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Monchicourt
La région de Tunis
In: Annales de Géographie. 1904, t. 13, n°68. pp. 145-170.
Monchicourt Ch. La région de Tunis. In: Annales de Géographie. 1904, t. 13, n°68. pp. 145-170.
doi : 10.3406/geo.1904.6613
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1904_num_13_68_6613
145
LA GION DE TUNIS
RELIEF DU SOL
La région circonscrite de la sorte est dans son ensemble la plus
basse peut-être de tout le Tell Au et au elle renferme les plaines
terminales des deux plus importantes rivières telliennes la Medjerda
et Miliane Au centre où des collines apparaissent elle est moins
plate mais la plus remarquable de ces dernières le Dj Ahmar situé
au NW de Tunis atteint que 23 La structure rien de parti
culièrement original Entre les deux plaines alluviales qui viennent
être citées on rencontre de petits dômes plus ou moins simples
séparés par des cuvettes synclinales Les terrains crétacés qui
constituent le noyau de ces dômes affleurent vers le sommet tandis
que sur les flancs appuient des formations tertiaires Les cuvettes
sont remplies de dépôts quaternaires Quelle que soit la nature de
leur sol dômes et cuvettes sont souvent empâtés une carapace de
calcaire travertineux
Les plaines de Miliane et de la Medjerda sont assez vastes est
ainsi que celle où achève le cours du second de ces fleuves est
évaluée 73000 ha. superficie qui est une exception dans le Tell et
fait plutôt songer aux grandes surfaces planes un seul tenant si
fréquentes au sein de la Steppe Mais le restant de la région se com
pose de cases de dimensions médiocres et rappellerait de près cer
tains districts de la Tunisie centrale si son élévation était beaucoup
moindre
LA GION DE ITOIS
Ш GÉOGRAPHIE REGIONALE.
A l'examen, ces compartiments peu étendus, et qui semblent un
bloc confus, se classent aisément. Un premier groupe de hauteurs se
dresse aux abords de la capitale. Des bombements sénoniens, plus ou
moins démantelés, dont l'ensemble peut recevoir le nom de dôme de
Bir Kassa, ont donné naissance, au S de Tunis, à des mamelons
(106 m.) qui s'arrondissent entre Г El Bahira1 et la Sebkha Sedjoumi.
Les grès miocènes de Mégrine et de Rhaclès (56 m.) marquent la chute
dece dôme sur la vallée de ГО. Miliane-. Au '.N, les monticules pré
cités se poursuivent au delà de la ville par les collines du Dj. Naheli
(236 m.) qui accompagnent, à courte distance à ГЕ, le Dj. Ahmar 3.
Le groupe des collines de Tunis est entouré de dépressions à ГЕ
(El Bahira, plaine de L'Ariana-Soukra, Sebkha hou Rouan) et à l'W
(Sebkha Sedjoumi, plaine de La Manouba). Les cuvettes de ГЕ arrivent
jusqu'à la mer, sauf à Carthage où s'érige un témoin de grès miocènes
(•159 m.), dont les rapports exacts avec les bulles de Mégrine et de
Rhadès ou même avec le Dj.Kourbeus sont encore à fixer. Les dépres
sionsde l'W sont dominées du côté de l'intérieur par des collines de
conglomérats et de poudingues pliocenes (Dj.Aïn Khima (196 m.) ou
de marnes et de calcaires appartenant au Sénonien (Okbet el Ousil'
206 m.). Ce Crétacé supérieur représente la descente vers le lac Sed
joumi4 d'un dôme fortement démantelé, dont le noyau subsiste dans
le piton du Merqueb (131 m.). A l'occident de cette rangée d'ondula
tions la plaine recommence, successivement élargie ou resserrée entre
la série de collines dont il vient d'être question et les pentes extrêmes
des Djebels Maharine, Mengoub et Barrou. Cette nouvelle dépression
est sillonnée par ГО. Chafrou qui se jette dans la Medjerda près de
Djedeïda, tandis qu'en amont il pousse certains ravins presque jusqu'à
ГО. Miliane.
Dans son parcours inférieur, ГО. Miliane coule dans un synclinal
1. El Bahira, c'e.sl-à-dire la petite mer. Les Arabes désignent ainsi la lagune
de Tunis.
2. Notre connaissance de la géologie de cette région est peu avancée. L'on ne
dispose encore aujourd'hui que de la partie correspondante de la Carte géologique
provisoire de la Régence de Tunis établie par F. Аспект en 1892 et qui est à une
échelle trop réduite (1 : 800 000) pour servir de base à une étude détaillée. Le texte
qui l'accompagne (Explication de la carte géologique provisoire de la Tunis'n\
Paris, ,s\ d.) n'est pas sans fournir d'utiles renseignements, mais ne présente
aucune description orotectonique d'ensemble.
3. Les marnes bariolées gypsifères du Dj. Ahmar, attribuées par Aubert ли
Crétacé moyen sont, en réalité, triasiques. Cette constatation n'est pas sans
intérêt pour la géographie générale de la Régence. Il faut, en eifet, ranger égal
ement dans le Trias toute une série de reliefs qui jalonnent le cours de laMedjerd.i
depuis ГО. Tessa (Hammam Biadha, les collines qui vont du Dj. Goráa à Pont-
de-Trajan, le Dj. Zebs entre Testour et Slouguïa, le Dj. Lansarine au NW de
Tébourba). La vallée de la Medjerda, comme celle du Mellègue,a donc profité d'un
système de cassures, car tout ce Trias est en relation avec des failles.
4. Voir dans Albert, Explication..., la coupe montrant l'inclinaison régulière
des terrains depuis le Merqueb jusqu'au Sedjoumi.
LA GION DE TUNIS 449
II CLIMAT
Tous les chiffres relatifs au climat sont tirés des publications du Service
Météorologique Tunisien Les observations ont lieu Tunis 43 altitude
Dans la ville basse les températures sont un peu supérieures
Le 20 janvier 1891 Ce même jour on observa Mactar ait 924 m.)
La Goulette on eut de la neige le 19 et le 20 Crétéville les 918 19 et 20
après FEKiimr cité par ELIS RECLUS Afrique septentrionale 179) la
neige aurait duré un jour entier en février IS
La pluie froide du 30 janvier était mêlée de grêle et de neige et le 31 de gros
flocons tourbillonnant dans air couvrirent un instant la ville un véritable
manteau blanc Dépêche Tunisienne no du 31 janv et du fév 1895.
Maximum extrême observé
Toutefois en 1892 la moyenne des maxima octobre ne fut que de 20
LA REGION DE TUNIS 153
moment noter cette Opposition dont nous avons signalé un des élé
ments la puissance attraction de la mer Nous allons discerner les
autres en examinant comment les habitants ont tiré parti du sol de la
contrée
IV UTILISATION DE EAU ET CULTURES
Les localités non desservies par les canalisations et qui ne possèdent pas de
nappe eau potable Ariana Carthage haute sont entravées dans leur essor
Signalons que sous les Hafsides un aqueduc fut construit pour mener la
Kasba de Tunis les eaux de Aïn Mettouïa Dj Ahmar Cet ouvrage quoique
inutilisé depuis longtemps subsiste encore en grande partie est lui on appelle
improprement aqueduc espagnol du Bardo
Dans aucun nom endroit habité ne ligure le mot aïn source) tandis on
rencontre ceux de bir puits et de sebbalu fontaine en pierre ou en ma onnerie)
Des coupes abusives très anciennes pratiquées dans le but approvisionner
LA GION DE TUNIS 161
nous étudions 956 000 oliviers est moins on ne croyait mais ce
chiffre est déjà respectable si on réfléchit que Satfoura et Djaziramis
part les autres districts du Tell ne comptent eux tous que
250 000 oliviers distribués par bouquets sur une immense surface
Une pareille augmentation des oliviers aux abords de la côte est le
résultat direct de la sécheresse plus grande du climat est Tébourba
que le voyageur venu de intérieur se heurte la première olivette
importante en même temps il arrive au seuil de la zone inonda
tion de la Medjerda une plantation de 200 000 de ces arbres appuyée
sur les 12 000 oliviers de Djedeïda lui annonce il entre dans une
contrée nouvelle où il va avoir comme un avant-goût du Sahel Un
second groupe oliviers se masse autour de Tunis 330 000 arbres
peuplent les pentes inférieures du flanc Ouest du Dj Ahmar et les
coteaux de Ras Tabia et descendent Occident La Manouba
et Orient sur la plaine de Ariana flanqués de ce côté par les
14 000 oliviers de La Soukra Cette vaste olivette est reliée en quelque
sorte au Satfoura par les 38 000 arbres de La Sebbala et de Sidi
Amor et par les 700 de Galaat el Andless La Mohammedia et
Khalidia deux petits groupes isolés montrent chacun 000 oliviers
De Khalidia en suivant Miliane on débouche dans le Mornag qui
abrite la troisième grande olivette de la région de Tunis 250 000 arbres)
et ce groupe déjà si important par lui-même est prolongé vers le
Nord par les 55 000 oliviers qui escaladent la colline de Rhadès ou bien
insinuent entre les collines du dôme de Bir Kassa
hui comme au temps de Léon Africain2 ces plantations
fournissent Tunis huile le bois brûler et le charbon Mais oli
vier pas dans cette région le rôle prépondérant il joue dans le
Sahel de Sfax ni même la place considérable qui lui revient dans le
Sahel de Sousse ces deux terres classiques de olivier est ici la
pluie plus abondante pousse moins négliger les céréales surtout si
des labours de printemps facilitent infiltration des eaux dans le sol
Beaucoup indigènes ne paraissent guère apprécier dans une olivette
POPULATIONS
1. Grande propriété.
2. Colons partiaires qui ne reçoivent, comme ie nom l'indique, que le cinquième
de la récolte.
3. Méditai vient de chtat qui signifie « hiver ». Ce sont les groupements de
gourbis où l'on vit pendant la période des pluies.
Tunisois ( Ville
Musulmans.
de Tunis. . . 52 000
de naissance. ( Juifs 38000
Tunisiens musul
mans 15000
Immiirrés ! Algérieng
immures. Tunisiens Juifs--
щ ш § 10000
!25°
[l Marocains
Tripolitains.. . . 21250
500
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LA GION DE TUNIS
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TRIBU OU GION kJ f-1
ORI&INK -i <j 5-
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ce groupe alors que les deux autres tiers sont des Trabelsïa Tripoli-
tains est-à-dire des Sahariens Ces Tripolitains répandus partout
et prépondérants en maint canton notamment au Mornag sont eux
seuls plus du quart de la population tout entière Quant aux Marocains
il parmi eux beaucoup de gens du Sud de empire chérif en Après
les Tripolitains les Zlass sont élément le plus notable 330 familles
dont 200 massées dans le cheikhat de la Mornaguia Il convient de
remarquer pour terminer cette revue absence quasi complète
indigènes de la Steppe sud-occidentale et du Djérid
En somme Tunis principal centre entre Alger et le Caire et les
LA GION DE TUNIS 167
Un certain nombre de ces Fezzanais sont en réalité des Soudanais Voir sur
les Soudanais de Tunis et des environs quelques détails dans EL HACHA CHI
Voyage au pays des Senoussia traduci SERKE et LASRAM Paris 1903) 227-230
EL BEKR Description de Afrique Septentrionale traduci de SLANE Paris
1859) 112
168 OGRAPHIE REGIONALE
tours est pas moindre sur les Européens que sur les indigènes Les
immigrants outre-mer fixent pour la plupart si bien que la
région de Tunis renferme plus de la moitié des Européens de la
Régence 68000 sur iii 000 1901 Le tableau suivant montre mieux
que de longues explications importance numérique et économique
réciproque des divers éléments de la population européenne Pour
faciliter la comparaison nous avons ajouté quelques données rela
tives la population indigène
mportance économique
Valeur Nombre Importance
du capital hectares
immobilier possédés Reste
Tunis dans toute de la région Tunisie
enfr.2 la région3 Tunis de Tunis Total entière
34859000 111500 9617 550 12160t 24200
16759000 16500 35000 10000 45000 716006
Fran
Enn divers.
Maltais
Italiens
ais 7944000 8000 500 8500 120006
5225 32006
2187000 2000 2000
61749000 133225 55000 13000 68000 111000
Musulmans 41567000 50000 80750 26000
il Israélites 16245000 39250
Depuis quelque temps Bizerte est devenu cet égard un centré de forte
attraction
Voir La valeur des immeubles Tunis sa répartition le capital immobilier
1903 Journal Officiel Tunisien 1903 439-440)
valuations de la Direction de Agriculture et du Commerce
Dénombrement de la population fran aise en Tunisie au -/5 décembre 1901 Bull
Direction Agrie et Comm. avril 1902)
autorité fran aise établi aucun dénombrement de la population étran
gère par localité ou région après CARLETTI ancien vice-consul Italie Tunis
les Italiens auraient été en 1900 peu près 45000 dans la région de Tunis La
Tun sia emigrazione italiana dans Bollettino dell Emigrazione 2Rome 1903
et 9.
Rapport au Président de la République sur la situation de la Tunisie en
4901 Paris 1902) Ces chiffres doivent être accrus un dixième pour tenir
compte des enfants nés postérieurement établissement de la fiche adminis
trative des parents et qui ne sont en général objet aucune nouvelle déclara
tion Dans ces derniers temps les Maltais diminuent annuellement de quelques
dizaines et devant la concurrence sicilienne tendent revenir leur chiffre de
1891 11700 liest donc erroné évaluer leur nombre actuel 20000 comme le
fait PENSA Avenir de la Tunisie Paris 1903 32 et 33)
Et non 10 000 comme écrit CAHLETTI rapport cité note
LA GION DE TUNIS 169
porter isolement comme dans le Tell Supérieur paraîtrait devoir
être un creuset de fusion et assimilation au premier chef Il en est
pourtant rien
Musulmans et Juifs Siciliens et Fran ais se sentent différents par
la religion la nationalité et la langue par la fa on de penser et de
vivre et si les nécessités pratiques de existence les ont contraints
des accommodements ils gardent cependant leur individualité jusque
dans habitat Il juxtaposition bien plutôt que mélange Tunis
non seulement il côte côte une ville indigène et une ville euro
péenne mais encore tout un quartier de la première la harat1 ne ren
ferme que des Juifs et la seconde comprend vers le port une agglo
mération laquelle usage appliqué le nom significatif de petile
Sicile2 Depuis quelque temps Juifs et Siciliens étroit dans leurs
quartiers respectifs envahissent les uns la cité fran aise mesure
ils prennent une teinte de civilisation les autres la cité arabe Néan
moins même dans cet exode chacun de ces groupes conserve sa ten
dance isoler Certaines rues du Tunis moderne sont devenues des
rats nouvelles la portion de ancien Tunis sise près de la place de
la Bourse est une deuxième petite Sicile Hors de la capitale il en est
de même Carthage episcopale et fran aise élève entreSidibouSaïd
musulmane et La Goulette italienne et juive laquelle fait place au
delà du canal Maxula centre fran ais situé au pied du village arabe
de Rhadès En été les musulmans de la capitale vont aux bains de mer
Sidi bou Saïd et La Marsa les Italiens et les Juifs La Goulette dont
la population est doublée pendant cette saison les Fran ais se rendent
Maxula et Hammam Lif Entre le Dj Naheli et la mer Ariana est
plutôt indigène La Soukra plutôt européenne Sur la route de Tunis au
Kef entre Bordj el Amri sicilien et Sidi Ali el Hattab musulman les
familles de Saint-Cyprien sont fran aises La vigne fournit des indica
tions précieuses en ce qui concerne la répartition des éléments euro
péens hors de Tunis et au NE ainsi que vers La Manouba
vignobles fran ais et vignobles italiens se contre-balancent Au con
traire dans la plaine de la Medjerda et vers le Bir Kassa Nassen
Rhadès Mornag Rhedir Soltane) presque toute la vigne est entre des
mains fran aises respectivement 982 ha contre 280 et 910 contre 166
Mais sur la route du Kef Sedjoumi Uj Merqueb plaine de Sidi Ali el
Hattab) 299 ha de vigne appartiennent des Siciliens 563 seulement
nos compatriotes
Quant aux éléments musulmans des campagnes on peut étonner
CH MONCHICOURT
Sous-chef du Bureau du Contrôle Civil
la Résidence Générale de France Tunis