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La situation des colonies dans le monde en 1936, trois ans avant la grande déflagration
mondiale.
La Seconde Guerre mondiale entraîna une énorme perte de prestige pour les puissances
coloniales : L'image de leur invincibilité y fut très atteinte, en raison des victoires allemandes
puis japonaises.
En outre, pendant la guerre, Britanniques et Français ont eu besoin des colonies et ont
multiplié les promesses d'émancipation, à commencer par celle de l'Empire des Indes.
Les Églises qui avaient joué un rôle important dans l'œuvre de colonisation, tant par l'envoi de
ses missionnaires, que par le déclenchement d'expéditions militaires pour les protéger
lorsqu'ils étaient persécutés, ont commencé à renoncer à leurs positions colonialistes, pour
prendre la défense des indigènes. Cela était déjà arrivé sporadiquement aux siècles
précédents, notamment par les interventions de Las Casas ou des Jésuites du Paraguay. Mais
après la Seconde Guerre mondiale, cette orientation a tendu à se généraliser, en même temps
que des prélats indigènes ont progressivement accédé aux fonctions de haut rang auparavant
monopolisées par les Européens. Les intellectuels, étaient encore en majorité favorables à la
colonisation, avant la guerre de 1939-45. L'œuvre coloniale de la France apportant la
civilisation aux peuples déshérités était l'un des thèmes incontournables des discours sur la
colonisation. Mais à la suite du choc produit par l'effondrement de la France et du Royaume-
Uni en 1940, le point de vue des indigènes a été moins méconnu par les intellectuels. Ceux-ci
se sont dès lors montrés de plus en plus réservés ou carrément hostiles, parallèlement au
développement des idéologies socialistes dans les métropoles, surtout après la Seconde guerre
mondiale.
L'accession à l'indépendance de toute une série de nouveaux pays encouragea les mouvements
politiques anti-colonialistes dans tous les pays d'outremer non encore indépendants: En 1946,
Philippines, en 1947, Union indienne et Pakistan, en 1948, Birmanie et Ceylan, etc. C'est
particulièrement l'accession à l'indépendance de l'Empire des Indes, promise en pleine guerre
par le Royaume-Uni, qui a impressionné les opinions des pays encore colonisés ou
colonisateurs. L'Inde britannique, connue par les romans de Rudyard Kipling et par de
nombreux films, ainsi que par sa surface imposante sur les cartes des manuels scolaires, était
imaginée comme un pilier de la colonisation. Si le Royaume-Uni victorieuse qui dominait les
mers l'abandonnait, comment imaginer que les colonies des autres pays pourraient être
conservées ? La division de cet Empire en deux États séparés, l'Union indienne, dont la
population était en majorité de religion brahmaniste, et le Pakistan peuplé principalement de
musulmans, qui avaient accédé séparément à l'indépendance démontrait que la décolonisation
n'avait pas que des avantages : Elle s'était en effet traduite par de terribles massacres des
exodes massifs, et avait laissé subsister de terribles tensions, et de nombreux problèmes non
résolus. Mais les massacres semblaient éloignés et seul subsistait l'image colossale des
nouveaux États indépendants. Les mouvements coloniaux militaient, les uns pour
l'indépendance, PPA de Messali en Algérie, Viet Minh et Daï-Viet en Indochine, les autres
pour l'autonomie, UDMA de Ferhat Abbas en Algérie, RDA d'Félix Houphouët-Boigny en
Afrique noire française, etc., etc. C'est souvent, en accédant à la conscience politique et en
retournant contre les pays colonisateurs leurs propres valeurs, que ces mouvements, allaient
développer de la sympathie pour leur action dans les opinions métropolitaines.
En France, Raymond Cartier (voir Cartiérisme), journaliste à Paris-Match, à la fin des années
1950, estimait que les colonies coûtaient trop cher, et qu'il valait mieux financer « la Corrèze
avant le Zambèze ». Il écrira :
« Le colonialisme a toujours été une charge en même temps qu'un profit, souvent une
charge plus qu'un profit. Dans les conditions et sous les servitudes politiques
actuelles, c'est plus vrai que jamais » (Paris-Match, 18 août 1956)
La thèse du « pillage » colonial est contestée, et il est notable que le développement récent du
capitalisme a exigé au contraire un abandon des colonies, un divorce à l’amiable entre les
deux parties. Si un des divorcés en a largement profité, la métropole, le cas du second est plus
nuancé.
• Les reflexions de Jacques Soustelle ne furent pas prises en compte par le général De
Gaulle qui, lui, pensait qu'il ne s'agit que d'une utopie universaliste. De Gaulle voulait
la décolonisation en raison de l'impossibilité pour la France, selon lui, de pouvoir
assimiler les populations des colonies. Dans ses confidences à Alain Peyrefitte, il fut
très clair à ce sujet:
• Une des raisons qui ont conduit à la décolonisation était le refus des autorités des
métropoles à intégrer l'ensemble des populations colonisées lorsque la question s'était
posée.
L'Allemagne, bien qu'ayant perdu toutes ses colonies après la Première Guerre mondiale fut
un acteur influent dans le processus de décolonisation. En participant à la surenchère
internationale que ces pays durent subir pendant la Seconde Guerre mondiale. Le régime nazi
tenta grâce à la radio de saper le moral et de créer des révoltes dans les colonies. Elle tenta de
se rapprocher des pays dominés par les alliés afin d'en obtenir des matières premières, et se
présenta de cette manière comme une amie des colonisés. En réalité Hitler dans Mein Kampf
avait clairement exprimé son mépris pour les colonisés arabes et indiens. Néanmoins la
propagande nazie participa au processus de décolonisation, car en proposant plus que les
métropoles, l'Allemagne encouragea les revendications à l'encontre des colonisateurs. Le
Japon fit de même dans le sud-est asiatique en soutenant les autonomistes locaux. Mais ces
derniers, après avoir accueilli favorablement les Nippons constatèrent rapidement le mépris
dans lequel ceux-ci tenaient les autres asiatiques. Néanmoins par la constitution de
gouvernements fantoches contre les Hollandais (aux Indes néerlandaises), contre les États-
Unis (aux Philippines), contre le Royaume-Uni (en Malaisie et Birmanie) et contre la France
(au Viêt-Nam, au Cambodge, et au Laos), ils démontrèrent aux indigènes que les occidentaux
avaient cessé d'être invincibles.
Avec la conférence de Bakou, en 1920 déjà, les Soviétiques s'intéressèrent activement aux
problèmes de la décolonisation : ils assimilaient les colonisés au prolétariat, ceux-ci étaient
donc à libérer. Leur propagande portait, parce qu'ils apparaissaient comme sincères : après
tout, ils avaient eux-mêmes donné l'exemple en effectuant apparament leur propre
décolonisation par la voie de l'autonomie interne, alors que d'autres pays colonisateurs comme
la France en étaient bien loin. Leur appui à la décolonisation ne fut cependant pas illimité
après la mort de Lénine. En effet, deux thèses s'opposèrent alors, celle de Staline, pour une
consolidation de l'État soviétique, et celle de Trotsky pour une priorité à l'internationalisme.
C'est Staline qui l'avait emporté, et avait dès lors concentré ses efforts sur l'Europe.
Ce fut surtout après la mort de Staline (5 mars 1953) que l'URSS commença à soutenir les
indépendances, avec la guerre froide. L'URSS s'opposa alors dans les pays du tiers monde à
l'action des Américains. Il y eut une surenchère incessante entre ces deux pays pour obtenir le
plus large contrôle, et la plus grande influence possible dans ces pays.