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BERTA ARES QUEUA y SERGE GRUZINSKÍ

PUBliCACIONES DE LA
ESCUELA DE ESTUDIOS J:llSPANO-AMERICANOS (COORDINADORES)
DESEVll..LA

ENTRE DOS MUNDOS


Fronteras Culturales y Agentes Mediadores
N.0 de Catálogo: 388

i.
1

Esta publicación forma parte del Proyecto Frontera y fronreras.


La apropiación de la frontera en América Latina (PS 94-0054),
fin anciado por la DGICYT.

Las noticias, asertos y opiniones contenidos en este SEVll..LA, 1997


tnbajo son de la exclusiva responsabilidad de los autores.
N D 1 CE

PRESENTACIÓN .................................. ................................. :................ 9

l.-AGENTES .MEDIADORES, SOCIEDAD Y POLÍTICA


GIL, Juan
- Los primeros mestizos indi<5s en España: Una voz ausente...... 15
ARES QUEDA, Berta
- El papel de mediadores y la construcción de un discurso sobre
la identidad de los mestizos peruanos (siglo XVI).................... 37
BERNAND, Carmen
- Los caciques de Huánuco, 1548-1564: El valor de las cosas... 61
STOLS, Eddy
- Sa.ints, martyrs et captifs d'outre-mer: Un refus du monde dans
la culture rnissionnaire des Pays-Bas méridionaux du XVII•
et xvrn• siecles? ......................................................................... 93
THEODORO, Janice
•. - Mestiyagens: Ocidente e Oriente. Os macaenses entre dois
mundos........................................ .................................................. 115

m
MORO, Raffaele
Foto portada: · - Mobilita e 'passeurs culturels'. ll caso dell' America colo ni ale
"Centaura y.Mono" spagnola ........... .......... ................................................................... 149
Casa del Deán, Puebla
(Foto GILLES MERMET) II.-AGENTES MEDIADORES Y SABERES CIENTÍFICOS
CSIC BARRETO, Luis Filipe
C<:SIC - Duarte Barbosa e Tomé Pires. Os Autores das Primeiras
N!PO 179-97-062-3 Geografias Globa.is do Oriente .....................................:.............. 177
ISBN 84-00-07656-7
Depósito Legal: SE- 1242- 1997
BENAT-TACHOT, Louise
Edición: Escuela de Estudios Hispano-Americanos - Ananas versus cacao. Un exemple de discours ethnographique
M:>quemción: J. Gallardo dans la Historia General y Natural de las Indias de Gonzalo
Imprime: El Adalid Seráfico S.A.
Fernández de Oviedo ................................................................... 193
ANANAS VERSUS CACAO
UN EXEMPLE DE DISCOURS ETHNOGRAPHIQUE
DANS LA HISTORIA GENERAL Y NATURAL DE LAS INDIAS
DE GONZALO FERNÁNDEZ DE OYIEDO

LOUISE 8~-TArnor
UNIV. DE MARNE-LA-VALL&

lNTROOUCI'ION

La HGN fonctionne comme une randonnée irrésistible, en quete


d'une impossible totalisation, ou s'articulent l'histoire et la géographie,
selon un feuilletage de structures spatiales et temporelles complexe. Les
chronologies se chevauchent -histoire de l'auteur et des hommes
d'Espagne daos le Nouveau Monde, elle meme ramifiée a l'histoire
péninsulaire, comme un tissage lache réguli~rement retendu par l' au-
teur. Dans cette oeuvre (1>, chantier de la connaissance ou doit s'édifier
le monde colonial, sont dessinés des pans, des éclats de la vie indig~­
ne. Les chronologies se greffent daos le découpage géographique, cadre
que défriche la conquete et que balise le cosmograph.e. Daos cet ensem-
ble, fonnellement difficilement unifiable, la vision du monde indigene
est fragmentée et participe de cette complexité. A la fois dépendante du
cadre géograpbique -ce qui est donné a voir dans un espace cerné par
le regard oceidental- et du cadre chronologique historique -ce qui
est donné a combattre, a posséder ou a perdre, la dimension ethno-
graphique <2> descriptive, se double d'une dimension déontique et alét-
hique qui induisent un seos et convoquent une pratique.
1 Gonzalo Fem:lndez de Oviedo, Historia G~n~ral y Natural dt las lndias, Edition de
J. ~rez de Tudcla Bueso, Madrid, Ed. Atlas, Biblioteca de Autc¡res Espalloles, 1959, Tomes
117- 121. Les liférences dans le texte se feront en mentionan_t7le tome (&: I a V) suivi de la
page.
2 Pour la définition des termes d'er:hnogmphie el elhnologie oous nous liferons aux
~IS d' Andrt Leroi-Gou.dlan, qui oous paraissen1 poser le probl~mc daos son ensemble et
d' une f~o claire. n observe que les scieDcel bumaines "ont des délimitations assez tloues".
qu'il existe "une tlucruation des termeS" qui ne rcl~ve pas "d'un ~ de coofusion mais de
l' unit~ de l'objet, l'bomme". Nous distinguerons pour tenter de p:uer l ce11e difficult~.
l' elhnogJUphie, comme description des faiiS de l'ethnologie qui "dtfmil la p:utictiliuité des
194 LOUISE BÉNAT-TACHOT
ANANAS VERSUS CACAO 195

Héritier a la fois de Pline et Isidore de Séville, Oviedo met en supposés éthiques de l'auteur permet. d'attendre autre chose qu'un
forme par l'écriture un monde en vertu des lectures et des expériences ensemble disparate de données fondues dans la seule masse de la chose
sensorielles qui ont forgé son regard. ll s'agit d'analyser ce texte en écrite, au service de César. Le discours ethnographique mérite pour-
se demandant a quelles questions, a quels horizons d'attente -per- tant d'etre analysé qu'il soit découverte, alibí ou cauchemar.
sonnel et collectif- il répond. Finalement notre travail s'apparente a
une relecture, qui releverait les entrées plurielles du texte. Lignes de LES OCCURRENCES DU MONDE INDIGENE
force, dispersion, glissements, évitements: les chapitres qui décrivent
les hommes et les femmes du Nouveau Monde forrnent un réseau com- Comment les descriptions a caractere ethnographique sont-elles dis-
plexe: c'est un savoir a la fois nouveau et ancien, qui découvre et tribuées dans la HGN? Disséminées dans la premiere partie, au sein
retrouve. La HGN est pleine de détours, de recoupements, de reprises, du classement botanique et zoologique, on les trouve également dans
d'impasses, ce n'est pas un ensemble que !'esprit, faisant oeuvre de 1' énorrne livre des Depósitos, dans 1'ensemble de l'oeuvre, par aire
rationalité, a su organiser a la facron d'un Acosta, ni un récit que la géographique, sous le titre de particularidades, mais aussi dans le corps
seule dynamique narrative suffit a rendre cohérent. La HGN est un du récit événementiel. Décrivant les modalités de la renconu:e, de la
texte nourri de plusieurs savoirs, régi par des stratégies discursives conquete et de l'évangélisation, le chroniqueur trace des portraits d'iné-
différentes. Comment aborder l' étude du monde indigene dans la HGN? gale qualité ethnographique O>. Dans cette partie de notre étude ethno-
La réponse ne peut etre univoque car le discours en question est a la graphique, nous nous sommes attachée h l'expérience personnelle
fois multiple et variable. MultipÚ~ car il croi~e les données de la géo- caribéenne de 1' auteur pour la cohérence géographique et culrurelle
graphie physique et celles de l'histoire, équivoque, car il entre oans la qu'elle sous-tend C4>. C'est l'espace de référence pour toute sa présen-
difficile relation de conquete, dans un rapport de torce agressif qu la tation de la faune et de la flore du Nouveau Monde <5l. Une certaine
compréhension, la connaissance subissent les·· lois écrasantes et di~­ cohérence nait dans la prerniere partie qui concerne essentiel!ement la
continues de la domination de l' áutre et des résistances engendrée~. zone vitale du chroniqueur, celle de sa culture américaine intime. Cela
C'est done une vision fragmentée, partiale, qui répond aux impératifs signifie-t-il que les relations de la HGN qui concement d'autres régions
cognitifs et éthiques d'une chronique, c'est a dire d'uri ouvrage poli- (la Patagonie, la Floride, le Río de la Plata, le Pérou etc.) n'aient aucun
tique .. Que peut en attendre au fond un historien? Mauvaise foi, indi- intéret ethnographique a nos yeux? Pourquoi donner une telle priorité
gence, malentendus, ratés du langage et du sens, usurpation ... Car il a l'expérience personnelle? ·Plusieurs raisons nous incitent a opérer de
n'y a pas chez Oviedo cette obstination dans le désir de connaltre la la sorte: la différence essentielle que constitue pour Oviedo et pour
langue, d'interroger l'indigene maintes et maintes fois, comme le firent tout ethnologue, l'expérience de terrain, c'est la une différence quali-
les Franciscains au Mexique, un Sahagún attentif, tenace, éclairé, tra- tative qui ne disqualifie pas les autres récits mais les place dans un
vaillant sur un long terrne avec un objectif de connaissance défini, bref rapport différent a la réalité ethnographique. En outre cette expérien-
dans des conditions préscientifiques qui perrnettent d'augurer favora-
blement d'une indiscutable valeur anthropologique. Rien de te! chez 3 Ce sera l'objet de notre étude dans le cadre de l'ana!yse de l'Indien affronté ou
confronté a l'Espagnol (~me partie).
Oviedo: on peut se demander ce qui dans l'expérience et dans les pré-
4 Soit les livres IV, XVI, XVII, XVIII, XIX qui traitent des Grandes Antilles, premiere
partie, les livres 29 ec 31 livres sur Castilla del Oro, deuxieme panie, et enfm dans les livres
groupes humains", les propriétés de ces groupes a travers leurs comportements.
42 et 43 qui porten! sur le Nicaragua, dans la croisieme partie.
L' anthropologie se distinguerait aloiS paree qu' elle aborde la généralité, lois indépendamment
5 !ere partie: l'expression "islas e tierra Firme" recoupe es~ntiellement !'aire antillaise
n
du "dynamisme ethnique". observe dans le meme chapitre que ''les lignes d'investigation
et circumcaribéenne . Ce catalogage botanique et zoologique est completé par quelques additifs
les plus fécondes coincident d'ailleurs tres souvent avec les frontieres entre spécia!ités", les
disciplines métisses. n conclut enfin par le consta! de l'impossible exhaustivité "l'investigation
sur d'autres régions en eres a
petic nombre, ainsi le bison est rajouté la fois dans le livre 27
de la deuxieme partie apees l'épisode de la tentative de conquete de la Floride par Ponce de
est soumise awc nécessités de l' analyse partielle", insistan! sur le "caractere nécessaire des
León et dans le dernier chapitre du livre XII ou sont décrits les animaux terrestres (1[:55).
recoupements" et de "la confrontation de toutes les disciplines. En définitive, il ne s'agit que
Le lama est aussi dans le chapitre 30 du meme livre.
d'un unique sujet: l' homme" (Le Fil du Temps. Paris, Fayard., 1983, pp. 243-248).
196 LOUISE BÉNAT-TACHar
ANANAS VERSUS CACAO 197
ce est premiere dans le temps et dans la constitution du rapport inte- estirner leurs contours, comme on peindrait un tableau? Autrement dit,
llectuel et sensible d'Oviedo au Nouveau Monde. Elle est la base, le le texte opere-t-il a }'instar de ces dessins qui mis bout a bout, pro-
sédiment; par elle, Oviedo se pense en mesure de critiquer les discours poseraient au lecteur-spectateur une série d'instantanés, o~ serait fix.é
des autres, de les ajuster. Cest elle qui donne a la fois la valeur et les par l'oeil focal un thesaurus, une collection d'images du Nouveau
limites du poste fixe de St Domingue. Lorsqu'Oviedo n'est pas le Monde, retenues les unes aux autres par le seul fil de la nouveauté?
témoin oculaire, les tecbniques discursives de la cbronique cbangent, Cela pourrait correspondre a la rnission initiale du chroniqueur et cela
au niveau de la construction de la cbronique (succession de plusieurs ressemble en partie a ce qui est fait dans le Sumario <6>. Le chroniqueur
témoignages différents sur une meme zone,) et au niveau du disposi- avait pour mandat de tout décrire, les us et les coutumes des habitants
tif critique des sources (description du témoin, nom, origine ou con- ("usos y costumbres de los moradores"), ainsi que la nature du Nouveau
dition sociale, modalités et dates de la déclaration etc.). Oviedo interroge Monde: cela joue sur une idée de cumul, d'emboutissage des infor- .
· le regard et la mémoire de 1' autre, et non plus la sienne. La deuxieme mations apparemment livrées daos le seul but de faire connaitre au
raison qui nous invite a privilégier l'expérience personnelle tienta notre mieux ce qui est étranger, éloigné, différent. Pour répondre aune mis-
auteur, observateur exigeant, rninutieux, et peu rompu aux e:xercices sion aussi frauduleusement simple, Oviedo a emprunté plusieurs voies
rhétoriques comme l'élite intellectuelle de son temps. Cela ne signifie et la difficulté est de prendre en compte les différentes entrées discur-
pas qu'il dise plus la "vérité" qu'un Pedro Mártir de Anglerfa mais sives qui décrivent le monde indigene et d'en identifier les stratégies
l'observation personnelle, la retranscription du vivant sont irremplaya- pour cornprendre le seos de ce qui est raconté. Les nombreuses occu-
bles et créent un écart pertioent, suffisant pour justifier en soi l' analy- rrences de l'indigene et du monde daos Jeque! il vit suffi.sent a mon-
se. Enfin nous nous centrons sur ces livres car !'aire culturelle qui les trer le dispositif complex.e grace auquel Oviedo a répoodu a l'apparente
réunit si elle o'est pas homogene -{)O y trouve beaucoup de groupes simplicité du rnandat royal.
ethniques et de \angues différentes- présente neanmoins des caracté-
ristiques communes, un "tropisme de l'indien des basses terres tropi-
cales" qui a été beaucoup moins analysé que celui des hautes LEs DlFFÉRENrES ENTRÉES
civilisations impériales et cristallise un ensemble de valeurs identifiées
par l'Europe comme la barbarie. Il était facile de s'émerveiller devant Daos le cadre de l'énumération classifiée des plantes et des ani-
une ville comme Tenochtitlán qui comptait plus de maisons et d'habi- maux du Nouveau Monde, empruntée a 1' Histoire Naturelle de Pline,
tants que Séville, de s'extasier devant son marché et ses jardins flot- daos ce quadrillage qu'opere l' esprit occidental pour ordonoer un mare
tants, d'estimer le luxe des cérémonies entourant l'empereur, il était magno e oscuro de réalités nouvelles, l'indien et l'indienne sont saisis
moins courant de cerner l'organisation sociale, militaire et matérielle par le regard d'Oviedo a travers un ensemble de pratiques, un savoir
d'Indiens nus, habitant les villages de bois du Darién, du Cenú, de en action qui transforme sous les yeux du chroniqueur la matiere pre-
Cueva, etc. ct d'en identifier les valeurs morales, d'en décrire les rituels. miere; a travers l'objet et ses transforrnations s'operent de véritables
Un des paradoxes les plus féconds de la HGN vient de ce qu'Oviedo transmissions culturelles plus ou moins saisies par le regard, le dessin,
ne connut jamais personnellernent les civilisations des hauts plateaux. l'écriture .
Comment ces sociétés indigenes sont-elles décrites daos la HGN, selon Il en va tout autrement daos les chapitres intitulés particularida-
quelle dynarnique discursive? S'agit-il d'un discours humaniste dont la des. U, pour un temps, le fil bistorique est suspendo, et l'auteur s'at-
modalité épistémique vise a la connai.ssance ou ne doit-on y voir que tacbe a regrouper un ensemble d 'inforrnations ethnographiques retenues
le discours d' un agent de l'impérialisme espagnol? Oviedo arpentait le pour leur singularité. Daos ce type de cbapitres, la description globa-
Nouveau Monde, en rnesurait les espaces les cotes, les fleuves, trayant
6 G. Fernández de Oviedo, SIUIIQTio de ltz Nanual Historia de las Indias. Edition et
un ensemble de lignes re~res, s'agit-il d'opérer un tracé des hommes, introducúon de Manuel Ballesteros G:úbrois, Madrid, Historia 16, 1986, o.• 21.
198 LOUISE BÉNAT-TACHOT ANANAS VERSUS CACAO 199

lisante alterne avec l'anecdote qui y trouve une place de choix, ce sont cription donne lieu a des sous ensembles comme c'est le cas des pal-
des chapitres qui souffrent d'un manque d'organisation, véritable macé- ntiers ou des cactus. Décrire c'est nommer, situer, mesurer, estimer le
dome ("composta") pour reprendre les images culinaires de l'auteur oll volume des choses, c' est aussi procéder a des analogies et des com-
sont morcelées et mélangées les informations de type ethnographique: paraisons. L'effet de "fidélité" de la description est enfin renforcé par
le dessin, qui double la peinture verbale. C'est en effet dans cette par-
voy discurriendo por diversidades de materias diferentes e apar- tie de la Historia qu'ils sont le plus nombreux: 53 sur 74 dessins répar-
tadas unas de otras, por satisfacer lo que propuse de decir en tis selon la disposition adoptée par Tudela en 15 planches concernent
este capítulo, e porque esta ensalada o mixtura de cosas toda
les éléments de la faune, :flore ou produits indigenes manufacturés.
es en la mesma Nicaragua (IV:425).
L'écrasante majorité de ces 53 dessins sont inclus dans les livres VII
Pourtant on trouve bon nombre de constantes, dont les plus mani- t'agriculture, VIII les arbres fruitiers, IX les arbres sauvages, X les
. ·festes sont les vetements et le corps, l'aspect militaire, la gastrono- arbres médicinaux, XII les animaux, XIII les animaux: aquatiques, XIV
mie et les rituels. Ces aspects récurrents dans de tels chapitres jalonnent les oiseaux, XV les insectes, ils constituent d'authentiques planches de
aussi les relations de conquete pour des raisons évi~entes: ce qui struc- la Nature américaine m.
ture 1~ premier regard que pose le conquérant sur le Nouveau Monde, L'autre entrée se fait au contraire sous le signe du désordre, de la
ce sont les nécessités immédiates -sécurité, survie- et les différen- compilation. L' auteur y réunit pele mele un ensemble de données dig-
ces socio-morales les plus lisibles, l' idolat:rie et la nudité. Les chapi- nes d'etre relatées soit pour leur extreme nouveauté, soit qu'elles sus-
tres de particularidades sont hétérogenes, ils offrent une vision · citent intéret ou émotion. Le texte met en scene des fragments de la
mosai'quée, diffractée des civilisations indigenes. D~s ces fragmen-· vie quotidienne des indigenes, rend compte de leur habitat, Jeur ali-
tations parfois s'opere une concrétion du sens, la restitution , d' u¡¡¡ mentation, Jeur apparence physique, leurs cérémorues <S>.
moment de vie sociale, d'autres fois s'y usent les memes mots selon
des expressions presque Jexicalisées qui gelent le sens, l'évacueot au
l Ces chapitres sont intégrés dans l'histoire événementielle et a aucun
moment, Oviedo ne consacre un livre entier a la description systéma-
moment quand elles croient s'en saisir. Faites a la fois de topiques et 1 tique d' un groupe indigene, ce qui s 'apparenterait a un projet mono-
d'observations, ces descriptions tissent un ensemble de représentations 1 graphique. Néanrnoins, les particularidades d'une meme région connue
et dans le merne ternps créent des points aveugles: 1' oeil focal cons- d' Oviedo, mises bout a bout, créeni un faisceau de tableaux qui, en
truit le monde iodigene c'est a dire qu'il sépare, élimine, retient dans dépit d'une bigarrure descriptive, restituent bon nombre de traits eth-
1
l'acte meme du regard. Nous nous proposons d'identifier les méca-
rusmes culturels et idéologiques qui président aces différentes élabo-
·¡
1 7 D. Tumer, ''Forgotten Treasure from tbe lndies: The Illustmrions dans drawings of
rations discursives. Femández de Oviedo", Huntington Library Quaterly, 1985, pp. 1-46.
1 8 Ainsi dans les chapitres con.sacrés aux Indiens de la liispaniola du livre V, on assiste
En se fondant done sur l'organisaúon du discours qui traite de l'in-
au dé!ilé de scC!es de la vie quotidienne, découp«s de f~n :ubitraire du point de vue
digene, pour les zooes qui nous occupent, on identifie aisément deux. etbnographique, sorte de prélude h la relation circonstanciée de la rébellion du cacique Enrique.
entrées. L'une est celle des objets manufacturés, présentés par le biais On y trouve la description des areiros, de l'absorption du tabac "ahuma!bw, des pratiques
de !'ensemble classifié de la faune et de la flore, l'autr.e est celle des funéraires et matrimoniales etc... selon la classique disuibution u tilisée par Hérodote dans
les Hisroires. Cbez l'historien grec, les catégories de faits cul turels utilisées étaient la
particularidades, fenetres ouvertes sur le Nouveau Monde ou s'opere
localisation gtographique, la langue, les vetements, la nourriture, les rites funéraires, la défense
!'amalgame d'éléments hétéroclites. Daos les deux cas l 'auteur a pour et le prestige aupres des autres peuples. A partir ce ce modele, un certain nombre
projet d' épuiser le capital informatif dont il dispose. Les deux entrées d'inJoanations ethnograpbiques étaient regroupées de ~ plus ou moins sys~matique. Cela
fonctionnent de fa~o n opposée. Dans le cas des objets, c'est une collec- revient h dire que décrire un peuple éttanger o' était nullement une situation nouveUe pour
les voyagews de la Renaissance. Oviedo n'a pas connaissance d'Hérodote qu' il ne mentionne
tion ordonnée selon les catégories empruntées a l'oeuvre de Pline jamais daos la HGN, mais cela ne signifie évidemment pas que ces catfgories descriptives
l' Ancien. Au sein de chaque grande classe, les objets sont pris un par qui avaient transité pcndant toute la période médiévale, et plus encore h partir du XVeme
un, sans que soit explicités de sous groupes meme si parfois la des- si~cle, tui aient été éttangeres.
ANANAS VERSUS CACAO 201
200 LOUISE B~-TACHar

d'une démarcbe classificatoire, puis descriptive de la faune et de la


nographiques. C'est le cas des trois matrices ethnographiques de la
flore du Nouveau Monde, cela l'oblige a intégrer a la fois les objets
Hispaniola, de Cueva et du Nicaragua (9)_
bruts qui ne font pas intervenir la main de l'bomme, et ceux qui sup-
posent des opérations de transformation de la part des futurs usagers.
LEs OBJETS ET LEUR FABRJCA:J'ION: ACcEs AU SAVOffi-FAIRE S'opere alors une mise en perspective de ce fond nocturne des acti-
vités sociales, ces "manieres de faire quotidiennes" <11>. Déja entrepris
De meme que la composition de la HGN et son écriture sont sujets dans le Sumario, le descriptif est réagencé et complété dans la pre-
aux tensions et digressions, de meme le theme indigene, darts cette miere partie de la HGN.
architecture irréguliere subit une fragmentation et des pressions qui Le regard s'exerce avec la meme acuité pour décrire les arbres sau-
sont des dynamiques de sens dont les effets -un peu a la fa<;on dont vages ou les insectes que pour la description des plantes cultivées par
. .on donne un effet a une balle- peuvent différer notablement. Pour l' homme qui induisent tout un enchru"nement dactes sociaux. Cette dyna-
rendre compte d'effets de sens aussi distincts voire contradictoires, l'a- mique intellectuelle <t2l, qui permet d'accéder a un ensemble de données
nalyse des procédures descriptives est une étape indispensable OOl, humaines débordartt les contours de l'objet pour livrer les preces qui
président a sa transformation. L'objet, par induction, fraye la voie du
LE QUADRILLAGE DU NOUVEAU MONDE savoir-faire: s'y dessine la main de l'homme.

La description du monde indigene qui se structure de fa<;on arti- . ANANAS VERSUS CACAO
culée et systématique darts la HGN se fait par le bi'!-Ís de la descrip-
tion de la nature, a la faveur des classifi.cations opérées par l'auteur: Nous nous proposons d'artalyser deux produits du Nouveau Monde
elle est rassemblée daos les chapitres des livres 7- a 15, qui occupent a la fois spéci.fiques et susceptibles d'entrer darts des domaines de défi-
l'espace médullaire de la premiere partie de l'oeuvre. Grace a cette nition voisins. L'artanas est traité daos le cbapitre 14 du livre VII con-
mise en forme du Nouveau Monde, selon des criteres qui obéissent a sacré a l' agriculture, daos le prologue duque! Oviedo promet plaisir et
la logique occidentale, Oviedo peut etre amené a remonter la chaine divertissement a son lecteur (1 3). n y décrit les productions agricoles de
de certaines procédures observées et restituées avec la plus grande pré- St Domingue et de Terre Ferme, bien· que géographiquement ces régions
cision. Pour répondre au martdat de chroniqueur officiel, Oviedo use soient traitées dans les deux parties distinctes (1:226). C'est done par
1' agriculture -a la différence de Pliné- qu 'Oviedo initie cette Ion-
9 Le livre VI des dep6sitos comprend 53 chapitres panni lesquels bon nombre de
réalisations notables des indig~nes sont décrites. IJ doit done étre systtmatiquement pris e n 11 Michel de Certeau, L'invenlion du Quotidien. Paris, Gallimard, 1990, p. XXXV.
compte daos une 6tude ethnographique bien qu'il ne concerne pas une zon~ géographique 12 Cest ce que Lconidas Emilforlc appelle l'écriture de la reconMissance par opposition
unique. On peut y lire la description des pirogues, des maisons indig~nes, la fayon d'o.llumer 11 l'écriture de l'exploit, toutes deux étant au service de cene entreprise de révélation du
le feu, etc...Nous soulignons l'aspect délibérément éclectique de ce livre qui trouve son Nouveau Monde qu'est la HGN. n observe tgalement " las variaciones del discurso americano
coroUnire dans la pepitoria du livre XLVI, chap. 17 (V:93) qui n'a ccpendant pas la taille de Oviedo en relnción con las dos escrituras mencionadas": " la escritura del reconocimiento
d'un livre entier. funciona a partir de un criterio europeocentrista, que coosisite en clasificar y describir la
10 Josefina Zoraida Vázquez se pose le probleme de la cootradiction qu'on peut lire sous fauna y la flora en animales y plantas semejantes y diferentes a los de la ecumene conocida
la plume du chroniqueur lorsqu'il s'agit de définir la "naru.raleza del indio". EUe observe 11 hasta entonces~. ("la doble esaitur.1 americana de Oviedo", Revista chilellll de literatura,
juste titre que dans une mC!me pbrase l'indien est jugé l la fois conune un bomrne ratioMel Universidad de Chile, Abril 1982, nl9, p. 27). Cette ébaucbe d'analyse des 106:anismes de
et une bete: "qucsus gentes destas indias aunque racionales y de la misma estirpe de aquella l'écriture chez Oviedo, comme constitutioo ec "invention" de I' Am!rique nous semble aller
sanc!ll arca compañía de Noé, eslaban fechas irracionales y bestiales con sus idolauf:u y dans le seos de noae propos: remire compte des dynamiques discursives qui décrivent le
sacrificios y ceremonias infernales". J. Z. Vázquez explique cene apparente contradiction par Nouveau Monde et ses habitants, daos leurs intem:lllli.ons avec !'ensemble de la chronique.
la difftrence entre la rationnalité par essence ou de nature et la r:llionnalitt par contingence 13 " ... pues ha placido a Dios darme tiempo para que sea ocupado en la panicular di>:tinción
ou accidenl ("EE indio americano y su circunstancia en la obra de Gonzalo Femánde:r; de y relación de los libros que de cada género de cosas podrá hacene vohunen e cantidad que
Oviedo", Revista de Indias, 1957, 69-70, pp. 483 et suiv.). Voir aussi, G. Socia. Fun4ndez pueda recrear con cada. materia dcllos, en muchas cosas a los letores" (1:225).
de Oviedo e il probiLIM de/l indio, Roma, Bulzoni, 1989.

__________________________ _.~--~------------------~
202 LOUISE B~AT-TACHOT ANANAS VERSUS CACAO 203

gue exploration des produits du Nouveau Monde. Cette permutation appelé "piña sin lo ser" (1:239) (15)_ La nomenclature indigene en revan-
par rapport au mod~le tient au propos de l'auteur qui veut mettre en che est variée: yayama, yayagua, boniama et d'autres encore selon les
avant la fertilité de la terre {"la propriedad y novedad destas tierras y régions. Nommer avec précision c'est déja cerner la différence; nom-
de su fertilidad", 1:226). Le proc~ cognitif prend place sur la toile de mer fait exister, dote l'objet d'une réalité singuli~re, c'est se prémunir
fond coloniaJe, dans la mise en perspective d'une exploitaúon agrico- contre l'erreur et la confusion. Nommer est ensemble un acte de con-
le et miDiere. Le chapitre sur l'ananas comprend cinq pages de des- naissance et une praxis, c'est une mise en ordrc du monde. Vient ensui-
cription, soit autant que le mals et le manioc, les deux cultures présentées te la description du fruit, sous l'égide de son exquise saveur. L'évocation
a juste titre comme les plus importantes de la zone caribéenne. Cinq de la saveur de l'ananas n'est pas le seul fait d'Oviedo: tous les chro-
autres fruits sont évoqués sous la forme d'un court paragraphe. Le livre niqueurs et voyageurs se sont accor~és pour en faire l'éloge 06)_ Plus
sur l'agriculture, a !' instar des autres, est peu homog~ne dans sa com- surprenants sont l'ampleur et le ton apologétique de la description que
p~sition, car l'auteur range sous ce titre des cultures d' especes d.iffé- le chrooiqueur en fait: c'est la l'aspect singuJier et novateur de cette
rentes comme le mal"s, le manioc, !'agave, le liren, les courges, l'ananas, véritable peinture dont on peut dégager les différcnts motifs. D'entrée
le piment, le haricot soit un ensemble d'especes botaniques tres d.iffé- de jeu, le fruit est beau "hermosa", c'est le fruit du superlatif, de l'hy-
rentes. La prédéfinition de !'ensemble est done "pratique" et sociale perbole, de l'inégalé. La terre américaine est porteuse d'u~ miracle du
c'est a dire ce qui releve du travail humain Ct4)_ Cultivé par l'homme, goOt; a travers elle, Dieu offre ce délice des sens aux Chrétiens. Terre
l' ananas prend place daos cet ensemble, et la description étonnamment de fertilité, terre offerte: la rhétorique double le propos colonial en
développée laisse entendrc qu'il s'agit pour Oviedo d'un produit de puissance. Pour en célébrer l'excellence, Oviedo a recoors au registre
prernierc importance. béraJdique: l'ananas devient porteur de lettres de noblesse: esthétique
et noblesse sont les deux recours métaphoriques qui réunissent le beau
et le bon daos la plus classique tradition rhétorique. Lorsque s'engage
L'ananas
la véritable description du fruit, Oviedo y mele sensualité, pragmatis-
De la page 239 a la page 243 se déploie la description de !'ana-
1S Oviedo critiqu.e le rerme de piña: "más propio nombre sería decirlalllcarcbofa, habiendo
nas, selon un ordre que le cbroniqueur suit a quelques variantes pres, respecto al cnrdo e espinos en que nasce, aunque paresce m:!s pilla que alcarchofa" (1:241),
pour }'ensemble des rubriques du meme type. Dans un prernier temps J.e tenne espngnol est done imparfaiL Se pose ici Le probl~me de l' ad~quation du mot a In
il nomme, présentation souvent étayée d'un commentaire critique a l'é- ~alit~. Ni la alcachofa, ni piña nc restirue Ji.mnge avec sa dimension estbttique de l'annoas.
Cest un des cas ou nommer c~e un troublc chez n otre auteur qui a urait snns doute choisi
gard de la nomenclature en usage parmi les Espagnols. L'ananas est le mot í ndig~ne si l' un dentre eux s'était impos6. Prngmatique, Oviedo n~anmoins utilise
pilla cllt, úevenu usuel panni les Espagnols, il a l'avantnge d'Stre générique, Cace &la multitude
des tcnnes indig~nes.
14 Nous rejoignons ici l'analyse p~cieuse d E. Alvarez López qui voit err Oviedo le 16 " .. .la pilla nace en los arbustos; cuando está madura parece a.marilla tiene buen olor
premie r n:Uwali3te de In Rcnai s.~ance (cf. "Plinio y Fernández de Oviedo", Anales de Cienc.ias y mejor sabor...es una de las frutas las más apetitosas q ue hny en el mundo" (G. Benzoni,
Naturales, Madrid, CSIC, 1940. pp. 40-6 1 et 1941, pp. 13-35. Alvarez López pose la quesoon Historia dd Nuevo MIUido. Madrid, Alianza Editorial, 1989, p. 156)."Es frut:l de excelente
de savoir jusqu '~ quel point se propagent les reminiscences et les em:ws des Anciens et olor y de mucho apetito p:u:1 comer", le roí Charles Quint en a app~ci6 l'odeur mais non
jusqu'11 quel point eUes se rectJfient Quelle valeur ont les méthodes anciennes quand on les la saveur éait José de Acosm, Historia Narural y M oral de las lndia.r, Madrid, Historia 16,
soUlllCt lln dure vérification des faits? L' idée direarice de toure 1' oeuvre de Pline est d 'exposer 1987, p . 260. Pedro Mánir Anglerln raconte comment le roí Ferdinand a ¡oCté l'ananas: "en
les ma~= en relation avec J'int~t humain (qui o'est pas toujours écooomique au seos el sabor avent:lja a toda fruta de bueno [--1 el mis mo rey le concede la palma" (Dlcadas
modeme du terme). C'est un anthtopooentrisme paniculier, une ~n d 'établir une relnrion del Nuevo MlUido. Madrid. Ed. Polifemo, 1989, n, cap. 9, p. 150). A. Geroi commente l'éloge
permanente entre l'histoire et la culture (1941, p. 14). Oviedo paru¡ge avec Pline cette vision: de l'IUllUlaS dnns le cadre d'une vision ingénue de la oanm: arnlricaine: "el ditirambo de
"una visión umónica de b. Naturoleu, t:ll como é l la contempla, con el hombre colocado Oviedo que es desarrollo de un pasaje del Srmuuio es t:ll vez el primer ejemplo de idolizacióo
en su centro, y con todos los bilos de estns existencias pedientes de su utilidad o de su de um frut:l tropic::tl si bien Pedro Mártir ya había alabado ese mismo froto 'squammosum'
placer" (1941. p. 18). que 'pinus nucamentum adspecw forma, colore acmularur $ed moUitie par melopoponi, sapore
Voir aussi E. Alvarez López, "La Historia natur:ll en Femándcz de Oviedo", Rtvis/IJ de ornnem superut bonensem fructom"' (lA naturaleza de las lndia.r. México, Fondo de Cultllra
Indias, Madrid, 1957, o• 69-70. Económica, 1978, p. 244, note 355).
ANANAS VERSUS CACAO 205
204 LOUISE B~AT-TACHOf

d 'une offre - l'acclimatation de la culture de l'ananas dans le sud de


me et esthétique. Tout le chapitre repose sur le défi rhétorique consis-
I!.Espagne (1:243). Si le mai"s a pu etre cultivé a Avila, et Oviedo en
tant a dire que l'ananas comble tous les seos -y compris l'ou"ie, qui
témoignage dans la HGN a deux reprises, ne peut-on envisager qu'il
semble le plus inapte. Qu'importe, le Iecteur a son oreille ravie par les
en soit de meme pour l'ananas?.
délices qui tui sont décrits; plaisir visuel autant qu'olfactif, véritable
symphonie des sens mis en éveil par ce fruit a la fois délicat et exquis.
Le th~me de la participation de la totalité des seos est glosé longue- RHÉTORIQUE ET ICÓNE
ment par l'auteur au point d'évoquer !'ame végétative de l'ananas, sans
doute pour en accroltre encore le prestige. L' ananas met le corps e n La beauté chez Oviedo est a la fois esthétique et noblesse, la méta-
évei l "mirando ... oliendo ...gústanla... paípares ....". D ans cette bataille des- phore du blason, appliquée au fruit manifeste cette i sotopie du dis-
criptive l'auteur s'avoue vaincu, impuissant arendre compte d'une telle cours Cl 8l. Oviedo a recours ~une sorte de synesthésie toute rhétorique
beauté, d'une telle plénitude: aporie fein te dont il se dégage en offrant pour vitaliser sa description régie par la puissance et l'action des sens,
le dessin qui doit compléter cette symphonie boiteuse <11). Mais le des- parmi lesquels la vue est privilégiée. Le dessin qui accompagne la des-
sin (planche 2, fig. lO) est a son tour insipide, sans couleurs. Avec cription, qui la borde, est la pour solliciter l' imaginaire des Jecteurs.
ténacité l'auteur s'adonne au projet de fai re participer le lecteur a ce Voir et donner a voir ce qu'on a vu: le sens de la connaissance est
mets virtuel et apéritif: "la vista del letor pudiese más participar desta essentiellement scopique. Ici pourtant l'éventail s'est élargi, le goíit et
verdad" (1:240). Apres un te! hommage, il reste a s'atteler a la tache l'odeur sont conviés, le toucher également: ce sera le cas tres souvent
descriptive dont il ne s'est pas encore acquiué. Pour que le lecteur se chez Oviedo qui fait de l"expérience le cadrage empirique de la vérité.
sente entratné dans cette aventure gustative, le dispositif privilégié est Comme le peintre de la Renaissance, il découpe une fenetre dans !'es-
celui de 1' analogie: "el olor de más que perfectos melocotones", "el pace du Nouveau Monde et y place des objets privilégiés, non pas a
gusto es mejor que los melocotones e más zumoso", "se cortan con un plat mais selon une perspecti ve qui crée des vol umes, cela veut di re que
cuchillo como un melón", mais il est tres différent de son homonyme l'épaisseur, la texture, le poids, la profondeur; les proportions sont ins-
péninsulaire: " no se abren ni dividen por aquellas junturas de las esca- crits. Le texte fa~onne l'objet, donne l'illusion de sa proxi:mité, en fait
mas como las de los piñones" (1:241). une fiction a portée de la main, ici de la bouche. Le topique de la mala-
dresse du discours ou du dessin, l'impuissance avouée de l'auteur a res-
Les goOts e n sont différents ainsi que les tailles selon les soi ns
tituer totalement la "vérité" du fruit, qui serait tangentielle asa présence
apportés a sa culture. Tel un leitmotiv la supré matie absolue du fruit
réelle, tiennent de la modestie obligée de l'écrivain Cl9l, mais corres-
scande la totalité du c hapitre. F eignant d'entendre un contradicteur,
pondent aussi a un sentiment d'impuissance face au déferlement de la
Oviedo répond aux obj ections des uns, au scepticisme des autres,
Nature américaine. Par analogies, par approximations successives, le
" habrá otros hombres que...", "podrá decir alguno ..." C'est un texte-
lecteur cerne par l'imaginaire, par sa sensibilité, la réalité de l' objet.
plateau, un texte-tableau, offert a 1' Ancien M onde depuis le Nouveau,
Ces jeux analogiques ne peuvent évidemment jamais circonscrire l'e-
une aventure du goílt qui donne au chapitre une tonalité initiatique. La
xacte réalité; la rédaction oblige a une multitude de décalages, une sorte
demiere partie du chapitre est plus technique. Oviedo n'omet pas de
d'hybridation obtigatoire: l'objet américain est soit plus que ceci, soit
signaler la fa~oo de planter et cultiver l' arbuste (1:242), la forme de
moins que cela ..La pléthore du discours ne peut masquer l' absence mais
ses feuilles, la vertu de ses fruits d' uo point de vue diététique, et les
heureux mélanges culinaires avec le vin moscat. Le motif qui conclut 18 Tout comme chez Pline, la d escription ici de l'ananas insiste peu sur la dimensioo
ce chapitre s'inscrit dans le droit fil de cet éloge doublé d' un regret objecúve pour s'occuper de la saveur, des odeu.rs, et entrer d1111s le domaine
-l'ananas ne s upporte pas la longue ~versée transocéanique- et psychopbysiologique (Aivarez López. op. cit. pp. 50.53). Cene dimension sensueUe est
ccpendant intégrée chez Oviedo a une classilication beaucoup plus syst6matique que celles
du naturuliste romain.
17 Les topoi de l'ineffable font partie de la ttaditioo rhétorique euro~ne (cf. E . R. 19 E. R. Curtius, op. cit., pp. 154- !58.
Cunius, La Uulraturt! turoplenm ti le Moytn Agt ldrin. Paris, PUF, 1956, pp. 265-269).
206 LOUISE BÉNAT-TACHOT ANANAS VERSUS CACAO 207

dessine le regret qu'éprouve le lecteur, piégé dans un flux de sensations voir du yo déja constatée est la pierre angulaire du discours. Sans se
imaginaires. N'est-ce-pas la la meilleure fa~on de faire accroire que de résoudre, se pose aussi le probleme du passage de 1' hétérogene -le
créer le manque de ce que l'on ne connaftra sans doute jamais? Décrire vécu- a l'homogene -l'éc riture <22>. Le discours est lézardé par les
pour Oviedo ne suppose ni indifférence, ni impartialité. A l'inverse d'un silences et les absences. Dans le cas de ce chapitre (et d'une fago n
ethnologue ou d'un naturaliste, qui étudieraient selon un príncipe de générale, ceux qui décrivent les élérnents de la nature) ce probleme est
neutralité la totalité des faits, préalablement choisis, classés et isolés (20), masqué par l'apparente clarté de la définition de l'objet. Pourtant la
Oviedo double sa méthode d'observation d' une véritable poétique enra- rhétorique du gout qui y est exposée n'engage a aucun rnoment la sen-
cinée au plus profond de sa sensibilité: le yo est a l'oeuvre. Au fond, sibilité indigene. Le témoignage d'Oviedo ne rend compte que d 'une
la description de l'ananas se trouve a la confluence de deux flux irre- expérience coloniaJe daos la définition de ses participants. Quelle place
ductibles, le t1ux vital autobiographique et celui discursif qui construit a ce fruit dans l'alimentation indigene, dans quelles conditions est-i l
1' objet. La· nécessité de sélectionner irnpose et refuse: le va -et vient consornmé, par qui? Rien n' est di t. L' ananas est porteur d' une rbéto-
entre ce qui est vu, et sa récupération dans l'écriture transite par· un rique coloniale, celle de l'ex.traversion, du transplant. L'indigene n'est
observateur qui, loin de se dissoudre, de s'effriter, se pose au contrai- la que pour nomrner et planter; il est le mot et la main: conditions de
re en prernier ·plan. Un Caron qui embarquerait ceux qui le lisent sur la possession par d'autres.
1" autre rive. Etre passeur oblige a u franchissernent d ' une frontiere, autre-
ment improbable. Dans ce cas précis, cela irnpose une sorte d'assuje- ANAMORPHOSE D'UN FRUIT
ttissement du lecteur ala subjectivité du chroniqueur, a son fors intérieur.
Au Moyen Age, la vue autorisait aurrernent a valider le réel. Le Le lecteu r est convié a une fete des sens. L'expérience gustative
est riche, et donnée en partage virtuel, elle devient commune. Le yo a
discours de vérité enraciné auparavant par le biais de la fo i, l'est a la
dans ce chapitre une importance centrale, un statut hyperbolique, Au
Renaissance par la perception du sujet: en ce sens l'individu prend en
fond, tout lecteur se range aux goíits d'Oviedo, qui balaie les scepti-
soi de la valeur, la perception s' individualise, se personnalise et peut
ques et les détracteurs. L'expérience sensorielle n'est pas douteuse,
suffire a attester de la vérité: la croyance (en l'exactitude de ce qui est
exposée de fa'ron intime, avec un luxe de détails, jusqu'aux fibres du
vu et done en l' individu) va souder le corps au Jogos par le truche-
fru it entre les dents ...La fiction se fait fruit, a travers le prisme des sen-
ment de l'affect <21>. Dans la description de l' ananas, Oviedo déploie
sations de l' auteur; d' individuelles, lointaines, étranges, ces saveurs se
un arsenal rhétorique qui pose un double probleme a l' analyste: d'une
transformen! en évidences, elles entrent dans le monde· chrétien (23).
parten démontrant par sa sensibilité, ses affects, la valeur de ce qu' il
Doit-on voir dans cette jouissance, dans ce déploiement de sensations
voit, Oviedo mélange dans sa prétention d'exhaustivité,ce qui est vu,
nouvelles que le chroniqueur-a travers sa description spiralée autour du
observé et ce qui est éprouvé, le discours ne serait que cette expan-
fruit- offre au lecteur la preuve d'une irresistible gourmandise? C'est
sion organique qui croit en elle-meme, l'éprouvé devenant la condition
cet aspect que souligne Gerbi:
de la preuve. Cet aspect n' est a aucun moment remis en cause par 1' au-
teur, au contraire ce surcro!t de subjectivité, cette extension du pou- De la glotonería de Oviedo, él mismo nos da pruebas convin-
centes y autobiográficas, a pesar de que niega enérgicamente
20 B. Malinowski, Une thiorie scientifique de la culture. Paris, Maspero, 1968, pp. 16-
18 ("observer c'est choisir, c'est classer, c'est isoler en fonction de la théorie...il s'ensuit que 22 Affergan fait remarquer: "ce qui est vu étant de l'ordre de la durée et d'une sémantique
tout principe théorique doit se traduire en méthode d'observation et qu'inversement en symbolique plus que syntaxique, la pratique de 1' observation ne poum tout e nregister d ' une
observan!, il faut respecter fidelement les directives de 1' analyse conceptuelle"). part et abandonnera d'autre part de nombreux indices et de multiples traces" (ibidem. p. 146).
21 Le surinvestissement de l'experience par le sujet -surtout s'il aété le seul a témoigner- 23 Le moment o~ le fruit fond dans la bouche est évoqué avec la meme sensualité
sera particulierement utilisé par Las Casas, l'attestation qui scelle la vérité du discours est gounnande lorsquOviedo décrit le munonzapat, baptisé 1t tort nefle par les Espagnols: "se
casiment organique: "c'est l'oeil physiologique qui sédimente l'épn:uve du vrai" (Francis comienza a partir [en la boca] sube un olor a las narices e cabeza que el algalia o almizcle
Affergan, Exotisme el alterité. París, PUF, Sociologie Aujourd'hui, 1987, p. 146). no se le iguala" (I:262).
208 LOlflSE BÉNAT-TACHOT ANANAS VERSUS CACAO 209

ser goloso (1:314) [...]. Hay que llegar a Paul Valery para encon- ment inscrite daos l'extraversion? Peu de chose: quelques mots pour
trar deliquios de ese género: "comme le fruit se fond en jouis- définir les différentes especes d'ananas mais le tissu infonnatif est
sance/comrne en délice il change son absence/ Dans une bouche Iache, les langues indigeoes trop oombreuses, et Oviedo renonce a cette
oil sa forme se meurt" (Le Cimetiere marin) (24 >.
nomenclature; quelques gestes rudimentaires, car la plante est rustique
Une telle gounnandise ostentatoire est absente et sans doute impen- et necessite peu de soins. Oviedo mentionne un vin d'ananas tres sucré
sable chez un Acosta ...Pourtant le seos de ceue description est plus large. fabriqué par les indiens en Terre Ferme: "En la Tierra Firme, en alg u-
L'ananas est. aussi la forme métonymique de l'accomplissement colonial, nas partes los Indios hacen vino destas piñas y tiénese por sano yo lo
qui est délice et nouveauté, ou l'indigene n'est qu' une ombre pourvo- he bebido y no es tal como e l nuestro" (1:242).
yeuse. Tout dans le texte est asservi a l'Europe: c'est un ravissement. Au Que l'indien soit abseot de ce panégyrique, que, réduit a une sil-
dela des délices d'un gourmet ou d'un glouton, la gastronomie -dont la houette, il seme, cultive, nomme, peut évidemment signifier que ce fruit
descripúon de l'ananas n 'est qu ' un exemple exacerbé- a un prolonge- n'a pas d'importance sociale spécifique dans les sociétés indigenes.
ment métonymique dans toute la HGN. Gerbi le constatait luí rrieme en Pourtant la fabrication d'un alcool et l'agriculture dont il est fait mention
observant: "una última confirmación de sus intereses gastronómicos se laissent supposer que ce fruit était également apprécié des indigenes.
encuentra en la frecuencia con que se vale de metáforas manducatorias Découverte ici n'a pas signifié entrer daos l'épaisseur existentielle de l 'au-
o culinarias" (2.SJ. L'écriture est le "manjar" quotidien de notre chroniqueur, tre, observer ses comportemen ts, ses choix. Découverte n'a pas signifié
tel chapitre est une "composta" , la HGN est un repas de prince aux mul- non plus une étude botanique a la hauteur de ce que fera un peu plus
tiples plats, etc. A travers l'apologie d' un fruit se joue l'apologie d'un tard un Francisco Hemández (26l, meme si Oviedo donne une description
continent, de ses matieres (''materias"). Le fruit foncúonne dans la polysé- assez fine de la plante et de la fac;:on de la planter (1:242). Découvrir ici
mie, terre, écriture ou grace, le présent de l' Amérique. c'est inscrire, par la puissance de l' écriture, un plaisir ll venir. D'une cer-
taine fa~n, l'ananas est déraciné du Nouveau Monde pour erre enraciné
EXTRAVERSlON ET GREFFE
dans l' imaginaire du lecteur, e t peut etre meme dans sa terre ..

L'ananas n'est pas seulement un moment de bonheur pour le palais, Le cacao


il est projet, dans le cadre d'une double attente. D' une part Oviedo
observe le savoir faire indigene dans les différentes opérations agrico- C'est un autre fruit qu' Oviedo décrit longuement daos le chapitre
les qui président a la culture de ce frui t. D'autre part, le chroniqueur 30 du Jivre Vffi (27>, qui rassernble les arbres importés d' Espagne dans
envisage son implantation en Andalousie. II reviendrait alors aux l'lle de la Española -premie r chapitre- puis les arbres "naturales y
Espagnols de planter et cultiver ce délicieux et bénéfique produit de la
terre. La description qui semblait s'égarer sur les voies de la .sensibi- a
26 F. Hern:indez ( 1515·1587) t tait préparé plus scientifiquement la tache d'étudier la
histoire nature!le américaine. rnédecin, traduc teur de 1'Hisroirt Narurdle de Pline. il avait
li té, des saveurs, revient au plus pres de la réalité économique, selon déja établi le repérage botanique dans plusieurs régions d'Espagne et avait pratiqué la
un projet qui ne manque pas de réalisme. Oviedo n'a-t-il pas proposé dissection de certains animaux. n fut e n voyé dans le Nouveau Monde par Philippe U en 1570
ailleurs une acclimatation du mais en Castille? Cet aspect est récurrent oll il repertoria 2.900 es~ces botaniques dans la seule NouveUe Espagne; son oeuvre brilla
dans !'incendie de !'Escorial en 1671 ainsi que les planches ~alisées par des anistes indigenes.
dans la HGN. Décrire c'est a la fois expérimenter, écrire et rendre utile,
Pour les qucsúons de méthode de composiúon voir dans cene rnéme ouvrage Jesús Bustamante,
le véritable don est daos cette métamorphose rhétorique et sociale q ui "Francisco Hemández y el Plinio del Nuevo Mundo, tradición clásica, teoría nominal Y
se rapporte non pas a un homme abstrait mais a l'homme civilisé, s up- sistema terminológico indígena en una obra renacentista", et l' article de J. de Durand Forest,
posé etre au centre de la Nature, la oii convergent biens et regards. "Aper~u de I'Histoire Narurelte de la Nouvelle Espagne d'ap~ Hemández, les informateurs
de SahBgún et les auteurs du codex Badianas", in Nouveau Monde ti Renouveau dt I'Hisroire
Q11' a-t-on appris sur le monde indigene daos cette description délibéré- Naturellt, Paris, Presscs de la Sotbonne, 1986, 1'. I. pp. 2-27.
27 Cecbapitie ne figurait pas dans l es éditions de 1535 et 1547. Oviedo qui avaitséjoumé
24 Op. cit., pp. 242-245. au Nic;uagua (1528-1529) n'a pas pour a utant inclus ce long c hapitre sur le cacao qui ne
25 Ibidem, p. 245. figure que dans 1' édition compl~e. On peut s' interroger sur les raisons qui ont poussé 1' auteur
210 LOU!SE BÉNAT-TACHOT ANANAS VERSUS CACAO 211

fructíferos de los que hay en esta isla Española y en la Tierra Firme" société, c'est I' objet qui va etre le support d' un itinéraire ethnogra-
·(I:245). Tout comme l'ananas, le chapitre sur le cacao est long (pp. phique dont Oviedo sera l'observateur. Le cacao permet de passer du
267-273) et détaillé, ce qui révele un soin partículier dans la descrip- dehors - objet- au dedans les rapports qui s'y jouent.
tion, pourtant la perspective en est tres différente et les deux chapitres Ce n'est done pas une digression anodine si l'auteur énonce d'entrée
accusent de sérieux contrastes, meme si la personnalité de l'auteur de jeu un ensemble de termes pour définir le seígneur: "tiénenlos por
occupe une place de tout prernier rang. Nous nous bornerons a retra- muy ricos calachunis o príncipe porque al principal señor llaman cala-
cer les phases de cette description. chuni en lengua de Nicaragua que es tanto como decirle rey y también
se llama teite que es lo mismo que calachuni o rey" (1:268). Le cacao
PRÉSENTATION DU FRUIT
est défini d 'abord par le prestige socio-éconornique qu'il symbolise. Tout
le texte va se construire selon une parité explicitée plus loin entre l'or
Dans un premier temps, Ovie·do so u ligne l' importance du cacao et le cacao et selon une double perspective, botanique et.socio-écono-
pour les indigenes (28), pour qui c'est l' arbre le plus précieux. C'"est a mique, en une sorte de mouvement pendulaire. Ainsi, apres avoir décrit
dire que la perspecb ve qui intronise le discours est exactement a 1' in- l 'arbre qu'Oviedo compare a l'oranger en apportant les correctifs néces-
verse de celle sur l'ananas (:?.9): "este es el árbol, de todos el más pre- saires, et son fruit -dont il fait un dessin- car l' image reslitue un
ciado entre los indios, y su tesoro" (!:267). La présentation du fruit supplément d 'exactitude ("los ojos son mucha parte de la información
impose sa valeur par rapport ala classe dominante indigene, seigneurs destas cosas"), Oviedo décrit la fonction commerciale des graines de
et caciques qui en sont les propriétaires. A partir de cet arbre et de cacao: "por ellas compran todas las otras cosas". En posant l'équiva-
ses fruits, Oviedo pénetre done au coeur d'une société hiérarchisée et lence cacao=or-monnaie il projette le schéma d'une éconornie marchan-
de ses valeurs dont le cacao sera l' indice. L' auteur trace les lignes de de, prescrite selon un modele européen: ·'las guardan e tienen en el mismo
ses usages, comme on suit le fil de trame d'un tissu , parco urs qui precio e estimación que los cristianos e otras gentes tienen el oro e la
croise les pratiques et les rapports sociaux autant que les savoir fai re moneda". Le veedor res urgir lors de l'évocation· de quelque~ tarifs et du
agricoles et culinaires. Nous sommes loin du projet descriptif d'une probleme des fraudes. Or et cacao méritent une égale vigilance (30). Dans
cette phase cognitive, ou l' on retrouve les procédés descriptifs consis-
a ne pas procéder ?l une révision exhaustive en rnatiere botanique, alors qu' it avait sans doute tant a mesurer, comparer, donner le volume précis des choses ("tan gran-
les notes a portée et que l'essentiel de ce chapitre repose sur une observation de terrain -ce
qui élimine le probleme de sources extérieures obtenues postérieurement. La raison n'est pas de como. un palmo", "gruesa como la muñeca del brazo"), la description
d' ordre géographique car Oviedo a pris so in dans le proemio du livre 8 de mentionner qu' il botanique ne peut etre dissociée de la fonction éconornique. Quelques
a étendu !'aire de ses descriptions il. la Terre Fenne: "y porque no sea la lección tan breve,
exemples sont choisis par l'auteur atitre d'illustratiori: les prix d'an lapin,
con sólo aquello que en la primera impresión tuvo, se dirá asimismo lo que de tales materias
hasta el presente tiempo yo hobiere alcan·z ado en ellas, así en las islas como en la Tierra d' un fruit, d' un esclave et des services d'une prostituée (30. C'est aussi
Firme"' (1:245).
28 Les memes observations se lisent sous la plume du Conquistador Anonyme, Re/atiott 30 Les mani~res de falsilier le poids et la taille des graines de cacao sont aussi décrites
de quelques unes des choses de la Nouvelle Espagne el de la grande vil/e de Temitistan longuement par Bernardino de Sahagún, Historia General de las cosas de Nueva España,
México écrite par u11 gentilhomme de Femand Cortés (traduction, notes et étude critique México. Alianza Editorial Mexicana, 1989, cap. XVlii ("De los que venden cacao y maíz y
établis par Jean Rosé ed., J. Milton Montbon not St Martin, 1986), qui en vante aussi la haute frisoles"), p. 61 1: "el mal tratante véndelas falsas, porque las cuece y aun las tosta para que
valeur nutritive. Oviedo, de son coté, constate que les seigneurs nicanigüayens mangent la parezcan buenas, y a las veces échalas en e l agua para que se paren gordas". J. de D urnnd
pate de cacao étalée sur leur visage: "porque con aquello se soslienen mucho e les quita la Forest, dans son article "El cacao entre los aztecas" (Estudios de cultura nahuatl, Mexico,
sed e la hambre" (1:270). En revanche il ne fait pas état d'une classe de marchands long ue 1967, pp. 157 et sv.) fait état des textes de Diego Durán, Fray Toribio de Benavente ainsi
distance ·-comme les pochecas du Mexique- apparentée par son pouvoir et son prestige a la que la chronique de Torquemada, principales sources d 'information sur le traite.ment et le
noblesse et fortement liée a la possession de cacao. Au Nicaragua. le chroniqueur ne décrit statut social et symbolique du cacao.
que la classe ses señores (ceux du groupe Nahua) do nt la richesse est obtenue par la possession 31 C'est cet exemple "ocho o diez alm endras" qui sera repris par F. López de Gómarn
des arbres et par le tribut. dans le chap. "Costumbres de Nicaragua": "hay rameras públicas a diez cacaos, que son
29 " ...es una de las mas hermosas frutas que yo he visto en todo lo que del mundo he como avellanas" (Historia General de las Indias, Madrid, Ed. Atlas, B.A.E., !946, T. 22,
andado" (1:239) pour présenter l'ananas. p. 283).
ANANAS VERSUS CACAO 213
212 LOUISE BÉNAT-TACHOT

les que los indios prescian así para lo que es dicho como para hacer
l'occasion d'établir un parallele entre Amérique et Europe m>: "porque
sus cercas a sus heredades e para la madera de sus casas o bohíos,
en aquella tierra hay mujeres que dan por prescio sus cuerpos, como
porque dicen ellos que ni perece ni pudre en tiempo alguno" (1:269).
entre los cristianos las públicas meretrices y viven deso (e a tal mujer
Vient ensuite la description du fruit et de ses transformations, dans un
llámanla guateP_ol, q_ue es lo mismo que decir meretrix o ramera)" (1:268).
Ovtedo revtent mlassablement sur le pouvoir économique du cacao, premier ternps e.n pate épaisse que les indiens étalent sur le visage,
breuvage accessible aux seuls puissants, car pour les pauvres, "tragar- puis en boisson par addition d'eau. L'accent est a nouveau mis sur le
se la moneda" serait pure folie: "pero los señores o calachunis e varo- bienfai t prestigieux du breuvage: "los indios se prescian mucho desto,
nes principales úsanlo porque lo pueden hacer e les dan tributo destas e lo tienen por estado e señorío e dicen que es la mejor cosa del mundo
tales monedas o -almendras, demás de las tener de su cosecha e here- e más dina de estimación" (1:270)
damiento". U. se termine la présentation du fruit: spirale qui boucle
sur ce theme a deux faces , le frui t et sa valeur économique, ·sel_on un UN ÉLIXIR
jeu d'équivalences. Plutót que de souligner un changement moral qu ' im-
poserait l'usage d' une monnaie végétale et périssable, comme le fait L'ultime étape de ce cycle de transformations est la fabrication de
Pedro Mártir C33>, Oviedo y lit la parfaite coi·ncidence du pouvoir et du l' huile de cacao, élixir auquel e st consacré quasiment tout le second
prestige, recréant ainsi la hiérarchie sociale et des pratiques marchan- volet du chapitre (36) _ La tonalité ici est assez différente car Oviedo y
des sirnilaires, avec les memes effets, les memes failles. appara1t comme un protagoniste qui occupe la double position d'ob-
servateur et d'acteur, position qu'il affectionne comme on le sait. La
fabrication de l'huile daos la province de Nicoya et l'tle de Chira est
TRANSFOR.i\<L<\TIONS DU FRUIT
décrite avec une précision extraordinaire, au point qu'il serait possible
Selon un ordre maintenant chronologique, l'auteur expose les diffé- a tout cinéaste d'en faire la mise en scene et d'en reproduire les ryth-
rentes étapes de la production, puis de ses transformations (34) _ Cette mes. Tout aussi vivante et minutieuse la fa~on dont les femmes de
culture requiert des soins attentifs de la part des indigenes: espacement Tabaraba et Cheriquí procectent a l'extraction du précieux liquide, avec
des arbres ("desviados unos de otros de diez o doce pies") qui ne peu- une cuillere ou encare une plume. Le texte tient de la description eth-
vent pousser qu'a l'ombre du yaguaguit, plus élevé qui, de son feui- nographique et de la recette culinaire, mais cette huile prend un relief
llage, protege le cacaoyer des ardeurs du soleil, arbre également précieux accru par l' anecdote qu 'Oviedo va ensuite raconter. Po ur échapper a
aux yeux des indigenes car son bois est dur et résistant (35): "son árbo- la violence d'une vague, il a sauté de cheval et s'est blessé grievement
au pied: le remede sera cet onguent qui devient "óleo sancto" puisqu'il
32 Paradoxalement, par le biais du cacao, Oviedo évoque la prostitution sans pour auranr permet la guérison de l'auteur, la ou, a son avis, toute médecine
jeter I'opprobe sur lasociété nicaraguayenne: la prostitution trouve son prufait équi valent européenne eG.t échoué. Une fiole de cette huile aux vertus curatives
dans 1' Ancien Monde.
33 Oviedo n' opere pas de moralisation comrne le fait Pedro Mártir po.rr qui cette monnaie Editions Desjonqueres, 1992) signale limportance du témoignage d'Oviedo, largement plus
putrescible est un frein a toute tentation d ' a varice: "tienen una clase de moneda que llamo précis dun point de vue botanique et plus détaillé que le premier de Ferdinand Colomb,
felix porque la codicia de obtenerla no rompe las entrañas de la tieml con hendiduras, ni rédigé en 1537, de Cortés ou meme de Pedro Mártir: "les autres chroniques publiées tout au
vuelve a escondrijos de la misma tierra por la avidez: de los ávaros" (op. cit., Década 8, cap. long du XV le siecle doivent, pour leurs commentarires sur le cacao, elle mesurées a 1' aune
N, p. 499). du te~te origine! de Fernández de Oviedo, rédigé en grande partie veiS le début des années
_34 C~ez_ F. Hemández sont mentionnées qu~tre especes de cacaoyers en Nouvelle-Espagne, 1530" (p. 33). U n'est guere possible selon nous d'apprécier objectivement une telle influence
qut se pretatent a des usages dtfférents (monnate, breuvage) (v. Durand Fores~ op. cit., 1967, dans la mesure oille chapitre sur le cacao ne faisait pas partie des éditions du vivant d'Oviedo.
p. 158). Oviedo n'en fait pas mention; il déclare: seulement les différences entre les teves a
36 Oviedo est le seul décrire de fayon aussi détaillée la fabrication de l'huile de cacao.
selon leur position dans la coque ou mazorca (!:268). Les autres chroniqueurs n'en mentionnent ni le~ qualités thérapeutiques, ni le mode de
35 Cette fa~on de plantee le cacao se lit aussi chez le Conquistador Anónimo et Acosta. fabrication. Durand Forest ne retient pas cene information dans le paragraphe intitulé "papel
Seul Oviedo fait état du yayaguir -sans doute spécifique a la -région o u il se trouve. Acosta, terapéutico del cacao" (op. cit., 1967, p. 172).
lui, parle de "madre del cacao". Nikita Harwich dans son ouvrage Hiscoire du chocolar (París,
214 LOUISE BÉNAT-TACHOT ANANAS VERSUS CACAO 215

indubitables est offerte par Oviedo a l'Impératrice. Inauguré sous l'é- offre de grandes possibilités d'adaptation, elle perrnet le quadrillage du
gide des valeurs indig~nes, le chapitre s'oriente vers une sorte d'ac- Nouveau Monde selon une grille malléable dont les catégories préala-
culturation accélérée du fruit. n est maintenant sous la fo rme de l' huile blement constituées sont vite submergées par d 'autres informations de
un onguent dont les Espagnols sont les heureux bénéficiaires a com- nature différente au sein d 'un meme chapitre: c'est selon J. André un
mencer par l' auteur lui-meme et finit meme en huile de friture pour ouvrage "tenant le rnilieu entre le trai té d'horticulture a l' usage du jar-
un bon repas entre amis chrétiens: "me dio muy bien de cenar pesca- dinier et l'¡:ncyclopédie a l'usage du lettré" (38).
do e huevos, e guisado con todo este aceite". Un dernier pouvoir d'an- Ce modele sied particulierement a un esprit comme Oviedo, peu
tidote centre les morsures de serpent est mentionné dans les demieres rompu a une organisation scolastique du savoir, qui a une appréhen-
lignes, comme une clausu le raboutée en fin de chapitre: "en ayu nas sion tres imrnédiate des faits et qui batit un ensemble de chapitres pour
vale contra ponzoña e tienen los indios por averiguado, que habiéndo- couvrir la prolifération des informations et des expériences. La struc-
le bebido aq uel dfa, si son picados de víbora o de otra serpie nte, es ture plinienne répond a cette tension dans le présent ou les images sont
curable la tal mordedura[ ... ] contra esse e todo veneno tienen los indios encare fragmentées et les bilans en devenir CJ9>. Le modele plinien per-
por bastante remedio el cacao" (I:273). met de réunir des opérations et des données hétérogenes en nature et
en importance, sous le seul signe de l' objet, suscepti ble d'éclater dans
ANALYSE le prisme de ses usages. La descLiption obéit a la logique opératoire
de la successivité mais aussi de la contigu"ité, de l'association, sur une
Cette description réunit plusieurs procédures descriptives qui sont trame temporelle lache qui permet t ous les replis. La plasticité du mode-
autant de lignes de lecture pour d'autres chapitres du meme type. Dans le explique sa parfaite adéquation au propos d'Oviedo mais auss i a ses
l' entrelac d 'opérations, non seulement sont livrées des informations possibilités effectives d 'observation. La pensée, loin de se fa~onner a
fragmcntaires, de te neur différente, hétérogenes, depuis la dureté de tel un ordre préétabli, s'y appuie pour se dérouter a tout moment si un
bois a la fa~on dont le cacao dont etre bu et dans que! ordre, mais se nouvel espace s'ouvre au regard, si une scene accroche l'attention de
meten place une trajectoire descriptive suffisamment souple et ouver- l'auteur. La pensée digresse au sein d'un cadre poreu x a l'expérience
te pour permettre la restitution d' une réalité humaine "étrangere". La du monde. Le modele acquiert ains i une valeur heuris tique et de ce
questio n qui nous intéresse ici est autant ce qu 'Oviedo révele de la point de vue il importe peu que Pline se soit trompé sur bon nombre
c ulture et de l' usage du cacao au Nicaragua autour de 1528 -conte- d'affirmations cosmographiques o u zoologiques, ces erreurs ne sont pas
nu cognitif- que la fa~on dont ces informations sont articulées, mises en rapport avec le mode de classement qu'Oviedo a fait sien. C'était
en forme, que! degré de disponibilité ont le regard et la syntaxe pres-
ente qui rég issent le texte. qu"il foumit sur la vie quoúdienne matérielle des Romains et plus precisement e ncare sur
l"nlimentation. Pline 1' Ancien, Histoirt natu rtllt (livres 1- LXXvm. París, Coll. G. Budé,
1964.
PUNE: UN MODELE OUVERT 38 Ibidtm. lntroduction Livre XIX, p. lO.
39 U nous parait que si O viedo organise m.ieux ses informations qu'un Pedro Mártir qui
La fa~on de rassembler autour d ' un meme produit 1'ensemble des repond par unités tpistolaires au flux des nouveautés. si Oviedo prend une certaine distance
vis a vis de cet ensemble, il ne peut en avoir la mailrise. Au fond il vit dans un temps qui
opérations que l'homrne réalise, est un schéma organisationnel emprunté est l mi chemin entre le prt!sent émietté de P. Mártir tel q ue le décrit M. Mustapba ("Ainsi
a l' Histoire Naturelle de Pline (37>. La structure descriptive de Pline il. l'image éclatte, fragmentaire d' uo continent hypothétique dont les patries s'accolent
lentemem commc les piaces d'un puzzle, correspond un ternps vécu daos l'~rniettement du
37 A titre comparatif, on peut pn:ndre pour exemple le cas du lin que Pline décrit dans po:ésent qui occupe toute l'attention") et celui de Gómara pourqui le bilan du monde découve.r t
le livre X1X: l 'auteur latin, ap~ avoir presenté la nature rnerveilleuse du !in, ~voque les cst possible avec soixante annécs de recul. M . Mustapha, "Progres des connaissances
différentes especcs (au nombre de 17), la maniere de le planter et ~numere tous les emplois géographiques et idée de progres chez les c hroniqueurs de la découverte de Pierre dAngltiern
possibles selon le type de !in: botanique, géogrnphie et artisanat se melent pour dresser ce h López de Górnam et José de A costa", in Erudes sur l"impact culrurtl du Nouvtau Monde
tableau synoptique. Le livre XIX dont nous parlons a un grand intérat pour les n:nseignements ll, Paris, L'Hannattan, 1982, p. 22.
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216 LOUISE BÉNAT-TACHar ANANAS VERSUS CACAO 217

une voie heuristique qui assurait l'entrée dans un monde, proposait lo alrededor; hasta tanto que, levantando el palillo o caña una
d'en repérer des lignes et allait sous la plurne d'Oviedo générer la des- o dos e más veces, se ve questá cocido después que ha hervi-
cription minutieuse de pratiques et de procédures significatives comme do bien... (I:272).
autant d'indicateurs de la créativité des hommes et des femmes du Le chapitre est long, détaillé: on y li t une recette culinaire, exposée
Nouveau Monde. Faire que le chaos devienne intelligible pour partie, dans ses proportions et ses rythmes, mais se révelent aussi le soin et
que se restaure un ensemble de logiques, et qu' advienne le sens, voila la tension que suppose 'une telle procédure. Ainsi le mot "limpio" appa-
ce que permet la structure a la fois classifiante, modulable et prolifé- ra!t a plusieurs reprises (l'eau, la spatule de bois, la main de la femme
rante de 1' Histoire Naturelle. qui de la paume recueillera a la surface l'hui le précieuse). Le savoir
Certes de grandes différences subsisten! entre la HGN et l' Histoire est une scene de vie précise, précieuse ou ríen n'est négligé: c'est bien
Naturelle; non seulement Oviedo meta mal le modele des que la néces- un art de faire. U n'y a pas chez Oviedo d'opposition dans le discours
sité narrative se fait sentir, mais le statut du narrateur et 1' enjeu du dis- entre un ordre spéculatif, abstrait qui penserait l'ordre du monde, en
cours présentent de notables différences. Pourtant par la mise en. place définirait les grandes catégories et un savoir lié aux particularités qui
du dispositif descriptif par la dynamique a la fois sensorielle et logi- s'arrangerait bon an mal an avec le détail: ici l'expérience, le vécu de
que, et par la stratégie intellective qui part de la périphérie -t'objet- l'auteur donnent a connaltre un savoir faire qui, mis en écriture, gagp.e
pour appréhender des manieres de faire qui se révelent etre aussi des du coup son statut de culture. La fabrication de l'huile de cacao n'est
manieres d'etre, 1' Histoire Naturelle fonctionne comrne un opérateur, pas une pratique barbare, rnineure, indigne d'etre décrite et écrite, ~lle
un translateur adaptable et adapté, dans cette phase de la découverte n'est est pas non plus une simple technique, elle est un faJt soc1~L
du Nouveau Monde ou l'espace et le temps sont encare largement tri- Mais il y a plus. Dans le casque nous analysons, la description entrá.l-
butaires de l'incer titude, de l' inconnu, du secret. ne le lecteur de fa~on tangentielle dans le monde symbolique indige-
ne. L'expérience décrite est comme le travail de l'oeil d'Oviedo •. inégale,
LE CHRONIQUEUR SCÉNOGR>\PIIE irréguliere; la perception retient autant qu'elle élimine. Ainsi le prix
que la société nicaraguayenne accorde au cacao est l'artere du texte:
Observateur attentif du Nouveau Monde, et soucieux de sa resti- il est manifeste dans le texte d ' introduction, dans la comparaison avec
tution, Oviedo agit en scénographe: séquence apres séquence, il décrit l'or, dans la fa~on dont les indiens cu1tivent cet arbre, dont les fem-
non seu lement les actions mais les rythmes, les mouvements d'en- mes travaillent les graines, dont les nobles boivent l'huile de cacao:
semble, les attitudes, sornme de détails pris sur le vif qui, s'ils ne liv-
rent pas d'informations centrales décisives, -et au fond sur ces cuando los indios principales e los señores beben deste cacao
différentes fabrications, il n'en dit guere plus qu'un Pedro Mártir ou cocido, e poco a poco, de manera que ninguno da sino un trago
o dos, si es principal, e si más diese en presencia d'el señor
uo Acosta- dessi.nent le tableau singulier, in situ, d'un groupe de fem-
calachuni, sería habido por vicioso e mal comedido. El cala-
mes ou d'homrúes. Scene qui retient l'acte vivant dans son inscription chuni o teite da tres o cuatro tragos e pónese de aquel graso
cinétique, qui au bout du compte est porteuse de sens. Lisons-le: por los labrios e toda la barba, e paresce que está untado con
Tostadas las almendras, móndanlas de aquella cáscar~ delgada azafrán desleído grueso, e reluce corno manteca (!:271 ).
dos o tres veces sin gota de agua alguna, antes, de su propia Sa couleur meme "está amarillo, de color de oro", en fait une valeur
humedad, está asaz líquida la pasta. E en tanto que se muele,
ponen a un fuego dulce y lento una ollica que quepa una azum- essentielle. Ainsi décrites, ces pratiques muettes tracent le monde des
bre de agua, poco más o menos e hinchen de buena agua lim- convenances c'est a dire des comportements sociaux qu' il convient d' a-
pia la olla hasta las dos partes e después que ha hervido un voir pour bien "se tenir", meme si de telles images sociales symboli-
poco, despacio, echan el cacao en ella (que está molido corno ques pourraient paraltre incongrues aux hommes d'Europe: la maniere
he dicho) e con una caña delgada o un palito muy limpio menéan- de faire détient une maniere d'etre. L'oeil s'accroche aux signes lisi-
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ANANAS VERSUS CACAO 219


218 LOU!SE BÉNAT-TACHOT
tion des areitos, appelés mitote (41). Oviedo décrit précisément les super-
bies, prescrits par la culture de l'auteur. Noblesse, prestige, richesse bes atours, masques et peintures dont se parent les indigenes pour cette
s'articulent autour de ces différents usages et créent dans le texte une fete organisée autour de l'idole: "y en medio de la plaza estaba un palo
ligne de force. L'oeil qui mesure et prend acte des procédures, le fait alto, hincado, de más de ochenta palmos, y encima, en la punta del
dans le cadre d'une symbolique sociale fondatrice jugée acceptable palo, estaba un ídolo asentado e muy pintado que dicen ellos que es
paree que commune: le cacao-or qui structure le regard; selon cette el dios del cacaguat o cacao" (IV:413) <42>.
parité, tous les comportements sont identifiables et admissibles. L'ob~et
Nous reviendrons sur la description tout a fait admirable de cet
est construir selon les mécanismes du pouvoir qui s'y logent. Retenir
areito oii. les jeunes gar~ons, les "voladores" se lancent depuis le haut
les proportions et les volumes ce n'est pas seulement comptabiliser une
du mat et déroulent la corde jusqu'a toucher terre. Oviedo assortit la
pratique, ce n' est pas une seule opération de stockage, e' est appré-
scene d' un dessin. L'omission de la dimension religieuse du cacao dans
hender les codes symboliques du groupe décrit. Ainsi la . valeur du
le chapitre que nous étudions n 'est done nullement due a une igno-
cacao, assimilé a I'or, puis a une huile sainte, véritable élixir; le tra-
rance, ni meme a un silence réprobateur C4Jl. Il nous paraí't que l'ob-
vail des femmes qui le fabriquent présenté comme une sorte d'alchi-
servation, chez Oviedo est fa~onnée selon deux dynarniques, le savoir
mie, délicate, subtile, induisent d' autres enjeux, mais seul est explicité,
et la colonisation du savoir mais ces deux tensions qui structurent le
reconnaissable, ce qui est indicie) du pouvoir et de la richesse, son
regard ne sont pas symétriques ni régulieres. Dans le cadre de ce cha-
corollaire. Ui. se tarit le seos. La dimension religieuse du cacao <40>, la
pitre sur le cacao, dont l 'axe est l'objet et les pratiques qui l'assortis-
fonction de la fleur de cacao, aphrodisiaque, son origine sacrée, qui
sent, le cadrage éjecte le religieux dans un hors charnp, car ce qu i est
veut que chez les voisins mex.icains, Quetzalcoatl l'ait volé a ses fre-
retenu par le regard articule production et pouvoir social. Autrernent
res pour le donner a l'homme, que Tlaloc le nourrisse de sa pluie et
dit, il s'agit d' un quadrillage qui préforme la colonisation future des
Xochiquetzall'orne de ses fleurs, bref l'enracinement divin de l'objet,
savoir-faire: la méthode est impérialiste par essence. Dans le cadre des
échappe a notre auteur, daos le cadre de ce chapitre, par une sorte d'é-
chapitres de "particularidades>>, la dynamique du texte est celle d' un
vitement du sens. Le cacao n'est retenu que daos le champ de l'acti-
récit de voyage qui souligne la singularité, 1' inouL Si l 'expérience réfé-
vi té sociale.
rentielle est bien la meme, le traitement narratif est différent.
Cela ne signifie pas qu 'Oviedo obere l'aspect religieux qu 'il men-
tionne dans le livre 42 sur le Nicaragua, daos le cadre de la descrip-
41 " ...halléme un día a ver un areito, que allí !!aman mitote, e cantar en coro, como los
indios suelen hacerlo, y era acabando de coger el fructo del t::ICao, que son aquellas almendras
40 J. de Durand Forest (op. cit., 1967) montre combien le cacao était lié au culte de que entre aquella gente corren por moneda e de que hacen aquel brebaje que por tan excelente
Tlaloc (on procédait a quatre offrandes par nuit pendan! le mois Atemoztli). Les cérémonies cosa tienen y fue desta manera" (IV:413).
s'accompagnaient généralement d'offrandes en cacao pour les Dieux conune pour les morts. • 42 Chez les Nicaraos, les premiers fruits du cacao de l'année étaient l'occasion du jeu
Dans l'article "Continuidad del simbolismo del cacao del siglo XVI al siglo XX" (Costa du volador. Selon Bozzoli de Wille (op. cit., p. 239) Oviedo n'a pas identifié le sexe de la
Rica, Coloquio de Nicoya, 1974, pp. 229-240), María E. llozzoli de Wille observe que le divinité qui était assise en haut du miil. C 'était probablement une divinité féminine, en effet
cacao a une dimension symbolique centrale chez les indiens de Talarnanca daos les régions chez les lndiens de Talarnanca, ces cacaoyers sont féminin s.
de Nicoya et du Sud du Nicaragua ou il prend place daos tous les liens sociaux de l'échange 43 Plus loin Oviedo décrit une scene ou les señores de Tecoatega lancent des fleches sur
et de la réciprocité, des honunes entre eux et des honunes avec les Dieux. Elle souligne le de jeunes hommes nus qui sont blessés et ne laissent transparaitre aucune manifestation de
role cié du cacao dans les récits mythologiques fondateurs: le clan se rernet, a travers le douleur: ils re9oivent ensuite une poignée de graines de cacao. Oviedo en demande
mariage exogamique, sous la fonne symboliquc du cacao, le bon aliment. qui donne vie et l'explication: "yo pregunté al cacique que para qué se hacfa aquello o qué misterio
s'apparente au sang: Toute transaction, toute cérémonie ob!igeait ll boire le cacao selon une significaba" (IV:415); on lui répond qu'il s'agit d'une coutume a l'égard de jeunes gens
gest\ielle et un ordre précis. On admet que le cacao est médiateur, il symbolise le sang: "dar venant d 'autres villages qui ont l'habitude de venir demander du cacao, c'est a ce prix qu' il
chocolate dar sangre, es lo opuesto de negar el alimento, de ser mezquino" (cf. p. 230). Si l'obtiennent. Daos la description d'un autre artito qui est scene d'ivresse collective, Oviedo
Oviedo observe cette similitude entre le cacao -additionné de roucou (bija)- et le sang, il souligne l'importance du cacao (IV:416). La possession de cacaoyers est une forme de pouvoir
.n' adrnet aucun fondemen"t symbolique. Nous renvoyons également a l'ouvrage de Nikita consacrée par la ritualité, en particulier entre le groupe Chorotega et le groupe Nicarao.
Harwich sur !'origine sacrée du cacao (op. cit., chap. I, pp. 11-26).
220 LOUISE BÉNAT-TACHOT ANANAS VERSUS CACAO 221

LE CHRONIQUEUR EXPERT ble de signes sociaux identifiables et reconnus. Ainsi la parole indige-
ne ne se contente pas de nommer les objets mais intervient aussi pour
L'expérience a une autre fonction, celle d'inscrire un sens sur ce leur donner seos et valeur. Fort de son expérience, le cbroniqueur osci-
qui autrement est étrange, incongru, voire repoussant. Oviedo occupe lle entre l' activité du scénographe, du médiateur. Etre un passeur cul-
alors la position de médiateur, allant jusqu' a inverser les valeurs : ce ture! suppose que se reconstruise le sens, et meme le bon sens, d'un
qui parait répugnant aux yeux du chrétien néophyte est la meilleure ensemble de procédures autrement jugées aberrantes. L'inventaire du
chose au monde, aux yeux des indigenes, la plus digne d'estime. Ainsi,
cacao est une démarcbe exogene arbitraire qui recele une réelle fécon-
les caciques du Nicaragua ont pour coutume de s'enduire le visage
dité et s'enracine aussi dans une attitude intellective d'ou sont éva-
d'une couche de pate de cacao:
cuées 1' opprobre et la peur de l' autre. Logée parmi ces objets rangés,
aquella pasta tiendénsela por los carrillos e barba e sobre las la différence entre les hommes est acceptable car elle ne menace pas.
narices, que paresce que van embarrados de lodo o barro leo- L' observateur ne peut réfléchir que ce qu'il va acquérir ou dans le mei-
nado e alguno muy rojo porque mezclan bija con ello. E dés- lleur des cas ce qui n'infirme pas sa propre identité. Peu soucieux de
pués que lo han así tendido ellos e las mujeres, aquél piensan cohérence théorique, selon une méthode inductive, largement utilisée
que va más galán que más embarrado va.
postérieurement en anthropologie, peu soucieux de voir en l'autre, selon
lls peuvent ainsi du doigt recueillir de cette pate pour apaiser leur un modele évolutionniste, une phase antérieure, prirnitive de l'histoire
faim. de 1' humanité, armé du seul modele "collationiste" plinien, Oviedo
rédige un texte nourri de multiples tracés ou le voir se transforme en
ello, a la vista de los cristianos paresce y es mucha suciedad,
más a aquellas gentes ni les paresce asqueroso ni mal fecho, ni savoi r.
cosa inútil porque con aquello se sostienen mucho, e les quita Cet exemple montre qu'il est possible, sur la base d'une construc-
la sed y el hambre e los guarda del sol e del aire la tez de la tion réifiante dans son príncipe, que le réel reflue en quelque sorte vers
cara (IV:270). le regard et le modifie au point qu 'arrimé a une structure aisément
Le néophyte peut etre écoeuré par la boisson écumante: "paresce identifiable, balisé par 1' objet et ses techniques, rivé a une démarche
asqueroso al que no lo ha bebido, más al que lo usa, paréscele muy intellectuelle faisant autorité, fil comparable a celui d' Ariane dans le
bien, e es de buen sabor e sanísimo brebaje". Que cette boisson rouge labyrinthe du Nouveau Monde, le regard de 1' auteur dépose ses habi-
sang ou marron se dépose autour des levres est d'un effet répulsif pour tuels refus, repousse les limites de ses coutumieres résistances pour
les non initiés: "es sucia vista. Pero hállanla muy provechosa los cris- élargir sa perception de 1' autre. En composant une triangulation, indige-
tianos, e los indios se prescian mucho desto e lo tienen por estado e nes-chrétiens-observateur, Oviedo se fait le médiateur, dit que l'autre
señorío e dicen que es la mejor cosa del mundo e más dina de esti- est signifiant, et écrit cette signifiance. ll met a distance l'incompré-
mación" (1:270). L' opposition alors ne se fait pas entre chrétien et idolíl.- hension, l'ignorance des Espagnols a l'égard des coutumes indigenes.
tre mais néophyte et observateur expérimenté. L'expérience permet done Autrement dit le regard se tourne aussi vers les siens, par une sorte de
non seulement de réunir et décrire un ensemble articulé de procédu- chiasme qui voudrait que ponctuellement ici le sens soit du coté des
res, elle permet que transitent les réponses. écho ponctuel et canalisé indigenes. Le regard est asymétrique, voir et etre vu sont deux opéra-
de la voix indigene. La mise en perspective n'est pas seulement visue- tions sensibles bien distinctes (44). Regarder instruit un déséquilibre, une
lle (suite d'images, de scenes qui sécretent le seos social de ces usá- inégalité. Or ici le déséquilibre prernier (Oviedo face au Nouveau
ges) elle fait apparaitre le bien fondé, le goílt, le sens pratique -le Monde) est déplacé vers le chrétien; le chroniqueur gagne une posi-
seul intelligible par Oviedo- "<le ces consommations. Expliquées, de tion heuristique plus stable,lui qui a dépassé ce prernier chaos de l'é-
telles pratiques perdent leur aspect déroutant, cessent d'etre l'indice
d'une barbarie certaine pour devenir un code, c'est a dire -un ensem- 44 Affergan, op. cit., p. 155.
T
1

ANANAS VERSUS CACAO 223


222 LOUJSE BÉNAT·TACHaf

celle de la colonisation: toutes deux travaillent ici dans le meme sens,


tonnement, du dégoOt Lesté par cette expérience, le regard du chro-
niqueur s'établit dans toute sa souveraineté. Cette position, souvent la découverte est l'alliée de la possession, le monde indigene est riche
occupée par l'auteur offre une réelle porosité cae elle permet de dépla- en savoir-faire, ce qui prouve son ingéniosité, sa créatívité et la légi-
cer le point de vue non pas de fa~on continue, mais par bribes, comme timité d'une démarche íntellective, mais ces richesses, découvertes
un fachee du regard, qui ainsi fera passer quelque chose de l'autre. Le dans l'élan enthousiaste et humaniste de la Renaissance, mises en
jeu est subtil entre ce qui se per?, et ce qui est retenu, entre ce qui fo rme par le texte pour les yeux du monde ~ qu i l'on parle, son t du
s' inscrit dans le regard selon des combinatoires acceptées et ce que meme coup happées par la métropole. Les modalités cognitive, alé-
l'oeil évite. Cet indien anthropophage, idolatre décrit ailleurs, est ici thique et déontique sont en parfaite congruence si connaltre, c ' est
représenté a la fois comme un horno faber, un étre social, doté de paro- dominer, si do miner permet de faire conna1tre Dieu pour sa plus gran-
le. Seule J'analyse des tensions qui travaillent le texte permet de ren- de gloi re, si gloi re de Dieu et d e l'Empire fusionnent dans un seul
dre compte -selon nous- de ces apparentes contradictions. L'étrange et meme acte de grace: l'écriture fete cette réunion. C'est la aussi
n'est pas toujours acceptable, ni doté de sens, le texte voit se dépla- que s'installent les positions les plus fortes du chroniqueur: rien ne
cer le seuil de l' anomalie et de anormalité selon la stratégie du moment vient troubler ce triptyque du pouvoir. L'indien peut parler dans cet
discursif. espace du texte, pour évoquer la valeur et le sens de ses pratiques,
et Oviedo (><!Ut décrire avec finesse les opérations qui président a la
LA VO LX FRUCTUEUSE DU NOUVEAU l\llONDE transformation du cacao, au bout du compte: tour est déjll en place
pour la parfaite récupération de ce qui est dit, les Jachers du regard
Plusieurs anecdotes personnelles sont évoquécs dans le cbapitre dont nous parlions délivrent des lambeaux de morphologie sociale et
sur le cacao, ~ maints égards exemplaire. Oviedo racome de quelle
culturelle assignés ensuíte a l'entreprise de César. Quelle métaphore
fa~on il utilisa les colonnes en bois de yayaguit d'un temple ou teyo-
que ce bois imputrescible, récupéré de la destruction d'u n -temple et
pa nicaraguayen détruit sur son ordre pour la construction de l'écurie
servan! a construire un édifice qui abritera les cbevaux du maltre
de sa maison de León (45l. Oviedo raconte ensuite sa chute de cheval
espagnol! Par une sorte d'ironie du sort, l'indigcne est pris a témoin
ct la fa~on dont il guérit avec l'huile de cacao, il relate également
pour confirmer la solidité du boís: "e queriendo yo saber del cacique
comment il en offrit une fiole a la reine dans la ville d' Avi la: "di una
e los viejos quién había hecho aquel templo e casa, decían que eran
redomica dello a la emperatriz, nuestra señora, que en gloria está, y
pasados muchos años e por Jo qu·e se podía comprehender, eran más
preguntándome su Majestad si era bueno para llagas, dije lo que he
de ciento e mucho más" (1:269).
dicho que sabfa por experiencia" (I:272).
ll racontera ensuüe comroent a Mambac ho, un italien de ses amis La doxa de la colonisation est done une charpente commune a
appelé Nicola.lui fit un excellent repas en utilisant l'huile de cacao. !'ensemble de ces cbapitres organisés selon l' histoire naturelle. Les
Ces anecdotes peuvent apparru"tre comme accessoires pourtant c' est trajectoires de la description peuvent varier. Les cas de l'anana s et
bien l'immersion de la puissance espagnole dans le Nouveau Monde du cacao sont tres différents, voire opposés dans leur príncipe. Pour
qui s'y trouve posée. La dynarnique heuristique que nous venons d'a- l'ananas, tout est centré sur la saveur, la convergence des sensations ,
nalyser est prise dans les tenailles de la dynarnique coloniaJe. Les c réant un véritable univers sensoriel dont le principe est l'ingestion,
images sociales du pouvoir sont cernées en début et en fin de cha- alors que daos le cas du cacao, le regard est inquisiteur, et enchaine
pitre mais d' indigenes, elles sont devenues coloniales. La encore les a partir de l 'objet des opérations dont les artisans et les protagonis-
deux forces qui travaillent le texte sont l'écriture de la découverte et tes sont les indigenes. L'expérience n'est pas immédiate mais un
dévoilement, accompagné d' un ensemble de marqueurs qui soulig-
45 " ...yo des hice una casa de sacrificios en Nicaragua, un cuarto de legua o menos fuera nent la distance "dicen los indios". A ces deux démarches corres-
de lm ciudnd de León, en la plaza del cacique Mahomotombo que me servía" (1:269).
ANANAS VERSUS CACAO 225
224 LOUISE BÉNAT-TACHOT

sur toute la longueur du cbamp selon une regle cinétique commune


pondent deux styles différents: dans la description de l' ananas, l'em-
est une scene parfaitement analysée par l'oeil scrutateur d'Oviedo.
pbase et la redo~dance provoquent 1' accumulation de métapbores, de
La encore cela ne signifie pas qu' Oviedo ignore que le ma"is entre
périodes, d'exclamations: par la magie du texte l'ananas est porté au
daos une combinatoire sacrée. Dans le livre 42, sur le Nicaragua, il
coeur meme des saveurs européennes . Dans le cas du cacao, le texte
raconte cornment, pour la fete du mrus les jeunes gens s'autosacri-
est analytique, ce n'est pas un produit meme sous la forme de la beis-
son chocolatée, qu'Oviedo propase a la consommation de l'Europe, fient et irriguent de leur sang les épis. Dans le li vre sur Castilla del
(l' hi stoire lui donnera tort). Le cacao n'a d'utilité que par dérivati on. Oro sont décrits le mode de fabrication de boisson a base de ma!s et
Comme fruit, boisson, monnaie, pate il est exogene, étranger, nou- les rituels de danses et d'ivresse (III:322). Dans les montagnes du
veau. Oviedo a dans ce chapitre une position magistrale, et le style Darién, Oviedo interroge un cacique sur la raison qui le pousse a
en est affecté: pas d'exhortation au lecte ur qui susci te son émoi, son déposer encare des épis de mai"s dans la sépulture de leur chef:
désir. Oviedo décrit précisément l'impression éprouvée dans la bou-
dUeron que aquellos que allí habían seído enterrados eran labra-
cbe, "paresce que bebe hombre zurrapa, e por tanto paresce asq ue- dores, personas que sabían muy bien sombrera e coger el pan,
roso a l que no lo ha bebido" (!:270), a la différence de Benzoni par y eran sus criados e de su padre e porque no muriesen sus
exemple <4 6>, qu i déclare la boisson infecte, amere et a pou r habitude ánimos con los cuerpos, se habían muerto ellos cuando se
de la refuser aux Indiens qui lu i offrent. L' ananas fonctionne corrune murió su padre, el cacique viejo, e tenían aquel maíz e maca-
un don, un transfert pur et simple que l' Europe capterait pour son nas para lo sembrar en el cielo. (Ill:338).
propre compte. Dans le cas du cacao, la captation est secondai re,
dérivée, et intervient apres une longue description économico-socia- On observe done le meme découpage au sein de la HGN entre
le. Toutes les expériences ne sont pas égales, la place laissé a l' au- les chapitres de description des productions et les particularidades
tre est réduite asa plus simple expression ou au contraire de pre mier que dans le cas du cacao. Le champ que découpe cette c l a~si ficati on
plan. Po urtant dans les deux cas décrire c'est a la fois etre en prise inclut le savoir-faire, une économie du travail et des techniques. Dans
sur le Nouveau Monde et réduire l'espace qui le sépare de la métro- le cas des particularidades, le texte est aussi descriptif, rn ais il n' est
pole e n particulier en lui offrant le savoir qui manque a sa posses- régi par aucune distribution spécifique, d ' oill'élargissement du regard
sion. Si la stratégie générale de cette vision synoptique est claire, elle et la libre association des themes. Sera décrit tout ce qui accroche le
ménage pourtant un statut et une parole a cet indigene ingénieur, et regard, fait écart selon les lois de la perception (nouveauté) ou selon
ingénieux, de qui l'Européen a a apprendre. C'est la la capacité des- les lois morales qui cadrent le discours (tabous). La modalité aléthi-
criptive et la limite de cette dé marche ethnographique. Atomisés par- que y est fortement réduite, et se résorbe daos l 'instance morale et
fois sous la form~ de paragraphes, ces chapitres réfléchissent de fa9on descripti ve. C'est pourquoi selon nous, les scenes de rituels-areitos-
fugace des paris de vie, émergeant sur le fond obscur d' une pensée fetes, ou de préparatifs rnilitaires ne sont pas raboutées au modele
indigene, scindés de toute cosmogonie. Ainsi la description de la cul- plinien. Se recompose ainsi la différence entre histoire naturelle et
ture du mai"s, -technique du bíiton foui- avec toutes ses étapes, est histoire des homrnes.
fine et vivante, le rythme de hommes qui cote a cote sement collec-
tivement, a un pas de distance, plantent leur bíiton daos le sol de la QUELQUES CONCLUSIONS
main droite et sement de la gauche, puis rebouchent du pied le trou
A l'issue de cette étude, quelques conclusions peuvent etre for-
46 Benzoni, op. cit., p. 216. Plus tard Acostadécrit l'importance du cacao et l'engouement
de certains espagnols: "en fin es la bebida preciada y con que convidan a los señores que mulées en réponse aux questions posées initialement sur l'efficacité
vienen por su tiem, los indios y los españoles, y más las españolas hechas a la tierra, se du modele plinien pour décrire le Nouveau Monde et ses effets du
mueren por el negro chocolate" (op. cit., p. 266).
226 LOUISE BÉNAT-TACHOT
ANANAS VERSUS CACAO 227
point de vue de la composiúon de la HGN et du point de vue ethno-
de traits stratifiés, lexicalisés pour des hommes supposés sa.JIS bistoi- -
~
4
graphique < 7). ... . ,.
1. Si al'époque de la Renaissance Pline connrut un regrun d mtéret, re. L'oeuvre d'Isidore de Séville n'est pasA négliger pour apprécier la
il n'avait jamais été completement oublié ni abandonné. ~endant tout fac;on dont Pline a transité A travers les auteurs médiévaux. Si l'on y
]e Moyen Age, Pline est copié et cité par les Encyclopéd~stes dont le trouve une tentaúve de classement (objets, matériaux ou coutumes) la
plus érninent fut Isidore de Séville, auteur des Ethy"!ologta (622-623) méthode s'apparente a une compilation de compilations, le mode des-
<4Sl. Pomponius Mela (ler siecle de notre ere), Solmus et plu s la~d, c riptif est sléréotypé selon un ensemble de lexies et les citations de
Saint Augustin et Albert le Grand, tous ont accentu~ la ten?,an.ce ~x.Is.~ Pline qui sont loin d 'étre rigoureuses (SO). La description ethnographi-
tantc chez Pline de répertorier davantage les anomahes, les. mtrab1lta que, selon M . T. Hogden a done reculé au Moyen Age et meme si
ou déferlait la tératologie que les activités quotidiennes des hommes Hérodote et Pline sont cités, ils servent surtout le goOt pour les mons-
el leurs savoir-faire. Le gout pour les extravagances incitail A compi- truosités, les secrets, les merveilles. Au XIll et XIVeme siecles, s'a-
ler dans tous ces ouvrages l'inoui', le singulier et faisait que pour ces morce une reprise de l 'intéret pour l'autre dans ses pratiques
auteurs le prosai'que ne méritait pas d'etre étudié. La période médié- quotidiennes, en réponse au projet de conversion 011 de commerce (des-
vale n'avait done pas élirniné Pline mais l' avait intégré en accentuant cription des Tartares ou des peuples d'Orient dans les écrits de Marco
ces aspects au détriment de la tentative préscienúfique qui visait Adas- Polo). Néanmoins ces textes ne suffisent pas ~ ébranler la position des
ser les objetS du monde sensible et en répertorier les especes et l~s cosmographes et géographes du temps qui cominuent de se placer sous
usages. En outre, cette longue période avait aussi replacé 1' auteur l~tin l'égide de l'autorité ethnographique médiévale en dépil des récits de
dans le cadre d'une théologie chrétienne ou les hommes, en demtere voyages, meme s'ils ont de bonnes raisons de douter de ce savoir offi-
analyse, se divisaient en deux catégories, les Chréliens et les Gentils, ciel <SI) Isidore de Séville est l'auteur le plus cité dans la HGN, apres
étant entendu que ces derniers ne méritaient gucre d'etre décrits. C'est Pline <SZ>. Oviedo est done de ces humanistes qui héritent de la cultu-
cet aspect que commente Margaret T. H ogden <49>, parlan~ d'une i.nfle- re médiévale et bénéficient également de la redécouverte des textes ori-
xibilité intellectuelle, a l'époque d'Isidore de Séville, qu1 a perrrus de ginaux dont les éditions et les traduclions se mul tiplient a 1'aube du
placer l' ethnographie pa'ienne sous la coupe du christianis~e: " as fo r XVIeme siecle. La question de savoir si le modele plinien, tel qu 'Oviedo
man as for the whole, the Fathers desired less to know h1m than to le connaí't: et le revendique, est un outil heuristique perforrnant, comp-
save him". Meme s'il est attesté que de grands intellectuels lettrés, a te ten u des schémas de pensée qu' il véhicule trouve sa réponse dans
partir des XIII e t XIVeme siecles (Vincent de Beauvais ou Man.devill:) l'analyse qui précede. Pourquoi une telle efficacit6, quand, pendant les
s'intéressenl a de lointaines cultures, le fabuleux demeurc un traJt dorru- siecles qui ont précédé, la référence a Pline aidait b. la sclérose de la
nant dans ('ensemble de ces textes. On reproduit une iconographie fami- pensée ethnographique?.
liere, redondante des qu 'il s'agit de décrire l' étranger, selon un ensemble La redécouverte du texte original peut etre une prerniere explica-
tion. La ou les encyclopédistes, copistes médiévaux n'avaient vu que
47 Nous recoupons ici le questionnement d' Alvnrez López: "¿De ~ m:men reacciona coUections de merveilles, les humanistes de la Renaissance découvrent
el cspfritu bWll31lO plasmado aquí en una individualidad de ~ de observaaón Y de deseos une description ordonnée de techniques, une observation de la Nature,
de saber excepcionales ante la contemplación de una masa mgenle y nueva de fonnas Y
hechos? ¿Cómo se desenvuelve ante eUos? ¿Cómo los ordena y los dasifa? [...( ¿Hasta
un désir d'en mesurer et classer les composants. La nécessité de décri-
dóode se propagan reminiscencias y errores antiguos, cuando se los somete a la dum prueba
de compararlos con lo que nos revelan los hechos nuevos?" (op. cit., _1940-41,_p. 41). C'est SO lbúkm, p. 66.
done moins la vis ion du monde qui intéresse cct auteur que la ou les votes pou~ 1 appr61ender. SI u ...tbey doubted his stories and yet !bey could not do wúboul it''. /bidem., p. 71.
48 Cet ouvrage se p~nte sous la forme d'un dictionnaire suppost n!untr la sorrune de 52 Dans son article "Los libros del alcaide: la bibli01eca de Gonzalo Fernáodez de Oviedo",
Joutes les coonaissances. . . . . . Revistad~ indias. Madrid, 1971, n• 31, p. 166. E. Daymond Tumer 6:rit: "nadie que haya
49 &rly anthropo/ogy in tlt~ sixtunth and sevenl~nth untun~s. Philadelphta, Untverstty lerdo la primera parte de la HGN puede dudu que Oviedo poseyem las Etimologlas de San
of Pennsylvnnia Press, 1971, pp. t7-11O. Isidoro, que son después de la Hisroria Natural de Plinio, la fuente citada con más frecuencia".
Oviedo a dQ consulter cet ouvrage en latin .
ANANAS VERSUS CACAO 229
228 LOUISE BÉNAT-TACHOf
tes les informations de cet immense ernpire. La classification est ainsi
re le Nouveau Monde revitalise ce modele, de structure ouverte et une mise en grille, un ordonnancement, une prise de pouvoir. ll est
maJiéable. Tenu de rendre compte d' une réalité nouvelle, l'observateur aisé de comprendre pourquoi Oviedo a fait sien un · quadrillage du
ne laisse pas de place a la tératologie daos sa classification, pour rudi- monde, impérialiste dans son príncipe: dans les deux cas, il s'agit de
mentaire qu'elle soit. En accusant Pline de s'etre surtout intéressé aux servir César.
choses anormales extraordinaires, en accusant le texte de pulluler de
créatures fantastiques déversées au titre des mirabilia, M. T. Hogden 2. Le modele permet un ordre et admet les écarts. Tres vite les
néglige combien la classification des especes transfonnait le rapport de expériences d'Oviedo vont ~·y engouffrer, s'y déployer. Depuis les déli-
l' homme au monde et combien l'homrne de la Rer;taissance allait éprou- ces de l'ananas, a l'analytique description du cacao, la transmission
ver cet instrument pour mettre un ordre dans le flux ch.aotique des des réalités du Nouveau Monde vers l' Ancien se fait selon différentes
especes et des gestes des habitants du Nouveau Monde (53!. voies. L'ananas, comme d'autres aliments -les frui ts en particulier- .
La deuxieme raison qui explique l'efficacité du modele plínien dans est une saveur, un don que Dieu ferait aux Espagnols, par le truche-
cette phase d'appréhension de la nature américaine est l'expérience per- ment de la nature américaine; 1' iguane oblige a une connaissance préa-
sonnelle d'Oviedo. C'est la une différence fondamentale entre !'histo- lable, il faut dépasser le prernier dégoGt pour en apprécier la saveur.
rien latín et le chroniqueur espagnol. Pline était un lecteur, son talent, Le cacao, le mals, le manioc, obligent a opérer une trouée daos le
a la différence d 'Hérodote n'est pas celui de l'observation ni de l'en- monde indigene, le regard, l'enquete prennent le relais. Ainsi se cons-
quete, mais d' un collectionneur studieux. Or Oviedo va nourrir le mode- truit une démarche ethnographique, lorsque l'immédiateté est impossi-
le plinien de ce qu'il n'avait pas: l'épaisseur de l'expérience. C'est ble, lorsque l'autre est indispen sable pour comprendre ce qui est vu.
pourquoi se trouve éliminé du texte ce qui releve des fascinantes mons- La disponibilité, la reconnaissance de l'autre dans un te! cadre fait
truosités dont l' étrangeté augmente avec l'éloignement, au profit d'un admettre toutes les étrangetés : ainsi la bija est utilisée par les indige-
pragmatisme de terrain (54!. nes pour leurs tatouages mais Romains et Anglais n'ont-ils pas, eux
aussi, usé de ces peintures de guerre pour paraí:tre plus féro.ces?.
Une troisieme raison explique l' adéquation du modele latín a la
chronique espagnole: la parenté existante entre les conditions histori- 3. Quels effets un tel modele a-t-il généré? Oviedo évacue de ces
ques de rédaction des deux ouvrages. L'époque de Pline (23-79) corres- descriptions toute description rituelle, toute évocation de la fonction
pond au début de !'ere chrétienne (55!, période d' hégémonie impériale sacrée, cosmogonique. Autrement dit, la description est circonscrite a
violente a la fo is sur le plan poli tique et idéologique. Pline 1' Ancien !'aire du profane et évide le sens symbolique des pratiques décrites.
occupe un poste d'officier colonial, il est a meme de collationner tou- La fabrication de l'huile si bien d~crite ne dit que cela, meme si les
nobles la boivent selon uri ensemble de gestes codés et régulés.
53 Alvarez López (op. cit., 1941 , pp. 43-47) analyse le travail de classification mis en L'absorpúon de chocolat est une scene de vie sociale oi:l Oviedo lit le
oeuvre chez Pline. inégafselon les catégories, sachan! mal dissocier !' importan! du secondaire, pres.tige mais non pas ses implications religieuses. A l'inverse, ces sce-
i1 represente néanmoins une étape déterminante dans la compréhension et l'observation du
Monde. Alvarez López regrette le peu de cas qu' en ont fait naturalistes el lústoriens des nes rituelles foisonnent dans les chapitres de singularités. L'effet de
sciences. cette dichotomie n'est pas innocent: dans le cadre plinien, séculier, 1' at-
54 Alvarez López (ib., p. 46) observe qu'Oviedo est beaucoup moins prolixe ·que Pline, titude d'Oviedo est réceptive et souvent lauditive. Arraché de son con-
et plus concis, ce qui represente un progre~ considérable: il a pur:gé son texte des mirabilia.
L'aspect épuré de cette classification a gagné a l'existence du livre des Dep6sitos ou sont texte idolatre, le produit et ses procédures sont per~us avec une curiosité
amalgamés les aspects déconcertants ou prodigieux. En tout état de cause, Oviedo ne se toute humaniste. Si la Nature est guide des arts, l'homme indigene en
laisse pas aisément emporter par la veine fantastique: Oviedo n' aime pas les fables, et César la transformant par son industrie, est en parfaite cohérence avec les
ne veut pas de fables.
55 A cette date Jérusa!em est prise et détruite par Vespasien, ou Londres est un attentes occidentales. Daos les Particularidades, autre facette de l'hé-
établissement sur la Tamise, et o us'ouvre la route vers les Indes par laMer Rouge. En outre, ritage plinien, l'adrniration cotoie l'horreur. Le rituel peut etre décrit
St Pierre et St Paul sont martyrisés a Rome (cf. Hogden, op. cit., p. 35).
230 LOUISE BÉNAT-TACHar EL INCA GARCU..ASO DE LA VEGA:
ENTRE ECONOMÍA Y POLÍTICA
avec son opprobre latente ou explicite. Cette éviction du sens magi-
que, si elle ampute la dimension ethnologique de la descriptipn, va du
point de vue de l'histoire naturelle, dans le seos d'une plus grande
rigueur. Ainsi, en décrivant les animaux du Nouveau monde, Oviedo GABRIELLA AIRALDI
ne s' encombre pas de connotations symboliques qui stylisées ~ !'extre- U Nt V. DE GÉNOVA
me poussait Pline ~ projeter des propriétés occultes ou symboliques
sur les choses et les etres. Avec la Renaissance et Oviedo tout parti-
culierement, s'affirme un retour ~ la réalité, tangible, observable oll le
Cuando Garcilaso decide redac tar sus Comentarios, lli historia ha
Nouveau Monde va jouer un role prépondérant, une sorte de séculari-
alcanzado ya la definición de in strumento cientffico de conocimiento. El
sation du savoir.
afianzamiento del pragmatismo político y del mercantilismo imponen una
4. Pourtant cette distribution des informations a d'autres e ffets. Elle orientación decisiva al rumbo de la política y de la economía y a las f or-
pose un des proble mes auxquels se confronte l'ethnologue: que décri- mas de pensamiento del E stado moderno. E l pensamiento pólftico y econó-
re et dans que! ordre? Le souci d 'exhaustivité, si souvent affirmé par mico, aunque en distinta medida, han Llegado ya a cotas elevadas, y el
Oviedo, ne suffit pas ~ répondre. L'utilisation du texte de Pline, ~ la debate centrado sobre la poSible separación de polftica y economía de la
fois mécliéval et modeme, n'est-e lle pas porteuse d'enjeux futurs qui ética, y la polémica religiosa en curso han dejado y dejan espacio a in ter-
seront ceux de l'ethnologie? Dé limiter l' image, la scene qui va etre pretaciones de tipo providencialista y a hipótesis laico-humanistas, que
racontée, découper dans le continuum du vécu social ou d' une ges- no siempre ni necesariamente entran en conflicto.
tuelle, ce qui a du sens et le rendre intelligible ~ d' autres: ce sont les Pero la complejidad del trabajo del historiador se ha enriquecido
questions auxquelles doit répondre par exemple un cinéaste anthropo- con nuevos elementos. Más allá del constante debate sobre las formas
logue. Délimiter une séquence, cadrer un plan, articuler les plans entre y los objetivos de la historia, la ampliación de los espacios, el naci-
eux selon la logique sensible du regard, c'est élirni ner, c'est faire du miento de nuevas temáticas, de problemas y discusiones sobre la co-
hors-champ. Pour restaurer le flux gestuel important et secondaire, le existencia han hecho y hacen cada vez m ás necesario recurrir a la ay uda
cinéaste doit résister ~ l'encombrement du réel, choisir ce qui sera de instrumentos cognoscitivos adecuados, ya sean documentales, arqu eo-
scene et ce qui sera coulisses. Dans une certaine mesure, Oviedo se lógicos o lingüísticos. En este sentido también España, a pesar de sus
trouvait confronté a cela. Il a eu a traiter par l'éc riture et le dessin un peculiares y conocidas características, se revela bajo muchos aspectos
e nsemble de gestes e t de postures, il est réalisateur de ce monde qu ' il co mo un importante centro de debate y de propuestas Ol.
donne a voir. Ccrtes le fi let du colonialisme emprisonne du regard !'en- Para dar una idea unitaria del mundo , la historia se presenta ahora,
semble de ces objets mais les mailles en sont plus ou moins Hiches. verdaderamente, como un "instrumento" privilegiado. Con mayor razón
Pris au piege de son observation, Oviedo laisse le texte s'encombrer cuando el historiador declara que no quiere limitarse a la mera narra-
de multiples détails. Ce surplus de gestes qui peuplent la HGN tui ción y manifiesta el deseo de realizar una obra de mediació~-cuJtu!al!
donne sa qualité ethnographique. L' objet est décrit, cadré, dessiné, ainsi
1 La bibliognü.a relativa a esms temas es clásica, ya sea poc lo que se ref~ere a la bis-
que le mouvement sOr et efficace qui l'accompagne. Oviedo manifes-
toña política y económica. ya sea por lo que se refiere a !:1 histori:1 del pensamiento políti-
te précision et acuité pour ces objets desti.nés a une future acquisition, co y económico. En et ámbito de interés más directo son fundarneatales los uabajos de J.
par une sorte de vision cannibalique. La finesse de l'observation est H. Elliot, TM Old World and New. 1492-1650, Cambridge, 1970, y España imperial, Londres,
souvent l'inclice d'une incorporation projetée. Mais ce cannibalisme 1981; A. Getbi, La naturalkUe lndie Nove, Milano-Napol~ 1975, y JI miro del Perú, Milano,
1988; R. Romeo, Le sco¡Hrre americane ndlll coscienza iraliiVUJ del Cinquecenro, Roma, 1954.
culture! est peut etre le risque qu ' encourt tout ethnologue. Décrire pour
comprendre, décrire pour assirniler, décrire pour répuclier: le texte eth-
nologique de la HGN expose le lecteur a la turbuJence de ces choix. AJes Qucija, B. .tGru!insti. S. (CO!Ids.~ emE DOS MUNDOS. FlfMitru C./tomlu yA&IllltJ llttlaklf1. SMh.l997,pp. Dl-241
., l

MISIONEROS EN CHINA:
MAlTEO RICCI COMO MEDIADOR CULTURAL

BEATRIZ MONCÓ REBOLLO


UNIV. COMPLUTENSE

AL P. TEóTIMO GoNZALEZ, O.M.!.

1
·1·
1

Las primeras noticias de un contacto hispano-asiático son relativa-


mente tardías. Ya en el siglo XII Benjamín Tudela realizó un largo
viaje (desde 1160 a 1173) por las colonias hebraicas esparcidas por
Asia. Igualmente, y parece obvio recordarlo, el mismo Colón, en carta
escrita en Sevilla y fechada el 2 de abril de 1502, dirigiéndose a los
Protectores del Banco de San Giorgio (Génova) se autotitula "El
Almirante mayor del mar Océano y viso Rey y gobernador General de
las yslas y tierra firme de Asia & Yndias del Rey & de la Reyna mis
señores, J su capitán general de la mar y del su Consejo". Lo más
curioso es que en la respuesta de 8 de diciembre del mismo año el
banco genovés contesta "Al ilustre y preclarísimo Varón Don
·Cristóforo ... Virrey y Gobernador General de las Islas y del Continente
de Asia" <1>. La idea, además, no es sólo de Colón. Según se indica en
el mapa de Diego de Ribero (Sevilla 1529), los leones rampantes y los
· castillos forman el estandarte que se yergue bajo el espacio titulado
"La China". El cosmógrafo real señala así, de modo gráfico, cómo los
españoles se atribuían el N.E. de Asia como parte comprendida dentro
de la línea de demarcación pactada con Juan II de Portugal.
Con tales antecedentes no es extraño que tras el descubrimiento de
Filipinas en 1521 se pensase en las Islas como un lugar de salto hacia
Asia, como un espacio intermedio entre Oriente y Occidente. Las noti-

1 Carlos Sanz. PrimitiYas re/acionu de España con Asia y Oceanía. Madrid, Libreña
General Victoriano Suárez, 1958, p. 391.

Am Queija. B. k Gruzilllki, S. (Coonls.): OO'RE DOS liUNDOS. FIOIIItrOJ C..lmmlu J Agouts Moliadoru. SeviDa, 1997, Rl· 329-348.
330 BEATRIZ MONeó REBOLLO
r
1
1
MISIONEROS EN CHINA 331

Asia Oriental desde 1543 y hacia 1600 los holandeses ven en la rique-
cias que llegan de este lugar parecen confirmar la posibilidad de estre-
za de China la suya propia.
char lazos entre ambos mundos; al respecto es sintomático que el mismo
~Q del ~~ntro es una tierra d~seada tanto económica como
Emperador Carlos escribiese en Barcelona, el 1 de mayo de 1543, sobre
rehg10samente (sobre todo en el caso español). No es extraño que
su intención de relacionarse con China.
e'Onlercliüifes,jerirquías políticas (con soldados) y religiosas (con misio-
Este primer conocerse, añade el Rey, deberá hacerse c on total res- neros) vean allí su meta y esperanza a pesar --como decía- de las
peto a la soberanía política y por cuatro motivos esenciales. Primero, múltiples barreras que se alegan como dificultad de comercio y evan-
a fín de establecer permanentes lazos de amistad con los que, segun- gelización. Sin embargo, no fue el celo evangélico sino el interés comer-
do, se pudiesen abrir negociaciones comerciales y, tercero, intercam- cial y político el que iba a jugar la baza definitiva. Los portugueses
bios de conocimientos científicos. Sin embargo, su católica Majestad participaban desde principios del XVI en la Feria de Cantón, donde se
no podía olvidar un cuarto aspecto: abrir camino a la conversión aun- intercambiaban mercancías de Oriente y Occidente. Para corresponder
que -añadía- sin que exista coacción o violencia. a la ayuda recibida contra los piratas que asolaban las costas, las auto-
China, como imagen de Asia, se alza ante los ojo~ españoles como ridades chinas decidieron que l os portugueses podrían asentarse per-
un país inmenso, rico, pagano, atrayente, pero, a la vez, impenetrable. manentemente en un lugar situado en la península de Aomen, al este
La heterogeneidad, por otra parte, parece su característica más llama- del rio de las Perlas, frente a la isla de Hong Kong. Corría el año de
tiva. Allí residen en una cierta armonía no sólo las etnias propiamen- 1557.. Su nombre se debía a un pequeño templo dedicado a Ama Shen
te asiáticas, sino comunidades musulmanas y judías (l;Iuei-Huei) que Miao, una diosa del mar, de donde tomó el nombre de Amahao que
habitan la región de Nanking en la que, incluso, · se ll,egan a edificar posteriormente se transformaría en A-makao (Arnacao) en dialecto can-
sinagogas. Esta multiplicidad de rasgos físicos (que evidentemente con- , tonés y, al españolizarse, pasó a nuestra historia con el nombre de
llevan diversidad en los culturales) se combina con una variabilidad Macao (o Macán).
lingüística casi sin precedentes <2>. Sin embargo, Macao no era una representación pura del Imperio
No obstante, esta "apertura centrípeta" no se refleja con la misma Chino, sino un lugar de trán~ito, de puro y simple intercambio, donde
intensidad hacia el exterior, a pesar de que desde la era Jonglé . la única frontera que se alzaba era la del menosprecio por los que allí
(1403-1424) China es un imperio de exploradores y marinos. Ya ante- residían:
riormente habían llegado a Nanking (capital imperial en ese momen-
Los chinos que allí vivían eran hombres desplazados, reducidos
to) embajadas de otros países Ol e igualmente, por las salidas de únicamente a los papeles de intérpretes y de intermediarios y
autóctonos, se había generado una cierta "literatura de viajes"; sin despreciados por los continentales. Decir que álguien era de
embargo, los conflictos internos hacen mella en la estructura china y Macao constituía el peor insulto: sólo podía ser un agente japonés
con el conocimiento de su riqueza, mongoles -desde dentrO- y pira- o un espía europeo <•>.
tas -desde fuera- obligan a un nuevo repliegue. Una vuelta en sí
Lo intermedio caracteriza tanto a Manila como a Macao. Ambos
agravada no sólo por la caída de su economía, las crisis políticas y las
lugares son, sin embargo, el conducto por el que españoles y chinos
revueltas populares, sino por el hecho de ser punto de atención de
saben del "contrario". Los cerca de 7.000 sangleyes que habitan en la
"extranjeros" interesados en su cultura, pero también en sus bienes. De
capital filipina son representación viva de ese "otro" que, a su vez,
hecho, galeones portugueses habían llegado a las costas de Quandong
califica a los extranjeros como "folangji" (portugueses y españoles) y
en 1514 y a Fujian en 1540; los españoles navegan por los mares de "hongmaoyi" (holandeses). Son, por tanto, "francos" y "bárbaros de
2 Puede verse al respecto el análisis que realiza Jacques Gernet, El mundo chino.
pelo rojo" los primeros que contactan con lo chino. Por otra parte,
Ban:elona, Crítica, 1991.
3 Cocea, Japón y Vietnan hacia 1369. Camboya y Siam en 1371 e incluso Borneo en 4 Jean Lacouture, Jesuitas. Los Conquistadores. Barcelona, Paidos, 1993, p. 336.
1408.
1i

332 BEATRIZ MONCÓ REBOLLO MISIONEROS EN CHINA 333

comerciantes y misioneros saben que Macao es la única esperanza; una perspectiva analítica, no es momento de profundizar<~. pero ade-
pero mientras que los primeros encuentran allí lo que desean, los lantemos que ésta toma otros sesgos cuando se une la creatividad del
segundos piensan que la factoría portuguesa sólo es el trampolín para ser humano a la transitividad de un misionero; atributos, ambos, que
parecen facilitar la mediación cultural.
China.
Con dificultades, franciscanos y jesuitas son los primeros en ins- n
talarse, aunque la Compafiía no lo haga de un modo definitivo, en la
"casa de San Martín", hasta 1578. De nuevo un golpe de suerte y el Apenas unos años después de su fundación, en 1534, los hombres
préstamo de ayuda a los chinos para capturar al - pirata Limabon de la Compañía de Jesús estfu repartidos por todo el mundo conoci-
(Li-Ah-Feng) hace que el agustino Fray Martín de Rada y sus com- do y, desde luego, China no iba a ser una excepción. Ya un jesuita
p'añeros puedan llegar hasta Fukien. Este fue, en _realidad, el p~im~r emblemáti~o, Francisco de Javier, había muerto en Sangchuan el 3 de
paso que un religioso español dio en tierra de China (el 12 de JUIDO diciembre de 1552 sin haber conseguido, a pesar de ímprobos esfuer-
de 1575). Desde entonces, cada hombre, cada sector religioso, trata de zos, entrar en sus territorios; sin embargo, había prometido a su amigo
entrar y evangelizar a estos nuevos infieles. Así las cosas, cada Orden de Loyola que "(del) suceso de la China, Dios queriendo, mucho par-
''construye" y elabora al "otro" conforme a su experiencia (un buen ticularmente escrebiremos, ansí de como fuimos recebidos y de la dis- •
ejemplo lo constituye el best seller del agustino González de Mendoza <S) posición que hay para acrecentar nuestra fe" m.
en 1585). Mientras que los jesuitas consiguen adentrarse cada vez más Y parece que Dios quiso. En 1565 el padre Francisco Pérez ya se
en China, los dominicos, por ejemplo, siguen llamando, insistentemen- dirige personalmente a las autoridades de Cantón para que le permi-
te a todas las puertas que les puedan abrir las del Imperio' descom;x:i- tan poder conversar con maestros y sabios "a fin de que nos comuni-
do. Son ellos, sobre todo, los que elaborando y reelaborando las ideas quemos mutuamente nuestras enseñanzas" y suplica además que se le
de apertura china tratan de conseguir su salto desde Manila. conceda permiso "para vivir en tierra, en una casa pequeña, durante el
tiempo que se considere oportuno" <S>.
Que du~ E~be,_ ª~em~, . de. q1,1e -~~~~_Qr~~n r~~~~()~_a :~ea :~~~-­ Trece años más tarde (1578) Alessandro Valignano, visitador de la
es-péC[fíéaS, caminos e incluso niveles críticos de acercarruento al otro .
Compañía en Asia, percibe cómo evangelizar China es una tarea titá-
Así, todas s\is experiencias personales, criterios de ~Va?gelización, cono-
nica, más aún si se desconocen sus costumbres y su lengua, incluyen-
cimiehtos·;"actítüdes individu.alés ... el propio' yo puesto _en juego -~:e ~a
do en ésta no sólo el dialecto cantonés meridional sino el mandarín, a
ídeá"cíe la alteridad y, a la vez, la obligación -creencia! y existe~­
cuya expresión se acogían las élites del poder político y la comunidad
cial- del rrusionar son las claves que generan esta variabilidad. La
de intelectuales y letrados. Realmente Valignano es hombre puente entre
llteridad, -crealiofa y · a su vez imagén de sesgos, -diferenciaciones y
Francisco de Javier y el que sería su sucesor: el italiano Ricci.
antítesis, pero igualmente de homologías, semejanzas y analogías, ofre-
Apenas ocho semanas antes de morir el jesuita navarro nacía en
ce un tapiz de matices, ambigüedades y labilidad digno de análisis Macerata, el6 de octubre de 1552, Maneo Ricci. Con nueve años ingre-
antropológico. El "otro" es positivo y negativo, pero también se enseño- sa en el Colegio que los padres de la Compañía tienen en su ciudad
rea en la duda y en la pal:adoja, sobre todo cuando aquél que se le natal y diez años más tarde inicia sus estudios de noviciado en Roma.
acerca lleva en sí el carácter de lo intersticial y lo intermedio; cuando Este parece el cotnienzo de su talante humanista: nada menos que
su propio ser y su propia esencia lo marcan com~ fronterizo_. Y a uno
de estos personajes-limen voy a dedicar las págmas que s1guen. La 6 Véase Bealriz Moneó (ed.), Vi<zje de la China del P. Adriano de las Cortes, Madñd,
aventura de la alteridad la hemos visto simplemente hilvanada y desde Alianza Editorial, 1991. y lllrnbié11 ''En la ruta del Otro", en Antropologfa sin fronteras.
Ensayos en hoMr de C. lisén, Madrid, C.l.S. 1994.
7 Félix Zubillaga (S.I.), Cartas y escritos de S. Francisco Javier. Madrid, B.A.C., 1953,
5 Juan González de Mendoza. Historia de las cosas más notables. ritos Y costumbres 101, pp. 465-66.
del Gran Reino de la China. Madrid, Aguilar, 1944. 8 J. Lacouture, op. cit., p. 335.
1
334 BEATRIZ MONCÓ REBOllO MISIONEROS EN CHINA 335
1
i
Claudio Aquaviva (el tercer General), el matemático alemán Christoph Por otra parte, tanto él como Valignano y Ruggieri siguen redac-
Clavius y el teólogo itali.ano Roberto Bellarmino fueron sus maestros tando la biografía de Francisco de Javier, cuyos capítulos de China se
y dirigentes. publican en 1582 bajo el título de Tratado de las maravillas de China.
En mayo de 1575 Ricci, con su vocación de apostolado bien defi- En ellos, con la sistematización propia de la Orden, se adelanta un per-
nida, abandona Roma para dirigirse a Coimbra, en cuyo colegio se for- fil socio-cultural basado en "siete puntos de excelencia" y "cinco desór-
man los futuros misioneros del Extremo Oriente. Allí no sólo recibe las denes". Su sometimiento a un solo mando, la aceptación y pago de
lecciones de Luis Molina, sino que conoce a tres compañeros que, como impuestos, la extraordinaria fertilidad de la tierra, la riqueza y abun-
él, formarán parte de la biografía espiritual asiática: Rodolfo Aquaviva, dancia de sus minas, la frescura y la paz que se respira ("al punto que
Francesco Passio y Michele Ruggieri. Apenas dos años más tarde, ef se diría una cosa pintada más que producto de la naturaleza"), la indus-
29 de marzo de 1578, parte rumbo a Goa. En la India, mientras termi- triosidad de sus habitantes y, por último, su gobernabilidad y pacifis-
na los estudios obligatorios para su ordenamiento, pasará cuatro años mo son caracteres que "maravillan" a los jesuitas. Pero la fuerza de la
de su vida (1578-1582). La cultura hindú no es su centro de atención, creencia irrumpe en este bello panorama cuando escriben: "les falta lo
pero aqn así redacta una Historia de las Indias portuguesas en la que principal, que es el conocimiento de Dios y de la santa religión". Así,
ya se observa lo que va a ser su modo hacia el "otro": observación par- de un golpe y merced a su misma y esencial fe, los Padres construyen
ticipante, conocimiento "in situ" y un espíritu crítico, pero respetuoso, una intrínseca relación de causalidad con la que traspasan dos planos
que le acompañarán mientras viva. Sin embargo, a pesar de su adapta- existenciales que resumo en el "desorden" cinco:
ción a aquellas tierras, Ruggieri reclama su presenCia en China, a cuyo (Tienen) vicios enormes, como el vicio contra natura o los exce-
puerto de Macao llegará, enfermo, el 7 de agosto de 1S82: sos de la gula, hasta el punto de que, aunque están muy bien
Unos meses después, en diciembre, recibirán en la "Casa de San dotados para la prudencia y la discreción en el gobierno, sin
Martín" una insólita petición del virrey de Kuang-tung: desea ver un embargo son torpes y están ciegos en lo referente al conoci-
reloj que Ricci ha traído desde Goa; a cambio -promete a Valignano- · miento de Dios, el bien de sus almas y las cosas del otro mundo.
les permitirá instalarse en su ciudad (Shiuhing o Sciauquin, como escri- Los límites rígidos de la creencia, de la que ha hecho su ser y estar
be Ricci) y construir en ella un par de casas permanentes. El cese del el misionero, le imponen unas fronteras difíciles de casar con el res-
virrey acabó con las ilusiones de los jesuitas Ruggieri, Mendes y Passio, peto y de traspasar con el simple acercamiento. Desde otra perspecti-
que debieron volver a la casa de Macao tras sólo cuatro meses de asen- va es interesante notar que, a pesar de esta tensión de valores, Ricci
tamiento. La senda, sin embargo, estaba abierta y, con ella, la sorpre- se siente atraído por muchos aspectos del "otro", aquéllos que, preci-
sa servida: el P. Mendes, compañero y enviado de Valignano, samente, no interfieren con las exigencias de su ser-misionero.
desembarca en Macao cubierto con la típica y larga vestimenta china. La suerte iba a ayudar a los jesuitas. A las pocas semanas de la
La "chinización" de la Compañía no había hecho más que comenzar, expulsión de Shiuhing un guardia del palacio del virrey les comunica
ya que a este cambio externo se une, como prioritario, el aprendizaje que si lo desean pueden instalarse en la ciudad. Allí llega Ricci el lO
de la lengua china y su caligrafía, tarea a la que Ricci se dedica en de septiembre de 1583. El y sus compañeros son recibidos por el gober-
cuerpo y alma. Este "modo a lo chino", punto esencial de la evange- nador Wang P'an, quien, al verlos vestidos de bonzos, los toma bajo
lización ricciana, comienza, no obstante, mediante la adaptación del su protección y les permite construir una iglesia que, al modo chino,
"estilo bonzo". El mismo Ricci, en carta al Emperador de 1588, deno- bautizan como el "Templo de la Flor de los Santos". Aquí comienzan
mina al Papa como "Gran Bonzo" y ellos mismos se llaman "bonzos su andadura y su contacto con las gentes del lugar, quienes obviamente
de India" (TII)nzhu guo) <9>. les consideran sumamente extraños incluso a pesar de sus vestidos. La
9 1. Gemet, "La politique de conversion de Maneo Ricci en Chine", en Archives des
alteridad inicia su juego y al poco tiempo los acusan de robar niños
Sciences Sociologiques des Religions, 1973, t. 36, p. 72. para comérselos.

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MISIONEROS EN CHINA 337
336 BEA~ MONCÓ REBOLLO
--escribe- "en aquel tiempo no se hubiese podido encontrar una inven-
Felizmente el malentendido pronto se soluciona, pero creo que es
ción más adecuada para disponer a este pueblo a recibir los misterios
indicativo el ver que la diferencia, en esos momentos, configura patro-
de nuestra religión", al fin y al cabo, -<:omo él mismo aclara-, "según
nes de conducta que "obligan" a crear determinados juicios morales y
la disposición divina, para atraer a un pueblo a la fe de Jesucristo, no
visiones del mundo que se yerguen como fronteras y separadores. En
siempre se ha utilizado el mismo medio".
el caso que nos ocupa la falla es además inmensa, sobre todo si con-
sideramos que su distanciamiento no es sólo exterior, sino tan profun- Pero a pesar de este acercamiento "a lo científico", el salto defi-
damente arraigado que, creyéndose poseedores de la Verdad, se desea nitivo de la conversión lo dan muy pocos: apenas unas cuarenta per-·
pasar al otro lado pero no para quedarse allí -tal vez ese fue uno de sonas en tres años de permanencia en China. La aproximación física
los problemas de Ricci- sino para traer a su orilla a un "otro" que y exterior es fácil, la intelectual relativamente sencilla, pero la
puede estar plenamente satisfecho de vivir en la suya. Tal vez por eso, ético-moral y, sobre todo, la creencial-religiosa es un camino si no
la primera conversión ricciana es la de un desprotegido a punto de imposible, sí arduo y trabajoso. Los diferentes ethos apartan los cora-
morir abandonado por sus parientes. No es raro, dados los valores fami- zones y los distintos símbolos religiosos generan incluso aborrecimiento
liares chinos, que este pobre enfermo cambiase su creencia por un poco y rechazo. ¿Qué esperar -se preguntan los chinos- de unos hombres
de caridad y consuelo. No obstante, los jesuitas saben (de hecho lo han cuyo supremo Dios es un crucificado?.
experimentado) que no se llega al corazón de los hombres por un único Ricci, a pesar de ampararse en la voluntad divina, conoce otros
camino (10), y acaso éste fuese el mayor éxito de Ricci: acercarse a cada casos de la Compañía. Ve difícil el camino directo de evangelización
cual por aquel camino que más le agradase; al fin y al cabo, el acer- y, por tanto, con un despliegue mental sin precedentes, rodeando la
camiento es primordial para transformar. Y la primera ~orma, el modo barrera religiosa, ya no sólo se acerca al "otro" sino que se transfor-
casi por antonomasia que le permite a Ricci aproximarse es el ci~ntí- ' ma en un "otro" sin dejar de ser él mismo. Además (muy humano por
fico. Al respecto escribe Trigault: otra parte), l o hace en una dirección en la que encuentra mayor aco-
modo, mejores amigos y, sobre todo, plena satisfacción personal y cre-
n étendit done cette description (se refiere a un mapa cos-
mográfico) en un champ plus ample, afin qu'il pílt aisément ativa. Sin embargo, no se contenta con compartir la morada intelectual
contenir les caracteres chinois ... et ajouta non les memes anno- de algunos chinos. Hombre perceptivo y conocedor del contexto, sabe
tations, ains (mais) d'autres selon l'humeur des chinois et con- que los bonzos no son queridos por el pueblo y que son los confu-
venables a son intention; car, ou il venait a propos en divers cianos quienes, a través de la ciencia y el respeto, le pueden dar la
lieux, traitant des coutumes et cerémonies de diverses nations, llave que abra el camino de evangelización. El acercamiento le exige
il discurait des mysteres sacrés de notre tres sainte foi jusqu' au la elaboración de puentes y transformaciones personales; entre ellas,
temps present inconnus aux chinois, afinque sa renommée - s'é~ un vestido de seda roja ribeteado de un azúl claro en las bocaman-
pandtt en peu de temps par tout le monde <11>.
gas, los puños y el cuello; zapatos de seda bordada, cinturón rojo y
De este modo, los libros primero y la cartografía después tienden un sombrero con alas; finalmente, el tocado lleva un "sutumpo", un
un puente de comprensión entre Ricci y el gobernador Wang P'an. El velo negro que cae hacia atrás. También cambia sus costumbres: viaja
jesuita dedica todo su tiempo a enseñar y explicar mapas a los letra- en palanquín, se acompaña de escribano y servidores e, incluso, mara-
dos chinos, a discutir con ellos de filosofía y astronomía porque villará a los chinos dejando crecer una hermosa barba, larga y espe-
sa. Los amigos que le rodean ya no son los pobres, sino aquéllos que
10 Es interesante el mensaje que al respecto ofrece el jesuita José de Acosta, Historia
desean compartir inquietudes y conocimientos: Kin Taisu (Ch'u Taisu)
natural y lTUJral de· las Indias. México, F.C.E., 1940.
11 Mateo Ricci & Nicolás Trigault, Histoire de I'Expedition Chretienne au Royaume de y Kien-ngan son un buen ejemplo. Ricci destruye fronteras demo-
la Chine (1582-1610). Introducción de Joseph Shih (S.!.). París, Desclee de Bronwer, 1978, liéndose a sí mismo; primero su físico, luego sus modos; hasta su
pp. 239-240.
338 BEATRIZ MONCÓ REBOLLO MlSIONEROS EN CHINA 339

nombre, transformado en Si-Tai en sus inicios 0 2>, pasará a ser, ya para On a suggeré que cela risquait d' alterer la pureté de la doctri-
siempre, Li Mateu 03>. ne chrétienne, alors qu'une approche plus nettement religieuse
pourrait perrnettre aux missionnaires d'evangeliser directement
Pero, como dije antes, la tensión entre su identidad misional y su les masses et de faire ressortir la spécificité du christianisme <1Sl.
anhelo de comprensión Jo constriñen y obligan a contínuos giros, a
sucesivas transformaciones, a reiterados abandonos de aquello que, en Esa cristianización de Confucio parece anclarse sólamente en el
definitiva, es el eje de su vida_ No es extraño que critique, a veces deseo de Ricci, acaso porque esa es la estancia mental que prefiere.
acerbamente, las ideas del budismo que él mismo había representado, La razón científica -en este caso la filosofía natural- es la morada
pero tampoco Jo es la tentativa sincrética que realiza entre el confu- en la que atenúa sus propias dudas y le permite crear un espacio sere-
cionismo y el cristianismo. Nuevamente aquí Ricci homologa mundos, no, sin fisuras ni alteraciones, una "communitas" de individuos (a lo
los une mediante sí mismo; el esfuerzo intelectual y la ciencia son sus Tumer) que, como él, saben que las fronteras son mentales y que el
únicas armas. El fin es el encuentro pleno con el "otro", pero su pre- conocimiento y la amplitud mental son excelentes pértigas para sal-
cio es la vivencia en la ambigüedad. . tarlas. Pero, repito, la fuerza vital de Ricci le viene dada por su cre-
encia religiosa; aquélla que le impulsa a evangelizar al "otro", pero
Todo transforma a Ricci en un campo de fuerzas vivo. El pensa-
que, a la vez, demora e incluso detiene los pasos para el acercamien-
miento humanista, su conocimiento científico, el ser evangelizador y
to y la comprensión total. Esta fisura entre dos concepciones del mundo
el encontrarse con un "otro" que, aún sin compartir su doctrina, le atrae
sólo puede paliarse -intuye Ricci- mediante un esfuerzo de creati-
y fascina como ninguno, tiran de él como vectores de distinta fuerza
vidad mental aunque ello suponga, de nuevo, dividir el propio ser.
y signo que sólo pueden equilibrarse en el campO de, Jo sincrónico y ·
La originalidad creativa de Ricci es un problema hermenéutico y
sincrético. Así, el Tratado de la amistad primero y La 've;dadera doc-
pragmático, es decir, de interpretación y uso de una doctrina que, a su
trina del Señor del Cielo después son productos de' ese difícil unificar'
parecer, no estaba delimitada de un modo claro y preciso:
lo que, en realidad, no es totalmente equivalente, sobre todo si lo per-
cibimos desde la perspectiva que, obligatoriamente, debe tener un misio-· 11 a été (escribe) d'un grand avantage d'attirer á notre opinion
nero. En palabras de Etiemble: la part principale de la secte des lettrés, qui tient a Confutius,
interprétant en notre faveur 1' une ou l' autre chose laissée par
Ricci desea admirar a Confucio y al confucionismo, a condi- lui dans 1' incertitude en ses écrits. De la sorte les néltres ont
ción de considerarla una doctrina modesta, imperfecta, carente gagné une grande bienveillance de la part des lettrés, qui n'a-
de Dios, de alma inmortal y de cualquier dogma. Simplemente dorent pas les idoles (16). ·
olvida que cargado con el peso de un alma inmortal, confundi-
do con dogmas y con misterios, obligado a creer en un..dios En otro sentido, y puesto que conoce la inflexibilidad del dogma,
creador, el filósofo Confucio seria todo lo que quisiese, menos su creación se encamina ·a rellenar huecos del confucionismo, doctri-
confuciano. Tal vez seria un humanista cristiano 04>. na que valora como una filosofía basada en la ley natural y acorde con
aspectos importantes de la moral cristiana, y que le permite llegar y
Efectivamente, lo que podriamos llamar "modo ricciano de evan-
conocer tanto a las élites chinas como los fundamentos de su cultura.
gelización" pasa por una cristianización de Confucio no exenta de pro-
En una de las cartas dirigidas a Passio en 1609 escribe cómo los con-
blemas. Problemas, además, que se generan desde la óptica cristiana: fucianos siguen "la ley natural tan fielmente como en nuestro país", lo
12 Se lo ponen sus primeros admiradores en razón a su calidad de monje budista. Traducido que permite descubrir "pocas cosas contrarias a la ley de la razón"_
significa "Sabio de Occidente". ·
13 Es forma sinizada de su nombre y apellido. En lengua chica no existe "r" y los nom- 15 Joseph Shih (S.l.), Introducción a M. Ricci & N. Trigault, op. cit., p . 18.
bres propios no tienen más de tres sílabas. 16 Pasquale D'Eiia, Storia dell'introduzione del Cristianesimo in CiiUl, Scritta da Mat/Lo
14 René Etiemble, L'Europt chinoist. París, Gallimard, 1988, p. 257. Ricci. Roma, Lib. dello Stato, 1942-1949. (La presente cita en 1942, p. 709n).
340 BEATRIZ MONCÓ REBOLLO
MISIONEROS EN CHINA 341
Tales motivos -aduce Ricci- sólo llevan a una conclusión realmen- ·1 ·siendo Li-Zhi un hombre de muchas moradas, hay un punto donde no
te revolucionaria para la ortodoxia evangélica: existe convergencia: el filósofo no puede considerar que Li Mateu, per-
Nous pouvons espérer que la rnisericordie divine a perrnis que sona sabia, de inteligencia precisa y abierta, encierre en su polifacéti-
beaucoups de leurs ancétres soient sauvés par l'observance de co ser una exigencia única, excluyente e incompatible. Dicho de otro
la loi naturelle avec l' aide que Dieu leur a accordée dans sa modo, el filósofo chino carece de criterios para e ntender que, en defi-
grande bonté 07l. nitiva, "el misionero está entre el dogma y la cultura" (19). Por ello
escribe:
En 1595 Ricci parece seguir pasos seguros cuando el ilustre Si-Yé
le pide ayuda para su hijo. En Nang-Chang visita al virrey, al que Pero no sé bien qué ha venido a hacer aquí. Pienso que sería
puede hablar sin arrodillarse, y, de boca en boéa, lo aclaman como demasiado estúpido por su parte que quisiese sustituir las
··hombre sabio. Este nuevo atributo lo convierte en moralista y le per- enseñanzas del duque de Zhu y de Confucio por las suyas pro-
mite otro nivel de acercamiento más acorde con la enseñanza cristia- pias. Por consiguiente, no debe ser eso <211>.
na. Así, aprovecha su fama para predicar los fundamentos de la doctrina Obviamente sí era eso. Además, la jerarquía jesuita, desde fuera,
y, en ~us palabras, los confucianos ."sentían tanta aiegría que derrama- calla y espera. No en vano hay que recordar que se mantuvo en China
ban lágrimas como si fuese yo quien la había descubierto". Mas, de hasta su supresión en 1773 y que el Padre Adam Schall von Bell
nuevo, el Ricci-humanista atenúa al evangelizador y otorga la voz al (1592-1666) era director del Servicio Astronómico de Pekín en el
Ricci-racionalista: "En estos ·inicios; parece preferible comenzar con . momento de la conquista manchú. En realidad, hablar de evangeliza-
las explicaciones que se basan sobre la razón". ción en China es recordar a la Compañía de Jesús.
Su fama llega pronto a oídos de Kien-ngan, farnili~ del empera~ Sin embargo, a pesar del silencio <21>, desde Macao llegan periódi-
dor, que le abre las puertas de las élites políticas 'Y letradas. Al tiem- camente objetos europeos a manos de Ricci. Tanto él como sus supe-
po, Wang-Chong-Minh, presidente ~el Tribunal de Ritos, le invita a riores tienen las miras puestas en Pekín, y los relojes, cuadros, espejos
dirigirse a Pekín con motivo del cumpleaños del emperador Wan-li'. Y mapas, técnica y ciencia en una palabra, serán los caminos hacia la
Ricci acepta y ya "in situ" ofrece los primeros datos etnográficos que, capital del Imperio. Una ruta, por otra parte, que comenzará el 18' de
desde Marco Polo, se tie nen sobre la Ciudad Prohibida. Motivos polí- mayo de 1600, pero que contará con una nueva e imprevisible barre-
ticos le hacen regresar a Nanking donde se codea con los más gran- ra: el eunuco Ma-tang.
des letrados de China. Allí, Li-Zhi <18) escribe: "Es un hombre notable. Es sintomático que Ricci comente, con desconcierto palpable, el
Extremadamente refinado en su interior y de lo más simple en su exte- encuentro con el eunuco (22>. Hasta este momento las relaciones con
rior...Entre todas las personas que he visto no tiene parangón ... Todos los chinos se habían mantenido en un grado medio que les permitía
le son inferiores". convivir sin excesivos problemas. Sin embargo, a partir de su llegada
Parecería lógico que esta visión tan positiva de Ricci limase todas a T'ien-Tsin, Ricci vive en su carne las dificultades que conllevan la
las aristas que, como he mencionado antes, son propias de la alteridad diferencia y distinción extremas: Ma-tang le arrebata los presentes del
y del ser-misionero. Sin embargo, al igual que le ocurre a Ricci y aun
19 Cannelo Lisón, Individuo, estruc tura y creatividad. Madrid, Akal, 1992, p. 68.
20 Jacques Gernet, Chine et Christianisme. Action el Reaction. París, Gallirnard, 1982,
17 Ibídem, p. 386. p. 30.
18 Li·Zhi (1527-1602) nació en una familia de mercaderes de Fujiam. Podría consi-
. 2.1 De hecho, a partir de la transfoanación en la vestimenta y costumbres de algunos
derársele un hombre de pensamiento flexible en el sentido de que su obra (y él mismo) aban-
JCSUttas de Japón Y Cbtna, en Europa se iban a forjar las bases de la famosa polémica de
dona la presión de la fitosoffa ortodoxa tan común en ta época Ming. Así, se vincula con la
los "ritos chinos". La Compnñía misma se iba a debatir entre la ortodoxia y la heterodoxia
denominada "Escuela de la Izquierda" que, desde un cierto extremismo, se inspira más en en et evangelizar.
las costumbres y el pensamiento popular que en la doctrina de los letrados. Puede verse el
22 Lo hace en su Historie de l'apedition chretienne au Royaume de la Chine, op. cit.,
capítulo XXI de J . Gemet, op. cit., 1991.
cap. XI, pp. 445-463, donde el eunuco es llamado Mathan.
342 BEATRIZ MONCÓ REBOLLO MISIONEROS EN CHINA 343

rey, lo zahiere e incluso le hace prisionero durante meses. El jesuita 'J desde la era Hongwu. Posteriormente cambiaóan de nombre, pero no
experimenta así, directamente, algo que parecía haberle pasado desa- de funciones. ·
percibido. Anteriormente, el 13 de septiembre de 1584, había escrito: En el caso particular de Ma-tang confluyen varios aspectos. Por un
"el poder y estado de la China más se funda en la multitud de gentes lado, su poder omnímodo, propio del grupo al que pertenece. En segun-
é ciudades y buena govemación que en los muros y fortalezas ..." (23). do lugar, el mismo contexto político del momento, con un emperador
Ahora, seis años más tarde, comprueba cómo sólo conoce una pequeña (Wan-li) que a sus 37 años apenas gobierna: el lujo desmedido, el ocio,
parte de la estructura política. Es curioso que en su relación epistolar las mujeres y una obesidad monstruosa parecen ser las caracteósticas
no mencione a los eunucos como estrato de poder, ya que son ellos de su vida. Por último, Ma-tang no puede encontrar en Ricci al "seme-
quienes realmente gobiernan China gobernando a su emperador. Unas jante" que hallan los letrados. El eunuco no tiene nada· en común ni
pocas líneas ayudarán a situarnos en el contexto en el que ahora se con el jesuita ni con el resto de funcionarios que, por lo general, pro-
encuentra Ricci. venían de familias de letrados del bajo Yangzi y del norte del Zhejiang.
Por el contrario, el misionero es la representación de lo rechazable, el
El origen del poderde los eunucos reside en: un gobierno autori-
extraño que repele y asusta, pero además para el eunuco es, precisa-
tario; muy centralizado y ciertamente practicante ·del secretismo polí-
mente, aquella. imagen (letrado confuciano) que sí ·conoce (es de su
tico. Fue concebido como cuerpo de servidores de carácter doméstico
cultura), pero que odia: Ricci, como decía antes, es el sabio, el hom-
y privado al dedicarse a los asunt~s que se refeóan al emperador de
bre de letras "a lo chino".
un modo directo. Así, estaban al mando de la Guardia de Palacio (lo
A decir verdad, si mini.mos a la orilla china, Ricci es un total con-
que les permitía acceder a altas funciones militares)!.,se .encargaban de
trasentido: vestido, como ya sabemos, con las distinciones de los letra-
gestionar los talleres de abastos de lujo y controlapan los tributos' envi-a-
dos, hablando la lengua mandarina, con conocimientos dignos de
dos por las provincias y los países extranjeros. (Esto último es, preci- \
· admiración, codeándose con las élites intelectuales del país, etc. etc.
samente, Jo que permite detener a Ricci). Vemos, pues, que el control
.Pero, al tiempo, con un físico totaÍmente europeo, barba densa y lar-
de los talleres y del tráfico de mercancías les proporciona una fuente guísima, predicando cosas ininteligibles y, sobre todo, con un interés
considerable de riqueza y poder, lo que, a su vez, les ayuda a adqui- ·por aqueUa cultura que no parece tener explicación salvo --como acusa
rir una extraordinaria influencia sobre el sector autócrata que desconfía Ma-tang- que Ricci sea un brujo que desea encantar al emperador
de otros cargos provinciales designados por el poder imperial <24>. mediante sortilegios.
La corporación de eunucos fue creación expresa de los Ming, espe- Para benefi~io del jesuita en Pekín existe curiosidad por ver sus
cialmente de su fundador Hongwu (1368), quien les prohibió bajo pena regalos y Wan-li lo llama ante sí. Los obsequios le agradan y, además,
de muerte aprender a leer y a escribir e incluso participar eo política. el extranjero le ha asegurado por escrito su deseo de contarse, para el
A pesar de estas medidas, cincuenta años más tarde los eunucos con- resto de su vida, "entre el número ·de vuestros súbditos". Pero Ricci
trolaban toda la administración, decidían sobre todos los nombramien- se encuentra, otra vez, a caballo entre varias concepciones .e ideas: él,
tos de funcionarios, tanto centrales como provinciales, y, sobre todo, . que es misionero, aparece como letrado y así viste, lo que para un
dominaban a la policía secreta, un cuerpo especial que se erigió como chino es signo de confucionismo. Por el contrario, la madre del
una de las armas más terribles, sangrientas y eficaces de Jos Ming y Emperador es una ferviente budista y el contraste pesará sob~ 1~ ima-
que, como "Guardias con traje de brocado", habían sembrado el terror gen de Ricci en la Corte. Además, su posición con Wan-li tampoco es
muy clara. El reloj que le obsequia Ricci parece maravillarlo, pero en
23 Carta reseñada por C. Sanz, op. cit.. Corresponde a Relo.ción áe Juan Baptista Román, el· mismo grado le asquean los huesecillos del relicario que le regala..
factor de las lslo.s Philipinas en Macán, escrita en "Janquin a trece de septiembre de mil
quinientos ochenta y quatro".
No es extraño. que sus hombres de confianza escriban en un informe:
24 V6ase J. Gemet, op. cit., 1979. "Han traído los huesos de los Inmortales. ¡Como si alguien que subie-
MISIONEROS EN CHINA 345
344 BEATRIZ MONCÓ REBOLLO

a la cantidad le obligan a explicar lo que para él es su esencia misio-


se al Cielo no se llevase también sus huesos!" . Los sentimientos del nera y su modo de evangelizar:
Emperador son dispares. El no conoce al extranjero (razón por la que
ordena pintar un retrato) salvo por los informes de los eunucos, por Nosotros no soñamos más que en eso día y noche. Es con esa
ello requiere de sus mandarines una opinión sobre el jesuita; juicio, intención por lo que estamos aquí, por eso es por lo que hemos
por otra parte, que no sería muy halagüeño para Ricci. Finalmente, dejado nuestra patria y nuestros amigos muy queridos, por eso
dado el asunto del relicario y que, en su opinión, las novedades pue- estamos vestidos y calzados a la manera china, hablando,
den traer desgracias, los mandarines aconsejan a Wan-li: comiendo, bebiendo, viviendo como chinos... C27l.

Consideramos que no hay que recibir estos presentes, ni per- E~ tex.to, cr~o, no tiene desperdicio. Ricci siente y explica, a lo
mitir a Li Mateu permanecer en Pekín, sino que hay que devol- Fr~cisco de Javier, c~mo en él convergen varias fuerzas que son inclu-
verlo a Cantón, donde los mandarines lo embarcarán para su so divergentes. No olvida su razón suprema que es, por encima de todo
país, si lo consideran oportuno" (25}. 1~ q~e empuja, sostiene y ~enera su acción. El jesuita, templándose ~
SI rmsmo, da a entender, sm embargo, que el evangelizar no es cami-
Pero, como ya es habitual, la ciencia ayuda ~ Ricci: dado que es
e,l único que sabe hacer funcionar el reloj con el que ha obsequiado al no de vía única y más en este caso concreto. Algo, por otra parte, que
Emperador, Wan-li le permite permanecer en Pekín. otros muchos ~oz:npartían: ·:Mais
je voudrais bien que tous compren-
Si Matteo Ricci hubiese podido pertenecer a un sólo mundo (el de nent que la lDJSSIOn de Chma doit etre jugée bien differernment des
la ciencia) el Imperio chino se le habría rendido defj.nitivarnente. Pero au tres ", escribe Trigault. China fue, efectivamente, algo especial desde
su ser misionero le impide el asentamiento y su fe, le ,imposibilita el el momento en que allí la idea de catequización se sostuvo en tres pila-
descanso en un solo lado. Tal ve.z el Ricci-humanis.ta hubiera encop- res fundamentales: inmersión, adaptación e inculturación; tres aspec-
trado la tranquilidad en una morada sincrética, creada y sustentada en tos, por otra parte, fundamentales en el hacer de Ricci.
una política evangélica de convergencia. Sin embargo, repito, Cristo ·. Por otra parte, Matteo Ricci está recordando la disyunción entre la
desea exclusivas y el Ricci-misionero no puede más que saltar espa- teoría Y la prá~tica: entre lo que se sabe por experiencia y lo que uno
cios y tener presente que su labor no es hacer confluir doctrinas, sino hace por obediencia. Pero, y creo que es esencial entenderlo, Ricci
catequetizar e imponer la suya. puede combinar estas tensiones porque es la nada, porque está desnu-
Como antes he mencionado, la Compañía sigue observando a China do de exterioridad, desnudo de amistad, desnudo de patria, desnudo
y, además, contando el número de nuevos cristianos; no en vano su hasta de identidad. Matteo Ricci o Li-Mateu son dos caras, dos ses-
nombre está en juego y otras Ordenes pendientes de su supremacía en gos, de un yo que no es m ás que un aquí y un ahora transformables
Asia. Como si de un pugilato se tratase, el dato cuantitativo importa, y ambiguos. Corno recuerda al P. Costa, él no tiene nada, no posee
y mucho, a las jerarquías jesuitas. Mediante el Padre Costa. le hacen cosa algun_a más que a sí mismo, su fe y la tensión que le produce la
llegar el descontento, no exento de desconfianza, que en Roma tienen ~onf~ontación de ambas cosas. Ricci en realidad no construye puentes.
sobre su evangelización <26)_ Estas noticias no pueden por menos que el mismo, asomándose al vacío, hace de pasarela. No es, pues, extrañ~
herir a Ricci. Su actitud conciliadora, su deseo de sincretización y, que tenga que explicar, casi excusándose, sus métodos e ideas de evan-
sobre todo, su firme convicción de la importancia de la calidad frente geliza~ión. ~cluso hoy día, sus técnicas de acercamiento catequizador
han stdo Objeto de debate y crítica entre sinólogos tan espléndidos
25 Henri Bemard-Maitre (S.l), Matteo Ricci er la Socieré chinoise de son remps. como Etiemble, Gernet, Spence o Rule.
Matteo Ricci, apoyado por Valignano, continúa su labor ~isione­
Tsien-Tsin, 1937, p. 32.
26 A Jerónimo Costa, en 1596, había confesado sus profundos deseos de evangelizar
totalmente a China. Igualmente a Julio Fuligatti le comentaba la especificidad de sus méto- ra. Las conversiones son escasas pero importantes: incluso el mandarín
dos, la preferencia por la misa privada, la relación con pocas pe~onas e, incluso, los "tete
~ tete": "Car on preche davantage et avec plus de fruits par des conversations que par des 27 Lacouture, op. cit, p. 392.
sermons".
346 BEATRIZ MONCÓ REBOLLO MISIONEROS EN CHINA 347

Li-Che-Tsao abraza la religión católica. Pero Ricci sigue sin ver al mente- al compás de su acercamiento espacial, moral, cultural...(de
Emperador, aunque éste conoce sus obras. nuevo la hiperpluralidad), lo que sin duda indica que a cada causa de
En la primavera de 1610 cae enfermo y muere, el 11 de mayo, alteridad corresponde un signo específico de aproximación, que obvia-
rodeado de sus amigos y compañeros quienes, después de una guerra mente se manifiesta, a su vez, en diversos modos de acción.
intestina, tratan de convencer a Wan-li para que le obsequie con un Estas diferentes vías de actuación se construyen mediante recursos
lugar de enterramiento. Un año después, el 1 de noviembre de 1611, internos, a partir del propio ser, pero ayudándose en pautas de com-
el Emperador consiente su inhumación en un pequeño terreno rodea- portaminto, en categorías mentales, en valoraciones socio-morales,
do de jardines. El duelo se realiza con toda la pompa que requiere el características de un Zeitgeist determinado. Ambos conjuntos de fuer-
ritual chino. En la losa de su tumba escriben: M o y lien iven. Finalmente, zas (internas y externas o personales y socioculturales) deberían ten-
eso es Matteo Ricci para los chinos: "Al venido del Gran Occidente, der a unirse de manera que el individuo encontrase acomodo entre su
reputado Justo, que hizo imprimir libros renombrados". ser y estar, entre aquello que le exije un grupo y lo que se reclama a
sí mismo.
m Pero hablamos de seres humanos y por tanto de paradoja. Cada
conjunto de individuos (como tipo) se acerca a la vida desde una pla-
·En la España de finales de los setenta alcanzó cierta popularidad taforma cognoscitiva diferente generada porque en nuestro conocimiento
una canción en la que la autora decía: "Entre tu pueblo y mi pueblo "hay mansiones para la objetividad empírica y la creatividad, para la
hay un punto y una raya. La raya dice: no hay paso; el punto: vía logicidad férrea, las normas y las reglas; aill cohabitan la intuición, la
cerrada... Caminando por el mundo se ven ríos y montañas, se ven sel- ideología y el valor, el prejuicio, la pasión y la filosofía" as>.
vas y desiertos, pero ni puntos ni rayas. Porque esas cosas no , existen Y porque esa es nuestra naturaleza. El panorama tranquilo, que antes
sino que fueron trazadas, para que mi hambre y, la tuya estén siempre mencionaba, sólo es modo idealizado. La vida, la de todos los días,
separadas". aunque en grado diferente, tensa al ser humano entre el deber y el ser,
Geográficas, políticas, lingüísticas, científicas, relig iosas, morales, lo tuyo y lo mío, lo que deseo y lo que tengo, lo que es mi esperanza
sociales, mentales, culturales ...Así son los puntos y las rayas, las fron- y lo que es mi realidad. El sesgarniento no depende del exterior, al
teras que no sólo separan " hambres" sino hombres, grupos, pueblos y menos primordialmente, sino de cómo flexibilizamos el yo ante esa ten-
civilizaciones. La multiplicidad y polivalencia de aquello que separa, sión. Otra solución, la solución -me atrevo a decir- se inscribe en el
la manipulación política, económica, creencia!, "valorativa" en fin, de terreno confuso de la lirninalidad y ambigüedad absolutas. La fuerza
lo que desune no deja de sorprendernos. Pero también para nuestra sor- creativa del ser humano consiste en generar espacios limites, moradas
presa observamos que espacios, momentos, contextos, periodos y tiem- mentales propias, que a la vez permitan compartirnos y acomodamos,
pos históricos, valores, sentimientos, ideas o cualquier otra elaboración liminalizamos sin caer en el abandono o la ruptura interna.
mental y cultural no sólo separa, sino que une. El concepto mismo de Estas podrían ser las líneas descriptivas del mapa cognitivo de Ricci.
límite une en sí características divergentes, a dos bandas como míni- El nos ha servido de modelo para conocer, primero, el tipo misionero
mo. Pero igualmente aúna peculiariades análogas y compartidas. Y, y, segundo, para observar cómo el modelo se realza según el grado de
además, la esencia misma de "umbral" es única y singular, tanto que, creatividad individual. Matteo Ricci ha sido paradigma de un conjun-
en ocasiones, no es la suma de las partes sino algo con rasgos propios to de individuos que, bajo el genérico de "misionero", abandonaron
e inequívocos que se reproducen ~omo arriba dije- tanto en una sus patrias y afectos para embarcarse en la aventura del "extraño". Este
coyuntura socio-cultural específica como en unos tipos-personajes espe- hombre, que de sí mismo advertía " no tengo ningún estorbo y no espe-
ciales. De ambos casos he dado aquí ejemplos. ro ningún favor", nos da la clave para ver cómo estos seres no tienen
Al principio de estas páginas comentaba como el "otro", el dis-
tinto, aquel que no soy yo, se categorizaba -positiva y/o negativa- 28 Lisón, op. cit., p. 191.
ENTRE MONOS Y CENTAUROS.
348 BEATRIZ MONCÓ REBOLLO LOS INDIOS PINTORES Y LA CULTURA
DEL RENACIMIENTO
nada, no esperan nada, salvo su fe y su deseo de evangelizar. Son, por
tanto, extraños en grupos extraños, con costumbres distintas (a veces
contrarias) que, en su "ignorancia", hasta llegan a verlas favorables (29l.
Esta soledad radical y, por otra párte, obligatoria, le posibilita un her- SERGE GRUZINSKI
manamiento con el "otro" que siempre se adaptará a la clave creativi-
CERMA - EHESS
dad personal. Pero es necesario advertir que su identidad misional le
diseña un rol y un status específico. Obviamente el primero es trans-
formable por su propia variedad (JOl, pero deberá ser dirigido hacia una
meta específica que no admite grados. . . ¿Qué rela~ión puede existir entre Ovidio, 1íziano y unos tlacuilos
El ser y estar cultural y divergente le dota de una flexibilidad exqui- mdtos d~ la sterra otomí? ¿Qué tienen en común el pintor más famo-
sita pero, también, de una ambigüedad inquietante que siembra la duda so_ del s~glo XVI, ~1 ven~iano 1iziano ( +1576), un poeta latino del
y el desasosiego. La sospecha, el riesgo, la incertidumbre son rasgos pnmer
· stglo
· dí despues de Cnsto, Publio Ovidio Nasón (-43/17), y unos
que le acompañan y embaldosan un camino que sólo conduce a la limi- artistas _m genas anónimos del pueblo otomí de Ix.miquilpan? Aunque
nalidad. El umbral es mansión de artista, morada de experimento, ideas 1~ reuruón de estos tres nombres parezca extraña y sorprendente, los
y transformación, reino de creatividad. No es su ser lo que le pecu- hil~s que los unen no son nada anecdóticos. Nos permiten entender
liariza sino su estar entre. Y en este estado de marginalidad, en pura mejor de qué _modo ~a cultura del renacimiento europeo sirvió de enla-
contradicción con lo que representa, pregona la superación de desi'- ce, de lenguaje comun y hasta cierto punto compartido entre Jos inva-
gualdades, límites y fronteras. Es, pues, el misionero -figura pluriva- sores europeos y los pueblos indígenas de la Nueva España.
lente y, a la vez, sintética, inquietante y con<;_iliadora, semejante, y Ad:más, dicha pregunta nos llevará a reflexionar sobre la pro-
distintiva. Es un verdadero puente cultural transformable según la mul- . blemática del mestizaje cultural, un tema y un desafío que debe----:
tiplicidad de juicios y marcos de referencia que su propia esencia cons- templar la historiogr¡il'ía contemporánea y que exigen investigaci:~~s
truye y permite. más numerosas y detalladas.
Igualmente, esta figura lábil y entre aguas que es el misionero,
refleja otras categorías culturales (habitualmente también entrelazadas)
según se encame en uno ~ otro individuo. La permeabilidad es otra ixMIQUILPAN, PUEBLO OTOMÍ
consecuencia de la labilidad. Así, el análisis antropológico puede ofre-
cer los hilos (otros hilos) para que, como Penélope, tejamos y deste- El pueblo otomí de Ixmiquílpan está situado al noreste del Valle
~e_Méxíco. Su paisaje es árido, llano y seco, alternando pequeños valles
jamos en esta poliédrica imagen otros aspectos y otras realidades. Al
ofrecer otro nombre propio al tipo-misionero (31l, ·-.al pasar del tmgados con llan~s cubiertos de cactus, nopales y magueyes. Al norte
plano-modelo a la etopeya personal se abré otra gama de matices, del p_ueblo se extienden unas_montañas que dominan el cañón del río
diseños y colores. El puente está abierto; no hay límites ni fronteras AmaJ_ac. En la época prehispánica Ixtniquilpan era un pueblo de indios
en la creatividad humana. Y tampoco en nuestra disciplina porque, otorrus Y de algunos pames, que pertenecía a la zona de influencia de
recordémoslo, "estas cosas no existen, sino que fueron trazadas". Xaltocan~ un señorío nahua situado en el norte del Valle de México y
cuyos se_nores se preciaban de descender de Jos toltecas. Después de
la conqmst~ esp~ola, la Corona n ombró un corregidor en Ixmiquilpan.
29 Siempre me ha sorprendido comprobar cómo Ricci considera meritorio su celibato Algunos anos mas tarde, el descubrimiento de minas de plata en la
ante un hombre (Wm-li) que poseía más de cien mujeres y en un país donde la familia era
centro neurálgico de la sociedad e incluso de la tradición religiosa.
30 Véase Moneó, op. cit., 1991 y 1994. Ate! Ql:ijl. B. l <iuzi:lsti. S. (Coood!.t. ENI'RE DOS MUNDOS. Ffflllltras CrfiWtJ 1 Aflllllllltkdoru. ScTill&, l!m, pp. J49.J11.
31 Esa sen parte de un segundo ensayo en la que glos:ut la figura del P. Adrimo de las
Cortes S.!. Las diferencias con Ricci son notables.
350 SERGE GRUZINSKI ENTRE MONOS Y CENTAUROS 351

zona precipitó la llegada de mineros y arrieros. A fines de los años del valle de México. Fue una larga guerra que no sólo dificultó y a
1540 un alcalde mayor se estableció en las minas cercanas de Santa veces interrumpió las relaciones entre la ciudad de México y las minas
María y San Juan. Debido a las actividades de los mineros y a la pre- del norte, sino que acabó por poner en peligro la misma presencia
sencia de los funcionarios de la corona, la influencia europea aumentó española en estas provincias. Los chichimecas suponían una amenaza
en la región. constante, infundían auténtico pánico y llegaron a constituir una ver-
A su vez, la implantación de los misioneros católicos acentuó el dadera obsesión para los españoles y sus aliados indígenas. Las incur-
proceso de hispanización. lxmiquilpan se encontraba en la zona ~e siones de los pames se extendían hasta lxmiquilpan. Los otornís del
influencia del monasterio agustino de Actopan. En los años 1550 los lugar temían sus ataques y raids en la sierra, mientras que en las minas
padres enviaron a algunos religiosos al pueblo, en donde pronto edifi- se codeaban con esclavos chichimecas condenados a extraer la plata.
caron un convento. A partir de 1572 los agustinos abrieron en el monas- Así pues, los chichirnecas representaban una realidad cercana, que
terio una casa de estudios en la que los monjes aprendían latín. alimentaba sentimientos ambivalentes: su desnudez, nomadismo, y bar-
Mientras que los religiosos evangelizaban a los otornís del pueblo barie causaban espanto, a la vez que su libertad de movimientos, lejos
e impartían clases de latín a sus estudiantes, un . cura secular cuidaba de la dominación de los españoles y de la Iglesia, no dejaba de inspi-
de la salud espiritual de los pobladores de Santa María y San Juan; se rar una secreta admiración y quizás basta una cierta fascinación. Los
trataba de mineros españoles, esclavos negros y trabajadores indígenas nómadas conocían los secretos del desierto, los misterios del peyote y
de distintas etnias, sometidos a la promiscuidad y a duras condiciones de los dioses de la sierra; procedían además del misterioso norte,
de trabajo. . Mictlan, la tierra de los muertos según los antiguos nahuas (2) .
No debemos menospreciar el impacto que· tuvq la irrupción de la Ixmiquilpan estaba presente en los escenarios económicos, mili-
economía europea sobre el medio ambiente y ra socieda4 local. tares y culturales más relevantes de la época: la expansión minera, la
Ixrniquilpan estaba situado en el eje comercial' y militar que relaéio- guerra contra los chicbirnecas, la cristianización y la cultura humanis-
naba la ciudad de México con los pueblos mineros del lejano norte:· ta del Renacimiento. A través de varios canales estaba directamente
Animales, reses y mercancías enviadas hacia Zacatecas transitaban por conectado con México-Tenochtitlan y el resto del mundo occidental.
el pueblo. Esclavos, tamemes, arrieros y mercaderes suscitaban en En definitiva, podemos afirmar que, por aquel entonces, el aislamien-
Ixmiquilpan una animación continua y jamás vista. El dinero, el desa- to y lejanía de Ixmiquilpan eran mucho menos marcados que lo son
rraigo y el alcohol provocaron los trastornos acostumbrados. Hacia 1569 hoy en día.
el vicario de las minas denunciaba los efectos de las .borracheras, exi- Todas estas observaciones que acabo de hacer pueden contribuir a
giendo medidas drásticas en contra de los consumidores y vendedores entender la singularidad y extrañeza de los frescos que encontramos
de pulque (1). en su iglesia.
Como tantos otros pueblos de la zona minera, al participar en la
expansión española y mexicana hacia las tierras del norte, Ixrniquilpan
estuvo también inmiscuido en la lucha contra los indios chichirnecas. Los FRESCOS DE LA IGLESIA DE lxM:IQUILPAN
Corno bien se sabe, la penetración europea hacia el norte se enfrentó
Los frescos de la iglesia de Ixmiquilpan se remontan al último ter-
con la resistencia tenaz de los indios nómadas que poblaban las inmen- cio del siglo XVI y en ellos se representan combates entre unos indios
sas extensiones de tierra desértica que caracterizan esta zona.
desnudos y otros vestidos de caballeros tigres (o jaguares). Dichos fres-
Guachichiles, zacatecos, guarames y pames se opusieron a esta pene- cos forman unos frisos imponentes -y hoy en mal estado- de dos
tración con una obstinación y un éxito muy superior al de los nahuas
metros de altura, hechos en base a un mismo modelo utilizado repetí-
1 Sobre !xmiquilpan vwe Peter Gerhard, A Historica/ Gtography of N~ Spain,
Cambridge, Cambridge Universi ty Press, 1972, pp. 154-156; Descripci6n del anobispado de 2 Pltilip Wayne Powell, Soldiers, Jndians and Si/ver. The Northward Advance of New
Mb:ico hecha en 1570, México, José Joaquín Terrazas, 1897, pp. 43-51. Spain, 1550-1660, Los Angeles, University of California Press, 1952.
EN1RE MONOS Y CE.'ITAU ROS 353
SERGE GRUZINSKl
352
sonaL.), pero sin r dJI:':~no~br~s, posición social, formación per-
ti ficarlos de mane a -
das veces, y donde se nota que el dibujo fue invertido con el fin de
conseguir mayor variedad. Los colores proceden de minerales y vege- que en la época prehispínica ::=~~nades_ con los antiguos tlac~ilos
tales: la cochinilla dio el color carmesí, el maíz quemado el negro, el res pertenecían a la ncble p _n códices y frescos. Estos pmto-
poseían los conocimient<Js té~ estudiab~n. en los colegios calmecac,
huamuchil el rojo, etc. al reali zar obras con si·..,. 'fi d cos yr. eligiOsos que guiaban sus manos
En las paredes de la iglesia, estos guerreros indios -aparentemente .,. 11ca os cosmológi · al
salidos de los tiempos prehispánicos- se enfrentan con centauros grie- recordar que en el d cos Y n tu es. Vale la pena
mun o mesoamerica · · .
gos en medio de un decorado invadido de guirnaldas renacentistas, que fundían, lo que implica que . no pmtar Y escnb1r se con-
un texto escrito como S liS h osó~mtores no se sentían dependientes de
1
parecen haberse vuelto monstruosas lianas o bejucos, dotados de vida
y rebosantes de instintos asesinos. Pero lo que más atrae la atención paban una posición de mon~m li ogos europeos. Por el contrario, acu-
. . es la mezcla de formas, estilos y temas. Acantos, capiteles cargados de la información de la tradi 'ópo oden el campo de la reproducción de
' CI n Y e los sabere · ·
frutas, efectos de claroscuros adornan y enriquecen las escenas. Parecen que, con la llegada del lt'b s antiguos. Es ev1dente
. ro europeo y de 1 tr di 'ó .
extraídos de un grabado manierista semejante a los que los indios podían cnstiana, los tlacuilos d' a a CI n occidental y
o ~ tuvieron que adap-
per 1eron este monopoli ·
observar en los libros de las bibliotecas conventuales. Las caras de los tarse a un contexto del todo nuevo
ron de producir obras de . t é y perturbador. Sm embargo, no deja-
personajes haciendo muecas y su gesticulación pertenecen asimismo a m er s muy co s'd abl
formas y estilos n 1 er e, creando nuevas
la tradición europea.
Por el contrario, la ausencia de perspectiva, la figuración de perfil L'Amérú¡ue de la, ~:=~~~l~e puesto de manifiesto en mi libro
de muchos de los protagonistas y 'cantidad de _detalles iconográficos En esta ocasión, me propongo examinar .
revelan una fidelidad a los cánones del "arte prehispáni_co", si es que .
los frescos que realizaron e n a 1g . a este grupo(4lpartiendo de
1 1es1a de lxmi ·¡
tal expresión tiene algún sentido. Las sandalias cac'tli y la diadellla la manert más segura no sólo d . qu¡ P~ · Me parece
sino también de avan al e ~alizar sus capacidades creativas
copilli coexisten con símbolos europeos tales como las tres flechas que . zu gunas hipótes· . '
sirven de emblema a la orden de los agustinos. De igual manera, el · que recibieron y asimilaron en 1 b' IS respe~to a las mfluencias
Ixmiquilpan. e am Iente colorual y provinciano de
glifo de Ixmiquilpan, las volutas -que significan la palabra o el canto
en la tradición de los códices- nos remiten a la tradició n indígena.
Sin duda, esto sería suficiente para poder atribuirle una paternidad indí-
LA PISTA DEL MEDITElRÁNEO: MOROS y CRISTIANOS
gena a dichos frescos.
Estamos, obviamente, ante una obra de arte mestizo, que no per- Cabe abrir una pista explorando 1 . . . .
tenece ni al Renacimiento europeo ni a la tradición prehispánica y que y las herencias importadas de la le'an~ ca~nos ~e 1~ cnstlaruzación
mezcla la mirada española con la mirada indígena. Resulta sumamen- ra interpretación posible nos indu~e penmsula Ibér~ca. Una prime-
te extraño descubrir dentro de una iglesia, en el siglo de oro de la evan- Ixmiquilpan no serían la versión indí a pregunt~os SI los frescos de
gelización, la presencia de estas figuras paganas en medio de las cuales to ritual y festivo muy co , 1 gena de un tipo de enfrentamien-
mun en a penínsul . fi
el sacerdote español celebraba la misa y predicaba la nueva fe. ¿Cómo de Moros y Cristianos. · a, me re ero a la fiesta
entender no sólo esta presencia sino también la concepción global de EstaItalia
fiesta, todavía sigue ~e lebrándose en la península y en el
la obra?. Cada detalle constituye de por sí un enigma que, en mi opi- sur de (enque
Cam ·
media en España en~a, _por eJemplo~, surgió a finales de la Edad
nión, sólo puede resolverse multiplicando pistas e hipótesis. y as onllas del Mediterráneo occidental. La lucha

3 Flarunarion/Unesco, 1!191.
LOS TLACUILOS COMO ' 'pASSEURS c;uLTURELS" . 4 Cltr:l. posible vía sería la de investigar los ma .
mdlgenas, n:cuniendo a las &la . pas n:alizados en esta zona por pintores
Por una serie de razones que examinaremos más adelante los auto- de la Nación (México). Clones geográjiCtJS 0 a las colecciones del Archivo General
res de los frescos fueron indígenas. Las fuentes no nos permiten iden-
354 SERGE GRUZINSK!
EN1RE MONOS Y CENTAUROS
355
secular contra los musulmanes llevada a cabo a lo largo de la Edad La difusión de la fiesta Moros y Cristianos no se limitó a las gran-
Media, en el marco de la Reconquista de la península ibérica, inspiró
des ciudades de la Nueva España. Los religiosos introdujeron en los
el contenido de numerosas fiestas, danzas y simulacros de combate que
pueblos celebraciones más modestas de las que se encargaban, siem-
ilustraban y simbolizaban el enfrentamiento entre ambos grupos: moros
.pre bajo la guía y el control de sus curas, los principales y macehua-
y cristianos. Tomaban la forma de una emboscada, de un desafío, del
les del lugar. El espectáculo expresaba de manera sintética, divertida y
asalto a un castillo o de la recuperación de una imagen sagrada.
eficaz la supremacía de la fe cristiana y, al igual que las obras del tea-
Invariablemente, el enfrentamiento culminaba con la victoria de los
cristianos y el triunfo de la verdadera fe. Importaba mucho más esta- tro de evangelización, debía atraer a los indios neófitos hacia el cris-
tianismo <6).
blecer la superioridad de una fe -la cristiana- que reivindicar la supe-
rioridad militar de un grupo con relación al otro. Dicho sea de otra Sin embargo, la difusión de Moros y Cristianos topaba con algu-
manera, el combate de Moros y Cristianos ponía en escena la lucha nas dificultades: para los indios los moros eran unos seres exóticos o
del Bien contra el Mal y, de manera "mágica", ~ticipaba las victorias fabulosos Y Jerusalén una tierra muy lejana. El exotismo del tema y la
y los triunfos de los cristianos. Por lo tanto, no debemos olvidar que singularidad del concepto mismo de cruzada -del todo ajeno a la
el tema seguía siendo actual en un imperio español amenazado por la mente indígena- complicaban la recepción del espectáculo. ¿Quiénes
expansión de los turcos en el Mediterráneo. Basta pensar en la reso- eran los moros? ¿Qué significación tenía esta tradición totalmente des-
nancia casi universal de la batalla' de Lepanto. . . conectada del pasado prehispánico?. El temor a los moros no tenía sen-
Para los pueblos cristianos de la península· ibérica, la cruzada con- tido para los indios de México. Al contrario, el temor a los .nómadas
tra los moros se había vuelto un elemento clave de su identidad cul- chichimecas constituía un sentimiento conocido; respondía a un peli-
o
tural a falta de una identidad étnica linguística. Era una obsesión gro inmediato, cercano, vivo y constante.
tan .:rraigada que les parecía necesario que los indios recién vencidos
Como antes mencioné, la guerra abierta o latente entre indios cris-
la compartiesen. Por esta razón, se empeñaron en introducir en todo el
tianos y chichimecas bárbaros era un tema de una ardiente actualidad
continente americano esta forma de espectáculo edificante, histórico Y
en el norte minero de México. La conquista del norte fue, en cierta
simbólico. Tan temprano como en los años 1530, los centros de las
manera, una continuación de la Reconquista hispánica. En estas con-
ciudades de México y Tlaxcala acogieron representacione<s religiosas
diciones no era difícil realizar una trasposición y sustituir a los moros
y militares que mostraron y enseñaron a los Indios la lucha contra los
por los chichimecas. El duelo entre el bien y el mal, la fe y la ido-
turcos y la conquista de los Santos Lugares. Estas escenografías eran
parte de la estrategia cristanizadora y recordaban de manera indirecta, latría o -si aceptamos el anacronismo- entre la "civilización" y la
aunque convincente y espectacular, la superioridad militar _de los inva- "barbarie" se repetía una vez más en los desiertos y sierras de la Gran
sores ibéricos. En Tlaxcala los propios indios participaron en la pre- Chichimeca. Un nuevo escenario americano, tan .maniqueo, rudimen-
paración del espectáculo y en su actuación; unos salieron vestidos de tario Y eficaz como el anterior, sustituía al escenario tradicional y medi-
frailes, papas, cardenales y españoles; otros desfilaron representando a terráneo de Moros y Cristianos. Inútil recordar que aquí vemos nacer
los aliados novohispanos de los españoles. Cada grupo indígena (huas- el lejano prototipo del westem norteamericano, que a su vez, aunque
tecos, rnixtecos, tlaxcaltecas, etc.) mostró con ostentación sus más sun- siglos después, se empeñará en establecer la superioridad del mundo
tuosos trajes de guerra, tal y como recuerda el cronista franciscano occidental sobre la supuesta barbarie de los pieles rojas.
Motolinía: "sacaron sobre sí lo mejor que todos tenían de plumajes Cabe recordar que esta "indigenización" no era monopolio de los
ricos, divisas y rodelas ..." <~>. indios. El paso de la versión ibérica a la versión indfge na parecía tan
obvio a los mismos españoles que no vacilaban en disfrazarse ellos
5 Toribio de Bennveote Motolinía, Memoriales o libro de las cosas de la Nueva España
y tfe los naturales de ella, Edición de E. O'Gorman, México, UNAM, 1971, p. 107.
6 Arturo Wannan, lA daltZa de Moros y Cristianos, México, Sepsetentas, 1972.

J
356 SERGE GRUZINSKI
ENTRE MONOS Y CENTAUROS 357
mismos de indios en las fiestas y mascaradas que celebraban en la ciu- nas vestidos de caballeros-jaguares y caballeros-águilas. Dichos "caba-
dad de México Ol, ll~ros" --obviamente la palabra es un anacronismo castellano prove-
Hasta aquí nuestra primera pista, que puede ser resumida como un me~t~ de la Edad Media- pertenecían a grupos selectos de guerreros
proceso de indigenización. Bajo la presión de los agustinos, si bien los tradiciOnalmente relacionados con el cul to al dios Huitzilopochtli.
pintores indígenas de lxmiquilpan retomaron el tema cristiano de Moros . n:spués de la conquista, los "caballeros" no desaparecieron de
y Cristianos, escogieron una versión indígena, transformando a los ene-
mmedt~to. ~s españoles apreciaban el exotismo, el lustre, los colores
migos moros en adversarios chichimecas y a los cristianos en indios Y la arumactón que estos grupos de danzantes indígenas añadían a las
del altiplano, nahuas u otomís, cubiertos de sus más vistosos atuendos. ~ele~raciones cristi_a nas. Estas danzas se realizaban en la puerta de la
Aunque parezca paradójico, hispanización e indigenización no siempre tglesta y, a veces, mcluso dentro de la misma. No resulta fácil enten-
·.. son procesos opuestos o contradictorios. En el caso que aquf nos ocupa, der cómo concebían los propios indios -espectadores 0 danzantes-
la indigenización resulta ser una modalidad más sutil del proceso de estas representaciones coloniales. ¿Qué sentido daban a estas fonnas
hispanización. a~tiguas, cargadas d~ reminiscencias paganas?. He aquí algunos indi-
CIOS. A finales del Siglo XVL en la misma época en la que se pinta-
LA PISTA INDÍGENA: TOLTECAS CONTRA CHICHIMECAS ron los frescos de la iglesia de Ixrniquilpan, sabemos que curanderos
Y b~jos indígenas utilizaban dibujos mágicos en los que aparecía la
Sin embargo, esta explicación es insuficiente. Al traducir en tér~ pareJa formada por el águila y el jaguar, asociada a oraciones cristia-
minos indígenas el combate ritual de Moros y Cristianos, los pintore~ nas. Por otro lado, contamos con unos documentos inestimables: los
de Ixmiquilpan no se contentaron con establecer una mera equivalen- cantares o himnos que los indios seguían cantando bajo la dominación
cia entre lo indio y lo occidental, una versión local capaz de producir española. Se trata, en parte, de cantos de guerra o yaocuicatl, en cuyas
una imagen mejor adaptada al público indígena. Por el contrario, hicie- -.. letras se_ensalza las proezas de los guerreros simbolizados por el águi-
ron revivir un viejo patrimonio de creencias y modelos pertenecientes la Y el Jaguar. En ellos se describe a los guerreros danzando en el
a un pasado prehispánico no tan lejano. ¿Cómo explicar, sino, la pre- "patio del águila", se habla de las flores del combate, de los escudos,
sencia repetida de águilas y jaguares, pintados y esculpidos, así como de las banderas, de la guerra misma materializada o metaforizada por
el omnipresente tema de la guerra?. las flores y los escudos (S).
Es muy posible que, en las sociedades prehispánicas anteriores a Muchos _de estos elementos remiten al paganismo indígena, como
la conquista, la guerra contra los chichimecas haya inspirado enfren- son: el propto tema de la guerra florida, indisociable de las creencias
tamientos y combates rituales. Estos combates ficticios podían tener anti~uas, o el uso de metáforas como la de in cuauhtli, in ocelotl ("las
varios fines: tanto recordar el pasado y anticipar victorias como ofre- águilas, los jaguares"), que designaba a los guerreros al mismo tiem-
cer un marco lúdico a la práctica del sacrificio humano. Podían tam- po que evocaba la oposición entre el cielo y la tierra. Según el mito
bién oponer a los portadores de la "civilización urbana" -o toltecas- de origen del Quinto Sol, el águila y el jaguar dieron luz a los pri-
a los chichimecas, concebidos como los representantes del nomadismo meros caballeros después de haberse lanzado en el brasero creador en
y del "prirnitivismo". Teotihuacán. Las flores, símbolo de los guerreros, de los cautivos y de
Sabemos que bajo la dominación española los indios siguieron cele- los muertos en el campo de batalla, constituyen una de las claves de
brando sus danzas antiguas, adaptándolas al contexto novohispano y este imaginario de la guerra: "la flor de la guerra abre su corola ¡ la
cristiano. En el Codex Tlatelolco podemos observar a nobles indíge- flor del escudo está en mi mano...". Y numerosas flores adornan los
frescos de la iglesia de Ixmiquilpan.
7 Véase la célebre fiesta o mascarada ofrecida a Martín Cortés en 1564 en Luis González
Obregón, Rebeliones indígenas y precursores de la Independencia mexicana <M los siglos
. 8 Véase _la ed!ción de John Biemocs~ Cantares mexicanos. Songs ofthe Aztecs, Princeton,
XVI, XVll y XVlll, México, Ediciones Fuente Cultural, 1952, pp. 153-154. Pnnceton U111vetS1ty Press, 1985.
ENTRE MONOS Y CENTAUROS 359
358 SERGE GRUZINSKJ

Es difícil precisar hasta qué punto los antiguos símbolos se carga- Tal vez este movimiento giratorio tenga algo que ver con el movi-
ron de sentidos cristianos. En el caso de los indios danzantes, como miento del cosmos que expresa la palabra malinalli oo>. Sabemos que,
en el de los pintores de Ixmiquilpan, faltan datos y testimonios para según el pensamiento nahua, las fuerzas del inframundo y las de los
medir su grado de cristianización. De cualquier manera, rara vez una diferentes cielos se encuentran para formar columnas helicoidales. Son
conversión resulta ser una transformación absoluta y duradera; depen- las vías que siguen las influencias divinas para hacer irrupción en la
de de las presiones del medio, del contexto en el que se ubica el indi- superficie de la tierra y crear el tiempo de los hombres. La vía calien-
viduo, de su trayectoria personal. Varios sistemas de creencias te, la que baja del cielo, está constituida por cuerdas floridas, flores o
contradictorios o paralelos pueden coexistir en los seres humanos sin chorros de sangre O I>.
que ellos perciban una falta de coherencia. Lo mismo en los frisos y en los cantares. El elemento decorativo
Es obvio que los textos de los cantares mezclan referencias cris- sacado de los libros europeos tal vez sirvió de estructura, de soporte
tianas abiertas, alusiones legibles en claves cristianas y elementos opa- a la expresión de un viejo concepto indígena, introduciendo en los fres-
cos, definitivamente ambiguos o paganos. Estos textos son el producto cos coloniales la marca secreta, invisible, pero omnipresente de la cos-
de una labor paciente de montaje y ajuste, articulando lo indígena, los movisión indígena.
vestigios de lo prehispánico, lo cristiano importado y lo cristiano releí-
do por los poetas indios. Esto mismo se puede decir de los frescos de
Ixmiquilpan. En definitiva, se trata .de obras ambivalentes y ambiguas. LA PISTA RENACENTISTA
Sin embargo, tanto los frescos como los cantares privilegian el coro"
Ahora bien, estas reminiscencias indígenas y paganas no agotan la
ponente indígena. Esto es algo que podernos intuir y tal vez, precisar
de manera mejor fundamentada. A primera vista, los fres<::os lie lectura de las pinturas de la iglesia de Ixrniquilpan. Hay varios deta-
Ixmiquilpan parecen animados de un movimiento giratorio, imitado de , lles que no pueden escapar al observador, tales como la presencia de
los frisos renacentistas que encuadran las escenas grabadas en los librc;¡s. una cabeza humana de la que sale una vegetación exuberante, la apa-
En una segunda mirada, se ve claramente que, lo que era un mero ele- rición de un centauro al que encontramos combatiendo a sus enemi-
mento decorativo en las pinturas europeas, se volvió aquí la estructu- gos indios; la figura de un guerrero indígena que tiene en sus manos
ra misma de la obra. Al copiar el modelo europeo, el pintor indígena la cabeza cortada de su adversario ...Esta serie de detalles no puede
hizo algo más que cambiar la escala: modificó el equilibrio entre. el dejar de llamar nuestra atención y de inducimos a hacer nuevas pre-
ornamento y el conjunto. Las volutas renacentistas parecen llevarse, en guntas.
un torbellino sin fin, a los personajes, plantas y objetos figurados en Un lector algo familiarizado con la literatura de la antigüedad clá-
la pared. . sica reconocerá, sin duda, tres figuras mitológica~ de especial impor-
He de reconocer que no supe cómo interpretar este movimiento tancia:
en clave indígena hasta toparme con otros pasajes de los cantares Dafne, cuya cabellera se transformó en follaje y progresiva-
mexicanos, en los que se describe el movimiento de l as flores del mente se volvió una planta que hunde sus raíces en el suelo;
siguiente modo: "Las flores llegan y se arremolinan; [...].Cal y pluma
los Centauros que luchan en contra de los Lapitos, y concre-
llegan dando vueltas [... ). Las guirnaldas de · flores llegan dando
tamente pienso en el episodio de la muerte del centauro Eurito
vueltas ... <9>.
1O Alfredo López Austin, Cutrpo humaM ~ úüología. Las concepciones d~ los antiguos
Mhuas, México, UNAM, 1980, L pp. 66-68, y "Algunas ideas acerca del tiempo mítico entre
los antiguos nahuas", Historia, religi6n, ~scu~las. XIII Mesa redonda, México, SMA, 1975,
pp. 189-208.
9 /bid~ m. p. 19 5 ("Piurnlilce popcom flowers come spinning" = omalintibuitz) y p. 265
11 López Austin, op. cit., 1980, 1, p. 69.
y 267 ("The flower garlands come spinning'').
360 SERGE GRUZINSKI
ENTRE MONOS y CENTAUROS
y en la reacción enfurecida de sus compañeros, quienes, a una 361
oVl.dio {IS)-.En
l536 publicó ViJlalón la Tra . . .
sola voz, se pusieron a gritar: "A las armas, a las armas";
da en el Ltbro J( de las Metamorfc . (16) ged¡a de M1rrha, insyua-
por último, el héroe Perseo, vencedor de la Gorgona, que según
Ovidio se publicó en Barcelo . d os¡: . La traducción catalant de
el mito logra cortar su cabeza monstruosa, cubierta de ser-
de América ( 1494), mientras q~: laos r:os después. del descubrimiento
pientes.
da a Jorge de Bustamante y titula! Li~ra traducctón castellana, ciebi-
a la luz en 1542. ro de Metamorphoseos, salía
ÜVIDIO, UN POETA DEL EXILIO
En Eur~pa eJ P.úblico cristiano consideraba ..
Estos tres indicios se encuentran reunidos en un mismo libro; los un repertono de histon·as fab 1 la obra de OvtdiO como
u osas y divertid
tres remiten a la obra maestra del gran poeta latino Publio Ovidio catálo?o de moralidades y preceptos edific as y a la v~z como un
Nasón: las Metamorfosis. La presencia de Ovidio en el pueblo otonú pretación dada por el vulgarizad Lod . antes. Así, segun la ínter-
taba al hombre de valor que po or d. ovtco Dolce, Perseo represen-
de Ixmiquilpan no puede dejar de sorprendemos. ¿Cómo explicar que ' r me JO de la prud .
tan lejos del Viejo Mundo, en una sierra aparentemente olvidada del vence todos los obstáculos ( 17) E 1 encia y la sabiduria,
·
1a magnitud de su difusión- d 1nR a cultura d ·
continénte americano, pudieran aparecer referencias a uno de los más . . ommante -en cuanto a
constituían una. fuente de al erf enacmuento, las fábulas de Ovidio
brillantes exponentes de la poesía latina?. La presencia del paganismo · ego as morales· e 1
grecorromano en este recinto sagrado. cristiano constituye también otra rnaz:uqueísmo pedagógico que oponía 1 B . . ran a expresión de un
sabiduría a la imprudencia y al es Ien al Mal , la prudencia y la
sorpresa para nuestras mentes posmodernas, tan alejadas de la cultura , . error. ervía además
clásica. pnnctpes tanto en los reinos católi para exaltar a los
testantes (18). cos como en los países pro-
En realidad, no existe ningún misterio. La cultura del' Renacimiento.
no se limitaba a la difusión del cristianismo y a ~nos rudimentos de La obra de Ovidio ofrecía también .
latín. Las obras de Ovidio eran uno de los elementos claves de esta genes estereotipadas que inspiraban t un reperto~o extenso de imá-
cultura y su conocimiento rebasaba en mucho los círculos letrados del grabadores. Los procesos de tran . ~to a los pmtores como a los
sido estudiádos y conocemos e ásplOSICtón de] texto a la imagen ya han
Viejo Mundo. En la Edad Media y en el siglo XVI, la obra de este . u es eran Jos paso .
poeta pertenecía a una categoría de literatura que hoy en día podría- venctón de los pintores· de] te t . . s previOs a la ínter-
. . x o ongmal de O 'di
mos comparar a la de los best-sellers. Comparación--en mi opinión- nes vulgarizadas se sacaban v Vt o, o de sus versio-
. ' ersos gue aludía · .
L os pro¡JJos pintores o interrn d. . l n a episOdios concretos.
justificada ya que las obras de Ovidio no sólo fueron muy difundidas
vico Dolce o el rnitógr-co Vie ~anos etrados como el polígrafo Lodo-
a través de la imprenta, sino que circularon versiones vulgarizadas, • c:u' mcenzo Cartari (19)
simplificadas y traducciones accessibles a un público amJ?.liO tanto en selecctón de los extractos y de 1 . . se encargaban de la
os episodios
Italia como en España, Portugal, Inglaterra o Francia. En lo que con- La obra de Ovidio rebasó Jos lí . : .
cierne a la penfnsula italiana podemos citar las Metamorfosi de Nicolo dió en las Indias occidentales p rrutóes del VIeJo continente y se difun-
. · enetr en Nueva Es -
Agostini 0 2>, de Giovanni Andrea dell'AnguiJJara ( Lll o de Lodovico qu1stadores y Jos evangelizado . pana con los con-
res, que constHuyeron las primeras élites
Dolce (14J.
15 En. las Quinq gOUlS
1111
Bautista Avalle A=, Lar M; PP.. 'e~
Respecto a la Península Ibérica cabe mencionar aquí algunas refe- 22 100
• 539 Y 548 de la edición abreviada de 1
rencias. El cronista Oviedo, por ejemplo, cita repetidas veces a propósito del naufr.lgio de z:::::Oruzs, pel Hill, 1974; en su Historia, L 10 y IV 482buan

. 12 Ovidio, Metamorphostos in verso vulgar [...], Venecia. Jacomo de Leco ad in.stantia


de Nico1o Zoppino & Viccntio di Polo, 1522.
16 Maree! · ·
Ballllllon, Erasmo 01 E
17 "Pcc Perseo si diaora l'h~om :na,
- M6 .
lllco, FCE. 1982, p . 656.
na~o dalla sapienza Yince tuue le diffi~ulta?.~;~cbe col mezo
' • •a

della prudenza, e acce~mpag­


13 Le Metamorfosi di Ovidio ridotte da Giovanni Andrea dell' Anguillara in ottava rima Muo e ailegoria lll!l/a cultura •ene:ziana d'· tctc· o en Augusto Gentili, Da Tttiano a Jlziarto
18 Davr·d M · BCJXc!Qn, Entlish Civic •Pa tnquecento' "WWl, "'"- p e1tnnelli,
· . 1980, p. 180·
[...], Venecia, Gio. Griffio ad instanza di M. Francesco Scncse, 1563.
14 Le Trasformationi, Venecia, 1553. South Carolina Prm, 1?71 p 223 geantry 1558·1642, Columbia, UnivctSity f.
19 Le . . . • . . o
lJTiagtnl con l4 sporitione de i dei d~ g/i antichi y, . . .
• enceta, Marcoüru, 1556.
362 SERGE GRUZINSKI ENTRE MONOS Y CENTAUROS 363
coloniales de este país. Sólo en 1576 llegaron a México nueve copias Y a los autores cristianos, los alumnos indígenas de los primeros reli-
de las Metamorfosis. Un año después, en 1577, se publicó en la ciu- giosos tuvieron accesó a las obras de los autores griegos y latinos, entre
dad de México una primera edición de Ovidio: los poemas De Tristibus los cuales figuraban los poemas y epístolas de Ovidio. Esto se demues-
y De Ponto (20). A lo largo de los tres siglos de la dominación colo- tra no sólo por el contenido de las bibliotecas de los frailes, sino tam-
nial, Ovidio fue uno de los poetas latinos más estudiados y comenta- bién por las citas que los mismos indios hacen de su obra. Así, por
dos en Nueva España. Formaba parte de los autores gentiles enseñados ejemplo, en una carta dirigida al rey Felipe II el señor indio del pue-
por los jesuitas y aparecía regularmente en las antologías por ellos blo de Xaltocan, don Pablo Nazareo, no vacila en citar el libro terce-
publicadas <21>. ro del Arte de Amar de Ovidio: "Munera, crede mihi, capiunt
Dos razones al menos explican el éxito de la obra ovidiana en el hominesque deosque 1 Placatur donis Jupiter ipse datis 1 Quid sapiens
· Nuevo Mundo. En primer lugar, es posible que la voga de Ovidio en faciet? Stultus {quoque] munere gaudet 1 lpse quoque, accepto mune-
Nueva España y en las Indias en general se deba a su condición de re, milis erit''. Lo que traducido significa: "Los presentes, créeme, con-
relegado y exiliado hasta su muerte en el año 17. Ovidio tuvo que vivir quistan tanto a los hombres como a los dioses 1Júpiter mismo se aplaca
lejos .de Roma y del centro del mundo, sin jamás 'poder regresar a la con los regalos que se le hacen ..." (24). Más de cincuenta años después,
capital del imperio; estuvo confinado en una frontera de la civilización a principios del siglo XVII, el cronista chalca Chimalpahin cita a Ovidio
romana, la que colindaba con los indígenas y "bárbaros" del Mar Negro. al mencionar la guerra de los gigantes contra los dioses <2S}, no igno-
Tal fue también el destino de muchos letrados europeos del Nuevo rando que, a diferencia de los indios cristianizados, este autor era paga-
Mundo, instalados en los confines americanos - Q asiáticos- del impe-_· no: "no conoció al verdadero Dios".
1
rio español, sin saber si algún día regresarían en Europa (22>. Convendría recordar la manera cómo los indios de la nobleza estu-
Por otro lado, la obra de Ovidio parecía el instrumento adeeuado vieron expuestos a la cultura de la antigüedad grecolatina a través del
para enfocar culturas y sociedades paganas; ofrecía claves para enten- filtro del Renacimiento europeo y del humanismo de los frailes. Los
der y cotejar las deidades y creencias de los indios. En la edición de evangelizadores fueron los primeros en establecer lazos directos entre
1564 de la traducción al castellano de las Metamorfosis, hecha por los dioses de la antigüedad y -l as divinidades de los indios. Las refe-
Jorge de Bustamante, se expresa l a certidumbre de que las creencias rencias mitológicas conformaban un lenguaje común que permitía com-
indígenas podían ser reducidas a interpretaciones cristianas. Eso había parar a Huizilopochtli con el héroe y sernidios Hércules, o equiparar
ocurrido en el pasado y "desto en nuestros tiempos tenemos experien- al omnipotente rey Felipe II con Júpiter, el más poderoso de los dio-
cia en las Indias" (23)_ Era, pues, factible reducir cualquier paganismo, ses. Al multiplicar aproximaciones, comparaciones y analogías, las éli-
grecorromano o indígena, al cristianismo, tal y como lo habían enseña- tes indígenas se vieron avocadas a concebir su pasado prehispánico
do los exegetas de las Metamorfosis. -en gran parte satanizado por el cristianism(}- a través del filtro pres-
El conocimiento de la obra de Ovidio no fue, sin embargo, mono- tigioso de la antigüedad clásica.
polio de las élites españolas. Al igual que habían descubierto la Biblia

20 El jesuita Lanucci fue quien cuidó de esta edición; véase Ignacio Osorio Romero, La EL DISFRAZ OVIDIANO
tnstñanza dtl latfn a los indios, México, UNAM 1990, p. 30.
21 Bemardioo Llano, Potticarum Institutionum Líber. .. , México, Apud Henricum La presencia de libros y lectores, españoles e indígenas, de Ovidio
Martinez, 1605 (Metamorfosis, Amores, Tristes, De Ponto, Elegiae...); Tomás González,
en el territorio de la Nueva España no basta, sin embargo, para expli-
Florilegium, México, Francisco Salbago, 1636 (Heroidum Epistulae, Triste, De Ponto); Pedro
de Salas, Thtsaurus, México, Francisco Robledo. 1641; in Osorio Romero, Flon:sta, p . 189. car la aparición de una iconografía ovidiana en los frescos de la igle-
22 Kenneth J. Knoespel, ''Dcciphering the barbarians: Ovidio's metamocphoses at the
assimilatioo of the New World", en Antonio La Fuente et al., Mundializaci6n dt la citncia 24 Osorio Romero, op. cit., 1990, p. 13.
y cultura nacional, Madrid, Ediciones Doce Calles, pp. 173-178. 25 Chimalpahin, Relaciones origina/u de Chateo Amaqumrecan, Edición de Silvia
23 Ibidt m, p. 176. Rendón, México, FCE, 1965, "Séptima relación", p. 168.
T

364 SERGE GRUZINSKI


ENTRE MONOS Y CENTAUROS
sia de Ixmiquilpan. ¿Cómo interpretar la actitud de aquellos pintores?. 365
Posiblemente lo que hicieron fue copiar los grabados que ilustraban la mitología ovidiana para disimular o hac .
las ediciones cultas o populares de las Metamorfosis. Podemos imagi- ~toJ_ogí:. Aunque la fórmula resulte inexact~ p~~ l~scre~a su propia
nar que lo hayan hecho para complacer a algún cura o fraile agustino, c¡as tnd¡genas no tenfan nada de .. mitol6 . " . an. g~as creen-
nuestra atención hacia un proceso creati gico para los 1Dd10s, atrae
erudito y familiarizado con el Ovidio moralizador que promovía la
indios de Ixmiquilpan. vo que no fue exclusivo de los
Iglesia de la Contrarreforma.
Es también posible que las teferencias a Ovidio divirtiesen a algu-
. nos de los fieles españoles que asistían a la misa en la iglesia de LA MITOLOGÍA DE TIZIANo
lxmiquilpan. Entre ellos cabe mencionar a un rico ganadero, cuyo nom-
·bre tal vez ya no tiene mucha resonancia para nostros, a pesar del papel Considero apropiado introducir uí a , ..
decisivo que desempeñó en el desarrollo intelectual de la Nueva España. nista: a Ttziano El gran . ~ un tercer Y ultimo protago-
. pmtor veneaano reali 6 . .
Se trata de don Alonso de Villaseca. Este empresario, enriquecido con inspiradas por la obra de O 'di . E z una sene de pmturas
VI o. wopa, Perseo y Andró d
el comercio de chocolate, costeó la creación de la cátedra de escritu- y Adonis, Diana y Acteón Diana y Cali me a, Venus
ra de Alonso de la Veracruz; invitó a su primo Cervantes de Salazar a parte destinados al rey Fellpe II s~o. Eran cuadros en su mayor
· • un COID.ltente a la vez le·
residir en México y, de esta manera, participó en la creación de la pri- eJUgente ya que en la mayoría de los caso ~ano y poco
mera cátedra de retórica-<> latín- ~n América (1553). Años después, habfa encargado. s no pagaba los cuadros que
este incansable mecenas decidió apoyar la instalación de los jesuitas Tiziano sacó provecho del repertorio ofrec·
en la capital de la Nueva España (26)_ Ovidio para expresar ideas, puntos de vista . Ido por _las obras de
Pero regresemos a Ixmiquilpan y a sus frescos, Nunca lograremos un universo dominado por la Contrarreforma e s~terpre~aciOnes _que, en
entender las abundantes citas mitológicas que hay en esta obra redu- nos desviados. Por una parte el uso de . á ' o P?dían _segurr Cam.i-
ciéndolas a simples efectos de una moda o a meras referencias cultas, escapar al control que la Igle~ia católica :t!~~~s ~tológicas pe~ tía
imaginadas por letrados nostálgicos, perdidos en el infierno de la pro- gen cristiana El ConcT d T
1 IO e
a ejercer sobre la Jma-
. · • rento había definid .
vincia mexicana. La integración de los motivos ovidianos fue una empre- para representar a los santos a la Virgen D' o n~rmas estnctas
sa sofisticada, que exigió la intervención constante, minuciosa y astuta prohibiciones y reglas no podían ser !i:adaa lOS. LógJcamente, ~Stas
de los pintores indígenas. El mero deseo de desplegar su virtuosidad gen pagana· allí no hab' . ap s en el campo de la Ima-
' Ja runguna ortodoxia q . . .
artística no basta tampoco para explicar el perfecto trabajo de ajuste ción del artista encontraba un e . ue respetar. La mspira-
ammo menos controlad · il d
realizado por dichos pintores. Tanto la inclusión sabia y elegante de no excluía expresiores abiertamente erót.I' o y vig a o, que
cas.
elementos ovidianos como la selección y dosificación de_referencias Podemos decir lo mismo de los pintores de Ixmi .
distribuidas entre la proliferación de detalles indígenas no dejan de sor- ron en el repertorio ovidiano un cam de e . qw_lpan, que halla-
prendernos. neutro, exento de los riesgos que irnplkaba 1 xpreslón lib:C, un te~eno
Paso, pues, a exponer mi hipótesis al respecto. La presencia de ele- gen _cnd·~tiana o la in;Jusión abierta de elem:n:~~r::~:~:;ó:e1epa':aru~sa-
mentos sacados de la mitología grecolatina tiende a desviar la atención mo m 1gena. ., -
del espectador europeo para que no vea, o para que olvide, lo que se . ~in embargo, e l recurso al paganismo ec . ,
refiere al paganismo indígena y se concentre en objetos más familia- Implicaciones. Recubria algo más que la libe!d ;errom~o tema otras
res: los centauros, la cabeza-planta. Digamos, de manera sumaria y dar rienda suelta a la imaginación anística El cre~cJó? o el_poder
aproximativa, que los artistas indígenas de Ixmiquilpan aprovecharon los mitos ofrecía sutiles, indirectos y disfr~ad lenguaJe Simbólico de
1 conceptos que criticaban el poder polít.J' 1 os ~odos de ~xpresar
26 Francisco Cervantes de Salazar, Cr6nica d~ la Nueva Espail4, México, Porrúa, 1985, .,.._, f . co Y a autondad del s be
pp. XI-XIII. 4cu ue, precJsamente, el camino que esco ió TI . o . rano.
varias de sus telas mitológicas el podertirruJ d lZiano al. denuncJar en
co e rey Felipe II (Danae,
366 SERGE GRUZINSKI ENTRE MONOS Y CENTAUROS 367

El suplicio de Marsias , etc.), y lo hizo atacando los abusos y críme- UN "ATRACfOR INERI'E''
nes de los dioses, en vez de producir versiones armónicas, tranquili-
zadoras y asépticas de los antiguos mitos, como estilaban hacer los El caso de los frescos de Ixmiquilpan no sólo nos permite plan-
demás pintores de su tiempo. Tiziano hizo un uso político de Ovidio tear preguntas sobre la cultura renacentista de los indios mexicanos del
al adoptar su sentido de la decadencia y su profundo escepticisimo y siglo XVI, sino que también nos inspira algunas reflexiones que desem-
pesirnisimo moral (27) : la pintura del veneciano radicalizó la carga nega- bocan en el terreno más amplio de los mecanismos culturales. Acabamos
tiva inherente a la obra de Ovidio, cuando escapa a la interpretación de ver cómo un conjunto de ideas, una nebulosa de imágenes y sím-
reductora de sus vulgarizadores habituales. bolos logran ocupar dentro de una cultura -aquí la cultura occiden-
Quiero sugerir que los pintores de Ixmiquilpan recurrieron a Ovidio tal- un papel céntrico que suscita el interés de utilizadores tan variados
· con fines conscientes y bastante paralelos, y que utilizaron las imáge- como un pintor veneciano o unos tlacuilos anónimos de Ixmiquilpan.
nes ovidianas para recordar y transmitir con menos riesgos elementos En este caso, este conjunto, esta nebulosa la conforma la obra ovi-
de su paganismo antiguo. Promovieron así un uso que cabe también diana. En el mundo occidental del siglo XVI, dich¡t obra opera como
calificar de "po!Itico", ya que se oponía a la ideología cristiana de los uno de los ejes mayores del pensamiento del Renacimiento. No sólo
vencedores o, por lo menos, divergía considerablemente de ella. Lejos proporciona la clave para entender la mitología grecorromana, ofrece
de considerar la mitología grecorromana como una colección de moti- además un repertorio de informaciones, una guía, un generador de ale-
vos curiosos y sublimados, o una fuente de ornamentos armoniosos y . gorías y símbolos. La obra ovidiana desempeña una función hasta hoy
bellos, seleccionaron en el repertorio ovidiano escenas 'brutales, enfren- . poco estudiada por los historiadores: la de atractor inene.
tamientos, choques, transformaciones de los seres. Tal vez considera- El término puede parecer algo bárbaro. No dudo que los escrito-
ron el tema mismo de las metamorfosis como una categoría cercana á res barrocos hubiesen preferido hablar de imán o piedra imán. El con-
sus propios conceptos: basta pensar en la difusió.n del nahualismo en cepto procede de la teoría del Caos y está inspirado por la noción de
las creencias indígenas. atractor extraño. Un atractor inerte actúa dentro del pensarni!!nto o,
En definitiva, tanto en las pinturas de 1iziano como en ·los frescos más bien, del imaginario de una sociedad al producir síntesis intelec-
de Ixrniquilpan, la alegoría y la imagen cobran una fuerza polfticá. Su tuales y visuales; sirve de eje organizador a zonas enteras de la cultu-
arte es político y se sale de los caminos fijados por la ortodoxia hispá- ra y del imaginario. Es el elemento dinámico y movilizador que permite
nica o las convenciones ornamentales. entender cómo los universos conceptuales y perceptuales se desplie-
La historia reserva paralelos sorprendentes y casi inverosímiles, que gan, se organizan y se entrecruzan. Dicho sea de otra manera, abre
lo serían menos de acostumbramos a considerar el imperio español perspectivas que rompen con la visión estática de las culturas -<:on-
como un conjunto coherente y articulado, abarcando desdé'·la ltalia del cebidas como totalidades claramente definidas- y que hacen hincapié
Renacimiento a las Filipinas y a las costas de Japón. A miles de kiló- y
en las zonas de contacto, en los espacios intermediarios mixtos que
metros de distancia, en la misma época, los pintores indios de surgen, se tejen y se deshacen a lo largo del tiempo.
Ixrniquilpan y el pintor más celebrado del período utilizaban a Ovidio Pues bien, dentro del imaginario renacentista la obra ovidiana actúa
de manera algo parecida. Todos manipulaban el repertorio de símbo- --en mi opinión- como un atractor inerte; funciona como un polo,
los e imágenes que les proporcionaba la obra ovidiana para situarse al una configuración en torno a la cual se condensan, se cristalizan y se
margen de la ortodoxia católica y transmitir sin obstáculos un mensa- organizan una multitud de interpretaciones y se generan obras de arte.
je personal o colectivo. Tiene además la capacidad de organizar esferas de pensamiento, cam-
pos pluriculturales en los que proliferan elementos, citas, vestigios
oriundos de horizontes muy diversos. El atractor introduce un orden
27 Ver Gentili, op. cit., p. 191. mínimo en un contexto caótico.
368 SERGE GRUZINSKI
ENTRE MONOS Y CENTAUROS
369
En América y particularmente en Nueva España, en el paisaje des?r- templar pinturas relacionadas con dos temas relevantes del
denado de la pos-conquista, las culturas tiene~ una fi~ionomfa caóuca
Renacimiento y de la cultura medieval: las Sibilas, aquellas profetisas
y heterogénea: fragmentos importados, creencias mutll~das o_ clandes-
que anunciaron el advenimiento de Cristo a los paganos, y los Triunfos
tinas, conceptos y formas sacadas de su contexto, ~s~llos sm rafees,
inspirados por los versos del poeta florentino Petrarca. Se trata de un
pedazos de rituales intentos de traducción y transposiCIÓn. Frente a la
proliferación de fo~as derivadas y ~scorias _de cualquier. índole qu_e
contexto muy distinto del de Ixmiquilpan pues los frescos fueron pin-
tados para el deán de la catedral de Puebla; es decir, no son obras diri-
ocupan el campo cultural, el atractor merte eJerce una acctón glo~alt­
gidas a la mirada indígena ni a los feligreses de una parroquia.
zadora y unitaria. Logra estabilizar estos campos fra_gmentados e ~nes­
tables al asimilarlos a partir de una estructura narrat1va, de una nusma Los frisos que corren por debajo de los frescos de las Sibilas son
fuente de referencias, simbolizaciones e imágenes. . ornamentales, proporcionan elementos decorativos y como tales divier-
Dicho atractor alimenta una forma de pensamiento abierta Y. fl:~­ ten el ojo, atrayéndolo y a la vez alejándolo de lo que presentan. El
ble, basada en la alegoña y la alegorización; conecta y hace com_c~du carácter esterotipado, convencional e impersonal de la decoración neu-
series culturales totalmente disímiles como pueden serlo la trad1c1ón traliza la mirada. Cabría tomar en cuenta la ambigüedad de estos ele-
mediterránea de ''Moros y Cristianos" y la tradición amerindia de los mentos e interrogarse sobre la manera cómo los indios se apoderan de
caballeros-j aguares y su simbolismo. En el caso de Ixmiquilpan las un co~ponente aparentemente secundario para introducir su propio
referencias a Ovidio halladas en los frescos establecen ~n ~uen~e s_ecre- mensa,¡e y su personalidad. Aquí me limitaré a comentar tres de los
to entre el patrimonio pagano de los indios, la_ transcnpc1ón mdígena detalles de estos frisos: las guirnaldas de flores llevadas en el movi-
de la fiesta de Moros y Cristianos y la formac1ón <;ult~ de los ~adres miento giratorio que ya hemos comentado más arriba, unas centauras
agustinos. Estas referencias relacionan el decorado ~e ~a Igles¡a ~9n reconocibles por sus pechos generosos y unos monos.
elementos básicos de la cult11ra occidental del Renacnruento; rerruten ., Los monos aparecen en la pintura europea. Un ejemplo nos lo brin-
a Ovidio como cantidad de publicaciones cultas o más populares, de da la obra del flamenco Brueghel denominada Los dos monos, en la
cuadros, de grabados, de citas en las decoraciones callejeras. _ que los animales simbolizan las Indias y tal vez los Pafses Bajos enca-
Dejo por ·el momento la pista de Ovidio en la Nueva Esp~na. El denados por la dominación española <JO). Ahora bien, los de Puebla son
manchego Bernardo de Balbuena cita varias veces al p~eta lau~o ~n de origen p rehispánico; se trata de monos ozomatli, identificables por
su Grandeza mexicana (28). El alemán Enrico Martínez Cita el eptsod1o su arete. El mono era uno de los signos del calendario ritual de los
de Perseo en su Repertorio de los tiempos (1606) <29>: S~Io recor~~é
( nahuas Y correspondía al día once del calendario adivinatorio; estaba
que, más de un siglo después de los frescos de ~rmqmlpan, o_vtdio asociado con la buena fortuna y la alegría, o con la vida licenciosa.
reaparece en otra obra maestra de la cultura novohtspana: en Pnrr:ero Los centauros y centauras pertenecen a la faun~ fantástica que ador-
Sueño de sor Juana Inés de la Cruz, al que proporciona una cantidad naba los grabados manieristas. Dos de ellas aparecen en la obra de
respectable de referencias, imágenes y símbolos. Ovidio. La primera es "la más graciosa de las mujeres" y se llama
Hylonomé, que significa "la que vive, pace en los bosques" (3 1). Esta
EL MONO Y LA CENTAURA definición se ajusta exactamente a la que los informantes de Sahagún (32)
dan del mono ozomatli: "el que vive en los bosques" y, según ellos
Para concluir quisiera referirme a otro ciclo de frescos que ador- "los monos cocan a las mujeres, búrlanse con ellas". El dato paree~
nan la Casa del Deán de Puebla. En dos de sus salas podemos con-
comentar el espectáculo que ofrece el friso, ya que el mono ozomatli
28 Edicada por Luis Adolfo Domínguez. México, Porrúa, 1990, pp. 19, 25, 26, 44, 133 30 Staatliche Museen, Bedín.
y 142. . . ld N & - 3 1 Ovidio, Las metamoifo.ris, XII, v. 405, 423 (p. 310).
29 Henrico Martínez, Repertorio de los tiempos e hiSIOruJ natura e ueva pana,
32 ~ernardino de Sahagún, Historia dt lo.r cosas de Nueva España, México, Porrúa,
México, SEP, 1948, p. 165. 1975, Libro X!, 43-44. .
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se divierte con la centaura. La otra centaura mencionada por Ovidio to inquietante para volverse alegóricos o meramente exóticos y deco-
se llama Ocyrhoe OJJ y es la hija del centauro Chironte. De ella se dice rativos.
que "revelaba los secretos del destino". O sea, tanto la centaura Ocyrhoe Es suficiente por ahora subrayar la riqueza y la extrema ambigüe-
como el mono ozomatli son seres encargados de anunciar el destino. dad de la cultura renacentista en el México colonial, destacando la con-
vivencia de universos profundamente diversos y recordando cómo las
Estas coincidencias tal vez sean fortuitas o tal vez no. Si seguimos
obras de los más eminentes representantes del clasicismo europeo
nuestra hipótesis, el recurso a la mitología ovidiana constituye un dis-
-el poeta Ovidio, por ejemplo- pueden contribuir a producir com-
fraz empleado para desviar la atención de los europeos y borrar los
plicados e intrincados procesos de mestizaje.
indicios de un paganismo indígena. Sin embargo, hace falta una prue-
ba para establecer que estamos en presencia del dios mono ozomatli
..de los antiguos y que la pintura tiene un contenido discretamente paga-
no.
Dicha prueba nos la proporciona la flor que husmea el mono. Parece
ser una flor de poyomatli, un alucinógeno utilizado 'por los indios antes /
y después de la Conquista, difundido en los medios indígenas, mesti-
zos y mulatos 04J. En efecto, la forma de la flor -fresca o marchita,
con sus pétalos secos- corresponde a la planta que los especialistas .
identifican como el antiguo poyomatli y que florece sobre un arbusto·
' es v~da, el
llamado Quararibea funebris CJSJ. Si nuestra interpretación
friso puede leerse como la connivencia establecida entre la semidios~
del paganismo griego y el dios amerindio, que comparten Jos medios
- la flor- de conocer el porvenir.
¿Cómo explicar que este tipo de información esté visualizado en
la casa de un alto dignatario de la Iglesia poblana, don Tomás de la
Plaza, que además actuaba como calificador del tribunal de la
Inquisición?. Tal vez porque la referencia mitológica y ovidiana logra-
ba banalizar y neutralizar la presencia indígena en el friso; así como
los dioses del paganismo europeo se habían vuelto aleg~rías acepta-
das, por mero contagio los elementos prehispánicos perdían su aspec-

33 Ovidio, n. v. 638.
34 Gonzalo Aguirre Bellrán, Medicina y magia. El proceso de aculturaci6n en la estruc-
tura colonial, México, IN!, 1973, p. 369; AGN, México, Ramo Inquisición 314, fol. 388;
Noemí Quezada, Anwr y 111llgia amorosa mm los Aztecas, México, UNAM, 1975, pp. 95-96.
35 R. Gordon Wasson, Tñe Wondrous Mushroom. Mycolatry in Mesoamuica, New York,
McGraw HiU, 1980. La asociación entre el mono y una flor renúte también a la flor de mona
llamada ocumaxoch.itl (Francisco Hernández, Historia natural de Nueva España, México,
UNAM, 1959, L LXVIII, p . 391: "Los mexicanos las ofrecen a los reyes y a los dioses espe-
rando que por este solo obsequio obtendran de ellos abondantes gracias. Es una flor pareci-
da a la del Huacalxoclútl; 1, LXV, p. 390: "se ofrecían en ramilletes a los héroes y a los que
llamaban tlatoani porque solo a ellos les era pernútido hablar en la~ asambleas'').

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