseur de LCR.

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7 – Anatomie du système nerveux 183

Dure mère

Espace
sous-dural
Membrane
arachnoïdienne

Espace
subarachnoïdien

Pie-mère

Artère

Cerveau

(a) (b)

Figure 7.6 – Méninges.
(a) Le crâne a été retiré pour montrer l’aspect externe du cerveau entouré par la méninge la plus
externe, la dure-mère (Source : Gluhbegoric et Williams, 1980.) (b) Illustré ici en coupe transverse,
les trois couches méningées protégeant le cerveau et la moelle épinière sont : la dure-mère, la
membrane arachnoïdienne et la pie-mère.

Système ventriculaire
Le cerveau comprend des cavités remplies de liquide et le réseau des canaux
situés à l’intérieur du cerveau forme le système ventriculaire. Ce liquide est
dénommé céphalorachidien, le même que celui de l’espace sous-arachnoïdien. Il
est produit par un tissu particulier, le plexus choroïde, situé dans les ventricules
des hémisphères cérébraux. Le LCR s’écoule des deux ventricules du c­ erveau vers
une série de cavités isolées reliées entre elles au cœur du tronc cérébral (Fig. 7.7).
À la sortie des ventricules, le LCR pénètre dans l’espace sous-­arachnoïdien par Plexus Espace
de petites ouvertures ou orifices, situées près de l’endroit où le cervelet se trouve choroïde subarachnoïdien
rattaché au tronc cérébral. Dans l’espace sous-arachnoïdien, le LCR va être
absorbé par des vaisseaux sanguins, dans des structures particulières appelées Rostral
villosités arachnoïdiennes. Si l’écoulement normal du LCR subit une interrup-
tion, il y a un risque de lésion du cerveau (Encadré 7.1).
À la fin du chapitre, nous reviendrons sur le système ventriculaire avec plus
de détails. Comme nous le verrons, comprendre l’organisation du système ventri-
culaire fournit des clés pour comprendre l’organisation du système nerveux lui-
même.

Nouveaux regards sur le cerveau


Durant des siècles, les anatomistes n’ont eu d’autres choix que de disséquer le
cerveau, le couper en tous les sens, en faire des coupes et les colorer, afin de pou-
voir les observer. Beaucoup de connaissances ont été acquises par ces méthodes Ventricules
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Caudal cérébraux
mais cela présente naturellement quelques limites. Parmi celles-ci, il faut mention-
ner la difficulté de la représentation tridimensionnelle du cerveau et en particulier
de ses régions profondes. Sur ce plan, une avancée considérable est intervenue en
2013 lorsqu’il est apparu, en utilisant la méthode CLARITY, développée par les Figure 7.7 – Système ventriculaire.
chercheurs de Stanford University, qu’il était possible de visualiser cette structure Le liquide céphalorachidien (LCR) est produit
3D sans avoir recours à la dissection du cerveau. La méthode est basée sur l’im- dans les ventricules des deux hémisphères et
il remplit l’ensemble du système ventriculaire
mersion du cerveau dans une solution qui agit sur l’absorption de la lumière par
dans tout le cerveau et la moelle épinière. Le
les lipides en utilisant un gel soluble dans l’eau, rendant le cerveau quelque peu LCR s’écoule dans l’espace subarachnoïdien
translucide. Si le cerveau ainsi traité comprend par exemple des neurones rendus au travers de petites ouvertures situées à la
fluorescents comme avec la GFP (voir chapitre 2), en illuminant cette préparation base du cervelet. Dans l’espace subarachnoï-
avec une lumière de longueur d’onde appropriée, il est possible de visualiser ces dien, le LCR est absorbé dans la circulation
neurones particuliers avec leur position respective en 3D (Fig. 7.8). sanguine.

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184 1 – Bases cellulaires

Encadré 7.1 FOCUS

De l’eau dans la tête


Si l’écoulement du LCR depuis les plexus choroïdes
Tube inséré
à travers le système ventriculaire jusqu’à l’espace dans le ventricule latéral
sous-arachnoïdien ne peut se faire, le liquide reflue dans à partir d’un trou percé
les ventricules en les dilatant, ce qui provoque une hydro- dans le crâne
céphalie, « une tête remplie d’eau » au sens propre du
terme.
Certains nouveau-nés sont atteints d’hydrocéphalie.
Cependant, comme les os du crâne sont mous et encore
en formation, la tête va grossir en rapport avec l’aug-
mentation du volume du liquide intracrânien tout en
épargnant le cerveau. Cet état passe souvent inaperçu, à
moins que la tête ne prenne une proportion énorme.
Chez les adultes, l’hydrocéphalie est beaucoup plus
grave car le crâne ne peut s’agrandir et cela accentue
Tube de drainage,
la pression intracrânienne. Le tissu cérébral est alors normalement
comprimé, ce qui gêne le fonctionnement du cerveau et introduit dans la cavité
peut être fatal si l’hydrocéphalie n’est pas traitée. péritonéale,
avec une longueur
L’hydrocéphalie « obstructive » est typiquement asso- suffisante
ciée à de sévères maux de tête causés par la distension pour permettre
des terminaisons nerveuses présentes au niveau des de faire face
au développement
méninges. Le traitement consiste à insérer un tube dans de l’enfant
le ventricule dilaté, pour drainer l’excès de liquide
(Fig. A).
Figure A

Bien entendu un cerveau « clarifié » ainsi traité reste un cerveau mort. Cela
évidemment en limite la portée de l’examen, notamment pour diagnostiquer les
maladies neurologiques. Dans ces conditions, il n’est alors pas exagéré de dire
que l’introduction de méthodes permettant d’obtenir des représentations du
­cerveau vivant a constitué une véritable révolution dans le champ de la neuro-­
anatomie. Quelques illustrations en sont données ci-après.
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(a) (b) (c)

Figure 7.8 – Méthode pour rendre le cerveau translucide et visualiser des neurones fluorescents
dans les profondeurs du cerveau.
(a) Vue de dessus d’un cerveau de souris. (b) Le même cerveau rendu transparent en remplaçant
les lipides par un gel soluble dans l’eau. (c) Le cerveau translucide est éclairé avec une lumière de
longueur d’onde adaptée, ce qui permet de visualiser en place les neurones qui expriment la GFP
(green fluorescent protein). (Source : courtoisie du Dr Kwanghun Chung, Massachusetts Institute of
Technology. Adapté de Chung et Deisseroth, 2013, Figure 2.)

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7 – Anatomie du système nerveux 185

Voir la structure du cerveau vivant.  Certains rayonnements électromagné-


tiques, comme les rayons X, pénètrent le corps et sont absorbés par les tissus
qualifiés de « radio-opaques ». En utilisant des films sensibles aux rayons X, il
est ainsi possible d’obtenir des images négatives de ces régions radio-opaques du
corps. Cette méthode fonctionne bien pour les os du squelette et le crâne, mais
pas pour le cerveau. En effet, cette structure tridimensionnelle n’est que peu
sensible à ce rayonnement et ainsi l’observation par radiographie ne fournit que
très peu de données sur le cerveau.
Une solution ingénieuse, dénommée tomographie assistée par ordinateur
ou Computed Tomography (CT), a été mise au point par Godfrey Hounsfield
et Allan Cormack, qui ont partagé le prix Nobel, en 1979. L’objectif de cette
méthode est de produire une image d’une coupe de cerveau, dans un plan (le
mot tomographie est dérivé du mot grec qui signifie « couper »). Pour ce faire,
une source de rayons X va tourner autour de la tête dans le plan de la coupe
désirée, défini arbitrairement. Les données sont recueillies cette fois de l’autre
côté de la tête par des capteurs électroniques sensibles aux rayons X, et l’infor-
mation enregistrée selon différents angles complémentaires est analysée par un
ordinateur, qui exécute une analyse algorithmique. Ainsi, une image reconstruite
du cerveau est produite à partir du seul matériel radio-opaque rencontré dans
la coupe. L’observation de coupes successives s’effectue par « scanning » du cer-
veau, c’est-à-dire par l’analyse systématique de coupes adjacentes. L’examen par
CT-scan révéla, de façon non invasive et pour la première fois, l’organisation
relative en trois dimensions des zones de substance blanche et de substance grise,
ainsi que la position des ventricules cérébraux du cerveau vivant.
Bien qu’utilisé très largement encore, le scanner se trouve progressivement
remplacé par une nouvelle méthode, l’imagerie par résonance magnétique
(IRM). Les avantages de l’IRM sont tels qu’ils permettent une analyse détaillée
de l’organisation du cerveau comme le scanner n’a jamais permis de le faire, et
surtout ne nécessitant pas l’utilisation de rayons X. Dans ce cas, les analyses de
coupes de cerveau peuvent être réalisées dans n’importe quel plan choisi. L’IRM
utilise l’information fournie par la mise en résonance des atomes d’hydrogène
soumis à un champ magnétique intense (Encadré 7.2). Les signaux électroma-
gnétiques correspondant à la perturbation du champ magnétique naturel et émis
par les atomes sont détectés par une série de capteurs et ils sont enregistrés par
un ordinateur puissant qui va reconstruire le cerveau en trois dimensions. Dès
lors, l’information recueillie à partir de l’IRM permettra d’obtenir des images
absolument saisissantes et très détaillées du cerveau vivant. Figure 7.9 – Diffusion tensor imaging du c­ erveau
humain.
Une autre application de cette méthode est qualifiée de diffusion tensor ima-
L’image reproduit une reconstruction par ordi-
ging (DTI), permettant la visualisation de larges faisceaux d’axones du cerveau.
nateur de faisceaux d’axones d’un sujet humain
En comparant la position des atomes d’hydrogène de l’eau à intervalles de temps vivant, vue de côté. Les faisceaux de fibres sont
très précis, il est ainsi possible de mesurer la diffusion des molécules d’eau dans colorés de façon à mieux les visualiser, en rapport
le cerveau. De fait, l’eau diffuse mieux le long des membranes des axones qu’au avec la direction de la diffusion de l’eau (Source :
travers de celles-ci, et cette différence peut être utilisée pour détecter les faisceaux courtoise du Dr Satrajit Ghosh, Massachusetts
de fibres qui connectent différentes régions du cerveau (Fig. 7.9). Institute of Technology.)

Voir fonctionner le cerveau vivant.  Le scanner et l’IRM sont des méthodes


irremplaçables pour détecter des changements de la structure du cerveau,
notamment lorsqu’il y a des tumeurs ou des réorganisations anatomiques après
des traumatismes cérébraux. Cependant, le fonctionnement cérébral, normal ou
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pathologique, se trouve principalement fondé sur des modifications d’activité,


qu’elles soient d’origine chimique ou électrique, qui ne sont pas observables en
simples termes d’anatomie. Ce sont les méthodes d’imagerie fonctionnelle, qui
permettent maintenant de commencer à avoir accès à ces informations.
Les deux méthodes utilisées aujourd’hui réfèrent, d’une part, à la tomogra-
phie par émission de positrons (TEP-scan) et d’autre part, à l’imagerie par réso-
nance magnétique fonctionnelle (IRMf). Ces deux méthodes diffèrent sur leurs
principes de fonctionnement mais elles permettent toutes deux de détecter loca-
lement, dans des régions du cerveau bien délimitées, des changements de débit
sanguin cérébral et de métabolisme (Encadré 7.3). Le principe de la mesure est
simple. Les neurones, lorsqu’ils sont activés, ont besoin de plus d’oxygène et de
plus de glucose. La vascularisation cérébrale répond à cette demande en aug-

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186 1 – Bases cellulaires

Encadré 7.2 BASES THÉORIQUES

Imagerie par résonance magnétique


L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est une Si on utilise cette méthode, on peut simplement avoir
méthode générale qui peut être utilisée pour connaître la une idée de la quantité d’atomes d’hydrogène présents
position d’un certain nombre d’atomes en différentes dans le cerveau. Cependant, il est possible de mesurer la
parties du corps. C’est devenu un outil important en quantité de ces atomes présents dans des territoires très
neurosciences parce qu’elle permet d’obtenir, de façon localisés, en prenant avantage du fait que la fréquence à
non invasive, des images du système nerveux et en parti- laquelle les atomes d’hydrogène émettent leur énergie est
culier du cerveau. proportionnelle à la taille du champ magnétique. Dans
Dans la méthode la plus simple, l’IRM quantifie les les machines utilisées dans les hôpitaux, les champs
atomes d’hydrogène, par exemple ceux présents en très magnétiques varient d’un pôle de l’aimant à l’autre.
grand nombre dans l’eau ou dans les graisses. L’une des Cela donne un code spatial aux ondes radio émises par
lois les plus importantes de la physique est que lors- les protons. Les signaux de haute fréquence proviennent
qu’un atome d’hydrogène est soumis à un champ magné- des atomes d’hydrogène situés du côté du pôle de
tique, son noyau (qui consiste en un simple proton) peut ­l’aimant le plus puissant et les signaux de plus basse
exister sous deux états : un état de haute énergie et un ­fréquence, du côté du pôle de l’aimant le plus faible.
état de basse énergie. Comme les atomes d’hydrogène La dernière étape de la méthode est d’orienter le
sont très nombreux dans le système nerveux, nous ­gradient de l’aimant dans différents plans par rapport à
sommes donc en présence de très nombreux protons la position de la tête et de mesurer ainsi les quantités
sous les deux états. d’hydrogène. Pour effectuer un scan de cette manière,
La clé de l’IRM est de provoquer les changements cela ne prend, typiquement, pas plus de 15 minutes. Des
d’états des protons, qui passent ainsi d’un état à l’autre. programmes informatiques très sophistiqués sont alors
L’énergie est ajoutée aux protons en passant une onde utilisés pour reconstituer une simple image à partir des
électromagnétique (c’est-à-dire un signal radio) à travers mesures effectuées, traduisant la répartition des atomes
la tête positionnée entre les bornes d’un grand aimant. d’hydrogène dans la tête.
Lorsque le signal radio est émis juste à la bonne fré- La figure A est une illustration d’une image IRM en
quence, les protons en état de faible énergie absorbent vue latérale du cerveau humain. La figure B donne une
l’énergie du signal et passent en état de haute énergie. La autre image IRM, celle d’une coupe obtenue à partir de
fréquence à laquelle les protons absorbent l’énergie est ce cerveau. Notez combien il est facile de distinguer la
dite « fréquence de résonance » (d’où le terme de « réso- substance blanche et la substance grise. Cette caractéris-
nance »). Lorsque le signal radio est coupé, alors un cer- tique permet alors de mettre en évidence toutes une série
tain nombre de protons retournent 
à leur état initial de de processus pathologiques et en particulier des processus
faible énergie, émettant eux-mêmes un signal radio à de démyélinisation de la substance blanche. Les images
une fréquence particulière. C’est ce signal qui est enre- IRM permettent aussi de détecter et de localiser les
gistré par des détecteurs spécialisés. Son intensité est tumeurs et les lésions cérébrales, ces processus, en parti-
directement proportionnelle à la 
quantité d’atomes culier inflammatoires, s’accompagnant d’une augmenta-
d’hydrogène présents dans le tissu échantillonné. tion de la teneur en eau – et donc en protons – des tissus.

Sillon central
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Cervelet

Figure A Figure B

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7 – Anatomie du système nerveux 187

Encadré 7.3 BASES THÉORIQUES

TEP et IRMf
Jusqu’à une période récente, les processus cognitifs Dans les faits, lors d’une expérience de TEP-scan,
n’étaient pas accessibles à l’imagerie. Les méthodes le sujet est placé avec sa tête située au niveau d’un dis-
de tomographie par émission de positrons (TEP-scan) positif formé d’un ensemble de détecteurs (Fig. A). Par
et d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle un procédé automatisé commandé par ordinateur, les
(IRMf) ont permis d’avoir accès au cerveau en train de photons qui résultent de l’émission de positrons attei-
penser ou de planifier et exécuter une action. gnant chacun des détecteurs sont enregistrés. Cela
Le TEP-scan a été développé dans les années 1970 permet alors de calculer le niveau d’activité de cha-
par deux groupes de physiciens, l’un à l’Université de cune des régions cérébrales, en fonction de l’émission
Washington, dirigé par M. Terpogossian et M.E. Phelps, de ces positrons, et de produire une cartographie sous
l’autre à UCLA, dirigé par Z.H. Cho. Le principe de forme d’images de cette activité cérébrale. Les cher-
base est simple. Une solution radioactive contenant un cheurs ont par exemple mesuré l’activité cérébrale de
atome qui émet des positrons (qui sont des électrons cette manière lors de tâches standardisées, telles que
chargés positivement) est injectée par voie intraveineuse. bouger un doigt ou lire à haute voix. Ces différentes
Les positrons émettent leur rayonnement quel que soit tâches comportementales sont ainsi proposées de
l’endroit du corps où ils se trouvent, par interaction avec façon à mettre en jeu des régions fonctionnellement
les électrons en produisant des photons de radiation différentes du cerveau. Pour mettre en évidence plus
électromagnétique. La localisation des positrons s’effec- facilement la région activée sélectivement, on utilise
tue alors en localisant les photons par des détecteurs une méthode de soustraction qui permet de ne pas
sensibles spécialisés. tenir compte de l’activité « de base » qui existe en per-
L’une des applications les plus importantes du TEP- manence dans le cerveau, y compris lorsqu’il est au
scan est la mesure de l’activité métabolique du cerveau. repos en l’absence de toute stimulation sensorielle.
Dans une méthode développée par Louis Sokoloff et ses Ainsi, pour créer l’image des régions cérébrales acti-
collaborateurs au National Institute of Mental Health, vées par exemple pendant qu’un sujet détaille un
un isotope du fluor ou de l’oxygène est incorporé au tableau, cette activité correspondant à un « bruit de
2-déoxyglucose (2-DG). Ce traceur radioactif est injecté fond » est soustraite de l’activité mesurée pendant la
dans la circulation générale et parvient au cerveau. Les tâche comportementale (Fig. B).
neurones les plus actifs qui utilisent normalement le Cependant, même si le TEP-scan est une méthode
glucose en grande quantité, vont alors capter le 2-DG. d’investigation très importante, elle n’en comporte pas
Le 2-DG est phosphorylé à l’intérieur des neurones, ce moins certaines limites. En particulier, la résolution spa-
qui provoque son accumulation dans les cellules. Par tiale, de l’ordre de quelque 5 à 10 mm3, reste faible, ce
conséquent, l’accumulation de 2-DG et l’émission de qui représente l’activité de plusieurs milliers de cellules.
positrons correspondante sont un index de l’activité Par ailleurs, l’acquisition des données est relativement
métabolique neuronale. lente, de l’ordre de une à plusieurs minutes pour obtenir

Détecteurs
de photons
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Photon

Émission
de positrons

Figure A – La procédure du TEP-scan. (Source : Posner et Raichle, 1994, p. 61.)

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188 1 – Bases cellulaires

Encadré 7.3 BASES THÉORIQUES  (suite)

Stimulation Témoin Différence

– =

Figure B – Une image de TEP.


(Source : Posner et Raichle, 1994,
p. 65.)

un seul scan. Cela, sans compter avec les radiations sente une résonance magnétique différente de celle de la
encourues par le sujet, limite le nombre de scans que déoxyhémoglobine (l’hémoglobine qui a donné son oxy-
l’on peut faire sur un seul sujet dans une période de gène). Comme les régions les plus actives du cerveau
temps raisonnable. Dès lors, le travail réalisé par reçoivent plus de sang, ce sang donne donc plus d’oxy-
S. Ogawa dans les laboratoires Bell, montrant que les gène. L’IRMf détecte les changements d’activité qui
méthodes IRM peuvent être utilisées pour mesurer loca- interviennent localement dans le cerveau en mesurant le
lement les changements de concentration d’oxygène en rapport entre oxyhémoglobine et déoxyhémoglobine. Il
rapport avec la circulation cérébrale, constituèrent une en est résulté une méthode de choix pour l’imagerie céré-
avancée considérable. brale car les scans sont rapides (50 ms) et présentent une
L’IRMf est fondée sur le fait que l’oxyhémoglobine, résolution spatiale très bonne (3 mm3) et qui s’avère
c’est-à-dire la forme oxygénée de l’hémoglobine, pré- complètement non invasive.

mentant localement les flux sanguins porteurs de ces nutriments essentiels pour
les neurones. Ainsi, les changements de débit sanguin détectés par le TEP-scan
ou l’IRMf révèlent les régions du cerveau qui sont les plus actives dans des
­circonstances particulières et bien standardisées.
Les avantages fournis par ces méthodes ont ainsi permis aux scientifiques
de pénétrer pour la première fois les mystères du cerveau humain vivant, et cela
représente des moyens d’investigation formidables pour mieux comprendre
les bases des fonctions cérébrales et en particulier des processus cognitifs.
Néanmoins, comme vous pouvez l’imaginer, l’utilisation de ces méthodes néces-
site une parfaite connaissance de l’anatomie cérébrale et c’est la raison pour
laquelle nous la décrivons si longuement dans ce chapitre.

Quiz Avez-vous bien compris le sens de ces termes ?

système nerveux central (SNC) SNP viscéral


encéphale système nerveux autonome (SNA)
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moelle épinière afférent


hémisphères cérébraux efférent
cervelet nerf crânien
tronc cérébral méninges
nerf spinal dure-mère
racine dorsale membrane arachnoïdienne
racine ventrale pie-mère
système nerveux périphérique (SNP) liquide céphalorachidien (LCR)
ganglion de la racine dorsale système ventriculaire

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7 – Anatomie du système nerveux 189

Comprendre l’organisation
du SNC par son développement
Tout le système nerveux prend son origine dans les parois d’un tube rempli de
liquide, qui se forme lors d’une phase précoce du développement embryonnaire
ou tube neural. Le tube lui-même forme la base de ce qui deviendra le système
ventriculaire adulte. L’observation des transformations du tube neural au cours
de l’évolution fœtale permet d’expliquer l’organisation du cerveau et l’ajuste-
ment des différentes parties les unes par rapport aux autres. C’est pourquoi, en
abordant l’étude du développement il est possible de mieux comprendre l’orga-
nisation du cerveau. Le chapitre 23 reviendra sur ce sujet, pour montrer d’où
proviennent les neurones, comment ils s’acheminent vers leur destination finale
dans le SNC, et comment ils établissent entre eux les connexions synaptiques
appropriées.
Les anatomistes utilisent plusieurs termes, qu’il faut connaître, pour dési-
gner les ensembles de neurones et d’axones. Quelques-uns des éléments de cette
nomenclature sont donnés dans les tableaux 7.1 et 7.2.
L’anatomie peut paraître très rébarbative mais elle reprend de l’intérêt
lorsque c’est le rôle fonctionnel des différentes structures qui est examiné. Tous
les chapitres qui suivent sont ainsi consacrés à l’organisation fonctionnelle du
système nerveux mais certaines relations structure-fonctions sont déjà abordées
dans ce chapitre, pour montrer comment différentes parties du cerveau contri-
buent, individuellement et ensemble, au fonctionnement du SNC.

Tableau 7.1 – Quelques définitions : les ensembles de neurones.

Nom Description/Exemple
Substance grise Terme générique désignant une zone de corps cellulaires neuronaux, dans
le SNC. Lorsque l’on ouvre en deux un cerveau fraîchement disséqué, cette
région des neurones paraît grise
Cortex Ensemble de neurones qui forment une mince couche à la surface du cer-
veau. Cortex signifie « écorce » en latin. Exemple : le cortex cérébral repré-
sente les couches de neurones qui se trouvent juste sous la surface du
­cerveau
Noyau Une masse de neurones clairement individualisée, en profondeur dans le
cerveau (à ne pas confondre avec le noyau d’une cellule). 
Exemple : le corps
genouillé latéral, défini comme un noyau constitué d’un groupe de cellules
qui transmet l’information de l’œil au cortex cérébral
Substance Groupe de neurones reliés fonctionnellement entre eux dans les profondeurs
du cerveau, mais dont le contour est généralement moins bien délimité que
celui des noyaux. Exemple : la substantia nigra, en latin : substance noire ;
un groupe de cellules du tronc cérébral impliqué dans le contrôle du mou-
vement volontaire
Locus Petit groupe de cellules bien défini. Exemple : le locus coeruleus, en latin :
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tâche bleue ; un groupe de cellules du tronc cérébral impliqué dans le


contrôle de la vigilance et de l’éveil
Ganglion Ensemble de neurones du SNP. Ganglion, en grec : nœud. Exemple : les
ganglions de la racine dorsale contiennent les corps cellulaires des axones
sensoriels pénétrant dans la moelle épinière par les racines dorsales. Un
seul groupe de cellules porte ce nom dans le SNC, les ganglions de la base,
structures situées en profondeur, à l’intérieur du cerveau, qui contrôlent le
mouvement

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190 1 – Bases cellulaires

Tableau 7.2 – Quelques définitions : les ensembles d’axones.

Nom Description/Exemple
Nerf Groupe d’axones dans le SNP. Un seul ensemble d’axones du SNC porte
le nom d’un nerf : le nerf optique
Substance blanche Terme générique désignant un ensemble d’axones. Lorsqu’on ouvre en
deux un cerveau fraîchement disséqué, les régions occupées par les
axones paraissent blanches
Voie Ensemble d’axones du SNC dérivant du même site d’origine, ayant la
même destination. Exemple : la voie corticospinale, qui prend naissance
dans le cortex cérébral et se termine dans la moelle épinière
Faisceau Ensemble d’axones situés sur un même tracé mais qui n’ont pas néces-
sairement la même origine, ni la même destination. Exemple : le faisceau
médian du télencéphale, qui relie des cellules dispersées dans le cerveau
et le tronc cérébral
Capsule Ensemble d’axones reliant le cerveau antérieur au tronc cérébral.
Exemple : la capsule interne, qui fait communiquer le bulbe rachidien et
le cortex
Commissure Tout ensemble d’axones qui établit une communication entre les deux
côtés du cerveau
Lemnisque Un faisceau de fibres qui s’insinue dans le cerveau comme un ruban.
Exemple : le lemnisque médian, qui véhicule l’information du toucher, de
la moelle épinière au tronc cérébral

Formation du tube neural


Au début, l’embryon se présente sous la forme d’un disque plat, formé de
trois couches de cellules distinctes, l’endoderme, le mésoderme et l’ectoderme.
L’endoderme va donner naissance à la paroi de plusieurs organes internes (les
viscères) ; le mésoderme donne naissance aux os du squelette et aux muscles ; le
système nerveux et la peau dérivent entièrement de l’ectoderme.
Ce chapitre souligne les modifications qui surviennent dans la partie de l’ec-
toderme donnant naissance au système nerveux, dénommée plaque neurale. À
un stade précoce (c’est-à-dire environ 3 semaines chez l’homme), le cerveau n’est
qu’une simple couche aplatie de cellules (Fig. 7.10a). L’étape suivante se traduit
par la formation d’un sillon dans la plaque neurale, qui court de la partie rostrale
vers la partie caudale, le sillon neural (Fig. 7.10b). Les parois du sillon forment
la gouttière neurale. En se développant, les parois vont se réunir dans la partie
dorsale pour former le tube neural (Fig. 7.10c). Le système nerveux tout entier se
développe à partir des parois du tube neural. Lorsque les bords de la gouttière
neurale se rejoignent, il se trouve qu’une partie de l’ectoderme neural est repous-
sée à l’extérieur, juste latéralement par rapport au tube. Ce tissu formant un
cordon plus ou moins régulier de chaque côté du tube neural s’appelle la crête
neurale (Fig. 7.10d). Tous les neurones du système nerveux périphérique sont issus
de la crête neurale.
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Le développement de la crête neurale correspond étroitement au mésoderme


sous-jacent. À ce stade du développement, le mésoderme forme des bourgeon-
nements, de chaque côté du tube neural, appelés somites. À partir de ces somites
les 33 vertèbres de la colonne vertébrale vont se développer, ainsi que les muscles
squelettiques correspondants ; d’où leur nom de nerfs moteurs somatiques.
Le processus par lequel la plaque neurale devient le tube neural est dénommé
neurulation. La neurulation représente chez les humains un processus précoce du
développement embryonnaire, qui intervient seulement 22 jours après la concep-
tion. L’un des problèmes fréquents du développement de l’embryon est un défaut
de fermeture appropriée du tube neural à la naissance, mais des résultats récents
montrent cependant qu’une alimentation maternelle correcte pendant cette
période permet de réduire considérablement ce type de problème (Encadré 7.4).

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7 – Anatomie du système nerveux 191

Rostral

Caudal
Gouttière Tube Somites Crête Tube
Plaque Replis
Mésoderme neurale neural neurale neural
neurale
Ectoderme

(a) (b) (c) (d)


Endoderme

Figure 7.10 – Formation du tube neural et des crêtes neurales.


Ces schémas illustrent les premiers stades du développement du système nerveux chez l’embryon. Les schémas du haut représentent des vues
dorsales de l’embryon ; ceux du dessous sont des coupes transversales. (a) Le système nerveux le plus primitif est représenté par un mince feuillet
d’ectoderme. (b) La première phase importante du développement du système nerveux est représentée par la formation de la gouttière neurale. (c) Les
bords de la gouttière se rejoignent pour former le tube neural. (d) La partie de l’ectoderme qui se trouve présente dans le tube neural lors de sa forma-
tion représente la crête neurale, à partir de laquelle se développe le système nerveux périphérique. Les somites se différencient à partir du mésoderme
pour donner ensuite le système squelettique et les muscles.

Les trois vésicules primitives du cerveau


Le processus par lequel les structures deviennent plus élaborées et se spécia-
lisent au cours du développement s’appelle la différenciation. La première étape
de la différenciation du cerveau est le développement, à l’extrémité rostrale du
tube neural, de trois renflements reconnus comme les « vésicules primitives »
(Fig. 7.11). Tout le cerveau se forme à partir de ces trois vésicules primitives du
tube neural.

Rostral
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Prosencéphale
ou cerveau antérieur

Mésencéphale
ou cerveau médian

Rhombencéphale Figure 7.11 – Les trois vésicules primitives du cerveau.


ou cerveau postérieur La partie rostrale du tube neural se différencie pour former les trois
vésicules à l’origine de l’ensemble du système nerveux. Ce schéma
est une vue de dessus et les vésicules primitives sont représentées
Caudal en section, ce qui permet de visualiser l’intérieur du tube neural.

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192 1 – Bases cellulaires

Encadré 7.4 FOCUS

Nutrition et tube neural


La formation du tube neural est l’un des événements
majeurs du développement du système nerveux. Il inter-
vient très tôt, dès la troisième semaine après la concep-
tion, avant même le plus souvent que la mère sache
qu’elle est enceinte. Un défaut de fermeture du tube neu-
ral constitue un problème fréquent du développement
de l’embryon, intervenant environ dans 1 cas de nais-
sance pour 500. Des résultats récents, d’intérêt majeur
pour la santé publique, montrent que dans la plupart
des cas ce défaut de fermeture du tube neural est associé
à une carence en acide folique représentant une vitamine
dans l’alimentation maternelle, et cela dans les semaines
qui suivent immédiatement la conception. Il est ainsi
estimé qu’une supplémentation correcte des jeunes
mères en acide folique pendant cette période pourrait
réduire de 90 % les cas de mal-fermeture du tube neural.
La fermeture du tube neural constitue un processus
complexe (Fig. A). Il dépend d’une séquence d’événe-
ments extrêmement précise, affectant la forme de chaque
cellule dans les trois dimensions, et de changements qui
touchent les processus d’adhésion entre les cellules de la
plaque neurale. Le déroulement correct de la neurula-
tion peut également être coordonné avec des change-
ments concomitants intervenant dans l’ectoderme et
l’endoderme, qui ne sont pas des tissus nerveux. À
l’échelon moléculaire, la neurulation dépend de l’expres-
sion séquentielle de gènes spécifiques, contrôlée en
­partie au moins par la position et l’environnement de
chaque cellule. Il est incontestable que ce processus est
extrêmement sensible à l’environnement chimique et,
par conséquent, aux carences qui pourraient intervenir
dans la circulation maternelle.
La fusion des replis de la gouttière neurale pour for-
mer le tube neural intervient d’abord en son milieu, puis
antérieurement et postérieurement (Fig. B). Un défaut
de fermeture de la partie antérieure du tube neural est
dénommé anencéphalie. L’anencéphalie, caractérisée
par une dégénérescence du cerveau antérieur et du
crâne, est toujours fatale. Un défaut de fermeture du
tube neural dans sa partie caudale est à l’origine d’un
état dit de spina bifida. Dans ses formes les plus sévères,
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la spina bifida est caractérisée par un défaut de forma-


tion de la partie postérieure du tube neural à partir de la
plaque neurale (bifida est un mot latin qui signifie
« fendu à deux endroits »). Dans les formes plus légères, 0,180 mm
on trouve seulement des défauts de formation des Figure A – Photographies au microscope à balayage de différentes
méninges et des vertèbres de la partie la plus caudale du étapes de la neurulation.
tube neural. Cette situation n’est pas fatale en général, (Source : Smith et Schoenwolf, 1997.)
mais nécessite une lourde prise en charge des jeunes
enfants, qui est très coûteuse.

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7 – Anatomie du système nerveux 193

Encadré 7.4 FOCUS  (suite)

L’acide folique joue un rôle essentiel dans toute une


22 jours 23 jours série de voies métaboliques, incluant notamment la syn-
Rostral
thèse de l’ADN au moment où les cellules se divisent
pendant le développement. Bien que nous ne soyons pas
encore en mesure de savoir pourquoi une carence en
acide folique augmente l’incidence de ces défauts de
développement du tube neural, il est cependant plus
facile de comprendre comment cette vitamine peut
affecter la chorégraphie de la neurulation. Le terme de
folique est dérivé du mot latin qui signifie « feuille », en
Caudal
rapport avec le fait que l’acide folique a été initialement
(a) purifié à partir de feuilles d’épinard. Ainsi, au-delà de
ces légumes verts, l’acide folique se trouve également en
abondance dans le foie, la levure, les œufs, les haricots
ou encore les oranges. Beaucoup de céréales proposées
pour les petits déjeuners contiennent maintenant de
l’acide folique. Néanmoins, la consommation quoti-
dienne d’acide folique de l’Américain moyen n’est que
de la moitié environ de ce qui est recommandé pour
­prévenir les troubles du développement (0,4 mg/j). À
titre d’illustration, il est intéressant de noter que les
US Centers for Disease Control and Prevention recom-
mandent qu’une femme en voie de devenir enceinte
Normal Anencéphalie Spina bifida prenne des cocktails de vitamines contenant 0,4 mg
(b)
d’acide folique.
Figure B
(a) Fermeture du tube neural. (b) Principales malformations du tube neural.

La vésicule la plus rostrale constitue le prosencéphale, du grec pro : en avant et


enkephalon : cerveau. Le prosencéphale se trouve aussi dénommé cerveau anté-
rieur1.
Derrière le prosencéphale se trouve une autre vésicule appelée mésencéphale
ou cerveau médian. Dans la partie caudale, enfin, se trouve la troisième vésicule,
le rhombencéphale ou cerveau postérieur. Le rhombencéphale communique avec
le tube neural caudal, qui va donner naissance à la moelle épinière. Cerveau antérieur
Vésicules
télencéphaliques
Diencéphale
Différenciation du cerveau antérieur Vésicules
optiques
Des développements importants vont survenir dans le cerveau antérieur où
Mésencéphale
des vésicules secondaires bourgeonnent de chaque côté du prosencéphale. Ces
vésicules secondaires représentent les vésicules optiques et les vésicules télen- Cerveau postérieur
céphaliques. La structure qui demeure au milieu, après le bourgeonnement des
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vésicules secondaires, est le diencéphale ou « partie située entre les hémisphères »


(entre les cerveaux) (Fig. 7.12). À ce stade, le cerveau antérieur comprend les
deux vésicules optiques, les deux vésicules télencéphaliques et le diencéphale.
Figure 7.12 – Vésicules secondaires du cer-
Les vésicules optiques croissent et se replient vers l’intérieur pour former veau antérieur.
les pédoncules optiques et les coupelles optiques, qui deviendront plus tard les Le cerveau antérieur se différencie en une
nerfs optiques et les deux rétines (Fig. 7.13). Il est important de noter que la rétine paire de vésicules télencéphalique et optique,
située à l’arrière de l’œil et le nerf optique reliant l’œil au diencéphale, sont des et en un diencéphale. Les vésicules optiques
structures qui appartiennent au cerveau et non au SNP. deviendront les yeux.

1.  NdT : qui se divisera pour donner le télencéphale et le diencéphale.

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194 1 – Bases cellulaires

Coupe au niveau Différenciation du télencéphale et du diencéphale.  Les vésicules télencépha-


de la coupelle liques forment ensemble le télencéphale, qui comprend les deux hémisphères
optique
Pédoncule
cérébraux. Le développement du télencéphale se poursuit de quatre façons :
optique (1) les vésicules télencéphaliques s’agrandissent postérieurement, au-dessus et
sur les côtés du diencéphale (Fig. 7.14a) ; (2) une autre paire de vésicules bour-
geonne sur les surfaces ventrales des hémisphères cérébraux, donnant naissance
aux bulbes olfactifs et aux structures associées qui contribuent à l’olfaction
(Fig. 7.14b) ; (3) les cellules des parois du télencéphale se divisent et se différen-
cient en formant diverses structures ; (4) la substance blanche se développe, en
projetant des axones depuis et vers les neurones du télencéphale.
Coupe au niveau
des parois La manière dont les différentes parties du télencéphale et du diencéphale
du diencéphale se différencient et s’assemblent apparaît sur une coupe coronale du cerveau
antérieur primitif d’un mammifère (Fig. 7.15). Les deux hémisphères cérébraux
Figure 7.13 – Développement précoce des
sont situés au-dessus et de chaque côté du diencéphale, et les surfaces ventrales
yeux.
Les vésicules optiques se différencient en un
médianes des hémisphères ont fusionné avec les surfaces latérales du diencéphale
pédoncule et une coupelle optique. Le pédon- (Fig. 7.15a).
cule deviendra le nerf optique et la coupelle, Les cavités remplies de liquide situées dans les hémisphères cérébraux sont les
la rétine. ventricules latéraux, et l’espace situé au centre du diencéphale forme le troisième
ventricule (Fig. 7.15b). Les deux ventricules latéraux constituent un repère-clé
dans le cerveau adulte : la présence des ventricules latéraux sur une coupe du
cerveau indique que le tissu environnant fait partie du télencéphale. L’aspect de
fente allongée du troisième ventricule, tel qu’il apparaît sur une coupe transver-
sale, est aussi un repère utile pour identifier le diencéphale.
Sur la figure 7.15 les parois des vésicules télencéphaliques paraissent bour-
souflées, à cause de la prolifération des neurones. Ces neurones forment deux
territoires distincts du télencéphale : le cortex cérébral et le télencéphale basal.
De même, le diencéphale se différencie en deux structures : le thalamus et
­l’hypothalamus (Fig. 7.15c) ; le thalamus, dans la profondeur du cerveau posté-
rieur, tire son nom du grec thalamos : chambre intérieure.
Les axones des neurones du cerveau antérieur s’allongent, pour communi-
quer avec les autres parties du système nerveux. Ces axones regroupés consti-
tuent trois systèmes majeurs de substance blanche : la substance blanche cor-
ticale, le corps calleux et la capsule interne (Fig. 7.15d). La substance blanche
corticale contient tous les axones qui naissent des neurones du cortex cérébral ou
s’y projettent ; le corps calleux est en continuité avec la substance blanche corti-
cale et forme un pont axonal reliant les neurones corticaux des deux hémisphères
cérébraux ; la substance blanche corticale est aussi en continuité avec la capsule
interne, qui relie le cortex au tronc cérébral et plus particulièrement au thalamus.

Télencéphale Dorsal Hémisphères


(2 hémisphères cérébraux) cérébraux
Caudal
Rostral Rostral

Ventral
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Diencéphale
Mésencéphale
Cerveau
postérieur
Diencéphale
Bulbes
Caudal Coupelles optiques olfactifs
(a) Différenciation (b)

Figure 7.14 – Différenciation du télencéphale.
(a) Au cours du développement, les hémisphères cérébraux se développent postérieurement et latéralement, de telle sorte qu’ils enveloppent le
­diencéphale. (b) Les bulbes olfactifs émergent de la surface ventrale de chaque vésicule télencéphalique.

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7 – Anatomie du système nerveux 195

Télencéphale

Cortex cérébral

Thalamus

Hypothalamus
Diencéphale Télencéphale basal

(a) (c)

Ventricules latéraux Corps calleux

Substance
Troisième ventricule blanche corticale

Capsule interne

(b) (d)

Figure 7.15 – Caractéristiques structurales du cerveau antérieur.


(a) Coupe frontale (coronale) au niveau du cerveau antérieur primitif, montrant les deux sous-divisions principales : le télencéphale et le diencéphale.
(b) Ventricules du cerveau antérieur. (c) Substance grise du cerveau antérieur. (d) Principaux systèmes de substance blanche.

Relations structure-fonctions du cerveau antérieur  Le cerveau antérieur repré-


sente le siège de la perception, de la conscience, de la cognition ou encore du mou- Cortex
vement volontaire. Toutes ces facultés dépendent d’innombrables interconnexions cérébral
avec les neurones sensoriels et moteurs du tronc cérébral et de la moelle épinière.
La structure la plus importante du cerveau antérieur se trouve être, sans
conteste, le cortex cérébral. Il s’agit de la structure cérébrale qui s’est le plus
développée au cours de l’évolution de l’homme. Certains neurones du cortex
Thalamus
recevant les informations sensorielles, ils sont à l’origine de la perception du
monde extérieur et commandent le mouvement volontaire.
Les neurones des bulbes olfactifs détectent les odeurs des substances
chimiques par le nez et transmettent cette information dans une partie caudale
du cortex cérébral où elle sera traitée ultérieurement. L’information provenant
des yeux, des oreilles ou de la peau se trouve être aussi transmise au cortex
cérébral pour être analysée. Cependant, toutes les voies sensorielles associées à
la vision, l’ouïe, et la sensation somatique présentent un relais (sous forme de
synapses) dans le thalamus avant de rejoindre le cortex. De ce fait, le thalamus
représente l’un des passages prépondérant vers le cortex (Fig. 7.16). Œil Oreille Peau
Les axones des neurones thalamiques projetant vers le cortex empruntent la
capsule interne. Les neurones dont les axones sont présents dans chaque cap- Figure 7.16 – Thalamus : relais vers le cor-
sule interne transmettent au cortex l’information issue du côté controlatéral du tex.
corps. Ainsi, la blessure causée par l’enfoncement d’une punaise dans le pied Les systèmes sensoriels de l’œil, de l’oreille
ou de la peau, présentent un relais au niveau
droit sera transmise au cortex gauche par la partie gauche du thalamus, grâce aux
du thalamus avant d’atteindre le cortex céré-
axones de la capsule interne gauche. Mais comment le pied droit sait-il ce que fait
bral. Les flèches indiquent le sens du transfert
le pied gauche ? C’est l’un des rôles de la communication établie entre les deux de l’information.
hémisphères, impliquant les neurones du corps calleux.
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Les neurones corticaux projettent aussi leurs axones dans le sens inverse, vers
le tronc cérébral par exemple, à travers la capsule interne. Les axones corticaux se
projetant jusqu’à la moelle épinière forment le faisceau corticospinal. C’est l’une
des voies par lesquelles le cortex contrôle le mouvement. Un autre système neu-
ronal passe par les ganglions de la base, un ensemble de structures situées dans
le télencéphale ; le terme basal qualifie les structures profondément ancrées dans
le cerveau, tels que les ganglions de la base situés dans la profondeur du cerveau.
La fonction des ganglions de la base n’est pas encore très bien connue mais une
atteinte de ces structures supprime tout contrôle du mouvement volontaire. Il
existe aussi d’autres structures dans le télencéphale, qui contribuent à d’autres
fonctions cérébrales, telle que l’amygdale, structure impliquée dans la peur et
l’émotion, qui sera présentée plus loin dans le chapitre 18.

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196 1 – Bases cellulaires

Bien que l’hypothalamus soit situé juste sous le thalamus il est fonctionnel-
lement plus proche de certaines structures télencéphaliques, comme l’amygdale
que nous venons de voir. L’hypothalamus remplit de nombreuses fonctions
­primitives et n’a donc pas beaucoup évolué chez les mammifères, le terme de
« primitif » ne signifiant pas inintéressant ou sans importance. En fait, l’hypotha-
lamus contrôle le système nerveux (autonome) viscéral, qui régule les fonctions
du corps en réponse aux besoins de l’organisme. Par exemple, si une menace pèse
sur un individu, l’hypothalamus orchestre la réponse viscérale du corps, qui peut
conduire à adopter soit une attitude de combat, soit au contraire un compor-
tement de fuite. Parmi les ordres donnés au système nerveux autonome (SNA),
l’hypothalamus commande l’augmentation de la fréquence cardiaque, un apport
de sang plus important aux muscles en cas de fuite, y compris le fait que les
cheveux se dressent sur la tête. En revanche, après un bon repas l’hypothalamus
témoigne du bon approvisionnement du cerveau par les ordres donnés au SNA
qui augmente le péristaltisme (les contractions du tractus gastro-intestinal) et
oriente le flux sanguin vers l’appareil digestif. Chez les animaux, l’hypothalamus
joue aussi un rôle déterminant dans la motivation à se nourrir, boire, ou s’ac-
coupler, selon leurs besoins. En plus de la mise en jeu des connexions avec le
SNA, l’hypothalamus commande aussi certaines réponses comportementales au
moyen des connexions qu’il établit avec l’hypophyse située sous le diencéphale.
Cette glande très importante communique avec de nombreuses parties du corps,
en libérant des hormones dans la circulation sanguine.

Quiz Liste des structures dérivées du cerveau antérieur

Vésicule primitive Vésicule secondaire Structures adultes


Cerveau antérieur Vésicule optique Rétine
(prosencéphale) Nerf optique
Thalamus (diencéphale) Thalamus dorsal
Hypothalamus
Troisième ventricule
Télencéphale Bulbe olfactif
Cortex cérébral
Télencéphale basal
Corps calleux
Substance blanche corticale
Capsule interne

Différenciation du mésencéphale
Contrairement au cerveau antérieur, le mésencéphale se différencie relative-
ment peu pendant le développement (Fig. 7.17). La surface dorsale de la vésicule
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mésencéphalique va dériver en une structure appelée tectum (« toit » en latin).


Le plancher du mésencéphale se différencie pour former le tegmentum. L’espace
rempli de liquide entre ces deux structures se rétrécit en un canal étroit, l’aqueduc
cérébral. L’aqueduc est relié dans la partie rostrale au troisième ventricule du dien-
céphale. L’aspect étroit et circulaire de l’aqueduc cérébral tel qu’il apparaît sur les
coupes transversales est un bon repère pour l’identification du cerveau médian.
Relations structure-fonctions du mésencéphale.  Pour une structure si simple
d’apparence, les fonctions du mésencéphale sont étonnamment variées. Cette
région de l’encéphale contribue au passage des faisceaux de fibres très impor-
tants, qui relient le cortex cérébral à la moelle épinière et vice versa, mais elle
comporte aussi de nombreux neurones impliqués dans les systèmes sensoriels, le
contrôle du mouvement et plusieurs autres fonctions.

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7 – Anatomie du système nerveux 197

Cerveau
antérieur
Cerveau
médian
Cerveau
postérieur

Différenciation

Tectum

Aqueduc Figure 7.17 – Différenciation du cerveau médian.


cérébral
Le cerveau médian se différencie pour former le
tectum et le tegmentum. À ce niveau, le système
ventriculaire est représenté par l’aqueduc cérébral
Tegmentum
(les schémas ne sont pas à l’échelle).

Dans le mésencéphale, se trouvent des axones descendant du cortex cérébral


au tronc cérébral et à la moelle épinière. Par exemple, le faisceau corticospi-
nal passe à travers le mésencéphale pour rejoindre la moelle épinière, comme
nous l’avons mentionné plus haut. Une atteinte de ce faisceau d’un côté, dans
la région mésencéphalique, provoque la perte du contrôle volontaire du mouve-
ment du côté du corps opposé.
Le tectum se différencie quant à lui en deux structures : le colliculus supé-
rieur et le colliculus inférieur. Le colliculus supérieur reçoit directement des
informations de l’œil ; c’est pourquoi il est aussi dénommé tectum optique.
L’une des fonctions du tectum optique est de contrôler les mouvements des yeux
par l’intermédiaire de connexions synaptiques avec les neurones moteurs qui
innervent les muscles de l’œil. Certains des axones innervant les muscles de l’œil
proviennent du mésencéphale et s’assemblent en faisceau pour former les nerfs
crâniens III et IV.
Le colliculus inférieur reçoit une information sensorielle issue de l’oreille et
non de l’œil. Le colliculus inférieur représente un relais important de l’informa-
tion auditive dans sa progression vers le thalamus.
Le tegmentum mésencéphalique est l’une des zones les plus colorées du cer-
veau car elle contient à la fois la substantia nigra (NdT : substance noire ou locus
niger) et le noyau rouge. Ces deux groupes de cellules se trouvent impliqués dans
le contrôle du mouvement volontaire. D’autres groupes de cellules disséminées
dans le mésencéphale présentent des axones, qui se projettent de façon diffuse
dans une grande partie du SNC et agissent sur des fonctions très variées comme
la conscience, l’humeur, le plaisir, ou encore la régulation de la perception dou-
loureuse.

Différenciation du cerveau postérieur


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Le cerveau postérieur se différencie en trois structures importantes : le c­ ervelet,


le pont et le bulbe rachidien. Le cervelet et le pont naissent de la partie rostrale du
cerveau postérieur (le métencéphale) ; la partie bulbaire est dérivée de la région
caudale (le myélencéphale). À ce niveau, la partie centrale devient le quatrième
ventricule ; il se trouve en continuité avec l’aqueduc cérébral du mésencéphale.
Pendant la formation des trois vésicules primitives la partie rostrale du cer-
veau postérieur apparaît en coupe transversale comme un simple tube. Dans les
semaines qui suivent, le tissu tapissant la paroi dorsolatérale du tube neural se
développe dorsalement et médialement, jusqu’à ce qu’il fusionne avec la même
structure située de l’autre côté. L’ensemble ainsi formé correspond au cervelet.
Sur la paroi ventrale du tube se trouve un renflement formant le pont (Fig. 7.18).

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198 1 – Bases cellulaires

Cerveau
antérieur
Cerveau
médian
Cerveau
postérieur

Différenciation

Cervelet

Quatrième
Lèvres rhombencéphaliques ventricule

Pont

Figure 7.18 – Différenciation de la partie rostrale du cerveau postérieur.


La partie rostrale du cerveau postérieur se différencie pour former le pont et le cervelet. Le cervelet
est formé par le développement et la fusion des lèvres rhombencéphaliques. À ce niveau, le sys-
tème ventriculaire est représenté par le quatrième ventricule (les schémas ne sont pas à l’échelle).

Des changements moins spectaculaires surviennent lors de la différencia-


tion de la partie caudale du cerveau postérieur, qui devient le bulbe rachidien.
Les parois ventrales et latérales de cette zone se gonflent, laissant seulement au
niveau du toit une fine couche de cellules non neuronales (Fig. 7.19). Le long
de la surface ventrale de chaque côté du bulbe se trouve un des principaux sys-
tèmes de substance blanche : en coupe transversale, ces faisceaux d’axones ont
un aspect à peu près triangulaire, d’où leur nom de pyramides bulbaires.
Relations structure-fonctions du cerveau postérieur.  Comme le cerveau
médian, le cerveau postérieur constitue une voie importante de transfert de l’in-
formation depuis le cerveau antérieur jusqu’à la moelle épinière, et vice versa.
De plus, les neurones du cerveau postérieur contribuent au traitement de l’in-
formation sensorielle, au contrôle du mouvement volontaire et à la régulation de
l’activité du système nerveux autonome.
Le cervelet, « le petit cerveau », représente l’un des centres importants du
contrôle du mouvement. Il reçoit massivement des informations de la moelle
épinière et du pont. Les informations transitant par les afférences cérébelleuses
issues de la moelle épinière concernent la situation du corps dans l’espace. Celles
transitant par les afférences issues du pont retransmettent les ordres du cortex
cérébral pour adapter les mouvements à leurs objectifs. Le cervelet confronte
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ces différentes informations et calcule les séquences de contractions musculaires


nécessaires pour effectuer correctement ces mouvements. Une atteinte du cerve-
let se traduit par des mouvements désordonnés et inadaptés.
Parmi les axones descendant au travers du mésencéphale, plus de 90 % — sur
20 millions d’axones chez l’homme — forment des synapses sur les neurones du
pont. Les cellules pontiques retransmettent toute cette information au cervelet
sur le côté opposé. Le pont agit donc comme une sorte de « commutateur »
important, en reliant le cortex cérébral au cervelet.
Les axones ne se terminant pas dans le pont poursuivent leur route vers la
partie caudale du cerveau et pénètrent dans les pyramides bulbaires. Une grande
partie de ces axones prend son origine dans le cortex cérébral et fait partie du
faisceau corticospinal. Pour cette raison, ces axones sont reconnus comme

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7 – Anatomie du système nerveux 199

Cerveau
antérieur
Cerveau
médian
Cerveau
postérieur

Différenciation

Quatrième
ventricule

Bulbe

Pyramides
bulbaires

Figure 7.19 – Différenciation du cerveau postérieur caudal.


La partie caudale du cerveau postérieur se différencie pour former le bulbe. Les pyramides
­bulbaires représentent des faisceaux d’axones traversant cette région pour atteindre la moelle
­épinière. Le système ventriculaire est représenté par le quatrième ventricule (les schémas ne sont
pas à l’échelle).

appartenant au « faisceau pyramidal », terme utilisé comme synonyme de fais- Neurones


ceau corticospinal. Près de l’endroit où le bulbe rachidien rejoint la moelle épi- du cortex moteur
nière, chaque faisceau pyramidal traverse la ligne médiane, d’un côté à l’autre. Le
passage des axones d’un côté à l’autre s’appelle une décussation et, dans ce cas, la
décussation des pyramides. Le fait que les axones croisent la ligne médiane dans
la région du bulbe explique pourquoi le cortex d’une partie du cerveau contrôle
les mouvements de la partie opposée du corps (Fig. 7.20).
À côté des faisceaux de fibres qui la traversent, la région bulbaire contient
aussi des neurones remplissant directement de nombreuses fonctions sensorielles
et motrices. Par exemple, les axones des nerfs auditifs, qui véhiculent les infor-
Décussation Bulbe
mations reçues par les oreilles, forment des synapses sur les cellules des noyaux pyramidale
cochléaires de cette région. Les noyaux cochléaires projettent leurs axones à
destination de différentes structures, y compris le tectum mésencéphalique (le
colliculus inférieur mentionné plus haut). Une lésion des noyaux cochléaires a Moelle
pour conséquence la survenue d’une surdité. épinière

Quiz Liste
 des structures dérivées du mésencéphale
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et du cerveau postérieur
Figure 7.20 – Décussation des pyramides.
Le faisceau corticospinal croise d’un côté à
Vésicule primitive Structures adultes
l’autre, au niveau bulbaire.
Mésencéphale Tectum
Tegmentum mésencéphalique
Aqueduc cérébral
Cerveau postérieur (rhombencéphale) Cervelet
Pont
Quatrième ventricule
Bulbe

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200 1 – Bases cellulaires

D’autres fonctions sensorielles du bulbe sont associées au toucher et au goût.


Dans la région bulbaire se trouvent des neurones qui relaient l’information soma-
tique sensorielle, de la moelle épinière au thalamus. La destruction de ces cellules a
pour conséquence de provoquer une anesthésie (perte de sensation). D’autres neu-
rones retransmettent l’information gustative de la langue au thalamus ; et parmi
les neurones moteurs situés dans le bulbe, certaines cellules sont impliquées dans
le contrôle des muscles de la langue, au travers de la XIIe paire de nerfs crâniens.

Différenciation de la moelle épinière


Comme le montre la figure 7.21, la transformation du tube neural caudal
en moelle épinière se fait directement en comparaison de la différenciation du
cerveau. Tandis que les tissus recouvrent les parois, la lumière du tube se rétrécit
pour former le minuscule canal spinal.
En coupe transversale, la substance grise (l’endroit où se trouvent les neu-
rones) de la moelle épinière présente l’aspect d’un papillon. La partie supérieure
de l’aile du papillon forme la corne dorsale et la partie inférieure la corne ventrale.
La substance grise située entre les deux est dénommée la zone intermédiaire.
Tout le reste représente de la substance blanche, organisée en colonnes d’axones
regroupés en faisceaux qui montent et descendent le long de la moelle épinière.
Les faisceaux d’axones situés le long de la surface dorsale de la moelle consti-
tuent les colonnes dorsales ; les faisceaux d’axones situés latéralement de chaque
côté, le long de la substance grise spinale, les colonnes latérales ; et les faisceaux
situés sur la surface ventrale, les colonnes ventrales.
Relations structure-fonctions de la moelle épinière.  Il est établi que les cel-
lules de la corne dorsale reçoivent l’information sensorielle à partir des fibres
des racines dorsales. De même, les cellules de la corne ventrale projettent leurs
axones dans les racines ventrales, qui innervent les muscles ; et la zone inter-
médiaire contient des interneurones qui structurent les réponses motrices en
réponse aux informations sensorielles et aux ordres venus du cerveau.
Les colonnes dorsales contiennent des axones impliqués dans le transfert de
l’information sensorielle somatique (le toucher) le long de la moelle épinière, en
remontant vers le cerveau. Ces fibres forment une super-autoroute assurant la
transmission de l’information issue du même côté du corps jusqu’aux noyaux

Cerveau
antérieur
Cerveau
médian
Cerveau
postérieur

Différenciation
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Figure 7.21 – Différenciation de la moelle
épinière. Colonnes
La région en forme d’ailes de papillon de la de substance blanche
moelle épinière représente la substance grise,
sous-divisée en cornes dorsale et ventrale, Corne dorsale
et en une zone intermédiaire. Autour de la
substance grise se trouvent localisés les fais- Zone Substance
ceaux de fibres représentant les colonnes de intermédiaire grise
substance blanche qui parcourent la moelle
de bas en haut et de haut en bas, dans l’axe Corne ventrale
rostrocaudal. La région centrale remplie de
Canal
LCR représente le canal spinal (les schémas
spinal
ne sont pas à l’échelle).

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7 – Anatomie du système nerveux 201

de la région bulbaire, à grande vitesse. Les neurones post-synaptiques situés à


ce niveau de la moelle donnent naissance à des axones qui, après décussation,
remontent jusqu’au thalamus dans l’autre côté du corps. Ce croisement des
axones dans la région bulbaire explique pourquoi les sensations reçues du côté
gauche du corps sont perçues dans le côté droit du cerveau.
Les colonnes latérales contiennent les axones du faisceau corticospinal des-
cendant, qui traversent aussi la région bulbaire. Ces axones innervent les neu-
rones de la zone intermédiaire et de la corne ventrale de la moelle, et trans-
mettent les signaux contrôlant le mouvement volontaire.
Il existe au moins une demi-douzaine d’autres faisceaux transitant par les
colonnes situées de chaque côté de la moelle épinière. La plus grande partie de
ces faisceaux ne va que dans un sens et conduit l’information au cerveau ou à
partir du cerveau. La moelle épinière est donc la voie principale utilisée par l’in-
formation transmise par la peau, les articulations et les muscles au cerveau, et
vice versa. Mais la moelle épinière est aussi beaucoup plus : une première analyse
de l’information sensorielle y est déjà réalisée dans les neurones de la substance
grise, qui jouent ainsi un rôle critique dans la coordination des mouvements, et
orchestrent des réflexes simples (tel que le retrait du pied, si l’on marche sur une
punaise, pour reprendre l’exemple utilisé).

Mise en place et organisation des structures nerveuses


Après avoir décrit séparément les différentes parties du SNC représentées
par le télencéphale, le diencéphale, le mésencéphale, le cerveau postérieur et la
moelle épinière, il est nécessaire de les assembler les unes par rapport aux autres
pour avoir une vision globale de l’organisation du système nerveux.
La figure 7.22 représente une illustration très schématique de l’organisa-
tion de base du SNC chez tous les mammifères, y compris l’homme : les deux
hémisphères du télencéphale entourent les ventricules latéraux ; dorsalement
par rapport aux ventricules latéraux, le cortex cérébral recouvre la surface du
cerveau ; ventralement et latéralement par rapport aux ventricules latéraux, se
trouve le télencéphale basal ; les ventricules latéraux sont en continuité avec le
troisième ventricule du diencéphale ; le thalamus et l’hypothalamus entourent
ce ventricule ; dorsalement par rapport à l’aqueduc, se trouve le tectum ; ven-
tralement par rapport à l’aqueduc, se trouve le tegmentum mésencéphalique ;
l’aqueduc est relié au quatrième ventricule situé au cœur du cerveau postérieur ;
le cervelet forme une protubérance située dorsalement par rapport au quatrième
ventricule ; le pont et le bulbe sont situés ventralement par rapport au quatrième
ventricule.
Cette description résumée montre qu’en identifiant les différentes parties
du système ventriculaire, il est possible de reconnaître les différentes structures
du cerveau (Tab. 7.3). Le système ventriculaire constitue de ce fait un repère-clé
pour expliquer l’organisation si complexe du cerveau.

Tableau 7.3 – Système ventriculaire du cerveau.

Principales composantes Structures cérébrales en rapport


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Ventricules latéraux Cortex cérébral


Télencéphale basal
Troisième ventricule Thalamus
Hypothalamus
Aqueduc cérébral Tectum
Tegmentum mésencéphalique
Quatrième ventricule Cervelet
Pont
Bulbe

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202 1 – Bases cellulaires

Rostral Caudal Télencéphale Cortex


Mésencéphale basal
Thalamus
(cerveau médian) Cervelet
Moelle épinière
Tectum Moelle
épinière

Bulbe olfactif
Télencéphale Bulbe
Hypothalamus Pont
Diencéphale Rhombencéphale
(cerveau postérieur) Tegmentum
(thalamus)
(b)
Cerveau antérieur
(a)

Ventricule latéral
Aqueduc
cérébral
Canal spinal

Figure 7.22 – Organisation générale du cerveau.


(a) Organisation générale du cerveau des mammifères. (b) Principales
Troisième ventricule Quatrième ventricule
structures dans chaque région. Notez que le télencéphale est formé de
(c) deux hémisphères dont un seul est ici représenté. (c) Système ventriculaire.

Caractères spécifiques du cerveau humain


Le plan de base du SNC décrit jusqu’ici se retrouve chez tous les mammifères.
La figure 7.23 illustre une comparaison des cerveaux du rat et de l’homme.
Ces schémas simplifiés montrent qu’il existe un certain nombre de similitudes
évidentes, mais aussi des différences notoires.
En ce qui concerne les ressemblances : une vue dorsale de ces deux cerveaux
laisse apparaître les deux hémisphères du télencéphale (Fig. 7.23a) ; une vue
médiosagittale des deux cerveaux montre le télencéphale qui s’étend vers la par-
tie rostrale depuis le diencéphale (Fig. 7.23b). Le diencéphale entoure le troisième
ventricule, le mésencéphale entoure l’aqueduc cérébral et le cervelet, le pont et le
bulbe, entourent le quatrième ventricule. Il faut remarquer ici combien le pont est
proéminent sous le cervelet et combien le cervelet constitue une structure élaborée.
Quant aux différences structurales entre les deux cerveaux, la figure 7.23a
met en évidence l’une des plus importantes d’entre elles : les nombreuses cir-
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convolutions à la surface du cerveau humain. Chaque sillon se trouvant marqué


dans la surface du cerveau est un sulcus ; chaque bosse entre ces sillons, un gyrus.
Rappelons que la fine couche de neurones qui s’étend juste sous la surface du
cerveau constitue le cortex cérébral. Les sillons et les gyrus sont le résultat de la
formidable extension de la surface du cortex cérébral au cours du développe-
ment fœtal chez l’homme. Chez l’homme adulte, le cortex humain, avec une sur-
face d’environ 1 100 cm2, est replié et enroulé pour tenir dans l’espace du crâne.
Cet accroissement de la surface corticale est une des « déformations » du cerveau
humain. L’observation clinique et l’expérimentation ont révélé que le cortex chez
l’homme est le siège d’étonnantes facultés : le raisonnement et la cognition. En
l’absence de cortex cérébral, l’homme serait aveugle, sourd, muet, et incapable
de produire un mouvement volontaire.

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7 – Anatomie du système nerveux 203

Proportions
respectives

Rat Homme
Hémisphères
Hémisphères cérébraux
cérébraux
Cervelet

(a)

Troisième Aqueduc
ventricule cérébral
Télencéphale
Troisième Aqueduc
ventricule cérébral
Quatrième
Télencéphale Quatrième
ventricule
ventricule
Cervelet

Bulbe

Diencéphale
Diencéphale
Mésencéphale
Mésencéphale Pont Pont
(b)
Bulbe Cervelet

Bulbe olfactif
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(c)
Bulbe olfactif

Figure 7.23 – Comparaison du cerveau du rat et du cerveau humain.


(a) Vue dorsale. (b) Vue médiosagittale. (c) Vue latérale (les cerveaux ne sont pas représentés à la même échelle).

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204 1 – Bases cellulaires

Ventricules latéraux
Sillon central
Lobe pariétal
Lobe frontal

Troisième
ventricule

Quatrième
ventricule
Lobe occipital
Lobe temporal

Figure 7.24 – Lobes du cerveau. Figure 7.25 – Système ventriculaire du cerveau humain.


Bien qu’ils aient été déformés par le développement considérable de cer-
taines régions, l’organisation de base des ventricules reste la même que
celle illustrée à la figure 7.22c.

Sur la figure 7.23c, les vues de profil des cerveaux de l’homme et du rat


laissent apparaître d’autres différences, en particulier du cerveau antérieur.
Premièrement, il faut noter la petite taille du bulbe olfactif chez l’homme par
rapport au rat ; puis, de nouveau, l’importance de l’hémisphère cérébral chez
l’homme. Il faut noter encore combien l’hémisphère cérébral humain se recourbe
postérieurement, ventralement et antérieurement, formant un arc qui a l’aspect
d’une corne de bélier. L’extrémité de la « corne » se trouve située juste au-des-
sous de l’os temporal du crâne, donnant à cette partie du cerveau le nom de
lobe temporal (Fig. 7.24). Pour décrire le cerveau, celui-ci est aussi divisé en trois
autres lobes, par référence aux os du crâne : la partie du cerveau située juste
au-dessous de l’os frontal constitue le lobe frontal ; la profonde scissure cen-
trale (sillon central) marque le bord postérieur du lobe frontal et, dans la partie
caudale par rapport à cette scissure, se trouve le lobe pariétal au-dessous de l’os
pariétal ; enfin, tout à fait à l’arrière du cerveau, au-dessous de l’os occipital se
trouve le lobe occipital.
Il faut savoir qu’en dépit d’une croissance disproportionnée, le cerveau
humain respecte le schéma de base du cerveau des mammifères établi à une phase
précoce du développement. Les ventricules constituent toujours un repère-clé, et
bien que le système ventriculaire soit déformé, en particulier à cause de la crois-
sance des lobes temporaux, les relations entre le cerveau et les ventricules sont
conservées (Fig. 7.25).
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Organisation du cortex cérébral


Si l’on considère sa place prépondérante dans le cerveau humain, le cortex
cérébral mérite beaucoup d’attention. Ainsi, à plusieurs reprises dans les cha-
pitres suivants sera-t-il mentionné que les systèmes responsables des sensations,
des perceptions, du mouvement volontaire, de l’apprentissage, du langage et de
la cognition, convergent tous vers cet organe étonnant.

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7 – Anatomie du système nerveux 205

Différents types de cortex


Dans le cerveau de tous les animaux vertébrés le cortex cérébral présente
plusieurs traits en commun (Fig. 7.26). Premièrement, les corps cellulaires des
neurones corticaux sont toujours disposés en couches habituellement parallèles
à la surface du cerveau. Deuxièmement, la couche de neurones la plus proche
de la surface (c’est-à-dire la plus superficielle) est séparée de la pie-mère par une
zone dénuée de neurones ; il s’agit de la couche moléculaire ou plus simplement
couche I. Troisièmement, une couche de cellules au moins contient des cellules
pyramidales qui comportent de grandes dendrites, les dendrites apicales, se pro-
jetant sur la couche I où elles se divisent en branches multiples. Ainsi le cortex
cérébral présente-t-il une cytoarchitecture caractéristique qui le distingue, par
exemple, des noyaux du télencéphale basal ou du thalamus.
La figure 7.27 illustre une coupe frontale avec coloration de Nissl du télen-
céphale caudal d’un cerveau de rat. Sans être Cajal, il est aisé de distinguer diffé-
rents types de cortex d’après leur cytoarchitecture. Médialement par rapport aux
ventricules latéraux, se trouve une partie du cortex repliée sur elle-même, avec
une forme particulière : il s’agit de l’hippocampe, qui, malgré ses replis, n’est com-
posé que d’une seule couche de cellules (« hippocampe » du grec hippos : cheval,
et kampé : courbure). Une autre partie du cortex composée de deux couches de
cellules seulement est reliée à l’hippocampe ventralement et latéralement : c’est
le cortex olfactif, ainsi appelé parce qu’il est en continuité avec le bulbe olfactif
situé plus à l’avant. Le cortex olfactif est séparé par une scissure, la scissure
rhinale, d’un autre type de cortex plus élaboré, qui contient plusieurs couches
de cellules. Cette région s’appelle le néocortex. Contrairement à l’hippocampe et

Alligator Rat

Surface
de la pie-mère

Couche
moléculaire
Couche

II
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Dendrite
apicale III

Figure 7.26 – Organisation générale du cor-


Cellule IV tex cérébral.
pyramidale Le schéma de gauche représente le cortex
V d’un alligator ; celui de droite, le cortex d’un
rat. Dans les deux cas, le cortex se trouve
juste sous la pie-mère des hémisphères céré-
braux et présente une couche moléculaire
VI et des cellules pyramidales arrangées en
couches.

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206 1 – Bases cellulaires

Scissure rhinale

Bulbe olfactif

Néocortex
Ventricules
Hippocampe latéraux
Figure 7.27 – Trois types de cortex chez les
mammifères.
Sur cette coupe de cerveau de rat, les ventri-
cules latéraux s’étendent entre le néocortex
et l’hippocampe, de chaque côté. Les ventri-
cules ne sont pas très visibles car, à ce niveau,
ils sont allongés et étroits. Au-dessous du
télencéphale se trouve le tronc cérébral. Pou-
vez-vous identifier la région à laquelle appar- Tronc cérébral
tient le tronc cérébral, notamment en rapport Scissure
rhinale
avec la présence d’un espace central rempli
Cortex olfactif
de LCR ?

au cortex olfactif, le néocortex n’existe que chez les mammifères. C’est pourquoi,
lorsque l’on dit que le cortex s’est développé au cours de l’évolution de l’homme,
cela signifie en fait que c’est le néocortex qui s’est développé. De même, lorsque
l’on dit que le thalamus est le passage obligé vers le cortex, cela signifie que c’est
un relais vers le néocortex. En fait, les scientifiques (et c’est le cas des auteurs…
et du traducteur) sont si concernés par le néocortex, qu’ils utilisent le mot cortex
pour parler du néocortex, à moins de préciser de quelle partie du cortex il s’agit.
Le chapitre 8 décrit le cortex olfactif dans le contexte de l’olfaction. Une
présentation plus approfondie de l’hippocampe fera l’objet de la 3e partie de ce
manuel, en relation avec sa fonction dans le système limbique (chapitre 18) et
dans la mémoire et l’apprentissage (chapitres 24 et 25). Enfin, dans la 2e partie
de l’ouvrage, le néocortex occupe une place essentielle dans la discussion sur la
vision, l’ouïe, la sensation somatique et le contrôle du mouvement volontaire.

Différentes aires du néocortex


La cytoarchitecture permet de distinguer le cortex cérébral du télencéphale
basal et le néocortex du cortex olfactif, mais elle permet aussi de diviser le néocor-
tex en plusieurs aires. C’est ainsi qu’au début du vingtième siècle, le neuroana-
3 1 2 tomiste allemand Korbinian Brodmann a établi une carte cytoarchitectonique
du néocortex (Fig. 7.28), d’après la cytoarchitecture. Sur cette carte, chaque aire
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4 5 du cortex ayant la même cytoarchitecture est désignée par un numéro ; par


8 6 exemple « l’aire 17 » située à l’extrémité du lobe occipital ou « l’aire 4 »
7 juste en avant de la scissure centrale, dans le lobe frontal.
9 40 Brodmann, sans réussir à le prouver, avait eu l’intuition que des aires
19 corticales cytoarchitectoniquement différentes jouent des rôles diffé-
10 46 39 rents. Cela est maintenant prouvé : par exemple, l’aire 17 correspond
44 41 18
42 17 au cortex visuel car elle reçoit des signaux d’un noyau du thalamus
22
45
38 37
21
11

20 Figure 7.28 – Différentes aires corticales du cerveau humain, identifiées par


Brodmann sur la base de la cytoarchitecture.

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7 – Anatomie du système nerveux 207

relié à la rétine. En fait, l’homme serait aveugle sans l’existence de l’aire 17. De la


même façon, l’aire 4 correspond globalement au cortex moteur primaire car les
axones des neurones de cette zone se projettent directement jusqu’aux neurones
moteurs de la corne ventrale de la moelle épinière, qui commandent la contrac-
tion musculaire. Ainsi, les fonctions de ces deux aires sont-elles définies par leurs
relations avec d’autres structures.
Évolution du néocortex et relations structure-fonctions.  L’un des problèmes
qui a fasciné les neurobiologistes depuis Brodmann est de savoir comment s’est
modifié le néocortex au cours de l’évolution des mammifères. Le cerveau est un
tissu mou. Par conséquent, il n’existe pas de fossile nous permettant de savoir
comment était exactement le cerveau de nos ancêtres. Cependant, la comparai-
son des cortex des différentes espèces animales permet tout de même d’apprécier
quelques-unes des grandes lignes de cette évolution (voir Fig. 7.1). La surface
du cortex varie ainsi considérablement d’une espèce à l’autre ; par exemple, la
comparaison de la souris, du singe et de l’homme révèle des différences de taille
de l’ordre de 1 à 100 et de 100 à 1 000. Par ailleurs, il n’y a que peu de diffé-
rence dans l’épaisseur du néocortex chez ces différentes espèces de mammifères,
variant au maximum d’un facteur 2, seulement. Dès lors, il apparaît que c’est
la quantité de cortex qui a changé au cours de l’évolution mais pas tellement sa
structure de base, qui est restée la même.
Santiago Ramon y Cajal, évoqué dans le chapitre 2, a écrit en 1899 : « Alors
qu’il existe des différences remarquables dans l’organisation de certaines aires
corticales, ces différences ne sont pas telles qu’il ne soit pas possible de réduire
la structure corticale à un plan d’organisation général ». Un challenge qui a
préoccupé de nombreux chercheurs jusqu’à l’apparition de ce plan général.
Dans les derniers chapitres, nous l’avons vu les concepts actuels nous amènent
à penser que l’organisation cérébrale est basée sur l’assemblage d’unités fonc-
tionnelles constituant l’unité élémentaire de l’organisation corticale. Ces unités
fonctionnelles représentent un cylindre d’environ 2 mm de hauteur, soit la dis-
tance entre la substance blanche et la surface corticale, et de 0,5 mm de diamètre.
Ce cylindre est connu comme étant une « colonne corticale » et contient envi-
ron 10 000 neurones et 100 millions de synapses (soit approximativement 10 000
synapses par neurone). Comprendre comment ces neurones sont interconnec-
tés à l’intérieur d’une telle colonne corticale constitue un enjeu majeur pour
appréhender le fonctionnement cortical. C’est ce que l’on nomme le connectome
cortical. Ceci est nécessairement très complexe puisque les synases ne peuvent
être identifiées qu’à partir d’études en microscopie électronique, impliquant des
coupes de cortex d’environ seulement 50 nm d’épaisseur. Pour avoir une idée de
l’ampleur de cette problématique, imaginez le projet du prix Nobel d’Afrique
du Sud Sidney Brenner et de ses collaborateurs, qui les a conduits au labora-
toire de biologie moléculaire de l’Institut National pour la Recherche Médicale
de Mill Hill, à Londres. Brenner était convaincu que pour comprendre les bases
neuronales des comportements, il était nécessaire d’avoir une représentation du
système nerveux. Il a donc choisi un modèle simple : le ver plat Caenorhabditis
elegans (ou C. elegans), évidemment très éloigné du néocortex avec ses quelques
302 neurones et ses 7 000 synapses. En dépit de cette relative simplicité, son pro-
jet nommé « L’esprit du ver » (mind of the worm), a pris une bonne douzaine
d’années… Ce travail a été publié en 1986. Depuis, les progrès des technologies
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permettant la reconstruction des synapses et des différentes connexions ont faci-


lité ces approches en rendant automatiques, notamment, plusieurs étapes cru-
ciales utilisant aujourd’hui les technologies numériques (Encadré 7.5). Bien que
nous soyons encore très éloignés des objectifs fixés, de tels progrès nous laissent
imaginer la possibilité de rejoindre le rêve de Cajal, et pas seulement pour le
cortex mais peut-être pour l’ensemble du cerveau.
Brodmann a proposé que le cortex a subi un développement basé sur l’inser-
tion de territoires nouveaux. L’analyse détaillée du cortex de nombreuses espèces,
avec des évolutions différentes, nous permet de suggérer que le néocortex « pri-
mordial », tel qu’il existait chez un ancêtre commun, était formé principalement
par trois types de cortex susceptibles d’exister à des degrés différents chez toutes
les espèces vivantes. Le premier type de cortex est formé par les aires sensorielles

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208 1 – Bases cellulaires

Encadré 7.5 LES VOIES DE LA DÉCOUVERTE

Le connectome : à la recherche de l’organisation cérébrale


Par Sebastian Seung

Ma carrière est faite de zigs-zags ! plutôt qu’au travers d’un logiciel qui le com-
Lorsque je fus proche de terminer mon mande.
PhD en physique théorique, mon directeur Comme j’avais créé des algorithmes
de thèse m’a envoyé effectuer un séjour ­permettant à des neurones artificiels d’ap-
dans les laboratoires Bell dans le New prendre, j’ai développé des théories mathé-
Jersey, pour un travail d’été. Le laboratoire matiques du fonctionnement d’un circuit
Bell, bras armé en recherche et développe- neuronal particulier du tronc cérébral,
ment de la compagnie de télécommunica- dénommé « intégrateur oculomoteur ». J’ai
tion AT&T, a produit des prix Nobel pour poursuivi ce travail au Massachusetts
ses découvertes et de nombreuses innova- Institute of Technology, où je suis devenu
tions technologiques, dont les transistors. Sebastian Seung assistant-professeur. Je suis devenu profes-
Lors de mon séjour, j’étais supposé formu- seur en 2004, ce qui aurait du me rendre
ler quelques théories sur la supraconductivité. J’y ai ren- heureux. Paradoxalement, j’étais plutôt déprimé. Ma
contré Haim Sompolinsky, qui rentrait d’une année sab- théorie de l’intégration oculomotrice était intéressante
batique en Israel. Haim avait développé des modèles et même plausible si l’on en croit mon collègue David
mathématiques sur l’interaction des particules dans un Tank à Princeton, qui l’a testée. Mais d’autres propo-
champ magnétique et travaillait maintenant avec saient des théories alternatives, et il y avait ainsi une
enthousiasme sur les interactions entre neurones. Il était absence de consensus sur cette problématique. En fait,
complètement fasciné par les théories sur les réseaux ma théorie supposait l’existence de connexions récur-
neuronaux, et c’est ainsi que je l’ai suivi à Jérusalem rentes entre les différentes parties de l’intégrateur. Mais
pour effectuer mon post-doctorat. Nous avons dès lors après plus de dix ans, je n’étais toujours pas sûr que ces
appliqué les concepts de la physique statistique pour interconnexions existent !
tenter de comprendre ce qu’il se passait lorsque des neu- Lorsque je m’en ouvris à David, il m’a suggéré de
rones artificiels – c’est-à-dire des neurones modélisés – changer de problématique. Dans les années 1990 nous
«  apprenaient  », non pas graduellement mais au avions travaillé ensemble dans les laboratoires Bell avec
contraire soudainement. Lorsque je n’étais pas pris Winfried Denk, qui avait depuis rejoint l’Institut de
dans mes calculs innombrables, j’apprenais l’Hébreu ou recherche biomédicale du Max Planck à Heidelberg.
encore cuisinais de l’hummus. Winfried avait développé un ingénieux dispositif per-
Après deux années à Jérusalem, je suis retourné aux mettant d’obtenir une représentation d’une coupe de
laboratoires Bell où je fus rattaché au département de tissu nerveux et de réaliser successivement plusieurs
physique théorique  11111, en rapport avec la charte représentations à différents niveaux de ce tissu. En pro-
d’organisation de ce laboratoire. Est-ce à dire que nous gressant systématiquement, il était alors possible d’ob-
étions les meilleurs ? Certainement pas mais la pression tenir une représentation 3D de cette région du cerveau.
était bien là, non pas de produire de nouveaux prix Ce dispositif étant basé sur une analyse d’images en
Nobel, mais bien des applications rentables pour AT&T, microscopie électronique, sa résolution était suffisante
à tel point que l’on nous disait « Plus votre département pour envisager une représentation de toutes les synapses
comprend de 1, moins vous êtes utile »… et de tous les neurones présents dans l’échantillon ana-
Mais les laboratoires Bell sont un peu comme lysé (souvenez-vous que Cajal avec son microscope et la
Disneyland pour ce qui concerne la créativité, avec des méthode de coloration de Golgi ne pouvait voir qu’un
milliers de chercheurs travaillant sur une variété de sujets tout petit nombre de neurones et en aucun cas les
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absolument considérables. La plupart d’entre eux lais- synapses). En principe, il était donc possible de procéder
saient leur porte ouverte, de telle manière que les interac- à partir de ces images à la représentation de l’ensemble
tions étaient fréquentes et qu’à n’importe quel moment des connexions présentes dans le tissu nerveux analysé.
vous pouviez poser des questions à des spécialistes. Les Le recueil d’un nombre considérable de données
départements de physique expérimentale et de biologie était la partie la plus longue de notre analyse. Le dispo-
computationnelle étaient pionniers dans l’utilisation de sitif créé par Winfried nous donnait la possibilité de
l’IRM fonctionnelle et de la microscopie pour appréhen- ­travailler sur un échantillon d’environ 1 mm3, l’équiva-
der l’activité neuronale. A l’autre bout du bâtiment se lent de milliards d’images numérisées. La reconstruc-
trouvaient des informaticiens travaillant sur une machine tion manuelle aurait donc été impossible à envisager.
« à apprendre » : une sorte de dispositif conduisant l’or- J’ai donc décidé de m’attaquer à augmenter la vitesse
dinateur à apprendre à partir de sa propre expérience d’analyse des images en automatisant la procédure. En

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7 – Anatomie du système nerveux 209

Encadré 7.5 LES VOIES DE LA DÉCOUVERTE  (suite)

2006, j’ai débuté une collaboration avec le laboratoire neurones qui sont comme des câbles dans le cerveau
de Winfried pour combiner nos deux méthodes. (Fig. A).
L’automatisation de l’analyse s’avérait être une grande En 2014, Nature a publié la première représentation
amélioration, augmentant à la fois la vitesse de traite- d’un réseau dans la rétine. Cette découverte suggère une
ment des images et la précision des informations dans solution nouvelle à une question restée sans réponse
la reconstruction 3D des neurones. Toutefois, la depuis une cinquantaine d’années : comment les neurones
machine faisait encore quelques erreurs et ne pouvait de la rétine contribuent-ils à la détection des stimuli visuels
en tout état de cause pas remplacer totalement l’inter- en mouvement ? Plusieurs chercheurs ont alors lancé des
vention de l’homme. En 2008, nous avons créé un logi- expérimentations pour vérifier notre théorie. Seul le temps
ciel susceptible de reconstruire les circuits neuronaux. pourra nous dire si nous avons raison. Mais il est clair
Nous avons rejoint le projet « EyeWire » regroupant toutefois que cette technologie de reconstruction des
plus de 150 000 joueurs de plus de 100 pays depuis connexions cérébrales est à même de nous fournir de nou-
sa création en 2012 (http://blog.eyewire.org/about). velles clés pour mieux comprendre le fonctionnement
EyeWire analyse les images en utilisant un jeu qui res- cérébral. Je travaille maintenant au Princeton Neuroscience
semble à un livre à coloriser en 3D. Avec cette méthode, Institute, où je poursuis mes travaux vers ce rêve de recons-
nous avons contribué à reconstruire les branches de truire un jour le connectome d’un cerveau entier.

Figure A – Sept neurones d’une toute petite région de la rétine sont reconstruits avec leurs dendrites à partir d’images obte-
nues en microscopie électronique. Les neurites appartenant à chaque neurone sont colorés de façon différentielle. (Source :
courtoisie du Dr Sebastian Seung, Princeton University, et Kris Krug, Pop Tech.)

primaires, qui sont les premières à recevoir les informations à partir des voies
sensorielles. Par exemple, l’aire 17 correspond à l’aire visuelle primaire appelée
aussi V1 car elle reçoit les informations de l’œil par une voie directe, allant de
la rétine au cortex en passant par le thalamus. Le deuxième type de néocortex
est représenté par les aires sensorielles secondaires, ainsi désignées parce qu’elles
sont étroitement connectées aux aires sensorielles primaires. Le troisième type de
néocortex est représenté par les aires motrices qui, in fine, sont impliquées dans
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le contrôle du mouvement. Ces aires corticales reçoivent des informations des


noyaux thalamiques qui relaient l’information à partir du télencéphale basal et
du cervelet, et projettent en retour vers les neurones impliqués dans le contrôle
moteur à partir du tronc cérébral et de la moelle épinière. Par exemple, parce
que l’aire 4 projette directement vers les motoneurones de la corne ventrale de la
moelle épinière, cette aire est désignée comme cortex moteur primaire ou M1. Il
est ainsi suggéré que l’ancêtre commun des mammifères comportait environ une
vingtaine d’aires différentes appartenant à l’une ou l’autre de ces trois catégories.
La figure 7.29 illustre des vues de cerveau de rat, de chat et d’homme sur
lesquelles sont délimitées les aires primaires sensorielles et motrices. Il apparaît
clairement que le développement du cortex chez les mammifères correspond à
la partie comprise entre ces deux territoires. Les travaux montrent alors que ce

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210 1 – Bases cellulaires

Moteur Visuel
Somatosensoriel Sensorimoteur

Visuel
Sensorimoteur

Visuel

Bulbe olfactif
Auditif Bulbe olfactif
Auditif
Auditif

Homme Chat Rat

Figure 7.29 – Vue latérale du cortex cérébral de trois espèces.


Notez le développement des aires associatives, ni strictement motrices, ni strictement sensorielles, du cortex humain.

cortex « intermédiaire » reflète des extensions des territoires sensoriels secon-


daires impliqués dans l’analyse de l’information sensorielle. Par exemple, chez
les primates sub-humains, qui dépendent considérablement de la vision comme
les hommes, le nombre des aires visuelles secondaires a été estimé entre 20 et
40. Cependant, après avoir délimité les aires sensorielles et motrices primaires
ainsi que les territoires sensoriels secondaires, il reste encore de larges régions
corticales non directement concernées, notamment dans le lobe frontal et le lobe
temporal. Ces territoires restants représentent les aires associatives. Le cortex
associatif est de développement plus récent et notablement caractéristique du
cortex des primates. L’émergence de la conscience qui nous permet, à nous seuls
et de façon totalement unique, d’interpréter nos comportements et ceux des
autres en termes d’état mental, de désirs, d’intentions, de raisonnement, etc.,
est en rapport avec le développement de notre cortex frontal. C’est d’ailleurs ce
que nous verrons dans le chapitre 18, en montrant combien des lésions du cortex
frontal sont susceptibles d’affecter la personnalité.

Conclusion
La neuroanatomie est seulement effleurée dans ce chapitre. Il est évident que
le cerveau représente la matière la plus complexe de l’univers. Ce qui a été décrit
dans ce chapitre ne donne par conséquent qu’une vision schématique du système
nerveux et de quelques-uns de ses constituants.
Il est cependant indispensable de bien connaître la neuroanatomie pour
comprendre comment fonctionne le cerveau. Aujourd’hui cette neuroanato-
mie connaît un renouveau d’importance avec l’arrivée de méthodes permettant
d’aborder le cerveau vivant (Fig. 7.30).
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Figure 7.30 – IRM du cerveau des auteurs.

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7 – Anatomie du système nerveux 211

À la suite de ce chapitre se trouve en annexe un « Guide illustré de l’anatomie


du cerveau humain ». Vous pourrez dès lors utiliser ce guide comme un atlas pour
localiser avec précision toutes les structures que vous souhaiterez retrouver.
Dans la seconde partie de cet ouvrage, intitulée « Systèmes sensoriel et
moteur », l’anatomie sera maintenant présentée de manière plus vivante, abor-
dant le rôle du cerveau dans l’odorat, la vision, l’ouïe, le toucher et le mouvement.

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Les ganglions des racines dorsales appartiennent-ils au système ner-


veux central ou périphérique ?
2. La gaine de myéline des axones du nerf optique provient-elle des
­cellules de Schwann ou des oligodendrocytes ? Pourquoi ?
3. Un neurochirurgien est prêt à enlever une tumeur profondément
­ancrée dans le cerveau. La partie supérieure du crâne a été enlevée.
Que peut voir le chirurgien ? Quelle(s) couche(s) faut-il sectionner
pour atteindre le liquide céphalorachidien ?
4. Que deviennent les tissus dérivés du tube neural embryonnaire ? De la
crête neurale ?
5. Quelles sont les trois parties principales du cerveau postérieur ?
Quelles sont celles qui font aussi partie du tronc cérébral ?
6. D’où vient le LCR ? Quelle voie suit-il avant d’être absorbé dans le flux
sanguin ? Nommer les parties du système nerveux de son itinéraire
entre le cerveau et le sang.
7. Quels sont les trois traits caractéristiques de la structure du cortex
cérébral ?

POUR EN SAVOIR PLUS

Creslin E. Development of the nervous system: a logical approach to


neuroanatomy. CIBA Clinical Symposium 1974 ; 26 : 1-32.
Johnson KA, Becker JA. The whole brain atlas. http://www.med.harvard.
edu/AANLIB/home.html
Krubitzer L. The organization of neocortex in mammals: are species real-
ly so different? Trends in Neurosciences 1995 ; 18 : 408-18.
Nauta 
W, Feirtag  M. Fundamental Neuroanatomy. New York 
:
W. H. Freeman, 1986.
Seung S. Connectome: How the brain’s wiring makes us who we are?
Boston : Houghton Mifflin Hartcourt, 2012.
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Watson C. Basic Human Neuroanatomy: An Introductory Atlas, 5th ed.


New York : Little, Brown, 1995.

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ANNEXE
GUIDE ILLUSTRÉ DE L’ANATOMIE
DU CERVEAU HUMAIN
ANATOMIE GÉNÉRALE
DU CERVEAU
Aspect externe du cerveau (vue latérale)
(a) Organisation générale
(b) Sillons, scissures et gyrus
(c) Lobes cérébraux et cortex insulaire
(d) Principales aires sensorielles, motrices et associatives du cortex
Aspect interhémisphérique (vue médiane)
(a) Structures du tronc cérébral
(b) Structures du cerveau antérieur
(c) Ventricules
Aspect ventral du cerveau (vue ventrale)
Aspect du cerveau vu de dessus (vue dorsale)
(a) Hémisphères cérébraux
(b) Après avoir retiré les hémisphères cérébraux
(c) Après avoir retiré les hémisphères cérébraux et le cervelet
ANATOMIE DU CERVEAU
EN COUPES CORONALES
(FRONTALES)
Section 1 : cerveau antérieur à la jonction entre thalamus et télencéphale
(a) Organisation générale
(b) Principales structures et faisceaux nerveux
Section 2 : cerveau antérieur au niveau du thalamus moyen
(a) Organisation générale
(b) Principales structures et faisceaux nerveux
Section 3 : cerveau antérieur à la jonction entre thalamus et mésencéphale
(a) Organisation générale
(b) Principales structures et faisceaux nerveux
Section 4 : mésencéphale rostral
Section 5 : mésencéphale caudal
Section 6 : pont et cervelet
Section 7 : partie antérieure du tronc cérébral
Section 8 : partie centrale du tronc cérébral
Section 9 : jonction tronc cérébral-moelle épinière
ANATOMIE DE LA
MOELLE ÉPINIÈRE
Surface dorsale de la moelle épinière et nerfs spinaux
Surface ventrolatérale
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Présentation en coupe coronale (frontale)


SYSTÈME NERVEUX AUTONOME

NERFS CRÂNIENS

CIRCULATION CÉRÉBRALE
Vue ventrale
Vue latérale
Vue médiale (sans le tronc cérébral)
QUESTIONNAIRE
D’AUTO-ÉVALUATION

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INTRODUCTION

C
omme nous le constaterons dans la suite de cet ouvrage, l’une des façons
les plus efficaces d’explorer l’anatomie du système nerveux est de la
considérer sous l’angle fonctionnel. Ainsi, le système olfactif est repré-
senté par les différentes régions cérébrales qui sont impliquées dans l’olfaction,
le système visuel par toutes les régions impliquées dans la vision, et ainsi de
suite. Cette façon d’analyser l’organisation du système nerveux présente de nom-
breux avantages ; toutefois, elle a pour inconvénient de s’opposer à une vision
plus globale du système nerveux, en d’autres termes de ne pas nous permettre
d’apprécier comment tous ces systèmes fonctionnent ensemble pour réaliser les
comportements. L’objectif de ce guide est de présenter l’anatomie des structures
dont nous parlerons dans les chapitres qui suivent. Ici nous nous concentrerons
plus spécifiquement sur les termes anatomiques, notamment la dénomination
des structures nerveuses et des différentes parties du cerveau. Nous verrons aussi
combien toutes ces structures sont reliées entre elles pour former un ensemble,
le cerveau, leur implication fonctionnelle étant décrite dans la suite de l’ouvrage.
Le guide est organisé en six parties principales. La première partie est consa-
crée à l’anatomie générale du cerveau, en particulier aux différentes subdivisions
qui apparaissent déjà lorsque l’on examine macroscopiquement le cerveau entier
ou simplement séparé en deux parties selon la ligne médiane inter-hémisphérique
(plan sagittal médian). Puis nous explorerons l’anatomie du cerveau en décrivant
des coupes anatomiques réalisées dans le plan coronal (frontal) à des niveaux
choisis présentant les principales structures du système nerveux. Les parties 3
et 4 décrivent de façon plus succincte l’organisation de la moelle épinière et du
système nerveux autonome. La cinquième partie du guide est consacrée aux
nerfs crâniens et à leurs fonctions et la dernière partie décrit la vascularisation
cérébrale.
Le système nerveux présente un nombre considérable de structures. Dans
ce guide, nous n’avons pas de prétention exhaustive mais nous voulons plutôt
mettre l’accent sur les régions dont nous discuterons la fonction dans la suite de
l’ouvrage. Néanmoins, rien que pour cela, un nombre très important de struc-
tures nerveuses sera décrit, ce qui suppose d’acquérir un vocabulaire en rapport
avec cette anatomie. Pour vous aider, vous pourrez alors tester vos connaissances
en répondant au questionnaire d’auto-évaluation présenté en fin de chapitre.
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214 1 – Bases cellulaires

Anatomie générale du cerveau


Imaginez un instant que vous tenez dans la main un cerveau humain, qui
vient d’être extrait du crâne. Ce cerveau est humide et spongieux et son poids
est d’environ 1,4 kg. Si vous observez la surface dorsale, vous constaterez que
le cerveau présente de nombreuses circonvolutions. Si vous le retournez, vous
observerez la surface ventrale du cerveau, qui se trouve normalement posée à
la base du crâne. Vu de côté maintenant, en vue latérale le cerveau émerge du
tronc cérébral comme d’une tige. Le tronc cérébral est beaucoup mieux observé
si maintenant vous séparez complètement le cerveau en deux parties égales selon
un plan médiosagittal, c’est-à-dire selon un plan inter-hémisphérique. Dans la
partie du guide qui suit, nous présenterons les principales structures qui appa-
raissent lorsque l’on examine effectivement le cerveau de cette manière. Notez
qu’un agrandissement de 1 X correspond à la taille normale, 2 X correspond à
un agrandissement de deux, 0,6 X est une réduction de 60 % de la taille normale,
et ainsi de suite.

Vue dorsale Antérieur Vue ventrale Antérieur

Postérieur Postérieur

(0,5X) (0,5X)

Vue latérale Vue médiane


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Antérieur Postérieur (0,5X) Antérieur Postérieur (0,5X)

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 215

Aspect externe du cerveau (vue latérale)


(a) Organisation générale. Ce schéma présente un cerveau de taille réelle
(1 X). Son observation montre les trois parties principales : les énormes hémis-
phères cérébraux dont on voit ici l’un des deux, le tronc cérébral, qui forme une
sorte de tige au cerveau, et le cervelet, qui paraît quant à lui très ridé. On peut
également observer le bulbe olfactif, de taille très limitée.

Hémisphère cérébral

Bulbe olfactif

Cervelet
Tronc cérébral
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(1X)

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216 1 – Bases cellulaires

(b) Sillons, scissures et gyrus. Les hémisphères cérébraux se caractérisent par


les nombreuses circonvolutions présentes à leur surface. Chacune des parties
apparaissant comme une « bosse » est dénommée gyrus. Les gyri sont séparés
par des sillons qui, lorsqu’ils sont très importants, sont dénommés scissures. Les
limites précises de ces différents gyri et sillons varient considérablement d’un
individu à l’autre mais l’organisation générale reste la même pour l’ensemble des
cerveaux humains. Les éléments les plus remarquables sont notés sur le schéma.
Le gyrus post-central1 s’étend dans la partie immédiatement adjacente et posté-
rieure au sillon central ; le gyrus précentral occupe une position similaire mais du
côté antérieur par rapport au sillon central. Les neurones du gyrus post-central
sont impliqués dans les perceptions somatosensorielles (par exemple le toucher,
voir chapitre 12) et ceux du gyrus précentral dans le contrôle du mouvement
volontaire (voir chapitre 14). Les neurones du gyrus temporal supérieur sont
impliqués quant à eux dans le traitement des informations auditives (audition,
voir chapitre 11).

Sillon central

Gyrus précentral Gyrus post-central

Gyrus temporal supérieur


Scissure de Sylvius

(0,5X)
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1.  NdT : ce qui est nommé ici sillon central correspond à la scissure centrale, encore
dénommée scissure de Rolando. De ce fait, les gyri post-central et précentral corres-
pondent à ce que l’on nomme aussi, respectivement, gyrus post-rolandique et prérolan-
dique. Corrélativement, la scissure de Sylvius présentée ci-après, est encore nommée
­scissure latérale.

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 217

(c) Lobes cérébraux et cortex insulaire. Par convention, les hémisphères céré-
braux sont subdivisés en lobes, désignés par rapport aux os du crâne qui les
recouvrent. Le sillon central sépare quant à lui le lobe frontal du lobe pariétal.
Le lobe temporal s’étend dans le territoire situé au-dessous et latéralement par
rapport à la scissure de Sylvius. Le lobe occipital représente la partie postérieure
du cerveau, limité dans sa partie supérieure par le lobe pariétal et dans sa partie
inférieure par le lobe temporal. Une partie du cortex est située à l’intérieur des
replis de la scissure de Sylvius. Ce cortex « caché » est dénommé cortex insulaire
ou insula (du latin : « île »). Le cortex insulaire est situé entre le lobe temporal
et le lobe frontal.

Lobe pariétal

Lobe frontal

Lobe occipital

Lobe temporal (0,6X)

Cortex insulaire

(d) Principales aires sensorielles, motrices et associatives du cortex. Le cortex


cérébral est organisé comme un patchwork. Les différentes aires, initialement
identifiées par Brodmann, diffèrent les unes des autres au plan cytoarchitecto-
nique. Les aires visuelles 17, 18 et 19 (voir chapitre 10) sont situées dans le lobe
occipital, les aires somatosensorielles 3, 1 et 2 (voir chapitre 12) sont localisées
dans le lobe pariétal et les aires auditives 41 et 42 (voir chapitre 11), dans le lobe
temporal. Enfouie dans l’insula, se trouve l’aire gustative 43 (voir chapitre 8),
dans la région inférieure du lobe pariétal (dans une zone dénommée opercu-
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lum). Cette région est en rapport avec le traitement des informations relatives


au goût.
En plus d’analyser les informations sensorielles, le cortex joue un rôle impor-
tant dans le contrôle du mouvement volontaire. Les aires impliquées dans le
contrôle du mouvement volontaire sont situées dans le lobe frontal, en avant
du sillon central. Elles représentent principalement le cortex moteur primaire
(aire 4), l’aire motrice supplémentaire et l’aire prémotrice (voir chapitre 14).
Enfin, dans le cerveau humain particulièrement, le cortex ne se limite pas à ces
deux fonctions, sensorielle et motrice. De larges territoires représentent les aires
associatives du cortex, que l’on trouve principalement dans le cortex préfrontal
(voir chapitres 21 et 24), dans le cortex pariétal postérieur (voir chapitres 12, 21
et 24) et le cortex inférotemporal (voir chapitres 24 et 25).

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218 1 – Bases cellulaires

3 1 2

4 5

8 6
7
9 40

10 46 39 19
41
42 17
18
22 37
45
21
11
38 (0,4X)

20

Carte cytoarchitectonique des aires corticales de Brodmann

Cortex moteur primaire


(aire 4)
Cortex somatosensoriel
Aire motrice supplémentaire
(aires 3, 1, 2)
(aire 6) Cortex pariétal postérieur
(aires 5, 7)
Aire prémotrice
(aire 6)

Cortex visuel
(aires 17, 18, 19)

(0,7X)

Cortex préfrontal

Cortex inférotemporal
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(aires 20, 21, 37)


Cortex auditif
(aires 41, 42)
Aires motrices

Aires sensorielles
Aires associatives

Cortex gustatif
(aire 43)

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 219

Aspect interhémisphérique (vue médiane)


(a) Structures du tronc cérébral. En séparant le cerveau par le milieu (NdT :
selon une ligne passant par la scissure dite interhémisphérique), il est possible
d’observer les structures médianes, telles qu’elles apparaissent sur ce schéma
à taille réelle. Cette vue montre les structures visibles sur la coupe médiosagit-
tale du tronc cérébral, qui est ainsi séparé en deux parties par le plan de coupe.
Apparaissent sur cette coupe les structures du diencéphale telles que le thalamus
et l’hypothalamus, celles du mésencéphale comme le tectum et le tegmentum
mésencéphalique, ainsi que le pont et le bulbe. Les anatomistes définissent géné-
ralement le tronc cérébral comme formé du mésencéphale, du pont et du bulbe.

Thalamus

Glande pinéale

Hypothalamus

Tegmentum

Mésencéphale Tectum Cervelet

Pont

Bulbe
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(1X)

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220 1 – Bases cellulaires

(b) Structures du cerveau antérieur. Sur le schéma sont représentées les prin-
cipales structures du cerveau antérieur observables à partir de la face interne,
après avoir séparé les deux hémisphères. La section permet de distinguer le corps
calleux, un énorme faisceau de fibres nerveuses qui relie normalement les deux
hémisphères. Particularité intéressante, lorsque le corps calleux est sectionné
chirurgicalement pour des raisons médicales, cela donne la possibilité aux neu-
ropsychologues d’étudier séparément les fonctions des deux hémisphères (voir
chapitre 20). Le fornix représente un autre faisceau de fibres important, qui
connecte l’hippocampe à l’hypothalamus. Le terme fornix vient du mot latin
signifiant « arche ». Une partie des axones du fornix contribue aux régulations
des processus mnésiques (voir chapitre 24).
Le schéma de la partie basse figure le cerveau en position légèrement pivo-
tée vers le haut pour montrer l’emplacement de l’amygdale et de l’hippocampe.
Cette représentation n’est pas compatible avec leur observation directe car elles
sont enfouies dans le cerveau. Elles sont donc représentées sous forme de « fan-
tômes » puisqu’elles sont recouvertes par le cortex. Nous découvrirons ces struc-
tures plus directement dans les prochaines planches de ce guide. L’amygdale est
une structure nerveuse importante pour la régulation des
états émotionnels (voir chapitre 18) et l’hippocampe
pour la mémorisation (voir chapitres 24 et 25).
Gyrus cingulaire

Fornix

Bulbe olfactif

Scissure
Chiasma optique calcarine

Section du corps calleux

(0,7X)
Copyright © 2016. John Libbey Eurotext. All rights reserved.

Amygdale
(recouverte par le cortex)
(0,7X)

Hippocampe Tronc cérébral et cervelet retirés


(recouvert par le cortex) et cerveau en position légèrement pivotée

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 221

(c) Ventricules. L’observation du cerveau par sa face médiane donne l’oppor-


tunité de localiser les principales parties du système ventriculaire : le troisième
ventricule, l’aqueduc cérébral et le quatrième ventricule, qui constituent d’excel-
lents points de repère puisque le thalamus et l’hypothalamus sont positionnés
au niveau du troisième ventricule, le mésencéphale, au niveau de l’aqueduc, et le
pont, le cervelet et le bulbe, au niveau du quatrième ventricule. Quant à la moelle
épinière, elle constitue les parois du canal spinal. Les ventricules latéraux repré-
sentent des structures paires émergeant, à la façon des bois d’un cerf, du troi-
sième ventricule. Le schéma du bas montre les contours « fantômes » du ventri-
cule latéral gauche, situé sous le cortex. Vous noterez plus loin, sur des coupes
coronales passant par le thalamus, combien sont importantes les « cornes » de
ces ventricules latéraux, dans les deux hémisphères.

Troisième ventricule

Aqueduc cérébral

Quatrième ventricule
(0,7X)
Canal spinal
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(0,7X)
Ventricule latéral
(recouvert par le cortex)
Tronc cérébral et cervelet retirés
et cerveau en position légèrement pivotée

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222 1 – Bases cellulaires

Aspect ventral du cerveau (vue ventrale)


La face ventrale du cerveau présente plusieurs caractéristiques. En particu-
lier, de nombreux nerfs émergent du tronc cérébral ; ces nerfs sont nommés nerfs
crâniens et seront décrits plus spécifiquement dans une autre partie de ce guide.
Notez aussi la forme particulière en X du chiasma optique, juste en avant de
l’hypothalamus. Le chiasma est formé de nombreux axones de chacun des nerfs
optiques (qui apparaissent de chaque côté en avant du chiasma) provenant de
chaque œil et qui croisent la ligne médiane pour innerver l’hémisphère céré-
bral controlatéral (voir chapitre 10). Dans la partie postérieure au chiasma, les
fibres forment le tractus optique. Les corps mamillaires (du latin « mamelles »)
représentent des structures proéminentes de la partie ventrale du cerveau. Ces
structures hypothalamiques font partie des circuits de la mémorisation (voir
chapitre 24) et sont les cibles du fornix. Notez aussi les bulbes olfactifs (voir
chapitre 8), ainsi que le mésencéphale, le pont et le bulbe.

Bulbe olfactif

Chiasma optique

Tractus optique

Nerf optique

Hypothalamus

Corps
mamillaires

Mésencéphale

Nerfs crâniens
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Pont

Bulbe (1X)

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 223

Aspect du cerveau vu de dessus (vue dorsale)


(a) Hémisphères cérébraux. La vue supérieure du cerveau est dominée par
les hémisphères cérébraux. Notez ici qu’il s’agit de structures « paires », connec-
tées par les axones du corps calleux (voir chapitre 20) qui est visible lorsque l’on
rétracte un peu les hémisphères (schéma du haut) ; le corps calleux étant mieux
visible sur le schéma correspondant à la vue médiane du cerveau.

Corps calleux

Hémisphère gauche Hémisphère droit

Sillon central
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Sillon cérébral longitudinal


(1X)

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224 1 – Bases cellulaires

(b) Après avoir retiré les hémisphères cérébraux. Dans ce cas, c’est le cerve-
let qui apparaît de façon prédominante, notamment si l’on bascule un peu le
cerveau vers l’avant. Le cervelet est une structure essentielle de la coordination
motrice (voir chapitre 14). Il est lui-même divisé en deux hémisphères latéraux et
en une région médiane, dénommée vermis cérébelleux.

Vermis

Hémisphère Hémisphère
cerebelleux gauche cerebelleux droit

(0,95X)

Moelle épinière
(c) Après avoir retiré les hémisphères cérébraux et le cervelet. Cette interven-
tion permet d’observer la partie supérieure du tronc cérébral. Sur le schéma,
ont été reportées à gauche les principales parties du tronc cérébral, alors que
des structures plus spécifiques sont mentionnées à droite. La glande pinéale, qui
se trouve au-dessus du thalamus, sécrète la mélatonine et est impliquée dans la
régulation des états de sommeil et les comportements sexuels (voir chapitres 17
et 19). Le colliculus supérieur reçoit directement des informations visuelles (voir
chapitre 10) et se trouve impliqué dans la régulation des mouvements des yeux
(voir chapitre 14). Le colliculus inférieur représente une structure importante
du système auditif (voir chapitre 11). Les pédoncules cérébelleux sont de larges
faisceaux d’axones qui connectent le cervelet au tronc cérébral (voir chapitre 14).

Thalamus Glande pinéale

Colliculus supérieur
Mésencéphale
Colliculus inférieur

Pont
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Section des pédoncules cérébelleux

Plancher du quatrième ventricule

(1X)

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 225

Anatomie du cerveau en coupes


coronales (frontales)
Comprendre le cerveau ne suppose pas seulement une analyse détaillée de
son aspect extérieur. Cela nécessite de savoir comment est organisé l’intérieur, et
la réalisation de coupes sériées permet effectivement de mieux approcher sa com-
plexité. Les coupes peuvent être réalisées grossièrement au couteau ou à l’aide
d’appareils permettant de réaliser des coupes fines et d’épaisseur très repro-
ductible (microtomes) ou encore, de façon très sophistiquée, par les techniques
d’imagerie non invasive de type scanner ou IRM. Quelle que soit l’approche
ainsi utilisée, pour apprendre l’anatomie rien ne vaut l’étude des coupes sériées
du cerveau, notamment de celles réalisées selon un axe perpendiculaire à l’axe
défini par le tube neural embryonnaire ou neuraxe. Le neuraxe se courbe avec le
développement du fœtus, en particulier à la jonction entre thalamus et mésen-
céphale. De ce fait, le meilleur plan de coupe dépend objectivement du niveau du
névraxe que l’on souhaite étudier.
Dans cette partie du guide anatomique, nous allons décrire une série de
ces coupes, montrant successivement la structure interne du cerveau antérieur
(­sections  1-3), du mésencéphale (sections 4 et 5), du pont et du cervelet (­section  6)
et du bulbe (sections 7-9). Les représentations sont nécessairement schématiques,
en ce sens notamment que certaines structures situées dans la profondeur de la
coupe ont parfois été projetées à la surface, pour mieux les visualiser.

Sections au niveau du cerveau antérieur

2 1
3

(0,6X)
Sections réalisées au niveau du tronc cérébral
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4
5
(0,6X)

7
8
9

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226 1 – Bases cellulaires

Section 1 : cerveau antérieur à la jonction


entre thalamus et télencéphale
(a) Organisation générale. Le télencéphale est la partie du cerveau située
autour des ventricules latéraux ; le thalamus se situe quant à lui autour du troi-
sième ventricule. A ce niveau de coupe choisi, les ventricules latéraux paraissent
émerger du troisième ventricule. L’hypothalamus, qui constitue le plancher du
troisième ventricule, est un centre vital de contrôle de fonctions générales de
l’organisme (voir chapitres 15-17). Le cortex insulaire ou insula (voir chapitre 8)
est situé à la base de la scissure latérale (de Sylvius), séparant à ce niveau le lobe
frontal du lobe temporal. La région hétérogène du télencéphale, qui se trouve
dans la zone médiane par rapport au cortex insulaire et latérale par rapport à
l’hypothalamus, est dénommée cerveau antérieur « basal ».

Lobe frontal

Ventricule latéral

Thalamus

Cortex insulaire

Scissure de Sylvius
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Troisième
ventricule

Lobe temporal
(1X)
Cerveau antérieur basal
Hypothalamus

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 227

(b) Principales structures et faisceaux nerveux. Le schéma suivant est plus


détaillé. Il présente les principales structures du cerveau antérieur. La capsule
interne est un faisceau d’axones qui connecte le cortex cérébral à partir de sa
substance blanche au thalamus et le corps calleux est un autre énorme faisceau
de fibres connectant quant à lui les cortex des deux hémisphères. Le fornix, que
nous avons déjà observé à partir du schéma de la vue médiane du cerveau, appa-
raît ici en section ; il forme une boucle autour de la partie séparant les deux
ventricules latéraux. Les neurones de la partie adjacente forment l’aire septale
(du latin saeptum, pour « partition »). L’aire septale envoie ses axones princi-
palement vers le fornix et contribue aux processus liés à la mémorisation (voir
chapitre 24). Trois importantes structures du télencéphale sont également repré-
sentées : le noyau caudé, le putamen et le globus pallidus ou pallidum, appar-
tenant collectivement aux « ganglions de la base », un ensemble de structures
impliquées dans la régulation du mouvement (voir chapitre 14).

Structures nerveuses
Groupes de fibres nerveuses

Cortex cérébral

Corps calleux

Aire septale

Fornix Noyau caudé

Substance
blanche corticale Putamen
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Capsule interne

Globus pallidus
(pallidum)

(1X)

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228 1 – Bases cellulaires

Section 2 : cerveau antérieur


au niveau du thalamus moyen
(a) Organisation générale. Cette section est réalisée à un niveau légèrement
plus caudal que le précédent, le long du névraxe. Ici apparaît dans toute son
extension le thalamus (du mot grec qui signifie « chambre interne ») entourant
le troisième ventricule, qui présente à ce niveau une taille réduite. Ventralement
par rapport au thalamus, se trouve l’hypothalamus. Le télencéphale paraît beau-
coup mieux organisé qu’il apparaissait au niveau de la section 1. Parce que nous
sommes ici à un niveau plus postérieur, la scissure de Sylvius sépare maintenant
le lobe temporal du lobe pariétal.

Lobe pariétal

Ventricule latéral

Thalamus

Cortex insulaire

Scissure de Sylvius
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Troisième ventricule

Lobe temporal

Cerveau antérieur basal Hypothalamus (1X)

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 229

(b) Principales structures et faisceaux nerveux. À ce niveau du névraxe appa-


raissent plusieurs structures nerveuses très importantes. Ainsi, l’amygdale,
impliquée dans le contrôle des émotions (voir chapitre 18) et de la mémoire (voir
chapitre 24), et le thalamus, divisé en plusieurs noyaux dont le noyau ventral
postérieur et les noyaux ventrolatéraux. Le thalamus est la source principale de
projections vers le cortex cérébral, les différentes régions thalamiques innervant
des régions correspondantes du cortex. Le noyau ventro-postéro-latéral (VPL)
constitue un relais essentiel des informations sensorielles somatiques (voir cha-
pitre 12). Il projette sur le cortex du gyrus post-central. Le noyau ventrolatéral
(VL) est étroitement associé au noyau ventro-antérieur (VA), qui n’est pas visible
sur ce schéma. Ces deux structures thalamiques sont impliquées dans le contrôle
moteur (voir chapitre 14) et projettent sur le cortex moteur du gyrus précentral.
Au-dessous du thalamus, on distingue le noyau subthalamique (ou sous-tha-
lamique) et les corps mamillaires de l’hypothalamus. Le noyau subthalamique
fait partie du système moteur (voir chapitre 14), alors que les corps mamillaires
reçoivent des informations du fornix et contribuent à la régulation des processus
2 mnésiques (voir chapitre 24). Sur cette coupe appa-
raît également une partie du mésencéphale,
avec notamment la substance noire (ou
locus niger), à la base du cerveau anté-
rieur. La substance noire fait égale-
ment partie du système moteur (voir
chapitre 14). La dégénérescence d’une
partie de ses neurones qui contiennent
de la dopamine est à l’origine de la
maladie de Parkinson.

Fornix

Corps calleux Cortex cérébral

Noyau ventrolatéral (VL)


du thalamus

Noyau caudé
Noyau
ventro-postéro-latéral
(VPL) du thalamus

Putamen
Capsule interne
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Globus pallidus
(pallidum)

Substance blanche
corticale
Amygdale

Substance noire (1X)


Noyau subthalamique Corps mamillaires

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230 1 – Bases cellulaires

Section 3 : cerveau antérieur à la jonction


entre thalamus et mésencéphale
(a) Organisation générale. Le neuraxe se courbe brutalement à la jonction
entre le thalamus et le mésencéphale. Dans ce plan de coupe, le troisième ventri-
cule présente l’allure caractéristique d’une larme. Il communique avec l’aque-
duc cérébral. La partie du cerveau qui entoure le troisième ventricule est le tha-
lamus ; celle entourant l’aqueduc cérébral étant le mésencéphale. Les ventricules
latéraux de chaque hémisphère apparaissent sur cette section. Vous pouvez les
retrouver sur la figure qui présente l’ensemble du système ventriculaire.

Lobe pariétal

Troisième ventricule

Ventricule latéral

Thalamus
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Lobe temporal

(1X)
Mésencéphale Aqueduc cérébral

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 231

(b) Principales structures et faisceaux nerveux. Trois importants noyaux tha-


lamiques de plus apparaissent à ce niveau : le pulvinar et les corps genouillés
latéral et médian (genouillé venant du mot latin qui signifie « genou »), qui sont
impliqués dans le transfert des informations visuelles vers le cortex cérébral en
ce qui concerne le corps genouillé latéral (voir chapitre 10) et des informations
auditives, en ce qui concerne le corps genouillé médian (voir chapitre 11). Le pul-
vinar est connecté au cortex associatif et joue un rôle dans les processus atten-
tionnels (voir chapitre 21). On note aussi la présence de l’hippocampe, une sorte
de cortex cérébral relativement primaire, qui borde le ventricule latéral dans le
lobe temporal. L’hippocampe est impliqué de façon majeure dans les processus
d’apprentissage et de mémorisation (voir chapitres 24 et 25).

Corps calleux Cortex cérébral

Pulvinar

Corps genouillé
latéral
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Substance
blanche corticale

Hippocampe

(1X)
Corps genouillé médian

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232 1 – Bases cellulaires

Section 4 : mésencéphale rostral


Nous sommes ici dans le mésencéphale. Le plan de la coupe a été orienté
de façon à rester perpendiculaire au neuraxe, ce qui fait que la coupe n’est pas
parallèle aux précédentes. Le cœur du mésencéphale est l’aqueduc cérébral. Le
toit du mésencéphale est aussi appelé tectum (du mot latin qui signifie « toit »).
On y trouve le colliculus supérieur, qui est une structure paire. Comme cela a
déjà été indiqué, le colliculus supérieur est impliqué dans le contrôle des mou-
vements des yeux (voir chapitre 10). La substance noire fait, quant à elle, partie
du système moteur (voir chapitre 14), tout comme le noyau rouge, alors que la
substance grise périaqueducale est impliquée dans le contrôle des informations
douloureuses (voir chapitre 12).

Colliculus supérieur Aqueduc cérébral

Substance grise périaqueducale

Substance noire

(2X)
Noyau rouge

Section 5 : mésencéphale caudal


Cette coupe est assez similaire à la précédente. À ce niveau plus caudal,
cependant, le toit du mésencéphale est représenté par le colliculus inférieur, qui
fait partie du système auditif (voir chapitre 11). Pour voir la position relative du
colliculus supérieur et du colliculus inférieur, il faut se référer au schéma de la
vue de dessus du tronc cérébral.
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4
5

Colliculus inférieur Aqueduc cérébral

Substance grise périaqueducale

Substance noire (2X)

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 233

Section 6 : pont et cervelet


Cette coupe illustre le niveau du pont et du cervelet, dans la partie rostrale
du cerveau postérieur qui borde le quatrième ventricule. Comme nous l’avons
vu plus haut, le cervelet représente une structure importante du contrôle moteur.
Une grande partie des informations afférentes au cortex cérébelleux proviennent
des noyaux du pont, alors que les informations efférentes sont transmises aux
noyaux profonds du cervelet (voir chapitre 14). La formation réticulée (du latin
reticulum qui signifie « filet ») s’étend du mésencéphale au bulbe, au sein du
tronc cérébral, juste au-dessous de l’aqueduc cérébral et du quatrième ventricule.
L’une des fonctions de la formation réticulée est de réguler le sommeil et la vigi-
lance (voir chapitre 19). Par ailleurs, la formation réticulée pontique est quant à
elle impliquée dans le contrôle de la posture du corps (voir chapitre 14).

Quatrième ventricule

Cortex cérébelleux

Noyaux profonds du cervelet

Formation réticulée pontique (0,8X)

Noyaux du pont

Section 7 : partie antérieure du tronc cérébral


En se déplaçant plus caudalement le long du neuraxe, la partie du cerveau qui
entoure le quatrième ventricule devient le bulbe. Le bulbe constitue une région
du cerveau particulièrement complexe. Dans cette description anatomique, nous
nous en tiendrons aux structures qui seront discutées dans les chapitres suivants.
Dans la partie la plus ventrale du bulbe se trouvent les pyramides bulbaires,
représentant des faisceaux de fibres qui prennent leur origine dans le cerveau
antérieur et innervent la moelle épinière. Les pyramides bulbaires contiennent
les fibres corticospinales, impliquées dans le contrôle du mouvement volontaire
(voir chapitre 14). D’autres noyaux de cette région sont importants pour l’audi-
tion, tels les noyaux cochléaires dorsal et ventral et l’olive supérieure (voir cha-
pitre 11). Ce schéma présente aussi la position de l’olive inférieure, qui joue un
rôle dans le contrôle moteur (voir chapitre 14) et les noyaux du raphé, importants
noyaux sérotoninergiques impliqués dans les processus liés à la régulation de la
douleur, de l’humeur et de la vigilance (voir chapitres 12, 19 et 22).
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Noyau cochléaire dorsal Quatrième ventricule

Noyau cochléaire ventral

Noyaux du raphé

Olive supérieure

Olive inférieure
7 (2X)
Pyramide bulbaire

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234 1 – Bases cellulaires

Section 8 : partie centrale du tronc cérébral


On retrouve à ce niveau les principales structures mentionnées au plan pré-
cédent. Ici est figuré aussi le lemnisque médian (du latin lemniscus, qui signifie
« ruban »), représentant l’un des faisceaux principaux qui véhicule l’information
sensorielle somatique vers le thalamus à partir de la moelle épinière (voir cha-
pitre 12). Le noyau gustatif, impliqué dans la gustation, est une partie du noyau
du faisceau solitaire (voir chapitre 8). Les noyaux vestibulaires sont impliqués
dans la régulation de l’équilibre (voir chapitre 11).

Quatrième ventricule
Noyaux vestibulaires

Noyau du faisceau solitaire :


noyau gustatif

Formation réticulée bulbaire

Olive inférieure

(2X)
Lemnisque médian
8
Pyramide bulbaire

Section 9 : jonction tronc cérébral-moelle épinière


Le bulbe se termine avec la fin du quatrième ventricule, qui se prolonge par le
canal spinal. Notez les noyaux des colonnes dorsales, qui reçoivent une grande
partie de l’information sensorielle somatique de la moelle épinière (voir cha-
pitre 12). Les axones issus de chaque neurone des noyaux des colonnes dorsales
croisent la ligne médiane (décussation) et atteignent le thalamus via le lemnisque
médian.

Noyaux des colonnes dorsales Canal spinal

Lemnisque médian
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9 (2,5X)
Pyramide bulbaire

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 235

Anatomie de la moelle épinière


Surface dorsale de la moelle épinière et nerfs spinaux
La moelle épinière se trouve enchâssée dans la colonne vertébrale. Les nerfs
spinaux, représentant une partie du système nerveux périphérique somatique,
communiquent avec la moelle épinière au travers de petits espaces ménagés
entre les vertèbres. Les vertèbres elles-mêmes sont décrites par rapport à leur
position au niveau du corps. On parle de vertèbres cervicales (notées de C1 à
C7) pour celles situées au niveau du cou, de vertèbres
thoraciques (notées de T1 à T12) pour celles ratta-
chées aux côtes, de vertèbres lombaires (L1 à L5)
pour les cinq suivantes, situées en bas du dos, et de
vertèbres sacrées pour celles situées dans la région
pelvienne.
Les nerfs spinaux et les segments associés de
la moelle épinière adoptent le nom de la vertèbre 1er nerf cervical
correspondante. Ainsi 8 paires de nerfs spinaux 1re vertèbre cervicale (C1)
sont associées aux 7 vertèbres cervicales. Par ail-
leurs, le système nerveux de l’adulte se termine
approximativement dans la région de la troisième
vertèbre lombaire. Cette disparité intervient parce 7e vertèbre cervicale (C7)
que, si la moelle épinière se développe encore 8e nerf cervical
après la naissance, ce n’est pas le cas de la
colonne vertébrale. Le faisceau de nerfs 1re vertèbre thoracique (T1)
spinaux qui émerge de la moelle 1er nerf thoracique
épinière dans sa partie caudale
est dénommé queue de cheval.

12e vertèbre thoracique


(T12)
12e nerf thoracique

1re vertèbre lombaire (L1)

1er nerf lombaire

Queue de cheval
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5e vertèbre lombaire (L5)

5e nerf lombaire

1re vertèbre sacrée (S1)

1er nerf sacré

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236 1 – Bases cellulaires

Surface ventrolatérale
Ce schéma illustre la façon dont les nerfs spinaux sont rattachés à la moelle
épinière et comment les méninges sont organisées au niveau spinal. Dès que
les nerfs pénètrent à l’intérieur de la colonne vertébrale, ils se séparent en deux
faisceaux distincts dénommés « racines ». Les racines dorsales véhiculent les
informations sensorielles. Les axones des neurones sensoriels sont situés dans
les ganglions rachidiens. Les racines ventrales véhiculent les messages moteurs
issus des neurones moteurs situés dans la substance grise de la région ventrale
de la moelle épinière. L’aspect « en ailes de papillons » de la moelle épinière vue
en coupe coronale représente la substance grise, c’est-à-dire principalement les
corps cellulaires des neurones spinaux. Cette substance grise est subdivisée en
régions dorsale, latérale et ventrale, dénommées « cornes »2. Notez que l’orga-
nisation de la substance grise et de la substance blanche de la moelle épinière
est un peu différente de celle du cerveau antérieur. Dans le cerveau antérieur, la
substance grise entoure complètement la substance blanche. Dans la moelle épi-
nière, on note une épaisse coque de substance blanche qui contient les nombreux
faisceaux d’axones parcourant la moelle dans les deux sens, de haut en bas et de
bas en haut. Ces faisceaux de fibres sont divisés en trois colonnes, dénommées
respectivement colonnes dorsales, colonnes latérales et colonnes ventrales.

Colonnes dorsales
Corne dorsale DORSAL
Colonne latérale Canal spinal

Corne ventrale
Corne latérale
Colonne ventrale

Filaments des racines dorsales

Racine dorsale

Ganglion rachidien

Pie-mère spinale
Nerf spinal
Espace
subarachnoïdien

Membrane
arachnoïdienne spinale
Racine ventrale

Dure-mère spinale
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Filaments
des racines ventrales

(6X)

VENTRAL

2.  NdT : dans une autre nomenclature, on désigne les parties « dorsale » et « ventrale »
de la moelle épinière par rapport à la position de cette dernière. Ainsi désigne-t-on aussi
les régions ventrales comme « antérieures » et les régions dorsales comme « postérieures ».
De ce point de vue, les racines ventrales peuvent être aussi désignées comme « racines
antérieures » et les racines dorsales comme « racines postérieures ».

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 237

Présentation en coupe coronale (frontale)


Le schéma illustre la position des principaux faisceaux de fibres qui relient
la moelle épinière au cerveau antérieur. Sur la partie gauche sont présentés
les faisceaux sensoriels ascendants. On retrouve la voie des colonnes dorsales,
principal faisceau sensoriel, regroupant les axones des neurones qui véhiculent
l’information propre au toucher. La voie spinothalamique est impliquée dans
le transfert des informations nociceptives (douloureuses) et relatives aux sensa-
tions de chaud et de froid. Ces voies sensorielles sont décrites dans le détail dans
le chapitre 12. Sur la partie droite du schéma sont figurées les voies motrices
descendantes, décrites dans le chapitre 14. Le nom des faisceaux est en rapport
avec leur région d’origine ; ainsi le faisceau vestibulospinal prend son origine
dans les noyaux vestibulaires du bulbe et se termine dans la moelle épinière. Les
faisceaux descendants constituent deux groupes de voies motrices : le système
moteur latéral, qui transmet les informations relatives au mouvement volon-
taire, en particulier des extrémités des membres (main, pied) et le système moteur
médian, plutôt impliqué dans le maintien de la posture du corps et certains mou-
vements réflexes.

Faisceaux sensoriels ascendants Voies motrices descendantes

Voie des colonnes dorsales

Faisceau Système
corticospinal moteur
latéral
Faisceau
rubrospinal

(9X)

Faisceau réticulospinal
bulbaire
Voie spinothalamique
Voie tectospinale

Faisceau réticulospinal
pontique
Système moteur
Faisceau vestibulospinal ventromédian
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238 1 – Bases cellulaires

Système nerveux autonome


En plus du système nerveux périphérique (SNP) somatique impliqué dans le
contrôle des mouvements volontaires et les sensations conscientes au niveau de
la peau, notamment, la deuxième composante du système nerveux périphérique
est représentée par le système viscéral. Ce système prend en charge la régulation
de l’activité des organes internes, des glandes et de la vascularisation. Cette régu-
lation est essentiellement automatique et n’est pas sous contrôle conscient direct.
De ce fait, ce système est qualifié de système nerveux autonome (SNA), dont les
deux composantes principales sont représentées par le système sympathique et le
système parasympathique.
Le schéma illustre l’organisation interne du corps, sur une coupe sagittale
passant par le niveau de l’œil. Notez que la colonne vertébrale fait partie d’un
réseau de connexions complexes. Les nerfs spinaux sont représentés, émergeant
de la colonne vertébrale. Le système sympathique est formé d’une chaîne de
ganglions qui longe la colonne vertébrale des deux côtés. Ces ganglions commu-
niquent avec les nerfs spinaux mais aussi les uns avec les autres et avec les organes
internes du corps. Le système parasympathique est organisé de façon différente.
Pour l’essentiel, l’innervation parasympathique des viscères provient du nerf
vague, l’un des nerfs crâniens qui émerge du bulbe. L’autre source de fibres
parasympathiques est représentée par les nerfs spinaux sacrés. L’organisation
fonctionnelle du SNA est présentée dans le chapitre 15.
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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 239

Plan de coupe

Nerf vague

Nerf spinal

Colonne vertébrale

Cœur

Côtes (section)
du côté droit du corps

Estomac

Rein

Intestin grêle

Ganglions sympathiques
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Vessie

Prostate

Fibres sympathiques

Fibres parasympathiques

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240 1 – Bases cellulaires

Nerfs crâniens
Douze paires de nerfs crâniens émergent de la base du cerveau. Les deux
premiers nerfs font partie du SNC, impliqués dans l’olfaction et la vision. Les
autres nerfs sont équivalents à des nerfs spinaux en ce sens qu’ils contiennent des
axones du système nerveux périphérique. Comme l’illustre le schéma, le même
nerf est souvent impliqué dans plusieurs fonctions à la fois. Une bonne connais-
sance de ces nerfs et de leur fonction est un atout essentiel pour l’aide au dia-
gnostic d’un grand nombre de troubles neurologiques. En effet, il est important
de se souvenir que les nerfs crâniens sont associés à des noyaux correspondants
du tronc cérébral, tant au niveau du mésencéphale que du pont ou du bulbe.
Par exemple, les noyaux cochléaires et vestibulaires reçoivent leur information
de la huitième paire de nerfs crâniens (VIII). La plupart de ces noyaux des nerfs
crâniens ne sont cependant pas illustrés ici car leur fonction n’est pas discutée
dans la suite de cet ouvrage.

I. Nerf olfactif

II. Nerf optique

III. Nerf oculomoteur

IV. Nerf trochléaire

V. Nerf trigéminal

VI. Nerf abducens

VII. Nerf facial

VIII. Nerf auditif et vestibulaire


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IX. Nerf glossopharyngien

X. Nerf vague

XI. Nerf spinal accessoire


(1X)
XII. Nerf hypoglosse

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 241

Nerf olfactif
Nerf optique
Nerf oculomoteur
Nerf trochléaire
Nerf trigéminal
Nerf abducens
Nerf facial
Nerf auditif et vestibulaire
Nerf glossopharyngien
Nerf vague
Nerf spinal accessoire
Nerf hypoglosse

Nomenclature Types d’axones Principales fonctions

I. Nerf olfactif Sensoriel (spécifique) Sensation olfactive

II. Nerf optique Sensoriel (spécifique) Sensation visuelle

III. Nerf oculomoteur Moteur somatique Mouvements des yeux et des paupières
Moteur viscéral Contrôle parasympathique du diamètre de la pupille

IV. Nerf trochléaire Moteur somatique Mouvements des yeux

V. Nerf trigéminal Sensoriel somatique Sens du toucher au niveau de la face


Moteur somatique Mouvements des muscles de la mastication

VI. Nerf abducens Moteur somatique Mouvements des yeux

VII. Nerf facial Sensoriel somatique Mouvements des muscles de l’expression faciale
Sensoriel (spécifique) Sensation du goût (2/3 antérieur de la langue)
VIII. Nerf auditif et vestibulaire Sensoriel (spécifique) Audition et équilibre
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IX. Nerf glossopharyngien Moteur somatique Mouvements des muscles de la gorge (oropharynx)
Moteur viscéral Contrôle parasympathique des glandes salivaires
Sensoriel (spécifique) Sensation du goût (1/3 postérieur de la langue)
Sensoriel viscéral Détection de la pression artérielle au niveau de l’aorte

X. Nerf vague Moteur viscéral Contrôle parasympathique du cœur, des poumons


et des organes abdominaux
Sensoriel viscéral Sensation de douleur des viscères
Moteur somatique Mouvements des muscles de la gorge (oropharynx)
XI. Nerf spinal accessoire Moteur somatique Mouvements des muscles de la gorge et du cou

XII. Nerf hypoglosse Moteur somatique Mouvements de la langue

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242 1 – Bases cellulaires

Circulation cérébrale
Vue ventrale
Deux paires d’artères irriguent le cerveau : les artères vertébrales et les
artères carotides internes. Les artères vertébrales convergent à la base du pont
pour former l’artère basilaire. Les artères vertébrales et basales irriguent le
tronc cérébral et le cervelet. Dans le mésencéphale, l’artère basilaire se sépare
en plusieurs branches : les artères cérébelleuses supérieures droite et gauche et
les artères cérébrales postérieures. Les artères cérébrales postérieures forment les
artères ­communicantes ­postérieures, qui les connectent aux carotides internes. Les
carotides internes, quant à elles, se divisent pour former les artères cérébrales
moyennes et les artères cérébrales antérieures. Les artères cérébrales antérieures
de chaque hémisphère sont interconnectées par l’artère communicante anté-
rieure. Par conséquent, les artères cérébrales postérieures et communicantes, les
carotides internes et les artères cérébrales antérieures et communicantes, forment
un anneau d’artères interconnectées à la base du cerveau. Ce réseau dense repré-
sente le cercle de Willis.

Artère cérébrale
antérieure

Artère communicante
antérieure

Artère cérébrale
moyenne

Artère
carotide interne

Artère
communicante
postérieure

Artère cérébelleuse
postérieure
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Artère cérébelleuse
supérieure

Artère basilaire

(1X)

Artères vertébrales

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 243

Vue latérale
L’essentiel de la surface latérale du cerveau est irrigué par l’artère cérébrale
moyenne. Cette artère irrigue également les structures profondes du cerveau
antérieur.

Parties terminales
de la branche corticale
de l’artère cérébrale antérieure

(0,7X)
Artère cérébrale moyenne Parties terminales
de la branche corticale
de l’artère cérébrale postérieure

Vue médiale (sans le tronc cérébral)


La partie interhémisphérique interne du cerveau se trouve irriguée par l­ ’artère
cérébrale antérieure. L’artère cérébrale postérieure irrigue quant à elle la région
interhémisphérique du lobe occipital et la partie inférieure du lobe temporal.
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(0,7X)
Artère cérébrale antérieure

Artère cérébrale postérieure

Artère communicante postérieure

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244 1 – Bases cellulaires

Questionnaire d’auto-évaluation
Les pages suivantes sont organisées comme un livre d’exercices, pour vous
aider à apprendre la neuroanatomie qui vous a été présentée. Les schémas du
guide sont reproduits sans les noms des structures nerveuses. En revanche, les
structures sont numérotées afin que vous puissiez mettre sur la ligne correspon-
dante le nom de la structure à identifier. Cette méthode vous sera très utile pour
tester vos connaissances et vous aider à retenir les termes anatomiques qui seront
utilisés dans les chapitres suivants.

QUESTIONNAIRE
Vue latérale du cerveau

(a) Organisation générale

1.

2.

3.

4.
1
4 3

(b) Sillons, scissures et gyrus

7
8

6
5.

6.

7.

8.

9
9.
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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 245

(c) Lobes cérébraux et cortex insulaire


3
2
1.

2.

3.
4
4.
5
5.
1

QUESTIONNAIRE
Vue latérale du cerveau (suite)

(d) Principales aires sensorielles, motrices et associatives du cortex

11
12 6.
10
13
9
7.

8.
14

9.

10.

11.

12.
8
15
13.

7
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6
14.

15.

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246 1 – Bases cellulaires

QUESTIONNAIRE
Aspect interhémisphérique

(a) Structures du tronc cérébral 1.

7
2.

8 3.

4.

5.

6
4 6.
3 9
5 2
1 7.

8.

9.

(b) Structures du cerveau antérieur

13 14

12
10.

11.
11 15

10 12.

13.

14.

15.

16.
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17.

17 Identification des structures


après avoir retiré le tronc cérébral
16 et le cervelet, cerveau légèrement pivoté

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 247

QUESTIONNAIRE
Aspect interhémisphérique

(c) Ventricules

4 1.

3
2.
2
1
3.

4.

5.

5
Identification des structures
après avoir retiré
le tronc cérébral et le cervelet,
cerveau légèrement pivoté
6.

Aspect ventral du cerveau 7.

8.
9

10 9.

10.

11
11.
8
12
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12.
13

14
13.
7
15
14.

6
15.

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248 1 – Bases cellulaires

QUESTIONNAIRE
Aspect du cerveau vu de dessus

(a) Hémisphères cérébraux


3 4

1.

2.

2
3.

4.

5
5.

(b) Après avoir retiré les hémisphères cérébraux

6.
7

7.

8.
6 8

9.

10.
(c) Après avoir retiré les hémisphères cérébraux et le cervelet

11.

13 12.
12
14
11 15 13.
10
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14.
16

15.
17

16.

17.

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 249

QUESTIONNAIRE
Cerveau antérieur au niveau de la jonction entre le thalamus et le télencéphale

(a) Organisation générale

6
1.
7

2.

3.

8
5 4.

4 5.
9

6.
3

7.
2 1

8.

9.
(b) Principales structures et faisceaux nerveux

10.
13 14

11.

15
12
12.
16

13.
11
17
14.

10
15.
18

16.
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17.

18.

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250 1 – Bases cellulaires

QUESTIONNAIRE
Cerveau antérieur au niveau du thalamus moyen 1.

2.
(a) Organisation générale
3.

6 4.

7
5.

5
6.

4 7.
8
8.

9.

3 9
10.
2
1
11.

12.

(b) Principales structures et faisceaux nerveux


13.
18
19
17
14.

16 15.
20

16.
15

17.

14 21
18.

19.
13

20.
12 22
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11 21.

10 23
22.

23.

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 251

QUESTIONNAIRE
Cerveau antérieur au niveau de la jonction entre thalamus et mésencéphale

(a) Organisation générale

5 1.

2.
4
3.

6 4.
3

5.

6.

2 7.

1 7

(b) Principales structures et faisceaux nerveux

8.
10
9
9.

11
10.

12 11.

12.
8

13.
13
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14.
14

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252 1 – Bases cellulaires

QUESTIONNAIRE

Mésencéphale rostral

4 5
1.

3 2.

3.

2 4.

1 5.

Mésencéphale caudal

8 9

6.

7
7.

8.

9.
6

Pont et cervelet
14

10.

13 11.

12.

12
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13.

14.

11
10

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 253

QUESTIONNAIRE

Partie antérieure du tronc cérébral

7
6

5
1.
4
2.
3

3.
2

1 4.

5.
Partie centrale du tronc cérébral

6.

14
13 7.

12 8.

11 9.

10
10.

9 11.

8
12.

Jonction tronc cérébral-moelle épinière 13.

17 18
14.

15.

16.
16
17.
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18.
15

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254 1 – Bases cellulaires

QUESTIONNAIRE 1.

2.

Moelle épinière, surface ventrolatérale 3.


8 9
DORSAL 4.
7 10

5.
6
11
5 6.

12 7.

13 8.

14
9.

4
15 10.
3
11.
2
16
12.
1
13.
17
14.

15.

VENTRAL 16.

17.

Moelle épinière, coupes coronales 18.

20 21 19.

19
20.

22 24 21.
23
22.

23.

25
24.
18
26
25.
27
29
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28
26.

27.

28.

29.

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Annexe – Guide illustré de l’anatomie du cerveau humain 255

QUESTIONNAIRE

Nerfs crâniens

1.

2.

1
3.

2
4.

3 5.

4
6.

5
7.
6
7 8.
8

9 9.

10
10.
11

12 11.

12.
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256 1 – Bases cellulaires

QUESTIONNAIRE
Circulation cérébrale

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