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Correspondance avec Vasile

Lovinescu, René Guénon,


non publié, 1934-1940
p. 40

Le Caire, 2 mars 1938

 
     Cher Monsieur,
 
     
 
     Votre
lettre du 17 février m’est bien parvenue la semaine dernière ; elle s’est croisée avec
celle dans laquelle je vous parlais de la lettre de D. ; je vous demandais aussi comment il
avait eu mon adresse ! J’espère que vous le rencontrerez de nouveau et que vous pourrez
ainsi lui transmettre ma réponse, car plus j’y réfléchis, plus je pense qu’il vaut
beaucoup
mieux que je n’entre pas en correspondance directe avec lui…
 
     Je
tâcherai de répondre à vos questions sans trop tarder, et aussi à la dernière lettre de
M. Vâlsan, ce dont je n’ai pas encore pu trouver le temps jusqu’ici… – Pour la
correspondance du “coagula” et du “solve”, c’est bien en effet comme vous avez compris.
 
     Pour
aujourd’hui, il faut seulement que je vous transmette une question dont
je suis chargé
de la part d’A. K. Coomaraswamy. Il y a au Musée de Boston une monnaie de Michael
Apafi, prince de Transylvanie, datée de 1677, et sur laquelle il est qualifié de Siculorum
Coms. Personne
ne peut comprendre la signification de ce titre, car il est bien

invraisemblable que cela ait un rapport quelconque avec la Sicile (qui d’ailleurs était un
royaume et non pas un comté) ; y avait-il donc, ailleurs qu’en Sicile, un peuple portant ce
  même nom de Sicules, ou du moins dont le nom a pu être latinisé sous cette forme ?
 
     S’il
s’agit d’un peuple de quelque région roumaine, ce qui serait l’hypothèse la plus
vraisemblable, sans doute connaîtrez-vous l’explication ; vous seriez bien aimable de me la
donner dès que vous pourrez ; merci d’avance.
 
     Autre chose
dont il faut que je vous prévienne : il paraît que vous recevrez probablement
quelques lettre de Mostaganem ; vous ferez bien de n’y répondre que d’une façon aussi
insignifiante que possible et par des formules de pure politesse ; et même, si vous préfériez,
ne pas y répondre du tout, cela ne pourrait pas avoir grand inconvénient. En effet, nous
avons convenu avec Sidi Aïssa de réduire les relations de ce
côté au minimum, car ce qui s’y
passe maintenant est bien loin d’être satisfaisant ; tout y est sacrifié à des tendances
exotériques et propagandistes que nous ne pouvons pas approuver du tout ; la rapidité avec
laquelle cette dégénérescence s’est produite est même tout à fait extraordinaire.
Heureusement que, par contre, tout va très bien à Bâle ;
j’en ai eu encore d’excellentes
nouvelles aujourd’hui même. – J’ajoute à
ce propos que, pour éviter toute confusion qui
serait plus ou moins fâcheuse dans les conditions présentes, Sidi Aïssa a décidé, d’accord

avec moi, de reprendre l’ancien titre complet qui a été abandonné à Mostaganem depuis la
mort du Sheikh : “Et-Tarîqah El-Alawiyah Ed-Derqâwiyah Eh-Shâdhiliyah” ; peut-être
d’ailleurs en avez vous déjà été informé…
 
     Croyez, je vous prie, cher Monsieur, à mes sentiments les meilleurs.

René Guénon

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