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Cannabis et cannabinoïdes en médecine


Les vertus médicinales du cannabis (Cannabis sativa L.), connues depuis des
millénaires, expliquent l’intérêt voué à cette plante, à ses extraits et aux
molécules actives qui en ont été isolées à partir de 1960. Des travaux ont
conforté l’importance physiologique du système des endocannabinoïdes et des
récepteurs aux cannabinoïdes dans l’organisme. De leur côté, des mouvements
de patients militent pour un accès au cannabis à des fins médicales

. annabinoïdes : de quoi est-il question ?

Le cannabis renferme quelque soixante cannabinoïdes, au nombre desquels


le principe psychoactif de la plante, le tétrahydrocannabinol (THC). Cette
famille
fédère l’ensemble des substances qui lui sont apparentées, qu’elles soient isolées
du cannabis ou obtenues par une synthèse chimique. Des avancées considérables
ont été réalisées depuis le début des années 1990 dans la compréhension du
mécanisme d’action des cannabinoïdes sur l’organisme et sur le rôle des
cannabinoïdes endogènes (physiologiques).
Récepteurs aux cannabinoïdes
Les cannabinoïdes, naturels ou de synthèse, exercent leurs effets
pharmacologiques en
se fixant à des récepteurs cellulaires découverts au début des années 1990, les
récepteurs aux cannabinoïdes (récepteurs CB). Deux types de récepteurs CB ont
été distingués :
– le récepteur CB1 est exprimé dans le système nerveux central et périphérique,
dans les testicules, l’utérus, le système immunitaire, l’intestin, la vessie, les
cellules de la rétine,
les cellules endothéliales (vaisseaux sanguins) et les adipocytes. Il s’agit de l’un
des récepteurs neuronaux les plus abondamment retrouvés dans le cerveau, où sa
localisation est corrélée avec les effets comportementaux induits par les
agonistes cannabinoïdes naturels ou synthétiques. Le récepteur CB1 n’est pas
exprimé au niveau du tronc cérébral qui contient les centres médullaires des
contrôles cardiovasculaires et respiratoires,
ce qui explique probablement l’absence de toxicité somatique aiguë du cannabis
et de ses dérivés ;
– le récepteur CB2 est exprimé dans les tissus périphériques et notamment
dans les cellules du système immunitaire.
Endocannabinoïdes
L’existence des endocannabinoïdes (eCB), des ligands physiologiques
(endogène)
des récepteurs aux cannabinoïdes, est également acquise depuis le début des
années 1990. Les principaux endocannabinoïdes, l’anandamide (AEA) et le 2-
arachidonoylglycérol
(2-AG), sont des composés lipidiques, dont l’élimination de l’organisme est
rapide après
une dégradation catalysée par une enzyme, la fatty acid aminohydrolase
(FAAH). Libérés dans divers tissus, notamment le système nerveux central, ils
contribuent à la modulation de la neurotransmission. Les taux d’anandamide
dans le cerveau sont comparables
à ceux d’autres neuromédiateurs, comme la dopamine ou la sérotonine. Cette
substance
est notamment produite dans les zones de forte expression du récepteur CB1
(cortex, hippocampe, striatum, cervelet), pour lequel elle a une affinité plus forte
que pour
le récepteur CB2.
C’est toutefois le milieu du XIX° siecle qui constitut en occident l’age d’ or du recours au cannabis à des fins medicC’est toutefois le milieu
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utilisation par les médecins alla de p air avec l’intérêt que lui portèrent nombre d’écrivains et d’artistes. Le pionnier de cett
e époque fut incontestablement l’Irlan- dais William B. O’Shaughnessey (1808-1889), alors me
́de- cin à Calcutta. Il fit preuve d’une véri
table démarche scien- tifique, allant jusqu’à administrer à des animaux des extraits de cannabis pour en vérifier l’i
nnocuité. Il essaya ensuite la plante sur des sujets atteints de la rage, de convulsions épileptiques, de douleurs rhum
atismales, de migraines et maux de tête. Dans un rapport adressé à l’Académie des sciences d’Angleterre en 1839, il affirma que
e cannabis, outre ses propriétés analgésiques puissantes, constituait le « remède antispasmodique le plus précieux qui so
it ». De retour en Angleterre en 1842, il importa la drogue pour approvisionner diverses pharmacies. èsLes
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ent école. Des médecins tant franc ̧ais qu’améri- cains se mirent à prescrire largement des exde chan- vre. Intégrée à d
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e nombreuses pharmacopées, la plante pouvait aisément être obtenue
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médicinales, les médecins privilégiant les médicaments d’origine industrielle aux effets réputés plus rapides, plus spectaculaires et
plus reproductibles), ce fut véritablement la prohibition mondiale du cannabis, initiée en 1937 aux États-Unis, qui constitua le frein
essentiel à la prescription de la plante mais aussi aux travaux susceptibles de mieux comprendre son intérêt. Ainsi, le cannabis fut supprimé
de la plupart des pharmacopées (de la Pharmacopée amé- ricaine en 1941 et de la Pharmacopée française en 1953) pour ne
demeurer inscrit qu’à quelques-unes d’entre elles (par exemple à la Pharmacopée italienne).

Cannabis et cannabinoïdes
en thérapeutique
De nombreux mouvements autostructurés de patients, mais aussi de nombreux médecins, revendiquent l’ac- cès au cannabis à
des fins médicales dans des indica- tions variées où les traitements conventionnels restent insuffisamment actifs et/ou mal
5
Plante ou haschichLes partisans de l’usage de la plante u deo préparations dérivées (haschich mais aussi gâteaux, confiseries, voire bois
sons lactées, les bières ainsi que l es autres boissons industrielles à base de cannabis n’ayan t pas de proprié- tés thérapeutiqu
es et n’étant pas potent iellement “théra- peutiques”) soulignent le côté naturel et peu toxique de ce
ype de traitement.De nombreux patients produisent les pieds de cannabis ntéri en
euri(culture indoor, hydropon ique ou non) ou en e
xtérieur (culture outdoor). Ils peuvent la fumer directe- ment ou fabriquer eux mêmes du haschich grâce à des systèmes
conçus pour cette opération, et commerciali- sés notamment aux Pays-Bas ou en Suisse (par exem- ple, le système
®
Les extraits de plante
®
sa teneur forte et reproductible en THC et cannabidiol (CBD, qui se fixe sur les récepteurs CB1 et limite l’activité psychotrope
du THC), s’administre par voie orale sous forme de spray : chaque bouffée de 100 μL délivre 2,7 mg de THC et 2,5 mg de CBD. Cette
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Les cannabinoïdes purs en thérapeutique
7
®
voie orale (capsules dosées à 2,5, 5 ou 10 mg) en Amérique du nord dans le traitement et la pré- vention des nausées et des
vomissements et pour favori- ser l’appétit chez les patients sidéens cachectiques. Des observations suggèrent que le cannabidiol
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Plante ou haschich
Les partisans de l’usage de la plante ou de préparations dérivées (haschich mais aussi gâteaux, confiseries, voire boissons lactées, les
bières ainsi que les autres boissons industrielles à base de cannabis n’ayant pas de proprié- tés thérapeutiques et n’étant pas
potentiellement “théra- peutiques”) soulignent le côté naturel et peu toxique de ce type de traitement.
De nombreux patients produisent les pieds de cannabis en intérieur (culture indoor, hydroponique ou non) ou en extérieur (culture
outdoor). Ils peuvent la fumer directe- ment ou fabriquer eux mêmes du haschich grâce à des systèmes conçus pour cette
®
Les extraits de plante
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sa teneur forte et reproductible en THC et cannabidiol (CBD, qui se fixe sur les récepteurs CB1 et limite l’activité psychotrope
du THC), s’administre par voie orale sous forme de spray : chaque bouffée de 100 μL délivre 2,7 mg de THC et 2,5 mg de CBD. Cette
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Les cannabinoïdes purs en thérapeutique
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®
voie orale (capsules dosées à 2,5, 5 ou 10 mg) en Amérique du nord dans le traitement et la pré- vention des nausées et des
vomissements et pour favori- ser l’appétit chez les patients sidéens cachectiques. Des observations suggèrent que le cannabidiol
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®
®
retiré du marché en 2008 pour avoir été à l’origine d’effets indésirables psychiques graves à type de dépression et de
tentatives de suicide.

D’autres cannabinoïdes de synthèse sont en cours d’ex- périmentation (ménabitan, pirnabine, naboctate, HU-211, acide ajulémique, etc.).

Des indications diversifiées

Le spectre des indications revendiquées pour le cannabis ou les cannabinoïdes est étendu. Pour autant, il n’est pas possible de disposer
d’essais cliniques suffisamment robustes au plan méthodologique : nombre de publica- tions n’ont trait qu’à des cohortes de
patients réduites, voire à des observations individuelles. Le statut juridique du cannabis ne contribue pas à en faciliter l’organisation, même
si l’opinion publique semble favorable à l’utilisation en médecine de cette plante et/ou de ses dérivés.

Prévention et traitement des nausées


et des vomissements
Divers cannabinoïdes exercent une activité anti-émétique significative dans la prévention et le traitement des nau- sées et des
vomissements post-chimiothérapiques ou post-radiothérapiques. Pour autant, comme souvent, les points de vue des auteurs
divergent sur la question :
, objets des études cliniques (nabilone, dronabinol), ne se sont pas révélés plus actifs que les molécules de référence
(antipsycho- tiques utilisés comme anti-émétiques, type sulpiride) et ont un index thérapeutique médiocre selon une revue de la
10
suggère que leur index thérapeutique serait supérieur à celui des anti- psychotiques dans cette indication11.Quoi qu’il e
n soit, il faut relativiser l’intérêt des cannabi- noïdes dans la prévention ou le traitement des nau
6
La plante et ses extraits en thérapeutique

Il est possible de recourir, en thérapeutique, aux cannabi- noïdes naturels de deux façons : en utilisant la plante ou son dérivé immédiat
(haschich) ou des extraits titrés de la plante.
3
revanche potentialiser l’action de ces deux familles d’anti-émétiques.

Par ailleurs, l’utilisation de cannabis limite les nausées induites par certains traitements antirétroviraux et peut contribuer à
améliorer l’observance du traitement.
Il faut également souligner que l’usage abusif de cannabis peut, d’une façon paradoxale, être à l’origine d’épisodes d’émésis
récurrents accompagnés de vives douleurs abdo- minales et que ne peuvent guère calmer que... des bains chauds, dans l’attente
12
Traitements de la douleur
13
14
codéine, reste inférieure à celle de la mor- phine. Toutefois, les effets cannabimimétiques du THC peuvent exposer à des
troubles de l’humeur à type de dépression ou à des réactions d’allure psychotique sus- ceptibles de limiter l’intérêt de cette molécule, du
15
effets iatrogènes tout en conservant une bonne activité antalgique.
Il serait toutefois intéressant de mieux évaluer l’intérêt des cannabinoïdes, voire du cannabis dans le traitement de certains types de
16
®
L’association de faibles doses de THC à des opiacés a un effet synergique et réduit l’importance de la tolérance aux opiacés.
Les cannabinoïdes de synthèse pourraient se révéler plus pertinents dans cette même indication. D’autres pistes sont explorées :
application transdermique de cannabi- noïdes, usage des inhibiteurs des enzymes responsables du métabolisme des
endocannabinoïdes.

Traitement de pathologies neurologiques


C’est probablement en neurologie que les cannabinoïdes trouveraient leur meilleur champ d’application en thé- rapeutique car le
système endocannabinoïde participe de façon fondamentale au fonctionnement du cerveau et aux interrelations entre circuits
18
avancées dans ce contexte. Le cannabidiol (CBD), du fait de l’absence d’effets psycho-actifs, constituerait une molécule
intéressante dans ce contexte.
Sclérose en plaques. Les publications cliniques sou- lignant l’intérêt des cannabinoïdes dans le traitement de la sclérose en plaques sont
19, 20
toutefois de leur opposer d’autres publications, moins favorables, voire peu favorables, à l’usage des cannabinoïdes dans cette
indication ou ne mésestimant pas le risque d’effets indésirables psychiques.
®
Maladie d’Alzheimer. Les cannabinoïdes exercent de nombreuses actions susceptibles de concourir à amé- liorer, au moins de
21
Le THC inhibe l’acétylcholinestérase et freine l’amyloïdo- genèse. De ce fait, il pourrait contribuer à améliorer
symptomatologiquement les patients et à freiner l’évo- lution de la maladie.

Des traitements ciblant les récepteurs aux cannabinoïdes de la microglie pourraient réduire la neuro-inflammation caractérisant la
maladie d’Alzheimer.
Des altérations des voies modulées par les endocanna- binoïdes ont pu être mises en évidence chez les patients atteints de
maladie d’Alzheimer. Par ailleurs, certains canna- binoïdes peuvent protéger les neurones des effets toxiques de la protéine bêta-amyloïde
et réduire la phosphorylation des protéines tau. Ils pourraient donc constituer une piste de recherche thérapeutique contre
cette affection.

Maladie de Parkinson. L’intérêt de l’administration de cannabis pour traiter les dyskinésies chez le patient parkinsonien
reste controversé. Celle-ci semble parfois favorable s’il s’agit de dyskinésies iatrogènes, induites
e
e
utilisation par les médecins alla de pair avec l’intérêt que lui portèrent
nombre d’écrivains et d’artistes. Le pionnier de cette époque fut incon
testablement l’Irlan- dais William B. O’Shaughnessey (1808-1889), alors méde- cin
à Calcutta. Il fit preuve d’une véritable démarche scien- tifique, allant jusqu’a
̀ administrer à des animaux des extraits de cannabis pour en vérifier l’innoc
uité. Il essaya ensuite la plante sur des sujets atteints de la rage, de convuls
ions épileptiques, de douleurs rhumatismales, de migraines et maux de tête. Dans
un rapport adressé à l’Académie des sciences d’Angleterre en 1839, il affir
ma que l
e cannabis, outre ses propriétés analgés iques puissantes, constituait le « reme
̀de antispasmodique le plus précieux qui soit ». De retour en Angleterre en
1842, il importa la drogue pour approvisionner diverses pharmacies. Les succès alo
rs décrits firent école. Des médecins tant français qu’améri- cains se
mirent à prescrire largement des extraits de chan- vre. Intégrée à de n
ombreuses pharmacopées, la plante pouvait aisément être obtenue et ses indic
ations gagnaient sur un terrain long
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médicinales, les médecins privilégiant les médicaments d’origine industrielle aux effets réputés plus rapides, plus spectaculaires et
plus reproductibles), ce fut véritablement la prohibition mondiale du cannabis, initiée en 1937 aux États-Unis, qui constitua le frein
essentiel à la prescription de la plante mais aussi aux travaux susceptibles de mieux comprendre son intérêt. Ainsi, le cannabis fut supprimé
de la plupart des pharmacopées (de la Pharmacopée amé- ricaine en 1941 et de la Pharmacopée française en 1953) pour ne
demeurer inscrit qu’à quelques-unes d’entre elles (par exemple à la Pharmacopée italie

es études menées depuis une vingtaine d’an- nées, et mettant en avant les vertus médicinales
des cannabinoïdes, permettent d’espérer des

progrès thérapeutiques dans des domaines médicaux très varié

Une saga ancienne

Plante médicinale de première importance dans l’histoire de l’humanité, le


cannabis a été utilisé en thérapeutique bien avant notre ère. En Chine, pays d’où,
probable- ment, est originaire cette plante, des indices suggèrent que 5 000 ans
av. J.-C., le cannabis était administr

dans des indications extrêmement diversifiées : fièvre du paludisme, douleurs


rhumatismales, douleurs mens- truelles et constipation. En Inde, diverses
préparations à base de cannabis (ganjah, charras, bhang) étaient pré- conisées
pour leurs vertus antipyrétiques, hypnotiques, antimigraineuses et orexigène

Des siècles plus tard, le médecin anglais Robert Bur- ton (1576-1640) préconisa
l’administration de chanvre dans le traitement de la mélancolie (1621). Quant au
New English Dispensatory, il recommandait l’application à même la peau de
racines de chanvre sur les inflam- mations (1764) Etudes menées depuis une vingtaine d’an- nées, et
mettant en avant les vertus médicinales des despermettd’esdesprogrès
thérapeutiques dans des domaines médicaux très varié
pdfsyhttps://www.sciencedirect.com/science/article/pii/
S0001407919330316#!stème endocannabinoïde (EC) est un système
physiologique qui jour un rôle important dans la régulation de nombreuses
fonctions biologiques tant au niveau central que périphérique. Dans
certaines conditions, il devient hyperactif et peut induire de nombreux
troubles physiologiques. Ce système est composé de deux types de
récepteurs CB1et CB2 (présents respectivement au niveau du SNC et des
organes périphériques), de molécules endogènes (AEA, 2-AG) et de système
de transport, de synthèse et de dégradation de celles-ci. La découverte
d’antagonistes spécifiques du récepteur CB1 a ouvert la possibilité de
nouveaux traitements dans les domaines de l’obésité, du diabète et des
risques cardiométaboliques.

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4758426/

La marijuana, une substance psychoactive préparée à partir des fleurs, des feuilles et des tiges
séchées du plant femelle de cannabis, généralement le Cannabis sativa, est surtout
consommée par inhalation sous forme de cigarette. (1) Quant au cannabis, il désigne les
diverses préparations psychoactives de la même plante, ce qui comprend la marijuana, mais
aussi le haschich (dérivé de la résine des somites en fleur) et l’huile de cannabis. Utilisé dans
un cadre récréatif depuis des siècles, le cannabis est la drogue la plus consommée dans le
monde. (2,3)
Par ailleurs, l’utilisation de la marijuana à des fins médicales remonte à une époque très
ancienne. La marijuana était déjà utilisée à des fins thérapeutiques en Chine il y a plusieurs
millénaires. Il en est fait mention pour la première fois dans la pharmacopée en 1500 av. J.-C.
(4) La marijuana faisait partie des traitements habituels de l’insomnie et des vomissements
avant l’apparition de traitements ciblés dans les années 1930. Par la suite, la plupart des pays
du monde l’ont classée parmi les drogues. Au Canada, c’est en 1923 que, dans le cadre d’un
amendement à la Loi sur l’opium et les drogues narcotiques, la marijuana a été ajoutée à la
liste des stupéfiants interdits. Depuis 20 ans, on constate un intérêt grandissant envers
l’utilisation du cannabis et de ses préparations à des fins médicales chez les adultes, tandis
que le débat sur son potentiel thérapeutique chez les enfants remonte à cinq ans.
Les propriétés psychoactives du cannabis proviennent principalement du delta-9-
tétrahydrocannabinol (delta-9-THC), un cannabinoïde qui constitue l’un des deux principaux
composants neuroactifs de la marijuana.(5) Le deuxième, le cannabidiol (CBD), ne possède
pas les effets psychoactifs du delta-9-THC, mais il agit sur le comportement et exerce d’autres
effets sur le système nerveux central.(1) Pour ce faire, ces composants se lient aux récepteurs
couplés aux protéines G des cannabinoïdes sur la membrane des cellules du système nerveux
central.(5)

La marijuana à des fins thérapeutiques était utilisée pour le traitement de l’épilepsie


réfractaire, comme l’attestent les rapports de cas de Gowers et Reynolds à la fin du
XIXe siècle.(5) Le développement d’antiépileptiques plus puissants et la tendance à interdire
la marijuana en ont réduit l’intérêt pour cet usage. Toutefois, l’accumulation des
connaissances sur la biologie du cerveau et sur les puissantes propriétés neuroactives des
cannabinoïdes a ravivé l’intérêt pour leur potentiel thérapeutique. En 1996, la Californie est
devenue le premier État américain à légaliser l’utilisation du cannabis à des fins médicales.(6)
Plusieurs États américains et le District de Columbia ont emboîté le pas, même si la Drug
Enforcement Administration des États-Unis désigne la marijuana comme une drogue de
l’annexe un, c’est-à-dire qu’au sens de la loi, elle n’a aucune valeur thérapeutique acceptée et
présente un fort potentiel d’abus. Au pays, Santé Canada a sanctionné l’utilisation de la
marijuana à des fins médicales en 2001, et la loi a été révisée en 2013 (www.gazette.gc.ca/rp-
pr/p1/2014/2014-06-14/html/reg1-fra.php). Pour avoir accès au cannabis à des fins médicales,
les patients canadiens doivent remettre un document produit par un professionnel de la santé à
un producteur autorisé, dont le permis est réglementé par le gouvernement fédéral. Ce
producteur peut alors fournir au patient la quantité de marijuana nécessaire pour une durée de
30 jours, jusqu’à concurrence de 150 grammes. Depuis une récente décision de la Cour
Suprême du Canada et la réponse subséquente de Santé Canada, certaines restrictions relatives
aux formes d’administration du cannabis aux patients ont été levées. Ces décisions devraient
permettre l’utilisation de préparations comme certaines huiles de cannabis à des fins
thérapeutiques.
Les données probantes qui appuient l’effet thérapeutique du cannabis chez les enfants atteints
d’épilepsie sont peu nombreuses. L’activité anticonvulsivante du delta-9-THC et du CBD est
démontrée dans des modèles animaux d’épilepsie, mais certaines études font également état
d’une activité proconvulsivante chez des animaux sains.(5) Dans ces modèles, la tolérabilité
du delta-9-THC était limitée en raison de ses effets psychotropes, tandis que le CBD était
mieux toléré. Dans l’ensemble, très peu de données cliniques appuient l’utilisation de la
marijuana ou d’autres dérivés du cannabis chez les enfants. Des rapports de cas individuels
ont été publiés, mais les essais aléatoires ou contrôlés sur le sujet sont rares.(7,8) Une récente
analyse Cochrane a permis d’extraire quatre études sur l’utilisation de la marijuana pour le
traitement de l’épilepsie.(9) Au total, seulement 47 patients, tous adultes, en faisaient partie.
Ces études démontraient une tolérance à court terme, mais aucune ne témoigne avec fiabilité
d’une diminution de la fréquence des convulsions. Les auteurs ont conclu qu’il faudra évaluer
l’utilisation de la marijuana pour le traitement de l’épilepsie dans le cadre d’études bien
conçues comptant sur des échantillons de patients suffisants.
Des données beaucoup plus solides corroborent l’efficacité limitée de la marijuana contre
d’autres affections. Selon des études sur le cannabis pour traiter la spasticité chez des adultes
atteints de la sclérose en plaques (SP), les cannabinoïdes administrés par voie orale semblent
réduire les indices de spasticité déclarés par les patients, tandis que l’efficacité de la marijuana
inhalée était incertaine.(10) Les résultats étaient similaires pour le soulagement de la douleur
centrale ou des spasmes douloureux chez des adultes atteints de la SP. Par ailleurs, ces adultes
présentaient moins de problèmes vésicaux s’ils prenaient du nabiximols, l’un des trois
médicaments dérivés du cannabis dont l’utilisation est approuvée au Canada, même si les
autres cannabinoïdes par voie orale n’avaient pas cet effet. Les cannabinoïdes semblaient
également inefficaces pour contrôler les tremblements chez les adultes atteints de la SP, la
chorée chez les adultes atteints de la maladie de Huntingdon, la dyskinésie associée au
lévodopa chez les adultes atteints de la maladie de Parkinson ou les tics chez les adultes
atteints du syndrome de la Tourette.(10)
Le cannabis continue d’être envisagé afin de traiter des affections pour lesquelles aucune
donnée n’en corrobore l’utilisation. Ainsi, aucune étude ne démontre l’efficacité et l’innocuité
de la marijuana pour contrôler la douleur ou les nausées chez les enfants.(11)
Utilisée à l’origine en Asie pour traiter douleurs, spasmes, nausées et insomnies, la marijuana est le
psychotrope le plus consommé au monde. L’intérêt du cannabis médical a été reconsidéré depuis peu,
menant à de nombreuses recherches et à la commercialisation de médicaments. Les cannabinoïdes
naturels et synthétiques exercent des effets bénéfiques dans de nombreuses maladies. Ils sont toutefois
accompagnés d’effets indésirables psychiatriques et cognitifs présumés liés au récepteur CB 1. Les
recherches actuelles tendent à concevoir des molécules thérapeutiques agonistes CB 2 sans effets
secondaires centraux psychotropes.

Les médicaments puissants peuvent causer des effets indésirables substantiels. Par exemple, il
est bien connu que de nombreux médicaments employés couramment contre les convulsions
chez les enfants s’associent à des effets négatifs sur le comportement et l’apprentissage. Les
effets secondaires les plus prévisibles de la marijuana sont la rougeur des yeux, la sécheresse
de la bouche, le ralentissement moteur et la tachycardie,(12) mais des analyses sur l’utilisation
médicale du cannabis font également état de réactions indésirables. Ainsi, une analyse
d’études sur l’utilisation de la marijuana pour traiter certaines maladies neurologiques a
démontré que 6,9 % des 1 619 patients ayant pris un cannabinoïde pendant moins de six mois
ont dû arrêter de l’utiliser en raison de réactions indésirables, par rapport à 2,2 % des 1 118
sujets du groupe témoin.(10) Même si ces effets étaient mal caractérisés, ils incluaient des
nausées, une faiblesse, des fluctuations d’humeur et de l’anxiété. Les études axées sur
l’atteinte cognitive semblaient révéler une atteinte deux fois plus élevée chez les patients
traités par de la marijuana que chez les sujets témoins.(10,13) Selon un essai clinique aléatoire
auprès de patients atteints de la SP, l’utilisation de cannabinoïdes était liée à un plus grand
risque de suicide que chez les sujets témoins qui prenaient un placebo.(14) Toutes ces études
ont été réalisées chez des adultes. Une controverse entoure la corrélation entre l’utilisation de
cannabis et le risque de graves troubles de la santé mentale, tels que la psychose. En effet, une
récente étude a établi que jusqu’au quart des nouveaux cas de psychose s’associait à la
consommation de cannabis très puissant à des fins récréatives.(15,16)
Selon quelques publications, la gravité des effets cognitifs du cannabis pourrait être liée à
l’âge. Une petite étude auprès d’adolescents ayant un trouble de déficit de l’attention avec
hyperactivité (TDAH) qui prenaient de la marijuana régulièrement a révélé un lien entre une
atteinte de la fonction exécutive, et peut-être même de la fonction cognitive, lorsqu’ils avaient
commencé à en consommer avant l’âge de 16 ans. Si cette consommation régulière débutait
après l’âge de 16 ans, les déficits cognitifs associés au TDAH ne semblaient pas s’aggraver.
(17) D’après une étude de neuro-imagerie, la densité, le volume et la forme de la matière grise
de jeunes adultes qui consommaient de la marijuana à des fins récréatives différaient de ceux
des sujets témoins.(18) L’exposition chronique à la marijuana s’associe à des réactions
indésirables touchant le lien fonctionnel intégré entre des régions distinctes du cerveau,
lesquelles seraient encore plus évidentes lorsque cette exposition s’amorce à l’adolescence.
(12,19–21) Aucune donnée ne porte sur les effets du cannabis sur le cerveau d’enfants plus
jeunes, mais il est probable qu’ils seraient similaires. Même ces observations limitées ont une
incidence sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales chez les enfants.
En général, lorsque la marijuana est consommée à des fins récréatives, les concentrations de
cannabinoïdes dans le sang sont faibles ou minimes pendant certaines périodes. En revanche,
dans un cadre thérapeutique, par exemple lorsque le cannabis est utilisé pour traiter une
épilepsie réfractaire, on cherche à maintenir une concentration de cannabinoïdes relativement
constante dans le sang. Ainsi, de prochaines recherches sur l’utilisation du cannabis à des fins
médicales chez les enfants devraient comporter des évaluations longitudinales de leur
développement, idéalement à l’aide de la neuro-imagerie, et il faudra discuter de ce type
d’effets au moment d’obtenir un consentement éclairé pour y participer. Lorsque le cannabis
est utilisé comme traitement de dernier recours, il faut avoir une discussion sérieuse et
détaillée sur ses risques et avantages potentiels avec le patient (dans la mesure du possible) et
sa famille. De plus, il faut surveiller de près l’évolution thérapeutique du patient afin
d’évaluer l’efficacité et la toxicité de la marijuana.
À l’instar de nombreux autres puissants psychotropes, la marijuana comporte un risque de
dépendance.(22) Ce risque se situe entre 9 % et 50 % chez les consommateurs de marijuana à
des fins récréatives et semble plus élevé quand cette consommation est quotidienne et
s’amorce à l’adolescence.(21) La désintoxication du cannabis chez les consommateurs
chroniques entraîne souvent des symptômes de sevrage, y compris les céphalées, les troubles
du sommeil, l’irritabilité et l’anxiété.(23)
La marijuana pose un problème particulier chez les enfants, car elle est généralement utilisée
sous forme de cigarette. Plusieurs raisons expliquent le caractère inacceptable de ce mode
d’administration auprès des populations plus jeunes. On sait que sa combustion est
responsable de la formation de goudrons et d’autres produits responsables d’effets nuisibles à
long terme, particulièrement la carcinogenèse. Sous cette forme, il est également difficile d’en
contrôler ou d’en rajuster la posologie. Ce problème prend tout son sens lorsque l’on sait qu’il
y a de deux à quatre fois plus de THC dans la marijuana produite de nos jours que dans les
plants cultivés il y a quelques décennies,(21,24) sans compter que son taux varie
considérablement d’un lot à l’autre.(21) Si les recherches démontrent l’efficacité et
l’innocuité du cannabis pour traiter certaines affections chez les enfants, il faudra adopter une
forme plus stable et plus adaptée que la cigarette. Les règles récentes régissant l’accès au
cannabis à des fins médicales au Canada pourraient ouvrir la voie à d’autres formulations.
Tout comme pour les autres psychoactifs, le fait de démontrer l’efficacité et l’innocuité du
cannabis contre certaines affections chez les enfants dans le cadre de thérapies soigneusement
conçues et surveillées ne justifie ni ne corrobore sa consommation à des fins récréatives chez
les enfants et les adolescents. Dans une étude récente menée aux États-Unis pour comparer la
consommation de marijuana chez les adolescents dans les États où le cannabis était offert à
des fins médicales à sa consommation dans les États où il ne l’était pas, son utilisation à des
fins récréatives n’était pas plus élevée dans les États où il était autorisé.(25) En revanche, une
étude sur les attitudes et les tendances relatives à la consommation de marijuana chez les
adolescents effectuée au Colorado, où le cannabis à des fins médicales est autorisé, a
démontré à la fois la perception d’un risque plus faible et un taux de consommation plus élevé
chez les jeunes de 12 à 17 ans que dans les États où il n’est pas offert.(26) Le même groupe de
recherche a décrit une augmentation substantielle des décès causés par des collisions routières
liées à la consommation de marijuana depuis que le cannabis a été légalisé à des fins
médicales au Colorado.(27)
Si l’efficacité et l’innocuité du cannabis sont un jour démontrées, il faudra le réglementer avec
le même soin et la même précision que les autres psychoactifs thérapeutiques.(28,29)
L’industrie de la « marijuana à des fins médicales » devra également être assujettie aux
mêmes normes en matière de réglementation, aux mêmes contrôles législatifs et au même
degré de supervision que l’industrie pharmaceutique. Les considérations relatives à
l’innocuité chez les enfants devront demeurer au coeur des décisions quant au traitement de
cas exceptionnels en pédiatrie.(30)
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RECOMMANDATIONS
 Selon des données isolées et la plausibilité biologique, le cannabis et ses dérivés
pourraient constituer un traitement efficace de l’épilepsie réfractaire chez les enfants,
mais il faut en évaluer attentivement l’efficacité à long terme au sein de cette
population, au moyen de recherches bien corroborées et bien conçues traitant de ses
effets sur leur développement, incluant la neuro-imagerie (qualité des preuves 4).(31)
 Selon les données médicales et la plausibilité biologique, le cannabis à des fins
thérapeutiques peut causer d’importantes réactions indésirables chez les enfants. Il faut
en évaluer attentivement les risques à long terme, au moyen de recherches bien
corroborées et bien conçues sur son innocuité chez les enfants, y compris sur leur
développement et au moyen d’études de neuro-imagerie (qualité des preuves 3).
 Pour plusieurs raisons, l’utilisation habituelle de la marijuana sous forme de cigarette
n’est pas acceptable chez les enfants. Des études sur le cannabis à des fins médicales
chez les enfants devraient porter sur d’autres modes d’administration afin d’en assurer
une concentration sécuritaire et constante (qualité des preuves 3).
 Pendant que ces recherches se poursuivent, il faudra évaluer l’utilisation du cannabis à
des fins médicales chez les enfants en fonction de chaque cas et l’assortir d’une
discussion approfondie de ses risques et avantages potentiels. Les plans thérapeutiques
qui comprennent du cannabis à des fins médicales doivent tenir compte de la dose, de
l’évaluation de l’efficacité et de la surveillance de l’innocuité et être préparés par des
cliniciens ou des équipes soignantes qui possèdent des compétences propres à la
maladie et qui sont en mesure d’évaluer à la fois l’efficacité et la toxicité du cannabis
(qualité des preuves 4).
 Il faut évaluer l’utilisation du cannabis pour le traitement des troubles neurologiques
chez les enfants en fonction d’une stratégie de recherche attentive. La décision de
l’étudier pour traiter une affection précise doit toujours reposer sur la plausibilité
biologique de son efficacité et sur les données découlant d’essais cliniques bien
conçus (qualité des preuves 4).
 Les cliniciens qui prescrivent du cannabis à des fins médicales aux enfants doivent
posséder des compétences et une formation sur l’utilisation des psychoactifs puissants
au sein de cette population. Le traitement doit s’accompagner de discussions
approfondies avec le patient (dans la mesure du possible) et sa famille sur les objectifs
et les risques potentiels de cette décision et s’appuyer sur une solide stratégie de
surveillance de son efficacité et de ses réactions indésirables.
 Il est plausible sur le plan biologique que le cannabis à des fins médicales ait des effets
néfastes lorsqu’il est utilisé pour traiter certaines affections chez les enfants,
notamment si le traitement est amorcé lorsqu’ils sont jeunes (qualité des preuves 4).
 Il ne faut pas confondre l’utilisation sélective de cannabis à des fins médicales chez les
enfants à l’approbation de sa consommation à des fins récréatives chez les adolescents.
Il faut adopter des stratégies pour en décourager la consommation à des fins
récréatives chez les adolescents, s’inspirant des modèles actuels visant à décourager la
consommation d’alcool et de tabac dans ce groupe d’âge (qualité des preuves 3).
connaissances sur la biologie du cerveau et sur les puissantes propriétés neuroactives des
cannabinoïdes a ravivé l’intérêt pour leur potentiel thérapeutique. En 1996, la Californie est
devenue le premier État américain à légaliser l’utilisation du cannabis à des fins médicales.(6)
Plusieurs États américains et le District de Columbia ont emboîté le pas, même si la Drug
Enforcement Administration des États-Unis désigne la marijuana comme une drogue de
l’annexe un, c’est-à-dire qu’au sens de la loi, elle n’a aucune valeur thérapeutique acceptée et
présente un fort potentiel d’abus. Au pays, Santé Canada a sanctionné l’utilisation de la
marijuana à des fins médicales en 2001, et la loi a été révisée en 2013 (www.gazette.gc.ca/rp-
pr/p1/2014/2014-06-14/html/reg1-fra.php). Pour avoir accès au cannabis à des fins médicales,
les patients canadiens doivent remettre un document produit par un professionnel de la santé à
un producteur autorisé, dont le permis est réglementé par le gouvernement fédéral. Ce
producteur peut alors fournir au patient la quantité de marijuana nécessaire pour une durée de
30 jours, jusqu’à concurrence de 150 grammes. Depuis une récente décision de la Cour
Suprême du Canada et la réponse subséquente de Santé Canada, certaines restrictions relatives
aux formes d’administration du cannabis aux patients ont été levées. Ces décisions devraient
permettre l’utilisation de préparations comme certaines huiles de cannabis à des fins
thérapeutiques.
Les données probantes qui appuient l’effet thérapeutique du cannabis chez les enfants atteints
d’épilepsie sont peu nombreuses. L’activité anticonvulsivante du delta-9-THC et du CBD est
démontrée dans des modèles animaux d’épilepsie, mais certaines études font également état
d’une activité proconvulsivante chez des animaux sains.(5) Dans ces modèles, la tolérabilité
du delta-9-THC était limitée en raison de ses effets psychotropes, tandis que le CBD était
mieux toléré. Dans l’ensemble, très peu de données cliniques appuient l’utilisation de la
marijuana ou d’autres dérivés du cannabis chez les enfants. Des rapports de cas individuels
ont été publiés, mais les essais aléatoires ou contrôlés sur le sujet sont rares.(7,8) Une récente
analyse Cochrane a permis d’extraire quatre études sur l’utilisation de la marijuana pour le
traitement de l’épilepsie.(9) Au total, seulement 47 patients, tous adultes, en faisaient partie.
Ces études démontraient une tolérance à court terme, mais aucune ne témoigne avec fiabilité
d’une diminution de la fréquence des convulsions. Les auteurs ont conclu qu’il faudra évaluer
l’utilisation de la marijuana pour le traitement de l’épilepsie dans le cadre d’études bien
conçues comptant sur des échantillons de patients suffisants.
Des données beaucoup plus solides corroborent l’efficacité limitée de la marijuana contre
d’autres affections. Selon des études sur le cannabis pour traiter la spasticité chez des adultes
atteints de la sclérose en plaques (SP), les cannabinoïdes administrés par voie orale semblent
réduire les indices de spasticité déclarés par les patients, tandis que l’efficacité de la marijuana
inhalée était incertaine.(10) Les résultats étaient similaires pour le soulagement de la douleur
centrale ou des spasmes douloureux chez des adultes atteints de la SP. Par ailleurs, ces adultes
présentaient moins de problèmes vésicaux s’ils prenaient du nabiximols, l’un des trois
médicaments dérivés du cannabis dont l’utilisation est approuvée au Canada, même si les
autres cannabinoïdes par voie orale n’avaient pas cet effet. Les cannabinoïdes semblaient
également inefficaces pour contrôler les tremblements chez les adultes atteints de la SP, la
chorée chez les adultes atteints de la maladie de Huntingdon, la dyskinésie associée au
lévodopa chez les adultes atteints de la maladie de Parkinson ou les tics chez les adultes
atteints du syndrome de la Tourette.(10)
Le cannabis continue d’être envisagé afin de traiter des affections pour lesquelles aucune
donnée n’en corrobore l’utilisation. Ainsi, aucune étude ne démontre l’efficacité et l’innocuité
de la marijuana pour contrôler la douleur ou les nausées chez les enfants.(11)
Les médicaments puissants peuvent causer des effets indésirables substantiels. Par exemple, il
est bien connu que de nombreux médicaments employés couramment contre les convulsions
chez les enfants s’associent à des effets négatifs sur le comportement et l’apprentissage. Les
effets secondaires les plus prévisibles de la marijuana sont la rougeur des yeux, la sécheresse
de la bouche, le ralentissement moteur et la tachycardie,(12) mais des analyses sur l’utilisation
médicale du cannabis font également état de réactions indésirables. Ainsi, une analyse
d’études sur l’utilisation de la marijuana pour traiter certaines maladies neurologiques a
démontré que 6,9 % des 1 619 patients ayant pris un cannabinoïde pendant moins de six mois
ont dû arrêter de l’utiliser en raison de réactions indésirables, par rapport à 2,2 % des 1 118
sujets du groupe témoin.(10) Même si ces effets étaient mal caractérisés, ils incluaient des
nausées, une faiblesse, des fluctuations d’humeur et de l’anxiété. Les études axées sur
l’atteinte cognitive semblaient révéler une atteinte deux fois plus élevée chez les patients
traités par de la marijuana que chez les sujets témoins.(10,13) Selon un essai clinique aléatoire
auprès de patients atteints de la SP, l’utilisation de cannabinoïdes était liée à un plus grand
risque de suicide que chez les sujets témoins qui prenaient un placebo.(14) Toutes ces études
ont été réalisées chez des adultes. Une controverse entoure la corrélation entre l’utilisation de
cannabis et le risque de graves troubles de la santé mentale, tels que la psychose. En effet, une
récente étude a établi que jusqu’au quart des nouveaux cas de psychose s’associait à la
consommation de cannabis très puissant à des fins récréatives.(15,16)
Selon quelques publications, la gravité des effets cognitifs du cannabis pourrait être liée à
l’âge. Une petite étude auprès d’adolescents ayant un trouble de déficit de l’attention avec
hyperactivité (TDAH) qui prenaient de la marijuana régulièrement a révélé un lien entre une
atteinte de la fonction exécutive, et peut-être même de la fonction cognitive, lorsqu’ils avaient
commencé à en consommer avant l’âge de 16 ans. Si cette consommation régulière débutait
après l’âge de 16 ans, les déficits cognitifs associés au TDAH ne semblaient pas s’aggraver.
(17) D’après une étude de neuro-imagerie, la densité, le volume et la forme de la matière grise
de jeunes adultes qui consommaient de la marijuana à des fins récréatives différaient de ceux
des sujets témoins.(18) L’exposition chronique à la marijuana s’associe à des réactions
indésirables touchant le lien fonctionnel intégré entre des régions distinctes du cerveau,
lesquelles seraient encore plus évidentes lorsque cette exposition s’amorce à l’adolescence.
(12,19–21) Aucune donnée ne porte sur les effets du cannabis sur le cerveau d’enfants plus
jeunes, mais il est probable qu’ils seraient similaires. Même ces observations limitées ont une
incidence sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales chez les enfants.
En général, lorsque la marijuana est consommée à des fins récréatives, les concentrations de
cannabinoïdes dans le sang sont faibles ou minimes pendant certaines périodes. En revanche,
dans un cadre thérapeutique, par exemple lorsque le cannabis est utilisé pour traiter une
épilepsie réfractaire, on cherche à maintenir une concentration de cannabinoïdes relativement
constante dans le sang. Ainsi, de prochaines recherches sur l’utilisation du cannabis à des fins
médicales chez les enfants devraient comporter des évaluations longitudinales de leur
développement, idéalement à l’aide de la neuro-imagerie, et il faudra discuter de ce type
d’effets au moment d’obtenir un consentement éclairé pour y participer. Lorsque le cannabis
est utilisé comme traitement de dernier recours, il faut avoir une discussion sérieuse et
détaillée sur ses risques et avantages potentiels avec le patient (dans la mesure du possible) et
sa famille. De plus, il faut surveiller de près l’évolution thérapeutique du patient afin
d’évaluer l’efficacité et la toxicité de la marijuana.
À l’instar de nombreux autres puissants psychotropes, la marijuana comporte un risque de
dépendance.(22) Ce risque se situe entre 9 % et 50 % chez les consommateurs de marijuana à
des fins récréatives et semble plus élevé quand cette consommation est quotidienne et
s’amorce à l’adolescence.(21) La désintoxication du cannabis chez les consommateurs
chroniques entraîne souvent des symptômes de sevrage, y compris les céphalées, les troubles
du sommeil, l’irritabilité et l’anxiété.(23)
La marijuana pose un problème particulier chez les enfants, car elle est généralement utilisée
sous forme de cigarette. Plusieurs raisons expliquent le caractère inacceptable de ce mode
d’administration auprès des populations plus jeunes. On sait que sa combustion est
responsable de la formation de goudrons et d’autres produits responsables d’effets nuisibles à
long terme, particulièrement la carcinogenèse. Sous cette forme, il est également difficile d’en
contrôler ou d’en rajuster la posologie. Ce problème prend tout son sens lorsque l’on sait qu’il
y a de deux à quatre fois plus de THC dans la marijuana produite de nos jours que dans les
plants cultivés il y a quelques décennies,(21,24) sans compter que son taux varie
considérablement d’un lot à l’autre.(21) Si les recherches démontrent l’efficacité et
l’innocuité du cannabis pour traiter certaines affections chez les enfants, il faudra adopter une
forme plus stable et plus adaptée que la cigarette. Les règles récentes régissant l’accès au
cannabis à des fins médicales au Canada pourraient ouvrir la voie à d’autres formulations.
Tout comme pour les autres psychoactifs, le fait de démontrer l’efficacité et l’innocuité du
cannabis contre certaines affections chez les enfants dans le cadre de thérapies soigneusement
conçues et surveillées ne justifie ni ne corrobore sa consommation à des fins récréatives chez
les enfants et les adolescents. Dans une étude récente menée aux États-Unis pour comparer la
consommation de marijuana chez les adolescents dans les États où le cannabis était offert à
des fins médicales à sa consommation dans les États où il ne l’était pas, son utilisation à des
fins récréatives n’était pas plus élevée dans les États où il était autorisé.(25) En revanche, une
étude sur les attitudes et les tendances relatives à la consommation de marijuana chez les
adolescents effectuée au Colorado, où le cannabis à des fins médicales est autorisé, a
démontré à la fois la perception d’un risque plus faible et un taux de consommation plus élevé
chez les jeunes de 12 à 17 ans que dans les États où il n’est pas offert.(26) Le même groupe de
recherche a décrit une augmentation substantielle des décès causés par des collisions routières
liées à la consommation de marijuana depuis que le cannabis a été légalisé à des fins
médicales au Colorado.(27)
Si l’efficacité et l’innocuité du cannabis sont un jour démontrées, il faudra le réglementer avec
le même soin et la même précision que les autres psychoactifs thérapeutiques.(28,29)
L’industrie de la « marijuana à des fins médicales » devra également être assujettie aux
mêmes normes en matière de réglementation, aux mêmes contrôles législatifs et au même
degré de supervision que l’industrie pharmaceutique. Les considérations relatives à
l’innocuité chez les enfants devront demeurer au coeur des décisions quant au traitement de
cas exceptionnels en pédiatrie.(30)
Go to:

RECOMMANDATIONS
 Selon des données isolées et la plausibilité biologique, le cannabis et ses dérivés
pourraient constituer un traitement efficace de l’épilepsie réfractaire chez les enfants,
mais il faut en évaluer attentivement l’efficacité à long terme au sein de cette
population, au moyen de recherches bien corroborées et bien conçues traitant de ses
effets sur leur développement, incluant la neuro-imagerie (qualité des preuves 4).(31)
 Selon les données médicales et la plausibilité biologique, le cannabis à des fins
thérapeutiques peut causer d’importantes réactions indésirables chez les enfants. Il faut
en évaluer attentivement les risques à long terme, au moyen de recherches bien
corroborées et bien conçues sur son innocuité chez les enfants, y compris sur leur
développement et au moyen d’études de neuro-imagerie (qualité des preuves 3).
 Pour plusieurs raisons, l’utilisation habituelle de la marijuana sous forme de cigarette
n’est pas acceptable chez les enfants. Des études sur le cannabis à des fins médicales
chez les enfants devraient porter sur d’autres modes d’administration afin d’en assurer
une concentration sécuritaire et constante (qualité des preuves 3).
 Pendant que ces recherches se poursuivent, il faudra évaluer l’utilisation du cannabis à
des fins médicales chez les enfants en fonction de chaque cas et l’assortir d’une
discussion approfondie de ses risques et avantages potentiels. Les plans thérapeutiques
qui comprennent du cannabis à des fins médicales doivent tenir compte de la dose, de
l’évaluation de l’efficacité et de la surveillance de l’innocuité et être préparés par des
cliniciens ou des équipes soignantes qui possèdent des compétences propres à la
maladie et qui sont en mesure d’évaluer à la fois l’efficacité et la toxicité du cannabis
(qualité des preuves 4).
 Il faut évaluer l’utilisation du cannabis pour le traitement des troubles neurologiques
chez les enfants en fonction d’une stratégie de recherche attentive. La décision de
l’étudier pour traiter une affection précise doit toujours reposer sur la plausibilité
biologique de son efficacité et sur les données découlant d’essais cliniques bien
conçus (qualité des preuves 4).
 Les cliniciens qui prescrivent du cannabis à des fins médicales aux enfants doivent
posséder des compétences et une formation sur l’utilisation des psychoactifs puissants
au sein de cette population. Le traitement doit s’accompagner de discussions
approfondies avec le patient (dans la mesure du possible) et sa famille sur les objectifs
et les risques potentiels de cette décision et s’appuyer sur une solide stratégie de
surveillance de son efficacité et de ses réactions indésirables.
 Il est plausible sur le plan biologique que le cannabis à des fins médicales ait des effets
néfastes lorsqu’il est utilisé pour traiter certaines affections chez les enfants,
notamment si le traitement est amorcé lorsqu’ils sont jeunes (qualité des preuves 4).
 Il ne faut pas confondre l’utilisation sélective de cannabis à des fins médicales chez les
enfants à l’approbation de sa consommation à des fins récréatives chez les adolescents.
Il faut adopter des stratégies pour en décourager la consommation à des fins
récréatives chez les adolescents, s’inspirant des modèles actuels visant à décourager la
consommation d’alcool et de tabac dans ce groupe d’âge (qualité des preuves 3).

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