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Compléments à la " Géologie de l'Extrême- Nord tunisien"

Research · September 2015


DOI: 10.13140/RG.2.1.1111.4720

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1 author:

Henri Rouvier
Institut de Physique du Globe de Paris
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Compléments à la « GEOLOGIE DE L’EXTREME-NORD TUNISIEN ».

Henri ROUVIER.

Dans un pays, la Tunisie, où la présence de nappes de charriage a été longtemps contestée et même
récemment encore remise en cause, il nous est apparu fondamental de présenter un résumé des
preuves de leur existence, preuves pour nous indiscutables parce que fondées essentiellement sur la
géométrie dans l’espace des affleurements de terrain.

Le texte qui suit vise à rappeler les résultats principaux des travaux exécutés en Tunisie du Nord de
1964 à 1977, travaux qui ont fait l’objet d’un Mémoire de thèse de Doctorat ès/Sciences Naturelles,
soutenue à Paris VI (Université P. et M. Curie) en 1977. Ce Mémoire a été publié aux Annales des
Mines et de la Géologie en 1985, N°29, du Service Géologique de Tunisie, actuellement dépendant
de l’Office National des Mines. (H. Rouvier, Géologie de l’Extrême-Nord tunisien : Tectonique et
Paléogéographies superposées à l’extrémité orientale de la chaîne nord-maghrébine. , 417 pages, 88
figures, une carte géologique au 1/100 000° de la Kroumirie, des Nefza et des Monts de la Moyenne
Medjerda (partie septentrionale), une carte structurale au 1/500 000° de l’Extrême Nord tunisien et
des Confins algéro-tunisiens septentrionaux, 3 planches de coupes au 1/100 000° de la frontière
algéro-tunisienne au Pays de Bizerte. En complément, une annexe analytique inédite (180 p. dont 42
planches structurales, un index toponymique, un index des faunes et microfaunes et 9 pl.
photographiques).

Tous ces documents sont consultables dans les bibliothèques suivantes : Service géologique de
Tunisie, Office National des Mines, 24 rue de l’Energie, La Charghia, Tunis ; Département de Géologie
de la Faculté des Sciences, Campus Universitaire, Tunis ; Département de Géologie de l’Ecole
Nationale d’Ingénieurs, route de la Soukra, Sfax ; Sciences de la Terre- Recherche, Université P. & M.
Curie, 4 place Jussieu, 75230 Paris ; Société Géologique de France, 77, rue Claude Bernard, 75005
Paris.

L’étude a été réalisée à partir des données lithologiques, stratigraphiques et structurales extraites du
lever des cartes au 1/50 000° de la partie tunisienne des feuilles de Tabarka, de La Calle et de
Fernana, du rebord nord de la plaine de la Moyenne Medjerda des feuilles de Ghardimaou et de Bou
Salem, plus au Nord, des feuilles de Zaouiet-Madien et de Nefza. La comparaison des résultats
obtenus sur ces cartes à ceux des travaux antérieurs consacrés aux zones orientales du Nord tunisien
ainsi qu’à la région de Souk Ahras en Algérie a permis de proposer une image d’ensemble de ce vaste
domaine et de présenter des interprétations qui valent des abords de la frontière algéro-tunisienne
au Pays de Bizerte.

Une des clés principales pour la compréhension de la structure de l’Extrême Nord Tunisien est de
constater que les différentes unités allochtones ont été plissées après leur mise en place avec
l’autochtone, ce que la cartographie confirme sans discussion possible. Une autre clé réside dans la
présence d’une couverture de Miocène marin littoral transgressif sur l’autochtone de la Moyenne
Medjerda, ce qui permet de mettre en évidence au front du dispositif des recouvrements
stratigraphiquement anormaux. Ce Miocène a été qualifié de « marin ante-nappes » puisque il a été
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recouvert par l’allochtone. Sa limite septentrionale, sensiblement E-W, est oblique sur le contact
frontal du « Numidien » de Tunisie du Nord, d’orientation NE-SW. Il ne faut donc pas s’étonner des
difficultés que l’on rencontre à mettre en évidence les recouvrements stratigraphiquement
anormaux dans les zones orientales en raison de son absence.

En revanche, sur l’ensemble de l’Extrême-Nord tunisien s’est accumulée une formation molassique
que l’on a qualifiée de « Miocène continental post-nappes ». Cette formation, plissée elle-même, est
discordante sur tous les terrains antérieurs. Un volcanisme y est associé dans les Nefza. Quel que
soit l’âge exact de ces deux formations, ante et post-nappes, âge dépendant des difficiles
corrélations que l’on peut faire entre des données issues de la micropaléontologie, de la
paléontologie et de la radiochronologie, force est de constater que le Miocène continental est
postérieur au Miocène marin et qu’au moins un épisode tectonique les sépare.

Deux transversales de la chaîne livrent à elles-seules les clés qui permettent de se convaincre de
l’existence de déplacements tangentiels importants et de prendre en compte les évènements
tectoniques ultérieurs. Il s’agit de la section qui va du massif triasique du Djebel Hairech à la
frontière algéro-tunisienne et de la section qui va d’Aïn el Bey, à proximité de Bou Salem, au domaine
septentrional des Nefza, au travers des plis des Amdouns et du barrage du Kasseb.

1) Les nappes de charriages.

11) Le « Numidien ».

En Kroumirie, le sommet de l’édifice structural est occupé par le flysch argilo-gréseux du


« Numidien », d’âge oligo-miocène. Ses affleurements, affectés de plis à grand rayon de courbure, y
occupent une vaste surface. Ce flysh ne laisse apparaître son substratum qu’à la faveur de vastes
bombements ou de cœurs anticlinaux. Dans ces espaces, des affleurements isolés sont souvent
présents ce qui tend à démontrer la continuité originelle de cette couverture avant érosion. Les
preuves de l’allochtonie du « Numidien » sont les suivantes : présence d’une troncature basale ;
lame tectonique de Trias salifère en semelle ; coexistence, souvent sur une même verticale, d’un
flysch et d’une série néritique de même âge

Le contact de base du « Numidien » est localement affecté par une troncature. Celle-ci est
particulièrement spectaculaire au Djebel Adissa, au Nord de la feuille de Fernana. Le « Numidien » y
repose par la tranche de ses couches sur du Sénonien et de l’Eocène à microbrèches de l’unité sous-
jacente. Cette troncature basale qui atteste de la nature mécanique du contact du « Numidien »
avec son substratum est fréquente le long de la frontière algéro-tunisienne. Dans d’autre cas, on ne
peut que supposer son existence. Par exemple, quand on compare la forte épaisseur, de l’ordre du
millier de mètres des argilites de base du « Numidien » sur la feuille de Zaouiet Madien, dans la série
dite du « Zouza », à son équivalent dans les zones occidentales, on ne peut qu’être frappé par sa
forte réduction d’épaisseur ou même sa quasi disparition. Si l’on ne peut exclure une variation
latérale dans les faciès au sein du bassin du « Numidien », la participation de la tectonique
tangentielle à cette réduction est très vraisemblable. Ailleurs, il y a une continuité apparente de la
sédimentation entre le « Numidien » et son substratum. Ce n’est que par place que le contact
anormal est souligné par la présence des lambeaux tectoniques de Crétacé, comme sur les rebords
de la fenêtre des Nefza.
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Localement, l’allochtonie du « Numidien » est prouvée par la présence de lames de Trias à sa base.
Ces semelles de matériaux d’origine salifère ne sont fréquentes qu’au SE de l’alignement diapirique
triasique perçant sa couverture à la faveur d’un accident majeur de Ghardimaou au Cap Serrat. Cet
accident injecté de Trias a la même orientation, NE-SW, que les autres axes diapiriques présents plus
au Sud dans le sillon tunisien. En Kroumirie, la dissymétrie du dispositif dans le sens transversal a été
interprétée comme le résultat du décoiffement de l’appareil triasique lors de la progression de
l’allochtone vers le Sud. Cette interprétation, déjà avancée en Algérie pour des structures
comparables, est confortée en Tunisie par la preuve du percement précoce du Trias. En effet, des
éléments de dolomie sont repris dans la sédimentation du Miocène marin sous-jacent aux unités
allochtones dans les zones méridionales, comme à l’Aïn Djanntoura sur la feuille de Fernana.
L’exemple le plus spectaculaire de la connexion d’un corps enraciné de Trias avec une semelle de
base de nappe est situé plus au Nord, au flanc SE de l’anticlinal d’Aïn Allega, dans la fenêtre des
Nefza. Là, le synclinal de « Numidien » du Djebel Kreroufa, de grande dimension, flotte sur une lame
de salifère en continuité au Nord avec le diapir du Djebel Dougas. Sur le flanc nord de l’anticlinal, si
le Trias est absent à la base du flysch, son contact avec le substratum est clairement anormal
puisque jalonné par des marno-calcaires du Sénonien reposant sur de l’Eocène supérieur de faciès
tellien. Ce lambeau appartient à une unité dite d’« Aïn Draham », (ou des « Atafta »), présente au
cœur de l’anticlinal du même nom. Ainsi, Il convient de noter un fait fondamental pour la
compréhension de la structure des régions situées sur l’arrière du contact frontal du « Numidien »:
Sur le rebord sud de la fenêtre des Nefza, la continuité apparente entre le « Numidien » et l’Eocène
supérieur tellien sous-jacent n’a aucune réalité.

La preuve la plus indiscutable du déplacement horizontal important du « Numidien » est sa présence


sur le rebord nord de la plaine de la moyenne Medjerda où l’on rencontre couramment un Eocène -
oligocène néritique d’épaisseur réduite, coiffé par le Miocène marin littoral. Ces terrains voisinent
ou même sont structuralement sous-jacents au flysch argilo-gréseux du « Numidien » daté dans la
formation argilo-siliceuses sommitale de « Babouch » du Miocène inférieur. Comment prétendre
dans ce cas que le « Numidien » puisse être transgressif sur son substratum quand deux domaines
paléogéographiques aussi différents occupent le même emplacement. Dans la même région, le
caractère anormal de son contact basal est confirmé, s’il en était encore besoin, par la présence de
semelles de Trias comme celle sur laquelle repose le massif de grande dimension du Djebel Bent
Ahmed au Nord du massif de l’Hairech ou celle des klippes présents au front du « Numidien » à l’Aïn
Djanntoura. Là, sur une même verticale, on rencontre le Miocène marin surmonté par des marnes
éocènes de faciès tellien qui, elles-mêmes, supportent une lame de Trias et le « Numidien ». Cet
empilement de terrains étant plissé, ce secteur peut être considéré schématiquement comme un
exemple résumé de l’histoire géologique de la Kroumirie.

Ainsi, que ce soit sur la frontière algéro-tunisienne, ou dans les zones septentrionales où le Miocène
marin est absent à l’affleurement, comme dans le cas du pourtour de la fenêtre des Nefza, ou bien
dans les zones plus méridionales où il est présent, il est clair que le contact de base du « Numidien »
est de nature mécanique. En prenant en compte les affleurements du seul domaine méridional où
ces deux formations coexistent sur une grande surface, il est possible d’estimer que la flèche de
déplacement du« Numidien » est de l’ordre de 50 kilomètres.
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La nappe « numidienne » repose « en discordance » sur les unités sous-jacentes, des plus élevées
structuralement au NW, sur la frontière algéro-tunisienne, aux plus basses au SW, sur le rebord nord
de la plaine quaternaire de la Moyenne Medjerda.

12) L’unité du « Col de l’Adissa ».

La présence le long de la frontière d’un Sénonien-Eocène « à microbrèches » reposant sur des


marnes de faciès tellien de l’Eocène supérieur pouvant atteindre localement l’Oligocène inférieur
est la preuve incontournable de l’existence de recouvrements stratigraphiquement anormaux de
grande ampleur en Tunisie. En effet, cette unité dite du « Col de l’Adissa » a une extension
horizontale extrêmement importante puisqu’elle s’étend sur une cinquantaine de kilomètres suivant
la direction des structures, d’Aïn Soltane au Nord de Ghardimaou, à la plage de Meloula à l’Ouest de
Tabarka. L’Eocène inférieur de cette unité présente une assise de marno-calcaires et calcaires à
patine blanche très semblable à celle du célèbre Eocène de Polizzi en Sicile centro-septentrionale.
Cette dernière formation appartient à une unité de flysch allochtone surmontée par du
« Numidien » local, lui-même charrié. Dans l’« Adissa » les marno-calcaires et calcaires portent de
très nombreuses intercalations de microbrèches dont les éléments sont de nature variées, le plus
souvent calcaires. Certains d’entre eux contiennent des Calpionelles du Jurassique supérieur. On y
trouve également des fragments de roches volcaniques acides. Des lentilles conglomératiques sont
également présentes dans cet Eocène.

Les faciès du Sénonien présentent, quant à eux, des affinités avec les flyschs allochtones du
« Massylien » d’Algérie. Il s’agit d’alternances rythmiques d’argilites et de calcarénites granoclassées,
présentant des figures de base de banc, notamment des empreintes de traces de courant. Au sein
de niveaux d’argilites, peuvent être présents des blocs exotiques de calcaire du Crétacé inférieur,
formation déjà signalée dans les Babors en Algérie. L’ensemble des terrains de cette unité sont très
dilacérés et la colonne stratigraphique proposée ne peut être recomposée qu’à partir
d’affleurements disjoints. Dans tous les cas, le plancher sur lequel reposent ces terrains est toujours
le même : les marnes éocènes à « boules jaunes de faciès tellien. Des reconnaissances en Algérie ont
permis de montrer une extension transversale très importante de cette même unité reposant sur le
même substratum, ce qui nous a permis de proposer une flèche de recouvrement visible d’une
trentaine de kilomètres.

13) L’unité d’ « Ed Diss ».

Les terrains sous-jacents à l’unité du « Col de l’Adissa »appartiennent à la grande famille des faciès
telliens d’Algérie, caractérisée par la présence d'une barre de calcaires noirs, riche en Globigérines,
de l’Eocène inférieur et de marnes à concrétions dolomitiques à patine jaunes du Paléocène. Ce
dernier faciès est présent également dans l’Eocène moyen et supérieur. Sur la feuille de Fernana, au
sommet de la succession, sont présentes des argilites à intercalations de glauconitites de l’Oligocène
inférieur. La série se complète vers le bas par deux barres calcaires surmontant une assise marneuse
qui sont des formations sénoniennes qualifiées classiquement en Tunisie « d’Abiod » et « d’Aleg ».
Sur la feuille de Fernana, le substratum de cette unité, dite d’« Ed Diss », n’est pas connu à
l’affleurement. L’ensemble de ces terrains sont cependant au contact du domaine où le Miocène
marin est transgressif directement sur un Sénonien d’épaisseur réduite, cela par l’intermédiaire
d’une faille. Ce voisinage implique nécessairement un rapprochement d’origine tectonique de ces
deux ensembles, l’un dans lequel l’Eocène a une épaisseur de plus de 1000 mètres, l’autre dans
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lequel il est absent. Compte tenu du contexte structural, « Ed Diss » étant surmonté par deux
nappes, celles du« Numidien » et celle du « Col de l’Adissa », on peut invoquer un déplacement
tangentiel pour expliquer le rapprochement. A titre d’hypothèse, on peut envisager l’existence d’un
décollement au niveau de la base des marnes de « l’Aleg ». Il n’est cependant pas à exclure que le
jeu senestre d’un accident décrochant appartenant au faisceau de failles associé à l’accident
Ghardimaou- Cap Serrat ait pu contribuer à rapprocher des domaines paléogéographiques aussi
différents. La présence dans les Nefza d’une série présentant dans l’Eocène des faciès similaires à
ceux d’« Ed Diss » et reposant tectoniquement sur de l’Eocène par l’intermédiaire de lambeaux
d’Albo-Cénomanien, terrains absents dans la région, tend cependant à mettre l’accent sur le rôle
majeur joué par la tectonique tangentielle dans la mise en place d’« Ed Diss ».

14) L’unité du « Kasseb ».

Sur le rebord nord de la plaine de la Moyenne Medjerda, le « Numidien » repose sur une série qui,
du Paléocène à l’Oligocène inférieur, présente des caractéristiques lithologiques semblables à celles
de l’unité d’ « Ed Diss ». Bien représentée sur le site du barrage de l’Oued Kasseb, elle a été nommée
unité du « Kasseb ». Elle diffère d’ « Ed Diss » par son épaisseur plus réduite, une variation de
puissance de sa barre calcaire qui peut même localement disparaître et, surtout, par l’absence de
termes crétacés à sa base. Cette unité repose sur le Miocène marin, avec localement des lambeaux
de marno-calcaires crétacé, eux-mêmes recouvert par ce même Miocène. Ces terrains
vraisemblablement arrachés au substratum ont été rangés dans l’unité de « Djanntoura ». Plus au
Sud, le contact frontal de l’unité du « Kasseb » se situe sur l’arrière de la zone des écailles éocène du
Béjaoua. Quel que soit pour cette zone le mécanisme envisagé pour expliquer la genèse de la
répétition des barres de calcaires à Nummulites, surmontées par du Miocène marin et reposant sur
les marnes du Paléocène présentant les faciès du sillon tunisien, le dispositif implique
nécessairement un fort rétrécissement de la couverture sédimentaire. Ce fait est compatible avec le
déplacement horizontal du « Kasseb » vers le Sud.

Les preuves de l’allochtonie du « Kasseb » sont indiscutables grâce aux affleurements que nous
offrent les Feuilles de Bou Salem et de Zaouiet Madien. En effet, d’Aïn el Bey au Sud au Djebel Bou
Goutrane au Nord, on peut suivre quasi en continu le contact anormal de l’Eocène sur le Miocène. Ce
contact anormal dessine les plis du substratum crétacé, notamment le périclinal oriental de
l’anticlinal de la mine du Djebel Hallouf- Sidi Bou Aouane. On peut ainsi se convaincre qu’il existe
bien une seule entité structurale éocène plissée avec son substratum et non des affleurements
isolés chevauchant pour leur propre compte le Miocène. La preuve que ce Miocène est bien le
plancher du « Kasseb » réside dans le fait qu’il ressort au NE de l’anticlinal faisant suite au synclinal
dans lequel est installée la retenue d’eau du barrage. Là, l’Eocène recouvrant le Miocène dessine
parfaitement le périclinal de l’anticlinal nord des Amdouns. Cette structure impliquant autochtone et
allochtone n’est pas la seule à démontrer que les plissements sont postérieurs à la tectonique
tangentielle dans l’Extrême –Nord Tunisien. Un des exemples les plus spectaculaires est celui de
l’anticlinal du Djebel Rebia, situé au NE de l’Hairech, à proximité des célèbres ruines romaines de
Bulla Regia. Dans cette structure, la voute éocène du « Kasseb » enveloppe le Miocène marin
reposant sur du Sénonien. Ce recouvrement est particulièrement bien observable dans la
terminaison périclinale orientale de l’anticlinal. Autochtone et allochtone plissés ensembles sont
également présents en Algérie sur la feuille de Souk Ahras, à proximité de la frontière.
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Les affleurements de l’unité du « Kasseb » présentant systématiquement la séquence répétitive,


calcaires à Globigérines et(ou) marnes à « boules jaunes de l’Eocène sur Miocène marin, cela sur
l’ensemble de la région, permet d’estimer à une vingtaine de kilomètres la flèche de recouvrement
de cette unité. Le «Kasseb » peut être ainsi considéré comme la nappe la plus méridionale de la
chaîne.

Sur son arrière, dans la fenêtre des Nefza, où le Miocène marin est absent, on ne peut que supposer
que l’Eocène du « Kasseb » est décollé sur son propre substratum. Quant à la relation structurale
actuelle avec « Ed Diss », il faut admettre qu’elle reste encore sujette à discussion, même s’il est
certain que ces deux ensembles sont superposés indiscutablement dans les Nefza.

Une hypothèse, non encore envisagée en 1977, pourrait être qu’ « Ed Diss » et « Kasseb »
constituaient au moment de leur déplacement initial qu’un seul et même ensemble. Une fois le
déplacement amorcé, « Ed Diss »décollé au niveau des marnes du Sénonien de l’ «Aleg » aurait
formé le palier basal connecté au « Kasseb » par une rampe. Le « Kasseb » décollé au niveau du
Paléocène se serait mis en place sur un palier de mur formé par le Miocène néritique. Les
déformations tectoniques ultérieures pourraient n’avoir conservé que des éléments de ce dispositif.
La rampe permettant le raccord du décollement de « l’Aleg »d’ « Ed Diss » à celui du Paléocène du
« Kasseb » pourrait être tout ou partie de l’accident de Ghardimaou au Cap Serrat, mais cela resterait
encore à démontrer. Les jeux successifs de cet accident, notamment celui en sens inverse du
déplacement des nappes, risquent de rendre difficile une telle démonstration.

2) Reconstitution de l’histoire géologique de l’Extrême-Nord tunisien.

La région considérée dans ce travail ne fait donc plus exception dans la chaîne alpine nord-
maghrébine. Il s’agit bien d’un pays qui a été intéressé par la mise en place de nappes de charriage
pelliculaires dont la dernière immobilisation remonte au Miocène.

Ces nappes se sont déplacées en oblique sur les grandes directions paléogéographiques de
l’autochtone faiblement inclinées sur l’E-W. L’absence de Miocène marin sur la bordure de Mogods
prive de la possibilité de mettre en évidence, comme dans la Moyenne Medjerda, des recouvrements
stratigraphiquement anormaux. Compte tenu des preuves indiscutables de déplacements
horizontaux dans les zones occidentales, on conçoit mal qu’ils puissent être absents dans les zones
orientales et cela jusqu’à Bizerte.

21) l’organisation des domaines de sédimentation.

L’organisation des domaines de sédimentation met en jeu des entités bien marquées à certaines
époques, estompées à d’autres, du Sud au Nord :

+ Le sillon tunisien, siège au Crétacé et à l’Eocène d’une sédimentation argileuse, argilo-calcaire et


calcaire particulièrement épaisse au niveau des Monts du Mellègue.

+ Une zone haute, la ride de l’Hairech, qui se traduit par des réductions d’épaisseur et des lacunes au
sein de la sédimentation argilo- calcaires et calcaire du Sénonien et du début de l’Eocène, sur
l’emplacement de la Moyenne Medjerda. La série se termine par le dépôt d’un Miocène marin
littoral.
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+ La marge méridionale du sillon tellien, situé sur l’emplacement des Nefza et des Hédils, bien
caractérisé à l’Eocène par ses formations argileuses à « boules jaunes « et ses calcaires à silex. Ce
sillon émerge à l’Oligocène inférieur.

+ Le sillon tellien dont les formations composent l’unité du « Kasseb » et, plus au Nord, celle d’ « Ed
Diss », puis celles de l’unité d’ « Aïn Draham » ou (des Atafta) pro parte.

+ Une aire de dépôt « massylienne ou pré-massylienne », qui n’est peut-être que la marge
septentrionale du sillon tellien sur laquelle se sont sédimentées au Sénonien et à l’Eocène les
formations argileuses, argilo-calcaires et calcaires présentant des caractères sédimentologiques des
flyschs qui forment l’unité du «Col de l’Adissa ».

+ Le sillon du « Numidien » de l’Oligocène supérieur au Miocène inférieur dont la sédimentation a pu


faire suite verticalement à celle de l’unité du « Col de l’Adissa », alors que le sillon tellien était
émergé au Sud à cette époque. L’Oligo-Miocène gréso-micacé présent dans l’ile de la Galite devait
alors être situé au rebord nord du sillon du « Numidien ». A noter que rien ne s’oppose en Tunisie à
ce que le « Numidien » se soit sédimenté en position externe par rapport au prolongement virtuel de
la « Dorsale Kabyle » d’Algérie.

22) Les épisodes tectoniques à l’origine de la structure de la Chaîne.

Le caractère non transgressif du « Numidien » étant démontré, il est clair qu’il convient
d’abandonner l’idée que la tectonique pyrénéenne ait pu jouer un rôle majeur dans l’édification de la
structure de l’Extrême-Nord tunisien. Peut-être, pourrait-on imputer à ces déformations la surrection
du sillon tellien au début de l’Oligocène ou des basculements synsédimentaires de blocs, comme au
niveau de la ride de l’Hairech, mais certainement pas les structures plissées majeures.

Si certaines unités (Adissa, Aïn Draham (Atafta) ou Ed Diss) ont pu amorcer leur déplacement dès
l’Oligocène, mais cela est loin d’être prouvé, c’est au tout début du Miocène supérieur qu’est
intervenue la phase tangentielle majeure auquel on doit la mise en place définitive des nappes de
charriage dans l’Extrême-Nord tunisien. Ces nappes se sont mises en place sur une surface
relativement plane où seuls quelques affleurements de substratum, triasique ou crétacés, devaient
rester en relief avant d’être décoiffés par l’allochtone. Au Miocène supérieur, un régime de
contrainte a donné naissance à des plis isopaques orientés NE-SW. Les produits du démantèlement
des reliefs ainsi créés se sont accumulés dans deux aires déprimées pour former les bassins
molassiques du Mellègue et de Fernana au Sud-Ouest et ceux du Kechabta et de l’Oued Douimis au
Nord-Est. Sur l’emplacement de la chaîne les points bas ont également été comblés par le Miocène
supérieur continental.

A la fin du Miocène et (ou) au début du Pliocène on assiste à une réactivation de la compression qui
fait rejouer les structures antérieures en provoquant des déversements ou même des
chevauchements. C’est à cette phase qu’il faut peut-être attribuer le déversement vers le NW de
l’anticlinal d’Aïn Draham sur le synclinal de Babouch, structure autrefois considérée comme un
anticlinal à cœur d’Eocène, ou le chevauchement du Trias du Djebel el Rhedir sur le Miocène
supérieur post-nappes de la Feuille de Fernana.

Un épisode de détente au Pliocène a provoqué un effondrement des bassins molassiques nord-


orientaux accompagné d’un retour de la mer.
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Au Quaternaire ancien, une reprise du régime de contrainte, orientée N-S, a donné des plis
néoformés orientés E-W. Elle a ainsi eu tendance à infléchir les axes des structures antérieures.
Lorsque ces plis n’ont pu rejouer librement, cette phase a été génératrice de chevauchements vers le
Nord, siège de la Méditerranée pliocène. Les structures chevauchantes antérieures, comme celle de
l’anticlinal d’Aïn Draham, ont dû rejouer à cette époque. Enfin, la phase de compression du
Quaternaire ancien a réactivé en décrochements senestres les accidents orientés NE-SW, tendant
ainsi d’Ouest en Est à décaler les lignes structurales et paléogéographiques vers le Nord. Peut-être
faut-il voir dans la composante horizontale du jeu de ces failles une des causes à l’origine du
rapprochement dans l’espace des affleurements d’ « Ed Diss » et de ceux de Miocène marin sur la
feuille de Fernana. L’épisode de détente qui a succédé à cette dernière compression a structuré
l’édifice nord-tunisien en compartiments polygonaux surélevés, comme le massif triasique de
l’Hairech, ou effondrés, comme la plaine quaternaire de la Moyenne Medjerda.

3) Conclusion.

La reconstitution de l’histoire géologique de l’Extrême-Nord tunisien a permis de montrer que


l’orographie actuelle de la chaîne nord-tunisienne résulte, après la mise en place des nappes, des
jeux successif de trois couples « compression-détente » qui se sont succédés dans un laps de temps
limité, soit approximativement en 10 millions d’années.

Ainsi, la courbure des structures, d’E-W en Algérie à NE-SW en Tunisie, a peu de chance d’avoir été
préfigurée pendant la sédimentation. Elle a plutôt résulté d’évènements tectoniques indépendants
qui ont induit des paléogéographies superposées en réutilisant les traits structuraux des étapes
antérieures. L’évènement structural majeur reste cependant la tectonique tangentielle à l’origine
des nappes de charriage dont on retrouve désormais les témoins en bordure de la Méditerranée,
du Maroc à la Sicile en passant par la Tunisie.

Henri Rouvier, Palaja, 11570, le 03/09/2015.

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