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La recherche du plaisir
Aujourd’hui la chasteté est souvent confondue avec le fait d’être vieux jeu, avec une peur de la
passion ou avec une inhibition sexuelle. Mais en réalité elle est bien plus que la simple absence
de rapports sexuels.
Vivre la chasteté n’est pas facile dans la culture hypersexualisée du monde occidental
contemporain. Impossible de circuler dans un centre commercial, d’allumer son ordinateur ou
sa télé, de jeter un œil sur la publicité ou simplement de bouquiner dans une librairie sans être
bombardé par une imagerie sexuelle de tout acabit. La pornographie, répandue comme
jamais, atteint des proportions presque endémiques. Elle discrédite l’expression sexuelle
authentique, encourage la masturbation et les relations sexuelles à l’extérieur du mariage, et
opère un clivage entre le don de la vie et le don de l’amour
La chasteté du Christ.
Il peut paraître curieux de s'intéresser à la chasteté de Jésus. Mais s'il est vraiment un homme, alors il
a une véritable sexualité. Si Dieu n'a pas de sexualité, le Christ lui en a une et il est sûr qu'il l'a exercée
sainement et saintement. Le regarder peut-être pour nous source de vie.
Jacques Guillet dit que « Jésus n’a pas choisi d’être chaste par principe, au nom d’un idéal ou comme le
moyen de réaliser quelque chose : il a simplement choisi d’être lui-même. »(6) Cette remarque est fort
intéressante. En effet, si Jésus est l’homme parfait, l’homme intégral, il est par conséquent aussi la
chasteté parfaite. Cette remarque montre aussi que la chasteté pour Jésus n’est pas de l’ordre de l’option
ou du choix libre. Sans doute que pour nous non plus la chasteté n’est pas de l’ordre du choix comme si je
pouvais me situer à l’extérieur de la chasteté pour pouvoir la choisir. En fait, de deux choses l’une : soit je
vis chastement, soit je ne vis pas chastement.
Chez Jésus, sa chasteté n’a rien d’une peur des autres, de l’autre sexe ou d’un refus de la vie. Nous
savons, en effet, que des femmes l’entouraient, qu’une autre lui a lavé les pieds avec ses cheveux. Il vivait
et travaillait avec d’autres hommes. Il ne craignait sûrement pas de se laisser toucher. Dans le même
temps, et très tôt, il entretenait une relation avec sa mère et avec Joseph qui était de l’ordre de la distance
mais aussi de l’obéissance (écoute). Lc 2, 49 : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas
que je dois être dans la maison de mon Père ? » Ou encore en Mt 12, 46-50 : « Comme il parlait encore
aux foules, voici que sa mère et ses frères se tenaient dehors, cherchant à lui parler A celui qui l'en
informait Jésus répondit : " Qui est ma mère et qui sont mes frères ? " Et tendant sa main vers ses
disciples, il dit : " Voici ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux
cieux, celui-là m'est un frère et une sœur et une mère ».
Il me semble qu’il entretenait aussi une relation saine et ajusté aux hommes que sont ses disciples.
Parfois enseignant, parfois serviteur ; compagnon de tous les jours et responsable de leur vie. On sent
bien chez le Christ une relation faite de distance (passe derrière moi Satan, prière dans la montagne) et
de proximité (lavement des pieds, ardent désir de manger la pâque avec ses disciples).
Mais par ailleurs, il demeurait extrêmement libre et tout entier donné à son Père et à la mission qui lui
était confiée. Comme pour tout être humain authentique, la chasteté de Jésus est capacité de don et
d’attention, assurance et liberté.
Ce qui fonde la chasteté de Jésus, c’est sa relation à son Père. Ce qui qualifie la chasteté de Jésus,
c’est-à-dire ce qui nous permet de la vérifier me semble-t-il, c’est sa liberté à l’égard des autres, de sa
famille et de sa mère en particulier. (Femme que me veux-tu ?).
Or Jésus n’est pas un surhomme. Il me semble que dans le mystère de l’incarnation se joue une
révélation des possibilités du cœur de l’homme. Le célibat, la chasteté et tout le Sermon sur la Montagne
ne sont pas des préceptes impossibles mais des dimensions du cœur de l’homme que nous n’avions sans
doute jamais imaginé possibles. On lit dans 1 Co 2 7-9 : « Ce dont nous parlons, au contraire, c'est d'une
sagesse de Dieu, mystérieuse, demeurée cachée, celle que, dès avant les siècles, Dieu a par avance
destinée pour notre gloire, celle qu'aucun des princes de ce monde n'a connue - s'ils l'avaient connue, en
effet, ils n'auraient pas crucifié le Seigneur de la Gloire - mais, selon qu'il est écrit, nous annonçons ce que
l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme, tout ce que
Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »
André Barral-Baron dit bien cela à propos du célibat : « La maîtrise de soi dont nous avons besoin dans
le célibat pour écarter les tentations et résister au mal naît de notre accueil de l’Amour indéfectible du
Père. S’il nous faut combattre des tentations charnelles par exemple, ou maîtriser des pulsions sexuelles
plus ou moins perverses, c’est sans doute moins en fustigeant notre corps ou en évitant toutes les
rencontres dangereuses dans ce monde où la mixité est de règle partout, qu’en nous tenant sous le
regard du Père. Notre Père ne veut pas que nous succombions dans les épreuves, les tentations ou les
souffrances qui nous sont infligées. Notre regard vers le Père restaure notre lucidité et nous remet debout
lorsque nous faiblissons. Car son Amour est empreint d’espérance sur nous et nous remplit de la force de
l’Esprit. »(7)
2339 La chasteté comporte un apprentissage de la maîtrise de soi, qui est une pédagogie de la liberté
humaine.
La vertu de chasteté est la liberté de pouvoir aimer Dieu et son prochain de manière
désintéressée, l'engagement à aimer Dieu par-dessus toutes choses, et à aimer les
autres de l'amour même que Dieu leur porte.
2340 (à propos des fruits de la chasteté) "La chasteté nous recompose ; elle nous ramène à cette unité
que nous avions perdue en nous éparpillant" (S. Augustin, conf. 10,29).
2341 La vertu de chasteté est placée sous la mouvance de la vertu cardinale de tempérance, qui vise à
imprégner de raison les passions et les appétits de la sensibilité humaine.
2342 La maîtrise de soi est une œuvre de longue haleine. Jamais on ne la considérera comme acquise
une fois pour toutes. Elle suppose un effort repris à tous les âges de la vie (Cf. Tt 2,1-6). L'effort requis
peut être plus intense à certaines époques, ainsi lorsque se forme la personnalité, pendant l'enfance et
l'adolescence.
2343 La chasteté connaît des lois de croissance qui passe par des degrés marqués par l'imperfection et
trop souvent par le péché.
2344 La chasteté représente une tâche éminemment personnelle, elle implique aussi un effort culturel, car
il existe une "interdépendance entre l'essor de la personne et le développement de la société elle-même"
(GS 25).
2345 La chasteté est une vertu morale. Elle est aussi un don de Dieu, une grâce, un fruit de l’ œuvre
spirituelle (cf. Ga 5,22). Le Saint-Esprit donne d'imiter la pureté du Christ (cf. 1Jn 3,3 ) à celui qu'a
régénéré l'eau du Baptême.
2347 La vertu de chasteté s'épanouit dans l'amitié.
2392 "L'amour est la vocation fondamentale et innée de tout être humain" (FC 11).
2393 En créant l'être humain homme et femme, Dieu donne la dignité personnelle d'une manière égale à
l'un et à l'autre. Il revient à chacun, homme et femme, de reconnaître et d'accepter son identité sexuelle.
2394 Le Christ est le modèle de la chasteté. Tout baptisé est appelé à mener une vie chaste, chacun
selon son propre état de vie.
2395 La chasteté signifie l'intégration de la sexualité dans la personne. Elle comporte l'apprentissage de la
maîtrise personnelle.
La chasteté, pour un être humain, consiste pour l'essentiel à accepter sa propre
sexualité pour en faire un chemin de rencontre des autres.
x seuls célibataires.
La chasteté :
§ Maîtrise et non pas refus : la chasteté n’est pas un refus de la sexualité mais la
volonté de réguler et d’intérioriser – autant que possible – ses pulsions, ses désirs.
Il s’agit de tendre vers une plus grande humanisation des désirs affectifs et
sexuels. La chasteté permet d’apprendre à trouver la juste distance aux autres et,
dans un couple, à faire le don de soi-même dans le respect de l’autre.
§ Une tâche à mener tout au long de sa vie : La chasteté n’est pas un état mais
un choix renouvelé tout au long de l’existence. C’est une tâche que nous
choisissons de mettre en œuvre jour après jour, sachant que le désir est sans
cesse renaissant et que l’organisation psychosexuelle de toute personne est
toujours en équilibre plus ou moins instable.
§ En vérité et en cohérence : la chasteté renvoie à la cohérence d’une vie et des
engagements qui ont été pris vis-à-vis de moi-même, des autres, de la société et
de Dieu. Il s’agit d’accepter de vivre en vérité par rapport à mes propres décisions,
tout en regardant en face mes fragilités, mes forces, mes manques…
§ Libération et humanisation : La liberté ne consiste jamais à refuser – à nier –
tout ce qui nous détermine mais à l’assumer et à poser des choix au cœur même
de ces déterminismes. Ainsi, la sexualité est source de plaisir et de bonheur mais
aussi source de toute-puissance et de souffrances. L’effort pour devenir chaste
cherche à humaniser la sexualité dans le respect et l’épanouissement de la
personne humaine. La chasteté constitue alors un profond travail de libération pour
chacun et pour tous.
La castidad dans la Bible
87Notre analyse montre que Jean Chrysostome n’a pas de concept de chasteté tout fait.
Ce dernier est présenté dans les homélies et les traités qui avaient un but pastoral. Un
seul mot, parthenia, définit la chasteté et la virginité, qui est source de confusion.
Néanmoins, on peut trouver deux grands axes, sur lesquels la chasteté s’appuie.
88Premièrement, elle consiste à éviter les plaisirs mauvais, interdits, comme dans
l’exemple de Job. Vue comme l’abstinence ou même la prohibition du plaisir illicite,
elle est confondue avec la continence, avec la fuite devant les plaisirs charnels. Dans le
cas des vierges, elle garde la pureté toujours menacée par la luxure, surtout après le
péché d’Adam et Ève. Ici, Chrysostome se réfère aux textes pauliniens, rappelant que
nous sommes « les membres du Christ » (1 Cor 6, 16), et que notre corps est « le temple
de l’Esprit Saint » (1 Cor 6, 20). Comme nous le voyons, ce ne sont pas des références
spécifiques à la chasteté. Un renvoi à la lettre aux Romains montrant un combat qui se
passe entre « la loi » et « les membres » du corps (Rm 7, 23), n’en est pas une non plus.
Il semble que cette coloration et cette accentuation de la chasteté soient dues au contexte
historique.
91Cela ne nous étonne pas, si nous nous rappelons que Chrysostome est l’héritier d’une
pensée élaborée dans l’Église primitive, demeurant uniquement sous l’influence du
mouvement des vierges. On ignorait, semble-t-il, la notion positive de la chasteté
conjugale, en associant trop souvent cette dernière au mal venant de la chair et de la
concupiscence.
92Il serait peut être utile de survoler brièvement cet héritage des siècles passés. Dès la
fin du Ier siècle apparaissent des ascètes et des vierges, qui se consacrent à Dieu en
menant une vie chaste et exemplaire dans leur famille ou dans leurs demeures isolées,
pour l’édification des communautés chrétiennes. Vers 100-150, la Doctrine des Apôtres
(Didaché) signale en Syrie et en Palestine des ascètes voués à la diffusion de
l’Évangile ; Ignace d’Antioche (vers 160) parle du groupe que forment les vierges [46]
[46]Ignace d’Antioche, Lettre aux Smyrniens, PG, 5, ii, 708., et Justin (vers 150) décrit
la pureté des mœurs chrétiennes [47][47]Justin, Apologiae, PG, 6, 1, 327.. Vers 180,
Athénagore témoigne qu’il existe chez les chrétiens des hommes et des femmes qui
s’abstiennent du mariage durant toute leur vie [48][48]Athénagore, Legatio pro christiani,
PG, 6, ii, 899., et Le Pasteur d’Hermas (environ 150) fait mention de ces vierges.
Clément, à la fin du Ier siècle, fait allusion à ceux qui vivent dans la chasteté [49]
[49]Clément de Rome, Lettre aux Corinthiens, PG, 1, i, 201..
93Ne manquons pas aussi de souligner ici l’attitude pédagogique du Patriarche de
Constantinople qui insiste sur le but et les motivations de la chasteté, aspects qui
semblent ignorés des contemporains. La chasteté est pour lui un moyen d’atteindre le
ciel, ainsi que synonyme de la vie profondément évangélique selon sa vocation. Ce qui
mérite d’être souligné, c’est que Chrysostome met en relief l’aspect spirituel de la
chasteté, qui n’est pas liée uniquement au corps, source de soucis permanents.
95On ne peut pas nier que cette attitude généralement négative à l’égard de la
sensualité, de la sexualité et du mariage vienne de la vision de l’homme blessé par le
péché. L’homme, selon Chrysostome, dans sa vie terrestre, devrait donc imiter l’ange,
qui vit devant la face du Seigneur. Il y a là un angélisme désincarné qui voudrait nier ou
diminuer la dimension charnelle et sexuelle de l’homme, et qui est étranger à la notion
de chasteté. Car la chasteté, au contraire, réalise le vœu profond de toute sexualité qui
est de s’ouvrir à l’amour, à Dieu et à l’autre.
Notes
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[2]