Vous êtes sur la page 1sur 5

République Démocratique du Congo 

: Des milliers de maux en des


milliers de mots

Les conséquences néfastes de la pandémie Covid-19 dans le


monde sont évidentes. Il va sans dire qu’elles ne sont sujettes à aucun débat partout
ailleurs puisque la maladie est présente et ravage des populations. Pourtant la
population congolaise vit dans le déni, faisant fi de cette maladie à ses risques et
périls. D’aucuns ne disent que le peuple congolais est le seul qui est parvenu à faire
peur au coronavirus. Une pensée pas tant farfelue que ça quand on analyse d’un
œil critique ce peuple et ses dirigeants: Le ministre national de la santé annonce
dans un premier temps qu’un belge est le patient zéro au pays de Patrice Emery
Lumumba avant de se contredire disant qu’il est plutôt congolais et est en
quarantaine à Kinkole, en périphérie de la ville, tandis que quelques heures plus tard
des éléments de la police nationale congolaise sont déployés, débarquant
lourdement armés, en plein centre-ville dans un hôtel de Kinshasa où le patient zéro
est, pour ainsi dire, emprisonné dans sa chambre d’hôtel . Dès cet instant fatidique
tout part en vrille et le peuple au cœur de l’Afrique y voit d’ores et déjà l’arnaque du
siècle : celle du coronabusiness du fait des financements et de nombreux dons qui
foisonnent dans la lutte de ce qui s’élève désormais au rang de pandémie. Exécrable
faim d’or ! Dans le même laps de temps, le Président de la république décrète des
mesures d’urgence dont l’originalité surpasse l’entendement. Ceci à 24H d’inter valle
après un discours quelque peu similaire du chef de l’Etat français ! Bonsoir le
copier-coller harangue les congolais sceptiques. Nommant le bourreau d’Ebola à la
tête de l’équipe de la riposte, d’aucuns y voient un lien de sang dont eux seuls
maitrisent les tenants et les aboutissants quand d’autres y voient une victoire
assurée. Les cache-nez sont désormais de rigueur. Et dans l’euphorie d’un bal
masqué où chacun se convie à la fête le gouverneur du Haut-Katanga y invente deux
cas qu’il dément après correction du ministre national de la santé, le coordinateur de
l’équipe de la riposte en invente un à Goma dans la province du Nord-Kivu avant de
se dédire, puisque le gouverneur de province dément cette confirmation, en disant
que le cas est en Ituri. Très vite, le peuple congolais comprend que le bal n’est qu’à
son début et que la piste sera on ne peut plus mouvementée. A quel saint se vouer ?
Dans cette comédie musicale, les gens bravent l’interdiction de rassemblement :
transports en commun, arrêts bus, marchés demeurent de véritables fourmilières
comme si de rien.

Comme pour calmer les ardeurs le Président Congolais, peu


après son homologue français, prend la parole et demande un déploiement des
lave-mains et de désinfectants dans la ville de Kinshasa. Le gouverneur de la
province, tout aussi confus que tous, annonce quant à lui un confinement total
intermittent de la Province de Kinshasa, soit un confinement de trois à quatre jours et
une journée libertine s’ensuivra, avant que le confinement total ne reprenne et que
le cycle continue. Le coronavirus même est confus, hébété et abasourdi. Les kinois
vident leurs comptes mobile money, empruntent de l’argent, remplissent les marchés
et les supermarchés au mépris de gestes barrières dont la distanciation physique. Un
invité de marque entre également dans la danse au bal masqué : Le premier
ministre convoque une réunion et suspend le confinement total intermittent. Ahurie et
ébahie la population crie à l’arnaque, et tel un réconciliateur, et vue l’urgence de la
situation, le chef de l’Etat déclare un Etat d’urgence qui ira, par la suite, de
prorogation en prorogation. Le parlement crie au scandale et tandis qu’il y voit une
inconstitutionnalité, motif valable pour destituer le président, les autres provinces
s’invitent à la danse!

Dans l’entre-temps, dans la Province du Sud-Kivu ayant la


ville de Bukavu comme chef-lieu et bonne élève de la ville province de Kinshasa
quatre premiers cas confirmés sont dénichés d’après l’équipe nationale de riposte, le
gouverneur de province et son ministre provincial de la santé licencié en sciences
économiques aux dires de certains ou en sciences agronomiques aux dires des
autres n’en reconnaissent que trois. Une équipe provinciale de la riposte voit le jour
avec à sa tête un gynécologue de la place. Les malades malgré eux, placés en
quarantaine par des éléments de la police, inondent les réseaux sociaux de
messages vocaux et écrits dénonçant le mauvais traitement dont ils sont victimes
tout en étant pas malades, l’un d’eux publie une vidéo de lui en pleine séance de
fitness au lieu de leur ‘’détention arbitraire’’ selon leurs propos et ceux de leurs
proches. Toujours est-il que seuls deux malades sont physiquement vus par
l’opinion publique et ni le nom ni aucun détail sur le troisième patient ne seront
révélés sinon sa date de sortie non médiatisée comme celles des deux autres. Au
gouverneur de province de s’exprimer : ‘’ Tuko bayuwayi shiye bote Bukavu, mais tu i
tiye mu sens ya bien’’ dont la traduction littéraire serait ‘’la curiosité de tous les
Bukaviens est légendaire, puissions-nous en faire un usage salutaire.’’ Pendant que
ces propos prennent une ampleur impensable et qu’ils deviennent la risée de tous,
comme pour prouver la véracité des propos de l’Homme d’Etat précité une université
de la place ayant proposé comme par magie un protocole de traitement de la
covid-19, longtemps avant qu’un seul cas ne soit recensé dans la province, fabrique
des respirateurs fonctionnant avec une forme de gouvernail ! Les autres universités,
dans le même élan lancent précipitamment des cours en ligne. Cette période est
ponctuée par un fait tragique : Plus d’une vingtaine de jeunes personnes sont en
randonnée sur le lac Kivu. Le diable étant de passage, un naufrage s’ensuit et
quelques-unes périssent. Une pensée pieuse à nos frangins naufragés ! Comme
pour confirmer les propos du gouverneur, les théories tout autant sordides les unes
que les autres naissent: Pendant que certains y voient des forces mystiques,
d’autres y voient un châtiment divin pour je ne sais quelle raison saugrenue, d’autres
encore y voient les premières victimes des gestes barrières.

Dans la commune de Kadutu, un culte clandestin dont les


précurseurs, ces exégètes autoproclamés, inhumains, incompatissants et faussaires
des saintes écritures postulent que l’Occident est puni par Dieu, comme Sodome et
Gomorrhe, suite à sa permissivité dans le cadre du mariage pour tous. Sur des écrits
minutieusement présélectionnés ils se penchent ! La furie sanguinolente de leur Dieu
sanguinaire, est désormais leur prêche! Ces exégètes de Baal sortent donc des
textes de leurs contextes pour en faire des prétextes et ce, pour le bonheur injustifié
des naïfs et de ceux qui ont l’esprit lent ! Des faits vécus dans la commune de
Kadutu, celle-là même où les maisons n’ont jamais été espacées ne fut-ce que d’un
centimètre, celle-là même ou les gens sont tellement entassés, du moins dans son
marché, que même les sardines sont persuadées d’avoir meilleur sort, oui celle-là
même qui ne sera pourtant pas confinée.

Au Burundi voisin, l’heure de l’alternance a sonné :


Des élections sont en vue. Exceptionnellement, plusieurs centaines de congolais
prudents regagnent alors leur pays sans mise en quarantaine préalable. Un
thermo-flash suffit ! Les tableaux cliniques de détresse respiratoire et de syndromes
grippaux croissent en un temps record…Des deuils se succèdent et la populace
dans un élan de compassion ne peut s’empêcher de s’y regrouper par centaines.
Mais quelle belle attention ! Quelle belle intention ! Mais comme on le dit ça et là,
l’enfer est pavé de bonnes intentions. Face à pareille menace, le gouverneur de la
province du Sud-Kivu instaure le port obligatoire des masques dans les lieux
publics, un couvre-feu à 20 Heures (heure locale) et un confinement partiel de la ville
de Bukavu puisque limité à sa seule commune d’Ibanda qui sera quant à elle
totalement confinée trois jours durant. Policiers et militaires sont alors déployés dans
les rues pour faire respecter ces mesures et ne permettre qu’aux détenteurs
d’autorisations spéciales de circuler dans la commune confinée. Les rues de Bukavu
sont désertes…Le scandale est au rendez-vous : Au fil du temps quelques
récalcitrants, vivant au taux du jour, bravent le mot d’ordre du gouvernorat provincial.
Ils sont alors copieusement tabassés au point d’être dénudés par les éléments de
l’ordre susmentionnés. Dans quelques quartiers de la commune on observe alors
des enfants en quête d’eau puisque la Régideso a confiné son eau ! En voilà une
activité distrayante pour ces enfants issus des quartiers où la snel a confiné son
courant. A Panzi, des enfants envahissent les rues pour protester contre des
mesures trop radicales à leur goût quand on pense à la précarité dans laquelle la
plupart des ménages vivent. Ils redéfinissent alors le plan cadastral et s’excluent de
la commune d’Ibanda. Les activités s’y poursuivent comme à l’accoutumée. A
nyawera, en plein centre-ville, une fille échappe au viol derrière le marché du même
nom. Un policier a tenté d’abuser d’elle. Confinement scandaleux et désolant ! Et
puisque le diable ne peut s’empêcher de signer son tableau : des maisons partent en
fumée dans la commune de Kadutu… Le lendemain, plus de 20 individus viennent
s’enquérir de la situation bravant tout risque éventuel de propagation de la Covid-19.
Et dans la même commune plus d’un policier est ‘’arrêté’’ par la population pour non
port de cache-nez.

Au terme d’un confinement total de la commune d’Ibanda,


les activités reprennent… Le marathon du dimanche est du nombre de celles-ci.
Plusieurs esprits tentent individuellement de déstresser en parcourant les rues de
Bukavu. Fort malencontreusement et indépendamment de leurs volontés respectives
plus de 20 personnes se retrouvent à la place Mulamba, courant vers la frontière. Un
policier non autrement identifié tire dans le tas pour disperser la foule… Bienfait
Bulambo, 16 ans, n’en sortira pas vivant ! Terrorisée, la population y voit un complot
des autorités et du personnel soignant, la menace est imaginaire : Les médecins
gagnent 500$ par cas de covid-19 déclaré, raconte l’incrédule. Les respirateurs sont
empoisonnés par les médecins car plus il y a de morts, plus il y a de l’argent,
renchérit l’insensé. Nous travaillons bénévolement et dans des conditions
déplorables, proteste le médecin traitant. C’en est trop ! Le numéro un de la riposte
provinciale n’en peut plus…Il démissionne. Au lendemain de sa démission, un
chauffeur de taxi est arrêté, en commune de Bagira, par des policiers pour non port
de cache-nez. Tentant de sauver sa peau, il est abattu à bout portant à l’entrée de sa
résidence. Une énième victime des gestes barrières ! Quand c’est trop c’est
mauvais… La jeunesse révoltée prend d’assaut le centre de traitement des malades
de la covid-19. Les autorités déclarent que les malades se sont échappés tandis que
la population jure qu’il n’y en avait aucun… A chaque version correspond dès lors
une conduite particulière et advienne que pourra, l’amen est ainsi dit !

Patrick MIYANGA MUNDEKE

Vous aimerez peut-être aussi